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« Quel est le cadre juridique le plus favorable pour constituer une joint venture en Belgique ? » Benjamin JAN Travail de fin d’études Master en droit à finalité spécialisée en Droit des affaires Année académique 2016-2017 Recherche menée sous la direction de : Monsieur Nicolas THIRION Professeur ordinaire à l’Université de Liège

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« Quel est le cadre juridique le plus favorable pour constituer une joint venture en Belgique ? »

Benjamin JAN

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en Droit des affaires

Année académique 2016-2017

Recherche menée sous la direction de :

Monsieur Nicolas THIRION

Professeur ordinaire à l’Université de Liège

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RÉSUMÉ

La mondialisation rend la concurrence entre les acteurs économiques particulièrement rude. Les entreprises ne peuvent plus uniquement compter sur leurs seules forces pour gagner des parts du marché ou parfois, plus simplement, pour survivre. Parmi les instruments permettant aux entreprises de subsister dans une jungle économique globalisée, la coopération entre elles est apparue comme une solution tangible. Il s’agit même de l’instrument privilégié des relations économiques internationales

Ce travail a pour vocation de guider les entreprises qui souhaitent collaborer entre elles au travers d’un partenariat. Ce partenariat prend naissance dans un accord de coopération (joint venture). Les futurs partenaires sont amenés à trouver la structure la plus apte à accueillir leur joint venture. Afin de les guider au mieux dans leur choix, une summa divisio distinguera les partenaires qui souhaitent que leur coopération soit accueillie par une société dotée de la personnalité juridique ou non. La présente étude comparera, au regard de cinq critères, ces deux types de coopération.

Chaque partenariat possède cependant ses caractéristiques et ses objectifs propres. Pour cette raison, il s’agira davantage d’éclairer les partenaires sur les caractéristiques les plus intéressantes des sociétés étudiées que de donner une réponse définitive à une question qui n’en appelle pas.

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Au seuil de ce travail, j’aimerais remercier chaleureusement mon promoteur Monsieur le Professeur Nicolas Thirion : ses conseils très avisés ont pu guider mes premiers pas hésitants et aiguiller de manière pertinente le cheminement de mon étude.

Ce travail écrit, à l’instar de mon parcours universitaire, n’aurait probablement pas abouti sans le soutien de mon entourage. Je tiens à remercier mes parents qui ont continuellement cru en moi. Je remercie tout particulièrement Nils R., qui fut, en toutes circonstances, d’un soutien indéfectible. J’adresse également mes remerciements à mes condisciples, Sophie B., Giulia D. et Marie M., sans qui ces années d’études n’auraient pu être les mêmes.

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TABLE DES MATIÈRES

I.-   INTRODUCTION .......................................................................................................................................... 7  

II.-   LES JOINT VENTURES PUREMENT CONTRACTUELLES ............................................................ 11  

A.-   DES APPORTS ET CONTRIBUTIONS AUX BENEFICES ................................................................................... 14  1)   Moyens apportés à la cooperation ........................................................................................................ 14  2)   Contribution aux bénéfices ................................................................................................................... 16  

B.-   DU REGIME PATRIMONIAL ......................................................................................................................... 17  C.-   DU TRANSFERT DES PARTS SOCIALES ........................................................................................................ 19  D.-   DE L’ORGANISATION DU POUVOIR DE GESTION ET DE REPRESENTATION .................................................. 20  

1)   Organisation du pouvoir de gestion ...................................................................................................... 21  2)   Organisation du pouvoir de représentation .......................................................................................... 23  

E.-   DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES PARTENAIRES .................................................................................... 24  1)   Responsabilité contractuelle ................................................................................................................. 25  2)   Responsabilité extracontractuelle ......................................................................................................... 27  3)   Aménagements de la responsabilité des partenaires à l’égard des tiers .............................................. 27  

F.-   DE LA FIN DE LA COOPERATION ................................................................................................................. 28  1)   Dissolution ............................................................................................................................................ 28  2)   Dissolution partielle .............................................................................................................................. 30  3)   Liquidation ............................................................................................................................................ 33  

III.-   LES JOINT VENTURES AVEC PERSONNALITE JURIDIQUE ...................................................... 34  

A.-   DES APPORTS ET CONTRIBUTIONS AUX BENEFICES ................................................................................... 35  1)   Moyens apportés à la cooperation ........................................................................................................ 35  2)   Contribution aux bénéfices ................................................................................................................... 38  

B.-   DU REGIME PATRIMONIAL ......................................................................................................................... 40  C.-   DU TRANSFERT DES PARTS SOCIALES ........................................................................................................ 42  D.-   DE L’ORGANISATION DU POUVOIR DE GESTION ET DE REPRESENTATION .................................................. 46  

1)   Organisation du pouvoir de gestion ...................................................................................................... 47  2)   Organisation du pouvoir de représentation .......................................................................................... 55  

E.-   DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES PARTENAIRES .................................................................................... 57  1)   Responsabilité sur la base des dispositions du Code des sociétés ........................................................ 57  2)   Responsabilité extracontractuelle sur la base du droit commun .......................................................... 59  

F.-   DE LA FIN DE LA COOPERATION ................................................................................................................. 60  1)   Dissolution ............................................................................................................................................ 60  2)   Dissolution partielle .............................................................................................................................. 64  3)   Liquidation ............................................................................................................................................ 67  

IV.-   CONCLUSION .......................................................................................................................................... 70  

V.-   BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................... 73  

VI.-   TABLEAU COMPARATIF ..................................................................................................................... 77  

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I.- INTRODUCTION

« Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légale et sûre, en prenant les hommes tels qu’ils sont, et les lois telles qu’elles peuvent l’être. Je

tâcherai d’allier toujours, dans cette recherche, ce que le droit permet avec l’intérêt prescrit, afin que la justice et l’utilité ne se trouvent point divisées. »

J.-J. ROUSSEAU, Du contrat social.

La mondialisation rend la concurrence entre les acteurs économiques particulièrement rude. Les entreprises ne peuvent plus uniquement compter sur leurs seules forces pour gagner des parts du marché ou parfois, plus simplement, pour survivre. Parmi les instruments permettant aux entreprises de subsister dans une jungle économique globalisée, la coopération entre elles est apparue dès lors comme une solution tangible. Il s’agit même de l’instrument privilégié des relations économiques internationales1.

Les motivations qui mènent à la coopération sont diverses: la recherche du partage des coûts et des risques ainsi que celle la recherche de l’accès à de nouveaux marchés. Dans certains secteurs, ce sont davantage les économies d’échelle et le partage des dépenses de recherche qui sont vitaux2. Parfois, c’est aussi la limitation des risques de projets ambitieux qui poussent les opérateurs à coopérer3. Enfin, il peut s’agir simplement de neutraliser l’effet de la concurrence en réaction à une dégradation de la part de marché visée.

En bref, la réalisation d’un projet commun permet de multiplier les opportunités, de capter plus de capitaux et de réduire les risques : tous les ingrédients sont donc réunis pour rendre une entreprise pérenne.

Oscar WILDE disait « le mariage est la cause principale de divorce »4. Cette citation met en exergue l’avantage qu’apporte une collaboration entre entreprises. Au lieu de perdre son autonomie économique en constituant un groupe de sociétés, les entreprises qui optent pour la coopération restent indépendantes juridiquement et économiquement. La coopération donne naissance à une entreprise conjointe, distincte des entreprises respectives des partenaires. Elles évitent ainsi les écueils qu’un « mariage » peut apporter puisque les opérations engagées ont un caractère réversible et qu’il leur est loisible, dans les limites du droit belge, de moduler leur coopération.

Tenter de définir ce qu’est une joint venture est peu aisé en raison des multiples structures qu’utilisent les acteurs économiques pour collaborer. A défaut d’une définition

1 L.O. BAPTISTA, P. DURAND-BARTHEZ, « Les joint ventures dans le commerce international », Fondation pour 2 Notamment dans les industries de haute technologie: électronique, informatique, télécommunication, biotechnologie, pharmacie, aéronautique. 3 Notamment dans l’exploitation pétrolière, les syndicats bancaires, les accords de production cinématographique. 4 O. WILDE, Le portrait de Dorian Gray (V. VOLKOFF, Trad.), Paris, Hachette, 1972 [1890].

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unanime, la plupart des auteurs se contentent de nommer le phénomène en utilisant notamment le terme « accord » ou « contrat de coopération ».

En principe, les accords de coopération sont articulés entre une convention-cadre, qui définit les modalités générales de la coopération, et des contrats satellites qui organisent les détails d’exécution.

Ce « groupe de contrats » peut être inséré au sein de plusieurs structures. Deux formes de structure peuvent être dégagées au sein des joint ventures.

D’une part, il y a des structures peu concentrées. Les acteurs économiques se répartissent les tâches de l’entreprise commune et chacun assure individuellement l’affectation de moyens suffisants pour réaliser le projet assigné. Dans ce cas, il s’agit de coopération peu ou pas intégrée. D’autre part, il y a des structures où l’ensemble des moyens nécessaires au projet commun est rassemblé dans une structure unique et concentrée5. Il s’agit alors de coopération intégrée. Les conséquences liées au choix de l’une ou l’autre structure sur les modalités de l’entreprise commune seront précisées lors de l’étude de chaque société proposée dans ce travail.

Le postulat de ce travail est que tout accord de coopération en Belgique donne naissance à une société. Les accords de coopération doivent être rapprochés du contrat de société car les éléments constitutifs d’une société en droit belge sont rencontrés dans le cadre d’une joint venture.

Soit les fondateurs décident de créer volontairement une société avec ou sans personnalité juridique; soit les parties ne constituent pas explicitement une société, leur accord sera alors « automatiquement constitutif d’une société purement contractuelle (implicite) – ou « société créée de fait » - et se verra appliquer le régime de la société de droit commun »6.

Une synthèse des éléments constitutifs d’un contrat de société résume l’impossibilité, pour les partenaires d’une joint venture, d’échapper au droit des sociétés belge:

- La mise en commun d’apports : ce point sera développé plus amplement dans la rubrique des « moyens apportés à la cooperation et contributions aux bénéfices ». Il faut retenir qu’en droit belge, les fondateurs d’une société doivent « mettre quelque chose en commun »7. - La recherche de la réalisation d’un but lucratif : la raison d’être de la société doit être la volonté « de procurer aux associés un bénéfice patrimonial direct ou indirect »8. En droit belge, le concept de but lucratif s’est élargi au fil du temps. Cette évolution est d’ailleurs en partie due à la coopération entre entreprises, qui a contribuée à l’élargissement

5 C. CONSTANT, « Les entreprises conjointes ou “joint ventures” – Volume 1 », Droit des sociétés commerciales, Tome II, Waterloo, Kluwer, 2007, p.1072. 6 C. CONSTANT, op.cit., pp.1055-1056. 7 Article 1er, al.1er C.soc. 8 Ibid.

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du « but lucratif »9. Lorsque des acteurs économiques décident de collaborer, ils ont, en toute hypothèse, toujours une volonté de réaliser un bénéfice ou une économie, de manière directe ou indirecte10. - La poursuite d’un intérêt commun: cette condition est singulière dans le cadre des joint ventures11. Pour respecter le droit des sociétés12, il faut que l’accord de coopération soit la concrétisation de la volonté commune des parties de réaliser un projet commun, autrement dit, qu’elles poursuivent un objectif qui les rassemble. Or, il existe, dans certaines coopérations, des « alliances stratégiques »13 dont le but recherché par les partenaires est différent. Cette configuration respecte toutefois la condition d’intérêt commun si l’on s’en tient à l’objectif commun qu’elles poursuivent entre elles14. - Le partage des bénéfices et des pertes : ce point sera développé plus amplement dans la rubrique « moyens apportés à la cooperation et contribution aux bénéfices », notamment par une lecture combinée des articles 1 et 32 du Code des sociétés.

Les développements qui suivent vont tenter de concilier les caractéristiques structurelles d’une joint venture avec les cadres prédéfinis du droit des sociétés belge. La tâche sera difficile puisqu’enfermer la coopération dans une société en particulier relève de l’impossible.

Deux grandes formes de coopération sont à distinguer, la coopération dénuée de personnalité juridique propre, distincte de celles des partenaires, et la coopération organisée au sein d’une personne morale.

Que les coopérations soient purement contractuelles ou non, le principe du consensualisme y est roi. Les relations entre les acteurs économiques sont intensément contractuelles. De plus, la conclusion de l’accord se réalise intuitu personae, ce qui aura un impact lors du choix du cadre sociétaire pour coopérer.

La joint venture se distingue ensuite par les divers équilibres contractuels entre les partenaires. Durant leur collaboration, la caractéristique la plus frappante est, en principe, le rapport égalitaire entre les partenaires dans le contrôle de l’entreprise commune. Ce type de rapport est-il compatible avec les cadres qu’offre le Code des sociétés ? Quant à la dissolution de l’entreprise commune, il convient de prévoir le plus précisément possible la façon dont sera réparti ce que les partenaires ont mis en commun.

9 P. VAN OMMESLAGHE, « Le droit commun de la société et la société de droit commun », Aspects récents du droit des contrats, Bruxelles, J.B.B., 2001, p.169. 10 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit, p.171. 11 F. MAGNUS, « Appréciation des contours de l’intérêt social : regard critique à travers les enseignements tirés des notions d’intérêts de groupe » et d’« avantages anormaux ou bénévoles », Rev. prat. soc., 2011/3, p.324-400. 12 Notamment l’article 1er, al.1er du Code des sociétés qui reprend implicitement l’ancien article 1833, al.1er du Code civil qui disposait que toute société « doit être contractée pour l’intérêt commun des parties ». 13 C. CONSTANT, op. cit., p.1053. 14 Toutefois, cette condition n’est pas formellement nécessaire pour une partie de la doctrine, voy. P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.170.

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La Belgique a pour devise « l’union fait la force ». Le législateur belge a-t-il pour autant étendu cet adage à son droit des sociétés en rendant son territoire propice aux joint ventures ? Ou faut-il se contenter de concilier les contradictions entre les attentes des partenaires avec le régime légal des sociétés belges?

Au travers d’une analyse de certaines structures que le Code des sociétés offre, ce travail tâchera de déterminer la société la plus apte à accueillir une joint venture ou, à tout le moins, de guider les futurs partenaires vers le choix le plus adapté à leur projet.

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II.- LES JOINT VENTURES PUREMENT CONTRACTUELLES

Dans le jargon anglo-saxon, elles sont communément appelées non corporate joint ventures. Ce terme est susceptible de confusion, puisqu’en droit belge, une joint venture est automatiquement constitutive d’une société, que les parties le veuillent ou non15. L’analyse qui suit fera mention de partenaires, d’associés, voire de co-venturers, pour évoquer les acteurs économiques qui souhaitent collaborer. Ce travail se consacrant au droit belge, seul le choix des fondateurs qui ont choisi ce droit comme lex contractus sera examiné. Il en sera de même lorsque ce type de coopération aura son siège réel en Belgique en l’absence de choix de droit applicable16.

Pourquoi étudier le régime juridique des sociétés dépourvues de personnalité juridique ?

Une première question est de connaître les raisons pour lesquelles des acteurs économiques se lancent dans une coopération purement contractuelle.

Pour savoir si les objectifs d’une joint venture seront mieux rencontrés dans le cadre d’une structure sans personnalité juridique, le choix des partenaires portera essentiellement sur l’objet de la coopération ainsi que sur les conditions fiscales et économiques qui l’entourent. Ce type de joint venture est difficile à systématiser. Les fondateurs de ce type de société disposent d’une grande liberté contractuelle, ce qui rend les schémas de ces coopérations très variés. Il s’agit également de coopérations qui restent secrètes, ce qui ne facilite en rien leur étude17.

Seules certaines constantes sont possibles à dégager. En effet, les coopérations purement contractuelles sont souvent des entreprises qui présentent un caractère éphémère avec généralement un financement peu important18. Les activités les plus propices à ce type de coopération seraient la recherche scientifique et technique ainsi que l’extraction minière et pétrolière19. La « transparence fiscale » offerte par ce type de joint venture est également non négligeable, notamment en cas de perte20. Enfin, la simplicité et l’absence de coût lors de la constitution d’une non corporate joint venture est également un atout : cette structure n’est soumise à aucune réglementation spécifique en droit belge.

Se pose la deuxième question qui est de savoir s’il existe, dans l’ordre juridique belge, des sociétés sans personnalité juridique qui pourraient contenir une joint venture

15 C. CONSTANT, op. cit., p.1049. 16 Dans les situations comportant un conflit de loi, il faut chercher une réponse prévue au Règlement 593/2008 (« Rome I »)16, auquel renvoie l’article 98 §1er du Code de droit international privé ; V. PIRONON, « Les joint ventures : contribution à l’étude juridique d’un instrument de coopération internationale », Nouvelle Bibliothèque de Thèses, Paris, Dalloz, 2004, p.400. 17 V. PIRONON, op.cit., p.231. 18 V. PIRONON, op.cit., p.221. 19 V. PIRONON, op.cit., p.231. 20 La transparence fiscale offrant la possibilité pour la société-mère d’imputer sur son profit des pertes ou éviter un risque de double imposition.

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purement contractuelle. Pour répondre à cette question, il faut revenir à la théorie des cadres légaux obligatoires. Avant 1995, le droit belge disposait qu’une société à objet commercial ne pouvait être créée en dehors des cadres définis par la loi commerciale. Ces cadres prévoyaient plusieurs possibilités, dont deux dépourvues de personnalité juridique, à savoir, la société momentanée d’une part et la société interne de l’autre21.

Cette théorie permettait la constitution d’une société par l’œuvre exclusive de la loi, sans qu’une démarche ou une manifestation de volonté des associés en ce sens ne soit rendue nécessaire22. L’exercice en commun d’activités économiques devait obligatoirement prendre la forme de la société momentanée ou de la société interne lorsque les parties ne voulaient pas doter leur société de la personnalité juridique.

Depuis une réforme par la loi du 13 avril 1995, l’attribution de la personnalité juridique est soumise à une formalité particulière, à savoir le dépôt de l’acte constitutif au greffe du tribunal de commerce23. Il est devenu impossible en droit positif belge de constituer involontairement, par l’effet de la loi, une société avec la personnalité juridique. La conséquence la plus importante du nouveau régime est la mise à disposition aux agents économiques d’une société sans personnalité morale, pouvant avoir un objet commercial et qui n’est pas soumise aux contraintes de la société momentanée ou la société de droit interne24.

Le champ sociétaire belge à l’heure actuelle dispose de trois sociétés dépourvues de la personnalité juridique25. Il s’agit de la société momentanée, de la société interne et de la société de droit commun.

Dans l’analyse qui suivra, il s’agira de faire référence exclusivement à la société de droit commun. Pourquoi ? Parce que la société momentanée et la société interne ne sont que des « variantes » de la société de droit commun. De plus, la société de droit commun est la société qui est appliquée lorsque les partenaires n’ont fait aucun choix. Certaines particularités de la société interne seront toutefois mises en exergue.

Que doivent respecter des personnes qui souhaitent conclure un accord de coopération sans la création d’une entité juridiquement distincte en droit belge? Aucune formalité n’est imposée par la loi comme condition d’une constitution régulière d’une société purement contractuelle, il suffit que les partenaires de l’accord de coopération n’accomplissent pas les formalités pour acquérir une société dotée de la personnalité juridique26. Même si le caractère consensuel du contrat de société de droit commun a pour

21 F. MAGNUS, « La société de droit commun », Rép. Not., Le droit commercial et économique, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 49. 22 P. VAN OMMESLAGHE, op.cit., pp.162-163. 23 Art. 2, §4 et 68 C.soc.; J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, « Sociétés sans personnalité juridique », Droit des sociétés, Précis, Bruxelles, Bruylant, 2011, p.350. 24 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.166. 25 Elles sont régies par le livre II (art. 18 à 45) qui contient les dispositions communes à toutes les sociétés, et par certaines dispositions complémentaires du livre III (art. 46 à 55) du Code des sociétés, qui contient les règles spécifiques propres aux sociétés sans personnalité juridique. 26 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.163.

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effet l’absence d’obligation en matière de publicité, dans l’hypothèse où certaines activités de la société sont soumises à l’accomplissement de formalités spécifiques, il appartient à chacun des associés de remplir ces formalités27.

En revanche, cette société est soumise à des conditions de fond. Celles-ci se subdivisent en conditions propres à tout contrat et en conditions relatives aux droits des sociétés.

D’un côté, les conditions propres à tout contrat de manière générale. Elles ne feront pas l’objet d’une étude approfondie car elles peuvent être résumées par le respect de l’article 1108 du Code civil, à savoir la validité du consentement, la capacité, un objet certain et une cause licite28. D’un autre côté, les conditions propres au contrat de société doivent être respectées par les partenaires. Le nombre de conditions relatives au contrat de société n’est cependant pas unanime dans la doctrine29.

Tout accord de coopération en Belgique donne naissance à une société. Deux hypothèses sont envisageables pour une joint venture purement contractuelle: soit les fondateurs décident de créer volontairement une société sans personnalité juridique et peuvent faire le choix entre la société de droit commun, la société momentanée ou la société de droit interne ; soit les parties ne constituent pas explicitement une société et leur accord se verra appliquer le régime de la société de droit commun.

Le régime de la société de droit commun sera étudié sous six éléments essentiels dans la vie d’une société : les apports et les contributions aux bénéfices, le régime patrimonial, le transfert des parts sociales, l’organisation du pouvoir de gestion et de représentation, la responsabilité civile des partenaires et la fin de la coopération.

27 F. MAGNUS, op. cit., p. 67. 28 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, « Le contrat de société», Droit des sociétés.

Précis., Bruxelles, Bruylant, 2011, p.364. 29 Voy. notamment : D. MATRAY, et B. LHOEST, op.cit, p.19; F. MAGNUS, op.cit., p.62 ; C. CONSTANT, op. cit.,

pp.1053-1060 ; P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.169.

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A.- DES APPORTS ET CONTRIBUTIONS AUX BENEFICES

1) Moyens apportés à la cooperation

Pour que l’institution contractuelle fondée par les parties ait de la substance pour fonctionner et respecte le droit des sociétés belge, elle a besoin d’apports. Ceux-ci sont les apports « classiques » du droit des sociétés : les associés peuvent faire des apports en capital ou en nature30. Ils peuvent également faire un apport en industrie31. Les apports au sein d’une joint venture sont fondamentaux tant lors de sa fondation qu’au cours de sa vie contractuelle. Pour cette raison, ils doivent être déterminés soigneusement.

Les partenaires qui décident de faire un apport en industrie doivent être conscients que cet apport implique une obligation de non-concurrence dans le domaine qui fait l’objet de la prestation, tant que la société n’est pas dissoute32.

Chaque fondateur de la joint venture doit effectuer un apport à la société qu’il constitue ou, à tout le moins, s’y engager.

Les apports dans les coopérations purement contractuelles ont-ils une particularité ?

La coopération réalisée sous la forme de la société de droit commun n’est pas investie de la personnalité juridique. Pour cette raison, cette société ne peut pas disposer d’un patrimoine propre. Cette incapacité pour la coopération de disposer d’un patrimoine propre renforce le caractère peu intégré de cette coopération. Les partenaires ne cherchent pas à construire un projet sur le long terme en créant une « vaste communauté de biens »33.

Malgré la grande liberté que le droit belge leur concède, ces accords restent soumis aux dispositions non supplétives du Code des sociétés.

L’article 19, alinéa 2, du Code des sociétés dispose que chaque associé doit faire un apport. L’article 22 du même Code dispose que chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu’il a promis d’y apporter.

Les agents économiques qui se lancent dans cette aventure devront notamment respecter l’aléa quant aux apports34. Dans le cas contraire, les apports pourraient être disqualifiés par un juge en un contrat distinct35.

30 Les biens peuvent être corporels ou incorporels. Cela peut concerner du matériel de chantier ou un droit au bail par exemple ; F. MAGNUS, op.cit., p.63. 31 T. TILQUIN, V. SIMONART, Traité des sociétés, Tome II, Kluwer, Bruxelles, 1997, p.46 ; soit le travail d’un associé fournit aux fins du but poursuivi, soit le travail passé (recherches, démarches, connaissances acquises, etc.). Mais l’apporteur ne peut pas recevoir une rémunération fixée indépendamment du bénéficie net de la société voy. P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.202. 32 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.205. 33 C. CONSTANT, op. cit., p.1089. 34 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.202. 35 C. CONSTANT, op. cit., p.1088.

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Les partenaires peuvent faire un apport à la société commune de droits réels qu’ils détiennent sur un bien. Il s’agira d’une véritable aliénation en ce sens « qu’un transfert de la propriété du bien faisant l’objet d’apport s’opère au profit de la société dans la mesure où l’associé apporteur se dessaisit du bien pour le mettre en commun et l’affecter au but poursuivi par la société commune »36. L’associé apporteur perd la propriété du bien et n’y aura plus droit que sous l’angle des règles de la répartition de l’avoir commun lors de la dissolution de la structure commune.

Certaines formalités d’apport en propriété devront respecter des formalités de publicité37.

Ils peuvent également apporter des biens à la société commune en accordant un droit personnel sur les biens affectés de droits réels à leur profit.

Il est conseillé, lors de la rédaction de l’accord de coopération, de définir la nature – réelle ou personnelle – d’un apport. À défaut de disposition sur leur nature, les biens immeubles sont considérés comme apportés en jouissance, tandis que les biens meubles sont apportés en propriété38.

Les apporteurs devront également veiller aux prohibitions du Code des sociétés. En cas d’apport en propriété, sera considérée comme léonine la clause qui stipule que l’apport devra être restitué quoi qu’il arrive. En cas d’apport en jouissance, sera léonine la clause qui permettrait une rémunération fixe quoi qu’il arrive39.

Pour se protéger des imprévus de la vie économique, il est conseillé aux partenaires de rédiger une clause de maintien des apports ou une clause de tontine. Le retrait d’un partenaire pourrait avoir des conséquences catastrophiques dans la poursuite du projet commun entre partenaires, surtout si l’apport était essentiel. Une clause de maintien des apports permettrait, lorsqu’un partenaire quitte la société commune, que le matériel qu’il a affecté au projet reste à la disposition des autres partenaires. La jurisprudence serait d’ailleurs encline à reconnaître l’opposabilité de cette clause à l’égard d’un curateur40. Une clause de tontine aboutirait à l’indivision de l’apport du partenaire défaillant dans le chef des partenaires restants.

Si les parties ne prévoient rien dans leur(s) conventions(s), il leur reste une action en justice qui leur octroie une solution équivalant aux clauses vues précédemment. Les

36 S. COLLIN, op. cit., p.1112. 37 Notamment les apports en immeubles ou en droits réels immobiliers doivent respecter les formalités liées à la cession d’un bien immeuble. Voy. E. DELANNOY, «Apport d’immeuble en société et vente des parts: attention!» , B.S.J., 2013/507. 38 S. COLLIN, op. cit., p.1112. 39 M. COIPEL, « La participation aux bénéfices et aux pertes – Clause léonine », Rép. Not., Tome XII, Droit commercial et économique, Livre 2/1, Bruxelles, Larcier, 1982, p. 96 ; T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.47. 40 Civ. Liège, 22 octobre 1991, Rev. prat. soc., p.112.

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partenaires pourraient ester en justice en invoquant un droit de rétention. Cette solution alternative reste toutefois (trop) circonscrite41.

Il est donc vivement conseillé aux partenaires de se protéger en rédigeant avec précaution des clauses relatives à l’avenir de leur(s) apport(s).

2) Contribution aux bénéfices

La participation aux bénéfices par tous les associés dans une société de droit commun n’est pas laissée à l’entière appréciation des rédacteurs de l’accord de coopération42.

Sauf stipulations contraires entre les partenaires, la contribution aux bénéfices et la charge des pertes sont, tout comme le solde de liquidation, proportionnelles à l’apport de chaque associé43. Concernant l’apport en industrie, il ouvre un droit à une participation aux bénéfices et pertes égale à celle de l’associé dont l’apport est le plus faible44.

L’article 31 du Code des sociétés permet aux partenaires de faire appel à un tiers pour déterminer la répartition du bénéfice. La tierce décision permet de rendre contraignante à l’égard de l’ensemble des associés la décision prise unilatéralement par un tiers qu’ils ont désigné. La mission de celui-ci sera de régler la part de chacun dans les bénéfices et les pertes45.

Il est loisible aux partenaires de s’écarter de la répartition proportionnelle supplétive, sous la réserve que leur clause ne soit pas léonine. La loi prohibe la clause par laquelle un associé se taille la part du lion ; c’est le cas lorsqu’une clause octroie à un des associés la totalité des bénéfices ou lorsqu’elle l’affranchit de toute contribution aux pertes en lui garantissant la récupération de son apport46.

Une remarque importante doit être faite concernant les clauses léonines puisqu’elles concernent uniquement le partage des bénéfices et les contributions aux dettes dans les rapports sociaux47. L’article 32 du Code des sociétés ne prohibe pas de partages « léonins » dans les rapports privés entre associés. Les partenaires pourraient conclure une convention de portage ou garantir à un autre associé le remboursement de son apport, pour autant que les

41 En effet, le droit de rétention n’est possible que pour un bien corporel apporté en jouissance. De plus, la Cour de cassation admet l’opposabilité du droit de rétention au curateur du débiteur de l’obligation en carence mais cette opposabilité ne sera pas reconnue si la rétention est invoquée à l’égard du véritable propriétaire du bien, de l’acquéreur du bien et des créanciers privilégiés et hypothécaires. Enfin, le droit de rétention n’est pas envisageable lorsque le projet commun s’arrête. Voy. C. CONSTANT, op. cit., p. 1090. 42 X. DIEUX, Y. DE CORDT, « Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 2008/3, p.434. 43 Art. 30 C.soc. 44 D.-B. FLOOR, « Droit commun applicable, à défaut de clauses statutaires », Rép. not., Tome XII, Le droit commercial et économique, Livre 5/5, Société momentanée, Bruxelles, Larcier, 2002, p.188. 45 F. MAGNUS, op. cit., p.65. 46 M. COIPEL, op. cit., p.96. 47 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., pp.235-236.

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opérations soient étrangères aux dispositions du pacte social relatives à l’organisation des rapports entre associés48.

La Cour de cassation précise que la validité d’un pacte ayant pour objet d’exonérer un associé de toute contribution aux pertes peut être admise, à condition que cette convention serve l’intérêt social49. Cet intérêt est « déterminé par le but de lucre collectif des associés actuels et futurs »50 de la société commune.

B.- DU REGIME PATRIMONIAL

La société de droit commun dans laquelle sera organisée la coopération purement contractuelle ne dispose pas de personnalité juridique. Par conséquent, la société ne dispose pas d’un patrimoine propre51. La société de droit commun n’a ni créancier ni débiteur.

Deux principaux avantages : d’une part, aucun capital social n’est requis par la loi. Ce n’est pas pour autant, comme précisé précédemment, que les partenaires ne doivent pas faire d’apport. D’autre part, la société de droit commun n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés. En effet, en l’absence de patrimoine, celle-ci est « transparente » fiscalement52.

Les avoirs sociaux appartiennent aux associés sous un statut d’indivision53. Les droits dont il a été fait apport dans la société ainsi que les droits et obligations contractés au nom de l’ensemble des partenaires se trouvent de manière indivise dans le chef de chaque partenaire54. Seuls les associés sont titulaires de droits et d’obligations mais ils le sont au titre de l’indivision sui generis créée du fait de leurs apports respectifs à la société commune55.

Cette indivision est particulière. Un juriste serait tenté de rapprocher le régime de l’indivision sociale de l’indivision régie par le Code civil puisque les partenaires sont titulaires d’une quote-part indivise des apports et des éléments patrimoniaux résultant de l’activité sociale de la société.

Or, l’indivision sociale comporte des différences majeures avec l’indivision ordinaire. Il est opportun de se concentrer uniquement sur les particularités de l’indivision

48 F. MAGNUS, op.cit., pp.65-66. Interprétation confirmée dans l’arrêt du 5 novembre 1998 dit « Cellulose des Ardennes » en vertu duquel la Cour de cassation a précisé que « seule est prohibée la clause qui a pour objet de porter atteinte au pacte social visé par l’article 32, al.2, C.soc. ou qui, ayant apparemment un autre objet, tend en réalité aux mêmes fins ». 49 Cass. 29 mai 2008, Pas., 2008, p.1363 ; F. MAGNUS, op. cit., p.66. 50 Cass. 28 novembre 2013, C.12.0549.N ; D. WILLERMAIN, « L'intérêt social selon la Cour de cassation: « The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits»? », R.D.C.-T.B.H., 2014/9, pp. 855-865. 51 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p. 358. 52 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p. 362. 53 F. MAGNUS, op.cit., p.51. 54 C. CONSTANT, op. cit., p.1092. 55 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, « Titre 2 – Société sans personnalité juridique », Droit des sociétés. Précis., Bruxelles, Bruylant, 2011, p.359 ; S. COLLIN, op. cit., p.1116.

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sociale. Les associés ne sont pas de véritables « copropriétaires » au sens civil du terme. Le droit commun de l’indivision ne s’applique pas56. La jouissance des avoirs sociaux qu’ils ont affectés à la joint venture est limitée. Cette jouissance est limitée par les statuts ou les conventions entre les partenaires57. À défaut d’y avoir pensé, c’est le régime supplétif des articles 33 à 37 du Code des sociétés qui s’applique58.

Les associés ne sont titulaires que d’une part indivise du fonds social de la société, ils ne pourraient pas, par exemple, grever de droits réels un bien commun59. Les actifs qui sont affectés à la société de droit commun ne peuvent être utilisés que pour la réalisation de l’objet social. Les conséquences qui en découlent ne sont pas sans importance.

Les partenaires doivent avoir conscience de deux conséquences majeures.

D’une part, un associé de la joint venture ne pourrait pas compenser l’une de ses dettes privées avec une créance sociale60. D’autre part, un partenaire qui se verrait être débiteur de la société ne pourrait pas se contenter de payer en déduisant ses apports61.

Bien que la société commune ne dispose pas en elle-même d’un patrimoine propre, la vie des affaires fera fluctuer le fonds social qui lui est destiné. Ce patrimoine social évoluera, positivement ou négativement, en fonction des nouveaux éléments d’actif ou de passif. Tout recours ou toute saisie par des tiers qui méconnaîtraient les termes du contrat de société est impossible62.

Le sort de ces nouveaux éléments est soumis au même régime que celui qui est applicable aux apports. Toutefois, la liberté contractuelle de la société de droit commun permet des dispositions conventionnelles entre les parties pour déroger à ce régime63. Ainsi, « il pourrait être envisageable, pour un associé ayant réalisé un apport en jouissance, de s’engager à partager la plus-value en cas de vente du bien et ce, malgré la conservation du droit de propriété dans son chef »64.

Enfin, l’article 815 du Code civil, en vertu duquel nul n’est contraint de rester dans l’indivision, est sans effet dans la société de droit commun. Les partenaires ne peuvent mettre fin à l’indivision que si la société est dissoute65.

56 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.359. 57 M. WEYTS, note sous Civ. Gand, 21 juin 2011, T.Not., 2011, pp. 711 et 712. 58 F. MAGNUS, op. cit., p.80. 59 L’article 38 du Code des sociétés subordonne la cession de parts sociales au consentement unanime des associés. 60 C. CONSTANT, op. cit., p.1094. 61 Ibid. 62 Voy. P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.215. 63 F. MAGNUS, op.cit., p.85. 64 F. MAGNUS, op.cit., p.85. 65 C. CONSTANT, op. cit., p.1093.

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C.- DU TRANSFERT DES PARTS SOCIALES

La société qui encadrera l’accord de coopération sans personnalité juridique ne disposera pas d’un capital social. Les droits et obligations des partenaires se retrouveront dans leurs patrimoines sous la forme d’une part sociale abstraite66.

Il est conseillé aux partenaires de prévoir la preuve de la propriété de leurs parts. La tâche n’est en soi pas difficile puisqu’il suffit de tenir un registre des associés ou de délivrer des certificats de participation à ceux-ci.

La société de droit commun est marquée par le caractère intuitu personae. Dans le cadre d’une joint venture, ce caractère intuitu personae est renforcé. Il est difficilement concevable qu’un partenaire fasse une cession de ses parts. Les partenaires se sont associés en raison de leur complémentarité dans la réalisation d’un objectif déterminé. L’objectif pourrait perdre de son sens en l’absence d’un associé.

En principe, un partenaire ne peut céder en totalité ou en partie sa participation à un tiers. De même, il ne peut accomplir des actes qui ont indirectement le même effet67. Un partenaire ne peut pas, en vertu de l’article 38 du Code des sociétés, associer un tiers à la société sans le consentement unanime des autres partenaires.

L’article 38 n’étant pas d’ordre public68, des nuances importantes peuvent être apportées face à cette interdiction « absolue ».

Premièrement, les partenaires peuvent déroger conventionnellement à l’article 38 du Code des sociétés. Cette dérogation conventionnelle doit être toutefois être nuancée69.

Deuxièmement, l’article 38 du Code des sociétés permet, explicitement en son début de libellé, qu’un associé puisse partager avec un tiers les droits attachés à sa participation70. Ce tiers ne sera toutefois pas reconnu par la société commune comme un associé et l’associé-cocontractant ne perd pas sa qualité d’associé au sein de celle-ci71.

Ainsi, lorsqu’un associé cède ses parts, cette cession a pour objet le transfert de l’ensemble des droits et obligations qui découle de son statut dans la société commune. Les partenaires devront veiller à respecter les exigences statutaires, conventionnelles ou légales sous peine d’une nullité relative. Toutefois, puisque la nullité est relative, il est concevable

66 C. CONSTANT, op. cit., p.1096. 67 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.114 ; F. MAGNUS, op.cit., p.95. 68 F. MAGNUS, op. cit., p.95. 69 Deux principales nuances : le législateur a consacré le monopole des titres négociables aux sociétés dotées de la personnalité juridique. Quant aux associés mariés, les dérogations conventionnelles n’auront pas d’effet sur le droit commun en cas de cessions de parts entre époux ; C. CONSTANT, op. cit., p.1096. 70 F. MAGNUS, op. cit., p.97 ; ce type de convention est couramment qualifiée de « convention de croupier ». Cette relation a uniquement des effets entre les deux parties, conformément au principe de la relativité des effets internes des conventions. Il en résulte que le croupier n’acquiert, par sa qualité, aucun droit ni aucune obligation à l’égard des autres associés. 71 Civ. Nivelles, 4 juin 1993, J.L.M.B., 1993, p.1155.

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d’imaginer, en cas de silence des autres associés, une acceptation tacite qui rendrait l’opération valide.

D.- DE L’ORGANISATION DU POUVOIR DE GESTION ET DE

REPRESENTATION

La joint venture se caractérise par une structure égalitaire qui se marque par le contrôle conjoint des partenaires. Le contrôle égalitaire empêche, en principe, toute décision individuelle de chaque partenaire et les décisions de grande importance se votent à l’unanimité. La réalisation du contrôle se fait généralement par la création d’une instance collégiale de décision (appelée « comité de direction » ou « comité de gestion ») et d’une instance d’exécution. Cette instance collégiale est composée des associés ou de leur représentant.

Se pose la question de savoir si le consensualisme de la société de droit commun est compatible avec les rapports spécifiques au sein d’une joint venture. Le caractère égalitaire ne mène cependant pas à ce que chaque décision doive être prise de manière unanime. Certaines décisions peuvent être adoptées sans pour autant violer le principe. Au sein d’une coopération multipartite, certaines décisions peuvent être légitiment adoptée à la majorité. Au sein d’une coopération bipartite où, en raison des déséquilibres issus des apports ou de l’intérêt que porte le partenaire dans la joint venture, l’un des deux opérateurs économiques peut disposer d’un vote plus important72.

Il faut d’abord savoir que la société de droit commun n’existe qu’à travers le rapport contractuel qui lie les associés. Et seuls ces derniers disposent de la capacité d’accomplir des actes juridiques dans les relations entre la société et les tiers73.

L’organisation du pouvoir est abandonnée à l’initiative des associés. En application du principe de l’autonomie de volonté, les partenaires disposent du pouvoir de régler librement le mode de fonctionnement de leur société. Ce n’est que lorsque les partenaires n’ont rien décidé que l’article 36 du Code des sociétés vient à s’appliquer.

En fonction du caractère intégré ou non de la coopération, la compétence du comité varie. Au sein d’une coopération peu intégrée, le comité délibérant collégialement se limite aux décisions de grande importance et les partenaires disposent individuellement de la compétence de gestion. En revanche, lorsqu’une coopération est intégrée, le comité dispose souvent de la compétence générale de gestion. En fonction de l’importance des activités de la société commune, des tâches de gestion journalière sont confiées à plusieurs gérants74.

72 S. COLLIN, op. cit., p.1112. 73 F. MAGNUS, op. cit., p.97. 74 C. CONSTANT, op. cit., p.1099.

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1) Organisation du pouvoir de gestion

a) Lorsque les associés eux-mêmes s’occupent de la gestion

La situation visée est celle où la société est administrée directement par ses associés, sans qu’un mandataire spécifique ait été désigné à cette fin.

La société de droit commun, dont les dispositions sont supplétives en matière de gestion, octroie, a priori, une liberté étendue aux partenaires75.

L’article 36, 1° du Code des sociétés dispose : « Les associés sont censés s'être donné réciproquement le pouvoir d'administrer l'un pour l'autre. Ce que chacun fait est valable même pour la part de ses associés, sans qu'il ait pris leur consentement ».

En l’absence de dérogations conventionnelles, chaque partenaire dispose d’un pouvoir concurrent et individuel dans la gestion de la société. Puisque l’article 36 du Code des sociétés est supplétif, les partenaires peuvent désigner un ou plusieurs gérant(s) ou ne pas rendre la gestion concurrente76.

Il convient ensuite de distinguer les actes de gestion des actes de disposition.

Les actes de gestion peuvent être accomplis par chaque associé individuellement77. Chaque acte doit cependant s’inscrire dans la poursuite de l’intérêt commun des associés78. Les associés veilleront également à respecter les limites statutaires et conventionnelles qu’ils ont rédigées entre eux.

Cette compétence générale dont disposent les partenaires est toutefois circonscrite à certains actes, limités par la loi.

Une première limite est issue de l’article 36, 1° du Code des sociétés. Chaque partenaire peut s’opposer – anticipativement – à un acte de gestion d’un d’entre eux. Ce droit de veto est supplétif ; les partenaires peuvent aménager ce droit en prévoyant de limiter son exercice à certaines opérations limitées ou de l’exclure.

Ensuite, toutes modifications apportées à un immeuble affecté en propriété à la société commune requiert l’accord de tous les partenaires, même si celles-ci sont avantageuses pour la société79. Le pouvoir concurrent des associés ne concerne donc pas les biens immeubles si le régime supplétif vient à s’appliquer.

75 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.149 et suivants. 76 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.145. 77 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.379 ; T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.137 et suivants. 78 F. MAGNUS, op. cit., p.97. 79 Art. 36, 4°, C.soc.

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En outre, « chaque associé peut se servir des choses appartenant à la société, pourvu qu'il les emploie à leur destination fixée par l'usage, et qu'il ne s'en serve pas contre l'intérêt de la société, ou de manière à empêcher ses associés d'en user selon leur droit »80.

En ce qui concerne les actes de disposition, la question est partagée81. La doctrine majoritaire considère que ces actes ne peuvent être accomplis sans l’accord des autres associés alors qu’un autre courant doctrinal estime que la compétence individuelle de chaque associé s’étend aux actes de disposition.

En raison de la liberté octroyée aux associés et de l’insécurité juridique relatives à certains actes, il est vivement conseillé, lors de la mise en place de la structure commune, que les associés détaillent les aménagements contractuels concernant la gestion.

b) Lorsque la gestion de la société se fait au travers de l’intervention d’un ou plusieurs mandataires désignés

La société de droit commun peut être gérée par un ou plusieurs gérant(s), associé(s) ou non. Une large palette de possibilités s’ouvre aux partenaires. Ils peuvent, en effet, confier un mandat à un tiers, en lui octroyant une ou plusieurs tâche(s) précise(s), voire la compétence générale de gestion82.

Les gérants d’une société de droit commun peuvent être désignés dans les statuts (« gérant statutaire ») ou dans un acte extrastatutaire (« gérant non statutaire »). Les associés devront être conscient du régime de révocabilité différent qui s’applique à chacun d’eux. Le gérant statutaire est irrévocable pendant toute la durée de vie de la société de droit commun, à moins qu’il soit révoqué par un tribunal pour de justes motifs ou à l’unanimité par les associés83. En revanche, le gérant non statutaire est révocable ad nutum par une décision unanime des associés.

Les actes d’administration ou de disposition doivent se faire sans fraude84 et poursuivre l’intérêt social.

Le gérant désigné par les associés dispose en principe d’un mandat général d’administration85. Puisque son pouvoir est potentiellement vaste, il est recommandé aux partenaires qu’ils déterminent les compétences de chaque gérant qu’ils nommeront.

80 Art. 36, 2°, C.soc. 81 La plupart des auteurs qui se sont penchés sur la question se divisent en deux courants : le premier estime que les actes de disposition nécessitent l’accord unanime des associés. Leur raisonnement provient de l’article 37 du Code des sociétés, dont ils en font une interprétation extensive. D’autres partisans de cette position ont pour postulat l’article 1988 du Code civil, cette disposition subordonnant les actes de disposition à un mandat exprès. Le doctrine minoritaire ne voit aucune objection à étendre le pouvoir de chaque associé aux actes de disposition : voy. F. MAGNUS, op. cit., p.99. 82 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.145 et suivants. 83 S. COLLIN, op. cit., p.1123. 84 Art. 33, al.1er, C.soc.

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Si plusieurs gérants sont désignés mais que les partenaires ne précisent pas l’étendue de leurs pouvoirs, les gérants disposent de pouvoirs de gestion concurrents.

Le pouvoir concurrent des associés disparaît si un ou plusieurs gérant(s) se voi(en)t confier la compétence générale de gestion86.

Quant à la perte pour les associés de leur droit de s’immiscer dans la gestion, celle-ci peut être minimisée car elle est relative87. En effet, les partenaires peuvent contrôler la gestion, notamment par l’accès aux livres et documents sociaux. Ce pouvoir de contrôle est consolidé par l’obligation qui découle de l’article 1993 du Code civil relatif au mandat, qui oblige le gérant à rendre compte de sa gestion88.

2) Organisation du pouvoir de représentation

La question de la représentation est tout aussi importante que celle de la gestion puisqu’il s’agit de déterminer qui, dans la structure commune, est en mesure d’engager l’ensemble des associés vis-à-vis des tiers, et jusqu’à quel degré il les engage.

Les dispositions de la société de droit commun sont muettes quant à la représentation de la société en cas de nomination d’un ou plusieurs gérants. C’est le droit commun du mandat qui s’applique. En principe, seul le gérant engage sa responsabilité vis-à-vis des tiers. En cas de pluralité de gérants, ces derniers engagent leur responsabilité solidaire vis-à-vis des tiers lorsqu’ils agissent conjointement. Par rapport à la société, le gérant engage sa responsabilité à l’égard des partenaires conformément au droit commun89.

En revanche, le pouvoir de représentation des associés est déterminé dans le Code des sociétés. Un associé ne pourra représenter la société que si les autres associés lui ont conféré une procuration, générale ou spéciale pour ce faire90. Si aucune procuration n’a été établie, le pouvoir de représentation d’un associé peut être fondé sur la gestion d’affaires, sur la théorie du mandat apparent ou sur celle de l’enrichissement sans cause.

Les engagements de l’associé-mandataire lieront les autres associés, pour autant que l’associé-mandataire agisse au nom et pour le compte de la société et respecte les limites de son mandat91. Les responsabilités qui découlent d’une mauvaise exécution du mandat divergent au regard du nombre de gérants.

85 S. COLLIN, op. cit., p.1124. 86 C. CONSTANT, op. cit., p.1098. 87 Cette perte peut se lire au regard de l’article 37 du Code des sociétés. 88 F. MAGNUS, op. cit., p.109. 89 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.178. 90 F. MAGNUS, op. cit., p.99. 91 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.172.

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Deux particularités sont à souligner dans la représentation :

-­‐ L’absence de personnalité juridique de la coopération implique que toute action en justice à son encontre ou à son profit doit être introduite contre ou par tous les associés faisant partie de la coopération92. La jurisprudence nuance l’impossibilité d’ester en justice pour la société de droit commun. De manière circonscrite, sur le plan de la procédure, le groupement dénué de personnalité juridique peut introduire un recours contre la décision qui le condamne93.

-­‐ Aux termes de l’article 2 al.1 de la loi hypothécaire, en cas d’acquisition ou de vente d’un immeuble au profit de la société, la représentation faite par l’associé devra se faire par un acte authentique signé par tous les autres associés94.

E.- DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES PARTENAIRES

Lorsque les partenaires décident de se lancer dans une joint venture purement contractuelle, les conséquences de l’absence de personnalité juridique de leur société commune en matière de responsabilité est importante. La place du consensualisme offerte à la société de droit commun a un prix : la responsabilité illimitée. Ce sont les partenaires eux-mêmes qui s’engagent personnellement lorsque la société contracte avec des tiers.

À titre liminaire, il convient de souligner l’importance de différencier la qualité des créanciers qui peuvent faire obstacle au bon déroulement de la vie de l’entreprise conjointe. En effet, ce sont principalement ces derniers qui seront les acteurs déclenchant la responsabilité des partenaires.

La situation juridique découlant de l’accord de coopération est opposable aux tiers en vertu de l’opposabilité des effets externes des conventions95. Les tiers peuvent être distingués par une summa divisio entre les créanciers sociaux et les créanciers personnels des associés96.

Les créanciers sociaux peuvent, en raison de la responsabilité illimitée des associés, atteindre le patrimoine de chacun des associés par divers moyens97.

Mais qu’advient-il des créanciers personnels, c’est-à-dire les créanciers dont la créance est étrangère à l’activité sociale et ceux dont la créance trouve sa source dans l’activité sociale mais dont le cocontractant n’était pas titulaire du droit de représenter les autres associés ? Peuvent-ils aller chercher la valeur des apports mis par le débiteur-associé dans la structure commune pour se payer ? Cette question mérite d’être éclaircie puisqu’en

92 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.182 et suivants; F. MAGNUS, op. cit., p.116. 93 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.232. 94 F. MAGNUS, op. cit., p.100. 95 Cass. 28 février 1985, Pas., 1985, I, p.795. 96 Par tiers, il faut comprendre le créancier étranger à la coopération ou dont la créance trouve sa source dans le fonds social dont le cocontractant n’était pas titulaire de droit de représenter les autres associés. 97 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.361.

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fonction de la réponse, un partenaire devrait prendre garde à collaborer avec un partenaire endetté.

Le créancier personnel reste lié par les effets externes des conventions de son débiteur. Au sein de la société de droit commun, un associé ne peut pas distraire de leur finalité les biens qui font partie du patrimoine social et sur lesquels chaque associé dispose d’une quote-part indivise de propriété98. La même restriction s’applique au créancier personnel.

Le recours du créancier personnel est donc réduit à une peau de chagrin, sans doute. Il peut néanmoins exercer son droit sur la part d’intérêt de son débiteur. Cette possibilité reste toutefois hypothétique puisque l’article 38 du Code des sociétés soumet l’aliénation de la part d’intérêt à l’approbation de tous les autres associés99.

L’absence de véritable recours pour le créancier personnel est intéressante puisque, d’une façon analogue, comme le souligne P. VAN OMMESLAGHE, cette absence de recours contribue « à estomper sur le plan pratique […] les différences entre les sociétés selon qu’elles sont ou non dotées de la personnalité morale »100.

Deux types de responsabilités seront analysés : la responsabilité contractuelle et la responsabilité extracontractuelle des associés. L’analyse portera sur l’obligation et la contribution à la dette ainsi que sur les aménagements de ces responsabilités.

1) RESPONSABILITE CONTRACTUELLE

Sous quelle(s) condition(s) la responsabilité de l’ensemble des associés sera-t-elle engagée vis-à-vis d’un tiers par rapport à la société de droit commun?

D’une part, le gérant ou le mandataire désigné par un ou plusieurs associés doit avoir reçu un mandat valable (celui-ci peut-être implicite)101.

L’hypothèse d’une ratification postérieure à l’acte irrégulier est envisageable, même tacitement, ce qui engagera l’ensemble des partenaires. Sous réserve du « cas par cas », il est déconseillé de recourir à la ratification puisque chaque associé sera alors tenu responsable.

Si le gérant-associé a agi sans mandat ou s’il a dépassé celui-ci, il est personnellement tenu par les obligations contractées. L’ensemble des associés n’est pas concerné dans ce cas.

Par contre, lorsque le mandataire (non-associé) agi sans mandat ou s’il dépasse celui-ci, l’ensemble des associés pourrait être poursuivi par le tiers victime. Les recours de ce tiers seront développés sous le sous-titre « responsabilité extracontractuelle ».

98 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.215. 99 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., pp.215-216. 100 P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.210. 101 C. CONSTANT, op. cit., p.1099 ; P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.155.

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D’autre part, le gérant-associé ou le mandataire doivent agir au nom de la société. C’est ici qu’une nuance peut être faite avec la société interne. Dans cette dernière, le gérant agit toujours en son propre nom. Cette deuxième condition n’est pas requise, dès lors, quant à l’établissement de la responsabilité des partenaires d’une société interne102.

En résumé, la responsabilité personnelle et illimitée des partenaires sera engagée lorsque le mandataire (associé ou non), sur la base d’un mandat valable et au nom de la société, aura contracté avec un tiers.

L’étendue de la responsabilité des partenaires réside dans la nature civile ou commerciale de la société de droit commun. Si l’objet de la société commune est commercial, les associés sont solidairement responsables103. Si l’objet est civil, les associés sont tenus par parts viriles104.

Il convient de préciser que le partenaire qui sort de la structure commune reste engagé pour les dettes qui existaient au moment de son retrait105.

En ce qui concerne la contribution à la dette, elle peut être négociée par les associés quant à sa répartition. La répartition peut se faire de plusieurs façons, chacune pouvant être intéressante en fonction des buts que poursuivent les associés106. La contribution se fera selon les modes d’organisation prévus par les partenaires. À défaut d’y avoir pensé, la contribution se fera en proportion des droits des associés dans le fonds social.

Le législateur permet-il des aménagements conventionnels de la responsabilité des associés qu’il a lui-même rendue illimitée ? À la lecture de l’article 52 du Code civil, in fine, il se déduit que les associés peuvent aménager leur responsabilité. Cet aménagement reste, en principe, fort théorique et ce, pour deux raisons. La première raison tient au fait qu’une exonération n’est possible que si le tiers a marqué son accord par écrit107. Cependant, il est peu probable qu’un tiers s’exempte d’une telle sécurité juridique. La deuxième raison tient au fait que l’aménagement peut consister à étendre la responsabilité des associés. Or, il est déconseillé qu’ils prennent ce risque puisque leur patrimoine propre est en jeu.

102 C. CONSTANT, op. cit., p.1100. 103 C’est-à-dire que les créanciers disposent de la faculté d’agir contre un seul associé en vue du recouvrement de la totalité de la créance, voy. Art.52 C.soc. 104 C’est-à-dire que les créanciers peuvent recouvrer leurs créances dans des proportions égales contre chaque associé. Par contre, comme le souligne F. MAGNUS, « lorsque l’obligation est indivisible, l’article 1222 du Code civil a pour effet d’engager chaque associé pour la totalité de la dette », voy. F. MAGNUS, op. cit., p.123 ; P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p.231 ; J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.361. 105 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op.cit., p.361. 106 S. COLLIN, op. cit., p.1126 ; F. MAGNUS, op. cit., p.123. 107 F. MAGNUS, op. cit., p.123.

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2) RESPONSABILITE EXTRACONTRACTUELLE

Lorsque les conditions de la responsabilité contractuelle ne sont pas remplies, les partenaires sont-ils pour autant à l’abri des créanciers mécontents?

En principe, le mandant ne peut être tenu pour responsable des fautes extracontractuelles commises par son mandataire. Sauf clause contractuelle en sens contraire, les partenaires ne sont tenus de réparer que leurs propres fautes108.

Si un partenaire commet une faute, il est tenu personnellement de la réparer et n’engage pas l’ensemble des partenaires. Par contre, si plusieurs partenaires ont fautivement contribué à la naissance d’un dommage, chacun d’entre eux peut être tenu de la réparation entière du préjudice.

3) AMENAGEMENTS DE LA RESPONSABILITE DES PARTENAIRES A L’EGARD

DES TIERS

Des aménagements contractuels peuvent être prévus entre les partenaires afin d’organiser l’étendue de leur responsabilité vis-à-vis des tiers. La limitation de leur responsabilité dépendra du caractère intégré ou non de la joint venture.

Les partenaires peuvent décider d’étendre leur responsabilité. Ce sera d’ailleurs le cas dans les joint ventures intégrées, ces arrangements permettent d’éviter des conflits potentiels lors de la recherche de la responsabilité de chaque partenaire dans la survenance d’un dommage109. Une solidarité passive contractuelle ou des clauses d’abandon de recours et de garantie contre les recours de tiers sont des exemples parmi d’autres.

À l’inverse, dans les joint ventures peu intégrées les partenaires peuvent se prémunir ; soit en stipulant des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité dans les contrats qu’ils concluent dans le cadre de la coopération avec les tiers, soit en mentionnant que le mandataire qui les représente contracte en son nom propre avec les tiers. Cette dernière hypothèse se rapproche de ce qui se passe dans la société interne. Il s’agit cependant du seul « avantage » (s’il en est un pour les partenaires) de la société de droit interne. Cette limitation, sur le terrain, devrait être assez rare puisqu’il faudrait trouver un tiers qui accepte de n’avoir qu’un débiteur en cas de problème dans l’exécution du contrat et d’un mandataire qui prend des risques plus grands.

108 C. CONSTANT, op. cit., p.1101. 109 S. COLLIN, op. cit., p.1129.

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F.- DE LA FIN DE LA COOPERATION

À titre préliminaire, il doit être porté à la connaissance des partenaires que la dissolution de la société de droit commun est un préalable indispensable s’ils souhaitent transformer leur société, qui contient leur accord de coopération, en une société dotée de la personnalité juridique110.

Il existe différentes manières de mettre fin à la coopération au sein de la société de droit commun : la dissolution de plein droit, la dissolution d’un commun accord, la dissolution volontaire unilatérale et la dissolution judiciaire pour justes motifs. Ces quatre dissolutions sont « radicales », en ce sens que la coopération prend pleinement fin, parfois en dépit de sa bonne santé économique ou de son utilité pour les partenaires.

Afin d’éviter une procédure contentieuse ou la dissolution de la société commune, la question de savoir si la société commune peut survivre au retrait d’un partenaire sera étudiée.

Une fois la société dissoute, les modalités de la liquidation doivent être déterminées au regard des conventions entre les parties et des dispositions légales de la société de droit commun.

1) DISSOLUTION

a) Dissolution de plein droit

La société commune peut être dissoute par la survenance d’un événement déterminé sans que la dissolution doive faire l’objet d’un acte. Les alinéas de l’article 39 du Code des sociétés énumèrent les différentes situations qui mènent à la dissolution de plein droit. Les partenaires peuvent également prévoir contractuellement des causes de dissolution de plein droit.

L’expiration du temps pour lequel la société a été contractée fait partie des causes de dissolution d’office. Néanmoins, l’article 40 du Code des sociétés prévoit la faculté de maintenir la société à l’issue de son terme. Pour ce faire, la prorogation doit toutefois se faire à l’unanimité des partenaires. Il peut être prévu dans les statuts que la décision de prorogation puisse être prise à la majorité111.

110 Puisque chaque associé devra respecter les règles de constitution d’une société dotée de la personnalité juridique qu’ils auront choisie, ils seront contraints de faire un apport. L’opération n’étant pas aisée, les associés bénéficient des articles 760 et suivants du Code des sociétés leur permettant d’obtenir une procédure d’apport d’universalité ou de branche d’activités ; F. MAGNUS, op. cit., p.127 ; T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., pp.342-343. 111 F. MAGNUS, op. cit., p.129.

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Plusieurs auteurs admettent que le principe de l’autonomie de volonté autorise les modifications du contrat avec effet rétroactif112. Si l’ensemble des partenaires décide de poursuivre l’activité issue de la coopération, il peut être déduit de leur volonté qu’ils ont prorogé rétroactivement l’existence de la société.

Sur ce point, il est intéressant de souligner la différence avec les sociétés qui disposent de la personnalité juridique, puisque ces dernières ne peuvent pas être prorogées. En effet, la poursuite en société de l’activité dissoute nécessite la constitution d’une nouvelle société113.

Par prudence, les partenaires peuvent rédiger des clauses de continuation dans les statuts afin d’éviter que la société soit dissoute en cas de décès, d’interdiction et de faillite ou déconfiture d’un partenaire114. Il est également recommandé de déroger au régime supplétif de l’article 41 du Code des sociétés. Cette disposition, relative à la perte d’un apport, mène également à une dissolution d’office. Puisque cette hypothèse n’est pas rare en pratique, les associés doivent prévoir que la perte de la chose apportée devra exclusivement être supportée par la société, ce qui permettra à la coopération de poursuivre son activité. Dans le cas contraire, la perte de la chose dont l’apport a été promis à la société entraîne la dissolution de la société à l’égard de tous les partenaires115.

Enfin, plus spécifiquement aux coopérations, certains auteurs estiment que la disparation des raisons qui ont amené les partenaires à collaborer pourrait entraîner la dissolution de plein droit lorsque les raisons disparues sont communes aux partenaires. La disparition des mobiles communs, si ceux-ci sont essentiels à l’accord de coopération, entraînerait la caducité de l’accord116.

b) Dissolution volontaire

La dissolution volontaire peut émaner de l’ensemble des partenaires comme d’un seul partenaire. Il convient de distinguer la dissolution d’un commun accord et la dissolution unilatérale.

D’une part, il est en effet possible, à l’unanimité, que les partenaires décident de mettre fin à la coopération et ce, même de manière anticipée. Cependant, une partie de la doctrine considère que, si le contrat de coopération permet à la majorité des partenaires de modifier celui-ci, alors cette majorité peut mettre fin au contrat117. Cette thèse met à mal le

112 Ibid. 113 L. DERMINE, « La dissolution des SA, SPRL et SCRL », Droit des sociétés commerciales, T. II, Troisième édition, Waterloo, Kluwer, 2006, p.1267. 114 Art. 39, 3° et 4° C.soc. en combinaison avec l’art. 42 C.soc. 115 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.289. 116 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.290. 117 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.291; F. MAGNUS, op.cit., p.133; C. CONSTANT, op. cit., p. 1103.

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pouvoir exercé dans une joint venture car il n’est pas envisageable sous le prisme d’une domination mais plutôt sous celui d’une coopération avec un rapport de force égalitaire.

D’autre part, l’article 39, 5° du Code des sociétés permet la dissolution de la société par la volonté d’un seul partenaire. Cette disposition donnant un pouvoir individuel exorbitant à chaque associé, le législateur a limité cette faculté à une catégorie bien précise d’associés : les associés de sociétés à durée illimitée118. La dissolution unilatérale dans les sociétés à durée illimitée n’est pas une fatalité. Les partenaires peuvent aménager l’exercice de ce droit en la soumettant à un délai de préavis ou au paiement d’une indemnité de dédit119.

Plus intéressant encore, lorsque le reste des associés sont encore unis par leur volonté de collaborer ensemble, l’accord de coopération peut prévoir une faculté de retrait d’un associé sans que la société prenne fin.

c) Dissolution judiciaire pour justes motifs

Chaque partenaire dispose du droit de demander la dissolution judiciaire de la société commune devant un juge. L’article 45 du Code des sociétés permet à un associé de se prévaloir de justes motifs « lorsqu'un autre associé manque à ses engagements, ou qu'une infirmité habituelle le rend inhabile aux affaires de la société, ou autres cas semblables »120.

Une liste exhaustive des justes motifs est irréalisable. Ils peuvent toutefois être regroupé en trois catégories lorsqu’il s’agit : d’un manquement d’un associé, de circonstances extérieures ou d’une mésintelligence grave et durable entre les partenaires.

2) DISSOLUTION PARTIELLE

Le caractère intuitu personae de l’accord de coopération ne fait pas obstacle à l’évolution du nombre des associés par le retrait d’associés existants. Cette affirmation, purement théorique, n’est pas toujours applicable sur le terrain en raison de la combinaison éphémère que forment les partenaires. Il convient de souligner que l’analyse qui suivra sera uniquement applicable aux coopérations qui ont au moins trois partenaires121.

118 Art. 42 C.soc. Ceux-ci devront en plus suivre la procédure indiquée à l’article 44 C.soc.; T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.293. 119 L’application du principe selon lequel les contrats à durée indéterminée peuvent être résiliés par chacune des parties est impérative. Ce sont les modalités qui peuvent être aménagées contractuellement. Le contrat ne peut pas supprimer ce droit de résialiation, voy. T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.297. 120 F. MAGNUS, op. cit., p.133 ; J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.384. 121 L’article 39 du Code des sociétés, en cas d’associé unique dans la société de droit commun, a pour effet de dissoudre de plein droit la société.

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Malgré le mutisme du Code des sociétés concernant des alternatives qui mènent à la survie de la société commun, il demeure permis d’exclure d’un associé ou d’imposer sa démission en qualité d’associé grâce à certaines dispositions du Code et certaines clauses statutaires. La dissolution partielle, en ce sens que « le contrat de société se dissout uniquement dans le chef d’un associé »122, permet à la société commune de survivre lorsqu’un associé souhaite la quitter ou lorsqu’il est la source d’un blocage.

Les pistes envisageables qui suivent peuvent se montrer très utiles pour les partenaires. Il convient cependant de tempérer ce propos lorsque la joint venture fonctionne en symbiose uniquement grâce aux caractéristiques de chaque partenaire. Le retrait d’un partenaire pourrait en ce sens rendre la joint venture sans intérêt.

La première piste envisageable est l’exclusion d’un partenaire. Les moyens dont disposent les associés pour exclure l’un des leurs est une question controversée en doctrine123.

En l’absence de clause contractuelle organisant l’exclusion, deux moyens sont néanmoins envisageables. Le premier est porté par un courant minoritaire qui puise l’existence d’une action en exclusion dans l’article 45 du Code des sociétés124. Cette action devrait avoir pour fondement un juste motif dans le chef du partenaire à exclure. Le juge pourrait ne dissoudre que partiellement la société dans ce cas. Toutefois, le juge ne pourrait le faire que si le juste motif est imputable au partenaire à exclure et que l’intérêt social le justifie. Bien qu’il s’agisse d’un moyen utile pour les partenaires qui empruntent une structure dont aucun moyen d’exclusion n’est prévu, cette piste doit être utilisée que lorsque toutes les autres sont épuisées. En effet, l’exclusion sur la base de l’article 45 du Code des sociétés n’a jamais été soumise à l’appréciation des cours et tribunaux belges125.

En revanche, la question est beaucoup moins controversée en ce qui concerne le deuxième moyen. L’application de l’article 1184 du Code civil permet d’exclure un associé tout en maintenant la structure commune. Son application est cependant plus réduite que l’action contenue dans l’article 45 du Code des sociétés. L’application de l’article 1184 du Code civil nécessite non seulement l’existence d’une faute contractuelle dans le chef de l’associé à exclure mais aussi une demande de résolution émanant de l’ensemble des associés (à l’exception de l’associé fautif).

Ces moyens n’étant pas satisfaisants, les partenaires peuvent prendre leurs précautions en rédigeant au préalable dans les statuts le droit d’exclure l’un d’entre eux. La liberté dont dispose les partenaires dans ce domaine leur octroie en effet la possibilité de rédiger des clauses qui vise l’exclusion d’un associé tant pour un manquement contractuel que tout autre motif étranger à toute faute contractuelle126.

122 F. MAGNUS, op. cit., p.136. 123 Voy. F. MAGNUS, op. cit., p.137 et suivants ; S. COLLIN, op. cit., p.1133. 124 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.294. 125 Toutefois, voy. la jurisprudence française citée par T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.226. 126 F. MAGNUS, op.cit., p.138.

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La deuxième piste réside dans la démission d’un partenaire. Est-ce possible pour autant ? Le législateur est muet quant à la possibilité de démissionner. De ce silence et puisque les règles découlant de l’intuitu personae sont supplétives, il est admis que les partenaires peuvent consacrer l’existence d’un droit de démission dans les statuts127. La clause de démission peut être adaptée afin de satisfaire le mieux possible aux attentes des partenaires. La démission peut être soumise à certains motifs particuliers ou à l’approbation de la majorité des partenaires128. À défaut de clause relative à la démission, les partenaires n’ont pas le droit de se retirer de la société commune sans mettre fin à celle-ci129.

Qu’advient-il ensuite de la situation patrimoniale du partenaire sortant ? Sa situation diffère en fonction de l’apport qu’il a fourni à la société commune. L’apport en industrie ou celui fait en jouissance se compensent avec les bénéfices ou les pertes au sein de la société130. Ces apports ne se restituent pas. En ce qui concerne les biens apportés au fonds social, le principe est que les associés doivent restituer à l’associé sortant le bien en nature ou sa valeur, diminué des pertes éventuelles de la société131.

Lors de la reprise des biens du partenaire exclu, la structure commune peut-être affaiblie. Pour éviter cet écueil, certaines clauses, limitant ou supprimant les droits du partenaire, peuvent être prévues pour maintenir certains apports132.

127 C. CONSTANT, op. cit, p.1107 ; F. MAGNUS, op. cit., p.139 : la validité d’une clause de démission ne peut être remise en cause par le caractère d’ordre public ou impératif des articles 43 et 45 du Code des sociétés, pour autant qu’une telle clause n’empêche pas l’associé de demander la dissolution de la société sur le fondement de ces dispositions ; T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., pp.234 et suivants. 128 F. MAGNUS, op. cit., p.139. 129 S. COLLIN, op. cit., p.1137. 130 T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.239. 131 Plus en détails, voy. T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., pp.240-243; S. COLLIN, op. cit., p.1136. 132 En cas de démission, la doctrine considère que si le contrat de collaboration à durée illimitée n’écarte pas la possibilité pour un associé de demander la dissolution sur la base de l’article 43 du Code des sociétés ou si la collaboration a été conclue pour une durée limitée, les associés ne peuvent en principe pas démissionner: le contrat de collaboration peut leur accorder ce droit tout en décourageant son exercice, par exemple en limitant, voire en supprimant les droits de l’associé démissionnaire. En cas d’exclusion pour justes motifs ou pour faute, le contrat de collaboration peut prévoir des dommages et intérêts à charge de l’associé exclu. Un tel mécanisme s’apparentera à une clause pénale susceptible d’être considérée comme excessive, et partant réduite. Voy. S. COLLIN, op. cit., p.1136 et T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., pp.243-246.

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3) LIQUIDATION

Une fois la société commune dissoute, qu’advient-il des éléments patrimoniaux présents au sein de la joint venture ? Le Code des sociétés organise la liquidation des sociétés aux articles 183 et suivants. Cependant, ce régime n’est pas applicable aux sociétés de droit commun. La liberté des partenaires pour régler les questions de liquidation est pleine et entière.

La liquidation doit être appréhendée sous deux étapes, la première concerne la liquidation sensu stricto tandis que la deuxième concerne le partage du solde restant dans la société entre les associés. En ce qui concerne la première étape, elle s’opère par les associés eux-mêmes ou par un liquidateur mandaté par ces derniers. Les partenaires ayant fait des apports en jouissance peuvent reprendre leurs biens dès l’adoption de la décision de la dissolution et ce, quand bien même la société commune serait déficitaire133. Il s’agit pour eux d’une véritable « opportunité » puisque leurs biens ne désintéresseront pas les créanciers sociaux lors de la liquidation. La deuxième étape commence lorsque l’ensemble des créances sociales est éteint ; le solde positif ou négatif restant est réparti entre les associés selon les modalités convenues entre les partenaires. La place laissée au consensualisme est grande. Ils peuvent décider de fixer une clé de répartition du solde de liquidation qui leur convient ainsi que prévoir un droit de préférence sur certains actifs, etc134.

Les agents économiques qui décident de faire l’apport d’un bien en propriété doivent être conscients des conséquences au niveau du partage qui en découlent. Ils ont uniquement droit à la valeur de l’apport et ne peuvent pas réclamer le bien en nature. Pour cette raison, il est préférable pour ces derniers de déroger à cette règle conventionnellement135.

Si les partenaires n’ont pas convenu de la répartition, « il conviendra d’appliquer les règles de distribution des bénéfices au cours de la vie sociale ou à défaut partager les bénéfices ou les pertes en fonction des apports effectués par chaque associé »136.

133 S. COLLIN, op. cit., p.1139. 134 C. CONSTANT, op. cit., p.1108 ; T. TILQUIN, V. SIMONART, op. cit., p.340 et suivants. 135 S. COLLIN, op. cit., p.1140. 136 S. COLLIN, op. cit., p.1139.

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III.- LES JOINT VENTURES AVEC PERSONNALITÉ JURIDIQUE

Les partenaires peuvent décider que leur coopération sera organisée au sein d’une société dotée de la personnalité juridique. Cette forme de structure est habituellement choisie lorsque la coopération est risquée ou de grande envergure. De multiples autres raisons, dont la liste ne saurait être exhaustive, mènent les opérateurs économiques à faire le choix d’une corporate joint venture.

En droit belge, les sociétés qui possèdent la personnalité juridique disposent de caractéristiques diverses. Certaines d’entre elles sont susceptibles d’intéresser les opérateurs économiques. Le cadre de ce travail étant limité, il se concentre uniquement sur les caractéristiques de trois formes sociales. Il s’agit des formes les plus utilisées en droit belge : la société anonyme (SA), la société privée à responsabilité limitée (SPRL) et la société coopérative à responsabilité limitée (SCRL).

La SPRL et la SCRL sont des formes sociales rangées parmi les sociétés de personnes. Les associés s’y engagent intuitu personae, en considération de la qualité de leur(s) coassocié(s). La SA est une forme sociale rangée parmi les sociétés de capitaux, l’actionnaire s’y engage intuitu pecuniae, la qualité de la personne qui apporte les capitaux est indifférente aux autres actionnaires137. Bien que cette distinction soit doctrinale, celle-ci met en exergue les différences entre ces deux types de société dans leurs régimes, notamment au niveau de la cessibilité des titres et des causes de dissolution.

Lorsque les partenaires optent pour une société commune qui dispose de la personnalité juridique, les conditions de validité de l’accord de coopération la créant sont les mêmes que celles qui sont relatives aux accords de coopération purement contractuels. Par contre, les conditions de formes et de publicité pour la constitution de la société dotée de la personnalité juridique sont différentes puisqu’en Belgique, la société en question doit respecter certaines formalités pour pouvoir en bénéficier138. Elle acquiert la personnalité juridique au moment du dépôt de l’acte constitutif au greffe du Tribunal de commerce139.

La raison du choix de ces trois formes sociales n’est pas anodine. Ce choix s’est d’abord concentré sur les sociétés de droit belge140. La société en commandite simple (SCS) et la société en nom collectif (SNC) ont été écartées car bien qu’elles possèdent la personnalité juridique, leurs différences avec la société de droit commun ne sont pas majeures. Quant à la société en commandite par actions (SCA), elle est tombée en désuétude au profit de la SA141. Enfin, le groupement d’intérêt économique (GIE) ne fait pas l’objet de

137 O. CAPRASSE, « Droit des sociétés ». Notes de cours, Université de Liège, 2015-2016, pp.40-44. 138 T. TILQUIN, V. SIMONART, Traité des sociétés, Tome III, Kluwer, Bruxelles, p.543. 139 Art. 68 C.soc. 140 Le groupement européen d’intérêt économique (GEIE), la société coopérative européenne (SCE) ainsi que la société européenne (SE) ne sont donc pas étudiées. 141 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.905.

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cette présente étude car il n’a jamais eu de succès auprès du monde des affaires142. Lorsque le législateur belge a voulu répondre aux impératifs de la coopération au travers du GIE, celui-ci y a répondu de façon trop timide.

Seront étudiés sous six rubriques : la société anonyme (SA), la société personnelle à responsabilité limitée (SPRL) et la société coopérative à responsabilité limitée (SCRL).

A.- DES APPORTS ET CONTRIBUTIONS AUX BENEFICES

1) Moyens apportés à la cooperation

Tout comme pour les sociétés sans personnalité juridique, la nécessité d’un apport à la société dans le chef de chaque partenaire se déduit de l’article 1er du Code des sociétés. En contrepartie, il sera attribué aux apporteurs des droits sociaux.

La rémunération des apports peut se faire notamment par des parts sociales143, des actions144 ou des parts bénéficiaires.

Une attention particulière doit d’ailleurs être portée aux parts bénéficiaires. Celles-ci ne sont pas des titres qui représentent le capital social. En principe, elles sont dépourvues du droit de vote, ce qui ne permettrait pas au porteur de ces parts d’être considéré comme un partenaire à part entière. L’intérêt des parts bénéficiaires est qu’elles peuvent être modulées afin de correspondre aux attentes des partenaires d’une joint venture qui emprunte le régime de la SA. Certains apports ne peuvent pas entrer dans la formation du capital social tandis que d’autres sont difficilement évaluables alors qu’essentiels pour les besoins de la joint venture145. Ces problèmes peuvent être évités par la rémunération de parts bénéficiaires. Puisque le Code des sociétés permet aux statuts de déterminer les droits attachés à ces titres, un droit au dividende, au boni de liquidation et de vote peuvent être envisagés par les partenaires. Ceci permettrait à un partenaire dont l’apport est difficile à évaluer de participer presque pleinement comme les autres, son droit de vote étant limité146.

142 E. VAN DAELE, « Le groupement d’intérêt économique (GIE) et le groupement européen d’intérêt économique (GEIE) », Traité pratique de droit commercial, Tome IV, Waterloo, Kluwer, 2012, p.1011. 143 Ce sont les droits des associés dans les sociétés de personnes, comme la SPRL et la SCRL. 144 Ce sont les titres représentatifs du capital social dans les sociétés de capitaux, comme la SA. 145 Pensons à l’apport de l’universalité des biens d’une société, un droit d’usufruit ou un savoir-faire par exemple. 146 Art. 542 C.soc. Il faut souligner que, « nonobstant toutes dispositions contraires des statuts (et, a fortiori, même à défaut de dispositions), chacune des parts bénéficiaires donne droit au vote dans sa catégorie » en cas de modification par l’assemblée générale des droits attachés à ces parts (art. 560, al.4., C.soc), ainsi qu’en cas de modification de l’objet social (art. 559, al.7, C.soc.), d’acquisition par la société de ses propres titres (art. 620, §1, 1°, C.soc.) et de transformation de la société (art. 781, §1, 1°, C.soc.).

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Trois types d’apport sont possibles : en numéraire, en nature et en industrie147. Toutefois, en fonction de la structure sociétaire choisie, des limites légales restreignent la liberté de choix des associés.

a) Apport en numéraire

L’apport en numéraire est toujours représentatif du capital social dans les SPRL et les SCRL148. Dans la SA, ce type d’apport est principalement rémunéré par des actions. Si les statuts de la SA le prévoient, le Code des sociétés permet la rémunération de parts bénéficiaires149.

Cet apport peut être fait en propriété ou en jouissance. Cette faculté offerte est non négligeable puisque l’associé disposera d’une créance de restitution à la dissolution si son apport n’est pas fait en propriété150. Cet avantage qu’octroie l’apport en jouissance nécessite néanmoins l’intervention d’un réviseur d’entreprise dès lors qu’il contribue à former le capital social151.

Enfin, pour éviter toute requalification devant les tribunaux, les partenaires devront préciser de manière claire dans une clause statutaire que la somme d’argent sera restituée à la dissolution. Dans le cas contraire, l’apport sera présumé fait en propriété.

b) Apport en nature

L’apport en nature se conçoit de façon large dans le Code des sociétés152. L’apport doit cependant être susceptible d’une évaluation économique pour pouvoir être rémunéré par des actions représentatives du capital social153. Si les statuts le permettent, la SA peut rémunérer ces apports par des parts bénéficiaires154.

147 Cf. « Moyens apportés à la coopération », p.14. 148 Art. 232, al.3 et 356, al.2, C.soc. 149 Art. 460 C.soc. ; Au cours des dernières années, des certificats de participation sont apparus au sein de ces sociétés. Il s’agit d’une forme spécifique de parts bénéficiaires. Ceux-ci sont délivrés par la SA moyennant une contrepartie en espèces, dépourvues de droit de vote mais octroyant le droit à un dividende et à une part dans le boni de liquidation , voy. J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., pp.498-499. 150 S. GILCART, C. BROCAL, « Les règles de constitution des SA, SPRL et SCRL – Première partie », Droit des sociétés commerciales, Kluwer, Waterloo, 2012, p.192 ; J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, « Sociétés sans personnalité juridique », Droit des sociétés, Précis, 2ème édition, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.247. 151 Ce n’est pas la somme d’argent qui a besoin d’être évaluée mais la valeur de la jouissance de cette somme ; S. GILCART, C. BROCAL, op. cit., p.192. 152 Il s’agit de tout apport d’un bien autre que celui de l’argent. 153 Art. 218 (SPRL), 394 (SCRL) et 443 (SA) C.soc. 154 Art. 483 et 484 C.soc.

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Ce type d’apport est susceptible de se retrouver fréquemment dans les joint ventures puisque cet apport peut être, à titre d’exemple, une clientèle, des résultats d’études, un brevet, un savoir-faire ou l’apport d’une branche d’activité155.

Les partenaires doivent s’assurer de la rédaction de deux rapports lorsque l’apport se

fait en nature. L’un émane d’un réviseur d’entreprises tandis que l’autre émane des fondateurs de la coopération156. Ces rapports ont pour but d’éviter toutes évaluations arbitraires des biens apportés. Si les partenaires souhaitent contourner les règles du contrôle révisoral des apports en nature157, le Code des sociétés les décourage fortement par ses dispositions en matière de quasi-apports158.

L’obligation légale de la rédaction de ces rapports est susceptible de dispenses159. Il

est néanmoins conseillé aux partenaires, au vu de la difficulté objective d’évaluer les apports particulièrement complexes réalisés dans le cadre d’une joint venture, d’avoir recours à un professionnel du chiffre. Ceci permettrait d’éviter les sanctions du Code des sociétés à l’égard des apports fictifs ou manifestement surévalués160.

Dans le cadre d’une SA, si l’apport en nature est utile aux buts poursuivis par la

coopération mais qu’il est impossible de l’évaluer, ou que le partenaire estime que l’évaluation ne prend pas en compte certains aspects, des parts bénéficiaires sont envisageables comme contrepartie à l’apport.

Si l’apport en nature se fait en jouissance, ce choix doit être rédigé dans une clause statutaire. Toute ambiguïté dans sa rédaction présumera l’apport effectué en propriété.

Les partenaires devront porter attention à la publicité de deux apports particuliers en

nature. D’une part, tout immeuble apporté à la société doit faire l’objet d’une transcription à la conservation des hypothèques. D’autre part, l’apport de brevet nécessite une notification à l’Office de la propriété industrielle161.

155 S. GILCART, S., C. BROCAL, op. cit., p.193. 156 Art. 219, §1er (SPRL), art. 395, §1er (SCRL), 444, §1er (SA) C.soc. 157 En effectuant par exemple, à la constitution de la société, un apport en espèces qui serait ensuite affecté par la société à l’acquisition d’un bien leur appartenant, voire en vendant à la société un bien pour une somme supérieure à sa valeur intrinsèque, somme qui serait utilisée peu après pour effectuer un apport en espèces à la société ; J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.447. 158 Art. 220 à 222 (SPRL), art. 396 (SCRL), art. 445 à 447 (SA) C.soc. 159 Art. 219, §2 (SPRL), art. 395, §2 (SCRL), art. 444,§2 (SA) C.soc. 160 En cas d’apport fictif: voy. Art. 229, 1° et 2° (SPRL), art. 405, 1° et 2° (SCRL), art. 456, 1° et 2° (SA) C.soc. Eventuellement l’article 196 du Code pénal en cas d’intention frauduleuse. En cas d’apport manifestement surévalué: Art. 229, 4° (SPRL), 405, 3° (SCRL), 456, 3° (SA) C.soc. 161 S. GILCART, C. BROCAL, op. cit., p.198 ; A. CULOT «Droit sur les apports en société et sur leur liquidation », Manuel des droits d'enregistrement, Bruxelles, Éditions Larcier, 2015, pp. 235-268.

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c) Apport en industrie

Les trois sociétés à responsabilité limitée étudiées ne permettent pas d’apport en industrie dans le capital social. Ni les associés de la SPRL, ni ceux de la SCRL ne peuvent faire d’apports de ce type162. Pour les SA, l’article 443 du Code des sociétés fait obstacle à ce qu’un apport en industrie puisse être rémunéré par des actions représentatives du capital social, laissant place à une rémunération de parts bénéficiaires.

Il faut cependant analyser le rôle concret du partenaire dans ce qu’il apporte. La qualification de l’apport peut en effet différer en fonction du rôle de ce dernier. Ce qui est d’apparence un apport en industrie peut se révéler être un apport en nature, ce dernier pouvant alors faire partie du capital social. Par exemple, si l’associé entreprend des démarches pour le compte de la société, ou qu’il participe aux négociations de contrats en faisant usage de sa réputation, il s’agira d’un apport en industrie. Par contre, si le rôle de l’associé est passif et que sa seule présence dans la société soit destinée à faire acquérir une réputation de sérieux et de solvabilité, il s’agira d’un apport en nature163.

2) Contribution aux bénéfices

L’article 30 du Code des sociétés prévoit un règlement supplétif de distribution du bénéfice qui ne s’applique qu’en l’absence de clauses statutaires contraires. Selon cette disposition, la part de chaque associé dans le bénéfice est proportionnelle à sa mise dans le fonds de la société.

Au sein de la SA, aucune distribution du bénéfice ne peut conduire à ce que l’actif net devienne inférieur au capital libéré. Il en va de même pour le capital appelé si celui-ci est supérieur au capital libéré, dans le cas où les partenaires n’ont pas encore libéré une partie des apports appelés164. De plus, l’assemblée générale, qui réunira les partenaires, est contrainte d’établir une réserve légale165. Le fonds de réserve légal, lorsque la société est en bénéfices, doit être alimenté par l’assemblée générale par un prélèvement d’un vingtième au minimum. Cette obligation prend fin lorsque le fonds de réserve a atteint le dixième de la part fixe du capital social.

D’autres types de réserve sont également prévues166, ce qui ne facilite pas la distribution du bénéfice entre les partenaires.

162 Art. 232, al.3 (SPRL), art. 351 et 356, al.2 (SCRL) C.soc. 163 S. GILCART, C. BROCAL, op. cit., p.200 164 P. DE WOLF, G. STENVENS, « La société anonyme », Traité pratique de droit commercial, Tome IV, Volume 2, Waterloo, Kluwer, 2012, p.420 165 Art. 616 C.soc. 166 Art. 614, 620, 629 C.soc ; des réserves statutaires ainsi que des réserves libres peuvent également altérer la distribution des bénéfices aux actionnaires.

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La distribution des bénéfices concerne les actionnaires de la société. Si les statuts le prévoient, les porteurs de parts bénéficiaires ont également un droit aux dividendes167. Les actionnaires sont libres de répartir le bénéfice selon des proportions convenues entre eux. Il est concevable que cette distribution se fasse sur une répartition inégalitaire entre les partenaires168. La liberté offerte par le législateur belge est toutefois limitée par la prohibition des clauses léonines prévue à l’article 32 du Code des sociétés169. Cette prohibition n’empêche pas la création d’actions privilégiées par les statuts. N’est pas une clause statutaire léonine la clause qui prévoit une part plus importante du bénéfice aux détenteurs de certaines actions.

En principe, c’est l’assemblée générale ordinaire qui décide de l’affectation des bénéfices de la société et de la distribution des dividendes170. Si, pour certaines raisons, les partenaires souhaitent recevoir les bénéfices plus rapidement, deux possibilités s’offrent à eux.

Premièrement, si les statuts le prévoient, un acompte sur le dividende définitif futur peut être décidé par le conseil d’administration moyennant le respect de l’article 618 du Code des sociétés. Les conditions de l’acompte sur dividende sont cependant très strictes.

Deuxièmement, il est possible d’octroyer aux partenaires des dividendes intérimaires171. Il s’agit d’une distribution de dividendes faite par l’assemblée générale extraordinaire en cours d’exercice.

Avant la décision d’affectation des résultats de l’assemblée générale, le droit du partenaire actionnaire est éventuel : il dépend à la fois des résultats de l’exercice et du vote de l’assemblée générale. L’actionnaire n’a aucun droit à la distribution du dividende. Il n’a qu’une « vocation bénéficiaire »172, c’est-à-dire le droit de prendre part aux dividendes. En revanche, lorsque l’assemblée générale a décidé de la distribution d’un dividende et en a fixé le montant, le partenaire actionnaire acquiert un droit de créance vis-à-vis de la société173.

Au sein de la SCRL, l’article 429 §1er du Code des sociétés interdit toute distribution aux associés si la société n’est pas en situation bénéficiaire174. La disposition poursuit en soumettant la société à un régime d’affection prioritaire des bénéfices au fonds de réserve légal et aux réserves statutaires. L’alimentation du fonds de réserve légal prend fin de la même façon que dans la SA175.

Lorsque la société est en situation bénéficiaire et qu’elle a procédé à l’affectation prioritaire, la distribution des bénéfices est semblable à celle de la SA, c’est-à-dire que le

167 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE,, op. cit., p.500. 168 P. HERMANT, « Le droit au partage des bénéfices », Les nouveaux droits des actionnaires, Vanham & Vanham, 2011, Bruxelles, p.20. 169 Cf. « Contribution aux bénéfices dans les moyens apportés », p.16. 170 Art. 554 C.soc. 171 P. DE WOLF, G. STENVENS, op. cit., p.425. 172 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p769. 173 P. DE WOLF, G. STENVENS, op. cit., p.420. 174 G. HORSMANS, op. cit, p.389. 175 Art. 428 du C.soc.

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surplus est distribué selon les modalités des statuts sous réserve de la prohibition des clauses léonines176.

Une incertitude entoure les acomptes sur dividende. Si ceux-ci sont certains dans la SA177, cette possibilité n’a pas été prévue par le législateur pour la SCRL. La doctrine classique estime qu’il n’est pas possible d’y recourir sur la base des travaux préparatoires de l’article 618 du Code des sociétés178. Une doctrine plus récente estime au contraire qu’il est possible pour les partenaires d’y recourir sur la base d’une interprétation extensive de l’article 617 du Code des sociétés179. Le Code des sociétés demeure muet sur la possibilité de distribuer un dividende intérimaire dans une SCRL180.

Au sein de la SPRL, une réserve légale doit être affectée annuellement par l’assemblée générale jusqu’au jour où le fonds de réserve a atteint un dixième du capital social souscrit181. L’article 320 du Code des sociétés interdit toute distribution aux associés si la société n’est pas en situation bénéficiaire. Contrairement à la SA et la SCRL, chaque part confère un droit égal dans la répartition des bénéfices182. Les associés sont donc obligés de partager les bénéfices de manière proportionnelle en fonction du nombre de parts. Les divergences doctrinales concernant l’acompte sur dividendes et sur les dividendes intérimaires sont mutatis mutandis les mêmes que dans la SCRL.

B.- DU REGIME PATRIMONIAL

Toute société disposant de la personnalité juridique a un avoir social défini comme l’ensemble des biens que les associés ont mis en commun et leurs accroissements183. La société est propriétaire de ces biens. Par contre, il convient de distinguer le capital social, qui n’existe que dans les sociétés à responsabilité limitée.

176 G. HORSMANS, op. cit, p.390. 177 Art. 618 C.soc. 178 Ils estiment, sur la base des travaux parlementaires de l’article 618 du Code des sociétés que les acomptes sur dividende avaient pour unique but de permettre à des sociétés cotées en bourse de faire appel à l’épargne ; P. HERMANT, op. cit., p.10 179 Selon eux, l’article 617 du Code des sociétés ne doit pas être interprété comme une cristallisation du moment auquel la marge bénéficiaire distribuable doit être calculée. Cet article établirait simplement une technique de calcul du montant de la distribution allant dans le sens de la protection du capital de la société. Suivant un tel raisonnement, le critère de l’actif net peut être évalué à tout moment pour autant que l’on se base sur des données qualitatives et quantitatives fiables ; HERMANT, P., op. cit., pp.10-11. 180 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.984. 181 Art. 319 C.soc ; M. COIPEL, « Droit des sociétés: les sociétés à responsabilité limitée », Bruxelles, Larcier, 2008, p.558. 182 Article 239 C.soc. 183 Cass. 24 mai 1955, Rev. prat. soc., 1956, p.273; Pas., 1955, I, p.1046.

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La société a un patrimoine propre. Le législateur a cependant créé un « cadre » patrimonial minimal pour chaque type de société. L’étude de ce cadre distinguera le capital minimum, la souscription du capital et la libération du capital.

Un capital minimum est exigé par la loi. Il varie en fonction de la société que

choisiront les partenaires. Le capital minimum le plus élevé est celui de la SA puisqu’il atteint au moins 61.500 euros184. Ceux de la SPRL et de la SCRL sont moindres et sans doute plus accessibles aux partenaires de joint venture plus modestes185. Pour la SPRL, le capital doit être porté à 18.550 euros au moins. Pour la société coopérative, son capital est particulier car il est « mixte » : il y a une part fixe dont le montant s’élève à 18.550 euros au minimum et d’une part variable186.

Lors de son entrée dans la société, le partenaire s’engage à y apporter quelque chose.

Cette promesse d’apport porte le nom de souscription. La souscription doit être intégrale pour la constitution d’une SA ou d’une SPRL. Il en va de même pour le montant de la part fixe de la SCRL187. La souscription doit être immédiate, inconditionnelle et ne peut être trompeuse188.

Quant à la libération de ce capital, c’est-à-dire la mise en œuvre de la souscription,

les partenaires qui désirent utiliser comme société commune la SA devront libérer intégralement au minimum 61.500 euros189. Au-delà de 61.500 euros, chaque action doit être libérée à concurrence d’un quart. Les actions correspondant à des apports en nature doivent être entièrement libérées dans un délai de cinq ans à dater de la constitution190.

Dans une SPRL, les partenaires devront libérer 6.200 euros. Chacune des parts

souscrites en numéraire doit être libérée d’un cinquième au moins pour autant que le seuil de libération minimal soit déjà atteint. Les parts correspondant à des apports en nature doivent être entièrement libérées dès la constitution, contrairement aux SA où un quart suffit191.

Au sein de la SCRL, le montant de la part fixe doit être intégralement libéré à

concurrence de 6.200 euros. Chaque part correspondant à un apport en numéraire et chaque part correspondant à un apport en nature doivent être libérées d’un quart192, comme dans une SA.

184 Art. 439 C.soc. 185 Par exemple la coopération entre deux start up. 186 Art. 214, §1 (SPRL), 390, al.1er et al.2 et 392 (SCRL) C.soc ; la part dite variable au sein de la SCRL signifie qu’elle peut être augmentée ou diminuée en raison de l’entrée ou de la sortie d’un associé, sans que les statuts doivent être modifiés (art. 392 C.soc.). 187 Art. 216 (SPRL), 393 (SCRL) et 441 (SA) C.soc. 188 La souscription doit coïncider avec la constitution de la société. Elle ne peut être subordonnée à l’octroi d’un quelconque avantage. En cas de souscription trompeuse, les fondateurs peuvent être poursuivis pour délit d’escroquerie. 189 Art. 448 C.soc. 190 Art. 439 et 448 C.soc.; S. GILCART, C. BROCAL, op. cit., p.209. 191 Art. 223 C.soc. 192 Art. 397 et 398 C.soc.

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Lorsque la libération n’est pas concomitante de la souscription, deux précisions sont

à apporter dans la libération ultérieure. D’une part, si les statuts sont silencieux quant aux modalités des appels de la fraction du capital non versée à la souscription pour les apports en numéraire, il appartient aux organes compétents193 des sociétés de les régler. D’autre part, dans la SA et la SCRL, les apports en nature doivent être entièrement libérés dans un délai de cinq ans à dater de la constitution de la société194. Le législateur n’a pas prévu de délai pour la SPRL puisque les parts correspondant à des apports en nature doivent être entièrement libérées195.

Le respect du minimum légal n’est pas la seule exigence en matière de capital social. Il faut, en outre, que le capital (ou la part fixe dans une SCRL) soit suffisant pour assurer l’exercice normal de la joint venture pendant une période de deux ans au moins196. Le respect de cette exigence n’est pas anodin puisqu’en cas de faillite de la société dans les trois ans suivant la constitution de celle-ci, la responsabilité des fondateurs peut être engagée197.

C.- DU TRANSFERT DES PARTS SOCIALES

L’intuitu personae est un corollaire de la joint venture. La cessibilité des titres (ou des parts bénéficiaires) ne devrait, en principe, pas avoir lieu fréquemment puisqu’il n’est pas simple de trouver un partenaire complémentaire permettant de réaliser un objectif précis. La personnalité des partenaires est au cœur du moteur du véhicule juridique qu’ils empruntent. La vie des affaires peut néanmoins parfois mener à ce qu’un partenaire soit remplacé par un partenaire aux qualités équivalentes dans une joint venture.

La société « idéale » pour une entreprise conjointe s’apparente à un véhicule qui

stabiliserait le capital et rendrait la société fermée aux tiers en ce qui concerne la cessibilité de ses titres/parts.

La SA est conçue comme une société ouverte ; le Code des sociétés n’impose pas de

limitation à la libre cessibilité198. Cette liberté s’applique aux actions199. Les parts bénéficiaires ne sont négociables librement qu’après un délai de dix jours suivant le dépôt des deuxièmes comptes annuels consécutifs à leur création. Il s’agit donc d’une incessibilité

193 Administrateurs, gérants. 194 Art. 400 et 448, al.2, 2° du Code des sociétés. 195 Art. 223, 2° du Code des sociétés. 196 Art. 229, 5° (SPRL), 405, 5° (SCRL) et 456, 4° (SA) du Code des sociétés. 197 Art. 229, 5° (SPRL), 405, 5° (SCRL) et 456, 4° (SA) du Code des sociétés. 198 En droit belge, la libre cessibilité des titres dans une SA est un principe qui est d’ordre public. 199 Art. 460 C.soc.

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temporaire. Avant l’expiration ce délai, cette incessibilité n’est pas absolue. Les parts peuvent être cédées par un acte authentique ou par acte sous seing privé signifié à la société200.

Ce principe pose problème dans les entreprises conjointes puisqu’elles ont un

caractère fermé. La libre négociabilité des titres peut être toutefois limitée conventionnellement par

les partenaires. La liberté contractuelle permet donc de « fermer » une SA afin qu’elle puisse correspondre aux attentes des partenaires d’une joint venture.

 En ce qui concerne la SCRL, c’est sans doute la structure la plus appropriée en ce qui

concerne la cessibilité des titres. En effet, peu d’aménagements contractuels seront nécessaires pour correspondre à la philosophie de la joint venture. L’article 364 du Code des sociétés prescrit que les parts d’une SCRL ne peuvent être cédées qu’aux associés ou aux tiers désignés dans les statuts. Cette société est donc particulièrement fermée tout en laissant une petite porte de sortie en cas d’accroc dans la collaboration.

Quant à la SPRL, elle est traditionnellement conçue comme une société fermée où

l’intuitu personae entre associés joue un rôle important. Depuis sa création, la SPRL se caractérise par des limitations légales impératives relatives à la cessibilité des parts sociales à des tiers201.

Parmi les trois structures juridiques étudiées, celles-ci doivent faire l’objet d’aménagements de leur régime légal. Deux possibilités s’offrent aux partenaires dans l’aménagement : les clauses statutaires ou les conventions d’associés.

Ces deux voies sont disponibles dans le cadre d’une SA. L’article 510 du Code des sociétés vient en aide aux partenaires en leur permettant explicitement des dérogations par le biais des statuts ou « de toutes autres conventions ». Les partenaires d’une SCRL ne peuvent cependant emprunter que la voie statutaire. Selon l’article 364, la cession aux tiers ne peut être agréée que s’ils satisfont aux conditions d’admission de l’article 366 qui, selon le texte, sont celles qui figurent dans les statuts202. La question n’est pas tranchée pour la SPRL. Les textes sur la SPRL ne visent que les statuts, ils excluent donc, en principe, les autres conventions. La doctrine s’interroge toujours sur la volonté du législateur quant à l’aménagement légal de la société par conventions d’associés203. À défaut de travaux préparatoires clairs, la sécurité juridique encourage les partenaires à opter pour organisation

200 Art. 505 et 508 C.soc. ; D. WILLERMAIN, « Les clauses visant à organiser l’exercice du pouvoir », Les conventions d’actionnaires, Séminaire Vanham & Vanham, 2013, p.17 ; Y. DE CORDT, “La société anonyme”, R.P.D.B., Bruylant, Bruxelles, 2014, p.99-101. 201 De plus, voy. Cass. 24 février 1959, Pas., 1959, I, 644: Un arrêt de la Cour de cassation précise que les statuts d’une SPRL ne peuvent assouplir les restrictions légales à la cessibilité des parts mais seulement les renforcer. La doctrine et la pratique ne semblent plus être en accord avec cet arrêt. 202 M. COIPEL, « L’identification des SA, SPRL et SCRL et la cession des actions ou parts de leurs associés », Droit des sociétés commerciales, Tome I, Waterloo, Kluwer, 2012, p.352. 203 M. COIPEL, op. cit., p.353.

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de la cessibilité des parts dans les statuts. La seule certitude est relative au respect de l’article 249 du Code des sociétés lorsque la cessibilité est aménagée204.

Lorsque les partenaires disposent des deux possibilités – c’est-à-dire uniquement

dans le cas de la SA - il leur est conseillé de préférer les statuts aux conventions. Bien que les conventions d’actionnaires permettent une discrétion que n’offrent pas les clauses statutaires205, les statuts sont susceptibles, sauf clause plus restrictive, d’être modifiés à une majorité qualifiée de trois quarts, contrairement à la modification d’un pacte d’actionnaires qui requiert l’unanimité. En outre, si un nouveau partenaire devait être adjoint à la joint venture, il devrait adhérer expressément aux conventions existantes, alors que son adhésion aux statuts est implicite lorsqu’il entre dans la société206.

Parmi les trois structures juridiques proposées, il existe différentes manières de

limiter la cessibilité dans les statuts ou par une convention. La portée de ces clauses varie en fonction de la structure choisie en ce sens que la SA a besoin de plus d’aménagements que la SPRL et que la SCRL que le législateur a déjà rendu fermées.

Trois méthodes offertes par le Code des sociétés permettent de s’assurer du caractère

fermé d’une entreprise conjointe : les clauses d’agrément, les clauses de préemption et les clauses d’incessibilité. D’autres clauses, non expressément prévues par le Code, limitent néanmoins également la cessibilité des titres d’une société. Au vu de leur multiplicité, l’attention portera uniquement sur la clause la plus utilisée dans la pratique.

La clause d’agrément est celle qui oblige l’actionnaire voulant céder ses titres à

obtenir l’assentiment préalable d’un organe de la société207 ou de tiers. Son intérêt est double puisqu’il permet de prévenir l’entrée d’investisseurs non souhaités et de maintenir le rapport de force existant parmi les partenaires.

Dans la SA, l’article 510 du Code des sociétés prévoit une restriction à cette clause. La mise en œuvre de l’agrément ne peut aboutir à ce que l’incessibilité soit prolongée plus de six mois à partir de la demande d’agrément208. En SCRL, la clause d’agrément doit être distinguée si elle a vocation à viser des associés ou des tiers. Dans le silence de la loi, la clause d’agrément pour les cessions entre associés n’est limitée par aucune restriction. Le régime de l’agrément pour les tiers de la SCRL est prévu à l’article 366, 2° du Code des sociétés. Seuls peuvent être admis par l’assemblée générale, ou un autre organe prévu par les statuts, les tiers déterminés dans les statuts.

204 Aucune clause ne peut être moins restrictive que ce que prescrit l’article 249 du Code des sociétés. 205 Les statuts pouvant être consultés dans le dossier de la société tenu au greffe du Tribunal de commerce. Voy. Art. 67 et 75, 2° C.soc. 206 M COIPEL, op. cit., p.353. 207 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE,, op. cit., p.536. 208 Le non-respect du délai mène à l’application de la libre cessibilité des titres. Il convient d’éviter à tout prix cette sanction puisqu’elle rentre en totale contradiction avec l’esprit d’une joint venture.

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Tout comme dans la SCRL pour les cessions de parts aux tiers, le régime légal de la

SPRL prévoit à l’article 249 du Code des sociétés les conditions relatives à l’agrément. Contrairement à la SCRL, l’agrément vise toutes les cessions. La jurisprudence a par ailleurs depuis longtemps précisé que les statuts ne pouvaient pas assouplir les restrictions légales à la cessibilité des parts mais seulement les renforcer209.

De plus, une double majorité est requise : un partenaire ne pourrait donc céder ses parts qu’avec l’agrément d’au moins la moitié des autres partenaires. Ceux-ci doivent en plus posséder les trois quarts au minimum du capital, déduction faite des droits dont la cession est envisagée210. Le délai dans lequel la société doit statuer sur la proposition de cession n’a pas été exprimé dans la loi. Toutefois, le(s) gérant(s) ou les coassociés commettraient une faute s’ils faisaient traîner le processus pour tenter de dissuader ceux qui souhaitent quitter la société211.

Des tempéraments légaux permettent d’éviter cet agrément. Parmi ceux-ci, deux

semblent pertinents dans le cadre d’une joint venture : d’une part, l’agrément n’est pas requis lorsque les parts sont cédées à un associé et d’autre part, les partenaires peuvent inscrire dans les statuts les personnes agréées à recevoir les parts de la SPRL. Ce dernier tempérament pourrait être pratique lorsque le cessionnaire est une société liée au cédant212.

La clause de préemption classique est celle qui oblige le partenaire voulant céder ses

titres à les proposer d’abord aux autres partenaires ou à certains d’entre eux213. En SA, les bénéficiaires de la clause pourraient être aussi des tiers ou des catégories de tiers précisés. Le délai de mise en œuvre au sein de la SA est mutatis mutandis le même que pour la mise en œuvre de la clause d’agrément214. En SPRL et SCRL, il ne peut s’agir que de tiers agréés anticipativement215.

Dans le cadre d’une joint venture, il est d’abord conseillé que les bénéficiaires

désignés soient l’ensemble des partenaires existants afin de garder la filiale commune fermée aux tiers. Ensuite, il est intéressant que la clause opte pour une répartition des actions cédées au prorata. Cette technique permet de maintenir inchangé le rapport entre les participations respectives, ce qui doit être privilégié dans les filiales communes216.

209 Cass. 24 février 1959, Pas., 1959, I, p.644. 210 E. POTTIER, op. cit., p.62. 211 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE,, op. cit., p.537. 212 C. CONSTANT, op. cit., p.1149. 213 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE,, op. cit., p.537. 214 Art. 510 C.soc. 215 Art. 249, §1er, alinéa 2, 2° à 4° (SPRL) et 346, 1° (SCRL) C.soc. 216 C. CONSTANT, op. cit., p.1158.

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La clause d’incessibilité, quant à elle, est celle par laquelle un partenaire s’interdit de céder ses titres. L’interdiction peut être générale ou viser les cessions à certaines personnes ou catégories de personnes217. Elle est fréquente dans les accords de joint venture où elle assure une certaine stabilité en garantissant une durée dans les investissements réciproques218. En SCRL, cette clause ne soulève aucune objection puisque la cession des parts n’est pas la seule manière de quitter la société219. Il est même envisageable d’interdire toute cession entre associés afin de préserver l’équilibre des partenaires220. En SPRL, l’article 249 du Code des sociétés n’autorise les clauses ou conventions restreignant la cessibilité des parts que si elles sont plus strictes que le régime légal. Une clause d’incessibilité est donc autorisée. Il en va autrement pour la SA, deux conditions restreignent l’application de cette clause. La clause doit à tout moment être justifiée par l’intérêt social et être limitée dans le temps (contrairement à la clause d’agrément et à celle de préemption). Si ces conditions peuvent poser problème dans le cadre d’une SA classique, ce n’est pas le cas dans le cadre d’une filiale commune, où ces conditions sont généralement rencontrées221.

D.- DE L’ORGANISATION DU POUVOIR DE GESTION ET DE

REPRESENTATION

La filiale commune des partenaires est un être abstrait qui doit agir par l’entremise de personnes physiques qui décident en son nom et la représentent à l’égard des tiers. Ces personnes physiques constituent ses organes. L’organe de gestion s’occupe de la prise de décision. Une fois adoptée, la décision est mise en œuvre par l’organe de représentation, notamment auprès des tiers.

Pour rappel, le contrôle au sein d’une joint venture est conjoint et se réalise au travers d’une instance collégiale de décision et d’une instance d’exécution222. Les trois formes sociales étudiées sont-elles adaptées aux rapports spécifiques issus des joint ventures ?

217 Par exemple des concurrents ; J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.539. 218 CONSTANT, C., op.cit., p.1156 ; J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.558. 219 Art. 367 à 369 C.soc. 220 S. COLLIN, op. cit., p.1177. 221 D. WILLERMAIN, « Les pouvoirs des administrateurs », La répartition des pouvoirs dans la société anonyme, Bruxelles, Séminaire Vanham & Vanham, 2010, p.10; M. COIPEL, op. cit., p.358 ; C. CONSTANT, op. cit., p.1157. 222 Cf. « De l’organisation du pouvoir de gestion et de représentation », p.20.

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1) Organisation du pouvoir de gestion

a) SA

1. Répartition du pouvoir entre les organes :

Le Code des sociétés confie l’administration de la SA à un conseil d’administration. Cet organe est, en vertu de la loi, collégial223. L’article 522 du Code des sociétés offre au conseil « le pouvoir d’accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la réalisation de l’objet social de la société à l’exception de ceux que la loi réserve à l’assemblée générale ». C’est donc le conseil qui dispose du pouvoir résiduel au sein de la SA.

Il en découle la faiblesse du pouvoir de gestion de l’assemblée générale dans les SA. L’assemblée générale a pour mission essentielle de contrôler et surveiller les organes de la société. Il ne lui reste que les compétences que la loi lui réserve.

Or, pour asseoir leur implication dans la gestion de la filiale commune, il est judicieux pour les partenaires de décider de confier certaines décisions importantes à l’assemblée générale plutôt qu’au conseil d’administration. À tout le moins, de soumettre les décisions du conseil à l’approbation de l’assemblée.

Les limitations des pouvoirs du conseil d’administration en faveur de l’assemblée générale devront être prévues dans les statuts. Ces limitations ne pourront toutefois déplacer entièrement le centre du pouvoir dans les mains de l’assemblée générale puisque les limitations ne peuvent pas viser les pouvoirs expressément réservés au conseil par la loi et qu’elles ne doivent pas enlever l’autonomie du conseil. Enfin, elles n’auront qu’un effet interne, elles ne seront pas opposables aux tiers224.

Au sein de la SA, l’existence du conseil d’administration n’empêche pas la délégation du pouvoir de gestion à un comité de direction225. Certains pouvoirs spéciaux peuvent également être exercés par des personnes investies des pouvoirs de gestion journalière226. Un comité de direction ou la gestion journalière ne correspondent toutefois pas aux attentes classiques d’une joint venture puisqu’elle se caractérise par une implication forte des partenaires. Idéalement, le pouvoir devrait être concentré au sein de l’assemblée générale en laissant les compétences exclusives du conseil d’administration dans la gestion de la société commune. La gestion ne doit pas être partagée par le conseil d’administration avec des organes facultatifs de gestion car leur création ne ferait qu’alourdir l’organisation du pouvoir. Si les partenaires estiment néanmoins que ces organes sont nécessaires pour les besoins spécifiques de leur filiale commune, ils veilleront à y être représentés, en prévoyant leur

223 Art. 521 C.soc. 224 Art. 522, §1er, al.2 C.soc. 225 Art. 524bis C.soc. 226 Art. 525 C.soc.

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composition dans les statuts et des conditions de majorité renforcée pour la nomination des membres227.

2. Répartition des mandats d’administrateurs et dispositions relatives à la stabilité de cette répartition :

Que les partenaires aient ou non opté pour la modification des compétences du conseil d’administration, le conseil dispose de compétences exclusives qui rendent sa présence obligatoire au sein de toute coopération dans une SA.

Le conseil d’administration étant inévitable et puisque les partenaires d’une filiale commune souhaitent participer activement à la gestion, la répartition des mandats d’administrateurs doit être organisée pour que chaque partenaire ait la garantie d’être représenté au conseil. Cette garantie s’axe sur des mécanismes qui, d’une part, stabilisent l’entreprise afin d’éviter des jeux de majorité lors de la nomination d’administrateurs et, d’autre part, renforcent la stabilité dans la gestion.

• Répartition des mandats d’administrateurs entre les partenaires

Pour éviter les jeux de majorité, deux aménagements principaux peuvent être prévus par les partenaires. En premier lieu, des aménagements concernant les candidatures peuvent être faits. La mise en place d’un droit de présentation permet de diviser l’actionnariat au moyen de catégories d’actions. Pour chaque catégorie, le droit de présentation permet de proposer un ou plusieurs candidats pour les mandats à pourvoir. Ce droit doit être inscrit dans les statuts228. L’idée est qu’on ne peut, au travers de ce droit, porter atteinte « à l’esprit de la collaboration, ni limiter le droit qu’ont les actionnaires de nommer les administrateurs sans leur accord »229.

Un autre aménagement consiste à organiser les candidatures dans les statuts sur la base de certains critères. Il suffit que le critère soit qu’un administrateur doit être choisi parmi une catégorie déterminée d’actionnaires pour mener à une solution identique au droit de présentation230.

En second lieu, des aménagements concernant les votes pour désigner les administrateurs peuvent être également utiles. Plusieurs techniques s’offrent aux partenaires. La première consiste au scrutin cumulatif permettant de nommer tous les administrateurs en

227 S. COLLIN, op. cit., p.1148. 228 Des controverses existent en ce qui concerne l’insertion de ce droit dans la SA par des pactes d’actionnaires. Voy. O., RALET, A. RAUIS, “Clauses conventionnelles et statutaires de prévention et de résolution des blocages et conflits”, Prévenir ou régler les différents entre actionnaires, Bruxelles, Séminaire Vanham & Vanham, 2000, p.15. 229 S. COLLIN, op. cit., p.1148. 230 S. COLLIN, op. cit., p.1149.

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un seul vote lors duquel chaque partenaire répartit librement ses voix231. Cette technique permet au partenaire-actionnaire minoritaire d’augmenter ses chances de désigner un administrateur qui le représente. Le scrutin cumulatif n’apporte toutefois aucune certitude quant aux résultats du vote. Une autre manière d’assurer la représentation du partenaire est un pacte d’actionnaires par lequel les partenaires s’engagent à nommer un individu particulier au poste d’administrateur232. La validité de ces pactes doit être conforme aux prescrits de l’article 511 du Code des sociétés.

Enfin, et plus simplement, lorsque les partenaires ont cette disponibilité, une réponse à l’assurance de leur représentation au sein du conseil d’administration est qu’ils y siègent eux-mêmes.

• Dispositions relatives à la stabilité de la gestion

Des dispositions qui renforcent la stabilité de la gestion peuvent être nécessaires au cours de la vie de la filiale commune.

L’administrateur, une fois élu, ne dispose pas d’un poste dont la durée est illimitée. Un des obstacles majeurs à la stabilité d’une joint venture est donc la révocabilité ad nutum des administrateurs233. Cette règle, d’ordre public, ne souffre aucun aménagement statutaire234.

Les partenaires peuvent cependant conclure une convention de vote entre eux limitant la révocabilité d’un administrateur235.

D’autres obstacles peuvent survenir, notamment en cas de mandat vacant. En principe, la loi prévoit que les administrateurs restants ont le droit d’y pourvoir provisoirement. Il pourrait y avoir un déséquilibre dès lors que l’administrateur représentant un partenaire minoritaire est absent. Les partenaires, pour éviter cet écueil, peuvent au préalable désigner des membres suppléants en cas de vacance de poste.

À défaut, des dispositions transitoires peuvent prendre le relais. Ces dispositions peuvent être aussi diverses qu’originales. Elles peuvent, par exemple, être l’aménagement des modalités du vote au sein du conseil d’administration ou prévoir que le conseil ne pourra pas

231 S. COLLIN, op. cit., p.1150. 232 Ibid. 233 S. COLLIN, op. cit., p.1152. 234 Un projet de réforme mené par le Ministre Koen Geens propose cependant que, dans la SA, le principe de révocabilité ad nutum de l’administrateur devienne une disposition de droit supplétif. Voir « Le saut vers le droit de demain », SPF Justice (disponible sur https://cdn.nimbu.io/s/1jn2gqe/assets/1481026622938/Le%20saut%20vers%20le%20droit%20de%20demain.pdf; consulté le 20 avril 2017). 235 Jurisprudence en ce sens: Bruxelles, 18 novembre 1993, R.P.S., 1994, p.174 ; Civ. Liège, 12 avril 1991, J.T., 1991, p.81; Civ. Nivelles, 15 septembre 1992, J.T., 1993, p.629.

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délibérer valablement tant que l’assemblée n’aura pas remplacé l’administrateur faisant défaut236.

3. Organisation du pouvoir au sein de l’assemblée générale et du conseil d’administration

L’aménagement concernant la stabilité des postes des administrateurs au sein du conseil d’une SA n’est toutefois pas suffisante pour assurer pleinement un équilibre conforme aux attentes d’une joint venture. Il faut encore veiller à l’exercice du pouvoir au sein de l’assemblée générale et du conseil d’administration. En principe, dans une joint venture, la gestion quotidienne est partagée entre l’assemblée et le conseil.

Au sein de l’assemblée générale, une collaboration égalitaire entre les partenaires nécessite de s’écarter d’une organisation de pouvoir classique en SA.

Les partenaires peuvent réguler la puissance votale. Pour ce faire, ils peuvent rémunérer certains apports avec des parts bénéficiaires. Une autre possibilité est de recourir au mécanisme de l’article 544 du Code des sociétés permettant de limiter le nombre de voix de chaque actionnaire, pour autant que cela concerne tous les actionnaires.

Toujours dans le sens d’une collaboration égalitaire, des clauses statutaires peuvent renforcer les conditions de quorum et de majorité pour des décisions que les partenaires estiment importantes.

Enfin, les actionnaires d’une filiale commune peuvent s’engager dans une convention de vote afin de décider dans un sens déterminé. Ce pacte devrait néanmoins respecter les conditions de l’article 551 du Code des sociétés.

Au sein du conseil d’administration, pour pallier une éventuelle sous-représentation d’un partenaire par un administrateur, il est possible d’octroyer un droit de vote multiple à un administrateur qui représente ce même partenaire.

Quant aux décisions importantes, elles peuvent être soumises à un renforcement des conditions de majorité par les partenaires, dérogeant à la majorité simple normalement de mise237. Il faut souligner néanmoins qu’aucun engagement de vote ne peut être pris par les administrateurs.

236 Voy. notamment B. TILLEMAN, « L’administrateur de sociétés », Bruxelles, La Charte, 2005, p.167 et suivants. 237 Art. 63 C.soc. ; C. CONSTANT , op. cit., pp.1121-1122.

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b) SCRL

1. Répartition du pouvoir entre les organes

L’organisation du pouvoir est tout autre dans la SCRL, où règne une plus grande liberté statutaire qu’au sein de la SA. Selon l’article 355 du Code des sociétés, il appartient aux fondateurs de déterminer le mode d’administration de la société. En principe, le pouvoir résiduel appartient à l’assemblée générale. Les partenaires peuvent néanmoins confier aux administrateurs la compétence résiduelle, comme dans le cas de la SA et la SPRL. Cette liberté a l’avantage supplémentaire que les aménagements statutaires concernant la gestion sont opposables aux tiers.

La SCRL est administrée par un administrateur, à défaut d’avoir réglé la question dans les statuts238. Pour une représentation équilibrée de tous les partenaires de la joint venture, ceux-ci peuvent déroger au régime supplétif du Code des sociétés pour que la société soit administrée par plusieurs administrateurs. À défaut de dispositions statutaires, le(s) administrateur(s) est (sont) compétent(s) pour accomplir tous les actes relatifs à la réalisation de l’objet social. Cependant, pour les actes de disposition importants, l’approbation préalable de l’assemblée générale est requise239. Enfin, les administrateurs de la SCRL peuvent déléguer la gestion journalière. L’alourdissement du pouvoir évoqué pour la SA est similaire pour la SCRL.

2. Répartition des mandats d’administrateurs et dispositions relatives à la stabilité de cette répartition

• Répartition des mandats d’administrateurs entre les partenaires

La répartition des mandats d’administrateurs et les dispositions relatives à la stabilité des postes peuvent être rapprochées de celles de la SA. Les mécanismes de répartition décrits en SA sont applicables à la SCRL.

Pour rappel, la gestion peut être confiée à un seul administrateur. S’il s’agit d’une solution intéressante pour les besoins spécifiques de la joint venture, cela permettrait d’éviter tout mécanisme de répartition.

238 Art. 378 C.soc.. 239 W. DAVID, «La gestion et la représentation des SA, SPRL et SCRL », Droit des sociétés commerciales, Livre 11, 2012, Bruxelles, Kluwer, p.573.

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• Dispositions  relatives  à  la  stabilité  de  la  gestion    

Des dispositions qui renforcent la stabilité de la gestion peuvent être prises.

La vacance d’un mandat d’administrateur peut être palliée par les mécanismes prescrits ci-avant pour la SA. En outre, il est possible d’instaurer un régime de succession en nommant, dans les statuts, les successeurs des gérants désignés par les partenaires.

Par contre, la révocabilité ad nutum des administrateurs est supplétive dans le cadre de la SCRL. Les partenaires sont autorisés à rédiger des clauses statutaires ou conventionnelles limitant la révocabilité, ce qui offre une stabilité plus grande qu’au sein de la SA.

3. Organisation du pouvoir au sein de l’assemblée générale et au niveau des administrateurs

Outre les mesures concernant les mandats d’administrateurs, l’exercice du pouvoir peut être modulé par les partenaires de la SCRL.

En ce qui concerne l’organisation du pouvoir de l’assemblée générale, un renforcement des conditions de quorum et de majorité est permis.

Quant au vote en son sein, l’article 382 du Code des sociétés permet de déroger au régime supplétif « un associé, une voix » au profit d’aménagements du droit de vote. Ces aménagements peuvent créer « toutes les inégalités envisageables »240. Contrairement au régime en vigueur dans la SA, les limitations apportées au droit de vote ne doivent pas s’appliquer à l’ensemble des associés.

Si des engagements de vote dans un sens déterminé sont rédigés dans des conventions, celles-ci ne devront pas supprimer le droit de l’associé de participer aux décisions sociales ni être contraires à l’intérêt social.

L’exercice du pouvoir entre les administrateurs se distingue dans la SCRL par la liberté offerte aux partenaires. Contrairement à la SA, où l’exercice du pouvoir des administrateurs est collégial, les statuts peuvent prévoir un exercice conjoint, collégial ou concurrent241.

Tout comme dans la SA, les conditions de quorum et de majorité peuvent être renforcés, le droit de vote multiple est autorisé et les engagements de vote sont interdits.

240 Voy. en ce sens S. COLLIN, op. cit., p.1175. 241 W. DAVID, «La gestion et la représentation des SA, SPRL et SCRL », Droit des sociétés commerciales, Livre 11, Waterloo, Kluwer, 2012, p.566.

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c) SPRL

1. Répartition du pouvoir entre les organes

La gestion dans la SPRL est confiée à un ou plusieurs gérants, agissant seuls ou conjointement242. A l’instar du conseil d’administration de la SA, le gérant a plein pouvoir pour réaliser l’objet social à l’exception des compétences attribuées à l’assemblée générale243. Le pouvoir résiduel de la SPRL est entre les mains du ou des gérants244.

On distingue classiquement les gérants statutaires, qui sont désignés dans les statuts et les gérants non statutaires, dont la nomination n’a pas eu lieu dans les conditions évoquées par l’article 256, alinéa 2, du Code des sociétés. La loi permet de nommer un ou plusieurs gérant(s) pour toute la durée de la société.

Lorsqu’il y a plusieurs gérants, chacun d’entre eux dispose, en principe, de la plénitude des pouvoirs de gestion et peut agir seul245. La gestion concurrente étant supplétive, les statuts peuvent organiser la gestion de la société sous forme d’un « collège de gestion »246, à l’instar du conseil d’administration en SA.

Une majorité d’auteur s’accordent pour rejeter une délégation de la gestion journalière au sein de la SPRL247.

Le(s) gérant(s) au sein de la SPRL dispose du pouvoir résiduaire en matière de gestion. Afin que les partenaires de la joint venture participent pleinement à celle-ci, les statuts peuvent prévoir une limitation des pouvoirs de l’organe de gestion en faveur de l’assemblée générale. Cette répartition est similaire à celle qui prévaut dans la SA ci-avant. Toutes les décisions importantes peuvent être confiées à l’assemblée générale ou être approuvées par elle248. Contrairement à la SCRL, les aménagements statutaires de la SPRL ne sont pas opposables aux tiers249.

 

242 W. DAVID, op. cit., p.565. 243 M. COIPEL, « Droit des sociétés : les sociétés privées à responsabilité limitée », Larcier, Bruxelles, 2008, p.445. 244 Art. 257, al. 1er, C.soc.. 245 Art. 257 C.soc.. 246 M. COIPEL, op. cit., p.450 247 « Au nom du principe selon lequel, en dehors de la délégation à un organe de gestion (comme le délégué à la gestion journalière), seuls des mandats particuliers sont autorisés en droit des sociétés, vu le caractère personnel des fonctions de gérant. Quoiqu’il soit limité par la notion de gestion journalière, un mandat portant sur celle-ci dans une SPRL est encore trop général pour satisfaire à l’exigence de spécialité d’une telle délégation de pouvoirs », voy. M. COIPEL, op. cit., pp.452-453 248 S. COLLIN, op. cit., p.1180. 249 Art. 157, al.2, C.soc.

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2. Répartition des mandats de gérant et dispositions relatives à la stabilité de cette répartition

• Répartition des mandats d’administrateurs entre les partenaires

Les mécanismes de répartitions des mandats d’administrateur au sein de la SA sont également applicables pour la SPRL. Toutefois, comme pour la SCRL qui admet un administrateur, un gérant unique est possible en SPRL. Ce dernier modèle de gestion peut s’avérer opportun pour les formes de coopérations peu intégrées.

• Dispositions relatives à la stabilité de la gestion

L’instabilité potentielle au sein de l’organe de gestion de la SPRL en cas de vacance d’un poste de gérant peut être palliée par un régime de succession statutaire nommant un successeur.

Quant à la révocabilité du gérant, il convient de distinguer d’une part, les gérants non statutaires, qui sont révocables ad nutum, et d’autre part, les gérants statutaires qui ne peuvent, sauf clauses statutaires contraires, être révoqués que par une décision unanime des partenaires ou pour motif grave250.

3. Organisation du pouvoir au sein de l’assemblée générale et au niveau des gérants

Au sein de l’assemblée générale, des conditions de quorum et de majorité peuvent être renforcées. En principe, l’article 275 du Code des sociétés prévoit que « chaque part donne droit à une voix ». La puissance votale peut être régulée afin d’aboutir à un exercice du pouvoir égalitaire dans l’entreprise conjointe.

Bien que le vote plural soit interdit251, les partenaires peuvent, à l’inverse, décider statutairement d’un système « un associé, une voix » pour autant qu’elle s’applique à tous les associés252.

Enfin, il est envisageable, à la lecture de l’article 281 du Code des sociétés, que les partenaires s’engagent conventionnellement à se concerter avant l’assemblée générale et à voter de la façon convenue. La convention de vote doit être limitée dans le temps et être justifiée par l’intérêt social, pareilles conditions sont généralement réunies dans le cadre d’une filiale commune253.

250 M.COIPEL, op. cit., pp.472-473. 251 Art. 275, al. 1er C.soc.. 252 M.COIPEL, op. cit., pp.545-546. 253 M. COIPEL, op. cit., p. 551.

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Au sein de l’organe de gestion, en cas de pluralité de gérants, chacun d’eux exerce concurremment la totalité des pouvoirs254. Le danger potentiel qui en découle est que chaque gérant suive les intérêts de ceux qu’ils représentent ou que le partenaire-gérant n’agisse que pour son compte.

Il convient mieux à la joint venture d’organiser un « collège de gestion » fonctionnant de manière équivalente à un conseil d’administration en SA. L’organisation de ce collège peut se faire avec des conditions de quorum et de majorité renforcées.

2) Organisation du pouvoir de représentation

Au sein de la SA et de la SPRL, le pouvoir de représentation est général vis-à-vis des tiers255. Ce pouvoir est défini par la loi et l’organisation qui découle est opposable aux tiers. En revanche, les limitations apportées en interne dans ces sociétés sont, en principe, inopposables aux tiers.

La SCRL se distingue des deux sociétés précédentes car la loi n’opère pas de distinction entre l’organisation interne et externe des pouvoirs de gestion et de représentation. Les clauses statutaires ou les décisions des organes de la société qui organisent et limitent le pouvoir de gestion et de représentation de la société sont opposables aux tiers, pourvu qu’elles aient été publiées256.

a) SA

La représentation envers les tiers et en justice de la SA est, en principe, faite par le conseil d’administration dans son ensemble257. En pratique, réunir le conseil dans son ensemble pour chaque acte de représentation s’avère difficile.

L’article 522, §2, du Code des sociétés prévoit la possibilité de confier la représentation de la société à un ou plusieurs administrateur(s) agissant seul(s) ou conjointement. Pour ce faire, les partenaires devront prévoit une clause de signature dans les statuts258. La clause statutaire de signature est opposable aux tiers259.

Afin d’éviter tout conflit interne dans l’entreprise conjointe, les actionnaires peuvent prévoir que la société ne pourra pas être représentée valablement sans l’intervention d’au moins un administrateur nommé par chacun des actionnaires.

254 Art. 257 C.soc.. 255 W. DAVID, op. cit., p.613. 256 Publication conforme à l’article 74 C.soc. ; W. DAVID, op. cit., p.624 257 Art. 522, §2, C.soc. 258 W. DAVID, op. cit., p.607. 259 Art. 522, §2, C.soc.

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La représentation peut être assurée par d’autres organes, comme les délégués à la gestion journalière ou le comité de direction260.

b) SCRL

La liberté offerte par le législateur belge permet aux partenaires de déterminer si la société est représentée par un ou plusieurs administrateurs agissant seul(s), conjointement ou collégialement. À défaut de choix statutaire, il faut considérer que les administrateurs ont des pouvoirs concurrents261.

Si plusieurs administrateurs sont nommés et qu’ils forment un collège, le pouvoir de représentation revient à ce collège. Il est dès lors utile de prévoir une clause de signature à l’instar de la SA.

c) SPRL

Si la SPRL est gérée par un gérant unique, ce dernier dispose de la plénitude du pouvoir de représentation. Lorsque la société est administrée par plusieurs gérants, à défaut de clauses statutaires contraires, chaque gérant dispose de la plénitude du pouvoir de représentation.

Afin d’assurer la défense des intérêts de chaque partenaire, une clause de signature, opposable aux tiers, peut être insérée dans les statuts262.

Le « collège de gestion », fréquent dans les joint ventures, peut être prévu dans les statuts. Dans ce cas, les partenaires rédigeront dans les statuts la forme de représentation qu’ils souhaitent. Il peut s’agir du principe de représentation individuelle de la société par chacun des gérants ou d’une représentation de la société assurée conjointement ou collégialement par les gérants du collège263. La clause statutaire instituant le collège et les modalités de la représentation sont opposables aux tiers264.

260 Art. 524bis, §1er, al.3 et 525 C.soc. 261 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.1003. 262 Art. 257, al. 3 C.soc. 263 W. DAVID, op. cit., p.610. 264 Art. 257, al. 3, C.soc.

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E.- DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES PARTENAIRES

La SA, la SCRL ainsi que la SPRL sont toutes les trois des sociétés à responsabilité limitée. Les personnes qui projettent une joint venture en choisissant ce type de structure désirent a priori limiter au maximum leur responsabilité envers les tiers. Cette rubrique consistera à savoir si le droit belge offre une « immunité » des fondateurs et associés envers les tiers. La responsabilité des associés entre eux ne sera pas discutée dans ce travail265.

La responsabilité civile des partenaires sera étudiée sous deux catégories : la responsabilité des fondateurs et celles des associés. La responsabilité des gérants et administrateurs ne fera pas l’objet de discussions dans cette étude en raison du fait que, souvent, chaque partenaire ne s’occupe pas en personne de la gestion mais s’assure de nommer des personnes tierces qui garantissent ses intérêts266.

1) RESPONSABILITE SUR LA BASE DES DISPOSITIONS DU CODE DES

SOCIETES

a) Responsabilité des fondateurs

Les fondateurs sont les personnes qui comparaissent devant le notaire chargé de rédiger l’acte constitutif d’une SA, d’une SPRL ou d’une SCRL267. Ils sont en principe les comparants à l’acte constitutif et acquièrent par le fait-même de leur présence la qualité de fondateur. Cette règle est sans exception pour la SCRL et la SPRL. Quant à la SA, l’acte constitutif peut néanmoins désigner comme fondateurs des actionnaires qui possèdent ensemble au moins un tiers du capital social.

265 Pour une idée sur la question, voy. X. DIEUX, « La responsabilité civile des associés en matière de sociétés commerciales – évolutions récentes », La responsabilité des Associés, Organes et Préposes des Sociétés, recyclage du 2 mars 1991, J.B.B., 1991, pp.57 à 110. 266 Pour une étude approfondie en la matière, voy. M.-A. DELVAUX, « Les responsabilités des fondateurs, associés, administrateurs et gérants des SA, SPRL et SCRL – Volume 2 », Droit des sociétés commerciales, Tome I, Waterloo, Kluwer, 2012 et M.-A. DELVAUX, « Les responsabilités des fondateurs, associés, administrateurs et gérants des SA, SPRL et SCRL – Volume 3 », Droit des sociétés commerciales, Tome I, Waterloo, Kluwer, 2012. 267 Art. 66, alinéa 2 C.soc. ; M.-A. DELVAUX, « Les responsabilités des fondateurs, associés, administrateurs et gérants des SA, SPRL et SCRL – Volume 1 », Droit des sociétés commerciales, Tome I, Waterloo, Kluwer, 2012, p.648.

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De plus, l’article 450, alinéa 2 du Code des sociétés permet à certains comparants lors de l’acte constitutif d’une SA de n’intervenir qu’en qualité de simple souscripteur, avec une limitation de leur responsabilité268.

La responsabilité des fondateurs est de deux catégories. Les fondateurs sont, d’une part, tenus à l’équivalent d’une garantie de la régularité de la constitution de la société et, d’autre part, ils doivent réparer le préjudice qui est la suite immédiate et directe de certaines irrégularités269.

La responsabilité des fondateurs est appelée à jouer dans plusieurs cas :

-­‐ Lorsque la souscription n’est pas valable270. -­‐ Lorsque la souscription est fictive. Il faut que le partenaire qui s’engage dans la société émette un consentement réel et non simulé271. -­‐ Lorsque les engagements pris par les mandataires et porte-fort sont non valables272. Ceci ne vaut pas pour les SCRL273. -­‐ Lorsque la libération des apports ne respecte les prescrits du Code des sociétés274. Cependant, la libération effective des apports en nature dans un délai cinq ans dans la SCRL n’engage pas la responsabilité des associés275. -­‐ Lorsque les apports en nature qui ont été faits sont manifestement surévalués276. Si l’apport est manifestement surévalué, les fondateurs sont tenus de réparer le préjudice qui est une suite immédiate (dans les trois formes de sociétés) et directe (dans la SA et la SCRL uniquement) de cette surévaluation277. -­‐ Lorsque la société souscrit à ses propres actions et contrevient à l’interdiction qui en est faite dans le Code des sociétés278. -­‐ Lorsque l’entreprise conjointe est en faillite dans les trois ans de la constitution : les fondateurs sont tenus solidairement des engagements de la société, dans une proportion fixée par le juge, si le capital social était lors de la constitution de la société, manifestement insuffisant pour assurer l’exercice normal de l’activité projetée pendant une période de deux ans au moins279.

268 Les simples souscripteurs n’échappent ni à l’article 1382 du Code civil ni à l’application de l’article 457 du Code des sociétés relatif à la responsabilité pour la libération des actions souscrites en violation de l’article 442, §1er du Code des sociétés; M.-A. DELVAUX, op. cit., p.652. 269 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.465. 270 Articles 229, 1° (SPRL), 405, 1° (SCRL) et 456, 1° (SA) C.soc. 271 M.-A. DELVAUX, op. cit., p.658. 272 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.466. 273 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.986. 274 Cf. « Du régime patrimonial », p.40. 275 J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE, op. cit., p.986. 276 Cf. « Moyens apportés à la coopération », p.35. 277 Art. 229, 4° (SPRL), 405, 3° (SCRL) et 456, 3° (SA); S. GILCART , C. BROCAL, op. cit., p.196. 278 Art. 229, 3° qui renvoie à l’art. 217 (SPRL), 405, 4° qui renvoie à l’art. 354 (SCRL) et 457 qui renvoie à l’art. 442 (SA) C.soc. 279 Art. 229, 5° (SPRL), 405, 5° (SCRL) et 456, 4° (SA) C.soc.

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-­‐ Lorsque la nullité de la société est prononcée, les fondateurs sont solidairement responsables envers les tiers de la réparation du préjudice qui serait une suite immédiate (et directe) du prononcé de cette nullité280. -­‐ Lorsque les fondateurs ont choisi une dénomination sociale identique à celle d’une autre société ou si la ressemblance induit en erreur281.

b) Responsabilité des associés

À l’instar des fondateurs concernant les apports, chaque associé doit libérer ceux-ci selon le régime de la structure qui sera emprunté par la société commune282. Les associés ne sont engagés qu’à concurrence de leurs apports.

En dehors de la libération de l’apport que le partenaire doit effectuer, il n’existe pas, dans le Code des sociétés, de dispositions spécifiques relatives à la responsabilité des associés dans la SPRL et la SA283. La SCRL, quant à elle, prévoit une responsabilité quinquennale pour les associés exclus ou démissionnaires. Ils sont personnellement tenus, dans les limites où ils se sont engagés, pendant cinq ans à partir de l’exclusion ou de la démission, de tous les engagements contractés avant la fin de l’année au cours de laquelle ils ont quitté la SCRL284.

2) RESPONSABILITE EXTRACONTRACTUELLE SUR LA BASE DU DROIT

COMMUN

La responsabilité aquilienne est plus difficile à établir dans le chef d’un fondateur ou d’un associé. Une faute, un dommage et un lien de causalité doivent être prouvés alors que le Code des sociétés offre au demandeur des allégements substantiels en matière de preuve.

a) Responsabilité des fondateurs

Le droit commun implique une responsabilité individuelle de chaque fondateur, à moins qu’une faute commune ou que des fautes concurrentes aient été commises, d’où il résulterait une responsabilité solidaire ou in solidum285.

280 Art. 229, 4° qui renvoie à l’art. 226 (SPRL), 405, 3° qui renvoie à l’art. 352, alinéa 1 (SCRL) et art. 456, 3° renvoie art. 451 et 453 (SA) C.soc. 281 Pour la SA et la SCRL, voy. M.-A. DELVAUX, op. cit., p.673 ; Art. 229, 4° (SPRL) C.soc. 282 Cf. « Du régime patrimonial », p.40. 283 M.-A. DELVAUX, op. cit., p.690. 284 Art. 371 C.soc. 285 M.-A. DELVAUX, op. cit., p.651.

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L’action en responsabilité contre les fondateurs est soumise à une prescription de cinq ans sur base de 2262bis du Code civil.

b) Responsabilité des associés

Bien   que   les   partenaires   empruntent   une   structure   dont   la   responsabilité   est  limitée,   ils   ne   sont   pas,   en   qualité   d’associés,   immunisés   de   leur   responsabilité   pour  faute.  Les articles 1382 et 1383 du Code civil sont en effet applicables aux associés, qu’ils soient dans une société à responsabilité limitée ou non286.

Le délai de prescription de l’action en responsabilité contre les associés est de cinq

ans287 à partir soit de la publication du retrait de l’associé de la société, soit de la publication de la dissolution de la société, soit encore de l’expiration du terme contractuel de celle-ci.

Cette responsabilité demeure toutefois fort théorique au vu de la difficulté pour le demandeur d’établir la faute et le lien de causalité.

F.- DE LA FIN DE LA COOPERATION

1) DISSOLUTION

Les SA, SCRL et SPRL sont présumées constituées pour une durée illimitée288. Une joint venture n’est cependant pas par essence à durée illimitée. Les partenaires ont souvent la volonté de collaborer sur une période de temps plus ou moins determinée. Les causes qui mettent fin de la coopération seront envisagées ci-après. Celles-ci peuvent être issues d’une volonté de l’ensemble ou d’une partie des associés de dissoudre la société, de la survenance d’un événement qui entraîne la dissolution ou d’une décision judiciaire289.

286 M.-A. DELVAUX, op. cit., p.690. 287 Art. 198 C.soc. Pour les partisans de l’application combinée de l’article 198 avec 2262bis du Code civil, voy. M.-A. DELVAUX, op. cit., p.698. 288 Article 343, 386, 645 et 69, 3° C.soc. 289 La dissolution sans liquidation, comme la fusion et la scission ne seront pas étudiées.

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a) Dissolution de plein droit

La dissolution de plein droit est celle qui intervient de façon immédiate, c’est-à-dire sans décision de l’assemblée générale ou d’un tribunal, lorsque se produit la survenance d’un événement déterminé par la loi.

Causes de dissolution de plein droit communes à la SA, SCRL et SPRL

Le droit commun de l’article 39 du Code des sociétés s’applique également aux sociétés dotées de la personnalité juridique. Plusieurs causes de dissolution de plein droit sont prévues par le Code. Les plus intéressantes dans le cadre d’une joint venture seront étudiées ci-après.

• Survenance du terme

Parmi les causes de dissolution communes à toutes les sociétés, l’arrivée du terme statutaire290 ne devrait pas en principe avoir lieu pour les SA, SC et SPRL car elles sont présumées constituées pour une durée illimitée291. Les autres sociétés ne sont pas concernées par cette présomption.

Une joint venture n’est pas par essence à durée illimitée, les partenaires qui ont la volonté de collaborer sur une période de temps bien précise devront d’ailleurs mentionner contractuellement cette volonté. A contrario, les partenaires ne sachant pas combien de temps l’objectif commun poursuivi prendra de temps ne devront pas craindre une dissolution de plein droit s’ils utilisent une de ces trois sociétés comme structure. Si les partenaires n’ont pas originairement choisi une durée adéquate, une prorogation statutaire est possible292.

• Extinction de la chose :

La dissolution de plein droit a lieu lorsque la société se trouve dans « l’impossibilité totale d’encore réaliser son objet, entendu comme la chose unique dont elle poursuivait l’exploitation »293.

Cette situation est rare en pratique. Pour que l’article 39, 2°, première phrase, du Code des sociétés vienne à s’appliquer, il faut s’assurer que l’objet social ait totalement disparu.

• Consommation de la négociation :

Il y a dissolution de plein droit de la société à la suite de la consommation de la négociation. La « négociation » est l’opération en vue de laquelle la société a été constituée et qui détermine son objet social.

290 Art. 39, 1° C.soc. 291 Art. 343, 386, 645 et 69, 3° C.soc. 292 P. JEHASSE, « La dissolution des SA, SPRL et SCRL », Droit des sociétés commerciales, Tome II, Waterloo, Kluwer, 2012, p.1395. 293 P. JEHASSE, op. cit., p.1394

62

L’article 39, 2°, deuxième phrase, du Code des sociétés vise l’hypothèse de la société qui a complètement réalisé son objet. Ce cas est susceptible de survenir dans le cadre d’une joint venture puisque l’objet social de celle-ci n’est souvent pas rédigé de manière aussi large qu’une SA, SCRL ou SPRL classique.

Si, en cours de vie sociale, les partenaires souhaitent coopérer de manière plus étroite, ils disposent de la possibilité de modifier les statuts.

b) Dissolution volontaire

Une joint venture n’a pas vocation à perdurer de façon illimitée dans le temps. Pour cette raison, les partenaires peuvent, en assemblée générale, décider à tout moment294 de mettre un terme à la coopération en décidant de dissoudre la société qui l’accueille.

La dissolution volontaire nécessite une modification des statuts. Pour cette raison, il s’agit d’une compétence exclusive de l’assemblée générale295.

Les modalités de dissolution sont bien plus lourdes pour les sociétés dotées de la personnalité juridique, particulièrement pour les formes à responsabilité limitée. Les partenaires, en optant pour une des trois structures étudiées, devront être conscients des lourdeurs administratives lors de la fin de leur coopération.

Le vote de l’assemblée générale est soumis aux formes prescrites pour la modification des statuts. Pour la SA et la SPRL, la moitié au moins du capital social doit assister à l’assemblée générale296. Si la moitié du capital social n’est pas présent, une nouvelle convocation sera nécessaire. Dans ce cas, la seconde assemblée générale pourra valablement délibérer, quelle que soit la portion du capital représentée par les actionnaires présents297.

Qu’il s’agisse de la première ou de la seconde assemblée générale, trois quarts des voix sont nécessaires pour dissoudre la société298. Il en va de même dans la SCRL, sauf disposition contraire des statuts299. Une exception aux trois quarts des voix a lieu si les fonds propres de la société sont réduits à un montant inférieur au quart du capital social. Dans ce cas, un quart des voix émises à l’assemblée suffissent300.

L’article 181 du Code des sociétés impose aux SA, SCRL et SPRL d’établir un rapport justificatif de la dissolution301. Ce rapport doit être joint à un état comptable et à un

294 B. ROLAND, « Les causes de dissolution », Traité Pratique de Droit Commercial, Tome IV, Diegem, Kluwer, 1998, p.1081. 295 Art. 343, al.2, (SPRL) 386, 3° (SCRL) et 645, al.2 (SA) C.soc. 296 Art. 286, al.2 (SPRL) et 558, al. 2 (SA) C.soc. 297 Art. 286, al.3 (SPRL) et 558, al. 3 (SA) C.soc. 298 Art. 286, al.4 (SPRL) et 558, al. 4 (SA) C.soc. 299 Art. 382, al.2, C.soc. 300 Art. 332 et 633 in fine C.soc. 301 M. LEMAL, op. cit., p.800; P. JEHASSE, op. cit., p.1341.

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rapport d’un commissaire (à défaut, d’un réviseur d’entreprises ou d’un expert-comptable externe)302.

Les partenaires ne peuvent pas dissoudre leur société à leur gré. Le non-respect du Code des sociétés peut mener à une sanction pénale ou une sanction civile, portant sur la nullité de la décision de dissolution303.

c) Dissolution judiciaire

La dissolution judiciaire est celle qui est prononcée par les cours et tribunaux à la demande d’un ou de plusieurs associé(s) ou de tout intéressé304.

Causes de dissolution judiciaire commune

Certaines causes de dissolution judiciaires sont communes à la SA, SCRL et SPRL.

D’abord, la dissolution judiciaire peut être prononcée pour justes motifs305. Les justes motifs, en résumé, peuvent être définis comme « toutes circonstances qui empêchent irrémédiablement la réalisation de l’objet social »306.

De plus, si la société qui accueille la joint venture a un objet social illicite dès sa constitution ou si son objet devient illicite par la suite, l’article 35 du Code pénal permet la dissolution de la société.

Ensuite, si les comptes annuels ne sont pas déposés pour trois exercices consécutifs, l’article 182 du Code des sociétés permet à tout intéressé et au Ministère public d’introduire une action en dissolution de la société.

Enfin, lorsque l’actif net de la société est un montant inférieur au capital minimum, tout intéressé peut demander au tribunal la dissolution de la société307.

Causes de dissolutions judiciaires spécifiques

D’autres causes sont propres à la société choisie par les partenaires. D’une part, en ce qui concerne les SPRL, la cessibilité restreinte des parts a pour conséquence qu’en cas de refus d’agrément des autres associés, ces derniers doivent trouver dans un délai de trois mois

302 La présence d’un notaire est requise pour instrumenter le procès-verbal de l’assemblée générale, voy. M. LEMAL, op. cit., pp.802-803. 303 Art. 196, 1° et 181, §3 C.soc. 304 P. JEHASSE, op. cit., p.1355. 305 L’article 45 du Code des sociétés s’applique aux sociétés constituées pour une durée limitée. Les articles 343 (SPRL), 386, 3° (SCRL) et 645 (SA) du Code des sociétés s’appliquent respectivement aux SPRL, SCRL et SA, quelle que soit leur durée. 306 P. JEHASSE, op. cit., p.1367. 307 Art. 333 (SPRL), 432 (SCRL) et 634 (SA) C.soc.

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un autre associé ou racheter eux-mêmes les parts. Si ce délai de trois mois n’est pas respecté, l’associé voulant céder ses parts peut demander la dissolution de la société308. Ce danger peut être évité si les associés prévoient au préalable dans les statuts un droit de préemption aux coassociés ou une clause dérogeant à la procédure prévue à l’article 251 du Code des sociétés309.

D’autre part, un nombre minimum d’associés est requis au sein de la SCRL. Il faut au minimum trois associés. Si ce nombre est réduit à deux, la dissolution de la société peut être demandée par tout intéressé310. Les associés peuvent néanmoins régulariser la situation jusqu’au prononcé de la décision de dissolution.

2) DISSOLUTION PARTIELLE

En principe, et contrairement au droit commun, il est possible de quitter en tant que partenaire la structure disposant de la personnalité juridique sans interrompre le trajet emprunté avec les partenaires restants.

Il arrive qu’en cours de vie sociale, les associés ne s’entendent plus sans pour autant avoir la volonté de dissoudre la société qu’ils utilisent. Encore faut-il donc que la loi permette au partenaire de sortir d’une société sans la dissoudre et que la société utilisée puisse rester opérationnelle après le retrait d’un associé.

L’exclusion ou le retrait d’un partenaire peut se faire devant les des cours et tribunaux ou en dehors, par le biais de clauses conventionnelles. Les clauses de sortie ne peuvent cependant pas entraver les dispositions impératives du Code des sociétés en matière d’exclusion et de retrait judiciaire. Pour ne pas y déroger, il suffit simplement de ne pas supprimer ou modaliser l’intervention du juge311.

Les actions en exclusion et en retrait judiciaire ont un caractère subsidiaire, il s’agit du remède ultime. En conséquence, lorsque des clauses organisent la séparation des associés, une demande judiciaire pour les mêmes raisons ne sera admise que si les clauses en questions se sont avérées inopérantes312.

Les développements qui suivront se concentreront sur les modes non judiciaires. Il s’agira avant tout de réfléchir aux aménagements qui permettent d’éviter le déclenchement des modes judiciaires313.

308 Art. 251, dernier alinéa, C.soc. 309 P. JEHASSE, op. cit., p.1388. 310 A l’exception de l’associé démissionnaire ou exclu, voy. art. 376 C.soc. 311 S. COLLIN, op. cit., p.1179 ; CAPRASSE, O., AYDOGDU, R., op. cit., p.92. 312 M. COIPEL, op. cit., p.413. 313 Pour l’exclusion et le retrait judiciaire, voy. notamment: CAPRASSE, O., AYDOGDU, R., op. cit., p.275 et suivants.

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La possibilité d’élaborer des mécanismes originaux permet d’amortir la séparation des partenaires et d’éviter qu’un juge ou un arbitre ne vienne statuer sur un conflit interne. Qu’importe que les raisons du départ du partenaire soient d’origine conflictuelles ou conjoncturelles, il est judicieux que les partenaires s’attellent à la rédaction de clauses de sortie314.

La SCRL se montre particulièrement intéressante au regard des évènements susceptibles de modifier la composition des acteurs d’une joint venture. Elle se démarque de la SA et de la SPRL en raison du régime légal que lui offre le législateur.

• Le régime légal de l’exclusion et de la démission dans les SCRL

La loi permet aux partenaires d’une SCRL de ne pas s’attarder sur des clauses de sortie conventionnelles. Le législateur prévoit pour les associés d’une SCRL un régime d’exclusion et de démission en dehors des cours et tribunaux.

L’avantage est double. D’une part, il permet, lors des négociations du contrat de coopération d’éviter le sujet délicat de l’exclusion ou du retrait d’un partenaire. Psychologiquement, cet avantage permettrait d’éviter une certaine méfiance à l’égard de chaque futur coassocié. D’autre part, si les partenaires délaissent la création d’une porte de sortie, le régime légal permet de pallier leur négligence.

Le régime de l’exclusion figure à l’article 370 du Code des sociétés315. Ce pouvoir d’exclusion revient, de manière supplétive, à l’assemblée générale316.

Toute décision d’exclusion doit être motivée. Soit la décision repose sur de justes motifs, soit sur une cause citée dans les statuts317. Un pouvoir discrétionnaire de l’organe compétent peut-il toutefois être attribué ? La doctrine est partagée318. Il convient, dans le cadre d’une joint venture, de se rattacher à la doctrine majoritaire qui estime que seules les causes dans les statuts et les justes motifs peuvent constituer le fondement d’une telle décision. L’équilibre des pouvoirs entre des partenaires dans leur coopération serait mis à mal si un partenaire pouvait se faire exclure de façon discrétionnaire.

Le régime de la démission, contrairement à celui de l’exclusion, peut être écarté par les statuts319. Le partenaire ne peut exercer son droit de démission que dans les six premiers mois de l’année sociale320.

314 Voy. O. CAPRASSE, R. AYDOGDU, op. cit., p.65 et suivants; C. CONSTANT, op.cit., p.1131 et suivants ; J.-M. JONET, M. EVRARD, «Joint ventures: des noces au divorce », Droit des sociétés, résolution des différends et arbitrage, Bruxelles, Larcier, 2006, p.77 et suivants. 315 Ce régime ne peut être écarté par les statuts, voy. Art. 370, §3, C.soc. 316 Les statuts peuvent prévoir un quorum de présence ou de majorité à atteindre pour adopter la décision d’exclusion A défaut, aucun quorum de présence ne devrait être atteint, voy. art. 382, al.2 C.soc qui renvoie à art. 63 C.soc. 317 Art. 370, §1er, C.soc. 318O. CAPRASSE, R. AYDOGDU, op. cit., p.69. 319 Art. 367 C.soc.

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La joint venture requiert une stabilité organisationnelle et financière pour la poursuite de ses objectifs. Il est conseillé aux partenaires d’atténuer le délai octroyé au démissionnaire, voire dans le cas où les risques économiques sont importants, d’exclure le droit à la démission dans les statuts.

L’exclusion et la démission impliquent une dissolution partielle de la société. La société est en liquidation à l’égard de l’associé sortant. Les parts représentatives de son apport disparaissent alors et le capital social diminue321.

Tout associé démissionnaire ou exclu a le droit à recevoir la valeur de ses parts telle qu’elle résultera du bilan de l’exercice social pendant lequel la sortie a pris ses effets322.

• Les mécanismes conventionnels d’exclusion et de retrait dans les SPRL et SA

D’emblée, il convient d’opérer une distinction avec la SCRL. La décision de retrait ou d’exclusion prise par l’organe compétent dissout partiellement la société, en ce sens qu’une partie des titres sont détruits et que le capital social diminue323.

A l’inverse, il ne s’agit nullement de dissolution partielle dans la SA et la SPRL. D’une part, le capital de ces dernières est intangible. D’autre part, lorsqu’une exclusion ou un retrait intervient, il s’agit d’un transfert de titres entre les partenaires (et éventuellement un tiers) mais la société en elle-même est en dehors de ce transfert324.

La liberté contractuelle offerte par le droit belge pour les stipulations conventionnelles dans les SPRL et SA rend l’ébauche d’une liste exhaustive de clauses irréalisable. L’originalité et les besoins spécifiques de chaque filiale commune créent des palettes de clauses en renouvellement constant.

Les clauses organisant la séparation des partenaires sont fréquentes dans les joint ventures325.

Parmi ces clauses, quelques exemples (les plus utiles) sont :

-­‐ Les clauses de call et put options : la clause de call option constitue une promesse de vente qui permet d’organiser l’exclusion d’un associé déterminé. À l’inverse, une clause de put option constitue une promesse d’achat qui permet d’organiser un droit de retrait326.

-­‐ Les clauses d’option d’achat croisées : elles permettent à un partenaire de faire soit une offre de vente, soit une offre d’achat à un autre partenaire, lequel, s’il refuse, a le droit ou l’obligation de vendre/d’acheter les titres de la partie qui a fait la première offre.

320 Les statuts peuvent réduire ce laps de temps à une période plus courte. Voy. O. CAPRASSE, R. AYDOGDU., op. cit., p.78 ; Art. 367 C.soc. 321O. CAPRASSE, R. AYDOGDU., op. cit., p.82. 322 S. COLLIN, op. cit., p.1179. 323 O. CAPRASSE, R. AYDOGDU., op. cit., p.93. 324 O. CAPRASSE, R. AYDOGDU, op. cit., pp.92-106. 325 J.-F.GOFFIN, « Les pactes d’actionnaires pour prévenir et régler les conflits entre actionnaires », Les pactes d’actionnaires en pratique, Bruxelles, Séminaire Vanham & Vanham, 2016, p.20 ; M. COIPEL, op. cit., p.413. 326 O. CAPRASSE, R. AYDOGDU, op. cit., p.93 et suivants ; S. COLLIN, op. cit., p.1164.

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Dans le cadre d’une joint venture, ces clauses sont idéales car elles incitent les partenaires à négocier tout en évitant la dissolution327. Lorsque les deux parties ont des niveaux de participations équivalents, l’application de cette clause est idéale328. Elle est déconseillée lorsque les partenaires ne détiennent pas un nombre équivalent d’actions en prévention des éventuels abus issus du partenaire dominant.

-­‐ Les clauses d’offre alternative : chaque partenaire dispose de l’alternative de vendre ses titres ou d’acheter ceux des autres. L’option est levée par la personne ayant proposé le prix le plus élevé329. Les parties sont libres de définir les conditions d’exercice de l’option. Il convient de limiter le recours à ces clauses pour éviter des abus du partenaire économiquement plus fort.

Selon une doctrine majoritaire, les clauses organisant la sortie d’une partenaire ne permettent pas d’être mises en œuvre en vue d’exclure discrétionnairement un partenaire de l’entreprise conjointe. Les clauses doivent prévoir des circonstances objectives, liées à l’intérêt social, permettant à un partenaire de recourir à la clause330.

3) LIQUIDATION

Contrairement aux sociétés sans personnalité où la liberté des partenaires pour régler les questions de liquidation est pleine et entière, la liquidation des personnes morales disposant de la personnalité juridique est soumise aux règles spécifiques que le Code des sociétés lui réserve331.

La liquidation est opérée par un ou plusieurs liquidateurs332. Dès le moment où le liquidateur est désigné, c’est par lui seul que la société dissoute agira. L’exécution de la liquidation permet de réaliser les actifs, de payer les dettes de la société et de répartir le solde de liquidation.

Ce travail se concentre essentiellement sur les effets du choix des partenaires d’une société pour accueillir leur filiale commune en ce qui les concerne juridiquement et économiquement. Pour cette raison, seul le remboursement des apports et la répartition du boni de liquidation feront l’objet d’une étude.

Le remboursement des apports et la répartition du boni de liquidation ne sont envisageables que lorsqu’il reste un solde de liquidation. Ce solde est ce qui subsiste après règlement du passif333.

327 Selon S. COLLIN, “ces clauses sont rarement appliquées, ce qui serait une preuve de qualitié d’incitant à négocier dans le chef des parties”; voy. S. COLLIN, op. cit., p.1166. 328 J.-F. GOFFIN, op. cit., p.22. 329 J.-F. GOFFIN, op. cit., p.23. 330 J.-F.GOFFIN, op. cit., p.26. 331 Cf. « De la fin de la coopération», p.28. 332 Art. 184 et s. C.soc. 333 M. LEMAL,, “La liquidation”, Traité pratique de droit commercial. Tome IV, Waterloo, Kluwer, 2014, p.896.

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a) Remboursement des apports

Les liquidateurs sont tenus de rembourser, après paiement du passif de la société, un montant équivalant à celui des apports faits par chaque associé. Le remboursement des apports des partenaires ne peut se faire que si ils ont été effectivement libérés334.

Il convient de distinguer deux catégories de remboursement. D’une part, dans le cas où toutes les parts sont entièrement libérées et où le solde de liquidation est au moins égal au capital social, chaque associé est remboursé selon la valeur nominale de ses parts. D’autre part, dans le cas où les apports ne sont pas complètement libérés et qu’ils ne l’ont pas été dans la même mesure dans le chef de chaque des associés : dans ce cas, le solde de liquidation est réparti entre les associés proportionnellement à la quotité de capital représentée par les parts ou actions335.

La question de savoir comment doit s’opérer la répartition au cas où toutes les actions ou parts ne sont pas entièrement libérées et que le solde à répartir est inférieur au capital, est controversé336.

Une nuance doit être apportée. L’article 190, §2, du Code des sociétés dispose que « les liquidateurs distribueront aux associés les sommes ou valeurs qui peuvent former des répartitions égales ». En SA, il peut exister, outre les actions ordinaires, des actions de capital privilégiées ou des parts bénéficiaires. Dans ce cas, les statuts devront établir les droits respectifs des différentes catégories de titres et pourront s’écarter de l’égalité prescrite par la loi.

b) Boni de liquidation :

Le boni de liquidation est le surplus qui existe après apurement du passif et remboursement des apports des partenaires. Les modes de répartition de l’actif net sont envisagés à l’article 190, §2 du Code des sociétés. Il peut s’agir d’une distribution aux associés des sommes ou valeurs qui peuvent former des répartitions égales ou de la remise des biens restants.

L’article 30 du Code des sociétés rend la répartition du boni proportionnelle à la mise de fonds apportée à la société. C’est-à-dire que la répartition va s’opérer pour chaque partenaire en proportion de sa mise dans le fonds de la société. Il s’agit cependant d’un principe auquel les statuts peuvent déroger. L’article 31, alinéa 1er du Code des sociétés exige cependant que la répartition ne soit pas « contraire à l’équité ». Ces règles de répartition

334 H. DU FAUX, « Liquidation des sociétés commerciales », Rép. not., Tome XII, Le droit commercial et économique, Livre 6, Bruxelles, Larcier, 2003, p.134. 335 M. LEMAL, op. cit., p.897. 336 M. LEMAL, op. cit., p.897 ; H. DU FAUX, op. cit., P.134

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statutaires, sous réserve de la prohibition des pactes léonins337, sont soumises au principe de consensualisme pour les partenaires de la SA et de la SCRL. Des catégories de titres peuvent être statutairement prévues pour faciliter une éventuelle répartition différenciée. En pratique, chacun des deux partenaires devrait disposer « d’un droit prioritaire au rachat ou au rapatriement des apports initiaux, et des actifs qui y sont étroitement attachés »338.

Quant à ceux qui choisissent la SPRL, ils devront être conscient qu’ils ne pourront pas déroger à la répartition proportionnelle. La répartition du boni de liquidation ne peut pas se faire de manière inégalitaire339.

337 Art.32 C.soc. 338 J.-M. JONET, M. EVRARD, op. cit.,p.120. 339 Art. 239 C.soc.

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IV.- CONCLUSION

Les préoccupations des partenaires varient en fonction du secteur d’activité dans lequel ils se lancent. Chaque joint venture a ses particularités et requiert des conditions de mise en œuvre spécifiques par rapport aux buts poursuivis. Toute proposition d’un cadre juridique idéal semble être vaine car aucune forme sociale étudiée dans le présent travail n’est en soi inadaptée pour accueillir un tel partenariat. Chaque forme peut correspondre – plus ou moins – à certaines attentes des partenaires.

Une joint venture a des exigences auxquelles le cadre sociétaire choisi doit nécessairement être adapté. Ces besoins sont à l’origine de nombreuses clauses statutaires et conventionnelles. Tout d’abord, la consistance des apports que les partenaires amènent dans la société commune sont atypiques en ce sens qu’ils ne sont pas, pour l’essentiel, des apports en numéraire. En découle une clé de répartition des droits entre partenaires différente qui permet d’égaliser – au mieux – les pouvoirs au sein de l’entreprise commune. Ensuite, le caractère intuitu personae de la coopération aménage la cessibilité des titres et affecte les causes de dissolution de la société commune. L’objectif étant que, lorsque la société n’est pas une société de personne, elle s’y apparente toujours. Enfin, l’organisation du pouvoir au sein de la forme sociale choisie doit concorder avec le rapport égalitaire entre les partenaires. L’égalité ne doit cependant pas mener à l’égalitarisme. Pour cette raison, plusieurs hypothèses ont été exposées dans lesquelles les décisions ne doivent pas être prises selon la règle – de principe – de l’unanimité au sein d’une joint venture. Le contrôle conjoint inhérent à une coopération mènera les partenaires à moduler les compétences des organes proposés par le législateur.

Le droit des sociétés belge n’offre pas de cadre, unique et parfait, pour la constitution d’une coopération. Faut-il blâmer un droit étatique qui ne peut répondre aux exigences, nombreuses et variées, des coopérations? La réponse semble être négative.

En l’absence d’un cadre juridique idyllique, une quête immuable dans le chef des partenaires a pu être soulignée dans cette étude. Que la coopération soit intégrée ou non, qu’il s’agisse d’une coopération réalisée au sein d’une société dotée de la personnalité juridique ou non, les partenaires recherchent tous de la souplesse dans la structure qu’ils adoptent. Chaque parcelle de liberté contractuelle laissée par le législateur est occupée par les acteurs économiques. Le principe du consensualisme est donc essentiel car il permet d’aménager le régime des sociétés aux nécessités économiques des partenaires.

La société de droit commun rencontre ce besoin de grande souplesse mais le prix à payer du choix de cette forme sociale est celui de la responsabilité illimitée. La SA, la SPRL et la SCRL répondent quant à elles aux désirs du monde des affaires qui cherche une limitation des risques. Leurs structures ne correspondent cependant pas aux fonctionnements des coopérations.

En guise de conclusion, la recherche du cadre juridique le plus favorable pour une joint venture en Belgique n’appelle à aucune réponse définitive et laisse, aux personnes qui s’y aventurent, une certaine blessure d’amour-propre.

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Deux célèbres spécialistes en la matière illustrent parfaitement ce propos : « la joint venture est une affaire réservée aux praticiens : le juriste ne fait que s’efforcer de fournir des cadres adaptés aux besoins de fonctionnement d’une forme d’entreprise spécifique »340.

340 L.O. BAPTISTA, P. DURAND-BARTHEZ, op.cit., p.333.

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V.- BIBLIOGRAPHIE

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77

VI.- TABLEAU COMPARATIF

Société de droit commun/Société anonyme/Société coopérative à responsabilité limitée/Société privée à responsabilité limitée

Société de droit commun

SA SCRL SPRL

Nature de l’acte constitutif

Absence de formalité

Acte notarié Acte notarié Acte notarié

Acquisition de la personnalité

juridique

Pas de personnalité

juridique

Au jour du dépôt au greffe du Tribunal de commerce

Au jour du dépôt au greffe du Tribunal de commerce

Au jour du dépôt au greffe du Tribunal de commerce

Plan financier Non Oui Oui Oui

Nombre de fondateurs

Deux au moins Deux au moins Trois au moins Deux au moins

Responsabilité des fondateurs

/ Oui Oui Oui

Montant min. du capital

Aucun 61.500 euros entièrement

libérés

18.550 euros libérés à

concurrence de 6.200 euros

18.550 euros libérés à

concurrence de 6.200 euros

Libération min. de chaque titre

Aucune Au-delà de 61.500 euros,

chaque action doit être libérée d’un

quart. Les actions correspondant à des apports en nature doivent

être entièrement libérées dans un délai de cinq à

dater de la constitution

Au-delà de 6.200 euros, chaque part

doit être libérée d’un quart. Les

parts correspondant à des apports en nature doivent

être entièrement libérées dans un délai de cinq à

dater de la constitution

Au-delà de 18.550 euros,

chaque part doit être libérée d’un cinquième. Les

parts correspondant à des apports en nature doivent

être entièrement libérées

78

Responsabilité des membres

Illimitée Limitée aux apports

Limitée aux apports. L’associé démissionnaire ou

exclu reste tenu pendant 5 ans

dans les limites où il était engagé

Limitée aux apports

Cessibilité des titres

(« titres » = quotité indivise dans le fonds

social)

Incessibilité. Aménagements

possibles

Libre. Aménagements

possibles

Entre associés : conditions statutaires

A des tiers : désignés dans les

statuts

Aménagements possibles

Entre associés : libre

A des tiers : agrément de la

moitié des associés

possédant trois quarts au moins

du capital

Aménagements possibles s’ils sont plus stricts que l’article 249

C.soc.

Parts bénéficiaires

/ Oui Non Non

Gestion Liberté des associés

Conseil d’administration

Liberté des statuts Gérant(s) ou collège de gestion

Distribution des bénéfices

Répartition inégalitaire

permise

Répartition inégalitaire

permise

Répartition inégalitaire

permise

Chaque part confère un droit

égal dans la répartition des

bénéfices

Répartition du boni de

liquidation

Répartition inégalitaire

permise

Répartition inégalitaire

permise

Répartition inégalitaire

permise

Chaque part confère un droit

égal dans la répartition des produits de la

liquidation

79