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L’ AUTONOME La revue de la Fédération autonome de l’enseignement Volume 6 Numéro 2 Décembre 2012

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L’AUTONOMELa revue de la Fédération autonome de l’enseignement

Volume 6 Numéro 2 Décembre 2012

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TABLE DES MATIÈRES

3MOT DU PRÉSIDENT

4-5SPEPUne présence publique enviable et une notoriété déjà bien ancrée

6-7DOSSIERQuelle gratuité pour l’école publique?

8-9DOSSIERUn droit humain fondamental

10-11DOSSIERL’équité à la mode finlandaise

12-13TOUCHE PAS à MON PROF!La campagne contre la violencese poursuit

14JUSTE POUR LIRE1972 : le Printemps syndical

15BRèVEConcours La persévérance a aussi un visage

6-7

RÉVISION LINGUISTIQUESylvie Pelletier

CORRECTION D’ÉPREUVESMartine LagacéSylvie Pelletier

GRAPHISMEMardigrafe inc.

IMPRESSIONImprimerie Philippe Lévesque inc.

DEPOT LÉGALBibliothèque et Archives nationales du Québec,2012Bibliothèque et Archives Canada, 2012ISSN 1923-5488

RÉDACTEUR EN CHEFGuy Desmarais

RÉDACTIONYves CloutierWilfried CordeauGuy DesmaraisArmand DuboisSophie FabrisMarie-Eve RancourtPierre St-Germain

COLLABORATION SPÉCIALEJacques Goldstyn

PHOTOSGuy DesmaraisMartine DoyonDarren EllPhilippe Montbazet

100 % PC

Cette revue est imprimée sur un papier certifié Éco-Logo, blanchi sanschlore, contenant 100 % de fibres recyclées postconsommation, sansacide et fabriqué à partir de biogaz récupérés.

La reproduction de cette revue, en tout ou en partie, est autorisée à condition de mentionner la source.

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MOT DU PRÉSIDENT

Au vu de leur récente performance, la Ligue nationale d’improvisationserait bienvenue de solliciter la

participation de plusieurs ministres dugouvernement Marois. Idée loufoque ?Absolument. Drôle? Si elle ne dépeignait pasaussi fidèlement les cent premiers jours durégime péquiste, elle le serait assurément. Laprésentation du budget Marceau était toutedésignée pour renverser les perceptions etpermettre au gouvernement Marois dedévoiler ses priorités. D’ailleurs, aucun effortn’avait été ménagé pour convaincre lapopulation de l’urgence de poser les assisesbudgétaires des grandes orientationsgouvernementales. Cependant, au lendemainde la présentation du budget, l’impression de flou se dissipe peu à peu pour laisserentrevoir une attristante adhésion aux visionsnéolibérales.

Au chapitre des déceptions, on nepeut passer sous silence les nombreusespromesses brisées. Au premier rang figurela taxe santé pourtant décriée par le PartiQuébécois en raison de son caractèrerégressif. Le recul face aux sociétés quiexploitent nos ressources naturelles déçoitaussi amèrement. Quant à la modestehausse d’impôt pour les personnes gagnantplus de 100000 $, elle peine à compenserl’augmentation des tarifs d’hydro-Québec,autre exemple de taxe régressive, qui affectel’ensemble des contribuables.

obnubilé par l’atteinte de l’équilibrebudgétaire dès l’an prochain, le gouvernementMarois y subordonne l’ensemble de ses choixbudgétaires. Pour seule justification à cetempressement discutable, le ministre desFinances répète que le Québec peut lefaire. Pendant ce temps, à ottawa, le très

conservateur gouvernement harper a choiside reporter l’échéance d’une année. La lutteau déficit et l’atteinte de l’équilibre budgétaireconstituent dorénavant un dogme pour lePQ, même si elles entraînent des coupesdans les services de première ligne, peuimporte les conséquences pour la population.L’important semble être la satisfaction dumarché et des agences de notation. on étaiten droit de s’attendre à mieux d’un parti quise réclamait, à une certaine époque, de lasocial-démocratie. Force est de reconnaîtrequ’il s’enlise dans les ornières idéologiqueset budgétaires de l’administration précédente.Serions-nous revenus à la triste époque deLucien Bouchard?

Le gouvernement se défendra d’avoirépargné la santé et l’éducation. En réalité,malgré l’augmentation du budget dévolu àl’éducation, le ministre Marceau imposede nouvelles compressions au réseau public d’enseignement. Globalement, lescommissions scolaires, dont plusieurs sontdéjà déficitaires, verront leur budget amputéd’au moins 150 millions de dollars dès cette année. D’autres coupes suivront.Comment fera-t-on face aux besoinsurgents ? Comment répondra-t-on auxbesoins des élèves en difficulté ? Commentassurera-t-on l’entretien d’édifices vétusteset insalubres ? Comment pourra-t-ons’assurer de disposer de l’espace requispour respecter les diminutions du nombred’élèves par classe convenues ? Pourl’instant, rien n’est prévu; le gouvernementMarois semble abdiquer ses responsabilitésenvers l’école publique. La situation estd’autant plus révoltante que, pendant cetemps, l’école privée est épargnée et n’estsoumise à aucune annonce de compressions.

Seule consolation, l’annonce par laministre Marie Malavoy de procéder àl’implantation de l’éducation préscolaire 4 ans à temps plein en milieu défavorisé àcompter de septembre 2013. Faute de locaux,la mesure ne peut être implantée entièrement.La ministre de l’Éducation devra préciser sesintentions quant à la généralisation de lamesure et préciser les ressources permettantd’intervenir rapidement auprès des enfants.Rappelons que le dépistage et l’interventionprécoce sont essentiels à la réussite de ceprogramme que la FAE défend depuis des années.

Le secteur de l’éducation a rarementété une priorité dans l’élaboration desbudgets gouvernementaux des dernièresannées. Le gouvernement Marois avaitl’opportunité, par des choix budgétaireséclairés, de placer l’éducation au cœur despriorités gouvernementales et d’allouer àl’école publique les ressources financièreslui permettant d’offrir des services éducatifsde qualité dans le secteur de la formationdes jeunes, au primaire et au secondaire,en formation professionnelle et à l’éducationdes adultes. Ce choix aurait été celui de tout gouvernement préoccupé par ledéveloppement social, la relance del’économie et la lutte à la pauvreté. À défautd’un coup de barre salutaire, le gouvernementde Pauline Marois entraîne malheureusementle Québec vers d’autres horizons.

La situation minoritaire du gouvernementpeut-elle à elle seule expliquer ce changementde cap dans le discours et dans les gestes?Difficile à dire pour le moment. Les mois quiviennent nous permettront sans doute demieux juger.

IMPRovISAtIoN ouChANGEMENt DE CAP?

 

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UnE pRéSEncE pUBLIqUEEnvIABLE ET UnE noToRIéTéDéjA BIEn AncRéE

LA SEMAINE POUR L’ÉCOLE PUBLIQUE

Armand Dubois

La 4e édition de la Semaine pour l’écolepublique (SPEP) a connu un vif succès.Cette initiative de la Fédération

autonome de l’enseignement est devenue unévénement incontournable du monde del’éducation. Non seulement a-t-elle réussi àaccroître le nombre de ses partenaires (plusd’une trentaine dont certains de l’extérieur duterritoire de représentation de la FAE), maisl’intérêt des médias s’est maintenu et estdemeuré élevé avec plus d’une soixantainede présences à la radio, à la télé ou par lapublication d’articles dans les journaux. Lesentrevues accordées, dans toutes les régionsdu Québec, par sa porte-parole Claire Pimparéont permis de largement faire écho auprèsde la population des enjeux défendus par laFAE pour la valorisation de l’école publique.Il faut aussi souligner l’apport précieux deplusieurs enseignantes et enseignants quiont collaboré au succès de la tournée desmédias sur le thème de la francisation ou quiont participé à la réalisation d’articles dejournaux, notamment pour le cahier spécialdu journal Le Devoir ou lors du lancementrégional dans les Basses-Laurentides.

Il faut évidemment mentionner laconférence de presse sur l’offre de servicesen francisation qui a réuni à une mêmetable, le président de la FAE, Pierre St-Germain, le président par intérim de laCSN, Jacques Létourneau, le président dela FtQ, Michel Arsenault ainsi que le vice-président de la Fédération des commissionsscolaires, Richard Flibotte et dont l’impactpolitique fut immédiat avec la publicationla journée même d’une réaction favorablede la ministre de l’Immigration et desCommunautés culturelles, Diane De Courcy.

un autre moment palpitant de la semainefut le débat public réunissant la présidente dela Fédération étudiante universitaire du Québec(FEuQ), Martine Desjardins, l’ex-présidentede la Centrale de l’enseignement du Québec(CEQ), Lorraine Pagé et le sociologue émérite,Guy Rocher. Ce dernier a d’ailleurs reçu le Prixhommage de la FAE, remis chaque année àune personnalité marquante du secteur del’Éducation.

C’est ainsi que très rapidement laSemaine pour l’école publique est devenueun événement de grande notoriété quicontribue par son rayonnement à confirmerque la FAE est la force vive en éducation !

Pour revivre cette 4e édition de laSemaine pour l’école publique, rendez-voussur le site www.spep.ca, plusieurs photos etvidéos peuvent être consultés.

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5l’Autonome vol. 6 no 2 décembre 2012 Guy Rocher

Martine Desjardins

Lorraine Pagé

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Pour plusieurs, le thème dela gratuité scolaire évoque

immédiatement le monde universitaire ; le

« Printemps érable » y estsans doute pour beaucoup.

toutefois, l’enjeu est loin d’être étranger à

l’éducation primaire etsecondaire. l’école

publique est gratuite,certes. mais elle n’est pas

à l’abri des appétitsmarchands ou du sous-financement. de fait, la

gratuité, l’un des principesfondateurs de l’école

publique, est mise à mal. le point sur la question.

LA gRATUITé ScoLAIRE :pIvoT DE L’éDUcATIonnATIonALE

La gratuité scolaire, telle qu’on la connaîtaujourd’hui, résulte de luttes et d’aspirationsqui ont jalonné l’histoire contemporaine. Quece soit pour réduire les inégalités sociales,améliorer les conditions de vie des massespopulaires, éradiquer le travail des enfants oudémocratiser l’accès aux savoirs, ces combatsont tous, directement ou indirectement,contribué à l’avènement de la gratuité scolaire.

Plus fondamentalement, c’est àl’héritage philosophique des Lumières, auXvIIIe siècle, et à la Révolution française quel’on doit l’idée moderne de gratuité scolaire.

L’idéal d’une société fondée sur l’égalité descitoyens repose sur plusieurs conditionssociales que l’État, en tant que levier dupouvoir collectif, doit réunir. Ainsi, l’égaliténe peut exister que dans un régimedémocratique où nul ne détient de privilègesde par sa naissance. Puis, pour que toutepersonne puisse jouir de ses droits civils etparticiper à la construction de la société, il fautque soit mis en place un vaste systèmed’éducation, organisé par l’État, financé parla collectivité et accessible à toutes et toussans égard à leur condition sociale ouéconomique. En résumé, que l’État soit garantde l’égalité des chances.

C’est dans cet esprit que Condorcetpropose à la Convention, en 1792, d’instaurer

QUELLEGRATUITÉ POURL’ÉCOLE PUBLIQUE?

LA GRAtuItÉ SCoLAIRE

Wilfried Cordeau

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l’école publique gratuite et obligatoire enFrance. Pour lui, si l’instruction publique doitêtre « établie pour la société entière et pourl’utilité commune », elle doit être « aux fraisde la République »1. En somme, si l’éducationest à ce point importante pour le salut de lanation, l’État, puisqu’il en a le pouvoir légitime,peut obliger les familles à envoyer leursenfants à l’école et doit, en contrepartie, larendre accessible et gratuite. Derrière l’accèsà l’instruction, c’est l’idée même d’uneéducation nationale, publique et communequi émerge.

L’esprit révolutionnaire et son bagaged’idées nouvelles ont largement inspiré laplupart des pays occidentaux dans le sièclesuivant la Révolution française. Même si larésistance y est forte et tenace, le Québecn’échappe pas à la règle. Au premier chef,l’Église catholique s’oppose farouchement àtoute intrusion de l’État dans les affairessociales et en éducation. C’est sur ce terrainque, pendant plus d’un siècle, les éliteslibérales ainsi que les mouvements sociauxet syndicaux livreront bataille, notammenten revendiquant la mise en place d’un réseaupublic d’éducation, où les enfants de toutesles classes sociales pourraient se côtoyer ets’instruire gratuitement.

Il faut attendre le printemps de 1943 pourque le parlement du Québec adopte la Loi concernant la fréquentation scolaireobligatoire, qui prévoit la gratuité de l’école

primaire et des manuels scolaires2. toutefois,beaucoup reste à faire pour que cette loi setraduise en scolarisation de masse. C’estavec la Grande Charte de l’éducation de Paul Gérin-Lajoie en 1961, puis le RapportParent (1963-1966), que le Québec se doterades leviers et des institutions scolairesmodernes permettant à l’État de concrétiserle droit de chacun à l’éducation. Dernièreprovince du Canada à rendre la fréquentationscolaire obligatoire et gratuite, le Québec, dansun effort considérable, finira tout de mêmepar rattraper son retard en matière descolarisation.

« LA gRATUITé, çA coMMEncE à coûTER chER »

À compter de la fin des années 1980,des études constatent l’augmentation dufardeau financier qui pèse sur les parentsd’enfants fréquentant l’école publique.

Au-delà le coût des fournitures scolaires,on dénonce la multiplication des frais de toutenature associés à la fréquentation scolaire(surveillance le midi, transport scolaire, fraisd’administration, activité spéciale et sortierécréative ou éducative, uniforme, cahierd’exercices, carte d’identité de l’élève, agenda,etc.). Non seulement l’école publique n’estplus vraiment gratuite, mais à cause des fraisqui varient d’une école à l’autre et d’unerégion à l’autre, elle ne coûte pas partout lamême chose. Malgré tous les efforts consentispar les autorités3, la Commission des droitsde la personne et des droits de la jeunesseconcluait en 2007 que le droit à une éducationgratuite est profondément menacé par lamultiplication de ces pratiques – légales ounon – visant à facturer des frais aux parentsqui envoient leurs enfants à l’école publique.

or, toutes ces pratiques découlent dechoix politiques et budgétaires menés parles gouvernements en amont du financementde l’école publique. Par exemple, au nomdu retour à l’équilibre budgétaire, lescompressions exercées sur le financementdu réseau public d’éducation ont donné lieudans plusieurs commissions scolaires àd’importantes hausses de frais facturés auxparents pour des services comme le transportscolaire ou la surveillance du midi. De même,en réduisant l’enveloppe de péréquation descommissions scolaires dans le budget du

20 novembre dernier, le gouvernement lesforce à exiger, des contribuables ou des parents,une plus grande contribution financière.

Dans un contexte de stagnation desrevenus et de hausse du coût de la vie, latendance accrue des gouvernements derecourir à la taxation et à la tarification desservices – hausses de la tvQ, des tarifsd’électricité, des tarifs de garderie, création dela taxe santé – grève lourdement le portefeuilledes parents de la classe moyenne ou ceuxplus démunis. Le recours croissant à desgroupes d’entraide ou à des collectes pourassurer les fournitures scolaires aux famillesmoins nanties témoigne de la pressionfinancière. or, l’accès des jeunes et des adultesà l’éducation ne saurait se buter à des freinsd’ordre financier. Notre société ne peut sepermettre de marginaliser davantage les enfantsles plus démunis. L’État ne peut soumettreles parents à de telles contraintes dès lorsqu’il les oblige à envoyer leurs enfants à l’école.

Le sous-financement global del’éducation crée une pression malsaine surl’école publique et réduit sa capacité de menerpleinement sa mission. Ce faisant, il risqued’accentuer les inégalités sociales que lagratuité scolaire devait aplanir. Il y a urgencede se réapproprier collectivement lesfondements et les enjeux de la gratuité scolairedans son sens large, et de mener un nouveaudébat sur le type de projet de société qu’elledoit soutenir.

1. En 1792, le marquis de Condorcet dépose augouvernement de l’époque, la Convention, le rapportdu comité qu’il pilote afin de mettre en applicationl’instruction publique prévue par la constitution. Si sesprincipales recommandations sont adoptées, elles neverront malheureusement pas le jour. La France devraattendre près d’un siècle pour que soient adoptées,sous la IIIe République, une série de lois, dont cellesde Jules Ferry en 1881-1882, qui finiront par instaurerl’obligation et la gratuité scolaires.

2. En 1942, le gouvernement d’Adélard Godbout parvientà lever les dernières résistances du Comité catholiquedu Conseil de l’instruction publique, ouvrant la voie audépôt d’un projet de loi. Malgré plusieurs manœuvresde l’opposition officielle menée par Maurice Duplessis,ce projet est adopté et reçoit la sanction royale le 26 mai 1943.

3. Entre 1999 et 2005, pas moins de trois rapports officielsseront rendus publics sur les frais exigés dans le cadrede la fréquentation de l’école publique, et les ministresde l’Éducation successifs, de François Legault à Jean-Marc Fournier, multiplieront les mesures ettentatives pour baliser la facturation de certains matérielset services et alléger le fardeau financier des parents.Même la Loi sur l’instruction publique (LIP) sera amendéeen 2005, afin d’obliger les commissions scolaires àadopter des politiques clarifiant le type de matérieldidactique qui doit être fourni gratuitement.

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rarement a-t-on parlé aussi souvent du droit àl’éducation qu’au cours

de la dernière année.constatons-le, jamais ce terme n’a été aussigalvaudé et son sens

déformé. nombreux sontceux qui prétendent que

le droit à l’éducationconsiste à faire respecter

la relation contractuelleentre une personne et un établissement

d’enseignement. d’ailleurs,plusieurs ont eu recoursaux tribunaux pour fairerespecter « leur » droit à

l’éducation. c’est aussi enson nom, que l’on réclamela gratuité scolaire. Alors,

comment s’y retrouver?

Le droit international et les différentsinstruments de droits de la personnenous offrent un éclairage instructif sur la

véritable signification du droit à l’éducation. Cedroit est reconnu dans plusieurs conventionsinternationales auxquelles le Canada a adhéré,dont la Déclaration universelle des droits del’homme, la Convention internationale relativeaux droits de l’enfant et le Pacte internationalrelatif aux droits économiques, sociaux etculturels (PIDESC). Nous nous attarderonsparticulièrement à ce dernier instrument afinde déterminer les obligations qui incombentaux États en vertu du droit à l’éducation.

LES coMpoSAnTESDU DRoIT à L’éDUcATIon

Le Comité des droits économiques,sociaux et culturels des Nations unies (oNu),chargé de mettre en œuvre le PIDESC, souligneque le droit à l’éducation revêt une importancecapitale et qu’il est non seulement un droitfondamental, mais également une clé pourl’exercice de toutes les facettes de la citoyennetéet de la vie en société. Comme énoncé àl’article 13 de ce pacte, le droit à l’éducation

proclame que l’éducation primaire doit êtreobligatoire et accessible gratuitement, quel’enseignement secondaire doit être généraliséet rendu accessible, notamment parl’instauration progressive de la gratuité, et quel’enseignement supérieur doit être accessibleà toutes et tous en pleine égalité selon lescapacités de chacun et par l’instaurationprogressive de la gratuité1.

À la lumière de ce qui précède et desobservations de ce comité, on constateque le droit à l’éducation est régulièrementbafoué. A priori, on associe ce non-respectà des contrées lointaines aux prises avecune pauvreté endémique ou encoredécimées par la guerre. Mais, à l’instar deplusieurs sociétés riches, le Québec semontre plutôt laxiste en ce qui concerne sesobligations.

Ainsi, les importants frais liés à lafréquentation d’un établissement scolairecomme l’achat de matériel pédagogique oude fournitures scolaires ou encore les tarifsmultiples que l’on trouve au primaire et ausecondaire, tout comme les frais divers quisont en croissance au cégep, tous ces fraisconstituent une violation du droit à l’éducation.

LA GRAtuItÉ SCoLAIRE

Par Marie-Eve Rancourt

Un DRoIT hUMAIn fonDAMEnTAL

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De même, l’interdiction de fréquenter unétablissement scolaire qui est faite auxenfants dont les parents n’ont pas de statutjuridique officiel (les sans-papiers) représenteégalement une violation2.

Le comité du PIDESC précise que ledroit à l’éducation n’est soumis à aucunecondition d’âge ou de sexe : elle vaut pour lesenfants, les adolescents et les adultes, ycompris les personnes âgées. En ce sens,l’éducation de base doit être partie intégrantede l’éducation des adultes et de l’éducationpermanente et être accessible gratuitementà toutes et tous. Comment est-il possiblequ’une société riche comme la nôtre possèdeun taux d’analphabétisme aussi élevé ? Ilapparaît évident que le Québec ne répond pas,ici non plus, à ses obligations.

Finalement, en ce qui concernel’université, le droit international donne raisonaux étudiantes et étudiants qui ont été lesacteurs du « Printemps érable » : les haussesdes droits de scolarité sont en flagrante

contradiction avec l’obligation d’instaurerprogressivement la gratuité. Déjà en 2006, leCanada avait été condamné par le comitéchargé de l’application du PIDESC à proposde l’effet discriminatoire qu’entraînaient lesdroits de scolarité exigés à l’université.

vERS UnE RéELLEREconnAISSAncE DESDRoITS éconoMIqUES,SocIAUx ET cULTURELS?

Les obligations qui incombent au Québecet au Canada en vertu du droit internationalsont très claires : les États ont l’obligationd’instaurer la gratuité scolaire du primaireà l’université, comme le recommandaitégalement la commission Parent en… 1963 !Malheureusement, force est de constater queloin de nous approcher de cet objectif, nous nousen éloignons. Notre droit interne, notammentla Charte des droits et libertés de la personne,ne reconnaît qu’une portée très limitée aux

droits économiques, sociaux et culturels. or,comme le soulignait la Commission des droitsde la personne et des droits de la jeunesse lorsde son bilan des 25 ans de la Charte, il seraittemps, 36 ans après notre adhésion au Pacteinternational des droits économiques, sociauxet culturels de reconnaître et de respecter cesdroits en les intégrant à la charte québécoiseet en leur donnant enfin une pleine valeurjuridique. Sans volonté politique pour assurerpleinement l’accessibilité et la gratuité scolaire,les droits fondamentaux d’un nombre importantde Québécoises et Québécois resteront sansréelle reconnaissance.

1. pacte international relatif aux droits économiquessociaux et culturels, 1976, art. 13.

2. CESCR, application du pacte international relatif auxdroits économiques, sociaux et culturels : Le droità l’éducation, observation générale 13 (1999)E/C.12/1999/10, para. 34, [en ligne], [http://daccess-dds-ny.un.org/doc/uNDoC/GEN/G99/462/17/PDF/G9946217.pdf?openElement] (consulté le 15 octobre 2012).

     

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contrairement à ce quecertains voudraient bien le

laisser croire, l’éducationn’est pas un service,

mais bien un droitfondamental, reconnu

formellement dans de nombreuses

conventionsinternationales. À

l’évidence, la gratuitéscolaire est indispensable à

la satisfaction du droit àl’éducation. d’ailleurs, la

gratuité scolaire constituela norme pour de

nombreux états, dont laFinlande. bref regard sur le

« modèle finlandais ».

La Finlande serait-elle le pays decocagne? Loin de là ! Mais, force est dereconnaître que le « modèle finlandais »

soulève la curiosité. D’élitiste qu’il était, lesystème éducatif finnois se transformeradicalement à compter de 1970 pour devenirl’un des plus équitables de la planète. Leprincipe de la gratuité scolaire est appliqué demanière intégrale du jardin d’enfance jusqu’àl’université. En Finlande, l’école privéen’existe tout simplement pas. Au primaire etau secondaire, le service de cantine et lematériel scolaire sont gratuits alors que lesfrais de transport sont remboursables pourles élèves qui habitent à plus de cinqkilomètres de l’école. À l’université, lesélèves qui ne vivent pas chez leurs parentsreçoivent des bourses pour se loger et senourrir.

Les résultats de ce système fondésur l’équité parlent d’eux-mêmes. Bien qu’ilfaille prendre avec beaucoup de précautionsles résultats des tests PISA (program for international Student assessment),l’édition 2009 place les élèves finlandais dequinze ans au 3e rang en lecture (6e pour lesélèves québécois), au 6e rang pour lesmathématiques (5e pour le Québec) et au2e rang en sciences (10e pour le Québec).L’analyse détaillée des résultats des testsPISA de 2003 démontraient que lesdifférences entre les garçons et les fillesétaient beaucoup moins importantes quedans les autres pays. En lecture, les garçonsréussissaient un peu moins bien que les fillesalors qu’en mathématiques, filles et garçonsobtenaient des résultats similaires.

La réduction de l’écart entre les résultatsdes élèves les plus forts et les plus faiblesconstitue sans aucun doute l’une des réussitesles plus significatives du système éducatiffinlandais. Année après année, les testsinternationaux démontrent que la Finlande est

L’éqUITé à LA MoDE fInLAnDAISE

GRAtuItÉ SCoLAIRE

Yves Cloutier

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l’un des États où les disparités socio-économiques influent le moins sur lesperformances des élèves. Ces résultatstémoignent avec éloquence de l’efficacitédes mesures gouvernementales prises pourlutter contre les inégalités socio-économiques.Faut-il se surprendre alors de constater quele décrochage en Finlande ne touche que4 % des élèves, que le taux de diplomationà l’enseignement général – l’équivalent denotre formation générale des jeunes – est de93 %, et que 69 % des élèves accèdent àl’enseignement supérieur !

Les comparaisons ont évidemmentleurs limites. À maints égards, la situation duQuébec est similaire à celle de la Finlande,notamment en ce qui a trait à la population,la nordicité et le filet social. toutefois, tant surle plan socio-économique que sur le planculturel, d’importantes différences existent.Ainsi, la Finlande est caractérisée par unegrande homogénéité culturelle, où 90,37 %de la population est de langue maternellefinnoise. Les minorités historiques suédoiseet russe ne représentant que 5,42 % et1,01 % de la population, alors que les Samis,communément appelés lapons n’enreprésentent que 0,03 %. L’immigrationdemeure un phénomène marginal enFinlande alors que le Québec compte poursa part 11,5 % de sa population qui en est

issue, et, plus ou moins, 10 % de la minoritéanglophone. Soulignons également que lasociété québécoise constitue une cultureminoritaire au sein d’un vaste ensemble nord-américain anglophone. De même, la Finlandeest un État souverain alors que le Québecne contrôle pas l’ensemble des revenus etdes dépenses liés aux fonctions et au rôlede l’État. Enfin, l’économie québécoise estdavantage tributaire du secteur primaire,avec un secteur secondaire encore endéveloppement ou en reconstruction, tandisque la Finlande profite d’un secteursecondaire vigoureux et plus diversifié(matériel électronique, construction navale,industrie de défense).

Ailleurs en Europe et dans le monde,l’accès aux études est garanti le plus souventpar l’absence de droits de scolarité associésà l’enseignement supérieur. La liste despays qui choisissent cette voie pour assurerl’accessibilité aux études universitaires est plutôt longue. N’en mentionnons quequelques-uns  : outre l’incontournableFinlande, la Suède, la Norvège et leDanemark. D’autres exigent des droits descolarité très bas, comme la France oul’Allemagne. Au contraire, certains commele Royaume-uni ou les États-unis sedémarquent par des droits de scolaritéuniversitaires élevés.

Le système scolaire américain, malgrédes différences marquées entre ses États, sedistingue tout particulièrement par ses piètresrésultats au chapitre de l’équité, alors quel’accessibilité à l’enseignement supérieurest largement tributaire de la capacité depayer des parents et des étudiants, pour quiles dettes liées aux études sont de plus enplus considérables. Ainsi, le problème del’endettement étudiant prend des proportionsinquiétantes au pays de l’oncle Sam. Certainscommentateurs n’hésitent d’ailleurs pas àévoquer, si rien n’est fait pour réduire cetendettement et ses conséquences négatives,un choc financier comparable à celui de la crisedes subprimes de 2008. Contre-exempleparfait du modèle finlandais, le modèle anglo-saxon ne permet pas d’atténuer les inégalitéssociales et économiques.

Au-delà de la terre promise dépeintepar certains, et dans les limites de toutescomparaisons, la Finlande offre néanmoinsun exemple probant d’équité par la réductiondes inégalités socio-économiques, équité quise reflète ensuite avec succès dans le systèmescolaire. Sans chercher à importer au Québectel ou tel modèle, plus ou moins applicabledans son intégralité, compte tenu desparticularités québécoises, il est logique des’inspirer des meilleurs exemples, et de seméfier des mauvais. À ce titre, le modèlefinlandais doit être considéré pour ce qu’ilest, soit un bon exemple d’équité.

      

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touChE PAS À MoN PRoF!

en mai 2010, un sondageréalisé pour le compte de la

FAe révélait, entre autres,que 85 % des enseignanteset enseignants affirmaient

avoir été victimes deviolence psychologique ouverbale et la moitié d’entre

eux déclarait avoir vécuune forme ou une autre de

violence physique. deschiffres choquants, certes,

mais qui n’en décrivent pasmoins le quotidien de trop

d’enseignantes etenseignants.

Au printemps 2010, la FAE a entreprisune vaste campagne de sensibilisationsur le thème Touche pas à mon prof!

Pour l’occasion, en plus d’une affiche, d’unmacaron et d’un dépliant distribués dans tousles établissements scolaires, la Fédération aproduit plusieurs outils d’information et desensibilisation afin de contrer la violenceenvers le personnel enseignant. Nonseulement le sondage dévoilait-il la fréquencedes gestes violents, il révélait également queles enseignantes et enseignants étaientvictimes d’une banalisation du phénomène.Pire encore, une vaste majorité d’entre euxignorait leurs droits et exerçait peu ou pas derecours. Briser le mur du silence devint alorsune priorité. La FAE a développé une nouvellecampagne en 2011 afin d’inciter le personnelenseignant à dénoncer ces actes à caractèreviolent. Dans la foulée, un registre national dedéclaration des actes à caractère violent a étécréé pour documenter le phénomène etorienter le travail de la Fédération.

LE REgISTRE DES AcTES àcARAcTÈRE vIoLEnT

Le registre national de déclaration des actes àcaractère violent est un outil de collecte dedonnées relatives aux actes de violence dontsont victimes les enseignantes et enseignants.Il est alimenté par les syndicats affiliés à la FAE,à partir des dénonciations faites par le personnelenseignant dans le plus grand respect de laconfidentialité des dossiers. Ainsi, aucuneinformation nominale ou personnelle n’estconsignée au registre. toutefois, les donnéescumulées permettront de tracer un portrait dela situation dans les milieux scolaires du territoirede la FAE et d’appuyer ses revendications auprèsdes autorités.

Afin de briser le mur du silence etmettre fin à la banalisation de la violence

dans leur milieu, les enseignantes etenseignants sont fortement encouragés àdénoncer toute manifestation de violencedont ils sont victimes dans le cadre de leurtravail. La plainte peut être faite enremplissant les formulaires appropriés eten remettant une copie à la personnedéléguée de son établissement. En touttemps, les enseignantes et enseignantspeuvent s’adresser à la personne déléguéeou directement à leur syndicat pour obtenirde l’aide.

LA fAE ABoRDE DEUxnoUvELLES ThéMATIqUES

Pour 2012-2013, la campagne Touche pas àmon prof! abordera deux nouvelles thématiquesafin de mieux répondre aux demandes dupersonnel enseignant. Il s’agit des interventionsphysiques auprès des élèves et des faussesallégations envers le personnel enseignant.

LES InTERvEnTIonS phySIqUESAUpRÈS DES éLÈvES

Les enseignantes et enseignants sont souventconfrontés à des comportements perturbateursde la part d’élèves. Certaines situations sontrésolues par une simple intervention verbale.D’autres requièrent toutefois une interventionphysique qui, malheureusement, risque d’êtreassociée à un geste de violence envers l’élève.

on peut aisément imaginer la réactiondes parents et les éventuelles conséquencesde tels incidents d’où surgiraient, dans les piresscénarios, des accusations de voies de fait oudes poursuites criminelles. L’intolérancegrandissante de la société à l’endroit de laviolence, et particulièrement de la violenceenvers les jeunes, a pour inconvénient de nourrirchez certains la propension aux accusationsrapides et non fondées.

Sophie Fabris

LA cAMpAgnE conTRE LA vIoLEncE SE poURSUIT

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Dans ce contexte, les enseignantes etenseignants doivent redoubler de prudencelorsqu’ils interviennent physiquement auprèsd’élèves. Les gestes posés doivent l’être dansle respect des droits fondamentaux des élèveset des règles établies par la législation et lemilieu scolaire. La FAE offrira prochainementaux enseignantes et enseignants, un nouveaufeuillet sur le sujet.

LES fAUSSES ALLégATIonSEnvERS LE pERSonnELEnSEIgnAnT

Au cours des dernières années, plusieursenseignantes et enseignants ont vu leur viepersonnelle et professionnelle bouleversées,parfois même brisées, par des accusations àcaractère sexuel non fondées, des proposmensongers, des atteintes à la réputation oudu dénigrement sur les médias sociaux. Cesfausses allégations, provenant d’élèves, deparents, de supérieurs ou de collègues de travailempoisonnent la vie des personnes qui en sontvictimes. La solidarité entre collègues peutrapidement s’effriter en présence d’allégationsde comportement déplacé ou de colportageinsidieux et ouvrir la porte au rejet et au mépris.

Ces manifestations de violence sont trèssérieuses et la FAE entend poursuivre sontravail d’information et de prévention auprès desenseignantes et enseignants. S’il est importantde connaître les droits et les recours au sujetdes fausses allégations, il est tout aussi primordiald’adopter des comportements qui permettent,dans la mesure du possible, de prévenir cessituations. Dès le printemps 2013, de nouveauxoutils seront mis à votre disposition.

La violence envers le personnel enseignantest une réalité extrêmement préoccupante. LaFAE vous encourage à agir dans vos milieux. Laviolence, sous toutes ses formes, doit toujoursêtre dénoncée. Il faut briser le mur du silence!

          

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1972 : le Printemps syndicalWilfried Cordeau

Dans le sillage du printemps érable, la jeunemaison m éditeur nous propose de relireles manifestes publiés par les trois grandescentrales syndicales québécoises autournant de 1971-1972. L’intensité des luttesouvrières de l’époque n’est pas sansrappeler celle du mouvement étudiant.belle occasion de souligner le quarantièmeanniversaire du Front commun de 1972.

Malgré l’adoption du Code du travailen 1964, la lune de miel de laRévolution tranquille se conclut

abruptement pour le mouvement syndicallorsque le gouvernement d’union nationalemet fin à la négociation de 1966-1967 parune loi spéciale dans l’enseignement.En 1968, la seconde négociation du secteurpublic ne sera guère plus reluisante. La pluied’injonctions et de lois spéciales témoignede l’étendue de l’arsenal de l’État, dont ondoute de plus en plus qu’il serve le biencommun.

Dès lors, un changement de stratégies’impose aux centrales. L’heure est à laradicalisation, au rapprochement intersyndicalet à l’avènement d’un syndicalisme decombat1. Les lieux d’échange et de réflexionpolitique et stratégique se multiplient,favorisant la création d’un Front communintersyndical pour aborder la négociation dusecteur public, en 1971. Enfin, on considèrede plus en plus incontournable la nécessitéd’ouvrir un « deuxième front », au-delà laseule négociation collective, pour réaliser desgains globaux pour la classe ouvrière. Àcette fin, des comités d’action sociale oud’action politique se créent et s’activent unpeu partout.

À compter de 1966, les centralesdiffusent une série de rapports qui jettent

les bases d’une critique sociale de plusen plus poussée. Celle-ci trouvera sonaboutissement dès la fin de 1971, alors quela négociation du secteur public achoppeavec le refus du gouvernement Bourassa dereconnaître la table centrale de négociation.Coup sur coup, chacune des centrales publiealors un manifeste retentissant, qui remeten question le modèle social, politique etéconomique qui asservit le Québec auxintérêts de la bourgeoisie d’ici et d’ailleurs,surtout américaine2.

En clair, les injustices que subissentles travailleuses et travailleurs ne peuventse régler par la seule négociation collective,car elles émanent d’un problème plus grand,soit le régime capitaliste et sa dimensioninternationale dite impérialiste. Ce modèleéconomique favorise l’exclusion ainsi queles inégalités sociales et économiques.Pour parvenir à ses fins, la classe dominanteinstrumentalise l’État afin qu’il priorise, à sonavantage, un développement économiquesauvage plutôt que la redistribution desrichesses au sein de la classe dominée,pourtant majoritaire. L’école, quant à elle,constitue un levier privilégié pour ancrer laculture du régime dans le long terme, enformant à la fois des travailleurs dociles etdes consommateurs aveugles. Faisant leconstat de l’éparpillement et de l’inefficacitédes luttes syndicales et sociales, lesmanifestes invitent à la constitution d’un blocpopulaire pour lutter contre cet « ennemicommun » qu’est le régime capitaliste etle renverser au bénéfice d’une société plusdémocratique et plus égalitaire.

Ces manifestes constituent la piècemaîtresse dans la conception de l’actionsyndicale et la stratégie intersyndicale de1971-1972. Ils définissent un cadre d’analyseglobale qui favorise l’élargissement de

la lutte du secteur public et son arrimageà celles de la société civile. Ils jouentnécessairement un rôle dans laconscientisation sociale et la mobilisationgénérale qui permettront, au tournant de1973, d’obtenir dans le secteur publicnotamment un salaire minimum de 100 $par semaine, l’indexation des salaires, lacréation du RREGoP et la réduction desécarts de salaires.

Quarante ans plus tard, le capitalismeest loin d’être tombé. Au contraire, le modèlenéolibéral, avec son lot de délocalisations,son discours misérabiliste, son obsession dela création de richesse à tout prix, et sescorollaires que sont la précarisation del’emploi, la privatisation et la tarification desservices publics déploie son emprise sur lasociété québécoise. Dans ce contexte, et leprintemps érable nous l’a vigoureusementdémontré, les manifestes syndicaux desannées 1970 demeurent une précieusesource d’enseignement. Le regard qu’ilsposaient sur la mission et l’instrumentalisationde l’école et des services publics, sur lapropriété collective des ressources naturelleset sur le rôle des institutions financières sontencore d’actualité. Finalement, la rééditionde ces manifestes historiques nous convieà une réflexion quant au modèle social etéconomique le plus apte à satisfaire lesbesoins et les aspirations du plus grandnombre.

Le reste nous appartient désormais…

1. Pour information : www.editionsm.info

2. Ce sont, respectivement : ne comptons que sur nospropres moyens (CSN, octobre 1971), L’état rouagede notre exploitation (FtQ, décembre 1971) et L’écoleau service de la classe dominante (CEQ, juin 1972).

JUSTE POUR lIRE

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O

N

BRÈvE

L’édition  2013 de la Semaine québécoise des adultes enformation (SQAF) organisée par l’Institut de coopération pourl’éducation des adultes (ICÉA) se tiendra du 6 au 14 avril

prochain. Pour souligner la persévérance des adultes en formation,la Fédération autonome de l’enseignement lance dès le5 décembre la période de mise en candidatures de la 5e édition duconcours La persévérance a aussi un visage. Ce concours permetde récompenser la persévérance scolaire d’une ou un élève dansles catégories suivantes : formation professionnelle, éducationdes adultes, francisation, formation à distance et formation enétablissement pénitentiaire. Les enseignantes et enseignants del’éducation des adultes et de la formation professionnelle trouverontbientôt dans leur pigeonnier, si ce n’est déjà fait, une invitation àsoumettre la candidature d’une ou un de leurs élèves dans lescatégories correspondantes. Le formulaire électronique, accessiblesur le site Internet de la FAE au www.lafae.qc.ca, pourra être remplijusqu’au 18 janvier 2013. Participez en grand nombre!

Semaine québécoiSe DeS aDuLTeS en FormaTion

LA fAE DonnE LE coUp D’EnvoI AU concoURS LA PERSÉVÉRANCE A AUSSI UN VISAGE

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