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La psychanalyse dans la politique d'aujourd'hui
Prsentation
Leonardo Gorostiza
(Prsident de lAMP)
Tout d'abord je tien remercier l'ECF et trs spcialement son Prsident, Jean Daniel Matet, qui a eu
l'amabilit de mettre notre disposition le local de l'ECF pour ces deux soires de l'AMP.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, lors des runions annuelles du Conseil de l'AMP Paris, nous
nous consacrons l'tude des sujets qui assurent la bonne marche de l'Association comme par exemple
les admissions. De surcroit nous dbattons des questions brlantes qui font l'objet des les textes que nous
demandons aux membres du Conseil, aux Prsidents des Ecoles et du Champ Freudien. Ils sont runis
dans notre dossier de travail annuel.
Dans les circonstances actuelles il m'est apparu que le thme s'imposait de lui-mme et qu'il ne pouvait
tre autre que les relations de la psychanalyse avec la politique: Le cas de Rafah Nached et la
rponse que nous avons donne grce l'appel lanc par J-A Miller, palpitent encore parmi nous.
J'ai donc propos aux membres du Conseil et aux Prsidents d'crire un texte bref sur le thme: "Quelle
AMP pour le XXI sicle?" en prenant pour point de dpart la lecture du Communiqu de J-A Miller du
13 Septembre dernier o il signale je le cite-: La psychanalyse au XXIe sicle est devenue une
question sociale. Elle mobilise partout lattention des lgislateurs, rvant de combler les vides
juridiques . Cest en effet leur job. Mais le ntre nest pas celui-l. Cest de nous faire les auxiliaires du
temps logique, en activant partout la puissance des lacunes, en donnant du jeu aux semblants, en y
insinuant la libert dassociation, lassociation libre. () Il est temps, il est logique, que, partout, elle
devienne maintenant une force matrielle, une force politique.
C'est pourquoi il m'a paru ncessaire et mme indispensable, d'interprter cette orientation et de nous
interroger sur la faon dont l'AMP et ses coles , tout comme le Champ Freudien peuvent se mettre
d'accord sur cette perspective prise sur le XXI sicle.
C'est aussi dans cet esprit que j'ai trouv ncessaire de vous runir pour cette soire de l'AMP et d'y
inviter quatre membres du Conseil, qui, la suite d'Eric Laurent, ancien Prsident de l'AMP, vont nous
aider rflchir la porte et aux limites de ce dfi.
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Tout spcialement, parce qu' il n'est pas rare qu' nous introduire en tant que psychanalystes dans la
politique, nous courrions le risque de nous laisser glisser par enthousiasme, dans des phnomnes de
masse ou d'adhsion partisane et de dvier ainsi de ce que le discours psychanalytique impose.
En ce sens, en lanant cette invitation aux cinq collgues que nous allons couter maintenant, je me suis
souvenu d'une rfrence de Lacan qui me sert de boussole pour m'orienter dans ces questions. Vous vous
en souvenez srement. Elle se trouve la page 90 du Sminaire XVII : Lacan se pose la question de la
place de la psychanalyse dans le politique, et il y rpond ainsi: Lintrusion dans le politique ne peut se
faire qu reconnatre quil ny a de discours, et pas seulement lanalytique, que de la jouissance
Donc, comme vous le voyez, le titre propos pour cette soire n'est qu'une parapahrase de cette
rfrence de Lacan avec un petit dplacement: "La psychanalyse dans soulign la politique
d'aujourd'hui". Un petit dplacement qui met l'accent sur l' "aujourd'hui", un "aujourd'hui" dont il convient
de se souvenir aussi qu'il y a peu, Jacques-Alain Miller rpondait dans un entretien la LDP: "La
finalit du psychanalyste n'est pas d'inviter les gens se cogner la tte contre les murs au nom de leurs
espoirs". Et il y ajoutait comme le rappelait Graciela Musachi dans son texte pour le dossier AMP
:" la psychanalyse n'est pas la grande timonire du peuple; Sa parole a des incidences sur les vies
individuelles et en effet, cela confre certaines responsabilits: on ne peut pas dire n'importe quoi, on
ne peut pas faire n'importe quoi"
Je pourrais reprendre un trait de chacun des textes qui composent le dossier AMP de cette anne, ce
qui donnerait un panorama des diverses questions qui sont en jeu dans ce dbat. Mais, videmment, je
ne le ferai pas pour une question de temps.
Seulement pour conclure et avant de donner la parole Dominique Miller qui j'ai demand de
prendre en charge la coordination de cette soire je voudrais mentionner le titre qu'elle a choisi pour
son texte du dossier. C'est un texte suffisamment fort pour situer les coordonnes de la discussion de ce
soir. C'est le suivant "Notre psychanalyse sera politique politique au sens lacanien du terme, bien
sr ou ne sera pas".
Paris 30 Janvier 2011.
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Psychanalyse et politique : une nouvelle interprtation
Eric Laurent
Lors de son communiqu du 13 septembre 2011, Jacques-Alain donnait une interprtation de ce quil
appelait la psychanalyse comme question sociale . Cest dabord quelle mobilise partout
lattention des lgislateurs rvant de combler les vides juridiques . En rponse cela il en dduisait
de faon logique que partout elle devienne maintenant une force naturelle, une force politique.
Lanne 2011 nous a permis de constater que dans les rgimes tyranniques, comme en Syrie, on interdit
la psychanalyse, on enferme les psychanalystes au mpris des droits de lhomme. Dans les rgimes
dmocratiques, on veut interdire la psychanalyse par la loi, comme la proposition de loi du dput
Fasquelle la tent. Il agissait, disait-il lors de cette proposition du 20 janvier au nom du bien des sujets
autistes. Il sagit l dans cette volont de rgler un dbat thrapeutique par dcret autoritaire dune
vritable aberration dmocratique, de la tratologie du dysfonctionnement de la loi. Le sommeil de la
raison peut bien ainsi engendrer des monstres.
Dj en 2003, lors de la tentation de la rglementation abusive des psychothrapies, le mouvement
initi par Jacques-Alain Miller en rponse cette attaque avait donn une version de la psychanalyse
comme force matrielle et politique. Le dveloppement des rponses a permis dlaborer une politique
pour la psychanalyse distincte de celle quavait propos lIPA tout en prenant en charge lensemble du
champ psy, les rapports avec luniversit et ltat. Ce positionnement nouveau a pu tre partag avec
dautre, spcialement les socits psychanalytiques en Argentine au cours dune srie de runion sur les
thmes intressant une politique de la psychanalyse, au del des consignes donnes par lexcutif
central IPA.
Loffensive depuis dcembre 2011 porte sur lapplication lautisme de traitements inspirs par la
psychanalyse. Une campagne globale est lance. Nous la retrouverons bientt en Argentine et au
Brsil. La conqute contemporaine de lopinion dpend de plus en plus de la cohrence de lhistoire qui
vient reprsenter une thse travers les multiples medias et lnumration des faits que lon slectionne
pour la soutenir.
La campagne de presse prpare par des professionnels pour soutenir la thse dun ensemble
dassociations de parents dautistes raconte une histoire. Elle caricature la psychanalyse pour proposer
les seules thrapies comportementales comme solution adapte lautisme dans son ensemble, et sur
toute ltendue de son spectre. Lpicentre de lhistoire est la France, ou mieux, la France et la Belgique,
mais cette histoire doit tre pense globalement.
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Rsumons. Par des procds qui consistent tromper la bonne foi, un soi-disant documentaire rduit la
diversit des positions des psychanalystes interrogs une thse ridicule : la cause de lautisme est une
faute parentale, spcialement de la mre. La rduction sur le lit de Procuste est tablie par amalgames
et distorsions. Une fois tablie la thse, lhonneur des parents ainsi incrimins, culpabiliss, ne peut se
laver que par la dnonciation la plus froce dune telle approche. Tout pourra tre retenu cet effet et
dnatur pour soutenir la cause.
Lopration est couverte par le recours la science qui affirmerait pouvoir rendre compte de
lensemble des phnomnes par une stricte considration biologique, sans tenir compte de la relation
quentretient le sujet au monde, tant lapparence de certains autistes permet de penser cette coupure.
Le drame de sant publique pos par ces sujets met pourtant au premier plan laccueil de ces
symptmes dans un discours. Mme si lon explique ltonnant accroissement du nombre de cas par des
artefacts statistiques, il faut expliquer pourquoi le regard clinique dcle mieux ces symptmes. De
plus, cest le seul trouble psychique o la mtaphore de la rduction du trouble un dsquilibre
chimique comme dans la dpression par exemple, est refuse.
Les crises dagitation, dangoisse, de repli peuvent tre stimules ou tempres par des mdications
appropries, personne naffirme toucher la cause. Do les espoirs mis dans la cause gntique. Pour
linstant, aucune mdication spcifique nest propose. Que faire ?
Des pionniers, inspirs par la psychanalyse proposaient depuis les annes soixante, dans diverses
institutions, une approche mlangeant mthodes relationnelles, jeux, activits et apprentissages. Les
institutions et leurs mix thrapeutique sadressaient toutes sortes de pathologies. En 1987, Ivan
Lovaas, dans un article retentissant, propose de se centrer sur une mthode de rptition intensive de
comportements simples, et de la rserver aux autistes. Elle sera fortement structure par lapproche
rcompense punition. Il la nomme Analyse du comportement applique. En anglais, Applied Behavior
Analysis, (ABA).Pas de rfrence la cognition. La mthode a trouv aux USA un succs la mesure du
prestige reconnu lapproche comportementale dans cette zone culturelle. Pourtant, les objections nont
pas manqu, et pas seulement de la part des psychanalystes, contre lextension des mthodes
comportementales dans leur rductionnisme assum ltendue du spectre des troubles autistiques.
Les objections ont t thiques, techniques et conomiques.
La fiction dans laquelle sinscrit le pamphlet Le Mur soutient que les multiples questions que posent le
traitement de lautisme se rduisent dune part un affrontement entre psychanalyse et thrapies
comportementales et dautre part entre la France, pays du pass, ponyme de la vieille Europe , et
les Etats Unis pays du futur. En France, la psychanalyse ferait encore obstacle la science et aux Etats-
Unis, les thrapies cognitivo-comportementales seraient reconnues sans partage comme le traitement de
rfrence. Cest une fiction bifocale, mais fausse pour chacun de ces foyers.
En France, les traitements des sujets autistes, inspirs par la psychanalyse, tiennent compte des avances
de la science, utilisent les mdicaments adquats, recommandent linscription des enfants dans des
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institutions qui leur conviennent le mieux, dans une cole o lon puisse adapter les apprentissages, selon
ce qui est disponible. Ils saccordent sur la ncessit dune continuit de linterpellation de ces sujets. Il y
a quelque chose leur dire , sans pour autant parler dintensit. Ils mettent laccent sur une
approche relationnelle, partir des signes dintrt manifests par lenfant. Non pas une stimulation-
rptition pour tous, mais une sollicitation sur mesure, une approche bottom-up, et non pas top-down.
Les institutions o une telle approche est possible sont trop peu nombreuses en France. Cette raret ne
va pas dans le sens de la soi-disant dominance idologique reproche la psychanalyse. Cest
pourquoi de nombreux enfants franais sont envoys en Belgique o de telles institutions peuvent les
accueillir. Les autorits de tutelle considrent quelles ont des rsultats qui les mettent au rang des
meilleures de la discipline. Elles sont finances par lquivalent de la scurit sociale.
Aux USA, les traitements comportementaux rencontrent des objections et des limites : thiques,
conomiques et lgales. Lobjection thique porte sur le nombre et lintensit des punitions exercer
pour forcer lisolement du sujet. Quel est le juste prix de la greffe dun comportement rptitif sur un
sujet trs repli sur lui-mme ? Certains pratiquants de la mthode ABA ont pu cristalliser des plaintes
pour comportements non thiques envers des enfants. Jusquo aussi peut-on transformer les parents
en ducateurs intensifs de leurs enfants ? Certains lont fait jusqu lpuisement, provoquant une sorte
de burn-out parental.
Au Canada, pays spcialement sensible la protection des communauts, lobjection est alle jusqu
considrer limposition de ces comportements comme une atteinte aux droits du sujet autistique comme
tel. Il fallait partir de lautisme pour concevoir des apprentissages appropris et non imposer
lapprentissage rptitif simple. Entre les deux positions radicales, les USA et le Canada prsentent
toute une srie dapproches mixtes qui souhaitent sloigner de techniques rigides, assimilables un
dressage, pour solliciter les particularits de lenfant dans ltendue du spectre des autismes. Aux
USA, les techniques ABA sont plutt considres comme le pass.
Lobjection est aussi conomique. Alors que les rsultats de lapprentissage intensif se maintiennent mal
au-del du cadre strict dans lequel ils sont administrs, la mthode suppose un ducateur individuel
plein temps. Un traitement standard a t ainsi valu 60 000 $ par an. Les associations de parents
conquis par ces mthodes ont essay de les faire rembourser par les tats qui, aux USA, sont chargs
des dpenses de sant. Cest ainsi que sollicite, la Californie a refus ce remboursement, ainsi que la
Colombie britannique au Canada.
Pour soutenir la proposition de loi voulant interdire lapplication de traitements inspirs par la
psychanalyse lautisme, un rapport command la Haute Autorit de Sant rdig en faveur de
lapproche des techniques ABA, rpte le biais quelle avait montr lors du rapport sur lvaluation des
psychothrapies en 2003. Elle oubliera sans doute que selon lAcadmie amricaine de pdiatrie la
force de la preuve (en faveur de lefficacit ABA) est insuffisante basse. Cette loi aberrante
prtend dicter leurs choix thrapeutiques des mdecins psychiatres et pdopsychiatres , selon les
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termes dEdwige Antier, pdiatre et dpute UMP de Paris. Ainsi lAssemble Nationale se lance dans
larbitrage par dcret de questions thrapeutiques. Aprs les lois mmorielles, les lois thrapeutiques ?
Nous nous y opposerons, comme en 2003.
La politique de la psychanalyse nest pas transitive, elle nest pas plus rsorbable dans les catgories
de la logique des classes aristotliciennes que dans celles, hgliennes, de laffrontement des partis. Il
sagit dune politique ayant sa logique propre. Nous y serons docile.
Une politique pour lAmrique Latine, avec la psychanalyse
Elisa Alvarenga
La psychanalyse dorientation lacanienne se trouve rpresente dune faon significative dans les pays
de lAmrique Latine, qui me semblent avoir plusieurs problmes sociaux en commun, parmi lesquels les
drogues, lies la violence qui est lordre du jour au Brsil, au Mexique, en Colombie etc. Cest
pourquoi jai amn la dernire Runion du Conseil AMP-Amrique, une question inspire par le texte
dric Laurent Post-war on drugs ? Comment la psychanalyse peut contribuer au dbat politique sur
les drogues 1. Il se refre un rapport realis partir des travaux de la Comission Latino-Amricaine
sur les drogues in democracie, compose par les ex-Prsidents du Brsil, du Mexique, de la Colombie et
du El Salvador, de laquelle Fernando Henrique Cardoso est un des membres. Fernando Henrique cest
lex-Prsident du Brsil qui a sign la ptition pour la libration de Rafah Nached, tel que la annonc
Jacques-Alain Miller dans Lacan Quotidien 53. Le mme Fernando Henrique Cardoso a ralis un
intressant documentaire sur les drogues, avec des interviews aux autorits politiques, sanitaires et aux
propres pacients de plusieurs pays du monde, ayant pour but une politique de rduction de dommages,
intitul : Casser le taboo . Dans quelques pays de lAmrique des authorits cherchent une
interlocution avec des psychanalystes dans leur lutte pour la cration de politiques anti-sgrgatives,
considrant que les TCC et les thrapies dorientation religieuse proposent des hospitalisations de
longue dure. Belo Horizonte, lInstitut de Psychanalyse et Sant Mentale a ralis, le dernier
semestre, une intressante Conversation Clinique avec la coordinatrice de Sant Mentale de la
Municipalit sur le thme : Une politique pour lalcool et les drogues comment pouvons-nous
contribuer ? 1 Videoconfrence realise le 5 novembre 2010 et publi in LAURENT, E. Loucuras, sintomas e fantasias na vida cotidiana, Belo Horizonte, Scriptum, 2011, p. 57-68.
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Au Conseil AMP-Amrique nous avons pens que ce serait un thme pour la Red TyA et les Instituts, et
cest pourquoi je la reprends ici, une fois que Leonardo Gorostiza nous demande : comment lAMP et ses
coles, ainsi que le Champ Freudien, peuvent ouvrir des perspectives pour la psychanalyse comme force
politique dans le sicle XXI ?
Lacan, dans le Sminaire 17, est clair : Ne vous attendez donc rien dautre de plus subversif en mon
discours que de ne pas prtendre la solution 2. En parlant du discours du matre comme envers de la
psychanalyse, Lacan pose la question de la place de la psychanalyse dans le politique. Lintrusion
dans le politique ne peut se faire qu reconnatre quil ny a de discours, et pas seulement lanalytique,
que de la jouissance. ... Tout tourne autour de linsuccs 3.
Pour Eric Laurent, la drogue nest pas un produit solutionable et elle nous confronte avec les limites du
paradigme problme-solution, introduisant le passage une certaine humilit. Sil ny a pas de solution
universelle, nous devons passer au multiple, une tolrance en rapport avec limpossible, ce qui
implique une modestie active des politiques, thrapeutes, analystes etc. Nous essayons de donner de la
place la dimension subjective et la jouissance de la parole, et il serait donc intressant de constituer
un forum au Brsil et, je crois, dans dautres pays de lAmrique, avec le but dinfluencer les hommes
politiques dans des dcisions dimportance. Cest dautant plus vident quand on voit le gouvernement
de ltat organiser une opration policire dans une ville comme So Paulo pour disperser des milliards
de fumeurs de crack qui se rassemblent il y a environs 20 ans dans ce quon appelle la cracolndia ,
sans leur donner aucun support4. Laurent souligne la possibilit de parler aux usagers, un par un, dans
le but de cerner la souffrance de chacun ainsi que des faons singulires dy rpondre.
linterieur dun service dhospitalisation pour femmes psychotiques on rencontre aujourdhui plusieurs
usagres de crack. Au contraire de ce quon nous fait croire, ces femmes ne pourraient tre que plus
diverses : lune arrive perdre tout dans la vie, mari, enfants, profession, rptant, dans la jouissance
de la drogue, la perte subie ladolescence quand la mre a exig quelle fasse un avortement. Une
autre fume chaque matin pour aller travailler, une autre, pour supporter la tche dtre mre, en
abandonant ses enfants la fois quelle crot les soutenir avec largent rtir du trafic. Une autre ne
peut se passer du crack parce que, pendant les traitements de sevrage, elle recupre le poids qui en
fait une obse morbide. Sans parler de celles qui arrivent lhpital comme dchet pour chapper la
mort. Constater lchec loeuvre dans chaque cas ne veut pas dire que nous fassions lapologie de
lchec, mais que la clinique psychanalytique soriente par le rel, par ce qui ne fonctionne pas, en y
prlevant ses possibilits.
Cest ici que le pragmatisme paradoxal propos par Jacques-Alain Miller peut nous tre utile : nous ne
croyons pas que a marche, mais nous croyons rater de la bonne faon5, ne laissant pas les sujets entre 2 LACAN, J. Lenvers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, p. 80. 3 Ibidem, p. 90 e 95. 4 Cf. Revista Veja du 18 janvier 2012. 5 Cf. MILLER, J.-A. Vers Pipol 4, in Mental 20, FEEP, fvrier 2008, p. 192.
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le choix du dchet ou de la servitude identificatoire. Si, comme le propose notre collgue de la NEL
Maria Cristina Giraldo6, la consommation tient la place de lAutre qui nexiste pas, une opration
symptmatique nest possible quavec chacun des sujets que nous puissions faire parler.
Il sagit donc de penser une politique de la modestie, anti-universelle, car luniversalisation appelle,
engendre, la segrgation 7. Si Lacan, dans la Proposition sur le psychanalyste de lcole , signale
que notre futur de marchs communs augmentera les processus de sgrgation, il propose son cole
dtre attentive aux drives universalisantes de la science8.
Il me semble intressant de penser une politique qui allie le forum en prenant la question de comment
contribuer un dbat sur les drogues et la passe, dans la mesure o elle a t faite pour pointer au
plus singulier de chacun. Comme le remarque Leonardo Gorostiza, les forums appartienent au Champ
freudien, tandis que la passe appartient aux coles de lAMP. La passe sans les forums comme espace
de conversation avec lexterieur de lcole pourrait mener lsoterisme, tandis que les forums sans la
passe pourraient mener un activisme politique sans principes. Nous avons dans les Instituts du Champ
freudien les instruments, les semblants, qui peuvent tre utiliss pour aborder plusieurs situations
cliniques et sociales par lAMP, qui doit nanmoins soccuper du rel en jeu dans la formation des
praticants.
Un discours sur le Politique
Philippe La Sagna
La psychanalyse sest oriente depuis longtemps vers un discours sur le politique, au sens des variations
du mode de vie observables chez le citoyen, comme de la typologie et la diversit des positions des
sujets politiciens. Pour Lacan lintrusion de la psychanalyse dans le politique, cest sa fonction de
discours, soit de lien social nouveau qui traite de la jouissance. Lacan ajoute p 90 du Sminaire XVII : ,
Tout au moins quand on en espre le travail de la vrit. Il faudrait plus de temps pour ne pas
confondre ici le travail de la vrit et la vrit toute nue. 6 Cf. [nel-debates] Boletn Anudamientos 22, 14.01.2012. 7 MILLER, J.-A. Le neveu de Lacan, Paris, Verdier, 2003, p. 157. 8 LAURENT, E. Racismo en el siglo XXI? In Coloquio de la Extimidad, Buenos Aires, EOL-Grama, 2011, p. 65.
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Face la nouveaut du malaise, la psychanalyse, avec Lacan, pouvait rpondre que, bien avant elle,
la science dabord, le capitalisme ensuite, avait destitu le sujet, oprant une forclusion du Nom du pre
et de la vrit, ainsi quun rejet de la castration pour le capitalisme, castration qui tait la forme
traditionnelle de limitation de la jouissance du corps. La plupart du temps la psychanalyse navait pas
empch cette volution, le pouvait-elle dailleurs ? Souvent elle a mme pu dnoncer les consquences
de cette volution galopante du malaise dans la civilisation.
En parlant de la sorte, la psychanalyse pouvait passer pour anti-progressiste. Dans un entretien donn
rcemment lHumanit, Elisabeth Roudinesco, pense quau contraire, Lacan est situer du ct des
progressistes authentiques. Ce qui suppose quil y en a de faux.
Chacun sait pourtant que Lacan disait l'inverse : Je ne suis libral, comme tout le monde, que dans la
mesure o je suis anti-progressiste . Ce nest pas faute pourtant qu'il n'ait pas su ce quest le progrs ;
Partons d'un fait : il n' y a de discours et donc de lien social que de la jouissance.
Ce quoi nous assistons de plus en plus, soit lexplosion de ce qui sature toute rflexion et toute action
sur la relation des hommes la jouissance : le rgime du plus de jouir! Plus de jouir acclre par
lexpansion des moyens de communication du savoir, du savoir/jouissance. Ceci a lavantage de
montrer la solidarit entre la jouissance que fournit le savoir et le plus de jouir.
Le plus de jouir signe la jouissance qui seule persiste quand le capitalisme fait disparatre la castration.
Ce nest pas une jouissance sans limite, mais au contraire trs limite. De mme lacquisition du savoir ne
correspond plus aucun travail travers les NTIC, surtout pas celui de la vrit.
Dans son Sminaire XIX, Lacan remarque que labsence du rapport sexuel laisse pour ltre humain le
champ libre toutes les autres liaisons possibles, cest la bonne nouvelle. La psychanalyse a pu parfois
faussement laisser croire quelle permettait une sexualit russie et donc quelle promettait de renier
toutes ces fausses liaisons o sgare notre jouissance. En ce sens elle paraissait chtrer les murs dune
main en les librant de lautre et rejoindre ainsi la castration de jouissance de la religion.
Heureusement il nen est rien, faute du rapport, toutes les fausses liaisons restent possibles, mais
lexplosion du possible de toutes les liaisons signifiantes ou relles des mots et des corps affole quelque
peu le lien social contemporain! Le lien social qui est cens comme toute formation humaine rduire la
jouissance et lentropie sociale.
Nous sommes lge o se dvoile une difficult de constitution et de stabilit des formations
humaines, homologue de la difficult rgler la distribution du plus de jouir qui ne dpend plus que de
lconomie et chappe donc la politique. La crise est le tmoin de cette acclration du plus de jouir
et de la decomposition sociale.Face a quoi se devoile le plus souvent limpuissance du politique
intervenir sur le mode de jouir, du politique au del de l'impuissance subjective des hommes politiques.
Cette difficult va de pair avec une explosion de la sgrgation qui accompagne la diversification des
modes de jouir. Explosion de la sgrgation qui dialectiquement s'accompagne d'une dsgrgation
des sexes et des gnrations!
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Mais il existe cot du politique, une machine a rguler le collectif, le populationnel, par la voie dune
administration rglementaire et hyginiste des comportements. Ce qui est nouveau cest que cette
machine, cet tat stratge, hyginiste, tait au dpart un instrument des politiques et quaujourdhui il
sen mancipe. Le clonage de la terreur (la terreur du clone et le clonage de la terreur) et la culture du
risque, toujours plus rpandus et faussement rduits, tendent autonomiser ce dispositif bureaucratique
vis a vis du pouvoir de la politique, voire le rendre autonome et fou. Cest cette administration des
corps et des comportements qui voudrait bien rendre la psychanalyse illicite. Cette administration des
corps par le cyber pouvoir, le scientisme et le human enhancement nest pas une nouvelle politique mais
la substitution de la bureaucratie la politique au sens dmocratique.
Si linconscient cest la politique la rcusation de la politique implique un moment ou un autre la mise
en cause de la ralit de linconscient. La socit librale ne ltait que parce quelle avait russi
rendre le progressisme stationnaire selon le bon mot de Lacan dans la chose freudienne. Il ne lest plus,
et les partisans du bonheur comme ceux plus de jouir, se dchanent, allis aux hdonistes qui justifient
avec de vieilles ides une rvolution culturelle qui nest plus librale, mais no totalitaire. Car le plus de
jouir est picurien, il sert le plaisir et, comme le remarque Lacan page 87 du Sminaire XVI,
lhdonisme, cest lapathie, Lacan dixit,du peuple surtout.
La psychanalyse, cest autre chose. Cest ce qui pourrait prendre place dans la politique car elle en fait
partie au titre de l'inconscient. Lacan nous invite la fin du chapitre du sminaire XVII, trouver pour
ce faire les structures du champ de la jouissance, comme champ lacanien, nous en sommes encore peut-
tre trop loin. Dans son Sminaire XVI, il remarquait p. 224, que la jouissance cest tout ce qui relve
de la distribution du plaisir dans le corps. Cela suppose pourtant dabord quil y ait une part du corps
qui chappe au plaisir. Et il faut donc aussi que la jouissance elle-mme fasse dfaut quelque part dans
le corps autrement que par le biais plaisir, pour que sa distribution puisse tre consistante. Il faut
calculer partir de linexistence de la jouissance. Ce dfaut dans la jouissance vient faire obstacle au
tout savoir et au plus de jouir et fait une place pour le sujet de linconscient et pour celui de la
dmocratie.
Lacan remarque que, pour venir interroger le savoir et le plus de jouir, il faut pouvoir linterroger
depuis un certain dehors. La psychanalyse aussi a pu interroger la jouissance partir du phallus et de
la castration. Lacan a poursuivi avec lobjet a pour arer la jouissance du plus de jouir et le savoir de
tout universitaire.
Aujourdhui nous essayons de faire que le sinthome et le non rapport soit lenvers de lentropie sociale
ralise par le rgne du savoir et du plus de jouir et que leur logique puisse avoir la force logique et
la force sociale ncessaire pour interroger les modes de jouir contemporains, un par un. Ce qui constitue
un certain ordre de la jouissance, ce nest plus depuis longtemps le signifiant matre, la castration ou
mme lautorit, mais lide que tout plus de jouir, toute jouissance, peut trouver sa correspondance
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dans une valeur qui peut saccumuler quelque part et donc par l, tre un peu rduite dans sa tendance
entropique, pour se ranger et se numroter.
Lacan le dit trs bien la page 295 du Sminaire XVI. Lordre symbolique, cest plus quune loi, cest
une accumulation numrote, cest un rangement, cest lide du stock, du magasin, de lemporion qui fait
lempire. Cest cela qui permet que le savoir et le pouvoir soient identifis, alors que le matre ne sait rien,
lui. Le magasin est lappareillage de la jouissance et la bourse aussi.
Le problme, ou la solution, cest que les empires vacillent et que pour y suppler, on veut nous fourguer
la police, et le management des comportements. De ce ct-l, la religion rejoint lEtat stratge pour
limiter la jouissance en voulant la dranger : par la rgle ou par la loi. Dans ce mouvement l, il me
semble que la psychanalyse doit combattre sur deux fronts. Dabord lintrieur de ce qui reste de la
politique en multipliant les alliances avec ce quil y a de libral dans les projets politiques et en
soutenant cette fragilit de la politique. En particulier en pesant contre la tendance des politiques
trouver un appui suicidaire dans la religion, quelque soit sa version du livre de la dmocratie chrtienne
lIslam modr. Cest l que lanalyse est la seule alternative laque et quelle peut sentendre avec la
raison des sciences. Mais cela ne suffira pas, car la religion et le management cyberntique ont bien
pour projet la sortie de la politique au sens laque et dmocratique, soit au sens aussi dune politique
qui passe par la parole libre. Il faut donc que nous tablissions tant quil est encore temps des couloirs
humanitaires dexclusion arienne o on ne pourrait subir les attaques fanatiques des religions et des
maniaques de la rgle valuatrice et du scientisme populiste. Il faut creuser au de l du mur.
A ce niveau le Net reste encore, pas pour longtemps un espace de libert, mme si cet espace est
prcaire et si la vrit y respire mal. Cela suppose que nous sachions crer aussi des espaces
institutionnels multiples de traitements dans la cit. Des espaces daction lacaniennes en accord avec des
politique librales et ce dans tous les champs de la recherche et de laction et en articulation aussi bien
avec les associations de patients. Cest--dire en participant, de faon calcule, une stratgie qui a
de lavenir et qui est l Empowerment gnralis. Cest parfois le meilleur et le plus souvent le pire et
cela suppose de retirer la question du traitement du mode de jouir des mains des spcialistes. La devise
dAdvocacy France dans ce domaine est loquente : le ojour o des gens qui nont pas lhabitude de
parler seront entendus par des gens qui nont pas lhabitude dcouter de grandes choses vont arriver .
Mais aussi et surtout en prolongeant nos actions dans les domaines o la pratique analytique reste
inestimable pour des praticiens des sciences, du droit, de la mdecine ou des arts. Dans lEtourdit Lacan
interpelle Aristote : cela net-il pas son intrt pourtant quil aiguillat son monde du pastout en nier
luniversel ? Lexistence du mme coup ne stiolait plus de la particularit, et pour Alexandre, son
maitre, lavertissement et pu tre bon : si cest dun ab-sens comme-pas-un dont se nierait lunivers que
se drobe le pastout qui existe, il aurait ri, tout le premier, cest le cas de le dire, de son dessein de
lunivers empirer . AE P 469.
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Comment la psychanalyse peut-elle devenir une force matrielle, une force politique?
Nora Gonalves
Que faut-il pour que la psychanalyse devienne une force politique?`
Elle ne peut le devenir que si elle transporte dans le monde l'effet qu'elle produit dans la clinique. Ce
n'est qu'ainsi que la psychanalyse convertira sa prsence dans le monde en une ralit ncessaire.
Afin d'laborer cette rponse j'ai choisi trois dfinitions: La premire tient en ceci que Lacan en 69
dfinissait la psychanalyse comme une logique de la dcision. La seconde est de Zygmunt Bauman qui
dfinit la politique comme l'art de la dcision. Enfin Lacan dfinissait ( encore en 69) l' tre parlant (
parltre ) comme " Un tre qui peut lire sa marque et l'inscrire en un autre lieu".
Commment faire donc pour que cela se produise, si nous vivons ce paradoxe en langage courant, et si
l'inconscient , comme Freud l'avait indiqu est illogique et droge aux principes du langage courant? Si
Lacan signale que Lintrusion dans le politique ne peut se faire qu reconnatre quil ny a de discours,
et pas seulement lanalytique, que de la jouissanceet si le discours de l'analyste produit un parltre,
ce parltre ira dans le monde en prenant position dans l'ici et maintenant de la ralit. Cela n'est pas
sans consquences. S'il n'y a de discours que de la jouissance, il faut alors que le parltre intervienne
sur ce qui occupe le znith du discours social dans le monde actuel, o nous sommes convoqus "
inventer des solutions diffrentes de celles du Nom-du-pre standard" (Eric Laurent).
Mais comment Lacan s'y prend-il? C'est buter sur les conflits des patients, leurs impasses, les
paradoxes logiques du langage, qu'il parvient fonder en logique les contradictions. En 1977 il
propose de sortir "de la clinique des conflits, pour aller vers une clinique formalise". A propos de la
formalisation mathmatique il disait dj dans le Sminaire XX que "la formalisation mathmatique est
notre but, notre idal, . la formalisation mathmatique, c'est de l'crit , mais qui ne subsiste que si
j'emploie le prsenter la langue dont j'use.". (p 108)
Lacan , a repris de Freud le paradoxe de la clinique, qui tient ce que l'inconscient ne connat pas la
contradiction, ne connat pas le "non" et pour cela droge aux principes du langage courant. Il a
dmontr qu'il s'agit de deux logiques incompatibles. Dans ses Sminaires , tout au long de trente
annes d'enseignement, il s'est rfr diffrentes logiques et diffrents logiciens et a introduit dans
la psychanalyse des concepts de la logique mathmatique.
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En 1974 il disait qu'il n'avait jamais cherch tre original mais tre logique. Et cependant nous
savons que ce psychanalyste qui n'avait jamais cherch tre original, le fut prcisment par ce trait
d'avoir russi doter la clinique d' un support logique et topologique. Un support qui pourtant n'est pas
dans le monde car il dpend des parltres. De mon point de vue, c'est ce qui nous choit: introduire la
logique "lacanienne" dans le monde. Lacan en effet a modifi la logique de la praxis analytique. Dans
le Sminaire XX il a fait savoir qu'il voulait introduire sa propre logique dans la logique d'Aristote.
Avec le dsir d'tre logique, Lacan se sert de la faon qu'a la logique de traiter les structures, les
expressions, les propositions, et il les utilise pour traiter les questions de l'exprience analytique. C'est
pourquoi il confre chacun le soin de formaliser sa propre analyse.
De surcrot Lacan introduit des changements dans les logiques usuelles, et ceci l'usage propre de la
psychanalyse lacanienne si spcifique et sans standards. Encore un trait propre Lacan. C'est un chemin
qu'il a cherch et parcouru et qui est vident dans tous ses Sminaires et ses Ecrits. Quand on les lit on
est mme de
vrifier que la notion d'inconscient en tant que tel dpend de cette dimension logique.
L'ide errone que nous sommes ce que nous pensons parcourt le monde. Or la pense laisse de ct ce
que Freud appelait le jugement de ralit. Nous avons besoin des jugements , des arguments qui nous
soutiennent comme parltres. Depuis Port Royal nous savons que la logique a un rle jouer dans toutes
les circonstances de la vie o nous devons faire usage de la raison. Mais la logique de Port Royal
aborde la tromperie fondamentale toutes les logiques drives du systme aristotlicien qui croient
l'adquation entre la pense et le langage, qui en reproduirait toutes les formes. Lacan a introduit
d'autres logiques dans le monde.
Une remarque concernant le thme d'aujourd'hui nous permettra de voir comment Lacan a rendu
possibles des faons de s'introduire dans la politique grce aux logiques de la psychanalyse.
Il nous suffirait de nous appuyer sur ce que Lacan a invent pour trouver une autre faon de penser, de
juger et de lire ce qui est crit.
Les conditions que pose Lacan pour vouloir tre logicien: sortir de la clinique du conflit pour entrer dans
le champ de la clinique formalise et l'ampleur qu'il a donne l'exprience analytique en passant du
plan ontologique ( de l'tre) au plan ontique ( de l'existence), de la forme S est P la formule du
symptme f (x), de la fonction propositionnelle au nud borromen, des formules la topologie, font
que Lacan s'est orient aussi vers le mathme car il dsirait une transmission directe.
Un manire de raisonner propre un individu qui aurait pu sans paroles, transmettre les oprations de
la structure et de la pense. Une syntaxe rduite au minimum. Transmettre tous eten mme temps
rduire au minimum ce qu'on veut transmettre. Mais la question demeure. Se servir d'autres logiques,
droger aux principes de la logique aristotlicienne sans rendre le discours trivial, sans tomber dans le
"tout se vaut", "tout est pareil".
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Donc , nous, les analystes de la AMP, un par un devons nous servir de la logique lacanienne dans notre
expression, communication et dans l'argumentation comme rponse l'invitation de Jacques-Alain Miller
"convertir la psychanalyse d'aujourd'hui en une force matrielle, une force politique".
Ainsi la psychanalyse pourra trouver une place dans la politique, dans le monde, en fonction de la
logique psychanalytique en changeant les termes des arguments. Quant ce qui se prsente dans le
monde sous le mode de conflits, de contradictions, la psychanalyse peut rpondre grce ses logiques
htrodoxes afin de ne pas laisser les conflits de la logique aristotlicienne commander le monde. La
psychanalyse peut traiter les discords, les sparations, la sgrgation, le racisme, qui sont prsents chez
l'tre humain et que Lacan a conceptualis sous le terme d'extimit. Souvenons nous que Freud disait
que l'homme n'a pas besoin de se chercher un ennemi en dehors alors qu'il est dj l'intrieur de
chacun d'entre nous et la psychanalyse peut manuvrer avec ces discordances dans le concret du
monde, en changeant le discours, le mode de dire avec d'autres argumentations. L'argumentation est un
instrument vital pour l'intervention du parltre and le monde.
L'existence de la psychanalyse dans le monde d'aujourd'hui permet au parltre d'utiliser en acte le
savoir de la psychanalyse. C'est ainsi que la psychanalyse comme force matrielle, comme force
politique dans le monde l'est en acte, et s'tend jusque dans la culture et le langage courant . Elle
change ainsi les relations entre les parltres et la politique, car l'homme est un tre de la Polis, un
existant, un ex-sistant.
Bibliografia utilizada:
Boll, M. e Reinhart, J., A Hiptese da lgica, Edio 70, p. 10 e 11.
Da Costa, Newton C. A., Encontros: a arte da entrevista, A. Santanna, Ed. Azougue, RJ, 2011.
Da Costa, N. e Villalba, I., A especificidade da psicanlise, seminrio e discusso, SP, Brasil, 1993.
Freud, S., Anlise terminvel e interminvel, Coleo SE, Imago editora, vol. XXIII , 1975.
Lacan, J., A Terceira, Outros Escritos, Jorge Zahar, RJ, 2000.
Seminrio 16, De um Outro ao outro, aula 14/05/69, Jorge Zahar, RJ, 2008.
Seminrio 17, O avesso da psicanlise, Jorge Zahar, RJ, 1992.
Sminaire 19, Ou Pire, ditions Du Seuil, Paris, 2011.
Seminrio 20, Mais Ainda, Jorge Zahar, RJ, 1973.
Seminrio 24, Lune bvue.., Ornicar n. 12,13, Paris, 1977.
Laurent, E., El sentimiento delirante de la vida, Prlogo- entrevista, Coleccin Diva, BsAs, 2011.
Miller, J.A., Comunicado de 13 de setembro de 2011, Lacan Quotidien, site ECF.
Uma fantasia, Conferncia em Comandatuba, Opo lacaniana n. 42, So Paulo, 2005.
Donc, La lgica de la cura, Paids, BsAs, 2011.
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2 SOIRE DE LAMP Paris, 30 de enero de 2012
"Passe et autorit au XXIme sicle"
Lre de lanormalit universelle
Angelina Harari
Ce qui frappe dans le syntagme lre de lanormalit universelle formul par Peter Kramer, lauteur
de Listening to Prozac, best-seller des annes quatre-vingt-dix , cest son caractre universel. Cette
formule met en question la dite normalit mentale et indique que celle-ci nest quun mythe invent
pour nous faire plaisir. Les avances de la gntique, de la biologie molculaire et des neurosciences
font apparatre les imperfections humaines, qui tendent devenir rgle, et non plus exception. De
mme, sous le titre tes-vous normal ? 9, un hebdomadaire brsilien interrogeait rcemment la
prolifration du cadre nosographique des maladies mentales : celles-ci passent en effet de 106 dans la
premire dition du dsm 297 dans la dernire dition10, avec la perspective de franchir la barre
des 300 en 2013, date de la prochaine dition. Selon les psychiatres interviews dans ce dossier, la
normalit devient de plus en plus difficile rencontrer. Or, partir de la prtendue normalit ne permet
pas postuler une anormalit universelle. Lordre de fer, lordre absolu et universel, nintgre pas le tout
le monde est fou cher la psychanalyse, qui postule linconsistance de lordre symbolique, dans lequel
cest la singularit, lanormalit du symptme de chaque un, qui est au poste de commande.
Dans le cadre de notre travail en vue du prochain congrs de lamp Lordre symbolique au xxie
sicle. Il nest plus ce quil tait. Quelles consquences pour la cure ? , je prsenterai un bref aperu de
la nouvelle srie des Papers. Inaugurant la srie, la confrence dric Laurent prsente le thme du
congrs dans Papers 1 : lordre symbolique dsarticul, souligne . Laurent, implique en effet une
certaine rptition et nous aurons dailleurs reprendre en ce sens des lments dj prsents dans
Une fantaisie de Jacques-Alain Miller ainsi que dans son cours LAutre qui nexiste pas et ses
comits dthique 11.
9. Petry A., Voc normal ? O que ser normal ? , revue Veja, ed. Abril, 23/11/2011, p. 160-165. 10. Cf. American Psychiatric Association, dsm-iv. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e d., trad.
fran. s/dir. J.-D. Guelfi, Paris, Masson, 1996. 11. Cf. Miller J.-A., Une fantaisie , Mental, no 15, article disponible sur le site du viiie congrs de lamp
(www.congresoamp.com/fr) & Miller J.-A. (avec . Laurent), LAutre qui nexiste pas et ses comits dthique (1996-1997), enseignement prononc dans le cadre du dpartement de psychanalyse de luniversit Paris viii, indit.
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Les six numros suivants nous offrent un dialogue entre deux textes. Dans le deuxime Papers, Franois
Ansermet montre comment la psychanalyse opre avec lhyperactivit (dsordre majeur de lordre
symbolique contemporain) en coupant la circularit de ladite hyperactivit , tandis que, pour Jorge
Forbes, lidentification au symptme devient un exemple de transcendance non religieuse pouvant ds
lors faire boussole, cest--dire orientation.
Le Papers 3 questionne lexistence dun pragmatisme lacanien. Dune part, Pascal Pernot spcifie
linconsistance de lordre symbolique ; ds lors que Lacan prend en compte linclusion de la jouissance
dans la parole elle-mme, il se trouve confront cette limite : un rel demeure inaccessible au savoir
ce qui ncessite dinventer une pragmatique des entours de ce rel. Dautre part, Juan Fernando Prez
aborde le pragmatisme lacanien en tant que savoir y faire avec le symptme, en prenant soin de le
distinguer dun quelconque savoir-faire.
Cest sur le thme des Paradoxes du progrs quun dialogue stablit dans Papers 4, entre Susana
Amado et Marco Mauas. Susana Amado sattache aux consquences de la transformation du symptme
en trouble et souligne le besoin dun retour, via la psychanalyse, lopacit du symptme et au a rate.
Marco Mauas montre, lui, comment le discours de la science dbilise, avant dinterroger ceux qui, sans
avoir mis sur la psychanalyse, ont chapp limbcilit grce la lettre, comme ce fut le cas de
Joyce.
Comment aborder les limites du symbolique aujourdhui ? Cest ce quoi sattelle Papers 5. Leonardo
Gorostiza envisage ce thme sous langle des confins de la charit freudienne : si le projet freudien a
t qualifi par Lacan d acte de charit envers lespce humaine, le traitement par le symbolique
bute sur un point limite dans lexprience analytique ; comment aborder le traitement de ces confins
dans la cure ? Dans ce mme numro, je considre cette dialectique partir des deux rgimes de la
passe isols par J.-A. Miller : la passe-savoir, la passe comme savoir, pointe nettement la limite du
symbolique eu gard la dtermination de la fin dune analyse ; partir de ma propre passe, je
montre comment sest indique la limite du symbolique dans ma cure et comment elle a t contourne
avec lanalyste qui a pu me conduire au terme de mon analyse.
Papers 6 sintresse aux nouvelles modalits de nouage par le symbolique. Hlne Bonnaud questionne
les conditions de lamour de transfert quand lordre symbolique ne se soutient pas de lUn du Nom-du-
Pre et propose lamour comme ce qui ne se liquide pas la fin dune analyse. Quant Carlo Vigan,
il aborde les nouveaux nouages du symbolique en partant de Lvi-Strauss pour en venir la traverse
faite par Lacan du mythme du fantasme au mathme du symptme en tant que lettre.
Enfin dans Papers 7 quelle question est mise en jeu ? Philippe de Georges aborde le changement du
symbolique dans le champ de lpistmologie, avec la proposition du nouveau paradigme qui unit les
comportementalistes, les cognitivistes et les biologistes hypermodernes autour de lide que lhomme
est un animal entre autres . Avec une vignette clinique, il nous montre la raction dun professeur de
sciences de la vie et de la terre qui ne peut pas bien rpondre lappel tre pre, quil peut ne pas
rpondre cette place comme un animal entre autres.
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Dautre part, Silvia Ons, fouille la question des excs, non seulement de la science, dans la forclusion du
sujet, mais aussi de labus sexuel avec lenfant. Lutilisation de lenfant comme objet de jouissance dun
adulte dune part, peut tre quivalente dautre part, au pousse avoir et idaliser des enfants. Par
exemple, elle montre linfantilisation du sujet, qui est un effet paradoxal du march installant les
individus comme consommateurs responsables.
Par des pistes diffrentes, les deux textes tentent de rendre compte principalement de la place du
sujet, mais galement de faon secondaire du pre, dans ce symbolique qui se modifie.
Avec Lacan, nous avons appris que lordre symbolique est inconsistant, soit quil est trou par le rel,
mais aussi quil y a un rel propre la psychanalyse, disjoint de tout universel : un rel sans loi. Pour ce
qui est du xxie sicle, sagit-il dun nouvel ordre symbolique ? ou bien de lordre symbolique de
toujours, avec les semblants qui laccompagnent et qui changent en fonction du discours de lpoque ? Il
sagirait plutt, comme le dit J.-A. Miller, de la dictature du plus-de-jouir qui fait trembler les semblants
produits par la psychanalyse : le pre, ldipe, la castration, la pulsion, etc.12 Cest ce qui pousse
notre communaut de travail un effort constant/continu, incessant, pour rpondre des consquences
de notre pratique et de la manire denvisager le rel de linconscient au xxie sicle.
L'intrusion de la psychanalyse dans le politique
Pierre-Gilles Guguen
Lacan avait fait intrusion dans le champ politique au moment du Sminaire XVII et plus encore dans le
Sminaire XX. Il s'agissait pour lui d'intervenir dans les questions dites "de socit" que posaient
notamment le mouvement de Mai 68 et celui du fminisme de 1973.
Toutes ces annes et encore au moment du Sminaire XXIII, il prcise et affute une rponse de la
psychanalyse un moment o le vieux monde des valeurs morales , des semblants rigides et de la
codification des rapports entre hommes et femmes dont en France le gaullisme avait t le dernier
rempart, s'croulait. Il produit alors une laboration qui pour nous reste encore explorer davantage
mais qui est de nature guider les esprits dboussols dans les choses du sexe (Sem XX) et de la 12. Cf. Miller J.-A., Une fantaisie , op. cit.
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psychose ( Sem XXIII) . Tlvision comporte aussi des passages brefs mais incisifs et hautement politiques
tel par exemple celui-ci: " A rapporter cette misre au discours capitaliste, je dnonce celui-ci. J'indique
seulement que je ne peux le faire srieusement, parce qu' le dnoncer je le renforce,de le normer,
soit de le perfectionner.
Aujourd'hui c'est sous un autre angle que l'intrusion de la psychanalyse dans le politique parat
indispensable . Ce n'est pas un hasard si cette ncessit s'est d'abord impose dans notre champ
partir de l'appel de Jacques Alain Miller dtruire l'agence d'valuation AERES lors des premiers
Forums runis en France pour lutter contre l'amendement Accoyer qui visait infoder la psychanalyse
et chaque psychanalyste un mode d'valuation suppos objectif et qui est en ralit un instrument de
contrle justifiant la plaisanterie de Canguilhem rapporte par Lacan: "il n'y a qu'une glissade de
toboggan du Panthon la prfecture de police". ( de la Sorbonne ou s'enseignait la psychologie
"exprimentale" la prfecture de police quai des orfvres, la rue est en pente). (Ecrits p 859)
Je me suis pench sur la revue Scientific American de ce mois de janvier. On y annonce toutes les
bonnes nouvelles du "progrs scientifique". Ces nouvelles sont prsentes de telle faon qu'elles
chatouillent la jouissance des lecteurs. On y apprend que les humains grce l'action de la Rapamycine
sur le gne TOR devraient bientt voir leur vie prolonge de 14% pour les femmes et 9% pour les
hommes en cartant les maladies du vieillissement comme par exemple les cancers et le diabte. On y
suit les progrs de la police prdictive dans la ville de Memphis qui, grce des logiciels perfectionns
peut prdire les endroits et les heures " risque" o des crimes pourraient tre commis et y dpcher
ses forces de police. La criminalit aurait baiss de 26%. Qui ne s'en rjouirait! On y voit le
fonctionnement de l'application de reconnaissance vocale Siri pour les I phones qui vous dit le temps
qu'il fait, qui cherche un numro, appelle votre place et qui crit les textos que vous lui dictez. Si la
machine comprend mal elle s'excuse. C'est amusant et, comme le dit le journaliste: on a beau savoir que
c'est une machine cela vous fait plaisir! A y regarder de plus prs c'est le mcanisme qui fonctionne
pour toutes ces applications technologiques: d'accord on est loin de l'application de la Rapamycine aux
humains mais cela vous fait plaisir de le penser, la plupart des gens veulent y croire pour soulager la
douleur d'exister, d'accord la police prdictive n'assure pas encore la scurit totale mais cela ne
saurait tarder car: (je cite l'article)
"les ordinateurs dpassent de loin les humains qui travaillent seuls, du fait de leur pouvoir phnomnal
de traiter les donnes et de l'avantage qu'ils ont de ne pas tre aveugls par les prjugs des
hommes".
De mme les pouvoirs politiques veulent croire que les bureaucraties valuatrices vacueront la
complexit du jugement et de l'acte par la mise en route de programmes dont les assurances ont t les
premires se doter pour se rfugier derrire les statistiques.
Il s'agit, au fond des choses, d'une croyance. D'une croyance qui est conforte par la jouissance que
procure l'utopie du contrle. C'est exactement la mme chose pour les agences de notation: on y croit
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sans y croire mais qu'il serait beau d'avoir un matre objectif qui donne des notes auquel tout le monde
puisse se fier.
Le matre mot de cette croyance dans une science bienveillante, c'est l'intelligence artificielle, c'est
dire l'espoir de pouvoir extrioriser non plus seulement l'il absolu mais le cerveau absolu. L'IPA a
renonc en acceptant la continuit entre le biologique et le psychique. Il nous appartient de relever le
gant et de poser sans cesse la question que
Jacques- Alain Miller martelait Londres: Croyez vous en votre inconscient? Do you believe in your
Unconscious?. Cela est autre chose qu'une utopie pour servir la jouissance et le rve, autre chose que ce
que Lacan qualifiait d'un "vouloir la manque".
Autorit et passe
Jean-Daniel Matet
Le jugement obtenu le 26 janvier par trois collgues de lECF fait date en leur donnant gain de cause
dans leur demande de retrait des interviews manipules par les tenants des mthodes TCC auprs des
enfants autistes. Cette affaire claire dun jour particulier les attaques dont fait lobjet la psychanalyse
en France, attaques qui ont commenc il y a plusieurs annes par la critique de la psychanalyse dans un
rapport INSERM sur les psychothrapies, puis par les tentatives du lgislateur den rglementer la
pratique. Aujourdhui encore notre action sest avre efficace, mais nous ne pouvons pas pass notre
temps devant les tribunaux. La question qui nous revient est celle de lautorit dont jouissait la
psychanalyse dans lopinion intellectuelle au moins pendant le XXme sicle. Cest cette autorit que
tentent de saper les scientistes des TCC, pour faire main basse sur la clinique et les traitements des
phnomnes psychiques. Lvaluation, les statistiques, les classifications internationales en psychiatrie
sont autant de machines de guerre contre une clinique de la parole et du langage qui fait le socle de
notre abord du rel.
Au XXI me sicle, les psychanalystes auront-ils encore le droit la parole sur ces questions cliniques ?
Serons-nous condamner au champ clos des questions culturelles ou artistiques, chasss du terrain du rel
des corps que se partageront les mdecins tout leur imagerie et les thrapeutes des comportements ?
Nos approches cliniques au un par un ne psent pas lourds face aux enjeux de sant publique qui
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absorbent des budgets considrables vouloir traiter des populations sans se soucier des effets
subjectifs.
Lacan na eu de cesse, tout au long de son enseignement, de produire une laboration en relation avec
la clinique du temps prsent, comme JAM nous la souvent comment dans son cours. Lautorit de la
psychanalyse et du psychanalyste trouvait mme dans lanticipation des tendances de lpoque (dclin
du pre, monte au znith de lobjet a, sgrgation amplifie par le discours de la science, fonction du
sinthome) prendre un pas davance sur toutes les approches socio-bio-thrapeutiques.
Ce que nous apercevons en ce dbut du XXIme sicle, non sans rapport avec lhistoire du XXme, cest
le bouleversement du traitement des corps, rduits leur valeur dchange ou de dchet, au mpris de
lordre symbolique qui les structurait et en ordonnait les jouissances. Le mdecin napproche le corps que
pour le rendre plus transparent, par limagerie et toutes les sortes dappareillages qui le transpercent
pour le rendre plus visible, effaant la limite entre intrieur et enveloppe. Les psys ne veulent plus rien
entendre des plaintes que le corps suscite pour en conditionner le fonctionnement, isolant chaque
jouissance quils instrumentalisent comme telle (troubles alimentaires, troubles autistiques, troubles
dpressifs, agitation, etc). Lexprience psychanalytique en tant quelle vise le rel en jeu dans le
symptme, en passant par le montage et dmontage pulsionnel, cre les conditions dune approche du
corps indite. Les tmoignages des AE en donnent le plus souvent un aperu.
Cest ce point que le terme dautorit authentique propose par JAM, comme jai eu loccasion de le
rappeler dans Scilicet, est bienvenu, en tant quil redonne au sujet la responsabilit de ses actes. Cette
autorit au cur de la formation de lanalyste, est lhorizon de toute cure, mme celles qui
sinterrompent avant leur terme.
Reste pour nous, pour les coles, comme pour lAMP de concevoir comment cette dimension de lautorit
peut rester vivante dans lopinion commune. Certainement pas en vulgarisant la psychanalyse, ni en se
faisant cerf de la langue de lAutre, mais en maintenant une exigence de bien dire accessible ceux
qui restent diviss par une marche force vers un collectif qui dissout lexception du destin de chacun.
Cest un dfi qui nous oblige sortir de lentre nous, qui seul est mme de maintenir le message
original de Freud et de Lacan.
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Autorit et acte analytique
Rose-Paule Vinciguerra
Je prendrai la question de la passe par le biais de lacte de lanalyste qui la rendue possible13.
Mais lautorit au XXIme sicle ? La civilisation contemporaine est le rgne du pas-tout polymorphe, un
pas-tout post-moderne mettant en position dagent des plus-de jouir disperss. Face lassujettissement
ces plus-de-jouir envahissants o est luvre limpratif du surmoi, lacte analytique, quelque forme
quil prenne, permet douvrir un espace d a-ration de la jouissance. Cela pose la question du lien
de lacte analytique et de lautorit. Que serait une autorit qui permettrait de supporter linconsistance
de lAutre et qui allgerait du poids du surmoi ? Il y a l un paradoxe. En mme temps, la psychanalyse
contrevient aux pratiques autoritaristes des idaux comportementalistes. En quoi lacte analytique
manifeste-t-il quelque autorit ?
I) Consentir
a- Juste avant Mai 68, Lacan nonait dans le Sminaire Lacte analytique : lacte analytique a
quelque cho de lAufklrung 14. Distinct des autres actes, il les claire et permet de rviser au
principe 15 la structure de laction en gnral. En effet, dune faon assez conforme la structure du
refoulement , il a, dit Lacan, une sorte de position ct 16. Ainsi, dans sa pratique, le
psychanalyste a sgaler la structure qui le dtermine 17. Linterprtation lacanienne classique
nest, cet gard, pas dun ordre autre 18 que linconscient, disait Jacques-Alain Miller en 1996.
--Et cette interprtation fait exister linconscient structur comme un langage, soit un rel structur qui a
des effets . Linterprtation constitue en effet le symbolique comme si le symbolique fonctionnait
dans le rel et lui confre la puissance dune dtermination ncessaire.
Ainsi, lacte qui ne sorigine daucun savoir, dont on ne peut en tre le savant , qui est cration
de parole, consent dabord lalination signifiante et au rel de la structure quil fait exister. Cest de
ce consentement mme quil claire et tire son autorit. Et non dune thorie dogmatique pralable sur 13mme si la passe nest pas dductible de lacte analytique et quin fine un tmoignage de passe est toujours susceptible de surprendre lanalyste du passant.. 14. Lacan J., Le Sminaire, livre XV, Lacte analytique , leon du 24 janvier 1968, indit. 15. Lacan J., Le Sminaire, livre XIV, La logique du fantasme , leon du 12 avril 1967, indit. 16. Ibid., leon du 8 mars 1967. 17. Lacan J., La mprise du sujet suppos savoir , op. cit., p. 338. 18. Miller J.-A., Linterprtation lenvers , La Cause freudienne, n 32, fvrier 1996, p. 5.
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le signifiant, comme on a pu le dire. A cet gard notons, comme le dit Lacan dans RSI, que cest toujours
dune rponse dans la pratique que sest ouverte pour lui une question thorique19. Lacte analytique
contrevient donc toute injonction dordre prescriptif ou normatif.
b- Pourtant, cet acte a une particularit. Cest que le psychanalyste le nie, le dnie et le renie 20.
Ce ne sera jamais tout fait a, il y aura toujours mprise et le psychanalyste ne saurait se tenir
quitte des questions qui se posent alors lui sous la forme dun comment a a opr ? mais aussi
bien, dit Lacan,dun comment nous assurer que nous ne sommes pas dans limposture ? . En effet, le
symbolique trompe . Il ny a pas de garantie de lacte.
Ce qui, seul, peut faire dmonstration des consquences du point dacte atteint dans le
symbolique , cest le rel..
II) Contrer
En effet, si linterprtation permet une lecture de linconscient, est incitation au savoir 21, elle
nest cependant pas sans rvler lincidence du rel, en tant que rsidu du symbolique et de tout effet
de vrit. Et ici le rel se prsente comme jouissance, rtive, inapprivoisable, nigmatique eu gard
linconscient et mme ses contradictions. Cest pourquoi tout ce qui renforce le versant interprtatif
homogne linconscient risque de ne renvoyer le sujet quau caractre inpuisable de celui-ci. Une
analyse infinie en quelque sorte qui roderait lautorit de lacte.
Cest donc une autre forme dacte que celle qui alimente la production signifiante qui sest impose
la pratique de Lacan22. partir de l, la pratique analytique sest attache trancher dans
lpaisseur du discours pour renvoyer le sujet une nigme,23 une certaine inintelligibilit du sens.
Pour contrer alors linconscient, la prfrence donne en tout linconscient. Et finalement permettre
au sujet daffronter la rptition, le lien du trauma et de la pulsion dans le corps. Lui permettre de
cerner le signifiant comme phnomne lmentaire du sujet 24, celui dune lettre. Doprer sans
doute une dsanalyse , comme lavait dit un jour Lacan quelquun qui, davoir t embrouill dans
ses analyses prcdentes, avait eu recours lui.
Ce type dintervention, non empathique, non galitariste a pu provoquer le dcri de la pratique
lacanienne. Elle serait insensible, cynique mme, elle ne mnagerait pas les effets adoucissants du sens,
elle ne voudrait pas le bien des sujets, elle ferait fi de lhomostase atteindre pour ceux-ci. Pourtant
cest partir dun trou dans le savoir, dun dnuement des semblants de lautorit ordinaire que
lacte permet de cerner une fixation de jouissance. Cest linstance du rel comme rsistant radicalement
au symbolique, le il ny a pas de rapport sexuel qui est ici luvre. Le nouage rel-symbolique 19 Lacan J., Le Sminaire, livre xxii, r.s.i. , leon du 14 janvier 1975, Ornicar ?, n 3, mai 1975, p. 97. 20. Lacan J, Dissolution , lettre du 24 janvier 1980, Ornicar ?, n 20/21, t 1980, p. 13. 21. Lacan J., Le Sminaire, livre xvi, Dun Autre lautre, Paris, Seuil, 2006, p. 345. 22 Il sagissait dsormais de ne plus ajouter encore et encore du savoir homogne linconscient 23 Pourquoi le rel ne parle-t-il pas ? 24. Miller J.-A., Linterprtation lenvers , op. cit., p. 7.
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peut sen dgager. Cest plutt de la dfense contre le rel que la pratique comme lenseignement
de Lacan ici se sont enseigns.
III) Prendre acte
Cependant, lavance de Lacan dans sa pratique la amen constater qu au-del de ce qui peut tre
attendu de la symbolisation en analyse, au-del des restes symptomatiques relevant dun impossible,
quelque chose rsistait tout effet dacte..
Il sagissait alors, au-del mme de la rptition, de prendre acte dune ritration lidentique.
Celle dune fixit sinthomatique se reproduisant sans variation autre que celle qui se produit la limite
de lincidence de lalangue sur le corps. Il ne sagissait plus alors de dchiffrage ni mme de contrer
linconscient mais de saffronter la rcidive du rel, hors-sens radical, rponse existant sans question.
Cest le rel comme sans loi que Lacan reconnaissait alors. Comment faire avec cette ritration non
laborable par la parole ? Aprs la dsanalyse qui va contre linconscient, pouvait soprer l de
faon encore plus radicale, une contre-analyse , comme la soulign J-AMiller. Cest a , nonait
parfois Lacan avant mme que lanalysant nait dit un mot. Au-del de la division nonc / nonciation,
les rendant indivisibles 25, ce cest a mettait lanalyste en position de sinthome26, hors
interprtation. Quand le rel contingent surmonte 27 le symbolique, lorsquau-del mme de
limpossible laborer, il y a un impossible ngativer, nest-ce pas alors un plus radical prendre
acte de ce qui existe qui opre ? Mais ce prendre acte nest-il pas ce qui permet une distanciation
avec ce trauma du sinthome quil y a ?
Nous touchons l au paradoxe de lautorit dune pratique comme dune thorie sans sublimation 28,
comme J.-A. Miller la rcemment avanc 29 mais rebours radical de toute autorit du Un comme
signifiant-matre (toujours celui de lEtat et de la police) ou de la tyrannie de plus-de jouir surmoques.
Ainsi, quil consente lalination signifiante, quil la franchisse en contrant linconscient ou quil
consiste prendre acte de limpossible ngativer, lacte analytique tient son autorit du rel. Du
rel de la structure , du rel qui rsiste au symbolique, enfin du rel en tant quexclu du symbolique. En
tant que tel, lacte nest ni pris dans un ordre dogmatique, ni cynique. Mais assurment, il allge de la
contrainte des dits du surmoi.
25. Miller J.-A., Lorientation lacanienne. Tout le monde est fou , enseignement prononc dans le cadre du dpartement de psychanalyse de luniversit Paris viii, leon du 11 juin 2008, indit.
26. Place de plus personne . Ibid.
27. Lacan J., Le Sminaire, livre xxii, r.s.i. , leon du 14 janvier 1975, op. cit.
28. Cf. ibid., leon du 25 mai 2011.
29. Cf. Miller J.-A., Lorientation lacanienne. Ltre et lUn , op. cit, leon du 9 fvrier 2011.
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Le ressort de la passe est-il ailleurs que dans ces ressources de lacte analytique, apprhend par
Lacan de faon toujours plus oriente par les occurrences du rel ? Et au dernier terme, leffet de la
passe nest-il pas de saffronter ce que lacte a dnud du Y a dlUn, du sinthome comme rponse de
lexistant ?
En permettant cependant lanalyste de laisser toute esprance , la passe lautorise faire acte
de charit en supposant, a minima, lexistence de linconscient chez celui qui vient le voir.