01 article datte sirma nabeul

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    M. Kuper, A. Zari, (diteurs scientifiques) 2008. Economiesdeau en systmes irrigus au Maghreb. Actes du troisimeatelier rgional du projet Sirma, Nabeul, Tunisie, 4-7 juin 2007.Cirad, Montpellier, France, colloques-cdrom.

    Impacts de la chane dapprovisionnement exportsur la valorisation de leau par les dattes dans lesoasis du sud-tunisien

    Le GAL P.-Y. , GENDRE L., RHOUMA A.1 2

    1 Cirad, UMR Innovation, 34398 Montpellier Cedex 5, France

    2 Centre Rgional de Recherche en Agriculture Oasienne de Degueche, 2260 Degache, Tunisie

    Rsum Les dattes reprsentent la production centrale des oasis du sud-tunisien. Leurs filires decommercialisation ont donc un impact direct sur la valorisation de leau utilise pour irriguer lespalmiers. Celles-ci sont orientes sur une varit apprcie lexport, la Deglet El Nour. Cet articleanalyse dans le dtail le mode dorganisation des transactions entre producteurs et exportateurs via lescollecteurs, acteurs centraux dans le fonctionnement de la chane. Le rle de chaque type dacteur estprcis quant aux oprations sous sa responsabilit depuis la rcolte jusqu la mise en march, et lafaon dont elles sont gres. Ce premier niveau danalyse souligne la forte atomisation de loffre et lafaiblesse des coordinations verticales autres que marchandes au sein de la chane. Les impacts decette organisation sur diffrentes dimensions transversales de la chane sont ensuite valus : gestionde la synchronisation entre offre et demande en dattes au cours de lanne, gestion de la qualit desdattes, dynamique des prix et traabilit. A partir de ce panorama, diffrentes voies dvolution sontexplores, pouvant contribuer mieux valoriser la production de dattes lchelle des producteurs.

    Les perspectives de recherche tires de cette analyse sont prsentes en conclusion.

    Introduction

    Le palmier-dattier reprsente la production principale des oasis du sud-tunisien, autour de sa varit-phare destine lexportation, la Deglet El Nour. Leau dirrigation utilise dans les palmeraies est doncessentiellement valorise travers cette filire, justifiant quune tude lui soit consacre dans le cadre duprojet Sirma Economies deau en Systmes Irrigus au Maghreb et de son action structuranteintitule Analyse des dynamiques croises entre bassins dapprovisionnement des filires agro-alimentairesetgrands primtres irrigus .

    Deux missions courtes ralises sur place en 2006 (Kuper et al., 2006 ; Sirma, 2006), avait permis dedresser le cadre gnral de fonctionnement de la filire (Bachta et al., 2006). Une tude plus dtaille atconduite pendant la priode de rcolte 2006 afin de prciser les modalits de gestion des flux de datteentre les acteurs de la chane dapprovisionnement, des producteurs aux exportateurs-conditionneurs.Cettephase conditionne en effet les performances de la filire, aux plans tant conomique (valeur ajoute,comptitivit sur les marchs europens) que technique (qualit des dattes). Lobjectif tait dtablir undiagnostic plus approfondi du fonctionnement de la chane dapprovisionnement afin de dgager desthmes de travail pour un futur programme de recherche-intervention.Cet article prsente les principaux rsultats obtenus lissue de cette tude, qui a fait lobjet dun rapportplus dtaill (Gendre et al., 2007). Nous commenons par donner un aperu gnral de la filire et de saproblmatique. Puis nous analysons plus prcisment les rles jous par chaque type dacteur depuis larcolte des dattes la parcelle jusqu leur exportation en Europe. La partie suivante traite un ensemble

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    de questions transversales, telles que la gestion de la qualit ou la structure des prix dachat et de ventede la datte. Nous terminons par une discussion o sont prsents les atouts et faiblesses de la chanedapprovisionnement tudie et ses marges de manuvres. Celles-ci fondent les perspectives derecherche-intervention prsentes en conclusion.

    Une filire dynamique mais atomise

    Le systme traditionnel oasien tait bas sur lamnagement hydraulique des palmeraies, des rgles degestion des ressources foncires et hydriques, ltagement des cultures et la diversification des varits dedattier, afin de couvrir les besoins alimentaires et montaires des populations locales (Battesti, 2005). Ilsestprogressivement orient vers la production de dattes vers lexportation et la spcialisation dans la culturedela varit Deglet el Nour qui reprsentait plus de 60 % des effectifs de palmiers en 2002 pour 45 % en1977.Cette volution sest accompagne dune libralisation de la commercialisation de la datte partir de 1980,favorisant le dveloppement du conditionnement local via des entreprises dexportation tunisiennes.Cette dynamique sest traduite par une augmentation constante de la production depuis 1975, o ellestablissait 60 000 tonnes, nos jours o elle a plus que doubl (130 000 tonnes en 2006) (Figure).Cette croissance dcoule plus de laugmentation des surfaces (34 860 ha en 2006) que des rendements,qui varient de 20 50 kg/arbre, soit un rendement moyen lhectare de 2,8 tonnes, avec des cartsvariables selon les annes et les bassins de production. Ainsi la superficie des oasis de cration rcente

    est passe de 8 500 ha en 1992 17 500 ha en 2002.

    Cette augmentation a surtout profit la production de la Deglet el Nour qui reprsente 60 % de laproduction nationale et 80 % des augmentations actuelles de superficie, entranant une augmentation desexportations (Sai et Rhouma, 2005 ; Scanagri, 2004a,b). Celles-ci reprsentaient 30 000 tonnes en 2004,faisant de la filire datte le troisime secteur dexportation agro-alimentaire tunisien, aprs lhuile dolive etles produits de la mer (GIF, 2005).

    120

    110

    100

    90

    1000 t80

    70

    60

    50

    40

    75/7

    19 677

    /719 879

    /819 081

    /819 2

    83/8

    19 485

    /819 687

    /819 889

    /919 091

    /919 293

    /919 495

    /919 698

    /920 900

    /020 102

    /020 304

    /05

    19

    (source : ONAGRI, 2005)

    Figure 1. Evolution de la production de dattes en Tunisie de 1975 aujourdhui.(Source : ONAGRI, 2005).

    Le march de la datte prsente une structure originale, caractrise par une forte concentration de laconsommation sur deux priodes : le ramadan, durant lequel sont effectues 80 % des ventes destinationdes populations musulmanes locales ou ltranger et Nol pour 15 %. Seuls 5 % des ventes sont ralisesdurant le reste de lanne. De ce fait le dplacement du ramadan pour les vingt prochaines annes avant lapriode de rcolte doctobre dcembre amne la filire dvelopper ses capacits de stockage.

    La filire datte tunisienne comprend un ensemble doprateurs privs (producteurs, collecteurs,conditionneurs-exportateurs, grossistes, commerants, dtaillants, marchs de gros et marchs locaux) etdinstitutions publiques dont les relations sorganisent autour des transactions sur les flux de datte (figure2).

    2 Actes du troisime atelier rgional du projet Sirma

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    Les producteurs sont environ 50 000, rpartis entre deux bassins de production majeurs (Djerid etNefzaoua). Les petites exploitations, majoritaires du fait des hritages successifs, se retrouventprincipalement dans les oasis traditionnelles, mais elles ne reprsentent quun quart de la productiontotale. Les exploitations de taille moyenne sont nettement moins nombreuses, mais fournissent lamajorit de la production. Ce sont souvent des agriculteurs absentistes qui recourent au mtayage pourexploiter leurs parcelles (principe du khemmassat, o le mtayer reoit 20 % de la rcolte pour le travailfourni). Les grandes exploitations comprennent les socits et coopratives et sont surtout prsentes dansles palmeraies modernes. Loffre en datte savre globalement trs atomise.

    Les collecteurs reprsentent un maillon central de la chane dapprovisionnement, dans la mesure oenviron 70 % de la production transitent entre leurs mains. Ils oeuvrent principalement au regroupementet lachat de la datte sur les aires de production pour couler les lots ainsi acquis au niveau desgrossistes, semi-grossistes et dtaillants (march national) ou au niveau des stations de conditionnementpour le march export. Ce sont des oprateurs individuels intervenant dans un espace le plus souventinformel en terme contractuel et rglementaire. Leur nombre est estim 400 par campagne dont laplupart traitent des volumes allant de 50 300 tonnes, cinq dentre eux assurant la collecte de grandesquantits (1 000 2 000 t/an). Certains investissent dans lactivit de stockage.

    Les exportateurs conditionneurs sont au nombre de 36, aprs avoir t jusqu 44 en 1994 (Kassah,1996). Les dix premires entreprises reprsentant les deux tiers du tonnage export. Les dattes sontconditionnes sous des formes variables, naturelle ou aprs avoir subi quelques transformations

    simples (humidification ou schage, enrobage, dnoyautage) et dans des emballages divers : barquettesde 200 500 g, en branchettes (emballages carton de 1 3 kg) ou en vrac.

    Les circuits nationaux de commercialisation sont plus complexes dcrypter car ils font intervenir ungrand nombre doprateurs de formes diverses. A partir des collecteurs interviennent des grossistes,intermdiaires (khaddhars/ghallels), dtaillants et des marchs locaux et de gros avant datteindre lesconsommateurs. Les varits autres que la Deglet el Nour, dites varits communes , sontcommercialises par cette voie. Les dattes sont vendues fraches aprs la rcolte, ou aprs stockage. Unepartie des dattes conditionnes par les exportateurs est coule sur ce march, qui na pas fait lobjetdune analyse approfondie dans cette tude.

    Filire datte et valorisation de leau

    Laugmentation des productions et la spcialisation dans la varit Deglet el Nour accroissent la pressionsurla ressource en eau, dont lquilibre cologique risque de se rompre alors que ses cots dextraction et dedistribution augmentent. Cette varit est en effet trs consommatrice en eau (environ 20 000 m3/ha/an)touten tant sensible aux maladies, lhydromorphie (Ferry, 1996) et aux pluies automnales compte tenu de sapriode de maturation et de rcolte, de mi-octobre fin dcembre dans le Sud tunisien.La raret de la main-duvre qualifie reprsente une autre contrainte, alors que litinraire techniquepratiqu dans les palmeraies est relativement consommateur en travail (travail du sol, pollinisationmanuelle, protection des rgimes, rcolte), plaant les producteurs absentistes en situation dedpendance vis--vis de la main-duvre extrieure (Bachta, 1996 ; Bachta et Zabet, 2001).

    La valorisation de leau utilise dans les oasis, et la durabilit des systmes oasiens en gnral, dpend

    donc de plus en plus des performances de la filire datte et de son positionnement sur le march nationalet international. Ces performances, telles que le taux de pertes estim 23,3 % aux diffrents maillons dela filire ou la qualit des dattes, dpendent elles-mmes de lorganisation de la chane dapprovision-nement, tant dans sa composante exportatrice que dans le potentiel reprsent par les nombreusesvarits traditionnelles.

    Le positionnement de la datte tunisienne lexport rencontre quelques difficults face aux exigencescroissantes des pays importateurs en termes de qualit (notamment sur le taux dinfestation), traabilit,normalisation et approvisionnement. La qualit des dattes exportes nest pas toujours homogne ; lesspcifications services (dlais de livraison, remise de documents) ne sont pas systmatiquementrespectes, occasionnant en aval des retards de fabrication ou des ruptures de stocks, voire des erreursdans les catgories livres. Enfin lAlgrie reprsente un concurrent potentiel srieux pour lavenir,compte tenu de sa production importante et du dveloppement de son industrie de conditionnement.

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    ProducteursAutoconsommation: 5%

    Dchets (btail) :10/15%

    Collecteurs

    Conditionneurs/exportateurs GrossistesKhaddhars/Commerants

    Marchs de gros(Tunis, Tozeur, Gabs)

    ImportateursDistributeurs

    (partenaires commerciaux)

    Marchsextrieurs

    Marchs hebdomadaires

    March national : 70-75 %

    Distributeurs

    March dexportation : 25-30 %

    Dtaillants

    Figure 2. Structuration des oprateurs dans la filire et rpartition des volumes produits.

    Une bonne coordination des acteurs au sein de la filire est ncessaire pour lever ces difficults

    potentielles. Mais en quoi sont-ils prts cooprer autour dune stratgie partage daugmentation de savaleur, incluant une gestion coordonne des quantits et qualits de datte mises en march ? Lediagnostic tabli partir dun ensemble dentretiens aux diffrents maillons de la chanedapprovisionnement (tableau I), centr sur lanalyse des flux physiques de datte et le type de relationscontractuelles entre acteurs, permet de mieux comprendre les atouts et limites de lorganisation actuellepour rpondre aux dfis des marchs tout en amliorant la valorisation de leau dans les oasis.

    Tableau I. Structure de lchantillon.

    Nefzaoua(Kebili)

    Agriculteur

    rcoltant lui-mme

    vendant sur piedtotal

    Collecteur

    achat au tonnageachat sur pied

    mixtetotal

    Exportateur

    41-5

    2

    2338

    1

    64313

    3

    6

    -6

    -

    88

    6

    814

    Djerid(Tozeur)

    Total

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    Les acteurs en place : gestion interne et interactions

    Les exportateurs influencent par leurs dcisions lorganisation de la filire datte, la gestion des flux et lesystme de prix appliqu. La campagne dachat est planifie fin aot dbut septembre, en fonction desrsultats de la campagne prcdente, de la production de lanne, des commandes pour Nol et descapacitsde stockage. Les usines passent des accords avec des collecteurs sur des quantits, varits et catgories,lesgrandes entreprises dexportation travaillant plutt avec des collecteurs traitant un volume important dedattes.Des avances sont verses aux collecteurs pour acheter les dattes auprs des producteurs. Elles sontbases sur un prix dachat dpendant de loffre et de la demande au moment des transactions. Les achatsse droulent tout au long de la campagne de rcolte, doctobre dcembre, et sont ajusts en fin decampagne. Si lexportateur doit rpondre des commandes ponctuelles de janvier juillet, il complteses stocks avec des quantits achetes auprs de petits oprateurs. Il arrive aussi que des usines passentdes accords avec des collecteurs-stockeurs en fin de campagne.

    Les cahiers des charges des clients europens sont pris en compte partir de lentre usine, o lesdiffrentescatgories identifies par les normes europennes sont constitues (catgorie extra , catgorie I,catgorie II).Certaines usines sont trs avances dans ce domaine, alors que dautres ont un mode de gestion de laqualit

    encore rudimentaire. La matrise du stockage joue un rle primordial dans la capacit des exportateurs rpondre aux commandes de leurs clients en quantit, qualit et dlais, particulirement dans cette phasededcalage du ramadan.

    Globalement les exportateurs bnficient dune situation favorable caractrise par une offre et unedemandenon limitantes. Leurs contraintes rsident essentiellement (i) dans leurs capacits disponibles enentreposage,stockage et moyens logistiques et (ii) dans lhtrognit des lots livrs, o sont mlanges diffrentescatgoriesde la mme varit. Pour rsoudre ce problme, ils privilgient des collecteurs achetant sur pied eteffectuant untri prcis dans leur local par des femmes, ou ceux effectuant un contrle qualit pralable des lots.

    Les collecteurs se distinguent par leur mode dorganisation (pratiques dachat, type doprateur aval), lesoprations quils ralisent (rcolte, tri, contrle qualit, stockage) et la quantit traite par campagne. Lesdattes sont achetes sur pied, lorsque le collecteur envoie sa propre main-duvre pour raliser lesoprations de rcolte, de tri et de transport, ou au tonnage lorsque la production est rcolte et pr-trieparle producteur lui-mme.A partir de 100 tonnes achetes par campagne les collecteurs traitent directement avec les usines ; en

    deils doivent passer par un gros collecteur qui leur achtera leurs dattes au tonnage. A la fin du mois daot,lecollecteur passe une forme daccord avec une usine exportatrice ou un gros collecteur sur une quantitapproximative fournir et reoit un chque davance. La quantit traite est fonction des moyensfinanciers,des capacits logistiques, de lexprience du collecteur, du temps quil peut consacrer cette activit et ducontexte de lanne. Seules les dattes de varit et catgories aptes au conditionnement et exportablespassent par le circuit dexportation. Les autres catgories sont vendues sur le march de gros ou desintermdiaires commerants (figure 3).Les collecteurs achetant uniquement sur pied traitent des quantits totales de datte comprises entre 80 et600 tonnes pour la campagne. Lachat se fait fin aot - dbut septembre. Le collecteur passe dans lesparcelles et propose aux agriculteurs une somme calcule sur la base dune estimation du rendementmoyen de chaque palmier multipli par le nombre de palmiers.

    Les oprations de rcolte, de tri et ventuellement de transport jusqu loprateur aval sont la charge ducollecteur, pour un cot denviron 100 DT1 par tonne. Ce cot tend augmenter avec la raret de la main-duvre spcialise ncessaire cette opration (chef de chantier, grimpeurs spcialiss, ouvriers au sol).

    Les rgimes tant rcolts environ 75-80 % de maturit, ltalement de la rcolte durant la campagne estbas sur les diffrentiels de maturit (i) entre les palmiers, selon leur ge, leur varit et leur localisationdansla parcelle (exposition au soleil, au vent, approvisionnement en eau) et (ii) entre les rgimes selon leurexposition au soleil. Une parcelle peut ainsi tre rcolte en 2 ou 3 fois avec 15 20 jours dintervalle entrechaque coupe, raison de 1,2 1,5 t par jour en oasis traditionnel et de 2 2,5 t pour une parcelle decration rcente. Ces valeurs incluent le tri systmatique ralis la parcelle par les ouvriers : les dattesvrac etbranches sont spares et les dattes branches sont mises en caisse.

    11 DT (Dinar tunisien) = 0,60.

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    Rgimes nettoys

    Branchessches etdemi-molles

    Usines de conditionnementexportatrices

    Rgimes entiers Vrac dattes sches

    March local (march de gros,marchs hebdomadaires,

    commerants)Vrac dattes demi-molles

    Vrac

    Vrac chebeba

    Dchets Vente locale comme aliment dubtail

    Figure 3.1 Circuits de commercialisation de la varit Deglet El Nour selon leur catgorie.

    Les incertitudes sur les prix de vente et sur les quantits effectivement rcoltes rendent cette activitrisque et amnent ces collecteurs minimiser les quantits et les prix dachat aux producteurs, ou rcolter trs tt des rgimes mrs 50 % pour profiter des prix levs de dbut de campagne comme en2006. Les dattes branches se vendaient alors 2,5 DT/kg pour 1,3 DT/kg pendant la campagne.

    Les collecteurs pratiquant lachat au tonnage traitent entre 100 et 300 tonnes par campagne. Ils jouent lerle dintermdiaire entre les usines peu nombreuses et la myriade dagriculteurs, en nachetant que lesvarits et catgories demandes par les exportateurs. Leurs locaux, situs sur les zones de production,sont aliments par les agriculteurs du village qui font eux-mmes leur rcolte et livrent leur rythme,

    sans contrainte particulire concernant les dlais de livraison, la quantit, les varits et catgoriessouhaites. Les collecteurs achetant de plus grosses quantits sapprovisionnent aussi auprs decollecteurs achetant sur pied auxquels ils ont redistribu les avances de lusine.

    Ce type de collecteur prend peu de risque car il neffectue aucune opration de sous-traitance ni detransport. Ses charges sont essentiellement constitues des frais de tlphone, frais du local et paiementdesouvriers. Sa rmunration est base sur une commission fixe au kilogramme de dattes collecte, de lordrede 0,05 DT/kg quelles que soient la varit et la catgorie. Pour augmenter ses gains, il cherchera traiterlaplus grosse quantit possible de dattes par campagne, sachant que la production ne semble pas limitantedslors que les acheteurs sont trouvs. Mais ce mode de rmunration ne lincite pas faire monter les prixdachat aux producteurs, au contraire dun paiement proportionnel au montant de la transaction.Quelle que soit la prise de risque encourue, plus leve avec lachat sur pied, la rmunration de cette

    activit occasionnelle et temporaire parat suffisamment intressante pour attirer un ensemble dacteursdisposant dune trsorerie (par exemple des mdecins, ingnieurs, pharmaciens) au dtriment de saprofessionnalisation. En effet il nexiste ni recensement de ces oprateurs, ni taxation puisquils oprent ausein de circuits informels. Les tentatives de professionnalisation de lactivit ont jusquici chou. Ellespourraient de fait rduire le nombre doprateurs intresss, alors que la collecte doit se faire sur unepriodecourte nexcdant pas trois mois, tout en mobilisant des sommes leves transitant jusquici par cescircuitsinformels. Pour lheure seuls les plus gros collecteurs ont lobligation dtre en conformit avec les clausesdu cahier des charges, sans que soit dtermin le tonnage minimal traiter imposant la mise aux normes.Dans cette situation de flou juridique, les collecteurs les plus entreprenants dveloppent leurs activitsdans deux directions : (i) en investissant dans des capacits de stockage qui leur permettront de profiterde la dynamique des prix lie au dcalage du ramadan par rapport la priode de rcolte ; (ii) encherchant devenir exportateur partir de leur exprience dintgration de laval pour les plus gros.

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    Les producteurs de dattes constituent une population trs htrogne, fonction de la part tenue par lesactivits agricoles oasiennes dans les activits conomiques des familles. Ainsi tous les agriculteursenquts dans le Djerid ont une autre source de revenus (profession, retraite). Ils ne consacrent quunepartie de leur temps libre leurs parcelles de dattes, transmises par hritage et partages entre frres, oules confient un khamms. A contrario la parcelle de dattes procure lessentiel des ressources financires la disposition du mnage pour 4 des 6 producteurs interrogs dans loasis de Fatnassa. Tous soccupentdirectement de leur parcelle en employant ventuellement de la main-duvre occasionnelle pour lesoprations de rcolte, de travail du sol ou de pollinisation. En gnral, cette main-duvre est familiale.

    Les pratiques de rcolte et de commercialisation varient galement selon la zone de production. Dans leDjrid les agriculteurs pratiquent la vente de leur rcolte sur pied, par manque de temps et de main-duvre comptente. La parcelle est vendue au collecteur qui propose le meilleur prix, mais les facilitsde paiement (immdiatement, en espces) et le degr de connaissance de la personne (famille, ami,collecteur du village, relations antrieures) interviennent aussi dans le choix.

    A Fatnassa, au contraire les agriculteurs ralisent eux-mmes la rcolte avec leur main-doeuvre familiale(fils, cousins, femmes pour le tri) plus un ou deux ouvriers journaliers si celle-ci ne suffit pas. La parcelleest rcolte en 2 ou 3 passages de deux trois jours espacs dintervalles de deux trois semaines. Lechoix des jours de rcolte se fait en cours de campagne selon la maturit des rgimes, la disponibilit dela main-duvre et les conditions mtorologiques (pas de rcolte les jours de pluie). Les dattes sontensuite commercialises en fonction de leur varit et catgorie (sche, dchet, branche, vrac, demi-

    molle), la Deglet el Nour tant vendue des collecteurs placs sur le circuit dexportation.

    Cette vente au tonnage prsente un certain nombre de risques. Tout dabord les prix peuvent chuterbrutalement pendant la campagne, lorsque par exemple la Deglet el Nour branches demi-molle passede 1 DT/kg 0,6 DT/kg vers la mi-novembre. Les agriculteurs du Nefzaoua sont les plus touchs car cesvariations se produisent lorsque leurs dattes sont maturit. Les agriculteurs nayant pas dautres revenusque leur parcelle sont particulirement handicaps car ils ont besoin de trsorerie pour rembourser lesdettes de lanne, payer leau dirrigation et les ouvriers pour le travail du sol. A contrario les agriculteursdisposant dune autre source de revenus peuvent diffrer la vente et utiliser les capacits de stockagedisponibles localement.

    Les producteurs subissent un rapport de force dfavorable dans leurs transactions avec les collecteurs.Ceux-ci leur imposent les prix du moment, eux-mmes proposs par les exportateurs, sans tenir compte

    de la qualit des dattes proposes. Ils peuvent refuser des lots mal tris (mlanges de dattes vrac avec desdattes branches ou des dattes sches avec des dattes demi-molles), et ils contrlent la logistiquedapprovisionnement (local dentreposage, caisses), a fortiori si lagriculteur na pas de moyen detransport pour vendre sa production ailleurs.

    Consquences pour le fonctionnement de la filire

    Les relations entre producteurs, collecteurs et exportateurs sont bases sur des accords oraux, fonds parla confiance et lintrt maintenir les liens au-del dune transaction ponctuelle. Ces engagements sontdautant plus respects quils fonctionnent dans un milieu social troit, o le maintien de la rputationdun agent conomique conditionne largement ses relations avec son environnement immdiat et doncle rsultat de ses activits.

    Ces contrats oraux paraissent bien adapts aux incertitudes rencontres au sein de la chanedapprovisionnement car ils ne portent pas sur des quantits et qualits prcises, laissant chaqueoprateur des marges de manuvre et dajustement aux alas ou opportunits rencontrs. Ainsi lescollecteurs peuvent livrer lusine une quantit plus faible que celle prvue pour tirer profit de meilleursprix sur le circuit national un moment donn. De leur ct les exportateurs peuvent rompre laccordpass avec un collecteur si la qualit fournie par ce dernier ne leur convient pas.

    De mme les accords portent sur des varits, catgories et quantits approximatives mais pas sur lesfrquences de livraison et dlais dapprovisionnement. Les dlais de paiement des diffrents oprateursdemeurent galement flous : les usines versent des avances, par chque le plus souvent mais dansquelques cas en espces, et les versements ultrieurs sont ajusts en fonction du droulement de la

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    campagne. Grce ces ajustements successifs, chacun travaille sa faon et selon le degr de confiance,de connaissance et de besoin avec les autres oprateurs.

    Ce mode dorganisation profite largement du fait que loffre comme la demande en Deglet el Nour neparaissent pas pour linstant limitantes, que la datte est peu prissable dans le laps de temps qui spare sarcolte du conditionnement ou du stockage, que les normes de qualit sont encore peu contraignantes etque les pics de consommation et donc de vente sont bien connus.

    Dans ce contexte de faible coordination verticale, o producteurs et exportateurs nchangent delinformation que par lintermdiaire des collecteurs, la rgulation des transactions passe essentiellementpar les prix (figure 4). En labsence dun prix plancher interprofessionnel, abandonn faute dtrerespect, les prix sont largement contrls par les exportateurs en fonction de leurs carnets de commandeau dmarrage de la campagne et de lestimation de loffre globale. Le circuit national nest en effetintressant quen dbut de campagne : pour les varits communes, avant que la Deglet el Nour narrivesur le march ; pour la Deglet el Nour avant que les exportateurs ne lancent leurs achats (figure 5). Lesprix observs en 2006 varient ainsi considrablement, de 3 4 DT/kg en dbut de ramadan 1,1 DT/kgun mois plus tard. Le circuit national permet malgr tout de mieux valoriser des dattes de trs bonnequalit ou de sous-catgories recherches par le consommateur local.

    Sur le circuit export, les prix de vente sur pied sont denviron 1 1,2 DT/kg pour la varit Deglet elNour et de 0,3 0,5 DT/kg pour les autres varits (Aligue, Khouet Aligue, Kenta, Kintichi). Ces prix

    varient dune anne sur lautre en fonction des quantits et qualits disponibles et du positionnement duramadan. En cours danne les variations suivent lquilibre entre offre et demande et les stratgies desacteurs, notamment vis--vis du stockage qui devient une variable cl de la fixation des prix avec ledcalage actuel du ramadan.

    Les prix, qui chutent habituellement brutalement la mi-novembre jusqu 0,7 DT/kg, sont rests stablesen 2006. Dune part, de nombreux acheteurs se sont prsents sur le march pour remplir leurs capacitsde stockage. Dautre part, les exportateurs ont cherch maintenir un prix lev, pour que cesoprateurs leur louent leurs frigos plutt quils se fournissent en dattes. Ils nont ainsi pas investir dansdes capacits supplmentaires de stockage, tout en bnficiant dune certaine flexibilit dans leurstratgie de stockage, et en ne dpendant pas des petits stockeurs qui ils auraient acheter des dattes prix lev lapproche du ramadan.

    Le stockage se rvle, en effet, une opration lucrative, puisque les dattes stockes (Deglet el Nourbranches) par des petits stockeurs et achetes par les usines vers mai-juin pour rpondre auxcommandes se vendent un prix de 2 3 DT/kg. Par contre, la stagnation des prix dachat auxproducteurs depuis de nombreuses annes, et donc leur baisse en termes nominaux, conjugue laugmentation des cots de production des dattes notamment les charges en eau dirrigation et de main-duvre, font peser des doutes sur la profitabilit de la culture du palmier (Bachta et Zabet, 2001).

    Ce systme de prix prend peu en compte les caractristiques qualitatives des dattes, au-del de quelquescritres simples pouvant faire lobjet dun tri trs en amont : branches et vrac, demi-molles, sches etimmatures (chebeba), dchets. Les critres plus sophistiqus, intervenant dans la rglementationeuropenne (variables organoleptiques, calibre, infestation par les insectes ou acariens) ne sont pris encompte quau niveau des exportateurs, o se grent lhomognisation et la normalisation de la qualitexige par les importateurs internationaux. Aucune stratification des lots livrs nest ralise en amont dela

    chane dapprovisionnement de la Deglet el Nour branche.Les efforts raliss par les agriculteurs en termes, par exemple, de pose de filet pour viter les attaquesdinsectes ou dclaircissage pour obtenir des fruits de calibre suprieur, ne se traduisent pas dans le prixdachat de la datte, que ce soit sur pied ou au tonnage. Seule la pose de sacs plastiques sur les rgimesen cours de maturation connat un certain succs dans le Nefzaoua car elle permet de limiter les dgtsvisuels causs par les pluies dautomne (apparition de taches sur les fruits, ouverture des fruits,dformations, fermentations, chute de fruits).

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    Agriculteurs rcoltant eux-mmes Agriculteurs vendant sur pied

    Paiement immdiat,EspcesPrix du jour

    Deglet Branche : de1, 2 1,5DT/kgVrac : de 1,1 1,3DT/kg

    Autres : 0,8 0,9 DT/kg

    Deglet : de 0,9 1,2DT/kgAutres varits :0,7 0,8 DT/kg

    Paiement immdiat lachatMontant total calcul sur uneestimation du rendement

    moyen par le nombre depalmiers,Espce ou chque

    Collecteurs achetant au tonnageCommission fixe: entre 0,05 et 0,1 DT/kg.

    Collecteurs achetant sur pied

    Versement duneavance en dbut decampagne,

    ChqueCalcul du soldte enfin de campagnePrix du jour

    Deglet Branche : de 1, 25 1,55DT/kgVrac : de 1,15 1,35DT/kgAutres : 0,85 0,95 DT/kg

    Usine exportatrice-gros collecteurs

    P>Prix FOB(2,2/kg)

    Versement duneavance en dbut decampagne,

    ChqueCalcul du solde enfin de campagnePrix du jour

    ImportateursConsommateurFrance 8/kg

    Figure 4. Synthse des prix et modalits de paiement.

    Figure 5. Variation des prix suivant la varit et la priode.

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    Il est vrai que la mise en place dun systme de classement plus sophistiqu, coupl un systme dermunration diffrenci, aurait un cot de contrle et de gestion que la filire ne parat pas prte prendre en charge actuellement. Mais, en consquence, les exigences des marchs europens ne sontpas explicitement intgres dans les modes de fonctionnement et dorganisation de la chanedapprovisionnement, et sont source de tensions entre les oprateurs. Sans lien direct avec les marchs,les agriculteurs dveloppent des comportements opportunistes visant augmenter leur profit enmlangeant parfois les catgories (mlange vrac/branch, sches/demi-molles), ce qui provoque lemcontentement des exportateurs qui eux-mmes ne sont pas toujours mme de respecter les

    commandes de leurs clients europens.

    Dune manire gnrale, cette non rmunration des efforts fournis conforte les agriculteurs dans leursstratgies de rduction des soins apports aux palmeraies, du fait tant du morcellement du foncier que dudveloppement de nouvelles activits conomiques dans la rgion (tourisme, btiment), rendant plusdifficilela disponibilit de la main duvre familiale et salarie. Les khamms sont notamment tents de raisonnerleur investissement dans le secteur agricole en fonction des esprances de revenus quils peuvent tirer desautres activits (Bachta, 1996). Ils ne ralisent que les travaux jugs indispensables (irrigation,pollinisation,gardiennage), les autres interventions (travail du sol, lutte contre les mauvaises herbes, nettoyage de laparcelle) tant confies des salaris ou limines. Les pratiques culturales dans les palmeraies restantessentiellement manuelles, cela se traduit par une rduction des soins apports aux plantations.Cette situation pourrait samliorer avec la dcision de mettre en place un systme de traabilit des lotsenamont des usines, conformment au rglement CE 178/2002. Le systme mis en uvre part des oasis etdune liste des principaux collecteurs, fournisseurs des usines. Les producteurs restent donc inconnusindividuellement, de mme que les petits collecteurs, dont les institutions publiques pensent quilsdevraientdisparatre avec cette volution. Latomisation de la filire pour les producteurs et collecteurs reprsenteunhandicap pour aller plus loin sans multiplier les cots de collecte et de traitement de linformation.Discussion

    La filire datte tunisienne a poursuivi son expansion dj releve il y a dix ans (Rhouma, 1996), profitantdun march favorable compte tenu des difficults de ses principaux concurrents (impact de la maladie dubayoudh au Maroc et en Algrie, mauvaise organisation des exportations algriennes, faibles productionscalifornienne et isralienne). Le positionnement du ramadan avant la priode de rcolte cre galementunedynamique porte par des acteurs divers investissant dans de nouvelles capacits de stockage. Cettedynamique fait cho celle, plus ancienne, daccroissement des surfaces plantes, que ce soit via desprojets officiels ou des extensions illgales , qui font esprer un accroissement de la production permettantaux exportateurs de prospecter de nouveaux marchs pour maintenir leur niveau dexportation en volume.Ceci tant cette situation favorable, trs dpendante du seul march de la Deglet el Nour, pourrait secompliquer avec les nouvelles normes europennes, la ncessit dorganiser la traabilit tout au long delachane dapprovisionnement, et lmergence de comptiteurs de la datte tunisienne. Or lorganisationactuelle de la filire prsente un certain nombre de faiblesses mises en vidence par notre tude. Elle nestpas rellement tire par la demande au sens o les exportateurs rpondent aux commandes de leursclientsen leur proposant ce quils trouvent chez leurs fournisseurs2 ; mais ils nintgrent pas non plus laval et

    psent donc peu sur la consommation des populations europennes, quelles soient ou non musulmanes.Le produit et ses modes de consommation restent trs uniformes, centrs sur deux pics de consommationetune varit prsente dans une gamme de conditionnement et de transformation rduite. De ce point devue la diversit des varits et des usages de la datte et du palmier, pourtant traditionnellement prsentesdans les oasis, demeure peu exploite malgr des tentatives dans le cadre du projet IPGRI sur lavalorisationdes ressources gntiques du palmier (Scanagri, 2004a ; Rhouma, 2005).Lorganisation de la chane dapprovisionnement et des relations entre acteurs dcoule la fois de cettesituation hybride et des contraintes du contexte. La forte atomisation de la production est alimente parla faiblesse apparente du march foncier elle-mme lie des stratgies patrimoniales o chacun semblesouhaiter continuer possder ses palmiers, mme si cela se rsume quelques arbres ! Do de faibles

    2 A lexception notable de la filire biologique, qui correspond un cahier des charges prcis ncessitant des contrats plus strictsentre producteurs et exportateurs ou lintgration de lamont par les exportateurs (domaines dusine).

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    possibilits dmergence dexploitations spcialises dans la datte, sauf sur des extensions par ailleursillgales et demandant des investissements. Certaines ressources sont limitantes, en eau dabord, citepar les agriculteurs comme le facteur limitant, que ce soit du fait de sa mauvaise distribution ou dunediminution de la ressource elle-mme, mais galement en main duvre, les jeunes se dtournant de cetype de travail malgr le taux de chmage lev.

    Ce contexte favorise la mise en place dun chelon intermdiaire entre le producteur et lexportateur,permettant ce dernier de limiter ses cots de transaction. Mais cette organisation trois niveaux, o le

    collecteur joue un rle central, prsente de nombreuses faiblesses. La chane dapprovisionnement tend se rallonger avec lintervention de collecteurs en cascade, les petits travaillant pour des plus gros. Lessignaux de qualit envoys de laval vers lamont sont rudimentaires au-del de grandes catgoriesvisuellement observables et bases du tri ralis de la parcelle lusine, mais nintgrant pas les critresdu march final. Les systmes de rmunration nincitent pas relever la qualit car (i) ils ne prennentpas en compte les ventuels efforts qualitatifs raliss par les producteurs, (ii) ils dcouplent commissionet prix de la datte (rmunration au kg des collecteurs) et (iii) ils sont tablis sur une qualit moyennecorrespondant ltat htrogne des lots livrs aux usines. Lachat sur pied tire galement les prix versle bas pour permettre au collecteur de scuriser son bnfice, face des producteurs atomiss et peuinvestis dans leur production. Les risques encourus diminuent de laval vers lamont, les exportateurs selimitant rceptionner une marchandise sur laquelle les collecteurs au tonnage ont pris leur commission,laissant les risques de mvente ou de dgradation de la qualit aux producteurs et collecteurs achetantsur pied.

    En consquence, et en labsence dune stratgie densemble de la filire se donnant des objectifs moyen terme de dveloppement des marchs sur des produits diversifis et de qualit matrise,lorganisation actuelle parat surtout motiver par le tri, dans une production offerte sur le march, desdattes commercialisables lexport, les quantits totales tant alors largement subies plutt queplanifies, au-del des alas climatiques. Le taux de perte sen ressent fortement.

    Par contre, la souplesse de cette organisation, base sur des contrats oraux, parat bien adapte labsence de relles contraintes logistiques (abondance des capacits de transport) et la facilit destockage, dindividualisation et de classement de la matire premire, du moins tant quon en reste desaspects visuels. Si des risques de dgradation existent (dveloppement des infestations essentiellement) ilsnont rien de comparable avec les problmes de prissabilit rencontrs sur dautres filires agro-alimentaires, telles que le lait ou la canne sucre (Le Gal et al., 2004). Cette faible coordination

    horizontale et verticale reprsente donc un choix conomiquement justifi dans ltat actuel de la filirecar peu coteux, comparativement des contrats crits par nature incomplets et ncessitant desprocdures de contrle des engagements des contractants.

    Ce dispositif peu contraignant est toutefois source de dsquilibre entre les acteurs et pourrait conduire un dsintrt relatif des producteurs pour cette activit dans laquelle ils ont objectivement peu dintrt sinvestir. Les charges augmentent, les facteurs de production se rarfient, mais les prix dachat de laDeglet el Nour stagnent et la qualit nest pas reconnue leur niveau, alors que des diffrenciations sontfaites lautre bout de la chane et que les exportateurs reconnaissent quune demande existe pour desdattes de meilleure qualit.

    Le thme mergent de la traabilit est un vnement a priori susceptible de faire bouger les choses. Lescaractristiques de la datte, produit facilement individualisable sur la base des caisses utilises, devraient

    faciliter la tche par rapport des produits dont les lots sont rapidement mlangs comme le lait. Maisvont se poser de nombreux problmes dorganisation des contrles, de gestion des donnes, etdexclusion des collecteurs qui ne seront pas capables de se plier ce systme dinformation.

    Les petits collecteurs seront les premiers touchs, car les dispositifs prvus de traabilit, de cahier descharges ou damlioration de la qualit ncessiteront des investissements quils ne seront sans doute pas mme de raliser. Or ils sont aujourdhui indispensables la chane dapprovisionnement ds lorsquils ralisent la rcolte pour le compte des producteurs. Il parat, en effet, difficile pour les groscollecteurs de grer la rcolte dun grand nombre de parcelles, avec les risques inhrents lachat desdattes sur pied.

    Tous ces lments suscitent des interrogations sur lesquelles nous proposons des pistes de rflexion liesaux marges de manuvre que nous avons cru identifier le long de la chane dapprovisionnement. Unpremier lment concerne la mise en place de groupements de producteurs comme un mode

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    dorganisation dagriculteurs atomiss et de faible taille pour leur permettre laccs des oprateurs agro-industriels. Ces groupements prsentent le triple avantage de concentrer loffre, de rquilibrer le rapportde force avec les oprateurs aval en faveur des producteurs et de fournir des services leurs adhrents.La structure de GDA (Groupement de dveloppement agricole) rcemment cre en Tunisie pourraitrpondre cet objectif, en facilitant linvestissement dans des capacits de stockage, en mettant disposition des moyens logistiques pour les agriculteurs, en coordonnant mieux loffre amont et lademande des exportateurs, en proposant des appuis techniques leurs adhrents.

    Cela tant, ce type dorganisation ne parat pas soulever lenthousiasme, a fortiori dans les oasis o lesagriculteurs ont lhabitude de vendre sur pied. Ils ont en mmoire les mauvaises expriences vcues dansles annes 60s, dun systme coopratif mis en place de force. Ils craignent que face des intrtsindividuels divergents et aux sommes en jeu, ces structures soient ingouvernables. Les collecteurs, quisont aussi producteurs, ne sont videmment pas intresss par de telles structures, dont la gestiondemande effectivement rigueur et transparence pour tre crdible auprs des producteurs et efficacesdans la chane dapprovisionnement.

    Avec ou sans GDA, la filire devra sorganiser pour mieux rpondre aux enjeux de qualit de la filireexport. De ce point de vue, la mise en place dune grille de classement et de rmunration des dattes,ngocies entre producteurs et exportateurs, parat un outil puissant pour faire bouger les choses.Lobjectif est bien dune part, de mieux caler aux attentes des marchs extrieurs, dautre part, dinciterles agriculteurs intresss faire des efforts et rmunrer en consquence ces efforts.

    Une telle grille aurait lavantage de renforcer la coordination verticale au sein de la chanedapprovisionnement. Elle ncessite en effet que les partenaires se mettent daccord sur les critres prendre en compte dans lvaluation de la qualit, et des modalits de rmunration y associer. Cecisuppose une meilleure connaissance de la diversit des conditions de production des agriculteurs, afindidentifier les populations intresses par une monte en gamme pouvant aller jusqu la mise en placedindications gographiques ou dautres signes de qualit (dattes biologiques). Une telle dmarchesaccorderait avec la mise en place dun systme de traabilit, puisque dans tous les cas il sagitdamliorer le systme dinformation utilis au sein de la chane dapprovisionnement, les systmes desuivi et de contrle et la dfinition des normes.

    Enfin la conception et la mise en place doutils de coordination touchant ces composantes cruciales dela chane dapprovisionnement devraient faciliter terme le dveloppement de contrats formels entre

    producteurs, collecteurs, GDA et exportateurs, permettant dassurer une meilleure visibilit desengagements des uns et des autres, et contribuant la dfinition dune stratgie globale de la filire, quifait encore dfaut aujourdhui.

    Conclusions

    La filire datte tunisienne est incontestablement dynamique, particulirement lexport o sa varit-phare, la Deglet el Nour, est encore peu concurrence. Loffre et la demande ntant pas limitantes audire des oprateurs, et les contraintes rglementaires relativement souples jusqu aujourdhui, la chanedapprovisionnement sest organise autour de relations informelles entre producteurs, collecteurs etexportateurs, rgules par les prix et une gestion minimale de la qualit.

    Ce mode dorganisation parat bien adapt au contexte local, caractris par une forte atomisation desproducteurs et une part relative de la datte dans les revenus familiaux probablement en dclin. Le sera-t-il lavenir, lorsque la rglementation europenne va se durcir en matire de qualit et que desconcurrents potentiels tels que lAlgrie vont chercher augmenter leurs parts de march ?

    Partant dune analyse de lexistant, cette tude a fait merger plusieurs pistes de rflexion et dactions quipourraient contribuer renforcer les performances de cette filire. Mais que ce soit lmergence degroupements de producteurs collectant la datte auprs de leurs adhrents, la mise en place dune grillede classement et de rmunration des dattes en fonction de leur qualit, la mise en place dun systmede traabilit ou le dveloppement de contrats formels entre les acteurs de la filire, celle-ci souffredune absence de stratgie globale montrant lintrt que portent les uns et les autres leur avenircommun. Cette tude, comme les travaux conduits sur loasis de Fatnassa sur le fonctionnement et lesperformances des exploitations agricoles, devrait contribuer alimenter cette rflexion.

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