672 28-33 focus - travail et sécurité. le mensuel de la ... · de production et de transport pour...
TRANSCRIPT
28 Travail & Sécurité 04 - 07
FOCUSLes TMS
Fabricant d’équipements
de production et de
transport pour l’industrie
pétrolière et gazière, la société
Cameron tire parti de la bonne
santé de l’activité forage.
L’entreprise a fait 200 millions
d’euros de chiffre d’affaires
en 2006 dans un contexte de
forte croissance. Un obtura-
teur de sécurité (ou contrôleur
de pression) sur deux dans le
monde provient de son usine
de Béziers.
Début 2007, la division Ball
Valve (conception de vannes
sphériques), qui constituait
toute l’activité du site dans les
années 1970, est regroupée
en Italie à Voghera. Une nou-
velle production prend le relais
sur le site de Béziers, l’activité
« riser », pour laquelle sont
fabriqués des tubes de 25 à
30 m dédiés au forage marin
et utilisés pour relier la plate-
forme pétrolière et le matériel
de forage. Plus que jamais,
l’usine héraultaise se doit de
poursuivre son engagement
dans un combat contre les TMS
qui aff ectent les muscles, les
tendons, les nerfs des mem-
bres ainsi que la colonne verté-
brale et se manifestent par des
douleurs, raideurs, maladres-
ses, pertes de force…
Tout le personnel
mobilisé
Une démarche structurée et
pragmatique, proposée par la
CRAM Languedoc-Roussillon,
est appliquée depuis début
2004 dans les ateliers exis-
tants et sera déclinée dans les
nouveaux espaces. Implantée
depuis 1959 le long du canal
du Midi, l’entreprise se déploie
sur 10 hectares, dont 4 de bâti-
CAMERON FRANCECAMERON FRANCEDes remises en causeDes remises en cause difficiles mais nécessaires
À l’aube d’une
réorganisation de sa
production sur le site
de Béziers, l’entreprise
Cameron France a mis
en application une
démarche structurée
de lutte contre les TMS.
Une action participative
que le producteur de
matériel d’équipement
de puits de pétrole
mène pour enrayer
les contraintes liées
à la répétitivité
des gestes, aux efforts
excessifs et au travail
en position maintenue…
© G
aël
Kerb
aol
pour
l’IN
RS
672 28-33 FOCUS.indd 28672 28-33 FOCUS.indd 28 19/03/07 14:46:2619/03/07 14:46:26
Travail & Sécurité 04 - 07 29
ments et emploie 700 salariés.
L’action engagée mobilise l’en-
semble du personnel : directeur
d’usine, CHSCT, service HSE,
médecin du travail, responsa-
bles de production, opérateurs.
« Elle est basée sur la méthode
Rythm de la CRAM, qui consis-
te à observer les situations de
travail et repérer les gestes
nocifs pour faire émerger des
solutions. Nous avons surtout
travaillé sur la biomécanique,
explique Frédéric Bousquet,
ingénieur hygiène, sécurité,
environnement. 15 personnes
ont été formées pour étudier les
possibilités de réaménagement
sur ces postes. Des équipes réu-
nissant des membres du CHSCT,
l’encadrement et les opérateurs
ont été constituées. »
Haro
sur les vibrations
« L’idée est de faire sortir des
pistes de travail à partir des
entretiens réalisés avec les
opérateurs », poursuit Jean-
Louis Patry, contrôleur de
sécurité à la CRAM Languedoc-
Roussillon. L’intervention du
centre de mesures physiques
a, en parallèle, constaté l’im-
pact des vibrations sur les sala-
riés. « Sur certains postes, on se
trouvait au-delà des seuils. Il
a fallu réfl échir à un outillage
mieux adapté », ajoute Frédéric
Bousquet.
Le début de nombreux
aménagements
Déterminée, l’entreprise remet
alors en cause un outil dont
elle pensait ne pas pouvoir
se passer. Les clés à choc sont
remplacées par des clés pneu-
matiques nouvelle génération,
pour effectuer l’assemblage
des pièces par serrage au cou-
ple sans subir les nuisances
sonores ni les vibrations infl i-
gées par l’outil au niveau des
mains. D’autres mises en œuvre
ont changé la vie de l’usine : la
réparation et l’automatisation
du système d’ouverture de la
machine à laver industrielle,
la mise en place de quatre
tables élévatrices pour éviter
de travailler sur palettes, la
conception d’un système per-
mettant de suspendre les clés
de serrage pneumatiques pour
soulager les opérateurs lors
des manutentions et l’arrivée
de meubles de rangement de
l’outillage sur chaque établi
pour réduire les déplacements.
L’éclairage aux postes a égale-
ment été renforcé. « Le premier
poste à réorganiser, conformé-
ment au choix du médecin du
travail, fut l’assemblage des
Gate Valves. Mais la campagne
ne fait que commencer, insiste
l’ingénieur hygiène, sécurité,
environnement. D’autres pos-
tes sont à l’étude. Et l’activité
“riser” bénéfi ciera de ces avan-
cées. À titre d’exemple, la consti-
tution de ces colonnes de 30 m
est telle qu’une soudure est
nécessaire dans la partie cen-
trale du tube. Pour que les opé-
rateurs n’aient plus à meuler à
l’intérieur du cylindre dans des
postures contraignantes, nous
avons développé un automate
qui s’en chargera. »
Grégory Brasseur
Photos : Gaël Kerbaol
Les clés à choc, que l’on
croyait indispensables,
ont été remplacées par
des clés pneumatiques
qui évitent nuisances sonores
et vibrations.
Pour éviter aux opérateurs de travailler sur palettes et leur permettre
d’être à la bonne hauteur, des tables élévatrices ont été installées.
© G
aël
Kerb
aol
pour
l’IN
RS
© G
aël
Kerb
aol
pour
l’IN
RS
672 28-33 FOCUS.indd 29672 28-33 FOCUS.indd 29 19/03/07 14:46:4319/03/07 14:46:43
30 Travail & Sécurité 04 - 07
FOCUS
S’attaquer aux TMS nous
a permis de découvrir des
dysfonctionnements dans
notre organisation du travail.
Nous avons considéré cette
démarche non comme une
contrainte, mais comme une
opportunité à saisir ! » C’est
en ces termes enthousiastes
qu’Olivier Duquesne, directeur
de la Toque angevine, société du
groupe LDC spécialisée dans la
production de sandwiches et de
pizzas, défi nit la démarche de
prévention contre les troubles
musculo-squelettiques, mise
en place par le service de santé
au travail d’Angers, l’Aract des
Pays-de-la-Loire et la Direction
régionale du travail. Il faut dire
que, quand Dominique Pellé-
Duporté, médecin du travail
de l’entreprise et à l’origine du
projet, a proposé au directeur
d’adhérer à cette action, en
2005, celui-ci n’a pas hésité un
instant, profi tant de l’occasion
pour entrer durablement dans
le management de la sécu-
rité et l’amélioration du travail.
Les activités répétitives de pré-
paration des sandwiches et
pizzas restent en eff et très lar-
gement manuelles au sein de
l’entreprise, et les cadences de
production à fl ux tendu et au
froid peuvent être à l’origine de
TMS. Cependant, le nombre de
cas déclarés est faible. Sachant
que l’appa rition de ces patho-
logies peut être liée à plusieurs
facteurs (technique, social, ou
organisationnel), il s’agissait
dans un premier temps d’éta-
blir un état des lieux précis de
la situation.
Une réflexion de fond
À partir d’un questionnaire
envoyé aux 630 salariés par le
Dr Pellé-Duporté, des indica-
teurs ont été établis, portant
sur le nombre de TMS, les coûts
de production, la gestion des
absences ou des restrictions
d’aptitudes liés aux TMS et la
perception des conditions de
travail par les salariés. Puis, en
2005 et 2006, quatre groupes
de travail ont été créés (1) pour
analyser les dysfonctionne-
ments repérés et apporter des
solutions dans les secteurs les
plus à risque que sont les ate-
liers de compostage (poste de
mise sur palettes), sandwiches
(poste de mise en cartons),
pizza (poste de garnissage)
et réception et découpe des
matières premières (l’ensemble
des postes). Chaque proposi-
tion, travaillée avec les salariés
concernés, était ensuite validée
Toque angevineLe traiteur industriel « retoque » ses TMS
Le service de santé au
travail d’Angers (SMIA),
l’Aract des Pays-de-
la-Loire, la Direction
régionale du
travail, de l’emploi
et de la formation
professionnelle
– en partenariat avec
la CRAM des Pays-
de-la-Loire et la MSA –
ont proposé à
six entreprises
du Maine-et-Loire de
les accompagner dans
une stratégie durable
de prévention des TMS.
Reportage dans l’une
d’entre elles, la Toque
angevine, près d’Angers,
spécialisée dans la
préparation de produits
traiteurs industriels.
© X
avie
r Re
naul
d po
ur l’
INRS
Les TMS
Des dysfonctionnements ont été repérés aux postes de mise en carton.
Le projet a porté d’abord sur la
prévention des TMS, puis s’est élargi
à l’organisation globale des postes
de travail.
672 28-33 FOCUS.indd 30672 28-33 FOCUS.indd 30 19/03/07 14:47:0619/03/07 14:47:06
Travail & Sécurité 04 - 07 31
S
par le comité de pilotage (2),
chargé de suivre le projet.
« Outre la prévention des TMS
d’un point de vue ergonomi-
que, c’est surtout une réfl exion
autour de l’organi sation trans-
versale des postes de travail qui
a permis d’amé liorer le bien-
être des salariés », souligne
Guillaume Vareille, responsa-
ble de production du secteur
sandwiches. Et Juliette Destur,
coordinatrice sécurité-envi-
ronnement, d’ajouter : « L’idée
était vraiment d’intégrer les
opérateurs au cœur de cette
démarche, de rétablir la com-
munication entre chaque acteur
et de montrer que la direction
prenait en compte leurs pro-
blèmes. » Pour ce faire, les sala-
riés se sont appuyés sur une
méthodologie (compréhen-
sion des conduites humaines,
observations, discussions, ana-
lyses du travail réel…) apportée
par un consultant, dont l’in-
tervention est fi nancée à 50 %
par le Fonds pour l’améliora-
tion des conditions du travail
(FACT) via la Direction régio-
nale du travail. « Notre rôle est
d’accompagner les managers,
les représentants CHSCT et les
acteurs de prévention afi n qu’ils
s’approprient la démarche TMS
et de leur apporter la sensibilité
nécessaire pour qu’ils prennent
en compte, dans chaque futur
projet, le facteur humain au
travail », explique le consultant
Damien Mérit. Aujourd’hui,
tous les acteurs partenaires
de l’opération semblent satis-
faits.... Bien qu’il soit trop tôt
pour tirer un bilan signifi catif.
Philippe Chauchereau, contrô-
leur de sécurité à la CRAM,
remarque : « Ici, tous les outils
et les personnes ressources sont
véritablement mis en place et
identifi és pour assurer la péren-
nité du projet. »
1. Composés des responsables de
production, d’atelier et de maintenance, de
la coordinatrice de sécurité ou de l’infirmière,
de la médecin du travail, d’un membre du
CHSCT et des consultants spécialistes du
fonctionnement humain au travail.
2. Composé du directeur du site, de la
coordinatrice en sécurité, du médecin du
travail, d’un représentant de l’Aract, de la
CRAM des Pays-de-la-Loire, du CHSCT et de
consultants.
Sylvie Boistard
Photos : Xavier Renauld
Un effet boule de neige
Cinq autres entreprises, des secteurs de l’agroalimentaire, la métallurgie, la cosmétique et la fabrication
d’équipements en bois, se sont engagées volontairement dans cette démarche prédictive et échangent régulièrement leur expérience. « Cette action sera évaluée dans cinq ans, notent Élisabeth Tayar, chargée de mission à l’Aract, Dr Dominique Pellé-Duporté et Willy Vasse, directeur adjoint de la Direction régionale du travail, tous trois à l’origine du projet. Et surtout nous espérons créer une émulation autour de cette action afin que de nouvelles entreprises de la région s’engagent elles aussi dans la prévention durable des TMS. »
© X
avie
r Re
naul
d po
ur l’
INRS
672 28-33 FOCUS.indd 31672 28-33 FOCUS.indd 31 19/03/07 14:47:3319/03/07 14:47:33
32 Travail & Sécurité 04 - 07
FOCUS
Implantée à Auray (Mor-
bihan) depuis 1965, l’entre-
prise Thermobaby emploie
40 personnes, dont 25 en pro-
duction. C’est la seule entrepri-
se à fabriquer sur le territoire
national des chauff e-biberons,
fl euron de sa gamme d’articles
de puériculture. À l’occasion
de l’achat en 2002 d’un terrain
qu’elle comptait transformer
en entrepôt, la direction de
Thermobaby prend contact
avec la CRAM de Bretagne pour
en étudier les aménagements
nécessaires. Collaboration qui
débouchera sur un contrat
de prévention. « Thermobaby
n’avait jamais enregistré de
TMS, mais son contexte de pro-
duction paraissait favorable à
leur apparition, en raison de
gestes répétitifs nécessaires
à l’assemblage des chauffe-
biberons », explique Jean-Louis
Dupont, contrôleur de sécu-
rité à la CRAM de Bretagne. Ce
diagnostic se trouve conforté
par le Dr Douillet, médecin
du travail, qui met elle aussi
en évidence un risque « d’épi-
démie » de TMS des membres
supérieurs dans une étude
des plaintes fonctionnelles
et des pathologies chez les
opératrices de production.
La direction de l’entreprise est
rapidement convaincue de l’in-
térêt d’une démarche ergono-
mique prenant en compte le
travail des opératrices. « Le bien-
être au travail est un élément
important dans la conduite de
l’entreprise, souligne Albert-
Claude Desnos, directeur géné-
ral. Nos salariées ont acquis, sur
les diff érents postes de travail,
une grande expertise qui parti-
cipe directement à la compéti-
tivité de l’entreprise. La prise en
compte simultanée de l’amélio-
ration des conditions de travail
et des aspects économiques
dans la démarche de préven-
tion est essentielle, car nous
nous trouvons sur un marché
très disputé par nos concurrents
asiatiques. »
Un groupe de pilotage se
constitue, comprenant le
médecin du travail, l’ergono-
me et le contrôleur de sécu-
rité de la CRAM, le directeur
général, le responsable d’éta-
blissement et le responsable
de production, ainsi que des
représentants du personnel. La
direction de Thermobaby s’en-
gage à dégager les moyens en
personnel et en temps néces-
saires au bon déroulement de
l’étude. « Nous avons entamé
une démarche classique d’in-
formation et d’observation,
mais les outils employés étaient
spécifi ques à l’étude des TMS »,
poursuit Christian Desnos,
l’ergonome de la CRAM de
Bretagne. Le principal d’en-
tre eux a été l’utilisation du
questionnaire « Ressenti au
travail », élaboré par l’INRS et
adapté à la problématique de
Thermobaby. 22 salariées des
postes d’assemblage, dont les
intéri maires régulières, y ont
répondu.
« Cette très large consultation
des salariées nous a permis
de recueillir une vision objec-
tive du vécu au travail, précise
Christian Desnos. L’intérêt de
cette démarche globale et par-
ticipative est de faire appel à
l’expertise des opératrices au
Agir avant que les TMS n’arrivent
Transparence, dialogue,
observation forment
le socle d’une politique
de prévention.
L’exemple d’une ligne
de production d’appareils
électriques domestiques
à Auray (56) illustre
cette démarche.
Les TMS
672 28-33 FOCUS.indd 32672 28-33 FOCUS.indd 32 19/03/07 14:48:1519/03/07 14:48:15
Travail & Sécurité 04 - 07 33
sein de l’entreprise et de faire
valider et enrichir nos observa-
tions par ces mêmes personnes
directement concernées par
le travail. » Globalement, les
salariées se montrent satis-
faites de leurs conditions de
travail et elles apprécient de
les voir prises en compte dans
les évolutions de l’entreprise.
Les modifications apportées
à certains postes exigeant
des gestes fi ns et précis, mais
répétitifs et contraignants, en
sont l’exemple.
Des améliorations
discrètes mais
efficaces
Le diagnostic a permis de
proposer des pistes d’amé-
liorations visant à la fois
l’organisation, la configu-
ration des postes de tra-
vail et leur environnement.
Les lignes de fabrication ont
été réimplantées. Les postes
de travail les plus problémati-
ques (roulage des cuves, ser-
tissage des cosses, contrôle...)
ont été revus de façon à amé-
liorer le confort au travail.
De multiples petites amélio-
rations (repose avant-bras,
repose-pieds, chaise réglable
et adaptée, orientation du
poste de travail...) contri-
buent à réduire l’inconfort.
Les nuisances sonores ont été
considérablement réduites
par l’encoff rement de certai-
nes machines bruyantes et par
un traitement acoustique du
plafond et des murs de l’ate-
lier de montage. Des puits de
lumière ont été percés dans la
toiture, assurant un éclairage
naturel de qualité au-dessus
des postes de travail. Le sys-
tème de chauff age a été revu
afi n d’améliorer son effi cacité.
Parallèlement à l’étude, le
responsable de production
a participé au stage interen-
treprises « Mise en œuvre
d’une démarche ergonomi-
que en entreprise », organisé
par le département Risques
Professionnels de la CRAM de
Bretagne.
« C’est l’assurance pour l’entre-
prise de se prendre en charge de
manière autonome et pérenne,
conclut Jean-Louis Dupont, les
modifi cations des postes ou de
l’organisation de la production
incluant en permanence l’ob-
jectif d’amélioration des condi-
tions de travail. »
Clotilde Chéron
Photos : Yves Cousson
Le recueil des données auprès
des salariées a montré que
dans l’ensemble, elles sont
satisfaites de leurs conditions
de travail.
Certaines améliorations
ont pu être eff ectuées, comme
la réimplantation des lignes de
production (cf. photo de gauche)
ou le choix de chaises réglables et
adaptées (cf. photo de droite).
Parmi les petites améliorations, l’installation de repose avant-bras.
© Y
ves
Cous
son/
INRS
© Y
ves
Cous
son/
INRS
© Y
ves
Cous
son/
INRS
672 28-33 FOCUS.indd 33672 28-33 FOCUS.indd 33 19/03/07 14:48:3419/03/07 14:48:34