À l’écoute de la bible - christianisme, spiritualité, … · 2016-07-14 · et la simple...

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Àl’écoutedelaBibleHomélies,dimanchesetfêtes–AnnéeC

MichelViot

Àl’écoutedelaBible

Homélies,dimanchesetfêtes

AnnéeC

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DepuislamortduroiLouisXVIle21janvier1793,touslesgouvernements qui se sont succédé, jusqu’à ce jour sont lesenfantslégitimes,bâtardsouadultères,delasanglantePremièreRépublique. Jésus ne pourra ainsi commencer sa mission quesousleur«principat»etnesouffrirquepareux.Alorsquesonministèrecommençaen fait sousPoncePilate,etquec’estparlui qu’il souffrit. Par la simplification sacrilège etblasphématoirequejeviensd’évoquer,Jésusestréduitàn’êtrequ’une voie religieuse contemporaine du prince qui gouverneactuellement,ilnepeutsouffrir,êtretuéetmisautombeauquepar lui.Voilà pourquoi il faut dénier à de tels princes le droitd’enseigner quoi que ce soit sur le vrai Jésus, celui de Luccomme des autres textes du Nouveau Testament. Jésus exerçason ministère sous l’empereur Tibère, Ponce Pilate étantgouverneurdeJudée.

Jeviensdeparlerd’enseignement,etc’estsurceluideJésusque jevoudraisconclure.Le textenousparled’unbaptêmedeconversion pour le pardon des péchés, s’appuyant sur uneprophétiedusecondIsaïe,chapitre40versets3à5.

Cette prophétie date du retour de l’Exil. Vous savez quel’Exil à Babylone fut considéré par les prophètes comme unchâtiment divin infligé par Dieu à son peuple à cause de soninfidélitéàlaloiet trèsprécisémentcommelapunitiondesonidolâtrie. Certains prophètes, comme le deuxième Isaïe maisaussi Jérémie et Ézéchiel, ont vu dans ce retour une sorte denouvel Exode4. Comme l’Égypte, la terre d’exil est une terred’esclavageremplied’idoles,etlepeuplelaquittepourlaterrepromise.L’annonceduroyaumedeDieuparJésus,préparéeicipar Jean, est aussi présentée commeunnouvelExode ; il fautpartir par le désert de Jean Baptiste et la purification queprocure son baptême pour avancer vers cette nouvelle terre

promisequ’estleRoyaume.SaintMatthieuestencoreplusclairquand il interprète le retour d’Égypte de Jésus et de la SainteFamille comme un nouvel Exode, parce qu’ils n’ont plus àcraindre la persécution d’Hérode, allantmême jusqu’à citer leprophèteOsée:«D’Égyptej’aiappelémonfils»(Os11,1).

Se mettre en marche vers le Christ, c’est donc accepterl’épreuve du désert et l’effort pour la surmonter. Cette notiond’effort est signifiée dans la prophétie par tout le travaild’aplanissementde la routeduSeigneur.Quandun roi arrivaitquelque part, il fallait aplanir, réparer, restaurer les routes etniveler les obstacles. C’était du travail et des efforts pour quivoulaitvraimentalleràlarencontreduroienfacilitantsavenue.Jeandemandecegenrededémarchepourlepardondespéchés,laconversion,dontlesigneseralebaptême.

Si l’on veut vivre une nouvelle évangélisation, et je dis« si », car finalement j’en entendspeuparler et jevois encoremoins agir en ce sens, il faudra passer par un retour à lapénitence et nous placer pour cela dans l’esprit du nouvelExode. Il faut penser bien sûr à tous ces chrétiens qui ontdésertél’Égliseparcequ’onneleurarientransmis.LetauxdepratiqueenFranceest,selonleslieux,entreunetdemiettroispourcentdelapopulation.Quellefoule,maisaussiqueldésert!Il faut des voix de prophètes, des relais de JeanBaptiste pourmeneràJésus.

Cela dit, ceux qui demeurent pratiquants ne sont pasdispensésde l’exode,combiendeparoissesne sont finalementque desÉgyptes déguisées où les niaiseries infantiles tiennentlieud’idoles.Beaucoupdeconversionsysontnécessairespournepas fuirdansdesdéserts sans terrepromiseet surtoutpouraccueillir ceux qui reviendront. Car c’est dans cet esprit de

retouretdelareconquêtechrétiennequ’ilfautvivreetnondansl’étatd’espritdesyndicsdefaillitesauxquelscertainschrétiensdetousgradesressemblentdeplusenplus.Àeuxj’appliquelesmotsdelaprophétie«passagestortueux»,ilfautlesredresserquitteàlescasser!

Trop de pratiquants se piquent aujourd’hui d’espritscientifique,sansnécessairementleposséder,etseproposentdetoutvérifiercommebeaucoupdeleurscontemporains.Qu’ilssesouviennent de la remarque de saint Bernard qui disait à sesmoinesque« lafoinesauraitêtreséduite, lafoicomprendleschosesinvisiblesetneseressentpointdelafaiblessedessens.Ellepassemêmelesbornesdelaraisonhumaine,l’usagedelanature et les limites de l’expérience5 ». Alors peut-êtreparviendront-ilsàretrouverlechemindelasagesse.

3.VoirTraductionœcuméniquede laBible (TOB),notesur leverset1duchapitre3.4.VoirTOB,notesurIs40,3.

5. SAINT BERNARD,Œuvres complètes, Tome IV, 27e sermonsur le Cantique des cantiques, p. 315, Traduction de l’abbéCharpentier,Paris,LouisVivéséditeur,1867.

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Arrêtonsparexemplecesmotsd’accueilquin’en finissentpasetquimalheureusementprécèdentbiensouventl’invocationtrinitaire dans lamajorité des cas, alors que celle-ci devrait sesuffireàelle-mêmeendébutdecélébration.Éliminonsaussicesintroductions aux lectures bibliques, il y a une homélie pourcelaetmêmesileprêtrenereprendpastouslestextesdujour,ilest dans ce domaine commeon dit « le seulmaître à bord ! »Finissons-enenfinaveccesprièresuniverselles,quià forcedevouloirêtretropactuellesendeviennentunesortededoubletdujournalpapier,radiodiffuséoutélédiffusé,unpeucommesilesassistants à la messe n’avaient pas eu le temps de prendreconnaissance des informations. Surtout si, circonstancesaggravantes, on emploie le vocabulaire desmédias qui va à laliturgiecommeuntablieràunevache!

Toujoursenme référantàMarieetàÉlisabeth, l’unen’estpasvenuevers l’autrepour lui raconter lesdernièresnouvellesde Nazareth, et Élisabeth, femme de prêtre, l’entretenir desderniers ragots du temple ! Une réunion de croyants se faitd’abord pour conforter la foi et augmenter les louanges et lesprièresquimontentversleSeigneur.

Aussi voudrais-je évoquer pour conclure une interprétationsymboliqueduvoyagedeMarie10.LaViergeporteeneffetdéjàen elle Jésus, la parole éternelle de Dieu, ce qui lui a donnéasseztôtletitredeNouvelleArched’Alliance.

Or l’Ancien Testament connaît un épisode célèbre oùl’Arche ancienne, celle qui renfermait les tables des dixcommandements, des dix paroles donc paroles de Dieu aussi,partenvisite.AudeuxièmelivredeSamuelauchapitre6,Davidveutinstallerl’ArchedanssanouvellecapitaleJérusalem.Maisaupassagede l’airedeNacon,uncertainOuzzaporte lamain

sur cet objet sacré pour l’empêcher de tomber, oubliant que,n’étant pas de caste sacerdotale, il ne pouvait être en contactdirect avec l’Arche. Dieu le fait mourir. David prend peur etenvoie l’Arche chez un nomméObed, édomite, deGath, doncpeut-être aussi un philistin. Et la simple présence de l’Archedanscettemaisonproduitpendanttroismois,duréeduséjourdeMarie chezÉlisabeth, une source de bénédictions très grandespour tous. Apprenant cela, David s’empresse de faire revenirl’Arche à Jérusalem en grande pompe, allant même jusqu’às’habiller en prêtre pour danser devant l’Arche (2S 6,14). Et,commesafemmeMicalsemoquadelui,doncindirectementdel’Arche,ellefutfrappéedestérilité(1S6,23).

Onpeut légitimement penser queLuc a eu ce récit en têtepournousraconterlaVisitation.Savoiraccueillirl’ArchedelaNouvelle Alliance, c’est recevoir ensemble, chacun pour cequ’ilssontbiensûr,JésusetMariesamère.Élisabethpréfigurel’Églisequineséparepaslefilsdelamèreetquiàcausedufilsdéclare à la mère qu’elle est bénie entre toutes les femmes,préparantainsilapiétémariale.Oui,Élisabethpréfigurel’Égliseparcequ’elleporteenelleceluiquivaannoncerleMessie,toutcommeMarieensuitefigureral’ÉgliseaudébutduministèredeJésusàCanaencommandantdefairetoutcequesonFilsdira(Jn 2,5) et au Golgotha en devenant la mère du disciple queJésus aimait. Jésus, Marie, deux noms, deux amours, deuxpromesses de salut qui ne vont pas l’une sans l’autre, deuxespérances aussi qui soulagent toujours les chrétiens de leursmaux.

7.TOB,voirlanotesurLc1,38.8.ADAP:Assembléedominicaleenl’absencedeprêtres.

9. Et je pense qu’on gagne toujours à préciser « médiatriced’intercession » comme le disait Louis-Marie Grignion deMontfortpour ladistinguerdeJésuscommeseulmédiateurderédemption.10. John MCHUGH, La Mère de Jésus dans le NouveauTestament,éd.duCerf,1976,p.106à108.

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poisons sous Louis XIV. Cela dit, le grand roi envoya lamarquisedeBrinvilliersaubourreau,iln’enfitpasunministredelaSanté!

Faudra-t-il aussi construire autant de prisons que delogementssociaux,avoirunearméedepoliciersplusnombreuseque toutes nos forces armées réunies ? Et en arriverons-nous,commelesJuifsdelafindel’Exil,àêtresauvésparDieubiensûr,maisaumoyend’unCyrus,c’est-à-dired’unhommed’Étatqui soit un étranger, notre peuple étant tombé si bas avec sonÉglise mère que ni l’un ni l’autre n’auront été capables deproduirequelqu’unenquinouspuissionsavoirconfiance?

Cela dit, il serait encore temps !Malgré la dictature de lapensée unique, l’asservissement des médias, la veulerie d’uncertainnombredepolitiques,ilyaencoredansl’Égliseetdanscepaysdesgensquipensent, quiparlent et quiprient.EtdesfêtescommecellesdeNoëlpeuventfaireplusquerappelerdessorties de Babylone, un nouvel Exode vers la Terre promise,comme l’a proclamé le second Isaïe, mais avoir une efficacitéplus grande, d’autant plus qu’il n’y aura pas à s’en aller et àmarcherbeaucoup,maisàfairedunettoyagesurplace!

Voyons le « mieux » du nouvel Exode. Il est exprimé auverset 12, juste après le passage que nous avons lu qui s’étaitarrêté au verset 10. Après une invite à sortir de Babylone enportant lesobjetsduculte, trèsprobablement ceuxqui avaientéchappé au pillage du temple lors de la prise de Jérusalem, leprophète demande que cela se fasse sans « précipitation » ni«panique»,cequiavaitétélecaspourlasortied’Égypte(Ex12,21-36),tantladixièmeplaie,lamortdespremiersnés,avaitépouvanté les égyptiensaupointqu’ilsdonnèrent leurorpourqueleshébreuxpartentleplusvitepossible,sortederattrapage

dupaiementdutravaildel’esclavage!

Ici riende tel, l’édit deCyrus a retenti telleuneparoledeDieu,etquandDieuparle,lachosearrive.

Etc’estaprèsqu’interviennentlesversetssurleserviteurdeDieu souffrant, introduits par le verset 15 : «Demême, à sonsujet, des foules de nations seront émerveillées », verset quireprend la conclusion de notre passage au verset 10 : « LeSeigneuramontrélasaintetédesonbrasauxyeuxdetouteslesnations.Tous les lointains de laTerre ont vu le salut de notreDieu.»

Àl’époqueduprophète(lesecondIsaïeen538avantJ.-C.),Jérusalemavaitétéreconstruiteainsiqueletempleetcependantiln’yeupointderoidescendantdeDavidreplacésurletrônedesespères.Pourleschrétiensquilirontcestextesdessièclesplustard, c’est la venue de Jésus en ce monde qui comblera cemanque.L’incarnationduVerbedeDieu : leMessie, serviteurdeDieu venu du ciel, donc en partie d’ailleurs que du peuplejuif, tout commeCyrus roi persequi l’a préfiguré.Ainsi de laruine la plus totale, l’Exil à Babylone, peut venir unerestaurationdespromessesdeDieu.

J’ai parlé d’une ruine totale, mais l’on sait par ailleurscombien l’Exil modifia et réforma la vieille religion d’Israël,particulièrementencequiconcernel’importancedelaprièreetlaméditationdelaparoledeDieu,puisquesansletempleiln’yavaitplusdesacrifices.Cequicompteàprésent,cen’estpasdesavoirsil’Église,nouveaupeupledeDieu,enestarrivéeàcetteruinetotaleetaenviedesortirdelaBabyloneoùellesetrouve,car ilsemblehélasquecertainsdesnôtress’enaccommodent!Le vrai problème est celui du maintien de l’espérance alorsqu’humainementparlantrienn’yincite!

Voilà pourquoi nous avons un besoin urgent d’entendre lavoixd’Isaïe,puissancedefoietd’espoir.Sans«précipitation»ni « panique », comme le conseille le prophète, nous pouvonscommencerdéjààredresserlatête.Mêmeaffaiblie,l’Égliseesttoujours là et leChrist demeureSeigneur, y compris dans sonabaissementdeNoël,parcequeceluiqu’il sert, toutcomme leserviteur son prédécesseur annoncé par Isaïe, inonde de sapuissance d’amour et de vérité et peut vaincre tous lesmensongesetdissiper les illusionsdecemonde.QuecetempsdeNoël nous insuffle un esprit de reconquête, nous inspire lerejet des idoles « babyloniennes » et plus d’amour pour la foicar c’est dans notre cœur qu’il faut replacer la Terre sainte etreconstruire Jérusalemet son temple.Les fondations sont déjàcreusées,cesontcellesdenotrebaptême.

19.VoirnotedelaTOBsurIs52,13.

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Aussi l’annonce de la Bonne Nouvelle que l’on peutapporteràtraversl’explicationdubaptêmedeJésusestd’abordet avant tout la combinaison de la nouvelle naissance et dujugement.Lescieuxquis’ouvrentévoquentàlafoislatraditionapocalyptique28etl’idéed’unerévélationàlafindestemps.Lafindumonden’esteneffetpasétrangèreaupaganismemoderne.

L’espritquidescendn’estpluschezLucunevisionduseulJésus, mais une manifestation de la sainteté divine (voilàpourquoi j’ai parlé précédemment de théophanie) visible detous.L’interventiondel’Espritinaugurelestempsmessianiques,ilacommencéàl’AnnonciationaveclaconceptiondelaViergeet la naissance virginale, il confirme ensuite Jésus dans samission et il créera visiblement l’Église à la Pentecôte. LechristianismedeLucestavanttoutnaissancenouvelle,œuvredela puissance divine, à partir d’une humanité qui vainexorablement à la mort, ce que beaucoup de païens del’époquedeLuccommede lanôtrepeuventcomprendre.Voilàpourquoicettehumanitédoitêtrerégénérée,initiéeàcequiestsavraiefinalité:retrouversonCréateur.Etceluiquiinitie,c’estleChrist,parcequelavoixvenueducielreprendlePsaume2,7d’intronisation royale, qui fait de Jésus fils de David, unnouveau Salomon, un roi rempli de sagesse, mais aussi leserviteurdeDieu,c’estladeuxièmepartiedecequeditlavoixetquivientd’Is40,1.Lesthéologiens,quiaujourd’huiinsistentsurlamystagogieenmatièresacramentelle,ontcentfoisraison,maisencorefaudrait-ilquecetteréalitécapitalepassâtdanslesfaits,lapréparationaubaptême,laliturgiebaptismale.Etlàonfait tout l’inverse de ce qu’il faut. On explique la liturgie dubaptêmepréalablementàsondéroulementalorsqu’onnedévoilejamaisuneinitiation.Celanesefaitqu’aucoursdelacérémonieet après. Ainsi, dans l’Église ancienne, les non-baptisés, les

non-initiés,n’assistaientpas à l’eucharistiequidemeuraitbienun mystère, heureusement aujourd’hui encore signifié par lamajesté des iconostases chez nos frères orthodoxes et leschasublesetchapesquimasquentcequisepasseàl’autelquandla messe n’est pas célébrée à l’envers, c’est-à-direessentiellementdanslaformeextraordinaire.

Relisons attentivement Rm 6,3-6 ; Paul explique auxpagano-chrétiens de Rome le sens du baptême (mais pas laliturgie) dans des termes analogues aux cultes à mystères quiassimilaientlerécipiendaireaudieuquimouraitetressuscitait.Ainsiparvenait-ilàlalumièredelavieéternelle.Ilsdoiventêtre« morts au péché et vivant pour Dieu en Jésus-Christ » (Rm6,11).Ensuite,maisensuite seulement,vientuneexhortationàluttercontrelepéché(v12).Autrementdit,ennousréférantàceque nous avons vu dans le verset de Luc, cela équivaut à uneincitationàregarderàcemoment-làversJeanBaptiste,etàfaireles efforts pour préparer la venue duSeigneur et ce qui inclutaussibiensûrlapénitence.C’estlalumièredeDieuàlaquellejesuisarrivéparl’initiationchrétiennequiéclairemonpéchéetme fait lutter contre lui, et non je ne sais quelle laborieusepurificationquimehisseraitjusqu’àDieu.C’estl’amourqu’onressentpourDieuetsonFilsJésus-Christquinousfaitdétesterlepéchéetnonl’inverse,ainsiquecroireaujugementdivinsansdésespoir, mais avec crainte et amour. Ainsi saint Luc, par saméthode, est-il pour notre temps le plus précieux pédagogue,sans pour autant écarter les autres auteurs du NouveauTestament.

25.TOB,notesurLc3,15.26.TOBvoirnotesurJn3,16.

27.LireLc7,24-28oùleJésusdecetévangileprécisebiencetteidéecapitaleetparticulièreàLuc.28.FrançoisBOVON,op.cit.,p.175,enparticulierlanote66.

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sphère politique, mais pas celui qu’il prétend. Qu’il puissedonnerlepouvoir,c’estévidenttantsurleplanthéologiquequepratique. Le diable a gardé quelques beaux restes de l’ancienSatan,ilpeutdoncagiraunomdeDieuendonnantlepouvoir,certains rois païens l’ont par exemple reçu pour châtier lesinfidélités d’Israël (voir Jr 25,8-9 avec l’exemple deNabuchodonosor) et, au plan pratique, pensons à tous lespouvoirsmonstrueux duXXe siècle jusqu’à nos jours, certainsmême ayant le masque de la légalité, ce qui montre que le« légal » peut être quelquefois diabolique, il est utile de s’ensouvenir. Mais pour ces derniers cas, il n’est pas toujoursévidentdeparlerdepunition!

CeladitJésusn’abandonnepaspourautant lepolitiqueaudiable.Sonrefusd’adorerlemontre.Carparlà,JésusluidénielerôledeDieuqu’ilvoudraitbienusurperetdumêmecoupluidénieégalementlamaîtriseabsoluesurcepouvoir.Ilseraitdoncfaux et erronéd’endéduireunevisionpurementpessimiste del’autorité politique puisqu’elle peut agir dans le cadre de lavolontépositivedeDieu,c’estàdirepourlebien.SaintPaull’ad’ailleurs compris ainsi (Rm 13) tout comme saint AugustindansLaCitédeDieu.Iln’yadoncpasdefatalitémaléfiquesurle pouvoir politique tant que celui-ci ne succombe pas à lamégalomaniediabolique,commejevaisl’expliquer.

Ilyaquelquechosedevraidans laparticipationdudiableau pouvoir temporel qu’on peut situer dans le droit du glaive,c’est-à-diredansl’usagedelaforcepourcombattrelemal,danslaguerredéfensive, l’utilisationde laprisonoude lapeinedemortpourneprendrequedesexemplesextrêmes42.Tuerunêtrehumain ou le priver de liberté n’est jamais en soi une bonnechose,mais si c’est en vue du bien commun et en conformité

avec la loi naturelle43, supervisé par une puissance voulue parDieu comme l’État, quelle que soit sa forme (à l’exclusiontoutefoisdutotalitarismequin’adecessedeprendrelaplacedeDieu),unchrétiendoitl’accepter.D’ailleursilfautrappeleràcesujet que le huitième commandement interdit le meurtre oul’assassinatetnonpaslefaitdetuer,l’hébreul’exprimepardesverbes différents. Cela dit, chacun sait qu’en paix comme enguerre la puissance politique peut mal user du droit decoercition et utiliser la force pour autre chose que le biencommun,parexemplepours’exalterdesapropregloireoupourgarderlepouvoiràtoutprix.

Gouverner de cette façon, c’est se servir soi-même, être lediable qui se prend pour Dieu, c’est s’idolâtrer et obliger lesautresàenfaireautant.L’usagedelaforcen’estplusauservicedes autres, mais un instrument de domination sur eux, unetyrannie qui ne correspond pas à ce que le Dieu de la Bibleattenddel’Étatqui,commelediable,s’estalorshisséàlaplacedeDieu.UnchrétiennedoitpasobéiràuntelÉtatetauxloisqu’il promulgue. Pendant le nazisme, des chrétiens courageuxontrefusél’euthanasiedesmaladesmentauxtoutcommelesloisracistes de Nuremberg qui émanaient pourtant d’un pouvoirlégal. Aujourd’hui ils doivent agir demême en refusant de sesoumettre aux lois de la culture de mort, en particulier lapratique des IVG, des euthanasies, auxmariages de personnesde même sexe, à l’enseignement de morales destructrices dupsychismehumain,commele«genre».

La troisième et dernière tentation a lieu à Jérusalem dansl’enceintedutemple.CettechronologieestpropreàsaintLuc,jel’aiditplushaut,enendonnantundesmotifs.Voicimaintenantle principal. Dans sa présentation des faits qui jalonnent ledéroulement de l’incarnation, et de ses suites, tant dans

l’ÉvangilequedanslelivredesActesdesapôtres,toutcequiestimportant chez saint Luc se passe à Jérusalem.Comme je l’airappelé aussi, le caractère universel de la rédemption apportéeparJésusestplusimportantchezcetauteurquelescontroversesproprementjuivessurletypedemessianisme,ycomprisdansledomainedestentations.Laquestiondel’orgueilspirituelpassedoncavantparceque,connuedesmondesjuifetpaïen,lesgrecsconnaissaient leproblèmede l’hybris, l’orgueil, etdudéfi auxdieux.Songezàl’exempledeProméthéedérobantlefeuducielpour le donner aux hommes, crime grave que Zeus punitsévèrement par la souffrance éternelle du coupable. Il fallaitdoncquecettetentationdel’orgueilspirituelapparûtcommelaplusgrave,doncen troisièmeposition,etdans lecadre leplussaintet leplus important, le templedeJérusalempour toucheravecune forceégale juifs etpaïens.Etpour cela,Luc, commed’ailleursMatthieu, vamême jusqu’à transformer le diable enprédicateurdelaparoledeDieupuisqu’ilciteàJésuslepsaume90pourle tenter.Méfions-nousdonc, je ledisaupassage,desgens qui ont toujours un verset biblique à la bouche poursolliciterdenoustelleoutelleaction.

Quel problème soulève cette dernière tentation ? Celui dumystèredelacroix,commel’atrèsbienvuFrançoisBovonquejecite:«Cetteconvictionthéologique,enracinéedanslaBible,n’estpasexpriméeiciauhasard,elleestcenséerépondreàunecritique,nondesmiracles,maisdelacroix:pourquoiDieun’a-t-il pas épargné lamort ? Cettemort à son Fils ? La réponsechrétienne : c’est par conviction confiante et non parimpuissancequeJésusnes’estpassauvélui-même.Ànouveauce n’est pas la réponse d’un croyant, mais surtout celle duMessiedeschrétiensvisésparl’attaque44.»

Et cela ne contredit pas ma remarque précédente sur les

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témoin, venant même de prêtres ou de ministres chrétiensd’autresconfessions.Pourconsoler lesparentsdesvictimesdemorts affreuses, ils ne trouvaient rien d’autre à dire demieuxqueDieun’yétaitpourrien!

C’est tropoupas assez !Trop,parceque si on s’arrête là,celarevientàadmettrequeDieun’estpastoutpuissant;oupasassez parce que cela n’explique pas pourquoi de tels mauxpeuventarriversansqueDieuensoitl’auteuroul’aitpermis,orcettequestionestcapitale.

On ne peut s’interroger sur Dieu et son existence, sonpouvoir et ses rapports avec la création, sans que se pose laquestiondumal.

LepremierchapitredulivredelaGenèseleprouve.Genèse,qui vient du grec et qui traduit berechit le mot hébreucorrespondant, évoque le commencement. La question du malestpréparéedèslechapitre2delaGenèseavecl’interdictiondemangerdufruitdel’arbredelaconnaissancedubienetdumal(Gn 2,15-17). Et puis carrément posée ensuite au chapitre 3.Certes,cen’estpaslepéchéoriginelausensoùlecomprendrasaintPaul(Rm5,12-21),maisc’estlepéchédesorigines,l’actede désobéissance humain et purement humain qui introduit,dansunecréationparfaite,souffrance,mortetviolence.Cequ’ilfautbiencomprendre,c’estquecette libertéquel’hommeet lafemmeonteuededésobéir,necorrespondpasàundéfaut,maisbienaucontraireàuneperfectiondelacréationquifaitdel’êtrehumain une créature au-dessus des autres, ayant une totale etpleineliberté,maisunelibertédecréaturecependantparcequ’ilexiste un interdit. Sans cet interdit, l’homme serait « commeDieu », très exactement comme le dit le serpent qui dans laGenèse, je le rappelle, n’est pas le diable49, il ne le deviendra

que dans le Nouveau Testament. Lui aussi, comme l’homme,n’est qu’une créature venant de Dieu mais plus rusée que lesautres animaux, accessoire vivant donc du jardin d’Eden pourrappeler à l’homme qu’il n’est pas Dieu, et là il rejoint, à samanière, l’interdit divin, mais en suggérant à l’homme qu’ilpourrait devenir Dieu, il met sa ruse au plus haut niveau enosanttenterlapremièredescréatures.Ilestremarquablequeletexteduchapitre1delaGenèse,postérieurauxchapitres2et3deplusieurssièclesetconnaissantdoncl’échecdel’homme,aitcontinuéàlaisseràl’hommesapremièreplacedanslacréationenlequalifiantd’«imagedeDieu».

Aussi la Bible donne-t-elle à l’homme une placesuréminente en rapport avec sa création par Dieu, lui aussiconçu comme suréminent. Dire que Dieu ne peut rien auxcatastrophes humaines en tout genre est impie, sacrilège etblasphématoire, en totale contradictionavec lavisionbiblique,et c’est, en fin de compte, conduire à douter de la puissancesalvatrice de la passion du Christ, de sa mort et de sarésurrection.D’oùl’importancedel’éducationreligieuse,carilestbiensûrdifficiled’abordertoutescesvéritésd’unseulcoupvis-à-visdegensendeuilléspardetellescatastrophes.Jepense,commeexemple récent, à cet accident d’hélicoptère où le pèredecejeunesportifde28ansdécédédisaitquesafillede21ansétait morte dans un accident quelques mois auparavant. Netransparaissait sur son visage comme dans ses paroles quedésarroi, désespoir et incompréhension. Je respecte ceux quigardentlesilencedevantdetellessituations,maissilesgensquiviventcesdeuilsviennentversl’Église,quecelle-ciparleetdisevrai!Onpeut,etcen’estqu’unexemple,quandils’agitde lamortdepersonnesjeunes,setournerverscetadmirablechapitre4dulivredelaSagessequej’aisouventprêché:«Unjusteau

contraire,même s’ilmeurt avant l’âge, connaitra le repos […].DevenuagréableàDieu ilaétéaiméet,commeilvivaitparmilespécheurs,ilaététransportéailleurs[…]depeurquelemaln’altèresonjugement»(Sg4,7-10).

Quipeutsavoireneffetl’avenird’unêtrehumain?Quipeutaffirmer avec une absolue certitude qu’il eût mieux valu qu’ilvive encore très longtemps, surtout quand on voit comment seterminentquelquefoiscertaineslonguesvies?

Sensibilisédèsmajeunesseàlamortd’êtresjeunes,jen’aijamais hésité à opposer la toute-puissance de Dieu et sa sûrejustice à toutes les morts les plus affreuses et je crois avoirtoujoursétéentendu.DébiterdesmièvreriessurlebonDieuquin’y peut rien, ou s’empêtrer dans des discours oiseux sur lesépreuves, la souffrance pédagogique et que sais-je encore,empêched’assumerledeuildel’autreetlaréflexionsurlamortquimanque tant aujourd’hui à l’annoncede labonnenouvelledusalutchrétien.

Sionn’estpascapabledeparlerdesvéritésdeDieusurdesmortsparticulièrementaffreuses,touchantdesêtresjeunes,quedira-t-onde lamortdeJésusencroixpournotre salut, luiquin’avaitqu’une trentained’années !Luiqui a acceptéunemortimméritée avec commecertitude sa seule foi en la résurrectionfondée sur sa connaissance parfaite du Père et de son amourpourlui!Celanedoit-ilpasnousinciter,nousquicroyonsàsamission,àfaireaccepterlamortcommeliéeindissolublementàlavie?Lebébéquinaitestunfuturmort,ilappartientàDieuavant même d’appartenir à ses parents. Dieu est maître etpropriétaire de tout ce qui existe, et s’il permet au mal, quel’hommeaintroduitdanslacréationparsadésobéissance,desedéchaîner quelquefois, c’est pour rappeler à ses créatures leur

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montresonintolérancedesorigines,celledelaphilosophiedesLumièresquiaconduitau tempsde laRévolutionà fermer leséglisesetàtuerlesprêtres.

Pour réconcilier les hommes avec Dieu, il faut doncs’attaquerausystèmedepenséequinieDieusansoserledire,ilfautdénoncer les tartuffesdel’athéisme,cequin’empêchepasde respecter les athées qui revendiquent ouvertement leurposition philosophique sans chercher à l’imposer par la force,mais par la persuasion, tout comme les chrétiens le fontaujourd’huipourleurfoi.

Certes un tel changement de discours est risqué pourl’Église, tout comme il l’était au temps de saint Paul. Maisl’Apôtre s’y est senti obligé, à cause du risque que Dieu lui-mêmeavait pris.Rienn’était jouéd’avancepour Jésusqui estentré librement dans sa Passion, comme le dit si bien notreliturgie.

Et il est allé jusqu’au bout, au point d’être identifié aupéché. Cela s’est produit sur la croix. Saint Paul l’exprimeraencoreplusclairementauxGalates:«Christapayépournouslibérer de la malédiction de la loi en devenant lui-mêmemalédictionpournous,puisqu’ilestécrit :“Mauditquiconqueestpenduaubois”(Ga3,13,citantDt21,23).»

TémoignerdusalutenChristetl’annoncer,c’estassumerlerôle d’ambassadeur d’un Dieu qui a permis cette rédemptiontragique,etlesangacouléaunomdelavérité.

La réconciliationnepeut êtrequedumêmeordre.Tout enprocurantleseulvraibien-êtredèsmaintenantetpourl’éternité,ellepeutaussiexigerdeseffortsetdessacrificesengendrantdelasouffrance.

51. JeanHERING,La seconde épître auxCorinthiens, p. 52 et53,aveclesnotessurlesversetsconcernés,éd.LaboretFides.

5edimanchedecarême

Premièrelecture:Is43,16-21Deuxièmelecture:Ph3,8-14

Évangile:Jn8,1-11

L’interdiction de l’adultère était signifiée par uncommandement spécial du Décalogue et l’enfreindre étaitexplicitementpunidemort(Dt22,22etLv20,10).Ils’agissaitde protéger l’institution du mariage, fondement de la famille,aussiimportantepourlacivilisationjuivequechrétienne.Àtitred’illustration, songeons au temps qu’il faudra pour quel’adultère devienne en France un sujet de comédie.BeaumarchaisfitscandaleavecLeMariagedeFigaro(1778)etilfallutattendreladeuxièmemoitiéduXIXesièclepourquel’onpuisseenrireauthéâtre«entouteliberté»!

On remarquera aussi que ces périodes sont liées à ladéchristianisationdelaFrance.Aujourd’huinousavonsfait,sij’ose dire, des « progrès » sur ces questions. Contre lechristianisme on a ajouté bien évidemment à l’adultère leblasphèmeetlesacrilège!

Celadit jene suispasunnostalgiquede la lapidationdesadultères, je n’ai mentionné cette affaire de théâtre que pourmontrer que la vision amusée et amusante de l’adultèrecorrespondait à une baisse du sentiment religieux chrétien, cequiétaitloind’êtrelecasàl’époquedeJésus,pourlesscribesetlespharisiensbiensûr,demêmequepourlepeupleet,nousallonslevoir,pourJésuslui-même.

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Commentfaut-ilcomprendreleurbrutaleinterventionauprèsdeJésus ?Dans la ligne, je crois pense, de ce qu’on sait de leurconduitesousl’occupationromaineautempsdeJésus,situationque nous connaissons tant par l’histoire profane que par lesÉvangiles. Les pharisiens sont des gens prudents et réalistes,intelligents aussi ce qui ne gâte rien. Jésus exaspère nombred’entreeux,bienqu’ilssachentqu’eux-mêmesnesontpastousdu même avis sur telle ou telle interprétation de la loi. Parailleurs ils sontd’accordavecJésussur laquestion importantedelarésurrectionetdelavieaprèslamort,surl’interprétationallégoriquedecertainstextesdel’Écrituresainte,etcelacontrelefondamentalismesystématiquedesgrandsprêtressadducéens.Ils souhaitent le rétablissement de la dynastie de David. Enrevanche, ils partageaient, non sans raisons, l’avis des grandsprêtresselonlequelilnefallaitpasbraverRome!

Aussi,cettemarcheroyaledeJésusversJérusalemlesgêne,toutcommelesgrandsprêtres.Ellepeutattirerdesreprésaillesromainestrèsdures,d’ailleursdanslesversetsquisuivent(47et48),Lucprécisequelesgrandsprêtresetlesscribescherchaientà fairemourir Jésus après l’épisodedesmarchands chassés dutemplequi,commenousl’avonsvu,marquelafindelamarcheversJérusalem.Silespharisiens,certes,nesontpasnommés,lesscribes le sont. Les grands prêtres avaient les leurs, mais lespharisiensaussi!Doncledoutesubsiste…

Quoiqu’il en soit, les pharisiens étaient partisans du« pasde vagues », tout comme les grands prêtres. C’est au nom decette politique qu’ils demandent à Jésus de faire taire sesdisciples.Etcelamèneraàquoi?Àunealliancecontrenatureentreennemisreligieux,pharisiensetgrandsprêtressadducéens,unisdansunelâchetéquimèneraJésusàlacroix.

Comme je souhaiterais que les partisans du « pas devagues»aujourd’huiméditentsurcettesituation!Biensûr,elleatoutessortesdejustification,toutcommeàprésent,maisc’estellequiaamenélatrahisondeJudas,lereniementdePierre,lafuitede lamajoritédesapôtresà l’exceptiondudisciplebien-aimé,delaViergeMarieetdessaintesfemmes,lesquelssesontretrouvés seuls parmi les amis de Jésus devant le crucifié, auGolgotha.

On n’a pas voulu de vagues ! On a eu un tsunami.Heureusement salutaire pour la multitude, mais signe de mortéternelle pour ceux qui avaient été partisans de ce calme descimetièresouplusexactementdececalmeaffreuxdeschampsdebataille,l’affrontementterminé,oùlesbruitsdelanatureontfaitplaceauxcrisdesagonisantsetàl’odeurdelamort.

Alors,lesfauxprophètesontbeaucrier«paix»,«paix»,iln’yapointdepaix.Et le fauxsilencequ’ilsdésirentestalorscouvertparlecridespierres.

Nousn’avonspasfinid’épiloguersurcetteréponsedeJésusconcernant les pierres qui crient. Beaucoup de commentateursont pensé bien évidemment à la prophétie d’Habakuk, l’un deceux que nous appelons nos petits prophètes à cause de labrièveté de leur message. Relisez alors ce très beau texte duprophète sur les gens malhonnêtes qui se croient à l’abri desregardspourfaireleurvilainesaffairesparcequeenfermésdansleurmaison:«Malheur!Ilsetailleunepartmalhonnêtepoursamaison,afindefairesonnidtoutenhautpouresquiverlamaindu malheur. C’est la honte de ta maison que tu as décidée ;causer la findepeuplesennombreestuneatteinteà taproprevie,oui lapierredumurcrieraet lapoutrede lacharpente luirépondra»(Ha2,9-11).

Ainsi,danslegrandmystèredelarédemption,unechoseaumoinsestclaireetconcernetoutelacréation.NousévoquionslaTransfiguration à propos de ce récit. Eh bien dans cettethéophanie,lesvêtementsdeJésusontaussiété«transfigurés»(Lc9,29).Dans lapremièredes tentations, lespierres auraientpudevenirdespains,danslatroisièmetentationchezLucellesauraientpuaussi tuer Jésus !Dieupeut également transformerdes cœurs de pierre, autrement dit, tout dans la création estsusceptible de transformation et dans le Nouveau Testamentencore Jean Baptiste avait dit que Dieu pouvait, à partir depierres,susciterdesenfantsàAbraham64(Lc3,8).

Sidoncdeshommessontassezlâchespoursetairedevantlagloire du Christ, ou pire la trahir par mensonge oudissimulation,qu’ils sachentque lespierrescrientà leurplacecomme celles de la maison d’Habakuk ou encore la pierrecélèbredu tombeaudeCaïndans lepoèmedeVictorHugoLaConscience : «Lorsqu’on eût sur sondos fermé le souterrain,l’œilétaitdanslatombeetregardaitCaïn!»

Ainsi les pierres de nos cathédrales comme celles deChartres etdeNotre-DamedeParis témoignentde lagrandeurdelaFrancechrétienneetcrientleurfoiaumilieudel’impiété.Les révolutionnairesde1793-1794enavaientbienconscience,eux qui voulaient faire abattre ces signes ostentatoires de lareligion et de la superstition, insultes à la liberté du peuplefrançais.EtcenesontpaslespierresduPanthéonvoléàsainteGenevièvegrâceàladiaboliquerévolutionquipourrontdonnerlechange.Carilyaunegrandedifférenceentrel’endroitd’oùmontentdescrisdejoieoudeferveuretunautreselonquel’onestconformeàcepourquoionl’adestiné.

Hier comme aujourd’hui, ceux qui prétendent ordonner à

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pasteur,etlesbrebisdesontroupeauserontdispersées.4.JudasvintaveclesscribesetaveclesprêtresdupeupleetillivranotreSeigneurJésus.Cecieutlieulemercredi.5.AprèsavoirmangélaPâque,lemardisoir,nousallâmesàlamontagnedesOliviers,et, dans la nuit, ils prirent notre Seigneur Jésus. 6. Le joursuivant,quiestlemercredi,ilfutgardédanslamaisondugrandprêtreCaïphe;cemêmejour,lesprincesdupeupleseréunirentettinrentconseilàsonsujet.7.Lejoursuivant,quiestlejeudi,ils le conduisirent au gouverneur Pilate, et il fut gardé chezPilate la nuit qui suivit le jeudi. 8. Au matin du vendredi, ilsouffritdonclevendredipendantsixheures.Cesheures,durantlesquellesnotreSeigneurfutcrucifié,sontcomptéesparunjour.10. Il y eut ensuite trois heures d’obscurité, (ces heures) sontcomptées pour une nuit. Puis, de la neuvième heure jusqu’ausoir,ilyeuttroisheuresdejour;vintensuitelanuitdusamedidelapassion…12.Etencorelejourdusamedi,etensuitetroisheuresdenuitaprèslesamedi,durantlesquellesnotreSeigneurdormit(etressuscité).13.Ainsifutaccomplielaparole:ilfautque le fils de l’homme passe trois jours et trois nuits dans leseindelaterre,commec’estécritdansl’Évangile.IlestencoreécritdansDavid:voilàquetuasdisposélesjoursavecmesure.C’est écrit ainsi, parce que ces jours et ces nuits ont étédiminués.»

XIV,14-17– [Dansuneapparitionà sesdisciples, Jésusademandé qu’ils jeûnent les mercredis et vendredi, mais ils nejeûnerontpasledimanchequineserapascomptédanslesjoursde jeûne de la passion ; pendant le temps de la passion, ilsjeûnerontdulundiausamedisoir].

XIV, 18 –…«Vous jeûnerez pour eux (pour les juifs) lemercredi, parce que c’est le mercredi qu’ils commencèrent àperdre leursâmesetqu’ilsm’arrêtèrent.19.Lanuitquisuit le

mardiappartientaumercredi,commeilestécrit:ilfutsoiretilfutmatin,un jour ; lesoirappartientdoncau joursuivant.20.Lemardisoir,j’aimangémaPâqueavecvous,et,durantlanuit,ilsmeprirent…21.Et,levendredi,jeûnezpoureux,parceque,encejour,ilsm’ontcrucifié…»

XIV,22-XVI,8. – [Jeûnez et pleurezpour les juifs, car cepeuplen’apascrudans leSeigneur]«C’estpourquoipriezetimplorezpoureux,surtoutauxjoursdelaPâque,afinque,parvos prières, ils soient jugés dignes de pardon et qu’ils setournentversnotreSeigneurJésus-Christ.

XVII. – 1. Il vous faut donc, nos frères, aux jours de laPâque, rechercher avec soin et faire votre jeûne avec la plusgrandeattention.Commencezlorsquevosfrèresdupeuple(juif)fontlaPâque,parceque,quandnotreSeigneuretMaîtremangeala Pâque avec nous, il fut livré par Judas après cette heure, etaussitôt nous commençâmes à être affligés parce qu’il futemmené de près de nous. 2. Au nombre de la lune – nous lecomptons comme le font les hébreux fidèles – le dixième, lelundi, les prêtres et les vieillards du peuple se réunirent etvinrentdansl’atriumdugrandprêtreCaïphe;ilstinrentconseilpourprendreJésusetletuer,maisilscraignirentetdirent:Pasun jourde fête,decrainteque lepeuplenes’agite ;parcequetout le monde l’exaltait… » [Judas cherche une occasion delivrerJésus]…

6.«Àcausedesfoulesdetoutlepeuple(juif),detoutevilleetdetoutbourg,quimontaientautemplepourfairelaPâqueàJérusalem, lesprêtres et les vieillards réfléchirent, ordonnèrentetétablirentqu’ilsferaientaussitôtlafêteafinqu’ilspussentleprendre sans tumulte. Les habitants de Jérusalem vaquaient àl’immolation et au repas de la Pâque et le peuple du dehors

n’était pas encore arrivé parce qu’ils changèrent les jours aupoint d’être réprimandés par Dieu (qui leur dit) : Vous voustrompezentout.7.IlsfirentdonclaPâquetroisjoursplustôt,auonzième jourde la lune, lemardi ; car ilsdisaient : tout lepeupleerreàsasuite;maintenantquenousenavonsl’occasion,nous le prendrons, et quand tout le peuple viendra, nous lemettronsàmortenpublicafinquecesoitclairementconnu,ettoutlepeuplesedétourneradelui.

8.«Ainsidanslanuitquicommencelemercredi,JudasleurlivraNotreSeigneur;ilsluiavaientdonnélarécompenseledixdelalune,lelundi.Aussi,Dieulestraitecommes’ilsl’avaientprisdès le lundi,parcequec’est le lundiqu’ils songèrentà leprendreetàletuer,etc’estlevendrediqu’ilsaccomplirentleurmauvaise(action)commeMoïsel’avaitditausujetdelaPâque:Vouslegarderezdepuisledixièmejourjusqu’auquatorzièmeetalorstoutIsraëlsacrifieralaPâque.»

XVII-XX,9.–[JeûnezdoncdurantlesjoursdelaPâqueàpartir du lundi, surtout les vendredi et samedi, mais soyezheureuxlejourdelarésurrection]10.«ObservezlequatorzièmejourdelaPâque,partoutoùiltombera,carlemoisetlejournetombentpasaumêmemomenttouslesans,maisàdesmomentsdifférents. Vous donc, quand ce peuple (juif) fait la Pâque,jeûnez.»

Annexe2Deuxièmenote,surlesconséquencesducalendrierdelaPassion

Ceslignesontpourbutd’apporterunemodificationàcequej’aiécritdansmonprécédenttome,AnnéeB,dansl’homéliesurleChristRoidel’Univers,pp.386à392.

J’yaiaffirméunpeutroprapidementqu’iln’yavaitpaseu

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Notre époque est sensible aux symboles et aux images.Utilisonsdoncceque la traditionnousa légué,etcelapeutsefaireaveclesliturgiesmodernespourvuqu’onprennesontempsetqu’onarrêtelesbaptêmesdegroupesquifinissentpardevenirdescontre-témoignagesetconforterl’idéefaussequefinalementlebaptêmen’estquelesigned’appartenanceàunecommunauté.

Citons alors ce qu’écrit le Catéchisme de l’Églisecatholique auquelonn’a troppeu recoursenFranceetdont àpeuprèspartoutonapassésoussilence le20e anniversaireen2012, contrairement au souhait du pape régnant de l’époqueBenoîtXVI.

«Article1lesacrementdubaptême.

LesaintBaptêmeestlefondementdetoutelaviechrétienne,le porche de la vie dans l’Esprit (vitæ spiritualis ianua) et laporte qui ouvre l’accès aux autres sacrements. Par leBaptêmenoussommeslibérésdupéchéetrégénéréscommefilsdeDieu,nousdevenonsmembresduChristetnoussommesincorporésàl’Église et faits participants à samission : “LeBaptêmeest lesacrementdelarégénérationparl’eauetdanslaparole”.

I.Commentestappelécesacrement?

On l’appelleBaptême selon le rite central par lequel il estréalisé : baptiser (en grec baptizein) signifie “plonger”,“immerger” ; la “plongée” dans l’eau symbolisel’ensevelissementducatéchumènedanslamortduChristd’oùilsortnouvellecréatureparlarésurrectionaveclui.

Cesacrementestaussiappelé“lebaindelarégénérationetdelarénovationenl’EspritSaint”,carilsignifieetréalisecettenaissancedel’eauetdel’Espritsanslaquelle“nulnepeutentrerauRoyaumedeDieu”.

« “Ce bain est appelé illumination, parce que ceux quireçoivent cet enseignement [catéchétique] ont l’esprit illuminé[…]”AyantreçudansleBaptêmeleVerbe,“lalumièrevéritablequiilluminetouthomme”,lebaptisé,“aprèsavoirétéilluminé”estdevenu“filsdelumière”,et“lumière”lui-même.»

Et à cela le Catéchisme ajoute une très belle citation deGrégoiredeNazianze:«LeBaptêmeestleplusbeauetleplusmagnifique des dons de Dieu… Nous l’appelons don, grâce,onction, illumination, vêtement d’incorruptibilité, bain derégénération,sceau,et toutcequ’ilyadeplusprécieux.Don,parcequ’ilestconféréàceuxquin’apportentrien;grâce,parcequ’ilestdonnémêmeàdescoupables ;Baptême,parceque lepéchéestensevelidans l’eau ;onction,parcequ’ilestsacréetroyal (tels sont ceuxqui sontoints) ; illumination,parcequ’ilest lumièreéclatante ;vêtement,parcequ’ilvoilenotrehonte ;bain,parcequ’illave;sceau,parcequ’ilnousgardeetqu’ilestlesignedelaseigneuriedeDieu80.»

Touscesheureuxeffetsdubaptêmenesevoientévidemmentpastoujourscheztouslesbaptisés.Lessaintslesreflètentplusqued’autres.Mais ilsn’en luisentpasmoinspourceuxqu’onappelle les chrétiens ordinaires, les uns plus intensément qued’autres. Ce pourquoi saint Paul écrit aux Colossiens : « EneffetvousêtespassésparlamortetvotrevierestecachéeavecleChristenDieu.»

Si doncbeaucoupde cesmagnifiquesdonsdubaptêmeneluisent pas à l’évidence dans chacun d’entre nous, ils n’enexistentpasmoins. Ilssontcachésavec leChristenDieuavec«lesréalitésd’en-haut»dontparlaitl’apôtre.

Cette précision doit donc nous apprendre à ne jamaisdésespérerdecequenotrebaptêmenousaapporté.

Ensuite,elledoitnousexhorteràfaireleseffortsnécessairespour faire paraître ces dons dans notre vie de chaque jour. Etc’est pour cette raison que j’ai regretté que notre lectionnairenousaitfaitarrêterlalecturedecechapitre3desColossiensauverset4.

Leverset5eneffetouvreunautrethèmetoujourslié,dansles propos de saint Paul, à l’affirmation positive du salut déjàréalisédanslebaptisé,àsavoirlaluttecontrelemal.Voyonsceque nous dit l’Apôtre : « Faites donc mourir ce qui en vousappartient à la Terre ; débauche, impureté, passion, désirmauvais, et cette cupidité qui est une idolâtrie. Voilà ce quiattire la colère de Dieu, voilà quelle était votre conduiteautrefois, ce qui faisait votre vie.Maintenant donc vous aussidébarrassez-vous de tout cela […] vous avez revêtu l’hommenouveau, celui qui, pour accéder à la connaissance, ne cessed’êtrerenouveléàl’imagedesoncréateur»(Col3,5-8bet10).

SaintPaulconcluraqu’àlafindeceprocessus,sontaboliestoutes les séparations entre les hommes et qu’il ne reste queChrist:«Ilesttoutentous»(verset11b).

Cequirenvoieàlaconclusiondenotrelecturevoulueparlelectionnaire : «… quand leChrist votre vie paraîtra » (verset4b).Ainsi,toutcommedansl’épîtreauxRomains6,1-14,noustrouvons bien les deuxmêmes affirmations-certitudes : «Vousêtesmortsaupéché(verset2)[…]quelepéchénerègnedoncplus dans vos corps mortels (verset 12a). Et ici vous êtesressuscitésavec leChrist,c’estenhautqu’estvotrebutetnonsur la Terre (versets 1a et 2) et faites donc mourir ce quiappartientàlaTerre.»Beaucoupdethéologiensontappelécela« le paradoxe paulinien », expression du « déjà et du pasencore»delabonnenouvelleduNouveauTestament.Oui,Dieu

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toujourspasreconnu,ilsramènentungrandnombredepoissonsdontnotreauteuréprouvelebesoindenousrapporterlenombre,centcinquante-trois,etdepréciserquelefiletneserompitpas,autrementditqu’iln’yapaseuderupture–schismaengrec–quiadonnéenfrançaislemotschisme.Laseuleexplication,àma connaissance, fournie sur le nombre est de saint Jérôme(347-420), le traducteur de laVulgate c’est à dire laBible enlatin,quinousindiquequeselonlesnaturalistesdel’époqueilyavait cent cinquante-trois espèces de poissons. Nous aurionsdoncicilerassemblementdeshommesdetouteslesnationsenl’Église de Jésus-Christ,Église indivise, sans schisme, sous laconduitedePierreetdesapôtres94.

Mais c’est bien Pierre qui garde toujours la direction desopérations,mêmesic’estledisciplebien-aiméquireconnaîtlepremier leSeigneur, toutcommeau tombeauvideoù iln’entrepas,maisoùilarriveavantPierre.EnsuiteilsuitPierredansletombeauetcroitimmédiatement,contrairementàsonaîné.Ilestà deux moments importants le premier dans la foi, sans pourautantêtrelepremierdanslecollègeapostolique!

Enfaitjecroisquesepréciseici,etcommenousl’avonsvu,cechapitre21estbienlelieuquiconvientpourcela,laprimautédel’amourpourlapersonnemêmeduChrist,etcelan’estbiensûrpossiblequesionleconnaît.

Nos moyens de connaissance aujourd’hui sontprincipalementceuxde laparoleetdessacrements. JediscelaparcequeleChristressuscitépeut,danssatoute-puissanceetsamiséricorde, se révéler comme il lui plaît, dans le frère quisouffre par exemple.Mais c’est d’abord dans l’Église et danssesmoyensdegrâcequ’ondoitlechercherprincipalement.EtilfautsesouveniralorstoujoursdubinômeinséparabledePierre

et du disciple bien-aimé, autrement dit de l’impossibilitéd’exercer une quelconque autorité dans l’Église sans amour,commeaussicequienestlaconséquence,d’obéiràquiquecesoitsansamourégalement.Et jesaisquecen’estpas toujoursfacile,cardansl’Égliseonnes’aimepasassez,etàcoupsûrpasautantqu’onledevrait!

Aussiest-ilimportantdereleverquePierreesticiabsousdeson triple reniement par les trois demandes de Jésus :«M’aimes-tuplusqueceux-ci?»Ilneditpas:«Regrettes-tuton reniement ? » et de plus c’est lui, Jésus, qui formule lacomparaison«plusqueceux-ci».Pierreavaitutilisélui-mêmeauparavant cette comparaison, à son avantage, affirmant quequand bien même tous les autres disciples abandonneraientJésus, lui resterait fidèle (voir Mt 26,33 et Mc 14,29). Icil’apôtrenesevanteplus,maisildoitsubirlerappelamerdesaforfanterie.On remarquera lamanière dont Jésus s’y prend. Ilrappelle la fauteavec sacomparaison,mais saquestiondébutepar une ouverture sur le présent et l’avenir, et non par desparoles qui auraient risqué d’enfermer dans la passé s’il avaitparlédereniement.

Chaqueconfesseurdevraits’ensouvenirquand,parmalheur,il est obligé de rappeler à un pénitent une faute passée, toutcomme chaque chrétien quand son frère se confie à lui pourparlerdeseserreursoudesesproblèmes.Gardons-nouslesunsetlesautresdeparolesquienfermentdanslepasséetnepeuventque produire des remords. Situons-nous comme Jésus dans laperspective de l’amour, c’est le plus sûr moyen d’amener aurepentir.

EtceluiqueJésusavaitappelépartroisfoisparsonanciennomSimonfilsdeJean,redevientparl’absolutiondel’amour,le

bergerdesbrebisduSeigneur,Pierresurquil’Égliseestfondée.Ilestrétablidanscettegloirespirituelle,gloirequiestcelleduChrist, de saint Jean ne l’oublions pas, et qui inclut aussi lemartyr,telestlesensdesparolesdeJésussurcequePierreseraobligédesubirquandilseravieux.

Maisletextenes’arrêtepaslàetilestunpeudommagequele lectionnaire nous ait privés de la fin, les versets 20 à 25.Pierre a bien compris que Jésus lui prédisait son avenir.A-t-iltout compris ? Cela ne nous est pas dit. Mais il ne peuts’empêcher de se demander, et donc de poser la question àJésus, ce que deviendra le disciple bien-aimé. Jésus en faitrefuse de répondre, un peu comme Dieu à Moïse du sein dubuissonardent:«JeseraicequeJeserai,tuverrasbien,celaneteregardepasmaisobéis.»Voilàengrostoutcequecontientlecélèbre«jesuisquijesuis»(Ex3,14).

DieurefusededonnersonnomàMoïsecommeJésusrefusede dire quel sort est réservé au bien-aimé dont l’Évangile nenous donne d’ailleurs jamais le nom95. En fait je pense quePierre,toutensevoyantconfirmédanssahautefonction,sevoitenmêmetempsrappelésaplacedevicaire.IlremplaceJésus,iln’est pas Jésus. Et de fait, si l’infaillibilité du successeur dePierreestabsolueetsansdiscussionaucune,elleestréservéeaucontrôledelafoietdesmœursdanslesoucidel’unitéetdelacharité.Pargrâced’état,lePapeestplusprèsdeDieuqu’aucunhumainsur laTerre,mais iln’estpasDieuetpire,s’iln’apasl’amourdu troupeauque luiaconfié leChrist,commedans lepassé quelques mauvais papes l’ont montré, il est frappé demutisme et il n’apporte rien sur le plan doctrinal, telZacharieayant douté deparoles de l’archangeGabriel.À côté duPape,commeàcôtédePierredansnotrerécit,ilyalemystèredulienentreJésusetledisciplebien-aimé,l’énigmedelagrandeurde

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connudugrandprêtrenefontqu’unseuletmêmepersonnage.Nerecevantpasd’autoritésurlesapôtresetlesautresbrebisduSeigneur, il a cependant le pas dans la liste des appelés etensuitecommeguidedesonproprechef(Pierre)verslemystèrede la Passion, avant et après, dans la cour du grand prêtre etdansletombeauvide.Danslesdeuxsituations,ilfaitmieuxquePierre,son«patron».

Jeleredisdoncici104,touteautoritédansl’Églisedoitêtreguidée et éclairée par l’amour du Christ, sans lui elle peutdevenir tyrannie et pour le successeur de Pierre, mutismedoctrinal et paralysie en ce qui concerne la charité, commel’histoire de certains papes a pu nous le montrer ! Celas’applique aussi à tous les baptisés, surtout à certainescatégoriesdelaïcsqui trouventdanslesfonctionsqu’onleuraconfiées dans l’Église une sorte de dérivatif à leur complexed’infériorité,justifiéounon,tantvis-à-visdeleursprêtres,quede leur femme, de leurs enfants, sans oublier bien sûr lescollèguesde travail !Lemanquedeprêtres aidant, ajoutant aumépristrèsàlamodedetouteformedehiérarchie,celaaproduitdansbeaucoupdeparoisses unvéritable terrorisme spirituel etintellectuel installant en fait des quasi-soviets aux commandesdelacommunauté,soustouteespècedesiglesoutitresabrégéscommeonaimelefaireaujourd’hui,tenantleclergéenlaisseetlesfidèlesenotage.Commetouslesidéologues,ilsviventdansdesbullesà lamodedesannées1970.Leurnocivité,envidantnoséglises,afaitsespreuves.

Cequ’onprendchezeuxpourdudévouementn’estenfaitqu’unesorted’addictionàl’autoritéetquis’opposeàeuxauradroit à tous lescoupsbasque lahainepeutproduirechezdesespritsmédiocres,surtoutdansl’Église.

Ainsisontdécouragés,chezdesjeunes,biendesvocations.D’ailleurscertainsn’hésitentpasàdirequel’Églisepeutbiensepasser d’avoir des prêtres trop nombreux. Cela évitera lecléricalisme et obligera ainsi les laïcs à prendre leursresponsabilités.

Danscejeudepouvoir,demasquesetdefauxnez,l’amouresttotalementabsentetl’Églisedevientunepeaudechagrin.Lesouvenir du disciple anonyme annonçant le bien-aimé seraitalorscertainementutileetefficace!

Mais, avant l’épisode du tombeau vide, il y avait eu ledernierrepasdeJésusoùilétaitexplicitementapparu.Commedanscettescèneilressortdugroupedesdouzeenmêmetempsque Pierre et Judas, sa présence doit donc avoir un lien aveceux105. Il interroge brièvement Jésus, penché sur sa poitrine(danslesensdecequiestditduVerbeenJn1,18)etJésusluicommunique la réponse sur l’identité du traître. Comme sonmaître,illagardesecrète.Pourquoi?Cen’estpasdit.Maiscequiestcertain,c’estqu’aprèss’êtrerapprochéphysiquementdeJésus d’une manière privilégiée dans ce que nous pourrionsappeleruneattitudemystique,ilcommuniedanslesecretd’unerévélation qui pourrait, si elle était prématurément dévoilée,nuire à l’unitédugroupe. Judaspart seuldans lanuit, lesdixautres apôtresdemeurent dans l’obscurité de leur interrogationsansréponse.SeulJésusetlebien-aimésontdanslalumièredelavérité.

Ainsi l’amour donne-t-il une communion plus intime avecJésus,maisildonneaussiaccèsàdesmystèresdouloureuxdelaPassion,aux limitesde lacompréhensionhumainepuisque,enmêmetempsqu’ildonne labouchée trempéeàJudas,Jésus luilaisse la liberté de le trahir. Et je dis bien la liberté et non

l’obligationcommecertainesspéculationsl’ontlaisséentendre.D’ailleurs,Satan avait déjà suggéré à Judas cette horrible idée(Jn13,2).Celle-cileplaçaitdéjàendehorsdugroupedesdouzeet le rendait indignede recevoir labouchée trempéedesmainsduChrist.

C’estpourquoijen’hésitepasàdirequel’Égliseexerceunministère demiséricorde quand elle demande à des personnes,quiàdesdegrésdiversontrompud’importantsliensd’amouretd’unitéetdemeurentdeparleursactesetleurspenséesdanslesconséquences de ces choix funestes, de s’abstenir del’eucharistie.

Jedemeureunpartisandelacommunionfréquente,maispasn’importecommentnidansn’importequellesconditions.Carlanégligence laxistemènedroitausacrilège,notionquebiensûrnotre société laïque veut bannir avec hélas l’assentiment dequelques voix religieuses ne jurant que par la mode. Mais lesacrilège existe bel et bien, tout simplement parce qu’il y a lepéchéetlesacré.C’estcequ’impliquetoutereligion.

Mais tout un modernisme chrétien repousse ce terme, car,biensouvent,ilmarqueunedistancetelleentrecequ’ilappellele Jésus de la foi et le Jésus historique totalementinconnaissable,oupresque,qu’enfait,Jésus-Christn’estplusleverbeincarné,maisunêtrehumainmarquéparsonépoquetoutenladépassant,etréduitduresteàl’étatdeconcept.Onnepeutaimersousformedeconcept,l’amourdontleChristnousparleici, ce qui achève de rendre inconcevable l’idée même desacrilège.C’estpourquoiilfautaussireleverquelesdixapôtresquin’ontpaseuconnaissancedelaréponsedeJésusaudisciplebien-aiménevoientpaslascènesacrilègeoùJudasseperd.Ilsontencoretropd’idéesfaussessurJésuspourl’aimercommeil

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m’attacherai-jequ’àun«détail»degrandeimportance.Sachantla finde son séjour surTerreproche et ayant le pressentimentque son départ se produira d’unemanière extraordinaire, Éliepose la question à celui qu’il a choisi pour successeur :«Demandecequejedoisfairepourtoiavantd’êtreenlevéloinde toi.»Élisée répondit :«Queviennesurmoi je teprieunedouble part de ton esprit » (2R 2,9) et ici il faut biencomprendrequ’Éliséenedemandepasàêtredeuxfoissupérieuràsonmaîtrecommeprophète.Ilnefaitquesolliciterlapartquirevient au Fils aîné selon Dt 21,17, autrement dit il veut êtrel’héritier d’Élie. Et celui-ci lui répond : « Tu demandes unechosedifficile.Situmevoispendantquejeseraienlevéloindetoi,alorsilenseraainsipourtoi,sinoncelaneserapas»(2R2,10).

Lepouvoirdeprophèteestainsiclairementprésentécommene pouvant venir que de Dieu et, comme cela est écrit fortpertinemment dans la note de la TOB sur ce verset, Élie « nepeutqu’indiquerlesignequiledésigneracommetel:qu’Éliséevoie ce qui est caché aux hommes, car le prophète estessentiellement un voyant ». Élisée verra l’assomption de sonmaîtreetilseraprophète,héritantdesmêmespouvoirsquelui.

Dans l’Évangile, les onze apôtres et d’autres discipleshommes, ce qui laisse déjà préfigurer une succession instituéedes apôtres, voient Jésus s’élever dans le ciel après avoir étébénispar lui. Ilsontétégratifiésd’unevision leurdonnantunsigned’autorité.

Lesapôtrespeuvent alors être revêtusde lapuissanced’enhautetlacommuniqueràdessuccesseurs,card’autresdisciplesont aussi été bénéficiaires de cette vision d’ascension. Aussicette vision d’ascension, qui implique aussi une descente de

puissance sur ceux qui en sont témoins, peut être considéréecommefaisantpartiedumystèrede lacélébrationde lamesse.LeprêtrecommuniqueavecladroitedeDieu.ParsonordinationilprêtesavoixetsesmainsauChristglorifiéàladroiteduPère,dansun«en-haut»cachéetdansun«en-bas»visible,lepainet le vin. Par la puissance du Saint-Esprit, il y a montée duprêtre vers la droite du Père et descente du Christ dans lesespèces du pain et du vin, ou encore coïncidence entre lapersonne duChrist et le prêtre, parce que ce dernier a reçu lesacrement de l’ordre. Le mystère de l’Ascension est lié aumystèredusacerdocechrétien.Le fruitvisibleenest lamesse.Aussileprêtreest-ilunêtrepourlamesse(lamessetoutentièrebien-entendu,del’invocationtrinitaireaurenvoidelafin)etlamessedoit-elleêtretoujourssatâcheprincipaleetprimordiale.

Jepenseaussiutiled’ajouterquelamanièredontoncroitàlaprésenceréelledenotreSeigneurdansl’eucharistieestliéeàlaréflexionque l’onasur l’Ascension.Ceque l’onressentdel’efficacité des sacrements à partir de ce que l’on croit qu’ilssont est toujours lié à notre manière d’envisager la présence-absenceduChristquiconstituel’êtremêmedel’Église.

Pourneprendrequ’unexempledans l’histoirede l’Église,les grands débats sur l’eucharistie du XVIe siècle entreprotestants et catholiques, puis entre protestants eux-mêmes,principalement pour ces derniers entre réformés calvinistes etluthériens,liaientbiencequiétaitcrudel’Ascensionàlafoienla présence réelle duChrist dans l’eucharistie. Tout comme lecatholicisme, les orthodoxies luthériennes et réformées del’époque ont affirmé le réalisme sacramentel, avec desdéfinitions différentes certes, dont l’esprit polémique aquelquefois manqué à la prudence et à la mesure. D’où il arésulté aujourd’hui, dans le protestantisme, des évolutions

regrettables vers un symbolisme affirmé, la célébration de lasainte Cène étant de l’ordre du monument aux morts où leChrist devient de plus en plus l’équivalent d’un « soldatinconnu»dontonfaitmémoire.

Maislecatholicismelui-même,endépitdesesdogmesetdesonmagistère, n’apas, dans lapratique, été épargné.Dans lesannées 1970 en France, il s’était protestantisé par unesimplificationoutrancièredelamesse,quin’avaitpasétévoulueparleconcileVaticanIIetencoremoinsparlepapePaulVI.Iln’y a qu’à voir pour les jeunes générations, comment le papeBenoît XVI célébrait la messe de Paul VI. Il y a un art decélébrer qui inclut la beauté de la musique, des paroles decantiques intelligentes, et fidèles à la foi catholique, desvêtements liturgiques enfin dignes de leur fonction. Tout cetensembledoitcontribueràs’approcherauplusprèsdumystèrede la présence-absence, de ces deux vérités apparemmentcontradictoires,maisquinelesontenrien:ilestaussivraiqueJésus-Christ estprésent sur l’auteldans lesespècesdupainetduvin,qu’ilestassisàladroitedeDieu,qu’ilestlocalisédanslesacrementpoursemettreàlaportéedechaquefidèletoutensiégeant dans sa gloire qui, par sa nature même, ne peut quenouséchappertantsaréalitédivinenousdépasse114.C’estlàlegrand mystère de la messe qui, entre autres, procure ce bieninestimable de parachever le sacrement de la pénitence par laprésencesanctifianteducorpsduChrist.Ladernièreapparitiondu ressuscité comporte d’ailleurs l’ordre de prédication de laconversion et dupardondespéchés commeconséquencede lamortetdelarésurrectionduChrist(versets46et47).Seulslespécheurs repentants peuvent donc s’approcher de l’eucharistie.Il faut donc essayer de comprendre les interdictionsd’eucharistie de l’Église avant de les critiquer. On verra que

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appeler les fidèles à garder les commandements et lesenseignementsdeJésusqu’ilest légitimedesedemandersionlesaimevraiment.

Etpourtant,nousnesommespassansforcepuisquenousnesommes pas seuls.Nous avons un défenseur que Jésus nous apromispourêtretoujoursavecnous.EtmieuxencoreJésusaditàsesdisciples,danslesversetsfortsmalheureusementomis,quecedéfenseurqu’ilappelleEspritestconnud’euxetesteneux(v17).Etlapreuveenestquelesdisciplesaurontleprivilègedele revoir vivant et qu’ils vivront de cette vision alors que lemonde,ayantété incapabled’accueillir l’EspritdeVéritéetdelevoir,neverraplusJésus.EtJésustourneainsilapagesurcemondedontleprinceestvisiblementlediable.Ilmontrebienlàque le monde est déjà jugé à cause de son incrédulité. Et ilrépond à ses apôtres, et à nous au travers de leurs personnes,pournousredonnerconfianceet insisterencoreunefoissur lanécessité de l’aimer par l’obéissance à ses commandements.CeluiquiaimeraJésusseraaimédesonPère.Toutcelaestditdans les versets supprimés sans doute parce qu’ils ont été lustrop hâtivement et pris pour une répétition, voire un défaut deraisonnement comme le comprend d’ailleurs un des apôtres,Jude, qui demande pourquoi Jésus ne se manifeste pas plutôtencoreunefoisaumondequin’estpasconvaincu,alorsquelesapôtres,dumoinsc’estcequ’ilcroit,euxlesont.

Réfléchissons-y bien, Jude peut parfaitement exprimer ceque ressentent beaucoup de chrétiens. Pourquoi Jésus ne selivre-t-il pas à quelque coup d’éclat vis-à-vis de ce mondeincrédule et de ses créatures qui bafouent d’une manièreostentatoire l’Esprit de Vérité ? Et cela pourrait aller jusqu’àdemanderladescentedufeuduciel.

Avouons que nous y pensons quelquefois devant certainesaberrations venant de ceux qui aujourd’hui s’affirment commelesfarouchesennemisdeJésus.Etjeconfessepersonnellementavoirmêmepenséàdeslieux,voirehélasàdespersonnes!

Mais le jugement du monde hostile ne nous regarde pas.C’estl’uniqueaffairedeDieu.D’oùlaréponsedeJésusàJudequicorrespondàlareprisedutexteparnotrelectionnaire.Maisencore vaut-il mieux savoir qu’elle s’adresse à Jude et à saremarque sur le monde. Ce n’est pas une déclaration d’ordregénéral.

Le « quelque » du « si quelqu’un m’aime, il gardera mesparoles » n’appartient pas au monde, mais à l’Église, auxapôtresenpremier lieu,ensuiteàceuxquicroirontàcausedeleursparoles,carjelerépète,c’estàJudequeJésusrépond.

Àceuxquipensentquej’exagèreenaccentuantladifférenceentrelemondeetl’Église,jeconseillederelirelechapitre17del’évangile selon saint Jean, appelé prière sacerdotale. Entreautresceverset9oùJésusdit:«Jepriepoureux;jenepriepaspourlemonde,maispourceuxquetum’asdonnés: ilssontàtoiettoutcequiestàmoiestàtoicommetoutcequiestàtoiest à moi et j’ai été glorifié en eux. » Et ensuite il précise :«Désormaisjenesuisplusdanslemonde,euxrestentdanslemondetandisquemoijevaisàtoi.Pèresaint,garde-lesentonnom que tu m’as donné pour qu’ils soient un comme noussommesun»(v11).

Ainsi, l’actiondel’EspritvaagirdanslemondeàlaprièredeJésusnonpasdirectementsurlemonde,maissurlesapôtresetaveceuxetàleursuitesurleschrétiensréunisenÉglisequimanifesteront l’Esprit au monde. Je l’ai déjà dit et écrit, unepromessedeDieune limite jamais sapuissance, elle constitue

simplementunsignedésignant laplaceet le rôledeschrétiensquiparl’Espritdoiventsesanctifier,communiquercettesaintetédans le monde tout en étant conscients de l’hostilité qui ysubsiste,caractériséeparladésignation«cemonde»typiqueduquatrièmeévangile.

Et l’Esprit est désigné, dans notre passage, par le motParaclet,qu’ontraduitgénéralementpardéfenseur,c’estl’avocatquiparleàlaplacede.CemotadoncuneconnotationjudiciaireetconvientparfaitementautermebibliqueduprocèsentreDieuet son peuple, utilisé dès l’Ancien Testament par le prophèteOsée (Os2,4-15 ;4,1-3).Et Jean lui-mêmeenmaintsendroitsde sonévangileutilise lesmêmes termes juridiques (endehorsdenotrepassageonpourralireJn15,26à16,11).

Dans une série de conférences deCarême prononcées à laradio en 1965, le pasteur Albert Greiner, qui fut l’évêqueluthérien de ma première ordination, parla admirablement duSaint-Esprit.Sesproposfurentheureusementimprimésdansunlivre ayant pour titre Le Saint-Esprit, ce méconnu, titre trèsévocateurettoujoursstimulant126.Celivren’apasprisunerideetdemeureuneminepourtoutchrétienquiveutmieuxconnaîtrel’Esprit Saint.AlbertGreiner aussi bon exégète et prédicateurquepasteurexpérimenté,abienvul’importanceduverset17denotrechapitre127desaintJeandontj’aiparléprécédemment,enregrettant qu’il fût omis. Il le place même en exergue de saconférence sur l’EspritdeVérité,qui commence justementparcettephrase:«Leprocèscontinue!»«Quelprocès[…]celuiquenotreméfiance et notrehostilité intente enpermanenceauSeigneur des Cieux et de la Terre128. » Et notre prédicateurpoursuitsurlecombatdel’EspritquiplaidepourDieuetpournousenagissantparlesdisciplesdanslemonde,illustrantainsi

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LeSacréCœurdeJésus

Premièrelecture:Ez34,11-16Deuxièmelecture:Rm5,5-11

Évangile:Lc15,3-7

CetteparaboledelabrebisperdueasonrécitparallèlechezMatthieu137. Je n’en évoquerai qu’un point particulier pourmieuxfaireressortirl’intentiondeLuc.ChezMatthieu,eneffet,Jésus s’adresse à ses disciples à la suite de leurquestionnement : « Qui est donc est le plus grand dans leRoyaumedesCieux?»Jésusrépondenfaisantvenirunenfantet demande de redevenir comme un enfant pour entrer dans leroyaume,ensuiteilmetengardeceuxquiseraientuneoccasiondechutepour«cespetitsquicroientenmoi»etpoursuitparlerécit de la brebis perdue. Le reste du chapitre concerne lescorrections fraternelles, la prière en commun, le pardon entrefrères,illustréparlaparaboleduserviteurimpitoyable138.Ilestdonctrèsclairquelethèmedelabrebisperdues’inscritdanslavie interne de l’Église et doit inspirer les règlements de lacommunauté.

ChezLuc, le cadreest trèsdifférent.Celaneveutpasdireque la référence et l’application communautaire soientcomplètementétrangèresàsapensée.Maiscen’estpascequ’ilmet en avant. Ce qui provoque le récit de la parabole, c’estl’attirance qu’exerce Jésus sur tous les pécheurs publics,particulièrement lescollecteursd’impôts,cesgensdétestésdespharisiens. Et ceux-ci ne peuvent s’empêcher de murmurerdevantuntelspectacle.Leurrigorismereligieuxetmoralesttel

qu’il les empêche de croire à une conversion possible ! Lucs’oppose à de tels individus qui ne peuvent que gênerl’évangélisation, comme il le fera également dans le livre desActes des apôtres contre des judéo-chrétiens, issus dupharisaïsme,quiveulentobligerlespagano-chrétiensàrespecterlesritesjuifs139.

On sait l’importance qu’a pour saint Luc le thème del’universalismedusalut.Oncomprenddoncqu’ilsesoitattaquéàcequi,àsesyeux,enconstituaitl’obstacleleplusimportant:l’espritpharisien.Notrelectionnaireauraitdoncdûnousdonnerlesdeuxpremiersversetsduchapitrequiexpliquaient lecadredurécitdeLuc.

Cela dit, il faut essayer de pénétrer plus avant dans lalogique de l’esprit pharisien pour mieux comprendre soncontraire:lalogiquedeJésusautraversdutémoignagedesaintLuc.

Laisser quatre-vingt-dix-neuf brebis pour aller en chercherunenefait-ilpasprendreparadoxalementunrisquedémesuré?Carlesquatre-vingt-dix-neufautresvontrestersansbergeretendanger. Certes Luc donne l’impression que pour lui une seulebrebis(verset6)étantperdue,lesautrespourraientsepasserdebergerpendantuntemps,etchoseétrange,ilparlejustement,àla fin de sa parabole de quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ontpas besoin de conversion (verset 7)140. Pour le NouveauTestament, tout homme a besoin de conversion, on peut doncpenser,commelefaitlaTOB,queLucdésigneplutôtdesgensquisecroientjustes,quin’imaginentdoncpasqu’ilsaientàserepentir de quoi que ce soit ! Mais cela ne résout pas notreproblème.Lebergernedevrait-ilpasjustementdemeurerauprèsd’euxpours’enoccuperetlesdétrompersurleurfaussejustice

quienfaiteuxaussidesbrebis,d’autantplusperduesqu’ellesn’enontpasconscience?

Si elle a l’avantage de rappeler que nul n’est juste devantDieu,cetteexplicationn’estpasentièrementsatisfaisante,parcequ’elle raisonne trop logiquement et que la parabole n’endemandepastant!

Là encore, revenons auxversets qui précèdent le texte quenousavonslu(1et2).Lescollecteursd’impôtsetlespécheurss’approchent de Jésus pour l’écouter et les pharisiensmurmurent d’une manière hostile ! Cela veut dire que cespécheurs, qui éprouvent le besoin d’écouter le Christ ens’approchant de lui malgré leur état de pécheur public etscandaleux, ressentent déjà dans leur cœur un besoin deconversion.

Lespharisiens,témoinsdecespectacle,nemanifestentquedesmurmuresderéprobation.Ilssontaveuglesdevantlemiracledelaconversiondescœurs.AussiFrançoisBovona-t-il raisond’écrire, à propos des réflexions sur les quatre-vingt-dix-neufjustesquin’ontpasbesoindeconversion:«Àmonavis,Lucnepousse pas son raisonnement si loin. Minoritaire face aujudaïsme de son temps, le christianisme par la voix de Lucdéfend la valeur, aux yeux de Dieu, des pécheurs convertis.Certesminoritaires, ilsontdroit– telleest leurconviction–àl’approbationdivine.Etl’originesociale,racialeetreligieusedeces minoritaires n’a pas d’importance. L’expression “lespublicains et les pécheurs” les qualifie, ici comme ailleurs, entantquechrétiensissusd’unpassécoupable.Lucnes’intéressepasaux“quatre-vingt-dix-neuf”autres141.»Aussilespharisienspréfigurent-ilsceuxquivoientetquisontaveuglesauchapitre9del’évangiledeJean,récitdel’aveuglené,etainsiceuxquisont

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Etlemoinsqu’onpuissedire,c’estqueJésusnefaitpasleschoses à moitié. Il se fait apporter de l’eau, mais en grandequantitéetpasdansn’importequoi,sixjarresdepierredecentlitres chacune. Celles-ci avaient de plus une significationreligieuseconcernantlapurificationdesmainsetdespiedspourlesablutionsavantlesrepas.D’oùlanécessitédeserviteursqueMarie avait doncdevinée.Et ces serviteurs prennent d’un seulcoup une importance puisqu’ils vont accomplir deux grandsactesauxyeuxduChrist:ceuxd’obéissanceetdefoi.Àaucunmoment en effet il n’est dit que Jésus change l’eau en vin.Certes ils doivent bien voir que ce n’est plus de l’eau. Maisqu’est-ce?Ilsnepeuventpasêtresûrs.Ilsnesontpasappelésàgoûter. Ils obéissent au Christ et vont vers le responsable durepas, lechefmaîtred’hôtel. Ilspartentvers luicommelesdixlépreux avec leur lèpre vers le prêtre à qui ils doivent faireconstater leurguérison.D’acteurspassifsdesnocesde l’épouximprévoyant, les serviteurs deviennent agents actifs de l’épouxprévoyant,leChristMessieagneaudeDieu.Etcelaparcequ’ilsontécoutéMarieetJésus,ontétésensiblesàleurvoixetqu’ilsontmanifestéobéissanceetfoi.

Et le comblede l’histoire –mais Jean aime les paradoxes,lui qui n’hésitera pas à placer dans la bouche de l’horribleGrand Prêtre Caïphe une prophétie juste156 – c’est que leresponsabledesplaisirsterrestresdelanoce,delaqualitéduvinetdesmets,sansrienycomprendreenenrestantàsonniveaudesommelier,vafaireleconstatdelaréalitésurnaturelledelanocedel’agneau.

Levinestbienmeilleur!Etpuisqu’iln’ariencomprisàlamanifestationanticipéede« l’heure»deJésus, sonconstatnelui fait pas chanter je ne sais quelAlleluia, mais proférer descritiquessurlafautedel’épouxquantauservicedesvinsselon

l’usage à l’époque. Il est resté dans la cave des plaisirs de laTerre.AlorsqueJésus,Marie,lesapôtresetlesserviteurssontàunautreniveauetsetrouventenquelquesorteportésgrâceàcepremier signe de Cana, au sommet de l’espérance religieused’Israël.

Lesauditeurs-lecteursdeJean,commenous-mêmes,ontété,sontouseront invitésàde tellesnocescommecellesdeCana.Desmomentsdejoiehumainepartagée,ilyenapeu,maisilyenatoutdemême.Savent-ils,savons-noustrouverdanslajoie,lagrâce(lesracinesdecesdeuxmotssontvoisinesengrec,voirparexemple lespremiersmotsde l’archangeGabriel àMarie :Lc2,28),découvrirleChristquiveutnousfaireallerau-delàdubonheurhumain,ennousoffrantmieux:levinmeilleurqu’ilatransformé,dontl’existenceestconnueparlafoietl’obéissancedesserviteursduChristetdeMarie?Pouvons-nousavoir,nousaussi, cette vocation de serviteur, sommes-nous sensibles auxvoix du Christ et deMarie, et pour cela nous adressons-noussuffisamment à eux dans la prière ? Toutes ces possibilitésexistent pour ceux qui, participant à l’eucharistie, ontconsciencedeboire levinexcellentde l’agneauquienlève lespéchésdumonde,vinquiestalorssonpropresang.

148.VoirnotedelaTOBsurJn2,11quidétaillecelaàproposdumotsemeionengrec,utiliséparJeanpourtouslesmiraclesdeJésusdoncaussipourceluideCana.149. Jean-Marie SEVRIN,Le Jésus du quatrième évangile, éd.Mame-Desclée,p.163à168auqueljemesuisréféré.150.AnnieJAUBERT,op.cit.,p.33-37.151. Voir Lc 7,24-28, le célèbre jugement de Jésus sur JeanBaptistequiseterminepar:«Jevousledéclare,parmiceuxqui

sont nés d’une femme aucun n’est plus grand que Jean ; etcependantlepluspetitdansleroyaumedeDieuestplusgrandquelui»(Jn7,28).152.AnnieJAUBERT,op.cit.,p.35,note49.153.AnnieJAUBERT,op.cit.,p.135à139.154.NotedelaTOBsurJn2,4.155.Mc7,24-30.156. Jn 11,49-53, déclaration de Caïphe quand il apprend larésurrectiondeLazareparJésus.

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pour ceux qui ont écouté Jésus à Nazareth et qui ont laissépasser l’occasionde recevoir lagrâce.Leur admirationpour lediscours les avait pourtant bien disposés, maissuperficiellement. La prise en considération des parolesexceptionnelles porteuses de grâces qui auraient dû les éleverjusqu’àlavéritéduChristestaucontrairelacausedeleurchute,parcequ’ellesne rencontrentque laduretéde leurcœurassisesurlaseulelogiquequ’ilsreconnaissent,c’est-à-direlalogiquehumaine. Ils ne comprennent pas le sens « de l’annonce del’annéefavorableaccordéeparleSeigneur»,quidéjàchezIsaïerenvoyait à l’année jubilaire instituée par Lv 25, année delibération de toutes sortes et de retour dans la terre de leurspèresqueleprophèteavaitappliquédéjàautempsmessianiqueetqueJésusamplifieencore.

Alors nous-mêmes, où en sommes-nous ? Sommes-nousprêtsàentendreJésusnousparlerdelafoietdel’espéranceenla toute-puissance de Dieu toujours favorable à ceux qui luiobéissent, sans pour autant voir des signes ou des miracles ?Que d’oublieux et d’ingrats dans l’Église qui n’attendent deDieu que du sensationnel et ne se rendent pas compte que,depuis longtemps peut-être, ils en ont reçu abondamment sansbien toujours s’en apercevoir et sans rendregrâce.Lesparolesqui auraient pu les rendre conscients venaient peut-être de labouche de gens trop connus, parents ou amis, voire de leurprêtre, et cette connaissance humaine tel un écho àl’interrogation : « N’est-ce pas le fils de Joseph ? » les aempêchésd’allerau-delà.

Ils tombent alors dans l’incrédulité que Jésus sent si bienqu’illacompareàcellequirégnaitautempsd’Élieetd’Élisée.Alors que les juifs du temps d’Élie mouraient de la famine àcausedelasécheresseenvoyéeparDieupourlespunirdeleur

infidélité religieuse, une femme païenne, veuve, accueillit àSareptaleprophètejuifquiassurasasubsistanceetcelledesonfils,etmêmeressuscitalejeunehommealorsquecelui-ciavaitétéprisparlamort.EtJésusmonted’uncrandanslahardiessede sa comparaison en parlant du successeur d’Élie, Élisée,guérissantdesalèprelegénéralsyrienNaaman,appartenantauxennemistraditionnelsd’Israël.Oui,labontédeDieuestcommeun torrent impétueux.Quandondresseunbarragedevant elle,ellesedétourneetpartailleurs.

MalheureuxhabitantsdeNazarethquin’avezvudanslefilsdevotrecharpentiervousannonçantlagrandeannéedebontédeDieu,lesalutpourlesjuifsetlespaïens,venuaussichezvouspour, avec piété, accomplir également la loi jubilaire, qu’unjeune prétentieux venu faire le malin dans le pays de sonenfance.

Malheureux catholiques qui, sclérosés dans les idéeshétérodoxes, dégoutez les prêtres qui veulent empêcher labarquedecouler, faites lavie impossibleàvosévêquesfidèlespourtantausuccesseurdePierre,etquidéfendezvotrepré-carrételleunesectionsyndicalecroyantencoreàlaluttedesclassesetqui, inconsciemment,voulezétablir ladictaturedulaïcatsurleclergé!

En faisant partir vos prêtres, en abrégeant souvent leursjours et en les précipitant dans le désespoir, tout comme leshabitants de Nazareth voulant se débarrasser de Jésus en lefaisanttomberduhautd’unescarpement,vousprenezlasuitedeleurincrédulité.

Mais tout comme àNazareth le Christ passe aumilieu devous,sansfaire lemoindremiracle.Vousrecevrez lesalairedevos cœurs endurcis. Car, je vous le demande, les prophètes

devraient-ils alors se faire voir ailleurs que dans leurs pays,autrementditlesprêtresetlesévêquestropfidèlesauPapeallersefairevoiràRomeoupartirdansquelqueîlelointaine?Pourévitercechoixdouloureuxetlourddeconséquencepourtous,laseule issue est la conversion des cœurs rendue possible par lapuissancedel’EspritSaintquiétaitavecJésus.

161.MichelVIOT,op.cit.,4edimanchedu tempsordinaire,p.276.162.FrançoisBOVON,op.cit.,p.207et208.163.MichelVIOT,op.cit.,p.277et278.164.FrançoisBOVON,op.cit.,p.208:«PourLuclaparoledeDieu est enveloppée dans les paroles humaines, et celles-citransmettent la faveur de Dieu qui n’est pas seulementsentiments, mais évènements qui nous engagent envers lui.Charis, « grâce », est rare chez Luc mais jamais employé auhasard.C’estlagrâcedeDieupourJésus(Lc2,40)quisereflèteenluietàtraverslui(Lc2,52)commelasagesse.Icielleatteintlesautresàtraverssesparoles,commeplustardellelesatteindraàtraverscellesdesesdisciples(Ac14,3;20,24-32).»165. Voir les deux notes de la TOB sur ces versets, auxquelsj’ajouterais personnellement que siMarie est considérée aussicomme fille de Sion, c’est à dire représentante du peupled’Israël,l’idéedeladivisiond’Israëlestencorerenforcée,cequin’exclutpasbiensûrlasouffrancedeMariedevantlacroix,leglaiveauraitdoncundoublesens.

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dois,entoutcas,paslesimposerauxautres.Laseuleplacequejepuisseoccupern’estpasauxcôtésde Jésus,maisparmi sesauditeurs. Mon seul droit, les écouter. Telle fut semble-t-ill’attitudedeLuc[…]178.»

Écouter,oui,c’estbienl’attitudepremièrequiestdemandéeàtoutmembredupeupleélu.«ÉcouteIsraël»(Dt6),débutdelagrandeconfessiondefoidupeuplejuif.

Deplus,danslecontextedelarévélationjuive,lapauvreténe correspond jamais à une situation de bonheur à rechercher.C’estbienplutôtlarichesseetlaprospéritéquiconstituentdesbénédictions. Certes le royaume de Dieu annoncé par Jésusconstitue,àbiendeségards,unrenversementdesvaleurs,maisàyregarderdeplusprèsencequiconcernelarichesse,Jésusn’apasuneattitudeunivoque.Iln’aimposélapauvretéquedanslecas où la richesse était à ses yeux un obstacle au service deDieu,commeilendonnal’exempleavecle jeunehommerichesionlitbienlerécitquileconcerne,enrevanchedanslecasdeZachée il lui laisse sa fortune, parce qu’il redevient ou sedéclarehonnêteà soncontactet affirmemêmeque le salutestentrédanssamaison(Lc19,8-10).

AussiJésusnedéclare-t-ilpaslespauvresheureux,carchezLucc’estausensmatériel,parcequ’ilssontpauvres.IldéclareheureuxlespauvresquicroientauroyaumedeDieu,parcequedu faitde leurpauvreté (quidemeureunmalheur), ils saventàcausedeleurfoiquelebonheuréternelexistedansleroyaumede Dieu et qu’il sera leur possession. Ici il faut rappeler laperspective apocalyptiquedeLucqui rejoint les invectivesdesprophètescommeAmoscontre les riches.S’ilyadespauvres,c’estparcequelajusticedeDieuestbafouéeetsaloioubliée.DansleroyaumedeDieuilnepeutenêtreainsietlespauvresle

savent.Cesavoirestleurseulerichesseetc’estcetteespérancequilesrendheureux179.

Quant aux riches, ils ne sont malheureux que s’ils sebornentànetrouverleurplaisirquedansleurrichesse,sicettedernière est, comme le dit le texte, « leur consolation »,j’ajouterais leur unique consolation. S’ils ajoutaient à leurplaisird’êtrericheslagénérosité,l’espritdepartageetqu’ainsileur consolation ne soit complète que s’ils soulageaient lespauvres, alors ils n’en seraient pasmalheureux.Ce thème serarepris parLuc dans la parabole dumauvais riche et du pauvreLazare(Lc16,19-31).

Laissons donc le discours anti-riches aux démagogues entousgenres.Neparlonsdepauvretéetderichessequ’envueduroyaumedeDieu,commeJésus,enfaisantbienressortirquelebonheur,toutcommelemalheuràleursujet,esttoujoursliéàlaplacequ’ytientDieu.Sicetteprésencedivineestréelle,elleestsourced’espérancechezlepauvreetdegénérositéchezleriche.L’espérance du pauvre, mise en relief par la qualification de«bienheureux»doitattirer l’attentionduriche, toutcommelepauvreLazareauraitdûfairecomprendreaurichequifestoyaitqu’ilmanquaitquelquechoseà sonbonheur.Lemauvais richen’arienvuquesesmetssucculents.Ilaeusaconsolation«surlaTerre».Iln’ariend’autreàattendre180.

Etonpeutappliquertrèsexactementlemêmeraisonnementpour ceux qui ont faim et qui pleurent. La faim et les larmes,pour celui qui croit au royaume, lui donnent conscience del’imperfectiondecemondeetnourritunecertitudeplusfortedecequepeutêtreleroyaumedeDieu.

Laquatrièmebéatitudeetlamalédictionquiluicorrespondembrasse des situations beaucoup plus diverses que les

précédentes.Maiscequ’ilfautd’embléebienvoir,c’estquelahaine (qui produit du mal aussi chez celui qui est haï),l’exclusion (des synagogues très probablement), l’insulte (ouhonte),atteinteà l’honneur, lerejetdunomcommeméprisable(diffamation), tout cela a pour cause le Fils de l’homme.Autrement dit, celui qui subit ces choses n’est heureux que sitoutescesactionsnégativesàsonencontresontliéesàsonstatutde chrétien ! Voilà qui aujourd’hui revêt une actualitéimportante,depuisplusieursannéesd’ailleurs,dansnotreproprepays où le christianisme subit ce genre d’outrages, celui de ladérision pour l’instant, et dans d’autres pays, ceux-ci sontcomplétés, si j’ose dire, par la persécution physique qui vajusqu’àlamiseàmort.

Aussi faut-il que les chrétiens, qui à bon droit se sententagressés,mesurent l’intensitédesattaquesdont ils sont l’objetet les comparent avec ce que d’autres subissent. Ceux quisouffrent lemoinsdoivent aider ceuxqui souffrent leplus.Lalâchetéetlessilencesdeviennentdeplusenplusintolérablesetl’Églisedoitlesdénoncer.

C’estpourquoiceuxquineressententriendutoutaupointde penser que, grâce aux apports de la modernité et à latoléranceque, paraît-il, elle engendrerait, onpeut être chrétiensansdetelsrisques,secomplaisentalorsdansdesillusionsoudes tromperies quand ils s’adressent à d’autres.Les jouisseursdedécadencequin’aimentpasêtredérangésontdusoucià sefaire parce que Jésus leur donne pour ancêtres, en ce quiconcerne leurbonne réputation, les fauxprophètesde l’ancientemps.

173.FrançoisBOVON,op.cit.,p.274,commentairesurleverset

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Aussi leur donne-t-il une réponse subtile qui pousse à laréflexion « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas depéchés.Maisàprésentvousdites“nousvoyons” :votrepéchédemeure»(Jn9,41).

Jésus évite donc l’attaque frontale qui aurait constitué uneoffensedirecte.Etj’aiditàcesujetqu’ilsecomportaitcommeun sage. « Un frère offensé est plus inaccessible qu’une villeforteetlesquerellessontsolidescommeunverroudedonjon»(Pr18,19).

Jésusveut les convertir et leurparledoncdecettemanièresubtile, appliquant aussi un autre passage du livre desProverbes:«Vois-tuunhommesageàsespropresyeux?Ilyaplusàespérerd’unsotquedelui»(Pr26,12).

Les pharisiens comme les juifs, qui du temps de Jésus secroyaientsupérieursauxautrespourlesraisonsexpriméesplushaut,setrouventdoncsagesàleursyeux.Parcequeleursyeuxnevoientqu’avecleurprétenduesagesse,ilssontaveugles,dansJean9 ilsnevoientpas lemiracledeJésusetnecomprennentpas de ce fait sa signification.Dans le texte deLuc que nouscommentons, ilsprétendentguiderdesaveuglesparcequ’ilssecroient voyants. Ils tomberont tous dans le trou, le trou dujugement définitif de Dieu, image bien connue de l’AncienTestament (Is 14,17-18 et Jr 48,43-44). Ils accomplissent ainsicetautrepassagedesaintJean:«Celuiquin’obéitpasauFilsneverrapaslaviemaislacolèredeDieudemeureenlui»(Jn3,36). Pour en rester au vocabulaire johannique, ils n’ont pasreçulalumière,ilssontdoncaveugles(voirauprologueJn1,9-12).Etilsontunetelleprésomptionqu’ilsnes’enrendentpascompte et prétendent conduire les autres. Oui, leur péchédemeuredoncbien telque Jésus leurdit.Et lesplushonnêtes

d’entreeuxaurontainsimatièreàréflexion.

PourLuc,dansnotretexte,lepéchéquidemeureeneuxetlesmaintient aveugles les fera tomber dans un trou avec leursdisciples et les rendra ridicules en les dévoilant en traind’essayer d’ôter la paille des yeux des autres alors qu’ils sontaffligésd’unepoutre!Celadit,leJésusdeLucneveutexhorterqu’à l’humilité et à la quête de la lumière possible qu’encherchant Dieu seul, et non pas à une sorte de concours destyle : « Plus instruit que moi tu meurs », ou encore à unedisqualificationde tousceuxquiont le titredemaître.Cequicomptec’estderecevoirlalumièrequiplacetousleshommesàégalité.

Chacunest alorsquestionné, car tousdans l’Église, quellequesoitnotreplace,nousavonsàenseignernosfrèresparnosparolesetparnosexemples,etladernièrepartiedenotretextenousmontreral’importancedesactes.

Oui,oùensommes-nousquantàl’évaluationdenosproprescapacitésàcommuniquerlafoi?

Pareille question nous renvoie à notre connaissance de laparole de Dieu en incluant dans le verbe connaître le sensbibliqued’aimerintimement.Ilnes’agitdoncpasseulementdeconnaissances intellectuelles mais aussi de piété. Car lespharisiens avaient cette connaissance, comme beaucoup dedocteursd’Israël,maiscelaallait-ildepairavecl’amourdeDieuetduprochain?Pourcertainsoui,regardonsauxdeuxexemplesque nous donne le Nouveau Testament : Nicodème, disciplesecret de Jésus, et Gamaliel qui, par sa prudence et sa saintecraintedeDieu,sauvelesapôtresdevantleSanhédrin.

Maispourlespharisienshostilesdurécitdel’aveuglenéet

lesgrandsprêtresquiseront l’âmeducomplotcontreJésus, laréponseestnon.

Aujourd’hui,lasituationest,jepense,plusgrave.Ilyaunemajoritédechrétiensdontlesconnaissancesintellectuellessontnulles,despharisiensilsn’ontgardéquel’orgueilfondésurlesentimentd’avoirmieuxcomprisJésuset sonmessagequedessièclesdetraditionchrétienne,etcelagrâceàquelquesrecettesissuesdelamodernité.Lebilanest,entreautres,ladiminutiondesvocationspourenseignerlechristianisme,etquandvocationilya,ledégoûtdecertainsdevantdesprogrammesdeformationfort étranges, des maîtres qui ne le sont pas moins pourfinalement donner un produit fini, « les séminaristes prêtresordonnés»«malgrétout»,maisnesachantriendelathéologietraditionnelleoude l’exégèse !Maisbien sûr, il y aura eu lesstagespoursavoircommentmieuxfairepousserlesfraises…!

Au point où nous en sommes, je dirais que si certainsséminaires se vident, c’est tant mieux, parce que d’autres semaintiennentou se remplissent, cequi est,pour l’instant,plusrare, mais cela existe. Je souhaite alors qu’on se demandepourquoi?Etqu’à tous lesniveauxde l’enseignementetde latransmission du christianisme, en famille, au catéchisme, enaumônerie de lycée, en séminaire et dans les paroisses, on sepose la question des aveugles conducteurs d’aveugles, qu’onsache donc discerner le degré d’analphabétisation chrétiennedans certains endroits.Qu’on détecte aussi les visionnaires depoutres,lesinvocateursdel’espritduConcilequi,pouravoirunpieddanslatombe,s’agitentdeplusenplus,profitantjusqu’auboutdecedernierappui,aveclaragerentréedenepasavoirdesuccesseursendescendantautombeau.

La dernière partie, (v43-45), qui est proposée à notre

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«Seigneur»pourdésignerJésus188.Ici,contrairementautexteprécédent, c’est Jésus le personnage central, dont le regardsouverain distinguera dans cette foule endeuillée la détressed’unemère.

«Voyant celle-ci, le Seigneur fut pris de pitié pour elle »(v11).

L’évangéliste n’a pas besoin de nous dire ce que pensaitcette femme sur qui se pose le regard divin plein de pitié. Cequ’ilditprécédemmentsuffit.Elleavaitbeauêtreentourée,maiscen’étaitfinalementquelacoutume,elledevaitsesentirseule,abandonnéedetouteaffectionhumaine,surtoutdecellequiluiétait lapluschère,celledesonfils,rejetéeaussiparDieuqui,aprèsluiavoirprissonmari,luienlevaittrèstôtsonenfant.EtellenesaitpasqueleregarddeJésuss’estposésurelleetquesesyeuxquilavoientsontceuxduSeigneurDieu.

Il nous est arrivé souvent, et cela continuera jusqu’à notresortiedecemonde,denoussentirdansl’étatdecettefemmeàun degré plus oumoins fort. Sachons queDieu ne nous perdjamaisdevueetque,plusnotredétresseestgrande,plus ilestprisdepitiépournous.Tous,quiquenoussoyons,nousavonsduprixàsesyeux.Ayonstoujoursconsciencedeceregardquine nous quitte jamais. Sachons aussi qu’on n’approche jamaisplusprèsduSeigneurquedansladétresseetledénuement.

Madeuxièmeremarqueconcerneunprocédélittéraireutilisépar Luc et sa visée théologique. Derrière Jésus qui va agirsouverainement,ilyalegrandprophèteÉlie,quipourLucestleprécurseurdeJésus,commepourMatthieul’étaitMoïse.

Élie représentait aussi en son temps le dieu souverain quin’acceptaitpasquesonpeuplesedétournedelui,menéparson

roi et surtout sa femme païenne, la terrible Jézabel venue deSidon.AussiÉlie, sur lesordresdeDieu,envoie lasécheressesur toute la Palestine et ses habitants vontmourir de faim. Etc’est vers une autre Sidonienne, la veuve de Sarepta, que leprophèteira,ellelerecevraetcroiraensaparolecontrairementàsacompatrioteJézabel.Aussinemourra-t-ellepasdefaim,toutcommesonfils.Etquandcederniermourrademaladie,Élieleressusciteraetlerendraàsamère,toutcommeicilefaitJésus.On remarquera que Luc emploie très exactement la mêmeexpression.MaisJésusn’agirapastoutàfaitdelamêmefaçoncependant que le prophète Élie, et je vous invite à relire lemagnifiquechapitre17dupremierlivredesRois.

Car lesdifférencessont très intéressantesetnousmontrentcomment leprocédé littéraire–utiliséenévoquantsimplementparquelquessituationsetquelquesmotsunrécitanciensansledireexplicitement–sertunmessagethéologique.

D’abord celamontre la présence de Jésus dans l’AncienneAlliance.Paulavaitdonnél’exempledanssapremièreépîtreauxCorinthiens10,4,enévoquantlepassageparledésertdupeuplefuyant l’Égypte. Ce seront les miracles de Dieu qui luipermettrontdesurvivre, le regarddepitiédeDieu jeté sur sonpeupleen luidonnant àboire et àmanger.Pour l’eau, c’est lascènedeMoïsefrappantlerocheravecsonbâton,carécritsaintPaul:«Ilbuvaitàunrocherspirituelquilessuivait;cerocherc’étaitleChrist.»

Mêmechosedansl’épîtreauxHébreuxquandl’auteurnousparledumystérieuxMelchisédech,roideSalem,l’ensembledecette expression venant de racines hébraïques voulant dire«Monroidejusticeetdepaix»(chapitre7).CeMelchisédechnousestprésentécommelefondateurd’unedynastiedeprêtres

quis’accompliradanslatriburoyaledeJuda,selonl’auteurquis’appuie sur le psaume 110,4, l’appliquant à la descendancedavidiquedoncàJésus,prêtreetvictimedusacrificeparfaitetdéfinitif, sans répétition nécessaire, donnant la vie éternelle.MelchisédechannonceluiaussileChrist,toutcommeÉlie.

Enfin,JeanutiliseracemêmeregistrepourbienmontrerqueJésusest laparole éternelledeDieuaucoursde ladiscussionqu’il a avec les pharisiens sur la postérité d’Abraham ; elle setermineraparl’affirmationqu’AbrahamavulejourdeJésusets’en est réjoui (Jn 8,56) et surtout par l’extraordinairedéclarationfinale:«Avantqu’Abrahamfût,jesuis»(Jn8,58).

Mais Luc pousse son originalité plus loin. Ce qu’avaientopérécesancienssignesétaittrèsbeau;lerochermiraculeux,leprêtredutrèshautMelchisédech,legrandprophèteÉliequi,deplus, devait revenir dans les derniers temps selon le prophèteMalachie (3,23-24). Jésus, lui, fait beaucoupmieux.Lucne leditpas,illesuggère,cequiestdifférentdelamanièredontPaulsituait Jésus par rapport au rocher miraculeux du désert ainsique de celle dont l’auteur de l’épître auxHébreux concernantJésusparrapportàMelchisédech.

Lucn’amêmepasprononcélenomd’Élie.IlneparlequedeJésus et le peu qu’il dit suffit à montrer que Jésus a faitbeaucoupplusqu’Élie. Ilest leSeigneuretonne luidemanderien189.Iln’yapasdedialogueaveclafemme,commeÉlieaveclaveuvedeSarepta.Unsimpleordre :«Nepleurepas.»Nonpasque lespleursne soientpascompatiblesavec la foi, Jésuslui-mêmepleurera,JeannousleditexplicitementquandilnousledépeintdevantletombeaudeLazare,Luclesous-entendtrèscertainementparlaprièred’angoisseàGethsémanienévoquantla sueur de sang (Lc 22,43) et puis sur le chemin du calvaire

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12edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Za12,10-11;13,1Deuxièmelecture:Ga3,26-29

Évangile:Lc9,18-24

Il faut remarquer, en premier lieu, quant à la place de laconfession de Pierre196, que Luc se distingue de Marc et deMatthieu.Pourcesdeuxévangiles,cetteconfessioncorrespondàl’annoncede laPassion. Ils’agitpoureuxdemontrerque lareconnaissance de Jésus comme Messie n’est pas suffisante,parcequecetermerecouvretropd’ambiguïtéetenparticulierlesempêchedevoir laformequevarevêtircemessianisme.Ainsi,pendant presque tout leministère terrestre duChrist, ils ne seseront pas attachés à l’essentiel, aveuglés qu’ils étaient par lecôtéglorieuxdecetitre.Lessouffrancesetlamortsurlacroixétaientdoncinenvisageablesetinimaginables.

Cet aspect des chosesn’est pas absent nonplus chezLuc.Comme dans la relation que nous en donnéMarc, Jésus dansnotre passage lui ordonne comme aux autres disciples,immédiatement après sa confession de foi de n’en parler àpersonne.Maisilnevapasjusqu’àletraiterdeSatan,parcequeLuctoutcommeMarcnementionnepaslaréactiondePierreàl’annoncedelaPassion.

Luc «ménage » Pierre, nous y reviendrons.Mais cela estdéjàvisiblepar laplaceetpar lamanièredontLucprésentecerécit.

« En ce jour-là, Jésus était en prière à l’écart […] » (Lc9,18).Nousne sommespasdans le cadred’undéplacementetd’une discussion en chemin. Cette entrée en matière estsolennelle, tout comme précédemment dans cemême évangile,au moment où Jésus va choisir ses douze apôtres (6,12-13) :«Encesjours-là,Jésuss’enalladanslamontagnepourprieretil passa la nuit à prierDieu ; puis le jour venu, il appela sesdisciples et en choisit douze auxquels il donna le nomd’apôtres.»

Mêmesolennitéici.L’interrogationestdouble:«Quisuis-jeauxdiresdeshommes?»et:«Etvous,quidites-vousquejesuis?» se situepour Jésusà l’issued’uneprière, elleestuneinspirationdeDieu,lerésultatdel’unionduPèreetduFils,unappel à une réponse qui engage. Il faut que les interpelléstémoignentàJésusqu’ilssesoucientdeseffetsdesonactivitéetdisent ce qu’ils croient de lui. Il s’agit en quelque sorte pourLuc de justifier à son lecteur ou à son auditeur queprécédemment, au chapitre 6, Jésus a fait le bon choix endistinguantcesdouzehommes-là.

Le souci de Luc n’est donc pas d’abord de parler del’épisodefinaldel’incarnationduFilsdeDieu,laPassion,maisde la manière dont il organise sa communauté qui va êtrechargéede l’annoncedusalut.Autrementdit, laconfessiondePierreinsistesurlaportéeecclésiologiquedirions-nousdansunlangage savant, c’est-à-dire qu’elle concerne surtoutl’organisationdel’Égliseetqu’elleestaccessoirementunemiseau point sur la nécessité de la Passion dont Jésus a bienconsciencequ’ilestdifficileenlacirconstanced’enparler,d’oùl’interdictiondelefaire.

Cette idée concernant l’Église n’est pas absente chez

Matthieu.Maiselleestexpriméed’unefaçonplusvisibleavecla mention explicite de la construction de l’Église sur Simondevenu Pierre, et Matthieu utilise pour le dire la symboliquetypiquementjuivedesclés,symboledupouvoir.

Lucnepouvaitagirdemêmecomptetenudesonauditoire,et selon son habitude il préfère suggérer. Il n’ignore pasl’incompréhension de Pierre et d’ailleurs ne passera pas soussilence son reniement. Mais il se dispensera de formuler saprimauté avec la remarque particulière de Jésus, ce qui ledispensera en conséquence de rétablir l’équilibre par le :«Arrière demoi, Satan. » Il préfèrera laisser planer un douteplutôt que demarquer le contraste très dur deMatthieu et negarder que l’aspect positif de la confessionde foi dePierre, àlaquelle les autres apôtres donnent leur assentiment puisqu’ilsne disent mot. Cette confession de foi se situe au début duministèredeJésus,cequinousmontrebienqu’elleconstituelefondementdelacommunautédesapôtressurPierre,desdouzedonc,decequiseral’Église.Celaindiqueaussilanécessitédefaire constamment référence à cesdouze avant commeaprès larésurrection du Christ. Le livre des Actes des apôtres lemontrera abondamment, Paul lui-même ayant toujours le soucide maintenir la communion avec l’Église-Mère de Jérusalem,malgrédesdivergencessansdoutebeaucoupplustranchéesquelelivredesActesnouslelaisseentendre197.

C’estentoutcaslepremierpassagedel’ÉvangiledeLucoùilestquestiondeconfessiondefoietpasseulementdefoi198.Etceladanslaperspectiveduroyaumequivient,puisquenoussommes,jel’aidit,audébutduministèreterrestredeJésus.

Cela nous incite tout naturellement à réfléchir àl’importancedelaconfessiondefoiausenstrèsexactoùsaint

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bien des presbytères de province où l’on vit pauvrement dansl’indifférence générale. Pour reprendre les comparaisons deJésus,cespresbytèresreprésenteraientdesterriersoùlesrenardsne voudraient pas dormir ou des nids que les oiseauxdéserteraient.Celadit,àl’heureoùj’écrisceslignes,ilyadesaméliorationsparrapportau«creux»terribledesannées1970et, la crise aidant si j’ose dire, la situation des terriers et nidsecclésiastiques instables ne constitue plus un obstacle majeurpourrépondreàl’appeldeJésus.

Le deuxième exemple est plus complexe. Donner unesépulture à ses parents relevait du devoir religieux, tant dansl’antiquité juive que païenne. Ici c’est l’urgence d’obéir auChristquiprime.ÉlieavaitétémoinsdurenpermettantàÉlisée,son futur disciple, d’aller prendre congé de ses parents (1R19,19-21)etcettecomparaisonvautaussipourletroisièmecasenvisagéparLuc.

Mais revenons à cette affaire de sépulture. On peut certesprendre lemot «mort » au sens figuré, et il s’agirait alors deceux qui sont dans le péché207.Mais cela n’élimine pas pourautantlesenslittéral.Aussiilmesemblequecen’estpasforcerles choses que de rappeler Gn 2,24 où il est question pourl’hommede laisser père etmère pour s’attacher à sa femmeetformeruneseulechair.Matthieuensonchapitre19reprendraceversetpourjustifierl’interdictiondudivorcefaiteparJésus(v1-12)suivantencelaMc10,1-12.Lucreprendralamêmeidéeauchapitre 16 verset 18 mais sans citer la Genèse, compte tenusans doute de ceux auxquels il s’adresse et qui ne sont pasjudéo-chrétiens. Ilme sembledifficilede croire cependantqueLucaitignorécesdeuxtraditionsquiévoquaientceversetdelaGenèse.

Cepourquoij’enconclusàtitred’hypothèsequelelienqueconstitue leserviceduChristetde l’Égliseestdumêmeordreque le lien conjugal. Dans l’épître aux Éphésiens, Paulcomparait l’uniondel’hommeetdelafemmeàcelleduChristet de l’Église (Ep 5,21-32). Et Luc était proche de Paul, nel’oublions pas. Les disciples, en tant qu’acolytes du Christ,viventdoncunesorted’uniondetypeconjugalavecl’Église,cequienexcluttoutautre208.C’estlààmonavislemotifmajeurducélibatecclésiastique,manièredemontrerque le serviceduChrist l’emporte sur toute autre obligation liée à des liensfamiliaux, c’est là le grand sacrifice qu’il faut consentir pourrendreprésent legrandsacrificeuniqueetparfaitquiappelleàun témoignageexclusif, et cela sera résuméplus loinpar saintLuc dans ce même évangile par les versets suivants : « Siquelqu’unvientàmoisansmepréféreràsonpère,samère,safemme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, etmêmeà saproprevie,ilnepeutêtremondisciple.Celuiquineportepassacroixetnemarchepasàmasuitenepeutpasêtremondisciple»(Lc14,26-27).

202.C’estledécoupagequeproposeFrançoisBOVONetquejesuis,danssonÉvangileselonsaintLuc,TomeIIIb,éd.LaboretFides,p.30

203. Michel VIOT, À l’écoute de la Bible – Année B, 24edimanche du temps ordinaire, homélie sur Isaïe 50,5-9 où j’aiabordécettequestionduvisageduprophèteenconclusion.204.FrançoisBOVON,op.cit.,voirsatraductiondutextep.28et aussi les pages 32 et 33 où l’auteur explique son choix enfaveurdelamentiond’Élie.205.VoirlanotedelaTOBsurleverset55decechapitre9qui

mentionnecequiesttransmispardenombreuxmanuscritsàlasuiteduverset55quiseraitdoncicitronqué:«Etilleurdit:vous ne savez pas de quel esprit vous êtes [car] le Fils del’hommen’estpasvenupourperdrelesvies[deshommes],maispourlessauver.»206.VoirnotedelaTOBsurleverset58.207.FrançoisBOVON,op.cit.p.41.L’auteurrappellequeLucn’ignorepascesensenévoquantl’histoiredufilsprodigue,Lc15,24-32oùlejeunehommeestcomparéàquelqu’un«quiétaitmort».208.Voir la thèseduPèreLaurentTOUZE,L’Avenirducélibatsacerdotaletsalogiquesacramentelle,éd.ParoleetSilence–Lethielleux.

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etaudiblequ’ilcroiten lapuissancedivinedevieetquecettefoi constitue lemoteurmême de son action. L’Église et « sesgens » est bien loin de refléter toujours cela.Mais quand elleremplit correctement ce rôle, on vient à elle. Partout où l’on« fait du catholicisme », ça marche ! Et c’est vrai pour lesparoisses, les séminaires et les couvents ! C’est dans cesendroitsqu’onaenviedeposerdesquestionscommelelégiste,parcequetoutsimplementonsentqueJésusyestprésent.C’estlàaussiqu’apparaîtlerécitdubonSamaritain.

Quelquesmotstoutd’abordsurlecadredelaparabolepournous faire apprécier la pédagogie de Jésus. L’histoire qu’ilraconteest toutàfaitvraisemblable.LechemindeJérusalemàJérichoétaitdangereux,tantparlatopographiequeparlesgensquifréquentaientceslieux.Letrajetestdevingt-septkilomètresà peu près avec une importante dénivellation puisque l’ondescendd’unealtitudedesept-centquarantemètresàdeux-centcinquantemètresau-dessousduniveaudelameretleparcours,selon d’autres témoignages que les évangiles, était infesté debrigands222. La victime n’était pas seulement volée, elle étaitrouéedecoupsetlaisséepourmorte.Surelle,lesforcesdumals’acharnaientpourlalaisserencepiteuxétat.

Cela dit, il y avait eu une logique de la rencontre, mêmedéplaisante. Quand on croise un chemin de bandits, il estlogiquedeseretrouverdanscetétat.

Enrevanche,quandoncroiselarouted’hommesdeDieu,untelrésultatn’estpasattendu,ilestaucontrairechoquant.Quandleprêtreetlelévitepassentdevantcethommeàmoitiémort,cen’est pas eux qui l’ont mis dans un tel état là, mais ils leconstatentetleregardqu’ilssecontententdeposersurleblesséles rend complices des bandits et donc coupables. Leurs

fonctionsreligieusesauraientdûnormalementsusciterchezeuxun sentiment de compassion et de miséricorde en leur faisantsurmonter leur égoïsme, leur fatigue et peut-être même leursscrupulesreligieuxdepuretérituellequilesempêchaitd’êtreencontactavecunmortouprésupposétel.Ceblesséàdemi-mortadonc fait au total troismauvaises rencontres : lesbrigandsquil’ontmisdanscetétat,leprêtreetlelévitequil’ontlaisséetquidecefaitsesontmisaumêmerangquelesmalfaisantsdecettehistoire.

On le voit, le récit que fait Jésus est simple etcompréhensible. Il s’accorde à des réalités que les auditeursconnaissent. Ilmet l’accent surdes contrastes choquants,maisriches,quisontabordéssansdétoursniprécautionsdelangage.

C’estunebelleleçonpourtousceuxquiontàactualiserlaparole de Dieu pour la faire mieux pénétrer dans la vie deshommes. Et je me place bien sûr au milieu d’eux. Puissions-nous toujours avoir cette clarté de langage et ce style directauquel tant de gens aspirent quand ils cherchent à apprendrequelquechosedeDieu.

Survient alors le Samaritain, personnage appartenant à unpeupledétestédesjuifsetréciproquement.Leprincipalsujetdedisputeentreeuxétaitjustementlelieudeculted’oùvenaientleprêtreet le lévite.LesSamaritainseneffetadorentDieusur lamontGarizimetlesjuifssurlemontSionàJérusalem,làoùestconstruit le temple. Au début de l’ère chrétienne, quelquesSamaritains avaientmêmedéposédesossementshumainsdansle temple de Jérusalem pour montrer le peu de cas qu’ils enfaisaient.Etnousavonsvudansunehomélieprécédentequ’unvillagedeSamaritainsavait refusé l’hospitalitéàJésusetàsesdisciples.Or,c’estceSamaritainquivavenirausecoursdujuif

blessé en observant vis-à-vis de lui complètement la loi del’hospitalité : il lepanse, il le transporteet le faithéberger223.Cesecoursestpourlemoinsinattendu.Iln’estpasinutilenonplusde remarquerqu’au sens étymologique, lemotSamaritainsignifie en hébreu « gardien » ou « berger ». Cet hommeremplirait donc, pour Israël (le blessé) son rôle de bergermessianiqueà ladifférencedesmauvaisbergers (leprêtreet lelévite)224.

C’est là peut-être une des raisons qui a conduit certainsanciens commentateurs à voir dans le Samaritain la figure duChrist, lui aussi Messie inattendu si l’on réfléchit bien à lamanièredontilapportelesalutàsonpeuple.«Origènerapportel’interprétation d’un ancien, donc une exégèse vénérable à sesyeux, l’ancien étant un auditeur des premiers apôtres plutôtqu’unministredel’Église:“Selonlecommentaired’unancienqui voulait interpréter la parabole, l’homme qui descendaitreprésentaitAdam, Jérusalem le paradis, Jéricho lemonde, lesbrigands les puissances ennemies, le prêtre la loi, le lévite lesprophètes et le Samaritain le Christ. Les blessures sont ladésobéissance,lamonturelecorpsduSeigneur,lepandochium,c’est-à-dire l’auberge ouverte à tous ceux qui veulent y entrer,symbolisel’Église.DepluslesdeuxdeniersreprésententlePèreetleFils;l’hôtelierlechefdel’Églisechargédel’administrer,quant à la promesse faite par le Samaritain de revenir, ellefigurait le second avènement du sauveur”. Origène lui-mêmesouligne cette interprétation christologique en la justifiant parl’étymologiedumotSamaritain:maislaProvidencelaissaitcethommeàdemi-mortauxsoinsdeceluiquiétaitplusfortquelaloi et les prophètes, c’est-à-dire du Samaritain dont le nomsignifiegardien225.»

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cultes de la fécondité que connaissait le pays deCanaan. J’aitraité cette question dans une petite brochure où je renvoie àquelques textes bibliques prêtant à Dieu des sentimentsmaternels236.

Retenons donc que pour Luc l’appellation Père évoque lafiliationde l’humanité et sonoriginedivine.Lequalificatif dePèrerépondàlaculturedel’époque,maisn’éliminepasl’autrecomposantedel’humanité.

Quand,dansGn1,ilestquestionparexempledelacréationdel’hommeàl’imagedeDieu,ils’agitbiensûrdel’êtrehumaindans ses deux composantes homme et femme, et il est écrit :«Hommeetfemmeillescréa.»

Lemasculinet le fémininhumainssontà l’imagedeDieu,ensemble dans l’ordre de création et à égalité. Ce qu’éprouvedoncDieu pour l’humanité est donc en rapport avec ces deuxréalités toujoursuniesenDieu, indissociablesmême,alorsquepourl’hommeellessontdistinctesetquelabénédictiondivine,pourenresteràGn1,setraduiraparladifférenciationdessexespermettantlaprocréationdanslemondecréé.

L’engendrement divin, lui, est d’une autre nature, jamaissexuelle,enoppositionàlamythologiepaïenne.

Lapremièredemandedemeuredanslalignedelathéologiejuive. « Soyez saints, car je suis saint,moi, le Seigneur votreDieu»proclamelelivreduLévitique(Lv19,1)pourjustifieruncertainnombrede commandements destinés à garder le peuplejuifdanscettesainteté.C’estdanscesensquesontdonnésdesinterditscontredespratiquesidolâtres:ainsipourlessacrificeshumains,onremarqueral’expressionemployéeàproposdeceluiqui livre son fils aumolek (sacrifice du fils premier né à une

idôle) : « Je le retrancherai du sein de son peuple pour avoirlivréundesesenfantsaumoleketavoirainsirenduimpurmonsanctuaireetprofanémonsaintnom»(Lv20,3).

Ainsi l’idolâtrenesesouillepasseulement lui-même,maisaussi le peuple avec lui, il profane le nom de Dieu et porteatteinte à sa sainteté. Cette première demande concernant lasanctificationdunomdeDieunousestdoncprésentéecommelepointdedépartdelaprièreetenmêmetempscommelesocledelareligion.

Voilàpourquoiilestparticulièrementimportantdemaintenirdesnotionstellesquecellesdublasphèmeoudusacrilège.Quecertains« esprits forts » amateursde surenchère enmatièredelaïcité s’appliquent à détruire ces idées peut, à la limite, secomprendre,maismêmedansleurcasêtrejugésévèrement.Caril n’y a pas de société possible sans ordre, autrement dit sansinterdits. Leur ôter toute dimension religieuse, ou même sansparlerdereligionallerjusqu’àdirequ’ilestinterditd’interdirecommeonl’afaitenmai1968–etnousnesommespasremisdes aberrations de cette époque – c’est favoriser toutes leshorreursdontl’êtrehumainestcapabledanslajoiemauvaisedelatransgression,luidonnantdeplusl’illusiontrompeused’êtrepluslibre!

Aussiquediredesreligieux,soucieuxd’êtreàlamode,quiprêtent leur concours à de telles aberrations et accueillent leblasphème et le sacrilège avec miséricorde au nom de la trèssaintecharité!Ilseratroptardquandilsserendrontcomptequecetteparodie-làdecharitévientdirectementdudiable,celledeJésusestindissociabledelavérité.Etnulnepeuttransigersurla sanctification du nom de Dieu sous peine d’être lui-mêmesacrilège!

LademandedelavenuedurègnedeDieupeutêtrecomprisede lamême façon.Demêmeque lenomdeDieu est saint parlui-même, le règnedeDieuviendraqu’on le demandeounon.Celaétantprécisé,souhaitersaprésence,c’estplacersavieencemonde sous son éclairage, autrement dit s’efforcer de vivredès à présent selon les lois du règne de Dieu. Cettecompréhension des choses peut peut-être expliquer la varianted’un manuscrit du XIe siècle qui rajoutait à cette demande :«Que tonEspritSaintvienne surnousetnouspurifie.»Trèsvraisemblablementletexten’estpasdeLuc,maispeutexpliquercommentcomprendrelademande237.

Lademandeconcernantlepaincomporteunedifficultéliéeaumotgrecquiqualifiecepainetqu’onretrouveaussidanslaversion de Matthieu238. Relevons cependant tout de suite ladifférencedeperspective.Matthieudisait«aujourd’hui»,Lucparle d’un don à renouveler chaque jour, insistant donc sur lanotion de durée. François Bovon a eu l’idée géniale derapprochercettedemandedePr30,8-9quejecite:«Éloignedemoi fausseté et mensonges, ne me donne ni indigence, nirichesse ; dispense moi seulement ma part de nourriture, car,trop bien nourri, je pourrais te renier en disant “qui est leSeigneur?”oudanslamisèrejepourraisvoler,profanantainsilenomdemonDieu239.»Onlevoit,cettedemandeestliéeàlasagesse israélite tout commeau souvenir queDieunourrit sonpeuple, comme lemontre l’épisodede lamannedans l’AncienTestamentet lamultiplicationdespainsdansleNouveau.Celadit reste l’énigmede l’adjectif grecepiousios accompagnant lemot«pain».SaintJérôme,auteurde laVulgate (la traductionlatine qui fait autorité dans l’Église catholique), a traduitdifféremmentcemotselonlespassagesdeMatthieuetdeLuc.Pour Luc, il maintient l’adjectif quotidien, suivant cela les

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19edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Sg18,6-9Deuxièmelecture:He11,1-2.8-19

Évangile:Lc12,32-48

Cedébutdetextemefaitirrésistiblementpenserau«n’ayezpas peur » prononcé par saint Jean-Paul II au début de sonpontificat,adresséàtous, tantaupeupledel’Églisecatholiquequ’au monde menacé par la puissance communiste, force deténèbres et de barbarie qui, en 1978 date de l’élection de cepape, n’avait pas encore dit son derniermot et qui pouvait semontrerd’autantplusredoutablequeseshautsdirigeants,onlesaitmaintenant,sentaientlafindeleurrègneprochaine.

Le monde aujourd’hui vit encore sous des menacesanalogues;l’Églisecommenceàseredresser,maisenEurope,etenFranceenparticulier,lesprogrèssontàpeineperceptiblesetlequalificatifde«petit troupeau»n’a jamaisétéplusactuel :baisseinexorabledesvocationsetdelapratiquepourm’enteniràdeuxpointsseulement.SurtoutsionlitLucdansletextegrecquiportel’adjectif«petit»(micron)–motaudiminutif–ajoutéà«troupeaudepeud’importance».

Difficileàrendreenfrançais,maisbonàsavoir,carc’estàce petit troupeau très réduit qu’était adressé le « sois sanscrainte»deJésusdontnotresaintpapes’étaitfaitl’écho.

Pourappuyercetordre,Lucaffirmeunecertitude:ledonduroyaume.Aussi n’est-il pas inopportun de rappeler les proposd’AlfredLoisy,exégètefrançais(1857-1940),quin’ontpasété

que destructeurs pour la foi, puisqu’ils ont obligé d’autres àréfléchir:parexempleLoisydisait:«Jésusaprêchéleroyaumeet c’est l’Église qui est venue. »Notre verset proclame : «Leroyaume a été offert et c’est l’Église qui est advenue249. » Etnotreauteurderappelerque,pourexcluretouttriomphalisme,lasentence définit le troupeau qui reçoit le royaume commedoublementpetit250.Cequinousramènedemaremarquesurlevocabulairegrecàceluiutilisédanscepassage.

Oui,letroupeauesttrèspetit,maisilnedoitpasregarderàsa faiblesse, espérant le royaume il s’appuie sur la foi de laViergeMarieexpriméedansleMagnificat,Dieupeutrenverserlesvaleursétablies:«Ilajetélespuissantsàbasdeleurtrôneetilaélevéleshumbles»(Lc1,52).Etleroyaumen’est-ilpasluiaussipetitcommelegraindemoutardeetlelevain251?(Lc13,18-21).

Quant à l’Église, devrait-elle être plus grande que leroyaume ? Certes elle le préfigure, l’annonçant et elle peutdécevoirtoutsimplement,parcequ’elleestcomposéed’hommesetc’estbiencequesous-entendaitLoisy.Mais lui-même,bienquerejetéparl’Égliseàcausedesesopinionshétérodoxesavait,tout commeRenan, contribué volens,nolens à l’édification del’Église en l’obligeant à affiner sa recherche dans laconnaissancedesSaintesÉcritures.

En réalité, et cela fait partie dumystère de l’Église et duroyaume, s’approcher d’eux conduit toujours à descomportements absolus. Loisy et Renan sont allés dans unemauvaise direction jusqu’au bout de leur pensée, mais leurintransigeanceetleurexcommunicationontsuscitédessursautssalutairesdontlasciencebibliquebénéficieaujourd’hui.

C’est pourquoi il n’est pas étonnant de trouver dans notretexte, tout de suite après l’évocation du don du royaume,l’exigencedupartage.Lucinsisteeneffetbeaucoupplussurcedevoirquesurlapauvreté,carpourdevoirdonnerdesaumônes,encore faut-il avoirdequoi.Et s’il s’agitdevendredesbiens,encorefaut-ilavoircesbiensetsavoirlefaire.Braderouvendren’importe comment correspondrait à unmanque de sagesse ausensétymologiquedecemotdans lapensée juive,qui indiquedonc le savoir-faire.Dans ses écrits, Luc insiste beaucoup surl’aumôneet aussi sur lepartage.Dans le livredesActes, il vamême jusqu’à nous présenter la communauté de Jérusalem, lapremière Église donc, comme pratiquant la communauté desbiens,voirAc4,32à5,11.Etjecroisquecetexteexplicitebiensapensée.Leverset32qui inaugure lerécitditeneffet :«Lamultitude de ceux qui étaient devenus croyants n’avait qu’uncœur et qu’une âme et nul ne considérait comme sa propriétél’unquelconquedesesbiens,aucontraireilsmettaienttoutencommun. »Un peu plus loin il est dit que tout était partagé :«Chacunenrecevaitunepartselonsesbesoins»(v35b).Maislaconclusionde l’histoirebienconnued’AnaniasetdeSafira,c’estque,nepouvantserésoudreàpartager,ilsretiendrontunepartieduprixdelaventeetenmourront.IlneseraensuiteplusquestiondecesystèmeéconomiqueàJérusalemnidansaucuneautre Église. Seule l’insistance sur l’aumône, donc le partage,subsistera.

C’estpourquoi,danssadoctrinesociale,l’Églisecatholiqueneremetjamaisencauseledroitàlapropriété,mêmeleprincipede l’enrichissement.Elleposesimplement,àcôtédecesdroitssans lesquelson finitàporteratteinteà la libertéde l’homme,des devoirs issus de la foi au royaumequi vient, incompatibleavectouteformed’acharnementànevoirquelesréalitésdece

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leursépines.Ilsysontattachés,ilsneveulentpasêtreforcésàensortir.Nousvoulons,disent-ils,nousréunirlibrementàvous.Telle n’est point la volonté du Seigneur. “Contraignez-lesd’entrer”,dit-il;lacontrainteextérieureferanaîtreàl’intérieurlabonnevolonté266.»

258. FrançoisBOVON,op. cit., p. 308-309 et l’explication duverset 49 p. 312 à 314. L’auteur donne plusieurs référencesprécieuses pour bien comprendre tout ce à quoi le feu faitallusion.259.FrançoisBOVON,op.cit.,p.309.260.Ibid.261.FrançoisBOVON,op.cit.,p.315et316.262.FrançoisBOVON,op.cit.,p.316.263.Ibid.264.FrançoisBOVON,L’ÉvangileselonsaintLuc,tomeIIIa,éd.LaboretFides,p.144.265.MichelVIOT,Àl’écoutedelaBible,AnnéeC.266.SaintAUGUSTIN,op.cit.,surlesobstaclesàlaconversion,sermonprononcéàCarthageentre412et420,p.950et951.

21edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Is66,18-21Deuxièmelecture:He12,5-7.11-13

Évangile:Lc13,22-30

La question du nombre des élus a toujours tourmenté leshommes aux époques d’intense réflexion religieuse. Ce fut lecasàl’époquedeJésuspuisqueplusieurspassagesduNouveauTestament y font allusion. La fin de la parabole du festin desnocesquej’évoquaisdansmaprécédentehomélie,parcequ’elleest différente de celle de Luc, se termine par : « Certes lamultitudeestappeléemaispeusontélus267»(Mt22,14).Isaïe,ditl’AncienTestament,prophétisantlasauvegardedeJérusalemface au roi d’Assyrie, ne pense qu’à un « reste » et à des« rescapés » (Is 37,32) et la littérature intertestamentaire n’estguèreplusréjouissante:«LeTrès-Hautafaitlemondeprésentpourbeaucoupd’hommes,maislemondefuturpourpeud’entreeux […] Je l’aidit depuis longtemps, je ledis encore et jenecesseraideledire,ceuxquipérissentsontenplusgrandnombreque ceux qui seront sauvés, comme le flot l’emporte sur unegoutte268.»

SaintAugustin, commentantnotrepassage,vaunpeudanslemêmesens,maisenorientantjustementsurcequeveutnousdire saintLuc : «Vous vous rappelez la question qui vient denousêtrerappeléedansl’Évangile:“Seigneur,yest-ildit,est-cequelesélussontpeunombreux?”,querépondleSeigneur?Ilneditpasqu’aucontraire lesélus sont engrandnombre,non,

mais après avoir entendu cette question : “Est-ce que les élussontpeunombreux?”ilréplique:“Efforcez-vousd’entrerparlaporte étroite.” N’est-ce pas confirmer dans l’idée du petitnombredesélus269?»EtpourrenforcersonproposilyrajoutelesversetsparallèlesdeMt7,13et14.Mais il neveutpas enrester àunevue troppessimistequant aunombredes élus lui-même, partageant sans doute le même souci que Luc qui neterminaitpassaparaboledufestindesnocesparlamentiondel’habit de noces et du peu d’élus, mais au contraire par le«remplissage»completdelasalledenoces.

Augustinécriteneffet,toujoursdanslemêmesermon:«Jevois une aire et mes yeux y cherchent le grain. On l’aperçoitdifficilementtantqu’ilestsurlefléau,maisviendralemomentde levanner.C’estainsique,comparésauxréprouvés, lesélussontenpetitnombre;tandisque,considéréseneux-mêmes,ilsformerontunequantitéconsidérablelorsquelevanneurviendra,levanàlamain,nettoyersonaire,serrerlefromentaugrenieretbrûler lapaille au feu inextinguible270. »Ainsi les élus serontnombreux, mais bien moins que les damnés, aussi doivent-ilsfaire des efforts et produire des actes que Dieu attend d’eux.C’estcequesembledireLucenne faisantpas Jésus répondredirectementàlaquestion,maisenamenantl’imagedelaporte,etdelaporteétroite.

Matthieu, lui en effet, avait parlé de deux portes que l’onpeut prendre, illustrant le thème classique dans l’AncienTestament du choix entre les deux voies, se reporter àl’exhortation de Dt 30,15-20, la vie et la mort sont placéesdevant les juifs, obéir au seulDieu (porte étroite)ou suivre lechemin des idoles (porte large).Dieu exhorte à choisir la vie,c’est-à-diresonchemin.

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messependantplusieurs joursaprès sescélèbrescolères. Il estd’ailleurs représenté sur un tableau au Vatican, se frappant lapoitrine avecunepierre !Et l’on raconteque le papeSixteV,passantunjourdevantcetableau,seseraitécrié«Tiens-labien,cettepierre,parcequesansçatuneseraispassaint279!»

C’est pourquoi l’espèce de surenchère d’humilité danslaquelle vit le christianisme en France et dans d’autres paysd’Europenemerassurepasdutout.Depuisdesannées,c’estletriomphedu«pasdevagues»etdureligieusementcorrect.Pasde tête qui dépasse, pas d’ambition déclarée, personne doncpour se précipiter vers les premières places ? Mais que decamouflages cela dissimule, que d’envies de s’élever biensouvent, de plus chez ceux qui ne devraient pas les avoir.Carl’ambitionensoin’estpasnécessairementmauvaise,sil’onveuttravailler pluspour leChrist, si l’on est prêt à fairedegrandssacrifices pour mieux le servir, pourquoi ne pas le dire ou lefaire savoir ? Et y discerner un orgueil insupportable etdisqualifiant est aussi grave que d’y voir automatiquementl’appeldeDieu.Etn’oublionspasquedansnotretexteJésusnes’adressequ’àdesgensquifaisaientouvertementlacourseauxhonneurs.Qu’aurait-ilditàceuxquifontouvertementlacourseauservicedesplushumblesdemanièreàaccéderauxhonneursplusfacilement?Jelaisseyréfléchir.

Ladernièrepartiedenotretextecontientd’ailleurspeut-êtreunmorceaude réponse.Enconseillant,contre tous lesusages,d’inviter à déjeuner les gens les plus repoussants et les plusétrangers car ils n’ont pas la capacité de rendre l’invitation,Jésusinciteàunegénérositéabsolue,c’est-à-diresanscalcul.

Cet état d’esprit appliqué à l’humilité de la façon dont jeparlais précédemment comporte à l’évidence une réponse à

l’humilitédefaçadequejeviensd’évoquer.

Maiscelavafortheureusementplusloinetdoitinspirercequi pourrait être une véritable diaconie d’Église aujourd’hui.Nousvivonsenuntempsd’accroissementdelapauvretéetaussidelagranderichesse,lenombredesmilliardairesdanslemondeayantconsidérablementaugmentécestemps-ci.

Repenserdessystèmessociauxéconomiquesplus justesvadevenir de plus en plus urgent et cela exige des hommespolitiques capables, voyant à long terme les intérêtsdupeuplequ’ilsgouvernentbeaucoupplusque les leurset leséchéancesélectorales!

Maiscelanedispensepaspourautant l’Églised’avoirunediaconie adaptée, qui ne se limite pas à de bonnes parolesaccompagnées de gâteaux secs et de tasses de thé avec forceréunions de motivation. C’est la parole de Dieu qui doitconvertirlescœursenmêmetempsquelesportefeuillesafinqueleschrétienssoientdeplusenplusgénéreuxpourleurÉgliseetpour lespauvresqu’elle a et qu’elle aura à secourir, et il y enauradeplusenplus.C’estceàquoiJésusvisedanssonconseild’inviter ceuxqui n’ont rien à donner en retour, ceuxdont onpensait à l’époque même peut-être qu’ils étaient maudits deDieuàcausedeleurhandicapphysique,voiredeleurpauvreté.Leschrétienssontdoncinvitésàbriserlesbarrièresd’exclusion,sans pour autant détruire les liens familiaux ou amicaux. Ilspeuvent donc, pour reprendre les images utilisées par Jésus,continuer à inviter famille, amis,mais sans que ces invitationsconstituentdesfermeturesauxautres.

Une toute dernière remarque. Jésus achève son exhortationpar l’évocation d’une rétribution des justes à la résurrection.Seuleeneffetl’espéranced’unevieaprèslamortpeutaccroître,

dans le cœur de l’homme, la quête de plus de justice. Loind’aliéner les esprits et de les détacher de la quête de plus dejustice en cemonde, comme un certainmatérialisme athée l’aprétendu et le prétend encore, la croyance en la résurrectionétendlechampd’actiondelajusticedeDieuetobligel’hommeàenfaireautant.Parcequetoutn’estpasditàlafind’uneviehumaine, que ce soit celle d’un riche bien portant ou d’unpauvreestropié,boiteuxouaveugle,lechrétiennesauraitsefieraux apparences des réalités matérielles. Par la foi il doit, dèscette Terre, agir en fonction de ce queDieu, père de tous leshommes,diraetferaàlafindestemps,àlarésurrection.

277. FrançoisBOVON,L’Évangile selon saint Luc, Tome IIIb,éd.LaboretFides,p.431.278. FrançoisBOVON,op. cit., p. 434. Très précisément, voirl’explicationquedonnel’auteurduverset11; ilrenvoie,entreautres,àEz31surl’orgueildupharaon,surlechapitre21verset31dumêmeprophèteconcernantl’orgueildeSédécias,etIsaïe52,13à53,12,textesurleserviteursouffrant.279. Omer ENGLEBERT, La Fleur des saints, article sur saintJérôme,éd.AlbinMichel.

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alors pris le dessus pour devenir ensuite des cauchemars etl’amenerau fin fondde lamisère.LaBiblenenousdécritpasautrement la vraie pénitence. Reportez-vous par exemple auxsept psaumes de pénitence289, au psaume 6 verset 3 : « Pitié,Seigneur, je dépéris, guéris-moi, Seigneur, je tremble de tousmesos[…]»,verset7:«Jesuisépuiséàforcedegémir,chaquenuit mes larmes baignent mon lit. » Dans ces sept psaumes,comme dans tous les textes pénitentiels, on trouve desdescriptionsd’abattement,d’effondrementdel’âmeetducorpsévoquantlaproximitédelamort.Car,onl’oublietropsouventaujourd’huiennotretempsoùl’onneveutplusparlerdepéché,aupointquel’Égliseestelleaussi,deplusieursfaçons,agresséeparcetteallergie,que lepéchéet lamortsontétroitement liés.Chaque chrétien devrait être persuadé que le péché peut luiattirer les souffrances et la mort, comme l’exprimait au XVIesiècleunebelleconfessiondespéchésd’inspirationcalvinienneoù l’assemblée reconnaissait qu’elle était composée depécheurs : « [nous] qui transgressons tous les jours et dedifférentes manières tes saints commandements de sorte quenousattironssurnous,partonjustejugement,lacondamnationet la mort. Mais, Seigneur, nous avons une vive douleur det’avoiroffensé290[…]»Beaucoupdeconfessionsprivéessont,hélas,loindecetotalabaissementettiennentleplussouventdugenrerécitationdecataloguedepéchésavec,enprimehélas,desautojustificationsàpeinevoilées.

Riendetoutceladanslaconfessiondufilsprodiguerentréen lui-même qui commence ainsi un nouveau voyage dont lapremière étape est un déplacement spirituel.Notons les étapesmajeures :constat réalistedesonétatetsouvenirdecequ’ilyavait debien chez sonpère, nonpaspour lui en tant que fils,maispourlesouvriers,carilneseconsidèreplusquecommeun

ouvrier,ilaperdusonidentitédefils.Ouvrier,gardiendeporcs,ilsecompareauxouvriersdesonpère.Remarquezbienquecethommenefaitpasdesonretouràunevisionjustedeschosesunmérite qui le réhabilite. Il espère juste un mieux qui pourraitatténuersessouffrances.Etbienqu’il seprépareàdirequ’ilapéchécontre le ciel et contre sonpère, il n’espèrede cet aveuaucune réhabilitation,mais simplementun sortmoinsmauvais.Par la seule pitié qu’il espère de son père, il commence àressentiretàcomprendrequesonpèreétaitbon.Ilyalàaussitoute une pédagogie du repentir avec l’idée centrale selonlaquelle,quelsquesoientlestortsquenousavonspucauser,lepremieroffensé,c’esttoujoursDieu.

« Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi, dit le fils. »David,aprèssonadultèreetlemeurtrecommispourlemasquerdiradanslepsaume51(50)verset4:«Lave-moisanscessedemafauteetpurifie-moidemonpéché[…]»,verset6:«Contretoiettoiseul,j’aipéché.»

SeulcesentimentqueDieuestl’offenséprincipalpeutfairecomprendrequ’onnepeutenappelerqu’àsaseulemiséricorde.Alorslevoyagespirituelsepoursuitparunvoyagephysiqueetdéjàtoutestchangé.L’adjectiflointainquiqualifiaitlepaysoùilétaitallépouréchapperàsonpèreetàsonregardauverset13,est toujours là pour indiquer sa situation géographique parrapportaudomicilepaternelauverset20.Mais,commeilestsurle chemin du retour, chemin de la conversion, sa situationlointaineleplacetoutdemêmemaintenantàlaportéeduregardde son père et surtout de sa compassion. Tout s’inverse vitealors, lepèrecourtau-devantdeceluiqui revientetqui s’étaitpourtantéloignétrèsvite.Ilmanifesteundébordementd’amourà ce fugueur égoïste et froid et ne le laisse même pas allerjusqu’au bout de sa confession. Le cœur du père a lu dans le

cœur du fils, tout comme Dieu peut lire dans nos cœursdirectement ou indirectement par l’intermédiaire de son prêtrequipeutinterrompreunaveudontildevinelasuiteetdont,parcharité,ildoitarrêterl’énoncé,parcequecelaferaitsouffrirau-delà du nécessaire celui qui demande pardon. Car il y a fortheureusementdesconfessionsqu’ilfautsavoirarrêtertantellessont sincères et profondes. Les flots que peuvent êtrequelquefois des paroles de repentir ne doivent pas noyer celuiqui les prononce. Le père donne un début d’absolution enstoppant la confession de son jeune fils. De plus, la joie abesoindeplacedansletempsetdansl’espace,carsicommejel’ai dit, le péché sent toujours la mort, le repentir est unerésurrection:«Carmonfilsquevoilàétaitmortetilestrevenuà la vie » dit le père pour expliquer à ses domestiques lepourquoidelafête.Etceux-cinerécriminentpas,ilsserventouplutôtilscontinuentàservirleurmaître.

Maislefilsaînénel’entendpasdecetteoreille.Ôcertesilrevientdeschampsdesonpèreoùilatravaillépourlui,commeil lefaitsansdoutedepuissaprimejeunesse. Iln’apasfugué,lui, ni dilapidé le bien de son père. Il s’est toujours comportécommeun bon fils obéissant.D’où sa colère devant ce qui sepassepourfêterleretourdupolissonqu’ilqualifiededébauché.

Maisdansquelespritcebonfilsa-t-ilservisonpère?Avecamour,désintéressement,seulementpréoccupédesonhonneur?J’en doute, en me fondant sur ses récriminations. Commentpeut-il en effet être si sûr de n’avoir jamais transgressé sesordres et, si tant est que ce soit vrai, pourquoimettre cela enavant?N’est-cepasnormaldelapartd’unfils?

Commentpeut-onaussiimaginerquecepèresiaimantn’aitjamaisriendonnéàsonfilsaîné?Oualors,sic’estexact,lefils

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26edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Am6,1a.4-7Deuxièmelecture:1Ti6,11-16

Évangile:Lc16,19-31

EncoreunegrandeparaboleparticulièreàLuc,lericheetlepauvreLazare.Lelienaveccequiprécèdeestbienévidemmentle thèmede l’argent.Maiscelui-cin’estpascentraldansnotreparabole. Ce qui l’est, c’est la mort et plus précisément l’au-delà.

Aussi est-il nécessaire, avant d’aborder le texte lui-même,d’essayer de faire le point sur ce qui était cru de l’au-delà àl’époque de Jésus et dans les milieux syro-palestiniens ethellénistiques où s’est propagé l’Évangile. Et la nécessité estd’autant plus grande qu’aujourd’hui règne la plus grandeconfusionchezlesfidèlesdel’Églisecatholiquesurcesujet.Ilsemblerait,et j’aibienconsciencedemerépéter,maiscelafaitpartie d’une saine pédagogie, dans l’enseignement courant del’Église, homélies, catéchisme et même services funèbres quel’on ne parle plus beaucoup de la mort ni de l’au delà ! Àl’image de notre monde matérialiste, l’Église réagit parmimétismecommelui.Elleoccultelamortetneveutdoncpasse poser la question de l’après. Ça n’est pas seulementennuyeux,c’estàlalimitesuicidaire,sansjeudemots,carunedesraisonsessentiellesdelaprésencedel’ÉglisedanslemondeestdetémoignerdevantluidelavictoiredelaviesurlamortparlarésurrectionduChrist.Avecl’obligationdefaireréfléchirsur

lavieaudelàdelamort,cartoutn’estpasfiniaprèsletrépas!Ily a un jugement deDieu.Mais cette pensée est, hélas, encoreunehorreurpourlechristianismemoderne.

Imaginons, après tout nous en avons le droit puisque leJésus de Luc imagine lui aussi, oui imaginons un témoin dutempsdeJésusquiauraitentenducettehistoiredumauvaisricheet du pauvre Lazare et qui serait tombé dans une sorte d’étatléthargique, demeurant dans un bloc de glace comme leHibernatus de Louis de Funès. Et qui se réveillerait en pleinXXIesiècleennesesouvenantquedesproposdeJésus,maisnepenserait au christianisme qu’à travers ce qu’enseigne notreépoque.Ehbien,celadonneraitàpeuprèsceci : le richeet lepauvreseraientesclaves,l’undesesrichessesetripailles,l’autrede sa pauvreté et de sesmaladies, lamort leur ayant rendu laliberté, mieux leur ayant donné l’égalité, lesmorts ayant subibien sûr leur trépas, mais différemment. En fin de compte ilsdeviendraientfrères,carilsseverraientenfin,alorsquedeleurvivantilsnesevoyaientpas.Quantàladifférencedetraitementde l’un et de l’autre, n’y voyez qu’un avertissement pourtravailleràplusdejusticesocialeici-bas,dansnotresociété,etnonune incitationà jenesaisquellealiénationsurunau-delàhypothétiqueque le textedeLucnementionnequ’en fonctiondes contingences culturelles de son temps. L’idéal laïcrépublicaindoitvousdétournerdecesrêveries.C’estmaintenantque tout peut changer, par la mort certes, mais celle desinégalités.LesconclusionsdecetteadaptationmodernedutextedeLuc,quiaprèstoutseraitdanslepolitiquementcorrectd’unchristianisme social, peuvent être multiples, chacun peutapprécier.

Jereconnaisavoircommeonditunpeuappuyéletrait,maisjuste appuyé ! La vision que je viens de décrire ne développe

riendecequisepasseaprèslamort,ordansnotretexte,surlestreizeversetsdenotreparabole,dixsontconsacrésà l’au-delà.Defaitcettequestionpréoccupaitdeplusenpluslesjuifs.Nousavonseusouventl’occasiondelerappeleraucoursd’homéliesprécédentes,lavieillereligionjuiveignoraitlavieaprèslamort.Tousallaientaushéol,auséjourdesmorts,lesbonscommelesméchants, réduits à l’état d’ombres promises à une lentedestruction.

LeIIesiècleavantJésus-Christconstituerauntournant.Lesconquêtes des guerres d’Alexandre au IIIe siècle firent serencontrer les cultures juive et grecque. Pour cette dernière,l’immortalitéde l’âmeétaituneréalité.Cen’étaitcertespas larésurrection,maistoutdemêmeunpeumieuxqueleshéoldesjuifs.L’AncienTestament,laBibleàl’époque,futtraduitengreccequi facilitera l’interpénétrationdesdeuxcultures.Enfin, lesguerresmachabéennes,guerresjuivescontreladynastiegrecquesyriennedesSéleucidesquifitmourirdenombreuxjeunesjuifsaunomdeleurfoi,posèrentlaquestiondelajusticedivinedansle cadre de la notion de rétribution (chère au livre duDeutéronome)encoretrèsvivaceàl’époquedeJésus.

C’est vers les années 150 avant Jésus-Christ que seconstitueralepartidespharisiens,cequiveutdirelesséparésdupeuple ignorant : intellectuels juifs qui étaient portés àl’interprétationallégoriquedestextesbibliques,dontbeaucoupconnaissaient les deux cultures grecque et juive. C’est à cemoment-là qu’apparaît l’idée de résurrection des morts, d’unshéol qui n’est plus seulement le camp de regroupement desmorts,mais un lieu où s’opère déjà un tri entre ceuxqui vontattendrelarésurrection,celadansdesconditionsplusoumoinsbonnes. Déjà apparaît alors une ouverture sur une attente

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infidèle321, le maître de maison renvoie son intendant pourl’avoir trompé et volé. Puis, apprenant comment l’économerenvoyél’aencoretrompéetvolépours’assurerquelquesamis,cemêmemaîtrelouel’intendantdecequ’ilaagiavecprudence.Le maître de maison, autrement dit Dieu, serait-il un grandcynique?Non,l’intendantn’estlouéquepourl’intelligenceetl’astuce qu’il déploie pour se tirer d’affaire, et non pour sesmalhonnêtetés. Aussi ne nous est-il proposé en exemple quepour la formede sadémarche,nonpour le fond.Nousdevonsêtre intelligents et astucieux pour les affaires deDieu avec lamêmeforcequelesontlesfilouspourlesaffairesdudiable!Ilenestdemêmeici.Lesserviteursnesontpasplusinutilesdansl’absolu que l’intendant infidèle n’est un exemple moral àsuivre.

Ilsontréellementlabouré,faitpaîtrelestroupeaux,servileMaître à table.Ni la réalité, ni la qualité de leurs services nesontremisencause.Cedontilesticiquestion,cedontilesticiseulement question, c’est de la valeur que le Maître et lesserviteursdoiventaccorderàcetravailaccompli.EtsurcepointJésus est d’une clarté brutale : le Maître ne doit aucunereconnaissance, parceque cequi a été fait était convenu, dansl’ordredeschosesnormalesdonc.Lesserviteurs,pourlamêmeraison, ne doivent en tirer aucun orgueil. Ainsi, quand nousobéissons à la loi divine, quand nous déployons une activitéintense pour le service de Dieu, Dieu ne nous doit aucunereconnaissanceetnousnedevonspasentirerorgueil.

J’enfonce une porte ouverte et je prends beaucoup deprécautions pour expliquer une chose qui va de soi, pensentpeut-êtrecertainsd’entrevousencemoment…Jen’ensuispassûr, quand je songe à certaines attitudes somme toute assezcourantescheznombredechrétienspratiquants;voilàpourquoi

je pense que ce texte doit nous interroger. Il arrive en effetsouventquedeschrétiens trèsactifsdans laviede leurÉglise,j’entendsactifsausenstrèslarge,englobantpratiquereligieuseet engagement dans les activités précises de la vie ecclésiale,éprouvent le sentimentplusoumoinsconfusd’avoir accumuléquelquesgagessurDieu.

À ce propos il faut être reconnaissant aux réformateursprotestants du XVIe siècle qui, en plaçant au centre de leurmessage ladoctrinede la justificationde l’hommepécheurparla foiseule,sans lesœuvresde la loi,enprécisantbienque lafoi était tout entière don de Dieu, ont supprimé del’enseignementchrétienlanotiondeméritecommedroitsacquissur Dieu ! Quand l’homme fait du bien, il le fait sousl’impulsiondel’EspritSaintparlafoi;sesbonnesœuvressontd’abord celles de l’Esprit Saint avant d’être les siennes. Il nesauraitdoncavoirdegagessurDieu.S’ilagitmal, sesœuvressontlefruitdumauvaisusagedesaliberté,ellesnepeuventluivaloirquelecourrouxdeDieu.Onlevoit,leprotestantisme,surcerapport,sembleavoireuunevueplusjuste.Dieun’yestpasravalé au rang d’un distributeur de récompenses pour bonneconduite ; Dieu demeure cette puissance mystérieuse qui faitvivrelemonde,etquienJésus-Christnousaindiquélavoiedesalut. Oui, Jésus-Christ est pour l’éternité celui qui a toutmérité,etquiatellementtoutméritéqu’ilneresteplusaucuneplacepouraucunméritehumain,aucunefacultédeprendredesgagessurleSeigneurtoutcommedansl’Églisecatholique.

Cela dit, même dans les Églises, qu’elles soient de laRéformeoucatholique,existentdesgensquicroientdétenirdesgages surDieuenvertude leur styledevie, et surtoutde leurengagementdansl’Église.

Ilsne ledisentcertespas toujoursclairementetnettement,dumoinstantqu’ilsneconnaissentpasdegrandsmalheurs.Ilsmanifestent simplement un certain contentement d’eux-mêmes,aiguisantleursenscritiqueàl’égarddesautresetenparticulierdespasteursquisont,danscescas-là,desciblestoutestrouvées.C’est la glorification plus ou moins avouée du bénévolatchrétien«gracieux»paroppositionauxobligationsdessalariésquel’Église,qu’elleleveuilleounon,estbiendanslanécessitéd’employer.

Partempscalme,jediraisvolontiersquepareilleattitudeestsimplement puante, spirituellement j’entends. Mais dans latempête, c’est-à-dire dans les malheurs graves et douloureuxauxquels je faisais allusion tout à l’heure, il n’en est plus demême:delanuisanceauseindelacommunautéengendréeparla « puanteur spirituelle », on passe vite au blasphème et l’onmetDieuenaccusation!Etdedirealorsoudepenser:«Non,Dieu n’avait pas le droit de me faire ça, à moi qui l’ai tantservi»;«ça»quipeutalorsrecouvrirdemultipleschoses.Celapeut être la perte de l’emploi, la maladie, des déboiresconjugaux, des problèmes avec des enfants, la mort d’êtreschers, sa propre mort même quand on a le temps de la voirs’approcher. «Dieu n’avait pas le droit deme faire ça ! » Ehbiennon,chersamis,Dieuatouslesdroits,ilnenousdoitrien!C’est la leçon de cette parabole. Nous sommes pourtant sescréatures,dira-t-on!Ouicertes,maisdescréaturesquineviventpasselonlavocationprimordialeassignéeparlecréateuretqui,de ce fait, ont perdu leurs droits et privilèges. Dans laperspectivebiblique, l’hommen’apas été créépour souffrir etpourmourir, et s’il souffre etmeurt tout demême, c’est parcequ’iladésobéietdésobéittoujoursàsoncréateur.Aussi,quandl’hommeobéitàlaloi,quandils’activepourleservicedeDieu,

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craint Dieu et respecte les hommes, contrairement au jugeinique.CethommenousestdoncprésentéparsaintLuccommeparticulièrement affreux, puisque de par sa position de jugeprécisément,ilsedevaitàcetteépoqued’êtreunhommedefoiet de loi. Aussi, si un tel homme cède à la persévérance et àl’obstination,àcombienplus forte raisonDieu–gardiende lafoi et de la loi – écoutera-t-il nos prières et y répondra-t-il !Voilàpourlapartiecentraledumessagequirejoint,vousl’avezcompris,monpréambulesurlafoiprésenteetvécuesurlaterre,qui produit la crainte de Dieu et le respect de l’homme, foiprésenteetvécuequiseulepeutengendrerlaprièrepersévérante.

Mais notre texte dit encore autre chose, ou plutôt suggèreuneautreidéeessentielleàmesyeux,quiestd’ailleurslaraisond’êtredecetteparabole:c’estl’idéequ’ilfautattendreparfoislongtemps l’exaucement,ou toutdumoins la réponsedeDieu,etqu’ilfautespérercontretoutespérance.Noustouchonslàunedesdifficultésdelaprière.L’hommen’estpaspatient;cequ’ildemande, il le veut en général tout de suite, qu’il s’agisse dedemandes adressées aux autres ou de demandes adressées àDieu. Or, Dieu ne répond pas toujours tout de suite, d’abordparcequ’ilestsouverainetnesetrouvepasànotredisposition–c’est l’inverse qui est vrai –, ensuite parce que nul ne peutprétendrequecequ’ildemandeestjusteetbon.Vousavezsansdoute remarqué que notre texte ne parle pas d’exaucement àpropos de la réponse de Dieu, mais de justice. Ce qui estpromis, c’est qu’à la longue,Dieu fera justice à ses élus, nonqu’il exaucera leurs demandes précises. Pourquoi alorss’obstineràprier,pourra-t-ondemander,puisquedetoutesfaçonDieu répondra à ses élus de la manière qu’il voudra et aumomentqu’ilchoisira?

Jeparlais toutà l’heuredel’impatiencedel’homme;nous

voiciarrivésàcetteobjectionà laparessehumaine. Impatienceetparesse,deuxdéfautsquifontobstacleàlaprière,qu’ilnousfaut donc combattre. Ce sont deux exemples bibliques que jevoudrais vousproposer pour cela, deuxhistoires bien connuessurlesquelles,cependant,jepensequ’onneréfléchitpasassez:cellesdesroisDavidetEzéchias.

LeroiDavideut,desesamoursadultèresavecBethsabée,unenfant ; avant cette naissance, afin que samaîtresse ne tombâtpointsouslecoupdelaloipunissantl’adultèredemort,Davidavait pris soin de faire tuer lemari.Bien évidemment, et là jereprendsmot pourmot le texte biblique, « ce queDavid avaitfait déplut à l’Éternel ». Aussi Dieu envoya-t-il Nathan leprophètequi, aumoyend’une célèbreparabole, la «brebisdupauvre»,amenaleroiàsecondamnerlui-même.Lamortdevaitdonclefrapper,aussiDieul’avait-ilannoncéparleprophète:etpourtantDavidserepentit.Ilnemourutpoint,lasentencedivinese tourna vers l’enfant, dont Nathan annonça explicitement lamort et qui tomba effectivement malade dès sa naissance. OrDavid, bien qu’il connût la sentence divine, pria pendant septlongsjourspoursonenfant;septjours–c’estlong,septjours,surtoutquandoncraintpourlavied’unêtrequ’onaime–ilpriaet jeûna dans l’humiliation la plus totale. Et le septième jour,l’enfantmourut.

Beaucoup de croyants ne comprennent pas ce texte, etaccusent tropviteDieud’injustice,voiredecruauté :pourquoil’enfant, pourquoi faire attendre sept jours une réponse aussiterrible?LaBibleneleditpas!Nouspouvonsdoncformulerdeshypothèses.Quereprésentaitcetenfant,unêtreaimédesonpère et de samère, certes,mais aussi le signe indélébile d’uncrime et d’un adultère ?Pendant sept jours,David s’obstine àpriercommelaveuvesuppliaitlejugeinique,pendantseptjours

il tremble pour une vie humaine alors qu’il n’a pas hésité àsacrifieruneautrevieàsonplaisir,pendantseptjours,il traitedurementsoncorpsenleprivantdenourritureetdesoinsalorsqu’iln’apashésitéàprendrelafemmed’unautrepoursatisfaired’autres besoins de cemême corps. Voilà pourquoi, aussi durquecelapuisseparaître,lamortdel’enfantestunevraieréponsedeDieu : lepèreet lamèrecoupables sevoient rendre justicepar la punition avec le temps nécessaire pour avoir prisconscience de leur crime, avec le temps nécessaire au repentirquelamort tropbrutaledel’enfantauraitsansdouteempêché.Voyez-vous,cequ’ilfautbiencomprendre,c’estquelessilencesdeDieu peuvent faire partie de sa pédagogie, pourvu que nosprièresnes’interrompentpas.

La deuxième histoire est plus extraordinaire encore, elleillustre la prière contre toute espérance, et devrait àmon sensconstituer la réponse de l’Église à certaines peurs de notresociété.ElleestrapportéeaulivredesRois325,nousracontantlamaladiedu roi de JudaEzéchias, que la science et la religion,celle-ciparlaboucheduprophèteEsaïe,condamnentàunemortimminente:«AinsiparleleSeigneur,ditleprophète,donnedesordresàtamaison,cartuvasmourir,tunesurvivraspas.»Celaéquivalait, chersamis,à l’annonced’uncancer jusqu’àprésentinguérissable.«Tunesurvivraspas.»Ezéchiasneselaissepasabattre:ilpleure,certes,maissurtoutilprie.Sivousexaminezbien saprière,vouscomprendrezqu’elle estbeaucoupplusunappelàcontinuerleservicedeDieuqu’unesimpledemandedevivrepourvivre.Etvoici,Ezéchiasestexaucé.Dieu,enajoutantquinzeannéesàsesjours,luiaccordeunelonguerémission.Nulnedoitdoncselaisserdésespérerparunverdictdemort,quellequ’ensoitlanature.Dieupeuttoujoursaccorderunerémission,maissoyonsbienpersuadésquesadurée,commesonexistence

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devonsnousgarderde reprendre tropvitecegenredephrases,même de manière atténuée qui consisterait par exemple àdemander l’identité des gens à la sortie de lamesse, pour desadultesde leurproposer telleou telleactivitéparoissiale,pourlesenfants les catéchismes, etc. Il fautbien souvent laisser lesgens sur leur sycomore et ne pas nous hâter de les fairedescendretropvitedansl’arèneparoissiale.

Ilyabiensûrdesmanièresdemontrerqu’onestheureuxdelesvoiretqueleurprésencenelaissepasindifférent.Onpeut,parexemple,demanderàquelqu’unquel’onsentdésemparésionpeutfairequelquechosepourl’aider.

Mais n’allons pas trop vite ! Aujourd’hui la religioncatholique pourrait reprendre à son compte la chanson deGeorge Brassens, La Mauvaise réputation. Nous avons troplaissé dire n’importe quoi sans répondre sur l’Église. Etmaintenant le mal est fait. Mais, fort heureusement, noscontemporainsseméfientbeaucoupplusdesgensd’ÉglisequedeDieu!Car,jeleréaffirme,laquêtedeDieuexistetoujours,sachonssimplementladiscernersansl’arrêterdanssesélans.Etquelquefoisdoncilnefautpasmontrerqu’onvoitceluiquiveutvoir!

Mais tel n’est pas ici le cas de Jésus, ce qui nous interditdonc toute conduite systématique de « discrétion ». C’estpourquoij’aiparléprécédemmentdedisponibilitéauxappelsdel’Esprit Saint. Jésus a pleinement en lui la force qu’il donne,aussipeut-ils’arrêterdevantZachéeetéleverlesyeuxverslui,croiser son regard. Saint Augustin, toujours dans le mêmesermon sur les richesses d’iniquité, partant du principe que lafortune deZachée avait été aussimalhonnêtement acquise quecelledugérantmalhonnête,évoquantnotre texterapporteainsi

cetterencontreavecJésus:«Jésusleregarde:“Zachée,luidit-il,descends,ilfautqu’aujourd’huijelogedanstamaison”.Jetevoiscommesuspendu,maisjenetetienspasensuspens;jenet’ajournepas;tuvoulaismevoirpasser,etaujourd’huimêmetumetrouverasenreposcheztoi336.»

Ce que saint Augustin rajoute aux paroles de Jésus dansnotre évangile est très évocateur de cette puissance de l’EspritSaintqueseulJésuspossèdepleinementetquipeutluifairedire«jenetetienspasensuspens»ou«jenet’ajournepas».Cediscernementdel’espritetducœur,Jésuslepossèdeenplein,etfortheureusementilpeutlecommuniquerl’espaced’unmomentoud’unerencontre.Commeprêtreilm’estarrivéplusd’unefoisdedemanderàquelqu’undedescendredesonsycomore!

Et ils sont variés, les sycomores, ce qui complique leproblème!Biensouventjenel’aipasregretté,maisjemesuisaussitrompéenledisantquandilnelefallaitpasetenomettantde le dire quand il le fallait. Et je pense qu’en dehors desprêtres,chaquechrétienqui,parsonbaptême,porteenluiJésus-ChristetsonEsprit,peutseretrouverdevantdetelschoix.

Touteslesprécautionsprises,ilyauratoujoursdesrisques.Mais il faut les courir, le sacrement de pénitence n’existe paspour rien ! Et puis le résultat en vaut la peine ; faire passerquelqu’un d’une vision de Jésus passagère et simplementcurieuse à sa recherche comme une source de vie est quandmêmeunechoseimportante.EtlàencoresaintAugustinrendàmerveille cela par cette admirable phrase qu’il prête à Jésus :«Tuvoulaismevoirpasseretaujourd’huimêmetumetrouverasenreposcheztoi337.»

Oui, rien moins que cela, avoir Jésus en repos chez soi,bénéficierdeslumièresdesagrâce.Cequineserapasforcément

de tout repos ! «Le bonheur de l’un provoquera l’aigreur desautres. » Luc a habitué ses lecteurs à des récriminationsjalouses, placées au voisinage des scènes de pardon, deréconciliation, de guérison ou de délivrance, tous ceux quiexprimèrent alors leur désapprobation appartenaient à lacatégoriedesprétendusjustes(18,9).Ilssepermettaientdejugeretdecondamnerdoublement :«L’étatdepécheurconfirmédeZachée et l’attitude risquée et insouciante d’un Jésus à leursyeux coupable. Derrière ce croquis se cache l’expérience despremierschrétiens,témoinsdelarésistanced’Israëlaunouveaumessage338.»

Et c’est là que se pose, avec le verset 8, un problèmed’interprétation difficile : la réponse de Zachée, en quelquesorte, aux murmures hostiles et décrivant sa conduite devantJésus.

Letempsdesverbesengrecpermeteneffetdecomprendrededeuxfaçons.SoitqueZachée,sansquepersonnenelesache,donneauxpauvreslamoitiédesesbiensetrendquatrefoisplusencasdetort(droitromainappliquédanslaprovincedeJudéequidépendaitdirectementd’unprocurateur).L’arrivéedeJésuschez lui avec les protestations qu’elle soulève lui fournitl’occasion de le dire. Soit que l’arrivée de Jésus provoque laconversionetledécideaupartageetàlaréparationdesestorts.

Les verbes seraient alors compris au futur immédiat. Lescommentaires anciens penchent vers cette deuxièmeinterprétation.SaintAugustinparexemple,danslesermonquej’ai cité, écrit : « La fortune de Zachée était-elle pure ? […]Lisezetvoyez.C’étaitunchefdespublicainset lespublicainspercevaientdes impôtspublics.C’est làqu’ilss’enrichissaient.Enpressurantetendépouillantungrandnombredemalheureux,

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ses écrits, Luc considère toujours Jérusalem et le temple avecrespect, ce quimontre ici la gravité de cequi est envisagé.Letemple de Jérusalem que les disciples admiraient, et trèsprobablementJésusaussi,est letempleconstruitparHérodeleGrand.Cedernier,sesachantroi illégitimeauxyeuxdes juifs,surtoutdesgens très religieux, avaitmisunpointd’honneur àconstruire un temple grandiose qui dépassât en splendeur lesdeuxtemplesprécédents.

Cela satisfaisait sa mégalomanie, et il suffit pour cela devisiter aujourd’hui la Palestine pour s’en convaincre, et je nepensepasseulementaumurdeslamentationsquilaissedevinerune construction gigantesque occupant tout l’espace desmosquées, mais à bien d’autres lieux : « Il eut le sens de laconstruction,utileoufastueuse.Lesforteressesqu’ilrebâtitouédifiaétaient intelligemmentsituées.Machéronte,parexemple,au-delà de lamerMorte, et l’Héroditumprès deBethléemquidevaitêtresontombeau;Samarie,relevéeparluisouslenomdeSébaste,montreencoreaujourd’huides ruines importantes ; leport deCésarée avait été fait par lui plus grand queLe Pirée.Quant à Jérusalem, sous sa domination, elle reçut une vêturetoute nouvelle (théâtre, amphithéâtre, hippodrome). Un palaisforteresse auquel, du temps d’Antoine, il avait donné le nomd’Antonia,dominalavillesaintedesestroisgrandestoursetdesesruissellementsdemarbre.Etsurtout–témoignageultimedegrandeur–ilsemitàrebâtirleTemple.

Dixmille ouvriers y travaillaient et, enmoins de dix ans,toutfutachevé.LesanctuaireétaitaussisemblablequepossibleàceluideSalomon,maislesbâtimentsextérieursdépassaientdebeaucouplessiens,avecunesurfacedouble351.»

Mais être à l’origine de ce magnifique édifice cultuel

rendait, de plus, Hérode semblable, dans la pratique, au roiSalomon, premier roi à succéder à son père, premierconstructeur du premier temple. Un parfum de légitimité, enquelquesorte,pourl’usurpateurHérode,quienoutre,ménageratoujourslesgrandsprêtresetleurparti,àl’instardel’empereurde Rome son maître. D’ailleurs, parmi les auteurs anciens,FlaviusJosèphe,célèbrehistorienjuifquiassista,danslecampromain,àlachutedeJérusalemen70etàl’incendiedutemple,témoignadelabeautédeslieux352.

QueJésusaitannoncéladestructiondulieu,celan’estpasdouteux (parce que attesté de très nombreuses fois dans leNouveauTestament),maisc’estaussitrèslourddesignification.Cequi fait la valeur religieusedu temple à l’époquede Jésus,c’estqu’ilconstituelelieuuniqueoùlesacrificed’animauxestpossible,etlàoùlesangestrépandu,lamiséricordedeDieusemanifeste. Dieu y est présent, ce qui entraîne la nécessaire etparticulièrebeautédusanctuaire.

Ce pourquoi,même si Jésus et ses disciples n’abordent laquestion du temple que sous l’aspect esthétique, le sensreligieux n’en est pas pour autant totalement absent. Je pensequ’il n’est pas cité explicitement, d’abord parce que d’unecertaine façon il va de soi, mais aussi et surtout parce que leprincipedelarédemptionparlesangn’estpasliéd’unemanièreindéfectibleautemple,c’estdumoins,jepense,cequeLucveutmontrer.Jésus,enmourantsurlacroix,varépandresonsangendehorsdutempleetaumomentmêmeoùilmeurt(Lc23,45)levoile du sanctuaire (du temple) se déchire par le milieu,autrementditiln’yaplusdeséparationentreleSaintdessaints(lieuoùsetrouvaitjadisl’arched’alliance)etlelieusaint.Ainsien cet endroit il n’y a plus de distinction entre le sacré et leprofane,manièrepositivededirequ’iln’yaplusdetemple!

Jésus a accompli le sacrifice sanglant unique et parfait endehors du temple. Il s’est manifesté à la foi comme victime,grand prêtre et temple. Saint Jean, tout comme l’auteur del’épitreauxHébreux,approfondirontcesidées.

L’annonce de la destruction du temple est finalement laproclamationdelafinprochainedumodedetransmissiondelamiséricordedivinepourlepardondespéchés.Lesmurs,commeleur beauté architecturale, n’auront plus aucune fonctionreligieuseàpartirdelamortdeJésus.Leurdestructions’inscritdonc dans une pédagogie de Dieu destinée à montrer auxhommes la seulemédiation de salut possible : Jésus-Christ etl’Églisequilerendprésentetagissant.

Et si l’on se reporte à l’histoire, on voit que les judéo-chrétiensdePalestineallaientrégulièrementautempleoffrirdessacrifices et qu’ils tenaient à garder et à conserver les us etcoutumesdelareligionjuive,tellelacirconcisionetlesloisdupuretdel’impurquantàlanourriture.D’oùlesennuisdesaintPaul dans son entreprisemissionnaire vis-à-vis des païens, luiqui préconisait l’abandon total des coutumes juives, l’incidentd’AntiocheetledifférendavecJacques,quenousavonsévoquédans de précédentes homélies. Seule la destruction totale dutemple en 70mettra fin à ces ambiguïtés, réduisant à l’état desecte hérétique les tenants d’un conservatisme de rites juifs àl’intérieurd’un«christianisme»rejetétantparl’Églisequeparlasynagogue.

Ainsi ladestructiondutempled’Hérodeserévèleracommeétantlafind’unmondeetnonlafindumonde.Luclesaitbien,ilécritaprès70,et Jésusditbiendanssondiscours :« Il fautquecelaarrived’abord,maisceneserapasaussitôtlafin»(Finduv9). «Cene serapas encore la fin» avait écrit saintMarc

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Celano (1190/1200-1250/1260), qu’on ne chantemalheureusement plus aux services funèbres, faisait fortjustementmentiondel’histoiredubonlarron:«VousquiavezabsousMarie,quiavezexaucélebonlarron,vousm’avezdonnéàmoiaussil’espérance.»Cepassage,etiln’estpasleseuldanscette séquence, exalte l’espérance chrétienne avec ces deuxpardons accordés à des gens peu recommandables, MarieMadeleinelaprostituéeetlemalfaiteurcrucifié.LeroiJésuslesavait graciés et le chrétien chante cette grâce pour qu’elle soitaccordéeaudéfuntqu’ilpleureainsiqu’àlui-même.Ainsiétaitmanifesté le pouvoir de la royauté du Christ. Il était si grandqu’ilpouvaitabsoudreuneprostituéeetunmalfaiteurcondamnéàlapeinedemort.

On voit donc que la royauté du Christ s’exerce dès cetteTerre,l’annoncedupardonestlibératricedèsici-basetprocurelebonheur.

On parle beaucoup de «mort dans la dignité » depuis uncertaintempsetjepensequecen’estpasfini.Etcommetoutaulongde sa vie, l’homme a à lutter contre lamort et ses forcesnégatives, c’est donc tout le temps qu’il a eu besoin de l’eauvivedupardondeDieuetde la forcequedonne la charitéduChrist.

LepapePieXIquiinstauraen1925cettefêteduChristRoiavait beaucoup insisté sur lesbienfaits de cette royautédès cemonde. J’en ai maintes fois parlé et écrit361, en citant despassagesdecetteencycliqueQuasPrimas.J’enreprendraideuxextraits aujourd’hui, tant ils me paraissent être redevenus trèsactuels,nonsansavoir rappeléquedans l’Églisecatholique, iln’estaupouvoirdepersonnedesupprimerl’enseignementd’uneencyclique pontificale ou d’un concile œcuménique. « Nous

proclamionsouvertementdeuxchoses[lepaperappelaitcequ’ildisaitdanssapremièreencycliqueUbiArcanoen1922]:l’unequecedébordementdemauxsurl’universprovenaitdecequelaplupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi trèssaintedeshabitudesde leurvie individuelle,aussibienquedeleurviefamilialeetdeleurviepublique;l’autrequejamaisnepourrait luire une ferme espérance de paix durable entre lespeuples tant que les individus et les nations refuseraient dereconnaître et de proclamer la souveraineté de notreSauveur362.»

Il est donc impossible, pour un catholique, d’accepter devoirsareligionconfinéeauxseulsdomainesdelaconscienceetdelavieprivée.Etcelavabiensûrcontrelediscours,désormaisconvenu,delalaïcitéàlafrançaisequePieXIavaitclairementdésapprouvée dès 1925 : « La peste de notre époque, c’est lelaïcisme,ainsiqu’onl’appelle,avecseserreursetsesentreprisescriminelles […] ce fléau n’est pas apparu brusquement[…]363.»Etlàilfautêtreclair.LadistinctiondespouvoirslaïcsetreligieuxestunbienprécieuxquinousvientdelaBible.Car,contrairement aux rois orientaux, leurs contemporains quiprétendaientl’être,lesroisd’Israëln’étaientpasDieu.EtJésus,qui étaitDieu, n’a jamais voulu être roi sur laTerre.Exerçantjusqu’auboutsonpouvoirroyalspécifique,jugesurletrônedela croix, il ne sauve pas le bon larron de la crucifixion, il nesupprimepaslasentencedePoncePilate.Cequin’empêchepasla providence divine, par la voix du bon larron, de mettre enlumière l’erreur judiciaire concernant Jésus.Dieu a en effet lepouvoir de critiquer la justice des hommes et leur politique,voire aussi leur morale quand elle bafoue ouvertement la loinaturelle. Et l’erreur judiciaire, comme des lois immorales etcontre nature, par exemple les lois racistes de Nuremberg,

doivent être dénoncées et beaucoup de chrétiens ont eu lecourage de le faire à l’époque, en particulier les évêquescatholiquesallemands,on l’oublie trop souvent.Aunomde lastrictelaïcitétellequecertainsladéfendentdansnotrepays,ehbien il aurait fallu que les Églises se taisent devant les loisnazies, aucontrairedenotrebon larron.D’ailleursnousavonsvuque,pourundesévangilesapocryphes,ilestpunipouravoirparlé.Cesbourreaux-làdevaientêtresansdoutelesancêtresdeslaïcsantireligieuxd’aujourd’hui.

Celadit,PieXIaraisondeparlerdelaïcisme,carlalaïcitéàla française a toujours été laïciste, c’est à dire a prônél’écrasement du religieux par le pouvoir laïc politiqueanticatholique, de laRévolution française, avec la constitutioncivileduclergé,etcelade1789jusqu’à1905.LaGrandeGuerrea, certes, calmé les choses pour un temps et on a reparlé delaïcité, pour reprendre ensuite toujours cemêmemot quelquesannéesplustardpourservirenfaitdecouvertureaulaïcisme,ledissimulerautantqu’ilsepouvait.

Ils’avèrequelalaïcitéestaulaïcismecequeledéismeestàl’athéisme : un masque ! Il est temps qu’il tombe et qu’il sedéchire comme le voile du temple à la mort de Jésus, s’estdéchiréendeux.

356.FrançoisBOVON,L’ÉvangileselonsaintLuc,TomeIIIc,p.367.Voirsurtoutsonexplicationdumotgrec«lestes»employépar Matthieu et Marc, qui se retrouve aussi en Mt 26,55 oùJésusfaitremarquernonsansironiequ’onl’aarrêtécommeunhors-la-loiavecunetroupearmée.357.FrançoisBOVON,op.cit.,p.355.

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note le résumé que fait notre auteur de la pensée de maîtreEckhart:«MaîtreEckhartaprêchélonguementsurnotretexte.La partie la plus intéressante pour notre propos : le contrasteentrelamère,quiattendunenfantdechairetdesang,etDieulePère,quitransmetsavieauFils.Marieestplusheureuseentantque croyante qu’en tant que mère. Ce qui compte, pour ellecommepournous,c’est l’écoutedelaParoledeDieu.Eckhartnotequec’estJésus,etnonleprédicateur,quifixecetteprioritésévère pour la mère du Christ. Il médite alors de façonspéculative sur ce Dieu qui parle et qui fait vivre. Ce quel’oreille attentive entend, c’est que leChrist est né duPère etreste en parfaite identité avec lui, même lorsqu’il assume lanaturehumaine.VraiDieuetvraihomme,ChristestlaParoleàententre et à préserver. C’est l’âme qui garde cette parole etmaintient ensemble le Père, le croyant et toutes choses. Leprédicateur énumèreaussi, à la suitedeGrégoire leGrand, lesquatre qualités nécessaires à la bonne audition de la Parole :mourir à soi-même ; renoncer au monde ; s’élever tout entierjusqu’àDieuetpratiquerlarègled’or.»

Toussaint

Premièrelecture:Ap7,2-4.9-14Deuxièmelecture:1Jn3,1-3

Évangile:Mt5,1-12

C’est en pensant à nos frères chrétiens persécutés, toutparticulièrement à ceux du Proche-Orient, que je voudraislimitermaréflexionauxtroisdernièresbéatitudes.Certestoutessont liées, mais les trois dernières, à mon avis, plusparticulièrement. Déjà en ce qui concerne les deux dernières,certains commentateurs émettent l’hypothèse qu’elles n’enformeraientpeut-êtrequ’uneseule376etqu’ellesrésumeraientlesortquipeutattendretousceuxquisontdéclarésbienheureux;c’estencesensquejedisaistouteslesbéatitudesliées.

D’ailleurs Jésus, le bienheureux par excellence parce qu’ilest le seul homme à avoir vécu intégralement toutes lesbéatitudes,aétéinsultéetpersécuté,onaditfaussementdumaldelui,pourreprendrel’expressiondenotretexte,jepenseàsonprocès où on l’a accusé d’avoir voulu détruire le temple deJérusalemetdesouleverlepeuplecontreRome,etceàcausedesafidélitéauPère.Etfinalementilaétécrucifié.Cen’estdoncquejusticedel’appelerroidesmartyrs.

D’ailleursàproposdecetitrederoidesmartyrs,jevoudraisrappelerquelepapePieXI,quandil instauralafêteduChristRoi,enfixaladatedecélébrationledernierdimancheavantlafête de laToussaint. Il s’agissait demontrer que la royautéduChristcommençaitsurlaTerre.C’esteneffetencemondeque

Jésusaprononcélesbéatitudesetlesavécues.C’estsurlaTerrequ’il a guéri les malades et ressuscité desmorts. C’est sur laTerre qu’il a institué des sacrements, agents actifs del’établissementdurègnedeDieu.Alorspourquoi laToussaint,sinonpourbienmontrerque lessaints,ceuxque l’Égliseavaitcommeon dit « élevé sur les autels », avaient d’abord été destémoins sur laTerre (“martyr” engrec signifie “témoin”) de lasaintetéduChrist,tantparleursparolesqueparleursactes.Ilsavaient,ensuivantleChristetenportantsacroixbiensouventpoureuxaussitrèslourde,perpétuél’incarnationdudivindansl’humain. Dignes sujets du roi Jésus-Christ, ils étaient fêtésaprèslui.Pourcegrandpape,lechristianismedevaitinfluencerla société tout entière. Lisons le paragraphe seize del’encycliqueQuasPrimasquiinstauraitlafêteduChristRoien1925 : « Ô qui dira le bonheur de l’humanité si tous lesindividus,familles,États,selaissaientgouvernerparleChrist!Alors enfin–pour reprendre lesparolesdenotreprédécesseurLéon XIII adressées il y a vingt-cinq ans aux évêques del’univers – il serait possible de guérir tant de blessures ; toutdroitretrouveraitavecsavigueurnative,sonancienneautorité;la paix réapparaîtrait avec tous ses bienfaits ; les glaivestomberaientetlesarmesglisseraientdesmains;lejouroùtousleshommesaccepteraientdeboncœurlasouverainetéduChrist,obéiraient à ses commandements, et toutes languesconfesseraientqueleSeigneurJésus-ChristestdanslagloiredeDieulePère377.»

Il n’est pas étonnant non plus que le saint Père ait alorsparlédulaïcismecommedela«pestedenotreépoque378».Etquand on le lit bien, on voit qu’ilmet en cause notre stupidelaïcitéfrançaise,peaudechagrindel’Église,machineàrétrécirlasainteté,masquedesfanatiquesantireligieuxquiveulenttuer

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veulentenentendredavantage.

PlûtàDieuqu’ensortantdenosofficesoùl’onaparlédelamort, ceux qui ont vécu la liturgie et entendu l’homélie endésirentencoreetencoreet souhaitentsortirde leurs ténèbres,nous demandent de continuer la route avec eux comme lesdiscipleslefontvis-à-visdeJésus.

Etilestreconnuàlafractiondupain.Etceverset30,danssaformulation,estquasimentlarépétitionduverset22desaintLuc, verset 19a, l’institution de l’eucharistie386. C’estl’eucharistie qui fait prendre conscience de la réalité de larésurrection et ce qui est curieux, en ce qui concerne lescommentaires, c’est qu’il a fallu attendre saintAugustin et unsermon de l’an 400 pour que les choses soient comprisesainsi387. Là aussi, comme pour les disciples d’Emmaüs, lesesprits ont été, dans ce domaine, privés d’intelligence et lescœurs lents à croire. Faut-il en dire plus pourmontrer à quelpointilestimportantdecélébrerlamesseàunservicefunèbre,quitteaussi,selonletyped’assemblée,d’expliquersafonction?Et comment son action purificatrice atteint différemment lesvivantsetlesmorts,maisencorefaut-ilcroireàcetyped’actiondepurification au-delà de la participation effectivedes vivantsauxsacrements.Commeilfautêtresûrdel’efficacitédesprièresde l’Église pour les défunts. Et je reviens là maintenant ausermon de saintAugustin évoqué au début de cette homélie àpropos des œuvres de miséricorde en faveur des défunts.Écoutonscequeditl’évêqued’Hippone:«Parconséquentlespompesfunèbres,lesconvoisimmenses,lesdépensesfaitespourlasépulture,laconstructiondemonumentssplendidessontpourles vivants une consolation telle quelle ; ils ne servent de rienauxmorts.Mais les prières de la sainteÉglise, le sacrifice de

notre salut et les aumônes distribuées dans l’intérêt de leursâmesobtiennentpoureuxsansaucundoutequeleSeigneurlestraite avec plus de clémence que n’en ontmérité leurs péchés.Eneffet, la traditiondenospères et lapratiqueuniverselledel’Église veulent qu’en rappelant aumoment prescrit, durant lesacrificemême, le souvenir des fidèles qui sontmorts dans lacommunion du corps et du sang de Jésus-Christ, on prie poureux et on proclame que pour eux on sacrifie. Or, si pour lesrecommanderàDieuonfaitdesœuvresdecharité,quipourraitdouterqu’ilsn’enprofitent,quandilest impossiblequ’onprieen vain pour eux ? Il est incontestable que tout cela sert auxmorts ; mais aux morts qui ont mérité avant leur trépas depouvoirentireravantageaprès388.»

Et saintAugustin place en avant le rituel de l’Église, toutsonrituel,avantlamort,aumomentdelamortetaprèslamort,toutenprécisantqu’iln’agitàsalutqu’enfonctiondelagrâcedivine accordée ou non au défunt, placé en quelque sorte aubénéfice du jugement de charité et de l’Église, qui, elle, doittoujoursespérerencesalut.

Touteunerééducationestdoncàfaireenmatièredeservicefunèbre, tant auprès des organisateurs paroissiaux, prêtres etlaïcs, quedes famillesdans ledeuil.Le frontde lamort, si jepuis m’exprimer ainsi, est de tous le plus important pour lanouvelleévangélisation.N’ymenonspasuneguerredetranchée,maisuncombatdemouvementsetd’assautspréparéparunbontravaild’artilleriedoctrinalequidétruiraleserreursfunestesquirendentlescœurspluslentsàcroirequedutempsdesdisciplesd’Emmaüs.

382.SaintAUGUSTIN,op.cit.,p.1396.

383.VoirmonhoméliesurlafêteduChristRoi,p.384.FrançoisBOVON,op.cit.,p.443.L’auteurrenvoieàAc20,11,j’ajoutequeceverbeemployéàproposdesaintPaulestlié,«commeparhasard»,àunerésurrection.385.Jeconseilledelirecetexteensonentier,parexempledansle Missel quotidien édité aux éditions sainte Madeleine duBarrouxen2010,p.1584à1586.386. François BOVON, op. cit., p. 446, 447, explication duverset30.387.FrançoisBOVON,op.cit.,histoiredelaréception,p.448et449.388.SaintAUGUSTIN,op.cit.,p.1397.

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24edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Ex32,7-11.13-14Deuxièmelecture:1Ti1,12-17Évangile:Lc15,1-32

25edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Am8,4-7Deuxièmelecture:1Ti2,1-8Évangile:Lc16,1-13

26edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Am6,1a.4-7Deuxièmelecture:1Ti6,11-16Évangile:Lc16,19-31AnnexeTiréeducommentairedeFrançoisBovon:L’ÉvangileselonsaintLuc,TomeIIIc,édLaboretFides,p.104et105

27edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Ha1,2-3;2,2-4Deuxièmelecture:2Ti1,6-8.13-14Évangile:Lc17,5-10

28edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:2R5,14-17Deuxièmelecture:2Ti28-13Évangile:Lc17,11-19

29edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Ex17,8-13Deuxièmelecture:2Ti3,14-4,2Évangile:Lc18,1-8

30edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Si15b-17.20-22aDeuxièmelecture:2Ti4,6-8.16-18Évangile:Lc18,9-14

31edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Sg11,22-12,2Deuxièmelecture:2Th1,11-2,2Évangile:Lc19,1-10

32edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:2M7,1-2.9-14Deuxièmelecture:2Th2,16.3,5Évangile:Lc20,27-38

33edimanchedutempsordinaire

Premièrelecture:Ma3,19-20aDeuxièmelecture:2Th3,7-12Évangile:Lc21,5-19

34edimanchedutempsordinaire

LeChristRoidel’UniversPremièrelecture:1S5,1-3Deuxièmelecture:Col1,12-20

Évangile:Lc23,25-43

Solennitédel’Assomption

Premièrelecture:1Ch15,3-4.15-16;16,1-2Deuxièmelecture:1Co15,54b-57Évangile:Lc11,27-28

Toussaint

Premièrelecture:Ap7,2-4.9-14Deuxièmelecture:1Jn3,1-3Évangile:Mt5,1-12

MémoiredesDéfunts

Évangile:Lc24,13-35

Fêtedel’ImmaculéeConception

VictoirequeremportelevénérableJeanDunsScotdansl’universitédeParisdébut1305,enfaveurdel’ImmaculéeConceptiondelaTrèsSainteViergeMarie

Épilogue

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