a_linguistica_17-1969-1_5

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  • S D O R N K P R A C t F I L O S O F I C K F A K U L T Y B R N N S K U N I V E R S I T Y 1969, A 17

    O T T O D U C H C K K

    L A S M A N T I Q U E S T R U C T U R A L E

    I

    Dans les dernires annes, on reconnat de plus en plus l'importance de la smantique. On ne peut s'en passer non seulement en lexicologie et lexico-graphie, mais non plus dans d'autres disciplines linguistiques (surtout en stylistique), en psycholinguistique et psychologie, etc. V u les tches nouvelles poses par la traduction mcanique et par la documentation automatique, on se voit oblig reposer certaines questions smantiques en termes nouveaux.

    Les smanticiens s'efforcent donc d'attaquer divers problmes avant tout celui de la structure des units lexicales et de leur interdpendance l'aide des mthodes structurales qu'on applique depuis longtemps en phono-logie et en morphologie.

    L'analyse smantique des units lexicales1 ainsi que celle des units plus vastes et plus complexes (syntagmes, propositions, phrases) n'est qu'un des problmes qu'on se pose en examinant le fonctionnement de la langue, les moyens de la communication linguistique et la structure du lexique avec ses redondances, ses carences, etc.

    La smantique linguistique ,,traditionnelle" a abouti un haut degr de la synthse: dans le cadre de la synchronie, elle analyse le contenu des units lexicales en lments (dominants et complmentaires; notionnels, affectifs, expressifs, grammaticaux), dcrit les rapports entre les units lexicales dans les plans paradigmatique (polysmie, homonymie, synonymie, antonymie, etc.) et syntagmatique (interdpendances des lments constituants de la phrase); dans le cadre de la diachronie, elle explique tous les changements de sens, leurs causes et leurs rsultats, ventuellement les conditions ncessaires pour leur accomplissement, l'influence des facteurs externes et psychiques, etc.

    Les smanticiens structuralistes font souvent ,,table rase" afin de pouvoir prsenter des faits et phnomnes connus et expliqus depuis longtemps sous un angle nouveau plus propre la solution de problmes poss par quelques buts pratiques, par exemple par les besoins de la traduction automatique. Dans ce cas, les chercheurs amricains parlent gnralement de nouvelles thories bien qu'il ne s'agisse que d'une vue ou d'une mthode nouvelles concernant un problme de dtail.

    Une smantique structurale complte n'a pas encore t labore. Il est vrai que, sur le plan synchfonique, M. A. J. Greimas a fait un essai de

    1 C'est--dire la d c o m p o s i t i o n de leurs contenus en s m e s ( l m e n t s simples, traits

    distinctifs). M. Greimas parle dans ce cas de l'analyse s m i q u e , M M . Apresjan et Ivanov, de l'analyse en facteurs s m a n t i q u e s , les chercheurs amr i ca ins , de l'analyse componentielle.

  • 24 O T T O D U C H A C E K

    synthse dans sa Smantique structurale (cf. ci-aprs), riche en ides et interpr-tations originales. Il y prsente une thorie smantique nouvelle, mais il n'y s'occupe pas d'un nombre considrable de faits et phnomnes examins et expliqus parles smanticiens traditionalistes, faits d'importance primordiale du point de vue lexicologique. Sur le plan diachronique, on a peine commenc tudier quelques faits du point de vue structuraliste (cf. infra les ides de M. Eugenio Coseriu).

    Le but du prsent article est d'apporter des informations fondamentales sur quelques thories et mthodes structuralistes importantes et des rsultats auxquels leurs auteurs sont arrivs.

    Il

    Dans sa Smantique structurale, M. Greimas ne s'occupe que peu de ce qui reprsentait jusqu' prsent le contenu principal de la smantique linguistique (les rapports mutuels des units lexicales, l'volution de leurs contenus, etc.). Il s'intresse beaucoup plus au smantisme des rcits (contes populaires russes, uvres de Bernanos.. .)v>Oh ne s'tonnera donc pas qu'il attaque les problmes relatifs au sens non seulement' du point de vue smantique proprement dit (qui nous intresse en prmier/.lieu sinon exclusivement), mais encore des points de vue stylistique, syntaxique, logique, psychanalytique et philosophique sans parler des mention&relatFPes\Hux:domaines de la noologie, de la cosmologie, de la mythologie, etc.

    A son avis, ,,la langue n'est pas un systme de signes, mais un assemblage dont l'conomie reste prciser; de structures de significations" (p. 20).

    Quant l'analyse des. units lexicales, la mthode de M. Greimas ainsi que celles de la plupart des smiiticiens structuralistes drive de l'analyse des phonmes en traits distinctifs. Il distingue quatre termes smiques: positif (s), ngatif (non s), neutre (-s) et complexe (s + non s). Leurs contenus smiques respectifs sont: prsence du sme s, prsence du sme non s, absence des deux smes, prsence de la catgorie S. Il distingue galement quatre articulations smiques: 1 s:-s, c'est--dire ,,marqu : non marqu", par exemple, ,vois : non vois" (b : p), 2 s : non s, par exemple, .masculinit : imi-nit" (garon : fille), 3 ,,positif : neutre : ngatif" (grand : moyen : petit), 4,.positif : complexe : ngatif", par exemple ,,personnel : personnel et imper-sonnel : impersonnel" (on il : cela).

    M. Greimas assure ensuite que ,,les articulations smiques d'une langue constituent sa forme, tandis que l'ensemble des axes smantiques traduisent sa substance" (p. 26) et que les structures lmentaires peuvent tre perues et dcrites sous forme d'articulations smiques (voir supra) ou bien d'un axe smantique, dnominateur commun de deux termes entre lesquels on peut tablir une relation.

    Pour expliquer sa conception de l'axe smantique, voici un exemple: l'axe ,,spatialit". , ,La premire division permet de distinguer deux aspects de cette ,,spatialit" tels qu'ils s'expriment en franais par l'opposition des mots ,.espace" : ,.tendue" et que nous dsignerons ,,dimensionalit" : ,,non dimensionalit". L'auteur continue la division dichotomique de la manire qui dcoule du tableau suivant:

  • L A S M A N T I Q U E S T R U C T U R A L E 25

    s p a t i a l i t

    d i m e n s i o n a l i t non d i m e n s i o n a l i t

    h o r i z o n t a l i t ver t i ca l i t superficie volume j (haut : bas) (vaste : x) (pais : mince)

    ~ f p e r s p e c t i v i t l a t r a l i t

    (long : court) (large : troit)

    Il y ajoute le tableau suivant:

    s m e s l e x m e s spat ia l i t dimensional. vert ica l i t hor izonta l i t perspec t iv i t latral i t

    haut + - + + - - -

    bas + + + - - -

    long + + - + +

    court + + -

    + + -

    I large + + - + - +

    1 tro i t + + + -

    +

    J vaste + -

    | pa i s + -

    En parlant du lexme (= unit lexicale), il dit, entre autres, qu'il ne lui ,,apparat pas comme une simple collection smique, mais comme un ensemble de smes relis entre eux par des relations hirarchiques" (p. 36), que ,,le lexme est le lieu de manifestation et de rencontre de smes provenant souvent de systmes smiques diffrents et entretenant entre eux des relaitons hirarchi-ques" (p. 38) et qu'il contient un noyau smique, minimum smique permanent et invariable (nous l'appelons dominante smantique) et qui, d'aprsle contexte, actualise une variante smique appele sme contextuel [nous employons le terme ,,lments complmentaires (notionnels, expressils...)"]. (44-45) Ajoutons encore qu'il distingue les lexmes (abricot), les paralexmes (pomme de terre) et les syntagmes (pain de seigle).

    En somme, on peut dire que certaines pages de cet ouvrage sont d'une clart parfaite, mais plusieurs passages et mme quelques dfinitions (cf. par exemple ci-dessus la dfinition du lexme de la p. 38) sont assez vagues; l'emploi des termes n'est pas partout assez prcis, quelques uns d'entre eux sont synonymes (noyau smique = sme nuclaire, classmes - smes

  • 26 O T T O D U C H A C E K

    contextuels) et d'aulres ne sont pas univoques. L'auteur l'avoue d'ailleurs lui-mme: ,,Nous sommes conscients de la polysmie terminologique que nous introduisons ic i" (p. 166).

    III

    M. Bernard Pottier 2 insiste sur l'importance du fonctionnement des formes et de l'analyse de la substance smantique de leurs composants. Il laut distinguer les lexmes (trouv-), dont le nombre n'est pas fini, et les morphmes (-ons) appartenant un inventaire limit.

    Sauf les smes (constituants smantiques), il existe les constituants syntaxi-ques: mon et mien ayant le mme contenu smantique (possessif, premire personne, singulier, masculin) se distinguent par leur pouvoir comminatoire (mon se combine avec les substantifs, mien, avec l'article).

    S'inspirant des travaux de G. Guillaume, M. Pottier distingue deux classes smantiques exprimes travers les morphmes et reposant sur une opposition binaire de ,,tensmes" (,,tensions" d'aprs Guillaume). ,,Le tensme I est un avant, il pose, i l fonde, il particularise. Le tensme II est un aprs, il dispose, il exploite, i l gnralise" (p. 113). Exemples: I. A V A N T II. APRS: 1. subjonctif indicatif, 2. futur pass, 3. non accompli accompli, 4. interrogation aifirmation. L'opposition 3 est ralise dans les deux acceptions du mot chafaudage (I. travaux II. rsultat). Deux oppositions (1 et 4) sont ralises en mme temps dans la phrase Je cherche une maison qui ait (subjonctif, interrogation) des volets verts et dans sa variante Je cherche une maison qui a (indicatif, aifirmation) des volets verts. I. POSE (inhrent, fondamental, interne) II. DISPOSE (externe, circonstant): 6. adjectivation inhrente adjectivation externe (la bonne femme une femme bonne), 7. dtermination interne dtermination externe (avoir faim avoir une faim de loup). I. P A R T I C U L A R I S E II. GNRALISE: 11. masculin lminin, 12. singulier pluriel, 13. article un (il prsente) - article le (il suppose une prsentation), 16. substantif (il ne signifie rien en dehors de lui) adjectif (il a une application large).

    Certains traits peuvent tre combins, mais uniquement les tratis de la mme catgorie (cl. ci-dessus la combinaison des traits 1 et 4).

    M. Pottier fait observer que les smes (traits smantiques pertinents) des lexmes sont substantiels, c'est--dire porteurs du sens proprement dit, tandis que ceux des morphmes sont seulement relationnels, c'est--dire tablissant certaines relations entre les substances des lexmes. Leur ensemble forme un catgorme.

    En traitant de la substance des lexmes et, plus spcialement, des critres fonctionnels d'tablissement de classes de distribution, i l divise les verbes en auxiliarisables (ceux qui peuvent tre suivis d'un autre verbe) et nonauxiliarisa-bles; il subdivise les auxiliarisables en ceux qui sont suivis d'adjectifs (tre, sembler...) et les autres. Il rpartit ensuite les auxiliarisables sans adjectifs

    2 Dans son article ,,Vers une s m a n t i q u e moderne", Travaux de linguistique et de litt-

    ratures romanes II, 1, 107137, Strasbourg 1964. Cet ouvrage 'fut rimprim sous le titre Prsentation de la linguistique (Paris, Klincksieck, 1967) cf. notre compte rendu dans le p r s e n t volume la page 184.

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    en trois sous-classes: notion (pouvoir, croire), temps relatif (aller*, venir de) et espace (aller*, monter).

    En parlant des relations temporelles, iiotionnclles et spatiales, il constate que, par exemple, tre se trouve sur l'axe du temps relatif entre devenir et rester et que, sur l'axe de la notion, tre est en relation avec sembler et paratre. Sur le plan syntagmatique, la notion prcde le temps (type N + T):

    Avec les verbes auxiliarisables non suivis d'adjectifs, on reconnat le type N + T (je veux commencer manger) ainsi que le type T + N (Je commence vouloir manger). Les auxiliaires spatiaux se situent avant les verbes non-auxiliarisables: Il descendit (alla, monta, partit) prendre son courrier.

    Aprs avoir expliqu avec une clart parfaite les rapports entre les smes, les smmes et les archismmes, M. Pottier attire notre attention sur l ' in-fluence des classmes, c'est--dire de l'appartenance des mots certaines classes smantico-fonctionnelles (animation, transitivit, etc.) et sur le pouvoir des mots de se combiner sur le plan syntagmatique. Il affirme que, par exemple, le verbe capturer ne peut avoir pour sujet que les mots de classme ,,anim" et que le verbe apporter a toujours un objet de classme ,,inanim".

    De ce point de vue, i l distingue pour les substantiis les classmes ,,anim", et ,.inanim", subdiviss leur tour: ,,anim" en ,,personne" et ,.animal", ,,inanim" en,,objet immatriel" et,,objet matriel", ce dernier en ,,discontinu" (chaise) et ,,continu" (eau). On peut donc parler des classmes d'animation et de continuit. Quant au verbe, il y a le classme de transitivit.

    En analysant les units lexicales, il faut se rendre compte du grammme, c'est--dire de l'appartenance l'une des parties du discours, distinguer le lexme, contenant les smes substantiels et les classmes, du morphme comportant des smes relationnels et le tensme. Il ne laut pas oublier le fonctme, c'est--dire l'ensemble des traits grammaticaux fonctionnels d'une lexie (unit lexicale).

    N

    En traitant des sutfixes, i l ne distingue que trois situations essentielles: 1 origine, puissance, agent, virtualit ( notre avis, i l s'agit ici de quatre ,,situations", non pas d'une seule), 2 droulement, action en cours, 3 rsultat, effet. Exemples: 1 crateur, traducteur, impressionnable, grossir, 2 cration, traduction, impressionnant, grossissant, 3 crature, traduction, impressionn, grossi.

    Dans les conclusions (p. 133), aprs avoir constat que la ,,substance d'un monme peut contenir, au maximum, le smme, le classme, le fonctme et les virtumes", M. Pottier nous prsente la figure suivante:

    s m m e (particularisant)

    c la s smes (gnral isants)

    v i r t u m e s

    f o n c t m e

    constante variante

  • 28 O T T O D U C H C E K

    Il y ajoute: , ,La relation ,,constante/variante" peut varier fortement selon les cas. Ainsi un lexme comme altimtre- a une trs grande constante et trs peu de variantes; bouchon- a des constantes et des variantes; libert- a peu de constantes et beaucoup de variantes" (p. 133).

    M. Pottier examine non seulement le contenu des lexies en tant que tel (les lments smantiques ainsi que grammaticaux), mais encore du point de vue de son pouvoir combinatoire. Il tudie aussi les interrelations entre les contenus de certaines lexies et leurs rapports syntagmatiques.

    M. Pottier revient au problme de l'analyse des units lexicales dans , ,La dfinition smantique dans les dictionnaires" (Travaux de linguistique et de littratures romanes III, 1, 1965, 33 39). Il y dit que ,,tout lexme (signi-fiant minimal de dsignation) aura ainsi comme signifi" le smme + le classme (p. 33).

    Le smme du mot chaise se compose des smes suivants: pour s'asseoir, sur pieds, pour une personne, avec dossier, sans bras.2 a Le classme du mme mot comporte les classes conceptuelles gnrales suivantes: discontinu, inanim, intransitif, matriel.

    Les mots smantiquement apparents ont videmment un certain nombre de smes identiques, par exemple:

    s m e s (pertinents)

    Signifiant l e x m e

    pour s'asseoir

    sur

    pieds pour

    t personne avec

    dossier avec bras

    c a n a p fauteuil chaise tabouret

    + + + +

    + + + +

    + + +

    + + +

    + +

    2 f t Dans son article , ,Df in i t ion lexicographique: recherches sur l ' q u a t i o n s m i q u e "

    (Cahiers de lexicologie 8, 1960-1, p. 73), Mme J. Rey-Dcbove en partant du point de vue lexicographique et de la formule ,,tout le dfini et rien que le dfini" donne une df in i t ion qui suppose d'autres s m e s dans le contenu du mot sige: s ige est un objet m a n u f a c t u r dispose pour qu'on puisse s'y asseoir.

    Ajoutons encore que Mme Rey-Debove, p r o c d a n t en lexicographe, pratique des analyses m o r p h o - s m a n t i q u e s . Exemple: Comme elle mot pilnlion peut tre dfini en tant que: 1 action d'pilor, 2 action d'arracher les poils, 3 arrachement des poils, elle juge que ,,les groupements naturels d ' l m e n t s de sens se font par m o n m o s " et que ,,la charge s m a n t i q u e se scinde comme suit":

    Epilalion 1 Action de -er - pil- j rCpiliitiou 2 Action de -er arrach- les poils j Epilation 3 -ement de arrach- les poils |

    ,,La r par t i t ion des formes par colonnes verticales se fait en prenant appui sur le sens, mais uniquement sur le sens l i une forme, ce sens t a n t d g a g par commutation des m o n m e s dans d'autres mots (par exemple, brancher, dent pileux, pilosit enlve-ment, dveloppement; rparation, confirmation . . .)." Mme Rey-Debove en conclut que ,,1'on peut d g a g e r les l m e n t s de sens ,,arrach-" pour ( ) ; , , p o i l s pour (pil);,,action de -er'\ pour (-ement de). Ce dernier l m e n t correspond aussi au moneme -ation de epilation.'

  • L A S M A N T I Q U E S T R U C T U R A L E 29

    Comme le smme du substantif sige ne comporte que deux smes (pour s'asseoir, sur pieds), communs aux smmes de tous les mots prcdemment analyss, il en est l'archilexme. Les lexmes peuvent consquemment tre dfinis l'aide de leurs archilexmes: La chaise est un sige (pour une personne) dossier et sans bras, le lauteuil est un sige (pour une personne) dossier et bras.

    M. Pottier iorme une terminologie trs adquate, mais trop novatrice. Saut les termes indispensables (sme, smme, etc.), on rencontre dans son ouvrage des termes dont on pourrait se passer, tels que virtume (nombre de virtualits combinatoires) et ionctme (ensemble de traits grammaticaux ionctionnels). Parfois, il donne plusieurs dfinitions d'un seul terme, par exemple de classmes: 1 classes smantiques trs gnrales, rvles par des comportements distributionnels (p. 124), 2 caractrisation d'appartenance de smmes des classes gnrales smantico-fonctionnelles (p. 125), 3 appar-tenance des catgories smantiques gnrales. Ajoutons encore les dfinitions que nous avons trouves dans d'autres travaux de M. Pottier: 4 sme contextuel proprement dit, 5 ensemble des classes conceptuelles gnrales. Le sme: 1 chaque trait pertinent smantique (117), 2 trait distinctil smantique (122), 3 trait distinctif smantique minimum (124), 4 e constituant smantique, 5 la plus petite diffrence entre deux smmes (124). Par contre, il ne dfinit pas assez clairement d'autres termes. Du sme relationnel, on apprend seulement qu'il tablit certaines (mais: lesquelles?) relations entre les sub-stances des lexmes. On aurait d citer un ou plusieurs exemples de smes relationnels et dfinir ce que c'est que la substance des lexmes. Est-ce le synonyme de smme ou d'ensemble de smes substantiels? Comme le terme sme relationnel n'est pas dfini avec prcision, la dfinition ,,l'ensemble de smes relationnels... est un catgorme" (117) ne serait pas claire non plus si l'auteur n'avait pas ajout que cet ensemble est appel traditionnellement catgorie grammaticale. Mais alors pourquoi pas garder ce terme communment connu? A notre avis, i l est galement inutile de remplacer le terme partie du discours par le terme grammme. Nous ne croyons pas qu'il soit indispensable que tous ces termes soit termins en -me. Pourquoi aussi supplanter ,,sulfixe" par ,,aspectil" quand on garde les termes traditionnels prfixe et infix? (cf. pages 117 et 128).

    Nous avons cru utile de faire cette remarque terminologique (qui ne veut nullement diminuer l'importance et la fertilit des vues originales de M. Pottier) parce que la formation de termes nouveaux (plus adquats l'avis de leurs auteurs) devenue trs la mode et pratique par de nombreux linguistes rend la lecture des travaux linguistiques plus difficile: l'emploi de plusieurs termes de sens identique est encombrant, l'emploi d'un seul terme dans des sens diffrents peut mme causer des malentendus.

    IV

    M M . Jerold J. Katz et Jerry A. Fodor proclament dans leur article ,,Thc structure of a semantic theory"3 que le but de la description synchronique

    3 P u b l i dans le Language 39, 1963, 479518 et traduit on franais dans les Cahiers

    de lexicologie 9, 1966-11, 3972 sous le titre ,,Structure d'une thorie s m a n t i q u e avec, applications au frana i s" (les exemples anglais y sont r e m p l a c s parles exemples franais) .

  • 30 O T T O D U C H C E K

    d'une langue est de dterminer ce que ceux dont c'est la langue maternelle connaissent de sa structure et ce qui leur permet d'utiliser et de comprendre toute phrase tire de l'ensemble infini des phrases que cette langue peut iormer.

    Il convient de constater par avance que ces deux auteurs s'intressent la smantique surtout pour des besoins de la traduction automatique. Inspirs par la grammaire gnrative de M. Noam Chomsky, ils essaient de dcouvrir les rgles smantiques qui permettent aux usagers de la langue donne de dceler l'ambigut (non syntaxique) des phrases, de caractriser le contenu de toutes les interprtations d'une phrase donne, de se rendre compte des anomalies smantiques ventuelles (de non-sens) et de dcider quelles phrases sont des paraphrases les unes des autres. Tous ceux qui ne connatraient que le systme grammatical de cette langue, n'en seraient videmment pas capa-bles. C'est galement le cas de la machine traduire. Pour bien fonctionner, il lui faudrait connatre ces rgles. Pour les dcouvrir et les prsenter sous une forme utilisable dans la tradution mcanique, les auteurs tudient d'unes part la smantique de la phrase (de l'nonc) 4 et, d'autre part, le contenu smantique du mot; ce dernier en partant des donnes qu'on trouve dans de bons dictionnaires et en l'analysant de laon dterminer ses composants et leurs rapports hirarchiques. Ils proclament vouloir construire une thorie reprsentant les ambiguts que le sujet parlant relve en rsolvant exactement celles qu'il peut rsoudre. 1

    D'aprs MM. Katz et Fodor, une thorie smantique est une thorie de l'interprtation des phrases par le locuteurs Elle devra donc laire la distinction entre les phrases smautiquement anomale et celles qui sont smantiquement correctes et tre mme d'interprter des phrases comme le fait le locuteur. ,,Ce dont l'usager de la langue dispose et dont la machine ne dispose pas, ce sont des rgles pour utiliser l'information du dictionnaire. Ces rgles rendent compte des relations smantiques entre les morphmes et de l'interaction entre la signification et la structure syntactique en dterminant l'interprtation smantique correcte du nombre infini de phrase que la grammaire engendre. Ainsi ces rgles (que nous appellerons ,,rgles de projection") doivent tre un des constituants de la thorie smantique dune langue naturelle si l'on veilt que celle-ci reflte les interprtations que l'usager de la langue donne d'une phrase" (p. 55). Ils constatent ensuite que ,,la signification d'une phrase est une lonction de la signification de ses parties. Le systme des rgles de projection est prcisment cette fonction" (p. 56).

    En analysant le contenu smantique des mots, ils distinguent les catgories grammaticales, les catgories smantiques (semantic markers) et les diffrencia-teurs. Les catgories smantiques contiennent ce qu est commun plusieurs units, par exemple ,,anim", ,,non anim", ,,mle", ,,femelle", etc. Elles refltent ce qui est systmatique dans la langue donne et rendent compte des relations formelles dans le lexique. Les diffrenciateurs, au contraire, n'entrent pas dans les relations thoriques l'intrieur de la thorie smantique. Us

    4 , , A leur avis, l'objet d'une thor ie s m a n t i q u e est l ' i n t e r p r t a t i o n des phrases et non

    la construction des dictionnaires . . . Une phrase et sa description grammaticale fournissent l ' entre d'une thor ie s m a n t i q u e . Sa sortie est une i n t e r p r t a t i o n s m a n t i q u e de chaque phrase d o n n e comme e n t r e " (p. 69 de la traduction franaise) .

  • L A S M A N T I Q U E S T R U C T U R A L E

    sont destins reflter ce qui est idiosyncratique. Donc, en analysant, par exemple, le mot franais canard,* on peut se rendre compte de ce que les catgories smantiques (anim, inanim...) et les diffrentiateurs (oiseau, viande de l'oiseau, morceau de sucre, journal, lausse nouvelle, note lausse et criarde) sont ,,les moyens par lesquels nous pouvons dcomposer l'une des significations d'une unit lexicale en ses concepts atomiques et montrer ainsi la structure smantique dans un article de dictionnaire et les relations smantiques entre les articles de dictionnaire. C'est--dire: les relations smantiques entre les sens varis d'une unit lexicale et entre les sens varis d'une unit lexicale diffrente sont reprsentes par des relations formelles entre les catgories et les diffrentiateurs" (p. 60). La figure suivante nous en instruira:

    canard

    ( n o n - m a t r i e l ) (matr ie l )

    [fausse nouvelle] [note fausse ( a n i m ) ( inan im) et criarde]

    [oiseau] [journal] [morceau

    de sucre]

    [viande comestible de l'oiseau]

    MM. Fodor et Katz constatent plus loin que l'addition de nouvelles cat-gories smantiques (taux, mle) ,,a pour rle d'accrotre la prcision et la porte d'une thorie smantique, mais... augmente aussi la complexit de l'appareil conceptuel de la thorie" (p. 65).^ Comparez les figures prcdente et suivante.

    On suit les auteurs dans leurs assertions que les catgories smantiques contiennent ce qui est commun plusieurs units, par exemple ,,matriel", et qu'elles doivent reflter toutes les relations smanLiques systmatiques entre l'unit lexicale donne et le reste du vocabulaire de la langue. ,,D'un autre ct, les diffrenciateurs attribus une unit lexicale doivent reflter tout ce que sa signification contient d'idiosyncratiquo. D'une laon gnrale, un changement dans le systme des catgories smantiques a de trs grandes consquences tout au long de la thorie smantique: un tel changement modifie radicalement les relations smantiques que la thorie prtend trouver propos d'un nombre indfini de mots de la langue. Mais un changement dans les diffrentiateurs modifie seulement la relation entre une unit et ses synonymes" (p. 61).

    ,,L'article du mot lourd prsente une bifurcation entre les catgories smanti-ques ,,poids" et ,,apprciatii" . . . Mais puisque Cet homme est lourd a porter

    5 Dans l'original, on trouvera l'analyse du mot anglais bachelor. Nous empruntons l'ana-

    lyse du mot canard la traduction franaise dont proviennent aussi nos citations.

  • 32 O T T O D U C I I C E K

    est non ambigu, il s'en suit que l'expression porter slectionne en quelque sorte une des branches de l'article lourd et exclut l'autre" (62).

    Les citations qu'on vient de reproduire prouvent que les auteurs examinent les rapports entre les catgories syntaxiques et les catgories smantiques du point de vue de la communication et qu'ils s'efforcent de trouver et de dterminer toutes les catgories smantiques du mot tudi car celles-ci reprsentent une condition indispensable et, en mme temps, suffisante pour reconstruire l'opration des mcanismes de slection dans chacune des phrases o apparat l'unit lexicale dcrite par l'article donn du dictionnaire. Ceci permettrait donc de donner des informations smantiques suffisantes aux machines.

    Les auteurs ajoutent encore: ,,Exprimer les relations smantiques seulement au moyen de catgories smantiques entrane une autre consquence: les diffrenciateurs quand ils apparaissent dans une branche de l'article de diction-naire, doivent apparatre comme des lments terminaux, c'est--dire qu'il ne doit pas y avoir d'embranchement sous un diffrenciateur" (6263). Il faudrait donc modifier la figure du mot canard comme suit:

    canard

    non matriel

    (faux) I

    [nouvelle] [son musical]

    (anim) I

    (mle) (oiseau)

    [qui est palmipde]

    I matriel

    [journal]

    (inanim)

    [comestible]

    I

    (oiseau) [viande de]

    [sucre]

    MM. Katz et Fodor sont convaincus que ,,le systme des catgories smanti-ques reflterait exactement les traits systmatiques de la structure smantique de la langue" (66).

    Ce que l'on peut leur reprocher c'est qu'ils ne tiennent pas compte des rapports entre les diffrents sens d'un mot. Ils prsentent tous les sens au mme niveau bien qu'on en ressente gnralement un comme fondamental et les autres comme drivs, figurs.

    Un autre inconvnient de leur thorie consisle dans la difficult de prciser une ligne de dmarcation entre les catgories smantiques et les diffrenciateurs.

    V

    M. U. Weinreich prsente sa thorie smantique dans l'article ,,Explorations in Scmantic Theory" qui figure dans Current Trcnds in Linguistics, vol. III (The Hague, Mouton, 1966). Elle est base sur deux ides originales; la premire

  • L A S M A N T I Q U E S T R U C T U R A L E 33

    esl relative aux rapports des smes l'intrieur d'un morphme 6 et ceux des morphmes l'intrieur d'une phrase; la seconde concerne la relation entre les lments grammaticaux et les lments smantiques d'une langue.

    M. Weinreich suppose un isomorphisme entre les relations intrieures et extrieures au morphme. Les rapports intrieurs permettent gnralement la commutation des smes (dans ce cas, il parle de ,,cluster", c'est--dire agglomration), mais quelqueiois leur ordre ne peut pas tre chang (con-figuration). Quant aux rapports entre les morphmes, i l distingue l'enchane-ment et le non-enchanement. Ce dernier a trois formes: 1 l'embotement, rapport destin avant tout pouvoir rendre compte de la transitivit, 2 la dlimitation, rapport entre le morphme donn et ceux qui dlimitent son extension (brebis cinq, quelques, ces, la), 3 la modalisation servant ne pas interprter littralement l'unit smantique compose, mais avec une certaine notion complmentaire, telle un doute ou le dclin de responsabilit quant la vracit d'une nouvelle (adverbes comme peut-tre, vraisemblablement, etc. ou bien certains modes ou aspects du verbe). Ces subdivisions ne sont pas toutes suffisamment illustres. A propos des agglomrations, on constate seulement que celle du mot mre est' constitue par l'intersection des smes ,.fminin", ,.gnration ascendante", ,,degr 1" et ,,ligne directe". Pour expliquer l'embotement, on ne cite que le sme ,,pour s'asseoir" faisant partie du groupe de mots tels que fauteuil, chaise, etc. et se trouvant en relation plus particulire avec les autres smes cause de la prsence de pour.

    VI

    Ju. Apresjan a fait un essai trs remarquable de reprsenter l'aspect s-mantique du lexique sous forme de systme dans son tude sur l'analyse distributionnelle des significations et champs smantiques structurs dans Leksikograficeskij sbornik 5, 1962, 5272 sous le titre ,,Distributivnyj analiz znacenij i strukturnye semanticeskie polja".

    En partant de l'hypothse que le lexique se divise en un certain nombre de champs qui unissent les mots sur la base de leur parent smantique, i l proclame que tout champ smantique dcompose le morceau de ralit qu'il reflte l'aide d'un moyen dtermin, inhrent la langue en question et qui peut changer d'une langue l'autre. Par consquent, diffrentes langues dcomposent et systmatisent diffremment la mme ralit. Il est persuad que le contenu smantique du mot est entirement conditionn par les relations qui se forment dans le filet des oppositions d'un mot aux autres mots de ce mme champ.

    S'opposant la mthode intuitive et aux considrations spculatives, il cherche un critre formel pour classer des mots dans le cadre des champs smantiques qu'il veut diviser objectivement (sans cependant prciser de quelle faon). Il insiste sur ce que les champs smantiques rassemblent des significations (units smantiques) et non des concepts (units logiques). Il veut que la thorie structurale des champs smantiques garantisse l'analyse

    Ici m o r p h m e s'emploie au sens qui lui est a t t r i b u par l'Ecole de Prague, c 'es t --dire i l d s igne 1 u n i t significative minimale ( m o n m e dans la terminologie de M. Martinet).

    3 sbornik prael FF

  • 34 O T T O D U C H A C E K

    componentielle des significations, c'est--dire leur dcomposition en traits distinctiis et qu'elle dmontre l'isomorphisme de la grammaire et de la s-mantique (nous ajouterions: si cet isomorphisme existe).

    Nous suivons l'auteur quand il propose d'examiner la distribution non des mots, mais de certains sens"'des mots.. Il proclame que l'existence de toutes les catgories et groupes du lexique doit tre ionde sur des traits de la structure et que deux lments sont compris dans la distribution de tel ou tel sens du mot: a) le modle structura] (syntaxique) dans lequel le sens donn du mot tudi est employ, b) la lormulo gnralise d'aptitude combinatoire du mot dans le sens donn.

    M. Apresjan juge indispensable d'associer chaque sens une lormulo spci-fique de distribution parce que, son avis, tous les lments du contenu in-fluencent l'aptitude des mots de se combiner avec d'autres mots et donc aussi leur irquence.

    C'est en se servant de la description distributionnelle que l'auteur croit pouvoir tablir les champs smantiques. Il prend la distribution de la signi-fication pour point de dpart. Jugeant indispensable d'isoler la distribution de la signification lexicale concrte du mot polysmique, il prend, la place du mot concret, la dsignation de la partie du discours laquelle ce mot appartient, par exemple la phrase He is good to you serait transcrit P -f- to be + A + P. On cherchera les adjectils qui pourraient remplacer good. Comme la distribution, l'avis de M. Apresjan, conserve des traces de la signification concrte sous iorme d'un certain trait smantique qui reflte le caractre type de cette signification lexicale, on arrivera le rvler l'aide de la com-mutation. Dans le cas choisi ci-dessus, ce sera ,,s'adressant de manire ou d'autre quelqu'un". Par contre, la diffrence des structures est le signal do la diffrence des significations.

    M. Apresjan proclame qu'en linguistique structurale, les dfinitions smantiques doivent tre justifies par la structure et il propose de dsigner les relations smantiques entre les diffrentes lormules distributionnelles l'aide de chiffres ou de tout autres symboles non smantiques.

    D'aprs la conception de M. Apresjan, le champ smantique contient tous les mots qui apparaissent dans les mmes modles structuraux, par exemple les verbes qui dpendent d'un substantil-sujet et rgissent un adjectif-attribut (prdicat). Exemple: Les verbes laisant partie du modle ,,sujet + verbe + objet -f- adjectil" (Don't get y'our clothes dirty ,,Ne salis pas tes vtements") appartiennent au champ smantique ayant la signification ,,torce physique agissant sur un objet et accompagne du changement de son tat". L'auteur constate que dans les modles frquents, on enregistre un grand nombre de significations. Il en conclut que les modles les plus Irquents donneront des champs smantiques d'une signification si gnrale qu'ils toucheront de prs la classification grammaticale ou se mleront elle.

    L'auteur recommande l'analyse componentielle des significations lexicales, c'est--dire leur dcomposition successive en constituants smantiques, et de le faire de faon obtenir deux composants chaque tape de la dcompo-sition, par exemple en classifiant les verbes, on commencerait par les rpartir en transitifs et intransitifs.

    Si certains modles englobent des groupes trop htrognes de significations, l'auteur conseille d'effectuer l'limination des modles non pertinents,

  • L A S M A N T I Q U E S T R U C T U R A L E 35

    c'est--dire, si une signification peut tre exprime par deux modles, on ne tient pas compte de celui qui reprsenterait dans le champ en question un groupe smantiquement disparate. On augmentera de cette manire la satura-tion du champ, c'est--dire la relation entre le nombre de significations tombant de lait dans ce champ et le nombre total de significations enregistres dans le modle donn. Une autre solution peut tre trouve dans la formation des archimodles comportant deux ou plusieurs modles plus spciaux. Nous sommes persuads que M . Apresjan surestime l'interdpendance des facteurs smantiques et syntaxiques.

    VII

    M. Eugenio Coseriu est le premier attaquer, du point de vue structuraliste, non seulement les problmes de la smantique synchronique d'une seule langue, mais encore ceux de la smantique compare et diachronique.7

    Il est persuad d'une certaine analogie entre les plans phonique, grammatical et lexical. Cette prmisse lui sert de point de dpart. Pour prouver cette analogie, il compare d'une part l'organisation des voyelles en espagnol et en italien et, d'autre part, l'organisation du groupe lexical ,,vieux: jeune, neut" en latin et en espagnol:

    Phonologie Espagnol a e i 0 u

    Italien a e e i O 0 u

    Lexique Latin senex vetulus v t u s iuvenis novellus novus

    Espagnol viejo joven nuevo

    Pour montrer l'analogie entre les structures phonologiques et les structures lexicales, l'auteur nous prsente les exemples suivants:

    fr. [b]: oral-bilab.-occl.-sonore ir. [p]: oral-bilab.-occl.-sourd

    cf. bas/pas

    senex: ,,vieux -,,pour personnes vtus: ,,vieux"-,,pour choses" (mater) senexj(urbs) vtus

    Il montre ensuite que la neutralisation phonologique a son pendant dans la neutralisation lexicale:

    allemand t |d ] franais dominer | ma tr i ser | ext. int.

    Rat Rad = [rat] dissiper | gaspiller | extensif intensif

    7 ,,Pour une s m a n t i q u e diachronique structurale" (Travaux de linguistique et de littrature

    II, 1, 139-186, Strasbourg 1964).

  • 36 O T T O D U C H A C E K

    II trouve des analogies mme dans les possibilits: 1 d'analyser en lments diffrentiels (traits distinctifs): [b] est oral,

    bilabial, occlusif et sonore / novellus est un adjectif pour ge, ,,non vieux", ,,des animaux et des plantes";

    2 de la rptition des mmes oppositions dans une srie de cas: l'opposition phonologique ,,sourd" ,,sonore" se rpte en franais plusieurs fois: p/b, t/d, k/g, f/v, /z; dans le domaine du lexique, les oppositions suivantes se rptent assez souvent: ,,masculin" ,,fminin", ,,pour tres vivants" ,,pour choses", ,,pour personnes" ,,pour animaux", ,.grand" ,.petit".

    M. Coseriu oppose aussi les systmes des voyelles et des consonnes (en phonologie) aux champs conceptuels antonymes (en lexicologie) et aux op-positions temps modes ou pronoms personnels pronoms dmonstratifs (en grammaire).

    Il cherche et trouve encore d'autres oppositions lexicales (celles qui n'ont pas de pendants en phonologie):

    Roumain Franais

    Terme du mouvement dans l'espace des personnes du discours ( l r e et 2 e pers.)

    Terme du mouvement dans le reste de l'espace

    a veni a aduce

    a se

    duce a duce

    venir apporter

    aller porter

    En lexicologie, M. Coseriu distingue les oppositions: 1 graduelles; leurs termes correspondent diffrents degrs de la mme

    qualit: glacial, froid, frais, tide, chaud...; 2 quipolentes; c'est--dire quivalentes par rapport au contenu commun

    (par exemple: ,,couleur"): rouge, orange, faune, vert, etc.; 3 privatives: albus et ater ne contiennent pas l'ide de luminosit qui

    existe dans le contenu des presque-synonymes candidus et niger. Dans le champ pluridimensionnel des noms de parent, i l tablit cinq

    oppositions diffrentes: a) de genre: pre mre, oncle tante, etc.; b) de type (parent naturelle sociale): pre beau-pre ...; c) de ligne (directe collatrale): pre frre; ) de direction par rapport la ligne directe (ascendant descendant):

    pre fils, oncle neveu; e) de degr: ,,premier degr": pre grand-pre, ,,second degr": frre

    cousin. D'aprs M . Coseriu, ,,l'objet de la smantique structurale c'est le dveloppe-

    ment historique des champs conceptuels considrs comme structures lexicales de contenu. Et puisque structure veut dire avant tout opposition distinctive, la smantique structurale diachronique aura tablir, tudier et, si possible, expliquer (motiver) le maintient, l'apparition, la disparition et la modification, au cours de l'histoire d'une langue, des oppositions lexicales distinctives" (p. 159160).

    M. Coseriu tudie ensuite les cas de la restriction et de l'extension de sens, les relations entre le plan de l'expression et celui du contenu, de l'limination d'un des deux termes de l'opposition ,,marqu : non marqu" (lat. niger : ater fr. noir), de l'opposition complexe (lat. homo vir : femina fr. homme : femme), etc.

  • L A S M A N T I Q U E S T R U C T U R A L E 37

    Selon M. Coseriu, ,,la distinction fondamentale del smantique diachronique structurale... est la distinction entre changement lexical non-fonctionnel (du point de vue de la structure du contenu) et changement lexical fonctionnel que nous proposons d'appeler respectivement ,,remplacement" (changement smasiologique ou onomasiologique) et,,modification" (changement smantique proprement dit) . . . un ,,remplacement" ne concerne que le signifiant (ou le lien signifiant signifi); une ,,modification" concerne au contraire le signifi en tant que tel. Dans le cas d'un ,,remplacement" rien ne se produit... dans les rapports des contenus lexicaux; dans le cas d'une ,,modification", ce sont prcisment ces rapports qui changent." (p. 170). '

    Aprs avoir suivi le ,,remplacement" d'un signifiant par un autre (ive cavale jument) et la modification (latin caput franais chef et tte), M . Coseriu arrive constater qu'une structure smantique peut se maintenir en dpit des remplacements des signifiants, mais qu'une modification de la structure smantique se reflte toujours aussi sur le plan de l'expression.

    VIII

    Dans son article ,,Smantique et structure conceptuelle" Cahiers de lexico-logie 8, 1966-1, 346), M. Kurt Baldinger nous prsente plusieurs ides fertiles concernant, entre autres, la structure (donc aussi l'analyse) des units lexicales, les rapports entre le signifiant, le signifi, le concept et la chose.

    En partant de la conception de M. Klaus Heger,8 il arrive modifier son trapze comme suit:

    plan du contenu

    s ign i f i signi Hc&l ion

    concept (sme)

    substance du contenu (ensemble de toutes les significations relies un signifiant)

    plan de l'-expression

    iiioniue = somme de phonmes, forme de l'expression el du contenu

    substance de l'expression ralit

    M. Baldinger souligne que ,,la smasiologie part du signifi et examine les diffrents significations ou smmes en dgageant les smes ou ,,differentiae specificae" et que ,,1'onomasiologie, au contraire, part du concept qui . . . est

    8 ,,Les bases m t h o d o l o g i q u e s de l'onomasiologie et du classements par concepts"

    (Travaux de linguistique et des littratures romanes III, 1, 1965, 7-32) .

  • 38 O T T O D U C H A C E K

    indpendant de la structure d'une langue donne, pour prouver les dsignations, les ralisations linguistiques dans une ou dans plusieurs langues".

    Il montre que le concept, tout en tant une unit mentale, est nanmoins reli au signifiant, et cela par la signification, mais qu'il est indpendant, tandis que le signifi dpend de la structure de la langue donne.

    En analysant les units lexicales, i l distingue: 1 le plan du contenu compor-tant le signifi (= substance du contenu = ensemble de toutes les signifi-cations relies un signifiant) et le monme en tant que forme du contenu, 2 le plan de l'expression comportant la substance de l'expression et le mohme en tant que somme de phonmes et forme de l'expression.

    Quant l'tude del langue, i l distingue trois plans ceux del langue-objet (langue naturelle), de la grammaire (premire mtalangue) et de la mthodo-logie linguistique (deuxime mtalangue).

    Il distingue ensuite quatre types de structures (qui ne sont pas indpendantes les unes des autres): 1 structure sur le plan morphologique, 2 structure sur le plan conceptuel, 3 structure smasiologique, 4 structure onomasiologique (ci. p. 4344). Quant aux deux dernires qui, notre avis, font partie de la deuxime M. Baldinger discerne: a) deux types de microstructures: les champs smasiologiques (forms par tous les sens du mot donn) et les champs onomasiologiques (forms par tous les mots dsignant le concept en question), b) deux sortes de macrostructures correspondant respectivement au dictionnaire par ordre de matire et au dictionnaire phonologique ou morphologique.

    IX

    De ce qui vient d'tre dit, i l dcoule que le structuralisme a rvolutionn la smantique comme auparavant la phontique et la morphologie. Mais htons-nous de dire qu'en smantique, les rsultats obtenus par les chercheurs structuralistes sont beaucoup moins satisfaisants qu'en phonologie (phontique fonctionnelle, structuraliste) o l'on a russi tablir un systme qui permet de comprendre le fonctionnement des sons. Au surplus, on y est arriv l'unani-mit sur ce qui est fondamental.

    Au contraire, en smantique, on est encore loin d'avoir tabli un systme et les opinions des smanticiens structuralistes diffrent profondment. On ne s'en tonnera pas, car le nombre et la complication des problmes que pose la systmisation des units lexicales et de leurs sens sont infiniment plus grands que ceux qui concernent les sons beaucoup plus simples et bien moins nombreux.

    La diffrence des conceptions est cause par la diversit des buts qui, chez les uns, sont thoriques, par exemple la recherche de la structure du lexique, chez les autres pratiques, par exemple le periectionnement de la traduction mcanique. Mme les mthodes diffrent considrablement: quelques uns analysent le contenu des units lexicales, examinent l'interdpendance du contenu, de l'expression et du concept, les rapports et les interactions des units lexicales, etc.; d'autres forment des thories a priori et essaient ensuite de les dmontrer.

    Or la smantique structurale prsente une diversit presque dcourageante d'opinions, d'ides, de conceptions, de buts et de mthodes.

  • L A S M A N T I Q U E S T R U C T U R A L E 3y

    Au contraire, toutes les tapes par lesquelles la smantique a successivement pass (logique, psychologique, sociologique, etc.) et tous les courants linguis-tiques prsentaient une certaine homognit qui permettait aux chercheurs adhrants au mme courant de parvenir des rsultats analogues dans diff-rents secteurs de la smantique et, par consquent, une certaine synthse, mme sans une vritable collaboration.

    La smantique dite traditionnelle qui a volu progressivement en passant par les tapes mentionnes embrasse, dans la synchronie, l'analyse d'units lexicales (en lments dominants et complmentaires; stables et contextuels; notionnels, affectifs, expressifs et grammaticaux), l'tude de leurs interdpendances, interactions et rapports dans le plan paradigmatique (polysmie, homonymie, synonymie, antonymie, etc.) aussi bien que dans le plan syntagmatique (l'interdpendance des membres de syntagmes et de phrases, leur pouvoir combinatoire, etc.). Dans la diachronie, on a examin et classifi toutes sortes de changements de sens, leurs causes, leurs rsultats, leurs connexits, les conditions ncessaires pour leur ralisation, etc.

    La smantique traditionnelle est donc dj parvenue une synthse. La smantique structuraliste, par contre, malgr d'excellents travaux de plusieurs smanticiens minents (dont nous avons mentionn quelques uns ci-dessus) a encore toujours un caractre fragmentaire et htrogne. Nous ne sommes, vrai dire, qu'au seuil de la smantique structurale. Elle promet beaucoup, mais il faudra rsoudre pas mal de problmes de dtail avant d'essayer d'imaginer une conception unique acceptable tous les smanticiens structuralistes et capable de trouver la solution de diffrentes questions du domaine smantique.

    En effet, nous avons vu qu'on ne se sert de nouvelles mthodes que pour la solution de problmes partiels, bien que plus ou moins importants pour la cognition du plan lexico-smantique en tant que tout.

    Il faudra surmonter la trop grande disparit dans l'valuation de l'importance de divers iaits, phnomnes, facteurs et rapports, dans la manire de les classer et de les traiter et enfin dans la terminologie.9

    Bien sr, on ne peut esprer l'unification absolue des diffrentes con-ceptions que nous ne croyons pas d'ailleurs indispensable mais il n'est pas douteux qu'une vraie collaboration suppose une certaine conformit d'ides principales de mthode et de terminologie.

    Pour conclure, nous croyons utile d'insister sur le fait que les chercheurs s'efforant d'introduire des mthodes nouvelles (structuralistes) dans la smantique devraient connatre fond les rsultats des efforts de leurs prd-cesseurs ,,traditionalistes" ainsi que, par exemple, les fondateurs de la phon-

    * Pour montrer l ' i n s o u t e n a b i l i t de la terminologie actuelle, citons, titre d'exemple:

    suffixe, infixe) et l e x m e (radical). A u surplus, on rencontre aussi Te terme de m o r p h o l e x m e . 2 Le terme m e n t i o n n l e x m e est dfini en tant que l'union de s m e s substantiels et de c l a s s m e s (Pottier), signifiant minimal de d s i g n a t i o n (Potlier), significationlexicale (Coseriu), u n i t significative minimale au plan lexical (Martinet), collection de s m e s , le lieu de rencontre de s m e s (Greimas), ensemble signifiant (Greimas), u n i t de signification, u n i t de contenu (Greimas). Sans aucun doute, il serait trs profitable d'unifier la terminologie y compris les df in i t ions des termes.

  • 40 O T T O D U C H C E K

    tique fonctionelle, nomme phonologie, ont pariaitement connu la phontique traditionnelle qu'on appelle phontique tout court si l'on n'insiste pas sur la distinction entre la phontique articulatoire ou physiologique et la phontique acoustique.