idées de génie
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Ces Idées qui Collent – Pourquoi Certaines Idées Survivent et d’Autres Meurent
Titre original : Made to Stick – Why Some Ideas Survive and Others Die.
Phrase-résumée du livre : Certaines idées marquent leurs interlocuteurs, les poussant à la
retenir longtemps et même à agir, tandis que d’autres sont oubliées à peine entendues ; les
auteurs décryptent pour nous les idées qui collent et nous expliquent les mécanismes de leur
adhésion.
De Chip Heath et Dan Heath, 2007, 285 pages.
Note : ce livre étant également très complet, je publie son résumé en deux parties. En voici la
première. Je crains que la majorité des livres de la catégoriePsychologie & Communication ne
soient dans ce cas .
Chronique et résumé du livre :
Vous ne devinerez jamais ce qui est arrivé à l’ami d’un de mes amis – François, pour ne pas le
nommer. Il se trouvait à Lille pour un rendez-vous important avec un de ses clients. Une fois qu’il
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a finit l’entretien, comme il lui restait un peu de temps avant de prendre l’avion il est allé boire un
verre dans un bar.
Il venait de finir son premier verre quand une séduisante jeune femme s’est approchée de lui et
lui a proposé de lui offrir quelque chose à boire. Surpris mais flatté, il a accepté. Elle est revenue
avec deux verres. Merci, lui a-t-il dit avant de prendre une gorgée. Et après ça, le trou noir.
Lorsqu’il s’est reveillé, comateux, il était étendu dans une baignoire de chambre d’hôtel, le corps
recouvert de glace. Paniqué, il a regardé autour de lui, essayant de se rappeler ce qu’il faisait là.
C’est alors qu’un petit papier a attiré son attention :
SURTOUT NE BOUGEZ PAS. TELEPHONEZ AUX URGENCES.
Un téléphone portable était posé sur une petite table à coté de la baignoire. Il l’a attrapé et tant
bien que mal, les doigts engourdis par le froid, a composé le numéro des urgences.
A l’autre bout du fil, la standardiste ne paraissait pas du tout surprise. « Monsieur, pourriez-vous
s’il vous plaît tendre lentement le bras derrière vous ? Vous sentez quelque chose ? Une sonde
dans le bas de votre dos ? »
Inquiet, il a fit ce qu’elle lui demandait. Pas de doute, la sonde était bien là.
« Surtout, ne paniquez pas Monsieur », a repris la jeune femme. On vient de vous enlever un
rein. Vous êtes victime d’un réseau de trafiquants d’organe qui sévit dans la ville. L’ambulance
est en route. »
Félicitations.
Vous venez de lire une des légendes urbaines les plus populaires des quinze dernières années,
qui a fait le tour d’Internet dans toutes les langues et sous de multiples formes. Une histoire que
l’on retient facilement, une histoire qui marque, une histoire qui colle. Alors qu’elle est
complètement fausse.
Examinons à présent un article publié dans le magazine d’informations d’une association
caritative :
La constitution de communautés au sens large se prête par nature à une équation de retour sur
investissement qui peut être reproduite en s’appuyant sur les pratiques existantes. [...] Le fait que
les organisations donatrices doivent souvent, par souci de transparence, procéder à un ciblage
ou à la classification par catégories des sommes octroyées est un facteur qui limite le flux de
ressources vers notre organisation.
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A présent, faites quelque chose pendant dix minutes, n’importe quoi, puis appelez un ami et
racontez lui les deux histoires. Laquelle d’après vous aurez-vous le mieux retenu ? Et laquelle
serez-vous capable d’expliquer simplement à votre ami ?
Une légende urbaine d’un coté, quelques lignes d’un article sorties de leur contexte de l’autre : la
comparaison est certes, biaisée. Mais elle montre bien deux extrêmes de ce que les auteurs
appellent « l’échelle de mémorabilité ». Et illustre parfaitement que certaines histoires collent et
d’autres non.
On pourrait croire que certaines idées sont intrinsèquement intéressantes – une bande de
voleurs d’organes – et d’autres intrinsèquement ennuyeuses – la stratégie financière d’une
association caricative. C’est sans doute partiellement vrai. Mais dans ce débat inné/acquis
appliqué aux idées, Chip Heath et Dan Heath font le pari de l’acquis : on rend les idées
intéressantes plutôt qu’elles ne naissent intéressantes.
En 1992, Art Silverman, employé du Center for Science in the Public Interest -organisme à but
non lucratif ayant pour but d’éduquer les consommateurs en matière de nutrition – contemplait un
paquet de pop-corn.
Il venait de recevoir les résultats d’analyse de paquets de pop-corn collectés dans une douzaine
de cinémas de trois grandes villes américaines. Les résultats avaient surpris tout le monde : un
sac contenait en moyenne 37 grammes de graisses saturées. Les recommandations étaient de
20 grammes maximum par jour.
La faute en revenait à l’huile de noix de coco utilisée à l’époque, débordante de graisse saturée.
Il fallait agir. Ce sac, que l’on pouvait facilement grignoter entre les repas, renfermait à lui seul
près de deux jours de graisse saturée. Mais comment informer les consommateurs ? Pour la
majorité d’entre eux, « 37 grammes de graisses saturées » ne signifient pas grand chose. Est-ce
que c’est bien ou mal ? Et même si c’est mal, est-ce que c’est « mauvais mauvais » comme le
tabac ou « mauvais normal » comme un biscuit ou une friandise ?
Et évidemment, le terme « 37 grammes de graisses saturées » sont suffisamment rébarbatifs
pour faire fuir les consommateurs. Les graisses saturées, ça n’excite personne.
Il y avait de nombreuses manières de faire passer le message au public. Mais il fallait quelque
chose d’extravagant, pour coller à l’extravagance de cet écart nutritionnel. Alors le CSPI fit une
conférence de presse, délivrant ce message :
Une portion moyenne de pop-corn vendue dans un cinéma de quartier contient plus de graisses
dangereuses pour les artères qu’un petit-déjeuner avec des oeufs au bacon, un déjeuner
composé d’un Big Mac et des frites et un dîner avec steak et garniture – le tout additionné !
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Et ce message était appuyé par des visuels. Une table ployant sous tous ces aliments graisseux.
Toute une journée d’alimentation déséquilibrée réunie sur une table. Et à coté, un sac de pop-
corn.
L’histoire fit sensation et eut les honneurs des chaînes de télévision. Très vite, les
consommateurs cessèrent d’acheter des pop-corn et les cinémas, la main sur le coeur,
déclarèrent qu’ils n’utiliseraient plus d’huile de noix de coco pour faire cuire leur pop-corn. L’idée
avait collée.
Note : J’ai fait des recherches sur ce point précis, et il semble que l’avis soit loin d’être unanime
sur la réelle nocivité de l’huile de noix de coco et le sérieux scientifique du CSPI. Comme
souvent, il est difficile de trouver un avis unanime sur une recommandation nutrionnelle, tant les
experts et organismes ne sont pas d’accord entre eux et tant les intérêts bien compris de chacun
sont cachés et nébuleux. Pour des exemples d’articles contre le CSPI ou la nocivité de l’huile de
noix de coco, voir ici ou là.
En étudiant les histoires qui collent et celles qui ne collent pas, les frères Heath se sont mis en
quête de caractéristiques communes qui permettraient d’expliquer pourquoi certaines histoires
collent et pas d’autres, en étudiant notamment des centaines de légendes urbaines et de
proverbes très répandus.
Ils ont tirés de ces recherches six principes déterminants. Pour qu’une histoire colle, il faut :
1. De la simplicité. Un grand avocat a déclaré : « Si vous avancez dix arguments, même s’ils sont tous pertinents, les jurés les auront tous oubliés quand ils retourneront dans la salle des délibérations ». Pour être simple, il faut effeuiller une idée jusqu’à son coeur, en excluant sans relâche.
2. De l’inattendu. Pour attirer l’attention, il faut déjouer les intuitions.
3. Du concret. Les idées naturellement adhésives regorgent d’images concrètes. C’est ici que la communication d’entreprise se prend souvent les pieds dans le tapis.
4. De la crédibilité. Si un ministre de la Santé parle d’un problème de santé, nous sommes disposé à le croire. Mais nous ne sommes pas toujours nanti d’une telle position d’autorité. Nos idées doivent donc porter en elles-même leurs lettres de crédit.
5. De l’émotion. Pour susciter de la passion pour nos idées, il faut faire ressentir quelque chose aux auditeurs ou aux lecteurs. Nous sommes faits pour éprouver des choses pour les individus, par pour des abstractions.
6. Une histoire. Entendre des histoires ou des anecdotes agit comme un simulateur de vol, en nous préparant à réagir plus vite et plus efficacement si une situation semblable se produit.
Après avoir lu cette liste, vous pourriez vous dire que ce sont des principes de bon sens. Nous
savons tous plus ou moins que nous devrions « être simple » et « raconter des histoires ». Est-ce
que vous connaissez beaucoup d’adeptes de charabia soporifique ?
Mais si c’est si simple, pourquoi ne sommes-nous pas inondés d’idées adhésives
brillamment conçues ?
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Hé bien, il y a un grand méchant. Pas Dark Vador, mais un penchant psychologique naturel de
l’être humain, qui rend très difficile l’application de ces principes : la malédiction du savoir.
Pour bien comprendre ce principe, examinons une étude scientifique qui a été conduite en 1990
à l’université de Stanford. Elle a mis en scène deux groupes de participants. Des « batteurs » et
des « auditeurs ». On a remis une liste de 25 chansons célèbres – comme la Marseillaise ou
Joyeux Anniversaire – aux batteurs, qui devaient en choisir une pour battre son rythme à l’aide
d’un doigt sur une table, à l’intention d’un auditeur. L’auditeur devait deviner de quelle chanson il
s’agissait.
Les résultats ont été édifiants : sur 120 chansons jouées, les auditeurs en ont identifiés en
moyenne 2,5%, soit 3 chansons. Mais ce n’est pas cela qui est édifiant : avant que les batteurs
ne jouent, on leur a demandé de prédire le taux de réussite des auditeurs. Ils l’ont estimé à 50%.
Les batteurs ont donc réussis à faire passer le message une fois sur 40, mais pensaient qu’ils
allaient y parvenir une fois sur deux. Pourquoi ?
Ils disposaient d’un savoir que n’avaient pas les auditeurs : la mélodie, qui jouait dans leur
tête. Pour les auditeurs, les battements pouvaient aussi bien être du morse, mais pour les
batteurs, ils accompagnaient en rythme la musique. Et ce savoir les rendaient imperméables
ou presque à l’incompréhension des auditeurs.
C’est une parfaite illustration de la malédiction du savoir. Vous pouvez retenter l’expérience
chez vous .
Nous retrouverons cette malédiction dans tous les principes ci-dessus, détaillés ci-dessous.
Suivez le guide.
Chapitre 1 : De la Simplicité
Les moindres déplacements des soldats de l’armée américaine répondent à une préparation
minutieuse, qui a commencé par un ordre émanant du président des Etats-Unis, et qui descend
ensuite tous les échelons de la hiérarchie jusqu’à toucher la base.
Les plans sont détaillés, précisant le « schéma de manoeuvre » et le détail de ce que fera
chaque unité, son équipement, ses munitions, etc.
Le problème, c’est qu’aucun plan ne survit au contact avec l’ennemi. C’est comme si vous
établissiez un plan détaillé pour un ami qui jouerait une partie d’échec. Vous ne pouvez pas
prédire les coups de l’adversaire, donc le plan devient caduc au bout de quelques coups.
Les plans sont utiles dans l’armée. Ils montrent qu’un processus de planification a eu lieu, et
permet de se poser de bonnes questions. Mais comme ils ne fonctionnent pas sur le champ de
bataille, l’armée américaine a introduit un concept dans les années 80 : l’Intention du
Commandement. Il s’agit d’une phrase simple et concise qui décrit l’objectif de l’opération. Elle
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peut être générale et abstraite aux échelons supérieurs, mais plus on descend et plus elle doit
être précise et concrète, comme « Mon intention est de positionner le 3ème bataillon sur la
colline 4305 pour la libérer et protéger le flanc de la 3ème brigade lorsqu’elle enfoncera les
lignes ».
Grâce à l’IC, les soldats connaissent l’objectif de la mission, libre à eux d’improviser selon les
circonstances pour l’atteindre.
Aucun plan ne survit avec l’ennemi. Ce précepte devrait parler même à ceux qui n’ont aucune
expérience militaire. Bien souvent, aucun plan commercial ne survit au contact avec le client.
Aucun plan de cours ne survit au contact avec les élèves. Etc.
Faire adhérer ses idées dans un contexte bruyant, imprévisible et chaotique n’est pas facile. Le
moyen de réussir est la simplicité. Pas simple comme « simpliste » ou « réducteur ». Mais la
simplicité comme substantifique moelle de l’idée.
Il faut donc déshabiller l’idée, l’effeuiller complètement jusqu’à mettre à jour son essence, son
noyau, et se défaire de tout le superflu. Le plus difficile est d’écarter les idées qui semblent
importantes, mais qui ne sont pas pour autant la plus importante. L’Intention de Commandement
oblige les officiers de l’armée américaine à extraire l’objectif le plus important d’une opération. Il
ne peut y avoir qu’un objectif prioritaire, et qu’une seule IC.
Trouver l’essence d’une idée, c’est écarter un grand nombre d’idées pour permettre à la plus
importante de briller de tout son éclat. Comme le disait Antoine de Saint-Exupéry :
La perfection est atteinte non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter mais lorsqu’il n’y a plus rien à
retirer.
Voici donc l’essence de Ces Idées qui Collent. Pour rendre vos idées adhésives il y a deux
étapes :
1. Trouver leur essence.
2. Leur donner vie à l’aide des six principes.
Rien de plus rien de moins.
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Chapitre 2 : De l’Inattendu
Le premier problème de la communication est d’obtenir l’attention de ceux à qui vous vous
adressez. Parfois nous sommes nantis d’une autorité suffisante pour exiger l’attention – comme
les parents avec leurs enfants par exemple – mais la plupart du temps nous ne pouvons disposer
de ce luxe.
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Un des moyens les plus élémentaires pour capter l’attention est de briser un schéma ou un
modèle bien ancré dans l’esprit de nos interlocuteurs. Nous êtres humains nous habituons à
une vitesse incroyable aux schémas récurrents. Nous ne faisons bientôt plus attention à cet
ordinateur bruyant, à ce ventilateur qui ronronne, à ce tableau accroché au mur… Pour que nous
reprenions conscience des choses, il faut qu’un changement survienne : l’ordinateur ou le
ventilateur s’arrête, le tableau tombe ou on retrouve son emplacement vide, etc.
Notre cerveau est ainsi extrêmement sensible aux changements. Mais une fois que l’on a
attiré l’attention des autres avec la surprise, il faut la conserver en faisant croître l’intérêt.
La surprise est associée à une expression du visage commune à de nombreuses cultures, que
les psychologues Paul Ekman et Wallace Friesen dans leur livreUnmasking the Face nomment
« le sourcil de surprise ».
Les sourcils sont arrondis et hauts… La peau au-dessous des sourcils est étirée par le
mouvement vers le haut et plus visible que d’habitude.
Lorsque nous haussons les sourcils, nos yeux s’écarquillent et notre champ de vision s’élargit,
nous obligeant à voir plus. Au contraire lorsque nous sommes en colère, les yeux se rétrécissent
afin que nous puissions nous concentrer sur le problème. Souvent la surprise est telle que nous
restons bouche bée, le corps paralysé quelques secondes, les muscles relâchés, comme si le
cerveau voulait s’assurer que nous ne puissions rien faire qui nous empêcherait d’intégrer cette
information nouvelle.
La surprise agit ainsi comme un neutralisateur de l’urgence lorsque nos machines à deviner
sont prises en défaut. Toutes nos activités en cours s’interrompent et notre attention se
concentre involontairement sur l’évènement qui nous a surpris.
Ainsi les idées inattendues sont plus susceptibles de coller parce que la surprise nous
conduit à être attentifs et à réfléchir, et ce supplément d’attention et de réflexion grave les
évènements inattendus dans notre mémoire.
Parfois, cette attention est éphémère, mais dans d’autres cas la surprise peut conduire à une
attention durable. Certains chercheurs étudiants les théories du complot remarquent que celles-ci
naissent souvent d’évènements inattendus que les individus ne comprennent pas, comme la mort
de beaux jeunes gens célèbres. Il existe des théories du complot pour John Kennedy, Marylin
Monroe, Elvis et Kurt Cobain. La mort des vieillards de 90 ans suscite souvent moins
d’interrogations.
La surprise est donc un instrument puissant à utiliser, mais il faut faire attention à ne pas sombrer
dans une utilisation à outrance et gadget de celle-ci. Pour le comprendre, lisez les mots suivants :
COMBINEMENT BRAVITUDE MESON PEAURTE
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Puis donnez les à lire à quelqu’un en observant attentivement les expressions de son visage.
Normalement, COMBINEMENT et BRAVITUDE font davantage froncer les sourcils, tandis que
MESON et PEAURTE provoquent un haussement de sourcils.
MESON et PEAURTE suscitent la surprise parce que leur graphie ne nous est pas familière alors
que leur prononciation si. Nous faisons « oh ! » lorsque nous prenons conscience que MESON
est un manière étrange d’écrire MAISON et PEAURTE l’équivalent mal orthographié de PORTE.
Au contraire, COMBINEMENT et BRAVITUDE nous paraissent bizarrement familiers, car ils
utilisent une combinaison de mots existants. Mais ils n’existent pas en eux-même, et lorsque
nous en prenons conscience, cela nous agace parce que nous nous sommes escrimés à trouver
une solution qui n’existe pas.
Ces deux mots sont des exemples de surprise gratuite et creuse, qui ne colle pas et est
frustante. Pour être surprenant, un événement ne peut pas être prévisible , mais pour être
suffisante la surprise doit être visible à posteriori. L’astuce a un sens lorsque nous y
réfléchissons, mais nous ne l’avons pas immédiatement perçu.
Ainsi pour rendre nos idées plus adhésives il faut :
1. Identifier le message central que nous avons besoin de communiquer – la substantifique moelle
2. Découvrir ce que ce message peut avoir de contraire à l’intuition
3. Communiquer notre message d’une manière qui mette en échec les machines à deviner de notre public sur la dimension essentielle, inattendue.
Une fois que nous avons attiré l’attention, il nous faut encore l’entretenir. Pour cela, nous
pouvons utiliser des techniques connues comme la boucle ouverte ou open loop : commencer
par une énigme, qui stimule la curiosité intellectuelle et donne envie de connaître la réponse, bref
ouvrir une boucle qui ne sera refermée qu’a la fin du message.
Ainsi les énigmes ont beaucoup de pouvoir, car elles créent le besoin d’une fin. Comme le dit le
professeur de psychologie Robert Cialdini : « Vous avez entendu parler de l’expérience Aha ! ,
n’est-ce pas ? Eh bien, l’expérience Aha ! est beaucoup plus satisfaisante lorsqu’elle est
précédée de l’expérience Hein ?« .
Chapitre 3 : Du Concret
La Cigale, ayant chanté
Tout l’Été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la Bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
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Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’Août, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
— Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
— Vous chantiez ? j’en suis fort aise :
Eh bien ! dansez maintenant. »
Nous connaissons tous les fables les plus célèbres de La Fontaine, et nous retenons facilement
leur essence alors que pour la plupart nous les avons apprises à l’école primaire. Savez-vous
également – c’est très méconnu en France – que la plupart des fables les plus connues de La
Fontaine ne sont que des améliorations des fables d’Esope (voir par exemple le Corbeau et le
Renard, le Lièvre et la Tortue, ou le Rat des villes et le Rat des champs) qui les a écrit il y a
plus de 2 500 ans ? Les fables d’Esope et leur morale ont fait le tour du monde, engendrant de
nombreux proverbes, comme ceux liés à sa fable Le Renard et les Raisins :
Un Renard ayant aperçu au haut d’un arbre quelques grappes de raisins qui commençaient à
mûrir, eut envie d’en manger, et fit tous ses efforts pour les atteindre ; mais voyant que sa peine
était inutile, il dissimula son chagrin, et dit en se retirant qu’il ne voulait point manger de ces
raisins, parce qu’ils étaient encore trop verts et trop aigres.
Tels certains hommes, que leur faiblesse empêche de réussir et qui s’en prennent aux
circonstances. Il est facile de mépriser ce que l’on ne peut avoir.
Si les fables d’Esope ont fait le tour du monde et ont survécues 2 500 ans, et si nous retenons
facilement les fables de La Fontaine, c’est certes parce qu’elles communiquent des vérités
profondes, mais surtout parce que la manière dont elles sont présentées en font des idées
qui collent. Les fables évoquent des images concrètes, ici les raisins, le renard, la réflexion
méprisante sur les raisins verts.
Ce dont le monde a besoin, c’est de davantage de fables. Nous croulons sous les slogans creux
qui n’évoquent et/ou ne signifient rien, dans toutes les professions :
Entreprise :
Paradigme visionnaire orienté client
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Reeingineering réciproque fondé sur les coûts
Enseignants :
Compétences métacognitives
Evaluation du portefeuille pertinent en termes de développement
Médecine :
Cardiomyopathie idiopathique (Cardiomyopathie signifie « votre coeur a quelque chose qui ne va pas » et idiopathique « nous n’avons aucune idée de ce que c’est »)
Et je ne parle même pas des universitaires avec leurs thèses bourrées de jargon lénifiant, des
informaticiens, des garagistes, des psychologues, des scientifiques, des hommes politiques, bref
de tout le monde ou presque.
Les langages sont souvent abstraits mais la vie, elle, ne l’est pas. Même la stratégie
d’entreprise la plus abstraite doit se traduire par des actions tangibles d’êtres humains. Et il
est plus facile d’adhérer et de comprendre les actions tangibles que l’exposé d’une stratégie
abstraite.
Est concret ce qui est directement perceptible par les sens. Un moteur V8 est concret. « Grandes
performances » ne l’est pas. Il faut bien comprendre que l’abstraction a aussi son intérêt,
mais c’est le luxe et le privilège de l’expert. Pour enseigner une idée à des débutants ou
néophytes, ou même à un groupe de personnes dont vous ignorez le niveau de connaissances,
la concrétude est le seul langage sans risque.
Les idées naturellement adhésives regorgent de d’images et de mots concrets. La légende
urbaine du rein volé aurait probablement moins collée si le protagoniste s’était aperçu qu’on lui
avait volé son estime de soi.
Chapitre 4 : De la Crédibilité
Une personne sur dix aura un ulcère au cours de sa vie. Pendant très longtemps, les médecins
ont crus que les ulcères étaient causés par un surplus d’acide gastrique qui rongeait la paroi de
l’estomac, et que ce surplus était causé par le stress, des épices ou un trop-plein d’alcool.
En 1982, Barry Marshal et Robin Warren, deux chercheurs de Perth en Australie, ont découvert
que les ulcères étaient provoqués par une bactérie, que l’on nommera bien des années plus
tard Helicobacter Pylori. Cette découverte était considérable : si les ulcères étaient provoqués par
des bactéries, alors ils pouvaient facilement être guéris : il suffisait de prendre des
antibiotiques. Est-ce que la communauté médicale poussa des cris de joie, est-ce que l’on fit une
fête en l’honneur des chercheurs, est-ce qu’on les remercia pour cet espoir nouveau qu’ils
jetaient sur la santé de centaines de millions d’êtres humains ?
Que nenni. Personne ne les crut. Et pour trois bonnes raisons :
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1. La communauté médicale était fermement convaincue que rien ne pouvait survivre à l’acide gastrique, une substance extrêmement puissante qui peut ronger un morceau de viande épais et même dissoudre un clou.
2. A l’époque de leur découverte, Robin Warren était un simple pathologiste dans un hôpital de Perth et Barry Marshal terminait son internat. La cause était entendue : les internes ne guérissent pas des maladies qui touchent 10% de la population mondiale.
3. Le lieu. Un chercheur de Perth, c’est comme un médecin du Massif Central. La science est la science, mais les scientifiques sont humains et ils ont la même tendance au snobisme que chacun d’entre nous.
Marshall et Warren n’ont même pas réussit à faire publier l’article de leurs travaux. Après deux
années d’atermoiements, Marshall, n’y tenant plus, se priva un matin de 1984 de petit-déjeuner,
appela ses collègues, et avala devant eux un verre contenant près d’un milliard de H. Pylori. Il
développa en quelques jours les symptômes d’un ulcère, et se soigna à l’aide d’antibiotiques.
La partie n’était pas encore gagné, certains chercheurs lui reprochant sa méthodologie, mais sa
démonstration avait donné un second souffle à sa théorie, qui commença alors à être largement
étudiée. En 1994, le rôle de H. Pylori dans les ulcères était officiellement reconnu, et en 2005,
Marshall et Warren reçurent conjointement le prix Nobel de Médecine pour leur découverte.
Voilà donc l’histoire de deux hommes qui font une découverte digne d’un prix Nobel et dont l’un
doit s’empoisonner pour qu’on le croie !
Essayer de convaincre un public sceptique est très difficile, car nous engageons alors un
combat démoniaque contre toute une vie d’apprentissage et de relations sociales. Et pourtant,
certaines légendes urbaines absolument incroyables se répandent comme de la poudre. Qu’est-
ce qui peut rendre crédible un message ? Examinons différents outils pour cela :
Les autorités
Tout message venant d’une autorité établie dans le thème du message estconsidéré avec plus
de respect qu’un message venant d’une personne lambda. Par autorité, on entend deux
catégories de personnes :
1. Les spécialistes, qui font autorité dans leur domaine, comme Stephen Hawkins pour la physique, Alan Greenspan en économie, Tony Robbins pour le développement personnel, etc.
2. Les stars ou célébrités. Michael Jordan aime McDo. Bon. Ce n’est ni un nutritionniste ni un gourmet, mais il est susceptible de faire aller de nombreuses personnes au McDo tout simplement parce que nombreux sont ceux qui aimerait lui ressembler.
Cependant nous avons rarement l’occasion de pouvoir compter sur des spécialistes
internationaux ou des stars pour défendre nos produits et nos idées ( si c’est le cas, vous pouvez
sauter cette section ). Heureusement, il est aussi possible de faire appel à de parfaits
inconnus.
Les illustres inconnus qui savent de quoi ils parlent
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Pam Laffin a été l’héroïne d’une campagne de publicité anti-tabac diffusée à la télévision
américaine dans le milieu des années 90 (voir cette vidéo par exemple). Elle n’est ni une
spécialiste de la santé ni une célébrité. Pam est une fumeuse. Elle avait 29 ans à l’époque, était
mère de deux enfants et avait commencé à fumer à 14 ans, « pour avoir l’air plus âgée ». « Le
malheur, c’est que cela m’a vraiment fait paraître plus âgée », a t-elle dit dans les publicités.
Celles-ci montrait son combat contre le cancer, ses opérations, ses cicatrices, la souffrance
terrible qui était la sienne. Elle est morte à l’âge de 31 ans. Ces publicités ont eu un impact
considérable.
A la base, il n’était pas évident que Pam Laffin, une inconnue parfaite, puisse influencer l’opinion.
Mais elle est devenue une source crédible et respectée, parce qu’au milieu des innombrables
autres sources qui parlaient du tabac, elle respirait l’honnêteté et l’impartialité. Le calvaire
montré à la télévision était le sien, il était vrai. Elle a vraiment souffert. Elle est vraiment morte.
Le pouvoir des détails
Souvent, nous ne pouvons pas utiliser une source de crédibilité extérieure pour cautionner nos
message ; la plupart du temps, ils doivent disposer d’une crédibilité interne.
Des études scientifiques montrent que des détails vivants et concrets augmentent la
crédibilité d’une idée ou d’une histoire, à condition de ne pas faire feu de tout bois et que ces
détails symbolisent et soutiennent le coeur du message.
Les statistiques illustrées
Un autre moyen de crédibiliser un message est d’utiliser les statistiques. Mais les statistiques
sont souvent ennuyeuses et ne font pas coller les idées. Il est préférable de les illustrer par des
images ou des comparaisons claires plutôt que d’utiliser des chiffres bruts.
Le principe de l’échelle humaine
Une autre façon de donner vie aux chiffres est de les présenter dans un contexte plus humain.
Comparons les deux développements scientifiques ci-dessous :
1. Les scientifiques ont récemment calculés une importante contrainte physique avec une précision extraordinaire. Pour vous faire une idée de cette précision, imaginez que vous jetiez un rocher du Soleil sur la Terre et que vous touchiez votre cible dans un rayon de 500 mètres de son centre.
2. Les scientifiques ont récemment calculés une importante contrainte physique avec une précision extraordinaire. Pour vous faire une idée de cette précision, imaginez que vous jetiez un rocher de New-York à Los Angeles et que vous touchiez votre cible dans un rayon de 1.5 centimètres de son centre.
Quelle affirmation vous semble la plus précise ?
Dans les deux cas, le degré de précision est rigoureusement identique, mais lors d’une étude,
58% des personnes interrogées ont déclarées que la première affirmation était « très
impressionnante », contre 83% pour la deuxième.
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Il nous est plus facile de nous représenter la distance New-York – Los-Angeles que Soleil-Terre,
cette comparaison colle donc beaucoup mieux et nous fait percevoir plus clairement la prouesse
des scientifiques. Il est donc important de mettre à l’échelle humaine tout chiffre ou résultat
qui est trop grand pour que l’on puisse se le représenter concrètement.
Chapitre 5 : De l’Émotion
Si je regardais la masse, je ne ferai rien. Je regarde l’individu et j’agis.
Mère Thérésa
Des recherches scientifiques montrent que le précepte de Mère Thérésa est vrai pour la plupart
d’entre nous. Et les organisations caricatives le connaisse depuis bien longtemps : nous ne
donnons pas à « la pauvreté en Afrique », nous parrainons tel ou tel enfant. Il nous est très
difficile d’éprouver de la compassion pour des statistiques. Nous avons beau savoir que la
situation économique en Afrique est en général catastrophique, souvent nous ne nous sentons
pas concernés au point d’agir. Voir un individu qui souffre et savoir que nous pouvons agir pour
apaiser ses souffrances, c’est autre chose.
Mais il n’y a pas que les associations caricatives qui ont besoin de faire en sorte que les gens se
sentent concernés. Les managers, les professeurs, les militants politiques et bien d’autres ont
besoin de motiver leurs collaborateurs, leurs élèves, leurs troupes.
Mais que faut-il rechercher pour motiver les êtres humains ? En appeler aux choses qui comptent
pour eux. Et qu’est-ce qui compte pour eux ? Par quoi se sentent-ils concernés ?
La réponse est simple : par eux-même. Il faut donc en appeler… à leur intérêt personnel. Et
expliquer le « qu’avez-vous à y gagner » dans les messages et idées que nous voulons faire
passer. Combien de professeurs et d’enseignants ont entendus leur élèves demander « Mais à
quoi ça sert ? ». Croyez-vous que les élèves soient très motivés pour apprendre si le professeur
n’est pas capable de répondre à cette question ? Et si l’on pouvait dire que l’algèbre améliore les
performances aux jeux vidéos, se trouverait-il un enseignant qui hésiterait à le dire ? Se trouve t-il
un enseignant pour douter que les élèves seraient plus attentifs ?
Donc si vous avez l’intérêt personnel de votre coté, n’hésitez pas. Ne tournez pas autour du pot.
Ne dites pas « Les gens se sentiront en sécurité avec des pneus GoodYear », dites « Vous vous
sentirez en sécurité avec des pneus GoodYear ».
Mais il y a une manière plus subtile d’en appeler aux intérêts personnel des gens. En 1982, des
psychologues ont conduits une étude sur la persuasion : des étudiants se sont rendus chez des
habitants propriétaires et leur ont demandés de répondre à des questionnaires pour un exposé. A
l’époque, la télévision par câble faisait ses timides premiers pas, et la plupart des personnes n’en
avaient que vaguement entendus parler. L’étude avait pour objet de comparer l’efficacité de deux
approches différentes pour inciter les personnes à souscrire au câble qui allait arriver un mois
plus tard.
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Dans la première approche, le texte suivant était présenté :
La télévision par câbles offrira à ses abonnés des services d’information et de divertissements
plus étendus. Bien utilisés, elle offre toute liberté au téléspectateur de s’organiser pour profiter
des programmes proposés. Les abonnés peuvent passer davantage de temps chez eux avec
leur famille, seuls ou avec des amis, s’épargnant ainsi les tracas d’une soirée à l’extérieur, et les
dépenses de baby-sitter et d’essence.
Dans la deuxième approche, il a été demandé aux propriétaires de s’imaginer un scénario
précis :
Prenez quelques instants pour essayer d’imaginer comment la télévision par câble va vous
permettre de profiter de services d’information et de divertissements plus étendus. Lorsque vous
saurez l’utiliser, vous pourrez planifier à l’avance les évènements que vous avez envie de
regarder. Songez-y : finies les complications d’une soirée à l’extérieur, sans oublier les
économies – en baby-sitter et en carburant. Vous pourrez ainsi passer votre temps chez vous,
avec votre famille, seul ou avec des amis.
La différence entre les deux textes peut paraître faible. Mais comptez le nombre de fois où le
mot vous est utilisé dans les deux.
Un mois après l’enquête, la télévision par câble s’installait donc dans la ville, et les chercheurs
ont analysés les abonnements des propriétaires. Résultat : 20% de ceux du premier groupe
avaient souscrits, un résultat comparable avec le taux d’inscription du quartier. Quant au second
groupe, 47% des propriétaires se sont abonnés.
Le sous-titre de l’article qu’ont publiés les chercheurs était « Imaginer, est-ce faire advenir les
choses ? ». La réponse était oui.
Or on ne peut pas dire ici que le bénéfice pour l’acheteur soit grand. L’argument principal était
« en vous abonnant au câble, vous vous évitez le tracas de sortir de chez vous » (!). Ces
résultats suggèrent que, plus que leur ampleur, c’est le caractère tangible et concret des
bénéfices, qui apparaissent clairement lorsque les personnes les imagine, qui fait qu’elles se
sentent concernées.
Ainsi, nul besoin de promettre monts et merveilles : il suffit parfois de promettre des bénéfices
raisonnables dont les personnes peuvent s’imaginer facilement en train de profiter.
Mais l’intérêt personnel n’explique pas tout, comme Abraham Maslow a tenté de le montrer
dans sa fameuse pyramide. Ainsi une étude récente a présenté à différentes personnes ce
scénario :
Imaginons qu’une entreprise accorde à ses salariés une prime de 1 000 € s’ils atteignent certains
objectifs. Il y a trois façons de présenter la prime aux collaborateurs :
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1. Imaginez ce que représente 1000 € : un acompte pour une nouvelle voiture ou ces travaux dans votre cuisine dont vous rêvez depuis longtemps.
2. Songez comme il serait rassurant d’avoir 1000 € de coté en cas de coup dur.
3. Réfléchissez un peu à ce que signifient ces 1000 € : l’entreprise reconnaît le rôle que vous jouez dans ses performances globales. Elle ne dépense pas son argent pour rien.
Lorsque l’on demande aux personnes quelle présentation les séduirait à titre personnel, la
plupart répondent la troisième. C’est bon pour l’estime de soi, et il semble évident que l’on peut
dépenser ou économiser 1000 €. Mais l’intérêt de l’étude réside dans la réponse que ces
personnes formulent lorsqu’on leur demande quelle proposition est la meilleure pour les
autres. La majorité répondent la première proposition, suivi par la deuxième. En d’autres
termes, les personnes pensent qu’elles sont motivées par l’estime de soi, mais que les
autres sont motivés par un acompte pour l’achat d’une nouvelle voiture. Et donc, il semble que
nous soyons nombreux à penser que tout le monde sauf nous vit dans la cave de Maslow – le
bas de la pyramide où les besoins primaires sont satisfaits.
Note : Et si les personnes répondent ainsi parce qu’au fond d’elles-mêmes elles privilégient les
propositions 1 et 2 mais ne souhaitent pas passer pour trop matérialistes aux yeux des
chercheurs ? Dans ce cas les résultats seraient les mêmes, mais l’interprétation totalement
différente.
Examinons le pouvoir des émotions à travers ce cas pratique : tous les professeurs d’algèbre ont
entendus leurs élèves demander : « Pourquoi dois-je apprendre cela ? Quand vais-je m’en
servir ? ». Etudions trois tentatives pour répondre à cette question :
- Message 1 : Lors d’un congrès intitulé « l’algèbre pour tous », les réponses suivantes ont été
avancées à la question « Pourquoi étudier l’algèbre ? » :
L’algèbre fournit des méthodes pour passer du particulier au général. Il s’agit de mettre à jour des modèles parmi les éléments d’un ensemble et de développer le langage nécessaire pour y réfléchir et les communiquer aux autres.
L’algèbre donne des procédures pour manipuler des symboles en vue de comprendre le monde qui nous entoure.
L’algèbre nous apporte un véhicule pour comprendre notre monde à travers des symboles mathématiques.
[...]L’algèbre est l’ensemble élémentaire d’idées et de techniques pour décrire et raisonner sur les relations entre des quantités de variables.
Commentaire : Ce message est un parfait exemple de la « malédiction du savoir ». Il a
visiblement été composé par des spécialistes qui en sont restés au niveau de l’abstraction. Est-
ce qu’un élève renfrogné deviendra soudain motivé et excité par l’algèbre une fois qu’on lui aura
dit que l’algèbre « donne des procédures pour manipuler des symboles en vue de comprendre le
monde qui nous entoure » ? Ces phrases sont avant tout des définitions de l’algèbre, pas des
raisons d’étudier l’algèbre.
- Message 2 : Voici une réponse composée avec des raisons communément données pour
expliquer aux élèves pourquoi ils doivent étudier l’algèbre, glanées sur Internet :
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Vous devez obtenir votre bac.
Tous les cours de maths et de sciences exigent la connaissance de l’algèbre.
Pour être admis dans une bonne université, vous devez avoir un bon niveau en maths.
Et même si vous ne faites jamais d’études supérieures, les compétences de raisonnement que vous apprenez avec l’algèbre vous aideront à acheter une maison, établir un budget, etc.
Mon frère est commercial dans une entreprise de haute technologie. Il a toujours eu un problème
avec les maths, mais aujourd’hui il se rend compte que le travail acharné qu’il a fourni a amélioré
ses compétences analytiques et l’aide aujourd’hui à mieux présenter ses produits à ses clients.
Commentaire : Ce message échappe à la malédiction du savoir en restant concret. Mais il reste
dans la cave de Maslow en s’adressant aux besoins primaires. Les deux raisons invoquées sont
1) parce que vous n’avez pas le choix et 2) pour pouvoir continuer à en faire. La partie la plus
efficace est la dernière, avec une histoire « vécue » concrète qui montre que l’étude de l’algèbre
peut avoir des avantages concrets.
- Message 3 : Voici la réponse d’un professeur de lycée :
Quand ses élèves de quatrième lui demandent « quand est-ce que ça va nous servir ? », il
répond : « Jamais. Vous ne vous en servirez jamais ».
Il leur rappelle ensuite que si les gens lèvent des haltères, ce n’est pas pour se préparer au cas
où un jour ils se feraient agresser dans la rue. Vous levez des haltères pour pouvoir renverser un
avant au rubgy, ou porter vos sacs de course, ou entretenir votre forme, ou prendre votre petit-fils
sans avoir des courbatures le lendemain. Vous faites des exercices de maths pour améliorer
votre capacité à raisonner logiquement, pour pouvoir être un meilleur avocat, médecin,
architecte, gardien de prison ou parent.
LES MATHS, C’EST DE LA MUSCU POUR L’ESPRIT. C’est un moyen (pour la plupart des
personnes), pas une fin en soi.
Commentaire : Voilà un message bien plus efficace, qui utilise des procédés déjà explicités : la
surprise pour capter l’attention « Jamais. Vous ne vous en servirez jamais », le recours à une
analogie – la musculation, et il s’élève dans la pyramide de Maslow car il parle à des niveaux
comme l’Apprentissage ou l’Accomplissement de soi. Le message c’est qu’en étudiant l’algèbre,
nous réalisons davantage notre potentiel.
Comparons les trois messages dans un tableau comportant les 6 principes présentés dans le
livre (vous pouvez le réutiliser chez vous ) :
Principes Message 1 Message 2 Message 3
Simplicité - - +
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Inattendu - - +
Concret - + +
Crédibilité - - -
Émotion - + ++
Histoire - + -
Chapitre 6 : Une Histoire
Unité de soin intensifs néonatals, années 90. Une infirmière surveille un nourrisson depuis
plusieurs heures. Soudain, en quelques secondes, le bébé devient bleu foncé, presque noir.
L’équipe médicale appelle immédiatement un médecin et un radiologue et se prépare à
intervenir, persuadée qu’il s’agit d’un collapsus pulmonaire – problème fréquent pour les bébés
placés sous respirateur artificiel – et qu’il faut donc percer la poitrine, y passer un tuyau et aspirer
l’air pour permettre au poumon de se regonfler.
Mais l’infirmière est convaincu qu’il s’agit d’un problème cardiaque. Dès qu’elle a vu la couleur du
bébé, elle a soupçonné qu’il était victime d’un pneumopéricarde : de l’air qui emplit la poche
entourant le coeur et l’empêche de battre. Elle essaye donc d’arrêter les préparatifs de ses
collègues en leur criant « c’est le coeur ! ». Mais ses collègues lui désignent le moniteur
cardiaque, qui indique que le coeur du bébé bat normalement. Elle insiste, écarte leurs mains et
leur crie de se taire en plaçant un stéthoscope sur la poitrine de l’enfant.
Aucun son. Le coeur ne bat plus.
Un chirurgien néonatal fait irruption, et immédiatement l’infirmière lui met une seringue dans la
main. « C’est un pneumopéricarde. Piquez le coeur ». Le radiologue, qui vient de recevoir les
résultats des examens, confirme le diagnostic de l’infirmière. Le chirurgien insère la seringue
dans le coeur et vide lentement la poche d’air qui l’empêche de battre. Le bébé est sauvé.
Plus tard, l’équipe compris pourquoi le moniteur les avait induit en erreur : il mesurait l’activité
électrique, celle qui commande les battements du coeur, et celle-ci ne s’était pas arrêté : le coeur
ne pouvait juste pas y répondre à cause de la pression de la poche d’air.
Dans son livre Sources of Power (qui sera chroniqué la semaine prochaine ), Gary Klein
nous fait part de cette histoire en nous disant qu’elle est un exemple de l’utilité des histoires : ce
sont des outils d’apprentissage extrêmement efficaces, et riches d’enseignement, ce qui
explique qu’elles abondent dans tous les milieux. Elles montrent comment le contexte peut
amener les individus à prendre les mauvaises décisions, et mettent en lumière des relations
causales non identifiées auparavant et les solutions inattendues que les protagonistes ont
trouvés pour résoudre les problèmes.
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Les enseignements spécifiques de cette histoire sont très intéressants pour le personnel médical.
Mais même pour ceux qui comme la plupart d’entre nous ne travaillent pas dans ce secteur ,
cette histoire peut nous toucher et nous faire réfléchir : c’est l’histoire d’une femme qui n’a pas
craint de sortir de son rôle, qui n’a pas cédé malgré la pression du groupe, qui a sauvé une vie
en faisant fi de l’organisation hiérarchisée de l’hôpital. Une infirmière qui a donné le bon
diagnostic à un chirurgien néonatal.
Le pouvoir de l’histoire est ainsi double : elle est une simulation – indiquant comment agir – et
une inspiration – motivant à agir. Ces deux bénéfices ont en communs d’inciter à l’action, et
c’est ce que nous voulons.
D’après vous, pour une équipe médicale, qu’est-ce qui le plus parlant et qui pousse le plus à agir
entre cette histoire et un banal « Lorsqu’un bébé sous respiration artificielle devient bleu, il faut
systématiquement vérifier son coeur avec un stéthoscope pour être sûr qu’il ne s’agit pas d’un
pneumopéricarde » ?
[ad#ban-bas]
Dans tous les métiers, nous parlons boutique, employant souvent des mots techniques
incompréhensibles du commun des mortels. Nous nous racontons les petites mésaventures du
métier, sous forme d’histoires, sans oublier les détails techniques. Ces histoires sont plus qu’une
simple fonction sociale répondant au désir d’échanger avec d’autres humains. Elles servent à
s’échanger des informations de valeur, à permettre aux autres de s’identifier au conteur, à se
mettre à sa place, et à pouvoir résoudre plus facilement le problème si celui-ci survient pour
eux. Ces histoires sont souvent à la fois divertissantes et instructives. Elles agissent comme
des simulateurs de vol, permettant de se représenter une situation et de s’y préparer sans
l’avoir vécu.
Cette simulation fonctionne parce que nous ne pouvons imaginer des évènements sans stimuler
les même modules de notre cerveau qui sont activés lors d’une activité réelle. Ces simulations
nous aident à mieux gérer les émotions, et beaucoup de phobies – voyage en avion, araignées,
prise de parole en public, etc. – sont traités par une méthode reposant sur cette technique. Les
simulations facilitent également la résolution de problèmes. Un homme qui essaie d’arrêter de
fumer et qui se projette mentalement à une soirée où des amis lui proposent une cigarette et où il
refuse aura plus de chance de ne pas succomber à la tentation. De manière plus étonnante, la
simulation mentale peut aussi développer des compétences. La synthèse de 35 études ayant
réuni 3 214 participants a montré que le seul entraînement mental – s’asseoir tranquillement,
sans bouger et s’imaginer en train d’accomplir correctement une tâche du début à la fin –
améliore de manière significative les performances. Cela a été corroboré pour de
nombreuses activités, de la soudure au patin à glace en passant par le lancer de fléchettes.
Toutefois l’entraînement uniquement mental est tout de même plus efficace pour les tâches
impliquant davantage d’activité mentale que physique. Mais en général, l’entraînement mental
seul produit environ deux tiers des bénéfices de la pratique physique réelle.
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Ainsi si la simulation mentale n’est pas aussi bénéfique que la pratique réelle, elle n’en est pas
loin. Et les bonnes histoires sont des simulations mentales.
Mais comment inventer des histoires qui collent ? Hé bien la plupart du temps, il n’est même pas
nécessaire de les créer : il suffit de les repérer. Mais comment ? Chip Heath et Dan Heath ont
analysés des centaines d’histoires inspirantes et sont parvenus à la conclusion qu’il existe trois
types d’intrigues élémentaires dans ces histoires : le Défi, le Lien et la Créativité.
Le Défi
Un classique du genre, et peut-être même l’archétype, est David contre Goliath. Un
protagoniste triomphe d’un défi formidable et l’emporte. Il existe des variantes nombreuses,
comme le vilain petit canard, le pauvre qui devient riche, le triomphe de la volonté sur l’adversité.
L’élément clé de ces histoires est que les obstacles semblent insurmontables au héros, mais qu’il
finit par en triompher.
Ces histoires nous inspirent en faisant vibrer notre persévérance et notre courage. Elles nous
donnent envie de travailler dur, de relever des nouveaux défis et de surmonter des obstacles.
Le Lien
L’archétype des histoires avec une intrigue de lien est le Bon Samaritain :
Mais le docteur de la Loi, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? »
Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands
qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi mort. Un prêtre vint à
descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu,
le vit et passa outre. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de
pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre
monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à
l’hôtelier, en disant : « Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le
rembourserai, moi, à mon retour. »
Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des
brigands ? »
Il dit : « Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui. » Et Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais
de même ».
A l’époque, les Samaritains et les Juifs se haïssaient et il y avait un gouffre social en apparence
infranchissable entre les deux. Cette histoire parle de personnes qui nouent une relation
en franchissant un fossé – qu’il soit racial, ethnique, social, religieux, etc. Cette intrigue fait
merveille pour des histoires d’amour – pensez à Roméo et Juliette ou Titanic.
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La Créativité
Elle s’incarne dans l’histoire de la pomme qui tombe sur la tête de Newton, lui inspirant la théorie
de la gravité. Cette intrigue met en scène un individu qui fait une découverte révolutionnaire,
résout une énigme très ancienne ou aborde un problème de façon innovante. C’est l’intrigue de
MacGyver ou de l’Agence Tout Risque.
Chapitre 7 : Épilogue
Pour qu’une idée colle, elle doit susciter chez ceux qui l’écoutent :
1. Attention
2. Compréhension et mémorisation
3. Adhésion
4. Implication
5. Volonté d’agir
Ces étapes sont reliées aux principes de la manière suivante :
1 – Attention INATTENDU
2 – Compréhension et mémorisation
CONCRET
3 – Adhésion CREDIBILITE
4 – Implication EMOTION
5 – Volonté d’agir HISTOIRE
Les auteurs donnent ensuite une liste de symptômes pour détecter l’inattention d’auditeurs, et de
solutions pour y remédier.
Critique du livre :
Ce livre est simple, facile à comprendre et fournit un mode d’emploi détaillé pour faire adhérer
nos idées, et ce dans toutes les domaines possibles et imaginables, allant de l’éducation au
marketing en passant par la vente et le storytelling. Les auteurs ont fait une étude qu’ils relatent
au début de l’ouvrage et qui indiquent que des complets débutants suivants les préceptes de ce
livre arrivent à créer des publicités efficaces et qui adhèrent. Et il est simplissime de vérifier si
nos messages peuvent coller et de choisir le meilleur en utilisant ce tableau :
Principes Message 1 Message 2 Message 3
Simplicité
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Inattendu
Concret
Crédibilité
Émotion
Histoire
Réutilisez-le !
L’un des auteurs est un scientifique – Chip Heat, professeur de psychosociologie à Stanford – et
cela se voit : le livre est émaillé de références et de renvois à des études scientifiques,
élément bienvenu et plutôt rare dans les livres de business, qui ajoute de la crédibilité à
l’ensemble et permet facilement d’approfondir si besoin est.
Au niveau des défauts, je le trouve parfois un peu répétitif et je pense qu’il aurait pu être
raccourci un peu pour mieux coller, mais dans l’ensemble c’est unexcellent livre qui expose
son message de manière claire et concrète, en l’illustrant de nombreuses histoires qui sont
autant d’exemples et d’images nous permettant de bien appréhender les concepts exposés. A
essayer lors de nos prochaines communications.
Points forts :
Simple et facile à comprendre
De nombreuses histoires et exemples pour nous aider à appréhender les concepts
Nombreuses références à des études scientifiques
Fournit des outils concrets – dont le tableau n’est pas le moindre – pour améliorer l’impact et l’adhésion de nos messages
Points faibles :
Un peu répétitif parfois
Aurait gagné à être un peu allégé
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