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N° 1500 • Samedi 10 septembre 2011 • LXV e année - BIMENSUEL • France : 4 1 500 numéros au service de l’Église >Entretien exclusif : le cardinal Ranjith parle de l’Église. P.13 ÉDITORIAL Ce numéro 1500 est excep- tionnellement imprimé à 80 000 exemplaires afin de faire découvrir (ou redécouvrir) L’Homme Nouveau à des lec- teurs potentiels. Nous espérons qu’il incitera un grand nombre d’entre eux à rejoindre la grande famille de nos abonnés qui, année après année, décen- nie après décennie, témoignent fidèlement de leur attachement à ce journal pas comme les autres. Né en 1946, L’Homme Nouveau n’a pas eu toujours exactement le même visage. Le père Fillère, l’abbé Richard, Luc Baresta ou Marcel Clément l’ont marqué chacun à sa façon de leur forte personnalité. Et pourtant le code génétique de L’Homme Nouveau est resté le même. Quel est ce mystérieux code génétique ? Il s’exprime dans l’attachement à l’unité dans un monde fragmenté. Unité dont l’Église est le signe parmi les nations. Unité autour du Saint-Père, contre toutes les déviances qui blessent le Corps du Christ. Unité entre le spiri- tuel et le temporel. Et donc refus de la sécularisation sous toutes ses formes. Nous ne pen- sons pas qu’il soit possible de bâtir une cité vraiment humaine en mettant Dieu entre paren- thèses. Comme l’a courageuse- ment affirmé Benoît XVI aux Bernardins, « ce qui a fondé la culture de l’Europe, la re- cherche de Dieu et la disponi- bilité à l’écouter, demeure au- jourd’hui encore le fondement de toute culture véritable ». Témoins du Royaume de Paix au milieu d’une planète secouée par la violence des idéologies de mort, nous assumons un christianisme de contre-culture, mêlant à la fois dissidence et évangélisation. Bienvenue chez nous ! Denis Sureau Notre projet ACTUALITÉS Le crime de l’euthanasie défendu par des bien-portants P.16 CULTURE Portrait de Gabriel Marcel, explorateur du réel. P.20 FIGURE SPIRITUELLE Frédéric Ozanam, un chrétien social au XIX e siècle. P.28 MAGISTÈRE L’appel de Benoît XVI aux jeunes à adorer le Christ. P.30 Cum Petro, sub Petro DOSSIER Spécial anniversaire

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N° 1500 • Samedi 10 septembre 2011 • LXVe année - BIMENSUEL • France : 4 €

1 500 numéros auservice de l’Église

>Entretien exclusif : le cardinal Ranjith parle de l’Église. P.13

ÉDITORIAL

• Ce numéro 1500 est excep-tionnellement imprimé à80 000 exemplaires afin de faire découvrir (ou redécouvrir)L’Homme Nouveau à des lec-teurs potentiels. Nous espéronsqu’il incitera un grand nombred’entre eux à rejoindre la grande famille de nos abonnésqui, année après année, décen-nie après décennie, témoignentfidèlement de leur attachementà ce journal pas comme lesautres. Né en 1946, L’HommeNouveau n’a pas eu toujoursexactement le même visage. Le père Fillère, l’abbé Richard,Luc Baresta ou Marcel Clémentl’ont marqué chacun à sa façonde leur forte personnalité. Et pourtant le code génétiquede L’Homme Nouveau est restéle même.

• Quel est ce mystérieux codegénétique ? Il s’exprime dansl’attachement à l’unité dans unmonde fragmenté. Unité dontl’Église est le signe parmi les nations. Unité autour duSaint-Père, contre toutes les déviances qui blessent le Corpsdu Christ. Unité entre le spiri-tuel et le temporel. Et donc refus de la sécularisation soustoutes ses formes. Nous ne pen-sons pas qu’il soit possible debâtir une cité vraiment humaineen mettant Dieu entre paren-thèses. Comme l’a courageuse-ment affirmé Benoît XVI auxBernardins, « ce qui a fondé la culture de l’Europe, la re-cherche de Dieu et la disponi-bilité à l’écouter, demeure au-jourd’hui encore le fondementde toute culture véritable ».

• Témoins du Royaume dePaix au milieu d’une planètesecouée par la violence desidéologies de mort, nous assumons un christianisme decontre-culture, mêlant à la foisdissidence et évangélisation.Bienvenue chez nous !

Denis Sureau

Notre projet

ACTUALITÉSLe crime de l’euthanasiedéfendu par desbien-portants P.16

CULTUREPortrait de Gabriel Marcel,explorateur du réel. P.20

FIGURE SPIRITUELLEFrédéric Ozanam, un chrétien socialau XIXe siècle. P.28

MAGISTÈREL’appel deBenoît XVI aux jeunes à adorer le Christ.P.30

Cum Petro, sub Petro

DOSSIER

Spécial anniversaire

>>> Dom Forgeot>>Abonné à L’Homme Nouveau, de-

puis plusieurs décennies, je vous re-mercie pour le bel hommage rendudans le numéro du 27 août au T.R.P. domAntoine Forgeot, o.s.b.

Après vous avoir envoyé des nomset adresses pour vous aider à faireconnaître le journal j’espère que vousaugmenterez le nombre de vos lec-teurs. G.T. (par courrier électronique) ◆

>>> Sainte Faustine>>Enfin un journal sans DSK. Bien

que nous jeûnions complètement detélévision et de radio, ainsi que de jour-naux ou magazines, il est difficiled'échapper à l'hallucinante préoccupa-tion du moment : l'ancien maire de Sar-celles va être accueilli en triomphateurpar 3 500 membres de son comité desoutien ! Ahurissant !

Aussi votre article sur dom Forgeotvient à point pour nous parler de ceuxqui dans l'ombre ont une vie qui saitplaire à Dieu

Il y a dix ans aussi, voire plus que j'at-tendais de mes vœux un long article surla première canonisée du nouveau mil-lénaire. Évidemment en si peu de pageson ne peut pas dire tout le Petit Journal,mais justement dans ce numéro quirapporte la Consécration au Sacré-Cœur faite par le Saint-Père au momentdes JMJ, le parallèle avec les promessesfaites par Jésus à Faustine me parais-sait aller de soi ! Eh bien non ! (…)

Mais je ne vais pas bouder mon plai-sir, deux pages sur Faustine, c'est consi-dérable, et donc merci !

N.J. (par courrier électronique) ◆

>>> Deux vérités>>Je tiens à vous féliciter pour deux

choses (du n° 1497).L’article de M. Maxence « La cam-

pagne a commencé ». Effectivement,nous sommes en train de nous enfon-cer de « moindre mal » en « moindremal ». Actuellement il devient dange-reux d’affirmer que l’homosexualitéest un vice dégradant (au contraire de ladépendance à la cigarette !) et quel’avortement est un crime. Je ne saiscomment nous pourrons en sortir ( j’es-père que la Sainte Vierge le sait !) maisce n’est certainement pas en approu-vant ceux qui ont l’infernal toupet des’appeler « élites » (…).

L’article de M. Beaussant sur «les vé-rité du bulletin de paye » qui dénoncel’alliance infernale entre socialisme etlibéralisme, alliance qui fait penser àcelle de deux frères siamois qui n’arrê-teraient pas de se quereller ! Là encoreje ne sais comment sortir de cette so-ciété de mensonge si ce n’est en se pro-mettant de toujours dire la vérité, solu-tion préconisée – si je ne m’abuse – parSoljenitsyne. J.B.L. (06) ◆

>>> Entrer en résistance>>Je proteste contre l’obligation

qui nous est imposée, à nous, médecins

généralistes, de proposer un dépistagesystématique de la trisomie 21 en débutde grossesse à toutes les femmes en-ceintes. Je refuse, pour ma part, de par-ticiper à une médecine eugénique. Jene veux pas risquer un jour d’êtrecondamnée à un tribunal de Nurem-berg. En mon âme et conscience, j’ai dé-cidé d’entrer en résistance : je ne pro-poserai pas ce test eugénique. Je sou-haite qu’il existe un vaste mouve -ment de protestation de médecins at-tachés aux valeurs de leur profession :respect de conscience, respect de la viehumaine, refus de sélection de la race.La discussion est engagée, la résistan -ce aussi.

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75011 Paris. Tél. : 01 43 38

60 26.

Collaborateur H.N. rech. ttdoc. (français, italien ou an-glais) concernant le Bx Do-minique Barberi de la Mèrede Dieu (Dominic Barberiou Dominico Barberi) dontL’Âme conduite à la perfec-tion par la Très Sainte Vier-ge Marie (Louis Vivès), Ex-cellence de Marie et de sonculte (tome 1 et 2, Caster-man), The Life and Lettersof Ven. Dominic (Barberi),par Father Urban Young,C.P. (1926). Faire offre au journal quitransmettra.

2 COURRIER DES LECTEURS L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

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Conseiller de la direction : G. DAIX ■ Rédacteuren chef : P. MAXENCE, [email protected] ■ Secrétaire générale de la rédac-tion : B. FABRE (71), [email protected] ■ Secrétaire de la rédaction : É. LAS-SAIGNE (74), [email protected]

Rédaction : A. POUCHOL (40), [email protected] ■ Abonnements-diffu-sion : L. du LAC de FUGÈRES (76), [email protected], J. LAJOYE, [email protected], B. BOISSEAU, M. deMONTGOLFIER.

■ Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Pourune réponse personnelle, prière de joindre une envelop-pe timbrée. ■ L’Homme Nouveau est publié par les Édi-tions de L’Homme Nouveau, société coopérative anony-me au capital minimum de 306 748,31 euros. RCS ParisB 692 026 347. ■ Siège social : 10, rue Rosenwald,75015 Paris. ■ Im pres sion : Roto Champagne, 2 rue desFrères Gar nier, ZI de la Dame Huguenotte, 52000Chaumont. ■ Dépôt légal à parution. N° CPPAP : 1110K 80110 ISSN 0018 4322. ■ Crédits photos : Une :© BF et GREGORIO BORGIA/AP/SIPA ; p. 3 : ©HUESCA KIKO/EFE/SIPA ; p. 14 : © Santé Canada ;p. 16 : exposition : © RMN/Thierry Le Mage ; p. 19 :TV : © Mike Riger – Fema News Photo ; p. 30 :© GALAZKA/SIPA ; autres photos : Droits réservés.

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Grâce aux dispositions fiscales de la loi dite TEPA, plusieurs centainesd’abonnés ont pu réduire voire supprimer leur ISF depuis trois ans. Com-ment ? Simplement en souscrivant des parts (actions) des Éditions de L’Hom-me Nouveau, la société coopérative qui édite le journal.

Ces avantages fiscaux ont été reconduits cette année, même s’ils ontété réduits. Les modalités sont simples : vous nous envoyez un chèque libel-lé à l’ordre des Éditions de L’Homme Nouveau correspondant au nombre departs que vous souhaitez acquérir, sachant que chaque part coûte 1,50 €(exemple : 1 500 € permettent d’acquérir 1 000 parts). En retour, nous vousadressons le reçu fiscal à joindre à votre déclaration.

Vous pouvez ainsi déduire de l’ISF à régler 50 % des sommes versées.Cette réduction peut aller jusqu’à 45 000€ ! Elle concerne aussi bien des lec-teurs souhaitant devenir associés que des associés souhaitant renforcer leurparticipation dans le capital des Éditions de L’Homme Nouveau.

Depuis 2008, ce dispositif très avantageux nous a permis de reconsti-tuer notre trésorerie et d’envisager d’investir dans des projets qui confor-tent notre pérennité. Denis Sureau,

Président des Éditions de L’Homme Nouveau

Pour toute précision, n’hésitez pas à me contacter : [email protected]

Christophe Dickès

Héritage de Jean-Paul II,les Journées mondiales dela Jeunesse ont été d’em-blée considérées comme unconcept en décalage par rap-port à la personnalité ducardinal et professeurJoseph Ratzinger. Pourtant,le nouveau Pape n’eut pas letemps de se poser la questionde savoir si, oui ou non, il étaitfait pour ce type d’évènement.Immédiatement après son élec-tion, il dut se rendre à Colognesur ses terres allemandes, puisà Sidney et enfin à Madrid.Nos schémas conservateursnous avaient amenés à conclu-re que Benoît XVI, plus à l’ai-se au sein de colloques uni-versitaires rassemblant aumieux quelques centaines depersonnes, n’était pas prêt oufait pour ce type de réunionde masse. Or, l’édition desJMJ 2011 à Madrid a de nou-veau prouvé exactement lecontraire.

Un style et des idées différentsBenoît XVI a, en quelque sor-te, apprivoisé les JMJ en lesmarquant de son empreinte,de son style mais aussi et sur-tout de ses idées. Comme àToronto, les JMJ ne pouvaientcontinuer à être une sorte degigantesque réunion imposantà l’Église un nouveau style, unenouvelle manière de vivre sa

foi, une forme de charismatismeaux accents évangéliques. Ettandis que Jean-Paul II ac-ceptait au fond que cette jeu-nesse ait sa façon d’aborder l’évènement avec tout ce quecela pouvait supposer d’abusdans la forme, Benoît XVI a,lui, retourné l’équation en rap-pelant une vérité : rien ne sefait sans l’Église et le magis-tère. Après avoir rappelé l’im-portance de l’Eucharistie àCologne, après avoir mis lesjeunes en face de leur res-ponsabilité dans le monde à Sydney, Benoît XVI a sou-haité mettre en avant à Madridle rôle de l’Église. Précisé-ment, une certaine ecclésiolo -gie horizontale du peuple deDieu semble avoir atteint seslimites puisque,même si les fidè -les font naturelle-ment partie de l’Église, il n’enreste pas moinsvrai qu’ils ont be-soin d’un chef etd’un enseignementpour les guider, ceque la collégiali-té n’a pas su fai-re ou mal… Comme l’expli-quait aux JMJ un prêtre ori-ginaire de la République dé-mocratique du Congo quandnous lui demandions ce que re-présentait pour lui le Pape :« Il est le pasteur de l’Égli se.Nous, comme prêtres, on a be-soin de son enseignement, car

c’est le magistère. » Le papeJean-Paul II avait l’habitudede dire que la crise de l’Égli-se était une crise de l’autori-té de l’Église. Or cette auto-rité, depuis le Concile, est biendans les mains des évêques.

Une admirable ferveurC’est là encore une des grandesleçons des JMJ de Madrid :

l’admirable fer-veur et spirituali-té n’ont été pos-sible qu’avec leconcours desévêques menés parl’archevêque deMadrid, le cardi-nal Rouco Vale-ra. Mais alorsqu’une partie del’épiscopat fran-

çais, teinté de gallicanisme,fut réticente à la venue de Jean-Paul II en 1997, l’épiscopat es-pagnol fit preuve, lui, d’un in-vestissement total à l’égarddu chef de l’Église. C’était lesecret d’une réussite spirituelleet la véritable expression dupeuple de Dieu : son chef, ses

évêques et ses prêtres prêts àélever les fidèles pour recevoirles grâces du Seigneur. Et effectivement, à Madrid, lePape a demandé à la jeunes-se de ne pas vivre sa foi dansla solitude. Il a ainsi rappelél’importance de la vie sacra-mentelle (pratique dominica-le, confession, engagementdans les paroisses, oraison…).Or cette vie sacramentelle nepeut s’épanouir dans son coin– ce qui serait une attitude pro-testante, mais bien au sein del’Église catholique. Aupara-vant, Benoît XVI avait parti-cipé avec près d’un demi-million de jeunes à un cheminde croix afin de ne pas oublierles souffrances du monde d’ici-bas, fruits du péché qui bles-se la nature humaine.

Une réalité à transformerLà encore, nous ne sommes plus ici dans la phraséologiehumanitariste et idéologiquedes années 1960 de la bontéde l’homme mais bien dansune réalité – les difficultés ici-bas – qui se doit d’être trans-

formée à la fois par la prièremais aussi par le sacrifice etla pratique religieuse. Pro-gramme austère mais libéra-teur où l’homme retrouve sonDieu face à face comme la jeu-nesse des JMJ a pu en faire l’expérience au cours de laveillée saisissante et émou-vante du samedi soir. Dans unsilence de cathé dra le, alorsque des centaines de milliersde jeunes avaient posé les deuxgenoux à terre, la custode d’Arfe, chef-d’œuvre d’or etd’argent du XVIe siècle, of-frait en son centre la présen-ce du Dieu vivant sous l’ap-parence de l’hostie. Mainsjointes, les jeunes s’abandon-nèrent à la prière pendant delongues minutes jusqu’à ceque retentissent l’Ave verumpuis le Tantum ergo. Le Christ,chef de l’Église et roi dansnos cœurs. Tel fut aussi le mes-sage de Benoît XVI, soutenu,à la fin de la messe du di-manche, par la triple accla-mation chantée : « Christusvincit, Christus regnat, Chris-tus imperat. »

MADRID 2011Ce que les JMJ nousdisent du pontificat

Les Français n’ont pas mesuré toute l’importancedes JMJ de Madrid, véritable révélateur d’un

pontificat qui remet en première place l’identitéchrétienne qui passe inévitablement par la

réaffirmation que l’Église est l’unique instrumentdu salut par les sacrements. À Madrid, Benoît XVI

a su allier auprès des jeunes l’enseignement et les silences de la prière et de l’adoration. Une étape dans un pontificat qui ne cesse

de surprendre.

3ÉVÈNEMENTL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

“Benoît XVIa marqué les

JMJ de sonempreinte.”

>Enquête

DOSSIER L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 20114

Philippe Maxence

>>Le 1er décembre 1946 parais-sait pour la première fois le jour-nal L’Homme Nouveau, fruit des ef-forts conjugués du père MarcellinFillère, de l’abbé André Richard etdes militants du Mouvement pourl’Unité. En titre, une véritable dé-claration de foi, laquelle indiquaitd’emblée la spécificité de la nouvel-le publication : « Défend la seule cau-se de Dieu ».À la mort acci-dentelle du pèreMarcellin Fillère le10 août 1949, l’ab-bé André Richarddevait assurer la suc-cession, apportantdu même mouve-ment à L’HommeNouveau une toucheprofondément ma-riale, qui reste in -scrite en lui. À par-tir de 1962, l’abbéRichard fit appel àMarcel Clément, jeu-ne professeur, qui de-vait à son tour mar-quer d’une empreinte profonde L’Hom-me Nouveau .

À la lumière du magistèreAyant consacré sa thèse à la penséesociale du pape Pie XII, Marcel Clé-ment ne cessa jamais de commenterles textes pontificaux des successeursdu Pasteur Angélique, permettant à desgénérations de se familiariser avec lesensus Ecclesiæ qui perçoit la per-manence d’un enseignement au-delàdes modes d’expression divers ou descirconstances historiques forcémentdifférentes. En 1998, il laissa à sontour la barre de L’Homme Nouveauqui, après quelque temps de flotte-ment, fut prise en main par GeorgesDaix, lequel, ancien journaliste deFrance Catholique, collaborait à

L’Homme Nouveau depuisplusieurs années, à traversune chronique particulière-ment lue et appréciée. Latransition assurée, il fit ap-pel pour le remplacer à De-nis Sureau, actuel Présidentdes éditions de L’HommeNouveau, qui continue sur lavoie de ses prédécesseurs.Il ne s’agit pas ici de retracer

tout l’historiquede L’Hom meNouveau, richeen évènements,en grâces et enefforts pour res-t e r f i d è l e à l’Église. Mais ce 1500e

numéro marque assu-rément une étape ets’inscrit dans une his-toire dont nous sommesles héritiers. Au mo-ment où nous fêtonsce 1500e numéro, nousne pouvons que noustourner vers nos pré-décesseurs et saluer,comme nous le com-

mande la vertu de piété, leur travailet leurs sacrifices sans lesquels L’Hom-me Nouveau ne serait pas là aujour-d’hui pour continuer à défendre laseule cause de Dieu, dans la fidélitéau Pape Benoît XVI.

Le journalisme catholiqueC’est également dans cette perspec-tive que ce dossier spécial numéro1500 trouve sa raison d’être. Nousavons voulu le consacrer à la placedu journalisme catholique au XXIe siè -cle, dans un temps où la transmissionde la foi semble en crise et où les ou-tils de communication accélèrent latransmission des informations, au dé-triment souvent d’une véritable hié-rarchisation, donnant souvent plusd’importance à un scandale qu’auxpropos du Pape ou autant d’importance

(sinon plus) à une fausse informationqu’à la vérité. Dans ces conditions,qui ont toujours été un peu les siennesmais qui prennent aujourd’hui un re-lief plus important, quel est le rôle dela presse catholique et quel compor-tement le journaliste catholique doit-il adopter pour rester fidèle à sa vo-cation de baptisé et aux exigences deson métier ?Ce sont ces questions que nous avonsposées à ceux qui donnent l’armatu-re au dossier de ce numéro. Qui sont-ils ? Principalement des clercs et deslaïcs, concernés les uns et les autresen raison de leurs responsabilités parles questions posées par la situationdu monde de l’information aujour-d’hui. Au nom de toute l’équipe deL’Homme Nouveau, je tiens particu-lièrement à remercier Mgr Celli, pré-

sident du Conseil pontificalpour les Communicationssociales et Mgr Podvin, por-te-parole de la Conférencedes évêques de France pourleurs contributions. Je n’ou-blie pas non plus les journa -lis tes venus d’horizons trèsdifférents et qui ont accep-té de nous faire part de leursréflexions. Chacun s’est ex-primé librement dans noscolonnes.

Quelques témoignagesCe numéro 1500 a été aussil’occasion pour nous de don-

ner la parole à quelques amis qui ontbien voulu apporter leur témoignagesur L’Homme Nouveau. Là aussi, entoute liberté, ils ont pu dire ce qu’étaitL’Homme Nouveau à leurs yeux, nousrappelant au besoin les hautes exi-gences sous lesquelles nous noussommes placés. Nos remerciementsvont évidemment à tous, clercs etlaïcs, et particulièrement à notre amile cardinal Raymond Leo Burke, pré-fet du Tribunal suprême de la Signa-ture apostolique ainsi qu’à Mgrs Ailletet Rey, respectivement évêque deBayonne et de Toulon. À partir de cesréflexions et de ces encouragementsnous entendons bâtir l’avenir de L’Homme Nouveau, dans la fidélité àla ligne directrice impulsée par nosdevanciers.

L’Homme Nouveau : 1 500 numéros au service de l’Église

>le père Thierry-Dominique Humbrecht

>Luc Baresta>l’abbé Christian-

Philippe Chanut>Eugenio Corti>dom Hervé Courau

>Georges Daix>dom Antoine-Marie

Beauchef>dom Bertrand

de Hédouville>le chanoine

Benoît Jayr

>Xavier Martin>Jean-Christian

Petitfils>Jean Sévillia>Dominique Souchet>Christian Vanneste>Jean de Viguerie

>À lire dans notre prochain numéroIls ont aussi répondu à notre enquête :

Enquête

En direct de Rome

>>Dans un mon-de saturé d’infor-mations et en per-pétuel mouvement,contre toute tenta-tion de pessimismeet de défaitisme, la

presse catholique peut associer res-pect de la vérité, liberté du journalis-te, respect du lecteur, pour témoignerde l’Évangile de vie. Dans un contex-te d’abondance de nouvelles que l’ondésigne actualités, quelques minutesde journal télévisé donnent au publicl’impression d’avoir tout compris alorsmême qu’il serait incapable de dé-chiffrer les véritables enjeux. Heu-reusement la conscience critique s’ac-croît également et l’accent se dépor-te davantage sur la liberté du lecteurqui filtre et recompose le message àtravers ses propres représentations,cadres idéologiques, culturels et re-ligieux.Durant la table ronde consacrée au rô-le de la presse catholique dans la so-ciété, lors des 15e Journées d’étudesFrançois de Sales, Jean-Claude Guille-baud soulignait : « Dans le conformismede la presse généraliste, la presse ca-tholique apparaît comme une vraie al-ternative, plus libre dans ses conte-nus. » Dans le même sens le philo-sophe André Comte-Sponville disait :« Vous êtes plus indépendants des ca-pitaux, des financiers et du marché.Plus indépendants des politiques :vous n’êtes en principe ni de gaucheni de droite car vous êtes d’abord ca-tholiques. Plus indépendants vis-à-vis de l’opinion publique, du politi-quement correct. Bien que parfois,vous succombiez à la tentation du bonsentiment. » Jésus nous dit qu’on re-connaît l’arbre à ses fruits (cf. Mt 7,16). Sans tomber dans l’autosatis-faction, tant de témoignages conver-gent aujourd’hui, dans le sens d’unprintemps comme un regain d’intérêtpour la presse catholique.

Respecter la déontologieLa responsabilité du journaliste catholi -que concerne d’abord le respect de ladéontologie propre mais aussi la fi-délité à la vérité au quotidien, une re-cherche exigeante où le Pape Be-noît XVI suggère une « info-éthique »(cf. Message de la 42e Journée mon-diale des Communications sociales

« Les médias : au carrefour entre rô-le et service. Chercher la Vérité pourla partager ».) La prétention de raconterles faits comme ils le sont, de manièreobjective, semble désormais passée demode puisqu’évidemment l’œil choi-sit ce qu’il regarde même de maniè-re inconsciente. Bien des logiques nerisquent-elles pas de ne produire quevacarme, froid et confusion au lieu d’ai-der à la recherche du sens, du beau etdu vrai ? Le Petit Prince ne nous mur-mure-t-il pas là, que l’« on ne voit bienqu’avec le cœur » ; d’où le besoin derapporter le cœur et l’intuition au cen -tre de l’analyse des réalités de la vie.S’il vit en syntonie avec Dieu, avecsa Parole dans son cœur, le journa-liste catholique réalisant une véritablemédiation culturelle peut aider sub-stantiellement ses contemporains àdonner du sens aux évènements à tra-vers sa manière de les relater et com-menter. Benoît XVI souligne com-bien la presse catholique peut « aiderl’homme à se tourner vers le Christ,unique Sauveur, à conserver une vi-ve espérance, afin de vivre dans la di-gnité et de bâtir un avenir positif ».Dans ce contexte, la participation dujournaliste catholique à la recherchede la vérité, sa contribution à l’édu-cation et à l’information des acteursde la vie sociale dans un dialogue res-pectueux des personnes et des cul-tures, est œuvre d’évangélisation.«…Car c’est de l’abondance du cœurque la bouche parle » (Lc 6, 45). Eneffet, si le journaliste vit et expérimentela beauté de sa foi catholique en ap-prenant à goûter la constante présen-ce de Dieu malgré les infidélités quo-tidiennes, il est évident que cetteconscience informera sa perception deschoses, des êtres et des évènementset la façon d’écrire sera habitée par

l’Esprit Saint pour discerner la véri-té et agir de manière prophétique (cf.Jr 29,11). Le bienheureux de DieuManuel Lozano Garrido, journalisteexemplaire surnommé Lolo (1920-1971), laisse ce témoignage que l’onpeut parler de tout et de n’importequelle chose en s’éclairant de la doc-trine de l’Église, dans l’optique de lafoi.

Témoin de l’Évangile de la vieLa presse catholique peut et doit as-socier respect de la vérité, liberté dujournaliste, respect du lecteur, pourtémoigner de l’Évangile de vie. Àl’instar de l’Église, elle a « une mis-sion de vérité à remplir, en tout tempset en toutes circonstances, en faveurd’une société à la mesure de l’hom-me, de sa dignité et de sa vocation.(…) La fidélité à l’homme exige la fi-délité à la vérité qui, seule, est la ga-rantie de la liberté (cf. Jn 8, 32) et dela possibilité d’un développement hu-main intégral. C’est pour cela que

l’Église la recherche, qu’elle l’an-nonce sans relâche et qu’elle la re-connaît partout où elle se manifeste.Cette mission de vérité est pour l’Égli -se une mission impérative. » (Cari-tas in veritate, n. 9) L’Église et en l’occurrence le journalistecatholique accomplissent cette mis-sion en demeurant toujours attentifsaux plus pauvres et marginalisés et sur-tout en apprenant constamment le res-pect pour les autres « vérités » oupour la vérité des autres. « Dans ce dia-logue respectueux peuvent s’ouvrir denouvelles portes pour la transmissionde la vérité. » (Cf. Discours du papeBenoît XVI au Centre culturel de Be-lém, Lisbonne, 12 mai 2010). Ainsi lapresse catholique peut promouvoir uneculture de respect, de dia logue et d’ami-tié entre les personnes, les commu-nautés et les peu ples. ◆

Mgr Claudio M. CELLIPrésident du Conseil pontifical

pour les Communications sociales.

5DOSSIERL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

Mgr Claudio Maria Celli, président du Conseil pontificalpour les Communications sociales, répond à notre enquê-te sur le défi auquel doit répondre la presse catholique.

V ous me demandez quelques lignes à l’occa-sion de la parution prochaine du 1 500e nu-méro de L’Homme Nouveau, journal qui

m’a déjà fait l’honneur de m’ouvrir ses colonnes,et bien volontiers, je réponds favorablement àvotre requête.Aux États-Unis j’ai certes connu des journaux quise distinguaient par leur attachement au magis-tère authentique et pérenne de l’Église, répon-dant à un autre type de presse, hélas plus nom-

breuse, qui a pu répandre dans les esprits catholiques, au fil dutemps, une vision tronquée ou fausse de l’enseignement duChrist, Notre Seigneur.Grâce à votre journal, j’ai pu constater avec bonheur que nosjournalistes outre-Atlantique n’étaient pas seuls à mener lebon combat, et que la flamme de la résistance aux erreurs dutemps n’était pas éteinte et ce, avec non seulement le soucid’une exactitude et d’une fidélité au magistère romain suffi-samment rare pour être soulignée, mais encore avec un soucitout aussi important de ne pas réduire la vie chrétienne à l’ad-hésion à un corps de doctrines, en mettant à la portée de voslecteurs la connaissance des grands maîtres spirituels, ou leurrecommandant la lecture d’ouvrages à même de les porter à unplus grand amour de Dieu et du prochain.Je formule donc des vœux pour que votre œuvre perdure etcontinue à assurer un ministère précieux auprès de tous les fi-dèles désireux de connaître toujours mieux le Christ, l’Église,son message de Salut, et les moyens de parvenir à l’éternellefélicité, et dans cette attente, je vous assure de mes prières etvous donne ma bénédiction.

Raymond Leo card. BURKEPréfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique.

>Un cardinal témoigne

>Enquête

>Enquête

DOSSIER L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 20116

>>« Le monde de-vient si délicat qu’ilfaudra désormais nel’approcher qu’avec desgants parfumés ». Quifait cette analyse ? Unexpert commentant la

crise que nous traversons ? Non !François de Sales, voici quatre siècles !Le saint docteur ne fit pas que consta-ter la « délicatesse » du genre hu-main. Il ajouta : « L’important est quel’homme soit guéri, et sache combienil est sauvé ». Ici se situe la ligne decrête pour la presse catholique : rendrecompte de la vie du monde dans sarichesse et sa vulnérabilité. Mais nepas se contenter de ce que dit le mon-de. Ne pas être caméléon de ses er-rements ou de ses options. Dire la ra-dicalité d’une vision différente, tantsur le plan éthique qu’ontologique. Oserun véritable prophétisme journalis-tique.

Un désir d’absoluUne nouvelle génération de journa-listes est aspirée aujourd’hui par cedésir d’absolu. Conscients des aléasde la presse, ces jeunes ne veulentpas brader le métier. Signe encoura-geant quand on sait par ailleurs l’in-certitude qui pèse sur le devenir de laprofession. Le mimétisme n’est pasune voie d’avenir pour la presse confes-sionnelle. Non seulement elle n’atti-rerait pas une clientèle large, mais celectorat serait très vite déçu de ne pastrouver en ses colonnes la saveurd’évangile et les vérités requises. Lemédia chrétien n’a de raison d’exis-ter que s’il est média de veille, decompassion, de pédagogie, de résis-tance. S’il agit ainsi, il n’est pas ré-trograde, mais devancier de l’aurore.Il n’est pas funeste, mais sourcier d’unamour surabondant. La publicationchrétienne est certes souvent contrain-te de prendre des chemins vicinauxdans un contexte de précarité et de sé-cularisation. Les autoroutes mon-daines séduisent parfois. On y rencontrecependant davantage le microcosmeque le peuple et son bon sens, que lesfidèles et leur sensus fidei. Le jour-nal catholique doit demeurer à l’écou-te du plus humble. C’est aux petits,rappelle Jésus en saint Luc, que l’es-sentiel est révélé. Un véritable fil rou-ge rédactionnel aimantera cette ré-

sistance médiatique : défendre le plusvulnérable là où il est menacé dansson intégrité éthique et transcendan-tale. Il se nommera embryon, patienten fin de vie, étranger, jeune en quê-te d’identité affective, précaire detoutes conditions psychiques, moralesou spirituelles…Aujourd’hui, les lieux d’une com-munication de résistance sont in-nombrables. Benoît XVI les énumè-re dans son encyclique sociale. « Lamondialisation n’est pas bonne oumauvaise en soi, dit-il. Elle est ce quenous en ferons. »

Relayer le magistèreEn tous ces domaines, l’Église n’estpas aphone. Une presse croyante doitrelayer avec clarté et fidélité le conte-nu du magistère, son actualité et sonacuité. Au risque de ne pas être en-tendue ? Déjà, l’apôtre Paul fit cetteexpérience à Athènes en Actes 17. Ilparla, sur invitation des ténors del’époque, sans ambages, de ce quifonde notre foi, la Résurrection. Quefit l’auditoire ? Les premiers portè-rent son propos en dérision. Les se-conds différèrent l’écoute. Les troi-

sièmes furent touchés et le suivirent.Sans prétendre atteindre la carrure dePaul, je fais humblement cette expé-rience dans ma communication dePorte-parole de la Conférence desévêques. Un courant médiatique metles catholiques en dérision. Un autrereporte à plus tard la profondeur denos interpellations. Un troisième aune attitude de dialogue, de compré-

hension, voire de communion. Nebaissons pas les bras. Soyons joyeuxde communiquer un message plusgrand que nous. L’Homme Nouveauvit un anniversaire important. Il meplaît d’invoquer, pour nous tous, l’in-tercession du bienheureux Titus Brandsma, béatifié par Jean-Paul IIen 1985. Ce frère carme néerlandaiseut un comportement exemplaire quidevrait inspirer notre communicationde ce temps. Les Pays-Bas étaient en-vahis depuis le 10 mai 1940. MgrdeJongdemanda à frère Titus, en tant que di-recteur spirituel de la presse catho-lique, de soutenir la résistance deséditeurs confessionnels. Pris en fila-ture par la Gestapo, après avoir visi-té quatorze journaux, frère Titus futenvoyé dans l’enfer de Dachau. Il ymourut martyr, le 26 juillet 1942, encontemplatif du Christ, soutenant sescompagnons de souffrance, nous lais-sant des écrits lumineux.Puissions-nous être des veilleurs d’hu-manité, de la même force intérieure en2011. Saint et joyeux anniversaire ! ◆

Mgr Bernard PODVIN Porte-parole de la Conférence

des évêques de France.

Enquête

Journalisme catholique : compassion et résistanceSecrétaire du Conseil pour la Communication au sein de la Conférence des évêques de France et porte-parole de laConférence des évêques de France, Mgr Bernard Podvin invite la presse à ne pas suivre les errements du monde.

>>Lorsque l’on évoque lesfondateurs de L’Homme Nouveau :le père Fillère et l’abbé Richard, l’on voit déjà se dessiner les gran -des lignes du journal telles qu’onles retrouve encore de nos jours.Le père Fillère est mariste et l’ab-bé Richard est bien connu pour sa

dévotion mariale. L’Homme Nouveau aura donctoujours cette référence à la Mère de Dieu commeà celle qui est la Mère par excellence. Que l’on son-ge à la place que tient Marthe Robin dans l’itiné-raire de Marcel Clément qui donnera au journal lemeilleur de lui-même.

Le père Fillère et l’abbé Richard ont tous deuxfait leurs études à Rome à l’époque du pape Pie XI,créateur de l’Action catholique, à l’époque aussi oùla marche sur Rome amène à une cité politique to-talitaire. Dans les années difficiles où est fondéL’Homme Nouveau, le journal est soutenu par le Saint-Siège et la nonciature, conscients qu’il est « né d’unamour passionné de l’Église » comme l’indique lepremier éditorial (décembre 1946). Cet enracine-

ment romain si fort est peut-être la principale ca-ractéristique de sa physionomie. Dans les tempsde crise cet enracinement et cette volonté de rendreaccessibles les textes du magistère romain et spé-cialement ceux du Pape auront préservé ses lec-teurs de tout gallicanisme nuisible.

Voir les premières manifestations d’un nou-veau totalitarisme de près amène le père Fillère etl’abbé Richard à mesurer à quel point la sainte Égli-se est la véritable Cité des hommes créés et ra-chetés par Dieu. Et combien sa doctrine sociale estla seule qui puisse efficacement construire une ci-té terrestre digne de ce nom et orientée vers la ci-té céleste. Le journal aura toujours ce grand soucid’un regard chrétien sur le monde politique et so-cial.

Aussi ce numéro 1500 est-il l’occasion de re-mercier Dieu et tous ceux qui avec courage, per-sévérance, foi et charité ont fait de ce journal unebelle oasis dans la presse française. ◆

Dom Antoine FORGEOTAbbé émérite de Notre-Dame

de Fontgombault.

Sous le regard de la Mère de Dieu

Le bienheureux TitusBrandsma, modèle pour lesjournalistes catholiques.

7DOSSIERL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

>Enquête

>>L’exercice exige à unhaut degré deux vertuschrétiennes : l’humilitéet l’espérance. L’avenirde la presse catholique nepeut s’apercevoir que sous

ces deux faisceaux.Humilité d’abord. Inutile de se ber-cer d’illusions. De penser, après lesuccès des JMJ de Madrid, que laFrance reste telle que certains catho-liques la rêvent encore : un pays his-toriquement, essentiellement chré-tien. Dans l’Église elle-même, on abeau tenter de réduire le christianis-me à pas grand-chose, un vague sen-timent, une « solidarité » si large qu’el-le peine à s’appliquer concrètement,un intérêt pour le sens de l’existenceplus ou moins bienveillant vis-à-visde l’Église, tout cela ne change pasles chiffres. Les Français qui se di-sent catholiques représentaient 87 %de la population en 1975. Ils sontquel que 60 % aujourd’hui. Dans le mê-me temps, les pratiquants réguliers,ceux qui « sanctifient le dimanche »,sont tombés entre 5 et 15 % de la po-pulation, selon les critères retenus. Ilsont pour les deux tiers plus de 60 ans.Le constat est simple : le catholiqueest aujourd’hui minoritaire, très mi-noritaire. Isolé. Et cela change tout.

Une nécessaire humilitéHumilité. La presse catholique a lo-giquement suivi le mouvement. LaVie catholique diffusait 600 000 exem-plaires dans les années 1960, le poidsd’un Paris Match aujourd’hui. Ellerésiste sous la houlette de Jean- PierreDenis avec 125 000 exemplaires ven-dus. La Croix, Le Pèlerin, Témoi-gnage chrétien, tous ces titres qui, in-dépendamment du jugement que l’onpeut porter sur leur ligne éditoriale,représentaient une force de frappeconsidérable sur l’opinion voilà 30,40, 50 ans, ne sont plus que l’ombrede ce qu’ils étaient.La presse catholique fut puissante,forte et dynamique tant que le catho-licisme fut puissant, fort et dyna-mique.Alors, on polémiquait, on pesait surles débats dans les grands scrutins, oninterpellait les politiques. Lointainsouvenir. La presse catholique, dansun système dominé par les médias demasse audiovisuels, qui portent moins

par nature à la réflexion, doit repen-ser son rôle.Paradoxalement, ce rôle est indis-pensable, plus précieux sans doutequ’il ne le fut depuis la naissance dela presse.Espérance. Ce rôle, c’est celui d’unecloche différente dont les marcheursattendent et reconnaissent l’écho dansla montagne. Celui d’une voix inau-dible jusqu’ici. Celui d’un phare quiéclaire et rappelle le danger des ré-cifs dans la tempête et la nuit. Ce rô-le, c’est celui de L’Homme Nouveau,entre autres.Car qui donnera le point de vue del’Église éternelle sur les difficilesquestions d’éthique en plein débat ac-tuellement si la presse catholique nele fait pas ? TF1 ? Le Monde ? Quidonnera aux catholiques les raisonsqui ont amené l’Église à prendre tel-le ou telle position sur les questionsde mœurs, dans les vifs débats sur lesida, le préservatif, etc. sinon la pres-se catholique ? Le catholique s’in-formera, trouvera là des arguments,une lecture différente de l’actualité,indispensable pour rester ce qu’il est.Il en aura besoin. L’indifférent ali-mentera sa réflexion. Peut-être suivra-t-il d’enthousiasme, peut-être s’op-posera-t-il. Peu importe. Du moinsaura-t-il lu autre chose, pensé diffé-remment, réfléchi. Ceux qui pensentque l’Église se trompe – c’est bien leurdroit – le penseront en connaissancede cause.En France, l’Église majoritaire s’estlongtemps perdue dans des débats sté-

riles. Les grands journaux catholiquesde l’après-guerre ont usé leur éner-gie dans une lutte frénétique pour fai-re évoluer l’Église, combattre les ca-tholiques progressistes ou conserva-teurs, les cathos de droite ou ceux degauche. C’était hier. Ces préoccupa-tions de riches ont fait place à l’es-sentiel. Aujourd’hui, l’Église mino-ritaire lutte, comme tous les minori-taires, contre un danger bien plusgrand, celui d’une dissolution pure etsimple dans une société qui oublieses racines. Et qui en souffre confu-sément.

Savoir se battreIl faut une énergie farouche aux In-diens d’Amérique pour conserver leurculture, aux Juifs du monde entierpour garder leur foi et leur mémoire.Les catholiques de Gaule découvrentun statut qu’ils avaient oublié depuisles IIIe ou IVe siècles.Jamais depuis lors en France, ilsn’avaient à ce point connu la néces-sité d’un enseignement en profon-deur, qui utilise l’actualité pour en ti-rer les vérités éternelles. Dans cetexercice, les valeurs chrétiennes rejoi -gnent les règles du journalisme : res-pect de la vérité, liberté de plume, res -pect du lecteur, pédagogie. S’y ajou-te un seul élément, invisible, la foi.Pour la presse catholique, la missionest immense : il s’agit d’abord de re-parler à un Français sur deux qui n’estpas hostile au catholicisme mais quine met plus les pieds dans une Égli-se. Et qui s’éloigne, irrémédiable-ment, vers l’indifférence inquiète quipèse sur la société contemporaine. Ouqui cède aux sirènes des sectes, desreligions orientales, des philosophies

de tous poils dont le succès est au-jourd’hui incontestable. Ou qui bas-cule dans la dépression nerveuse, voi-re le suicide qui couronne le vide spi-rituel désespéré du temps.Ces catholiques ou ex-catholiques,dits non pratiquants, ne sont pas trèsdifférents des autres Français, bom-bardés d’informations de toutes sorteset de tous horizons en permanence,informations dénuées de sens, de pen-sée, d’idéal de vie et de société.

Une soif inassouvieAlors, cette société appelle silen-cieusement sans savoir très bien cequ’elle appelle. Le succès du film Deshommes et des dieux, du disque desPrêtres, du livre En avant, route !d’Alix de Saint-André, des livres deFrédéric Lenoir et bien d’autres di-sent évidemment une soif. Soif d’échap-per au matérialisme d’airain qui des-sèche les hommes apeurés du XXIe

siècle. Pourquoi ? Qu’est-ce qui sé-duit dans ces œuvres à succès ?Comment dire le message chrétien, com-ment l’adapter, comment susciter l’in-térêt des foules ? Ces questions furentcelles des premiers chrétiens. Elles fu-rent lancinantes pour saint Paul. Faut-il ressortir le « dieu inconnu » ? Trou-ver la voie, les mots, les sujets, les ma -nières de les aborder, c’est là toute laquestion, toute la vocation de la pres-se catholique. En cinquante ans, cesquestions sont redevenues celles desmédias chrétiens. Chantier considérable,difficile, dévorant, qui appelle des in-telligences exceptionnelles, des ta-lents de défricheur, de pionnier, de ré-sistant, d’homme de plume. Mais cedéfi missionnaire, celui de la nouvel-le évangélisation, porte en lui- mêmeun enthousiasme sans limites. ◆

Marc BAUDRILLER Auteur du livre Les Réseaux

cathos (Robert Laffont).

Enquête

Une société qui appelle silencieusementJournaliste, Marc Baudriller, après avoir constaté la faiblesse du catholicisme actuel, appelle à l’espérance.

Les catholiques ne doiventpas se leurrer : ils sont minoritaires, mais ont un message à délivrer.

Bouée dans la confusionAu milieu de ce « b… », de ce laby-rinthe insensé, insane, épuisant à force d’être compliqué, où noussommes plongés, de cette confu-sion de tout et de tant d’aban-dons successifs présentés commedes Lumières, au carrefour detant de chemins dont la plupartne mènent à rien, il existe aumoins une pancarte qui indique àl’égaré une direction, et un point

d’ancrage où ilpeut souffler etrespirer un peud’air pur : la lec-ture de L’HommeNouveau. Bonnechance…

Jean RASPAIL Écrivain, dernier

ouvrage paru : Journal peau-rouge(rééd. Atelier Fol’Fer).

>Témoignage

>Enquête

DOSSIER L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 20118

>>Plus de soixan-te ans après sa mortaccidentelle, le père Marcellin Fillère (1900-1949), religieux ma-riste, professeur à l’Ins-titut Catholique de Pa-ris, reste, pour ceuxqui l’ont connu, une

figure inoubliable et, en toute hy-pothèse, exceptionnelle, voire mêmeun personnage hors norme, à la foisgrand pédagogue et grand visionnai-re, poussé par une foi chrétienne in-tense et démonstrative, suscitant ré-serves et désaccords dansles milieux catholiquesles plus engagés.Il était homme de doc-trine, homme de cultu-re, homme d’action. Faut-il ajouter homme de com-bat ? Oui, mais, dans sapensée, c’était le boncombat pour l’unité descatholiques français livrésà leurs divisions et à leurs polémiques,mais aussi, selon un terme d’époque,à leur goût pour la « spécialisation »,chacun dans son secteur ou dans sonaffaire.La congrégation des Pères maristesavait été fondée à Lyon en 1816 parle père Jean-Claude Colin, un an avantles Marianistes de Bordeaux par le pè-re Chaminade et les Frères maristesde Saint-Genis-Laval (Rhône) par lepère Champagnat. Elle était vouéeprincipalement à l’enseignement etaux missions (le premier saint mar-tyr de la congrégation sera Pierre Cha-nel, exécuté à Futuna en 1841).

Formateur d’éducateursLe père Fillère avait une vocationd’éducateur et, plus précisément, deformation d’éducateurs. Il s’aperçutvite que la pédagogie traditionnelledes écoles et collèges catholiques nepouvait rivaliser avec les pédagogiesmises en œuvre par les régimes tota-litaires, nazisme et communisme.L’enseignement catholique ne pou-vait s’en tenir aux programmes sco-laires, à la formation morale et à l’ins-truction religieuse. Le père Fillères’intéressa particulièrement à l’œuvred’Anton Makarenko (1888-Moscou,

1939) et à son grand Poème pédago-gique, histoire émouvante d’une co-lonie d’enfants criminels et vagabondsrééduqués par la vie et le travail degroupe. Transposé dans une visioncatholique, eschatologique, cela de-vint la Cité des jeunes de Jouy-sur-Morin, avec ses chants, ses jeux, sesméthodes, dans le temps même où lepère Gaston Courtois (Jacques Cœur),des Fils de la Charité, lançait le mou-vement Cœurs Vaillants.La comparaison des deux mouve-ments et ce que chacun devait à l’autremériteraient examen. Le père Fillère

vivait intérieurement le « tragique de l’Histoi-re », ainsi que disait Ray-mond Aron, et s’atten-dait à une grande catas-trophe mondiale. Il pen-sait bibliquement « petitgeste » et « arche de Noé ».Le père Courtois, natu-rellement optimiste et or-ganisateur, pensait « re-

christianisation » et « mystique dechrétienté » pour la mise en mouve-ment des nombreux patronages deFrance et de leurs cadres.Suivant les directives du pape Pie XI,les évêques de France encourageaientl’Action catholique et ses mouve-ments de jeunesse spécialisés. Atti-

rés par l’engagement politique, lescatholiques se déchiraient entre dé-mocrates chrétiens et maurrassiensd’Action française, mais restaientdeux minorités. Devant la montée despérils, le père Fillère prêcha resser-rement et unité d’action autour de lahiérarchie.

La Cité des jeunesLa catastrophe survint comme ill’appréhendait. Au cours de l’été1942, il put organiser une Cité desJeunes en Savoie, aux ContaminesMontjoie, puis à Saint-Gervais-les-Bains, qui permit une réalisationextraordinaire, le Collège maristeNotre-Dame des Glaciers (deux an-nées scolaires), dirigé par son confrè-re le père Henri Vigoureux (quiétait Mauricien, c’est-à-dire sujetbritannique) en faveur des Alsaciens-Lorrains expulsés de chez eux : uneaventure inimaginable, mais aussiune autre histoire.La tourmente apaisée, dans un cli-mat de « guerre froide », le pèreFillère demeura fidèle à sa passionde l’unité, sans qu’il réussisse àentraîner dans cette voie l’ensembledes forces catholiques dont l’or-ganigramme défiait (et défie) tou-te imagination. Depuis 1946, L’Hom-

me Nouveau tient sa place dans cet-te configuration.Comment réagirait le père Fillère de-vant la situation présente ? Il a tou-jours pensé qu’il avait raison dans sesanalyses ; il n’a jamais pensé que lesfaits joueraient en sa faveur. Il ap-précierait sans doute que la structu-ration de la Confrérie des évêques deFrance ait pris en charge, à sa manière,ce problème de « l’unité », mais sansle majorer. Il continuerait à juger detout à l’horizon eschatologique de sapensée. Il rappellerait aux chrétiensque la destinée de l’Église en ce mon-de n’est pas d’être « triomphante »,mais « souffrante ». Et (je l’ajoute demon cru) il estimerait que L’HommeNouveau lui reste fidèle quand il sefait le mainteneur d’une culture ca-tholique en voie d’effacement et d’ou-bli.Nous n’avons eu ni la chrétienté, nile déluge, mais un concile – Vatican II– que ni l’un ni l’autre ni personnen’attendait, dans un monde et devantun avenir de plus en plus imprévi-sible, où la chrétienté s’éloigne, oùune catastrophe ne peut être exclue,dépassant tout ce que nous avonsconnu. ◆

Émile POULAT Historien et sociologue.

>>Bien volontiers je réponds à votre de-mande à l’occasion de la parution du 1500e nu-méro de votre journal.

J’étais adolescent lorsque j’ai connu L’Hom-me Nouveau. Votre journal constituait une deslectures préférées des bons prêtres que je fré-quentais alors.

Ils y appréciaient ce que moi-même j’y ap-précie toujours, et qui a fait que je m’y suisabonné très rapidement – et sans interruption

depuis lors : un indéfectible attachement au magistère pontifical,un grand souci de formation doctrinale mais aussi spirituelle desâmes, par l’évocation de grandes figures mystiques, ainsi qu’uneanalyse de l’actualité avec un regard chrétien.

Cette œuvre a été – et est toujours ! – de grande utilité, et lesbienfaits en sont largement visibles, en France et ailleurs, votrejournal étendant sa bienfaisante influence au-delà des frontièresde l’Hexagone, comme j’ai pu le constater moi-même, à Rome toutd’abord, puis lors de mes déplacements aux États-Unis ou dans nosmissions d’Afrique.

À une époque marquée par le relativisme et la polémique né-gative – une époque où l’Église est attaquée, ad extra par des en-nemis terribles et ad intra par des loups féroces –, vous avez su vousgarder de deux écueils : un optimisme béat et un pessimisme dé-primant, restant attaché à la doctrine réaliste du Docteur angélique,et à l’authentique esprit surnaturel et chrétien.

Je ne peux que souhaiter une diffusion toujours plus grandeet un avenir prospère à L’Homme Nouveau, et vous assure de mesprières à cette intention particulière. ◆

Mgr Gilles WACHPrieur Général de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre.

Un esprit surnaturelHistoire

Le père Marcellin FillèreTourné vers le futur, le père Marcellin Fillère, fondateuravec l’abbé Richard de L’Homme Nouveau, revit sous la plume érudite d’Émile Poulat, historien et sociologue.

Le père Marcellin Fillère, apôtre et visionnaire.

“Le pèreFillère vivaitle tragique

de l’Histoire.”

9DOSSIERL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

>Enquête

>>Dans les caté-gories admises et ré-pertoriées, la presse ca-tholique est assimi-lée à la presse d’opi-nion. Au même titreque les journaux proches,

affiliés, ou organes d’un parti politique.Or, le catholicisme n’est pas une opi-nion, encore moins un parti, avec descourants, etc. Et si, néanmoins, l’Égli -se est bien une institution, elle n’estpas d’abord cela, ou plus précisémentelle est une institution d’une naturesi particulière qu’elle ne peut se com-parer à aucune autre. Et de même, lahiérarchie et le magistère de cetteÉglise ne peuvent être écoutés et en-tendus selon les mêmes critères quen’importe quel autre groupement, par-ti ou institution. Il est indispensablede poser ce point de départ et de nepas le perdre de vue. Bien sûr, je n’ignore pas que desnuances et des tendances existent, queTémoignage chrétien n’a ni la mêmehistoire ni exactement la même posi-tion – sur les questions religieuses etaussi au-delà –, ni donc les mêmes lec-teurs, que La Croix, France Catho-lique ou L’Homme Nouveau. Diffé-rence de sensibilités, différence dehiérarchie dans les valeurs à défendreet à promouvoir. Différence aussi depériodicité et de vocation des diffé-rents organes de presse : ce qui don-ne à chacun une fonction et descontraintes particulières. Mais au tra-vers de toutes ces différences, une ré-férence unique existe et demeure – ousi l’on veut une identité.

Une crise généraleOn ne peut évidemment ignorer ou tai-re le contexte général de crise danslequel se trouve plongé, depuis unedizaine d’années au moins, l’ensemblede la presse écrite. Avec une plus gran-de urgence et gravité pour la pressequotidienne parisienne. Je ne suis pasun spécialiste des questions économi -ques et de gestion. Il serait donc dé-placé, de ma part, de dresser des bi-lans, d’avancer des solutions. Mais ilserait encore plus absurde d’ignorerou de dénier cette situation. Prenons un instant les choses dansl’autre sens : de quelles manières lecatholicisme doit-il travailler à se

rendre visible, à s’expliquer lui-même, parfois même à se justifier ?À la fin 2010, dans un article paru dansLe Monde, le père Guggenheim, l’undes responsables du Collège des Ber-nardins à Paris, soulignait à juste titre,et déplorait, un certain « désengage-ment culturel de l’Église ». Mais à ceconstat, il opposait la nécessité d’« in-venter une nouvelle communicabili-té de la foi ». Je pourrais ne pas rele-ver cette phrase, ou avoir la généro-sité de la juger simplement maladroite.Mais à mes yeux elle est un symptô-me, le signe du déplacement désas-treux de l’essentiel sur l’accessoire,de l’être sur la mécanique sociale, dela parole authentique sur les suppo-sés techniques qui la commandent,l’encadrent, la déterminent. Et c’est là que je rejoins votre ques-tion : c’est toujours à la parole qu’estappelé à revenir le chrétien – une pa-role qui ne doit subir aucune altéra-tion ou accommodement en vertu deje ne sais quel calcul d’audience. C’estbien d’une parole à tenir qu’il s’agit,d’un contenu donc, et non d’un vec-teur, d’un message, d’une « commu-nicabilité ». Et cela me semble devoirrester, ou devenir, un principe de ba-se pour tout journal ou magazine quise revendique catholique. De plus, jene crois pas qu’Internet, ou je ne saisquelle autre technique, nous contraigneà modifier cette conception de la pa-role et de sa transmission. Je disais à l’instant cette évidence :le catholicisme n’est pas une opinion.Il ne peut donc être mis en équiva-

lence avec ce qui relève de l’opinion :la politique, l’économie, la culture et,jusqu’à un certain point, les optionsmorales. Certes, comme le dit un truis-me, le monde change. Et c’est le rô-le de la presse de relever ces chan-gements, d’en informer les lecteurs,de les analyser. Et non pas seulementde jouer constamment le grand air dela nostalgie, d’opposer une traditionfigée aux bouscule-ments de la moderni-té. Mais la chance ducatholicisme, et de lapresse qui s’en récla-me, c’est précisémentde proposer, non dutout une idée toute fai-te (facile reproche parlequel on voudrait dé-finitivement arrêter laposition des catholiques et de l’Égli-se) mais une ligne claire de pensée,un certain nombre de principes, une« raison » en somme. C’est une chan-ce, un privilège énorme que d’avoir,par la grâce de notre baptême et parla promesse qu’il engage, par l’appuid’une si riche et vivante tradition,l’usage de cette raison. Ne l’oublionspas, n’hésitons pas à venir y puisernos principes d’action et de pensée.Et à partir de là, ancrés dans le Christ,

sentons-nous libres, heureux, surpre-nants dans nos jugements. Manifes-tons généreusement la joie que la foia installée en nous, au milieu de toutesles vicissitudes.

S’appuyer sur la véritéCertes, on pourra me reprocher d’enrester à une généralité, de ne pas af-fronter assez bravement l’ensemble

des difficultés et desquestions que posentl’évolution et la sécu-larisation du monde.La presse est justementl’un des lieux de cet af-frontement. Mais pourcombattre valablement,il faut bien sûr desarmes, mais il fautd’abord et surtout une

cause, une vérité assez solide à dé-fendre. Et j’ai la faiblesse de penserque c’est en s’appuyant sur cette vé-rité, et non en la contournant, que lapresse catholique pourra accomplirsa mission et répondre aux vœux deses lecteurs. Étant entendu que seulela vérité libère. ◆

Patrick KÉCHICHIAN Écrivain et critique littéraire,

dernier ouvrage paru : Petit élo-ge du catholicisme (Gallimard).

Un avenir assuréChaque quinzaine j’ai la joie derecevoir L’Homme Nouveau, et dele lire. La diversité des sujets trai-tés dans une heureuse fidélité aumagistère de l’Église, rejoint lalongue histoire du journal né aulendemain de la dernière guerre.Cette continuité ne semble passur le point de s’arrêter ; en effet,

c’est en s’accro-chant toujours plusaux intuitions desfondateurs, dans lerespect bien sûrdes exigences du temps, que sonavenir sera assuré. La photo bienconnue du cardinal Ratzinger lisant L’Homme Nouveau mesemble être l’une des plus élo-quentes publicités. À toutel’équipe des rédacteurs, je tiens àadresser mes vifs encourage-ments. Continuez à informer lescatholiques avec discernementet audace, annoncez l’Évangile etla souveraineté du Christ sur lesnations, car c’est par lui que touthomme est renouvelé de l’inté-rieur, c’est par lui que la Francepeut être sauvée.

+ Marc AILLETÉvêque de Bayonne,

Lescar et Oloron.

>Témoignage

Enquête

Seule la vérité libèreÉcrivain, Patrick Kéchichian replace la presse catholiquedans le contexte de la crise de l’ensemble de la presseécrite.

“Le catholicismepropose uneligne claire de pensée.”

>Enquête

DOSSIER L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201110

La fidélité au service du vraiTous ceux qui ont été en charge d’une publica-tion périodique savent l’ascèse qu’elle repré-sente. Une revue bimensuelle, mensuelle outrimestrielle, pour peu que ses objets dépas-sent l’actualité mouvante et que sa finalitétranscende la rentabilité financière, est aufond une forme moderne du « contempler etlivrer aux autres le fruit de la contemplation ».C’est peut-être fixer la barre bien haut dansl’univers culturel nihiliste de la modernité ?Celui-ci, loin des exigences de l’intelligible, estmarqué depuis le milieu du siècle passé dusceau de l’émotion et de l’immédiat. Depuisdeux décennies, il subit en outre l’accélération« décérébrante » de toutes les formes du vir-tuel. À contre-courant (tonifiante réactioncontre l’esprit de facilité qui menace tout lemonde en période de décadence…), les fonda-teurs de L’Homme Nouveau ont choisi un« journalisme du réel » : ils parlent de l’actua-lité la plus brûlante, mais à partir de lacontemplation naturelle et chrétienne du vrai.Les responsables successifs ont tenu ce cap,exigeant pour les rédacteurs et nourrissantpour les lecteurs, au fil de 1 500 numéros ! Ma génération n’a pas connu l’abbé André

Richard, mais elle retrouvait avec fruit, surtous les grands problèmes de l’heure, les ana-lyses pénétrantes de Marcel Clément. Les no-tables divergences politiques, liturgiques ouseulement de caractère, qui ont marqué cestemps agités, n’ont jamais entamé son respectet son estime pour celui dont elle entendait lavoix aux Congrès de Lausanne et qui fut undes cofondateurs de l’IPC. L’équipe de DenisSureau et de Philippe Maxence a su donner unnouveau souffle à la formule, dans la fidélitéaux options fondatrices.

Rigueur, fidélité et respectQu’apprécient dans L’Homme Nouveau les fa-milles, les étudiants, les prêtres qui vont ychercher un éclairage de fond sur les ques-tions religieuses, philosophiques, littéraires del’heure ? D’abord la rigueur de la ligne édito-riale, la fidélité (théologale et non d’abordémotionnelle) au Successeur de Pierre, enfinl’estime des pédagogies traditionnelles de lafoi : notamment, mais pas uniquement, enmatière liturgique. Mais aussi l’ouverture d’es-prit, le souci de donner la parole à tous ceux

qui œuvrent pour lebien de la cité et de l’Église, et puis la libertédu ton et de l’expression,sans laquelle il n’est pasde vraie catholicité maisun pieux (et stérile) confor-misme. « Ce qui manque leplus, c’est le courage », écrivait le père de Me-nasce, o. p., à peu près à l’époque où L’HommeNouveau commençait. La longue « fidélité auservice du vrai » a demandé du courage : queles lecteurs joignent à ce courage des réalisa-teurs l’intelligence des bénéficiaires. Et qu’ilscomprennent l’enjeu absolument capital de ce« journalisme du réel », pour que la foi desnouvelles générations trouve son milieuconnaturel d’information et de lucidité, sanslaquelle elle verserait dans le fidéisme. Auxlecteurs d’aujourd’hui de former des descen-dants qui sauront lire (sur un support papier),et fêter, vers 2076, le n° 3000 ! ◆

Fr. Louis-Marie de BLIGNIÈRESFondateur de la Fraternité

Saint-Vincent-Ferrier.

>Témoignage

>>Du triomphe dufilm Des hommes et desdieux au récent succèsdes JMJ de Madrid, dessignes viennent régu-lièrement nous rap-peler que, malgré la

sécularisation et la déchristianisa-tion, ou à cause d’elles, nos contem-porains restent avides de sens et de repères. Qui d’autre mieux que l’Église, experte en humanité parce quenul mieux que le Christ ne sait ce quiest dans l’homme, comme le rappelaitJean-Paul II, peut les éclairer sur lesens de leur vie, la véritable nature del’homme et sa fondamentale dignité ?Pour l’y aider, la presse catholique aun rôle évident à jouer, non seulementpour donner à ce message la plus gran-de résonance possible, mais aussi pourcontribuer au travail de formation, deréflexion, d’éducation des esprits ca-tholiques, sans lequel il n’y a pasd’évangélisation possible. Celle-ci, eneffet, a longtemps buté sur le manquede formation des chrétiens eux-mêmes,

sur leur manque de curiosité intellec-tuelle, sur la faiblesse de leur réflexionqui les rendait peu crédibles dans laconfrontation intellectuelle commedans l’affirmation de leur foi en uneépoque qui se pique, fût-ce à mau-vaise raison, de rationalité.

Une presse indispensableIndispensable pour former les catho-liques eux-mêmes, pour les aider à af-finer leurs connaissances, leur juge-ment, leur discernement, pour les ai-der à ne pas laisser leur foi s’éroderou s’affadir au contact inévitable dumatérialisme ambiant, la presse ca-tholique, si elle sait rayonner par saqualité, peut être aussi un instrumentprécieux pour toucher des publics quise sont éloignés de la foi et de l’Égli-se et les aider, petit à petit, à en ac-quérir une image moins négative oumoins caricaturale – à condition d’évi-ter l’écueil de la cagoterie, qui la me-nace toujours. Si elle veut pouvoirjouer sa partition dans l’évangélisa-tion des sociétés modernes, la presse

catholique doit se méfier comme dela peste de la tentation de la bigoterieet de l’esprit de chapelle, fuir les odeursde patronage et de sacristie.Si le christianisme, comme l’expli-quait Jean-Pierre Denis dans son ré-cent livre Pourquoi le christianismefait scandale, « apparaît aujourd’huinon seulement comme l’une des seulesinstances critiques (la seule ?), maisaussi comme l’une des seules forces(la seule ?) à porter le souci d’uneréu nification de notre culture, autre-ment dit d’une réconciliation avecnous-même », encore faut-il le fairesavoir à nos contemporains. Si le ca-

tholicisme, comme le répète souventBenoît XVI, est aujourd’hui face aumonde moderne comme une « contre-culture », encore faut-il que cettecontre-culture soit dynamique, vivante,nourrie par une réflexion et une inventi -vi té constantes : c’est notamment le rôle de la presse catholique que d’in-carner la vivacité de cette contre-culture, par son travail de réflexion etde diffusion de la pensée chrétienne.

Travailler en conscienceLe journaliste catholique n’aura pasbesoin pour autant de se transformeren petit propagandiste de la doctrinechrétienne, en VRP doctrinaire del’Égli se : si l’âme du journalisme estla recherche de la vérité, il lui suffirade faire son travail de journaliste enconscience pour servir la Vérité avecun grand V. Sans oublier qu’il est làpour informer et non pour prêcher,sans céder non plus à cette douce schi-zophrénie qui saisit trop facilement lejournaliste en lui glissant la tentationde mettre ses convictions dans sa pocheau nom d’une pseudo-objectivité. ◆

Laurent DANDRIEURédacteur en chef

à Valeurs Actuelles.

Enquête

Former et informerLa presse catholique a un rôle à jouer dans un monde quirecherche un sens à donner à la vie. Elle doit pour celaêtre dynamique, vivante, souligne Laurent Dandrieu.

La presse catholique doit offrirune véritable réflexion.

11DOSSIERL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

>>C’est toujours avecune pointe d’émotionque nous recevons le bi-mensuel L’Homme Nou-veau. Si la ligne de fondnous est connue et faitpreuve d’une grande fer-meté, la liberté et le sou-ci courageux de la vériténous réservent parfois degrandes joies. Les dossierstrès divers, du Gender à l’Église orthodoxe en passant par lescommunautés Ecclesia Dei, nous don-nent un aperçu plein de bon sens surla véritable actualité sans jamais res-ter dans la stratosphère des idéaux, nitomber dans l’anecdotique journalis-tique prêt à tout pour faire un scoop.Il y a là un immense service rendu auxintelligences dans le respect de la vé-rité et dans un style accessible à tous.

Esprit filialLa façon d’aborder l’actualité de l’Égli -se est aussi à souligner : ayant renon-cé justement à être le ravi de la crèche,L’Homme Nouveau traite avec un pro-fond esprit filial les signes de vitalité

comme les difficultés del’Église. MgrRifan, évêquebrésilien de l’Adminis-tration apostoli que Saint-Jean-Marie Vianney, nousdisait qu’en portugais,même en cas de crise, ily a un vocabulaire quel’on n’em-ploie ja-mais pourparler de

ses parents. Sinon ce-la signifierait que lelien est rompu. On re-mercie donc L’HommeNouveau d’aider seslecteurs à penser la cri-se avec un grand res-pect pour le magistèreet les pasteurs légitimesde notre sainte Mère l’Église. Etc’est tout à son honneur de présen-ter systématiquement à tous les nu-méros des textes magnifiques de notreSaint-Père Benoît XVI.Je salue surtout le patient travailpour la promotion de la culture chré-tienne. Car c’est un domaine où tous

nos contemporains souffrent d’une im-mense pauvreté. Que de bons livres sontlà proposés aux lecteurs ! Un de nospères de Sainte-Marie de la Garde,responsable de la bibliothèque et dela lecture au réfectoire, m’avouait il ya peu qu’il attendait L’Homme Nou-veau spécialement pour la présenta-

tion bibliographique. Quiplus est, cette revue mani-feste une belle dévotion en-vers nos auteurs chrétiens,je pense à Bernanos, Clau-del, Péguy et Chesterton. La

France est chré-tienne par sessaints, ses ca-thédrales, sesdévotions et aus-si par sa cultu-re. C’est sa cul-ture chrétiennequi lui ouvre unavenir. C’est cet-te culture qui luipermettra de gar-der sa liberté etde lutter contre le

grand dragon du nouvel ordre mon-dial qui n’a de meilleures armes quela faiblesse intellectuelle et culturel-le des peuples. Si une culture se lais-se envahir, c’est nécessairement qu’el-le est déjà minée de l’intérieur.

Les hors-sérieEt pour finir, je voudrais saluer avecjoie les hors-série. Plus encore quedans les bimensuels, nous retrouvonsavec soulagement une vraie et construc-tive apologétique. Un évêque françaisdisait que si autrefois la formation desséminaristes usait un peu trop d’apo-logétique, aujourd’hui on assiste enrevanche à une indifférence qui enfermeles intelligences chrétiennes dans unfidéisme sentimental. L’adoration eu-charistique et les guitares sur les par-vis des églises (si respectables soient-elles, bien sûr) ne suffisent pas. La dé-fense des vérités chrétiennes et de latradition de l’Église exige un travailintellectuel véritable, où le raisonne-ment et l’établissement des faits concretsont toute leur place. Merci encore à L’Homme Nouveau. Etque les saints anges l’aident à trouverles 1500 lecteurs supplémentaires quiy trouveront la bonne nourriture pouraimer l’Église et la défendre pour lesalut de la multitude. ◆

Dom Louis-Marie Père abbé de Sainte-Madeleine

du Barroux.

TémoignagesUn service rendu aux intelligences

V ous avez bien voulu mefaire part de la prochai-ne parution du 1500e

numéro de L’Homme Nou-veau. Je m’en réjouis avecvous. Depuis sa création dans

l’après-guerre,L’Homme Nou-veau regardel’actualitéavec les yeuxde la foi et ledésir d’appli-quer l’ensei-gnement de

l’Église aux évènementscontemporains. Le désir deservir Dieu en pleine fidélité àPierre lui a donné une libertéet une indépendance face àbeaucoup de dérives qui ontaccompagné les décades trou-blées que l’Église vient de tra-verser.

Une pastorale de l’intelligenceAujourd’hui, les enjeux aux-quels L’Homme Nouveau veutrépondre ne faiblissent pas.Face aux grands défis quinous attendent, l’Église doitdévelopper une pastorale del’intelligence pour défendrel’Évan gile de la vie et promou-voir sa doctrine sociale. Leslaïcs, à votre exemple, doiventtravailler chacun à leur niveaudans la même direction. Laligne éditoriale que vousadoptez soutient utilementles efforts de l’Église dans cesens. Mais plus profondémentencore, il me semble queL’Homme Nouveau doit aiderses lecteurs à garder un re-gard d’espérance sur l’actuali-té et un regard de charité surnos contemporains, même lesplus éloignés ou les oppo-sants les plus directs de l’Égli-se. Si notre foi a déjà vaincu lemonde, elle doit nous donnerla force de les regarder entoute vérité mais toujoursavec la douceur et l’humilitédu Cœur de Jésus. C’est le vœuprincipal que je formule pourvous et toute votre équipe, envous assurant de ma prière fi-dèle et de ma bénédiction.

Mgr Dominique REY évêque de Fréjus-Toulon.

>La force de la foi

>> « La mode, c’est ce qui se démode », di-sait Jean Cocteau. L’Homme Nouveau, lui, estseulement… nouveau. Mais il n’est pas à la mo-de. Il ne l’a jamais été et mon souhait, de toutmon cœur, est qu’il ne le soit jamais ! Il est doncindémodable. D’où cette longévité qui lui per-met d’atteindre un âge où – pour un journal –les anniversaires commencent à avoir du sens.Autrement dit, c’est parce qu’il a été fidèle à samission, contre vents et marées, et indifférentaux pressions des « grandeurs d’établissement »

qu’on parle, qu’on achète et qu’on lit toujours L’Homme Nouveau.Ses congénères, ceux qui n’ont pas été fidèles, soit n’existent plus,soit ont un contenu qui ne correspond plus au contenant : on a tou-jours le flacon mais on n’a plus l’ivresse… À propos d’ivresse, par-donnez-moi d’en évoquer une illustration. C’était au moment du com-bat contre l’avortement. Jérôme Lejeune et Marcel Clément, le scien-tifique et le philosophe, avaient rédigé ensemble la fameuse déclarationdes médecins pour le respect de la vie, à laquelle avaient adhéréune majorité de médecins français, et qui avait été publiée dans L’Hom-me Nouveau. Chaque mot avait été pesé, chaque formule travaillée,dans une jubilation et avec des fulgurances qui font de ce texte, quin’a pas pris une ride, une référence historique unique. Dans le dé-sert moral et politique de l’époque, écrire que ce texte a sauvé l’hon-neur de la France est un euphémisme. C’est dire si L’Homme Nou-veau a des quartiers de noblesse… Bon sang ne saurait mentir. ◆

Jean-Marie LE MÉNÉ, Président de la Fondation Jérôme Lejeune,membre de l’Académie pontificale pour la Vie, consulteur au Conseil pontifical pour la Santé.

Indémodable

>Enquête

DOSSIER L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201112

>>Cum Petro in Chris-to : la fidélité au Siège dePierre et au magistère ro-main est l’une des notescaractéristiques de la

« ligne éditoriale » toujours main-tenue par L’Homme Nouveau. Uneligne défendue dès la fondation dujournal après-guerre, qui fera bientôtde L’Homme Nouveau le seul journalcatholique à publier en France, se-maine après semaine, les textes pon-tificaux dans leur quasi-intégralité.Une ligne d’autant plus courageuseque, pour s’y tenir, l’époque n’est paslointaine où il fallait ne pas craindrede se trouver en porte à faux, non seu-lement par rapport à la pensée dominantedans la société, mais encore avec cer-tains milieux ecclésiastiques au com-portement bien « gallican ». Pour des motifs idéologiques, unefrange progressiste de l’Église, re-layée par la presse où elle était très in-troduite, mit obstacle à la réception desenseignements pontificaux, tantôt ense contentant de ne pas répercuter jus-qu’auprès des fidèles tel fait, tel en-seignement, tantôt en ne présentantl’action du Siège apostolique qu’à tra-vers certains filtres et sous l’angle quisemblait pouvoir alimenter la dialec-tique du temps.

Une presse instrumentaliséeL’information catholique fut soumiseà la même herméneutique de ruptureque le Concile, et la presse catholiquefut trop souvent instrumentalisée auservice de cette fausse herméneutique,qui donnait l’impression que l’Égliseavait reçu lors du concile Vatican IIune nouvelle Constitution. De ces er-rements, nous revenons fort heureu-sement, et nous sommes heureux deconstater un renouveau certain dansla presse catholique, avec un intérêtcroissant pour le magistère romain, laparole du Pape étant finalement la seu-le instance d’autorité, à la fois critiqueet constructive, capable de contesterle relativisme ambiant, et de proposerpour l’humanité un autre projet quecelui du tout économique, un projetde Salut tout simplement.L’Homme Nouveau a toujours gardésa liberté de ton, au milieu des confor-mismes ambiants, refusant les modeset les idéologies, leur préférant l’éter-nelle jeunesse de la foi, et se situantd’avance dans ce que Benoît XVI aqualifié d’« herméneutique de la conti-nuité ». La vérité est toujours neuve,elle ne change pas et seule elle libè-

re. Sans complexe, sans respect hu-main, sans inutile agressivité, dansune confiante fidélité, L’Homme Nou-veau a poursuivi sa route, au servicede l’Église et de l’intelligence de lafoi.

Par son histoire, la Fraternité Saint-Pierre se sent particulièrement prochede la ligne de romanité défendue parL’Homme Nouveau. Car nous en sommesconvaincus, à l’heure du désordre mon-dial, selon la belle expression d’unprêtre qui fut un ami de votre journal,c’est « Pierre ou le chaos ». ◆

Abbé John BERG, Supérieur général de la Fraternité

Saint-PierreAbbé Vincent RIBETON, Supérieur

du District de France FSSP.

TémoignagesPierre ou le chaos >> C’est l’occasion de rendre grâce à Dieu et de

se rappeler l’idée initiale qui a présidé au lancementdu premier numéro.

Toute fondation, toute œuvre dans l’Église –et un journal catholique ne déroge pas à la règle –doit régulièrement revenir à la finalité qui fut la cau-se de sa fondation pour vérifier si l’on n’a pas per-du le « charisme » originel.

Le titre de ce journal pourrait prêter à confu-sion : croire que nous allons perfectionner notre hu-

manité jusque-là inachevée et parvenir, à force d’efforts et d’ima-gination, à inventer un homme nouveau, un surhomme.

Ce n’est pas cela qu’a voulu le père Fillère. En donnant pourtitre à son journal L’Homme Nouveau, le père Fillère a voulu faire unjournal catholique. Il a voulu rappeler à ses lecteurs que le centrede l’Histoire du salut est le Christ lui-même, selon la pensée de Pas-cal : « Jésus-Christ, que les deux Testaments regardent, l’Ancien com-me son attente, le Nouveau comme son modèle, tous deux commeleur centre » (Pensée 740, Brunschvieg). Cet Homme Nouveau, leChrist, est la source de la paix. « Des deux peuples (les Juifs et lespaïens), Il a créé en sa personne un seul Homme Nouveau en un seulcorps. En sa personne, Il a tué la haine » (cf. Ép 2, 14-16).

« Ayez toujours les yeux fixés sur les réalités d’en-haut, là où setrouve le Christ ressuscité, assis à la droite de Dieu » (cf. Col 3, 1). Voilàce que vient nous dire, à chaque numéro, le journal.

Le journal nous rappelle que nous-mêmes, nos institutions, de-vons être disciples du Christ, sans cesse renouvelés par sa grâce :« Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’êtreancien a disparu, un être nouveau est là », nous dit encore saint Paul(2 Co 5, 17).

Offrir une vision catholique à ses lecteurs, former leur juge-ment, guider leur esprit et leur âme, c’était l’ambition du père Maximilien-Marie Kolbe, fondateur du Chevalier de l’Immaculée quitirait en 1938 jusqu’à un million d’exemplaires chaque jour.

C’est cet éditeur hors norme, un saint que je prie pour l’ave-nir de L’Homme Nouveau.

« Ad multos annos » ! ◆Père Bruno THÉVENIN

Fondateur de Mission thérésienne.

Un journal catholique

D epuis mon adolescence, L’Homme Nouveaum’est familier, vu que mon père fréquentait,admirait et aimait ce cher père Fillère qu’il

me fit rencontrer dans son village ardéchois.Ce que j’y apprécie ? Le courage de la vérité. Unevérité à aimer et à faire aimer. À tout prix. Sansconcession. Sans compromis. À laisser resplendiren toute sa beauté. Une vérité qui ne s’impose quepar sa seule beauté : splendor veritatis. Vérité quibrille dans ces actes d’amour qu’elle suscite et en-gendre : caritas congaudet Veritati (la charité puisesa joie dans la vérité).

Le sens de la traditionAvec cela, aucune crispation identitaire mais unelarge ouverture aux belles nouveautés suscitéespar l’Esprit pour le renouveau intérieur de l’Église.Bref, le sens de la grande tradition : sève toujoursmontante, se puisant aux racines, mais pour porter

toujours de nouveauxfruits. Un arbre ne meurt-il pas lorsque ses racines sont coupées, mais aussilorsque ses branches le sont ?Courage aussi dans le gigantesque combat pourprotéger la vie, sauver l’amour, promouvoir la fa-mille. En ces temps de la fin où l’avenir même del’humanité en tant que telle est en jeu.Le sens aussi de la communion des saints, chaquenuméro laissant resplendir le visage d’un témoind’hier ou d’aujourd’hui, et la fidélité sans faille aumagistère de l’Église catholique ainsi que l’amourfilial du Saint-Père, chaque numéro donnant de solides extraits de ses derniers textes.Un judicieux équilibre entre articles de fond et té-moignages vivants.Alors, pour tout cela, soyez bénis. Continuez à se-mer les semences de vérité et de beauté partout. ◆

Daniel-Ange, Fondateur de Jeunesse-Lumière.

>Le courage de la vérité

L’Homme Nouveau resteavant tout fidèle à Pierre.

>Enquête

13ACTUALITÉSL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

Propos recueillis par Philippe Maxence

Éminence, pourriez-vousnous présenter la situa-tion du catholicismedans votre pays ?

>>Cardinal Ranjith : Au Sri Lanka, les catholiques re-présentent 7 % de la popula-tion, soit environ 1,4 millionde personnes. Notre pays est dé-coupé en dix diocèses et un ar-chidiocèse, celui de Colombo.No tre archidiocèse comprend283 prêtres diocésains, 305prêtres réguliers et 361 reli-gieux ainsi que 1 141 religieuses.

Depuis quand le catholi-cisme est-il implanté au Sri Lanka ?

>>Des franciscains portu-gais sont arrivés en 1543 pourévangéliser la région et trans-mettre la foi à de nombreuxhabitants. Mais par la suite,quand les Hollandais ont chas-sé les Portugais en 1658, lacommunauté catholique a su-bi des persécutions. Le calvi-nisme est, en effet, devenu lareligion officielle, les prêtrescatholiques ont été expulsés etl’Église a survécu dans la clan-destinité. Le maintien de la foidoit beaucoup au bienheureuxJoseph Vaz qui a été béatifiépar le pape Jean-Paul II le 21janvier 1995.

Que lui doit-on ?

>>Le bienheureux JosephVaz venait de Goa en Inde etil arriva clandestinement dansmon pays en 1687. Il visitealors les communautés catho-liques, distribue les sacrements,

organise une structure clan-destine pour les catholiques. Ila permis au catholicisme devivre et de se transmettre. Parla suite, les Anglais ont rétablila liberté religieuse.

Et aujourd’hui qu’en est-il ?

>>La situation de l’Égliseest excellente, son influenceest profonde et importante.Nous entretenons de bons rap-ports en général avec les auto-rités civiles à tous les niveauxainsi qu’avec les autres reli-gions, aussi bien avec le boud-dhisme qu’avec l’islam qui estimplanté dans notre pays de-puis le VIIIe siècle. Bien sûr, ily a des extrémistes quelquefois,mais dans l’ensemble, les rap-ports sont cordiaux. Para-doxalement, le véritable pro-blème vient des sectes fonda-mentalistes protestantes. Ellesdistribuent beaucoup d’argent,fournissent du travail et en-traînent beaucoup de gens à seconvertir. Comme elles sont

chrétiennes, les bouddhistespensent qu’il s’agit de ca-tholiques car ils ne voientpas la différence. Pour unbouddhiste, un chrétienest forcément un catho-lique. Les problèmes nais-sent souvent de cette confu-sion et ralentissent les vé-ritables conversions.

Après avoir été non-ce et avoir exercéd’importantes fonc-tions à la Curie ro-maine, vous êtes au-jourd’hui à la tête del’archevêché de Co-lombo. Avez-vousdes séminaristes ?

>>Oui, actuellement, nousavons entre 70 et 80 sémina-ristes diocésains. L’an dernier,nous avons eu seize ordina-tions et cette année nous n’enaurons que huit. En revanche,pour les années à venir, nousallons repartir sur un chiffreimportant d’ordinations, ce quireprésente un grand espoir pourl’Église dans notre pays car iln’y a pas d’Église sans prêtres.C’est pourquoi ma tâche, com-me archevêque, est de mettrel’accent sur la qualité du re-crutement et sur celle de la for-mation dispensée à nos futursprêtres.

L’une de vos premièresdécisions comme arche-vêque aura aussi été depromulguer une année del’Eucharistie. Pourquoi ?

>>Mais tout simplementpour renouveler et renforcer lafoi du peuple chrétien. Ces der-

Homme d’avenir, le cardinalRanjith sait l’importance del’Asie pour la vie de l’Église.

ENTRETIEN

L’Église a la traditionde la grâce de DieuC’est l’un des cardinaux selon le cœur de Benoît XVI. Créé cardinal ennovembre 2010, son Éminence Albert Malcom Ranjith avait déjà occupéla charge de secrétaire de la Congrégation du Culte divin à la demandedu Saint-Père avant de repartir dans son pays comme archevêque du Sri Lanka. Là, ce prélat affable et sans langue de bois affiche clairementla couleur. Il n’y a pas d’Église sans prêtres et sans adoration. Nous l’avons rencontré lors de l’un de ses passages à Rome.

>>> Suite page 14

L’HUMEUR DE PASQUIN

En toute sécurité !

L es dernières autorisations de sortie de l’été ontune saveur particulière ; celle des retrouvaillesdes amis de l’année, des copains de classe.

On les retrouve pour la rentrée, mais encore dans lecadre des vacances. C’est dans cet état d’esprit quel’adolescent retrouve son groupe d’amis au cinéma.Les billets achetés, le groupe se dirige vers les salles.L’ouvreur déchire les billets et donne, avec un grandsourire commercial, un petit cadeau de la taille d’un paquet de cigarettes : « Bonne soirée en toutesécurité ! », ajoute-t-il. « Merci », répondent lesjeunes machinalement, avant de découvrir le conte-nu : un éthylotest et deux préservatifs… Renseigne-ment pris, c’est évidemment le Conseil général qui finance et qui souhaite « par une approcheconviviale et non moralisatrice, apporter au publicune meilleure perception des risques ». Ainsi met-il àla disposition des jeunes des « éthylotests, bouchonsd’oreille, préservatifs masculins et féminins, dosettesde gel lubrifiant ». Concept intéressant dont le slo-gan pourrait être : « boire ou mal se conduire, plus besoin de choisir ! » Quoi qu’il en soit, quandvotre tête blonde rentrera chez vous en vous demandant : « Ça sert à quoi du gel lubrifiant ? »,vous pourrez être fier de l’utilisation de vos impôts.Soyez même certain qu’avec le gilet jaune fluo et letriangle obligatoire dans toutes les voitures, l’Étatfinira bien par obliger chacun d’entre nous à avoirson pack éthylo-sexuel de sécurité dans la boîte àgants ! Protégés comme ça, nous n’aurons plus qu’àdécrocher le chapelet du levier de vitesse ou le saintChristophe du tableau de bord… ◆

Selon une tradition populaire de Rome, Pasquin était un tailleur de lacour pontificale au XVe siècle qui avait son franc-parler. Sous son nom,de courts libelles satiriques et des épigrammes (pasquinades) fustigeantles travers de la société étaient placardés sur le socle d’une statue an-tique mutilée censée le représenter avec son compère Marforio à unangle de la Place Navona et contre le Palais Braschi.

B R È V E SFRANCENominationLe Pape a nomméMgr Thierry Brac de la Perrière, jusqu’ici auxiliaire de Lyon, évêque de Nevers le 27 août dernier.

ÉGLISE UNIVERSELLEIntentions de prièrepour septembre– Pour tous les ensei-gnants, afin qu’ils sachenttransmettre l’amour de la vérité et éduquer aux valeurs morales et spiri-tuelles authentiques.– Pour que les communau-tés chrétiennes éparpilléessur le continent asiatiqueproclament l’Évangile avecferveur, et témoignent de sa beauté par la joie de leur foi.

VATICANFSSPXLa rencontre entre le cardinal Levada, préfet de la Congrégation pourla Doctrine de la foi etMgr Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, aura lieu ce 14 septembre.

RUSSIEParoisse gonflableDéplorant l’absenced’églises au Kamchatka(Russie), le recteur de laparoisse catholique de Petropavlovsk-Kamchatski,le père Krzysztof Kowal afait construire une églisegonflable, montée surroues et pesant 100 kgavec laquelle il entendsillonner la région pourproposer les sacrementsaux fidèles.

ACTUALITÉS L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201114

Entretien avec le cardinal Ranjith

nières années, on a perdu de vueet finit par ne plus comprendrel’importance de ce sacrementsi important. Or le sacrementde l’Eucharistie est la sourceet le sommet de la vie de l’Égli -se, de la vie du chrétien. Sivous ne savez pas ce qu’il est,si vous n’en vivez pas, vous au-rez beaucoup de mal à vivre com-me un chrétien dans le monde.Et c’est vrai pour les prêtres aus-si. On a souvent réduit la mes-se à n’être qu’un banquet quinous permet de nous réunirpour manger ensemble. Maisl’Eucharistie n’est pas seule-ment un banquet, c’est le sa-crifice du Christ, renouveléréellement à chaque messe,quoique de manière non san-glante. À force de banaliser lamesse, on a perdu de vue l’émi-nente dignité du sacrement del’Eucharistie. Rendez-vouscompte ! Quand il y a une concé-lébration, dans les sacristies,les célébrants se préparent endiscutant alors qu’il faut se pré-parer en méditant sur l’acte quel’on va poser. Cette atmosphèrede bruit n’est pas propice à laprière. On devrait revêtir leshabits sacerdotaux avec re-cueillement. Souvent, ce n’estpas le cas. Comment voulez-vous bien célébrer une messemal préparée ?

L’enseignement catéché-tique avait-il bien trans-mis ce qu’était la messe ?

>>Comme archevêque deColombo, j’ai demandé au di-recteur de la catéchèse de memontrer les livres utilisés pourla préparation à la premièrecommunion. J’ai constaté quel’on donnait parfois une visionincomplète de l’Eucharistie.Certains livres expliquaientqu’elle était un partage, qu’el-le manifestait la solidarité, in-vitait au respect de la Créationou je ne sais quoi encore. Àforce de favoriser les expéri-mentations, on a fini par perdrel’essence de la foi. Il faut quenos catéchismes changent d’ap-proche et redonnent le conte-nu de la foi.

Est-ce que cela passe parun catéchisme sous formede questions/réponses ?

>>Oui, effectivement et àce sujet je dois dire que mon

prédécesseur, Mgr Gomez, aagi dans ce sens en proposantun catéchisme avec ques-tions/réponses en langue cin-galaise, bien avant la parutiondu Catéchisme de l’Église ca-tholique. Il existe maintenantla version anglaise, qui est lalangue la plus répandue au SriLanka, et qui a intégré les ci-tations des Pères et des docteursde l’Église.

Puisque nous parlons dusacrement de l’Eucharis-tie, qu’en est-il du sacre-ment de pénitence ?

>>Dans les lettres que j’écrisaux prêtres de mon diocèse, jerappelle l’importance de laconfession personnelle et de ladirection spirituelle. On ne peutpas progresser en faisant l’im-passe sur ces deux points. Jesouligne aussi la nécessitéd’avoir dans les églises de vé-ritables confessionnaux qui res-pectent la discrétion et le ca-ractère privé requis par ce sa-crement.

Êtes-vous confronté à laquestion des absolutionscollectives ?

>>Fort heureusement, nousne connaissons pas de tels abus !Mais, plus généralement, il mesemble que nous avons oubliél’importance des sacrements. C’est particulièrement patent ence qui concerne le problèmedes sectes fondamentalistes quej’évoquais tout à l’heure. Nousne vivons pas seulement de laParole de Dieu. L’Église ca-tholique a la tradition de la grâ-ce de Dieu à travers la vie sa-cramentelle. Nous devons at-teindre la grâce de Dieu par lessacrements. Il s’agit d’un as-

pect fondamentaldu catholicisme quenous devons nous ré-approprier.

Le motu pro-prio Summo-rum Pontifi-cum est-il ap-pliqué dansvotre pays ?

>>Il ne l’est pasencore. Mais nousnous y préparonssérieusement. Déjàplusieurs paroissesutilisent le réper-toire latin. Le 13 no-

vembre, je vais célébrer en per-sonne la messe dans sa formeextraordinaire dans la cathé-drale de Colombo. Et je le fe-rai autant qu’il sera nécessai-re. Mais il est important de bienpréparer un tel évènement, enfournissant les explications né-cessaires. Vous comprenez,après le concile Vatican II, il ya eu un grand bouleversementdans la pratique liturgique. Unetelle messe n’a pas été célé-brée à Colombo depuis la mi-se en application de la réfor-me liturgique. Il faut donc bienexpliquer le sens de cette dé-marche en mettant nos pas dansceux du Saint-Père. Non seu-lement pour la messe, maispour l’ensemble des sacrements.

L’évêque a-t-il un rôleexemplaire à tenir ?

>>Oui, effectivement.L’évêque est un pasteur, il doitnon seulement montrer l’exem -ple, mais il doit constammentse former, se fortifier dans lafoi chaque jour afin d’affron-ter les problèmes de chaquejour. Vous savez, on a eu peurde voir la réalité en face et l’ona donc créé un climat d’opti-misme complètement artificielqui n’est pas conforme à la réa-lité des choses. Par exemple,nous devons affronter la ques-tion de la mort et celle de notresalut. Or, dans le monde posi-tif et artificiel que nous avonscréé, on a décrété que le maln’existait pas et le mal n’a ces-sé d’augmenter dans le mon-de.

Vous pensez qu’il ne faut plus mettre de côtéles fins dernières et parler du Ciel et de l’enfer ?

>>Oui, l’enfer existe et ilfaut éviter d’y aller. Mais enface, il y a la route pour dominerle mal qui a été tracée parl’œuvre de la rédemption duSeigneur. Nous ne sommes pasabandonnés ; nous ne sommespas seuls. Dieu est là qui nousa donné son Église pour évan-géliser.

Concernant l’Occident,on doit même parler deréévangélisation ?

>>C’est exact, mais à condi-tion de ne pas réduire la nou-velle évangélisation à un en-semble de techniques. Qui faitl’évangélisation ? C’est le Sei-gneur ! Et on ne peut le trou-ver qu’à travers l’adoration. Sinotre cœur n’est pas uni au Sei-gneur, il est impossible de por-ter vraiment le message del’Évan gile. L’évangélisationpart de l’adoration ; pas d’autreschoses. L’adoration est essen-tielle à l’évangélisation. ◆

À Rome comme en Asie, le cardinal Ranjith est un prélatpopulaire.

>>> Suite de la page 13

LE BILLET DE FRANÇOIS FOUCART

De quoi je me mêle !

D écidément, tout ce qui vient des « instanceseuropéennes » se révèle insupportable. Der-nier exemple en date, le projet de la Cour de

justice de l’Union européenne (CJUE) s’en prenantau statut des animateurs de colonies de vacances !Cet été encore, la lente érosion des colos s’estpoursuivie : parce que ces centres de vacances un peu style internat sont moins à la mode, que quantité de petites colonies ont dû fermer car elles ne pouvaient supporter les frais des perpétuelles mises aux normes, parce qu’enfinelles coûtent cher : les classes moyennes y ont rarement accès, il faut soit dépendre d’un riche comité d’entreprise, soit être « cas social ». Onpourrait ajouter qu’il n’y a plus d’abbés pour encadrer les colos paroissiales qui, de toute façon,ont disparu. Pourtant, directeur de colos pendantvingt ans, je témoigne que l’on y trouvait un vraibonheur, une extraordinaire joie de vivre, notam-ment si l’on pouvait bénéficier d’une bonne équipede « monos ». Ils étaient plein d’ardeur, sympa-thiques et, c’est vrai, peu payés et ne bénéficiantque d’un jour de congé par semaine. Peu importe,et je dois dire qu’en vingt ans, je n’ai jamais prisune journée de congé, c’était impensable pour un directeur. Mais voilà qu’arrive le CJUE (!) qui exige une « mise en conformité avec le droit européen » et qui, d’accord avec quelques démagogues comme l’Union syndicale SolidairesIsère (!), demande qu’il y ait les mêmes congés que ceux de tous les salariés, et, pratiquement, la même paie. De quoi je me mêle ! C’est ne riencomprendre à l’esprit, au fonctionnement des colonies, et c’est les tuer à brève échéance. Pourfaire bonne mesure, Jeannette Bougrab, qui seraitsecrétaire d’État à la Jeunesse (et ancienne prési-dente de la Halde), demande que les moniteurs suivent un module sur la lutte contre les discrimi-nations ! Voilà qui va sûrement sauver les colos. Dans le même temps, l’Union européenne, tou-jours elle, demande et c’est pure bêtise, que lespompiers bénévoles (80 % des effectifs) n’aillentau feu qu’après un temps de repos légal entre deuxtravaux : l’épicier du village ne pourrait donc plusrépondre à la sirène et dirait : « Attendez, j’arriveaprès mon repos de huit heures ». Enfin, on apprend qu’à Lourdes une cinquantaine de petitshôtels pourraient fermer faute d’être « aux normeseuropéennes ». Alors l’Europe, oui, mais pas celle-là, et redisons avec le président Pompidou :« Cessez d’em… les Français » ! ◆

15ACTUALITÉSL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

Jean-Michel Beaussant

« Nous disposons d’un scé-nario auquel la décision po-litique devra répondre », di-sait le ministre des Solidari-tés et de la Cohésion socia-le, Roselyne Bachelot, à pro-pos de la dépendance, aprèsles résultats publiés en avrildernier d’un groupe de tra-vail sur les enjeux démo-graphiques et financiers.Mais, comme pour la questiondes retraites, il n’est pas sûrque la bonne décision politiquesoit au rendez-vous pour cedernier « grand chantier » dela présidentielle. Annoncée de-puis 2007, la réforme de la dé-pendance est un casse-tête fi-nancier et un risque politiquepour la majorité.Ainsi, selon le scénario évoqué,d’ici cinquante ans, le nombrede personnes âgées dépendantesdevrait doubler : on passeraitde 1,13 million en 2010 à 2,3millions en 2060 – étant consi-dérées comme dépendantes lespersonnes bénéficiaires de l’al-location personnalisée d’auto-nomie (APA) selon les critèresactuels d’attribution. Ces der-niers représentent aujourd’hui6,7 % des 16,4 millions de Fran-çais de plus de 60 ans : ils tou-chent en moyenne 670 euros pourles particuliers soignés à leurdomicile ou dans leur famille,200 euros lorsque l’APA estversée à une maison de retrai-te.

Une hausse sans finCréée par le gouvernement Jos-pin en janvier 2002, l’APA avu son budget multiplié par2,5, dépensant 5,1 milliards en2009 contre 1,85 en 2002. Se-lon les prévisions, le nombred’allocataires devrait aussi mon-ter à 1,6 million d’ici à 2025.Le vieillissement de la popu-lation – on estime qu’un tiersdes Français aura plus de 60 ansen 2050 – fait exploser les pa-

thologies liées à l’âge : mala-die d’Alzheimer, perte d’auto-nomie motrice, maladies dé-génératives… Dans un demi-siècle, la France devrait comp-ter 5,4 millions de plus de 85ans. Or chaque année d’espé-rance de vie ainsi gagnée (grâ-ce notamment aux progrès dela médecine) ne va pas forcé-ment avec une année en bon-ne santé. Le nombre de per-sonnes qui, avec le grand âge,ne peuvent plus s’occuperd’elles-mêmes seules va doncaugmenter considérablement.Mais si le nombre de celles quitouchent l’APA et autres pres-tations multiples ne cesse de croî -tre, les ressources de l’État, del’assurance maladie et des dé-partements (qui s’en partagentla charge) tendent à diminuer.Alors que le taux de natalité neparvient plus depuis des lustresà dépasser le seuil de renou-vellement des générations. Ou -tre que ces allocations ne suf-fisent pas à couvrir le coût,pour les familles, d’une per-sonne âgée dépendante, leurfinancement est en péril, sansde nouveaux impôts quasimentimpossibles en l’état actuel desprélèvements obligatoires etdu déficit.Il n’est, semble-t-il, plus beau-coup question de la création

d’une cinquième branche de laSécurité sociale, qui s’ajoute-rait aux quatre piliers existants(famille, accidents du travail,maladie, retraite) comme l’avaitpromis Nicolas Sarkozy en2007 avec un « droit oppo-sable » à la prise en charge dela dépendance… En moyenne,le coût annuel d’une personnedépendante est évalué à 30 000euros. Chacun d’entre nouspeut être frappé à son tour ouépargné sans que personne nepuisse savoir qui sera atteint, àquel degré et qui sera épargné.

Un minimum garanti ?Très controversé, le rapport Ja-met, remis également en avrildernier à François Fillon, pro-posait de transformer l’APA enune sorte de minimum garan-ti, qui viendrait financer lerisque dépendance des plus mo-destes. Au-delà d’un certainseuil, l’APA aurait commecontrepartie un prélèvementsur la future succession (pouréviter que certaines personnesâgées ne s’en privent pour nepas spolier leurs héritiers). Cha-cun pourrait fixer un seuil d’al-location qui serait prélevé post-mortem sur son patrimoine, ouchoisir de s’en remettre à uneassurance privée. « Une fa-mille, ce n’est pas simplementun lieu pour obtenir des droits,c’est également un lieu où l’onexerce des devoirs. Et si la fa-mille ne veut pas les exercer,la société devra pouvoir se rem-bourser sur un patrimoine quin’a pas vocation à être éloignédu financement du problèmede dépendance », estimait aus-si Nicolas Sarkozy le 18 sep-tembre 2007. Mais, à considé-rer comment il traite odieuse-ment les droits authentiques dela famille, on n’est pas sûr qu’ilentende ici ses vrais devoirs,enfermé qu’il demeure idéolo -giquement dans sa logique éta-tiste et individualiste, libéral-socialiste. Affaire à suivre… ◆

SOCIÉTÉ

La dépendance en chiffresD’ici cinquante ans le nombre de personnes âgées dépendantes devraitdoubler. Or la majorité au pouvoir peine à proposer une réforme de la dépendance satisfaisante.

B R È V E SPROTESTANTISMEÉglise luthérienneLe Pape a annoncé un effort de rapprochementavec l’Église luthérienne.Il prépare avec la Fédéra-tion luthérienne mondia-le une déclaration com-mune sur la Réforme envue du Ve centenaire de lapublication des 95 thèsesde Luther en 2017, pour« analyser la Réforme à la lumière des 2 000 ansdu christianisme ».

UNIVERSITÉ D’ÉTÉÉvangélisationLes anciens élèves de Benoît XVI se sont réunis

avec lui du 26 au 28 aoûtà Castel-Gandolfo pourleur université d’été qu’ils tiennent depuis1977. Ils ont travaillé surle thème de la nouvelleévangélisation.

L’ŒIL DE MIÈGE

QUAND L’AMÉRIQUE SE REBIFFE

Le héros fabriqué

P rès de dix mètres de haut, 1 800 tonnes degranit, des années de travail d’un artiste chi-nois pour un coût de 120 millions de dollars :

la statue de Martin Luther King vient d’être dévoi-lée au public sur l’immense et verdoyante esplana-de de Washington, entre les mausolées dédiés àLincoln et à Jefferson. Pour MLK, on a vu encoreplus majestueux : rien ne doit dépasser la mémoi-re du « plus grand combattant des droits civiques »,selon la terminologie officielle. Assassiné en 1968 à39 ans, ce pasteur noir fut pendant plus de cinqans la figure de proue des intégrationnistes, lesymbole de l’égalité des races, le chantre d’un mé-tissage multiculturel. Très vite, il devint l’idole desfoules noires. En réalité, King fut un agitateur télé-guidé, un activiste subversif, un opportuniste pro-fessionnel dont l’ascension reposa sur les calculsde deux présidents : Kennedy et Johnson. Tousdeux avaient besoin d’un porte-drapeau capablede canaliser l’imprévisible effervescence racialejusqu’aux rivages plus sereins de la législation dé-ségrégationniste prévue. King se prêta au jeu poli-tique d’un establishment qui eut conscience de fa-briquer un héros. On vit s’enfiévrer des millions dedupes. Et bouillir quelques esprits libres : ceux quicernaient les véritables contours de la fausse idole,ceux qui savaient que King entretenait des liensétroits avec le Parti communiste américain – no-tamment avec son trésorier et le numéro deux deson comité central. Le Prix Nobel de la Paix 1964connaissait leurs activités antinationales. Cela nel’a pas empêché de leur confier la rédaction de sesdiscours (« J’ai fait un rêve… ») et de les placer à latête d’un vaste mouvement rassemblant les Noirsdu Sud. Ainsi, le champion de l’égalité des chances,le prophète d’une Amérique sans couleur de peau,le pionnier des écoles, restaurants et bus intégrésn’a pas hésité à demander, en pleine guerre froide,à l’ennemi soviétique l’aide qui lui permit de nar-guer, de déstabiliser son propre pays. L’imposturereste très politiquement correcte. Désormais, elleest gravée dans la pierre. Henry LOBSTER

La solidarité familialea un rôle à tenirdevant la dépendance.

ACTUALITÉS L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201116

REVUE DE PRESSE

◗ DiplômesLe Saint-Siège devrait bientôt annoncer lareconnaissance par l’État des diplômes

canoniques délivrés par lesuniversités catholiques. « Nesont concernés, pour l’ins-tant, par cette reconnaissan-

ce “que” les diplômes canoniques, à savoirles licences, masters et doctorats délivréspar les facultés ecclésiastiques de théolo-gie, de philosophie et de droit canon descinq universités catholiques d’Angers, deLille, de Lyon, de Paris et de Toulouse. » Unechance pour les séminaristes dont la licencede théologie sera désormais reconnue par lesystème universitaire français.

25 août 2011

◗ Gros sous« Riche idée ! » s’exclame ChristopheBarbier dans son éditorial. Les riches ontdemandé, Warren Buffet en tête (le 3e

homme le plus riche du monde), à payerplus d’impôts, situation de crise oblige.« Mais cynique ou altruiste, nul riche nepeut échapper à l’évidence, qui aligne sesvérités comme autant de zéros sur un

compte : quelle que soitl’ampleur de leur don, ilne sera jamais qu’aumône

et non sacrifice, (…) quelle que soit la sincé-rité de leur démarche, elle demeurera ungeste aristocratique quand l’époquebouillonne d’envies démocratiques. »Cependant, « Oui, les très riches doiventaccepter de payer plus d’impôts, mais n’est-il pas déjà étrange qu’ils empochent tantsans que l’on regarde de plus près com-ment ils y sont parvenus ? Ne faut-il paspayer raisonnablement ceux qui ont déve-loppé l’emploi, bâti des empires et enlumi-né l’histoire économique du monde, et ran-çonner les parasites de la spéculation, enri-chis sur la richesse créée par d’autres ? »

Du 24 au 30 août 2011

◗ Délit de facièsLa tarte à la crème des lobbies antiracistesse meurt. Elle n’a pas survécu aux enquêteset aux chiffres publiés ces derniers mois. Le

C.V. anonyme est contre-productif ! « Avec un C.V.classique, un candidat issude l’immigration et/ou rési-

dant en zone urbaine sensible (Z.U.S.) a unechance sur 10 de décrocher un entretien,contre 1 sur 22 quand le C.V. est anonymisé.Les chercheurs expliquent ce résultat par la tendance qu’auraient les recruteurs àrelativiser les carences (fautes d’ortho-graphe, diplômes moins prestigieux…) desC.V. des candidats quand ils connaissentleurs origines sociales. »

25 août 2011

Adélaïde Pouchol

Ils étaient plusieurs dizai -nes, le 16 août dernier, blousesblanches comme civils, à ma-nifester devant l’hôpital deBayonne en faveur du doc-teur Bonnemaison et par làmême, de la légalisation del’euthanasie. La mise en exa-men de l’homme en questionpour quatre empoisonnementsa permis de lever le voile surune pratique désormais cou-rante dans les hôpitaux. Une in-jection mortelle et, sans plusde cérémonies, le tour est joué.C’est ce que les admirateursdu docteur Bonnemaison appel -lent « le droit à mourir dans ladignité ». Un soulagement pourle malade rongé par la douleur,les portefeuilles rongés euxaussi et pour les familles sou-vent épuisées physiquement etmoralement d’accompagnerleur mourant, quand elles ne s’ensont pas totalement désinté-ressées. Fin de l’histoire ? Cer-tainement pas.

Des malades victimes« Cette affaire n’entre pas dansle débat sur l’euthanasie », s’in -digne Marie de Hennezel, psy -chologue et auteur d’un li vresur la dépendance, Qu’allons-nous faire de vous ? (1). « Cesmalades n’avaient rien de-mandé, ils ne souffraient pas.Il s’agit là d’un meurtre. Ce mé-decin a agi en hors-la-loi et cen’est pas parce qu’il a dérogéà cette loi qu’il faudrait lachanger. Modifie-t-on le codede la route dès lors qu’il a étéenfreint ? ». Le docteur AnneRichard, présidente de la So-ciété Française d’Accompa-gnement et de Soins Palliatifs(SFAP), ne mâche pas ses motsnon plus. « L’euthanasie estun débat de bien-portants, undébat décalé par rapport à laréalité des personnes en fin devie. » Comme tous les membresde la SFAP, elle travaille au-

près de ces personnes et le saitbien : les patients ne deman-dent pas la mort si on les ac-compagne, leur entourage avec,que l’on soulage la douleurphysique autant que la souf-france psychique. « Ils sont unepoignée à vouloir mourir, maisune poignée qui ne justifie ab-solument pas que l’on légifè-re ! Demander à quelqu’un s’ilpréfère mourir ou souffrir estune question qui n’a pas desens, personne ne veut souf-frir. » Selon une enquête me-née par la SFAP, 67 % du per-sonnel soignant ne connaît pasl’existence de la loi Leonetti pour-tant très claire sur le sujet, quioblige à soulager le patient, àrespecter sa parole et arrêter letraitement s’il le désire. « Il ya une différence entre débran-cher et injecter une dose léta-le ! », remarque Marie de Hen-nezel pour qui l’arrêt de l’achar-nement thérapeutique n’a rienà voir avec l’euthanasie maisrespecte véritablement la per-

sonne et la durée natu-relle de la vie. « La po-pulation vieillit et pour-tant, le chantier sur la dé-pendance promis par Mon-sieur Sarkozy est sans ces-se repoussé. Le systèmeactuel est profondémentinjuste : si vous mourezd’un cancer, la société estsolidaire et rembourse àplein. Si vous avez Alzhei -mer, ce n’est plus son pro-blème. » Les personnes enfin de vie sont un poids,

elles le savent aussi bien quenous et en souffrent, mais unpoids qui serait moins lourd àporter s’il était réparti.

Une vieillesse heureuse« Il y a des moyens de vivre

sa vieillesse de manière heu-reuse, il faut d’abord antici-per, prendre une assurance dé-pendance, réfléchir à la mai-son de retraite dans laquelleon voudrait rentrer et surtout,se préparer psychologique-ment. Aux bien-portants en-suite de travailler à améliorerles structures », explique Ma-rie de Hennezel. « Depuis tren-te ans, nous avons déjà faitd’immense progrès pour sou-lager les personnes en fin devie. La légalisation de l’eu-t h a n a s i e e s t u n c o m b a t d’arrière-garde », telle est laconclusion sans appel du doc-teur Richard. ◆

1. Éd. Carnets Nord, 368 p., 20 €.

Trop de Français sont sensibles à l’euthanasie présentée comme un droitde mourir dans la dignité. Alors que cet acte, défendu par les hors-la-loide l’euthanasie comme le docteur Bonnemaison, reste un crime.

Les soins palliatifs soulagent, l’euthanasie tue.

EUTHANASIE

Le faux débat des bien-portants

En mouvementENSEIGNEMENTAnne Coffinier, présidente de la Fondation pour l’école,estime – dans un entretien accordé le 30 août au Cridu contribuable – qu’un enfant scolarisé dans une éco-le hors contrat fait économiser environ 7 000 eurospar an à l’État. 19 écoles ont été créées pour l’année2010/2011, un chiffre encourageant alors que les écolespubliques et sous contrat réduisent leurs effectifs.

17ACTUALITÉSL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

LIBYE

Les islamistes sur le terrain

Alain Chevalérias

Le 21 août, les opposantsà Kadhafi entraient dans Tri-poli. Le lendemain, ils s’em-paraient des principaux pointsnévralgiques de la ville. C’enétait fini d’un régime vieux de42 ans.La prise de Tripoli est le résultatd’une offensive aéroterrestreet maritime. Les rebelles sontentrés par la mer, de nuit, pen-dant que leurs camarades s’in-filtraient dans les banlieues dela ville sur une armada de pick-up. À charge pour les avionsde l’OTAN d’assurer la pro-tection aérienne et le pilonna-ge des objectifs sensibles. C’estaujourd’hui un secret de poli-chinelle, le soulèvement libyenbénéficiait d’un autre appui,les forces spécialesfrançaises et bri-tanniques qui gui-daient ses pas.C’est aussi une in-déniable victoiremilitaire et nous neserons pas de ceux,peu nombreux, qui regrette-ront Kadhafi. Nous voyonsnéanmoins là une « bavure »du point de vue politique. Eneffet, pour atteindre leur ob-jectif, les Britanniques et les Fran-çais ont violé les Résolutions1970 et 1973 des Nations uniesqu’ils ont fait voter.Si l’on s’en tient aux décisionsdu Conseil de Sécurité, l’in-tervention militaire devait se li-miter à la protection des civils.Or nous avons choisi un camp

contre l’autre. Autre point, nousne devions pas envoyer detroupes au sol.Reste à s’interroger sur ce quiva se passer maintenant. La population libyenne ne for-

me pas une nationhomogène. Elle secompose de 140 tri-bus, au sein des-quelles la confédé-ration des Harabisa gouverné le payssous le roi Idris, dé-

posé par Kadhafi en 1969. Àcela s’ajoute une animosité la-tente entre la Cyrénaïque, au-tour de Benghazi, la capitalerebelle, et la Tripolitaine, àl’ouest, d’où est issu le clanKadhafi.Aux divisions tribales s’ajou-te la problématique islamiste.En Libye a longtemps prospé-ré une secte intégriste islamis-te, les Senousi, dont le roi étaitle maître à penser. Elle s’ap-puyait sur la Cyrénaïque. Sans

oublier que, dans les annéesquatre-vingt-dix, une autre for-mation islamiste, « Al-Muqatila Al- Libya » (GICL),a combattu contre l’armée li-byenne. Depuis, le mouvementa rejoint Al-Qaïda, en tête sonfondateur, Abou Leith Al-Libi.

Application des lois de l’islamDe la ville de Darnah, situéeen Cyrénaïque et comptant50 000 habitants, venaient 52des 112 islamistes libyens com-battant en Irak contre les Amé-ricains. Dans cette cité, désor-mais, les femmes ne sortentplus que le jour et portent laburka, voile intégral importé d’Afghanistan. Quant au nou-veau maire de la ville, Mo-hammad Al-Mesori, il a dé-claré à RFI : « Nous voulonsfaire appliquer les lois de l’is-lam, où est le problème ? »Significatif, sur les 31 membresdu Conseil national de transi-tion (CNT), sorte de gouver-nement provisoire créé par larébellion, parmi les 13 per-sonnes dont le nom a été dé-voilé, figure celui d’Abdelha-kim Al-Hassadi, lui aussi unancien dirigeant du GICL. Cap-turé au Pakistan en 2002, il aavoué avoir combattu pendantcinq ans en Afghanistan. LesAméricains l’avaient livré àKadhafi qui l’incarcéra, puis lelibéra six ans plus tard.Aujourd’hui, Al-Hassadi com-mande une brigade d’un mil-lier d’hommes, Al-Buslim, dontil assure lui-même l’entraîne-ment et la formation idéolo-gique.Certes, tous les opposants àKadhafi ne viennent pas desrangs islamistes, mais ces der-niers ne sont pas près de lâ-cher prise. Nicolas Sarkozy nele sait peut-être pas, mais sesnuits sans sommeil ne font quecommencer ! ◆

Victoire militaire pour les Français et les Britanniques mais entachée de la violation de Résolutions des Nations unies, la chute de Tripoli et de son dictateur ne réglera pas pour autant l’avenir du peuple libyenconfronté aux divisions tribales et à la problématique islamiste.

“Une nationdivisée.”

REVUE DE PRESSE

◗ Éthique et politique ne riment plusAu lendemain de la révision des lois de bioé-thique, à la veille des élections présiden-tielles, Jean-Claude Guillebaud fait le point.« La société s’aperçoit qu’on ne peut vivresans un minimum d’éthique. (…) Mais, enmême temps, ce retour de l’éthique est

parfois un leurre. On invoquel’éthique car on n’ose plusparler de morale, collective oupersonnelle ! ». Hyper sexua -

lisation de la société, théorie du Genre ledégoûtent, pour autant « l’affaissement dumariage “traditionnel” n’est pas si inéluc-table qu’on le dit. Bien des signes disent lecontraire. La nouvelle génération qui arriveest à contre-courant par rapport aux reven-dications de Mai 68, celle des parents. En2011, les jeunes redécouvrent l’amour, lafidélité. Vont-ils pour autant réinventer lemariage ? Au Québec, la société occidenta-le la plus déchristianisée, la maternitéredevient à la mode, les familles nom-breuses aussi ! » Puisse-t-il avoir raison !

Du 20 au 26 août 2011

◗ Une chance pour la France« S’il n’était pas encore connu des servicesde police, c’est fait ! “Il”, c’est “Ali”, un“jeune homme” comme ils disent, de 18

ans. (…) Cette nouvelle“chance” pour la France (…)est soupçonnée d’être l’au-teur du viol barbare d’une

jeune femme d’une trentaine d’années,enceinte de quatre mois. » Le schéma clas-sique : le train, seule, un dimanche matin…« À peine le train a-t-il redémarré que le“jeune homme” (…) se met lui aussi enmouvement. La future mère de famille estprise à partie par l’individu. Ce derniermenace la jeune femme à l’aide d’un cou-teau dont il pointe la lame sur le ventrerebondi de sa victime » qui, pour sauver lebébé, se laisse faire. Ali risque 20 ans de pri-son. En théorie…

25 août 2011

◗ Évangéliser l’islamPour l’abbé Loiseau convertir les musulmansn’est « pas impossible puisque nous assis-tons pour la première fois dans l’histoire de

l’islam à des conversions en masse auchristianisme, comme en Algérie oùils seraient plus de 100 000. » Lui quivit dans un quartier « à 80 % d’originemaghrébine », il le sait : « Les thèmes

spirituels qui peuvent toucher plus profon-dément un musulman sont la miséricordeet la révélation d’un Dieu d’amour qui agitdans nos vies. (…) L’islam est un aiguillonpour notre mollesse spirituelle. » En avant,donc !

Juillet-août 2011

En mouvementGÉNÉTIQUEUne équipe japonaise a annoncé avoir fait naître en aoûtdes souriceaux fertiles à l’aide de spermatozoïdes obte-nus à partir de cellules souches embryonnaires, une révo-lution génétique qui laisse envisager la création de nou-veaux embryons… à partir de résidus d’embryons avortés.

Le choix de votre quinzaineLes Navajos

ui n’a pas joué aux Indiens, luTintin en Amérique, regardé avec

passion les westerns notammentceux de John Ford dont l’acteur

principal, John Wayne, est entré dans la légende ? Pour le commun des

mortels, l’Indien, vu comme un barbare, a totalementdisparu : pouvait-il d’ailleurs en être autrement en raison de sa civilisation primitive ?La réalité est autre comme j’ai pu m’en rendre comptesuite à un voyage aux USA. Non seulement il n’est pasmort, mais bon nombre de tribus, malgré le génocide,survivent comme celle des Navajos, avec leur territoi-re – improprement appelé réserve, en l’occurrenceaussi grand que la Belgique –, leurs organisations so-ciales, leur habitat, leurs rites de reproduction. Politi-quement ils ont aussi appris à se battre et à se fairerespecter.Qui plus est, non seulement ils se sont adaptés à notre monde contemporain mais ils sont devenus des références en matière écologique et surtout touristique : on ne peut qu’être séduit par leur sens de l’accueil, la qualité des infrastructures, l’énergie et l’intelligence déployées pour se faire entendre et se laisser découvrir tout en conservant leur identitédans un monde globalisé. Pour les amoureux des USA,je ne peux que leur conseiller de faire cette expérience.

www reynald-secher-editions.comProchain livre à paraître en octobre : Vendée. Du génocide au mé-moricide, Cerf, 250 p. env., 17 € env.

P A R R E Y N A L D S E C H E R

Le théâtreRentréethéâtraleC omme toutes les

rentrées, le théâtreva nous offrir son

lot de surprises et ilconviendra de discerner,pour le proposer, ce quipeut nourrir le spectateurtant cet art de la repré-sentation est proche de lavie et peut, à bon escient,nous aider à vivre. Del’émotion à l’absurde,nous y sommes très souvent poussés dans nos retranchements et lethéâtre extériorise biendes débats humains, fidèle reflet ou anticipa-teur des évolutions de société. S’il est indénia-blement un lieu d’obser-vation des transforma-tions sociales, il est aussile témoin de nos interro-gations les plus crucialessur le sens des relationshumaines, l’éthique etparfois sur des questionsqui touchent le sacré.Mais nous aurons surtoutle théâtre que nous vou-drons bien promouvoircomme spectateur, parnotre rigueur artistique,mais plus encore parl’exigence d’appeler et de soutenir à la scènetout ce qui élève l’humain en nous et contribue à cette catharsis des mœurs si essentielle. Bonne rentrée ! Pierre Durrande

Le CDEsperanza

À l’occasion des JMJde Madrid, Rejoy-ce a sorti cette

compilation de pop chré-tienne. Conçue pour aiderles jeunes à se rendre àMadrid autour du Pape(une partie des bénéficesest reversée aux équipesJMJ des diocèses), ellesera aussi le moyen de serappeler et de revivre cegrand moment par la musique. On y trouvebien sûr le style JMJ, faitde rythmes entraînantssur des paroles chré-tiennes. On n’y trouvepas l’hymne officiel desJMJ 2011, Firmes en la fe, mais les morceauxproposés sont plaisants, àcommencer par Alegria !,de l’Emmanuel, et desvariétés américaines (excellent You are Holy,de Rexband, qui a beau-coup écouté Lionel Richie). Il y a même du reggae chrétien, surprenant mais agréable,ou encore les Français,avec Theos, sorte de Be-nabar chrétien, Thomas etles inévitables Glorious.La musique et lesconcerts jouent un rôleimportant aux JMJ. Maison ne peut résumercelles-ci à un « Wood-stock catho », tant laveillée et les messes ontété habitées par de ma-gnifiques temps de silen-ce et d’adoration (le plusde Benoît XVI). Un signetrès fort pour les jeunes,alors que les rues de Madrid résonnaient encore de leur joie.Benoît SénéchalRejoyce, 15 €.

Q

L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201118 CULTURE chrétienne

Le théâtre antique de Taormina(Sicile).

L’essaiInédits deVolkoffD écédé en 2005,

Vladimir Vol-koff ne nous a

jamais quittés complè-tement. C’est le privilè-ge des écrivains quilaissent derrière euxune véritable œuvre.Romancier et essayiste,Volkoff était aussi pro-fondément attaché àl’orthodoxie héritée deses pères. Cet attache-ment forme le filconducteur du nouvelouvrage publié par les éditionsde l’Âged’Homme etcomposé es-sentielle-ment d’in-édits (texteset dessins).Le hasard oula Providen-ce fait que le titre de cepetit livre constitueaussi un hommage àVladimir Dimitrijevic,décédé cet été et duquelVolkoff tenait l’expres-sion « douce ortho-doxie ». Magnifique-ment présenté par Lyd-wine Helly, on trouvedans ce livre des médi-tations du croyant Vol-koff ainsi que plusieurstextes qui montrentcombien la très bonnelittérature peut fairebon ménage avec la foivéritable au prix d’uneexigence sans cesse re-nouvelée. Volkoff l’amise en musique pournotre temps. Plus qu’unhommage à l’écrivainet au croyant, c’est làun chemin à méditer.Philippe MaxenceVladimir Volkoff,Douce orthodoxie,L’Âge d’Homme,216 p., 12 €.

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L’essaiThibon,le retour

L a voix profonde etpaysanne, aumeilleur sens du ter-

me, de Gustave Thibonrevient par la parutiond’un deuxième livre (leprécédent date de 2006)de pensées inédites, pu-blié sous le titre : Paro-dies et mirages ou La dé-cadence d’un mondechrétien. Issues de sescarnets intimes, ces notesinédites ont été réuniespar Françoise Chauvin ets’étalent de 1935 à 1978.Autant dire d’une périodequi va d’une France en-core largement rurale etqui n’avait pas encoreconnu le choc de la Se-conde Guerre mondiale etde la décolonisation oucelle de l’Église dePie XII jusqu’à la Francede Giscard et les dramesde l’après-Concile.Ce qui étonne justement,à la lecture de ces notes,c’est de constater com-bien Thibon conservepratiquement le même re-gard et pose globalementla même analyse sur lemonde qui l’entoure. Iln’est pas dupe des chan-gements auxquels il as-siste. Le triomphe de latechnique, ou, pour êtreplus exact, du « système

technicien » pour parlercomme Ellul, il l’avait vuvenir bien avant son pleintriomphe. L’hypocrisieprogressiste des annéessoixante-dix continue àsa manière celle de labourgeoisie conservatriced’avant-guerre. La ten-sion entre les institutionset l’homme est toujoursla même et s’avère fina-lement complexe à ré-soudre. L’Église n’yéchappe pas complète-ment selon lui.On retrouve donc dans ce nouveau livre, lesgrands thèmes abordéspar Gustave Thibon pendant une grande partiede son existence. De cepoint de vue, ces notesn’apprennent rien de nou-veau sur leur auteur. Engros, nous sommes faceau Thibon de Diagnosticset de Retour au réel, avec peut-être une plumemoins retenue, plus libre. Alors, l’intérêt de celivre ? Il se situe ailleurs,certainement dans la du-rée même dans laquelles’insèrent ces carnets. De1935 à 1978, Thibon nevoit pas un monde entreren décadence, commepourrait le laisser croirele titre de l’ouvrage. Ilconstate la décadenced’un certain monde, lemonde chrétien, aussibien en 1935 qu’en 1978.Et il voit très bien le fondde celle-ci : « Le cadavrede notre civilisation estfardé de tous les attributsdivins ». C’est en raisonde ce constat qu’il faut li-re aujourd’hui Thibon.Benoît MaubrunGustave Thibon,Parodies et mirages ouLa décadence d’unmonde chrétien, Éd. duRocher, 186 p., 18 €.

Le cinéma

L e con clave est réunipour élire un nou-veau pape. C’est le

cardinal Melville qui estélu. Mais au moment deparaître sur le balcon pourbénir la foule en liesse,celui-ci hésite,… �� Un homme qui estau bord de la dépression,au moment où il est élupape, il fallait toute l’ori-ginalité et le talent deNanni Moretti pour ima-giner un tel scénario.Bien que se disant athée,le réalisateur signe unejolie comédie, qui, si ellese déroule dans les cou-loirs du Vatican, parle de

l’angoisse qui peut saisirtous les hommes de pou-voir. C’est souvent trèsamusant (avec une gen-tille satire de la psycha-nalyse), parfois tragiqueet, dans l’ensemble, assezréussi. Mais le filmmanque de rythme et il ya quelques longueurs. � Il y a beaucoup de res-pect dans la manière dontl’atmosphère du Vaticanest reconstituée. Mais cen’est pas suffisant pourcomprendre que, dans unesituation de ce genre, seulela grâce supplée les limitesde l’homme. Pour le com-prendre, il faut avoir la foiet beaucoup d’humilité… Gabrielle FonvalComédie franco-italien-ne (2011) de Nanni Mo-retti, avec Michel Piccoli(le pape), Nanni Moretti(le psychanalyste) (1 h 44). (Ado.).

La télévision11 Sept.

��� « 11 Septembredans les tours jumelles ».Le réalisateur a cherché àcomprendre ce qui s’étaitpassé à l’intérieur desdeux tours jumelles. Plu-sieurs scènes de cet évè-nement tragique ont étéreconstituées à partir dutémoignage des survi-vants. ��� « 102 minutes quiont changé le monde ».Dans ce documentairenon moins bouleversant,on suit, minute par minu-te, les New-Yorkais. Avecdes images inéditesd’amateurs, des commen-taires dans la rue, dansles appartements voisins,etc., on comprend mieuxl’effroi et l’incrédulitéqui saisit les New-Yorkais. Impressionnant !��� « Vol 93 ». Un re-marquable travail de re-constitution de la tragé-die de ce vol, destiné às’écraser sur la Maison-Blanche, en adoptant unemultitude de points devue. Le crescendo drama-tique du film est d’unerare intensité.�� Un bel hommageaux victimes, qui se sontsacrifiées. Quelquesscènes sont dures. Gabrielle FonvalDimanche 11 septem -bre : France 2, 22 h 45 :« 11 Septembre dans lestours jumel les », doc. deRichard Dale (J). ; France5, 20 h 35 : « 102 minu -tes qui ont changé lemonde », doc. de NicoleRittenmeyer (J) ; M6,22 h 45 : « Vol 93 », dra-me (2006) de Paul Green -grass, (1 h 45) (GA) [v].

19CULTURE chrétienneL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

L’expositionEnluminuresL e Musée du Louvre

expose une partie deson fonds d’enlumi-

nures à l’occasion de lapublication du catalogueraisonné de ses collec-tions. Soixante-dixœuvres, réalisées entre leXIe et le XVIe siècle secôtoient. De la lettre his-toriée à la peinture enpleine page, c’est une vé-ritable découverte dechefs-d’œuvre. Appré-ciées pour la beauté deleurs factures à partir duXVIIe siècle, ces enlumi-nures ont été malheureu-sement soustraites auxlivres qu’elles ornaient,devenant ainsi des objetsde collections. D’une mi-

nutie époustouflante, ilfaut prendre le temps deles regarder : au centred’une lettre Les trois Ma-rie au tombeau de Loren-zo Monaco montre un ta-lent extraordinaire ;L’Annonce aux bergersde Jean Bourdichon, vi-sion nocturne audacieusetraitée avec de subtils ef-fets de lumière, révèle lemystère de cette nuitillustre ; la splendideAdoration des mages deSimon Bening, dans lasuite de Hugo van derGoes et de Gérard David,se donne à contempler…Geneviève BayleMusée du Louvre, AileDenon, jusqu’au 10 oct.9 h-17 h 30, me. et ven. :21 h 30. Fermé le mardi.

Habemuspapam

Les trois Marie au tombeau de Lorenzo Monaco.

L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201120 CULTURE chrétienne

Didier Rance

Il y a indéniablement desscories dans l’œuvre de Ga-briel Marcel. Lui-même le re-connaît pour son Journal mé-taphysique, et on peut le direde nombre de ses ouvrages.Mais elles sont comme ces pe-tits tertres qui près de foragestémoignent des tâtonnementsde la recherche. Gabriel Mar-cel fut avant tout un chercheur,et parfois un découvreur.À en croire la notice de sonautobiographie, En chemin,vers quel éveil ? sa vie se ré-sume en un certain nombre deprix et de distinctions. Sa cor-respondance avec Max Picardle montre en orateur appréciécourant le monde de confé-rence en conférence. Il seraitalors tentant de voir en lui lereprésentant estampillé de l’exis-tentialisme chrétien, à l’époqueoù cette vague philosophiqueaujourd’hui bien oubliée cou-vrait (presque) la surface de laterre. Mais c’est son visage leplus superficiel, car cette étiquette fut collée surlui alors que sa période « existentialiste » étaitderrière lui depuis plus d’une décennie !

Un convertiGabriel Marcel est aussi un converti, baptisé à40 ans. Le choix du christianisme couronne unelongue recherche, et celui de l’Église catho-lique plutôt que de l’Église réformée de son épou-se doit beaucoup à Charles Du Bos. Marcel nedeviendra toutefois pas un philosophe chrétien,mais plutôt un chrétien qui est aussi un philo-sophe, et restera assez étranger à la dimensionecclésiale du baptême. Il ira jusqu’à écrire : « Sije reste chrétien c’est, je crois, en dépit de tout,parce que j’adhère à ce mystère de la commu-

nion des souffrants et à son enracinement dansla vie et la personne du Christ. » Diverses approches pourraient évoquer le mu-sicien, le dramaturge, le critique littéraire, l’in-tellectuel engagé, le passionné de parapsycho-logie. Mais ses expériences de spiritisme, sonengagement avec le Réarmement moral, sescombats, la vingtaine de pièces de théâtre re-présentées ou non qu’il a écrites n’intéressentplus guère que comme témoignages d’une époquedéjà bien lointaine. Sans doute faut-il en dire d’ailleurs autant deson œuvre philosophique, malgré la publicationen 2009 d’un ouvrage sur lui de Pierre Colin

Philosophe, dramaturge, musicien, GabrielMarcel (1889-1973) se voulait un philo-

sophe du seuil, creusant le réel, l’existenceconcrète jusqu’à la rencontre du mystère de l’être. Une démarche qui confère à la

pensée et l’œuvre de ce chercheur pour qui« vivre c’est donner », toute sa pertinence.

>>> Suite page 21

◗Idées

Gabriel Marcel,explorateur du réel

Maximilien Kolbe, journaliste, prêtre et martyr

de Philippe Maxence● « Une présentation nourrie, argu-mentée et précise des faits, avec unejuste distance, ni trop près, ni troploin. En cela réside l’originalité de celivre à l’écriture fluide. »

Aymeric Pourbaix, Famille Chrétienne● « Une vision beaucoup plus com-plète, et très documentée sur unetrajectoire hors du commun, sansmasquer les interrogations que sa vie a suscitées. »

Vivianne Perret, RCF● « Une biographie rigoureuse. »

Astrid de Larminat, Le Figaro littéraire● « À découvrir à l’occasion du 70e anniversaire de samort. »

Le Pèlerin● « Avec ce beau livre, Philippe Maxence a écrit une vie desaint qui n’est pas une hagiographie. »

Jean Sévillia, Le Figaro Magazine● « Philippe Maxence montre bien la modernité du per-sonnage, déjà “homme de médias”. »

Joël Prieur, Minute● « Un très beau portrait de ce franciscain, canonisé parJean-Paul II. »

H.C., Il est vivant● « Une biographie remarquable par la reconstitution his-torique de l’époque. »

Laurence Geffroy, La Nef● « La très dense et percutante biographie de PhilippeMaxence, (est) remarquable. »

Rémi Fontaine, Présent

Perrin, 324 p., 22 €.

À vos claviers

@L’Église en procès«U n chrétien peut-

il rester insen-sible quand sa

mère l’Église est calomniéeen son Histoire ? », s’inter-roge Hugues Mircher sur lenouveau site qu’il vient delancer : « L’Église catholiqueen procès »(http://www.eglise-catho-proces.info/).La réponse estévidemment :non ! L’auteur,qui justifie sontravail dans une ample et bel-le présentation, s’est large-ment inspiré de l’ouvragede Jean Dumont qui fit grandbruit, L’Église au risque del’Histoire, publié voici unetrentaine d’années mais au-jourd’hui bien oublié, maisaussi d’œuvres d’autres his-toriens réputés. Il nous offrequatre chapitres dont lesthèmes sont typiques et dela méconnaissance du pu-

blic et de leur utilisation àdes fins polémiques par lesadversaires de l’Église : L’évan-gélisation de l'Amérique his-panique ; Les guerres de re-ligion en France ; Les in-quisitions : Languedoc, Es-pagne, Rome ; L'Église, « vé-

hicule du malromain ». Cha-cun des thèmestraités s’ouvrepar un abrégésuivi d’un co-pieux dévelop-pement avec

notes, bibliographies et an-nexes. On pourra considé-rer le travail d’Hugues Mir-cher comme une sorte deplaidoyer sous forme d’e-book, un peu aride, certes,mais au contenu excep-tionnel. L’Église catholiquesans cesse traînée dans lebox des accusés de l’His-toire, a trouvé là un nou-veau et talentueux avocat.

L’internaute. ◆

21CULTURE chrétienneL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

(mais ce dernier avait contribué à un ouvragesimilaire il y a 64 ans !). C’est pourtant la plusintéressante. Gabriel Marcel philosophe estl’auteur d’une douzaine d’ouvrages, essentiel-lement des « journaux philosophiques », gen-re qu’il appréciait particulièrement, et des re-cueils de conférences ou d’articles, y comprisles fameuses « Gifford Lectures » de 1949-1950, publiées sous le titre Le Mys-tère de l’être et exposé le plus com-plet de sa philosophie première.

Un cri d’espéranceLe point de départ de sa recherchephilosophique est l’enfermementdans les systèmes idéalistes ados-sés au scientisme (Kant, Hegel, Brun-schvicg). De ses premiers écrits auxderniers on retrouve ce cri, mélan-ge de naïveté et d’espérance : le réel, et l’hom-me qui le scrute sont plus qu’ils n’y paraissent.La « méthode », s’il en a une, n’est pas très éloi-gnée de celle d’Husserl : chercher avec les ou-tils de la pensée ce qui fera sauter la croûte del’idéalisme et du scientisme pour retrouver endessous le réel, les choses mêmes. Il croit dansun premier temps les avoir atteintes du côté del’irréductibilité propre de l’existence concrète,en tant qu’opposée aux systèmes rationalistes,mais dès les années 1930, il se tourne vers unepensée de l’être, le mystère invérifiable de cequi est. Son erreur est sans doute d’avoir cruque l’idéalisme moderne sous toutes ses formesavait rendu caducs, malgré ses erreurs de fond,les discours antérieurs sur le réel et sur l’hom-

me, et d’avoir cru trouver par lui-même l’eauvive des profondeurs alors qu’il ne faisait aumieux que tomber sur d’anciens puits que l’idéa-lisme avait ensablés mais au fond desquels legrand réel sourdait. Le dernier Marcel semblereconnaître cette déficience quand il se situe lui-même dans la proximité de Max Picard, de Gus-tave Thibon ou de T.S. Eliot, et se veut aveceux héritier d’une sagesse dont le déclin entraînel’humanité en un mortel péril. Ces limites n’em-

pêchaient pas un Gilson de le te-nir en grande estime (« la penséela plus directe et la plus neuve denotre temps », écrit-il en 1947),sans doute ravi de retrouver chezcet artisan travaillant avec ses ins-truments propres ce que la tradi-tion chrétienne offre de plus sûr. Vaut-il la peine de lire Marcel au-jourd’hui ? Oui, surtout ses recueilscomme Essai de philosophie concrè-

te (1), Homo viator ou Le Déclin de la Sages-se (2). Celui qui s’essaie à penser par lui-même gagnera à aller au-delà de pages parfoisbavardes, et trouvera un compagnon de re-cherche, que ce soit sur la famille, la fidélité,le sens de l’invisible ou la mort ou l’au-delà.Ce foreur ne remonte parfois que de la gangue,mais tombe aussi sur des filons essentiels – ain-si ses distinctions de l’être et de l’avoir, ou duproblème et du mystère, vérités devenues au-jourd’hui lieux communs et qui gagnent à êtreredécouvertes avec lui. ◆

Didier RANCE

1. Flammarion, 360 p., 7,80 €.2. Deux ouvrages malheureusement épuisés.

HISTOIRE

Médecin sur la RC4Henri Estève

Jeune méde-cin militaire,Henri Estèvedébarque en Indochineen 1950.D’abord af-fecté au 2e

Bataillon Thaï, il est dési-gné en 1950 pour rejoindrele II/3e REI, et participe auxcombats de la RC4, parve-nant à rejoindre Na Chamavec ses blessés avant sonévacuation par les forcesfrançaises. Il livre ici sontémoignage des terriblesmoments d’octobre 1950 –la RC4 –, mais aussi de sonparcours « avant et après »,dans un récit plein d’anec-dotes, sur un ton simple etspontané, et surtout très hu-main. C’est l’Histoire « àhauteur d’homme ». Indo-Éditions continue à re-cueillir et à transmettre cessouvenirs qui sont aussinotre Histoire. Et cette dé-marche mérite d’être saluéeau passage. Julie ForestierIndo-Éditions, 144 p. (ca-hier photo couleurs), 25 €.

“Ce foreurtombe sur des filons

essentiels”

RELIGION

Peut-on annuler son mariage ?Hervé Benoît

Ce petit livre autitre surprenantest une vraieréussite d’expli-cation et de mi-

se en lumière sur cettequestion qui troublebeau coup de catholiqueset de croyants. Très juste-ment, l’auteur rappelled’abord ce qu’est le maria-ge catholique avant depasser ensuite aux expli-cations sur la réalité cano-nique de ce que nous ap-pelons familièrement uneannulation de mariage.Mais comme l’écrit l’abbéBenoît, « on annulequelque chose qui existe »alors que l’on « constateune chose qui n’a jamaisexisté ». Après une enquê-te sérieuse et approfon-die, l’Église constatequand il y a lieu la non-existence réelle d’un ma-riage ou sa nullité. L’au-teur explique bien la pro-cédure de l’Église et lesraisons de sa justice. Il répond enfin à une sériede questions que l’on peutse poser sur ce sujet. Letout en 18 pages, petit format. Une performance.Aliette BernardArtège, 20 p., 2,90 €.

HISTOIRE

Voyage au cœur de l’OASOlivier Dard

Comme le noteOlivier Darddans sa conclu-sion, l’OAS de-meure aujour-d’hui autant un

objet d’Histoire qu’un ob-jet de conflit. Chacun lirace livre en se sentantcomme mobilisé en fonc-tion de son interprétationde cette tragédie françai-se que fut la perte des dé-partements d’Algérie. À cetitre, cette histoire del’OAS ou plus exactement,comme le reconnaît l’au-

En poche

>>> Suite page 22

>>> Suite de la page 20

ReligionLeçon de foi

L a belle thèse de Schu-macher a accrédité l’idéeque l’œuvre de Pieper se-

rait d’abord une philosophiede l’espérance. Suivant la tra-duction du lumineuxDe l’amour, ce derniervolet d’un triptyque surles vertus théologalesprouve qu’on ne sauraitle cantonner en cory-phée d’une seule destrois. De la foi illustreà nouveau l’efficacitéde sa « méthode », quiredonne au terme son sens ori-ginel de « chemin à travers » :des questions aussi simples quefondamentales traitées l’uneaprès l’autre dans des chapitrescourts qui sont autant d’avan-cées à travers la brume des pré-jugés contemporains vers la lu-mière originelle, celle du donde Dieu : la foi est une relation,l’amour en est la condition, el-le est connaissance réelle et ac-te libre de l’homme, qui en dé-couvre l’origine dans la réali-té effective de la Révélation.L’importance de cet ouvrage

vient aussi de ce qu’il affermitun des apports les plus impor-tants de Pieper à la penséecontemporaine, celui d’un ac-cès retrouvé à une morale en-

racinée dans l’être : la foinous découvre la bontéfondamentale de l’être hu-main et donc de son agir,réponse à celui de Dieu.Le caractère relationnelet personnel de l’acte defoi prouve que ce fon-dement réaliste n’est pasdéduction abstraite mais

alliance.La préface de Fabrice Hadjadjpart de la phénoménologie del’acte d’ouvrir un livre, quiconvient à cet ouvrage car el-le montre qu’il s’agit d’unesomme d’actes de foi, et sepoursuit par une réflexion surle Credo, ce « Je crois » insé-parable d’un « Je t’aime », pourconclure avec une invitation àl’action de grâces. On ne sau-rait mieux dire.

Didier Rance ◆Josef Pieper, De la foi, Ad

Solem, 94 p., 23 €.

DÉCOUVERTE

Les 100 plus belles églises de France (1)Les chemins de Compostelle. La voie du Puy (2)Vatican (3)

Les beaux jours ne sont pas encore finis et il est donc encore temps de profiter des merveilles de France et d’ailleurs. Le PetitFuté nous emmène ainsi sur tout le territoirefrançais, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest,à la découverte de merveilles des diversesrégions. Cathédrales, basiliques, abbayes se succèdent, décrites avec soin. Détails pra-

tiques sont bien entendus présents (horaires,cartes, etc.) qui font de ce petit livre un outil

indispensable de toute escapade. Pour lesplus courageux qui se lancent sur les che-mins de saint Jacques, et souhaitent suivrela voie du Puy, du Puy-en-Velay à Saint-Jean-Pied-de-Port, le guide du Petit Futéest également un outil bien pratique. Détaillant les sites à visiter, il suit pas à pasle pèlerin, indiquant la route à suivre et

les lieux d’hébergement.Alliant notes historiques, détails pratiques, plans et courtscommentaires, l’opuscule consacré au Vatican est à empor-ter pour tous les visiteurs de la Ville éternelle. Toutes lesbonnes adresses et conseils sont là, mais aussi les principauxlieux à visiter à Rome. Mais si l’on y trouve également despages historiques intéressantes, tout n’est pas fiable (commela critique de la morale prônée par l’Église !). Mais ce guideremplit bien son but principal : permettre de bien préparerson séjour et de l’apprécier sur place. Blandine FabreLe Petit Futé, 1 et 2 : 240 p., 9,95 €, 3 : 312 p., 16 €.

L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201122 CULTURE chrétienne

ReligionRécit d’une vie

L e succès de cegros livre, et quiplus est une in-

terview, constitue unedes surprises de l’an-née. Mais le père Zanotti-Sorkine peut-il laisser indifférent ?Depuis l’article de Fa-mille Chrétienne sur« le curé d’Ars de laCanebière », sa renommée alargement dépassé Marseille,où il fait église comble chaquedimanche. Il se livre ici avec sincérité, maisnon sans pudeur. Son parcoursest des plus étonnants : ayantressenti jeune un appel au sa-cerdoce, il ne sera ordonné quedans sa quarantième année !Chanteur de cabaret, intégré aushow-business, il n’oublie ja-mais où il veut aller malgré unparcours mouvementé. Puis ilquitte la scène pour le sémi-naire, et commence un longparcours qui le conduira chezles dominicains et les francis-cains avant d’arriver à Marseilleoù, comme curé de Saint-Vincent-de-Paul, il connaît lesuccès que l’on sait. Sans ran-cœur envers ceux qui l’ont dé-

çu et prompt à s’émer-veiller de tous ceuxque Dieu a placés surson chemin, le pèreMichel-Marie nousfait croiser avec luiau fil des ans MartheRobin, le père Marie-Dominique Philip -pe, mère Marie-Marguerite ou le pè-

re Perrin. Mais la grande ren-contre de sa vie est celle de laVierge Marie, dont il est undévot contagieux. L’ouvrage croise sans cesserécit de vie et réflexions etprises de position. Plus d’uneirritera, et pas toujours dans lemême sens, mais la profon-deur de ce prêtre dont le bonsens surnaturel évoque en ef-fet celui de saint Jean-MarieVianney, faconde méridiona-le en plus, invite chaque foisà aller au-delà. Et on se sur-prend à arriver à la fin du livreen soupirant « déjà fini… ».

Didier Rance ◆Michel-Marie Zanotti-

Sorkine, Homme et prêtre,Tourments, lumières etconfidences, Ad Solem,

458 p., 34 €.

teur, « d’un fragment de lanébuleuse OAS » n’échap-pera pas aux jugementsdes lecteurs. Là où cer-tains verront un « assassi-nat », d’autres parleront« d’exécution », preuve s’ilen est que non seulementles mots ne sont pasneutres mais qu’aujour-d’hui encore les passionssont vives. Olivier Dard,en s’appuyant sur les ar-chives de l’état-major del’OAS tente de retracerl’histoire de cette organi-sation et de répondre àquelques questions quel’on se pose encore à sonsujet. Stéphen ValletTempus/Perrin, 534 p., 11 €.

PHILOSOPHIE

La Société. LeçonphilosophiqueFrédéric Laupies

Alors que lethème de la so-ciété a été misau programmede certainesclasses prépara-

toires pour le concours2012, Frédéric Laupies,professeur agrégé de phi-losophie, s’emploie à ex-plorer ce thème. Habituéde la collection « Major »des PUF – une dizaine devolumes publiés sanscompter son Dictionnairede Culture générale –, Fré-déric Laupies offre ici lesqualités qui ont fait lesuccès de ses précédentstravaux : science, probitéet clarté. Parfaitementconstruit en quatregrands chapitres, ce petitvolume guide le lecteurdans une meilleureconnaissance du sujet,abordé sous divers an -gles, illustrés à chaquefois par des citations degrands auteurs. C’est surla société comme lieucommun que se terminece voyage dans une no-tion importante de la viehumaine, démontrantainsi que ce thème dé-passe largement le cadred’une simple préparationaux concours. Benoît MaubrunPUF, coll. « Major », 128 p.,12 €.

En poche>>> Suite de la page 21

HISTOIRE

Charles IVIvan Gobry

Devenu roià la suitede longuesquerellesde succes-sion, duesà l’absenced’héritiermâle

de son frère, Louis X,Charles IV, troisième filsde Philippe le Bel, sut diriger avec sagesse son royaume, encore en conflit avec l’Angleterreet la Flandre. Mais son absence d’héritier, là encore, fit passer ensuite la couronne à son cousin,Philippe VI de Valois. Cette histoire complexe de la monarchie, de ses règles et ses complots,se poursuit donc avec ce roi qui ne régnaque six ans, après être restépendant plusieurs années(le temps du règne de sonpère, puis de ses deuxfrères) dans les couloirs dupouvoir royal. Agnès CottonPygmalion, 228 p.,20,90 €.

HISTOIRE

À bord du FranceClaude Villers, Christian ClèresHabitué du France, ClaudeVillers, ancien passager ré-gulier, fait revivre l’aven-ture que représentaitchaque appareillage de cemonument qu’était ce pa-quebot. Après le récitd’une traversée (qui estégalement l’occasion d’unrappel historique), les

« chro-niques secrètesd’ungéant »nous dé-voilentcertainstraits quel’on au-rait du

mal à imaginer. Le nombrede serviettes utilisées, lesdiverses maladies, le pro-blème du ravitaillement oudiverses anecdotes sur unrythme très vivant ne peu-vent que donner un senti-ment de nostalgie pour cet-te époque où le souci duservice ainsi que l’art defaire au mieux étaient unepriorité. Agnès CottonGlénat, 288 p., 19,95 €.

23CULTURE chrétienneL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

RELIGION

Mon premier catéchisme en chantant et coloriantMadeleine Russocka

Original etparticulière-ment adaptéà des enfantsd’environ 6-8ans, ce pre-

mier catéchisme allie leplaisir du coloriage avec70 dessins simples et par-lants, à la joie du chant.De la création du mondeà l’Église, les dix chapitresdonnent une bonne based’enseignement très pé-dagogique. Le récit estentrecoupé de questionsd’enfants, de jeux, et cequ’il faut retenir est pré-senté sous forme dephrases ou de mots à ré-péter ; sans compter queles chants aident la mé-morisation. Un excellentoutil à utiliser en parois-se, à l’école ou en famille.Marie Lacroix

Éd. Transmettre, 96 p., CDde 72 minutes, 24 €.

ROMAN

La ceinture de perlesAxel Vachon

Ce deuxièmevolet du ro-man Les colonsde Nouvelle-France emmè-ne le jeune lec-teur, adoles-

cent garçon ou fille, descôtes de la Saintonge auxrives du Saint-Laurentsous le règne d’Henri IV.On y suit une jeune mé-tisse franco-huronne en-gagée comme interprèteaux côtés de SamuelChamplain, ainsi que Ré-my parti chercher l’aven-ture comme coureur desbois. Un vent frais souffledans ce roman plein desurprises, de découvertes,de dangers aussi et qui selit passionnément. Lecontexte et les person-nages historiques sont

très bien rendus, les dia-logues plausibles. On ycomprend également lesdifficultés de ces colonsfrançais, leurs espérances,leurs grandes qualitésdans ces contrées sau-vages. Un bel hommagerendu à ces pionniers hé-roïques dans l’écriture decette page de l’Histoirede France souvent mé-connue des enfants. M.L.Téqui, coll. « Défi », 250 p.,13 €.

CONTES

Les Contes de la nuitMichel Ocelot

Ces six histoi rescourtes sont ti-rées d’un filmd’animationdans lequel ungarçon, une fille

et un vieux technicien seretrouvent pour inventerdes contes dans un vieuxcinéma. Ces contes sontsuperbement illustrés.Les personnages et les

premiers plans endélicates ombreschinoises se déta-chent de décors ri-chement colorés.L’effet est remarquable.Histoires d’amour, conteafricain ou marin, ils com-mencent bien souvent àla manière des contes an-ciens, hormis qu’ils sonttous racontés au présent,ce qui rend le récit un peuplat, et sont parfois biendifférents dans leur chu-te. C’est le cas du Loup-Garou, ou de TiJean et laBelle-Sans-Connaître. Onpourra aussi regretter leschoix orthographiquesqui suivent les recom-mandations de 1990, sup-primant, entre autres, cer-tains accents circonflexes.Cela n’en reste pas moinsde très belles réalisations.Pour tous, dès 4 ans. M.L.Éd. Nathan : La Fille-Biche etle Fils de l’Architecte, 36 p.,14,90 €, Le Mousse et saChatte, 48 p., 5,50 €, Ti Jeanet la Belle-sans-Connaître,48 p., 5,50 €, La Maîtresse

des monstres, 38 p., 5,50 €,Le Loup-Garou, 44 p., 5,50 €,Le Garçon TAMTAM, 46 p.,5,50 €.

DÉCOUVERTE

La Danse, mon guide passionKate Castle

Pour toutescelles, dès 6ans, que ladanse clas-sique fait rê-ver ce très bel

album permet de se glis-ser dans les coulisses d’uncours de danse pourconnaître les pas, les posi-tions, les mouvements etexercices. Mais aussi lescostumes, conseils et as-tuces pour monter unspectacle. De très bellesphotos de danseurs, destextes courts et la présen-tation de ballets célèbrescontribuent à la réussitede cet ouvrage. M.L.Éd. Rouge et Or, 48 p.,8,95 €.

Jeunesse

Joëlle d’Abbadie

L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201124 CULTURE chrétienne

H enry VI de Shakespea -re est une tragédie his-torique en trois parties

qui fut représentée entre 1590et 1592. Il s’agit d’une œuvrecomposée au début de la car-rière du dramaturge et, selonles spécialistes, à laquelle plu-sieurs auteurs auraient partici-pé. Cette trilogie décrit essen-tiellement la fin de la guerrede Cent Ans et la montée desantagonismes entre les deuxbranches de la dynastie Plan-tagenêt prétendant à la cou-ronne, connue sous le nom deguerre des Deux-Roses. Ceconflit entre les familles Lan-caster et York dont les emblè -mes furent respectivement larose rouge et la rose blancheallait dégénérer en guerre ci-vile et compromettre grave-ment la monarchie et la stabi-lité du royaume.Le roi Henry VI (1421-1471)n’est qu’un bébé lorsque meurtson père Henry V, le vainqueurd’Azincourt. Il est couronnédès 1422 dans une Angleterredéchirée par une lutte pour lepouvoir sous la Régence duduc de Gloucester, son oncleet « protecteur du royaume »pendant toute la durée de laminorité du jeune souverain. Lesdivisions internes seront enpartie responsables de la per-te des territoires français acquissous le règne précédent. En ef-fet, après la bataille d’Orléansmenée par Jeanne d’Arc, lesgrands capitaines du royaumeSalisbury et Talbot sont vain-cus pendant l’assaut de la Pu-celle, provoquant le retrait desAnglais. Henry VI encore en-fant a aussi été couronné roi de France à Paris, tandis queCharles VII l’est à Reims !

Chauvinisme mal placéLa première partie de la piècede Shakespeare se termine,comme pour ses prédécesseurs,avec le mariage d’Henry avecMarguerite d’Anjou. Par ailleurs,Shakespeare fait preuve d’unchauvinisme de bas étage pourplaire sans doute à un publicvindicatif, en faisant traiterJeanne de sorcière pour expli-quer ses succès militaires et defemme impudique, car elleavance vêtue comme un hom-

me. Le patriotisme revanchardet injurieux hors de saison estdu même niveau que les scènesde taverne d’Henry IV et dugrossier mentor du roi, Fal-staff.Dans le deuxième volet du dra-me, outre l’aggravation de larivalité entre les clans, on pé-nètre enfin dans la psycholo-gie d’Henry qui se révèle unhomme bon, mais mauvais roi,possédant une conviction reli-gieuse profonde mais aucunesagacité politique. Son manqued’autorité semble être la cau-se du chaos dans lequel le royau-me est plongé. Les défaites an-glaises et son indécision per-sonnelle ont suscité un sérieuxmalaise social. Marguerite, lajeune épouse du souverain est,à l’opposé de son époux, unefemme de caractère. Henry VIde son côté se laisse vivre etsemble indifférent aux chosesde l’État. Sa foi en la Provi-dence le paralyse devant l’ac-tion à entreprendre. Personna-ge très shakespearien, il tergi-verse en se posant des questionssur le bien et la justice deshommes. C’est un prince en-dormi dans l’inaction qui pro-voque lui-même la rébellioncontre lui. Ainsi Henry se livre-t-il aux ambitieux dont la pré-sence est due pour beaucoup àla noblesse corrompue et aumécontentement du peuple, ce« monstre à mille têtes ». Dans le message de l’auteur,la bonté chrétienne confondueavec la faiblesse de caractèrene produit pas forcément lebien. Et la paix sociale reposedavantage sur un gouverne-ment équitable que sur un pou-voir tyrannique. Dans la troi-

sième partie du drame, Henrycède en fait sa couronne à Ri-chard d’York et Marguerites’enfuit vers la France poursauver l’intérêt de son filsÉdouard. Le malheu reux Hen-ry sera recouronné, trahi à nou-veau et enfin, fait prisonnier àla tour de Londres où il est as-sassiné par le futur Richard III. Shakespeare nous prépare ain-si à la fin du règne de la dy -nastie Plantagenêt. L’ensemblede ces tragédies historiquesnous fait aborder aussi la ques-tion de la légitimité d’un sou-verain : est-elle de nature sa-cramentelle fondée unique -ment sur le droit divin ? Oualors est-elle l’effet d’une ef-ficacité purement pragmati -que ? Dans ces histoires deve-nues autant de paraboles surl’autorité et le pouvoir, l’auteurne cesse de nous interpeller surle sens profond de nos actes.

◆Judith CABAUD

Henry VI Au théâtre des vertus RELIGION

Quelle prédication des fins dernières aujourd’hui ?Abbé Christian Gouyaud (dir.)

Pour apprécier l’importance, et l’urgen-ce, de ce recueil, il faut peut-être avoirsenti soi-même, à l’occasion d’une prédi-cation d’enterrement, ce décrochage d’attention chez tel ou tel fidèle voire ce mouvement de rejet, et combien celacoûte au prédicateur lui-même : le simplefait de rappeler que le défunt a sans doute plus besoin de nos prières que de nos louanges fait froncer des sourcils.

Il ne s’agit pas ici de montrer la paille dans l’œil de qui quece soit, mais le problème est essentiel pour l’avenir de la foichrétienne. Sous prétexte de déculpabilisation, la prédica-tion des fins dernières s’est évaporée. Or qu’est-ce qui est le pire : la peur de l’enfer ou l’enfer ? Un christianisme sans enjeu d’éternité n’est pas au-dessus d’un simple humanisme, il est en dessous, et il évacue le sérieux de nos existences. L’équipe de pasteurs réunis autour de l’abbé Gouyaud at-taque ce problème important par son fondement, à savoirl’eschatologie, soit dans l’Écriture, soit dans l’Histoire, chezsaint Irénée pour les Pères, dans la pratique du saint Curéd’Ars et dans l’œuvre de Joseph Ratzinger pour nos contem-porains. Les questions disputées du Purgatoire et du salut desenfants morts sans baptême sont traitées avec rigueur et es-pérance. En conclusion une homélie du père Chanut ramasse,peut-être de façon plus pédagogique qu’homilétique, l’essen-tiel de l’ouvrage. Voici un livre à conseiller ou à offrir à tousles prédicateurs, afin de les mettre en face de leurs responsa-bilités en ce domaine où la cura animarum (le soin desâmes) prend tout son sens et sa gravité. Didier RanceLa Nef, 274 p., 24 €.

DOCUMENTAIRE

Les derniers secretsde Toutankhamon

La légende deToutankhamona parcouru lessiè cles. Maisqui se cachederrière cetteface ? Aidé destechniques modernes, l’égyp-tologue Zahi Hawass tentede percer le mystère : quiétait-il, qui étaient ses pa-rents, quelle fut sa vie, etc. ?Ces deux DVD suivent ces re-cherches et découvertes fan-tastiques. De l’exhumationde sa momie à des analysesscientifiques poussées, puisà des recherches sur les pasdu pharaon, c’est l’Histoirede l’Égypte antique qui prendforme peu à peu. Ainsi ap-paraît un portrait nouveaudu prince. Un voyage et undocumentaire passionnant.

Marie MartinSevensept, 2 DVD,

16,99 € env.

SÉRIE

Salvator et les Mohicans de ParisD’après Alexandre Dumas

Révolte, cholé-ra, sens de l’hon-neur, tentativede retour des bo-napar tistes… tous les élémentssont réu nis pendant les an-nées 1830 pour alimenterl’intrigue de cette série té-lévisée des années soixante-dix. Le chevalier de Valgeneu -se – Salvator –, fidèle deNapo léon, est un hommed’honneur qui refu se lesbassesses. De son côté, Gi-bassier, ancien policier, maisaussi assassin, réussit à re-prendre du service. Si la re-mise en couleur de cette sé-rie la rend parfois un peufloue, elle n’en reste pas moinsune belle chronique histo-rique bien interprétée.M.M.

Koba film, 2 DVD, 8 épisodes, 25 € env.

CLASSIQUES

CollectionRKO

Il semble que lacollection RKOsoit sans fond.De nouveaux clas-siques sont sor-tis cet été. Amour, aventu-re, danger, suspens, humours’y retrouvent avec joie. Tousles genres se côtoient : unancien chef-d’œuvre, com-me celui d’Orson Welles, Ci-tizen Kane, le drame avec El-le et lui (de Leo McCarey,chef-d’œuvre qui fut reprispar Hitchcok), la comédieavec Un mariage compliqué(de Don Hartman, véritableconte de Noël avec Robert Mit-chum), le po licier avec Pris aupiège (d’Edward Dmytryk)et Nid d’espions (de RichardWallace), le western enfinavec une Femme aux revol-vers (d’Al lan Dwan) que rienn’arrête. M.M. ◆

Éd. Montparnasse, 10 € env. chaque DVD.

À travers une visite des grandes œuvres théâtrales classiques,Judith Cabaud en scrute pour nous les leçons morales.

DVD

25CULTURE chrétienneL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

C omment concilier la li-berté de conscience etl’obéissance à l’Église ?

Premier élément de réponse.Contrairement à l’animal, quiest dirigé par son instinct, la per-sonne décide souverainementde ses actes en usant de son in-telligence pour choisir sa voieet de sa volonté pour s’y en-gager. Cette intelligence et cet-te volonté constituent en quelquesorte son « poste de pilotage »dont elle use pour diriger savie. L’animal est en pilotage au-tomatique !Deuxième élément de répon-se. L’expérience montre que lamanière dont chacun use decette capacité n’est pas sansconséquence. Car on peut fai-re des choix, qui se révèlentnuisibles comme les excès d’al-cool, la consommation de dro -gue, l’usage désordonné ou dé-viant de la sexualité, mais éga-lement la surconsommation desbiens matériels, des jeux vi-déos, les visionnages porno-graphiques, etc.

Un nouvel esclavageCes choix peuvent enfermerdans de véritables esclavages,qui entravent l’usage du postede pilotage : dans le vocabulaireactuel on nomme ces escla-vages des addictions et les so-ciologues en montrent le dé-veloppement inquiétant. Pour

ma part, j’ai pris l’habitude dedistinguer le libre arbitre, ca-pacité de décider de ses voies,de la liberté véritable, qui estl’état « bienheureux » produitpar le bon usage du libre arbitre.Troisième élément de réponse.La personne adulte, à conditionde ne pas être privée par la for-ce ou toute autre contrainte del’usage de son libre arbitre,peut choisir la voie de l’obéis-sance en vue de son bien. L’obéis-sance peut donc être une voiede plus grande liberté. Pour cequi concerne les enfants, l’obéis-sance à des parents et éduca-teurs bienveillants est la ma-nière la plus adéquate pour fai-re un bon apprentissage del’usage du libre arbitre.Quatrième élément de répon-se. La liberté de conscience estressentie par chacun comme lacondition nécessaire de l’usa-

ge du libre arbitre ; elle a doncun caractère sacré, en lien avecl’éminente dignité de la person -ne humaine. Mais la Révéla-tion judéo-chrétienne nous ap-prend que la rupture originel-le avec le Créateur a fait en-trer le mal dans le monde, fra-gilisant chaque personne dès sonentrée dans la vie, obscurcis-sant l’intelligence et affaiblis-sant la volonté. Avec la grâcede la Rédemption, l’Église fon-dée par le Christ a reçu mis-sion d’être mère et éducatrice,d’éclairer les intelligences parson enseignement et de conso-lider les volontés par les sa-crements.La conscience morale est doncun merveilleux don de Dieu, maisce n’est pas elle qui décide dece qui est bien ou mal. Elle adonc besoin d’être formée à laVérité qui rend libre. Faire dulibre arbitre un absolu et de laconscience humaine le fonde-ment de la vie morale est àl’origine des graves désordresde notre société contemporai-ne. Dans l’encyclique Verita-tis Splendor, Jean-Paul II a ma-gistralement identifié tous lesaspects de cette déviance mo-derne qui a malheureusementtrouvé des adeptes dans la po-pulation catholique. Cette en-cyclique est donc à lire et à re-lire sans modération ! ◆

Père Yannik BONNET

Liberté et obéissanceQuestions au Père Yannik Bonnet LITTÉRATURE

Les Révélations de la mémoireJacqueline de Romilly On connaît bien la défuntedoyenne de l’Académiepour sa défense élégante etopiniâtre des humanités.Mais il n’est pas questionde cela dans ce petit livre :la vieillesse venue, elles’étonne du brusque surgis-sement de certains souve-nirs, qui, semble-t-il, nel’avaient pas beaucoupmarquée auparavant. Toute-fois, ne croyons pas qu’ils’agisse d’une banale auto-

biographie : il ne s’agit paspour Jacqueline de Romillyde raconter sa vie. S’inté-ressant particulièrement au moment et aux circon -stances de ces réminis-cences, recherchant leurscauses, elle propose une in-téressante réflexion sur lesujet, et conclut à l’existen-ce d’une réalité immatériel-le qu’elle appelle éternité.Qu’est-ce exactement ?, el-le l’ignore, et c’est là oùl’on eût justement appréciéqu’elle en dise plus. Philippe KersantinÉd. de Fallois, 126 p., 15 €.

REVUE

Histoire du christia-nisme magazine,n° 55, juillet-août2011 et Hors-sérien° 3, été 2011.

Ce numérod’été nousfait redé-couvriravec bon-heur Tintin,Spirou, lapatrouille

des Castors, ces héros biende chez nous, d’un cheznous empreint de culturechrétienne, qu’on leveuille ou non. C’étaitl’époque où les hérosétaient à peu près bienélevés, l’époque aussi oùles héros étaient pour laplupart des hommes…

Le hors-sérieprésentequant à luiun dossier re-marquablesur l’art ro-man, la nais-

sance d’une culture nou-velle à l’aube de l’an mil,forgée par Cluny et Cî-teaux tout à la fois. Unstyle magnifique, éclipsé àtort dans trop d’espritspar l’art gothique et qui aélevé bien des âmes. (CLD, 91, rue du MaréchalJuin, 49000 Angers).

À signaler

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L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201126 CULTURE chrétienne

P armi les gestes qui consti-tuent la liturgie, dans sesmanifestations les plus

joyeuses comme les plus dou-loureuses pour peu qu’elles re-vêtent une certaine solennité,on trouve l’encensement. Notremot encens vient du latin « in-censum » qui signifie brûlé. Àproprement dit, l’encens estune gomme-résine extraite parincision de l’écorce de diversburséracées, arbres qui pous-sent en Inde et surtout en Afrique(principalement en Abyssinie– ou Éthiopie). Pur ou bien mé-langé à d’autres résines odori-férantes (benjoin, myrrhe oulaser…), sa combustion déga-ge un parfum balsamique. Dans l’Antiquité, l’usage del’encens était quasiment uni-versel : on le brûlait en l’hon-neur de la divinité ou de ceuxqui lui étaient assimilés, com-me certains souverains. Israël connut aussi cette pra-tique. On faisait usage de coupesà encens (Nb 7, 86) et le Templerenfermait un « autel des par-fums » (Ex 30, 1-10) sur lequelchaque jour on offrait le sacri-fice de l’encens. On en sau-poudrait aussi les pains de pro-position et les offrandes de fleurde farine.

Les Mages ont offertl’encensUn évènement de la vie de Jé-sus lui donne une place dechoix : l’adoration des Mages(Mt 2, 11). « L’encens et lamyrrhe [étant] surtout sym-boles de Dieu » (Jean Chryso-stome, Homélie 8 sur Matthieu,n. 1), c’est la première mani-festation de la divinité (théo-phanie) de Jésus.Les premiers temps du chris-tianisme ont sévèrement écar-té l’encens. En effet, les païensle faisaient fumer pour hono-rer les dieux et l’empereur etles persécuteurs voulaient queles partisans de la nouvelle re-ligion en fassent autant. Cen’est qu’au IVe siècle, avec lafin des persécutions et le dé-clin du paganisme, que l’encenscommence à prendre place dansle culte. Constantin lui-mêmeoffrit deux brûle-parfums d’orà la basilique du Latran. L’en-

cens ne semble alors avoir defonction qu’odoriférante et l’onn’« encense » pas encore com-me on le fait aujourd’hui.L’une des formes les plus an-ciennes de l’encensement futcelle de l’autel, d’abord lorsde sa consécration. Aux quatrecoins et au centre de la table,on dispose des grains d’encensque l’on brûle pendant que lechœur chante des antiennes ti-rées de l’Apocalypse, dont celle-ci : « Et de la main del’Ange la fumée des aromatess’éleva devant la face du Sei-gneur » (Ap 8, 4). Encore ac-tuellement, on encense deuxfois l’autel au cours de la mes-se solennelle : à l’arrivée et àla fin de l’offertoire.Assez tôt l’action de brûler del’encens a connu deux sensprincipaux. Le pape saint Gré-goire (✝ 604) reprend d’abordla signification païenne d’hon-neur réservé à Dieu : offrir l’en-cens à l’Enfant Jésus, c’est re-connaître « que celui qui a pa-ru dans le temps était Dieuavant tous les temps. » Le pa-pe ajoute, et c’est le deuxièmesens : « L’encens brûlé en l’hon-neur de Dieu désigne la puis-sance de la prière, ainsi qu’entémoigne le psalmiste : “Quema prière s’élève devant ta fa-ce comme l’encens” (Ps 141,2) » (Homélie 10 sur les Évan-giles, n. 6). Et c’est précisémentce verset du psaume que re-prennent les prières d’encen-sement des dons, à l’offertoi-re. Outre l’autel, à la messe so-lennelle, on encense l’évangé-

liaire avant la lecture, les mi-nistres et le peuple – « Corpsmystique du Christ » – et leCorps et le Sang du Christ, àl’élévation.En dehors de la messe, l’encensconnaît encore d’autres em-plois qui relèvent de l’une oul’autre signification ; il sert parexemple aux obsèques à ho-norer le corps des défunts, de-venu au baptême « temple duSaint-Esprit » (1 Co 6, 19).À l’encensement de l’offertoi-re, le prêtre demande que la« prière monte comme l’en-cens ». Il demande aussi « quedescende sur nous votre misé-ricorde ». Quelle plus belle re-tombée espérer ? ◆

Pierre JULIEN

Que ma prière montecomme l’encens

L’Esprit de la liturgie RELIGION

Voici ta mère. Itinéraire théologique et spirituel avec Jean-Paul IIMarie-Van Meurice

Pendant deux ans, de 1995 à 1997, le bienheureux Jean-Paul II a consacrésoixante-dix catéchèses du mercredi auCredo catholique, y développant notam-ment le thème de « Marie dans le mystèredu Christ et de l’Église ». L’étude émer-veillée de cet enseignement, dans le cadrede la préparation d’une maîtrise en théolo-gie, a conduit le père Marie-Van, religieuxau Carmel de la Vierge Marie Missionnai-

re situé au Pradier (diocèse de Valence), à la rédaction de cet ouvrage dont on peut dire sans hésiter qu’il constitue un remarquable traité de mariologie. En s’appuyant aussi sur des écrits de Pères de l’Église, de théologiens et de mystiques, l’auteur porte un regard très pénétrant sur la place unique de Marie dans l’Histoiredu salut et au cœur de la vie chrétienne. Le fil conducteurde sa démonstration consiste à scruter tout ce qui concernela participation réelle et efficace de la mère du Christ à l’œuvre de la Rédemption, non seulement pendant sa vie terrestre, mais aussi depuis qu’elle a rejoint son Filsdans le Ciel de Dieu. Les passages de l’Évangile qui la concernent, et dont certains peuvent déconcerter, sont expliqués avec une pédagogie éclairante. À propos du dogme de l’Assomption, où Pie XII, qui l’a proclamé en 1950, n’a pas précisé les modalités de sa réalisation, le père Marie-Van penche pour la thèse d’une véritable mort de Marie, à l’imitation de Jésus. Marie mère des hommes, comme le Christ l’a voulu sur la Croix, et Marie mère de l’Église, comme l’a déclaré le concile Vatican II, constituent les deux aspects essentiels de cette vocation extraordinaire. Faut-il maintenant comptersur un nouveau dogme qui donnerait à Marie le titre de « co-rédemptrice », pour satisfaire l’attente de certains catholiques ? Avec humilité, l’auteur ne prend pasposition sur ce point, préférant s’en remettre à l’autorité et à la sagesse des papes. Malgré son volume, ce livre ne doit pas décourager car il nelasse pas. Au contraire : servi par un style limpide, méditatifet savoureux, il entraîne spontanément le lecteur à une atti-tude d’oraison et à l’action de grâces pour l’amour incom-parable de Dieu envers ses créatures humaines. Avec Voicita mère, le père Marie-Van nous offre réellement une œuvremagnifique. Annie LaurentAd Solem, 442 p., 35 €.

Tandis que l’encens s’élève vers Dieu, sa miséricordedescend sur l’assemblée en prière.

• Pèlerinage marial des mèresde famille les 24-25 septembreaccompagné par les frères etsœurs de Saint-Jean sur le thè-me « La ferveur de l’Amour »,de Saint-Quentin-sur-Indrois à Pellevoisin.Rens. et insc. : Marie Lorrainede Fautereau, tél. : 02 54 38 7372 ou 06 16 32 72 64 – [email protected] –www.pellevoisin.net

• Semaine Thérésienne (27sept. au 2 oct.) avec les re-liques de sainte Thérèse :« Missionnaire à l’école deThérèse et de Jean-Paul II »,avec Mgr de Dinechin, pèreMarie-Michel, frère Marie-Angel,… Célébrations, soiréesde prière, conférences,…

Lieu : Sanctuaire Sainte-Thérèse, 40, rue La Fontaine,Paris XVIe. Tél. : 01 44 14 75 75 –www.semainetheresienne.org

• Geneviève Bayleexpose ses œuvresà l’occasion des Jour-nées européennesdu Patrimoine les 17-18 septembre de 14 hà 18 h au Séminairedes Barbelés, rue desBellangères, 28630 Le Coudray.

• Forum organisé par l’associa-tion « Eleutheros, pour le droitd’être chrétien », les 24 et 25septembre au Domaine de La Castille (Toulon – La Crau) surle thème « Religions et droits del’homme ». Interventions de Fa-

brice Hadjadj, Marc Fromager,des pères Édouard Divry, de Bli-gnières,… Nombreux témoi-gnages, tables rondes.Rens. et ins. : Eleutheros, pourle droit d’être chrétien, 14, pla-ce Claudel, 78180 Montigny-le-Bretonneux.

• L’Association des amis dubienheureux pape Urbain V(1310-1370) tiendra son assem-blée générale le samedi 1er oc-tobre à Avignon, à la Maisondiocésaine, 31, rue Paul Manivet. Messe à 11 h en la collégiale Saint-Pierre célébrée par Mgr Cattenoz. Programme et rens. : GénéralMerle : 04 66 47 70 78 – [email protected] –www.pape-urbain-v.org

>Pèlerinage - Spiritualité - Divers

27CULTURE chrétienneL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

S imon de Montfort est undes personnages les plusdiffamés et les plus dé-

criés de l’Histoire de l’Église.On lui attribue la responsabi-lité du massacre de Béziers, le22 juillet 1209, lors de la croi-sade contre les Cathares, et la

p h r a s e :« Tuez-lestous, Dieureconnaîtrales siens. »DominiquePaladilhe dé-truit cette lé-gende. Il rap-pelle que laphrase a été

imputée, à partir du XVe siècleseulement, non pas à Simon deMontfort mais à Arnaud Amau-ry, le légat pontifical de cettecroisade. De toute façon, les cir-constances du pillage de Bé-ziers rendent improbable cet-te phrase. « Quant à Simon deMontfort, écrit Dominique Pa-ladilhe, il n’était ni chef de lacroisade, ni même un de sesprincipaux acteurs. »Cette biographie (il aurait fal-lu préciser qu’il s’agit de la réédition d’un livre publié en1988 chez un autre éditeur)porte, pour l’essentiel, sur lacroisade contre les Albigeois(1209-1218) et la part, gran -dis san te, qu’y a prise Simonde Montfort. Dominique Pa -ladilhe mon tre bien que dansles violences qu’on lui repro -che, les mutilations par exem -ple, « ses adversaires lui furenttrès supérieurs » ; qu’en li-vrant au bûcher des hérétiques,« il n’a agi qu’avec l’assenti-ment et sous la pression desreprésentants de l’Église ». Enfait, sa conduite de la guerrecontre les Cathares fut à l’ima-ge de beaucoup de guerres dutemps.Dominique Paladilhe, Simonde Montfort et le drame ca-thare, Via Romana, 262 p.,23 €.

E n 1848, Karl Marx et Frie -drich Engels publiaientle Manifeste du Parti com-

muniste ; l’année même où unerévolution amenait en Franceune nouvelle chute de la mo-

narchie. Cette même année, Al-fred Sudre publiait une His-toire du communisme. Le sous-titre de l’ouvrage disait bien lebut de l’auteur : Réfutation desutopies socialistes.En fait il ne réfutait pas lesdoctrines de Marx et d’Engels,mais il montrait, à travers l’His-toire, comment se sont déve-loppées et répétées les utopiessocialistes et communistes.C’est pourquoi la rééditiond’aujourd’hui porte un titre unpeu modifié : Histoire du com-munisme avant Marx.Après L’Utopie de Thomas Mo-re (1516) et La Cité du soleildu dominicain Campanella(1630), la première moitié duXIXe siècle a vu se développerles théories utopistes (Cabet,Fourier, etc.) et même les ten-tatives de « communautés

idéales » en France et aux États-Unis. Au XVIe siècle déjà, dessectes protestantes (notammentles anabaptistes) avaient tentéaussi de créer des « cités sain -tes ». Avec cette différence quele livre de Thomas More (quimourra martyr) était un jeu in-tellectuel, pas un projet de so-ciété.En conclusion de son livre, Al-fred Sudre écrivait fort juste-ment : « L’erreur capitale deces doctrines et de ces partisconsiste à sacrifier la libertéà l’égalité. (…) C’est là mé-connaître le lien intime qui rat-tache l’idée de l’égalité à cel-le de la liberté ; c’est mécon-naître la nature humaine. Dansl’ordre moral, la notion d’éga-lité n’est point antérieure à cel-le de la liberté ; elle en est aucontraire la conséquence, lecorollaire. »Alfred Sudre, Histoire ducommunisme avant Marx,Éd. du Trident, 460 p., 25 €.

L azard Frères, fondée le 12 juillet 1848, à La Nouvelle-Orléans, par trois

frères, fut d’abord une sociétéde commerce de « marchan-dises sèches », c’est-à-dire destissus, cotonnades et articlesde confection. Les fondateurs

sont issus d’une famille juiveinstallée en Lorraine à la fin duXVIIIe siècle. Après avoir étévendeurs ambulants en Fran-ce, les frères Lazard ont émi-gré aux États-Unis en 1841. Lemagasin qu’ils y établissent valeur ouvrir la voie de la fortu-ne. À leur activité de commercede détail, ils ajoutent bientôt uneactivité de grossiste et prati-quent la vente à crédit aux col-porteurs qu’ils fournissent enmarchandises. En 1850, ilss’installent à San Francisco.Une fois encore, leur activités’élargit. Ils reçoivent de l’ar-gent en dépôt, font des trans-ferts vers l’Europe et font desprêts à court terme. En 1876,Lazard Frères devient unebanque. Grâce aux membresde la famille revenus ou restésen Europe, Lazard Frères serala première banque privée in-ternationale d’origine françai-se, avec des sièges à New York,Londres et Paris. Elle aura unrôle important pendant la Pre-mière Guerre mondiale, en ai-dant au financement de la guer-re — sans avoir un jeu troublecomme d’autres banquiers juifsaméricains (la banque KuhnLoeb et Jacob Schiff).On attend avec intérêt la suitede cet ouvrage, bien écrit, quis’appuie sur les archives fa-miliales.Guy de Rougemont, LazardFrères. Banquiers des DeuxMondes (1840-1939), Fayard,558 p., 28 €.

Yves CHIRON

Simon de Montfortréhabilité

Chronique d’histoire Mots croisésHorizontalement1. En deux motset pour L’HommeNouveau, nous ysommes ! 2. La« barbe de Jupi-ter », par exemple– La loi du silen-ce. 3. Chef arabe– Comporte ungrand nombred’années. 4. Com-bien étaient ceuxde Noailles ? –Sans dieu ni maî -tre. 5. Rouspéta– Estuaire en par-tie. 6. Premièresen lettres – Enpierre – Posses-sif. 7. Empire éclaté – Hausse la note. 8. Un pays venteux – Com-porte vingt et un points pour jouer. 9. Jeunes d’aujourd’hui –Quatre cents au cinéma. 10. Plein de soi – Sans motif – Refusade passer à table. 11. Indique l’année – Précieuse conjonction.12. Patrie de Zénon – Porte beau.

VerticalementA. Dimanche où l’on chante Invocavit me. B. Vieilles habitudes– Supplément populaire – Mille autrefois. C. Difficile à évaluer.D. A de la branche – Très diminué quand il est doublé – La pre-mière constatée inquiète beaucoup les dames. E. Ne peut se di-viser par lui-même – Lac d’Italie. F. Petites baies mais pas su-crées… – Cité élamite. G. Tranquilles et silencieux – Bleu et blanc.H. La ville de la dépêche – Tue en gros. I. Négation – Coule enItalie – En règle. J. On s’y met pour être comme le 2 du 12 hori-zontal. K. Johann, Joseph, Eduard, Richard et les autres – Sur-veillant d’autrefois. L. Changea d’air – Défriché. D.H.(La solution au prochain numéro)

Solution du n° 1499 daté du 27 août 2011Horizontalement : 1. Salut des âmes. 2. Adonaï – Trait. 3. Ni –Stop – Lô. 4. Sergent-major. 5. Cure – Ecaj – Fi. 6. Ney – Toi. 7.Lapin – Lingot. 8. Orate – Etna. 9. Troupe – East. 10. Tension –Ès. 11. Et – Slips – No (N.-O.). 12. Saboté – Vendu.Verticalement : A. Sans-culottes. B. Adieu – Arrêta. C. Lo – Rr– Paon. D. Unigenitus. E. Ta – Enepist. F. Disney – Éole. G. T.T.C.– Le – Ni. H. Stomatite – P.V. I. Arpajonnaise. J. Ma – Igas. K. Ei-lof (folie) – Tend. L. Storiste – Sou.

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De Luther à Benoît XVIdu père Michel Viot

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HN

1500

« De Luther à Benoît XVI, le père Michel Viotpublie un livre d’entretien, où il donne les cléspour comprendre son itinéraire. Un chemi-nement étonnant, placé sous le signe de larecherche de la vérité (…). »

Famille chrétienne n° 1744 du 18 au 24 juin 2011

« En homme libre, le père Michel Viot a dé-cidé de parler en témoin irrécusable, sanscraindre de bousculer les idées reçues. »

Benoît-et-moi.fr

Jean-Antoine Ozanam etson épouse Marie vivent àMilan lorsque naît leur fils Fré-déric, en 1813. Ils reviendrontà Lyon en 1816. L’éducation queFrédéric reçoit de ses parents,inlassablement dévoués à Dieuet aux pauvres, le marque pro-fondément : « C’est sur les ge-noux de ma mère que j’ai ap-pris votre crainte, Seigneur, etdans ses regards votre amour. »Mais l’enfant est né chétif. Àsix ans une fièvre typhoïde leterrasse, et c’est grâce à l’in-tervention miraculeuse de saintJean-François Régis, ardem-ment prié par les siens, qu’ilguérit de cette grave maladie.

D’une pureté angélique, d’unesincérité sans artifice, remplid’une tendre compassion pourtoute souffrance, Frédéric n’acependant pas un caractère fa-cile. Dans une lettre à un an-cien camarade de classe, il sedécrit ainsi : « Je ne fus jamaisplus méchant qu’à l’âge de huitans. J’étais devenu entêté, co-léreux, désobéissant. On mepunissait, je me raidissais contrela punition. J’étais paresseuxau suprême degré. Il n’y avaitpas d’espiègleries qui ne me vinssent à l’esprit. » Quand ila neuf ans, son père l’inscrit auCollège royal de Lyon pour ysuivre la classe de cinquième.

Son caractère s’assouplit, grâ-ce à la bonté de ses professeurs.À quinze ans, Frédéric traver-se une période de doutes contrela foi. Influencé par le climatd’incrédulité qui règne, il finitpar se demander pourquoi ilcroit. Les découvertes récentesde la science ne contredisent-elles pas la foi ? La raison peut-elle connaître avec certitudel’existence de Dieu ? Ces ques-tions le préoccupent. Au plus

fort de l’épreuve, il promet auSeigneur, s’il daigne faire brillerla vérité à ses yeux, de consa-crer sa vie entière à la défendre.Dieu l’entend et le conduit àl’abbé Noirot. Ce prêtre, pro-fesseur de philosophie, lui ap-prend à étayer sa foi par unusage correct de sa raison.

La science et la foiL’abbé Noirot aime à prendreFrédéric pour compagnon de sespromenades. Alors s’agitententre le maître et le disciple lesquestions de l’harmonie de lascience et de la foi. Peu à peu,les doutes de Frédéric cèdentla place à la certitude. « De-puis quelque temps, écrira-t-ilplus tard, je sentais en moi-même le besoin de quelque cho-se de solide où je pusse m’at-tacher et prendre racine, pourrésister au torrent du doute. Etvoici qu’aujourd’hui mon âmeest remplie de joie et de conso-lation. D’accord avec ma foi,ma raison a retrouvé présen-tement ce catholicisme qui mefut enseigné par la bouche d’uneexcellente mère et qui fut sicher à mon enfance. »En 1830, les parents de Frédé-ric envoient leur fils à Parisafin qu’il y étudie le droit. Là,Frédéric réunit un groupe de jeu -nes catholiques intelligents etfermes : « Nous éprouvions lebesoin de fortifier notre foi aumilieu des assauts que lui li-vraient les systèmes divers dela fausse science. » Ils instau-rent des « Conférences d’His-toire et de Littérature », c’est-à-dire des réunions « d’amistravaillant ensemble à l’édifi-cation de la science sous l’éten-dard de la pensée catholique ».La formation doctrinale est, eneffet, d’une grande importan-ce, car les intelligences ont be-soin d’être éclairées par les vé-rités révélées, sur Dieu, NotreSeigneur Jésus-Christ et sonÉglise. Mais la formation doctrinaleet les échanges historiques avecses amis de toute croyance nesuffisent bientôt plus à Oza-nam. Au cours des « Confé-rences d’Histoire », des audi-teurs objectent : « Vous avezraison, si vous parlez du pas-sé : le catholicisme a fait au-trefois des prodiges ; mais au-jourd’hui, il est mort. Et en ef-

L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201128 FIGURES spirituelles

Soucieux de servir Dieu par des œuvres de bienfaisance le jeune étudiant Frédéric Ozanamfonda l’œuvre des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul. Universitaire engagé, époux et père de

famille heureux, profondément marial, il mourutun 8 septembre à 40 ans en offrant sa vie à Dieu.

“La bénédictiondu pauvre estcelle de Dieu.”

Un chrétien socialau XIXe siècle

BienheureuxFrédéric Ozanam

Repères>23 avril

1813Naissance à Milan deFrédéric Ozanam.

>1830Il monte à Paris faire sesétudes de droit.

>23 avril1833

Inauguration avec sixamis, d’une « Conférencede charité » sous le pa-tronage de saint Vincentde Paul.

>23 juin1841

Frédéric Ozanam épouseAmélie Soulacroix.

>8 sept.1853

Il décède d’une pleuré-sie.

>22 août1997

Jean-Paul II le béatifie àParis.

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fet, vous qui vous vantez d’êtrecatholiques, que faites-vous ?Où sont les œuvres qui dé-montrent votre foi et qui peu-vent nous la faire respecter etadmettre ? ». Touché par ce re-proche providentiel, Ozanams’écrie : « Pour que notre apos-tolat soit béni de Dieu, unechose lui manque : les œuvresde bienfaisance. La bénédictiondu pauvre est celle de Dieu. »Et, sans tarder davantage, il semet à l’œuvre. Avec un ami quipartage sa chambre d’étudiant,il porte chez un pauvre hom-me le peu de bois de chauffa-ge qui lui reste pour les der-niers mois de l’hiver.

Aimer le Christ souffrantAussi, pour Ozanam, les œuvresde charité sont-elles le moyenconcret d’aimer le Christ dansses membres souffrants : « Lespauvres, nous les voyons desyeux de la chair. Ils sont là.Nous pouvons mettre le doigtet la main dans leurs plaies, etles traces de la couronne d’épinessont visibles sur leurs fronts.Nous devrions tomber à leurspieds et leur dire avec l’Apôtre :“Vous êtes mon Seigneur etmon Dieu ! Vous êtes nos maî -tres et nous serons vos servi-teurs…” ». Le 23 avril 1833,Frédéric et six de ses amis inau-gurent une « Conférence decharité », sous le patronage desaint Vincent de Paul. Ainsinaissait l’œuvre des Conféren -ces de Saint-Vincent de Paulqui compte aujourd’hui 800 000membres répartis en 47 600Conférences, dans 132 pays.« Je veux, avait dit Ozanam, en-serrer le monde entier dans unréseau de charité. » À l’au-mône matérielle, les nouveaux« confrères » joignent la mi-

séricorde spirituelle : « Ins-truire, conseiller, consoler,conforter sont des œuvres demiséricorde spirituelle, com-me pardonner et supporter avecpatience » (CEC n. 2447).Les secours matériels et spiri-tuels apportés aux pauvres ma-nifestent la vitalité de la cha-rité chrétienne. Mais Ozanamélargit ses vues et, face à la si-tuation de son époque, consi-dère les exigences de la chari-té au plan social et politique :« La question qui divise leshommes de nos jours, dit-il,n’est pas une question de formespolitiques, c’est une questionsociale : c’est de savoir quil’emportera de l’esprit d’égoïs-me ou de l’esprit de sacrifice,si la société ne sera qu’unegrande exploitation au profitdes plus forts ou une consé-cration de chacun au servicede tous. »« L’exploitation au profit desplus forts », dont parlait Oza-nam, apparaît aujourd’hui dansl’élimination des êtres faiblesque sont les enfants à naître.C’est pourquoi l’Église ne ces-se de dénoncer le crime del’avortement. Elle exhorte tousles hommes et spécialementles chrétiens à mettre en œuvreleur ingéniosité pour secourirles femmes enceintes exposéesà ce drame. Le mépris de la viese manifeste aussi dans l’eu-thanasie. La mission des chré-tiens est de venir en aide à tousceux que ce mal menace : ma-lades en phase terminale, per-sonnes âgées, handicapées, etc.Un accompagnement moral etspirituel, des soins palliatifsadaptés peuvent être d’un grandsecours dans ce domaine.La toxicomanie (drogue) estégalement un fléau de la sociétémoderne. Il atteint tous les mi-

lieux et toutes les régions dumonde. Dès l’école, l’usage decertaines drogues se banalise.La distinction entre droguesdouces et drogues dures favo-rise ce mal.

Vocation religieuse ou mariage ?Quelques années passent. Oza-nam a reçu deux fois le gradede docteur ; brillant agrégé dela Faculté de Paris, il est enpossession de la chaire de Droitcommercial à Lyon, demain ilsera professeur à la Sorbonne.Mais son état de vie n’est pasfixé et il hésite entre la voca-tion religieuse et le mariage. Lorsqu’en 1839, le père La-cordaire s’emploie à restaureren France l’Ordre dominicain,Ozanam s’en fait envoyer laRègle. Il échange plusieurslettres avec l’éminent prédica-teur. La consécration totale àDieu, par le vœu de chasteté,attire Frédéric. D’un autre cô-té, il réfléchit sur l’union conju-gale pour laquelle il a d’abordde fortes réticences.Peu à peu, au contact d’amisqui se marient, ses idées évo-luent. Il écrit à l’un d’eux :« Vous puiserez dans la ten-dresse de celle qui va s’unir àvous des consolations aux joursmauvais, vous trouverez dansles exemples de cette compagnedu courage dans les temps pé-rilleux, vous serez son angegardien, elle sera le vôtre. » Unjour, rendant visite au recteurde l’Académie de Lyon, Jean-Baptiste Soulacroix, il aper-çoit, par hasard, une jeune fillequi donne tendrement ses soinsà son frère paralysé. « L’ai-mable sœur et l’heureux frère !,pense-t-il, comme elle l’ai-me ! ». C’est l’image vivantede la charité qui vient de lui ap-

paraître en Amélie Soulacroix,fille du recteur. Le souvenir decette scène ne le quitte plus. Cet-te jeune fille réalise l’idéal qu’ils’est fait de la femme chré-tienne. Le mariage avec Amé-lie a lieu le 23 juin 1841.

Une vie trop courtePar une disposition mystérieusede la Providence, cette vie sipleine devait bientôt s’ache-ver. En 1852, Frédéric a 39 ans.Il n’a jamais eu beaucoup desanté. Tout ce qu’il a fait, il l’afait en souffrant ; son teint li-vide le proclame assez haut.Une pleurésie va l’emporter en18 mois. Le jour de ses 40 ans,23 avril 1853, il rédige son tes-tament : « Je sais, écrit-il, quej’ai une femme jeune et bien-aimée, une charmante enfant,beaucoup d’amis, une carriè-re honorable, des travauxconduits précisément au pointoù ils pourraient servir de fon-dement à un ouvrage longtempsrêvé. Voilà cependant que jesuis pris d’un mal grave, opi-niâtre… Faut-il, mon Dieu,quitter tous ces biens que vous-même m’avez donnés ? Ne voulez-vous point, Seigneur,d’une partie du sacrifice ? La-quelle faut-il que je vous im-mole de mes affections déré-glées ? N’accepteriez-vous point

l’holocauste de mon amour-propre littéraire, de mes am-bitions académiques, de mesprojets même d’étude, où semêle peut-être plus d’orgueilque de zèle pour la vérité ? Sije vendais la moitié de meslivres pour en donner le prixaux pauvres ; et si, me bornantà remplir les devoirs de monemploi, je consacrais tout lereste de ma vie à visiter les in-digents, à instruire les ap-prentis…, Seigneur, seriez-voussatisfait, et me laisseriez-vousla douceur de vieillir auprès dema femme et d’achever l’édu-cation de mon enfant ? Peut-être, mon Dieu, ne le voulez-vous point. Vous n’acceptezpoint ces offrandes intéres-sées… C’est moi que vous de-mandez… Je viens. » Le 8 sep-tembre 1853, vers vingt heures,en la fête de la Nativité de laTrès Sainte Vierge, FrédéricOzanam exhale doucement unlong soupir. C’est le dernier. Ma-rie est venue chercher son en-fant bien-aimé et l’introduiredans l’inexprimable joie del’Infini. ◆

Un moine bénédictin

Vient de paraître : Fré-déric Ozanam, la cau-se des pauvres, de Jacquesde Guillebon, Éd. deL’œuvre, 144 p., 20 €.

FIGURES spirituellesL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

Zoom

La nomination en janvier 1841 de FrédéricOzanam comme professeur d’Histoire deslittératures étrangères à la Sorbonne, luifournit le moyen de répondre à sa voca-tion d’apologiste. Il va s’appliquer àmettre en valeur la religion catholique àpartir de l’Histoire. Voici ce qu’il écrit en1846 : « Toute l’irréligion en France procèdeencore de Voltaire et je ne pense pas queVoltaire ait de plus grand ennemi quel’Histoire. Et comment ses disciples n’au-raient-ils pas peur de ce passé qu’ils outra-gent, et qui les écraserait s’ils osaient s’enapprocher !… Grattons le badigeon que lacalomnie a passé sur les figures de nos

pères dans la foi et quand ces imagesbrilleront de tout leur éclat, nous verronsbien si la foule ne viendra pas les hono-rer ». L’influence civilisatrice de l’Église estpour Ozanam une preuve apologétiquede poids, constatable par tout historienimpartial. Aussi entreprend-il d’enseignerpuis d’écrire l’Histoire du Moyen-Âge, duVe au XIIIe siècle, ouvrage que sa mort lais-sera inachevé : « Toute la pensée de monlivre, dit-il, est de montrer comment lechristianisme sut tirer des ruines romaineset des tribus campées sur ces ruines, unesociété nouvelle, capable de posséder levrai, de faire le bien et de trouver le beau ».

L’apologiste

>Retraites• Avec les pèresde Saint-Josephde Clairval :Exercices spiri-tuels pourhommes (à p.de 17 ans) du 26 sept. au 1er

oct. à Cotignac ; du 27 oct. au 1er nov. et du 8 au 13 nov. àFlavigny ; du 27 oct. au 1er nov.à Chézelles.Rens. et insc. : Abbaye Saint-Joseph de Clairval, Exercicesspirituels, 21150 Flavigny-sur-Ozerain. Tél. : 03 80 96 22 31 –fax : 03 80 96 25 29 – [email protected] –www.clairval.com

• Retraite de préparation aumariage les 8 et 9 octobre,avec les Chanoines réguliersde la Mère de Dieu, au mo-nastère des Chanoinesses àAzille (Aude).Rens. : Frère Raphaël, tél. : 04 68 58 11 58 – [email protected]

• L’Œuvre des retraites de laFraternité Saint-Pierre propo-se : les Exercices spirituels desaint Ignace pour hommes etjeunes gens (à p. de 17 ans) du28 oct. au 2 nov. à la maison

Saint-Maurice près d’Annecy ;pour dames et jeunes filles (à p. de 17 ans) du 23 au 28 oct. à la maison Saint-Maurice près d’Annecy ; pour tous (à p. de 17 ans) du 5 au 10 nov. à Lourdes.Rens. et insc. : Mme Chevet,tél. : 09 62 11 60 89 –[email protected] –http://fssp.retraites.free.fr

• Exercices spirituels de saintIgnace donnés par l’abbé Laffargue pour dames etjeunes filles (à p. de 17 ans)du 2 au 7 oct. en Alsace et du 6 au 11 nov. à Ars-sur-Formans (01).Rens. et insc. : Exercices spirituels, 52, place de l’église,01250 Tossiat. Tél. : 04 74 51 6152 – [email protected]

• Retraite avec un chanoinede Lagrasse du 10 au 13 nov.au monastère des Sœurs deBethléem, chemin du Picha-rot, Saint-Pé-de-Bigorre (65)pour foyers, célibataires etjeunes. Thème : « L’oraison,comment concilier vie deprière et vie active ». PAF :140 €.Rens. : Guillaume d’Alançon :06 80 73 90 14.

J’adresse un salut à tous,et particulièrement aux jeunesqui m’ont posé leurs questionset je les remercie de la sin-cérité avec laquelle ils ontexprimé des inquiétudes qui,d’une certaine manière, tra-duisent votre aspiration una-nime à faire quelque chosede grand dans votre vie,quelque chose qui vous don-ne le bonheur en plénitude.Mais comment un jeune peut-il être fidèle à la foi chrétien-ne et vivre en cherchant à at-teindre de grands idéaux dansla société actuelle ? Dans l’évan-gile que nous avons écouté, Jé-sus nous donne une réponse àcette question importante :« Comme le Père m’a aimé,moi aussi je vous ai aimés ; de-meurez dans mon amour » (Jn15, 9).Oui, chers amis, Dieu nous ai-me. Telle est la grande véritéde notre vie, celle qui donne sensà tout le reste. Nous ne sommespas le fruit du hasard ou de l’ir-rationnel, mais, à l’origine denotre existence, il y a un pro-jet d’amour de Dieu. Demeu-rer dans son amour, c’est vivreenraciné dans la foi, parce quela foi n’est pas la simple acceptationde vérités abstraites, mais une

relation intime avec le Christqui nous amène à ouvrir notrecœur à ce mystère d’amour età vivre comme des personnesqui se savent aimées de Dieu.

Demeurez dans l’amourSi vous demeurez dans l’amourdu Christ, enracinés dans la foi,vous rencontrerez, même aumilieu des contradictions et dessouffrances, la source de la joieet de l’allégresse. La foi nes’oppose pas à vos idéaux lesplus élevés ; au contraire, elleles exalte et les porte à leurperfection. Chers jeunes, nevous conformez pas à moins qu’àla vérité et à l’amour, ne vousconformez pas à moins qu’auChrist. C’est précisément maintenantau moment où la culture rela-tiviste dominante refuse et dé-précie la recherche de la véri-té – la plus haute aspiration del’esprit humain – que nous de-vons proposer avec courage ethumilité la valeur universelledu Christ comme Sauveur detous les hommes et source d’es-pérance pour notre vie. Lui,qui a pris sur lui nos afflictions,connaît bien le mystère de ladouleur humaine et montre sa

présence aimante à tous ceuxqui souffrent. Ceux-ci, à leurtour, unis à la Passion du Christ,participent de plus près à sonœuvre de rédemption. En outre,notre attention désintéresséeenvers les malades et les per-sonnes dans le be-soin sera toujours untémoignage humbleet silencieux du vi-sage de la compas-sion de Dieu.

N’ayez paspeurChers amis, qu’au-cune adversité nev o u s p a r a l y s e .N’ayez pas peur dumonde, ni de l’avenir, ni devotre faiblesse. Le Seigneurvous a donné de vivre en ce mo-ment de l’Histoire, pour que,grâce à votre foi, son Nom re-tentisse sur toute la terre.En cette veillée de prière, jevous invite à demander à Dieude vous aider à découvrir votrevocation dans la société et dansl’Église, et à persévérer en el-le avec joie et fidélité. Il vautla peine de sentir en nous-mêmes l’appel du Christ et desuivre avec courage et générositéle chemin qu’Il nous propose.Le Seigneur appelle beaucoupd’entre vous au mariage, où un

homme et une femme, en ne for-mant qu’une seule chair (cf.Gn 2, 24), se réalisent en uneprofonde vie de communion. C’est un horizon tout à la foislumineux et exigeant, un pro-jet d’amour véritable qui se re-

nouvelle et s’ap-profondit chaquejour par le partagedes joies et des dif-ficultés, et qui se ca-ractérise par uneoffrande de la per-sonne tout entière.C’est pourquoi re-connaître la beau-té et la bonté dumariage, c’est êtreconscient du fait

que seul un contexte de fidéli-té et d’indissolubilité ainsi qued’ouverture au don divin de lavie est en accord avec la gran-deur et la dignité de l’amourdes époux. À d’autres, en revanche, leChrist lance un appel à le suivrede plus près dans le sacerdoceet la vie consacrée. Que c’estbeau de savoir que Jésus techerche, te fait confiance et,avec sa voix reconnaissableentre toutes, te dit aussi à toi :« Suis-moi » (cf. Mc 2, 14).Chers jeunes, pour découvriret suivre fidèlement la formede vie à laquelle le Seigneur ap-

pelle chacun, il est indispensablede demeurer dans son amourcomme des amis. Or, commentse conserve l’amitié sinon parla fréquence des rencontres, laconversation, le fait d’être en-semble et de partager les joieset les peines ? Sainte Thérèsede Jésus disait que la prièreconsistait à « parler de l’ami-tié en étant bien souvent seulspour parler avec celui dontnous savons qu’Il nous aime »(cf. Livre de la vie, 8).

Adorer le ChristJe vous invite encore à de-meurer maintenant dans l’ado-ration du Christ réellement pré-sent dans l’Eucharistie, à dia-loguer avec lui, à lui exposervos questions et à l’écouter.Chers amis, je prie pour vousde tout cœur ; je vous suppliede prier aussi pour moi. En cet-te nuit, demandons au Seigneurqu’attirés par la beauté de sonamour, nous vivions toujoursfidèlement comme ses disciples.Amen.Chers amis, merci pour votrejoie et pour votre résistance !Votre force est plus grande quela pluie. Merci ! Par cette pluie,le Seigneur nous a envoyéd’abondantes bénédictions. Encela, vous êtes aussi un exemple.

L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

Des milliers de jeunes ont répondu à l’appel du Pape à prier et adorer le Christ.

Seigneur Jésus-Christ, frère, ami et Rédempteur del’Homme, regarde avec amour les jeunes réunis ici etouvre pour eux la source éternelle de ta miséricorde

qui coule de ton Cœur ouvert sur la croix. Dociles à ton ap-pel, ils sont venus pour être avec toi et t’adorer. Dans une ar-dente prière, je les consacre à ton Cœur, afin que, enracinéset édifiés chacun en toi, ils soient toujours tiens, dans la vieet dans la mort. Qu’ils ne se séparent jamais de toi ! Accorde-leur un cœur semblable au tien, doux et humble,pour qu’ils écoutent toujours ta voix et tes commande-ments, accomplissent ta volonté et soient au milieu du monde une louange à ta gloire. Qu’ainsi les hommescontemplant leurs œuvres, rendent gloire au Père, qui vitavec toi, heureux à jamais, dans l’unité du Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.

VEILLÉE DU 20 AOÛTRépondre au projet de Dieu

30 MAGISTÈRE

À Madrid, le Pape a appelé les jeunes à serecentrer sur l’essentiel : l’amour de Dieu poureux et leur vocation dans la société. Enracinésdans la foi, ils doivent demeurer dans l’amourdu Christ, comme le demande l’acte de consé-cration de la jeunesse au Sacré-Cœur prononcépar Benoît XVI pendant le salut du SaintSacrement.

L’acte de consécration

“Persévérezdans votrevocation

avec joie etfidélité.”

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Nous avons célébré avecpiété et ferveur ce cheminde croix en accompagnantle Christ dans sa Passion etsa mort. Les commentairesdes Hermanitas de la Cruz, quiservent les plus pauvres et ceuxqui sont dans le besoin, nousont permis d’entrer dans le mys-tère de la croix glorieuse duChrist, qui renferme la vraiesagesse de Dieu, celle qui ju-ge le monde et ceux qui secroient sages (cf. 1 Co 1, 17-19). La contemplation des ex-traordinaires imágenes prove-nant du patrimoine religieuxdes diocèses espagnols, nousa aidés également dans cet iti-néraire vers le calvaire. Ce sontdes imágenes où la foi et l’arts’harmonisent pour arriver aucœur de l’homme et pour l’in-viter à la conversion. Quand leregard de la foi est limpide etauthentique, la beauté se metà son service et elle est capablede représenter les mystères denotre salut jusqu’à nous émou-voir profondément, et de trans-former notre cœur, comme ce-la est arrivé à sainte Thérèsed’Avila en contemplant une re-présentation du Christ blessé(cf. Livre de la vie, 9, 1).

Le Christ s’est livrépour nousPendant que nous avancionsavec Jésus pour arriver au som-met du don de lui-même au cal-vaire, les paroles de saint Paulnous sont venues en mémoire :« Le Christ m’a aimé et Il s’estlivré pour moi » (Ga 2, 20).Devant un tel amour si désin-téressé, pleins d’étonnement etde gratitude, nous nous deman -dons maintenant : que ferons-nous nous autres pour lui ?Quelle réponse lui donnerons-nous ? Saint Jean le dit claire-ment : « À ceci nous avonsconnu l’amour : celui-là a don-né sa vie pour nous. Et nousdevons, nous aussi, donnernotre vie pour nos frères » (1Jn 3, 16). La Passion du Christnous pousse à charger sur nosépaules la souffrance du mon-de, avec la certitude que Dieun’est pas quelqu’un qui est dis-tant ou lointain de l’homme etde ses vicissitudes. Au contrai-re, Il s’est fait l’un d’entre nous« pour pouvoir compatir avecl’homme de manière très réel-

le, dans la chair et le sang…De là, dans toute souffrancehumaine est entréquelqu’un qui par-tage la souffranceet la patience ; delà se répand danstoute souffrancela consolatio ; laconsolation del’amour qui vientde Dieu et ainsisurgit l’étoile del’espérance » (Spes salvi, 39). Chers jeunes, que l’amour duChrist pour nous augmentevotre joie et vous aide à êtreproches de ceux qui sont dansle besoin. Vous qui êtes très

sensibles à l’idée de partagerla vie avec les autres, ne pas-

sez pas à côté de lasouffrance humai-ne, où Dieu espè-re en vous afin quevous puissiez don-ner le meilleur devous-mêmes : votrecapacité d’aimer etde compatir. Lesdiverses formes desouffrance qui, tout

au long du chemin de croix,ont défilé devant vos yeux, sontdes appels du Seigneur pourédifier nos vies en suivant sestraces et pour faire de nous dessignes de sa consolation et de

son salut : « Souffrir avec l’autre,pour les autres ; souffrir paramour de la vérité et de la jus-tice ; souffrir à cause de l’amouret pour devenir une personnequi aime vraiment – ce sontdes éléments fondamentauxd’humanité ; leur abandon dé-truirait l’homme lui-même »(ibid.).

Un don aimantSachons recevoir ces leçons etles mettre en pratique ! Pour ce-la, regardons vers le Christ,cloué sur un bois rude, et de-mandons-lui qu’Il nous montrecette sagesse mystérieuse dela croix par laquelle l’hommevit. La croix n’a pas été le dé-veloppement d’un échec, si-non la manière d’exprimer ledon aimant qui arrive jusqu’àun don plus grand : celui de sapropre vie. Le Père a désiré ai-

mer les hommes dans l’acco-lade de son Fils crucifié paramour. Par sa forme et sa si-gnification, la croix représen-te cet amour du Père et du Christpour les hommes. En elle, nousreconnaissons l’image de l’amoursuprême, où nous apprenons àaimer ce que Dieu aime et com-me Il le fait : c’est elle la Bon-ne Nouvelle qui redonne l’es-pérance au monde.Tournons maintenant nos yeuxvers la Vierge Marie qui nousfut donnée pour Mère au cal-vaire, et supplions-la de noussoutenir par sa protection ai-mante sur le chemin de la vie,en particulier quand nous pas-sons à travers la nuit de la souf-france, afin que nous réussis-sions comme elle à demeurerfermes dans la foi au pied dela croix.

MAGISTÈREL’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 2011

L ors des dernières JMJ, au terme d’une veillée mouve-mentée et fervente, le Pape

a consacré la jeunesse au Sacré-Cœur. Je voudrais revenir sur cetacte si important, car, comme le soulignait Jean-Paul II lors de lacanonisation de Claude La Colom-bière à Paray-Le-Monial, « par leCœur de Jésus, Dieu montre qu’Ilveut être compris dans sa volontéabsolue d’aimer, de pardonner et de sauver ». Peu après ce voyage, il invitait tous les chrétiens avecsaint Paul à avoir en eux lesmêmes sentiments qui furent dans le Christ doux et humble de cœur. Le Cœur de Jésus brûlantde charité nous introduit dansl’amour des Trois. Il n’est que puremiséricorde : tel fut pour l’essen-tiel l’enseignement de Jean-Paul II,le pape de la miséricorde.Pour l’Ancien Testament, le cœurest le siège de l’amour. Et chezDieu, on parle d’entrailles mater-nelles pour dire le fond de sa miséricorde, spécialement chezOsée. Et le passage évangélique duCœur transpercé a nourri la piétédes fidèles durant des siècles. Précédant sainte Marguerite-Marie, toute une école mystiquecontemple l’amour de Dieu répan-du à travers le Cœur de Jésus, puisaussi à travers le Cœur de Marie.Cette dévotion fut particulière-

ment répandue en milieu cloîtré,dans la vie bénédictine, avec sainteMechtilde et sainte Gertrude, et à la Chartreuse, avec Ludolpheet Lansperge.

Une réception mitigéeLa papauté fut-elle toujours favo-rable au culte et à la dévotion auSacré-Cœur ? On pourrait le penseravec la question décisive posée parJésus à Pierre : « M’aimes-tu ? ».Selon saint Ambroise, Jésus faisaitainsi de Pierre « le vicaire de sonamour ». Néanmoins l’attitude despapes fut d’abord réticente, voirenégative, du fait – principalement– que les promoteurs du culte s’appuyaient sur des révélationsprivées douteuses. Ainsi le bien-heureux Innocent XI refusa-t-il en1686 de rendre la fête universelle,et Clément XI resta sourd aux suppliques des Visitandines. Le futur Benoît XIV objecta que le culte au Sacré-Cœur introduisaitune division dans le Christ. Le premier pape à défendre le cultedu Sacré-Cœur fut Pie VI, à l’en-contre du synode janséniste de Pistoie. Pie IX étendit la fête litur-gique à l’Église universelle en 1856.Léon XIII consacra l’encyclique Annum Sacrum aux fondements bibliques et théologiques du Sacré-Cœur et lui consacra le genrehumain en 1900. Depuis, les actes

du magistère ne se comptentplus ! Benoît XV se manifesta lors de la dédicace de Montmartre.Pie XI (encyclique MiserentissimusRedemptor) en souligna la dimen-sion réparatrice, dans la ligne du message de Paray. On doit à Pie XII dans l’encyclique Haurietisaquas une synthèse profonde de toute la doctrine catholique sur le Sacré-Cœur, avec sa triple dimension théologique, apologé-tique et pastorale.Jean XXIII souligna les harmoniesentre les trois fêtes du PrécieuxSang, du Sacré-Cœur et du SaintNom de Jésus. Son Journal d’uneâme témoigne du rôle qu’eut la dévotion au Sacré-Cœur dans savie, y puisant la solution à tous les problèmes. Paul VI, élu le jour duSacré-Cœur, ne cessa d’encouragerce culte, car, écrivit-il, « le Sacré-Cœur est le symbole et l’image expresse de l’amour éternel dontDieu aima le monde ». J’ai déjà évoqué Jean-Paul II. Benoît XVI,avec son génie de la synthèse, assume toute cette tradition enl’orientant vers la jeunesse. Jésusn’attend qu’une réponse positivepour verser sur elle et sur le mondeles flots de sa miséricorde. Le ter-rible orage de la veillée des JMJ faisait penser à une résistance dia-bolique : c’est plutôt bon signe !

Un moine de Triors

Commentaire

> La dévotion au Sacré-Cœur

“Demandonsau Christ lasagesse de

la croix.”

Regarder vers le ChristAprès le chemin de croix dans les rues de Madrid, Benoît XVI a prolongéla contemplation des stations en appelant les jeunes à aimer et compatir.

L’Homme NouveauN° 1500 du 10 septembre 201132 ENQUÊTE

« Stat Crux, dum volvi-tur orbis », « Le monde coui-ne en tournant ; la Croixdemeure ». Cette traduc-tion très libre de la devisedes chartreux pourrait son-ner la condamnation im-médiate de tout journalis-me chrétien, de toute am-bition de presse catholique.S’intéresser aux couinementsrécurrents d’un monde déjà sau-vé, c’est vouloir rédiger la ga-zette quotidienne et caduqued’un champ d’éoliennes. LaCroix demeure ; voilà à peuprès la seule information quisoit sujet de la presse catho-lique. Ce qui réduit le nombredes journalistes catholiquesà trois catégories : les évan-gélistes qui nous informentpar les faits et nous relatentla Bonne Nouvelle (ils sontquatre, leur travail est termi-né) ; les saint Thomas quinous font comprendre par latête et les saint Jean de laCroix qui nous font com-prendre par le cœur. Bref, « foiet raison ». Le reste n’est quedu bavardage pieusard.

Loin de DieuLa messe est dite, la pressecatho, ça n’existe pas par na-ture et quand ça veut malgrétout forcer la nature, ça éloignede Dieu. Le lecteur, au lieude se plonger dans son psau-tier lit sur Dieu au lieu de li-re la parole de Dieu, et senourrit de papiers sur l’Égli-se plutôt que de textes d’Égli -se. Le journaliste, lui, à for-ce de croire qu’il vulgarise lapensée de Dieu pour le mon-de, finit par se croire in per-sona Christi à chaque foisqu’il pose un jugement sur le

monde et sur l’Église, et Dieusait s’il en pose ! Trop de plu-mitifs éclairés donnent desleçons aux papes, aux évêques,aux curés, à l’Église en gé-néral, expliquant de colonneen colonne ce que, selon eux,l’Église aurait dû faire ou nepas faire. Ils entraînent der-rière eux des lecteurs mili-tants qui prennent parti dansl’Église au lieu de prendrepart à la vie de l’Église. Toutcela pourrait condamner sansappel la presse catholique.Quand la division de l’uni-versel devient l’unique objetd’écriture, la presse catho estcondamnée à devenir une mé-chante feuille tenant plus dutract et de la justification deposition que du journalisme.

Une pensée yaourtVoulant absolument éviter lessujets qui fâchent, une autretendance consiste à rédiger« people chewing-gum » fa-çon chronique hebdomadai-re de la pensée yaourt où labonne éducation et la penséeconforme tiennent lieu de li-turgie. Lire la presse cathonous donne alors l’impres-sion d’être à un goûter deblonde de bénitier, où l’oncommente l’Église comme leEarl Grey, où l’on apprendavec bonheur au chapitre ac-tualités que Sœur Sourire s’estfait refaire les ratiches et, dansles dossiers de fond, que pourdurer le couple doit s’aimer.De page en page, de photo enphoto, pour plagier le bon motde Laurent Fabius le « voicil’Église de l’annonce évan-gélique » devient « l’Églisec’est Voici ». Mais comme lespeoples ecclésiaux sont plu-

tôt moins sexy que ceux deGala, l’alternative est simplepour cette presse si elle veutdurer : soit elle organise danstous les clochers les électionsde miss paroisse, soit elle pu-blie du nourrissant et du struc-turant. « On crée un journalpour défendre des idées, eton laisse les idées pour dé-fendre le journal », ironisaitdom Henry devant une paru-tion d’un vide sidéral. Cettepolitique peut amener terri-blement loin dans le banal ;c’est d’ailleurs la grande vic-toire marketing du chrétien

« con-con » (conforme-consensuel) : avoir inventé lesel insipide ; il y a le café sanscafé, le sucre sans sucre, et lesel de la terre sans sel !

Que doit devenir la presse catho ?« Horizontaliser » les débats,ratiociner sur ce qu’est et faitl’Église, ou publier les pho-tos d’une famille bien pei-gnée en train de prier pourque papa ait le nouveau mo-nospace… que doit donc de-venir la presse catho ?Paradoxalement, notre pres-se n’a pour objectif ni la spi-ritualité, ni la philosophie quisont de l’ordre de la Croix quidure, pas du monde qui tour-ne. Le rythme effréné de la pres-se ne permet pas le recul du

livre, même si nous sommescontents d’avoir de bonnespages sur le sujet. Nos médiasn’ont pas non plus commeobjectif l’évangélisation quidoit se faire de cœur à cœur,qui ne se fait pas par du pa-pier ou du numérique inter-posé, n’en déplaise aux curésfacebook. La presse catho-lique n’a pas non plus pourvocation principale de nousinformer sur la vie de l’Égli-se ni de publier les grandstextes, même si nous sommesheureux d’en retrouver tout oupartie dans nos colonnes. Tous

ces points ont leur place, maisil semble avant tout que la fi-nalité de nos journaux est lemonde tel qu’il couine, c’estla chrétienté. C’est-à-dire l’im-prégnation de l’agir et de lapensée chrétienne dans le quo-tidien et dans l’ensemble desstructures qui constituent notresociété. Notre finalité n’estpas d’abord le surnaturel maisle naturel, l’application inconcreto ; notre finalité c’estl’homme dans la société, c’estla doctrine sociale, c’est lapolitique ! Nos médias doiventplus encore s’affirmer claire-ment sur les sujets sociaux etpolitiques, donner un pointde vue, s’engager et engagerles rédactions, dénoncer, dé-battre, s’opposer, exposer plusfort, encore, mais surtout pro-

poser un mode social, cultu-rel et politique propre. Oui,notre finalité c’est la poli-tique, l’organisation du biencommun, à la fois cause etcondition de chrétienté.

Le courage de penserOui, l’avenir de notre presse,c’est probablement le coura-ge de penser et d’écrire au-delà des codes convention-nels sociétaux, c’est de s’ados-ser à la Croix qui dure pourchanger ce monde, qui tour-ne, voire se détourne. L’ave-nir de la presse catholiquec’est alors évidemment la né-cessité de lecteurs qui se li-bèrent des schémas politiquesconsuméristes et des figuresde style imposées, qui ac-ceptent de réfléchir au-delàdes codes carcéraux droite/gauche, libéralisme et so-cialisme, et des étroitesses demilieu qui obligent une pen-sée de minus, du plus petitdénominateur commun ; deslecteurs qui sortent du chris-tianisme honteux et riquiqui.Qui lisent avec gourmandiseintellectuelle leur journal, per-suadés que les prises de po-sitions sociale et politiquechrétiennes, transcendent lar-gement les alternatives écu-lées. Des lecteurs certainsd’avoir quelque chose à direau monde, qui se forment ets’informent, qui échangent etdébattent pour agir. Des chré-tiens libérés, des catholiques…libres penseurs ! ◆

Pasquin

Chroniqueur de L’HN et auteurde Pasquin, concentré non su-cré, Éd. de L’Homme Nouveau,178 p., 19 €.

Devenir libres penseurs !

Nous avons demandé à notre chroniqueur Pasquin d’apporter sa contribution à la réflexion

sur la presse catholique. Au risque de surprendre.

Pasquin

“Notre finalité, c’estl’homme dans la société,c’est la doctrine sociale.”