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Adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l'EIRL (Ord. n° 2010-1512, 9 déc. 2010)

L'ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010 porte adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l'EIRL. - Elle prévoit qu'en cas de difficulté, la procédure qui vise un patrimoine affecté à une activité professionnelle n'atteint que ce seul patrimoine. - L'ordonnance lui ouvre l'accès aux procédures de traitement des situations de surendettement au titre de son patrimoine non affecté, si cette situation résulte exclusivement de dettes non professionnelles.

Sommaire

La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), dont l'entrée en vigueur (au 1er janv. 2011) était subordonnée à la publication d'une ordonnance, a institué la possibilité, pour un entrepreneur individuel, d'affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale (V. E. Dinh, L'EIRL, un hybride en droit français : JCP E 2010, 1979).

Il sera loisible à l'entrepreneur qui aura constitué un patrimoine affecté à une activité professionnelle d'exercer parallèlement une autre activité professionnelle, sans affecter à celle-ci un patrimoine. Il répondra alors de cette activité sur son patrimoine non affecté.

Cet entrepreneur pourra, à compter du 1er janvier 2013, constituer plusieurs patrimoines affectés répondant chacun d'une activité professionnelle distincte.

L'EIRL sera susceptible de rencontrer des difficultés dans l'exercice de l'une ou l'autre de ces activités professionnelles. En outre, dans l'hypothèse où son patrimoine non affecté n'abritera aucune activité professionnelle, il pourra se trouver en situation de surendettement.

Les dispositifs prévus par le livre VI du Code de commerce, relatif aux difficultés des entreprises, sont accessibles à l'EIRL dans leur configuration actuelle, dans la mesure où ils sont applicables à toute personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou indépendante. Toutefois, leur mise en oeuvre soulèverait d'importantes difficultés résultant de ce qu'ils ont été conçus pour s'appliquer à une personne titulaire d'un unique patrimoine.

Les procédures de traitement des situations de surendettement prévues par les dispositions du titre III du livre III du Code de la consommation ne s'inscrivent pas davantage dans une logique de pluralité de patrimoines. En outre, elles ne sont pas ouvertes aux personnes qui, comme l'EIRL, relèvent des dispositions du livre VI du Code de commerce.

En application du I de l'article 8 de la loi n° 2010-658, l'ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010 adapte au patrimoine affecté de l'EIRL les dispositions du livre VI du Code de commerce relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises et procède à une harmonisation en matière de surendettement et de procédures civiles d'exécution. Le rapport au Président de la République présente ces modifications.

1. Modification du Code de commerce

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Le chapitre Ier de l'ordonnance adapte chacune des dispositions du livre VI du Code de commerce ; il a été choisi de créer un titre VIII nouveau consacré à l'EIRL qui regroupe, d'une part, les principes d'interprétation des dispositions du livre VI applicables lorsque le débiteur est titulaire de plusieurs patrimoines et, d'autre part, des règles nouvelles communes à tout ou partie des procédures et spécifiquement applicables à un tel débiteur.

Les articles 2 à 7 procèdent à des adaptations ponctuelles des dispositions des titres actuels du livre VI ; l'article 8 ajoute au livre VI un titre VIII intitulé « Dispositions particulières à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée » qui comporte sept articles nouveaux (C. com., art. L. 680-1 à L. 680-7).

o Règles générales. - Les articles L. 680-1 à L. 680-4 créent une grille de lecture des titres Ier à VI applicable à tous les dispositifs prévus par le livre VI, avec pour objectif de préciser la portée de ces dispositifs en cas d'application à un entrepreneur titulaire de plusieurs patrimoines. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'activité en difficulté peut être celle ou l'une de celles à laquelle un patrimoine est affecté mais aussi, s'il en existe une, celle exercée sans qu'un patrimoine lui soit affecté, d'où la nécessité d'une double délimitation : sauf exceptions, la procédure qui vise un patrimoine affecté ne doit pas atteindre les autres patrimoines de l'EIRL et, réciproquement, celle applicable au titre d'une activité exercée sans affectation de patrimoine ne doit pas avoir d'incidence sur le ou les patrimoines affectés.

L'article L. 680-1 pose le principe d'une application distributive des dispositifs prévus par le livre VI, patrimoine par patrimoine. Il en résulte, notamment, que l'EIRL peut potentiellement bénéficier d'autant de procédures qu'il a de patrimoines abritant une activité professionnelle entrant dans le champ d'application du livre VI.

L'article L. 680-2 cantonne les effets des dispositions du livre VI qui intéressent la situation économique, les biens, les droits ou les obligations du débiteur EIRL aux seuls éléments du patrimoine qui se rattache à l'activité en difficulté. Ce patrimoine est, selon l'activité en cause, soit celui ou l'un de ceux qui est affecté, soit celui qui ne l'est pas. Les droits ou obligations concernés peuvent être d'origine contractuelle ou prévus par la loi.

Il doit en être déduit, notamment, que les conditions d'ouverture des procédures tenant à la situation économique du débiteur, telles que la cessation des paiements, doivent être appréciées en tenant compte des seuls éléments d'actif et de passif compris dans le patrimoine visé par la procédure. Il s'en infère encore, par exemple, que les restrictions imposées au débiteur en matière d'administration et de disposition de ses biens ne sont applicables qu'à la condition que ces biens soient compris dans le patrimoine visé par la procédure.

L'article L. 680-3 pose une règle d'interprétation similaire à celle de l'article L. 680-2 en ce qui concerne les créanciers. Une telle règle est nécessaire afin de couvrir les droits ou obligations des créanciers qui ne trouvent pas leur corollaire dans les droits ou obligations du débiteur. Il en est ainsi, par exemple, de l'obligation faite aux créanciers de déclarer leurs créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.

La situation des créanciers auxquels la déclaration d'affectation est inopposable ne fait l'objet d'aucune disposition spécifique. Ceux-ci ont en effet les mêmes droits à faire valoir sur le patrimoine visé par la procédure et sont soumis, dans le cadre de celle-ci, aux mêmes obligations que les autres créanciers ayant un droit de gage général sur ce patrimoine. Pour autant, ils sont concernés au premier chef par le principe d'interprétation énoncé à l'article L. 680-3 qui tend à circonscrire au patrimoine visé par la procédure la portée des règles prévues par le livre VI. Par exemple, il découle de ce principe que l'arrêt des poursuites individuelles et des procédures d'exécution imposé par l'article L. 622-21 ou encore l'interdiction du paiement des créances nées avant l'ouverture de la procédure collective prévue à l'article L. 622-7 ne font pas obstacle à ce que ces créanciers obtiennent un paiement, le cas échéant par la voie d'une exécution forcée, sur l'actif d'un patrimoine non visé par la procédure. Il en découle encore, entre autres, que la

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déchéance du terme intervenue en application de l'article L. 643-1 ne vaut que pour les besoins de la liquidation judiciaire et non pour obtenir le paiement de la totalité d'une créance sur l'actif d'un patrimoine non visé par cette procédure.

Dans le prolongement des principes d'interprétation énoncés aux articles L. 680-1 à L. 680-3 et avec pour objectif de faciliter la lecture des dispositions du livre VI, l'article L. 680-4 précise le sens à donner aux termes « débiteur », « entreprise », « contrat » et « cocontractant » employés dans ce livre lorsqu'ils concernent un entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Les articles L. 680-5 à L. 680-7 énoncent des règles propres à l'EIRL qui se justifient par le caractère spécifique du statut de cet entrepreneur.

L'article L. 680-5 prévoit que les éléments provenant d'un patrimoine dont l'affectation a cessé de produire ses effets en application de l'article L. 526-15 du Code de commerce et qui sont soumis à la règle du gel des gages énoncée au même article sont exclus du périmètre de la procédure collective qui pourrait être ouverte à raison de l'activité professionnelle abritée par le patrimoine non affecté, s'il en existe une. En effet, l'application de la règle du gel des gages soulèverait d'importantes difficultés du fait de son incompatibilité avec certaines dispositions régissant les procédures collectives.

L'article L. 680-6 interdit, tant qu'une procédure collective est en cours et, le cas échéant jusqu'à la fin du plan de sauvegarde ou de redressement, d'appauvrir le patrimoine visé par la procédure par le biais de l'affectation ou de la modification de l'affectation d'un bien qui y est compris. Il en découle a fortiori, pendant la même période, une interdiction de créer un patrimoine affecté constitué d'éléments compris dans le patrimoine visé par la procédure.

L'article L. 680-7 donne compétence au tribunal saisi de la procédure collective pour statuer sur toute contestation relative à l'affectation du patrimoine de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui pourrait s'élever dans le cadre de cette procédure. Ce pouvoir revient toutefois au juge-commissaire lorsque ce dernier est conduit à statuer sur l'action aux fins de reprise instituée par le 7° de l'article 3 de l'ordonnance.

o Règles spécifiques. - Les articles 2 à 7 modifient, au sein des titres actuels du livre VI, les dispositions qui appelaient une adaptation spécifique.

Prévention des difficultés. - L'article 2 adapte les dispositions en matière de prévention des difficultés des entreprises.

Le 1° ouvre l'accès aux groupements de prévention agréés à tous les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, y compris, contrairement au régime applicable aux autres personnes physiques, à ceux qui ne sont pas immatriculés au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

Le 2° étend à l'EIRL qui exerce une activité artisanale ou commerciale à laquelle un patrimoine est affecté, en les adaptant, les dispositions du II de l'article L. 611-2 qui permettent au président du tribunal de commerce d'enjoindre sous astreinte aux dirigeants d'une société commerciale de procéder au dépôt des comptes annuels et, à défaut d'exécution dans les délais fixés, d'obtenir communication de renseignements d'ordre économique et financier habituellement couverts par le secret professionnel. Une telle extension n'avait pas lieu d'être s'agissant du I du même article, également relatif à la détection des difficultés des entreprises. En effet, les dispositions de ce paragraphe sont déjà applicables aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, puisqu'elles le sont à tous les entrepreneurs individuels.

Le 3° procède à des adaptations d'ordre terminologique ayant pour objet de clarifier des dispositions devenues ambiguës du fait de la création du statut de l'EIRL (L. 611-4).

Le 4° limite la levée de l'interdiction d'émettre des chèques emportée par l'homologation d'un accord de conciliation (L. 611-10-2) aux seuls comptes de l'EIRL afférents au patrimoine visé par la conciliation (V. aussi infra 3.). Cette mesure de faveur ne bénéficie ainsi qu'à l'activité et au patrimoine assainis par cette procédure. Une limitation identique est instituée par le 8° de l'article 3 et le 9° de l'article 5 en ce qui

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concerne la levée ou la suspension automatique de l'interdiction d'émettre des chèques résultant de l'arrêté d'un plan de sauvegarde ou de redressement (L. 626-13 et L. 631-19) ou de la clôture de la liquidation judiciaire (L. 643-12).

Le 5° modifie l'article L. 611-13, qui énonce les incompatibilités applicables au mandataire ad hoc et au conciliateur, au nombre desquelles le fait, pour celui-ci, d'avoir perçu une rémunération ou un paiement de la part du débiteur. Il précise que, dans l'hypothèse où le débiteur est un EIRL, cette incompatibilité s'apprécie en considération de tous les patrimoines dont ce dernier est titulaire. En effet, la neutralité du mandataire ad hoc ou du conciliateur dépend des relations de celui-ci avec la personne de l'entrepreneur, peu important le patrimoine ayant supporté le paiement ou la rémunération.

Sauvegarde. - L'article 3 adapte les dispositions du titre II relatif à la procédure de sauvegarde.

Les 1° des articles 3, 4 et 5 dérogent à l'interdiction d'ouvrir une procédure collective à l'égard d'une personne déjà soumise à une telle procédure ou, le cas échéant, aux opérations du plan qui en résultent, afin de permettre à l'EIRL de bénéficier d'autant de procédures collectives qu'il a de patrimoines abritant une activité professionnelle (L. 620-2, L. 631-2, L. 640-2). En effet, s'il n'est pas concevable qu'une personne titulaire d'un seul patrimoine puisse faire l'objet de plusieurs procédures collectives, alors que ces procédures s'appliquent à l'entier patrimoine, il n'en va pas de même en cas de pluralité de patrimoines.

Le 2° écarte l'obligation de présence du ministère public à l'audience au cours de laquelle est examinée l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard d'un débiteur soumis à un mandat ad hoc ou à une conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, lorsque ces procédures, collective d'une part, amiable d'autre part, concernent des patrimoines distincts de l'EIRL (L. 621-1). Cette dérogation est également applicable en redressement judiciaire et en liquidation judiciaire, sur renvoi des articles L. 631-7 et L. 641-1.

En effet, les interrogations que peut susciter la succession, dans un délai rapproché, de deux procédures, amiable puis collective, afférentes à la même activité professionnelle ne se posent pas lorsque ces procédures concernent des activités différentes auxquelles se rattachent des patrimoines distincts.

Le 3°, qui complète l'article L. 621-2, applicable en sauvegarde et, sur renvoi des articles L. 631-7 et L. 641-1, en redressement judiciaire et en liquidation judiciaire, a pour objet de transposer à l'EIRL, en l'adaptant, le dispositif qui permet d'étendre la procédure collective ouverte à l'égard d'une personne à une autre personne pour confusion de leurs patrimoines. Le patrimoine de l'EIRL visé par la procédure collective pourra ainsi être réuni à un autre patrimoine de cet entrepreneur, en cas de confusion.

Sont en outre prévus, avec pour objectif d'organiser leur mise en oeuvre au cours d'une procédure collective, deux cas de réunion des patrimoines reprenant ceux institués par l'article L. 526-12 du Code de commerce, à savoir la commission par l'EIRL d'une fraude ou d'un manquement grave aux règles d'affectation ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13 (tenue d'une comptabilité autonome, ouverture d'un compte bancaire dédié).

Les 4° et 6° procèdent à des adaptations d'ordre terminologique rendues nécessaires du fait de la création du statut de l'EIRL (L. 621-4, L. 622-14).

Les 5° et 7° intéressent la reprise, par l'EIRL, d'un bien détenu dans le cadre de l'activité professionnelle visée par la procédure collective mais compris dans un patrimoine autre que celui atteint par cette procédure.

Le 5° complète l'article L. 622-6, applicable en sauvegarde et, sur renvoi des articles L. 631-14 et L. 641-4, en redressement judiciaire et en liquidation judiciaire, afin d'imposer au débiteur EIRL de faire figurer sur l'inventaire des biens entrant dans l'actif de la procédure collective la liste de ceux détenus dans le cadre de l'activité professionnelle visée par la procédure qui sont compris dans un autre de ses patrimoines.

Le 7° insère un nouvel article L. 624-19, applicable en sauvegarde et, sur renvoi des articles L. 631-18 et L. 641-14, en redressement judiciaire et en liquidation judiciaire, qui organise la procédure aux fins de reprise.

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Le dispositif retenu, tant en ce qui concerne l'inventaire que la mise en oeuvre de la reprise, est très proche de celui prévu en matière de revendication par un tiers de biens détenus par le débiteur.

Redressement judiciaire. - L'article 4 adapte les dispositions du titre III relatif à la procédure de redressement judiciaire.

Le 2° modifie l'article L. 631-11, applicable en redressement judiciaire et, sur renvoi de l'article L. 641-11, en liquidation judiciaire, afin de préciser que le juge-commissaire appelé à statuer sur l'allocation de subsides prélevés sur l'actif de la procédure collective au profit du débiteur personne physique et de sa famille doit se déterminer en considération de l'ensemble des revenus, tous patrimoines confondus, perçus par l'EIRL. En effet, un tel prélèvement se justifie si les moyens de subsistance de cet entrepreneur et de sa famille ne sont pas déjà assurés. Il est légitime, dans ces conditions, de déroger au principe selon lequel les dispositions du livre VI sont appliquées patrimoine par patrimoine.

Le 3° fait entrer dans le champ des nullités de droit de la période suspecte prévues par l'article L. 632-1, applicable en redressement judiciaire et, sur renvoi de l'article L. 641-14, en liquidation judiciaire, le fait pour l'EIRL soumis à la procédure d'avoir appauvri le patrimoine visé par celle-ci par le biais de l'affectation ou de la modification de l'affectation d'un bien antérieurement compris dans ce patrimoine. Ces dispositions valent a fortiori en cas de constitution, pendant la période suspecte, d'un patrimoine affecté séparé du patrimoine personnel, lorsque la procédure vise le patrimoine non affecté.

Liquidation judiciaire. - L'article 5 adapte les dispositions du titre IV relatif à la procédure de liquidation judiciaire.

Le 3° modifie le III de l'article L. 641-9 afin de permettre à l'EIRL de continuer une activité professionnelle autre que celle au titre de laquelle la liquidation judiciaire a été ouverte.

L'interdiction faite au débiteur personne physique titulaire d'un patrimoine unique d'exercer une activité professionnelle relevant du champ d'application des procédures collectives répond à un souci de protection, dans la mesure où ce dernier ne pourrait en aucun cas bénéficier, à ce titre, d'une nouvelle procédure collective. Elle s'explique en outre par la nécessité d'empêcher une possible aggravation du passif de la liquidation judiciaire. De tels motifs ne valent pas à l'égard de l'EIRL pour ce qui est des activités auxquelles se rattache un patrimoine distinct de celui visé par la liquidation judiciaire. C'est pourquoi il est justifié de déroger à l'interdiction prévue au III de l'article L. 641-9. Toutefois, afin d'éviter toute interférence avec la liquidation judiciaire en cours, cette dérogation ne vaut qu'à l'égard des activités professionnelles exercées au jour de l'ouverture de la procédure.

Les 4° et 7° procèdent à des adaptations d'ordre terminologique rendues nécessaires du fait de la création du statut de l'EIRL (L. 641-12, L. 642-5).

Le 5° étend l'obligation de remise ou de restitution immédiate du courrier personnel qui pèse sur le liquidateur ou l'administrateur autorisé à recevoir l'ensemble de la correspondance du débiteur au courrier relatif aux activités professionnelles de l'EIRL non visées par la liquidation judiciaire (L. 641-15).

Le 6° précise que le fait, pour un débiteur en liquidation judiciaire, d'être titulaire d'un patrimoine non visé par cette procédure ne saurait permettre de déroger à l'interdiction dont celui-ci est frappé de présenter une offre de reprise de l'entreprise (L. 642-3).

Le 8° apporte deux modifications à l'article L. 643-11.

La première concerne le 3° du III de cet article, qui autorise la reprise des poursuites individuelles des créanciers après clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif lorsque moins de cinq ans se sont écoulés entre le prononcé de cette liquidation et la clôture d'une précédente liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ouverte à l'égard du même débiteur ou d'une personne morale dont celui-ci a été le dirigeant.

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Elle a pour objet de préciser que la règle ainsi édictée ne s'applique pas patrimoine par patrimoine. Celle-ci jouera donc sans que puisse être invoqué le fait que les liquidations judiciaires successives ont visé des patrimoines distincts.

La seconde modification, apportée par l'ajout d'un paragraphe VI à l'article L. 643-11, a pour effet, à compter de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ayant visé un patrimoine affecté, d'autoriser les actions individuelles des créanciers sur les biens compris dans le patrimoine non affecté de l'EIRL, en cas de fraude commise par ce dernier à l'égard de l'un ou plusieurs de ces créanciers. Elle s'inscrit dans le prolongement des dispositions de l'article L. 526-12 du Code de commerce, aux termes desquelles cet entrepreneur est responsable sur la totalité de ses biens en cas de fraude.

Responsabilités et sanctions. - L'article 6 adapte les dispositions du titre V relatif aux responsabilités et aux sanctions.

Les 1° et 2° étendent à l'EIRL soumis à une liquidation judiciaire visant le patrimoine affecté de celui-ci la responsabilité pour insuffisance d'actif encourue par le dirigeant d'une personne morale qui fait l'objet d'une telle procédure. L'entrepreneur répondra de la condamnation éventuellement prononcée à ce titre sur son patrimoine non affecté (L. 651-1 et L. 651-2).

Les 3° et 4°, de même que le b du 2° de l'article 5, procèdent à une adaptation des dispositions figurant, respectivement, aux articles L. 651-3, L. 651-4 et L. 641-4, rendue nécessaire du fait de l'extension de la responsabilité pour insuffisance d'actif prévue par le 2°.

Les 5° et 6° intéressent la faillite personnelle et les autres mesures d'interdiction encourues par le débiteur personne physique en redressement ou en liquidation judiciaires ou par le dirigeant d'une personne morale soumise à une telle procédure.

Le 5° complète l'article L. 653-3 afin d'étendre à l'EIRL, en les adaptant, certains cas de faillite personnelle prévus à l'égard du dirigeant d'une personne morale par l'article L. 653-4. L'objectif recherché est de sanctionner le fait, pour l'EIRL, d'avoir appauvri le patrimoine visé par la procédure au profit d'un autre de ses patrimoines en vue de satisfaire un intérêt personnel.

Le 6° a pour objet de permettre le prononcé d'une sanction de faillite personnelle à l'égard d'un EIRL qui n'a pas acquitté les dettes mises à sa charge au titre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif (L. 653-6). Il s'agit d'une extension de la sanction applicable dans le même cas de figure au dirigeant d'une personne morale, qui s'inscrit dans le prolongement de celle prévue par le 2° en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif.

Les 7° et 8° intéressent les sanctions pénales encourues par le débiteur EIRL et les tiers.

Les infractions prévues et réprimées par le chapitre IV du livre VI sont d'ores et déjà applicables à l' EIRL lorsqu'elles le sont aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 654-1, catégorie qui recouvre « toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, [...] tout agriculteur et [...] toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante [...] ». Tel est le cas, notamment, de l'infraction de banqueroute prévue à l'article L. 654-2.

Les modifications apportées aux dispositions de ce chapitre sont peu nombreuses.

Le 7° apporte une précision à l'article L. 654-9 qui réprime le fait, pour un tiers, dans l'intérêt d'une personne mentionnée à l'article L. 654-1, d'avoir soustrait, recelé ou dissimulé tout ou partie des biens de celle-ci. Lorsque la personne en cause est un EIRL, il apparaît nécessaire d'indiquer que les biens dont il s'agit sont ceux compris dans le patrimoine visé par la procédure.

Le 8° étend à l'EIRL, de manière partielle, l'incrimination prévue à l'article L. 654-14. Celle-ci est applicable au dirigeant d'une personne morale qui, de mauvaise foi, a organisé ou tenté d'organiser son insolvabilité en vue de soustraire tout ou partie de son patrimoine aux poursuites de la personne morale qui a fait l'objet d'un

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jugement d'ouverture d'une procédure collective ou à celles des associés ou des créanciers de la personne morale. L'une des situations visées est celle où le dirigeant cherche à échapper aux conséquences d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif. Dès lors que cette action est désormais applicable à l'EIRL conformément au 2°, il est cohérent de lui étendre aussi, en l'adaptant, l'infraction prévue par l'article L. 654-14.

Procédure. - L'article 7 adapte une disposition du titre VI relatif aux dispositions générales de procédure : il complète le 3° du I de l'article L. 661-1 afin que les décisions rendues en matière de réunion des patrimoines soient soumises aux mêmes recours que celles statuant sur l'extension d'une procédure collective.

2. Modification du Code de la consommation

Le chapitre II modifie le Code de la consommation. Les dispositions actuelles de ce code relatives au traitement des situations de surendettement (C. consom., art. L. 330-1 à L. 334-10), modifiées par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dont les dispositions relatives au surendettement sont entrées en vigueur le 1er novembre 2010, ne s'appliquent pas aux personnes relevant des procédures collectives (L. 333-3), ce qui exclut les EIRL.

Afin que ces derniers puissent bénéficier de la procédure de surendettement en ce qui concerne leur patrimoine non affecté à leur activité professionnelle, l'article 9 précise, d'une part, que les EIRL ne sont pas exclus par principe de la procédure de surendettement et, d'autre part, que seul le patrimoine non affecté à une activité professionnelle est concerné par cette procédure (C. consom., art. L. 333-7, 1er et 2e al.).

Il est également nécessaire de prévoir les cas dans lesquels une procédure collective a été ouverte en ce qui concerne le patrimoine affecté à l'activité professionnelle avant le dépôt d'un dossier de surendettement (L. 333-7, 2e al.) ou est ouverte après le dépôt du dossier mais avant la mise en oeuvre des mesures de traitement du surendettement (L. 333-7, 3e al.). Dans ces deux cas, l'article 9 prévoit que la commission de surendettement saisie de la demande est informée par le débiteur de l'existence de cette procédure, afin de pouvoir mettre en place des mesures de traitement adaptées, en considération, notamment, des perspectives de revenus professionnels du débiteur.

3. Modification du Code monétaire et financier

L'article 10 de l'ordonnance modifie l'article L. 131-86-1 du Code monétaire et financier. Les dispositions existantes prévoient que l'interdiction d'émettre des chèques et de se voir délivrer des formules de chèque vaut pour l'ensemble des comptes bancaires détenus par une même personne physique. Ces dispositions doivent donc être adaptées au statut de l'EIRL, afin de permettre à ce dernier de continuer à émettre des chèques au titre de son activité professionnelle si l'incident de paiement ayant entraîné une interdiction d'émettre a pour origine un chèque émis sur l'un de ses comptes à usage non professionnel et inversement.

4. Procédures civiles d'exécution

Le chapitre IV est consacré aux modifications apportées à la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.

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L'article 11 ajoute un article 22-2 à ladite loi afin de faire le lien avec les dispositions de l'article L. 526-12 du Code de commerce, créé par la loi du 15 juin 2010. Cet article définit les conditions dans lesquelles la déclaration d'affectation est opposable aux créanciers de l'entrepreneur et les limites ainsi apportées à leur droit de gage général. Par suite, les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposable voient le patrimoine sur lequel ils peuvent exécuter limité. Le nouvel article 22-2, qui renvoie aux dispositions de l'article L. 526-12, est donc un simple rappel de la limite apportée par celui-ci au patrimoine sur lequel les créanciers bénéficiant d'un droit de gage général peuvent exécuter.

Le second alinéa ajoute un alinéa à l'article 47-1 de la loi. L'article 47-1 prévoit que le débiteur qui fait l'objet d'une saisie-attribution sur ses comptes bénéficie d'une mise à disposition automatique sur ceux-ci d'une somme à caractère alimentaire équivalente au montant du revenu de solidarité active (RSA). L'alinéa supplémentaire est destiné à éviter que l'EIRL ne bénéficie de plusieurs mises à disposition sur les comptes relevant de ses différents patrimoines en cas de saisie-attribution à son encontre. Celui-ci ne pourra bénéficier de cette mise à disposition que sur son patrimoine personnel.Ord. n° 2010-1512, 9 déc. 2010 : Journal Officiel 10 Décembre 2010

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La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 35, 3 Septembre 2010, 1261

Constitution et fonctionnement de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)

Entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)

Sommaire

Dans le souci d'encourager la création d'entreprise et d'offrir à l'entrepreneur individuel un cadre juridique stable et sécurisé, le législateur a depuis quelques années favorisé l'émergence d'un patrimoine d'affectation strictement professionnel encourant seul les risques et les aléas de l'activité économique.

L'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) est aujourd'hui la dernière étape de ce long processus de renonciation au principe de l'unicité du patrimoine initié par la déclaration d'insaisissabilité et poursuivi par la fiducie.

La loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée précise les conditions de constitution et de fonctionnement de ce patrimoine professionnel d'affectation.

Ces règles entreront en vigueur après publication d'une ordonnance que le Gouvernement est autorisé à prendre dans le délai de six mois à compter de la publication de la présente loi.

L. n° 2010-658, 15 juin 2010, art. 1er et 2 : Journal Officiel 16 Juin 2010

Art. 1er. - LeNote 1 chapitre VI du titre II du livre V du Code de commerce est ainsi modifié :

1° Au début, est insérée une section 1 intitulée : « De la déclaration d'insaisissabilité », comprenant les articles L. 526-1 à L. 526-5 ;

2° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

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« Section 2

De l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée

Art. L. 526-6. - Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale.

Ce patrimoine est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots : « Entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou des initiales : « EIRL ».

Art. L. 526-7. - La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectué :

1° Soit au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur individuel est tenu de s'immatriculer ;

2° Soit au registre de publicité légale choisi par l'entrepreneur individuel en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l'autre registre ;

3° Soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un registre de publicité légale ou pour les exploitants agricoles, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal.

Art. L. 526-8. - Les organismes chargés de la tenue des registres mentionnés à l'article L. 526-7 n'acceptent le dépôt de la déclaration visée au même article qu'après avoir vérifié qu'elle comporte :

1° Un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ;

2° La mention de l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté. La modification de l'objet donne lieu à mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 527-7 ;

3° Le cas échéant, les documents attestant de l'accomplissement des formalités visées aux articles L. 526-9 à L. 526-11.

Art. L. 526-9. - L'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est reçue par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier de la situation du bien. L'entrepreneur individuel qui n'affecte qu'une partie d'un ou de plusieurs biens immobiliers désigne celle-ci dans un état descriptif de division.

L'établissement de l'acte notarié et l'accomplissement des formalités de publicité donnent lieu au versement d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par décret.

Lorsque l'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7. L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation.

Art. L. 526-10. - Tout élément d'actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d'une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret fait l'objet d'une évaluation au vu d'un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par l'entrepreneur individuel. L'évaluation par un notaire ne peut concerner qu'un bien immobilier.

Lorsque l'affectation d'un bien visé au premier alinéa est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle fait l'objet d'une évaluation dans les mêmes formes et donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7. L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

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Lorsque la valeur déclarée est supérieure à celle proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire et la valeur déclarée.

En l'absence de recours à un commissaire aux comptes, à un expert-comptable, à une association de gestion et de comptabilité ou à un notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l'affectation et la valeur déclarée.

Art. L. 526-11. - Lorsque tout ou partie des biens affectés sont des biens communs ou indivis, l'entrepreneur individuel justifie de l'accord exprès de son conjoint ou de ses coïndivisaires et de leur information préalable sur les droits des créanciers mentionnés au 1° de l'article L. 526-12 sur le patrimoine affecté. Un même bien commun ou indivis ou une même partie d'un bien immobilier commun ou indivis ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

Lorsque l'affectation d'un bien commun ou indivis est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7. L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation.

Art. L. 526-12. - La déclaration d'affectation mentionnée à l'article L. 526-7 est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt.

Elle est opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration d'affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Dans ce cas, les créanciers concernés peuvent former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si l'entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes.

À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la déclaration est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la constitution du patrimoine affecté.

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du Code civil :

1° Les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposable et dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté ;

2° Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.

Toutefois, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est responsable sur la totalité de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13.

En cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage général des créanciers mentionnés au 2° du présent article peut s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice clos.

Art. L. 526-13. - L'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l'objet d'une comptabilité autonome, établie dans les conditions définies aux articles L. 123-12 à L. 123-23 et L. 123-25 à L. 123-27.

Par dérogation à l'article L. 123-28 et au premier alinéa du présent article, l'activité professionnelle des personnes bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0, 64 et 102 ter du Code général des impôts fait l'objet d'obligations comptables simplifiées.

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L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l'activité à laquelle le patrimoine a été affecté.

Art. L. 526-14. - Les comptes annuels de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou, le cas échéant, le ou les documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-13 sont déposés chaque année au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7 pour y être annexés. Ils sont transmis, pour y être annexés, au registre prévu au 3° de 16 juin 2010 l'article L. 526-7 lorsque le dépôt de la déclaration est effectué au répertoire des métiers dans le cas prévu au 1° du même article, et, s'il y a lieu, au registre du commerce et des sociétés dans le cas prévu au 2° du même article. À compter de leur dépôt, ils valent actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté.

En cas de non-respect de l'obligation mentionnée au premier alinéa, le président du tribunal, statuant en référé, peut, à la demande de tout intéressé ou du ministère public, enjoindre sous astreinte à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée de procéder au dépôt de ses comptes annuels ou, le cas échéant, du ou des documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-13.

Art. L. 526-15. - En cas de renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l'affectation ou en cas de décès de celui-ci, la déclaration d'affectation cesse de produire ses effets. Toutefois, en cas de cessation, concomitante à la renonciation, de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ou en cas de décès, les créanciers mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 526-12 conservent pour seul gage général celui qui était le leur au moment de la renonciation ou du décès.

En cas de renonciation, l'entrepreneur individuel en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7. En cas de décès, un héritier, un ayant droit ou toute personne mandatée à cet effet en fait porter la mention au même registre.

Art. L. 526-16. - Par dérogation à l'article L. 526-15, l'affectation ne cesse pas dès lors que l'un des héritiers ou ayants droit de l'entrepreneur individuel décédé, sous réserve du respect des dispositions successorales, manifeste son intention de poursuivre l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté. La personne ayant manifesté son intention de poursuivre l'activité professionnelle en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7 dans un délai de trois mois à compter de la date du décès.

La reprise du patrimoine affecté, le cas échéant après partage et vente de certains des biens affectés pour les besoins de la succession, est subordonnée au dépôt d'une déclaration de reprise au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7.

Art. L. 526-17. - I. - L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l'intégralité de son patrimoine affecté et en transférer la propriété dans les conditions prévues aux II et III du présent article sans procéder à sa liquidation.

II. - La cession à titre onéreux ou la transmission à titre gratuit entre vifs du patrimoine affecté à une personne physique entraîne sa reprise avec maintien de l'affectation dans le patrimoine du cessionnaire ou du donataire. Elle donne lieu au dépôt par le cédant ou le donateur d'une déclaration de transfert au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7 et fait l'objet d'une publicité. La reprise n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement de ces formalités.

La cession du patrimoine affecté à une personne morale ou son apport en société entraîne transfert de propriété dans le patrimoine du cessionnaire ou de la société, sans maintien de l'affectation. Elle donne lieu à publication d'un avis. Le transfert de propriété n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement de cette formalité.

III. - La déclaration ou l'avis mentionnés au II sont accompagnés d'un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés composant le patrimoine affecté.

Les articles L. 141-1 à L. 141-22 ne sont pas applicables à la cession ou à l'apport en société d'un fonds de commerce intervenant par suite de la cession ou de l'apport en société d'un patrimoine affecté.

Le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l'apport est débiteur des créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée mentionnés au 1o de l'article L. 526-12 en lieu et place de celui-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.

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Les créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée mentionnés au 1° de l'article L. 526-12 dont la créance est antérieure à la date de la publicité mentionnée au II du présent article, ainsi que les créanciers auxquels la déclaration n'est pas opposable et dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7 lorsque le patrimoine affecté fait l'objet d'une donation entre vifs, peuvent former opposition à la transmission du patrimoine affecté dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si le cessionnaire ou le donataire en offre et si elles sont jugées suffisantes.

À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la transmission du patrimoine affecté est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la transmission du patrimoine affecté.

Art. L. 526-18. - L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée détermine les revenus qu'il verse dans son patrimoine non affecté.

Art. L. 526-19. - Le tarif des formalités de dépôt des déclarations et d'inscription des mentions visées à la présente section ainsi que de dépôt des comptes annuels ou du ou des documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-13 est fixé par décret.

La formalité de dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7 est gratuite lorsque la déclaration est déposée simultanément à la demande d'immatriculation au registre de publicité légale.

Art. L. 526-20. - Le ministère public ainsi que tout intéressé peuvent demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte à un entrepreneur individuel à responsabilité limitée de porter sur tous ses actes et documents sa dénomination, précédée ou suivie immédiatement et lisiblement des mots : « Entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou des initiales : « EIRL ».

Art. L. 526-21. - Les conditions d'application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Art. 2. - I. - Après l'article 389-7 du Code civil, il est inséré un article 389-8 ainsi rédigé :

« Art. 389-8. - Un mineur peut être autorisé, par ses deux parents qui exercent en commun l'autorité parentale ou par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles, à accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle. Les actes de disposition ne peuvent être effectués que par ses deux parents ou, à défaut, par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles.

L'autorisation visée au premier alinéa revêt la forme d'un acte sous seing privé ou d'un acte notarié et comporte la liste des actes d'administration pouvant être accomplis par le mineur. »

II. - L'article 401 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le conseil de famille autorise le mineur à accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle.

L'autorisation visée à l'alinéa précédent revêt la forme d'un acte sous seing privé ou d'un acte notarié et comporte la liste des actes d'administration pouvant être accomplis par le mineur. »

III. - L'article 408 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le tuteur, après autorisation du conseil de famille, effectue les actes de disposition nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle. »

IV. - L'article 413-8 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 413-8. - Le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d'émancipation et du président du tribunal de grande instance s'il formule cette demande après avoir été émancipé. »

V. - L'article L. 121-2 du Code de commerce est ainsi rédigé :

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« Art. L. 121-2. - Le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d'émancipation et du président du tribunal de grande instance s'il formule cette demande après avoir été émancipé. »

Note :

1. Évolution de la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur1 - Depuis quelques années, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour répondre à la demande de protection du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels.

A. - Institution de l'EURL

2 - Dans sa première intervention, par la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 relative à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée, le législateur a fait le choix de simplifier et d'adapter la forme de la société à responsabilité limitée, quitte à renoncer à son caractère contractuel en créant une forme sociale originale à un associé, plutôt que de mettre en place le patrimoine d'affectation.

Ce choix du législateur permettait d'éviter d'affronter la rigueur du principe de l'unité du patrimoine considéré comme immuable, intangible et sacré.

Forme simplifiée de société à responsabilité limitée dite « à associé unique », l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée nécessite des formalités et frais analogues à ceux requis pour la constitution et la gestion d'une société à responsabilité limitée. Elle conduit tout autant à la création d'une personne morale distincte de l'entrepreneur. De fait, elle répond plutôt à ceux qui souhaitent créer une société sans avoir d'authentiques associés qu'au souci de protection et de simplicité des entrepreneurs individuels.

De plus, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée n'interdit pas à une banque d'exiger des garanties sur le patrimoine privé de l'associé unique pour accorder un crédit à la société, a fortiori si l'actif est modeste. Cette pratique existe au demeurant tout autant pour les associés d'une société à responsabilité limitée.

En 2008, les EURL ne représentent que 6,2 % du nombre total des entreprises, entreprises individuelles incluses. Toutefois, l'exploitation agricole à responsabilité limitée, introduite à l'initiative du Sénat dans la loi de 1985, a rencontré un succès plus important, puisque plus d'un exploitant agricole sur cinq a choisi cette forme d'exercice.

B. - Institution d'un ordre de priorité des biens saisissables

3 - La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle a prévu la possibilité pour l'entrepreneur de demander à son créancier professionnel que l'exécution de sa créance, en cas d'exécution forcée, soit poursuivie en priorité sur les biens nécessaires à l'activité professionnelle, à condition d'établir que ces biens sont d'une valeur suffisante pour garantir le paiement de la créance.

Cette disposition a introduit un ordre de priorité des biens, à l'avantage des biens non professionnels tels que la résidence principale, sur lesquels peut être recherchée l'exécution forcée d'une créance professionnelle. Cet ordre de priorité ne vaut toutefois qu'à la condition que le créancier ne s'y oppose pas. De plus, lorsque la créance est d'un montant supérieur à la valeur des biens professionnels, son exécution peut se poursuivre sur les biens personnels. Il ne s'agit en pratique que d'une protection relative du patrimoine familial.

4 - En outre, cette même loi a imposé à tout établissement de crédit qui a l'intention de demander une sûreté réelle sur un bien non professionnel ou une sûreté personnelle d'informer l'entrepreneur individuel qu'il peut proposer une garantie sur ses biens professionnels et d'indiquer le montant de la garantie souhaitée.

Cette formalité visait à inciter les banques à accepter de prendre des garanties de préférence sur les biens professionnels. Cela suppose que ces biens soient d'une consistance suffisante et cela n'empêche pas, en tout état de cause, que des garanties soient prises sur le patrimoine personnel.

C. - Protection de la résidence principale

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5 - La loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique a institué la déclaration d'insaisissabilité qui permet à toute personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante de déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale (C. com., art. L. 526-1 à L. 526-3).

La déclaration n'a d'effets qu'à l'égard des créanciers professionnels dont les droits sont nés postérieurement à sa publication.

Ainsi, par dérogation à l'article 2285 du Code civil, la résidence familiale de l'entrepreneur individuel, s'il en possède une, le cas échéant en commun avec son conjoint ou en indivision, est soustraite de la masse des biens constituant le gage de ses créanciers professionnels, sous réserve bien sûr des éventuelles sûretés qu'elle peut supporter. Il s'agit là d'une réelle mesure de protection à l'encontre des aléas de l'activité professionnelle : la maison familiale de l'artisan ou du commerçant ne peut plus être saisie et vendue à la demande des créanciers professionnels.

6 - La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a élargi le champ des biens susceptibles d'être déclarés insaisissables à tout ou partie des biens fonciers bâtis ou non que l'entrepreneur n'a pas affectés à son activité professionnelle.

7 - La déclaration d'insaisissabilité est pour l'entrepreneur une procédure simple et peu coûteuse. Elle est reçue sous peine de nullité par un acte notarié publié au bureau des hypothèques. Les émoluments du notaire sont fixes. La publicité de la déclaration s'effectue soit par mention au registre de publicité légale si l'entrepreneur est immatriculé, soit par publication dans un journal d'annonces légales. Le coût de cette déclaration est de l'ordre de 500 EUR , quelle que soit la valeur du bien.

De plus, l'entrepreneur individuel peut céder ses droits immobiliers insaisissables tout en conservant le bénéfice de la déclaration d'insaisissabilité pour le produit de la vente, sous réserve de remploi des fonds dans le délai d'un an pour l'acquisition d'une nouvelle résidence principale. Celle-ci demeure insaisissable à hauteur du montant des fonds remployés, sous réserve d'une déclaration de remploi des fonds. Ainsi, l'entrepreneur est en mesure de changer de résidence principale en gardant le bénéfice de l'insaisissabilité à compter de la date de la publication initiale.

L'entrepreneur peut renoncer à tout moment à l'insaisissabilité, pour tout ou partie seulement des biens déclarés insaisissables, le cas échéant au bénéfice d'un créancier. La renonciation répond aux mêmes formalités que la déclaration. Le décès entraîne révocation de la déclaration, celle-ci valant pour l'avenir et non à l'égard des créances professionnelles antérieures.

D. - Évolution des revendications pour la création d'un patrimoine d'affectation

8 - Le patrimoine d'affectation constitue une revendication ancienne et constante des artisans et, plus largement, des entrepreneurs individuels et de leurs représentants.

Cette notion vient directement remettre en cause le principe civiliste ancien et constant d'unicité du patrimoine, qui veut que chaque personne n'ait qu'un patrimoine : à une seule personne correspond un seul patrimoine. C'est donc l'ensemble du patrimoine qui répond aux obligations contractées, sous réserve des sûretés (C. civ., art. 2284).

Le point de départ de la réflexion sur le patrimoine d'affectation en France remonte à février 1978, avec la remise du premier rapport sur le sujet, fruit des travaux d'un groupe de travail interministériel sous la présidence du professeur Claude Champaud.

Ce rapport, qui préconisait la création d'une « entreprise personnelle à responsabilité limitée », répartissait les biens de l'entrepreneur en trois patrimoines : un patrimoine affecté à l'entreprise, gage des créanciers professionnels, un patrimoine personnel à l'usage de la famille, insaisissable par ces créanciers, et un patrimoine intermédiaire, disponible pour l'entreprise. Concernant la protection des créanciers, le rapport suggérait de les sécuriser par la création d'une caisse mutuelle de garantie alimentée par des cotisations obligatoires.

D'autres rapports et études en faveur du patrimoine d'affectation ont suivi, notamment à l'initiative du centre de recherche sur le droit des affaires de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.

En dernier lieu, M. Xavier de Roux, avocat, ancien député, a rédigé un rapport sur la création d'un patrimoine d'affectation. Ce rapport, remis en novembre 2008, a constitué le point de départ d'un intense travail interministériel de réflexion.

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2. Création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL)9 - La création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée a été annoncée par le Premier ministre dans un discours prononcé le 3 décembre 2009 devant la chambre de métiers d'Alsace.

L'article premier de la loi crée une section particulière relative à l'EIRL au sein du Code de commerce (C. com., art. L. 526-6 à L. 526-21).

10 - L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée déclare, au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers pour l'essentiel, la liste des biens qu'il affecte à son activité professionnelle. Cette nouvelle forme d'exercice lui permet de séparer son patrimoine professionnel de son patrimoine personnel sans recourir à la création d'une personne morale.

La constitution d'un patrimoine affecté peut se cumuler avec une déclaration d'insaisissabilité du patrimoine immobilier personnel.

Cette constitution suppose la réunion de conditions de fond (essentiellement des règles relatives à la capacité de l'entrepreneur et à la nature des biens composant le patrimoine d'affectation).

Elle résulte en outre du dépôt d'une déclaration faite dans les conditions fixées par la loi.

11 - Entrée en vigueur. - Les dispositions relatives à l'EIRL entreront en vigueur à compter de la publication de l'ordonnance qui doit adapter certaines dispositions du Code de commerce, cette ordonnance devant être prise dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi (Art. 14).

Le Gouvernement est en effet habilité à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour :

- adapter au patrimoine affecté de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée les dispositions du Code de commerce relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises et aux responsabilités et sanctions encourues par l'entrepreneur à cette occasion ;

- et procéder aux harmonisations nécessaires en matière de droit des sûretés, de droit des procédures civiles d'exécution et de règles applicables au surendettement des particuliers (Art. 8, I ; V).

A. - Personnes autorisées à constituer une EIRL

1° Personnes physiques exerçant une activité individuelle

12 - Toute personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole individuellement (y compris les auto-entrepreneurs) peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel (C. com., art. L. 526-6).

Compte tenu des règles d'affectation, la constitution du patrimoine affecté pose une difficulté pour les exploitants agricoles propriétaires des terres qu'ils exploitent, car ils doivent les affecter en tant que biens nécessaires à l'activité professionnelle. Or, bien plus que la résidence principale, ce sont ces terres agricoles qui constituent la richesse du patrimoine agricole. Pour cette raison, le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut présenter un intérêt moindre pour les professionnels agricoles, les terres agricoles n'étant pas protégées. Lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture le 29 mai dernier, les sénateurs ont adopté un amendement permettant à un exploitant agricole de demander à conserver les terres utilisées pour les besoins de son exploitation dans son patrimoine personnel (Projet de loi n° 200, art. 11 septies).

2° Cas particulier des mineurs

13 - Mineurs émancipés. - Les mineurs émancipés ont librement la faculté de constituer une EIRL. Toutefois, pour l'exercice d'une activité de commerçant, ils doivent solliciter l'autorisation :

- soit du juge des tutelles (si la demande est concomitante à l'émancipation) ;

- soit du président du tribunal de grande instance (si la demande est postérieure à l'émancipation) (C. civ., art. 413-8 ; C. com., art. L. 121-2).

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Remarque : Il s'agit là d'une innovation notable de la loi qui affecte substantiellement le régime général du mineur émancipé. Désormais, ce dernier peut être, sur autorisation, commerçant et réaliser tous actes de commerce. Cette disposition, qui dépasse le simple cadre de l'EIRL, entre en vigueur dès la publication de la loi (soit le 17 juin 2010).

14 - Mineurs non émancipés. - Le mineur non émancipé peut être autorisé, par acte sous seing privé ou notarié, par ses deux parents qui exercent en commun l'autorité parentale ou par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles, à accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une EIRL.

L'acte d'autorisation comporte la liste des actes d'administration pouvant être accomplis seul par le mineur.

Les actes de disposition ne peuvent être effectués que par ses deux parents ou, à défaut, par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles (C. civ., art. 389-8).

Le mineur sous tutelle peut être autorisé par le conseil de famille, sous les mêmes conditions de forme, à créer et gérer une EIRL (C. civ., art. 401). Les actes de disposition sont effectués par le tuteur sur autorisation du conseil de famille (C. civ., art. 408).

La loi semble désormais autoriser l'exercice du commerce par le mineur non émancipé. L'interdiction de principe énoncée par l'ancien article L. 121-2 du Code civil n'a pas été reprise dans sa nouvelle rédaction. De plus, la loi expose les conditions dans lesquelles le mineur non émancipé peut recourir à l'EIRL. On peut toutefois se demander si cette faculté est réservée aux seules EIRL ayant une activité civile. La levée de l'interdiction de l'exercice du commerce par un mineur non émancipé est-elle bien de l'intention du législateur ou s'agit-il d'une imprécision de rédaction ? Une réponse claire devra nécessairement être apportée sur l'interprétation de ces nouvelles dispositions.

3° Territorialité

15 - Le dispositif de l'EIRL est applicable de plein droit en métropole et dans les DOM (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion). S'agissant des collectivités d'outre-mer, le Gouvernement est habilité à procéder aux adaptations nécessaires par voie d'ordonnance.

B. - Composition du patrimoine d'affectation

1° Principes

16 - Le patrimoine d'affectation se compose de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire et qu'il décide d'affecter. Ces biens, droits, obligations ou sûretés doivent être nécessaires ou utiles à l'exercice de son activité professionnelle.

Les critères d'affectation retenus par le législateur sont identiques à ceux prévus pour la définition du patrimoine professionnel des titulaires de BNC qui distingue :

- les biens affectés par nature qui ne peuvent avoir qu'un usage professionnel (clientèle, matériel professionnel, etc.) ;

- les biens affectés sur décision qui recouvrent les biens mixtes susceptibles d'avoir un usage à la fois professionnel et privé ;

- les biens qui ne peuvent être affectés au patrimoine professionnel compte tenu de leur destination à un usage exclusivement privé.

17 - Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté (C. com., art. L. 526-6).

18 - Un même entrepreneur individuel pourra, à compter du 1er janvier 2013, constituer plusieurs patrimoines affectés.

Sur ce dernier point, des inquiétudes avaient été exprimées par des parlementaires sur la possibilité de créer abusivement une pluralité de patrimoines affectés notamment dans l'intention de réduire l'action des créanciers.

Un amendement a ainsi été retenu reportant à 2013 cette disposition. Le législateur pourra ainsi juger dans cet intervalle si l'entrée en vigueur de cette mesure apparaît toujours opportune.

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2° Cas particulier des biens communs et indivis

19 - Pour l'affectation des biens communs ou indivis, la loi exige la preuve de l'information et du consentement exprès du conjoint ou des coïndivisaires de la même façon qu'en cas de création d'une entreprise individuelle ou d'une EURL.

Le texte tient ainsi compte, non seulement des interactions entre l'affectation d'un patrimoine et le régime matrimonial, mais aussi, de manière générale, des cas d'indivision rencontrés notamment dans l'union libre ou le PACS. Le couple est donc protégé au sens large, ainsi que, plus largement encore, tous les indivisaires.

C. - Modalités de constitution du patrimoine affecté

20 - La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectué :

- soit au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur individuel est tenu de s'immatriculer ;

- soit au registre de publicité légale choisi par l'entrepreneur individuel en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l'autre registre ;

- soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un registre de publicité légale (professions libérales par exemple) ou pour les exploitants agricoles, à un registre spécial tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal (C. com., art. L. 526-7).

21 - Le dépôt de la déclaration doit comporter :

- un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ;

- la mention de l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ; la modification de l'objet donne lieu à mention au registre auquel a été effectué le dépôt ;

- les documents suivants :

- l'évaluation des éléments d'actifs affectés (V. infra n° 23) ;

- l'accord exprès du conjoint commun en biens ou des coïndivisaires, le cas échéant ;

- l'acte notarié constatant l'affectation desdits biens et droits immobiliers (C. com., art. L. 526-8).

22 - Lorsque l'affectation d'un élément d'actif est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration (C. com., art. L. 526-9, L. 526-10 et L. 526-11).

D. - Évaluation des éléments affectés

23 - Tout élément d'actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d'une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret, doit faire l'objet d'une évaluation (C. com., art. L. 526-10).

Il est à noter que le seuil de 30 000 EUR au-dessus duquel l'évaluation est nécessaire avait été initialement proposé par les députés. La loi a finalement laissé au pouvoir réglementaire le soin de fixer ce montant.

Cette évaluation doit être consignée dans un rapport annexé à la déclaration d'affectation.

Le rapport est établi par et sous la responsabilité d'un commissaire aux comptes, d'un expert-comptable, d'une association de gestion et de comptabilité ou d'un notaire s'agissant des biens et droits immobiliers (C. com., art. L. 526-10).

24 - L'entrepreneur individuel est libre de ne pas retenir la valeur proposée dans le rapport. Il est alors responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée dans le rapport et la valeur déclarée.

De même, en l'absence de recours à un commissaire aux comptes, à un expert-comptable, à une association de gestion et de comptabilité ou à un notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à

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l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l'affectation et la valeur déclarée (C. com., art. L. 526-10).

3. Règles de fonctionnement de l'EIRL

A. - Modalités de fonctionnement et obligations comptables

25 - L'activité professionnelle liée au patrimoine affecté doit se distinguer très clairement des autres activités de l'entrepreneur. Cela suppose naturellement des règles de fonctionnement et des obligations comptables qui lui sont propres.

L'entrepreneur individuel est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l'activité à laquelle le patrimoine a été affecté (C. com., art. L. 526-13).

Il détermine les revenus qu'il verse dans son patrimoine non affecté (C. com., art. L. 526-18).

26 - L'entrepreneur individuel doit retenir pour l'exercice de son activité professionnelle une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou les initiales « EIRL ».

L'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l'objet d'une comptabilité autonome.

Les comptes annuels sont déposés chaque année au registre des déclarations.

À défaut, le président du tribunal, statuant en référé, peut, à la demande de tout intéressé ou du ministère public, enjoindre sous astreinte à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée de procéder au dépôt de ses comptes annuels (C. com., art. L. 526-14).

B. - Opposabilité aux tiers et recours des créanciers

27 - La déclaration d'affectation est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt.

Lorsque les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle de l'entrepreneur, ils ont pour seul gage général le patrimoine affecté (C. com., art. L. 526-12).

À défaut de relever de l'activité professionnelle de l'entrepreneur, les droits des créanciers ont pour seul gage général le patrimoine non affecté. Toutefois, en cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, les créanciers peuvent aussi exercer leurs droits sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice clos.

Par ailleurs, en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux obligations comptables ou aux règles de composition du patrimoine affecté, l'entrepreneur individuel demeure responsable sur la totalité de ses biens et droits (C. com., art. L. 526-12, al. 9).

28 - La déclaration d'affectation est opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration d'affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Les créanciers peuvent faire opposition par voie de justice dans un délai à fixer par voie réglementaire.

Le juge peut rejeter l'opposition ou ordonner soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si l'entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes.

À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la déclaration est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la constitution du patrimoine affecté (C. com., art. L. 526-12).

Initialement l'Assemblée nationale prévoyait une opposabilité rétroactive de la déclaration d'affectation aux contrats en cours sans information des créanciers. Devant les risques importants d'inconstitutionnalité, l'atteinte portée aux contrats

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en cours n'étant justifiée par aucun motif d'intérêt général, les parlementaires ont finalement retenu une information individuelle des créanciers avec possibilité de recours.

C. - Transmission du patrimoine d'affectation

29 - La déclaration d'affectation cesse de produire ses effets en cas de renonciation ou de décès de l'entrepreneur individuel (C. com., art. L. 526-15).

Dans cette dernière hypothèse, l'affectation ne cesse pas si un héritier ou un ayant droit de l'entrepreneur manifeste son intention de poursuivre l'activité professionnelle concernée. Mention doit alors être portée au registre des déclarations dans un délai de trois mois à compter de la date de décès (C. com., art. L. 526-16).

30 - L'entrepreneur individuel peut transmettre, à titre onéreux ou à titre gratuit entre vifs, l'intégralité de son patrimoine affecté. Une déclaration de transfert doit alors être déposée au registre des déclarations et faire l'objet d'une publicité. La reprise n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités.

31 - L'apport en société ou la cession à une personne morale entraîne le transfert de propriété du patrimoine mais sans maintien de l'affectation (C. com., art. L. 526-17).

32 - Le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l'apport est débiteur des créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée en lieu et place de celui-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.

33 - Dans l'hypothèse d'une donation du patrimoine affecté, les créanciers dont la créance est antérieure à la date de la publicité de la déclaration d'affectation, ainsi que les créanciers auxquels la déclaration n'est pas opposable et dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration peuvent former opposition à la transmission du patrimoine affecté dans un délai qui sera fixé par voie réglementaire. Une décision de justice pourra rejeter l'opposition ou ordonner soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si le donataire en offre et si elles sont jugées suffisantes. À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la transmission du patrimoine affecté est alors inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la transmission du patrimoine affecté (C. com., art. L. 526-17).

D. - Procédures collectives

34 - Le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, les dispositions pour adapter au patrimoine affecté de l'EIRL les dispositions du livre VI du Code de commerce relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises et aux responsabilités et sanctions encourues par l'entrepreneur à cette occasion.

Tableau comparatif du régime juridique applicable aux trois formes d'exercice individuel

Entreprise individuelle Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

(EIRL)

Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée

(EURL)

Constitution

Capital minimum sans objet sans objet Librement fixé par les statuts

Évaluation des biens apportés en nature

sans objet Commissaire aux apports sauf si aucun actif d'une valeur supérieure à un montant fixé par décret

Commissaire aux apports sauf si aucun actif d'une valeur supérieure à 7 500 EUR et si valeur totale de l'ensemble des actifs non soumis à évaluation n'excède

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Entreprise individuelle Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

(EIRL)

Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée

(EURL)

Constitution

pas la moitié du capital social

Acte constitutif sans objet Déclaration d'affectation avec état descriptif

Acte notarié si affectation de biens immobiliers (émoluments soumis à plafond déterminé par décret)

Statuts (avec statuts types s'appliquant d'office quand l'associé unique assure aussi la gérance sauf production par le gérant de statuts différents lors de la demande d'immatriculation)

Acte notarié si apport de biens immobiliers

Publicité de la constitution sans objet OUI

(dépôt de la déclaration d'affectation au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur est tenu de s'immatriculer ou à défaut, au greffe)

OUI

(dépôt des statuts au greffe, publicité dans un journal d'annonces légales)

Immatriculation au RCS ou au RM

OUI

en fonction de l'activité : RCS pour le commerçant et RM pour l'artisan (sauf auto-entrepreneur)

OUI

en fonction de l'activité : RCS pour le commerçant et RM pour l'artisan (sauf auto-entrepreneur)

OUI

RCS (avec double immatriculation RCS et RM si activités artisanales et EURL de moins de 10 salariés)

Fonctionnement

Obligation d'ouverture d'un compte bancaire séparé

NON OUI OUI

Obligations comptables Pas de comptes annuels si régime fiscal de la micro-entreprise (C. com., art. L. 123-28) ; présentation

Comptes annuels mais présentation simplifiée si régime réel d'imposition (C. com., art. L. 123-25 à L.

Comptes annuels

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Entreprise individuelle Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

(EIRL)

Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée

(EURL)

Constitution

simplifiée des comptes si régime réel d'imposition (C. com., art. L. 123-25 à L. 123-27)

123-27)

Assemblée annuelle NON Arrêté des comptes OUI

Le dépôt des comptes signés au greffe vaut approbation des comptes (C. com., art. L. 223-31, al. 2)

Dépôt des comptes NON OUI

(au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur est tenu de s'immatriculer ou à défaut, au greffe)

OUI

(au greffe avec publicité au BODACC)

Sanctions pénales spécifiques

NON

mais sanctions pénales en cas de :

- tenue irrégulière de comptabilité : délits prévus par le Code pénal (faux et usage de faux), par le CGI (manoeuvres frauduleuses, irrégularités dans la tenue du livre-journal, etc.) ;

- redressement et liquidation judiciaires : délit de banqueroute prévu par le Code de commerce

NON

mais sanctions pénales en cas de :

- tenue irrégulière de comptabilité : délits prévus par le Code pénal (faux et usage de faux), par le CGI (manoeuvres frauduleuses, irrégularités dans la tenue du livre-journal, etc.) ;

- en cas de redressement et liquidation judiciaires : délit de banqueroute prévu par le Code de commerce

OUI

Infractions concernant les SARL (C. com., art. L. 241-1 à L. 241-9)

Application des dispositions relatives aux difficultés des entreprises (Livre sixième du Code de commerce)

OUI OUI

sous réserve d'adaptations nécessaires à prendre par ordonnance

OUI

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Entreprise individuelle Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

(EIRL)

Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée

(EURL)

Constitution

Limitation de responsabilité

NON

(confusion de patrimoines)

OUI

à l'égard des créanciers postérieurs au dépôt de la déclaration d'affectation sauf non-respect des règles d'affectation ou de séparation du patrimoine

OUI

Liquidation amiable

Acte Simple déclaration Simple déclaration Procédure de dissolution avec ouverture de liquidation et désignation d'un liquidateur

Publicité Dépôt de la déclaration au CFE dont dépend l'entrepreneur

Dépôt de la déclaration au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur est tenu de s'immatriculer ou à défaut, au greffe

Enregistrement des décisions de dissolution et de liquidation / dépôt au greffe / publicité dans un journal d'annonces légales et au BODACC

Entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). - Régime juridique. - Conditions de constitution. - Conditions de fonctionnement

Note 1 ce commentaire a été publié in Dr. fisc. 2010, n° 27, comm. 396.

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Lettre d'actualité des Procédures collectives civiles et commerciales n° 13, Juillet 2010, alerte 186

Création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée par la loi du 15 juin 2010

Veille par Jérôme LEPROVAUX maître de conférences en droit privé, université de Caen

membre du CRDP-UCBN

Biens susceptibles d'être appréhendés - EIRL

Sommaire

L. n° 2010-658, 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée : Journal Officiel 16 Juin 2010

Cons. const., 10 juin 2010, n° 2010-607 DC : Journal Officiel 16 Juin 2010

JCl. Procédures collectives, Fasc. 2160. - JCl. Commercial, Fasc. 2160

1. Le cadre juridiqueLe sort de l'entrepreneur individuel constitue une préoccupation récurrente des pouvoirs politiques qui cherchent à limiter le risque patrimonial professionnel et préserver autant que faire se peut le patrimoine privé de l'entrepreneur. C'est toute la particularité de l'entrepreneur individuel : ses dettes professionnelles engagent son patrimoine personnel. L'enjeu est conséquent puisque les entrepreneurs individuels représentent plus de la moitié des entreprises françaises (1,4 millions d'entreprises individuelles). Avant la création de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, plusieurs pistes ont déjà été explorées. La loi du 11 juillet 1985 a créé l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. La loi Madelin du 11 février 1994 permet à l'entrepreneur individuel de demander à ce que les poursuites de ses créanciers se portent en premier lieu sur les biens professionnels. La loi Dutreil du 1er août 2003 a créé l'insaisissabilité de la résidence principale (C. com., art. L. 526-1 à L. 526-3) qui s'étend désormais à tous les immeubles bâtis ou non (loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008). Ces dispositions suivent deux axes opposés. L'EURL repose sur la création d'une personne morale distincte destinée à accueillir l'activité professionnelle et son patrimoine, actif et passif. La déclaration d'insaisissabilité tend à exclure un bien déterminé du gage des créanciers professionnels.

La loi du 15 juin 2010 explore une troisième voie qui repose sur la théorie du patrimoine d'affectation. Elle rompt clairement avec le principe d'unité du patrimoine. L'idée générale de la loi nouvelle est de permettre à l'entrepreneur individuel de scinder son patrimoine en deux parts, l'une étant constituée de ses biens professionnels, l'autre de ses biens personnels. Les créanciers professionnels ne peuvent poursuivre que les biens professionnels et les créanciers personnels ne peuvent poursuivre que les biens personnels.

2. L'espècePlusieurs points sont à aborder : la création de l'EIRL, l'effet de l'affectation, la fin de l'affectation, la question de la procédure collective de l'entrepreneur et enfin l'entrée en vigueur de la loi.

Affectation des biens. - Tout entrepreneur individuel peut décider de se soumettre au statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Cette démarche revient à constituer un patrimoine affecté à l'exercice de l'activité professionnelle.

Ce patrimoine affecté comprend deux types de biens. Il y a d'abord les biens qui sont automatiquement affectés à l'activité professionnelle. Il s'agit de tous les biens, droits, obligations ou sûretés qui sont nécessaires à l'exercice de l'activité. À côté de ces biens, il y a d'autres biens utilisés pour l'exercice de l'activité et que l'entrepreneur peut décider d'affecter à son activité. Ces biens ne sont pas obligatoirement affectés, ils peuvent seulement l'être (C. com., art. L. 526-6, al. 2). À n'en pas douter des difficultés apparaîtront sur le caractère nécessaire ou utile des biens de

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l'entrepreneur. Il faut noter qu'un même bien ne peut pas être affecté à plusieurs activités professionnelles (C. com., art. L. 526-6, al. 2 in fine).

Si les biens affectés sont des biens communs ou des biens indivis, l'entrepreneur doit obtenir le consentement exprès de son conjoint ou de ses coïndivisaires (C. com., art. L. 526-11, al. 1er). Il doit en outre justifier d'une information préalable auprès de ces derniers sur les conséquences de l'affectation par rapport aux créanciers professionnels.

En pratique, l'affectation des biens se réalise par une déclaration opérée par l'entrepreneur individuel auprès des organismes professionnels (C. com., art. L. 526-7). La déclaration doit ainsi être effectuée auprès du registre de publicité légale auquel l'entrepreneur est tenu de s'immatriculer. Pour les professionnels qui ne sont pas tenus à immatriculation sur un registre de publicité légale et pour les agriculteurs, la déclaration doit être effectuée sur un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal.

La déclaration contient un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur (C. com., art. L. 526-8). Chaque affectation postérieure suivra les mêmes exigences. De même, l'entrepreneur doit indiquer l'objet de l'activité professionnelle à laquelle les biens sont affectés. Il est nécessaire de pouvoir identifier l'activité professionnelle qui correspond à l'affectation des biens. Si l'objet de l'activité professionnelle évolue après la création de l'EIRL, l'entrepreneur devra procéder à une modification de la déclaration au registre de publicité légale.

Les règles d'évaluation des biens affectés sont prévues à l'article L. 526-10 du Code de commerce. Premièrement, si des liquidités sont affectées à l'activité, elles sont évaluées à leur valeur nominale. Deuxièmement, pour les autres biens, leur évaluation suit un régime distinct en fonction de leur valeur. Un décret va venir fixer un montant relatif aux affectations. Si l'affectation est d'une valeur inférieure à ce montant, l'entrepreneur détermine seul la valeur du bien affecté dans la déclaration au registre de publicité légale. En revanche, si l'affectation est d'une valeur supérieure au montant fixé par décret, l'évaluation est effectuée au vu d'un rapport annexé à la déclaration. Ce rapport peut être établi par un commissaire aux comptes, un expert comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire (uniquement pour un bien immobilier).

L'entrepreneur qui décide de se soumettre aux règles de l'EIRL doit tenir une comptabilité autonome pour l'activité (C. com., art. L. 526-13). Chaque année, il doit déposer ses comptes annuels au registre auquel a été effectuée la déclaration. De plus, il doit déterminer la part de revenus qu'il verse dans son patrimoine non affecté (C. com., art. L. 526-18). Sur le plan fiscal, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est soumis aux mêmes dispositions que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (CGI, art. 1655 sexies). Il a donc le choix entre se soumettre à l'impôt sur les sociétés ou déclarer les bénéfices de son activité au titre de l'impôt sur ses revenus.

Effet de l'affectation. - L'intérêt de l'affectation des biens est de modifier le gage des créanciers de l'entrepreneur.

Pour les créanciers dont la créance est née à l'occasion de l'activité professionnelle après le dépôt de la déclaration, celle-ci leur est opposable. Il en résulte que le gage de ces créanciers est réduit aux biens affectés à l'exercice de l'activité professionnelle. L'article L. 526-12, alinéa 6, du Code de commerce dispose expressément qu'il s'agit d'une « dérogation » aux articles 2284 et 2285 du Code civil. Ainsi, les créanciers professionnels ayant des créances postérieures à la déclaration ne pourront saisir que les biens affectés à l'activité professionnelle. Parallèlement, les créanciers dont la créance est étrangère à l'activité professionnelle ne pourront saisir que les biens qui ne sont pas affectés à l'activité professionnelle. La loi met en place une séparation nette des patrimoines privé et professionnel de l'entrepreneur, tant sur le plan actif que passif. Toutefois, deux exceptions sont prévues. D'abord, si l'entrepreneur a commis une fraude ou un manquement grave aux articles L. 526-6, alinéa 2, (composition du patrimoine affecté) ou L. 526-13 (comptabilité autonome), il engage l'intégralité de son patrimoine. Ensuite, si les biens affectés sont insuffisants à désintéresser les créanciers à qui la déclaration est opposable, ces derniers peuvent quand même saisir le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel lors du dernier exercice clos (C. com., art. L. 526-12, dernier al.).

Pour les créanciers dont la créance est née avant le dépôt de la déclaration, celle-ci leur est également opposable sous deux conditions prévues à l'article L. 526-12, alinéa 2, du Code de commerce. Il faut premièrement que l'entrepreneur l'ait mentionnée dans sa déclaration. C'est donc l'entrepreneur qui décide d'étendre le bénéfice de l'affectation aux créanciers antérieurs. Il est nécessaire ensuite que chaque créancier disposant d'une créance professionnelle née avant le dépôt de la déclaration soit averti dans des conditions qui seront fixées par voie réglementaire. Si ces deux conditions sont réunies, l'affectation sera opposable aux créanciers antérieurs mais la loi leur octroie un moyen de contester la réduction de leur gage. Ils peuvent en effet former une opposition à la démarche de l'entrepreneur, dans un délai qui sera fixé par voie réglementaire (C. com., art. L. 526-12, al. 3). Suite à l'opposition, le juge pourra rejeter l'opposition : dans

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ce cas, le gage du créancier antérieur sera réduit aux biens affectés à l'activité professionnelle. Il pourra à l'inverse l'accueillir. Dans ce cas, le juge pourra imposer à l'entrepreneur soit le paiement de la créance concernée, soit la constitution de garanties si l'entrepreneur le peut et si elles sont jugées suffisantes. Si l'entrepreneur ne peut pas s'exécuter, l'affectation ne sera pas opposable au créancier qui aura formé opposition.

Le sort des créanciers dont la créance est née avant le dépôt de la déclaration est l'un des enjeux essentiels de la réforme. La loi est sur ce point audacieuse puisqu'elle imprime un caractère rétroactif à la mesure, si l'entrepreneur le décide. Cette disposition a été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel comme étant contraire au droit de propriété protégé par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutefois, le Conseil n'a pas censuré la disposition estimant que les droits des créanciers concernés sont suffisamment protégés par l'avertissement personnel que doit effectuer l'entrepreneur et la faculté de former opposition.

Fin de l'affectation. - L'entrepreneur peut décider de renoncer à l'affectation, ce qui met fin à ses effets (C. com., art. L. 526-15). Toutefois, si la renonciation est concomitante à la cessation de l'activité professionnelle ou en cas de décès de l'entrepreneur, les droits des créanciers sont toujours déterminés en tenant compte de l'affectation. En revanche, si l'entrepreneur renonce à l'affectation tout en continuant son activité, les créanciers retrouvent un droit de gage étendu à tous les biens de l'entrepreneur. Il faut noter que la faculté d'une renonciation partielle au profit d'un seul créancier n'est pas prévue par la loi. Sera-t-elle néanmoins possible ? L'efficacité du mécanisme dépend en partie de cette faculté.

Procédure collective. - Il faudra repasser... L'un des enjeux essentiels de l'EIRL est lié au sort de l'entrepreneur soumis à une procédure collective. Notamment, la question du traitement dans la procédure des créanciers qui ont un droit de gage réduit au patrimoine affecté est déterminante. La loi du 15 juin 2010 n'y apporte pas de réponse. L'article 8 de la loi autorise en effet le Gouvernement à légiférer sur ce point par voie d'ordonnance dans les six mois de la publication de la loi.

Entrée en vigueur. - L'article 14 de la loi du 15 juin 2010 fixe l'entrée en vigueur des principales dispositions relatives à l'EIRL au jour de la publication de l'ordonnance relative au sort de l'EIRL soumis à une procédure collective.

3. L'impactAu rayon des outils destinés à protéger l'entrepreneur individuel, le nouveau statut d'Entrepreneur individuel à responsabilité limitée s'affiche désormais en tête de gondole. En théorie, l'idée est séduisante en ce qu'elle instaure une imperméabilité du patrimoine privé aux péripéties professionnelles. Seulement, en pratique, le besoin de crédit de l'entrepreneur risque, comme pour les remèdes existants, de relativiser grandement la séparation des patrimoines escomptée.

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Revue des procédures collectives n° 2, Mars 2011, dossier 18

EIRL : adaptation de la règle « faillite sur faillite ne vaut »

Etude par Corinne REGNAUT-MOUTIER professeur à l'université de Caen-Basse-Normandie

Sommaire

1. - Le succès du statut d'EIRL passant par l'étanchéité des patrimoines (deux aujourd'hui, voire plus à partir de 2013Note

1), surtout lorsque surviennent les difficultés de l'entreprise, impliquait que l'on limitât l'emprise des procédures collectives au seul patrimoine abritant l'activité en difficulté, et tel est bien l'objet essentiel de l'ordonnance du 9 décembre 2010 qui adapte le droit des entreprises en difficulté face à l'EIRL, en soumettant non plus la personne à la procédure mais le seul patrimoine en difficulté, ainsi que plusieurs auteurs l'avait pressentiNote 2.

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2. - Mais le législateur - entendu lato sensu - ne pouvait ignorer la situation de la propagation des difficultés de patrimoine à patrimoine. Pour s'en tenir au droit positif qui n'autorise encore qu'un seul patrimoine affecté, le risque de propagation du patrimoine « professionnel » au patrimoine « privé » est d'autant plus plausible que le patrimoine professionnel, en difficulté, risque fort de ne plus générer de revenus suffisants pour alimenter le patrimoine privéNote 3. Lorsque l'entrepreneur individuel pluriactif aura la possibilité de recourir à plusieurs patrimoines d'affectation pour chacune de ses activités, le risque de propagation des difficultés d'un patrimoine professionnel à un autre patrimoine professionnel devrait être moindre - en tout cas en théorie - si l'entrepreneur a respecté les règles du jeu de l'affectation patrimoniale à ses diverses activités ; il n'en reste pas moins qu'un contexte économique défavorable peut plonger plusieurs activités - et donc plusieurs patrimoines affectés - dans les mêmes difficultés.

3. - Cantonner l'emprise de la procédure collective au seul patrimoine abritant l'activité en difficulté était une chose, mais il fallait également permettre au débiteur de trouver des solutions pour le ou les autres patrimoines - patrimoine non affecté et patrimoines affectés à d'autres activités - eux-mêmes en difficulté, en offrant la possibilité de procédures parallèles adaptées aux situations en cause, dès lors que le droit de l'insolvabilité ne doit plus être considéré comme une sanction mais bien comme un « bénéfice ». Écartant au profit de l'EIRL le traditionnel principe « faillite sur faillite ne vaut », l'ordonnance du 9 décembre 2010 consacre donc la possibilité de coexistence de procédures, qu'il s'agisse pour la personne au patrimoine scindé de cumuler une procédure de surendettement et une procédure « commerciale » (1), ou de cumuler plusieurs procédures commerciales (2).

1. Cumul d'une procédure de surendettement et d'une procédure commerciale

4. - Si, dès la publication de la loi du 15 juin 2010 instituant l'EIRL, et même dès avant, à la prise de connaissance du projet, il n'y a eu aucun doute sur l'« applicabilité » des procédures du Code de commerce, sous réserve de quelques aménagements, au patrimoine affecté en difficulté en ce qu'il abrite par hypothèse l'exercice d'une activité professionnelle indépendante, il y a eu en revanche controverse sur l'admission concomitante d'une procédure du Code de la consommation lorsque le patrimoine non affecté, a priori privé, serait lui aussi en situation d'insolvabilitéNote 4. Pour certains, les procédures concomitantes étaient impossiblesNote 5. Notamment M. Novelli, instigateur du projet de loi auditionné par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale, admettait l'accès de l'EIRL à la procédure de surendettement à raison des difficultés afférentes à son patrimoine personnel mais à la condition que « son activité professionnelle demeure viable », ce qui semblait exclure toute procédure commerciale concomitanteNote 6. Pour d'autres, chaque patrimoine en difficulté devait être soumis à une procédure distincte mais relevant chacune du Code de commerce dans un souci de simplicitéNote 7. Pour d'autres encore, « à chaque patrimoine sa procédure »Note 8, le patrimoine non affecté devant relever de la procédure de surendettement s'il n'abrite aucune activité professionnelle, parallèlement le cas échéant à la procédure commerciale frappant le patrimoine affecté.

5. - Les rédacteurs de l'ordonnance d'adaptation des procédures collectives au statut d'EIRL ont opté pour cette dernière solution, la plus conforme à la logique de la scission patrimoniale. Sans toucher à l'article L. 333-3 du Code de la consommation, qui continue d'exclure du surendettement l'entrepreneur de « droit commun » quand bien même les dettes qu'il ne peut payer sont des dettes liées exclusivement à sa vie privéeNote 9 - unicité du patrimoine oblige -, l'article 9 de l'ordonnance crée un nouveau chapitre III bis consacré à l'EIRL dans le droit du surendettement, comportant un unique article, l'article L. 333-7. Les auteurs de l'ordonnance se sont ainsi prudemment limités à poser quelques principes - l'éligibilité de l'EIRL au surendettement (A) et la possibilité d'une procédure commerciale concomitante (B) - sans s'aventurer plus avant dans l'adaptation du régime du surendettement lorsqu'il concerne l'EIRL, et les premiers commentateurs n'ont pas manqué de relever l'insuffisance de ces principesNote 10.

A. - Éligibilité de l'EIRL au surendettement

6. - Le principe est posé à l'article L. 333-7, alinéa 1er, du Code de la consommation : l'EIRL peut prétendre à l'application des « dispositions du présent titre », c'est-à-dire le droit du surendettement pour l'essentiel non aménagé, sauf quelques « réserves ». Au titre des réserves, l'article L. 333-7, alinéa 2, prévoit d'une part que les règles du droit commun du surendettement ne sauraient concerner les dettes professionnelles de l'EIRL, d'autre part que la procédure sera cantonnée au seul patrimoine non affecté, qu'il s'agisse des biens, droits et obligations du débiteur, ou des biens, droits et obligations des créanciers.

Le procédé de l'application du « droit commun sous réserve » laisse d'emblée apparaître des difficultés.

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1° Conditions de recevabilité

7. - Pour ce qui est des conditions de recevabilité de la demande, l'EIRL est à tout le moins soumis aux conditions de droit commun de l'article L. 330-1, notamment l'exigence de bonne foi. Mais comment s'appréciera la bonne foi d'un débiteur qui a volontairement organisé la scission de son patrimoine, dans son seul intérêt et peu ou prou au détriment des ses créanciers en limitant leur gage ?

2° Exclusion des dettes professionnelles

8. - L'exclusion spéciale des dettes professionnelles suscite deux séries d'observations :

-- le droit commun du surendettement exclut les dettes professionnelles pour l'appréciation de l'état de surendettementNote 11, les exclut également du bénéfice de l'effacement des dettes à la suite de la clôture du rétablissement personnel pour insuffisance d'actifNote 12, mais ne les exclut pas des mesures de traitementNote

13. On peut d'abord se demander ce qu'il faut entendre par dettes professionnelles. Selon la Cour de cassation, il s'agit « des dettes nées pour les besoins ou au titre d'une activité professionnelle »Note 14. Il ne saurait s'agir de dettes liées à l'exercice d'une activité indépendante, quelle qu'elle soit depuis la loi de sauvegarde, car l'entrepreneur individuel relève en tout état de cause des procédures commerciales, exclusives de toute procédure de surendettement selon l'article L. 333-3 du Code de la consommation. La règle qui vaut pour l'entrepreneur « de droit commun » vaut bien évidemment pour l'EIRL qui exploiterait une activité indépendante dans le cadre de son patrimoine non affecté, en plus de l'activité exploitée dans le cadre du patrimoine affectéNote 15, hypothèse au demeurant visée par les textes modifiés du Code de commerceNote 16. Concrètement, les dettes professionnelles qui n'excluent pas ipso facto la recevabilité de la demande de traitement du surendettement - dès lors que l'essentiel de l'endettement est « privé » - sont le plus souvent des dettes fiscales ou sociales pesant sur un associé ou un gérant de sociétéNote 17, dettes qui pourront également grever le patrimoine privé de l'EIRLNote 18. Mais on peut se demander si l'article L. 333-7, alinéa 2, en réitérant le principe d'exclusion des dettes professionnelles de l'EIRL, ne les exclut pas tant au regard de l'appréciation de la recevabilité du dossier de surendettement qu'au regard des mesures de traitement envisageablesNote 19 ;

-- par ailleurs, depuis la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, le droit commun du surendettement fait un traitement particulier au profit du cautionnement ou de la garantie solidaire accordés pour garantir un entrepreneur individuel ou une société - seraient-ils « professionnels » -, lesquels cautionnements peuvent être pris en compte pour apprécier l'état de surendettementNote 20, voire faire l'objet d'un effacement en cas de clôture de la liquidation pour insuffisance d'actifNote 21. La question reste la même : est-ce que l'article L. 333-7, alinéa 2, conduira à exclure du bénéfice du surendettement l'EIRL qui, sur son patrimoine non affecté, aurait consenti un cautionnement ou se serait engagé comme codébiteur solidaire d'un autre entrepreneur ou d'une société dès lors que cet engagement participe grandement à son endettement ? Nous n'oserons même pas évoquer le cautionnement que l'EIRL aurait accordé sur son patrimoine « privé » pour garantir une dette de son patrimoine affecté : la question s'est posée dès la publication de la loi de savoir si l'EIRL pourrait accorder des garanties personnelles ou réelles avec son patrimoine privé au profit du patrimoine affectéNote 22. L'ordonnance du 9 décembre 2010 n'ayant pas modifié le droit des sûretés - malgré l'habilitation donnée par la loi du 15 juin 2010Note 23 -, le doute demeure pour l'octroi de sûretés réellesNote 24, mais plus guère pour les sûretés personnelles : la définition du cautionnement étant ce qu'elle est, impliquant deux personnes distinctes - le débiteur et la caution - ce que n'est pas l'EIRL, la possibilité doit pour l'instant être résolument rejetéeNote 25.

3° Cantonnement de la procédure

9. - Enfin le cantonnement de la procédure de surendettement au seul patrimoine non affecté postule une parfaite étanchéité entre les patrimoines scindés, étanchéité qui risque fort d'être illusoireNote 26. Ainsi, sur le plan du passif, comment appréhender les créanciers auxquels l'affectation de patrimoine est inopposable ? Sur le plan de l'actif, comment appréhender les biens à usage mixte ? Pire encore, quel sera le sort de la procédure de surendettement en cas de décloisonnement - partiel ou total - des patrimoines lié au déroulement d'une procédure commerciale à l'égard du

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patrimoine affectéNote 27 ? Car tel est le deuxième principe postulé par l'article L. 333-7, de la possibilité d'une procédure commerciale concomitante.

B. - Possibilité de cumul d'une procédure commerciale

10. - Elle se déduit des alinéas 3 et 4 de l'article L. 333-7 qui met à la charge de l'EIRL une obligation d'informer la commission de surendettement (ou le juge) d'une éventuelle procédure collective - sauvegarde, redressement ou liquidation, mais pas la conciliation - ouverte à l'égard de l'un de ses patrimoines affectés. L'information doit être fournie lors du dépôt du dossier de surendettement, ce qui postule que la demande de procédure de surendettement peut intervenir alors que le débiteur EIRL est déjà sous procédure collective, ou en cours de procédure si la procédure collective intervient plus tard. On comprend l'idée sous-jacente qui est d'inviter à une certaine coordination des procédures.... mais là s'arrête le souci de coordination, abandonné à l'appréciation des juges et autres commissions de surendettement sans la moindre ligne directrice. Or on imagine bien que le cours que devra prendre la procédure de surendettement (plan conventionnel ou imposé, rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire) dépendra largement du sort fait à l'entreprise dans la procédure commerciale ; de même on augure mal de la compatibilité de certaines mesures susceptibles d'être prises dans la procédure consumériste avec les règles applicables à la procédure collective, que l'on songe par exemple à la vente forcée de l'immeuble à usage mixte dans le cadre de la liquidation judiciaire du patrimoine non affecté à coordonner avec l'utilisation du bien par l'entreprise en difficulté et l'éventuelle application du régime des contrats en cours, problème laissé dans l'ombre par les auteurs de l'ordonnanceNote 28.

La tâche de coordination sera d'autant plus lourde pour les juges que l'on connaît la réticence récurrente de la jurisprudence à admettre le cumul des procédures consumériste et commerciale dans le cadre familialNote 29 : tout le travail reste à faire lorsque les procédures de nature différente se cumuleront sur la tête d'une même personne.

On peut espérer que la gestion de plusieurs procédures de même nature - en l'occurrence, nécessairement des procédures commerciales - sera moins complexe.

2. Cumul de procédures commerciales

11. - Pour ce qui est des modifications du Code de commerce, plutôt que d'adapter chacune des dispositions du Livre VI à l'EIRL pluriactif, les auteurs de l'ordonnance ont, ici encore, préféré ajouter un nouveau Titre VIII créant une grille de lecture des dispositions du Livre VI lorsque l'une ou l'autre procédure commerciale s'applique à un EIRLNote 30, seules quelques dispositions du Livre VI ayant fait l'objet d'adaptations spécifiques. Au plan des principes, là encore, l'ordonnance délimite les patrimoines éligibles aux procédures commerciales (A) et consacre la possibilité de cumul (B).

A. - Patrimoines éligibles aux procédures commerciales

12. - Même si le sujet des procédures d'insolvabilité - consumériste ou commerciale - reste le débiteur, le nouvel article L. 680-1 du Code commerce pose le principe qu'en matière d'EIRL, il faut raisonner patrimoine par patrimoine.

13. - C'est de manière générale le patrimoine affecté - ou, à partir du 1er janvier 2013, l'un des patrimoines affectés - qui devrait, prima facie, être concerné par la procédure commerciale puisqu'il est par définition créé pour abriter l'activité professionnelle éligible à une telle procédure, - ce qui l'exclut bien évidemment de toute procédure de surendettement -. Mais l'article L. 680-3 vise également le patrimoine non affecté dans la mesure où rien n'interdit à l'EIRL pluriactif d'exercer une autre activité dans le cadre de son patrimoine non affecté. De fait, il semble bien que la pluriactivité ne soit pas une hypothèse d'écoleNote 31 et tant que l'entrepreneur pluriactif ne peut créer plusieurs patrimoines d'affectation, il fallait bien admettre l'exercice de l'une des activités dans le cadre du patrimoine non affecté. L'éligibilité du patrimoine non affecté abritant une activité indépendante à l'une ou l'autre des procédures commerciales est le pendant de l'article L. 333-3 du Code de la consommation qui exclut l'entrepreneur en nom, fût-il par ailleurs EIRL, des procédures consuméristes.

14. - Bien entendu, l'éligibilité du patrimoine abritant l'activité professionnelle en difficulté aux procédures commerciales se double d'un cantonnement de la procédure au seul patrimoine concerné. Si quelques règles du Livre VI ont été adaptées pour tenir compte d'éventuelles relations entre les patrimoines - par exemple en instaurant une procédure de reprise calquée sur la procédure de revendication lorsqu'un bien du patrimoine non concerné par la

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procédure a été mis à disposition de l'entreprise en difficulté sans lui être affectéNote 32, il n'en reste pas moins que la coexistence d'un patrimoine in bonis et d'un patrimoine en difficulté va soulever du contentieux. Pour s'en tenir aux conditions d'ouverture d'une procédure collective liées notamment à la situation économique de l'entreprise, il ne pourra être tenu compte des éventuelles facultés contributives du patrimoine in bonis pour apprécier l'état de cessation des paiements ou les difficultés insurmontables du patrimoine abritant l'entreprise en difficultéNote 33.

15. - Au-delà, dès lors que plusieurs patrimoines - affectés ou non - peuvent abriter une activité, chacun peut être confronté à des difficultés et chacun doit pouvoir faire l'objet d'une procédure commerciale distincte.

B. - Consécration du cumul de procédures

16. - L'adage « faillite sur faillite ne vaut », impliquant qu'aucune procédure collective ne peut être ouverte à l'égard d'un débiteur tant qu'une procédure en cours n'a pas été clôturée, d'origine jurisprudentielle, a été consacré par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 aux articles L. 620-2, L. 631-2 et L. 640-2 concernant respectivement la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire. Ce principe d'unicité de procédure étant le corollaire de l'unicité du patrimoineNote 34, admettre la scission du patrimoine de l'EIRL devait conduire à évincer la règle « procédure sur procédure ne vaut » à son égard. Les articles 3, 4 et 5 de l'ordonnance du 9 décembre modifient donc en ce sens les textes précités : chacun maintient la règle de la procédure unique « à moins qu'il ne s'agisse de patrimoines distincts de l'entrepreneur en difficulté ».

17. - Chaque patrimoine sera donc soumis à la règle d'unicité de procédure mais chaque patrimoine abritant une activité professionnelle - aujourd'hui patrimoine affecté et patrimoine non affecté, demain, plusieurs patrimoines affectés - pourra être soumis à une procédure distincte, le débiteur se trouvant ainsi à la tête d'un patrimoine in bonis, et de divers patrimoines, affectés ou non affecté, sous mandat ad hoc pour l'un, en liquidation judiciaire pour l'autre, et toute autre combinaison imaginable (espérons que les entrepreneurs « hyperactifs » ne seront pas légion !).

18. - Il est hors de notre propos d'envisager ici le régime de ces procédures distinctes, et notamment les chausse trappes que ces procédures peuvent engendrer - telles que réunion de patrimoinesNote 35, comblement du passifNote 36 - mais gageons que là encore, la gestion et la conciliation des procédures parallèles ne sera pas chose aisée, ni pour le débiteur, ni pour les mandataires de justice, ni pour les juges.

3. Conclusion

19. - Si l'on a voulu faire passer l'affectation du patrimoine pour « un facteur de sécurité et de limitation du risque entrepreneurial »Note 37 au travers d'« un texte qui est effectivement simple... et écrit dans un langage à peu près compréhensible »Note 38, il faudra quand même beaucoup de pédagogie aux praticiens pour expliquer à l'entrepreneur qui a opté pour le statut d'EIRL ou qui envisage d'opter, que la scission de son patrimoine en deux, voire trois ou plus pourra le conduire à subir plusieurs procédures d'insolvabilité en cas de difficultés généralisées, autant de procédures que de patrimoines, sans qu'il ne puisse plus renoncer à l'affectation face à la complexité de la multiplication des procédures, ne pouvant appauvrir le patrimoine d'ores et déjà sous procédure commercialeNote 39. L'avenir nous dira si ce risque de procédures multiples est ou non dissuasif, mais dès à présent, on peut considérer que le silence de l'ordonnance sur les lignes directrices permettant de coordonner les procédures concomitantes est source d'insécurité juridique, tout dépendant de l'usage que feront les tribunaux des possibilités de décloisonnement envisagées tant par la loi du 15 juin que par l'ordonnance du 9 décembre 2010.

Egalement dans ce dossier : articles 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33

Note 1 L'article 14, II, de la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 prévoit qu'à compter du 1er janvier 2013, l'EIRL pourra constituer plusieurs patrimoines affectés.

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Note 2 B. Saintourens, L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée - Commentaire de la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 : Rev. sociétés 2010, p. 351 et s., spéc. n° 53. - F. Pérochon, Les patrimoines de l'EIRL : Rev. proc. coll. 2011, dossier 13, spéc. n° 6. - J. Vallansan, Le sort de l'éventuelle entreprise à patrimoine affecté soumise à une procédure collective : JCP E 2010, 1083, n° 19.

Note 3 E. Dubuisson, L'EIRL face aux difficultés de l'entreprise. - Une exception va-t-elle confirmer la règle ? : JCP N 2011, 1002, n° 8. - V. Legrand, Le chapitre II de l'ordonnance du 9 décembre 2010 concernant le surendettement de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée : premiers constats et déception : D. 2011, p. 99.

Note 4 Sur cette controverse, V. Legrand, L'EIRL pourra-t-il prétendre à une procédure de surendettement ? : D. 2010, p. 2385.

Note 5 S. Tandeau, Réflexions générales d'un praticien : Dr. et patrimoine avr. 2010, p. 82.

Note 6 Rapp. AN n° 2298, p. 26.

Note 7 M. Sénéchal, Le patrimoine affecté à l'épreuve du droit des procédures collectives : Dr. et patrimoine avr. 2010, p. 90.

Note 8 F. Pérochon, Les patrimoines de l'EIRL : Rev. proc. coll. 2011, dossier 13, n° 20 et s. - V. Legrand, L'EIRL pourra-t-il prétendre à une procédure de surendettement ? : D. 2010, p. 2385.

Note 9 Pour exemple, l'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard d'un auto-entrepreneur dont le passif est quasi exclusivement privé et antérieur au début de l'activité professionnelle, V. T. com. Caen, 12 janv. 2011, RG n° 2010/014613 : JCP E 2011, act. 89.

Note 10 V. Legrand, Le chapitre II de l'ordonnance du 9 décembre 2010 concernant le surendettement de l'entrepreneur à responsabilité limitée : premiers constats et déception : D. 2011, p. 99. - M. Douaoui-Chamseddine, L'adaptation du droit du surendettement à l'EIRL : RD bancaire et fin. 2011, étude 4 ; JCP E 2011, 1116.

Note 11 C. consom., art. L. 330-1.

Note 12 C. consom., art. L. 332-5 et L. 332-9.

Note 13 C. consom., art. L. 333-1. - Cass. 2e civ., 21 déc. 2006 : Bull. civ. 2006, II, n° 373.

Note 14 Cass. 2e civ., 8 avr. 2004 : Bull. civ. 2004, II, n° 190.

Note 15 F. Pérochon, art. préc., n° 22.

Note 16 V. infra.

Note 17 Cass. 2e civ., 21 déc. 2006 : Bull. civ. 2006, II, n° 373. - Cass. 2e civ., 15 nov. 2007, n° 05-15.094. - Cass. 2e civ., 21 janv. 2010, n° 08-19.984 : JurisData n° 2010-051170.

Note 18 Fiscalement, « l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (sic)... est assimilée à une EURL » : L. 15 juin 2010, art. 4.

Note 19 En ce sens, M. Douaoui-Chamseddine, art. préc., n° 27.

Note 20 C. consom., art. L. 330-1.

Note 21 C. consom., art. L. 332-9.

Note 22 E. Dubuisson, Angoisse du praticien face à un entrepreneur individuel qui veut s'engager comme EIRL : JCP N 2010, 1263.

Note 23 L. n° 2010-658, 15 juin 2010, art. 8, I.

Note 24 E. Dubuisson, L'EIRL face aux difficultés de l'entreprise. - Une exception va-t-elle confirmer la règle ? : JCP N 2011, 1002, n° 2.

Note 25 Ph. Simler, EIRL et communauté de biens entre époux : JCP G 2011, 4.

Note 26 Th. Montéran, EIRL : le miroir aux alouettes ? : Gaz. Pal. 8 janv. 2011, p. 3.

Note 27 Ph. Pétel, L'adaptation des procédures collectives à l'EIR : JCP E 2011, 1071.

Note 28 P. Pétel, ibid.

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Note 29 Cass. 1re civ., 11 oct. 2000 : Bull. civ. 2000, I, n° 242. - Cass. 2e civ., 6 janv. 2011, n° 09-72.485 : Bull. civ. 2011, I.

Note 30 Rapp. au Président de la République relatif à l'ordonnance du 9 décembre 2010 : Journal Officiel 10 Décembre 2010, texte n° 17. - J. Vallansan, EIRL en difficulté : les principes de l'ordonnance du 9 décembre 2010 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement de l'EIRL : Rev. proc. coll. 2011, étude 2.

Note 31 E. Dubuisson, La non-adoption de la « propersonnalité » : Dr. et patrimoine avr. 2010, p. 75.

Note 32 C. com., art. L. 624-19 nouveau.

Note 33 Ph. Pétel, art. préc., n° 6. - P.-M. Le Corre, L'heure de vérité de l'EIRL : le passage sous la toise du droit des entreprises en difficulté : D. 2011, p. 91.

Note 34 P.-M. Le Corre, art. préc.

Note 35 C. com., art. L. 621-2 modifié.

Note 36 C. com., art. L. 651-2 modifié.

Note 37 L. 15 juin 2010, Exposé des motifs, consultable sur Légifrance.

Note 38 X. de Roux, Esprit général du projet de loi : Dr. et patrimoine avr. 2010, p. 62.

Note 39 C. com., art. L. 680-6.

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Revue des procédures collectives n° 2, Mars 2011, dossier 19

EIRL : adaptation des règles gouvernant le déroulement de la procédure

Etude par Christine LEBEL maître de conférences HDR à la faculté de droit de Nancy

Institut François Gény (Nancy-Université)

Sommaire

1. - Outre l'adaptation des règles existantes, l'ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010 a ajouté un titre VIII au Livre VI du Code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, intitulé « dispositions particulières à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ». Ce titre comporte 7 articles qui énoncent, d'une part, des règles de fond, d'autre part, des précisions méthodologiques. Tout d'abord, les procédures collectives ouvertes, à compter du 1er janvier 2011, date d'entrée en application du décret n° 2010-1706 du 29 décembre 2010Note 1, le sont patrimoine par patrimoineNote 2. Pour cette raison, les dispositions des Titres I à VI du Livre VI du Code de commerce intéressant la situation économique ou les biens, les droits et obligations du débiteur EIRL, ainsi que ceux de ses créanciers doivent être mises en oeuvre en tenant compte de l'existence ou non d'un patrimoine affecté, et dans l'affirmative, en délimitant le champ d'application de la procédure collective au seul patrimoine visé par celle-ci. Cette façon de procéder est nouvelle pour les juristes habitués au principe de l'unicité des procédures collectives, et il convient, dès à présent d'adapter nos réflexes et nos habitudes à la modification du droit : qui est le débiteur ? S'agit-il d'une personne physique ou d'une personne morale ? Dans le premier cas, un patrimoine d'affectation EIRL a-t-il été constitué en application des articles L. 526-6 et suivants du Code de commerce ?

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2. - La situation économique, les biens, les droits et les obligations, ne concernant qu'un seul patrimoine lorsqu'un débiteur exerce une activité en tant qu'EIRL, sont parfois appréciés à l'aide d'informations relatives à la situation personnelle du débiteur afférentes à un autre patrimoine. Pour cette raison, la scission patrimoniale opérée par la création d'un patrimoine d'affectation présente différents niveaux d'interférence, allant de la perméabilité à l'étanchéité.

1. Un inventaire par patrimoine

3. - L'article 3 de l'ordonnance du 9 décembre 2010 a modifié l'alinéa premier de l'article L. 622-19 du Code de commerceNote 3. Ainsi, l'inventaire des biens du patrimoine sous sauvegarde et des garanties le grevant est réalisé par le débiteur puis remis à l'administrateur ou au mandataire. Sur ce document doivent être également indiqués les biens qu'il détient et qui sont susceptibles d'être revendiqués par un tiers. Lorsque le débiteur aura constitué un patrimoine affecté, doivent également figurer les biens détenus dans le cadre de l'activité réalisée à raison de laquelle la procédure a été ouverte, qui sont compris dans un autre patrimoine du débiteur, et dont il est susceptible de demander la reprise. Par conséquent, les inventaires doivent désormais contenir trois rubriques : les biens du patrimoine en sauvegarde, les biens susceptibles d'être revendiqués par les tiers, et les biens du débiteur, mis à disposition de l'activité réalisée sous patrimoine affecté mais n'ayant pas fait l'objet d'une affectation à ce patrimoine. Pour le redressementNote 4 et la liquidationNote 5 judiciaires, l'inventaire n'est pas établi par le débiteur, mais par un mandataire de justice, il devra également comporter au moins les trois rubriques précitées et être complété par la prisée de l'actif.

2. Les revenus du débiteur

4. - Lorsque le débiteur personne physique ne perçoit pas de rémunération pour les fonctions exercées dans le cadre de l'activité en redressement judiciaire, le juge-commissaire fixe des subsides prélevés sur l'actif de la procédure, pour subvenir aux besoins du débiteur et de sa familleNote 6. Lorsque le débiteur est un entrepreneur EIRL, le juge-commissaire tient compte des revenus éventuellement perçus au titre des patrimoines non visés par la procédure collective. Ainsi, le débiteur ne pourra percevoir des subsides que lorsque les revenus perçus au titre d'autres activités professionnelles, ou non, seront insuffisants pour assurer les besoins personnels du débiteur.

3. La limitation du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire

5. - Dans la mesure où il convient de raisonner patrimoine par patrimoine pour l'application des dispositions du Livre VI du Code de commerce, le dessaisissement du débiteur ne porte que sur l'administration et la disposition de tous les biens du patrimoine en liquidation judiciaire. Ainsi, pour le ou les patrimoines hors procédure collective, le débiteur EIRL, n'est pas dessaisi.

De plus, le débiteur, personne physique, peut exercer une activité indépendanteNote 7 au cours de la liquidation judiciaire, à condition que celle-ci engage un autre patrimoine que celui visé par la procédure collective. Autrement dit le débiteur peut exercer une activité professionnelle indépendante le rendant éligible à une procédure collective, dès lors que celle-ci est exercée dans le cadre soit du patrimoine non affecté, en cas d'EIRL en liquidation judiciaire, ou bien dans le cadre d'un EIRL lorsqu'une autre activité est exercée dans un autre patrimoine (EIRL ou non) soumise à une procédure de liquidation. Ainsi, le périmètre de la liquidation judiciaire est limité au seul patrimoine visé par la procédure collective.

4. La remise du courrier

6. - Les dispositions relatives au détournement du courrier ont également été adaptées. Ainsi lorsque le mandataire demande à être le destinataire du courrier du débiteurNote 8, et lorsque ce dernier est un entrepreneur à responsabilité limitée, la remise ou la restitution du courrier doit être immédiatement réalisée dès lors que le courrier intéresse un patrimoine autre que celui visé par la procédure. L'article L 641-15, alinéa 3, prévoit également l'accès au courrier électronique reçu par messageries professionnelles, avec l'autorisation du juge-commissaireNote 9.

Ainsi, en pratique, le mandataire judiciaire doit restituer le courrier ayant un caractère personnel, ainsi que le courrier relatif à un autre patrimoine que celui qui est en liquidation judiciaire. Cette mesure s'avère ne pas être très pratique lorsque le débiteur EIRL exerce une autre activité professionnelle indépendante que celle soumise à la procédure collective, domiciliée à la même adresse.

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5. L'interdiction de formuler une offre d'acquisition en liquidation judiciaire et ses exceptions

7. - La dissociation patrimoniale trouve ses limites avec les offres d'acquisition dans le cadre de la liquidation judiciaire. Ainsi, le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ne peut présenter une offre d'acquisition. En présence d'une exploitation agricole en liquidation judiciaire, l'interdiction d'acquérir est maintenue à l'égard du débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines.

En sens inverse à la demande du ministère public et après avis des contrôleurs, le tribunal peut autoriser, par un jugement spécialement motivé, le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, les dirigeants de droit et de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique à présenter une offre de reprise dans le cadre de la liquidation judiciaireNote

10.

Egalement dans ce dossier : articles 16, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33

Note 1 Ch. Lebel, Entrée en application de l'EIRL, les mesures réglementaires de la loi du 15 janvier 2010 : JCP E 2010, act. 56.

Note 2 C. com., art. L. 680-1.

Note 3 Ch. Lebel, Les mesures conservatoires dans l'ordonnance du 18 décembre 2008 : Rev. proc. coll. 2009, dossier 6.

Note 4 C. com., art. L. 631-14, al. 2.

Note 5 C. com., art. L. 641-1, al. 7.

Note 6 C. com., art. L. 631-11.

Note 7 Énoncée au C. com., art. L. 640-2.

Note 8 C. com., art. L. 641-15.

Note 9 C. com., art. R. 641-40.

Note 10 C. com., art. L. 624-3, al. 2, in fine.

Lettre d'actualité des Procédures collectives civiles et commerciales n° 1, Janvier 2011, alerte 9

Vigilance ! La procédure concernant un patrimoine peut être facilement étendue aux autres patrimoines

Veille par Jocelyne VALLANSAN

Confusion des patrimoines

Sommaire

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Ord. n° 2010-1512, 9 déc. 2010, art. 3, 3° créant C. com., art. L. 621-2, al. 3 nouveau

JCl. Procédures collectives, Fasc. 2165. - JCl. Commercial, Fasc. 2165

1. Le cadre juridiqueLa possibilité d'opérer une séparation de ses patrimoines instituée par la loi du 15 juin 2010 (C. com., art. L. 526- 6 à L. 526-21) a pour finalité de permettre à l'entrepreneur qui ne souhaite pas créer une société, de faire échapper aux créanciers d'exploitation ses biens personnels, et en particulier sa résidence d'habitation. C'est bien entendu en cas de difficultés menant à l'ouverture d'une procédure judiciaire et en particulier en cas de liquidation judiciaire, dont l'objectif est de réaliser le patrimoine du débiteur, que la protection de l'entrepreneur individuel s'avère nécessaire. Pour adapter le droit des procédures collectives à la situation particulière de l'EIRL, l'ordonnance du 9 décembre 2010 (C. com., art. L. 680-1 nouveau. - V. supra n° 6) a posé le principe que la procédure collective de l'EIRL s'appliquait au seul patrimoine affecté à l'exercice d'une activité professionnelle, ou non affecté si notre entrepreneur exploite sans affectation une autre activité. L'application de ce principe est proche de l'application des règles régissant les entreprises en difficulté aux différentes sociétés d'un groupe. Chacune des sociétés est soumise à une procédure, laquelle ne s'étend pas aux autres (V. M. Thiberge, L'entreprise saisie par le droit des entreprises en difficulté, Thèse Caen juillet 2010). Il est bien évident que le principe d'une séparation des patrimoines, par personne morale interposée, ou par l'affectation autorisée par l'article L. 526-6 du Ccode de commerce, est en totale opposition avec l'intérêt collectif des créanciers dont le gage général est réduit au seul patrimoine soumis à la procédure alors que des éléments d'actifs situés dans d'autres patrimoines pourraient être réalisés en leur faveur.

La pratique a mis en évidence deux exceptions : la fictivité de la personne morale et la confusion des patrimoines. L'autonomie de la notion de confusion des patrimoines a permis la construction d'une technique juridique autorisant l'extension de la procédure collective ouverte contre un débiteur à une autre personne. Dans le cadre des groupes de sociétés, une telle méthode, entérinée par la loi du 26 juillet 2005 (aujourd'hui C. com., art. L. 621-2, al. 2), permet de soumettre à une même procédure le groupe en difficulté.

Cette extension de procédure d'un débiteur à un autre devait être adaptée lorsqu'un même débiteur est titulaire de plusieurs patrimoines. C'est l'objet de la modification de l'article L. 621-2 du Code de commerce par la création d'un troisième alinéa qui permet cette fois-ci l'extension de la procédure concernant un patrimoine à un autre patrimoine du même débiteur. Sur le modèle de l'alinéa 2 (confusion des patrimoines), l'ordonnance a transposé à l'EIRL le dispositif de l'extension de procédure pour cause de confusion des patrimoines. De façon plus originale, elle a également adapté à la procédure collective les cas de poursuite des créanciers sur les biens non affectés prévus par les article L. 526-12 et L. 526-13.

2. Les textesL'article L. 621-2 a été complété par un troisième alinéa consacré à l'EIRL : « Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure ».

3. L'impactCe troisième aliéna prévoit quatre cas d'extension de procédure, le premier adaptant une règles du livre VI déjà existante à l'EIRL, les trois autres adaptant des règles concernant l'EIRL à la procédure collective de ce dernier.

1° L'adaptation à l'EIRL de la notion de confusion des patrimoines. - Le tribunal qui a ouvert la procédure à l'égard d'un patrimoine de l'EIRL peut, à la demande des organes de la procédure ou du ministère public ou d'office, étendre cette procédure à d'autres patrimoines de l'EIRL en cas de confusion des patrimoines. Il s'agira désormais d'appliquer aux patrimoines de l'EIRL les critères de la confusion des patrimoines élaborée savamment par la chambre commerciale de la Cour de cassation, en s'interrogeant s'il n'y a pas matière à les faire évoluer dès lors qu'il ne s'agira pas d'étendre une procédure à une autre personne mais à un autre patrimoine de la même personne.

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2° L'adaptation aux procédures collectives des règles applicables à l'EIRL. -- La seconde phrase de la disposition commentée correspond au contenu des dispositions de l'article L. 526-1, alinéa 9, du Code de commerce selon lequel l'EIRL est responsable sur la totalité de ses biens et droits dans trois situations. En premier lieu, la fraude du débiteur à l'égard d'un ou de ses créanciers permet aux victimes d'agir en recouvrement de leur créance sur les différents patrimoines de l'EIRL in bonis. En cas de procédure collective, c'est cette dernière qui atteindra les autres patrimoines. La fraude a donc ici pour effet d'entraîner l'application des dispositions du livre VI du Code de commerce à l'EIRL et non à un de ses patrimoines. La même conséquence attend l'EIRL s'il manque à ses obligations comptables et bancaires, telles qu'elles sont précisées à l'article L. 526-13 du Code de commerce. Des irrégularités comptables ou des erreurs dans les écritures bancaires pourront donc conduire l'EIRL a subir la procédure collective, y compris le redressement judiciaire, sur tout son patrimoine, dès lors qu'il sera jugé que ces irrégularités sont suffisamment graves. La dernière situation autorisant l'extension de procédure concerne la violation grave des obligations tenant aux règles tenant à la composition des patrimoines édictées à l'article L. 526-6, ce qui posera sans doute quelques difficultés d'appréciation (V. notre commentaire précité in Rev. proc. coll. 2011, étude 2 à paraître).

En résumé, il résulte du nouvel alinéa 3 de l'article L. 621-2 que la situation de l'EIRL en procédure collective est beaucoup plus risquée que celle du dirigeant de société.

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Droit rural n° 389, Janvier 2011, comm. 9

Unité d'activité et unicité de procédure collective

Commentaire par Christine Lebel

ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ

Sommaire

Lorsque deux redressements judiciaires sont ouverts à l'encontre d'une débitrice exerçant une activité agricole et que la première procédure n'a pas été clôturée au jour de l'ouverture de la seconde, il y a contrariété entre les deux jugements qui sont inconciliables en application du principe d'unité des procédures collectives. La Cour de cassation annule le second. La procédure collective ouverte par une juridiction commerciale depuis plus de 18 ans à l'égard d'un agriculteur en nom propre se poursuit, alors que les délais de la période d'observation sont très largement dépassés.

Cass. com., 3 nov. 2010, n° 09-17.152

Sur le moyen unique :

Vu l'article 618 du Code de procédure civile

Attendu que par l'application de ce texte, il suffit de constater qu'aucune des décisions inconciliables n'est susceptible d'un recours ordinaire ;

Attendu que Mme Z., qui exerçait une activité d'agricultrice, a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Saint-Tropez le 30 janvier 1992 ; que par jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 17 juin 2005, Mme Z. exerçant la même activité, a été mise en redressement judiciaire ; que ces deux décisions, dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont, dès lors, inconciliables au regard du principe de l'unicité des procédures collectives ; qu'il y a lieu d'annuler la seconde ;

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Et vu l'article 627 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs :

Déclare sans objet le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le jugement du tribunal de commerce de Saint-Tropez du 30 janvier 1992 ;

Annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 juin 2005, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Draguignan ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ; (...)

Note :Le droit des entreprises en difficultés contient certaines dispositions spécialement adaptées à l'activité des exploitants en nom propre. Cependant, les procédures collectives agricoles sont, dans leur ensemble, régies par les règles communes à tous les débiteurs, qu'ils soient agriculteurs ou non, personnes physiques ou personnes morales. Il en est ainsi notamment de la période d'observation. Les faits de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 3 novembre 2010 sont simples. Un redressement judiciaire a été ouvert à l'égard d'une agricultrice exploitant en nom propre par jugement du tribunal de commerce de Saint-Tropez le 30 janvier 1992. Puis, par un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan, pour la même activité, un second redressement judiciaire a été ouvert le 17 juin 2005. Par la suite, la débitrice conteste l'ouverture de la première procédure collective à l'appui de l'article 618 du Code de procédure civile. La Cour de cassation, après avoir constaté que les deux décisions sont inconciliables au regard du principe d'unicité des procédures collectives (1) annule le jugement rendu par le tribunal de grande instance (2). On remarquera toutefois, que treize années séparent l'ouverture des deux redressements judiciaires, sans que la première procédure collective ait été clôturée, par conséquent, la durée de la période d'observation du premier redressement judiciaire a été particulièrement longue (3).

1. Le principe d'unicité des procédures collectivesLe principe de l'unicité des procédures collectives est la version moderne de l'adage « faillite sur faillite ne vaut » qui a été adaptée en raison des modifications législatives intervenues au cours des dernières décennies. Il est également parfois énoncé sur avec la formule « procédure sur procédure ne vaut », la faillite n'étant plus aujourd'hui une procédure collective, mais une sanction prononcée à l'encontre d'un débiteur ayant commis certaines fautes (C. com., art L. 653-2 et s.). Ainsi, une procédure collective ne peut être ouverte à l'égard d'une même personne, lorsqu'une autre a été précédemment ouverte et n'est pas encore clôturée. Ce principe avait déjà été ponctuellement été énoncé par la Cour de cassation avant 2005 (Cass. com., 27 nov. 1991 : JurisData n° 1991-003011 ; Bull. civ. 1991, IV, n° 360 ; JCP E 1992, pan. 154. - Cass. com., 7 avr. 2004 : D. 2004, p. 1384). Il a été consacré par le législateur en 2005, car depuis la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, les articles relatifs à l'ouverture d'une procédure collective disposent formellement qu'une procédure « à l'égard d'une personne déjà soumise à une telle procédure » ou à l'une des deux autres procédures collectives tant qu'il n'y a pas été mis fin. Cette règle est aujourd'hui énoncée à l'article L. 620-2 pour la procédure de sauvegarde, à l'article L. 631-2 pour le redressement judiciaire, et à l'article L. 640-2 pour la liquidation judiciaire.

Dans la présente affaire, un premier redressement judiciaire a été ouvert par jugement du tribunal de commerce le 30 janvier 1992, sans que cette procédure n'ait été clôturée, soit en raison de l'adoption d'un plan de continuation, d'un plan de cession totale ou le prononcé d'une liquidation judiciaire, ayant donné lieu à un jugement de clôture de la procédure, pour ces deux dernières hypothèses. Par conséquent, la procédure étant toujours ouverte, lorsque le tribunal de grande instance de Draguignan a ouvert le second redressement judiciaire, le 17 juin 2005, soit plus de 13 ans plus tard !

Le principe de l'unicité de procédure ne comporte aucune exception ni aménagement à ce jour, et pour toutes les procédures collectives ouvertes jusqu'au 11 décembre 2010, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010. Le 1er janvier 2011 entre en application le statut de l'Entrepreneur individuel à responsabilité limitée, EIRL, qui permet à un entrepreneur ou un exploitant individuel de créer un patrimoine d'affectation constitué des biens, droits et obligations ou sûretés nécessaires ou utiles à l'exercice de son activité professionnelle, en application de l'article L. 526-6 du Code de commerce. Toutefois, l'agriculteur en nom propre peut décider ne pas affecter les terres utilisées pour l'exercice de son exploitation dans son patrimoine personnel. À compter du 1er janvier 2013, il sera possible de constituer plusieurs patrimoines d'affection par une seule et même personne physique. Par conséquent, à

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compter de cette date, en cas de difficultés financières, une procédure collective pourra être ouverte à l'encontre de chaque patrimoine d'affectation et du patrimoine non affecté éventuellement, autrement formulé, plusieurs procédures à l'égard d'une seule et même personne physique.

2. L'annulation du second redressement judiciaireL'ouverture de deux procédures de redressement judiciaire à l'égard de la même personne physique exerçant la même activité, constitue une contrariété de jugements car les deux décisions sont inconciliables. De plus, elles ne sont pas susceptibles d'un recours ordinaire. Dans ce cas, l'intervention de la Cour de cassation est indispensable pour solutionner la problématique, et pour cette raison, le pourvoi en cassation est recevable, même si l'une des décisions en cause a déjà été frappée d'un premier pourvoi et que celui-ci aurait été rejeté (Cass. 3e civ., 6 janv. 1982 : Bull. civ. 1982, III, n° 3). Autre particularité de cette voie de recours exceptionnelle, le pourvoi peut être formé après l'expiration du délai au cours duquel celui-ci doit être normalement rédigé en application de l'article 612 du Code de procédure civile, soit en principe, deux mois.

Saisi dans un tel contexte, l'article 618 du Code de procédure civile ajoute que le pourvoi doit être dirigé contre les décisions et lorsque la contrariété est constatée par la Cour de cassation, elle annule l'une des décisions, ou s'il y a lieu, les deux. Dans la présente affaire, le pourvoi a été dirigé contre le jugement du tribunal de commerce de Saint-Tropez du 30 janvier 1992 et celui rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan du 17 juin 2005. Sur le visa de l'article 618 du Code de procédure civile, la Cour de cassation, constatant que les décisions contestées sont inconciliables au regard du principe de l'unicité des procédures collectives, annule la seconde décision, ouvrant le redressement judiciaire devant le tribunal de grande de Draguignan.

Comment peut-on expliquer en pratique une telle situation ? Le premier redressement judiciaire a été ouvert par un tribunal de commerce, alors que le second l'a été par une juridiction civile. La problématique résulte de la nature de l'activité exercée par la débitrice, et l'arrêt du 3 novembre 2010 ne donne aucune précision sur ce point. Si la débitrice exerçait une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime, elle aurait dû soulever l'incompétence du tribunal de commerce en 1992. Or, il ne semble pas qu'elle l'ait fait. Par conséquent, le premier jugement est devenu définitif, et peu importe alors la réalisation de l'activité exercée. À l'opposé, l'incompétence de tribunal de grande instance a-t-elle été soulevée, toujours en raison de la nature de l'activité de la débitrice, celle-ci pouvait être de nature agricole au sens de la réglementation de la sécurité sociale, mais sans pour autant répondre aux conditions énoncées à l'article L 311-1 précité ? La présente affaire met en évidence, la question de la justification de la nature de l'activité exercée par l'auteur de la demande d'ouverture d'une procédure collective, et ce, d'autant plus que lorsque cette demande est formulée par le débiteur lui-même, car en théorie, une telle situation ne devrait pas se produire : soit le débiteur exerce une activité agricole par nature au sens de l'article L 311-1 et la procédure collective est de la compétence matérielle du tribunal de grande instance. Soit son activité ne correspond pas à la définition de l'article L. 311-1, et c'est alors une procédure relevant de la compétence de la juridiction commerciale (C. com., art. L. 621-2 par renvoi de l'article L. 631-7 C. com.). Il y a donc un « loupé » quelque part dans cette affaire !

3. Une période d'observation de 18 ans (au moins) !La durée période d'observation de la procédure de redressement judiciaire est conditionnée soit par l'adoption du plan, soit par le prononcé de la liquidation judiciaire, pour toutes les procédures collectives ouvertes avant le 1er janvier 2006. De plus, l'article L. 631-16 du Code de commerce permet au débiteur de demander la clôture de la procédure lorsqu'il dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et régler les frais et dettes afférentes à la procédure (P.M. Le Corre, Les clôtures : Rev. proc. coll. 2008, dossier 14). Mais telle n'était pas la situation, le premier redressement ayant été ouvert en 1992. Par conséquent, la procédure n'ayant pas été clôturée en 2005, la période d'observation a duré plus de 18 ans, le redressement n'étant pas encore clôturé en novembre 2010. Sous l'empire des dispositions antérieures à la loi de sauvegarde des entreprises en difficulté, la période d'observation avait une durée maximale de 20 mois. Actuellement, celle-ci est de 18 mois (C. com., art. L. 621-2 et R. 621-9 par renvoi de l'article L. 631-7 C. com.). Toutefois, les textes ne permettent pas de sanctionner le dépassement de ces délais. Cette solution a été affirmée avant 2005 (Cass. com., 26 oct. 1999 : Act. proc. coll. 1999, comm. 265. - CA Dijon, 19 déc. 2000 : Act. proc. coll. 2001, comm. 149, obs. Ch. Lebel) et a été confirmée depuis (Cass. com., 10 juin 2008 : Act. proc. coll. 2008, comm. 202, obs. Ch. Delattre ; JCP E 2008, 2062, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; Rev. proc. coll. 2008, comm. 119, note Ch. Lebel). Implicitement, l'arrêt du 3 novembre 2010 confirme cette solution.

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Droit social agricole. - Entreprise en difficulté. - Liquidation judiciaire. - Période d'observation

© LexisNexis SALa Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 25, 24 Juin 2011, 1204

Risques de l'entreprise et protection de l'entrepreneur et de sa famille : de l'EURL à l'EIRL

Etude Étude rédigée par : Étienne Dubuisson notaire

entreprise

Sommaire

Le choix entre les statuts de l'EURL et de l'EIRL est au coeur d'un débat juridique à la fois théorique et pratique. Lequel des deux régimes est-il le plus propre à assurer une protection du patrimoine privé de l'entrepreneur ? Des réponses se situent au niveau de l'opposition radicale de leurs supports théoriques respectifs : l'EIRL est d'un côté, dépourvu de personnalité juridique et, de l'autre, rattaché à l'idée de patrimoine d'affectation. Mais, une approche pragmatique de la réalité de l'entrepreneur redimensionne la comparaison : d'une part, la simplicité annoncée pour l'EIRL dissimule mal des lourdeurs de fonctionnement propres à tout régime dérogatoire et, d'autre part, la crainte objective d'une responsabilité trop limitée débouche toujours sur les mêmes correctifs contractuels ou législatifs.

1. Introduction

1. - EIRL ou EURL, c'est le choix qui est au coeur d'un débat juridique passionné et d'ailleurs passionnant. Passionné, à en croire ce qu'on lit sous la plume d'un confrère : « (...) auparavant, une personne physique pouvait déjà, sous couvert d'une société unipersonnelle, disposer officieusement de plusieurs patrimoines. Mais aujourd'hui, notre droit a gagné en lisibilité et en cohérence en reléguant au passé cette mascarade »Note 1. L'EURL, une mascarade ! Passionné, le débat peut aussi être passionnant : actuellement, un étudiant de l'université Lyon III Jean Moulin, prépare un travail sur le thème : « existe-t-il un régime idéal pour l'entrepreneur individuel ? ». Cela est d'autant plus passionnant qu'on trouve dans cet intitulé la question qui est déjà posée aux notaires dans leurs études « mon cher Maître, vaut-il mieux que je fasse l'EURL ou l'EIRL ? ». C'est ainsi une approche comparative qui est sollicitée par les entrepreneurs ; c'est sur cette piste qu'on peut se hasarder en limitant toutefois la comparaison à une évaluation de l'inconnu (l'EIRL) selon les critères du connu (l'EURL) centrée sur la question de la protection contre le risque d'entreprise.

2. - Mais quel est le problème, y a-t-il seulement des risques à entreprendre ? Contre quoi l'entrepreneur doit-il se protéger ? Contre les créanciers ? Les créanciers sont pourtant une bonne chose en tant qu'ils sont la cause du développement financier de l'entreprise. Faut-il protéger l'entrepreneur contre les procédures collectives ? Mais la procédure collective est pourtant la garantie que l'entrepreneur ne sera pas laminé par l'addition désordonnée des recours individuels. Dès l'abord, l'analyse s'annonce complexe car le problème lui-même est difficile à cerner. Chacun aura sans doute son opinion sur le noeud du problème, mais l'on peut admettre que la difficulté essentielle réside dans l'exigibilité des dettes personnelles mécaniquement provoquée par le traitement des difficultés de l'entreprise.

3. - D'un autre côté, la question de la protection de l'entrepreneur est paradoxale : pourquoi devrait-on protéger l'entrepreneur contre le risque ? On sait qu'entreprendre, c'est lancer une activité en espérant qu'elle réussisse ; mais il y a de l'incertitude quant au résultat : c'est cela le risque. Et l'on voudrait débarrasser l'entreprise de ses risques ? Y a-t-il une nécessité, et même une possibilité, de protéger l'entrepreneur et sa famille contre les risques de l'entreprise ? Ne poursuit-on pas une chimère ?

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4. - En suivant cette piste qui se révèle hasardeuse, on en néglige par ailleurs une autre qui motive pourtant beaucoup plus les entrepreneurs : celle du statut social et fiscal, ou plutôt celle du meilleur statut social et fiscal au moindre coût. De ce point de vue, on se limitera à observer que le seul avantage de l'EIRL sur l'EURL, c'est le bénéfice du régime simplifié et forfaitaire de l'auto-entrepreneur ; ce régime est ouvert à l'entrepreneur individuel et donc à l'EIRL alors qu'il est fermé à l'EURL qui juridiquement est une personne morale. On notera juste - de lege ferenda - qu'il ne serait pas plus compliqué d'ouvrir l'EURL au statut de l'auto-entrepreneur que ce ne l'a été d'ouvrir l'IS au profit de l'EIRL.

5. - Il n'est pas facile, donc, de répondre d'une façon intéressante à notre entrepreneur : là où il sait ce qu'il veut, la réponse est contenue dans la question ; et là où il a besoin d'un avis pour se décider, on ne sait pas trop s'il existe une solution adaptée. L'avantage au moins, de nos jours, c'est le choix entre une multitude de solutions. Alors qu'avant 1985, seule la solution de l'entreprise en nom propre - à responsabilité illimitée - s'ouvrait à l'entrepreneur individuel ; désormais l'éventail des solutions est largement ouvert.

6. - Cette pluralité, cette profusion de statuts juridiques, appelle d'ailleurs une question. Dans la mesure où l'EURL existait déjà, pourquoi a-t-on créé l'EIRL ? En quoi le régime de l'EIRL est-il un moyen mieux adapté que l'EURL pour atteindre le but de protection ? Pour tenter de répondre à cette question, on notera que l'EIRL a été dotée d'un support théorique diamétralement opposé au fondement de l'EURL (1). Il importe de vérifier si en pratique cela ne revient pas au même (2).

2. Le support théorique de l'EIRL diamétralement opposé à celui de l'EURL

7. - Rares sont les révolutions en droit privé ; avec l'EIRL on en tient une qui a été revendiquée comme telle par ses prosélytes : « la loi (...) du 15 juin 2010 constitue en soi une petite révolution juridique en ce qu'elle a porté l'estocade à l'une des trois têtes de la théorie d'Aubry et Rau : (...) chaque personne peut dorénavant avoir plusieurs patrimoines »Note

2. On notera que, justement, il ne s'agit pas de « chaque personne » ; il s'agit seulement des personnes physiques et parmi celles-là uniquement de celles qui sont entrepreneurs individuels optant pour le régime de l'EIRL. Mais le résultat est là : une personne physique, en ce cas précis, pilote deux patrimoines avec seulement une personnalité juridique. Le patrimoine professionnel est séparé du patrimoine personnel « sans création d'une personne morale » proclame l'article L. 526-6, alinéa 1er du Code de commerce.

8. - Le mécanisme est donc à double détente par rapport à l'EURL : d'un côté, on perd le critère de la personnalité juridique pour identifier le patrimoine professionnel ; de l'autre, on gère la séparation des patrimoines en recourant à la notion de patrimoine affecté.

A. - L'EIRL est dépourvue de personne morale propre au patrimoine professionnel

9. - Dans un schéma simplificateur, on peut dire que la personne agit sur le patrimoine par l'effet de la personnalité juridique. Aussi, on peut observer en quoi ce système est modifié selon le type d'entreprise individuelleNote 3. De cette structure différente entre EURL et EIRL, il résulte quelques conséquences logiques ; voyons si l'EIRL s'en trouve mieux protégé que ne le serait l'entrepreneur en EURL.

-- Tout d'abord, les règles pénales sanctionnant les comportements entre la personne de l'entreprise et celle de l'entrepreneur n'existent plus puisqu'il n'y a qu'une personne : on ne peut pas être à la fois auteur et victime de la même infraction ; notamment, il n'y aura pas d'abus de biens sociaux. Dans l'EURL, l'abus de biens social existe, non pas à la demande de l'associé contre le gérant bien sûr (puisque c'est souvent la même personne physique) mais du chef des créanciers de la société agissant contre le gérant au nom de l'associé et pour le compte de cette société unipersonnelle qui est leur débiteur. L'EIRL, débarrassé de ces incriminations pénales par disparition de la distinction associé-gérant, serait mieux protégé que l'EURL. Cependant, même si les textes fondant l'EIRL n'ont pas créé de sanctions pénales, il convient de rappeler que les infractions de droit commun (faux, escroquerie ou organisation frauduleuse d'insolvabilité) pourraient s'appliquer à l'EIRL si les conditions en étaient évidemment remplies. Par ailleurs, il ne faut pas oublier les incriminations propres aux procédures collectives ainsi qu'on le verra plus loin.

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-- L'inexistence d'une personne professionnelle distincte de la personne physique de l'entrepreneur empêche de concevoir des contrats obligeant d'un côté le patrimoine privé et servant de l'autre au patrimoine professionnel. L'EIRL ne peut pas faire de contrats avec soi-même, notamment un bail avec soi-même. De tels contrats sont fréquents dans le cadre de l'EURL spécialement pour conserver un bien dans le patrimoine privé et le mettre à disposition de l'entreprise par une location. Certes, l'administration fiscale a confirmé qu'un bail fiscal pourrait être pris en compte pour le calcul des impositions, mais du point de vue juridique ce n'est pas possible. Si un bien privé est utilisé pour les besoins de l'entreprise, alors de deux choses l'une : soit il est nécessaire à l'entreprise et doit être affecté (C. com., art. L. 526-6, al. 2)Note 4 ; soit il ne l'est pas : l'entrepreneur a alors le choix de l'affecter ou non à son entreprise. S'il l'affecte, le bien ne sera pas protégé en cas de défaillance de l'entreprise ; s'il ne l'affecte pas, le bien ne pourra pas être saisi par les créanciers de l'EIRL. On pourrait alors être rassuré pour l'entrepreneur et sa famille. La solution serait là : ne pas affecter ce qu'on veut protéger ; l'EIRL pourra utiliser un bien privé dans son entreprise, bien qui ne sera pas saisi en cas de défaillance de celle-ci puisqu'il ne serait pas affecté. Il faut néanmoins avoir présent à l'esprit deux choses : 1° le manquement grave aux obligations d'affectation qui fait tomber la séparation des gages (cas où le bien serait considéré comme nécessaire) ; 2° la règle édictée à l'article L. 621-2 du Code de commerce selon laquelle la réunion des patrimoines est encourue en cas de confusion des divers patrimoines de l'EIRL.

-- Pas plus que le bail avec soi-même, le cautionnement donné par l'entrepreneur pour les besoins de son entreprise ne sera possible ; certes cette impossibilité est plutôt protectrice pour le patrimoine privé. Mais, les faits juridiques étant têtus, on n'empêchera pas les entrepreneurs individuels d'engager leurs biens privés pour les besoins de leur entreprise dès lors qu'ils en espéreront un développement professionnel ou qu'ils y seront contraints par un partenaire financier. Notons que si le bien est utilisé pour l'entreprise, un tel engagement professionnel, une telle mise en gage professionnel, se fait tout simplement par affectation. La question ne se pose véritablement que pour un bien dépendant du patrimoine privé, qui ne serait ni nécessaire ni utile à l'entreprise ; un tel bien n'est pas affectable. L'EIRL peut-il l'engager au profit de ses créanciers professionnels ? L'EIRL doit-il être protégé contre une telle tentation ? Le cautionnement est impossible, mais on peut néanmoins considérer comme possible ce qu'il convient d'appeler la clause DelestNote 5: elle consiste en une décision de volonté par laquelle l'EIRL déclarerait la partition de son gage inopposable à tel créancier qu'il voudrait privilégier. La validité d'une telle clause fait débatNote 6.

-- Autre conséquence de l'absence de personne morale, c'est l'application du droit des personnes physiques et notamment celui de la communauté lorsque l'entrepreneur se trouve marié sous un tel régime. Certes l'article L. 526-12 proclame que les créanciers professionnels ont pour seul gage les biens affectés. Mais, dans la mesure où rien n'a été changé à l'application du droit des régimes matrimoniaux, on doit considérer que l'article 1413 du Code civil conserve son empire. On doit alors sans doute entendre que la règle de séparation des gages de l'article L. 526-12 s'applique « pour les seules dettes professionnelles communes entrées en communauté du chef de l'EIRL ». Pour peu que la dette professionnelle soit entrée en communauté du chef du conjoint, la protection sera réduite à néant. Le cas n'est pas théorique, l'entraide entre époux étant à haute fréquence sociologique lorsque l'un des deux est entrepreneur individuel. Aussi, la prudence commandera que l'entrepreneur individuel adopte un régime matrimonial de séparation des dettes avant de choisir le régime de l'EIRL, à défaut de quoi la protection espérée de ce dernier resterait largement vaine.

Les avantages de la personnalité morale étant perdus, trouve-t-on une compensation dans la notion de patrimoine d'affectation ?

B. - La notion du patrimoine d'affectation au secours de l'EIRL

10. - Pour réguler la nouvelle forme d'entreprise qu'est l'EIRL, et à défaut du droit des personnes morales, il fallait bien trouver un modèle juridique auquel se raccrocher. On s'est engouffré dans la notion de patrimoine d'affectation qui n'a pourtant ni définition, ni fondement, ni théorieNote 7. L'affaire n'est donc pas gagnée pour éclaircir toutes les zones d'ombre du dispositif de l'EIRL. Car ce qu'on appelle « patrimoine affecté » pour l'EIRL recouvre des réalités juridiques très variables selon le point de vue où l'on se place : du point de vue de l'entrepreneur, c'est un patrimoine séparé ; du point de vue des créanciers, c'est un gage séparé ; du point de vue des ayants droit, c'est une universalité. Voyons si l'entrepreneur en ressort mieux protégé qu'avec l'EURL.

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-- Côté entrepreneur, c'est un patrimoine séparé. Mais, l'entrepreneur reste propriétaire de ce patrimoine affecté de la même manière qu'il l'est du reste de son patrimoine. Du coup, la nature juridique de l'acte d'affectation n'est pas claire. Cet acte d'affectation se concrétise bien par le passage d'un patrimoine à un autre mais c'est la même personne qui demeure titulaire des deux. S'agit-il alors d'un acte de disposition ? Non, si l'on considère qu'on retrouve toujours le même propriétaire ; oui, si l'on considère que le répondant du propriétaire à l'égard des actes qu'il peut faire se trouve modifié comme s'il avait cédé un bien. On risque de devoir débattre à l'infini de cette question ; mais à quoi bon d'ailleurs, puisque des conditions ressemblant à celles des actes de disposition doivent être respectées pour la plupart des affectations ; on en a la démonstration à propos de l'affectation des biens immobiliers, des biens indivis ou des biens communs. Pour les biens communs ou indivis spécialement, on sent qu'il y a acte de quasi-disposition puisque le conjoint ou le coïndivisaire doivent être informés et donner leur accord à l'affectation. Sans compter qu'un tel bien, une fois affecté, ne pourra plus être affecté à un autre patrimoine d'EIRL (C. com., art. L. 526-6, al. 2 in fine). Si l'on compare avec l'EURL, le traitement de la même opération y est plus clair : l'opération est juridiquement un apport, c'est-à-dire un acte de disposition qui ouvre droit à une contrepartie. Avec le patrimoine d'affectation de l'EIRL, l'affectation a lieu sans contrepartie : si c'est une protection, la certitude est qu'elle coûte cher à la famille de l'entrepreneur !

-- Après l'entrepreneur dans ses rapports avec lui-même, on peut examiner l'EIRL du point de vue des créanciers. Faire une déclaration de patrimoine affecté, c'est - dans les rapports avec les créanciers - réaliser un gage professionnel séparé. L'article L. 526-12 fixe, en son alinéa 6, la règle en la matière qui réalise une exception à l'article 2284 du Code civil. On regrettera d'ailleurs avec Anne-Laure Thomat-RaynaudNote 8 qu'une aussi importante dérogation à un tel principe n'ait pas fait l'objet d'une modification de ce pilier du Code civil qu'est l'ex-article 2092... Mais, d'un point de vue pratique, la protection semble clairement établie et sûrement fondée : le patrimoine affecté est le gage général exclusif des créanciers professionnels ; les autres biens forment le gage général exclusif des autres créanciers. Il convient néanmoins de tempérer le propos du fait du régime qui admet des exceptions. Une première exception est posée en faveur du gage privé qui s'étend au « bénéfice » réalisé dans l'entreprise pour le cas où le patrimoine non affecté serait insuffisant. La deuxième exception résulte des six différentes causes d'inopposabilité de la séparation des gages posées par le texte. Bien sûr, ces régimes correspondent aux sanctions légitimes d'atteintes plus ou moins graves portées aux règles de l'affectation. Mais ce qui est inquiétant, c'est l'enjeu que cela représente pour chaque camp de créanciers : chacun va pinailler et ergoter dans l'espoir de démontrer que l'affectation n'a pas été faite suivant les formes (camp des créanciers privés) ou, au contraire, qu'il y a eu affectation tacite (camp des créanciers professionnels). La protection du patrimoine privé risque ainsi d'être soumise à l'aléa des procédures. C'est à ce point une crainte que l'ordonnance relative aux procédures collectives a pris le soin d'unifier la compétence du juge : selon l'article L. 680-7, le juge saisi de la procédure a compétence pour connaître « des contestations relatives à l'affectation des éléments du patrimoine de cet entrepreneur qui s'élèvent à l'occasion de cette procédure ». Le sort de l'entrepreneur relèvera donc, en réalité, de questions de fait et de preuve.

-- Ces complications ne sont rien comparées à ce qu'il advient lorsqu'on considère le patrimoine affecté du point de vue des ayants droit. Car alors, le patrimoine affecté se comporte comme une universalité ; on connaît les universalités de fait (le fonds de commerce, le vaisseau naviguant sur l'océan, le cheptel ou la bibliothèque), mais ici, il s'agit d'une universalité de droit, c'est-à-dire actif et passif réunis. Les transferts d'universalité de droit n'étaient jusqu'à présent juridiquement reconnus qu'en matière de sociétés et spécialement de disparition de société par réunion de toutes les parts en une seule main (C. civ., art. 1844-5, al. 3) ou de fusion (C. com., art. L. 236-14). Nous entrons avec l'EIRL dans une nouvelle dimension, car il s'agit d'une transmission universelle entre personnes physiques dont la cédante, notamment, survit à la cession : on va donc pouvoir faire répondre autrui d'un engagement qu'on avait pris personnellement. Voilà un effet qui contredit le principe fondamental de la responsabilité individuelle et de la sécurité juridique attachée aux contrats. On peut certes n'y voir rien de pire que ce qui se produit lorsqu'un entrepreneur cède les parts de son EURL à un autre entrepreneur. Tout de même, on peut évoquer quelques exemples topiques de l'insécurité qui en résulte. Le conjoint de l'entrepreneur créancier d'une récompense pour l'amélioration d'un bien serait protégé dans le cas de l'EURL, alors qu'il perd tout droit en cas d'EIRL. Autre exemple en matière de renonciation de l'EIRL au régime du

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patrimoine affecté avec continuation de l'entreprise : une telle renonciation produit une réunification des deux gages généraux privé et professionnel en un seul ; l'article 2289 du Code civil reprend alors son empire. Mais cette renonciation et la confusion qui en résulte se font sans l'écran protecteur d'une liquidation. Du coup, on dissuadera forcément l'entrepreneur de procéder à une telle renonciation ; mais ne pourra-t-il pas y être contraint par un créancier sur la base de l'action oblique de l'article 1166 du Code civil ? Rien ne l'interdit et, du coup, la protection proposée par l'EIRL serait réduite à néant alors que dans la même situation une liquidation protégerait l'entrepreneur qui voudrait dissoudre son EURL.

Ainsi les bases théoriques du régime de l'EIRL ne semblent pas un roc beaucoup plus solide que ne l'est l'EURL pour bâtir la protection de l'entrepreneur ou de sa famille. Mais, après tout, peu importe si, en pratique, les résultats s'inversaient.

3. La simplicité de l'EIRL pour rompre avec les lourdeurs de l'EURL

A. - Un doute sur la simplicité

11. - L'EIRL a été présentée dans les travaux préparatoires à son adoption comme étant simple, du moins par ses promoteurs. Pour l'instant, il est difficile d'en juger sur pièce puisque les EIRL ne sont pas encore légion. Mais, un signe ne trompe pas : en matière fiscale, l'Administration n'a pas voulu s'embarrasser des complications attachées à un renversement dogmatique périlleux. La personne morale écartée sans ménagement à l'article 1 de la loi du 15 juin 2010, revient au galop à l'article 4 : l'EIRL - pour les besoins fiscaux - est purement et simplement assimilée à l'EURL. Le clou est enfoncé à l'article 15 de l'instruction fiscale en cours d'élaboration : « sur le plan fiscal, l'EIRL est réputée constituer une personne morale distincte de l'entrepreneur individuel qui l'a constituée ». C'est fiscal et ça n'a pas de rapport avec le thème de la protection qui nous occupe. Observons simplement qu'on recourt immanquablement à l'idée de personnalité professionnelle dès qu'il s'agit de trouver un fondement efficace à la séparation des intérêts privés et professionnels de l'entrepreneurNote 9.

12. - Pour l'heure, observons le quotidien de l'EIRL. Dans la mesure où il est titulaire de deux gages généraux entre lesquels les droits de ses créanciers sont distribués, l'entrepreneur doit coûte que coûte éviter la confusion entre ses deux patrimoines qui réduirait à néant ses espoirs de protection (dixit l'article L. 526-12 alinéa 7). Pour distinguer l'appartenance de chaque bien - et de chaque dette - à l'un ou l'autre des ensembles patrimoniaux, la loi impose à l'entrepreneur qu'il respecte des règles : envoi d'une lettre recommandée à tout créancier antérieur à l'affectation pour la lui rendre opposable, emploi systématique d'une dénomination normalisée, utilisation exclusive d'un compte bancaire dédié à la profession, établissement d'une comptabilité commerciale à contenu allégé pour les auto-entrepreneurs, dépôt des comptes annuels dans les six mois de la fin de l'exercice et, dans tous les cas, application de l'article R. 123-121-3 du Code de commerce : « Les actes ou décisions modifiant la déclaration d'affectation sont déposés dans le délai d'un mois suivant leur date ». On peut s'étonner de la création d'un tel arsenal tant on sait que les entrepreneurs individuels n'aiment pas du tout cette sorte d'inquisition administrative faite de formalités et de délais impératifs.

13. - Il convient d'être honnête : pour que l'EIRL soit protégé, ce n'est pas simple ; si on dit que c'est simple, c'est qu'on néglige les formalités ; chaque EIRL peut faire le choix de la simplicité mais ce sera au détriment de sa protection, et vice versa. Avec l'EIRL, la protection est donc au prix du respect de formalités de tous les instants. Au contraire, le régime de l'auto-entrepreneur a bâti son succès sur une démarche inverse : éliminer les déclarations et les formalités grâce à des forfaits. Quant à l'EURL, c'est comme avec M. Jourdain : on fait de la protection sans le savoir, grâce au mécanisme de la personnalité juridique propre à la profession qui déploie ses effets séparatifs sans que l'entrepreneur n'y pense ni ne s'en préoccupe. Dépourvu de ce mécanisme, l'EIRL doit y suppléer par des formalités qui sont le rempart des créanciers contre l'insécurité résultant du pouvoir unilatéral du débiteur de modifier leur gage. Pour garantir l'effectivité de cet arsenal de formalités, une véritable police de l'affectation est par ailleurs prévue dont on peut rappeler les règles essentielles :

-- la déclaration d'affectation ne produit aucun effet si elle n'est pas déposée au registre de publicité légale selon les formes prévues à l'article L. 526-8, en cas de fraude (C. com., art. L. 526-12, al. 7), en cas de manquement grave aux règles de composition du patrimoine affecté, en cas de manquement grave aux obligations en matière de comptabilité autonome et d'utilisation exclusive des comptes bancaires dédiés à l'activité pour laquelle un patrimoine est affecté ;

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-- la déclaration d'affectation est inopposable à l'administration fiscale ou à la Sécurité sociale en cas de manoeuvres frauduleuses ou à la suite de l'inobservation grave et répétée des règles ayant rendu impossible le recouvrement des sommes dues (L. 15 juin 2010, art. 5 et 7) ;

-- la déclaration d'affectation est inopposable en cas de non-respect des règles prévues pour les immeubles (C. com., art. L. 526-9) ou pour les biens communs ou indivis (C. com., art. L. 526-11) ;

-- la responsabilité est étendue pendant cinq ans à tout le patrimoine du débiteur à concurrence de la différence entre la valeur réelle ou figurant au rapport d'évaluation et la valeur indiquée dans la déclaration si elle est différente (C. com., art. L. 526-10) ;

-- en cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage des créanciers personnels s'exerce sur le bénéfice réalisé par l'EIRL lors du dernier exercice clos (C. com., art. L. 526-12, al. 8) ;

-- la procédure de traitement des difficultés de l'entreprise peut être étendue aux autres patrimoines de l'EIRL en cas de confusion avec le patrimoine affecté (C. com., art. L. 621-2, al. 3) ;?

-- la faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d'actif du patrimoine affecté, on en parlera un peu plus tard.

14. - Le régime de l'EIRL n'est donc pas simple ; il n'est pas très clair non plus. Le texte comporte au moins deux sources distinctes d'affectation : les sources expresses des articles L. 526-9 (pour les immeubles), L. 526-10 (pour les biens d'une valeur supérieure à 30 000 EUR ), L. 526-11 (pour les biens communs ou indivis) ; mais également une source tacite résultant de l'article L. 526-14, alinéa 1er in fine : « à compter de leur dépôt, [les comptes annuels] valent actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté ». En cas de contradiction entre les déclarations et les comptes, quelle source l'emportera sur l'autre ? Sans oublier les conséquences que la jurisprudence ne manquera pas d'attacher à l'achat fait par l'EIRL au moyen de deniers affectés ou issus de la vente d'un bien préalablement affecté : le nouveau bien sera-t-il affecté par subrogation ou plutôt non affecté en raison du défaut de déclaration formelle ? Enfin, la théorie de l'accessoire n'aura-t-elle pas lieu de s'appliquer pour justifier qu'un bien est affecté, même sans déclaration, par cela seul qu'il est l'accessoire d'un bien affecté ? La délimitation du périmètre patrimonial de l'EIRL s'avère complètement aléatoire, là où la simplicité de l'EURL apparaît un meilleur rempart contre les recours des créanciers professionnels sur le patrimoine du gérant.

À défaut d'être simple, le régime de l'EIRL pourrait-il malgré tout se révéler efficace ?

B. - L'inefficacité au rendez-vous de la simplicité

15. - On a dit que l'EURL manque son effet protecteur à cause de deux défauts : les créanciers de la profession, effrayés par la perspective d'une responsabilité limitée, demandent le cautionnement systématique de l'entrepreneur. Par ailleurs, la faute de gestion permet de rechercher, dans le cadre des procédures collectives, la responsabilité personnelle du gérant si les biens de l'entreprise ne suffisent pas à couvrir le passif. Qu'en est-il de l'EIRL de ces deux points de vue ?

-- Comment accroître le répondant de l'EIRL ? L'entrepreneur échappera-t-il à la tentation du « cautionnement » systématique ? Techniquement, ce ne sera pas un cautionnement, ce sera la clause Delest ainsi qu'on la vu plus haut, une convention consentie par l'EIRL au profit de son créancier professionnel, par laquelle il renoncera in favorem à l'opposabilité de l'affectation déclarée ; rien ne semble l'interdire puisqu'on peut désaffecter un bien ou renoncer à l'affectation. Rien ne semble pouvoir non plus l'empêcher : on nous annonce une implication des organismes d'aide au financement des entreprises pour voler au secours du répondant de l'EIRL : ce sont Oséo et la Siagi. Mais quel équilibre financier ces derniers trouveront-ils eux-mêmes s'ils ne demandent pas de contre-garantie à l'entrepreneur, à la collectivité des entreprises ou à l'État ? La protection par la mutualisation des risques n'est pas gagnée : c'est cela qui avait fait échouer la création du patrimoine d'affectation modèle Champaud en 1979 et a suscité le mouvement doctrinal ayant mené à la création de l'EURL en 1985.

-- Par contre une certitude : l'EIRL aurait dû pouvoir échapper aux ravages que la faute de gestion produitdans l'EURL. L'origine de ce concept tient à la légitime protection due aux associés contre les agissements du gérant qui causeraient une insuffisance d'actif pour couvrir les dettes. Dans l'EIRL il n'y a plus ni associé ni gérant ; du moins est-ce la même personne, laquelle ne peut pas se faire de tort ni de reproche juridique à elle-même. On tenait là une vraie différence avec l'EURL. On pouvait espérer que si l'EIRL demeure personnellement responsable de sa fraude sur son patrimoine personnel, il ne le serait pas à raison de ses fautes de gestion. C'était sans compter sur la sagacité du ministère de la Justice,

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rédacteur de l'ordonnance du 9 décembre 2010. Rappelons l'article L. 651-2 du Code de commerce applicable à l'EURL : « lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion (...), décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants (...) ayant contribué à la faute de gestion ». L'ordonnance a étendu à l'identique cette disposition à l'entrepreneur EIRL par l'effet de l'alinéa 2 nouveau du même article. En conséquence « la somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté », c'est-à-dire le patrimoine personnel de l'EIRL. La sanction encourue en cas de non-paiement est la faillite personnelle (C. com., art. L. 653-6 nouv.). Et, le détournement d'actif mis hors du patrimoine personnel est punissable de banqueroute (C. com., art. L. 654-14, al. 2 nouv.). On peut donc tirer pour conséquence l'équation suivante : EIRL = EURL ! Et une morale : tel est pris qui croyait prendre. Quand l'EIRL est en difficulté, quand il aurait besoin de protection, quand on aurait besoin de faire autre chose que l'EURL, il n'en est rien : en matière de protection, le régime de l'EIRL s'avère indistinct de celui de l'EURL.

4. Conclusion

16. - Au résultat, que peut-on conclure sur la protection de l'entrepreneur et de sa famille par les moyens comparés de l'EIRL et de l'EURL ? Pour tenter de faire mieux que l'EURL, on a cherché à faire pareil mais en partant en sens inverse. On a revendiqué toutes les potentialités de l'EURL (la responsabilité limitée, l'option IS, la transmissibilité passive du patrimoine) tout en rejetant la notion de personne morale. Il en résulte un colosse juridique dépourvu de fondement solide et reposant sur l'argile d'une approximation conceptuelle.

La seule vertu qu'on peut, par excès d'optimisme, discerner dans le nouveau régime, c'est qu'il permet aux praticiens de compléter leur mission pédagogique en leur offrant la possibilité manichéenne de montrer à l'entrepreneur à la fois le bien qu'il peut tirer d'une solution et le mal auquel il échappe en s'écartant de l'autre.

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Note 1 Fr. Roussel et Ph. Van Steenlandt, Le chef d'entreprise face au dilemme de la protection de son patrimoine : JCP N 2011, n° 9, 1093, § 2.

Note 2 Fr. Roussel et Ph. Van Steenlandt, préc. note (1).

Note 3 V. schéma infra.

Note 4 Sauf en matière agricole où l'affectation des terres mêmes nécessaires n'est pas obligatoire (C. com., art. L. 526-6 al. 3 issu de l'article 40 de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, n° 2010-874, 27 juill. 2010).

Note 5 Du nom d'un notaire de Châteauroux qui l'a décrite lors de la conférence organisée par le conseil régional des notaires de Bourges le 9 décembre 2010.

Note 6 Ce débat a motivé la 3e proposition de la 2ème commission du Congrès des notaires de Cannes-2011 sollicitant le Législateur de trancher le débat ; la proposition a été adoptée à l'unanimité à la suite d'une présentation d'anthologie où Eric Cevaër a présenté l'ensemble des arguments juridiques.

Note 7 Il en existe néanmoins des descriptions doctrinales. La conception retenue par la loi instaurant l'EIRL est singulière car le patrimoine affecté est rattaché à une personne (comme dans la fiducie) alors que dans l'idée habituelle de patrimoine d'affectation le patrimoine affecté existe détaché de tout lien à une quelconque personne.

Note 8 V. son intervention Le patrimoine d'affectation, notion unitaire ou notion plurielle ? lors de la conférence organisée à la faculté de droit de Toulouse I Capitole Regards croisés sur le patrimoine d'affectation en droit privé, 2 avr. 2010.

Note 9 Le concept de personnalité juridique dédiée au patrimoine professionnel, présenté au 105e Congrès des notaires de Lille en 2009 sous la notion de propersonnalité, semble planer au-dessus de l'EIRL pour servir à en réparer les défauts majeurs. Une concrétisation positive et franche de ce concept simplifierait le sort des entrepreneurs individuels et surtout en améliorerait la protection.

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