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Commune rurale Ambalavao Madagascar

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  • b) Srie remestriotle : - Gkhgie

  • LE BASSIN D'AMBLAVAO INFLUENCE URBAINE

    ET VOLUTION DES CAMPAGNES

    (sud Betsileo Madagascar)

  • TRAVAUX ET DOCUMENTS DE LO.R.S.T.0.M. No 33

    Michel PORTAIS Gographe de LO.R.S.T.O.M.,

    LE BASSIN DAMBALAVAO

    INFLUENCE URBAINE ET VOLUTION DES CAMPAGNES

    (sud Betsileo Madagascar)

    0. R. S. T. 0. M. PARIS 1974

  • . . . . . . . . . . La loi du 11 mars 1957 nautorisant, aux termes des alin&as 2 et 3 de larticle 41, dune part, que

    les copies ou reproductions strictement rserves lusage priv du copiste et non destines une uti- lisation collective et, dautre part, que les analyses et les courtes citations dans un but dexemple et dillustration, toute reprkentation ou reproduction intgrale, ou partielle, faite sans le consentement de lauteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alina 1 de larticle 40).

    Cette reprsentation ou reproduction, par quelque procd que ce soit, constituerait donc une contrefaon sanctionne par les articles 425 et suivants du Code Pnal . ..,...,...

    @ O.R.S.T.O.M. 1974

    ISBN 2-7099-0330-X

  • Avant-propos

    Ltude que nous prsentons ,ici est le rsultat dun travail effectu au cours de notre premier sjour Madagascar en 1969 et 1970. Elle a t ralise sous la direction scientifique et avec les conseils de M. le Professeur J. DELVERT, de luniversit de Paris-IV. Nous avons galement largement bnfici de ceux de M. le Professeur G. SAUTTER prsident du Comit Technique de Gographie de lO.R.S.T.O.M.

    Avant den exposer les rsultats, quil nous soit permis de les remercier trs sincre- ment ainsi que :

    - M. Klber RAKOTONIAINA, notre assistant malgache dont la conscience profes- sionnelle et la bonne humeur ont t constantes et qui a men bien des enqutes souvent dlicates.

    - Les paysans du Bassin dAmbalavao qui ont toujours rpondu de bonne grce nos questions et qui ont montr pour nous un sens parfait de lhospitalit. Nous pensons spcialement M. RAHOVALAHY Albert, notable du village dAmbalafananarana,

    - Les autorits et personnalits dhmbalavao qui nous ont toujours assist au mieux de leurs possibilits, et spcialement les directeurs et enseignants des coles secondaires.

    - M. Justin RABEMANANTSOA, dessinateur de la Section de Gographie du Centre O.R.S.T.O.M. de Tananarive.

    - Nos collgues de la Section de Gographie, et spcialement M. Jean-Pierre RAISON dont les conseils, chaque priode dcisive de notre travail, ont t particulirement prcieux.

    Cet ouvrage a fait lobjet dune thse de 3e cycle, soutenue le 6 Fvrier 1971. U.E.R. de Gographie, Universit de Paris IV-Sorbonne.

  • VIII AVANT-PROPOS

    - Route revtue 1

    Praticable - Route non rrvtw touta lannEc )

    JI

    Fig. 1. - Carte de localisation.

  • Introduction

    Lvolution actuelle des campagnes dAfrique Noire et de Madagascar est le rsultat du contact entre les civilisation traditionnelles de ces rgions, presque exclusive- ment rurales, et la civilisation avant tout urbaine quont apporte avec eux les colonisateurs de lEurope occidentale. Cette volution est donc principalement le rsultat de contacts entre des villes et des campagnes.

    Ce sont ces contacts qui ont fait natre de nouveaux besoins dans le monde rural, parfois imposs, comme largent quil fallait trouver pour payer limpt, le plus souvent suggrs, comme les besoins en biens de consommation ou ceux dordre culturel. La cration de besoins nouveaux, quelle quen soit la nature est en effet la source de toute volution.

    Lorganisation de lespace nest que la traduction gographique, la suite dune certaine volution historique, de lorganisation dune socit cherchant rpondre ses besoins. Lorsque ceux-ci se modifient ou que de nouveaux apparaissent, cette organisation peut tre amene se transformer.

    Les contacts entre villes et campagnes, dans les rgions qui nous proccupent, doivent donc tre parmi les facteurs les plus importants de changement dans lorganisa- tion de lespace et, ce titre, intresser directement le gographe.

    La volont de diffuser linfrastructure administrative, les services sanitaires et scolaires, et de faire pntrer lconomie montaire auprs de toutes les populations rurales ont t et sont encore lheure actuelle, en Afrique Noire et Madagascar, lorigine de la multiplication de petites villes. Si lon a relativement souvent tudi le rle des grands centres africains et certains des aspects de leurs contacts avec les campagnes, en particulier c.eux concernant leur approvisionnement vivrier et leur rle attractif sur les populations de G brousse D, plus rares ont t les tudes portant sur linfluence de ces petites villes. Or, par suite de leur multiplication, cest finalement par lintermdiaire des petits centres que la majorit des ruraux sont lheure actuelle en contact avec le fait urbain. Ainsi, Madagascar, les sous-prfectures ayant pour chef-lieu

  • 2 MICHEL PORTAIS

    une ville de 5.000 25.000 habitants sont peuples de 3.200.000 ruraux, alors que celles qui ont pour chef-lieu une ville dpassant 25.000 habitants ne comptent que 850.000 ruraux. Or, le chef-lieu de sous-prfecture concentre pratiquement toutes les fonctions urbaines dont le paysan peut avoir besoin, tant sur le plan administratif que wolaire ou commercial.

    Notre tude du Bassin dAmbalavao a donc tout dabord t entreprise dans une optique bien dtermine : valuer linfluence dune petite ville sur son environnement rural.

    La rgion tudie, peuple denviron 45.000 habitants et qui, grc.e son cadre physique bien individualis et lhomognit relative de sa population forme une petite unit bien dfinie, tait en 1815, lors de la conqute du roi de Tananarive Radama Ier, une rgion purement rurale, peuple de paysans Betsileo. Au cours du XIX~ sicle, les Merina y installrent leur domination en faisant dAmbohimandroso, village fortifi, un petit centre militaire et commercial qui devint bientt un centre dvanglisation. Mais vers 1865, ce centre ne comptait gure que 150 cases. Peu aprs la conqute franaise, le site dAmbohimandroso fut abandonn et Ambalavao devint chef-lieu de district. La croissance de la ville fut lente, mais rgulire de 1900 nos jours.

    Bien que de cration doublement extrieure - merina et franaise - le fait urbain a toujours t ici intimement li son environnement, et presque tous les faits qui ont marqu sa croissance ont eu pour fondement une action sur le milieu rural. Au dpart, le but de ladministration tait dassurer une prsence, une scurit du milieu, dy lever un impt, dy faire pntrer le commerce et largent. Les missions et les coles, dont le point de rayonnement tait la ville, avaient un message faire pntrer dans les campagnes. Les artisans installs Ambalavao travaillent depuis toujours les productions des villages environnants, et les quelques petites industries qui sy sont installes, comme la manufacture de tabac, ne transforment elles aussi que les matires premires venues du milieu rural. Le commerce salimentait lui-mme en achetant les productions paysannes et, amenant de largent, pouvait proposer aux ruraux ses produits manu- fac.turs. Enfin, les facteurs les plus rcents de lexpansion urbaine, dorigine administra- tive, ont pour but la diffusion de techniques et de cultures nouvelles dans les campagnes par la vulgarisation agricole et lanimation rurale. Ainsi, parler de fonctions urbaines, Ambalavao, cest presque toujours faire allusion des faits directement en rapport avec le milieu rural.

    Au fur et mesure de la ralisation de notre travail, et principalement dans la phase de dpouillement des rsultats et de rdaction, il nous est apparu qu ct de linfluence directe de la petite ville qui nous a toujours sembl relle et importante, nous ren- r.ontrions certaines innovations, comme lintroduction de la culture attele, -pour lesquelles linfluence relle dAmbalavao ntait pas vidente.

    La question ntait-elle pas plutt de dterminer dans lvolution des campagnes la part de linfluence urbaine et la part des conditions naturelles et des conditions damnagement traditionnel des terroirs ?

    En fait cette opposition nest pas valable, car linfluence urbaine est dynamique alors que les conditions naturelles et damnagement traditionnel sont structurelles et statiques.

    La ralit est quil existe un dynamisme des innovations qui doit entraner des changements dans lorganisation de lespace. Les facteurs naturels et lorganisation traditionnelle des terroirs sont les conditions dans lesquelles sexerce ce dynamisme,

  • INTRODUCTION 3

    qui y rencontrent des obstacles plus ou moins importants, plus ou moins surmontables, ou au contraire des facilits.

    Mais si ce dynamisme des innovations na pas son unique origine dans la petite ville dambalavao, il la en ralit dans un processus gnral de diffusion gographique des innovations, des valeurs, des comportements, des organisations et des institutions urbaines, qui est la dfinition de ce que J. FRIEDMANN (1) appelle G lurbanisation B )) par opposition une o urbanisation A u qui serait purement o la concentration go- graphique de population et dactivits non agricoles dans un milieu urbain de form et de taille variables 8.

    En fait, ce nest pas la simple influence dhmbalavao que lon doit le dynamisme des innovations dans les campagnes du Bassin et lvolution de lorganisation de lespace qui en rsulte, mais au processus gnral (C durbanisation B 1) dont la force initiale se trouve en un ou plusieurs centres dmergence des innovations, Tananarive principale- ment, et dont la petite ville dAmbalavao ne constitue que le relais local.

    Il est donc ncessaire de bien prciser que chaque fois que nous parlerons de linfluence ddmbalavao, il sagira en fait dun Ambalavao-relais et donc plus gnralement dune influence urbaine gnrale, cest--dire dont le foyer nest pas ncessairement la petite ville.

    A propos de cette petite rgion, et en considrant les modes dvolution du,milieu rural, voici donc les questions que nous nous sommes poses et auxquelles dsire rpondre cette tude :

    - Dans quelle mesure la ville dAmbalavao est-elle facteur dvolution de son environnement rural ? Lui reste-t-elle trangre ou contribue-t-elle rellement y sus- citer des besoins nouveaux?

    - Si linfluence urbaine sur le milieu rural peut tre tablie, quel en est le bilan? Se contente-elle den drainer les lments les plus dynamiques et leurs biens, tout en dsorganisant ses anciennes structures, ou bien les fonctions urbaines ont-elles suscit des innovations dans les campagnes voisines propres satisfaire ces nouveaux besoins?

    - De ces transformations, et spcialement de lintroduction dinnovations, quen rsulte-t-il sur le plan de lorganisation de lespace ? Les relations villes-campagnes sexercent diffremment dun village lautre par suite de linfluence diversifie des facteurs naturels et agronomiques, des variations de densit doccupation du sol dun terroir lautre et surtout des divers degrs disolement par rapport la ville. Tout cela nest-il pas lorigine dune nouvelle micro-rgionalisation du Bassin? Et quen rsulte-t-il au niveau des villages et de leur terroir?

    - Enfin, la petite ville est-elle capable de rinvestir sur place le bnfice en hommes et en biens quelle tire de ses changes avec la campagne, ou bien nest-elle que le relais de villes plus importantes, comme Fianarantsoa ou Tananarive, favorisant ainsi le drainage de toute sa rgion vers lextrieur?

    Lexpos que nous faisons par ailleurs sur nos mthodes dtude indique de quelle faon nous avons cherch rpondre ces questions. Nous avons choisi avant tout dapprhender linfluence urbaine en nous plaant du ct de la campagne et spcialement

    (1) J. FRIEDMANN, E. Mac GLYNN, B. STUCKEY et CHUNG-TONG WV, 4 Urbanisation et dveloppement national : une tude comparative r). Reuue Tiers-Monde, t. XII, no 45. Janvier-mars 1971, pp. 13 A. 44.

  • 4 MICHEL PORTAIS

    part.ir de onze villages rpartis dans tout le Bassin (1). Deux tudes de terroirs, dans deux villages trs opposs quant SI leur ouverture 1influenc.e urbaine, ont en outre tb: effectues, de fason mieux comprendre linfluence des donnes naturelles et humaines et dapprhender au niveau des terroirs lvolution de lorganisation de lespace. Des enqutes ont enfin t menes sur tous les marc.hs de la rgion et spciale- ment c.elui dambalavao, ainsi que sur les diverses fonctions de la petite ville.

    (1) Sur le choix de ces villages, voire en annexe les mthodes denqutes.

  • 1

    Les anciens facteurs de lorganisation de lespace

    La rgion tudie et ses limites.

    La petite ville dAmbalavao est situe sur la route nationale 7, Tananarive-Tular, 55 km au sud de Fianarantsoa, au centre dune cuvette topographique ample et bien indiviclualise. La (C rgion dAmbalavao D constitue lext$me-sud de cet ensemble vaste et bien peupl du centre de 1Ile appel traditionnellement G rgion des Hauts Plateaux )) qui bnfic.ie dun climat tropical daltitude. Elle correspond galement lunit historique la plus mridionale du G Pays betsileo )).

    La rgion tudie est plus prcisment celle que nous appelerons, tout au long de ce texte, le G Bassin dAmbalavao D (fig. 2) constitu par la cuvette topographique dambalavao, situe une altitude moyenne de 950 m, ainsi que des vallons affluents de lest et de la haute valle de la Mananantanana, directement ouverte sur cette cuvette.

    Au nord, le Bassin est limit par le col dAmbalavao (1.309 m) quemprunte la R.N. 7 ; au nord-est par le massif du Lakera (1.950 m) ; lest par la grande fort primaire qui recouvre la ligne de partage des eaux entre le canal du Mozambique et locan Indien, et qui isole le pays betsileo du pays tanala ; au sud, la limite du Bassin est constitue par les seuils rocheux dpeupls barrant laval les hauts bassins de la Rfanandriana (canton de Mahazony) et de la Manombolo (canton de Sendrisoa) ; louest, les limites sont plus imprcises, mais jalonnes par une suite de hauteurs granitiques orientes nord-sud : 1Ifaha (1.4% m), le Soatanana, le Sosamena (1.307 m), lhmindra- bary (1.367 m), pour rejoindre le seuil dAmbatomanga, en aval de Betorabato, o la Mananantanana quitte le Bassin par une srie de rapides ; au nord-ouest, enfin, le massif du Yohibe forme une puissante muraille culminant 2.065 m daltitude.

    La rgion ainsi dlimite correspond aux cantons dAmbalavao, dAnjoma, dAmbohimandroso, dAmbohimahamasina et dune grande partie du canton dIarint-

  • 6 MICHEL PORTAIS

    Fig. 2. - Le Bassin damhalavao. Prsentation gbnrale.

    sena, cest--dire a la partie la mieux peuple de la sous-prfecture, concidant peu prs exactement laire de rayonnement du march hebdomadaire clAmbala\-ao (1). Dans ce Bassin vivent environ 45.000 habitants sur une superficie voisine de 1.000 km2.

    * c I

    1. LE PEUPLEMENT.

    Le milieu rural du Bassin dAmbalavao est presque exclusivement peupl de Betsileo.

    A. Lorigine.

    Il ne saurait tre question de revenir ici sur les hypothses de lorigine des ethnies malgaches, sur lesquelles ethnologues et archologues ont encore beaucoup dire. A quelle poque les hommes sont-ils venus sinstaller dans le Bassin dAmbalavao? Ltat de nos connaissances ne permet pas de le dire avec certitude. Toujours est-il que lactuelle population betsileo nest pas le rsultat dune immigration brutale ou mme

    (1) Voir fig. 11.

  • ANCIENS FACTEURS DE LORGANISATION DE LESPACE 7

    tale de gens ayant la mme origine, mais quell est laboutissement dunions locales de groupes arrivs successivement.

    Pour prendre un exemple, le village de Manambelo, dans le canton dAnjoma, est constitu de deux groupes lignagers : les Bongo et les Mahaditra. Les Bongo ne connais- sent pas leur origine et prtendent que leurs anctres, depuis toujours, vivaient ici. Le terme Bongo, aux yeux des Betsileo, dsigne les gens des forts ou des montagnes, voquant les populations primitives de lle (1). Les Mahaditra considrent les Bongo comme des nafs, croyant des lgendes dont ils plaisantent, et savent que leur anctre eux est venu du Nord, de la rgion de Mahaditra dans lactuel district de Fianarantsoa, dans le courant du sicle dernier. En fait, les alliances matrimoniales qui ne sont pas exceptionnelles entre les deux groupes lignagers, par lintermdiaire des unions avec les villages voisins, nous montrent bien que dans ce cas, la population actuelle est laboutissement dun mtissage local entre gens venus du Nord et population trs anciennement tablie dans la rgion.

    Cependant, cest limmigration originaire du Nord, et qui na pas cess depuis deux sicles, qui a imprim ses traits fondamentaux la population de la rgion. Le peuplement sest fait lentement et plus tardivement que dans le reste du pays betsileo. Aujourdhui encore, le Bassin dAmbalavao reste plus faiblement peupl que les autres bassins du pays, entre Ambositra et Fianarantsoa, et son peuplement se poursuit encore de nos jours par immigration, du moins dans sa partie occidentale.

    Dans les villages que nous avons tudis, les chefs de famille qui connaissent lorigine de leurs anctres les font tous venir des rgions betsileo au nord dAmbalavao, de Fianarantsoa et dAmbositra principalement. En fait, ces rgions nont souvent constitu quune tape dune ou deux gnrations entre la cte est et Ambalavao. Les anciens du village dambalafananarana, prs de Iarintsena, en ont une relle connaissance et se savent dorigine Antaimoro.

    Dans le village dhndohavolo, le plus louest de ceux que nous ayons tudis, dans la partie la moins peuple du Bassin, 6 chefs de mnage sur 22 sont ns dans le district de Fianarantsoa et 7 sont issus de villages de la partie centrale ou orientale du Bassin. Des familles viennent donc encore, lpoque actuelle, des rgions les plus peuples du Betsileo pour sinstaller dans la partie occidentale du Bassin dambalavao.

    B. La civilisation agraire.

    Les populations betsileo qui ont peupl la rgion dAmbalavao, ont apport avec elles une civilisation agraire qui a profondment marqu le paysage rural et dont les fondements sont la riziculture et llevage des zbus.

    La socit tait divise en de multiples petits G royaumes o sans unit relle. La vritable unit territoriale tait celle du village ou dun groupe de hameaux reposant sur un lignage dorigine dont lassemble des anciens, le fokonolona, organisait les travaux utiles toute la communaut villageoise tels que la construction et lentretien des barrages et des canaux dirrigation. 11 ny a jamais eu dans la partie sud du Betsileo une unit politique comparable celle que crrent les rois merina du XVIII~ sicle et qui et t capable dentreprendre des travaux dhydraulique sur de vastes ensembles.

    (1) DUBOIS (H. N.), Monographie des Beitsileo. Insfifuf dEfhnoZogie. Paris, 1938, 1610 p.

  • 8 MICHEL PORTAIS

    Nous dcrivons ic.i, trs brivement, la civilisation agraire des Betsileo telle quelle existait au sicle dernier, avant linstallation du fait urbain et la mise en prsence dune civilisation nouvelle. La plupart de ses traits se sont gards travers les transformations rcentes, mais il est utile de se la rappeler afin de bien comprendre quels taient aupa- ravant les grands fac.teurs de lorganisation de lespace.

    La culture du riz tait la proccupation majeure du paysan, et, hors de ses loisirs au village, cest sur la rizire quil passait la quasi-totalit de son temps. Certes, le cycle complet de la culture, de la prparation de la ppinire la moisson en passant par les labours, la mise en boue, le repiquage et les sarclages, ne prend jamais plus de 8 mois, mais le reste du temps tait souvent owup lentretien des diguettes, la rparation des barrages et des c.anaux, et la construction de nouvelles rizires, souvent en gradins, dans des conditions extraordinaires et parvenant faonner des c.ollines entires.

    Le Betsileo aime sa rizire et les soins quil lui apporte le font c,onsidrer comme Irl meilleur paysan de lile. La culture traditionnelle du riz, sur des rizires cultives chaque annke et qui ne reoivent pratiquement auc.un engrais en dehors des djec.tions des bovins lors du pitinage, donne des rendements de lordre de 2 tonnes de paddy & lhectare (1).

    Les beufs constituaient le deuxime objet de procwpation du paysan. Pourtant, les t,roupeaux du Betsileo sont parmi les plus petits de lle, et lon compte dans les campagnes du Bassin dambalavao, lexception des villages les plus louest, moins dun zkbu par habit.ant. Cette proportion a lentement dcru depuis le dbut du sicle, et encore actuellement, le nombre de zbus reste peu prs stationnaire alors que la population augmente.

    Pour le paysan, le buf zbu a trois fonctions : la premi.re est de servir la mise en boue de la rizil.rc, lors du o pitinage v qui prc%de le repiquage, et pour laquelle lentraide se pratique largement. La deuxime est de constituer une sorte dc caisse dpargne du paysan, et ce titre, il doit pouvoir sengraisser sans crer de soucis son propritaire. La disposition de vastes pSturages naturels est donc nc.essaire, et lorsque la saison sche se fait longue, ce qui est presque toujours le cas Ambalavao, la pratique des feux de brousse est frquente. Elle permet. de profiter des repousses qui suivent les premikres pluies, et contribue la dgradation du paysage vgtal et, des sols dans de tristes proportions. Enfin, la troisime. fonction du buf est dassurer le rang social des propritaires et de permettre lorganisation des fetes familiales (circoncision, fama- dihana (2)). Lattachement du paysan ses bufs est proverbial et cest souvent la rechewhe de meilleurs pturages, plus que la recherche de nouvelles rizires, qui a t lorigine dimport.antes migrations.

    Ainsi, la c.ivilisation agraire du payL;an betsileo sest-elle traduite, sur le plan de lorganisation de lespace, par la recherche, par de petit.s groupes familiaux, de terroirs rassemblant les conditions naturelles favorables la riziculture et llevage des bovins : des vallons bien drains et faciles irriguer, et de vastes pturages que lon fasonnait au besoin par le feu. Le village, rassemblant les membres dune ou de plusieurs familles auprs du ou des tombeaux familiaux, satisfaisait ainsi ses principaux besoins. Le reste tait. secondaire et ne constituait jamaiy > un impratif. Ainsi la proximit dc la fort

    (1) Rkdtats des sondages de lopration Productivit Rizicole sur les cultures traditionnelles dan; cette rbgion.

    (2) CBrrnonie traditionnelle dexhumation des anctres.

  • ANCIENS FACTEURS DE LORGANISATION DE LESPACE 9

    permettait de se procurer quelques produits de cueillette comme le miel, et la pratique de la pche, la culture de quelques lgumes, de quelques plants de tabac ou de canne sucre et la fabrication du rhum, permettaient densoleiller un peu lexistence.

    Lhistoire allait se charger dimposer un impratif supplmentaire : celui de la dfense des villages. Avant dexaminer les implications de lhistoire sur lorganisation de lespace du Bassin dAmbalavao, voyons maintenant de quelle faon sest traduit le contact entre lhomme betsileo et le milieu naturel de cette petite rgion.

    * 1 *

    2. LE MILIEU NATUREL.

    A. Le climat.

    Loriginalit du climat (1), par rapport au reste de la partie bien peuple des Hauts Plateaux malgaches, est sans doute le point le plus fondamental, par ses consquences humaines, de toutes les donnes naturelles du Bassin dhmbalavao.

    Courb. des prcip;t&ms

    Courb, dc, trmp;r.tur..

    IIIIIlII Piriod. ic&.giqrm.t .ich* ( Pmn L 21-c)

    Fig. 3. - Diagramme ombrothermique (type : Bagnouls et Gaussen), daprs F. S~UBIES : Sol et pdogense dans la cuvette dAmbalavao.

    (1) Les chiffres indiqubs ici sont calcu!s pour la pkiode 1936-1960 et 1963-1968 pour les pluies et 1963-1968 pour les tempratures.

    2

  • 10 MICHEL PORTAIS

    Cette rgion constitue une vritable marche climatique entre les Hautes Terres centrales et les pays du Sud et de lOuest plus secs et plus chauds.

    La moyene nannuelle des prcipitations Ambalavao est de 987 mm, alors quelle est de 1.221 mm Fianarantsoa, et quelle tombe 820 mm Ihosy.

    Le nombre de jours de pluies de plus de 0,l mm est de 106 Ambalavao contre 167 Fianarantsoa et, 72 Ihosy.

    Durant les 7 mois de la saison sche (avril octobre), la rgion ne reoit que 140 mm de prcipitations. Prs de la moiti du total de celles-ci tombent en dcembre et janvier (453 mm sur 987) et sous forme de violents orages.

    Il nest pas exceptionnel quun mois soit entirement sec. Inversement, durant le mois de dcembre 1948, il est tomb 563 mm deau et le record pour 24 heures appartient au 7 fvrier 1945 avec 149,3 mm.

    Comme beaucoup de rgions malgaches, celle-ci est frquemment affecte par des perturbations cycloniques. On en compte peu prs une tous les dix ans qui ait de

    TABLEAU 1 DonnEes mlt?oorologiques

    xi I 1 1 ./ .j . / . 1 1 1 ++~*) Janv. FBvr. hlars Aval Mal Jum Juil. Aot Sept. Oct hfoyennes mensuelles

    (en mm)... . 234,6 145,7 139,O 26,3 16,3 15,O 13,6 12,6 15,4 37,7 112,4 218,S -p-p--------

    Maxima mensuels

    ! (en mm). . . . . . . 452,2 431,7 338,3 151,7 57,2 82,6 32,7 56,O 100,2 101,4 242,5 563,6 : ----- -------, ! z

    Minima

    : mensuels

    ! fen mm)... . . . . 22,6 38,0 60,3 1,5 0 0 0 0 0 2,l 15,s 52,5 .l --w---------

    Nombre maximum

    de jours de pluies 24 22 24 11 13 15 12 10 10 9 19 25 --~~--~~~~~-

    I Nombre

    minimum de jours de pluies 8 8 6 1 0 0 0 0 0 2 5 6

    Moyennes mensuelles

    (en oc). . . . . , . . . 2306 2305 2203 2104 1803 1601 1504 1600 1809 2103 2104 2204 -~-~--~--~~~

    f 2 Maxima moyens

    ; (P ou- Iannbe 1968)

    : u (en oc). . . . . . . . . 3202 335 315 3103 2901 2105 2001 2300 2607 2900 2408 2805 4 ~~~----~-~~~

    Minima moyens pour lanni%)

    1968) (en oc). . . . . . . , 1301 1209 1102 907 605 707 705 605 901 604 1206 1403

    987,4

    1724,6

    733,7

    131 jours

    59 jours

    20005

    2706

    908

  • ANCIENS FACTEURS DE LOTGANISATION DE LESPACE 11

    graves effets. Cependant, durant la dure de notre tude, deux dpressions tropicales ont ravag la rgion, G Dany )) en fvrier 1969, et (l Jane )) en fvrier 1970. Les dgts ont t trs importants par suite des inondations qui en ont rsult : ponts coups, maisons effondres par lhumidit, et surtout, dans certaines zones, rizires ensables.

    La scheresse relative du Bassin dAmbaIavao est sans doute due sa position topographique : bien encaiss, il se trouve abrit des influences orientales.

    De plus, on peut remarquer sur place la scheresse plus nettement marque du centre du Bassin, qui est peut-tre due un lger phnomne de foehn.

    Le rgime thermique. / 11 est particulirement intressant de le comparer celui de Fianarantsoa.

    Fianarantsoa. ..........

    Ambalavao .............

    Ihosy ..................

    Moyenne annuelle Moyenne des maxima Moyenne des minima

    1805 2308 1303

    20005 (1) (27O6) (2) P08) (2)

    2107 2709 1506

    La continentalit est donc bien marque, lhumidit et la nbulosit sont beaucoup moins fortes qu Fianarantsoa, ce qui explique la plus grande amplitude entre minima et maxima. Labsence de toute observation hygromtrique suivie nous empche den apporter la preuve chiffre, mais les impressions de tous les observateurs vont dans ce sens. Enfin, les geles blanches ne sont pas inconnues Ambalavao.

    La moyenne des maxima en 1968 - seule anne pour laquelle nous disposions de chiffres - fut suprieure 300 durant trois mois et ne fut jamais infrieure 200. La moyenne des minima ne monta jamais au-dessus de 150 et resta infrieure 100 durant sept mois.

    Llvation des tempratures et labaissement des prcipitations par rapport Fianarantsoa entranent une aridit nettement plus importante que sur le reste du pays betsileo.

    AI+-& Ainsi, si lon calcule lindice daridit corrig de E. de Martonne i = 2

    P o A1 est lindice daridit annuel -

    T-I-10 12P et A, lindice daridit du mois le plus sec -

    tt10

    (1) Moyenne pour la priode 1963-1968. (2) Moyenne pour lanne 1968. Ces donnees proviennent de la Mission des Tabacs dAmbalavao. La

    diffrence des sources entre (1) et (2) explique que pour Ambalavao, la moyenne annuelle ne corresponde pas a la moyenne des maxima et des minima des deux autres colonnes. Pou~ Fianarantsoa et Ihosy, les donnees proviennent de 1~ atlas mteorologique I) de lIRSh1, Station agronomique du lac Alaotra, 1958.

  • 12 MICHEL PORTAIS

    on obtient : A1 = 32,9 A, = 9,6 i = 21,2 (1)

    Si lon admet avec Ch. P. Pguy que pour les zones semi-arides, cet indice est compris entre 5 et 20 on voit que la rgion dAmbalavao est la limite du domaine semi-aride. Ceci dautant plus que le climat de cette rgion, du moins du point de vue des prcipitations et cause des phnomnes cycloniques, est un climat de paroxysmes, avec de nombreuses annes beaucoup plus sches que les moyennes ne lindiquent.

    Ces caractres du climat sont de grande importance sur le plan de Ic.onomie agricole. Dans le cadre du systme traditionnel, reposant sur le riz et le buf, il est plus dfavorable que sur le reste des plateaux mieux arross et moins sujets daussi grandes irrgularits. En revanche, si lon se place dans le cadre dune conomie dchanges, ce climat au printemps plus prcoce, aux prcipita.tions moins abondantes et surtout lensoleillement plus grand que sur le reste des hauts-plateaux du centre, fait bnficier les cultures fruitires et une partie des cultures lgumires dun avantage c.ertain. Cest lexploitation de cet avantage que devraient tendre les efforts actuels de promotion conomique.

    B. Le relief.

    Le Bassin dAmbalavao est le plus ample de tous les bassins du Betsileo. La vue que lon a en arrivant de Fianarantsoa par le G col dAmbalavao )) sur la R.N. 7 ne laisse pas de surprendre. Lorsque lon vient de traverser tout le Betsileo, depuis Ambositra au nord, cest la premire fois que la vue stend si loin et que lon a devant soi une vritable plaine, parseme de reliefs rsiduels et faiblement modele par des vallons aux versants convexes. Au sud et louest, on dcouvre des re!iefs vigoureux aux formes beaucoup plus vives que plus au nord et qui voquent dj des rgions plus sches et des formes de relief de pays semi-arides. Aux yeux de tous les voyageurs, Ambalavao est la porte du sud.

    Le plancher de ce Bassin sabaisse faiblement dest en ouest, et la Mananantanana qui le traverse du sud-est au nord-ouest passe ainsi de 980 m aux environs dAmbohi- mahamasina 915 m Betorabato, distant de 45 km vol doiseau, mais de 90 km environ si lon suit le cours de la rivire qui, au centre de la cuvette, trs plate, dcrit de nombreux mandres.

    Les reliefs-rkiduels qui parsment le fond de la cuvette comme les spectaculaires G rochers D dIfandana (1.107 m) et de Vohitroso (1.142) o ceux, aux formes moins vigoureuses qui ont longtemps servi de site dhabitat fortifi, comme MaropaFasy, lhndroka, ou Ambohimandroso, correspondent (2) des barres rocheuses, migmatites granitodes, gneiss, gneiss granitodes, qui, soit par leur composition minralogique, soit par leur structure, sont moins facilement altrables que les migmatites qui emballent lensemble des reliefs du Bassin et en constituent lessentiel du matriel rocheux.

    (1) Les donnbes de tempbrature tant calcules pour la priode 1963-1968. (2) Pour tout ce qui concerne lexplication morphologique de ce paysage, il convient de se rf&er au rcent

    ouvrage de F. S~UBIES, Sols et p8dogense dans la cuvette dAmbalavao. Tananarive. O.R.S.T.O.M. 1969. Et la thse de M. PETIT, Contribution lBtude morphologique des reliefs granitiques a Madagascar. Chez lauteur, 1971, 305 p., plus croquis.

  • ANCIENS FACTEURS DE LORGANISATION DE LESPACE 13

    Les lames rocheuses de granite andringitren qui forment lcrin de la cuvette dAmbalavao et dont les plus beaux exemples sont les magnifiques dmes de Iandram- baky (1.428 m) (photo n 0 1) sont constitues de granites homognes. Ce sont des inselbergs, car la rupture de pente, parfois sous boulis, est trs marque leur base.

    Toute influence tectonique tant exclue, la prsence de tous ces reliefs doit faire considrer ce Bassin comme un alvole drosion diffrentielle.

    -&&-- A. Alluvions anciennes 8. Alluvions ricmtra mbaib&or*

    E Granit., Andringitrm. (rynt.ctonip*)

    Mipatitr~ granitodw

    E Ppxino- l nphibolitr* Hipatitcr

    @g Migmallt~~ ill&. du vieux nocI=

    Fig. 4. - Coupe gologique schmatique travers le Bassin dAmbalavao, daprs S~UBIES F. : Sol et p6dogen8se dans la cuvette dhmbalavao.

    Les cours deau permanents, comme la Mananantanana ou la Manambolo sont encaisss de 10 20 m et de plus en plus damont en aval, dans des alluvions anciennes qui semblent tre dorigine climatique, le seuil de Betorabato, exutoire de toutes les eaux du Bassin excluant une explication eustatique.

    Enfin, le relief de dtail est domin par labondance des vallons qui, bien dvelopps dans la partie orientale du Bassin, sont trs peu encaisss dans la partie centrale et occidentale. Ils sont trs ramifis et, dans la partie centrale de la c.uvette, ont une morphologie semblable ceux rencontrs dans le Moyen-Ouest de IImerina. Leurs versants sont convexes et leur amnagement en rizires accentue encore laspect de platitude de leurs fonds. Ces vallons de recreusement rcent semblent tre les tmoins dun encaissement sur place du rseau hydrographique effectu sous un climat plus humide que lactuel et sous couvert vgtal plus dense, par un systme drosion o laltration lemportait sur les phnomnes mcaniques.

    Lrosion actuelle se manifeste sur le plateau migmatitique occupant le fond de la cuvette par des processus drosion en nappe, comme en tmoignent les petites accumulations sableuses que lon trouve derrire les touffes de gramines, tandis que les lments fins sont entrans, engendrent lappauvrissement de la partie suprieure des profils.

    Sur les pentes, en revanche, lrosion actuelle est linaire et ravinante, dgnrant localement en (( lavaka 0, surtout dans la partie nord de la cuvette o des reboisements devraient tre pratiqus durgence.

    -

  • 14 MICHEL PORTAIS

    Ainsi, reprenant les propos de F. S~UBIES, on peut dire que lalvole drosion dAmbalavao prsente une morphologie composite o lon retrouve le tmoignage de c,limats plus secs (grandes tendues planes, reliefs rsiduels) et plus humides (vallons encaisss) que Iac.tuel.

    Cl. La vgtation.

    Pour complter ces remarques propos de linfluence des climats, disons quen ce qui concerne la uglalion, P. MORAT a trouv ici des espces de lest et du sud-ouest de lle, toutes la limite de leurs aires climatiques respectives.

    La quasi-totalit du Bassin, hors des zones cultives OLI reboises en eucalyptus est recouverte dune savane herbeuse o Aristida et Heleropognon contortrrs (danga) sont les espces les plus souvent remarques. Signalons dans cette savane la prsence du Snkon, arbre typique du sud-ouest de Madagascar, qui semble avoir t rcemment introduit par lhomme et qui se rgnre bien, montrant, sil en tait encore besoin, que le c.limat du Bassin est bien plus proche de celui du Moyen-Ouest du sud que de celui des Hauts-Plateaux.

    La for& primaire, quant elle, ne se rencontre quen lambeaux dans les endroits les plus inaccessibles lhomme. Elle semble avoir t dtruite par le feu une poque o elle tait dj en dsquilibre avec le climat. Cette destruction remonte peut-tre a 600 ans environ dans le centre de la c.uvette si lon en croit la datation au C.14 dhorizons t,ourbenx ent.errs. Elle est trs rcente sur les marges, si lon en juge par la fracheur des versants pyramidaux. Sa disparition brutalc a dfi enkaner une vague drosion catastrophique.

    Nous ne dcrirons pas en dtail les sols du Bassin dambalavao, puisque ce travail vient detre fait par F. S~UBIES auquel nous renvoyons le lecteur. Nous nous bornerons donner quelques aspec.ts essentiels des grands types de sols classs selon les diffrents sites topographiques o on les rencontre.

    - Les sols h~ydromorphcs de fonds dc &Ion. Bien que. ne couvrant pas de trs grandes surfaces, ce sont eux qui sont les plus intensment utiliss par les paysans betsileo, puisque c.e sont lrs sols de rizires. Presque t.ous sont en effet utiliss cette fin. Relative- ment riches en azote mais assez pauvres en bases changeables, ils sont capables de donner de bons rendements en culture traditionnelle, de lordre de 2 T/ha, grce une bonne maitrise de leau et des fagons culturales minutieuses. Une meilleure utilisation du fumier, lapplication dengrais phosphocakique et potassique et un engrais vert ou plantes fourragres cultives en contre-saison les amlioreraient facilement.

    - Les baihohos ou sols de berges, dalluvions rcentes, constitus de limons et de sables fins, recouverts chaque anne par les crues et culti\-s en contre-saison, constituent la deuxime catgorie de sols trs recherchs par les paysans. Utiliss depuis longtemps

    (1) Cf. S~UBIES (F.!, op. cit. - RIQUIER (J.), fi Notice explicative de In carte dutilisation des sols dAmbohi- mandroso. District dAmbalavao 10. Mm. IRSM. SGrie D, t. VII, 1956. - VIEILLEFON (.J.); u Notice sur les certes dutilisation des sols. Feuille de la hlananantnnana * IRSM. Tananarive 1959. Auxquels nous devons lessentiel de notre information sur cette partie.

  • ANCIENS FACTEURS DE LORGANISATION DE LESPACE 15

    ___ sont linr B Alluvions anciennes

    RP 5015 NUgrS OU jaunes pulvrulent5 m ,I ricenks (baiboho)

    Ape 5.4s pu~vbrulen~s rods

    Fig. 5. - Les sols du bassin dhmbalavao. Coupe schmatique.

    pour la culture du tabac et plus rcemment pour celle des tomates et des oignons, ces sols ont malheureusement une faible extension, en bordure des cours deau permanents, et leur topographie tourmente et instable les rend quelquefois dificilement utilisables.

    - Sur les alluvions anciennes, en bordure immdiate des baibohos des valles alluviales, et spcialement dans les mandres de la Mananantanana, se sont dvelopps des sols jaunes ferrallitiques. Leur extension est faible. Ils sont extrmement pauvres en lments fertilisants et notamment en bases changeables. Heureusement, leur structure est bonne et les plantes y souffrent peu de la scheresse, en outre ils ne craignent gure lrosion. Convenablement enrichis en matire organique et en engrais potassiques, ces sols donneraient de bons rsultats pour des cultures trs varies.

    - Les colluvions de basses-pentes, au niveau du contact des bas-fonds rizicoles et des flancs de vallons, constituent des sols particulirement sableux et sujets une intense rosion. Frquemment annexs par planage aux rizires de bas-fonds, ils sont souvent plants de bananiers ou de goyaviers. Particulirement pauvres (les lments fins vont la rizire) ces sols trouvent leur meilleure utilisation dans la culture fruitire. Mais les plantations ne devraient tre faites que sur des banquettes pralablement amnages, car ces sols trs rodables risquent toujours densabler les rizires tablies en aval, ce qui sest notamment produit pour nombre dentre elles la suite des cyclones de fvrier 1969 et fvrier 1970.

    - Sur les versants des reliefs rsiduels on trouve en gnral des sols rouges ou jaunes ferrallitiques, les sols jaunes tant surtout frquents au voisinage des lames de granites. Ces sols sont trs acides, la gramine Aristida y est particulirement bien reprsente et leur meilleure utilisation est le reboisement. Ce travail a dj t entrepris en eucalyptus principalement et depuis peu en pin dIndochine, dans la partie nord du Bassin, o les lavaka sont dj trs nombreux.

    .

    - Sur les plateaux, enfin, de trs vastes tendues de sols ferrallitiques, rouges ou jaunes pulvrulents, pauvres en azote, - sauf dans les 20 premiers centimtres - et en bases changeables, fortement acides, ont en outre linconvnient de voir leur horizon

  • 16 MICHEL PORTAIS

    suprieur (0 15 cm) trs appauvri en argile par suite de lrosion en nappe qui se manifeste leur surface. Leur structure est convenable dans les 20 premiers centimtres puis devient trs massive jusqu 70 cm et le caractre pulvrulent napparat quen dessous.

    Ces grandes surfaces sont principalement le domaine des troupeaux, mais elles sont surptures et abmes par le feu comme en tmoigne la prsence dAristida. Leur mise en culture est frquente autour des villages, et cest le manioc qui sen accommode le mieux.. Larac.hide vient bien elle aussi mais, dnudant trop le sol, elle favorise lrosion en nappe. Des culture en courbes de niveau et en bandes alternes seraient videmment souhaitables, ainsi quune bonne fumure et des apports dengrais adapts aux cultures souhaites, faute de quoi ces sols seront vous un puisement rapide.

    E. Les ressources en eau.

    Des quelques pages qui prcdent sur ltude du milieu physique, il nous semble que lessentiel, du point. de vue du paysan, est constitu par tout ce qui se rapporte aux ressources en eau.

    Cela est si vrai qu la question (( que faudrait-il faire, daprs vous, pour amliorer le sort des paysans de la rgion? 1) 165 chefs de mnage sur les 270 que nous ayons interrogs dans les 11 qillages tudis, ont rpondu (( dabord amliorer lirrigation )). Le problme de leau pour les rizires reste donc, pour la majorit des paysans, le plus grave problme rsoudre, et ce, malgr les efforts des communauts locales, en particulier des communes. Dans le cadre de lconomie traditionnelle, reposant sur la rizire, les problmes de ressource en eau et de matrise de leau sont donc absolument primordiaux.

    La culture du riz peut se faire selon deux calendriers diffrents en fonc.tion des ressources dont on dispose pour alimenter les rizires.

    Le premier cas est celui des rizires irrigues, bnficiant dune alimentation en eau qui peut tre permanente. On y pratique une culture dite de lie saison ou vary aloha, ensemence, dans la rgion dambalavao, en (c vary lahy )). La prparation des ppinires a lieu ds la fin du mois de mai ou en juin, les repiquages se font de la fin aot la mi-octobre et la moisson peut commencer en janvier, se prolongeant souvent jusquen mars. Le cycle long de c.e riz est d au fait que tout le dbut de sa croissance a lieu en hiver.

    Le second cas est celui des rizires ne bnficiant que dune irrigation irrgulire ou devant se contenter des eaux de pluie. On y pratique alors la culture de 2e saison ou vakiambiaty, ensemence ici en (( vary angiky )) espce un peu moins apprcie que le (1 vary lahy 1) mais qui rsiste bien la scheresse et dont le cycle de maturation se droulant entirement en t, est plus court que le prcdent. Le repiquage se fait de dcembre la mi-fvrier et la rcolte davril juin.

    Ces calendriers nous montrent que sur une rizire irrigue il serait possible de pratiquer dans la rgion dAmbalavao deux cultures la mme anne. Quelques rares exploitants, sur les conseils des moniteurs du G.O.P.R. (1) en ont entrepris lexprience. Lidal serait bien sr dutiliser la rizire en contre-saison pour une culture diffrente et rgnrante.

    (1) Groupement des Opbrations de Productivitb Rizicole.

  • ANCIENS FACTEURS DE L'ORGANISATION DE L'ESPACE 17

    En labsence de cette double culture, si le paysan se donne la peine dirriguer toutes les rizires qui le peuvent tre, cest que la culture de 2e saison, qui doit se contenter des eaux de pluie, est souvent trs alatoire.

    En effet lirrgularit des pluies que nous avons signale, dune anne sur lautre, oblige souvent le paysan repiquer trs tard. Le riz connat alors une fin de maturation pnible sous la scheresse, les effets du vent et de la moisson entranant sur des pis desschs un grenage important. En outre, certaines annes connaissent des ts o les pluies font considrablement dfaut et dautres o les cyclones noient, en janvier ou fvrier, les jeunes pousses qui viennent dtre repiques, ou encore les ensablent de fason catastrophique, ce qui fut le cas, c.omme nous lavons dj signal, pour de nombreuses rizires en fvrier 1969 et fvrier 1970.

    Ainsi les paysans ont tmoign leur intrt aux rizires irrigues en cherchant avant tout des sites favorables une bonne matrise de leau. Ces sites sont videmment les fonds de vallons aux sols hydromorphes et les ttes de vallons situes le plus prs possible de sources abondantes, cest--dire sur les versants du Bassin, les vallons affluents des grandes valles, et, plus en amont, le haut bassin de la Mananantanana.

    En fait, les sources abondantes et alimentes en permanence sont rares dans la rgion, tant sont longues certaines saisons sches, et tant les formations gologiques du pourtour du Bassin, trs compactes, laissent ruisseler les eaux sans les retenir.

    Les cours deau dranant le Bassin dAmbalavao sont abondants mais deux seulement ne sont jamais sec : la Mananantanana, qui a fait lobjet dun amnagement important du gnie rural permettant lirrigation de 700 ha de rizires sur la rive droite de la rivire, en amont dIfandana (l), et la Manambolo, qui a inspir un important projet de mise en valeur portant sur plusieurs milliers dhectares irriguer et qui est aujourdhui dans loubli, provisoirement esprons-le.

    Inversement, se pose le problme du drainage pour certains petits vallons comme celui du Sihanaka, affluent de la haute Mananantanana, au sud dAmbohimahamasina, et pour de vastes secteurs du centre et de louest de la cuvette la morphologie incertaine, parsems de petites dpressions que ne parvient pas drainer la rivire.

    Limpossibilit pour de petits groupes villageois dentreprendre des travaux de drainage, toujours dlicats, et paralllement, dirriguer les grandes valles, explique en grande partie la relative faiblesse du peuplement du centre du Bassin pourtant parsem de riches terres de (c baiboho 1) (2).

    3. LES MARQUES DE LHISTOIRE SUR LA RBPARTITION DU PEUPLEMENT.

    Le pays betsileo est traditionnellement divis en trois rgions ou Q royaumes )), le LALANGINA, IISANDRA et au sud IARINDRANO. Lhistoire de ce dernier qui englobe le Bassin dAmbalavao (3), est beaucoup moins connue que celle des deux autres, sans doute cause de son peuplement et de son organisation plus tardifs. Les historiens du Betsileo, Henri RANJAVOLA ou le Pre DUBOIS nont recueilli que peu de traditions

    (1) Voir fig. 25. (2) Cf. carte de rpartition de la population fig. 7. (3) Voir fig. 6.

  • 18 MICHEL PORTAIS

    ---_ Limite daa anciens pays Betrilec Lnmite de lactuelle PriFecture de hnanntcoa

    -,E xpCd,tion de RAOAMA IV (1815)

    -4- Avant. frrnpaiae (1897)

    Fig. 6. - Le sud du pays Betsileo. Carte historique.

  • ANCIENS FACTEURS DE LORGANISATION DE LESPACE 19

    lointaines son sujet. (( Il faut attendre jusquau sicle dernier, lorsque se fit loccupation imrinienne, pour trouver ces rgions figure personnelle et authentique o crit le Pre DUBOIS (1).

    Les guerres que se faisaient continuellement les seigneurs locaux - appels o Hova )) en pays betsileo - avaient ds lorigine fait choisir des sites dhabitat dfensifs : sommets de collines ou terrasses protges de tous cts par de profonds fosss amnags par lhomme. Ces villages fortifis sont du mme type que ceux qui ont t dcrits en Imerina par de nombreux auteurs (2).

    Dans ces conditions, la grande plaine occupant le fond de la cuvette dAmbalavao tait peu faite pour attirer des populations nombreuses et les sites dhabitat les plus recherchs taient les vallons de lest, affluents de la Mananantanana, o les versants dcoups en collines offrent des sites voisins de ceux qui, dans les conditions de civilisation agraire et de ressources en eau telles que nous les avons tudies, taient les plus favorables ltablissement des rizires.

    Il est cependant un relief, prs de la Mananantanana, qui joua un rle essentiel dans lhistoire de la rgion : cest le G rocher dIfandana D o le roi dImerina, RADAMA Ier, au dbut du sicle dernier, vint assiger (1 toute la population )) de la rgion, rtive son autorit, et rassemble l pour se dfendre. Larme merina affama bientt les assigs qui durent capituler. La version merina de lhistoire veut que les malheureux se prcipitrent du haut du rocher plutt que de se rendre. La version betsileo affirme que tous les assigs furent passs par les armes hormis 300 ou 400 femmes et enfants qui furent emmens comme esclaves. Un grand gisement de crnes et dossements se trouve encore Ifandana et la tradition value plusieurs milliers le nombre des morts, ce qui voudrait dire, pour lpoque, une grande partie de la population de la rgion (3).

    Le sud betsileo ayant donc t soumis lautorit des rois de Tananarive, les soldats merina occuprent une petite garnison Ambohimandroso, au centre du Bassin, qui devint ainsi le chef-lieu de la rgion. Les commerants merina les suivirent bientt et plus tard les missionnaires protestants.

    Au sud, 1Andringitra formait une barrire do ne pouvait venir aucun contact humain, En revanche, le pays est ouvert louest et au sud-ouest o stend le domaine de la tribu des Bara. Ceux-ci ont de tout temps t considrs comme le grand peuple leveur et semi-nomade du sud. Race dure et fruste dont les hommes se livraient traditionnellement, et presque rituellement, au vol des bufs, de troupeau troupeau. Les contacts entre riziculteurs et leveurs devaient tre ce quont toujours t, sur terre, les contacts entre agriculteurs et pasteurs. Heureusement, une grande zone vide, commentant louest du Bassin, servait de frontire entre les deux peuples. Pourtant, peu peu, les Betsileo, qui disposaient eux aussi de troupeaux, cherchrent des pturages plus louest, jusque dans la rgion dAnkaramena. Ils avaient alors craindre les incursions priodiques des Bara, qui ne se contentaient pas de voler des bufs mais emmenaient aussi les habitants comme esclaves. Ainsi en tmoigne le rcit de E. F. KNIGHT, un missionnaire anglais voyageant dans la rgion en 1895 (4). Sa

    (1) DUBOIS (H. RI.), op. cif., p. 219. (2) Voir par ex. : DECARY, Contribution ltude de lancienne fortification malgache. Bull. Ac. mal.

    Nouvelle srie, t. XxX11, 1954. (3) Cf. GATAT (Dr. L.), Voyage Madagascar 1889-90 Paris 1895. (4) KNIGHT (E. F.), A journey in Southern Madagascar paru dans The Anfananarivo Annual, 1896, pp. 400-

    401.

  • 20 MICHEL PORTAIS

    desc.ription fait tat dun rapt de 500 bovins et 300 hommes et enfants dans les villages au nord dAmbohimandroso.

    Dans la partie ouest du Bassin, les sites dfensifs taient plus rares ou difficilement amnageables, et les villages sentouraient, de trs paisses protections de cac.tes qui ont frapp les premiers voyageurs europens. A lEst, la grande fort, limitait beaucoup les changes avec le pays tanala et les peuples de la cte, Antaimoro principalement. Un peu de riz, des zbus, et quelques lamba (1) de soie tisss dans la rgion, voil ce que le pays offrait en petite quantit aux populations de lEst.

    Ainsi, cest du Nord, par le col dambalavao, que se firent surtout les principaux contacts avec lext&ieur. Pendant que les immigrs venus du reste du pays betsileo continuaient peupler la rgion, les commerants merina arrivrent Ambohimandroso et furent les premiers organiser de vritables courants d&hanges, important le sel, les cotonnades, et organisant la collec.te des lamba de soie et du tabac. mcher pour les vendre vers la c0te et Tananarive. Ils jourent un rle dcisif dans lextension de la culture du tabac. chiquer autour dAmbohimandroso et, inc.itant les Betsileo lchange, ce sont eux qui introduisirent les premires fonctions urbaines dans le pays et il nest pas tonnant quaujourdhui encore ils reprsentent llment le plus important de la ville dAmbalavao.

    4. LE DJ!XELOPPEMENT DU FAIT URBAIN.

    Cest la colonisation franaise qui allait faire dAmbalavao une ville. Jusque-l, Ambohimandroso, sitube 7 km au sud dhmhalavao sur un promontoire

    entour de fosss et de fortifications ne pouvait gure prtendre au titre de ville, malgr sa petite garnison, son gouverneur et ses quelques commerants. En 1889, un voyageur fransais, le docteur Louis GATAT (2) y relve la prsence de 150 cases, et en 1893, E. F. KNIGHT (3) revenant dun long voyage dans le sud smerveille en rencontrant cette petite bourgade : (c Ambohimandroso, with its churches, schools and brick houses, looked astonishingly civilized to my unaccustomed eyes D.

    Lexamen des cartes anc.iennes nous montre lvolut*ion qui se fit au profit dAmhalavao aprs la conqute franaise. En 1886, quelques annes avant celle-ci, la carte du capitaine S. PASFIELD Oliver, dite Londres chez MACMILLAN indique Ambohimandroso comme seule G ville 1) de la rgion du sud betsileo, alors quAmbalavao figure r.omme simple village. Quelques annes avant la conqute, la mission catholique ouvrit une cole Ambalavao, tenue par un pre jsuite, mais en 1899, l(t Atlas des colonies fransaises dit Paris chez A. COLIN, trois ans aprs lannexion, indique comme chef-lieu de district Ambohimandroso vers lequel convergent tous les (( chemins muletiers o figurs sur la carte. Ce nest quen 1900 quAmbalavao devint chef-lieu de district. A cette date, la pac.ification de la rgion est acheve et lon recherche laccs facile de prference aux positions fortes. Ambalavao, premier village important de la (( plaine de Tsienimparihy D au dbouch du col qui la relie Fianarantsoa, alors grande capitale du sud, fut naturellement choisie par ladministration coloniale, et, prfre

    (1) Pi&es de tissus. (2) Op. cil. (3) Op. cif.

  • ANCIENS FACTEURS DE LORGANISATION DE LESPACE 21

    la vieille cit forteresse, merina et protestante, qui, dans les premiers temps de la colonisation, semble avoir mal accept le cho

  • 22 M

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  • ANCIENS FACTEURS DE LORGANISATION DE LESPACE 23

    et artisans et que plus de 100 femmes se livraient rgulirement au tissage traditionnel des lamba de soie ou de coton.

    Sur le plan dmographique, en 1956, le recensement administratif valuait la population de la commune dAmbalavao 7.500 personnes. Le recensement intgral de 1964 donnait 10.936 habitants, et lvaluation administrative de 1968 faisait tat de 12.000 habitants. Mais ces chiffres comprennent les paysans de la partie rurale de la commune dont laugmentation est plus faible que celle des urbains. En fait, lors du recensement de 1964, 60 yo des actifs appartenaient au secteur agricole ou ne semployaient que temporairement une autre activit. Ce pourcentage a d Igrement diminuer depuis, et en 1968 la population Q agglomre u tait value 6.900 personnes. La croissance de la ville na donc rien de spectaculaire, mais elle est rgulire, et rien ne peut laisser supposer dimportants flchissements dans les annes qui viennent, car la ville reste trs dpendante sur le plan conomique, de son environnement rural.

    Nous disons que la ville est trangre sa rgion. En effet, au recensement de 1964, sur 5.000 personnes vivant dune activit proprement urbaine (secondaire ou tertiaire) 2.500 taient des Merina et 150 des trangers (Indiens, Chinois, Franais). Tous ces trangers au milieu betsileo dtiennent la plus grande partie des postes importants de ladministration et de lenseignement, la quasi-totalit du commerce, et toutes les entreprises industrielles. On dnombrait en outre, en 1964, 200 Antandroy gravitant principalement autour du commerce des boeufs ou tant employs dans les quelques fabriques de la ville.

    Nous disons galement que la ville reste trs dpendante de son environnement rural. Elle y est. intimement lie, et les commera&, quils soient collecteurs ou dtaillants, les petits industriels, qui ne traitent que des produits locaux - tabac, rizerie, pte papier, briquetteries, distillerie, poudre rcurer - et les artisans qui font de mme, tous ne vivent que des changes quils ont avec le milieu rural.

    * + i

    CONCLUSION.

    Dans ce premier chapitre, nous avons prsent les facteurs principaux de lorganisa- tion de lespace dans le cadre traditionnel. De laction de ces facteurs rsulte en particulier la rpartition des populations dans lensemble du Bassin, et cest pourquoi le moment nous semble venu dobserver les cartes de densit et de rpartition de la population rurale (fig. 7 et 8).

    De leur examen nous est venue lenvie de raliser trois coupes selon trois parallles passant par Ambalavao, Anjoma et Ambohimandroso et den tirer le profil des variations de densit de population le long de chacune delles (fig. 9). Si lon essaie de les analyser, on constate que ces trois courbes ont exactement des allures semblables. Le sommet de chacune dentre elles se trouve peu prs exactement la longitude dAnjoma, cest--dire dans une position trs excentre par rapport la cuvette. Hormis la haute valle de la Mananantanana qui ne constitue quun appendice au reste du Bassin, lEst est bien la partie trs nettement la plus peuple de notre petite rgion. Nous avons vu dans tout ce premier chapitre que des raisons naturelles (matrise de leau) et historiques (recherche des sites dfensifs, crainte des Bara) expliquent ce fait.

    Si lon quitte cette ligne longitudinale de densit maximale pour aller vers lOuest, la population dcrot trs rgulirement, et ce, quelles que soient les conditions naturelles

  • 24 M

    ICH

    EL PO

    RTA

    IS

  • ANCIENS FACTEURS DE LORGANISATION DE LESPACE 25

    gnrales rencontres : valle de la Mananantanana, centre de la cuvette, rebord des lames granitiques, etc. Le peuplement de toute la partie ouest du Bassin semble donc stre fait trs progressivement, tardivement, et uniquement en fonction de donnes historiques.

    Enfin, la ville dAmbalavao ne semble avoir jusqu prsent peu prs aucune influence sur la rpartition de la population rurale, puisque sa prsence naffecte aucunement la pente de la courbe qui la concerne. Ce fait confirme bien le caractre tranger de cette ville au moment de sa cration, par rapport au reste de la rgion.

    .*..... Pcc 5s ank par AMBALAVAO

    - 11 ru Ahi MAN DR050 et ANJOMA

    ---- II $1 Ah- MAHAMASINA

    80.

    70.

    60.

    !a-

    40.

    30.

    20.

    10.

    i - \ I

    I 1 I .

    I

    40 50 kms .

    Fig. 9. - Variation des densits de population le long de trois parall&les.

    Tout au long du XIXe sicle, et dans une bien moindre mesure jusqu nos jours la rputation dont jouissait la o plaine du Tsienimparihy i, aux paysages magnifiques et au climat merveilleux, attira vers elle un grand nombre dimmigrants. Ces nouveaux venus eurent supporter, dans la plus grande partie du Bassin, la crainte perptuelle des expditions bara et la faiblesse des ressources en eau (1). Certaines traditions orales

    (1) Ces ressources ont-elles dcru par suite de lextension des rizires et des reboisements deucalyptus ? Aucune donne skieuse na pu tre recueillie ce sujet, bien que les vieux paysans Iaffkment.

    3

  • 26 MICHEL PORTAIS

    tmoignent du fait que beaucoup de ces nouveaux venus ne tardrent pas quitter la rgion, qui, dans le cadre de la riziculture traditionnelle betsileo, tait bien moins favorise que les rgions des plateaux situes plus au nord.

    Aujourdhui, les facteurs essentiels de lorganisation de lespace sont en train de se modifier profondment. Mais le poids de ce qui fut, demeure encore de nos jours et constitue une donne fondamentale de la gographie du Bassin.

  • 2

    La diffusion de nouveaux besoins parmi les ruraux

    Lorganisation traditionnelle de lespace, expression de ladaptation dune socit au terroir occup, avait pour but la satisfaction de certains besoins conomiques, religieux et culturels. Une nouvelle civilisation, introduite peu peu par lintermdiaire de la ville, a d crer au monde paysan de nouveaux besoins. Notre propos est maintena*nt de montrer quil en est bien ainsi en tudiant en particulier ltat de pntration de lconomie montaire, sous linfluence urbaine, et en cherchant ensuite de quelle faon seffectue cette pntration.

    1. LE RLE MAJEUR DE LINFLUENCE URBAINE.

    A. Lanalyse des dpenses montaires.

    La pntration de lconomie montaire dans le milieu rural du Bassin dAmbalavao est une consquence, et. donc un signe, tmoignant de lapparition de besoins nouveaux. Elle se manifeste clairement lexamen du chapitre (( dpenses 1) des budgets familiaux. Nous avons expliqu dans notre partie mthodologique (1) la faon dont nous avons retenu 43 mnages pour tablir le montant dtaill de leurs dpenses au cours dune anne. Le tableau 2 rsume les rsultats que nous avons obtenus.

    Daprs ceux-ci, le- montant des dpenses montares atteindrait 24.550 FMG par foyer, cest--dire prs de 5.000 FMG par individu. En ce qui concerne lautoconsomma- tion, lenqute de 1962 (2) a montr quen pays betsileo, celle-ci pouvait tre ramene

    (1) En annexe, p. III. (2) Enqute CINAM-INSRE sur les budgets et lalimentation des mnages ruraux.

  • 28 MICHEL PORTAIS

    a une valeur de 6.2.00 FMG par individu. Ainsi, le paysan du Bassin dAmbalavao se procure en moyenne plus de 40 y0 de ce dont il a besoin grce ses ressources montaires.

    Sur les 25.000 FMG qua dpens un mnage, en 1968, 29 o/. sont alls des dpenses alimentaires, 35,s o/. lhabillement et aux besoins de la maison, 7 o/. seulement ont 6t. consacrk lexploitation agricole, 3 o/. aux ftes et coutumes, 12 o/. ont servi payer limp&, qui reste pour beaucoup une lourde charge et lincitation majeure se procurer de largent (1), enfin 11 yo des d.penses sont alls des services que lon pourrait

    TABLEAU no 2 Depense par mtknage (2) en FMG (3)

    Nature

    Dans les 5 villages Ensemble des tudi&a les plus

    Dans les 6 villages

    proches de la ville tudis les plus isol& 11 villages

    (20 mCnages) (23 mbnages) (43 mnages)

    %

    Alimentation ............................ dont :

    riz..........: ................... viande-poisson. ................... sel-sucre. ........................

    Habillemenf. ...........................

    quipement minager (savon, ptrole, etc.). ....................

    Case (Construction, rkparation). ...............

    Exploitation agricole (non compris achat danimaux). .......... Achats danimaux .......................

    Scolarisafion. ...........................

    Sa& (mdicaments, hopitaux, maternit). .....

    Voyages. ...............................

    Tradition (ftes, tombeaux). ..............

    Impt.~ .................................

    Dioers. ................................

    TOTAL ................................

    9.860 5.150

    (5.950) (2.900) 6.925 28,5 (1.510) (430) (1.015) (1.025)

    5.900 5.280 5.580 23

    2.210 2.050 2.120 9

    280 (4) 1.390 (4) 875 335

    1.680 630 1.120 4,5 555 680 625 295

    1.550 1.150 1.330 5

    750 850 800 3

    1.160 370 770 3

    1.260 (4) 380 (4) 800 3

    2.600 2.950 2.800 12

    500 1.070 800 3

    28.300 21.900 24.545 100

    (1) Depuis 1972, limp6t de capitation (I.M.F.) a t& supprim Madagascar. (2) Taille moyenne des menages pour lensemble des 11 villages : 5,25 individus. (3) 1 franc = 50 FMG. (4) Lkhantillon considrk est trop faible pour que les chiffres se rapportant & ces dpenses, qui ne sont

    pas des dpenses annuelles, puissent tre estimBs reprsentatifs.

  • DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 29

    qualifier de modernes : taxi-brousse, frais (( dcolage ))des enfants, et services de sant. Notons que la faiblesse des sommes consacres aux ftes et coutumes ne doit pas faire illusion, car la plus grande partie de ces frais, la campagne, se font en nature et non en argent. Dautre part, lanne considr.e, conscutive une rcolte mdiocre, na pas connu autant de ftes quune anne normale.

    Il suffit de comparer la structure des dpenses familiales dans les villages proches de la ville avec ce quelle est dans les plus loigns pour se rendre compte du rle de linfluence urbaine dans la pntration des besoins montaires parmi les ruraux.

    Si lon prend, parmi les 11 villages que nous avons tudis, dun ct les 5 villages les plus proches de la ville, et de lautre les 6 villages les plus loigns ou les plus isols (1), on aboutit aux rsultats indiqus au tableau no 2, dans les deux premires colonnes.

    La moyenne des dpenses montaires serait donc de 28.300 FMG par mnage dans les villages les plus en contact avec la ville et de 21.900 FMG dans les plus isols. Le total des dpenses de type moderne que sont les frais de scolarisation, de mdicaments, dhpital et de voyages en taxi ou taxi-brousse slvent 3.460 FMG dans les villages proches contre 2.370 FMG seulement dans les plus loigns. Pour les frais de lexploitation agricole, les chiffres sont respec.tivement de 2.235 et 1.310 FMG, ils sont de 1.680 et 630 FMG si lon exclut les achats danimaux. Les achats de viande et de poisson sont galement plus importants dans les villages proc.hes de la ville : 1.810 FMG contre 430 dans les plus loigns. Seules les dpenses depuis longtemps traditionnelles concernant les y&ements, le sel, le sucre, et, bien sr, les impts, sont peu prs quivalentes pour les villages proches et les villages isols.

    Ainsi, lexamen de ce tableau nous indique que linfluence urbaine semble avoir un rapport direct avec laccroissement des besoins montaires.

    La c.ourbe de distribution (2) de ces 43 budgets familiaux fait apparatre un fort maximum entre 10 et 20.000 FMG, un bon nombre de budgets entre 2.0 et 40.000 FUG et une trs rapide diminut.ion ensuite. Par ailleurs, rares sont les budgets infrieurs 10.000 FMG ( un sur sept). Compare la courbe de distribution de lensemble des budgets ruraux de Madagascar, celle du Bassin dAmbalayao est plus concenkze, le taux de variante est plus faible et la proportion de trs petits budgets (moins de 10.000 FMG) est beaucoup plus rduite, puisquelle atteint 30 yo pour lensemble malgache en 1962. Cela se traduit par les chiffres suivants (3) :

    Budgets familiaux (dpenses montaires en FMG) Mnages ruraux

    I Ensemble de Madagascar. . . . . . . .I 30.680 16.435 I (1) Les 5 villages les plus proches sont tous accessibles, au moins en saison sche, aux camions des collecteurs

    ou aux taxis, alors que 4 des 6 autres sont inaccessibles tout vkhicule. (2) Fig. 10. (3) Source pour lensemble de Madagascar : enqute CINAM-INSRE 1962.

  • 30 MICHEL PORTAIS

    P

    nombre

    Fig. ICI. - Courbes de distribution des budgets familiaux (mhages ruraux). 1. Ensemble de Madagascar (enqute C.I.N.A.>I.-I.N.S.R.E. 1962)

    II. Mnages du Bassin dAmbalavao

  • DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 31

    B. Le facteur prpondrant du dveloppement de lconomie montaire.

    Il apparat logique de penser que si lintroduction de lconomie montaire sest faite par lintermdiaire de la ville, cest celle-ci qui constitue le facteur dterminant de lvolution des campagnes. Ainsi, dans lordre du dveloppement, les facteurs go- graphiques les plus importants doivent tre ceux qui favorisent la croissance de flux quilibrs entre la ville et la campagne, tels que la proximit urbaine ou les facilits de communications. Il reste savoir si malgr tout, dans le cadre dun dveloppement qui passe encore obligatoirement par lagriculture, les conditions naturelles, telles que la valeur traditionnelle des sols, les possibilits dirrigation, les facilits dexpansion des cultures ou labsence de surcharge dmographique ou pastorale, ne gardent pas un poids suprieur aux facilits de relations avec la ville.

    Pour que ce classement des facteurs de dveloppement ne reste pas subjectif, nous avons tabli, pour les besoins de cette tude un (< indice factoriel de dveloppement de lconomie montaire )) dont ltablissement est expliqu en annexe dans notre partie mthodologique.

    I(f) = z Cg ( >

    o, pour un facteur gographique donn f. qui peut tre par exemple le degr disolement, S reprsente la moyenne, par mnage, des recettes ou dpenses montaires pour un poste considr, dans les villages tudis les plrrs favoriss par le facteur f, et S la moyenne, par mnage, des recettes ou dpenses montaires, pour le mme poste, dans les villages les moins furroriss par ce mme facteur. C. est un cfficient variant avec les lments pris en compte.

    Le tableau 3 indique les calculs effectus et les rsultats obtenus pour 7 facteurs considrs.

    On saperoit que 1 est maximum en ce qui concerne la proximit urbaine (6,77) et le degr daccessibilit (6,55). Cet indice reste lev, non pas pour le facteur

  • TABLEAU no 3 Diermination de lindice factoriel de dh~eloppement de lconomie moncitaire pour divers facteurs

    Facteurs considkres

    Proxiniite Faiblesse

    Accessibilit Proximit de la densit Productivite Potentialites Pratique de la ville dun march population traditionnelle naturelles de lartisanat

    lements du calcul de 1 S-S S-S S-S

    c -C--- s-s S-S S-S S-S

    -c- C- S-S S-S

    -c- S-S S-S S-S S-S

    -C-- s-s --

    s+s s+s s+s s+s S-+-S s+s S-f-S s+s s+S c- ~&..--.-

    SSS s+s s+S S+?I s+s ----p---p------

    Achat de viande.. . . . . . . . . . . . 1 0,62 0,62 0,60 0,60 -0,06 -0,06 0,25 0,25 0,26 0,26 0,18 0,18 -0,02 -0,02 -~-----~~--~-~~

    Investissement agricole.. . . . . . 1 0,45 0,45 0,32 0,32 -0,24 -0,24 0,28 0,28 0,50 0,50 -0,15 -0,15 -0,14 -0,14 --P--------P---

    Scolarisation. Sante. Voyages.. . . . / l

    0,19 0,19 0,16 0,16 0,34 0,34 0,lO 0,lO 0,40 0,40 0,19 0,19 0,os 0,os ~-~~------~-~~

    Revenus des salaires.. . . . . . . . . . . . . 2 0,42 0,84 0,35 0,70 -0,Ol -0,02 0,13 0,26 0,43 0,86 -0,25 -0,50 -0,09 -0,lS ---------------

    Revenus des principales productions agricoles de vente (arachide-tabac- porcs). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 0,41 0,82 0,67 1,34 0,Ol 0,02 0,Ol 0,02 0,52 1,04 0,50 1,oo -0,59 -1,18

    --------------- Revenus des productions agricoles de vent.e ayant la plus recente expan- sion (fruits-legunies). . . . . . . . . . . . . . 3 0,71 2,13 0,56 1,68 0,19 0,57 -0,14 -0,42 0,50 1,50 0,012 0,66 -0,33 -0,99

    m-------------P Dpenses totales (43 mnages). . . . . . 3 0,13 0,39 0,07 O,?l 0,13 0,39 0,04 0,12 0,29 0,87 0,17 0,51 0,09 0,27

    --------P-P--- Revenu total (270 menages). . . . . . . . 7 0,19 1,33 0,22 1>54 -0,03 -0,21 0,Ol 0,07 0,05 0,35 -0,03 -0,21 0,07 0,49

    --------------- I(f)...........................,. $77 0,55 0,79 O,fX?

    I I $78 1,68 -1,tx

    I I

  • DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 33

    11 semble donc bien que les faits de relations avec le centre urbain soient dterminants dans lintroduction de nouveaux besoins parmi les ruraux et dans lintroduction de lconomie montaire.

    2. LADMINISTRATION ET LIMPT.

    Dans un premier temps, cest lorganisation administrative, par limpt quelle levait et qui tait sa proccupation principale, qui a impos la plus grande partie du monde paysan son entre dans lconomie montaire.

    Reprenant ce qui, en fait, existait dj mais avec un moindre degr dorganisation sous la monarchie merina, un dcret du 11 dcembre 1895 sign de GALLIENI fixe comme imposition individuelle, pour tout homme de 16 60 ans, une prestation de service de 50 jours au maximum, avec indemnit de 0,20 F par journe pour la nourriture. Certaines catgories, notamment les fomtionnaires et les employs des colons pouvaient, selon ce dcret, racheter leur prestation au tarif de 0,50 F par jour. Peu de temps aprs, la prestation de service fut rduite 30 jours et rachetable pour 5 francs. En 1901, cette G corve )), source de conflits et dabus fut supprime et remplace par une taxe personnelle dont le montant variait selon les rgions. Dans le district dambalavao, comme sur la quasi-totalit des plateaux, elle se montait alors 20 F mais elle ntait que de 10 F pour certaines zones ctires considres comme pauvres, par exemple la rgion de Farafan- gana, et tombait 5-F dans les rgions incompltement soumises, et notamment le pays bara. En fait, si les plateaux connurent alors une imposition aussi leve, cest parce que ladministration y disposa trs rapidement dune infrastructure suffkante et que cette rgion, considre comme la plus civilise et la plus riche, bnficia des premiers grands travaux dquipement raliss dans la colonie.

    Ces diffrences dimpositions entranrent immdiatement des mouvements de populations qui, loin dtre contraris par ladministration, furent au contraire encou- rags, par exemple par des exemptions compltes dimpts dans les villages de colohisation sur les terres du moyen-ouest. Dans la rgion, le colonel LYAUTEY (1) favorisa linstallation de Betsileo en pays Tanala.

    Cette brusque gnralisation de la taxe personnelle avait pour but, dans lesprit de GALLIENI, dencourager les paysans travailler et de les faire entrer dans le cadre de lconomie montaire pour le plus grand bien conomique de la colonie. Or, dans un premier temps il fut loin den tre ainsi car les paysans ne dcouvrirent pas immdiate- ment le moyen de rpondre ce besoin dargent, et la taxe personnelle porta un coup trs dur au commerce dans le sud betsileo, et Fianarantsoa en particulier, o les transactions commerciales staient trouves artificiellement accrues entre 1897 et 1900 alors que la ville tait le sige du gouvernement militaire du Sud, centre de pntration et base arrire des troupes de pacification.

    En 1904 (2), la taxe personnelle qui restait fixe 20 F dans le Betsileo fut complte par une imposition frappant les rizires, uniquement sur les plateaux, et fixs 3 F par ha en Betsileo et Vakinankaratra, contre 4 F par ha en Imerina. En 1905 (3) vint sy

    (1) Colonel LYAUTEY, Dans le Sud de Madagascar. Pntration militaire, situation politique et conomique. 1900-1902, Paris. H. Charles-Lavauzelle, 1903, 398 p,, pp. 276.

    (2) Arr&+ du 30 octobre. (3) ArrtB du 8 dkcembre.

  • 34 MICHEL PORTAIS

    ajouter un impt sur les maisons qui frappa lui aussi principalement les plateaux. Enfin, une taxe de 0,5 F par bovin fut applique, elle, lensemble de lle, du moins thoriquement.

    A titre de comparaison, signalons qu cette poque (1) un manuvre tait pay 0,70 F 0,130 F par jour et quun buf valait environ 30 F.

    Dans une rkgion comme celle dhmbalavao, o les villages kchappaient trs diffkilement la surveillance de ladministrat.ion on imagine combien la leve de telles taxes, brusquement introbuites, a d pro\-oquer de bouleversements.

    En 1920, la taxe personnelle tait passe 25 F soit une bien modeste augmentation, et la taxe sur les rizires, responsable de labandon de certaines dentre elles, demeura fixe 3 F/ha. Cette trs faible augmentation de limpt tmoigne sans doute de la cllarge excessive quil reprsenta au moment de sa wation.

    A lheure actuelle, la taxe personnelle, dite du minimum fiscal, est de 3.300 FMG clans la c.ommune dAmbalavao et de 3.450 FMG pour les communes rurales. Elle est rduite de 1/4 partir du 4e enfant charge et diminue jusqu tre supprime partir du 7e (2).

    La taxe sur les bufs est de 148 FMG pour la commune urbaine et de 178 FJIG pour les communes rurales.

    Limpt sur les rizitres, enfin, prlev de faon trks approximati\-e, est de 115 FMG par ha.

    Pour reprendre notre comparaison, _ disons quun manceuvre est actuellement pay de 150 200 F par jour et quun buf vaut peu prs 10 12.000 FMG au marc.h dAmhalavao.

    Par mnage, lu charge moyenne dc Iimpdt reprsente prs de 3.000 FMG clans les villages du Bassin, ce qui constitue, nous le rappelons, lincitation majeure se procurer de largent. pour un bon nombre de paysans.

    Ltat continlw justifier cette taxe tle capitation a\-ec. 16 ni6mtls arguments qui furent avancs lors de son tablissement,. IYoil un souci bien pesant pour les paysans, et pourtant cet impt rapporte dautant. moins au Trsor quil coute cher gk prlever car il const.itue l'objet prat.ique principal de toute ladministration lo~alr nu niveau du canton et garde un rdle majeur celui de la sous-prfec,turc.

    Si la collecte de limpt a t le fait principal par leql~el lncllninist,rat,ion, a impos des besoins nouveaux au monde paysan, clic a eu, par la sinlple prsenw dans le milieu rural du (c fonc.tionnairck )), un autre r01e, plus diffwile ti mcsurpr. mais qui existe nan- moins. Le chef de canton et le gendarme sont les seuls agents du 0 Fanjakana 0 (3) en contact avec toua les \-illageois. A\.ec, le missionnaire, ce sont. les seuls personnages trangers au monde paysan qui frquentent assidhment celui-ci. Ce sont eux qui, en gnral, ont t lcc: premiers Nalgachcs if porter lhabit europen, se dplacer en bicyclette puis en vlo-moteur, les premiers frquemment avoir eu un poste de radio. Cest souvent leur position fwvie qui a incit les parenk h en\-oyer leurs enfants poursuivre des tudes cn yillr, ctt. trost, leur situation que rvent parfois les fils de paysans.

    (1) Cf. Annuaire officiel de Nadagascar 1905. \ (2) Ces lignes ont t Ccrites pn 1970. La taxe personnelle du minimum fiscd a et6 supprime en juin 1972.

    11 sera trks intressant dittudier, dici quelque temps, les consquences de cette suppression sur le plan des budgets familiaux -et de lconomie paysanne.

    (3) Ladministration.

  • DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 35

    Il est diffkile dvaluer tout ce que cela reprsente mais il est certain que a nest pas peu et que les fonctionnaires locaux jouent un autre rle, dans lesprit des paysans betsileo que celui qui leur est strictement dvolu.

    3. LE RLE DE LA FONCTION COMMERCIALE DANS LA DIFFUSION DE BESOINS NOUVEAUX.

    Lobligation de payer limpt a t une cause dterminante de lintroduction de lconomie montaire. Cependant, bien avant cela, au cours du XIX~ sicle, lusage de la monnaie avait peu peu supplant la pratique du troc en pays betsileo, et lusage demployer les cocons de ver soie comme intermdiaire dans les transactions commer- ciales sest perdu trs progressivement entre 1900 et 1940.

    Comme on le sait, ce sont les Merina qui ont t les premiers vritables commerants de la rgion, et aujourdhui encore la quasi-totalit du commerce de la rgion est tenue par des trangers au pays betsileo.

    La question pour nous est de savoir quel point ce commerce (( tranger )), qui demeure spcifiquement urbain, a pntr le milieu rural, et dans quelle mesure il a pu y susciter des besoins nouveaux.

    Cette pntration se manifeste des degrs divers dans les diffrents villages du Bassin en fonction principalement des ingales facilits de communications. Cest travers ces diffrences dimportance des changes commerciaux que lon persoit le mieux les diffrents degrs de pntration de linfluence urbaine. De ce point de vue, il est manifeste que le ple partir duquel tout sorganise est constitu par le marc.h hebdomadaire du mercredi ti Ambalavao.

    A. Le march dAmbalavao.

    Il ne sera pas question ici du (( Tsenanomby )) (march aux bufs) qui se tient chaque semaine du mercredi midi au jeudi matin et qui a un rle beaucoup plus inter- rgional que local. 11 faut cependant se souvenir que le dveloppement considrable de ce march a t lune des causes principales du dveloppement de la ville et du march local. Lac.t,iGt du G marc.h aux bufs )) continue retentir largement sur celle de celui-l, et chaque mercredi, Ambalavao, cest un va-et-vient incessant entre lun, situ au cur de la cit, et lautre se tenant sur une colline dans un cadre magnifique la sortie sud de la ville.

    a. LA ZONE DATTRACTION DU MARCH.

    Si lon examine la carte de lorigine des vendeurs de produits locaux au march du 33 avril 1969 (fig. 11) cest--dire au dbut de la priode de lanne o les marc.hs ont leur plus forte activit, au moment de la collecte, on sapercoit que, si lon excepte le canton dAmbohimahamasina avec la haute valle de la Mananantanana, laire dattrac- tion du march, pour les produits locaux, correspond peu prs exactement laire dextension du Bassin dAmbalavao.

    Cette carte, bien sr, ne tient pas compte de tous les paysans venant vendre directement la rizerie ou certains collec.teurs, o vendant leurs volailles discrtement lentre de la ville. Elle ne tient pas compte non plus des simples badauds, et un sondage ralis auprs de 300 personnes prsent.es sur la place du march laisse entrevoir une

  • 36 M

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  • DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 37

    extension encore un peu plus grande de son aire dattraction. Ambalavao a donc une influence commerciale directe sur la presque-totalit de sa rgion avec, bien entendu, une zone dattraction maximum proximit de la ville, dans le centre de la cuvette o les communications sont particulirement aises.

    Le jour du march, les 114 taxis (Renault 4 principalement), taxi-be (404 familiales) ou taxi-brousse (petits cars) recenss Ambalavao relient la ville chaque village accessible du Bassin et mme du sud de la sous-prfecture de Fianarantsoa, enune ronde trs largement anarchique et que nous navons pu, pour cette raison, cartographier.

    b. LA FRQUENCE DES DPLACEMENTS VERS AMBALAVAO.

    Cest principalement et presque exclusivement le jour du march que les paysans se rendent en ville. Or, la frquence des dplacements vers Ambalavao dans les 11 villages que nous avons tudis se traduit de la faon suivante :

    Frkquence moyenne des dplacemenfs Ambalavao des chefs de mknage

    1 fois/sem. 1 fois/mois 1 fois/an Plus jamais Total

    chefs chefs chefs chefs chefs de % de y0 de y0 de y! de y0

    mnage mnage mnage mknage mnage P-P---- ---

    Dans les 5 villages tudis les plus proches de la ville.. . . . . . . . . . . . . . . . . 52 46 50 44 12 10 0 0 114 100

    ---------m Dans les 6 villages les plus bloigntb.. 10 6,5 53 34 80 51 13 8,5 156 100

    ~~~-~~-~-- TOTAL.. . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . 62 23 103 38 92 34 13 5 270 100

    Dans les deux villages les plus proches, la presque-totalit des paysans se rend au march chaque samedi (30 sur 34). Certes, comme on le remarque propos de tous les marchs, celui dlimbalavao joue autant un rle social quconomique et les achats ne consistent souvent quen un peu de sel, de ptrole et de viande. Nanmoins, le march constitue un ple dattraction absolument capital pour tous les paysans du Bassin.

    C. LE COMMERCE DES PRODUITS LOCAUX.

    Vers la fm de lt, rares sont les paysans qui, se rendant au march, nen profitent pas pour vendre quelque produit, les uns sur le carreau du march, mais beaucoup dautres la rizerie ou des collecteurs installs en ville. La raison essentielle en est qu Ambalavao, on vend toujours un peu plus cher.

    Ainsi, alors quon obtient facilement 6 oranges pour 5 FMG sur les marchs de brousse, on nen a que 4 ou 5 Ambalavao. Larachide, en 1968, tait achete 19,5 F!G le kg au march dhmbohimahamasina, et moins chre encore collecte dans les villages, mais 20,5 FMG Ambalavao. Par ailleurs, on a moins de chance de se faire voler avec des balances fausses Ambalavao qu la campagne.

    Cest galement au march que lon vend les productions artisanales, nattes, soubiques, chapeaux, poteries, ferblanteries, et que les couturires - elles taient 69

  • 38 MICHEL PORTAI

    le 23 avril 1969 - viennent sinstaller, acroupies devant leurs petites mac.hines manivelle, pour executer des travaux faSon (photo 17).

    d. LE CENTRE DE DI.STRIBTlTION.

    Si lon sen tient la valeur montaire des produits exposs au march dAmbalavao, nul doute que limportance des marchandises offertes la consommation par les commer- Gants y tenant un tal est sans commune mesure avec c,elle des produits locaux.

    TABLEAU no 4 Importance des Marche% hebdomadaires du Bassin dAmbalavao (Psriode denqute : avril-juin 1970)

    Ambina- Ambohi- Amba- nindo- Anki- Besoa maha- Betora- Sami- lava0

    Anjoma voka rioka masina bato masim

    -----

    Nombre de vendeurs 36 12 4 7 7 7 4 3

    Tissus-Confection Valeur des produits 3.014.200 561.000 385.000 445.000 178.500 370.000 105.000 33.000

    WfG) --P-P-

    NV 10 14 7 6 7 3 3 4 picerie-Bazar

    VP 251.050 231.450 247.500 60.500 46.500 53.000 20.500 27.000 ------

    !z NV 25 7 1 7 2 $ Productions artisanales - - - tG VP 174.600 105.750 8.500 126.650 14.000 4 ------ 5 NV 53 3 8 3 1 6 2 2

    Commerce alimentaire (boucherie, ptisserie, etc.)

    VP 677.000 17.000 21.200 11.850 2.000 23.000 8.000 10.000 ------

    NV 13 7 6 Divers - - - - -

    VP 439.000 124.950 65.000 -----

    NV 147 43 20 16 28 16 9 11 Total

    VF 4.556.350 1.040.150 662.200 517.350 418.650 446.000 133.500 84.000 =- ~- -= s-m- -

    NV 290 199 96 30 108 85 68 35 Produifs agricoles

    ;2 VP 150.000 31.800 29.350 20.500 22.200 8.400

    2

    70.400 p----p 11.500

    c NV 127 26 11 14 27 9 5 8 2 Artisans 0 VP 264.000 10.800 4.300 2.500 22.000 1.500 1.500 2.000 2 -----

    NV 417 225 107 44 135 94 73 43 Tofal

    VP 414.000 81.200 36.100 14.000 51.350 22.000 23.700 10.400 = -- -- -P-s= ~ --

    NV 564 267 127 60 163 110 82 54 TOTAL GENERAL

    VP 4.970.350 1.121.350 698.300 531.350 470.000 468.000 157.200 94.400

  • DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 39

    Sur le plan purement conomique, le march dAmbalavao est le grand centre de distribution de la rgion, puisque la valeur des marchandises exposes par les commer- ants est environ le double, pour une semaine considre, de celle de tous les autres marchs de brousse hebdomadaires du Bassin runis (cf. tableau 4).

    Cest par cette fonction de distribution que le march dAmbalavao joue un rle capital dans la diffusion de besoins nouveaux parmi les paysans.

    Sur le plan de la valeur montaire, les commerces de tissus et de confection occupent une place prpondrante, ce qui correspond dailleurs tout fait la structure des dpenses des paysans. Les plus importants des marchands de tissus sont les Indiens - v karana B - de Fianarantsoa, dAmbalavao, et mme de Tananarive. Puis viennent les (< marchandises gnrales D qui sont en fait des petits bazars comprenant le plus souvent de lpicerie. 11 sagit surtout de petits commerants malgaches dambalavao. Autre commerce tenant une place importante, mais de moindre valeur, les marchands de chapeaux, de corbeilles ou de nattes, provenant de la rgion dAmbositra ainsi que de Fianarantsoa. Des bijoutiers viennent de Tananarive et de Fianarantsoa avec leur petit trsor, et dAntsirabe quelques marchands dangady (1) et de faucilles.

    Ainsi, en valeur montaire, et en dehors des productions alimentaires, un peu plus de la moiti de la marchandise offerte sur les tals du march dAmbalavao est apporte par des marchands extrieurs la sous-prfecture, dont environ 30 yo de Fianarantsoa et 25 o/. de Tananarive (cf. tableau 5). Cela tmoigne du rle important de ce march, qui constitue vritablement le point de rencontre entre le monde paysan et la civilisation marchande.

    TABLEAU no 5 Provenance des commeranfs au marchi ddmbalavao du 23 avril 1969

    (non compris ceux de la Sous-Prfecture dambalavao)

    Provenance Nature des produits vendus Nombre Valeur des produits exposes

    WG)

    Tananarive Tissus. Confection

    Divers

    Antsirabe

    Ambositra-Fandriana

    Produits artisanaux

    Produits artisanaux

    Tissus. Confection

    Fianarantsoa Produits artisanaux

    Bazar. picerre Divers

    l Talata-Ampano Tissus. Confection B. Le commerce sdentaire Ambalavao.

    5 750.000

    1 100.000

    3 110.000

    6 80.000

    12 960.000 9 115.000 1 25.000

    10 225.000

    1 25.000

    11 ne saurait tre question dtudier en dtail cette forme de commerce, ce qui nous loignerait de notre propos, mais il est tout de mme rvlateur de connatre ltat de son dynamisme.

    (1) Bche malgache, instrument de iabour.

  • 40 MICHEL PORTAIS

    En 1969, 107 commerants tenaient boutique Ambalavao, rpartis de la faon suivante :

    Marchandises gnrales : 26 IXpiceries : 23 Tissus, confection : 10 Succursalistes ((( M )) et (( Bata B) : 2 Divers (dpt pharm. librairie) : 2

    Gargottes : 23 Hotely : 7 Dbits de boisson : 5 Boucheries : 9 Et en outre, un commerant franais faisant la fois Htel, Restaurant, fipice- rie, Quincaillerie, et Dpt de pharmacie.

    Lventail c,ommercial est donc assez complet, et il inclut l