ΣΚΟΠΑΣ ΚΑΙ ΠΡΑΞΙΤΕΛΗΣ -scopas et praxitele.pdf

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  • SCOPAS & PRAXITLE

  • LES MAITRES DE L'ARTCOLLECTION PUBLIE SOUS LE HAUT PATRONAGE

    DU MINISTRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

    VOLUMES PARUS :Reynolds, par Franois Benoit, professeur d'histoire de l'art la Facult des

    Lettres de l'Universit de Lille.

    David, par Lon Rosenthal, professeur au lyce Louis-le-Grand.Albert Durer, par .\Liurice Hamel, professeur au lyce Carnot.Rubens, par Louis Hourticq, agrg de l'Universit.Holbein, par Franois Benoit, professeur d'histoire de l'art la Facult des

    Lettres de l'Universit de Lille.

    Claus Sluter, par A. Kleinclausz, professeur la Facult des Lettres derUniversiie de Lyon.

    Michel-Ange, par Romain Rolland, charg d'un cours d'histoire de l'art la Facult des lettres de l'Universit de Fans.

    Gricault, par Lon Rosenthal, professeur au lyce Louis-le-Grand.'Verrocchio, par Marcel Revmond.Botticelli, par Ch. Diehl, professeur la Facult des Lettres de l'Universit

    de Fans.Phidias, par H. Lechat, professeur la Facult des Lettres de l'Universit

    de Lyon.Raphal, par Louis Gillet.Giotto, par C. Bavet, directeur de l'Enseignement suprieur au Ministre de

    l'Instruction publique.

    VOLUMES EN PRPARATION :Lysippe, les "Van Eyck, Donatello/Mantegna, les Bellini, Michel

    Colombe, Memlinc, ^ Ghiberti, Ghirlandajo, "^Luini, *Fra Barto-lommeo, Lonard de Vinci, Titien, Van Dyck, Velazquez,Poussin,^ Philippe de Champagne, Lebrun, Rembrandt, "Watteau,Boucher, Chardin, Fragonard, Houdon, Prudhon, Gros, Ingres,Delacroix, etc.

    Par

    Paul Alfassa; Bayet, directeur de renseignement suprieur; Lonce Bn-DITE, conservateur du muse du Luxembourg ; E. Bertaux, professeur d'his-toire de l'art la Facult des Lettres de Lyon; Raymond Bouver ; Max.Collignon, membre de l'Institut, professeur la Facult des Lettres de Paris ;H. Durand-Grville; le comte Paul Durrieu, conservateur honoraire aumuse du Louvre ; Louis de Fourcaud, professeur d'histoire de l'art l'Ecolenationale des Beaux-Arts ; Gasquet, directeur de l'enseignement primaire ;Louis Gillet; Andr Hallays; Maurice Hamel; Hauvette, professeur laFacult des Lettres de Paris; Hcmolle, membre de l'Institut, directeur desMuses nationaux; Georges Lafenestre, membre de l'Institut, professeurau Collge de France ; Lemonnier, professeur la Facult des Lettres de Paris;Liard, membre de l'Institut, vice-recteur de l'Acadmie de Paris; HenryMarcel, administrateur gnral de la Bibliothque nationale ; Pierre Marcel,docteur s-lettres ; G. Mendel, professeur la Facult des Lettres de Bor-deaux ; P. de Nolhac, conservateur du muse de Versailles ; Ed. Pilon ; Pottier,membre de l'Institut, conservateur au muse du Louvre ; Kabier, directeurde l'enseignement secondaire; S. RoCHEnLAVE, professeur au lyce Jansonde Sailly et l'Ecole nationale des Beaux-Arts; Henry Roujon, secrtaireperptuel de l'Acadmie des Beaux-Arts; Paul Vitry, conservateur au musedu Louvre ; Teodor de Wyzewa; etc., etc.

  • LES MAITRES DE L'ARTCOLLECTION PUBLIE SOUS LE HAUT PATRONAGE

    DU MINISTRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

    SGOPASPRAXITLE

    La Sculpture grecque au IV^ siclejusqu'au temps d'Alexandre

    PAR

    MAXIME COLLIGNONMembre de l'Institut

    Professeur la Facult des Lettresde l'Universit de Paris.

    PARISLIBRAIRIE PLON

    PLON-NOURRIT et C-, IMPRIMEURS-DITEURS8, RUE GARANCIRE 6*

    1907Tous droits rservs

  • MB

  • CHAPITRE PREMIER

    LA TRANSITION DU V^ AU IV^ SIECLE

    Caractres gnraux de l'art au iv^ sicle. Les matresattiques de transition : Kphisodote l'Ancien, Thrasymds, La question de Calamis le jeune. L'cole plopon-sienne ; les matres d'Argos et de Sicyone.

    I

    THNES reste, au iv'' sicle, le centre de lavie intellectuelle et de la production artis-

    tique. Pourtant de graves vnements ontport atteinte sa puissance politique. Le

    sicle prcdent s'est termin pour elle parle dsastred'^Egos-Potamos, la tyrannie des Trente et la guerrecivile, qui amne, en 408, le rtablissement de ladmocratie. Elle sort de ces crises affaiblie et dimi-nue. Sans doute de brillants retours de fortune luipermettent plus d'une fois de reprendre confiance

    et de croire son hgmonie reconquise. Mais on saitcomment, en 338, sur le champ de bataille de Gh-rone, le choc des phalanges macdoniennes dissipebrutalement ces rves.

  • 6 LES MAITRES DE L'ART

    Si Ton essaie de faire la part des diverses causes

    qui dterminent l'orientation nouvelle de l'art attique,

    il faut noter tout d'abord un fait capital. L'appau-

    vrissement des finances publiques ne permet plus

    l'tat d'entreprendre de grands travaux d'art. Le

    temps n'est plus o l'Athnes de Pricls se trans-formait avec une prodigieuse rapidit. On ne voit pluss'difier de ces temples o, comme au Parthnon,l'art pouvait traduire magnifiquement l'idal politiqueet religieux de la cit. C'est dans les monumentsprivs, tombeaux, ex-voto, monuments choragiques,que le luxe se rfugie ; c'est l que la sculpture dco-

    rative trouve encore, mais plus modestement, l'emploide ses ressources. Hors de l'Attique, quelques temples

    s'lvent encore, Tge, dans le sanctuaire d'pi-daure, en Botie, en Arcadie ; Delphes, on recon-

    struit le temple d'Apollon. Mais c'est surtout enAsie-Mineure, phse, et dans la ville carienned'Halicarnasse, rsidence d'un fastueux dynaste, que

    les artistes grecs feront revivre les traditions de la

    grande sculpture monumentale.L'absence de ces travaux d'art, qui sont des.

    oeuvres collectives, exigeant la direction d'un matre

    entour de collaborateurs disciplins, a des cons--quences trs dignes d'attention. Il n'y a plus d'coles

    comparables celles de Phidias. Travaillant surtoutpour des particuliers, excutant des commandesisoles, les sculpteurs se sentent plus libres de suivre

    leur inclination personnelle. Chacun d'eux a son.

  • LA SCULPTURE GRECQUE AU IV- SICLE 7

    idal. Le iv" sicle est par excellence le rgne del'individualisme. Aussi, dans le cours de cette tude,devrons-nous moins chercher grouper les artistespar affinits d'coles, qu' dfinir leur physionomiepropre et dterminer la part qui revient chacundans l'volution gnrale de l'art.

    Cependant ces matres sont bien de leur temps.Ils n'chappent pas l'action des influences quecrent les murs et le milieu social. La plupart

    d'entre eux travaillent Athnes ou viennent y cher-cher la conscration de leur talent. Or, si Athnesest toujours le centre intellectuel de la Grce, laville des potes et des orateurs, c'est aussi une ville

    de luxe et de plaisir, o les mtques enrichis et lescourtisanes clbres mnent grand train et o lacivilisation revt les dehors les plus brillants. Dans

    cette socit lgante et sceptique fermentent dj desgermes de dcadence. Athnes n'a pas oubli sonpass glorieux ni abdiqu ses nobles ambitions ;mais il faut la parole ardente de Dmosthne pour yrveiller l'nergie patriotique. Les formes extrieures

    du culte restent intactes; mais le sentiment religieuxs'affaiblit. L'invasion des cultes trangers, les pro-

    grs de la superstition, les jongleries des charlatansvenus de Phrygie ou de Thrace, altrent les vieillescroyances religieuses o l'art du v" sicle avait puisde si hautes inspirations.

    A une socit ainsi transforme, il faut des formesd'art nouvelles. Les artistes novateurs sauront les

  • 8 LES MAITRES DE L'ART

    trouver. Ils ne s'attarderont pas aux conceptionssvres dont l'art du sicle prcdent a donn laformule, et qu'il a puises. Ils n'essaieront pas ^de

    rivaliser avec Phidias, ni de surprendre le secret decette majest sereine que le grand sculpteur a donneaux types divins. Humaniser ces types, y fairepasser les sentiments et les passions qui agitent l'medes hommes, faire descendre le ciel sur la terre ,suivant le mot d'un critique ancien, telle sera leurproccupation. Sans doute leur idal est moins hautque celui de leurs devanciers. Mais quelles ressourcesne leur offre-t-il pas, grce au dveloppement del'esprit d'analyse, qui, avec la philosophie socra-tique et platonicienne, avec la littrature dramatique,a pntr si avant dans la connaissance de l'mehumaine ! C'est bien un domaine nouveau, celui dusentiment, que l'art va conqurir. Il s'attachera traduire, par les gestes, par les attitudes, par l'expres-

    sion du visage, les motions douces ou violentes,tristes ou joyeuses, qu'il tudiera dans leurs plussubtiles nuances. Avec Scopas, il atteindra au path-tique et saura animer le marbre de toutes lesardeurs de la passion. En un mot, c'est la vie, dansses acceptions les plus varies, qu'il tudiera aveccuriosit.

    L'esprit grec a toujours excell revtir d'uneforme concrte des ides abstraites, soit par la posie,soit par le dessin. Cette tendance s'accuse de bonneheure dans la peinture cramique. Sous l'influence

  • F I G. I . E ] R r, N PORTANT P L O U T O S !: N K A N l'

    Munich, (Jlyptoihcquc.

  • LA SCULPTURE GRECQUE AU IV SIECLE 9

    de la philosophie et du thtre, ce got pour l'all-gorie, pour les personnifications, ouvre la plastique

    une source d'inspiration o elle puisera largement.La peinture lui donne l'exemple. Parrhasios repr-sente le Peuple et la Vertu ; Pausias, l'Ivresse^

    Euphranor, la Dmocratie. Dans le mme ordre deconception, la sculpture trouve des sujets dont lanouveaut n'est pas encore dflore, et des allgoriescomme la Paix, la Richesse., le Dsir., la Persuasion.,

    sont des thmes familiers Kphisodote, Scopas et Praxitle.

    A un autre point de vue, l'action de la peinturesur la sculpture n'est pas moins sensible. Dans laseconde moiti du v" sicle, la peinture a fait, pourla technique, des progrs dcisifs. Abandonnant lestyle linaire, la coloration par teintes plates qui

    prvalaient dans l'cole de Polygnote, l'Athnien

    Apollodore, surnomm le peintre des ombres ,imagine un procd de hachures et de dgrad quipermet de rendre le model des corps ; sa suite,Parrhasios invente le clair-obscur, et l'art de faire

    tourner les contours dans une ombre claire parreflet. Il est impossible de mconnatre l'influenceque ces innovations exercent sur la plastique. Euxaussi, les sculpteurs visent traduire par le modelles jeux d'ombre les plus dlicats, les plus subtilesnuances de la forme. Praxitle est un vritable colo-

    riste. La sculpture devient pittoresque, et, toutes

    proportions gardes, l'volution qu'elle inaugure n'est

  • 10 LES MAITRES DE L'ART

    pas sans analogie avec celle que poursuivent nos

    artistes contemporains.Tels sont les faits essentiels qu'il importait de

    rappeler brivement. Ajoutons qu'entre le v'= et leIV'' sicle, il n'y a pas de brusque coupure. C'est parun changement continu que les nouvelles formulesd'art se substituent aux anciennes, jusqu'au temps oScopas et Praxitle en dgagent le caractre dfinitif.Nous devons donc, avant d'tudier l'uvre des deuxgrands matres qui dominent toute la priode com-prise entre l'anne 38o environ et l'avnementd'Alexandre, indiquer quels sont, au dbut duIV sicle, les principaux courants entre lesquels se

    partage la sculpture hellnique.

    II

    La fin du v^ sicle est marque par une sorte deraction contre le style de Phidias. Si le grand artistea pu raliser, dans une belle et forte harmonie,l'union du gnie attique et du gnie dorien, et conci-lier ainsi les qualits les plus opposes de l'espritgrec, aprs lui, cet heureux quilibre est rompu.Avec Callimaque et ses contemporains, avec lessculptures de la balustrade du temple d'Athna Niket les danseuses de la Colonne aux acanthes^ retrouve Delphes, on voit reparatre la veine d'atticisme,

    mlange d'ionisme, qui avait prvalu avant 430.\ Le got invtr des Attiques pour la grce, la

  • LA SCULPTURE GRECQUE AU IV" SIECLE ii

    finesse, les raffinements d'excution, reprend tous ses\

    droits. Rien ne fait mieux comprendre ce mouvementd'art que les changements survenus, au temps de laguerre du Ploponse, dans la peinture cramique.Les peintres de vases semblent abdiquer les hautesvises, et renoncent aux grandes compositions h-roques ou religieuses chres leurs devanciers.C'est le rgne du joli et du gracieux. Des vases depetites dimensions, aryballes ou lcythes, rehausssde dorures, dcors de scnes familires, d'allgoriesgalantes, de scnes dionysiaques, tels sont les produitsde luxe, les articles d'Athnes qui sortent desateliers du Cramique. Mais ces peintures, ou pluttces miniatures, sont d'une exquise dlicatesse. Jamaisle pinceau du peintre n'a rendu en traits plus dlisde fins profils fminins, ni fait flotter plus lgrementautour du corps d'une danseuse ou d'une Mnadeles plis menus d'une tunique translucide.

    Ce retour au pur atticisme est certainement undes traits essentiels de la sculpture dans les derniresannes du v^ sicle. Il explique certains caractresde l'art de Praxitle. Mais d'autres influences inter-viennent encore. Les Attiques ne sauraient resterindiffrents au style brillant et pittoresque de l'coleionienne, qui manifeste sa vitalit par des uvrestelles que les statues du Monument des Nrides ;il nous suffira de rappeler d'un mot ces belles figuresde femmes, qui semblent mener la surface des flotsun harmonieux chur de danse, ouvrant au souffle

  • 12 LES MAITRES DE L'ART

    de la brise marine les plis de leur manteau tenducomme une voile. L encore, dans ce style quiemprunte la peinture une partie de ses ressources,les sculpteurs de la jeune cole trouvent un lmentde renouvellement.

    Enfin, il convient de faire une part des survi-vances qui ne sauraient surprendre. Si marqu quesoit le mouvement de raction contre l'art de Phidias,il n'a pu en abolir compltement le souvenir. L'in-fluence du grand sculpteur athnien a t trop puis-sante, ses enseignements trop fconds, pour que lesmatres de transition puissent les rpudier. Au seuilmme du iv^ sicle se dresse un monument fortinstructif cet gard. On voit encore en place, auCramique d'Athnes, la stle funraire du Jeunecavalier athnien Dexilos, tu en 894 dans un combatsous les murs de Corinthe. Il y a quelque chose del'art du Parthnon dans cette admirable figure decavalier qui va frapper de sa lance un soldat plo-ponsien. Et, d'autre part, l'allure du cheval quis'enlve, le flottement de la draperie, font dj pres-sentir les motifs analogues que nous retrouverons pidaure et au Mausole.

    Nous connaissons quelques-uns des matres detransition qui inaugurent le iv'' sicle. Dans cegroupe, la figure capitale est celle de Kphisodotel'Ancien. Il est Athnien. Une ddicace AthnaPronaia, retrouve dans les fouilles de Delphes, lui

  • LA SCULPTURE GRECQUE AU IV* SIECLE i3

    donne cette qualit. Celles de ses uvres dont nousconnaissons la date permettent de placer vers Syole moment o il est l'apoge de sa rputation. Desa famille, les textes ne nous apprennent gurequ'une chose, c'est que sa sur tait la premirefemme de Phocion. Mais comme son nom est portpar un fils de Praxitle et que, dans les famillesathniennes, le nom du grand'pre est souventattribu au petit-fils, on est en droit d'tablir desliens de parent entre le grand sculpteur et lui.Certains critiques en font le frre, d'autres le prede Praxitle. Il serait lui-mme le fils d'un Praxitlel'Ancien, qui aurait vcu dans la seconde moiti duV* sicle. Nous considrons comme trs vraisemblablel'hypothse suivant laquelle Kphisodote aurait eupour fils et pour disciple le plus illustre des matresde la Jeune cole attique.

    Ce n'est pas ici le lieu d'insister sur les uvresque des textes seuls nous font connatre, VOrateiir la main leve, le Zens et VAthna, excuts pour leDisotrion du Pire, peut-tre aprs la victoire deCnide, VHerms portant Dionysos enfant, sujet quePraxitle reprendra son tour. Il convient cependantde rappeler que, lorsque, en 870, la politique d'Epa-minondas conduit les Arcadiens se donner unecapitale, Mgalopolis, Kphisodote travaille pour laville reconstruite et agrandie, avec un autre Athnien,Xnophon. Or, c'est aussi en Arcadie, Mantine,que Praxitle fait ses dbuts, et tout porte croire

  • 14 LES MAITRES DE L'ART

    qu'il accompagne son pre dans le Ploponse.

    En l'anne Syi, aprs de brillants succs sur mer,les Athniens concluent avec Sparte une paix hono-rable. A cette occasion, ils instituent des sacrificesannnuels en l'honneur d'Eirn, la desse de la Paix,

    et Kphisodote reoit de l'tat la commande de lastatue de culte. Un groupe en marbre de la Glypto-thque de Munich nous en a conserv la copie (fig. i ).C'tait une composition allgorique, Eii^n portant

    dans ses bras l'enfant Ploutos ; elle proclamait que la

    Paix est la mre de la Richesse. L'uvre est d'unebelle inspiration, la fois grande et simple. Vtuedu chiton dorique, appuye de la main droite sur unsceptre, la desse soutient du bras gauche le petitPloutos, qui une copie retrouve au Pire permet

    de restituer son vritable attribut, une corne d'abon-

    dance. Laissons de ct cette figure, traite avec cette

    sorte d'indiffrence ddaigneuse que l'art grec alongtemps tmoigne l'enfance. Examinons avecl'attention qu'elle commande celle d'Eirn. On yrelve la fois des survivances manifestes du stylede Phidias et une recherche d'expression trangre

    l'art du v^ sicle. Les survivances, on les reconnatdans la forme du costume, qui est celui des statuesdrapes de l'cole de Phidias, dans l'attitude du corps,portant sur une jambe que dissimulent de grands plisdroits et rigides, tandis que l'autre flchit lgrement.

    Mais un sentiment tout nouveau se fait jour dansl'expression de sollicitude maternelle dont est em-

  • LA SCULPTURE GRECQUE AU IV SIECLE i5

    preint le charmant visage de la desse. Pench versl'enfant, souriant son geste de nave caresse, il

    s'claire d'un pur rayon de tendresse et voque lesouvenir d'une Madone italienne de Desiderio ou deDuccio. Ajoutez que la fine structure de la tte, ledessin dlicat des yeux et de la bouche font djpressentir le style praxitlien. Kphisodote se rvledonc nous comme un prcurseur dans l'volutionde l'art au iv*^ sicle. Peut-tre mme son uvre,mieux connue, nous ferait-elle voir en lui un de cesmatres originaux qui sont vraiment des novateurs.

    Entre les annes 38o et SyS, une grande activitrgne Epidaure, dans le vallon consacr au dieu-mdecin Asclpios. C'est le moment o la construc-tion du temple d'Asclpios met l'uvre des artistesque leur origine ou leur ducation rattache au groupeattique, les uns plus gs, comme Thrasymds, lesautres plus jeunes, comme Timothos, que nousretrouverons parmi les collaborateurs de Scopas auMausole. L'excution de la statue de culte avait tconfie Thrasymds de Paros. Si la chronologiene permet pas d'admettre qu'il a pu tre l'lve dePhidias, l'auteur de l'Asclpios d'Epidaure paratcependant continuer sa tradition. Comme le Zeusd'Olympie, la statue tait faite d'or et d'ivoire, et lesmonnaies qui nous en ont conserv l'image rduitemontrent le dieu assis sur un trne, accompagnd'un chien couch ct de lui, la main droite pose

  • i6 LES MAITRES DE L'ART

    sur la tte d'un serpent. Les fouilles poursuivies pidaure par M. Cavvadias ont mis au jour deuxbas-reliefs de marbre qui paraissent tre des adap-tations libres du type trait par Thrasymds. Ledieu est assis, les jambes croises, dans une attitudeaise et familire. A voir la beaut du model et lejeu souple et large de la draperie, on voque le sou-venir des divinits assises de la frise du Parthnon.L'influence de Phidias est, l encore, trs vivante.

    Parmi les matres qui sont en pleine productionau temps de la jeunesse de Scopas et de Praxitle,la critique rudite a rcemment revendiqu une placepour un nouveau venu, Calamis le jeune, qui seraitl'homonyme et le petit-fils du clbre sculpteur duv^ sicle. L'histoire aujourd'hui mieux connue dutemple d'Apollon, Delphes, a fourni M. Reischdes arguments pour tirer du nant cet inconnu, etl'introduire dans le cycle des contemporains deKphisodote et de Thrasymds. Sa thse peut, trsbrivement, se rsumer ainsi. On savait que les fron-tons du temple d'Apollon avaient t excuts en partiepar un lve de Calamis, Praxias, ce qui ne laissaitpas de crer quelque embarras s'il s'agissait du vieuxtemple construit au vi^ sicle par les Alcmonides.Or, il est certain que ces frontons appartenaient untemple construit au iv^ sicle, entre les annes 37

    1

    et 33o, pour remplacer l'ancien difice dtruit parun tremblement de terre. C'est vers 340 que Praxiasa d terminer le fronton oriental qui reprsentait

  • FiG. 2. Statu i; de jeune homme.Bronze trouvio prs de Crigotto

    Athnes, Muse nali(jnal.

  • LA. SCULPTURE GRECQUE AU IV SIECLE i7

    Apollon, Artmis, Latone et les Muses ; il mourutavant d'avoir pu achever celui de l'ouest, o taientgroups Dionysios et les Thyiades, et c'est un autreAthnien, Androsthns, qui y mit la dernire main.Comment Praxias pourrait-il tre l'lve du vieuxCalamis, un contemporain de Myron, qui travaillaitentre les annes 470 et 440 ? Force est donc d'admettrel'existence d'un artiste du mme nom, sans douteson petit-fils et le matre de Praxias. Ce Calamis lejeune, M. Reisch le fait vivre dans la premire moitidu iv sicle, et il le dote trs richement, en luiattribuant une bonne partie des uvres mises jus-qu'ici au compte de son anctre, A la fois sculpteure:t ciseleur, animalier renomm, il aurait collaboravec Scopas et sign une des trois rinyes dutemple des Semnai Athnes. C'est lui que viseraitune anecdote raconte par Pline : par bont d'me,et afin de lui pargner l'humiliation de paratre inf-rieur dans le rendu de la figure humaine, Praxitleaurait excut, pour un quadrige dont Calamis avaitreu la commande, le conducteur du char. Enfin, lematre de Praxias serait l'auteur de VApollon Alexi-kakos et de la Sosandra si fort admire par Lucien.On le voit, c'est un artiste de premier rang qui surgittout coup. Abordant son tour la question, M. Stud-niczka ne se refuse pas lui faire accueil ; il luilaisse la Sosandra^ dont il cherche le souvenir dansun joli type de danseuse voile connu par des terrescuites d'Athnes et de Botie ; mais il restitue au

  • i8 LES MAITRES DE L'ART

    vieux Calamis la plupart des uvres dont M. Reischl'avait dpouill. Il faut bien l'avouer, malgr l'ing-niosit de l'argumentation, la figure de Calamis lejeune reste fort inconsistante. Elle s'vanouit tout fait si l'on souscrit aux objections de M. Furt-waengler. Que signifie, en effet, le texte de Pausaniasrelatif aux frontons du nouveau temple de Delphes ?Simplement ceci, que Praxias, sculpteur du iv^ sicle,se rattachait, par sa filiation d'cole, aux disciples de

    Calamis l'ancien, le seul, vrai dire, dont l'existencesoit certaine.

    III

    Tandis que l'cole attique, prouve par lesdsastres de la guerre du Ploponse, se ressaisit ets'oriente vers des voies nouvelles, sa vieille rivale,

    l'cole d'Argos, poursuit son dveloppement rgulier.Avec l'esprit conservateur qui est un de ses carac-

    tres, elle reste fidle l'art du bronze et la sta-tuaire athltique. Des liens troits continuent l'unir l'cole de Sicyone, et souvent les bronziers desdeux villes ploponsiennes s'associent pour excuterles groupes votifs qui vont prendre place Olympie,sous les platanes de l'Altis, ou le long de la Voie sacrede Delphes. C'est l'avantage d'Argos que tournentles malheurs d'Athnes

    ;jamais l'activit de ses ateliers

    n'a t plus grande qu'au temps o Sparte commandepour Delphes, aprs 4o5, l'orgueilleux ex-voto qui

  • LA SCULPTURE GRECQUE AU IV SICLE ig

    doit commmorer la dfaite de la flotte athnienne iEgos-Potamos. Il se dressait l'entre de la Voiesacre, sur une base qui a t retrouve dans lesfouilles. Il comprenait trente-huit statues, que domi-nait la figure de Lysandre couronn par Posidonet voisinant avec les divinits delphiques, tandis queplus loin, s'alignaient les effigies des navarques qui

    avaient command les vaisseaux des allis. Au tempsde Plutarque, les touristes qui visitaient Delphesadmiraient la belle patine bleutre dont le tempsavait revtu les statues des amiraux grecs. Ce n'taitpas, d'ailleurs, le seul tmoignage de l'activit del'cole argienne qu'on rencontrt dans cette partiede la Voie sacre. Tout prs de l, une base en formed'hmicycle supportait une offrande d'Argos, lesimages des rois lgendaires de la ville, et, en face,un groupe de statues reprsentant les Epigones,.autre offrande des Argiens.

    Parmi les artistes qui travaillent l'ex-voto d'iEgos-Potamos, plusieurs, comme Athnodoros, Ganachosde Sicyone, Damas de Cleitor, sont les lves directsde Polyclte. Un autre, Antiphans, se rattache lamme cole par son matre Priklytos. Si l'on enjuge par la part qu'il prend l'excution des offrandesdelphiques, Antiphans est un matre actif et fcond.Il collabore au groupe des Rois d'Argos, au grandex-voto consacr aprs 369 par les habitants deTge, et signe la statue de bronze du cheval deTroie, ddie par ses compatriotes. Son lve, Clon

  • 20 LES MAITRES DE L'ART

    de Sicyone, appartient au groupe des artistes duIV* sicle.

    Ces filiations d'coles, qui se continuent pendantplusieurs gnrations, contribuent certainement maintenir une relle unit de style dans les ateliersd'Argos et de Sic3'one. Parfois mme elles sontrendues plus troites encore par les liens de parentqui unissent les artistes. C'est ainsi que Patrocls, en

    qui l'on a propos de reconnatre un fils de Polyclte,a des fils sculpteurs comme lui, Daidalos et Pol3xltele jeune. Daidalos, connu par ses statues d'athlteset ses deux Jeunes gens an strigile, reoit droit decit Sicyone. Il est un des chefs de la jeune colesicyonienne, qui, au iv^ sicle, clipse celle d'Argoset doit sans doute un renouveau de prosprit soncontact avec une brillante cole de peinture, repr-sente par Eupompos, Pamphilos d'Amphipolis etMlanthios. Aucune uvre conserve ne peut tre,avec certitude, mise au compte de Polyclte le jeune.Pourtant, ce matre parat tenir un rang minentdans l'cole argienne du iv'= sicle. A la fois sculpteuret architecte, il signe de nombreuses statues d'athlteset de divinits ; il construit pidaure le thtre etl'difice circulaire appel Tholos, chef-d'uvre d'ori-ginalit, dont les fouilles de M. Cavvadias nous ontpermis de prendre une ide exacte, et qui, pour larichesse lgante de la dcoration, soutient la com-paraison avec l'Erechthion d'Athnes. Son activitse prolongeant jusque vers 335, il peut collaborer

  • LA SCULPTURE GRECQUE AU IV SICLE 21

    avec L3''sippe, alors que celui-ci est au dbut de sacarrire.

    C'est de Polyclte l'ancien que peuvent encore serclamer, soit par leurs ascendants, soit par leursmatres, plusieurs des artistes de la jeune coleargiennne. Et, de fait, l'auteur du Doryphore algu ses successeurs un idal, un systme deproportions, des rythmes dont ils s'attachent puiser toutes les ressources. En ce sens, ils relventde son enseignement. Mais si Polyclte lui-mme,dans ses dernires uvres, n'a pas chapp auxinfluences attiques, plus forte raison les gnra-tions suivantes en subissent-t-elles l'action sans cesse

    grandissante, qui fait flchir la rigueur des principespolycltens. Par suite, les oeuvres argiennes duiv^ sicle offrent des caractres un peu clectiques :d'une part, des rythmes qui sont des variantesingnieuses de ceux qu'a formuls le canon de Poly-clte ; de l'autre, des formes plus libres, un styleadouci, qui s'claire d'un rayon de grce attique.

    Ce caractre mixte, on le reconnat dans unesrie d'uvres qu'il est lgitime d'attribuer desmatres argiens de la jeune cole. Une tte de bronzedu Louvre, provenant de Bnvent, est sans douteun fragment d'une statue d'athlte vainqueur. Lachevelure, qui foisonne sur le front en boucles drues,

    tmoigne d'un sentiment pittoresque tranger l'artpolyclten. Une statue de jeune homme, trouvedans la mer, prs de Salamine, et qui a pass de la

  • 22 LES MAITRES DE L'ART

    collection Sabouroff au muse de Berlin, offre unetroite parent avec VIdolino de Florence. La jambegauche, un peu tranante, rappelle une des conven-

    tions chres Polyclte ; mais, dans ce corps lancet souple, on ne retrouve plus rien de la structure

    puissante et quasi gomtrique du Doryphoi^e. C'estd'un type analogue que s'est inspir Fauteur deVEphbe de bronze trouv en 1900 Pompi, uvreun peu grle et amincie, due un bronzier de l'poqueromaine, mais derrire laquelle on devine un modleargien. Un rythme nouveau, celui de la figureappuye sur un support, apparat dans les nombreusesrpliques d'un original perdu ; c'est le prtenduNaxisse dont le Louvre possde une copie. Le poidsdu corps porte sur la main gauche, qui s'appuie surun pilier, et ce mouvement dtermine des lignesharmonieuses et souples.

    Il y a aussi une forte dose d'atticisme dans l'ori-ginal d'o drive, avec d'autres rpliques, le beaubronze de VAthlte au stivgile, dcouvert phsen 1896. Ce vigoureux jeune homme, aux formesrobustes, qui promne sur sa main gauche la lamedu strigile, prsente en effet, pour le type du visage,une certaine parent avec VHerms de Praxitle.Est-ce dire cependant que l'uvre soit purementattique ? Sans aller jusqu' prononcer, avec M. Hau-ser, le nom de Daidalos de Sicyone, qui est en acti-vit entre 3g2i et 369, on peut reconnatre dans letype reproduit par le copiste romain la cration

  • LA SCULPTURE GRECQUE AU IV SICLE 23

    d'un Sicyonien qui atticise . On cde volontiers la tentation de rattacher au mme groupe le bronzedu Muse national d'Athnes, dont la trouvaille estdue un singulier coup de hasard (fig. 2). On saitcomment, en l'anne 1900, des pcheurs d'pongs deSymi, ayant jet l'ancre prs de la petite le de Gri-gotto, au sud du cap Male, dcouvrirent au fond de lamer tout un lot de statues. C'tait la cargaison d'unnavire qui emportait de Grce en Italie des uvresd'art destines la clientle des amateurs romains.Qu'est-ce au juste que cet phbe qui tend le brasdroit, les doigts de la main ouverts comme pourtenir un objet ? Un athlte tenant une balle ? UnPerse portant bout de bras la tte de Mduse ?L'attribution est encore incertaine. Mais voir lavigueur toute ploponsienne des formes et le typeattique, presque praxitlien, du visage, on songe une copie libre, excute l'poque hellnistique,d'aprs un modle sicyonien du milieu du iv sicle.

    Gette rapide revue de l'cole ploponsienne nousa entran au del de la priode de transition. G'estqu'en ralit cette cole reste assez semblable elle-mme, voluant dans un cercle limit et ne tmoi-gnant pas d'une grande initiative. Pour la rveillerde cette quasi somnolence et l'orienter vers des direc-tions nouvelles, il ne faudra rien moins que l'ner-gique impulsion de Lysippe, qui fera vraiment figured'initiateur et proclamera hautement les droits dunaturalisme.

  • a4 LES MAITRES DE L'ART

    Revenons aux premires annes du iv sicle,pour dfinir brivement .l'tat de la sculpture enGrce cette poque. Tout souvenir n'est pas perdude l'enseignement incomparable qu'ont donn lesgrands matres du v^ sicle, Polyclte et surtoutPhidias. Mais l'volution des ides et des moeurs acr des besoins nouveaux qui cherchent encore leurexpression. D'autre part, les frontires qui sparaientles coles se sont effaces. Entre les ateliers attiques,

    ioniens et ploponsiens, il y a comme une pntra-tion rciproque, Athnes restant d'ailleurs le centred'o rayonnent les plus puissantes influences. A dfautd'coles attaches leurs traditions propres, le rgnede l'individualisme commence. C'est des matresdous d'une forte originalit, tels que Scopas etPraxitle, qu'il appartient de trouver des formulesnouvelles pour traduire les ides et les sentimentsde leur temps. C'est eux que nous devons faire icila plus large place.

  • CHAPITRE II

    SCOPAS

    Les principales dates de la carrire de Scopas. Ses travauxdans le Ploponse. Le temple d'Athna Ala Tge. La priode attique de sa vie. La Mnade au chevreau. Les travaux d'Asie-Mineure. Les caractres de l'art deScopas.

    I

    ES tmoignages littraires sont d'une ton-nante pauvret sur la vie d'un matre quiest sans contredit une trs grande figure,car, pour les crivains anciens, c'est un

    lieu commun que de le citer ct de Phidias et dePraxitle. Ils ne nous ont cependant rien transmis quiclaire la biographie de Scopas, pas mme une deces anecdotes comme Pline en a recueilli, d'aprsdes sources grecques, au sujet de Praxitle et deLysippe. Quelques textes pars et l nous ren-seignent seuls sur ses origines, et il faut faire une

    large part l'hypothse pour restituer les tapes desa carrire.

  • a6 LES MAITRES DE L'ART

    Originaire de l'le de Paros, il appartient sans

    doute une famille de sculpteurs, o alternent lesnoms d'Aristandros et de Scopas. C'est peut-tre un

    de ses descendants, Aristandros, fils de Scopas, qui,

    vers le i^'" sicle avant notre re, rpare Dlos desstatues de personnages romains, excutes par unartiste d'phse, Agasias. A une gnration inter-mdiaire appartiendrait un autre Scopas, qui jouitd'une certaine notorit, car Pline signale deux sculp-teurs de ce nom (Scopas uterque). C'est son nomqu'on lit sur la base de la statue de VHercules oli-

    varius^ Rome, o il est qualifi de Scopas le jeune(minor). On peut ds lors admettre que l'alternancedes noms est un indice assez sr de la filiation, et

    considrer comme tant le pre du grand sculpteurun artiste du v^ sicle, Aristandros de Paros, quin'est point un inconnu. Il travaille en effet dans lePloponse et collabore aux trpieds de bronzeddis par les Spartiates dans le temple d'Amycles,aprs la victoire d'iEgos-Potamos. Le sculpteurparien a probablement suivi la fortune de sa patrie,tombe vers 40b sous la domination de Sparte, etmigr dans le Ploponse, o il est venu mettreson talent au service des nouveaux matres de l'lede Paros.

    Un trs petit nombre de dates jalonnent lapriode d'activit de Scopas. Nous ne parlons pasde celle qu'indique Pline, lorsque, le donnant parerreur comme un contemporain de Polyclte, il place

  • SCOPAS 27

    en 420 le moment o il est l'apoge de son talent.Si cette date est beaucoup plutt celle de sa naissance,il est encore jeune lorsqu'il excute un importanttravail dans le Ploponse, o il a, selon toute vrai-semblance, suivi son pre. En l'anne 396-394, unincendie dtruit Tge le temple d'Athna Ala.C'est Scopas que les Tgates confient le soin dele reconstruire et de l'orner de sculptures. En 352,nous le retrouvons en Asie-Mineure, Halicarnasse.Accompagn de sculpteurs renomms, Bryaxis,Timothos, Lochars, il travaille la dcoration dutombeau lev au satrape carien Mausolos par sa veuveArtmisia. A ce moment, il doit toucher la fin desa carrire. Mais, dans sa vigoureuse vieillesse, il n'arien perdu de son activit, car, vers le mme temps,il collabore au nouveau temple que construisent lesphsiens pour remplacer leur vieil Artmision,brl en 336 par Hrostrate. On peut admettrequ'entre les travaux de Tge et ceux du Mausole,il est venu chercher Athnes la conscration de sarenomme. Il y rside l'poque de sa maturit, etc'est l qu'il reoit des commandes pour les rgionsvoisines, pour Mgare et pour la Botie. Nous nesavons rien de plus.

    Scopas n'en est pas ses dbuts lorsque les gensde Tge lui confient les travaux du nouveau templed'Athna Ala. Et, d'ailleurs, la date de l'incendiedu vieux sanctuaire, l'anne 395-394, n'est pas

  • 28 LES MAITRES DE L'ART

    ncessairement celle o commence la reconstruction.Le jeune matre ne dirigeait pas seulement unequipe de praticiens. Sculpteur et architecte dutemple, il tait vraiment le matre de l'uvre. Audire de Pausanias, le temple de Tge tait un desplus grands du Ploponse, et il offrait cette parti-cularit remarquable que les trois ordres grecs, do-

    rique, ionique et corinthien, y taient simultanmentappliqus. On tait en droit d'esprer que des fouillesentreprises sur l'emplacement de l'ancienne Tge,au village de Piali, suppleraient l'insuffisance de

    la description sommaire de l'crivain grec. Elles onteu lieu plusieurs reprises, de 1879 1900. Les

    dernires, diriges par M. G. Mendel, taient l'uvre

    de l'cole franaise d'Athnes.Le rsultat de ces recherches a t d'abord de

    nous faire connatre d'importants fragments d'archi-

    tecture, trs dignes d'attention, car ils trahissent

    une volution de l'art. A voir le travail refouill desoves et des rais de cur, la vigoureuse frondaison des

    rinceaux d'acanthe, on reconnat un style qui s'loigne

    dj de l'lgante sobrit de l'rechthion, et Tonpressent l'panouissement prochain de l'cole archi-tecturale du iv^ sicle, laquelle sont dus lesgrands temples d'Asie-Mineure, ceux d'phse et dePrine. Mais, surtout, les dcouvertes faites Pialinous ont livr des sculptures infiniment prcieuses,

    car nous n'en possdons pas d'autres dont on puisseaffirmer en toute scurit qu'elles sont de la main de

  • SCOPAS 29

    Scopas ou de ses praticiens. Ce sont les dbris des

    frontons. Joints ceux qui taient connus depuis

    1879, les nouveaux fragments exhums en 1900constituent les documents les plus srs dont nousdisposions pour tudier le style du matre de Paros.

    Le sujet du fronton oriental tait la Chasse dusanglier de Cal/don, grande composition qui grou-pait autour de l'animal lgendaire la chasseresse

    Atalante, Mlagre, Thse, les Dioscures et leurscompagnons. Le fronton occidental reprsentait le

    Combat de Tlphe contre Achille, dans la plaine duCaque. Parmi les fragments conservs du premierfronton, figurent la tte du sanglier, morceau d'unefacture nergique et robuste, et une tte de chien

    fort mutile; mais la trouvaille la plus heureuse, dueaux fouilles de 1900, est celle d'un beau torse de

    femme, auquel on a propos, sans raisons dcisives,de rajuster une tte dcouverte isolment. A n'enpas douter, c'est Atalante, et nous voici pour la

    premire fois en prsence d'un original important,sorti de l'atelier de Scopas. Vtue d'une tuniquelgre, serre la taille et laissant le sein nu, la

    chasseresse, prte frapper, brandissait l'pieu dubras droit relev. La souple toffe dessine les formes,finement plisse sur le buste, largement plaque surles flancs. Le jeu de la draperie, le mouvement ducorps port en avant, voquent le souvenir de laVictoire de Samothrace^ qui continue si brillammentla tradition de Scopas. En dpit des injures du

  • 3o LES MAITRES DE L'ART

    temps, qui ont altr rpiderme du marbre, la tteest un admirable morceau, et nous rvle un Scopastout fait imprvu, M. Mendel a dcrit heureusement le charme de ce visage, d'un bel ovale allong, ladouceur de ces lvres entrouvertes et de ces longsyeux rveurs, la grce moelleuse de ces cheveuxdlicatement onduls. On dirait la transposition enmarbre d'une jolie Tanagra. .

    Mais voici, d'autre part, des morceaux d'uneinspiration toute diffrente, o clate la fougue d'untemprament d'artiste habile traduire les motionsviolentes. Ce sont les ttes provenant du fronton deTlphe (fig. 3). D'abord, un combattant casqu,dont les 3^eux, levs vers le ciel, sont anims d'unevie intense. Une autre tte, celle d'un jeune hommeimberbe, la courte chevelure solidement masse,est remarquable par l'expression douloureuse dontle visage est empreint, par le model tourment dufront, dont la saillie, trs accuse la base, noied'une ombre profonde les yeux trs enfoncs, auregard plein d'angoisse. La tte se renverse, commesi le guerrier dfaillant implorait la piti d'un adver-saire (fig. 4). Mme structure du visage et du frontdans une tte d'Hracls jeune, coiff de la dpouilledu lion de Nme. Habitus comme nous le sommes voir la sculpture aborder hardiment la recherchede l'expression, il nous faut quelque effort pournous rendre compte qu' cette date un tel souciconstituait une grande nouveaut. C'est Scopas qu'il

  • SCOPAS 3i

    convient d'en faire honneur. Rompant avec la traditionde l'art svre et tranquille qui a prvalu Jusqu'auv'' sicle, le matre de Paros ouvre la plastique

    un domaine encore inexplor, celui du pathtique.Tout en dirigeant les travaux du temple de Tge,

    Scopas excutait pour le mme sanctuaire deuxstatues en marbre, un Asclpios et une Hjgie.Suivant une rcente hypothse de M. L. Curtius,nous connatrions tout au moins la tte de VHjgie,grce une copie conserve au Muse national deRome et que l'on attribuait l'une des Muses dutemple d'Apollon Palatin. Il y a, en effet, un

    certain air de parent entre VAtalante du frontonoriental et cette jolie tte de femme aux yeuxallongs, cerns par des paupires trs accuses,

    la bouche finement modele, et dont la chevelure estenserre sous un large bandeau qui fait plusieurstours. Or, c'est bien l le genre de coiffure que l'on

    retrouve dans une tte d'Hygie de la collection Hope,

    et dans diffrentes statuettes de la desse provenantd'pidaure. Si cette conjecture n'entrane pas lacertitude, elle mrite au moins d'tre signale.

    Le sjour de Scopas dans le Ploponse paratcorrespondre une priode de production trs active.

    S'il y fait ses dbuts, il y acquiert aussi sa rputation.

    Dans la liste de ses uvres, on en relve un certain

    nombre qui appartenaient des villes plopon-siennes : une Hcate Argos, un Asclpios et uneHygie Gortys d'Arcadie, un Hracls jeune, dans

  • 32 LES MAITRES DE L'ART

    le gymnase de Sicyone; ce dernier est sommairementreprsent sur des monnaies de la ville frappes l'poque impriale.

    Peut-tre faut-il attribuer la mme priode de savie une statue de bronze commande par les Elenspour leur sanctuaire d'Aphrodite Cleste [Ourania]^une Aphrodite Pajidmos chevauchant un bouc. LeBanquet de Platon nous apprend que, sous l'influencede la sophistique, les philosophes se plaisaient opposer l'Aphrodite Ourania, desse de l'amourcleste, l'Aphrodite Pandmos ou populaire, quiprsidait aux amours vulgaires et charnelles. Scopas

    s'tait-il inspir de ces ides ? En donnant pourmonture la desse l'animal lascif qu'est le bouc,avait-il prtendu en souligner le caractre? En aucunefaon, et ce serait une erreur que de voir ici uneallgorie de fantaisie. Il s'agit en effet d'une statue

    de culte, traduisant de vieilles croyances, bien ant-rieures ces interprtations subtiles qui jouaient surle nom de Pandmos^ lequel signifiait en ralit toutautre chose. A Athnes, il rappelait que Thse avaitfond le culte de la desse, et fait autour d'elle l'unitreligieuse de la population de l'Attique (-v-aTv oyjjlov).Mais l'origine du culte tait encore plus ancienne.M. Furtwaengler a dmontr que la Patidmos taitune divinit sidrale, tout aussi cleste que VOurania.et dont le nom peut se rapprocher de celui de ladesse lunaire Paitdia, fille de Sln. Scopas n'avaitsans doute fait que reproduire un type traditionnel

  • F I G . 5 . S T A T U E T T 10 DE M K N A D E ,Dresde, Albertinum.

  • SCOPAS 33

    dans cette statue dont une monnaie d'lis et undisque votif en marbre du muse du Louvre nousont conserv les traits essentiels. Assise sur sa mon-ture encorne, le buste droit, la desse est commenimbe par un voile qui s'arrondit au-dessus de satte. D'autres monuments, des peintures de vasesattiques, des reliefs de miroir en bronze, des terrescuites botiennes, servent commenter cette indi-cation un peu sommaire. Sur un miroir relief duLouvre, la monture d'Aphrodite parat tre unechvre, escorte de ses deux chevreaux, allusionprobable aux toiles de la constellation o figurent la chvre et les chevreaux . Plus caractristiquesencore sont des terres cuites de Botie, o Aphro-dite, le buste nu, saisit par le cou la chvre quil'emporte dans les airs, parmi les toiles dont estsem le champ du relief. Il est donc permis de croirequ' Elis, la Pandmos de Scopas tait assise, nonpas sur un bouc, comme on a pu le croire sur la foidu tmoignage de Pausanias, mais sur une chvre, ct de laquelle bondissaient les deux petits animaux.

    Depuis que les sculptures de Tge sont connues,elles ont servi aux rudits de termes de comparaisonpour grouper, sous le nom de Scopas, des oeuvresrestes anonymes jusque-l. Ainsi, M. Botho Graefa t conduit reconnatre un type scopasien

    d'Hracls qui appartiendrait la premire maniredu matre. Une tte du British Musum, trouve Gensano, et dont il existe plusieurs rpliques, montre

  • 34 LES MAITRES DE L'ART

    le hros jeune et imberbe, le front ceint d'une cou-ronne de peuplier blanc noue par une large bande-lette. Or, l'expression passionne du visage, la bouchelgrement entr'ouverte, les yeux enfoncs sousl'arcade sourcilire accusent tous les caractres dustyle de Scopas.

    On a propos, non sans vraisemblance, de recon-natre sa premire manire, celle de la priode plo-ponsienne, dans VHerms du Muse national deRome, trouv au Palatin. Le jeune dieu est debout,la main gauche appuye sur la hanche, la jambedroite un peu tranante, avec une attitude de reposlgante et aise qui trahit une certaine recherche denouveaut en regard des statues polycltennes. Lesformes nerveuses, l'expression pensive du regard, nesont pas en dsaccord avec ce que nous savons dustyle de Scopas, et il est permis de reconnatre dansla statue de Rome une uvre de sa jeunesse. On peutmettre la mme conjecture au sujet de la statued'Hracls conserve Londres, dans la collectionLansdowne. Ici, le hros, nu et imberbe, est reprsentau repos, tenant de la main gauche sa massue appuyesur l'paule. Chose curieuse, ce geste rappelle de trsprs celui du Doryphore de Polyclte, et la soliditde la structure, le large dveloppement del poitrine,compltent l'analogie. Mais la tte offre les traitstypiques que nous avons relevs dans les sculpturesde Tge, et la pose des jambes n'est plus conformeau rythme polyclten. Serait-ce l une copie de

  • SCOPAS 35

    VHi'acls de Sicyone? A ses dbuts, Scopas aurait-il,comme Lysippe, subi l'influence de Polyclte ? Etcette influence expliquerait-elle les ressemblances,mises en lumire par M. Percy Gardner, qu'on peutsurprendre entre la statue Lansdowne et VAgias deLysippe, dcouvert dans les fouilles de Delphes ? Ilest, en effet, permis de croire qu'au temps o ilsjourne dans le Ploponse, le jeune artiste migrde Paros, se trouvant porte des modles polycl-tens, n'chappe pas leur enseignement toujoursvivant dans les coles d'Argos et de Sicyone.

    II

    Si, comme il est vraisemblable, Scopas, djclbre par ses travaux du Ploponse, vient rsider Athnes, il y arrive dans toute la maturit de sontalent. Mais cette atmosphre attique est certai-nement favorable au dveloppement de ses qualitsles plus originales. Dans ce milieu o les influencesioniennes ont pntr de longue date, Scopas doitretrouver ses vritables affinits, et sans doute il youblie vite ce que sa premire ducation a d auxmatres ploponsiens.

    Par malheur, nous savons bien peu de choses desuvres qui appartiennent sa priode athnienne deproduction : deux rinyes en marbre de Paros ontt certainement excutes Athnes pour le templedes Semnai; un Herms^ une Hestia et des Canpliores,

  • 36 LES MAITRES DE L'ART

    sont peut-tre du mme temps. On en peut direautant d'un groupe command par les Mgariens. Ilreprsentait ros accompagn de deux figures per-sonnifiant l'une, la Passion [Pothos]^ l'autre, le Dsir[Himros). Nous en sommes rduits imaginer cequ'il y avait pu mettre de grce et d'expression, en

    considrant les peintures de vases attiques o sonttraits dessujetsanalogues. Pour un templedeThbes,l'Artmision, il avait sign une Artmis Eukleia, etpour un autre, l'Ismnion, une Athna Pronaia. Decette dernire, on a rapproch un t3^pe fort originald'Athna, connu par plusieurs rpliques, en parti-culier par une statue du muse des Offices, Florence.Vtue d'une chlamyde qu'elle porte la manirevirile, casque, la lance la main, la vierge guer-rire lve vers le ciel un visage qui respire l'enthou-

    siasme. A coup sr, il y a l un idal tout diffrentde celui de Phidias et cr certainement au iv^ sicle;mais Scopas en est-il vraiment l'inventeur ?

    Aucune preuve positive ne nous permet d'affirmerqu'il excute Athnes une de ses oeuvres les plusadmires, la Mnade tuant un chevreau (Khimairo-phonos). Pourtant, comme elle a inspir une pi-gramme au pote Athnien Glaucos, que le rhteurGallistrate y voit la plus parfaite image de la Bac-chante participant aux ftes dionysiaques du Cithron,sur les frontires de l'Attique, l'hypothse prend unecertaine vraisemblance. La Mnade tait en marbrede Paros. D'aprs la description de Gallistrate, elle

  • SCOPAS 37.

    ne brandissait pas le thyrse bachique, mais elletenait un couteau et portait un chevreau gorg, dontles chairs avaient la coloration livide des choses

    mortes. Sa chevelure dnoue flottait au vent et lesouple travail du marbre en reproduisait la flo-raison . Dans sa prose verbeuse, le rhteur grecvante la vie qui animait la statue : il semblait, dit-il,que Scopas, pris lui-mme du dlire mystique, y etfait passer un souffle divin. Suivant Glaucos, ilavait donn une me au marbre . Un autre pote deVAntholog-ie condense en deux vers ce rapide et expressifdialogue. Qu'est celle-ci ? Une Bacchante. Qui l'a sculpte? Scopas. Qui l'a agite de cettefolie furieuse? Dionysos ou Scopas? Scopas .

    Ce chef-d'uvre du matre parien, on en cherchaitnagure le souvenir dans un type de Mnade souventreproduit par les sculpteurs de l'cole no-attique.Nous sommes aujourd'hui beaucoup mieux rensei-gns. En 1901, le muse de l'Albertinum de Dresdeacqurait une statuette trouve en Italie, Marino,et qui avait fait partie de la collection Pollak, Prague (fig. 5). Le savant conservateur du muse,M. Treu, y reconnaissait bientt une copie rduite dela Mnade au chevreau. Le marbre est mutil, mais lemouvement se restitue d'une manire fort plausible.La main droite tombant le long du corps taitarme du couteau ; de la gauche, la Mnade tenaitpar les pattes de derrire le chevreau mort qu'elleavait jet sur son paule.

  • 38 LES MAITRES DE L'ART

    Nul doute que le copiste n'ait sincrement repro-duit son modle. Grandissez par la pense, jusqu'auxdimensions d'une statue, cette figure qui, intacte, nemesurait pas plus de 60 centimtres; elle supporterafacilement l'preuve. Aussi bien, tout ici trahit laconception d'un matre. Dans la rapidit de sa coursedsordonne, qui tout l'heure entranait la Mnade travers les gorges du Cithron,avec le chur tumul-tueux de ses compagnes, sa tunique s'est ouverte,laissant nu, du ct gauche, l'paule et le flanc.Sous l'action du dlire sacr, le buste flchit en arrireet s'abandonne dans une pmoison d'extase ; la ttese renverse violemment; le regard, noj^ d'ivresse, seperd dans le vide ; la chevelure, libre de tout lien,rpand sur les paules sa masse paisse, qui ruisselleen souples ondulations. Ce mouvement, si heureu-sement conu et rendu, dtermine un rythme delignes qui devait paratre aux contemporains d'uneaudacieuse nouveaut. Il fait saillir la poitrine, creuseles reins par une violente cambrure et rejette enarrire tout le buste, tandis que le corps est emporten avant par une marche rapide. A coup sr nousn'avons qu'ici qu'un reflet du style de Scopas. Maisla copie nous aide comprendre tout ce que le grandsculpteur avait pu mettre d'emportement dans cettefigure o dborde la folie mystique, avec quel amouril avait model cette chair frmissante et fait courirsur le torse et sur le flanc nus le frisson de la vie.

    Ce n'est pas diminuer l'originalit de Scopas que

  • SCOPAS 39

    de reconnatre des prototypes son uvre. Avant

    lui, un sculpteur avait reprsent le chur desMnades en dlire dans une composition en reliefdont des copies sont parvenues jusqu' nous. Bienplus, cette attitude d'extase, avec la tte rejete enarrire, nous la retrouvons dans une des Nymphesreprsentes sur un lcythe du Louvre, pur chef-d'uvre de la cramique attique, excut entre lesannes 480 et 400, au temps de la guerre du Plo-ponse. Qu'au v" sicle la peinture ait dj cr cemotif dont peut s'emparer facilement la sculpture enbas-relief, cela n'est point douteux. Mais il reste Scopas l'honneur de l'avoir transport dans uneuvre statuaire, c'est--dire d'avoir pos et rsoludes problmes qu'il tait facile la peinture d'es-quiver. Aussi bien nous touchons ici une questiongnrale sur laquelle nous aurons revenir. C'est un

    des caractres essentiels de l'art du iv sicle quecette pntration rciproque, toujours plus troite,de la sculpture et de la peinture. La plastique ygagne plus de libert dans la conception, plus de

    souplesse aussi dans la technique, et le dveloppementcroissant de cette esthtique picturale, si l'on peut

    ainsi parler, n'est pas pour elle un des moindreslments de renouvellement.

    On n'exagre rien, croyons-nous, en affirmantque la statuette de Dresde nous fait connatre le gniede Scopas avec une prcision inespre. Mieux encoreque dans les sculptures de Tge, le matre de Paros

  • 40 LES MAITRES DE L'ART

    se rvle nous avec son temprament nergique etfougueux, son me passionne, son sens profond dela vie, aussi bien morale que physique. Ajoutez que,l aussi, il se montre ce qu'il parat bien tre en

    ralit, un vritable Ionien, dont l'atticisme a affinle style. A ct de ce qu'il a mis ici de personnel, etqui n'appartient qu' lui, il a apport un senti-ment pittoresque qui est un signe de race. Rappelez-vous telle statue du Monument des Nrides^ ole vtement, flottant en dsordre, a dcouvert lapoitrine et le torse ; vous y retrouverez comme le

    premier essai de ce hardi dvoilement, qui n'est pasle trait le moins caractristique de la Mnade auchevreau.

    III

    Il semble bien que les dernires annes de pro-duction de Scopas s'coulent en Asie-Mineure, danscette Grce d'Orient o les Ioniens des les retrou-vaient comme une patrie. En 352, Scopas est enCarie, Halicarnasse. II y dirige les travaux desculpture du Mausole. Son ge, sa rputation luiassurent sans doute l'autorit sur les artistes quil'ont accompagn, venant comme lui de l'Attique.Il sjourne Ephse, o il dcore une des colonnesde l'Artmision neuf. Peut-tre est-ce l qu'il a sonatelier, et que viennent le trouver des commandespour diverses villes de la Grce orientale. Il sculpte

  • SCOPAS 41

    pour les Cnidiens un Dionysos en marbre;pour les

    phsiens, une Latone et une Oj^ygie tenant dansses bras Apollon et Artmis enfant

    ;pour un sanc-

    tuaire de Samothrace, un groupe d'Aphrodite et

    de Pothos, probablement deux divinits cabiriques,reprsentes sous, une forme hellnise; pour untemple de la ville de Chrys, en Troade, un ApollonSminthien, ou, pour traduire exactement l'pithte,

    un Apollon an rat. Il est probable que, dans l'ancienculte local, le petit animal tait associ au dieu en

    vertu d'une lgende. Des monnaies de Chrys nousapprennent comment Scopas, tout en respectant latradition, l'avait plie aux exigences de l'art. Apollon,

    le pied pos sur une petite minence, le buste penchen avant, semble jouer avec le rat qu'il agace en luiprsentant un rameau de laurier. C'est comme un

    sujet de genre religieux. On verra plus loin, parl'exemple de Praxitle, que l'esprit du iv*" sicleautorisait ces liberts.

    Les Romains ont manifest un got trs vifpour les oeuvres de Scopas. Lorsque, matres de

    la Grce et de TAsie, ils transportent en Italie leschefs-d'uvre de l'art hellnique, ils recherchent,

    avec une prdilection marque, les uvres dumatre de Paros. C'est une bonne fortune pour unproconsul, pour un gnral vainqueur, que de pou-

    voir expdier Rome un marbre ou un bronze signde lui, et en dcorer un sanctuaire. Au temps dePline, plusieurs temples romains en possdaient.

  • 42 LES MAITRES DE L'ART

    Aprs deux campagnes heureuses poursuivies contreles Lusitaniens, de i38 i36 avant notre re, Brutus

    Gallcus clbre son triomphe en consacrant untemple Mars. Il y place une Aphrodite de Scopas,

    qui provenait peut-tre de Pergame. Au dire de Pline,elle surpassait en beaut la Cnidienne de Praxitle,et aurait elle seule rendu clbre n'importe quel sanc-tuaire, si elle en avait t l'ornement. Par malheur,

    nous n'en savons rien de plus, si ce n'est qu'elle tait

    nue, et nous devons nous borner signaler l'hypo-thse de M. Michaelis, qui se demande si elle n'taitpas le prototype de la Vnus de Milo. Tout au moins,on peut affirmer que Praxitle n'avait pas t le pre-

    mier reprsenter la desse sans voiles. Scopas avaitdonn l'exemple.

    Dans le mme temple de Mars, Brutus Gallcusavait plac une statue colossale du matre, un Aresassis, qui, suivant certains critiques, aurait t donnau Romain par le dernier roi de Pergame, Attale III.Il n'y a aucune raison d'en chercher le souvenir,

    comme on l'a fait quelquefois, dans une figure d'unbas-relief de l'Arc de Constantin, excut au tempsde Trajan ; ce personnage assis reprsente beaucoupplutt un Hracls. Pour prendre une ide plusexacte de l'uvre disparue, faut-il s'adresser une

    statue du Muse national de Rome, VArs Ludovisi ?L'original de Scopas est-il le modle d'o drive cetype assez rare du dieu assis, un pied pos sur sonmasque gisant terre, les deux mains, dont l'une

  • SCOPAS. 43

    tient l'pe, runies autour du genou relev, avecune pose familire que Phidias avait dj prte Ares dans la frise orientale du Parthnon ? N'y a-t-ilpas quelque chose du pathtique cher au grand sculp-teur dans ce visage rveur, dont l'expression un peulasse semble trahir la fatigue des combats ? On hsite se prononcer, car on surprend dans la statue destraces videntes du got hellnistique ; le petit ros,qui joue aux pieds du dieu ne peut tre qu'uneinvention assez tardive. Ce qu'on admettra volon-tiers, c'est que VArs de Scopas a fourni le prototyped'une rplique trs librement excute.

    Dans un autre difice de Rome, le temple deNeptune, ddi par Cn. Domitius Ahenobarbus, taitconserv un groupe, enlev, suivant toute vraisem-blance, une ville de Bithynie. C'tait une longue

    suite de figures, toutes de la main de Scopas : Po-sidon^ Thlis et Achille, accompagns d'un cortgebondissant de Nrides montes sur des dauphins ousur des hippocampes, de Tritons et de divinitsmarines. Le groupe provenait-il d'un fronton detemple? Ou plutt ces statues n'avaient-elles pasdcor un de ces grands tombeaux d'Asie-Mineuredont nous pouvons apprcier, grce au Monument desNrides, l'ampleur et la richesse? Nous l'ignorons.Et l'on comprendra combien l'uvre de Scopas nousest mal connue, en songeant que Pline se borne signaler en quelques mots ce vaste ensemble qui,ajoute-t-il, aurait suffi illustrer toute une vie .

  • 44 LES MAITRES DE L'ART

    On admirait encore Rome une statue du matre laquelle la volont d'Auguste avait assign uneplace d'honneur. Aprs sa victoire Actium, il faitconstruire sur le Palatin un temple d'Apollon, et yconsacre un Apollon de Scopas, provenant de Rham-nonte, en Attique. C'est celui auquel Properce fait

    allusion, lorsqu'il dcrit brivement le dieu P3^thienjouant de la lyre en longue robe de cithardeK Pythhis in longa carmina veste sonat (II, 3i).Depuis le xvin^ sicle, le muse du Vatican possdeune statue d'Apollon dcouverte Tivoli avec ungroupe de Muses, et l'on a souvent propos d'y recon-natre une copie de VApollon Palatin. La vivacit dumouvement qui entrane le dieu dans une marcherapide, l'expression inspire du visage rejet enarrire, ont pu sembler en effet rpondre assez bien l'ide que nous nous faisons du style de Scopas.Mais cette statue ne se spare pas du groupe desMuses, et l'ensemble ne parat pas antrieur la findu IV* sicle. Aussi bien, nous sommes aujourd'huien mesure de dsigner avec plus de confiance unerplique de la statue du Palatin. Sur une base ornede reliefs qui se trouve Sorrente, on voit un groupecompos de trois divinits, Artmis, Apollon etLatone, et d'une sibylle assise. Le sculpteur a cer-tainement reproduit les trois statues places dansl'intrieur du temple lev par Auguste au Palatin,yApollon de Scopas, VArtmis deTimothos, la Latonede Kphisodote le jeune, fils de Praxitle. Comme

  • SCOPAS 45

    dans la description de Properce, Apollon est repr-sent entre sa mre et sa sur . Il est debout,vtu de la longue robe des cithardcs, tenant la lyrede la main gauche. Or, c'est ainsi qu'il faut restituerune statue colossale conserve Florence, au palaisCorsini du Lungarno, et dont le buste manque.A n'en pas douter, nous possdons l une rplique dela statue figure sur la base de Sorrente. Mmeattitude tranquille ; mme chute rgulire des plis duchiton, mme froncement de la partie suprieure duvtement, rabattue et prise sous la ceinture. Chosecurieuse, avec plus de virtuosit et moins de simpli-cit, il y a l comme une rminiscence du grand styleavec lequel l'art du v^ sicle, au temps de Phidias,traite la draperie.

    Les vingt-cinq ouvrages attribus Scopas par

    les textes sont loin de reprsenter toute la produc-tion d'une vie qui parat avoir t longue, fcondeet glorieuse. D'autre part, un artiste dou d'unepersonnalit aussi puissante a eu certainement desdisciples directs ou indirects qui ont fait effort pours'assimiler les principes de son style. Le champ restedonc ouvert au travail de critique qui procde parcomparaison pour dcouvrir dans tel marbre anonymede nos muses la manire du matre. Nous devonsfaire place ici des uvres qu' dfaut d'indicationplus prcise on peut classer sous la rubrique : autourde Scopas .

  • 46 LES MAITRES DE L'ART

    Le Mlagre du muse du Vatican drive d'unoriginal coup sr trs clbre, car il est connu par

    un bon nombre de rpliques, une vingtaine environ,dont les plus compltes sont celles du Vatican et deHolkham Hall, en Angleterre. Le jeune chasseur estreprsent debout, la main droite ramene derrirele dos, le visage tourn vers la droite, avec ce regardpassionn que nous avons plus d'une fois signaldans les ttes scopasiennes )>. Quelle que soit l'har-monie des lignes, l'uvre ne laisse pas de paratrefroide et acadmique ; les plis de la chlamyde, en-roule autour du bras gauche, ont quelque chosed'artificiel. On hsiterait prononcer le nom dumatre de la Mnade^ si l'on n'tait averti que c'estl une uvre de copiste, et que cette fcheuse dra-

    perie n'existait point dans l'original. Tout autre estl'impression produite par une tte de Mlagrerajuste sur un corps d'Apollon qui dcore les jardinsde la Villa Mdicis, Rome (fig. 6). Ici, on se senten prsence d'une uvre vraiment grecque, datantdu IV" sicle, peut-tre mme de l'original lui-mme.Le contraste voulu entre le rendu un peu sommairedes cheveux et le poli des chairs est un indice dedate auquel on ne saurait se tromper. Combien cettette si vivante, au regard plein de feu et d'nergie,

    ne diffre-t-elle pas de la mdiocre copie du Vatican !On aimerait penser qu'elle porte les traces du ciseauqui a sculpt les frontons de Tge. Tout au moins,l'uvre est d'un matre, et c'est dans l'entourage de

  • SCOPA.S 47

    Scopas qu'il conviendrait de le chercher. Il en est de

    mme pour une tte de femme du Muse nationald'Athnes, uvre bien srement athnienne, car ellea t trouve sur le versant Sud de l'Acropole (fig. 7).L'artiste qui a fait passer dans ce beau visage fmininune telle expression de rverie et de passion contenue

    se rclamait sans doute de l'enseignement du matre.

    Nous retrouverons Scopas au Mausole d'Halicar-nasse, dans une uvre collective o son influenceest certaine, laquelle il a lui-mme mis la main.Mais, ds prsent, nous en savons assez pour que

    la figure du matre de Paros sorte de la pnombreo, faute d'lments srs d'apprciation, elle taitlongtemps reste. On la devinait trs grande ; c'estainsi qu'elle nous apparat. L'homme qui a possdtoutes les connaissances techniques de son art,

    qui a men de front la construction d'un templeet sa dcoration sculpturale, qui excelle composer

    un vaste ensemble de figures, comme le groupeai*Achille et des Divinits marines, qui travaille

    avec la mme aisance, dans les statues isoles, lebronze et le marbre, l'artiste aux aptitudes multiples,

    qui ne se confine pas dans une troite spcialit, est

    bien de la race des grands matres tels qu'enpossdent, aux poques privilgies, la Grce antiqueet l'Italie de la Renaissance.

    Il entre en scne un moment o l'art grec, djtourment de besoins nouveaux, ne peut plus se

  • 48 LES MAITRES DE L'ART

    maintenir dans cet heureux quilibre, dans cetteplnitude saine et forte qu'il avait connus au tempsde Phidias. Mais, avec Scopas, il marche d'autresconqutes. Une me d'artiste qu'on sent ardente,nergique, et qui allie ces fortes qualits le gotde la grce ionienne et de la dlicatesse attique,im.agine de traduire la fois, par le mouvement etpar l'expression, les motions les plus intenses.Scopas interroge curieusement la vie sous tous sesaspects : la vie physique, qu'il tudie non plus seule-ment dans ses rj^thmes harmonieux et tranquilles,mais dans ses manifestations presque violentes; la viemorale, o il va de prfrence chercher le drame, lesangoisses douloureuses, le dlire fou qui plonge dansl'extase une Mnade en proie l'exaltation mystique.Novateur hardi, il rompt avec la tradition du v^ sicle,attentive surtout au rythme des lignes du corps, sansque rien, sauf de rares exceptions, comme dans leMarsyas de Myron, vienne altrer la srnit duvisage. Il semble bien que, le premier, il ait faitconcourir les traits du visage humain l'expressiondes sentiments violents ou contenus, des passionsqui agitent tout l'tre, soit en donnant comme unaccent tragique au dessin de la bouche et du front,soit en animant d'une vie intense le regard doulou-reux des yeux levs vers le ciel. Si les anciens disaient

    de lui qu'il a donn la vie au marbre, c'est que larecherche du pathtique est bien le trait dominantde son art.

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    Fi G. 8, g. ^Combat de Grecs et d'Amazon es,Dtails d i: la f r i s ic du Mausole.

    Londres, Brilish Musum,

  • SCOPAS 49

    Avec lui, la sculpture grecque devient expressive,et c'est l chose toute nouvelle. On conoit aismentque les artistes de son temps, que ses successeurs,doivent quelque chose ses leons, Lysippe, dontl'activit remplit la seconde moiti du iv^ sicle,n'chappe pas son influence. Une de ses statues,connue par une copie retrouve Delphes, celle duThessalien Agias, offre, pour le type du visage,certains traits scopasiens . Bien d'autres uvresrelvent plus ou moins directement de la mme tra-dition d'art. Nous ne parlons pas seulement dugroupe des Niobides, au sujet duquel les critiquesanciens prononaient son nom. Mais les dcouvertesde Tge ont rendu plus vidente la relation qu'onsouponnait dj entre le style de Scopas et celui dela clbre Victoire de Samothrace. L'artiste qui,entre les annes 3o6 et 294, sculptait cet ex-votorappelant une victoire navale de Dmtrios Polior-cte, et dressait l'avant d'une trire de marbrecette fire figure de Victoire, s'inspirait coup srde Scopas pour faire frissonner sur un corps superbeles plis de la draperie fouette par le vent de mer.

    Il serait injuste de rendre le grand artiste respon-sable des excs o s'gare parfois le pathtique dessculpteurs hellnistiques. Pourtant, il est bien, avec

    Lysippe, le vritable prcurseur de ces dramaturgesde Rhodes et de Pergame, qui s'efforcent trop visi-blement de faire, suivant le mot de notre Puget, trembler le marbre devant eux.

  • CHAPITRE III

    SCOPAS ET LA SCULPTURE MONUMENTALEEN ASIE-MINEURE

    Les sculptures du Mausole d'Halicarnasse. Les colonnessculptes du nouvel Artmision d'Ephse.

    I

    i^^EPUis Tanne 887, la rgion de l'Asie-Mineure appele Carie tait de nouveauincorpore au royaume de Perse, aprsavoir t, au v^ sicle, une sorte de pro-

    vince hellnique, et pay tribut la confdrationmaritime forme sous l'hgmonie d'Athnes. Unefamille de dynastes y occupait le pouvoir, sous la

    suzerainet assez dbonnaire du roi de Perse. Lorsquele fondateur de la dynastie, Hcatomnos, mouruten 377, il eut pour successeur l'an de ses fils, Mau-solos.Tout en portant officiellementle titre de satrape,

    Mausolos faisait figure de souverain indpendant etde prince philhellne. Il rdigeait ses dcrets en grec,

    faisait figurer sur ses monnaies une tte d'Apollon

  • SCOPAS 5i

    imite des ttradrachmes de Rhodes, et embellissaitsa rsidence, Halicarnasse, suivant le got hell-nique.

    Mausolos mourut en 363, laissant le pouvoir sasur Artmisia, qu'il avait pouse suivant l'usagecarien. La veuve du satrape lui ft de magnifiquesfunrailles et lui leva un somptueux tombeau dontle nom, devenu comme un terme gnrique, a sauvsa mmoire de l'oubli. Toute l'antiquit salua de sonadmiration le Mausole d'Halicarnasse. Il futcompt parmi les sept merveilles du monde. Dansun des Dialogues des morts de Lucien, Mausolos,

    s'entretenant avec Diogne, s'enorgueillit de l'immor-talit que lui assure ce fastueux difice. J'tais beau,

    grand, courageux dans les combats. Mais, ce qui est

    plus encore, j'ai, dans Halicarnasse, un tombeauimmense, tel que jamais mort n'en a eu de plussplendide. C'est que, en effet, Artmisia avait mis l'uvre les artistes les plus renomms. Les archi-tectes taient Satyros et Pythios ; ce dernier devait, un

    peu plus tard, construire Prine le temple d'AthnaPolias, un des chefs-d'uvre de l'architecture ionique.

    Les sculpteurs taient Scopas, alors dans tout l'clat

    de sa rputation ; Timothos, qui avait fait ses preuves Epidaure, et deux matres sans doute plus jeunes,Bryaxis et Lochars. Artmisia ne vit pas la fin destravaux; elle mourut en 33 i, avant l'achvement de'l'difice. Mais les artistes tinrent honneur de leterminer pour leur gloire personnelle, et les deux

  • 52 LES MAITRES DE L'ART

    architectes, fiers de leur uvre, crivirent un ouvrage

    sur le Mausole.Le monument fut longtemps respect. Sa destruc-

    tion, commence sans doute par des tremblementsde terre, se poursuivit surtout partir de l'anne

    1402, lorsque les chevaliers de Saint-Jean s'avisrent

    d'y prendre des matriaux pour construire le chteaude Saint-Pierre. En 1622, la chambre funraire exis-tait encore, car, suivant une relation du temps, leschevaliers y pntrrent et y virent un spulcre

    avec son vase et son t3^mbre de marbre blanc, fortbeau et reluisant merveille . Mais il ne restait pluspierre sur pierre quand le voyageur franais Thvenotvisitait, en i665, la pauvre ville turque de Boudroumqui avait remplac Halicarnasse. Pour retrouver lesruines du monument, il fallut les fouilles heureusespoursuivies en i856 par le savant anglais G. T.

    Newton. C'est lui que le British Musum doit depossder le bel ensemble de sculptures et les mor-ceaux d'architecture qui permettent de tenter une

    restitution du tombeau de Mausolos.Quelques lignes de Pline, empruntes peut-tre

    aux notes de voyage d'un touriste romain, Mucianus,constituent les seuls renseignements que l'antiquitnous ait laisss sur l'architecture du Mausole. L'di-fice avait une hauteur totale de 140 pieds grecs, soit45 ""92. Les deux faades taient moins longuesque les cts. Il tait entour d'une colonnadecomptant trente-six colonnes et se terminait par une

  • SCOPAS 53

    pyramide de vingt-quatre degrs, que surmontait unquadrige de marbre excut par Pythios. C'est surces donnes, compltes fort heureusement par lestrouvailles faites Halicarnasse, que s'est exercel'rudition des architectes. MM. PuUan, Fergusson,Oldfield, Stevenson, en Angleterre ; Dernier, enFrance ; Adler, en Allemagne, ont propos des solu-tions qui varient notablement dans le dtail. Nousne pouvons nous attarder ici les discuter. Ce quiest certain, c'est que le Mausole tait un temple-tombeau, dont les dispositions gnrales rappelaientcelles du Monument des Nrides Xanthos. Il com-portait d'abord un grand soubassement rectangulaire,o s'ouvrait sans doute la porte qui donnait accs la chambre funraire. Sur ce haut pidestal se dressaitle temple, d'ordre ionique, avec son naos entourd'une colonnade. Mais ce qui valait au Mausole sarputation, c'tait le vritable tour de force qu'avaientaccompli les architectes, en couronnant l'entablementd'une haute pyramide, qu'il avait fallu, par d'ing-nieux artifices de construction, vider l'intrieur.Soutenue par une svelte colonnade, cette masse demarbre semblait audacieusement taye par de frlessupports. C'est bien l'impression que traduisait lepote Martial, en parlant des Mausoles suspendusdans le vide de l'air are nec vacuo pendenLia Mau-soea{De Spectaculis, I).

    Outre le quadrige de Pythios, la dcoration scup-turale comprenait trois frises distinctes et des statues

  • 54 LES MAITRES DE L'ART

    places soit dans les entre-colonnements, soit aux

    abords du monument. Au dire de Pline, les quatreartistes venus de Grce auraient ainsi rparti letrayail entre eux : Scopas aurait excut les sculp-tures de la faade orientale; Bryaxis se serait attribu

    celles du Nord, Timothos celles du Sud, et Lo-charis celles de l'Ouest.

    Une premire frise, reprsentant une Course dechars^ courait sur le soubassement. Elle est aujour-d'hui l'tat de dbris. Le plus important, parmi lesmorceaux subsistants, montre un aurige, pench surson attelage, vtu d'une longue tunique, dont la soupletoffe, fouette par le vent, se creuse de longs plis

    sinueux. Dans cette figure pleine de vie, on aimerait reconnatre l'inspiration de Scopas. La frise qui sedveloppait la partie suprieure du mur du naos, uneCentaiiromachie, est trop mutile pour retenir notreattention. Le British Musum possde heureusementune notable partie de la frise de l'ordre ; le sujet taitle Coinbat des Gr^ecs contre les Amazones.

    Assurment, le motif n'tait point nouveau. AvantScopas et ses collaborateurs, combien de fois lasculpture dcorative ne l'avait-elle pas trait, soitdans les mtopes du Trsor des Athniens Delphes^soit dans les frises du temple de Phigalie et d'AthnaNik ! Peut-tre pouvait-il paratre moins dflor Halicarnasse. Ce qui est sr, c'est que si les sculp-teurs du Mausole n'ont pu se soustraire certainesrminiscences, ils se sont gards de copier servile-

  • SCOPAS 55

    ment leurs devanciers et ont bien fait uvre per-sonnelle.

    Les dix-sept morceaux conservs Londres nesauraient avec certitude tre distribus entre les

    quatre faades. Mais il en est au moins trois qui ontt trouvs l'Est du Mausole, c'est--dire du cto, suivant la tradition, Scopas aurait seul travaill.

    Et prcisment, dans cette frise ingale de style et defacture, ces morceaux comptent parmi les meilleurs.Entre les Grecs et les Amazones, la lutte se poursuit

    dans une srie d'engagements corps--corps, o l'ar-tiste a trouv matire autant d'actions dramatiques.Ici, le Grec a le dessous. Il est tomb sur un genou,et se couvre de son bouclier pour parer le coup queva lui assner la guerrire. Plus loin, un Grec barbuet casqu attaque furieusement une Amazone qui, lecorps cambr dans une attitude de dfense, brandit deux mains sa double hache. Dans la violence dumouvement, sa tunique s'est entr'ouverte, laissant nu le flanc gauche (fig. 8). Chose curieuse, ce dvoi-lement hardi cre une analogie surprenante entrel'Amazone et la Mnade an chevi^eau de Scopas. Cerappel d'un motif si original et si nouveau n'qui-vaut-il pas une signature? Et, ds lors, n'est-ce pasla main du matre de Paros qu'il faut reconnatre danscette partie de la frise ? Au groupe des adversairesen prsence en succde un autre, o l'issue ducombat n'est plus douteuse. L'Amazone terrasse esttombe la renverse, et le vainqueur s'apprte la

  • 56 LES MAITRES DE L'ART

    frapper. Cependant une des guerrires, monte surun cheval plein de feu, prend part Taction. Par unemanuvre familire aux cavaliers scythes et asia-

    tiques, elle s'est agilement retourne sur sa monturelance au galop, et dcoche une flche tout en fuyant.A la suite, voici encore deux combattants aux prises.S'il fallait dsigner les figures qui caractrisent lemieux le style de la frise, on choisirait celles-ci : unGrec au corps muscl et nerveux, se rejetant enarrire par un mouvement violent, et une Amazonelui courant sus, la hache leve, la chlamyde flottantau vent (fig. 9). On ne trouvera certes pas indignede Scopas cette dernire figure dont l'excution estaussi lgante qu'nergique.

    Nous ne saurions ici passer en revue toute lafrise. Aussi bien elle offre une succession de scnesqui ne laissent pas de se rpter, combats entre deuxadversaires, luttes autour d'un bless, mle ardenteet furieuse o abondent les dtails dignes d'atten-tion, tmoin une Amazone vue de dos, accourant ausecours d'une de ses compagnes, figure charmante devigueur et de grce dans l'lan guerrier qui l'emporte.Les procds de composition mriteraient une tudedtaille. Il est fort intressant de voir comment, d'unthme aussi limit et vrai dire aussi monotone,les sculpteurs ont su tirer des pisodes aussi varis,en puisant toutes les combinaisons possibles ; com-ment ils ont fait la part trs large au pathtique,opposant, par exemple, au geste impitoyable d'un

  • Fi G. lo. Statue de Mausolos.Londres, Briiish Miiscum.

  • SCOPAS 57

    vainqueur l'attitude suppliante d'une Amazone ter-rasse. A ce point de vue, la frise est bien pntre del'esprit du iv^ sicle.

    Tous les morceaux ne sont pas d'gale valeur.

    On trouverait relever et l des scheresses, desrptitions trop frquentes des mmes lignes. Mais,si l'on considre les parties qu'il est permis d'attri-buer Scopas, on est frapp du parti, pris avec lequelle bas-relief est conu et trait. On voit se poursuivrel l'volution commence avec la frise du templed'Athna Nik. Sur un champ laiss dessein unpeu vide, les figures s'espacent et se dtachent net-tement ; les silhouettes sont soulignes par un vigou-reux jeu d'ombres, rsultant de la forte saillie durelief. Et l'excution trs accentue, le model prciset nerveux, font parfois penser un travail de

    ciselure en bronze.

    A en juger par les nombreux fragments conservsau British Musum, les statues jouaient un rleimportant dans la dcoration du Mausole. Par ana-logie avec le Monument des Nrides^ on est fond croire que plusieurs d'entre elles taient riges dansles entre-colonnements. Il est moins facile d'attribuerune place au morceau le plus considrable, provenant

    d'une statue questre colossale. C'est vraiment uneoeuvre de matrise que cet admirable corps de chevallanc au galop, dont le cavalier tait un personnage

    portant le costume perse, la tunique et les anaxy-rides, sorte de large pantalon flottant. La figure est

  • 58 LES MAITRES DE L'ART

    d'un si beau jet, le travail du vtement est d'unetelle souplesse, qu'on voudrait pouvoir avec scurit

    dsigner celle des quatre faades d'o provient le

    fragment, ce qui quivaudrait en nommer l'auteur.

    Un savant hollandais, M. J. Six, a essa3' rcemmentde rsoudre le problme en supposant l'existence dedeux frontons. Le cavalier asiatique appartiendraitau fronton Ouest, uvre de Lochars, et reprsen-terait Mausolos lui-mme, chassant le lion ou lapanthre. La conjecture est sduisante, encore queles deux frontons ne se comprennent gure sans unattique assez lourd, o ils seraient inscrits, et quicraserait la colonnade. Mais ne peut-on aussi sup-poser un groupe indpendant, reprsentant une scnede chasse, qui aurait orn les abords du monument?Mmes incertitudes en ce qui concerne les lionsdcoratifs dont on a recueilli une dizaine dans lesfouilles. taient-ils disposs sur l'entablement, aupied de la pyramide, ou bien s'alignaient-ils en avantdu soubassement ? Si la question reste indcise, onn'hsite point sur le rle qui leur tait attribu. Cesgrands fauves la musculature nerveuse, au regard

    inquiet et guetteur, au mufle grondant, et dont lagueule entr'ouverte laisse voir la langue demi pen-dante entre les crocs, sont bien les gardiens farouches

    qui veillaient sur la spulture du satrape dfunt.C'est l une vieille ide orientale, que les sculpteurs

    grecs avaient reprise leur compte.

    Tout au sommet de la pyramide, dominant le

  • SCOPAS 59

    monument, se dressait le quadrige de marbresculpt par Pythios, uvre colossale, dont les mor-ceaux conservs Londres permettent d'apprcierles dimensions. Il arrive rarement qu'un effet dco-ratif aussi puissant ne soit pas obtenu au dtriment del'art. Pourtant, on peut examiner, sans tre du,un norme buste de cheval, retrouv avec le poitrail,et qui est encore muni de sa ttire de mtal. Larged'encolure, avec une tte massive et solide, le chevaldu Mausole n'a pas la finesse nerveuse des coursiersdu Parthnon. Il est plutt apparent aux robusteschevaux de la Renaissance italienne, ceux qu'unVerrocchio ou un Donatello donnent pour monture leurs cavaliers de bronze.

    Si l'on souscrit aux thories communmentacceptes, nous connaissons les deux personnagesqui, debout sur la plate-forme du char, taientainsi glorifis dans une sorte d'apothose. C'taientMausolos et Artmisia. Le hasard a voulu, en effet,que la statue du satrape et celle de sa femme fussentsauves de la destruction. Le sculpteur a reprsentMausolos dans une attitude solennelle, qui rappellecelle du Zeus carien, figur sur les monnaies d'Halicar-nasse (fig. 10). Vtu d'une tunique et d'un manteau quile drape avec noblesse, tenant sans doute le sceptrede la main gauche, Mausolos a toute la majest quiconvient au vritable dieu du temple-tombeau, auprince dfunt hros. Pourtant, ce n'est point lune image conventionnelle ; c'est un portrait. L'ovale

  • 6o LES MAITRES DE L'ART

    plein du visage, le front bas, au model trs ressenti,les lvres charnues, la barbe courte, la chevelurelongue retombant le long du cou en boucles paisses,tout cela constitue une physionomie qui n'a rien degrec, et dont les traits individuels semblent avoirt fidlement interprts. Le satrape apparat commeun demi-barbare hellnis. Dans la statue de femmeo l'on s'accorde reconnatre Artmisia, le visage amalheureusement disparu, sauf le front, qu'encadreune triple range de petites boucles, mode archaquequ'avaient peut-tre conserve les Cariennes. Lalongue robe, le manteau dispos suivant un agence-ment qui sera reproduit satit dans les statueshonorifiqjjes d'poque postrieure, ont fourni l'ar-tiste l'occasion de dployer toute la souplesse de sonstyle dans une belle tude de draperie.

    Si les deux statues prennent place sur le char, ilest naturel d'en faire honneur Pythios, l'auteur duquadrige. Mais les objections ne manquent pas contrecette thorie. Bien qu'elles soient colossales, les sta-tues ont-elles des proportions en rapport avec celles

    des chevaux ? Mausolos n'ayant ni le costume nil'attitude d'un conducteur de char, faut-il supposerun troisime personnage, une Victoire, par exemple,qui aurait conduit l'attelage ? Or, on n'en trouveaucune trace. Les difficults disparaissent si l'on

    admet, avec M. Perc}^ Gardner, que les statues deMausolos et d'Artmisia se trouvaient plutt l'int-rieur du monument, dans le naos du temple-tombeau,

  • SCOPAS 6i

    O elles auraient jou le rle de statues de culte.Ds lors, elles ne seraient pas de Pythios, et leursauteurs devraient tre cherchs parmi les quatreartistes venus de Grce. Mais lesquels dsigner ?Scopas s'tait-il rserv la statue du satrape? Et celled'Artmisia, d'un style assez diffrent, ne serait-elle

    pas l'uvre de Lochars, qui, nous le verrons plusloin, s'tait fait comme une sorte de spcialit dansle genre des statues-portraits ?

    Toutes ces sculptures, auxquelles ont travaill

    des mains diffrentes, n'en laissent pas moins uneimpression d'ensemble assez nette. Elles sont commele manifeste d'un esprit nouveau, et cela est surtoutbien apparent dans la grande frise, o clatent la vieet la passion. Des critiques svres l'ont juge sansindulgence ; on a t jusqu' prononcer le mot dedcadence. Il est plus quitable de rendre justice auxartistes chercheurs qui, l'exemple de Scopas, nese sont pas rsigns copier leurs prdcesseurs et faire du Mausole un faux Parthnon.

    II

    En l'anne 356 avant notre re, le 6 du moisionien Tauron, un fou, Hrostratos, mettait le feuau vieux temple de l'Artmis d'phse, construit auVI*' sicle. La nuit mme o l'incendie dvora l'Art-mision, Philippe, roi de Macdoine, avait un fils,Alexandre. Il se trouva des gens d'esprit pour expli-

  • 62 LES MAITRES DE L'ART

    quer le dsastre par cette concidence. Suivant lemot d'Hgsias de Magnsie, Artmis tait alorsabsente de son temple ; elle l'avait quitt pour assister

    la naissance du futur conqurant de l'Asie.L'moi fut grand Ephse. On dcida la recon-

    struction immdiate du temple. Grce aux dons quiafflurent, l'architecte Kheirocrats se mit l'uvre,

    et un magnifique temple ionique s'leva sur l'empla-cement de l'ancien. Les travaux durrent longtemps,car l'difice n'tait pas encore termin en 334, lorsqueAlexandre, allant en Asie, passa par Ephse. Il estpermis de croire qu'ils commencrent entre 356 et340. Cette date n'exclut donc point la possibilit queScopas y ait pris part. Au dire de Pline, sur lescent vingt-sept colonnes que comptait le temple,trente-six taient ornes de sculptures; l'une d'ellesavait t dcore par Scopas {column... clat, iinaa Scopa).

    On s'expliquait difficilement ce qu'taient cescolonnes sculptes dont parle l'crivain latin, jus-qu'au moment o les fouilles poursuivies Ephse,de i863 1869, par l'architecte anglais Wood,livrrent la solution du problme. Parmi les membresd'architecture provenant du nouvel Artmision, ellesmirent au jour plusieurs tambours de colonne ornsde sculptures en relief, formant comme une frisecirculaire. A n'en pas douter, cette dcoration taitrserve au tambour infrieur des colonnes de chaquefaade. Sur ce point, on possde un tmoignage fort

  • SCOPAS 63

    concluant, celui d'une monnaie impriale d'phsereproduisant la faade principale du temple. D'autrepart, les fouilles de M. Wood expliquaient encorecette drogation trs imprvue aux rgles de l'ordon-nance ionique. On dcouvrait, en effet, un autretambour sculpt, celui-l d'un style archaque, quiprovenait du vieux temple difi au vi^ sicle. Kheiro-crats avait donc respect la tradition, et reproduitce type fort rare de colonne : un ft qui semble pro-tg sa base par une gaine cisele.

    L'tude des marbres phsiens conservs au Bri-tish Musum a permis en outre d'assigner leur place de grand pidestaux carrs, couverts de sculpturesen trs fort relief. On y reconnat des divinits ma-rines, une Victoire conduisant un taureau, des scnesempruntes aux exploits d'Hracls. C'taient lesbases des tambours, au moins pour les colonnesextrieures des deux faades.

    De ces colonnes sculptes, une surtout retientTattention par la beaut du style et l'intrt de la com-position (fig. 1 1). La scne reprsente est un pisodede la lgende d'Alceste. Sacrifiant sa vie pour sauvercelle de son mari, Alceste est descendue aux Enfers

    ;

    mais les dieux, touchs de son dvouement, ontinvoqu la clmence d'Hads, et l'pouse d'Admteest rendue la lumire. L'artiste a choisi le momento la jeune femme, en prsence d'Hads et de Pers-phon, va remonter sur la terre, escorte par HermsPsychopompe. D'un geste plein de grce, Alceste

  • 64 LES MAITRES DE L'ART

    rassemble les plis de son manteau, comme pour seprparer au voyage. Debout prs d'elle, le caduce la main, la chlamyde enroule autour du bras, Her-ms dirige son regard vers les rgions suprieures,o il a mission de ramener l'hrone de la scne.Voici, d'autre part, un jeune dieu ail, presque unadolescent, portant une pe suspendue son ct

    ;

    c'est le dieu impitoyable de la Mort, Thanatos, dontl'arme terrible, suivant le mot d'Euripide, consacreaux dieux du monde souterrain celui de la tte duquelelle a touch un cheveu. D'un geste d'adieu^ il saluecomme regret la victime qui lui chappe.

    La sculpture monumentale du iv^ sicle nous alaiss peu d'uvres comparables ce morceau degrand st34e, o l'influence de Scopas parat manifeste,notamment dans la figure d'Herms. Assurment, ilserait fort tmraire d'en faire honneur au matre deParos. Ce serait un singulier coup de hasard quel'unique tambour de colonne sculpt par lui ft pr-cisment celui qui nous a t conserv. Mais Scopasavait Ephse des collaborateurs et peut-tre deslves; son ge, sa rputation, lui donnaient unegrande autorit. Ce n'est donc pas abuser de l'hypo-thse que de reconnatre ici le reflet de son style.

    La prsence Halicarnasse et Ephse de matresvenus de Grce marque une date importante dansl'histoire de l'art. Avec Scopas et ses mules, dontdeux au moins sont des Attiques, le contact s'tablitentre de florissantes coles et ces rgions de l'Ionie

  • PiG. II. Tambour de colonne sculptPROVENANT Du NOUVEL ArTMISION D ' E

    P

    H S E ,

    Lo:iJrei. Briiish Mlhlliiii.

  • SGOPAS 65

    O Jadis l'art naissant des Hellnes avait fait sonapparition. C'est comme le signal d'une renaissancequi s'panouit dans le prodigieux dveloppement del'architecture ionienne. La sculpture y a sa part.Bientt mme, sous les successeurs d'Alexandre, c'esten Asie-Mineure qu'elle produira les fruits les plussavoureux de sa fconde arrire-saison.

  • CHAPITRE IV

    PRAXITELE

    I. SON UVRE

    Les faits biographiques et les dates de quelques uvres.

    Les travaux dans le Ploponse ; les Muses de Mantine. Les