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LE DEVELOPPEMENT DURABLE : ENJEUX ET AMBIGUITES Pierre Bardelli, Professeur des Universités, Ceremo (Metz).
Pascal Bello, docteur en Sciences de Gestion, directeur général BMJ consultant, Professeur au Ceram Sophia
Antipolis.
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L'idée de développement durable est une idée ancienne qui s'est longtemps exprimée sous la forme
de "croissance équilibrée". D'essence macroéconomique, elle concerne les politiques étatiques, mais
elle a été progressivement adaptée à l'action des organisations de plus petite taille, notamment les
entreprises. Dans son acception la plus récente, le développement durable renvoie d'une part à des
éléments d'environnement de l'entreprise, d'autre part à des éléments de politique interne, dans le
domaine des ressources humaines et du financement notamment. La communication proposée
aborde la question de l'action des entreprises en matière de développement durable, conjointement à
l'analyse du concept.
Si le concept de développement est ancien, le qualificatif de durable est plus récent. Il évoque le long
terme et indique implicitement que le développement mené sans aucun contrôle ni aucune régulation
engendre des distorsions, des externalités qui, en retour, porteront atteinte aux conditions de
rentabilisation des capitaux engagés dans l'entreprise. En principe le traitement des externalités
relève de la logique des coûts d'opportunité. Mais cette approche, certes rationnelle, est très
insuffisante. Elle considère l'entreprise comme une organisation sous contraintes externes, dans un
contexte de relations interindividuelles. Cette vision réductrice ne permet d'aborder ni les rapports
industriels, ni les rapports économiques, ni les rapports sociaux entre les organisations et les
individus.
Nous nous proposons d’examiner successivement les fondements du développement durable, les
prescriptions en matière de développement durable, avant d’effectuer un retour conceptuel sur le
développement durable.
I - les fondements du développement durable
1.1. l'antériorité idéologique : la croissance économique génère des externalités C'est le Club de Rome qui a popularisé dans les années 60 l'idée que la croissance avait des effets
négatifs. Il s'agissait d'une vision macroéconomique. Les travaux de ce groupe d'experts étaient
2
néanmoins prémonitoires1. Ils ont d'ailleurs abordé eux-mêmes la problématique du développement
durable dans leurs travaux plus récents2.
L'idée d'une croissance équilibrée3 qui prendrait en compte la dimension humaine n'est donc pas
nouvelle. R. Lattès énonçait en 1972 "…il nous faut de façon urgente une définition
multidimensionnelle de la croissance qui intègre tout ce qui semble raisonnablement inhérent au
développement des individus et des sociétés". Mais c'est sans aucun doute François Perroux qui, dès
les années 60, a le plus contribué à la recherche conceptuelle sur le développement4. Ainsi distingue-
t-il croissance et développement. La croissance traduit une augmentation du produit global réel
pendant une période. Le développement produit une croissance harmonisée5, c'est à dire assure le
progrès. Dans cette dynamique de déséquilibre qui concourt au progrès, les forces sociales se
manifestent. Au travers du concept de "coût de l'homme", n'avait-il pas imaginé que le développement
devait déboucher sur une amélioration réelle de la qualité de la vie, et permettre la couverture des
besoins humains, besoins vitaux comme besoins culturels au sens large (équilibre mental, formation,
loisirs)6.
Les travaux économistes sur la croissance ont été nombreux dès les années 50-60 (Galbraith J. -
1958, Clark C. -1960, Rostow W. -1960).
A partir des années 70, les auteurs avaient envisagé les effets externes de la croissance dans leurs
dimensions environnementale, mais aussi sociale. Leur angle de vue était global (macroéconomique,
macrosocial). Ainsi Philippe d'Iribarne (1973) envisageait-il les aspects "négatifs" du développement
industriel qui génère pollution, dégradation des sites, mais aussi suppressions d'emplois (sous l'effet
des rationalisations), dévalorisation des qualifications, restructurations voire disparitions de firmes,
perturbations socio-culturelles, sentiment d'insécurité, émergence de nouvelles pauvretés,
désagrégation sociale. Tous les ingrédients du concept de développement durable étaient déjà
présents dans cette approche.
Quelques auteurs avaient d'ailleurs envisagé cette question à partir de considérations liées aux
individus eux-mêmes, notamment en développant une problématique articulée autour des besoins
sociaux. Ainsi le marché apparaissait-il comme une procédure inadéquate pour révéler les besoins
sociaux qui restent largement insatisfaits dans la société dite de "consommation", résultante de la
croissance forcenée des trente glorieuses (Pierre Bardelli, 1978).
1 Le Club de Rome est un groupe d'experts internationaux (industriels, économistes, scientifiques et hauts
fonctionnaires d'une dizaine de pays) qui mirent en évidence les effets négatifs de la croissance au début des années 70. A l'origine de plusieurs rapports (Halte à la croissance - 1972, Stratégie pour demain, Nouvel ordre économique mondial) ces experts mirent notamment l'accent sur les limites des ressources écologiques, sur les moyens du développement des pays et sur les inégalités sociales dans le monde.
2 Le Club de Rome fait reparler de lui en 1982 en introduisant dans ses paramètres des éléments relatifs au développement durable pour aboutir à des scénarios de développement oscillant entre la stabilisation de la situation et sa dégradation en l'absence de mesures immédiates.
3 Il y a une différence de nature entre le concept de croissance et celui de développement. Le premier se réfère à des dimensions principalement économiques, le second intègre des dimensions sociales, culturelles, sociétales.
4 Voir notamment"l''Economie du XXème siècle", Paris, PUF, 1961. 5 Pour François Perroux la croissance harmonisée est l'aboutissement d'un long processus basé sur des structures
de départ et aboutissant à une structure souhaitable au travers des déséquilibres, notamment entre secteurs, entre catégories sociales. Les concepts de "lutte-concours" et de "conflit-coopération" illustrent bien ce cheminement.
6 François Perroux, "Note sur le coût de l'homme", Economie appliquée, 1952.
3
1.2. le regard se porte sur le rôle des firmes multinationales Les incidences des activités des firmes et notamment firmes multinationales vont préoccuper de
nombreux économistes dans les années 60-70 (François Perroux -19607, Galbraith John Kenneth -
1968, Charles Albert Michalet -1976, Michel Delapierre -1976, Wladimir Andreff -1976). Dans une
vision elle aussi prémonitoire, René Gendarme (1981) énonce un principe qui allait prévaloir dans la
démarche contemporaine du développement durable : "Les sociétés multinationales pourraient jouer
un rôle plus important qu'on l'admet généralement dans la mise en place d'une économie planétaire
prospère. Cela à condition de ne pas rendre les multinationales responsables vis-à-vis d'elles-mêmes
mais vis-à-vis des autres". Mais en fait, cette "prise de conscience" n'a pas été spontanée. Elle est
née sous la contrainte du marché et de la nécessité de préserver "les parties prenantes" de plus en
plus sensibles aux effets environnementaux (clients, pouvoirs publics), à la qualité des relations
sociales (syndicats), puis plus tard à la nature des activités (fonds de pension éthiques) et aux
"actions militantes"8.
1.3. L'évolution récente du concept de développement durable Mis "au goût du jour", le développement durable est présenté comme "…l'une des réponses aux
incohérences d'un monde devenu chaotique" (G. Férone, CH d’Arcimoles, P. Bello et N. Sassenou -
2001). Rénovant ainsi les conceptions des années 60, le concept renvoie bien à l'idée d'un modèle de
croissance équilibrée, dans un contexte complètement nouveau d'incertitude croissante, de
turbulences financières. Le sentiment d'une responsabilité des entreprises au regard de cet équilibre
prend de l'ampleur. Il s'appuie implicitement sur l'idée d'une maîtrise possible de leurs externalités.
Sur ce point, ces auteurs soulignent les difficultés à cerner le concept dès lors que l’on entend
dépasser la conception énoncée dans le rapport Brundtland9, conception selon laquelle le
développement durable renvoie à un "développement qui satisfait nos besoins sans compromettre,
pour les générations futures, la satisfaction de leurs propres besoins". Ainsi "Le développement
durable n’est pas une nouvelle théorie et encore moins un nouveau courant de pensée. En fait, ce
concept reformule toute une série de modalités de fonctionnement des organisations pour énoncer
des principes qui doivent garantir un meilleur équilibre général" (G. Férone et alii). De fait, il relève de
la problématique de l’optimum puisqu’il souhaite préserver les intérêts de tous dans le cadre d'un
équilibre général.
7 "La nature ne doit pas devenir le jouet de l'entreprise industrielle et marchande", François Perroux, Economie et
société, contrainte, échange et don, Paris, PUF, 1960. 8 Telles que celles menées par Les Amis de la Terre. 9 La Commission Brundtland (ancienne Commission Développement et Environnement des Nations unies) a
formulé dans son rapport de 1987 ("Notre avenir à tous") des idées sur la pauvreté (du tiers-monde notamment). Le développement durable est perçu comme recouvrant à la fois l'environnement, l'alimentation per capita, le développement industriel, l'utilisation de l'énergie, mais aussi le développement des pays pauvres. Dans ce rapport la primauté du social sur l'économique est affirmée. Cette institution s'intéresse d'ailleurs à l'environnement depuis 1972 (premier congrès mondial sur l'environnement).
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Au niveau planétaire, les Nations Unis développent une conception globale et mondiale du
développement durable. Un bilan de la situation a été fait au sommet de RIO10.
1.4. les sources de la démarche récente relative au développement durable sont multiples Les idées de développement durable, d’investissement socialement responsable, d’éthique dans
l’entreprise, ont nourri ces dernières années de nombreuses réflexions (Triple Bottom Line Investing,
2002)11. Dans la lignée des pistes ouvertes dans les années 60, cette conception intègre la dimension
sociale interne à l'entreprise et la dimension managériale.
Les initiatives sont aussi diverses que les réalités et les définitions qu’elles prennent en référence
(Jacques Igalens, 2002)12. Ceci rend difficile la compréhension du sujet et le positionnement des
parties prenantes.
Nous avons choisi de présenter un modèle d’évaluation qui fédère les références aux travaux les plus
aboutis, initiés par les principales instances internationales : 1/ les directives de l'OCDE pour les
multinationales ; 2/ la déclaration sur les droits fondamentaux au travail de l'OIT ; 3/ le "responsable
care program" : 4/ les travaux du "Word Businnes Council for Sustainable Development" ; 5/ le Global
Reporting Investment 6/ le Global Compact des Nations Unies.
1.5. l'aboutissement (provisoire) de la démarche en développement durable : une combinaison des approches environnementales d'une part et des approches en gestion des ressources humaines et stratégie d'entreprise d'autre part Pascal Bello (2001) a précisé le concept de développement durable. Soulignant la confusion
fréquente entre le concept d'éthique et le volontarisme écologique, il énonce que ce concept n'est pas
précisément défini, mais renvoie à la responsabilité sociale, sociétale et environnementale de
l'entreprise. C'est un concept culturellement connoté.
Même si pour l'instant le concept de développement durable n'est pas validé économiquement, il
existe des événements qui le rendent crédible : 1/ la montée des risques écologiques ; 2/ la
médiatisation de certains événements (écologiques, sociaux) ; 3/ la mondialisation des économies et
des échanges qui appelle de nouveaux modes de régulation (globaux) ; 4/ l'influence des ONG ; 5/
10 A Rio a été établi ce que l'on appelle l'Agenda 21, guide de mise en oeuvre du développement durable pour le
21ème siècle. Il s'applique au niveau national, comme au niveau régional et local. Il vise à instaurer une méthode partenariale au niveau mondial pour promouvoir le développement durable. Les procédures de l’Agenda 21 ont été adaptées aux contextes locaux, le but recherché étant la mobilisation de toutes les parties prenantes (acteurs économiques et sociaux) vers des objectifs stratégiques de développement durable. C'est une association d'experts, le Comité 21, qui organise la réflexion et les débats sur la mise en œuvre de l'Agenda 21.
11 La conférence "Triple Bottom Line Investing" (Bruxelles, 7-8 novembre 2002) a été l'occasion de nombreux débats relatifs à l'investissement socialement responsable et à l'attitude des entreprises par rapport au développement durable. La question de la diversité des cultures dans la notation extra-financière et de la difficulté de définir des critères universels a également été abordée (source : Observatoire sur la Responsabilité Sociale des Entreprises).
12 Pour une information complète sur les institutions et les dispositifs récents, relatifs au développement durable et à la responsabilité sociale des entreprises, voir Jacques Igalens et Michel Joras, "L'entreprise face à sa responsabilité sociale et environnementale : les enjeux du développement durable", conférence à l'IAE de Strasbourg, 4 octobre 2002.
5
l'arrivée à la direction des entreprises des individus de la génération post-68 ; 6/ la montée en
puissance de la fonction "ressources humaines" dans les entreprises ; 7/ le développement des
modèles de certification, 8/ la montée en puissance de la règle de droit (ex. projet de loi français relatif
à la prévention des risques technologiques et naturels).
La conceptualisation du développement durable implique de prendre en compte ses diverses
dimensions (concept multiforme), notamment les domaines concernés :
domaine technico-social : fonction productive (organisation du travail). fonction sociale (progrès
sociaux et droits de l'homme), fonction environnementale (préservation de l'environnement).
domaine politique : relations internes à l'entreprise et relations externes, qu'il faut relativiser compte
tenu des diversités culturelles et des différences d'évolution des niveaux de développement
technologique.
Tous les partenaires de l'entreprises sont pris en compte (en relations professionnelles ou en relations
sociétales).
Par ailleurs c'est un concept complexe qui couvre des domaines contradictoires : action sociale,
gestion environnementale, gouvernement d'entreprise, relations contractuelles externes - clients -
fournisseurs, relation avec la société civile, action d'insertion, déontologie, action de type humanitaire,
engagements pour les droits de l'homme.
Il est finalement difficile de définir le concept de développement durable, précisément à cause de…"sa
dimension multiforme et à la multitude de critères que le concept recouvre. De cette variété découle
une grande complexité de perception et d'interprétation" (Bello, 2001).
De plus les critères illustrant le développement durable ne font pas l'objet de mesures homogènes.
Ainsi la grande variété des indicateurs retenus complexifie la mesure.
II - LES PRESCRIPTIONS EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT DURABLE Nous nous sommes inspirés ici de la démarche initiée par les cabinets de conseil en
développement durable, notamment du cabinet BMJ Consultant qui propose une
approche structurée s'appuyant sur des conceptualisations en perpétuelle
évolution13.
Cette approche aboutit (provisoirement) à une série de critères dont l'analyse est
déterminante pour apprécier la position de l'entreprise dans le domaine du
développement durable. Il s'agit d'une approche qualitative basée sur l'idée d'une
intervention en amont de la notation14, selon une grille d'analyse rigoureuse (annexe
2). 13 Le cabinet BMJ a mis au point une méthodologie propre à l'application du concept de développement durable
aux collectivités territoriales et vient de mener une enquête auprès des 110 plus grosses villes françaises (Les Echos - mardi 25 mars 2003).
14 Un cabinet comme BMJ a une approche différente de celle que développent les agences de notation sociale. Par exemple Vigéo (qui a repris récemment les activités de Arèse) a établi un référentiel à partir des critères
6
2.1. les critères du développement durable dans la démarche de conseil : Les critères (non exhaustifs) peuvent être classés en critères internes et externes.
2.1.1. les ressources humaines L'analyse économique a évoqué la question du capital humain dès les années 60 (Becher - 1960).
Nous admettrons qu'au niveau micro la façon dont l’organisation traite des questions sociales est
déterminante pour optimiser son fonctionnement. Mais il peut exister une contradiction entre les
problématiques de resserrement des coûts et l’intérêt objectif des salariés. Un regard particulier doit
donc être porté sur cette question de sorte que l’optimum recherché soit global et combine les intérêts
de toutes les parties prenantes. La démarche consiste ici à examiner le degré de prise en compte de
ce principe. C’est par l’examen de la politique et de l'ensemble des missions menées par l’entreprise
en faveur de ses collaborateurs qu’il est possible de juger du degré de pertinence de ses actions en la
matière.
Bien entendu cette évaluation s'effectue au regard des enjeux sectoriels auxquels l'entreprise est
soumise et en fonction des orientations stratégiques qu'elle a adoptées.
Dans la démarche pratique les principaux thèmes transversaux abordés concernent : 1/ les relations
sociales ; 2/ l’employabilité ; 3/ la gestion de carrières ; 4/ la formation.
2.1.2. le gouvernement d’entreprise : L’amélioration des relations entre l’entreprise et ses actionnaires dépend très largement des
procédures mises en œuvre aux fins de les faciliter. Dans ce contexte, la qualité du contrôle
qu’exercent les actionnaires est déterminante. Un examen particulier du fonctionnement du conseil
d’administration, des modalités et moyens de l’information aux actionnaires, des outils de dialogue et
des principes et pratiques de gouvernement d’entreprise est donc mené.
Les principaux thèmes transversaux abordés concernent : 1/ La présence d'administrateurs
indépendants ; 2/ La représentativité des administrateurs ; 3/ La transparence sur les rétributions des
administrateurs et des dirigeants ; 4/ Les outils d’information (réunions, club d’actionnaires, …) ; 5/
Les comités spécialisés de contrôle.
2.1.3. les clients et fournisseurs : La qualité (au sens large du terme) de la relation que l’entreprise entretient avec ses clients et ses
fournisseurs est explicite de sa capacité à s’intégrer dans le processus global de transformation et de
distribution. Par ailleurs l’examen de cette relation permet d’évaluer sa contribution à la création de
valeur, tant en amont qu’en aval. Bien entendu, le critère "clients/fournisseurs" intègre pleinement les
principes de la qualité totale (total quality maintenance) telle que mis en application par le
management de l'entreprise.
décidés par les organisations internationales, des réglementations nationales et des engagements des groupes et procède à la notation des entreprises à partir de 49 critères prédéfinis. La méthodologie BMJ se place en amont, en forme de conseil aux entreprises dans la perspective de leur notation, à partir d'une grille précise (annexe 2).
7
Les principaux thèmes transversaux abordés concernent : 1/ la maîtrise des processus et des
services ; 2/ l’orientation client du management ; 3/ la capacité à innover pour le client ; 4/ la symétrie
de traitement des fournisseurs ; 5/ le développement de partenariats en R&D ; 6/ le respect de la
qualité des produits.
2.1.4. l'environnement naturel : L’environnement naturel n’est ni une personne morale, ni une personne physique classique. Il
constitue néanmoins un “ stakeholder ” particulier et fondamental pour l'entreprise. Toutes les actions
menées par l’entreprise à l'égard de son environnement naturel doivent donc être retenues puisque
déterminantes sur celui-ci. La valorisation des relations qu’entretient l’entreprise avec son
environnement s’entend au sens classique du développement durable, notamment comme devant
permettre d’améliorer les ressources des générations futures. Cette attention à l’environnement
naturel est légitime pour toutes les activités pratiquées, quelle que soit leur nature. Bien entendu cette
dernière est déterminante quant à l’importance et à l’intensité de l’impact.
Les principaux thèmes transversaux abordés concernent : 1/ la gestion des risques environnementaux
; 2/ le contrôle des prescriptions légales ; 3/ le programme d’économie des ressources (eau, air,
énergie, …) ; 4/ les programmes de recyclage et d’élimination des déchets ; 5/ la gestion des
transports.
2.1.5. la société civile : L’activité de toute entreprise a un impact sur l’ensemble des acteurs de la société. Celui-ci diffère
selon le positionnement et l’engagement de l’acteur concerné. Il est donc important de cerner
l'ensemble des engagements pris par l’entreprise en faveur des acteurs économiques et sociaux
apparemment les plus éloignés de son métier, dans son environnement local et associatif. Il s’agit
d’apprécier les contributions globales et collatérales dont peuvent bénéficier l'entreprise et ses parties
prenantes désignées.
Les principaux thèmes transversaux abordés concernent : 1/ les différentes formes de mécénat
(humanitaire, social, culturel, …) ; 2/ la participation à des projets de développement territorial et local
; 3/ l'insertion des populations déshéritées ; 4/ le partage de savoir-faire, au sens d'apprentissage
dans les organisations apprenantes (Argyris -1970, Senge -1990).
2.2. les séquences de l’intervention du conseil en développement durable : L'intervention du conseil est séquencée de manière rigoureuse. La collecte de l’information tient une
place importante. L’information est en effet déterminante dans le processus d’appréhension et la
compréhension du problème. Dès lors que ce préalable est respecté, l’évaluation (la réalité telle
qu’observée) tend à se confondre avec les données réelles (la réalité intrinsèque). La méthodologie
proposée est la suivante.
8
2.2.1. Constitution d'une data room Elle se fait par compilation de divers documents relatifs à l'entreprise : études, rapports, plaquettes,
accords d’entreprise, etc. Ces documents concernent les données de l’entreprise dans les domaines
étudiés : ressources humaines, environnement, qualité et relations clients/fournisseurs, relations à la
société civile, gouvernement d'entreprise. Ainsi peut-on détecter les principes de fonctionnement et
les modalités de gestion qui caractérisent l’entreprise. Ce travail débouche sur l’établissement
d’hypothèses de travail.
2.2.2. La rencontre avec les responsables de l'entreprise Les entretiens avec les responsables de l’entreprise permettent de valider (ou d’invalider) les
hypothèses de travail préalablement déterminées. Ils permettent également de compléter et d’enrichir
les informations de la première étape du processus global de la mission.
2.2.3. Le recours aux grands témoins Il s'agit, par cette consultation, de valider les hypothèses préalablement établies. Ces grands témoins
sont des observateurs avertis des problématiques du développement durable et des enjeux qui
concernent l’entreprise.
2.2.4. L'évaluation Chaque critère relatif au développement durable donne lieu à un examen au travers des
problématiques majeures auxquelles l’entreprise est confrontée. A partir d'un tableau du type
forces/faiblesses peut alors être mise en œuvre la démarche d'évaluation.
2.3. La méthode La méthodologie combine des principes de réalisme et de volontarisme éthique. Il s'agit de
prescription prenant appui sur les pré-acquis de l'entreprise (Cette méthodologie, mise au point par le
cabinet BMJ Consultant, est évoquée avec son autorisation).
Cette méthodologie exploite une base documentaire constituée de données qualitatives à partir
desquelles est effectué un travail d’évaluation du respect des principes. Les approches quantitatives
et métriques développées par certaines agences de notation ayant révélé des limites, la performance
sociétale des entreprises est donc appréhendée ici à partir de critères complémentaires aux critères
quantitatifs. Si ces derniers viennent néanmoins illustrer les évaluations qui sont faites, ils ne
pourraient représenter, s'ils étaient utilisés seuls, la mesure de la performance. De plus, ces
indicateurs quantitatifs, souvent simplistes et difficiles à interpréter, n’autorisent qu’une évaluation ex-
post.
En revanche, la méthode qualitative proposée, basée sur l'appréciation du degré de respect des
principes, permet des évaluations ex-ante, puisque le respect des principes est une condition
préalable à la performance.
Les réponses relatives à ces principes, faites par les entreprises, fournissent des moyens d'évaluation
non mécanistes et moins rigides que dans la méthode quantitative.
Dans le modèle d’évaluation mis au point par BMJ Consulant les principes sont :
9
2.3.1. la transparence de l'INFORMATION L'information concerne les éléments de gestion de l’entreprise (exclut la propriété industrielle et les
brevets). Elle concerne également les partenaires de l'entreprise. Plusieurs conditions sont
nécessaires à une bonne information : 1/ l’existence d’un système d’information et de reporting fiable,
reconnu et utilisé ; 2/ la désignation de responsables du système ; 3/ la production de documents
dûment définis dans leurs règles d’édition, de contenu et de destination.
2.3.2. la prise en considération de l'avis de toutes les PARTIES PRENANTES Le pilotage d’une entreprise consiste à rechercher des objectifs identifiés en tenant compte des
contraintes et des incidences de cette gestion qu'elles soient économiques, sociales,
environnementales et sociétales. Il existe toute une gradation de la prise en compte des opinions des
parties prenantes (simple connaissance de l'opinion, prise en considération de celle-ci et enfin
intégration).
2.3.3. le principe de RESPONSABILITE des actions L’entreprise responsable doit pouvoir : 1/ anticiper les événements concernant ses domaines
d’intervention relativement à l’ensemble des critères du développement durable ; 2/ prévenir les
risques par des processus de fonctionnement adaptés et sécurisés ; 3/ corriger les erreurs ; 4/
répondre à l’ensemble des sollicitations qui lui sont adressées.
2.3.4. la reconnaissance de ses propres dysfonctionnements (L'HUMILITE) La détection des erreurs, leur résolution et l'adaptabilité de l'entreprise aux nouvelles exigences de
l’environnement interne et externe, est l'une des conditions du développement durable. Cette
procédure contribue à l'amélioration de la performance globale. Pour assurer l'efficacité de cette
procédure, trois modalités doivent être réunies : 1/ la possibilité pour les responsables de l’entreprise
de prendre des risques ; 2/ l'existence des moyens d'assurer un contrôle pertinent, efficace et pérenne
; 3/ l'existence de moyens de correction, efficiente et visible.
2.3.5. la vision de LONG TERME de la stratégie de l'entreprise L’entreprise doit privilégier les orientations de long terme (en matière d’organisation, d’investissement
et de développement). Dans le cadre de ses décisions stratégiques, plusieurs logiques favorisent la
qualité des échanges sans perturber les activités des partenaires : 1/ la logique de partenariat ; 2/ la
logique de collaboration ; 3/ la logique de relations de long terme.
2.3.6. L'équilibre des décisions de gestion (L'HARMONIE) L'équilibre global de l’entreprise, lorsqu'il est atteint en application du principe d’harmonie des
décisions, favorise ses performances dans tous les domaines : sociaux, sociétaux, environnementaux
et économiques.
L'optimum doit être recherché en maximisant les synergies (en évitant de favoriser un domaine
d’action de l’entreprise au détriment d’un autre).
10
2.3.7. LE CONTROLE : l'écoute et la logique du contrôle indépendant Par l'écoute des opinions extérieures il est possible d’enrichir la connaissance collective et de mettre
en œuvre un contrôle indépendant du fonctionnement de l’entreprise.
A l'issue de l'exposé de cette méthode de prescriptions, il nous a paru utile d'effectuer un retour sur le
concept de développement durable en perspective de son enrichissement.
III - RETOUR CONCEPTUEL SUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE Divers travaux prometteurs permettent de jeter les bases d'un renouveau de l'analyse en terme de
développement durable.
3.1. une définition articulant données objectives et intentions des acteurs La combinaison du concept de "développement" et du qualificatif de "durable" donne naissance à une
approche d'une grande richesse. Tout d'abord parce que …"le développement renvoie non seulement
à la vocation économique de l'entreprise mais recouvre également les objectifs et les intentions plus
individuelles de l'ensemble de ses partenaires" (Bello P., 2001). Ce point de vue ajoute des éléments
d'intentionnalité des agents, notamment des entreprises à l'égard des parties prenantes, à la définition
ancienne et classique du développement. Ensuite parce que le qualificatif de durable introduit la
temporalité15.
Le concept de développement durable renvoie à diverses dimensions déjà évoquées : 1/ LA DIMENSION
SOCIALE qui se combine à la dimension économique ; 2/ LA RESPONSABILITE qui suppose des droits et
devoirs dans les modalités d'échange entre l'entreprise et ses partenaires ; 3/ L'EQUILIBRE qui doit
garantir le respect des objectifs des parties prenantes ; 4/ L'HARMONIE des processus de décisions qui
renvoie à la coordination, ce qui implique concertation, discussion, arbitrage, etc ; 5/ L'ENVIRONNEMENT
duquel l'entreprise tire ses ressources et dont elle doit tenir compte ; 6/ LA PERFORMANCE qui est
assurée dès lors que l'entreprise prend des décisions de gestion en harmonie et en équilibre avec les
intérêts de tous ses partenaires.
Le respect de ces dimensions mène-t-il pour autant à l'optimum ? Rien n'est moins sûr car en effet, en
théorie16, ces dimensions sont traitées comme des externalités que l'entreprise internalise. Elle en
assume donc le coût. On pourrait cependant accepter qu'après traitement de ces dimensions,
l'optimum atteint est un optimum second.
15 Même si, comme le fait remarquer P. Bello, le concept anglais "sustainable" est plus riche. Il intègre
notamment la notion de soutien et d'assistance. 16 Il s'agit bien sûr de la théorie économique néo-classique qui inspire la doctrine libérale.
11
3.2. des questions théoriques en suspens
3.1.1. comment envisager la relation entreprise-parties prenantes, en théorie Il existe deux façons d’appréhender l’entreprise dans son environnement :
soit l’on considère le "système monde" globalement, avec des composantes en relations dynamiques,
complexes et contradictoires. Ces composantes sont diverses : Etat, catégories sociales parties
prenantes, entreprises notamment multinationales, banques, etc..
soit l’on considère l’entreprise comme une entité autonome, soumise à des contraintes se traduisant
principalement par des coûts.
Dans les deux cas, des externalités sont envisageables, négatives ou positives. Mais dans le premier
cas, la complexité des relations causales rend difficile la résolution de ces externalités, d’autant que
nous sommes dans des configurations recouvrant des phénomènes contradictoires et que, du fait des
interdépendances, la résolution d'une externalité peut très bien en générer d'autres.
Dans le deuxième cas, l’internalisation des externalités permet de résoudre (au moins partiellement)
leurs effets, sous l’hypothèse que la vision que l’on en a soit exhaustive. En effet, tout "oubli" nous
éloigne de l’optimum.
La démarche de développement durable consistera donc principalement pour les entreprises et leurs
conseils à édicter des prescriptions relativement à la prise en compte des effets externes. Des
méthodologies élaborées existent. Nous les avons évoquées.
Il nous faut cependant revenir sur les fondements théoriques des démarches de développement
durable et sur les conditions de leur dépassement.
3.2.2. Le modèle dominant en terme de stakeholders est-il pertinent ? Le concept de stakeholder s’appuie sur la théorie de l’agence et implique de considérer les relations
entre les acteurs comme des relations contractuelles.
le caractère réducteur de l'approche fondée sur la relation contractuelle Les parties prenantes sont caractérisées par de nombreuses interdépendances qui les lient à
l'entreprise. La relation principal-agent qui fonde la théorie de l'agence ne suffit pas à embrasser
l'ensemble des "parties-prenantes" impliquées dans le concept de développement durable. Dans les
versions les plus élaborées de la théorie de l'agence, l'entreprise est considérée comme un nœud de
contrat, ce qui permet la généralisation de la problématique. Selon le modèle stakehorder, l'entreprise
doit avoir comme objectif la défense de l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes (investisseurs,
dirigeants, employés, fournisseurs, clients, etc.).
La démarche développement durable peut s'inscrire dans cette perspective. Mais elle est réductrice.
En effet les relations que l'entreprise entretient avec ses salariés et avec son environnement sont
extrêmement complexes et ne peuvent être réduites à une série de contrats explicites ou implicites.
Aussi la liste des parties prenantes impliquées dans la relation de développement durable avec
l'entreprise doit être considérée comme indicative. Elle sera utilement complétée au fur et à mesure
des investigations théoriques.
On peut admettre que si les relations contractuelles structurent effectivement les relations
interindividuelles, inter-organisations, et entre individus et organisations, elles peuvent difficilement
servir de théorie sociologique expliquant les relations sociales. Ceci signifie pratiquement que la
12
démarche prescriptive que nous préconisons, si elle s'appuie sur l'approche "stakeholder", se trouve
implicitement limitée. Mais elle est néanmoins la plus sûre qui soit dans l’état actuel des recherches. Il
faut cependant considérer qu'elle doit intégrer progressivement les acquis de celles-ci, tant du point
de vue de la problématique que de la méthodologie.
le dépassement de la relation contractuelle La prise en compte de la complexité des relations entre les agents implique de décrire les limites des
approches en terme de stakeholders et de définir les conditions globales du développement durable
(notamment les engagements des pouvoirs publics, des clients, des fournisseurs, et plus
généralement des citoyens).
Mais la prise en compte de la complexité risque de nous éloigner de l’opérationalité, compte-tenu de
l’existence de causalités croisées et hiérarchisées. Ainsi une externalité peut résulter de plusieurs
facteurs, simultanément ou en cascade. La démarche prescriptive consistera alors, par les choix de
critères qui seront faits, à minimiser les effets en cascade. Il s’agira de choisir les critères les plus
pertinents, au sens où leur impact est plus fort que les autres, ou encore au sens où il annihile l’impact
d’autres critères liés.
3.3. l'émergence de pistes nouvelles pour gérer et interpréter le développement durable 3.3.1. un exemple de gestion libérale des externalités générées par l'activité d'entreprise : le marché des permis d'émission (Condé Y., Orange G., 2002) Dans le cas particulier de l'effet de serre, un mécanisme d’échange de droits de rejet dans
l’atmosphère de six gaz à effet de serre a été élaboré. Ainsi est né le marché des permis d’émission
négociables (PEN) (principe décidé en 1997 dans le cadre du protocole de Kyoto)17. Ainsi les
entreprises peuvent racheter des permis d'émission en cas de dépassement des quotas qui leur ont
été attribués, si elles ne font pas le choix d'investir pour mettre aux normes les installations existantes.
Le marché des PEN est un exemple de mise en place d'une internalisation libérale qui combine la
résolution d'un problème global (exprimé par des normes à ne pas dépasser), la "solidarité" des
pollueurs (les normes sont spécifiées par pays et par secteurs de production), et la solution au
problème (investissement dans des procédés non polluants ou rachats de PEN).
Mais loin de résoudre toutes les difficultés nées de la pollution atmosphérique, le marché mis en place
…"voile l’importance des questions générales d’utilisation des ressources naturelles, de types de
développement, de coopération, de formes et de répartition de la croissance mondiale" (Condé Y.,
Orange G., 2002) Cette problématique a sa place dans la démarche en terme de développement durable. Elle atteste
qu'il existe bien une voie "libérale" à la prise en compte des externalités, et de fait, confirme l'existence
d'une voie alternative qui s'inspirerait davantage de l'approche en terme de Biens Publics Mondiaux.
3.3.2. une piste nouvelle : les Biens Publics Mondiaux (Philippe Hugon, 2002)
13
Des travaux récents ouvrent la voie d'une interprétation en terme de biens communs, de biens
collectifs ou de biens publics mondiaux (BPM) ou globaux (Nations Unis - 1999)18. Ces biens
émergent consécutivement à la mondialisation. Nous assistons à une montée en puissance du global,
notamment la pollution atmosphérique, la gestion de l’eau, etc.
Dans ce contexte … "il n’existe pas d’autorité supranationale ayant la légitimité pour produire et
financer ces biens d’où un financement insuffisant et une production sous-optimale de biens publics
mondiaux" (Philippe Hugon, 2002).
Bien qu'il relève de l'approche publique (la production de biens particuliers par l'Etat et les entreprises
publiques), cette approche nous a paru prometteuse. Elle traduit en effet, avec l'extinction de l'Etat et
la privatisation des activités publiques, l'émergence de besoins non couverts.
Sur les aspects "prise en compte de l'environnement", la démarche en terme de BPM se rapproche
fortement de la démarche en terme développement durable. Ainsi Hugon énonce … " La prise en
compte des BPM oblige à changer d’échelle de temps (penser en même temps le court terme et
l’intergénérationnel) et d’espace (articuler le local et le global)".
Tout comme celle de développement durable, la notion de BPM est relative dans l'espace (différences
culturelles d'appréciation) et dans le temps (évolution des technologies).
Les BPM sont difficiles à définir. Acceptons avec Hugon qu'ils couvrent notamment les domaines
suivants : 1/ les "biens communs" et "les patrimoines planétaires" libres mais convoités ; 2/ les biens
tutélaires nationaux en voie de régionalisation ou de mondialisation (éducation, santé, sécurité
physique et alimentaire, stabilisation financière).
L'existence de BPM nous interroge sur la problématique la plus pertinente pour les mettre en lumière,
sachant qu'il s'agit, ici aussi, de réduire les externalités résultant de l'activité d'entreprises, externalités
que les Etats prennent de moins en moins en charge19. Il y a en effet deux voies d'approche des BPM
(Philippe Hugon, 2002) :
celle consistant à les considérer comme résultant de défaillances des marchés et des Etats.
celle consistant à les considérer comme parties intégrantes de patrimoines, de biens communs et de
défaillances de droits20.
Si la première aboutit à la mise en place de marché des droits de propriété, d'accès et d'usage, de
droits à produire des externalités (type PEN), la seconde aboutit plutôt à l'intervention d'une puissance
publique internationale susceptible d'édicter des règles et des sanctions ou à des négociations
aboutissant à des conventions internationales21.
17 Nous utiliserons le terme de "permis d'émission" plutôt que celui de "droits d'émission". 18 Les biens publics mondiaux ont été clairement définis dans un rapport publié en 1999 par les Nations Unis dans le cadre du Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD). Au sommet de Johannesburg, un groupe de travail international sur les biens publics mondiaux a été créé. 19 Il faut relativiser cette affirmation. Par exemple la France s'est dotée d'un Etablissement Public Industriel et
Commercial pour réguler certaines activités polluantes et pour développer la réflexion sur la préservation de certains principes environnementaux. Il s'agit d'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie). A noter qu'elle est habilitée par décret à percevoir une taxe parafiscale sur les émissions de polluants dans l'atmosphère.
20 Cette voie n'est pas sans rappeler la problématique ancienne en termes de besoins sociaux (Bardelli P., 1978). 21 Ainsi Ben Lefetey préconise-t-il la régulation des activités des entreprises multinationales au travers d'une
convention internationale, convention sur la responsabilité, juridiquement contraignante. Il préconise même de
14
Le développement durable peut donc être approché dans l'un ou l'autre de ces termes. Pour
l'entreprise en quête de développement durable ces données seront des contraintes. Elle sera donc
soumise soit à un marché lui permettant de racheter les externalités qu'elle aura produit, ou bien à
une réglementation imposant qu'elle prenne en charge un coût administré.
Notons qu'une troisième voie existe, fondée sur le volontarisme de l'entreprise (type expérience
EDF22).
3.3.3. la gestion des effectifs23 Couramment confrontées à ce problème, les entreprises engagées dans une démarche de
développement durable vont très vite se retrouver devant une difficulté majeure, d'autant que, face
aux mutations économiques qui s'opèrent et aux restructurations qu'elles impliquent sur les
entreprises, le modèle régulateur de l'Etat central ne fonctionne plus. Par ailleurs les restructurations
et les licenciements sont en contradiction totale avec les préceptes managériaux (slogans sur
l'implication, responsabilisation des salariés). Enfin les restructurations ont des effets en cascade (sur
les territoires et les sous-traitants) (Frank Aggeri et Frédérique Pallez, 2002).
Parmi les problèmes de ressources humaines qui se posent à l'entreprise figure donc la gestion des
effectifs. Cet aspect particulier de la GRH est très explicite des problématiques de développement
durable. En effet plus que la participation des salariés aux décisions et aux résultats, plus que la
gestion des salariés vieillissants, la gestion des effectifs renvoie souvent à des mesures radicales
telles que la suppression d'emplois. Les causes de la réduction d'effectifs sont nombreuses et
multiples. Les explications, s'appuyant sur des fondements paradigmatiques divers, sont multiples et
varient selon que l'on se place dans une perspective économique, conventionnaliste, sociologique,
la coupler avec une déclaration des droits de l'homme s'imposant aux entreprises. Il s'agit de les responsabiliser aussi bien dans les domaines sociaux qu'environnementaux. Ceci revient à reconnaître le rôle essentiel que doit jouer ce type d'entreprise dans le développement durable : " Elles doivent aller beaucoup plus loin que rendre des comptes à leurs actionnaires. Elles ont besoin d'être intégrées au processus de gouvernance mondiale, et pas seulement à celui des lois et des règles nationales", in "Les multinationales doivent rendre des comptes", les amis de la terre France, juillet 2002.
22 EDF s’est engagé dans le combat pour le développement durable, avec une attention particulière sur les émissions de gaz à effet de serre, et sur le respect de l’environnement mis à mal par la production, le transport et la distribution de l’électricité (respect de l’envrionnement). EDF s’est par ailleurs engagé sur deux autres points : le développement économique et l’équité sociale.
L’entreprise s’est donc responsabilisée et a engagé une réflexion en vue d'apporter des solutions pour concilier croissance économique, respect de l'environnement et progrès social, en partenariat avec les collectivités territoriales (notamment en participant à la construction d’Agendas 21 locaux en France et à l’étranger). EDF a notamment signé la Charte des entreprises publiques pour le développement durable, (avec l’Aéroport de Paris, la Caisse des Dépôts et consignations, Gaz de France, l’Office National des Forêts, la RATP, la SNCF, les Voies Navigables de France).
Sur le plan de sa propre stratégie, EDF s’est engagé du point de vue de la solidarité dans 4 domaines : 1/ la relation avec les clients en difficulté et la mise en œuvre du droit à l'électricité ; 2/ l'aide à l'emploi et à l'employabilité ; 3/ la politique de la ville et la solidarité avec les territoires ; 4/ le mécénat de la solidarité en faveur des personnes souffrant de grande exclusion économique, sociale ou physique.
23 La gestion des effectifs ne représente que l’un des aspects de la GRH concerné par la démarche "développement durable". Dans cette communication, nous n’aborderons pas les autres aspects, ce qui ne revient pas à en ignorer l’importance. Nous nous permettons néanmoins de faire remarquer que, lorsque les réductions deviennent massives en période d’intenses restructurations industrielles, la gestion des effectifs "relativise" les autres aspects.
15
sociocognitive (Moulin Y., 2001). Plus l'on s'éloigne des raisons qui tiennent à l'objectif de rentabilité
des capitaux, plus les entreprises peuvent renoncer facilement à la réduction d'effectifs.
La réponse à la question de la rentabilité déterminera le degré de latitude des entreprises dans le
domaine de la réduction d'effectifs. C'est une question théorique au sens fort du terme dans la mesure
où la réponse indiquera si le développement durable est (ou non) contradictoire avec la recherche de
la rentabilité optimale.
Maintenant, même s'il y a contradiction (dans la problématique de la recherche du profit), l'intégration
théorique du développement durable est possible au travers de la notion d'optimum second.
En tout état de cause, en matière de réduction d'effectifs, on retrouve l'approche par les stakeholders.
En effet diverses parties prenantes interfèrent : "les représentations des dirigeants sont largement
instables et contingentes à l'influence des actionnaires sur le système décisionnaire, mais cette
réduction est également liée aux jeux d'acteurs divers : responsables locaux, représentants du
personnel, etc " (Moulin Y, 2001).
------------------
CONCLUSION GENERALE Il nous est apparu intéressant, à travers un tableau de synthèse (voir annexe 1) de résumer
l'ensemble des réflexions développées dans cette communication.
Concept en cours de construction, le développement durable s'applique aussi bien aux Etats qu'aux
organisations de plus petite taille, publiques ou privées.
Dans cette acception le concept de développement durable est donc un concept qui relève de l'action
plus que de l'analyse. Il implique une très grande cohérence entre les actions des organisations
publiques et des organisations privées, dans un contexte de mondialisation et de rétraction de la
sphère publique dans de nombreux Etats, notamment européens.
Il va de soi que les actions développées par les entreprises auront un caractère limité sur le problème
d'ensemble, mais dans un dispositif concurrentiel, LA NOTATION va jouer un rôle essentiel. En incitant
les entreprises à s'engager dans la compétition du développement durable (pour elles il s'agit de
réduire leurs externalités), elles peuvent contribuer à limiter les incidences globales et négatives de
ces externalités.
Par ailleurs le concept de développement durable est par essence évolutif et relatif (dépend du taux
de croissance du pays, du niveau de développement économique et de dimensions socioculturelles).
Il donne donc lieu à des interprétations variables dans le temps et dans l'espace, rendant en cela
difficile le pilotage des firmes multinationales confrontées à diverses cultures nationales. Ce concept
est relatif du fait également des spécificités sectorielles qui s'imposent aux entreprises, notamment
par rapport à l'environnement et par rapport aux critères sociaux et sociétaux.
16
Le rôle du Conseil en développement durable est donc tout à fait particulier et original parce qu'il
contribue simultanément à garantir l'avenir de l'organisation et de son environnement matériel,
écologique, culturel, social. Mais pour être en phase avec les réalités de l'entreprise, son organisation
interne et son environnement externe, il doit appuyer sa démarche sur les derniers progrès de la
recherche en ce domaine.
Parmi les questions de fond, le rapport du "marché" au "hors marché" est déterminant, dans un
contexte de recul du second. Les réponses à ce questionnement conduisent à des méthodes de
résolution des externalités qui peuvent être très différentes. L'internalisation d'éléments hors marché
par internalisation des coûts relève de la logique de l'économie politique néoclassique. L'alternative
réside sans doute dans une approche en termes de rapports économiques et sociaux complexes, où
les solutions résulteraient des conditions du moment (les rapports de force). Dès lors la prise en
compte des valeurs incluses dans le développement durable résulterait davantage que dans la
première démarche, de l'existence de la notation qui elle-même, rappelons-le, est induite par plusieurs
facteurs :
un effet d'imitation résultant du risque encouru par la notation, voire l'absence de notation, en rapport
avec l'attitude des entreprises concurrentes (on ne peut pas faire moins bien que les concurrents dans
les domaines concernés),
un effet de coercition résultant des pressions politiques et sociales (action des écologistes, des
gouvernements, des populations, etc.). Il faut noter également l'émergence d'une citoyenneté
transnationale susceptible de "formater" les opinions publiques nationales (au sens d'entité homogène
culturellement) sur les questions sociales, sociétales et environnementales.
un effet de substitution de responsabilités résultant de l'affaiblissement des Etats régulateurs (dont la
législation s'assouplit en matière salariale comme en matière de défense de l'environnement) et de
l'absence d'autorité transnationale capable de se substituer à ces Etats défaillants. Ce sont donc les
entreprises qui doivent "spontanément" décider des mesures à prendre.
Avec ces nouvelles données environnementales et contextuelles, nous sommes incontestablement
rentrés dans l'aire de l'organisation apprenante et concourante.
17
Bibliographie Aggeri Franck et Pallez Frédérique, "Restructurations industrielles et mondialisation : une
reconversion aussi pour l'Etat ?", in "l'action publique face à la mondialisation", 12ème colloque
international de la Revue "Politique et Management Public", 14-15 novembre 2002.
Argyris C., "Participation et organisation", Dunod, 1970
Andreff Wladimir, "Profits et structures du capitalisme mondial", Calmann Lévy, 1976
Bardelli Pierre, "Les indicateurs sociaux ou la tentative d'intégrer les variables sociales dans l'analyse
économique", thèse doctorat, Nancy, 1978.
Becker Gary, "A theory of the allocation of time", Economic Journal, 1965.
Clark Colin, "Les conditions du progrès économique", PUF, 1960
Ben Lefetey, "Les multinationales doivent rendre des comptes", les amis de la terre France, juillet
2002.
Condé Y., Orange G., "Les marchés de permis d'émission de gaz à effet de serre : efficacité de
l’action publique ou privatisation de l'environnement ?", in "l'action publique face à la mondialisation",
op. cit.
Delapierre Michel, Michalet Charles Albert, "Les implantations étrangères en France : stratégies et
structures", Calmann-Lévy, 1976.
d'Iribarne Philippe, «La politique du bonheur », éd. Seuil, 1973
Férone G., d’Arcimoles CH., Bello P. et Sassenou N., "Le développement durable", éd.
organisations, 2001
Galbraith John Kenneth, "The affluent Society", The Riverside Press, Cambridge, 1958 ; "Le nouvel
Etat industriel", Gallimard, 1968
Gendarme René, « des sorcières dans l'économie, les multinationales », éd. Cujas, 1981.
Hugon Ph., "Les biens publics mondiaux : un renouveau théorique pour penser l’action publique à
l’échelle mondiale ? ", in "l'action publique face à la mondialisation", op; cit.
Lattès Robert., « Pour une autre croissance », Le Seuil, 1972
Michalet Charles Albert, '"Le capitalisme mondial", PUF, 1976
Moulin Yves, "contribution à la connaissance du processus de réduction des effectifs intrumentée par
un plan social - une analyse empirique des mécanismes formels et informels", thèse de doctorat en
Sciences de Gestion, Nancy, 2001.
Nations Unis, "Les biens publics à l'échelle mondiale. La coopération internationale au XXIème",
direction Kaul I., Grunberg I., Stern M.A., PNUD, Oxford Un. Press, 1999.
Perroux François, "l''Economie du XXème siècle", Paris, PUF, 1961 ; "Note sur le coût de l'homme",
Economie appliquée, 1952 .
Rostow Walt Whitman, "The Stages of Economic Growth", Cambridge Un. Press, 1960
Senge PM, "The fifth discipline : the art and practice of the learning organisation," 1990.
18
On peut utilement consulter les sites internet suivants :
http://www.environnement.gouv.fr
http://www.agora21
http://www.ecosites.org
http://www.iedd.org
http://www.gazdefrance.com
http://www.novethic.fr
http://www. sri-in-progress.com
http://www. Bmj-sa.fr http://www.ademe.fr
19
S'applique à deux types
d'organisation
DEVELOPPEMENT DURABLE
Les Etats et les instances supra-nationales
Les organisations publiques (ex. collectivités territoriales) et
les organisations privées (ex. entreprises)
• biens communs • biens collectifs • besoins sociaux • biens publics
Peuvent être produits par des procédures d'internalisation
• Un marché des BPM • Une régulation par les
instances internationales
• externalités • environnement • harmonie interne
Peuvent être résolus par la prise en compte des parties prenantes
• la transparence de l'information • la prise en considération de l'avis de toutes les parties
prenantes • le principe de responsabilité des actions • la reconnaissance de ses propres dysfonctionnements
(l'humilité) • la vision de long terme de la stratégie de l'entreprise • l'équilibre des décisions de gestion (l'harmonie) • le contrôle : l'écoute et la logique du contrôle indépendant
Proximité des deux démarches sur les aspects environnementaux et sur les aspects sociaux globaux
Renvoie aux notions de : Renvoie aux notions de :
ANNEXE 1
20
CRITERES DD
PRINCIPES DD environnement Ressources humaines
Gouvernement d'entreprise
Clients et fournisseurs Société civile
1 Valeurs liées au leadership
2 Entreprise responsable
3 Transparence des informations
4 Engagement parties prenantes
5 Contrôle indépendant
6 Innovation
7 Visibilité à long terme
thèmes abordés :
• le management du risque environnement
• la conformité aux lois et réglementations en vigueur
• l’utilisation des ressources (eau, air, énergie, …)
• les déchets et leur recyclage
thèmes abordés :
• La cohésion sociale • Le management du capital
humain • Les rétributions socio-
économiques • Les conditions de travail • Les relations sociales et
syndicales
thèmes abordés :
• Les outils d’information • La fréquence de la
communication financière • Le contenu de la
communication financière • Le comité des
rémunérations • Le comité des
thèmes abordés : • La maîtrise des processus
et des services • L’orientation client du
management • La capacité à innover
pour le client • La symétrie de traitement
des fournisseurs • La qualité des produits,
thèmes abordés :
• Les différentes formes de mécénat (humanitaire, social, culturel..)
• La participation à des projets de développement territorial et local
• L’insertion des populations déshéritées
Légende : la méthodologie d'évaluation de BMJ s'effectue sur les trois piliers classiques du Développement Durable (social, environnemental, économique), décomposés selon cinq critères et observés en fonction de sept principes.
MATRICE D'EVALUATION DEVELOPPEMENT DURABLE
CONTENUS
ANNEXE 2
21
• l’éco-conception • la biodiversité
• La conciliation des temps nominations • Le comité d’audit • Les administrateurs
indépendants
la santé et la sécurité des clients
• Le développement de partenariats en R&D
• Le partage de savoir-faire • Les échanges Nord-Sud
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