13e hussards

Download 13e Hussards

If you can't read please download the document

Upload: siyah-qalam

Post on 27-Dec-2015

15 views

Category:

Documents


3 download

DESCRIPTION

Gutenberg

TRANSCRIPT

The Project Gutenberg EBook of Le 13e Hussards, types, profils, esquisseset croquis militaires... pied et che, by mile GaboriauThis eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and mostother parts of the world at no cost and with almost no restrictionswhatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms ofthe Project Gutenberg License included with this eBook or online atwww.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll haveto check the laws of the country where you are located before using this ebook.Title: Le 13e Hussards, types, profils, esquisses et croquis militaires... piedet chevalAuthor: mile GaboriauRelease Date: August 17, 2014 [EBook #46604]Language: FrenchCharacter set encoding: UTF-8*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE 13E HUSSARDS ***

Produced by Chuck Greif and the Online DistributedProofreading Team at http://www.pgdp.net (This file wasproduced from images available at The Internet Archive)

LE 13e HUSSARDSTYPES, PROFILS ESQUISSES ET CROQUIS MILITAIRES...A PIED ET A CHEVALPARMILE GABORIAUVINGT-TROISIME DITION[Illustration: colophon]PARISE. DENTU, DITEURLIBRAIRE DE LA SOCIT DES GENS DE LETTRES PALAIS-ROYAL, 17 ET 19,GALERIE DORLANS1879

Droits de traduction et de reproduction rservs

LE 13e HUSSARDS

I--Mille millions de tonnerres! scria le hussard Gdon Flambert, jyvois clair la fin. Moi qui mtais engag pour servir glorieusement mapatrie, je suis tout simplement entr au service dun cheval--de moncheval.Encore, ai-je bien le droit de lappeler mon cheval, et nest-ce paslui, qui, plus juste titre, pourrait dire: mon cavalier?Le hussard Gdon, de garde dcurie ce soir-l tait alors demicouch sur une botte de paille. Pour la premire fois, depuis cinq moisquil tait soldat, il trouvait un instant pour rflchir.--Oui, continua-t-il, tout pour mon cheval, impossible de sortir de l.Cest, ma parole dhonneur, en tre jaloux. Je lui appartiens commelombre au corps, ma vie est lui, il labsorbe, il la dvore. Carenfin, quoi se passent mes jours, quai-je fait aujourdhui?Ce matin, cinq heures, bien avant le jour, jai t veill par lesclats enrags des trompettes.--Premier djeuner et toilette de moncheval.Nouveau coup de trompette six heures; pansage.--Cinq quarts dheuredurant jai trill, bross, bouchonn, pong, peign mon cheval.A neuf heures, promenade de mon cheval.A midi, autre repas de mon cheval.A deux heures, second pansage de mon cheval, nouveaux soins, autrerepas.A sept heures enfin, souper de mon cheval.Et encore et toujours mon cheval! Pour lui on a remis en vigueur lecrmonial dcrt par Caligula lusage de celui dont il fit unconsul.Cependant mon cheval est en bonne sant. Que serait-ce, grand Dieu!sil tait au rgime. Je tremble la seule pense quil peut tombermalade et qualors je deviendrais son infirmier.Mes journes ne lui suffisent pas, il lui faut mes nuits. Ainsi, cetteheure, lorsque je serais si aise de reposer dans mon lit, je suis ici degarde dcurie, cest--dire que je vais passer la nuit veiller sur lesommeil de mon cheval, et du cheval de mon brigadier, et des chevaux detous mes camarades...

--Garde dcurie! cria une voix formidable, garde dcurie!Dun bond, Gdon fut sur pied et en prsence du brigadier de semainequi faisait une ronde.--Je prsuppose que vous dormiez, dit svrement le brigadier; vousaurez le plaisir de me faire celui de deux jours de consigne.--Brigadier, je vous assure...--Silence dans le rrrang ou je ritre. Que je sais que les chevaux ilsse plaignent que vos ronflements ils les empchent de dormir.Il ny avait rien rpondre. Le brigadier sloigna en amortissant lebruit de ses pas, afin de surprendre quelque autre dlinquant.--videmment, se dit Gdon, je suis dans mon tort. Je songerai uneautre fois ne plus rflchir, mieux vaut dormir maintenant et tcherde mriter ma punition. Mais pourquoi diable me suis-je engag! Pourquoiai-je t prcisment choisir la cavalerie?Pourquoi?

IIIl ny a pas de cela longues annes, le jeune Gdon Flambert jouissaiten paix de la rputation du plus dtestable garnement de la ville deMortagne, une de ces agrables sous-prfectures de quinze mille mes, ochacun a le droit incontestable et sacr de vivre tranquille commeBaptiste, heureux comme le poisson dans leau et libre comme lair, laseule et bien simple condition daccepter sans rvoltes ni murmures lasurveillance et le contrle de ses quatorze mille neuf centquatre-vingt-dix-neuf concitoyens.Les fredaines-- Mortagne, on disait les dbordements--de Gdon taientun des aliments les plus piquants et les plus vifs de toutes lesconversations de la ville, et certes on pouvait parler longtemps sanstarir.A dix-huit ans quil avait peine, ce dplorable sujet--la dsolationde sa famille--avait dj contract des dettes au Caf militaire, insrdes vers dans _lcho Mortagnais_, et corn, dire dexperts, la vertuet la rputation de trois ou quatre grisettes sentimentales etromanesques.Sans compter quil avait dj tous les instincts du spadassin.Une nuit, au bal travesti que donne tous les ans le thtre, pour lami-carme, il stait pris de querelle avec un jeune homme des environs,lavait conduit presque de force sur le pr et l, avait chang aveclui des explications qui staient termines par un dner trop largementarros.Cen tait trop. Aussi, tous les gens senss navaient quune voix pourfltrir une semblable conduite, et mme un soir, au Cercle littraire,

M. Narrault, juge de paix, homme svre mais juste, navait pas hsit comparer Gdon Faublas pour les aventures scandaleuses, et Lacenaire cause de son got pour la posie.On trouva gnralement la comparaison exagre, mais les pres defamille prudents nen dfendirent pas moins leurs fils lafrquentation dun si prcoce mauvais sujet.Gdon, presque fier de cet interdit, se souciait infiniment peu desbavardages de Mortagne; malheureusement il en tait pas de mme de sonpre.Lexcellent M. Flambert, qui du matin au soir avait les oreilles ahuriesde compliments de condolance sur les frasques de lhritier de son nom,croyait voir sa considration srieusement menace par linconduite deson fils. Dj plusieurs fois il avait song srieusement prendre leparti de mourir de chagrin, lorsque M. Narrault, le juge de paix, hommesvre mais juste, lui conseilla de destiner son Gdon la carriredes armes, ou, en dautres termes, de le faire soldat bon gr mal gr.

IIIOr, cette ide est des plus naturelles aujourdhui; elle est presque unsystme.Prudhomme, que nous avons vu jadis fltrir les excs dune _soldatesqueeffrne_ et tracer en rougissant une peinture nergique de la _licencedes camps_, Prudhomme est compltement revenu de ses injustesprventions.Pour lui, larme nest plus quun lyce correctionnel, fond la seulefin de tirer de peine les papas embarrasss de leurs mauvais sujets defils, un gymnase orthopdique moral qui se charge gratis du redressementdes caractres vicieux et des instincts mauvais. Cest pour quoi il yenvoie bravement ses hritiers manger de la vache enrage.Cest un pis-aller honorable, commode, et surtout fort conomique; otrouver mieux?Larme, ce systme, doit chaque anne quelques centaines de chenapanset de cerveaux brls qui viennent dun air dcid essayer luniforme,et qui huit jours aprs donneraient tout au monde pour sen aller.Les sept diximes tournent mal; et si les familles ne se htent de lesfaire remplacer--ce qui cote de largent--bon nombre vont en Afriqueprendre lair des compagnies de discipline, ou, pour parler comme aurgiment, _rouler la brouette biribi_.Croyez, excellent monsieur Prudhomme, quil men cote de vous arracherune de vos dernires illusions, mais cependant retenez bien ceci:1 Le rgiment ne corrige rien du tout, et votre fils, au bout de deuxans, vous reviendra exactement le mme, sinon pire.2 Au rgiment--en temps de paix--on nadore pas les engagsvolontaires. Oh! mais l, pas du tout.

Je sais des colonels qui les ont en horreur. Il en est un--je lai connuparticulirement--qui toutes les fois que, selon lusage, on luiprsentait un engag volontaire nouvellement arriv au corps, luiadressait la phrase sacramentelle que voici:--Vous tes engag?--Oui, mon colonel.--Ah! trs-bien. Mais, dites-moi, vous naviez donc aucun moyen dallervous faire pendre ailleurs?Laccueil nest pas encourageant, cest un fait, mais les colonels nesont pas des marchands de soupe, et la conscription donne tous les ans larme assez de _sujets_ pour la dispenser de recourir au _fils defamille_.M. Veuillot, il est vrai, assure quelque part que lpe est un moyende moralisation. Mais parole de M. Veuillot nest pas paroledvangile, et peut-tre prtend-il parler des zouaves du saint-pre.Je sais bien, monsieur Prudhomme, que vous avez dans votre sac une fouledexemples me citer, vous allez me conter lhistoire de ce gnralqui...De grce, arrtez, vos exemples ne sont que des exceptions. Il y en a.Bon nombre dengags volontaires arrivent, mais ceux-l ont un bienautre courage que monsieur votre fils et que tous ces tourneaux quisengagent pour faire pice leur famille ou parce quils ont tsduits par la pompe de luniforme et par les clats de la musique.Avec un peu de courage vous pouviez faire de votre fils un mdiocreparfait-notaire ou un trs-honnte commerant, vous en avez fait unmauvais soldat; et encore, il vous reviendra, soyez-en sr, avantdix-huit mois et sans avoir, lexception de la charge en douze temps,appris sous les drapeaux autre chose qu jurer et boiremilitairement la goutte.

IVLe conseil du juge de paix fut un vrai trait de lumire pour le digne M.Flambert.--Comment, se dit-il, navais-je pas eu cette ide! Gdon ne me semblebon rien, il aime la flnerie, le caf, le vin et le reste, donc ilest n pour faire un excellent militaire. Il sera soldat, cest dit.Cette dtermination arrte, il ressentit aussitt cette douce etsecrte satisfaction qui inonde le cur dun pre le jour o, forcede sacrifices, il assure le bonheur et lavenir de son enfant.Excusons-le. Il navait pu mditer le chapitre qui prcde, et sesnotions sur larme taient des plus fantaisistes. Il les avait puisesaux sources mlodieuses de lOpra-Comique, et ne connaissait dautresmilitaires que ceux qui servaient sous les ordres de feu le gnral

Scribe, hros aimables, toujours colonels trente ans, et dont lesmarquises et les baronnes, les plus riches et les plus belles, sedisputaient la main.De ce jour, avec un art infini, avec une adresse dont il se ft crului-mme incapable, M. Flambert seffora de prouver son fils quilavait toujours eu pour la carrire des armes une vocation irrsistible.Il russit au del de ses esprances, et un beau matin, la suite duneexplication orageuse, motive par une nouvelle fredaine, Gdon dclaratout net quil voulait sengager--pour tre libre!!...Il neut pas besoin de le dclarer deux fois.M. Flambert, dont le principe tait quil faut battre le fer tandisquil est chaud, conduisit sance tenante son fils chez un mdecin quile dclara bon pour le service, et de l la mairie, o en moins derien on lui libella le contrat.Gdon nhsita pas une minute, et dun trait de plume il sengagea servir ltat pendant sept ans-- cheval.

VLes engags volontaires ayant le droit de dsigner le corps o ilsveulent servir, tous--je ne parle pas de ceux qui savent ce quilsfont--se dcident pour la cavalerie; sans doute parce que le service yest plus pnible et quon y a infiniment moins de chances davancement.Gdon fit comme tous les autres, et crut faire un coup de matre enchoisissant le 13e hussards, ce magnifique rgiment, chamarr dorsur toutes les coutures, et dont les officiers lancent des gerbesdtincelles, lorsquaux rayons du soleil ils font caracoler leurschevaux sur le front de leurs escadrons.En change de sa signature, Gdon reut une feuille de route pourrejoindre son corps.Ltat, quil servait dsormais, lui allouait vingt sous par tape, etun billet de logement avec place au feu et la chandelle.Ainsi Gdon fut soldat sans jamais en avoir eu lide.Que lengag volontaire dont ce nest pas un peu lhistoire lui jette lapremire pierre!

VI--Comme tu feras la route en chemin de fer, dit M. Flambert son filsau moment o ils sortaient de la mairie, tu as au moins huit joursdevant toi; profites-en pour tamuser.

Et gnreusement il sortit quelques louis de sa poche.Gdon tait trop bon fils pour ne pas obir scrupuleusement. Il nesongea donc qu enterrer le plus joyeusement du monde sa vie debourgeois. On but en lhonneur du nouveau hros beaucoup de punch et devin chaud au Caf militaire et lestaminet de la ville. Un vieuxcommandant du premier Empire, M. de Tamballery, dont tout Mortagneadmira longtemps la tenue et les cols-carcan, crut devoir lui donner deprcieuses instructions, mais il abusa de ses avantages pour luiraconter toutes ses campagnes et lui faire une description infinie de labataille de Lutzen, o il avait t bless.Enfin, le moment de la sparation arriva.--Souviens-toi, mon fils, dit M. Flambert Gdon, que tu as ton avenirentre les mains. Tu as tout ce quil faut pour parvenir. Conduis-toibien, et reviens-moi avec lpaulette.--Je ne reviendrai quavec deux paulettes, dit Gdon.Il partit.Alors seulement M. Flambert eut quelques doutes sur lexcellence duparti quil venait de faire prendre son fils. Ah! sil net d lui encoter quun billet de cinq cents francs, avec quel bonheur il et dit lenfant prodigue:--Reste, ne me quitte pas.Mais, moins de deux mille francs, on ne trouve gure de remplaant.Et encore, daucuns estiment que ce nest pas cher.

VIIDeux jours aprs, le nouveau hussard, descendu de voiture six heuresdu matin, se promenait tristement dans les rues dsertes deSaint-Urbain, o le 13e tenait alors garnison.Saint-Urbain est une petite ville bien triste, bien tranquille, qui dortparesseusement au milieu du plus beau pays du monde, sur les bords de laSerpole, jolie rivire aux eaux bleues, qui lentoure et ltreint dutriple rang de ses capricieux mandres.Saint-Urbain, depuis deux sicles au moins, na pas chang dephysionomie; on dirait une relique du pass, amoureusement conserve quelques pas du chteau enchant de la Belle au bois dormant.A peine depuis deux ans y a-t-on install des rverbres, et cetteinnovation est due aux plaintes dun colonel et aux intrigues dun jeuneavocat nouvellement arriv de Paris.Le chemin de fer passe huit lieues peine, et cependant lescommunications taient restes des plus difficiles, lorsqueladministration se dcida suppler au peu dindustrie des habitantsen organisant un service domnibus.

Dpendance autrefois de communauts religieuses riches et puissantes,Saint-Urbain a conserv un aspect austre et presque monacal. Lesmaisons sont hautes et noires, les rues troites et mornes, bordes encertains endroits de clotres humides et sans jour. A chaque pas onrencontre de grands btiments sombres, aux fentres troites etallonges, antiques couvents aujourdhui dserts.Des quatre glises, jadis peine suffisantes la dvotion des fidles,deux seulement ont t conserves; les autres ont t converties enmagasins fourrages et en ateliers de fournitures militaires. Mais lesquatre clochers, remarquables constructions du treizime sicle, sontrests debout, entours des clochetons plus humbles des communautsabandonnes, et de loin prtent Saint-Urbain les apparences dunegrande cit.Seule la garnison donne un peu de vie et de mouvement cettencropole. Aussi le gouvernement y entretient-il en tout temps deuxrgiments, lun dinfanterie, lautre de cavalerie, bien que pour cettedernire arme la situation soit assez dfavorable.Ces rgiments sont la principale, lunique source de la richesse dupays. Grce eux, bon nombre de petits industriels peuvent raliserquelques conomies, plus dun bourgeois vit tranquillement du produitdes chambres quil loue meubles des officiers, enfin on cite quatreou cinq limonadiers qui auront fait une fortune considrable, lorsquilsauront russi recouvrer toutes leurs crances.Mais Saint-Urbain doit bien dautres avantages encore la garnison.Dabord, la reconstruction presque totale de la rue du March, la plusbelle de la ville, o lon a install deux magnifiques cafs orns debillards et de divans, luxe inou! et la fondation dun nouveaufaubourg, o prosprent cinq ou six bals publics et au moins autant deguinguettes.On ne peut gure parler du thtre, les habitants ayant une saintehorreur pour ce passe-temps profane.Le triste directeur doit aux seuls officiers les quelques recettes quilui permettent de faire chaque anne une banqueroute honorable.Mais il ne faut pas oublier la musique.Jeudis et dimanches, dans laprs-midi, lorsquil fait beau, et mmelorsquil fait mauvais, les musiques des deux rgiments viennent tourde rle donner un concert gratuit sur la promenade.Les jours de musique sont jours de fte pour Saint-Urbain, toute laville se donne rendez-vous sur le cours des Ormes; les dames de lasocit y talent leurs belles toilettes, et les grisettes leurs fraisminois et leurs robes de guingamp.Eh bien, malgr tous ces avantages--et encore nous passons sous silenceles revues et les grandes manuvres--les Urbinois ne professent paspour les militaires le faible et ladmiration des cits de lAlsace etdu Nord.Les vieux maris de jeunes femmes prtendent--non sans raison--que leurscurit est toujours menace, et les parents des ouvrires gentillesassurent que leurs filles sont infiniment plus difficiles garder.

Quant aux officiers qui ont tenu garnison Saint-Urbain, ils billentau seul souvenir de cette charmante cit.

VIIIPendant plus dune heure Gdon erra sans but travers les rues deSaint-Urbain. Se prsenter ce rgiment quil avait choisi avec joielui semblait maintenant au-dessus de ses forces. Le cur serr parune horrible angoisse, il marchait la tte basse, essuyant de temps autre une larme que lui arrachait la conscience de son isolement,lanxit de lavenir, et le regret de sa vie passe, dont les souvenirscharmants se prsentaient en foule son esprit.Enfin force de raisonnements, il parvint surmonter ce quil appelaitun accs de lchet indigne dun homme. Apercevant un hussard de lautrect de la rue, il marcha vers lui, et dune voix quil essayait derendre assure:--Camarade, lui demanda-t-il, voudriez-vous menseigner le chemin de lacaserne de votre rgiment?Le hussard, ces mots, regarda le bourgeois de travers; il semblaittout prt se fcher.--Mon rgiment, rpondit-il enfin, dun ton bless, il ne loge pas dansune caserne, cest bon pour de linfanterie.Gdon fit un geste de surprise.--Les hussards, vous devriez tre susceptible de le savoir, ils logentdans un quartier, comme toute cavalerie; preuve que cest comme quidirait une distinction qui les diffrencie ensemble et sparment dufantassin. Donc le quartier il est l, devant vous.Gdon leva les yeux, et, en effet, peu de distance, au fond duneimpasse trs-troite, il aperut une grande porte cintre souvrant surune vote assez obscure.Au-dessus de la porte, un drapeau noirci par la pluie et effiloqu parle vent, pendait tristement le long de sa hampe retenue par un cramponde fer enfonc dans la muraille.Au-dessous du drapeau, et pour que nul nignort la destination dubtiment, on avait crit en lettres dun demi-pied:QUARTIER DE CAVALERIE.Devant la vote, un factionnaire se promenait, le sabre au poing; sur lect, demi couch sur une des larges bornes de la porte, unsous-officier suivait dun air distrait la fume de sa cigarette; sousla vote, deux soldats cheval sur un banc battaient attentivement descartes crasseuses.--Allons, du courage, se dit Gdon,--et dun pas assez ferme il sedirigea vers la vote.

Une premire et cruelle dception lattendait sur le seuil.Ctait lheure des corves du rgiment. De tous cts, le long desbtiments et des curies, des hommes allaient et venaient, les unschargs de bottes de fourrage, les autres pliant sous le faix de lourdescivires de fumier, ou poussant devant eux des brouettes malpropres. Bonnombre, arms de balais de bouleau, faisaient la toilette des cours.Tous ces hussards taient en tenue dcurie: un pantalon de toile crue,et une petite veste courte. Quelques-uns taient en manches dechemise, et quelles chemises! rendre en noirceur des points aux_Mystres dUdolphe_.Pour coiffure, ils portaient datroces petites calottes dun gris sale,bordes dun galon vert. Tous avaient les pieds nus dans dnormessabots--_escarpins en cuir de brouette_--douillettement capitonns depaille. Du reste, la plus grande activit.Immobile, ptrifi sous la vote dentre, Gdon contemplait dunil morne ce spectacle qui renversait ldifice de ses illusions.--Eh quoi! se disait-il, ce sont l ces brillants hussards du 13e, sifiers sur leurs beaux chevaux! Quelle existence est la leur! Serai-jedonc ainsi demain?Il tait sur le point de senfuir, lorsque le marchal des logis, assisdevant la porte, lui demanda poliment sil attendait quelquun.Gdon aurait bien voulu rpondre, mais il comprit que, sil lessayait,les sanglots qui ltouffaient depuis un moment lui auraient vite coupla parole.--Alors, Dieu sait, se dit-il, ce que pensera de moi cemilitaire qui est mon suprieur. Un soldat pleurer! je serais dshonor tout jamais.Sans mot dire il tira sa feuille de route et la prsenta ausous-officier.Gdon crut sapercevoir que la physionomie du marchal des logischangeait soudainement dexpression; que dinsoucieusement joyeuse, elledevenait froide et mchante.--Ah! vous tes engag volontaire, dit-il en ricanant; eh bien, vouspouvez vous flatter davoir une fire chance.Puis avisant un fourrier qui sortait:--Oh! lui cria-t-il, voil un hussard tout neuf, qui na jamais servi;dis-lui donc ce quil doit faire. Et poussant Gdon: Allez donc, luidit-il, vous prsenter lintendance.Gdon suivit le fourrier, et, grce lui, eut bientt termin toutesles formalits de son admission au rgiment.Mais il tait si troubl, quil nentendit absolument rien de ce que luidirent lintendant, le chirurgien-major, un capitaine et un marchal deslogis chef, auxquels il fut successivement prsent.En rentrant au quartier, et lorsque seulement il commenait seremettre un peu, le complaisant fourrier fut oblig de lui rpter que

dsormais il faisait partie du 4e peloton du 1er escadron.Gdon et son guide traversaient alors un grand corridor troit etsombre, aux murs horriblement maculs. Le fourrier ouvrit une porte, etpoussant le nouveau hussard:--Entrez, lui dit-il, voil votre chambre.

IXIl faut avoir visit une chambre de cavalerie--avant midi--pour senfaire une juste ide.L, dans un espace relativement troit, vivent, mangent, boivent,dorment, de quinze quarante hommes.Des lits, placs autour de la salle, la tte au mur, un demi-mtreenviron les uns des autres, une table massive, deux bancs grossiers, unecruche de grs, une large planche suspendue au plafond, dite la _planche pain_, voil pour lameublement.Dans laprs-midi, aux heures de revues, les armes du cavalier et leharnachement du cheval, symtriquement disposs leurs rteliers lelong des murailles, deviennent un ornement dun bel effet. Mais toutcet attirail, le matin, lorsque le rgiment descend de cheval, par unmauvais temps, donne la chambre une certaine analogie avec le chaos.Cest alors un ple-mle horrible de selles et de brides boueuses,darmes macules de fange, de gibernes, de sabretaches, de buffleteries,inextricable confusion dont il semble invraisemblable que lon puissesortir.Une incroyable activit rgne au milieu de ce dsordre. On cire, onpolit, on astique, on brle[A] avec fureur. Le blanc et le ciragecoulent flots.[A] BRULER--frotter ou brosser un objet jusqu le rendre brlant.Quant latmosphre, elle est dfier toutes les analyses, faireplir le plus habile chimiste. Toutes les odeurs sy mlent, syamalgament, sy confondent, et arrivent former cette abominable etindescriptible exhalaison que Stendhal appelle le parfum du bivac.--Ilest dailleurs avr quon sy habitue trs-bien.

XBrusquement introduit dans la chambre du 4e peloton, Gdon ne putfaire plus de deux pas, saisi la gorge par lmotion et latmosphre.Lentre dun jeune homme lgamment vtu faisait sensation. Toutes lesbrosses sarrtrent. Il y eut une pause de plus dune minute.

Enfin, comme le silence du nouveau venu ne paraissait pas prs de finir,un des cavaliers lui adressa la parole.--Vous venez visiter le quartier? demanda-t-il.--Non, dit Gdon, je suis engag.Il y eut une explosion de cris et de ricanements.--Il ny avait donc plus de pain chez vous, ni douvrage dans votrepays? la marmite tait donc renverse? lui cria un des plus jeunes....Il faut lavouer, hlas! pour les ouvriers, les pauvres paysans quicomposent la masse de larme franaise, et dont la jeunesse a ttrouble par le fantme de la conscription, se faire soldat par got,sans une ncessit absolue, impitoyable, est un trait de si insignefolie quils peuvent peine y croire, et quen tout cas ils ne lecomprennent pas.Passe encore de se vendre comme remplaant, ne ft-ce que pour possder,au moins une heure en sa vie, mille francs la fois--mille francs manger en noces et bombances.Toute la chambre riait aux larmes de lair dcontenanc de Gdon,lorsquun brigadier entra, lair fort affair.--O est le _bleu_? demanda-t-il.Tous les yeux lui dsignrent le nouvel arrivant.--On va lui donner un lit, continua le brigadier, il est dsign pour lepeloton. Et vous, jeune homme, demi-tour, en avant, _arche_, suivezvotre suprieur.Gdon obit. Le brigadier sarrta devant un corps de garde:--June homme, dit-il lengag volontaire, votre paletot est linsignedune bonne inducation; aureriez-vous tudi la peinture?--Moi! jamais, rpondit Gdon surpris.--Alors, que vous pourrez vous vanter que le brigadier Goblot il vousaura mis au port darmes de cet art: voil le pinceau.Et il lui prsenta un balai.

XITout en se livrant, en compagnie dune douzaine de hussards, au nobleexercice du pinceau--suivant la pittoresque expression dubrigadier--Gdon se creusait la cervelle pour inventer un moyen lafois adroit et respectueux dadresser la parole ce suprieur, dont lesgalons et limportance lui imposaient beaucoup, lorsque familirementcelui-ci vint lui taper sur lpaule.--Vous savez, june homme, que si ce genre dexercice nest pas de votre

got, il vous est comme qui dirait loisible doffrir la goutte votresuprieur.--Oh! avec le plus grand plaisir, brigadier, dit Gdon.--Alors, bas les armes, posez le bouleau, et au trot la cantine.

XIIOn dit comme a, au 13e hussards, que la goutte est le lien descurs et le ciment de lamiti.Cet axiome est flamboyant de vrit, mais il ne dit pas toute la vrit.Au 13e, la goutte est une puissance, une sduction irrsistible, unmagique talisman qui, plus dune fois, a fait flchir linflexiblediscipline.Pour elle, des brigadiers, des marchaux des logis mme, ont compromiset risqu leurs galons.Pour elle, on a vu des brigadiers--cest un grade si altr--emboter[B]avec prmditation leurs subalternes, des conscrits nafs, les flagorneraudacieusement, les admettre sans vergogne aux panchements si doux delamiti, et le verre peine vide, les lvres humides encore, lescoller impitoyablement au clou, pour la plus grande gloire du serviceintrieur.[B] EMBOITER--circonvenir. Larme a aussi sa _langueverte_.Rien de plus figur dailleurs que lexpression. La mesure de la gouttena dautres limites que la fantaisie. Tel qui a mis sec unebouteille, prtend et soutient quil na bu quune simple goutte.Cependant la mesure gnralement adopte est _le quart_, si bien que lesdeux mots quart et goutte sont devenus synonymes.Quant au liquide, cest toujours de leau-de-vie, prononcez _schnick_,do le verbe _schniquer_ et le substantif _schniqueur_.La goutte se boit toute heure de la journe, depuis le rveil jusqu_lextinction des feux_, avant ou aprs la soupe. Mais de prfrence onla boit le matin, au saut du lit.Rien de meilleur pour veiller son homme, de plus apritif pourlestomac, de plus sain pour dissiper le brouillard.Sombre et mlancolique est le hussard qui na pas, ds laurore, sondemi-quart au moins dans le fusil. Toute la journe sen ressent, aussiassure-t-on que qui ne boit goutte ny voit goutte.Tous les militaires sont, dit-on, gaux devant la goutte parce quellemet dedans avec la mme impartialit ladjudant-major aussi bien que ledernier trompette.

Nest-ce pas le marchal Bugeaud qui disait un jour: Le soldat sagite,la goutte le mne.Malheureusement, au 13e, on abuse souvent du schnick. Mais qui donc ytrouverait redire, si le service nen souffre pas? Et chacun sait quele cavalier porte sans chanceler une ration qui anantirait troispkins, dbiles buveurs de petits verres.Le 13e hussards montre avec orgueil un vieux brigadier--cocardier trois brisques--qui ne commence voir clair dans ce quil appelle unpeu fastueusement peut-tre ses ides, quentre la troisime et laquatrime goutte.Ce brave calculait un jour que, depuis son entre au service,cest--dire en vingt-deux ans, il avait absorb trente-six mille cinqcent quarante quarts, encore devait-il se tromper en moins, nayant pastenu compte des annes bissextiles.Cest le mme qui, se trouvant indispos, un matin quil avait schniquplus que de coutume, scriait dun air convaincu:--Cest tout de mme vrai, comme dit ct autre, que quand le vase estdj plein, faut quune goutte pour le faire dborder.

XIIIDevant la cantine, le brigadier Goblot arrta Gdon, et dune voix tout la fois svre et paternelle:--Ouvrez lil et loreille, june homme, dit-il; tant que vous et moiboirons insensiblement, je condescends ce que tu oublies mes galons.Il ny aura plus un brigadier et un simple hussard, mais deux camaradeset collgues. Quainsi tu peux sans crainte tre factieux et familier,et mme me tutoyer, ainsi que je ten donne lexemple.--Croyez, brigadier, commena Gdon...--Silence dans le rang! Une fois dehors, par exemple, _garde vos_! jene te connais plus que pour te flanquer lours. Et maintenant, place,repos!On sassit, et le brigadier Goblot, trouvant dans Gdon un merveilleuxauditeur, devint lui-mme factieux et communicatif.--Cest pour te dire, june homme, quil ne faut pas te fcher si je taiappel _bleu_. Les nouveaux soldats ont ainsi une foule de surnoms,comme qui dirait pour marquer leur ignorance militaire; ainsi les pkinsdisent des _conscrits_, ce qui est une insulte.--Vous croyez, brigadier?--Du moment que je te le dis, moi ton suprieur, cest que cest vraicomme la thorie: tu comprends Bien que puisque les conscrits sont plusque les pkins, les pkins sont dans leur tort en les appelantconscrits.

Le colonel, dans les rapports, et quand il parle au rgiment, lesappelle _jeunes soldats_.Le capitaine instructeur dit: des _recrues_.Les fantassins ils leur donnent le nom de _grivets_.Mais nous autres, hussards, nous disons des _bleus_, des _blaireaux_ oudes _bleus sous le ventre_.--Parbleu, dit Gdon, je voudrais bien savoir pourquoi?--Cela, june homme, est au-dessus de ta comptence. Quant aux engagsvolontaires, qui arrivent mis en mylords, comme qui dirait toi, on lesappelle _Parisiens gros bec_; Parisiens, cause de leur tenuesoigne, et gros bec, vu leur inducation et quils savent causer.--Parole dhonneur, scria le nouveau hussard, je la trouve superbe,votre tymologie.--Suffit, dit le brigadier visiblement flatt, les femmes elles men onttoujours fait compliment. Mais pour en revenir aux bleus, il faut avouerquen commenant ils ont du trimage, vu quil est de leur comptence defaire toutes les corves qui manquent dagrment: on leur fait ainsimordre au mtier par le bout le plus dur. Donc, si jtais de toi, jetcherais de travailler chez le chef.--Quel chef, brigadier?--Le marchef, donc.--Je vous avouerai que je ne comprends pas de qui vous parlez.--Et vous avez t duqu! mais allez donc demander a au premier enfantde troupe venu! Le chef, mais cest le marchal des logis chef;seulement, pour conomiser la salive, on dit le _marchichef_ ou le_marchef_, ou simplement _le chef_. De mme quon ne dit pas un marchaldes logis, mais un _marchegis_ ou un _marchis_. Et maintenant, assezcaus, vu que je suis de semaine.Mais comment navoir pas piti de lignorance dun bleu! Sur lesinstances de Gdon, le brigadier lui expliqua que, chaque semaine, tour de rle, un lieutenant, un marchal des logis et un brigadier parescadron sont plus spcialement chargs de tous les dtails du service.Sur le dernier grade retombe naturellement le plus lourd du fardeau.Le brigadier de semaine est donc lhomme le plus plaindre du rgiment.Il doit tout voir, tout entendre, tout savoir, faire excuter lesordres, prvoir au besoin.Hommes et chevaux sont sous sa responsabilit. Aux uns il fait donnerlavoine, aux autres distribuer la soupe. Couch le dernier, il doittre le premier debout.--Ainsi moi, conclut le brigadier Goblot, jai pris lhabitude, afindtre plus vite prt, de ne pas me dshabiller tant que je suis desemaine. Tel que vous me voyez, il y a cinq jours que je nai tir mesbottes. Ah! les premiers galons cotent cher.

Et il sortit en courant, laissant Gdon assez refroidi par cetteconfidence.

XIVComme Gdon venait de regagner, non sans peine, sa chambre, on leprvint quon allait lui donner un lit, et quil et venir lechercher.Ce fut bientt fait. Le lit du troupier, bien que suffisant, est desplus simples.Soit: deux trteaux de fer, trois planches, un matelas, une paillasse,un traversin, une couverture, et des draps.Ce meuble primitif peut se dmnager dix fois en une demi-heure.Gdon le trouva singulirement troit.--Si jai, se dit-il, le malheurde mendormir, je ne songerai plus me tenir en quilibre, etcertainement je tomberai.Si encore on dormait avec un balancier!Le lit mont, il sagissait de le faire; cest quoi sescrimaitGdon, lorsquun hussard, son voisin, lui expliqua quil sy prenait onne peut pas plus mal. Il le disposait en effet, simplicit! comme silet d se coucher dedans.Mais au 13e hussards, on ne se couche pas le soir comme on fait sonlit le matin, tant sen faut.Le matin on dispose son lit pour lil, pour lapparat; le soirseulement on larrange pour la nuit. Un lit bien fait, pour une revue,doit tre plat et carr comme une table. On obtient ce rsultat enpliant les draps et la couverture dune certaine faon, mais on nyarrive pas du premier coup, ainsi que sen aperut le nouveau hussard.Son lit termin, tant bien que mal, avec laide dun camarade, Gdon sehasarda demander au brigadier si on lui donnerait bientt un uniforme.--Vous pouvez tre tranquille, june homme, lui fut-il rpondu, on acrit au tailleur, qui est Paris, de venir vous prendre mesure; maisen attendant il faut vous mettre lordonnance. Oh, le bourreau!Un hussard, les mains pleines de cirage, savana brandissant dnormesciseaux.Gdon comprit quil avait affaire au perruquier de lescadron. Iltrembla. Ses cheveux taient soigns, il avait la faiblesse dy tenir;il voulut dire quelques mots pour les dfendre, mais le brigadier luiordonna de se taire et de sasseoir; il obit.--Au moins, dit-il au perruquier, vous devriez bien vous laver un peules mains.--Ah! tu minsultes, mchant bleu, grogna lartiste militaire, attends,

attends, je vais te mettre lordonnance.Il fit plus, car lordonnance dit: cheveux en brosse, et Gdon futtondu comme un uf.--Subsidiairement quon le rase, dit le brigadier; quon le rase.--Ah! par exemple! scria Gdon exaspr, ce serait assez difficile,je nai pas sur la figure un tratre poil, et il montrait ses joues.--Hein! dj de linsubordination!Gdon sexcuta en soupirant.Le perruquier ne put lui couper la barbe, et pour cause; mais il trouvamoyen de lui faire deux ou trois balafres.Tondu et ras, Gdon cherchait autour de la chambre une fontaine, unrservoir, un peu deau enfin, pour se tremper la tte, mais il nevoyait que la cruche de grs.Alors on lui apprit se servir du lavabo naturel en usage au 13ehussards.On prend dans la bouche une gorge deau aussi copieuse que possible;puis, se penchant en avant, on laisse tomber leau peu peu, et avecles mains on sen lave aisment le visage.Cest aussi simple que cela.Diogne et cass sa cuvette, Gdon fut simplement saisi dadmiration.

XVEnfin elle finit, cette premire journe dpreuves.Depuis une demi-heure la retraite tait sonne. On avait fait lappel dusoir.Les hommes causaient et l dans la chambre, claire par une mincechandelle, car on peut veiller jusqu lextinction des feux,cest--dire jusqu dix heures.Dautres taient couchs; Gdon pensa quil pouvait faire comme eux, etavec mille prcautions pour ne pas choir, il se glissa sous sacouverture.Il allait sendormir lorsque tout coup on le dcouvrit brusquement.Cinq ou six de ses nouveaux camarades, bizarrement costums, taientautour de son lit, arms de pinceaux cirage et dponges blanc.Alors un vieux soldat, le plus ancien, lui expliqua que, conformment lusage, on allait le baptiser hussard, en noir ou en blanc son choix.Gdon ne savait sil devait rire ou se fcher, lorsquun mot prononc

prs de lui lclaira.--Camarades, arrtez! scria-t-il, je suis dans mon tort; je nai pasencore pay ma bienvenue, mais je veux rparer mon oubli.Brosses et pinceaux se retirrent.--Je vous invite tous, poursuivit Gdon, me suivre la cantine.Linvitation fut accepte, et, de mmoire de hussard, jamais rceptionnavait t aussi belle: la dpense sleva prs de trente francs.Au moment le plus brillant de la fte, une discussion extrmement gravefaillit troubler la gaiet gnrale. Deux vieux hussards se disputaient qui serait le camarade de lit dun bleu qui faisait si bien leschoses.Ce mot effraya Gdon, il pensait la largeur de la couchette.Mais on lui expliqua que ce nom de camarade de lit, vrai dans toute sonacception lorsque les soldats couchaient deux deux, na plusaujourdhui que la signification de copin. Les soldats, en effet, ontconserv lhabitude de sassocier deux par deux, et cette dualit offredes avantages rels.Deux camarades de lit doivent tre insparables, presque solidaires; ilssentraident, se prtent la main, mettent tout en commun, rpondentenfin lun pour lautre.Autant que possible, chaque conscrit, on donne pour camarade de lit unvieux soldat, qui devient, en quelque sorte, son rptiteur, et linitieaux dtails intimes du service.Le plus vieux doit aide et protection au plus jeune. Le bleu doitobissance et la goutte son ancien.Avoir un bon camarade de la loterie, une chancechoses prodigieuses cea toujours pour brosseurna manqu de linviter,verre de vieille.

lit est pour un engag volontaire un vrai quinedavancement. On raconta mme Gdon dessujet; comme, par exemple, que le gnral D***son premier camarade de lit, et que jamais iltous les matins, boire avec lui un petit

Cependant, les deux comptiteurs nayant pu sentendre, sommrentGdon de choisir entre eux. Il tait dans le plus grand embarras,lorsque le brigadier intervint et dsigna un vieux hussard maigre ettann presque clbre au 13e sous le nom de La Pinte.Fort de cette dcision, La Pinte dclara que le premier qui embterait_son_ bleu aurait affaire lui, La Pinte, connu pour navoir pas froidaux yeux.

XVILe rveil venait de sonner, Gdon shabillait en toute hte, lorsque lebrigadier Goblot entra dans la chambre.

--Hussard Flambert, dit-il, vous tes de cuisine.--Ciel! vous ny pensez pas, brigadier, je nai pas la moindre notion decet art, je ferai des choses horribles.--Que vous croyez peut-tre quun blaireau comme vous va tre cuisinieren pied? Vous tes command pour aider. Allons, cheval!A laspect de la cuisine, Gdon fut saisi deffroi.--O Herculenettoyeur, murmura-t-il, sois-moi propice et viens mon aide.Prs dun vaste fourneau, un grand diable vtu dune indescriptibleblouse fumait tranquillement sa pipe.--Allons, blaireau, dit-il Gdon, dpchons-nous; et pour commencertu vas astiquer toute cette vaisselle de fer-blanc. Et il montrait unnorme tas de gamelles.Tristement Gdon se mit luvre. videmment, se disait-il, je nesuis que le marmiton, cet autre est le cuisinier en chef.Un homme important, le cuisinier en pied--il y en a un parescadron--presque un personnage!Aussi ne lest pas qui veut. Longue est la liste des conditionsrequises: il faut avoir fait trs-peu de punitions, tre un propresoldat, connatre fond le mtier de cavalier, et avoir sa massecomplte.Quant des connaissances culinaires pralables, pas nen est besoin. Aquoi bon dailleurs? Tout lart du cuisinier consiste mettre, unecertaine heure, dans la marmite, de leau, du buf et des lgumes, faire bon feu dessous; puis, une autre heure, retirer le tout, pourle distribuer galement dans un certain nombre de gamelles, et cela,deux fois par jour.Le cuisinier sortant explique son successeur les autres dtails,comme, par exemple, quil est bon, sinon indispensable, dplucher leslgumes.Et cependant le 13e a eu ses illustrations culinaires. On y parleencore dun Provenal qui navait pas son pareil pour le _rata_ au lardet aux pommes de terre; et il est avr que certain soir, ayant un granddner, le capitaine de lescadron envoya chercher plein une soupire decette dlicieuse tamponne, pour en faire goter ses convives,--lesquelssen lchrent les doigts.Ce poste de cuisinier est des plus convoits; mais aussi, quedavantages! On assure quun cuisinier adroit fait sur la graisse, lesos et les pluchures des bnfices considrables, et quil met delargent de ct.Ne va-t-on pas jusqu dire quil sentend avec le brigadierdordinaire, qui lui gargarise le gosier et ne le laisse jamais manquerde tabac? Enfin, il est accus de trafiquer avec une cantinire, et delui livrer--meilleur march que le boucher--les plus fins morceauxadroitement escamots.Mais cette dernire imputation est si formidable et peut conduire si

loin les coupables, que mieux vaut ne pas approfondir.Un cuisinier et un aide suffisent trs-bien prparer lordinaire dunescadron; la chre est, il est vrai, des plus lmentaires: la soupe etle buf deux fois par jour, parfois, pour varier, un _rata_ depommes de terre et de lard ou de veau et de haricots.Avec cela, un pain de trois livres tous les deux jours; et le soldat seporte comme un charme.Gdon avait beaucoup moins nettoy sa porcelaine de fer-blanc que salises doigts, lorsquon lui commanda de tailler la soupe.Comme il se livrait fort attentivement cette occupation, arm dungrand couteau et dun gros pain blanc, le cuisinier, son chef pourlinstant, lui ordonna brutalement de siffler.Pour le coup, se dit Gdon, voil de larbitraire et du despotisme;certes, je nobirai pas, dautant que sur la manche de ce cuisinier jenaperois pas lombre dun galon.--Je nai pas la moindre envie de siffler, dit-il, et je ne siffleraipas, ny voyant aucune ncessit.--Ah! tu ne veux pas! riposta le cuisinier furieux, eh bien, je mecharge de faire rgler ton compte.En effet, un marchal des logis tant entr, le cuisinier se plaignitamrement de linsubordination de son aide, et rclama pour lui unepunition.Le marchal des logis se prit rire.--Il faut toujours obir, dit-il Gdon, surtout quand on ne saitrien. On fait siffler les bleus en taillant la soupe, pour tre srquils ne mangent pas le pain blanc. Cet usage vite lennui desurveiller leurs mchoires, lexprience ayant dmontr quil estimpossible de siffler et de manger simultanment.Pour cette fois je vous pargne la salle de police.

XVIIGdon sifflait comme un merle, lorsquil fut appel par le marchef deson escadron: on allait enfin lui donner le brillant uniforme.Gdon suivit le marchef au magasin dhabillement.L trne et rgne le capitaine dhabillement, un capitaine part.Celui du 13e est trs-mari et on ne peut plus bourgeois. Il prtendavoir ltat militaire en horreur, et fera pour ce motif, sans doute,toutes les dmarches imaginables pour reculer lheure de sa retraite.Il ne passe pas une heure de la journe sans scrier: Chien de mtier!et, dans son exaspration contre le pantalon garance, il a jur que,

dt-il faire acte dautorit paternelle, son fils ne serait jamaistroupier. Aussi la-t-il envoy la Flche, o il pioche lX en vue deSaint-Cyr.Cest un gros homme la face panouie; lhabitude quil a prise detoujours gonfler ses joues comme sil soufflait sur sa soupe, lui donneun faux air dange bouffi. Depuis longtemps dailleurs il a renonc auxvanits de la fine taille, et son ventre crot en libert dans les plisdun pantalon ceinture lastique. Il porte des uniformes aiss.Sa position lui permet de vivre presque en dehors du rgiment, et il enprofite, sauf pour ce qui concerne le caf.Sa vie serait donc heureuse, si, de temps autre, il ny avait lesgrandes revues dinspection-- cheval. Cette grande revue est le fantmede ses nuits.Ce jour-l, bon gr mal gr, il faut sangler le ceinturon et monter cheval.Monter cheval! terreur! Ce nest pas quune fois en selle il craignede tomber, oh! non: il a, dit un mauvais plaisant de lieutenant, un tropbel aplomb pour cela; mais le difficile est darriver en selle.Tous les hussards du 13e ont contempl le capitaine dhabillement cheval, nul jamais ne la vu ni monter ni descendre.Comment sy prend-il?Cest un secret entre Dieu, son brosseur et lui. Et ce secret, nul nela pntr; mais il est peu prs tabli quil emprunte sans faon lesecours dun escabeau.Le gros capitaine regarda attentivement Gdon; il le toisait, il luiprenait mesure.--Quon apporte des uniformes, dit-il au matre tailleur.Lessayage commena.Au 13e hussards, o rgne despotiquement la tradition dlgance,habiller un bleu est une affaire capitale, le matre tailleur en saitquelque chose.Ce nest pas un de ces rgiments o lon nadmet que les trois taillesrglementaires, grande, moyenne et petite; o, pour habiller le soldat,on prend mesure sur sa gurite; o chaque homme peut impunment treficel comme las de pique.Non. Le capitaine dhabillement ne lche un hussard quaprs avoirtrouv le dolman qui lui donne du chic, ou qui du moins le coupeagrablement en deux.On essaye, sil le faut, cent uniformes: le colonel ne plaisante pas surcet article.Aprs le dolman, la pelisse et le pantalon, les bottes.--Celles-ci, dit Gdon, me vont trs-bien, si ce nest quelles megnent abominablement et que je ne saurais marcher avec.

--Vous croyez-vous donc dans linfanterie? rpondit le capitaine.Tandis quon donnait Gdon ses effets de petit quipement et sesarmes, le capitaine lui demanda sil avait de largent pour verser samasse.Le marchef prit la peine de lui expliquer que la _masse_ est une_premire mise_ que le gouvernement accorde chaque soldat lors de sonarrive au corps. Cette masse varie suivant les armes; pour le 13ehussards elle est de 75 francs.Naturellement, le premier quipement puise presque la masse, et commeelle ne saugmente que de quelques centimes chaque jour, il faut untemps assez long pour quelle remonte au chiffre rglementaire; encorefaudrait-il supposer que le soldat nuserait que trs-lentement leseffets quil paye sur ses fonds.Or, au 13e hussards, avoir sa masse complte est une excellente note.Gdon dclara donc quil allait sur lheure verser largent ncessaire.--A la bonne heure! dit le capitaine, vous arriverez, vous: on va loinquand on a sa masse complte.La toquade du capitaine dhabillement du 13e est de vouloir juger leshussards, seulement daprs ltat de leur masse. Il prtend que cestun infaillible thermomtre qui ne la jamais induit en erreur.Enfin Gdon fut habill, chauss, coiff et arm de pied en cap. On luiremit un livret, ce _vade-mecum_ du troupier, sur lequel on inscrit sesdpenses ct de ses tats de service.A la fin est imprim un abrg du code pnal militaire, et lnumrationdes devoirs du soldat envers ses suprieurs.Sur la premire page, au-dessous de son nom crit en grosses lettres,Gdon aperut son numro matricule. Il tait immatricul sous le n1313, et il retrouva ce chiffre sur tous ses effets, depuis les tiges deses bottes jusquau fond de son schako.Comme il descendait lescalier, charg de tout son attirail, le marchefle rappela:--Vous oubliez vos musettes, lui criait-il.Gdon remonta bien vite.--Quels peuvent tre ces instruments? sedemandait-il.On lui remit deux sacs de toile, renfermant toute sorte de brosses,dponges, de peignes et dtrilles.--Ce sont l, videmment, se dit-il,les ncessaires de toilette de lhomme et du cheval; mais pourquoi cesingulier nom de musettes?

XVIIIGdon, cependant, brlait du dsir dessayer ce brillant uniforme qui

avait dcid son choix, et de se pavaner par les rues de Saint-Urbain.Il se trouvait seul la chambre, le rgiment tant retenu prs deschevaux, il pensa que son dsir tait des plus simples satisfaire.Alors, comme la triste chrysalide, lorsquarrive lheure de satransformation, il commena dpouiller les sombres vtements du pkinpour revtir la fulgurante tenue des hussards du 13e:--le papillonallait prendre son vol.Mais bientt un obstacle imprvu larrta. L, sous sa main, taient unefoule dobjets dont il ne pouvait comprendre ni lusage ni ladestination.Son embarras tait au comble, lorsque heureusement arriva son camaradede lit, qui sempressa de prsider sa toilette.--Mais quoi diable cela peut-il servir? demandait Gdon chaquenouvel ornement dont se surchargeait sa tenue.Et invariablement le camarade de lit rpondait:--A rien.A rien, si ce nest gner prodigieusement le hussard, et aussi donner sa tenue cette pompe un peu thtrale qui saisit lil.Il est convenu que la cavalerie franaise doit tre brillante, et le13e hussards est le plus brillant des rgiments.Presque tous les accessoires, dailleurs, aujourdhui parfaitementinutiles, ont eu jadis leur raison dtre; seul le temps les a dtournsde leur objet primitif.Ainsi la fourragre dor, dont le but avou est de retenir le schako,fut autrefois une simple corde fourrage; la ceinture de soie, qui faithuit fois le tour de la taille, a d tre une grossire courroie; lasabretache enfin nest quune rminiscence--trs-revue ettrs-augmente--de laumnire de peau de daim que portaient au ctles hussards hongrois de Louis XIV.Au 13e, la sabretache sert renfermer la pipe, le tabac et lemouchoir de poche du cavalier. Le brigadier y met son calepin, et lefourrier les billets doux de sa matresse. A la rigueur, elle pourraitencore servir de porte-monnaie. Cest sans doute pour lui conserver cesimportantes destinations que les pantalons des hussards nont pas depoches.Il faut, par exemple, convenir que cet incommode portefeuille de cuir,qui bat disgracieusement les mollets des troupiers, leur donne unedplorable dmarche. Au bout de deux ans de service, ils prennentlhabitude, mme lorsquils sont privs de cet ornement, de traner lajambe comme des tambours, lesquels la tranent comme ces infortunsauxquels la justice humaine attache par prcaution un boulet au pied.Gdon ne put sempcher de faire ces diverses remarques, mais ladernire on lui rpondit que les hussards du 13e ne vont piedquaccidentellement.Quant la ceinture--qui fait huit fois le tour du corps, et quil est

peu prs impossible de mettre seul,--on lui apprit quelle tient leventre trs-chaud, ce qui est on ne peut pas plus hyginique.--Voil qui est enfin termin, dit Gdon son camarade de lit, en luibouclant le ceinturon de son sabre. tes-vous votre aise?--Mais oui, rpondit Gdon.En ralit, le malheureux se sentait plus serr quune momie sous sesbandelettes; son dolman ltranglait, sa ceinture ltouffait, sesbottes le meurtrissaient, son sabre et sa sabretache le gnaient aupossible; il et repris avec transport le costume ddaign desbourgeois.Lamour-propre le retint. Puis il sentit la ncessit de shabituer;enfin, il avait invit son camarade de lit La Pinte venir dner enville: reculer tait impossible. Il partit en essayant, sans y russir,de se donner la dmarche crne et gracieusement dhanche dun vieuxtroupier.Par malheur, il avait tout fait oubli les perons visss sesbottes; si bien qu peine engag dans lescalier, il accrocha unemarche, perdit pied, et dcrivant un magnifique arc de cercle, faillitfaire un plongeon ltage infrieur.Comme il se relevait passablement meurtri:--Ceci, camarade, lui dit La Pinte, est comme qui dirait uneprparatoire pour tapprendre une autre fois conserver tesLperon est le signe distinctif du cavalier, cest pourquoiporte au talon. Il sert piquer les flancs du poulet-dinde, faire dgringoler les bleus dans les escaliers.

thoriedistances.quil secomme aussi

XIXLide agrable de leffet quil ne pouvait manquer de produire sur lesbelles Saint-Urbinoises consolait un peu Gdon. Mais cette dernireillusion devait, hlas! rejoindre les autres, tire daile.Vainement le nouveau hussard laissait traner son sabre sur le pav,vainement il faisait sonner ses perons, les femmes passaient sans mmeavoir lair, les ingrates, de se douter que le 13e comptait unhussard de plus.Seule, une bonne denfants, assise sur un banc du cours des Ormes, parutfaire attention aux deux troupiers.--Si tu nes pas sage, dit-elle une petite fille qui jouait prsdelle, jappellerai les militaires qui te mangeront.--Horreur! scria Gdon; suis-je donc pass ltat de croquemitaine,dpouvantail enfants?La Pinte le consola en lui expliquant que si les hussards ne mangent pasles enfants, ils ne se font aucun scrupule de croquer les bonnes, quisy prtent assez volontiers.

Le moment de dner venu, Gdon se mit table, mais, bien que mourantde faim, cest peine sil osa toucher aux mets qui lui furent servis.Comme il dployait sa serviette, il avait t arrt tout net par cetterflexion, pleine la fois de justesse et de sens:Sangl comme je le suis, il faut de toute ncessit, si je veux mangerau gr de mon estomac, desserrer mon ceinturon; or, si je commets cetteimprudence, il me sera impossible de le remettre aprs dner.Et il stait abstenu. Mais il eut la douce satisfaction de voir soncamarade de lit besogner comme deux, avec un apptit digne davoirsoixante-quatre dents son service.

XXDu matin au soir, et presque chaque instant de la journe, Gdon,depuis son arrive au rgiment, entendait la trompette retentir dans lescours.Ctaient des ordres, videmment. Les hussards allaient et venaient,obissant sans hsitation et sans erreur aux commandements de ceporte-voix de la discipline.Gdon enrageait de ny rien comprendre. Pour lui, tous les timbres seressemblaient. Il sentait pourtant la ncessit de sinitier cesordres mystrieux, surtout dans un tat o entendre cest obir. Ildemandait une explication, un instant aprs il avait oubli le timbre.Il dsesprait presque, au bout de trois jours, de retenir jamais lessonneries si multiplies, lorsquun brigadier avec lequel il avait fait la cantine commerce damiti le tira dembarras.--La trompette, lui dit le brigadier, est, ce que prtend ladjudant,le tambour de la cavalerie; cest peut-tre vrai, mais elle lui est biensuprieure, vu quil est impossible de mettre des paroles sur des _ra_et des _fla_.Alors il expliqua Gdon qu presque toutes les sonneriesdordonnance, un nomm La Tradition, troupier fini, a adapt descouplets de haute fantaisie. Ils manquent peut-tre de la pointe chre M. Clairville, le directeur des Bouffes-Parisiens les repousseraitprobablement, mais tels quils sont ils ont sembl jusquici assezsuffisants pour quon ne sembarrasst pas den composer dautres.--Ainsi, continua le brigadier, nonobstant mes galons, et considrant lachose comme affaire de service, je suis susceptible de condescendre vous communiquer les paroles des sonneries les plus utiles un bleu.Cest dabord _la soupe_. Un air facile retenir, au bout de troisjours lestomac du bleu le plus endurci le connat admirablement. Et lebrigadier se mit chanter:Ratatouille de pommes de terre,Ratatouille de pommes de choux.

Ensuite, _la botte_, qui est au cheval ce que la soupe est au cavalier:La botte coco,La botte coco.Puis, la sonnerie des _classes_, qui appelle les recrues lexercice:Ah! les maladroits,Les maladroits,Les maladroits...--Il me semble, brigadier, dit Gdon, que je retiendrai facilement cescouplets, comme vous les appelez.--Attention, continua le brigadier, une sonnerie importante,_lappel_:As-tu pas vu mon il cmatin?Il est fait comme un autre,Il est tout noir.Et au _demi-appel_, qui indique les divers mouvement dun mme exercice:Un chien qui sgratte, a prouve quil a des puces;Voil ltabac!--Brigadier, demanda Gdon, seriez-vous raliste?--Que ce nest pas de votre comptence, tchez plutt de retenir le_boute-selle_, une belle sonnerie!Allons, hussards, vite en selle,Formez vos joyeux escadrons.Que chacun embrasse sa belle:A cheval! nous partons;A chval! nous partons,A chval! nous partons.--Naturellement, ajouta le brigadier, le nom de larme est volont, etsuivant les rgiments on dit: Allons, chasseurs ou: Allons, dragons; etainsi de suite pour les autres. Mais je ne dois pas vous cacher que jeprfre les paroles mises sur ce mme air par les rgiments qui ont ten Afrique, paroles que voici:Nous avons fait un bel razia, jespre,A la ferme du grand rocher;Nous avons pris vingt mille moukres,Et des Yaoulets et des Yaoulets;Et des Yaoulets,Et des Yaoulets.--Brigadier, demanda Gdon, est-ce que vous tes all en Afrique?--Non pas par moi individuellement, mais par le brigadier Goblot, moncollgue, que cest l quil a gagn ses galons, preuve quil madmontr le maniement de la langue du pays.--Eh quoi! brigadier, vous parlez arabe?--Un peu, mon neveu, au 13e, tout le monde parle la langue des

Arbicos, mme les bleus, au bout de huit jours; il faut a pour paterle pkin.--Ce doit tre terriblement difficile.--Aucunement. Au lieu de beaucoup, tu dis _bezef_; une femme est une_moukre_, on appelle un bton une _matraque_, et voil...--Comment, cest tout?--Absolument. Avec ces trois mots-l, une escorte, des guides, unchameau et une bonne provision deau, tu peux sans danger traverser ledsert.

XXIEnfin Gdon fut admis voir de prs et mme toucher les chevaux, cesanimaux sacrs lusage desquels parat avoir t cre la cavalerie.Styl pralablement par son brigadier, cest avec une respectueusemotion quil pntra dans ce sanctuaire quon appelle lcurie.L rgnent le luxe et le confort exils de la chambre des hommes.Une merveilleuse propret, des attentions mticuleuses entourent lesprcieuses btes. Les murs sont soigneusement blanchis la chaux,chaque semaine on lave scrupuleusement les peintures des stalles en boisde chne; les mangeoires de pierre ont pris, force de travail, lestons du marbre; les rteliers sont nettoys et brosss, enfin le balaia poli les dalles qui recouvrent le sol. Quant la litire, elle estsche et brillante et tresse habilement lextrmit, cest--dire un demi-mtre des pieds de derrire du cheval.--Cest fort bien tenu ici, pensa Gdon, jy descendrais volontiers monlit.Mais il sagissait de bien autre chose, vraiment. Ctait lheure dupansage: tous les hommes avaient mis bas leur veste pour cet exercice,un des plus importants de la vie du cavalier.Gdon suivit le brigadier charg de lui enseigner lart dlicat debrosser le _poulet-dinde_.Ds la porte de lcurie:--Tourne! cria le brigadier, sadressant aux chevaux, tourne!--Brigadier, dit Gdon, en entendant tous les autres cavaliers pousserle mme cri, pourquoi dit-on aux chevaux de tourner?--Que cest rapport lusage, dit le brigadier, que jamais un cavalierne doit sapprocher de son cheval sans lui adresser la parole.--Mais pourquoi?--Vu que cest un commandement prparatoire, pour linviter ne pasruer si on vient le toucher.

Tout en apprenant se servir des instruments contenus dans la musettede pansage, trille, brosse, poussette, bouchon, peigne et ponge,Gdon crut sapercevoir que lanimal sur lequel il sexerait recevaitses soins avec un visible dplaisir: son grand effroi, il sagitaitterriblement dans sa stalle, ruait, bondissait, secouait sa chane.--Mais il est trs-mchant, ce cheval! ne put-il sempcher de dire.--Quil est seulement un peu chatouilleux, rpondit le brigadier; jevous lai choisi ainsi, histoire de vous habituer.Cette excellente plaisanterie est traditionnelle au 13e. Gdon duten prendre son parti.Pendant le pansage, qui semblait plus long que de raison au nouveaucavalier, un hussard allait et venait dans lcurie, expurgeantsoigneusement la litire--avec ses mains.--Voil un gaillard furieusement malpropre, dit Gdon; pourquoi ne sesert-il pas de cette pelle que je vois dans un coin?Le brigadier haussa les paules et apprit Gdon trois choses.Que lhomme en question ntait pas plus sale que lui-mme ne le seraitdans huit jours; quil est plus facile et plus prompt demployer lesmains, quainsi on ne se sert jamais de pelle; enfin que rien de ce quiregarde le cheval ne doit tre considr comme malpropre.

XXIILe pansage termin, et il navait pas dur moins dune heure, Gdoncroyait bien en tre quitte pour toute la journe; on le dtrompa en luiapprenant quil y avait une seconde sance dans laprs-midi.Au 13e, on ne consacre pas moins de trois heures par jour latoilette du poulet-dinde, une heure et demie le matin, et une heure etdemie le soir.Cinq minutes de moins, et la chre sant des coteux animaux serait,parat-il, srieusement compromise, aussi un capitaine adjudant-major,qui savisait quelquefois dabrger un peu le temps consacr au pansage,fut-il vertement tanc par le colonel.Pour la premire fois, ce jour-l, Gdon, lappel du pansage, vintprendre sa place dans les rangs du premier escadron.Pour la premire fois, il avait la tenue de rigueur pour lcurie:pantalon de toile, veste, calotte. Aux pieds, il avait comme les autresdes sabots, sous le bras un bouchon de paille, artistement fabriqu parson camarade de lit; enfin, accroche sur lpaule, la musette depansage.--Le marchal des logis chef fit lappel nominal.Un capitaine, un lieutenant et un marchal des logis passrent alorssuccessivement devant le front de lescadron, sarrtant devant chaquehomme. A porte de leur voix se tenait le brigadier de semaine, son

carnet la main, prt inscrire les punitions.Ce fut dabord le capitaine. Toute lattention de cet officier seconcentrait sur les boutons des vestes: taient-ils brillants, sonvisage rayonnait de satisfaction; il fronait au contraire le sourcillorsquils lui paraissaient ternes.Arriv devant Gdon:--Vous tes dj sale! lui dit-il.Gdon rougit.--Il faudra mastiquer ces boutons, continua le capitaine; une autrefois, je vous punirais.Il revint alors au hussard qui prcdait Gdon.--A la bonne heure! fit-il dun ton videmment satisfait, voil unpropre soldat: prenez exemple sur lui.Gdon regarda son voisin: les boutons de la veste de ce militairemodle tincelaient en effet; par malheur, ses mains, son cou et sesoreilles rvlaient une dplorable incurie.--Oui-da, se dit Gdon, lemot propret aurait-il au rgiment une autre signification que dans lavie civile?Le lieutenant qui suivait le capitaine ngligeait compltement lesboutons. Se souciant peu des dtails du costume, il ne sinquitait quedes musettes, il les ouvrait toutes, afin de sassurer que lesinstruments du pansage y taient au complet. Il examinait aussi lesbouchons de paille que les hommes tenaient sous le bras, rprimandant oupunissant lorsquils lui paraissaient mal faits.Enfin venait le marchal des logis. Ctait un vieux troupier la barberevche nuance de fils dargent.Au 13e, il passait pour avoir reu un coup de marteau; on savaitquil ne faisait jamais rien comme les autres.Ce jour-l, ne savisa-t-il pas de passer en revue les pieds de tous leshommes de lescadron!Bon nombre furent punis, qui le mritaient bien, pour avoir totalementoubli, et depuis bien longtemps sans doute, dastiquer cette partie deleur personne. Le hussard aux boutons brillants, quavait compliment lecapitaine, se trouva de ce nombre.Arriv Gdon, le vieux marchegis sarrta, lair visiblement tonn.--Quelle diable de saloperie avez-vous dans vos sabots? luidemanda-t-il.--Marchal des logis, rpondit respectueusement le jeune homme, asappelle des chaussettes.

XXIII

Sengager dans les hussards est fort joli, mais encore faut-il fairelexercice et savoir se tenir cheval: on prsenta Gdon au capitaineinstructeur.Cest lofficier spcialement charg de cette tche ingrate etlaborieuse de dresser les conscrits et les jeunes chevaux.Aux uns il apprend monter, aux autres se laisser monter.Mainte fois je lai entendu affirmer que les chevaux ne sont pas lesplus difficiles instruire.--Croyons-en son exprience.En vertu de ce principe, il suit, lgard de ses lves, deux mthodesbien diffrentes.Dune patience, dune douceur inaltrables avec les chevaux, il est pourles hommes incroyablement dur.--Gdon disait brutal. Nest-ce pas luiqui affirmait un jour que la salle de police est lperon du hussard?Les rsultats de ce systme ne sont pas toujours des plus heureux. Lesconscrits tremblent au seul nom du capitaine instructeur, mais leurintelligence ny gagne gure. Sils sont niais, sa vue ils deviennentstupides, et pour peu quil lve la voix, ils finissent par ne pluspouvoir distinguer leur main droite de leur main gauche.Cependant il ne faut pas trop lui en vouloir de ses rigueurs. Pour lui,voir un cavalier maladroit tracasser un cheval par inexprience, est leplus effroyable des supplices. Que de fois on la entendu crier, ple defureur, quelque pauvre bleu bien ahuri:--Mais que lui veux-tu donc, triple brute, ton cheval? Que ta-t-ilfait, sauvage? Sais-tu ce que tu lui demandes?Et comme le pauvre bleu, cette voix menaante, perdait de plus en plusla tte et les triers:--Vas-tu laisser ton cheval tranquille, brigand, ou je tordonne demettre pied terre, animal! et je le fais monter sur ton dos dne!Dieu seul peut savoir et calculer ce que lui cote, en moyenne, dejurons et de colres--non rentres--chaque recrue qui sort de ses mainsayant enfin acquis la tenue, _lassiette, la souplesse et le liant_ quiconstituent essentiellement le cavalier.Et lon ferait une petite arme avec les bleus quil a _mis cheval_.Le capitaine instructeur du 13e est de beaucoup le plus habile cuyerdu rgiment.A Saumur, il stait fait une certaine rputation, et son mrite estdautant plus grand, quil lui a fallu vaincre la nature, et triompherdobstacles physiques.Il a le buste trs-long et les jambes bien trop courtes. Il nest pas_fendu_, quoi! Lui-mme, quelquefois, le confesse avec douleur.Disciple fervent du comte dAure, le capitaine instructeur professeouvertement une aversion mle de mpris pour la mthode Baucher, qui

brise, dit-il, le cheval, entrave ses allures naturelles pour lui endonner de factices, et achte quelques grces de parade au prix dellan, de la vitesse et du fonds mme de lanimal.Aussi, de quelles pigrammes ne crible-t-il pas le capitaine-commandantdu 3e escadron, qui samuse _bauchriser_ ses chevaux.Tout ce qui a t crit sur le cheval, le capitaine instructeur la lu,relu et mdit. Plus dune fois il a regrett tout haut que les Numidesnaient pas laiss de trait sur lquitation.Cest pour combler sans doute cette lacune que lui-mme profite de sesrares loisirs pour en prparer un. Voil cinq ans que, dans le silencedu cabinet, il condense en aphorismes clairs et prcis les rgles dunemthode qui lui est particulire.Ces aphorismes, tous les hussards du 13e les savent dj par cur;ils lont tant de fois entendu rpter:Soignons la position; la position est la premire chose dont on doitsoccuper.Le corps du cavalier se divise en plusieurs parties, dont chacune a sonemploi spcial, ne loublions pas.Ou encore:Un homme ne peut pas plus tre tout fait semblable un autre, cheval, quil ne lest pied.La position du cavalier est lquitation ce que la grammaire est lart de parler et dcrire.Les mots _casterole_ et _collidor_ sont moins dfectueux que certainespositions cheval.Ce nest pas tout. Sans doute pour se dlasser de son grand ouvrage, lecapitaine instructeur soccupe beaucoup de chercher et de trouver desamliorations au systme du harnachement.Dj, il a successivement dcouvert et fait proposer au ministre de laguerre:UNE SELLE--_nouveau modle_--qui ne blesserait pas le cheval et auraitce rare avantage de ne pas tre, comme les selles actuelles, impossibleen campagne.UNE BRIDE--_nouveau modle_--moins complique, avec un mors quircrerait la bouche du cheval, soulagerait les barres et amortirait les-coups.UNE SCHABRAQUE--_nouveau modle_--qui, au moins, aurait lair davoirlapparence dun semblant dutilit.Il a propos encore un nouveau porte-manteau, une nouvelle sangle, destriers trs-perfectionns--toujours pour le plus grand avantage ducheval.Sans compter quil saisit toutes les occasions pour demander, au nom delhumanit, la suppression de lperon, instrument barbare, bon tout au

plus en temps de guerre, lorsquon a vraiment besoin des chevaux, etdont, en temps de paix, les hussards du 13e font, parat-il, malgrune surveillance active, un dplorable abus.Bref, le cheval est le buf Apis du capitaine instructeur, et sa plusvive colre lui est venue le jour o, par le plus grand des hasards,dpliant un journal, il y lut quune socit de savants sefforce defaire servir lalimentation la chair du vaillant animal.De ce moment, les conomistes ont t toiss.Lui-mme, cependant, une fois en sa vie, a mang du cheval. Mais ctaiten Afrique, et depuis deux jours on manquait de vivres. Ah! ce fut dur.Il y a de cela huit ans, et sa conscience na pas encore pardonn sonestomac la digestion de ce beefsteack dnatur. Les naufrags de la_Mduse_ parlaient avec moins dhorreur de leurs pouvantables festins.Un officier de hussards manger son cheval pour lui conserver soncavalier! terreur et abomination!!Avec ou malgr tout cela, le capitaine instructeur est fort aim de sescollgues, et il le mrite. Il y a deux hommes en lui.Oui, il a deux caractres parfaitement distincts: un pied, un autre cheval.Une fois en selle, il est terrible, inabordable, un vrai hrisson.Met-il pied terre, il redevient un homme charmant, sachant son monde,bienveillant et plein de sens, sauf en ce qui concerne les conscrits etles chevaux.Mme je vous engage fort ne pas entamer ce sujet de discussion aveclui, moins que ce ne soit pour lui entendre citer sa phrase favorite:--La plus noble conqute que lhomme ait jamais faite est celle de cefier et fougueux animal, qui partage avec lui les fatigues de la guerreet la gloire des combats, comme dit le grand Buffon.Justes dieux! nous la-t-il assez rpte, cette citation! a-t-il assezjet le grand Buffon la tte de son ennemi intime, le capitaine du3e escadron, celui qui _bauchrise_ ses chevaux!Tant et si souvent, quun vieux sous-lieutenant adjoint aux classesfinit par se persuader que ce Buffon tant invoqu devait tre, en sontemps, un grand et habile cuyer devant Dieu.Cest pourquoi, voyant un jour un conscrit horriblement gauche, un deces malins qui brident leur cheval par la queue, il lui dit enhaussant les paules:--Eh bien, toi, tu nes pas prs de monter cheval comme Buffon.Le mot est rest. Et au 13e, lorsque les hussards veulent parler dunexcellent cavalier, ils disent de la meilleure foi du monde:--Il monte comme Buffon.

XXIVLe capitaine instructeur examina fort attentivement Gdon:--Voil, dit-il enfin, un homme bien fendu, il doit tre intelligent.Et il ladressa au lieutenant adjoint aux classes, qui le confia unmarchal des logis, lequel le remit aux mains dun brigadier.Sance tenante, la premire leon commena.Souvent Gdon, simple pkin, avait ri de la tournure grotesquementembarrasse des malheureux conscrits auxquels il voyait, sur la placedarmes de Mortagne, enseigner lexercice.Souvent il stait amus de leur maladresse, et de ce quil appelaitleur btise.Eh bien, il ne tarda pas savouer que lui-mme, hlas! devait semblertout aussi ridicule, non moins maladroit, et plus niais encore.Il lui fallut un grand quart dheure avant darriver prendrelaltitude peu prs correcte du cavalier pied et sans armes.Qui ne connat cependant cette gracieuse position:--La tte libre et dgage, les paules tombantes, la ceinture rentre,les talons sur la mme ligne, les yeux quinze pas, etc., etc., etc.Enfin le brigadier, aprs beaucoup de peine, parut assez satisfait de laposition de son lve; il recula un peu pour mieux la juger, et nevoyant rien redire, dune voix rude il commanda:--_Fisque!..._L_emmobilit_ obtenue, linstructeur se mit rciter les premiersprincipes de la thorie, non sans les revoir, augmenter, embellir etcommenter de rflexions et de vocables de son cru.Le dtail donn, lui-mme excutait le mouvement et alors le commandait.Ctait llve de comprendre, dobir et dimiter de son mieux.--Tte..... oite!--Fisque!--Tte..... auche!--Fisque.De sa vie, Gdon ne stait autant ennuy.Depuis unedes vents,lide luiabrger la

heure, comme une girouette toutes les variations de la roseil tournait la tte aux commandements du brigadier, lorsquevint doffrir la goutte son suprieur. Il pensait ainsileon.

Il hasarda sa question dun ton dgag, en homme qui connat la valeurde ses avances et sait le prix de ses offres.Il tombait mal.Linstructeur tait un de ces brigadiers qua enivrs le pouvoir. Ses

galons lui montaient la tte en bouffes dorgueil, et, dans sa vanitinsense, il avait oubli que lui-mme avait t simple hussard ce13e rgiment aujourdhui tmoin de sa gloire.Convaincu de son importance, il stait dcern lui-mme des hommagespresque paens. Il tait de ceux qui portent avec respect les bras surlesquels brille linsigne de leur grade, qui les talent avecaffectation, les mettent en vue, afin que lunivers entier puisse lesvoir et sincliner devant eux.Il tait de ces brigadiers qui saluent leur grade dans les glaces, etqui le soir, en se couchant, tent respectueusement leur veste etrendent les honneurs militaires leurs propres galons--leur bton demarchal.Un homme si fier ne pouvait accepter la proposition incongrmentfamilire dun simple hussard de deuxime classe--dun bleu.Aussi, il faut voir de quelle faon il fit reprendre son lve lesdistances oublies. Encore un peu, il laccusait dembauchage.Gdon lchappa belle. Il se tut et fit bien. Mais, sauv de la sallede police, il put mesurer dun il pouvant labme qui spare unbrigadier dun simple hussard.La leon continua.Durant plus dune heure et demie encore le brigadier enseigna sonlve lart de limmobilit et de la marche ordinaire et acclre.Il lui enseigna partir du pied gauche, marquer le pas, allonger lepas, changer de pas, sarrter la parole.Et linfortun Gdon nosait se plaindre.Son suprieur ne partageait-il pas ses fatigues et ses ennuis? sanscompter quil senrouait rciter la thorie, commander et marquerla cadence du pas.--Hune--deusse--hune--deusse--halllte!...Et pendant huit jours encore, tous les matins, ce fut la mmerptition.--Que diable! se disait Gdon, qui finissait par ne plus savoirdistinguer--aprs tant dexplications--sa jambe droite de la gauche, quediable! si cela continue, je finirai par ne plus savoir me tenir debout.Autrefois, cependant, il me semble que je savais marcher.Enfin, sa grande satisfaction, on lui mit un fusil entre les mains:lexercice allait commencer pour tout de bon.Il sagissait dapprendre porter larme, la mettre terre, ou aubras, ou sur lpaule; la charger, par temps et mouvements, dchirercartouche, mettre son homme en joue, et enfin darriver cemagnifique rsultat, de tuer son homme par principes.Malheureusement pour Gdon, il avait choisi pour sengager une mauvaisesaison. Il faisait froid, trs-froid; et outre que ses pieds refusaientde lui obir, il en arrivait perdre lusage de ses mains.

Telle tait alors sa maladresse, que lui-mme en rougissait. Lebrigadier, lui, jurait-- faire prendre les armes aux hommes duposte--et accablait son conscrit dinjures.Disons-le la honte de Gdon, les jurons varis de son suprieur, lesmots pittoresques quil inventait dans sa colre, faisaient ses dliceset seuls abrgeaient un peu le temps.Tout cela ne faisait toujours pas monter le thermomtre.Mais larme vritable de la cavalerie est le sabre,--latte ou bancalsuivant les corps,--un joli joujou qui ne plaisante pas quand on saitsen servir.Le maniement nen est pas des plus faciles, Gdon ne tarda pas senapercevoir. Cest lourd, un bancal, et le bras, moins dune grandehabitude, se fatigue vite faire des moulinets.Le brigadier commena par placer son lve dans la position convenablepour lexercice du sabre-- pied.Le cavalier doit avoir les jambes cartes dun mtre environ, la maingauche ferme, le pouce sur les autres doigts, et place hauteur de laceinture--comme sil tenait la bride du cheval--il est en garde.Gdon pos, le brigadier commena dmontrer et commander lesmouvements.--A droite moulinez, gauche moulinez;--contre linfanterie, droite,sabrez;--contre linfanterie, gauche, sabrez;--contre linfanterie,pointez;--contre linfanterie....--Il parat, pensa Gdon, que les cavaliers en veulent diablement auxfantassins.Comme, aprs beaucoup de leons, il lui sembla quil faisait aussi bienlexercice que son professeur, il demanda passer lcole de peloton.Mais on lui rpondit quil ne suffit pas de faire trs-bien lexercice,quil faut encore arriver le faire machinalement, cest--dire presquesans quil soit besoin de laction de la volont.Cest ainsi seulement quon arrive cette admirable prcision, cetensemble merveilleux dont le bataillon de Saint-Cyr est le plus parfaitmodle.--Ainsi soit-il! se dit Gdon en reprenant son fusil, Je suis unemachine et on me monte.

XXVLe rve de tous les engags volontaires qui arrivent au 13e hussardsest de monter cheval. On le comprend, ils ne se sont engags que pourcela.

Ce rve, naturellement, tait celui de Gdon.Depuis prs de trois mois quil tait au rgiment, il ne staitapproch dun cheval que pour faire le pansage, soir et matin--et unefois aussi juste propos pour recevoir un coup de pied, qui lui valutde la part de lofficier de semaine lpithte de brutal.Aussi, quelle joie, le jour o on lui dit de seller un poulet-dinde! Ilse voyait dj le pied dans ltrier, slanant sur ce noble etfougueux animal--comme dit le grand Buffon.Mais il faut apprendre slancer. Il fallut au jeune cavalier troislongues leons pour cela. Le premier jour linstructeur stait contentde lui dtailler quelques principes.--Pour monter cheval, lui avait-il dit, placez les deux talons sur lamme ligne.Il ne fallut pas moins de six autres sances pour le placer et lasseoirconvenablement en selle, pour lui expliquer lusage des bras, des mains,du buste, des jambes, des cuisses, et du reste;--car le corps ducavalier se divise en plusieurs parties dont chacune a son emploispcial.Enfin, on commanda Gdon de porter son cheval en avant.Il obit avec empressement. Mme il obit trop, car, oubliant que sesbottes taient armes dperons neufs, il piqua violemment les flancs ducheval, qui partit au galop, _piquant une charge_ travers les cours.pouvant, Gdon oublia leons et principes, et, perdant toute pudeur,il ne songea plus qu saccrocher solidement la _cinquime rne_:--ilavait lch les autres.Au 13e, la cinquime rne est, volont: le pommeau de la selle, lacrinire, ou mme le cou du cheval.Les hussards de laune, qui vont, le dimanche, caracoler sur les_locatis_ de Montmorency, en compagnie damazones de la petite vertu,nen connaissent pas dautre.Gdon, cependant, galopait toujours--bien malgr lui. Affreusementballott, il battait de ses jambes les flancs du cheval, dont la coursedevenait dautant plus furieuse.Cramponn solidement la crinire, il ne serait peut-tre pas tomb,mais le cheval, en tournant une curie, glissa des quatre pieds lafois, et sabattit, envoyant rouler quinze pas son malheureuxcavalier.Aussitt il y eut foule autour du poulet-dinde. Le lieutenant charg desclasses et un autre sous-lieutenant taient accourus, ainsi queladjudant-major. Des marchaux des logis pient venus, et aussi desbrigadiers, et bon nombre de hussards.Le cheval stait relev. On lexamina avec la plus tendre sollicitude.On inspecta minutieusement ses genoux, ses jambes et ses hanches.--Il nest pas bless, dit enfin le lieutenant, avec un soupir desatisfaction; ce ne sera rien, heureusement.

--Quon le reconduise lcurie, dit ladjudant-major, et quon lebouchonne soigneusement!Pendant ce temps, Gdon avait russi se mettre sur pied. Il sesentait moulu et mme se croyait le bras endommag.--Ces gens-ci sont curieux, maugrait-il en regagnant sa chambreclopin-clopant; je fais une chute affreuse, vite on court au cheval. Jepouvais fort bien me casser une jambe, et nul ne sinquite seulement demoi.Comme il se plaignait amrement la chambre de lindiffrence de tousceux qui lavaient vu tomber:--Imbcile! lui dit un brigadier, est-ce que vous cotez mille francs,vous?

XXVICette chute ne devait pas tre la dernire. Un apprenti cavalier tombesept fois par jour, dit un proverbe, autant de fois que le sage pche.Mais avec lhabitude, Gdon, dans ces nombreuses sparations de corps,trouva moyen de choir sans se faire aucun mal.--Ctait dj un sensibleprogrs.On le faisait alors trotter en cercle durant des heures entires; bongr mal gr il acqurait cette solidit, cet aplomb, indispensables auhussard qui doit faire revivre le type du centaure Chiron, ce dieu dumange, ce patron des cuyers.Trotter en cercle!... Jamais Gdon, conscrit naf, navait imaginpareil supplice. Au quinzime tour il tait bris.Mont sur un cheval ractions violentes, un trotteur dur, il taitaffreusement secou dans tous les sens. Enlev un pied au-dessus de laselle, il retombait contre-temps, et, par un mouvement involontaire, tout instant sa main demandait la cinquime rne un secours ou unpoint dappui.Essouffl, endolori, il tournait vers son instructeur des regardssuppliants; le brigadier ny prenait garde:--La tte haute, donc! criait-il, le corps en arrire les genoux liants.Et le cheval trottait toujours, et Gdon craignait chaque moment devoir seffondrer son estomac; il ressentait entre les paules desrieuses douleurs.--Brigadier, disait-il, brigadier, une minute darrt, je vous en prie,une minute.Mais linstructeur faisait la sourde oreille, ou rpondait par cecommandement terrible:--Allongez.....

Cest--dire: que le trot devienne plus rapide, que les ractions soientplus violentes, les secousses plus douloureuses.....--Allongez!Et le cheval trottait toujours, et le brigadier commandait:--Relevez et croisez les triers!.....En mettant pied terre,--enfin!--ce fut une bien autre chanson; Gdonsaperut quil avait l_assiette_ affreusement endommage. Chaque paslui cotait une douleur et lui faisait faire dhorribles grimaces.--En cet tat, pensa-t-il, il mest impossible de remonter cheval.Ses camarades, quil consulta, lui donnrent comme calmants demerveilleuses recettes. Lun lui conseilla des compresses de tabacmouill, lautre prtendit le gurir--comme avec la main--avec deslotions deau-de-vie, de vinaigre et de poivre.Gdon essaya.... il lui en cuit encore.De dsespoir, il alla trouver le chirurgien-major, afin dobtenir de luiune _exemption de cheval_. Il se croyait gravement malade.Mais le docteur, aprs un coup dil, haussa les paules:--Que voulez-vous que jy fasse! rpondit-il; vous exempter de monter cheval? ce serait toujours recommencer. Il faut que lassiette secornifie.Et comme Gdon insistait:--Il ne peut y avoir, dit le docteur, de hussard sans buf la mode.Allez.

XXVIIJusque-l, Gdon avait russi se garer de toute punition.En garon intelligent, il avait compris que la premire vertu dunhussard qui a des prtentions lpaulette est lobissance passive.Telle est la puissance de la discipline, quon arrive trs-bien lobtenir du troupier, cette obissance aveugle et muette, si loignequelle soit du caractre national. Le Franais, en effet, tientessentiellement savoir le pourquoi et le comment de toutes choses.Or, lexamen personnel est absolument interdit, au 13e, interditeaussi la rflexion, et mme linterprtation. On na quun droit, obiret se taire--sans murmurer.Et bien, la force de lexemple est si grande, quau bout de huit joursde rgiment, le conscrit le plus gouailleur et le plus indisciplinnest mme plus tent de souffler mot.Les traits dobissance passive--sans commentaires--sont dailleurs

innombrables. On en raconta de prodigieux Gdon.Un jour, une nuit plutt, en Afrique, un brigadier pose un hussard ensentinelle avance, assez loin du camp. Le poste tait dangereux, vu levoisinage des Arabes.--Mon garon, dit le brigadier, tu vas te mettre derrire ton cheval quite servira ainsi dabri; prends ton fusil... bien... comme cela;maintenant ajuste... trs-bien; et prsent, sil vient, flanque-luiton coup de fusil.Et le brigadier sloigne.Deux heures plus tard, comme il vient relever le hussard de sa faction,il le retrouve exactement dans la position indique.--Que fais-tu l? lui dit-il.--Rien, brigadier, que je lajuste; sil tait venu, je lui flanquaismon coup de fusil.--A qui?--Dame, brigadier, je ne sais pas, moi, vous ne me lavez pas dit, vousmavez dit sil vient..... Il nest pas venu.Il y a encore la fameuse histoire du soldat de la retraite de Russie:Ce brave avait t mis en faction non loin dun petit village occup parnos troupes. La position fut attaque, lennemi repouss, mais on oubliade relever le malheureux factionnaire. Peut-tre le croyait-on mort.Lui, cependant, fidle la consigne, ne dserta pas son poste.Des jours se passrent, des semaines, des mois, des annes: il restaittoujours o on lavait plac, vivant comme il pouvait des secours despaysans, ne dormant que dun il.Vingt ans plus tard, un officier gnral franais, passant en voitureprs de ce village, aperut, larme au bras, un homme dont le costumegardait encore quelques vestiges de luniforme de notre arme.Il fit arrter sa voiture, descendit et sapprocha.--Qui vive?... cria le factionnaire.Le gnral, qui navait pas le mot dordre, eut toutes les peines dumonde lui persuader quil tait bien et dment relev de sa consigne.Sa faction avait dur vingt ans trois mois et onze jours.

XXVIIIMais revenons Gdon, et sa premire punition, reue dans descirconstances que lui-mme qualifiait dtranges.

Un jour, comme il tait sur les rangs pour lappel qui prcde lepansage du matin, le lieutenant de semaine sarrta devant lui.--Votre veste, lui dit-il, est dcousue au bras,--les officiers doivententrer dans les moindres dtails;--il faut la donner en rparation.Le brigadier de semaine, comme la chose se pratique en pareillecirconstance, prit la veste pour la porter au tailleur.Aprs le pansage, Gdon, qui tait dsign pour une corve, trouvatout simple dendosser la veste dun de ses camarades. Il alla ainsi seplacer sur les rangs.--Quest-ce que cela? lui dit lofficier de semaine, vous navez doncpas donn votre veste en rparation?--Pardonnez-moi, mon lieutenant, mais...--Do vient celle-ci, alors?--Mon lieutenant, je lai emprunte un homme de mon peloton.--Vous ferez deux jours de salle de police, pour vous apprendre porterles effets des autres.Gdon mourait denvie de se disculper, il fut assez matre de lui pourse taire. Il parat, pensa-t-il, que je suis dans mon tort, jaurai soinde ne pas recommencer; mais mes camarades sont bien peu charitables dene pas mavoir prvenu.Par cette simple raison quun bon averti en vaut deux, Gdon, pour serendre lexercice, ne trouva rien de mieux que de revtir son dolman.--Quest-ce que cet homme en grande tenue? cria le capitaine instructeurdu plus loin quil laperut; il sera deux jours la salle de police.--Mon capitaine... commena Gdon.--Voulez-vous deux jours de plus?Le malheureux se tut.--Je dois avoir tort, se dit-il; on ne myreprendra plus.Au pansage de laprs-midi, en effet, Gdon vint se placer sur lesrangs en manche de chemise.--Deux jours de salle de police cet imbcile, dit ladjudant, qui leremarqua.Et comme Gdon ne bougeait pas:--Mais allez-vous-en donc, ajouta ladjudant; rendez-vous lcurie.Le malheureux obit. Port manquant lappel, il fut, pour cettedernire raison, puni de quatre jours de salle de police.Or, au 13e hussards, une punition ne tombe jamais dans leau; il setrouve toujours un brigadier ou un marchal des logis pour linscrire etla porter chez le marchef de lescadron, qui tient en partie double legrand livre des punitions.

Le soir donc de ce jour nfaste, Gdon apprit quil tait la tte dedix jours de salle de police.Cen tait trop. Furieux, il voulut rclamer.Sa voix fut entendue, lorsquil dmontra quil ne mritait pas lapunition; car enfin, de mme quil faut quune porte soit ouverte ouferme, un hussard dont la veste est en rparation ne peut tre quendolman ou en manches de chemise.Les dix jours de salle de police furent levs, mais Gdon en attrapaquatre pour avoir rclam non hirarchiquement.--Bien quau rgiment on naime pas les _rclameurs_, se dit Gdon, ilfaut que je me fasse bien expliquer la faon de sy prendre pour fairedes rclamations, car vraiment cest ncessaire quelquefois.Un brigadier quil interrogea sur ce grave sujet lui rpondit que lesrclamations doivent tre faites par voie hirarchique, cest--direprsentes au brigadier, qui en fait part au marchegis, qui les porte aumarchef, qui les soumet au lieutenant, qui les transmet au capitaine, etainsi de suite.Cest riche de cette prcieuse exprience que, par un beau soir dejanvier, Gdon fut mis sous clef par le brigadier de garde.

XXIXSi vous vous imaginiez que la salle de police nest pas prcisment unparadis terrestre, un sjour enchant, vous tes dans le vrai, etabsolument de lavis de Gdon.Cependant ce purgatoire du troupier nest pas beaucoup plus laid quunposte. Seulement les fentres sont plus troites, grillessoigneusement, et munies dun abat-jour. En outre, la porte estagrmente de verrous lpreuve et de solides ferrures.Dailleurs, mme simplicit dornementation. Des murs malpropres,historis dinscriptions et de devises, un lit de camp en chnegrossirement quarri, et poli par le frottement, puis le mobilierhabituel de toutes les prisons des cinq parties du monde, la cruche degrs,--et le reste.Au 13e, on donne la salle de police les noms familiers de _clou_,de _bloc_ ou de _trou_. On dit encore _lours_ ou _lousteau_. Commepunition disciplinaire, elle tient le milieu entre la consigne et lecachot. On peut y tre condamn pour des fautes moins graves quelassassinat de son pre.Les hommes punis de salle de police sont enferms pour la nuitseulement. On les met sous clef la nuit, on leur ouvre au lever dusoleil. Le jour, le service du poulet-dinde les rclame tropimprieusement pour quon ne les rende pas la libert. Seulement, illeur est dfendu de sortir du quartier.

Outre leur besogne habituelle, ils sont condamns faire toutes lescorves du quartier. Il y en a dassez rpugnantes: ils lavent,frottent, nettoient, balayent et arrangent les fumiers.Un brin de paille voltige-t-il dans les cours, vite ladjudant-majorfait _sonner aux consigns_, et tous les hommes punis doivent accourir.On fait lappel, et aux manquants on _allonge la courroie_, cest--direquon augmente leur punition.Il y a bien un article qui interdit aux hommes punis lentre de lacantine, mais cette consigne est tombe en dsutude, il y a aujourdhuiprescription.La tenue de salle de police est toujours la mme, t comme hiver:pantalon de treillis et veste;--la planche userait le pantalon