le règlement européen sur les successions et nouvelles
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Le règlement européen sur les successions et nouvellesperspectives pour les systèmes juridiques nationaux
Giovanna Debernardi
To cite this version:Giovanna Debernardi. Le règlement européen sur les successions et nouvelles perspectives pour lessystèmes juridiques nationaux. Droit. COMUE Université Côte d’Azur (2015 - 2019); Università deglistudi (Torino, Italia), 2017. Français. �NNT : 2017AZUR0008�. �tel-01564138�
Università degli Studi di Torino Université Côte d’Azur
Scuola di Dottorato in Scienze Umane e Sociali
Ecole doctorale DESPEG
Dottorato in « Diritto, Persona e Mercato »
Unité de recherche : n° 513
Thèse de doctorat En cotutelle internationale
Présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en Droit
de UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI TORINO
et de docteur en Droit
de UNIVERSITÉ CÔTE D’AZUR
Discipline Droit
par
Giovanna Debernardi
Le Règlement européen sur les successions et nouvelles perspectives pour les systèmes juridiques nationaux
Dirigée par Maria Margherita Salvadori / Laurence Caroline Henry
Soutenue le 31 mai 2017 Devant le jury composé de : Mme Laurence Caroline Henry, Professeur agrégé, Université de Nice Sophia Antipolis, Avocat général à la Cour de cassation en service extraordinaire, Directeur de thèse M. Cyril Nourissat, Professeur agrégé, Université Lyon III – Jean Moulin, Rapporteur Mme Maria Margherita Salvadori, Professeur, Université de Turin, Directeur de thèse Mme Alessandra Zanobetti, Professeur agrégé, Université de Bologne, Rapporteur
i
TABLE DES MATIÈRES
Introduction…………………………………………………………………I-XI
CHAPITRE I
LES SUCCESSIONS INTERNATIONALES ET LE REGLEMENT DU
PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL DU 4 JUILLET 2012 EN
MATIERE DE SUCCESSIONS
I. Les successions dans le droit international privé
A. Aperçu de droit comparé……………………………………………………………2
1. Le dualisme et l'unité…………………………………………………………………...2
a) L'unité de la succession…………………………………………………………2
b) la scission de la succession………………………………………………..........4
2. Les correctifs aux principes unitaires et dualistes………………………………………7
a) Les atténuations dans les pays dualistes………………………………………...8
α) Le droit au prélèvement………………………………………………....8
β) Le renvoi………………………………………………………………..10
b) Les atténuations dans les pays unitaires………………………………………..14
3. La professio juris………………………………………………………………….........18
ii
a) Les forces et les faiblesse de la professio juris…………………………………..18
b) Les « codifications » de la professio juris……………………………………….20
α) La Convention de La Haye de 1989……………………………………..21
β) Les solutions nationales…………………………………………....…….23
II. Le nouveau droit des successions internationales dans l'Union européenne
A. La genèse du règlement n. 650/2012…………………………………………………..28
B. Le champs d'application du Règlement………………………………………............31
1. Le champs d’application ratione temporis………………………………………………31
2. Le champs d’application rationae loci…………………………………………………..33
3. Le champs d’application ratione materiae………………………………………………34
C. Les fondements du nouveau Règlement sur les successions…………………...........38
1. L’unité de la succession………………………………………………………………….38
a) L’unité dans la compétence judiciaire…………………………………………...38
α) La compétence dans le droit international privé commun…………….....39
β) La compétence générale : les conditions et le domaine d’application…...42
γ) Le critère de la résidence habituelle……………………………………...43
b) La rupture de l’unité dans la compétence judiciaire……………………………..46
α) Les règles de compétence subsidiaire…………………………………....46
β) Les limitations de la procédure…………………………………………..48
γ) Le forum necessitatis……………………………………………………..50
c) L’unité de la loi applicable à la succession………………………………………51
iii
α) La règle générale : la loi de la dernière résidence habituelle du
défunt……………………………………………………………………......53
β) La dérogation à la règle générale : la clause d’exception…………….......55
γ) La portée de la loi applicable : l’art. 23 du Règlement……………….......56
d) Les dérogations au rattachement unitaire………………………………………...62
α) La transmission de la succession : l’art. 29 du Règlement……………….62
β) Les lois de police de l’État de situation des biens : l’art. 30 du
Règlement…………………………………………………………………...65
e) La rupture de l’unité dans la loi applicable………………………………………68
α) Le renvoi : l’art. 34 du Règlement……………………………………….68
2. L’autonomie de la volonté……………………………………………………………….71
a) Les dispositions mortis causa……………………………………………………72
α) Les dispositions à cause de mort différentes des pactes successoraux : les articles
24, 26 et 27 du Règlement…………………………………………………..72
β) Les pactes successoraux : l’art. 25 du Règlement………………………..78
b) Le choix de la loi applicable à l’ensemble de la succession : l’article 22 du
Règlement…………………………………………………………………………...82
α) L’objet de la professio juris………………………………………….......83
β) La forme de la professio juris……………………………………………86
γ) Les limites du choix de la loi applicable (renvoi) ……………………….88
c) L’impact de l’autonomie de la volonté sur la compétence judiciaire……………89
α) L’accord d’élection de for : l’article 5 du Règlement…………………...91
β) Le déclinatoire de compétence : l’article 6 du Règlement………………93
3. La libre circulation des jugements en matière successorale…………………………….97
a) Introduction……………………………………………………………………..97
iv
b) Les conditions d’application des dispositions du chapitre IV du Règlement et la libre
circulation des décisions…………………………………………………………...100
α) La reconnaissance des décisions : l’article 39 du Règlement…………..101
β) La force exécutoire des décisions……………………………………....105
c) Les actes authentiques et les transactions judiciaires…………………………..107
α) L’acceptation des actes authentiques : l’article 59 du Règlement……..107
β) La force exécutoire des actes authentiques…………………………….111
d) La force exécutoire des transactions judiciaires ………………………………112
Conclusions au chapitre I…………………………………………………………………113
CHAPITRE II
L'ORDRE PUBLIC DANS LE NOUVEAU DROIT INTERNATIONAL PRIVE
DES SUCCESSIONS
Introduction…………………………………………………………………………….115
I. Le paradoxe de la clause d’ordre public : la protection des droits fondamentaux
A. Le dépassement du paradoxe : la protection des droits de l’homme……………...123
B. La protection des droits fondamentaux dans le Règlement n°650/2012…………..125
1. Le contenu de l’article 35 du Règlement……………………………………………….125
2. Les hypothèses d’intervention de l’ordre public « européen »…………………………128
v
a) La nécessaire application in concreto de l'ordre public…………………………128
b) Le caractère concret de l'ordre public successoral européen……………………130
II. L’intervention nécessaire de l’ordre public successoral dans la compétence
indirecte
A. La compétence indirecte européenne………………………………………………...139
B. Le contrôle de la procédure : l'ordre public procédural………………………........141
C. Le contrôle de l'objet de la décision : l'ordre public au fond…………………........142
1. La sauvegarde des droits fondamentaux humains…………………………………........143
a) L’intervention nécessaire de l’ordre public : le cas des discriminations
successorales…………………………………………………………………........143
b) L’effet atténué de l’ordre public : les mariages polygamiques et
homosexuels………………………………………………………………….........143
III. Le caractère irréductible de l’ordre public : la protection des proches du de
cujus et les pactes successoraux
A. La protection des proches du défunt dans les États de l’Union européenne………148
1. Les États membres de « civil law »………………………………………………...........148
a) La protection des proches du défunt dans le système italien…………………….149
b) La protection des proches du défunt en France………………………………….150
c) La protection des réservataires en Allemagne……………………………...........151
vi
d) La « legitima » dans le droit espagnol…………………………………………….153
2. Les protection des proches du défunt dans les États de « common law » ………...............154
B. La protection des proches du défunt dans le Règlement n°650/2012…………………157
1. La réserve héréditaire : principe fondamental ou principe successoral ? ………………....158
2. La réserve héréditaire et le Règlement n°650/2012………………………………………..162
a) L'esprit du Règlement………………………………………………………………162
b) La nature de l'exception de l'ordre public…………………………………………..165
α. La réserve héréditaire : une appréciation in concreto……………………....166
β. La réserve héréditaire : une appréciation actuelle…………………………..169
C. Le pacte successoral : un principe fondamental ? ……………………………………..173
1. La position des pactes successoraux en droit comparé…………………………………….173
a) Les systèmes prohibitifs……………………………………………………………174
b) Les systèmes libéraux……………………………………………………..............175
2. Les tempéraments à la prohibition des pactes successoraux……………………………...177
3. Les pactes successoraux dans l'article 35 du Règlement n°650/2012……………………179
D. La réserve héréditaire et les pactes successoraux dans la compétence indirecte :
l'irréductibilité de l'ordre public au fond………………………………………………..183
1. L'ordre public au fond et la réserve héréditaire………………………………………….183
2. L’ordre public au fond et les pactes successoraux………………………………............185
vii
Conclusions au chapitre II………………………………………………………………….186
CHAPITRE III
LE CERTIFICAT SUCCESSORAL EUROPEEN : UN NOUVEL
INSTRUMENT POUR LES SYSTEMES JURIDIQUES NATIONAUX
Introduction………………………………………………………………………………..190
I. Les conflits entre certificats : de la coexistence à la primauté du certificat
successoral européen
A. La coexistence imposée : la concurrence entre les certificats………………………...199
1. La coexistence « interne » : la délivrance de deux instruments dans un même État
membre………………………………………………………………………………………200
2. La coexistence « transfrontalière » : la délivrance de deux instruments dans deux États membres
différents…………………………………………………………………………..................202
3. La coexistence « communautaire » : la délivrance de deux certificats successoraux
européens…………………………………………………………………………………….204
B. La coexistence dépassée : la prééminence du certificat successoral européen………206
1. La règle de la priorité temporelle : ses avantages…………………………………………207
2. Le rejet du critère chronologique : la priorité du certificat successoral
viii
européen……………………………………………………………………………..209
a) Les forces du certificat successoral européen…………………………………….209
b) Les limites de la priorité « européenne » ………………………………...............212
C. La coexistence évitable : la collaboration entre autorités et la création d’un registre des
certificats européens……………………………………………………………………….213
1. La prévention du conflit par la coopération intra-européenne……………………………213
a) La prévention du conflit « interne » ……………………………………………..214
b) La prévention du conflit « transnational » ………………………………………215
2. La prévention du conflit par la création d’un registre des certificats successoraux
européens…………………………………………………………………………………...216
II. Le certificat successoral et les régimes matrimoniaux : une (possible)
harmonisation commune
A. Les limites du certificat successoral européen : les conflits de lois
matrimoniales……………………………………………………………………………..221
1. Les limites à l’amont du certificat européen…………………………………………….221
2. Les limites à l’aval du certificat européen………………………………………………224
B. Les réponses aux conflits : entre présent et avenir du droit des régimes
matrimoniaux……………………………………………………………………………..229
1. Un conflit actuel : quelles solutions pour le présent ? ………………………………….229
ix
a) Le rejet de la méthode de la reconnaissance dans le certificat
européen…………………………………………………………………………..230
b) La solution présente : la reconnaissance de l’acte authentique
complémentaire…………………………………………………………………...233
α. La reconnaissance de l’acte authentique complémentaire : le
principe……………………………………………………………………233
β. La reconnaissance de l’acte authentique complémentaire : les (prétendues)
faiblesses…………………………………………………………………..235
γ. La reconnaissance de l’acte authentique complémentaire : ses
avantages…………………………………………………………………..238
c) Les solutions pour l’avenir : les règlements (UE) sur les régimes matrimoniaux et sur les
partenariats enregistrés……………………………………………………………242
III. Le certificat successoral européen et la publicité foncière : une nouvelle voie
d’accès aux registres nationaux
A. Les limites légales du certificat européen : l’emprise du législateur national dans le domaine
des droits réels et de la publicité foncière…………………………………………….248
1. Première limite : l’exclusion des droits réels………………………………………...249
a) Les questions régies par la loi successorale………………………………….249
b) Les questions relatives à la « nature » des droits réels………………………251
2. Deuxième limite : les conditions locales pour l’inscription dans un registre
national…………………………………………………………………………………252
B. La force du certificat européen : le dépassement des limites par l’européanisation des
successions internationales…………………………………………………………...255
1. L’adaptation des droits réels dans la mise en jeu du certificat européen……………256
x
2. L’accès à la publicité foncière dans le cadre d’une succession
« européenne » ………………………………………………………………………261
a) Un acte authentique européen……………………………………………..262
α. Le concept d’authenticité européenne……………………………..262
β. L’authenticité du certificat européen………………………………264
b) Un acte alternatif aux documents nationaux………………………………267
α. Le certificat successoral européen à l’épreuve de la « résistance »
française……………………………………………………………...271
β. Le certificat successoral européen et l’accès à la publicité foncière
italienne………………………………………………………………278
β.1. Le certificat européen et la « nota di trascrizione » …… 278
β.2. Le certificat européen et le certificat d’héritier…………..282
Conclusions au chapitre III…………………………………………………………...284
Conclusions générales…………………………………………………………….I-VII
Index…………………………………………………………………………………i-iv
Bibliographie sélective……………………………………………………………I-XL
I
Introduction
I. Peu de branches du droit peuvent se vanter d’origines aussi lointaines que le droit des
successions. Avant même que les Romains eussent conquis le monde, les Babyloniens
bénéficiaient déjà d’un système successoral particulièrement organisé et régi par les
fameuses Lois d’Hammourabi1, dont plus de vingt articles n’étaient consacrés qu’au sort
du patrimoine du défunt. Une telle organisation espérait ainsi éviter la prolifération de
guerres fratricides entre les proches du de cujus, chacun luttant pour ses prétentions sur
la succession. Ces racines plurimillénaires expliquent dès lors pourquoi le phénomène
successoral constitue depuis toujours l’un des terrains plus fertiles non seulement pour le
droit interne, mais aussi pour le droit international privé. En effet, il suffit de penser à la
célèbre « question anglaise » analysée par Jacques de Révigny au XIIIème siècle pour voir
que l’évolution des règles de droit international privé a été profondément influencée par
le droit des successions : comment déterminer la loi compétente ? Un tel bien du défunt
est-il meuble ou immeuble ? Comment intervient-il le mécanisme du renvoi ? Certains
droits successoraux sont-ils reconnus comme tels dans l’État du for ?
II. Les règles de conflit nationales se sont ainsi développées, chacune fournissant sa
solution au traitement d’une situation internationale. En parallèle les relations entre les
pays se sont multipliées et la circulation des personnes et des capitaux a donc explosé.
Dans un tel panorama les successions internationales font dès lors l’actualité : n’est-il pas
désormais fréquent d’entendre qu’un de cujus a laissé des biens dans un État différent que
celui d’ouverture de la succession ? Ou bien que la défunt, décédé dans un pays, avait la
nationalité d’un autre État ? Cela est d’autant plus vrai dans une communauté de droits
comme l’Union européenne, où la multiplication du nombre de successions
internationales constitue l’une des manifestations plus claires et évidentes de la libre
circulation des citoyens et des capitaux consacrées dans les Traité fondateurs de 1957.
1 v. D.CHARPIN, Hammu-rabi de Babylone, Paris, PUF, 2003, pp. 229 et s.
II
C’est alors dans cette perspective que s’insère le Règlement (UE) n. 650/2012 relatif à la
compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et
l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la
création d'un certificat successoral européen2, adopté le 4 juillet 2012 et entré en
application à partir du 17 août 20153.
III. Cet instrument, qui fait suite à la proposition du règlement du 14 octobre 20094 et qui
est constitué par pas moins de 84 articles, apporte une véritable révolution dans le
domaine des successions internationales. Tout aspect de droit international privé y est
touché : de la compétence internationale à la litispendance, de la loi applicable à la
reconnaissance et l’exécution des décisions et des actes authentiques. Le droit matériel y
est également compris à travers l’introduction d’un nouvel instrument commun : le
certificat successoral européen.
IV. Le droit international des successions est ainsi bouleversé et les règles de conflits
nationales sont désormais dépassées par les nouvelles normes communes. C’est un
progrès sans précédent dans la discipline des successions transfrontalières européennes,
depuis toujours objet d’innombrables divergences existantes, d'une part, entre les lois
successorales internes et, d'autre part, entre les systèmes de conflit de juridiction. Ainsi,
en matière de lex successionis par exemple, certains États membres suivaient
traditionnellement une approche dualiste (ou "système de scission") en soumettant la
succession mobilière à la loi du dernier domicile du de cujus et la succession immobilière
à la loi du lieu de situation des biens (c'est le cas de la France par exemple). C’est la
consécration de la règle « mobilia personam sequuntur, immobilia vero territorium »
posée par Balde au XIVème siècle et depuis longtemps fondement indiscutable du droit
des successions international de nombreux États5. Ses justifications sont bien simples : la
2 JOUE, n° L 201 du 27 juillet 2012
3 Ainsi dispose l'article 84, paragraphe 2, Règlement
4 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable,
la reconnaissance et l'exécution des décisions et des actes authentiques et à la création d'un certificat
successoral européen COM (2009) 154 final
5 Sur l’histoire de cette maxime, v. C.FREYRIA, La loi applicable aux successions mobilières en droit
international privé français, thèse, Lille, 1946
III
souveraineté de l’État était ainsi sauvegardée, seul le législateur national pouvant
gouverner sur les éléments constitutifs de son territoire indépendamment de la nationalité
de leur ayant-droit6. L’effet de morcellement ne pouvait néanmoins être évité : d’une part
une succession mobilière unique, régie par la loi du dernier domicile du défunt quel que
soit le lieu de situation des biens ; d’autre part une succession immobilière divisée, selon
le nombre d’États sur le territoire desquels se trouvent les biens successoraux.
Transposons cette scission au plan de la compétence judiciaire et nous voici face aux
mêmes résultats : les autorités du lieu du dernier domicile sont (en principe)
compétentes pour la succession mobilière, celles du lieu de situation des immeubles
pour la succession immobilière. Or, prenons maintenant un deuxième groupe d’États
membres ; contrairement aux systèmes précédemment décrits, ces derniers adoptaient une
démarche unitaire fondée sur un seul critère de rattachement pouvant être parfois la
nationalité (telle l’Italie par exemple), parfois le domicile ou la résidence habituelle du de
cujus. La solution qui en découlait était donc radicalement opposée au système prônant
dans les pays dualistes : la lex successionis est unique quelle que soit la nature et la
localisation des biens de la succession ; la juridiction compétente est une seule pour
l’ensemble de la masse successorale.
V. Mais les différences ne s’arrêtaient pas à ces seules questions. En effet, une ultérieure
disparité concernait aussi le choix de la loi applicable à la succession (la « professio
juris »), faculté qui était admise dans certains États membres (tels que la Finlande ou les
Pays-Bas) mais refusée dans d'autres (c’est le cas notamment de la France). C’est un
domaine bien connu au droit international privé des successions, au cours des dernières
années marqué par le triomphe de l’autonomie de la volonté. Les avantages d’une telle
institution sont en effet multiples : prévisibilité, stabilité de la loi applicable, sécurité
juridique. Ces forces sont d’ailleurs bien visibles au niveau international, où la présence
de critères de rattachement les plus disparates finissent par rendre incertain le traitement
d’une succession transfrontalière. Pourtant, les craintes ont demeuré dans certains
6 M.-C. DE LAMBERTYE-AUTRAND, La distinction des meubles et des immeubles en droit international
privé, thèse, Paris, 2001, p. 25
IV
systèmes de droit européens, ces derniers prétendant que l’admission d’une telle faculté
ouvrirait la route à stratégies frauduleuses de la part du défunt. Le résultat ne saurait dès
lors être plus triste : seul dans quelques États membres le de cujus pouvait choisir
valablement la loi successorale.
VI. Cependant les divergences n’étaient pas encore terminées. Ainsi, une dernière
difficulté résidait dans la question de l'administration et de la liquidation successorale,
dans laquelle s'opposent les pays de droit civil d’une part, où l'héritier est directement
saisi de la succession, et les pays de common law d’autre part, où la transmission des
biens successoraux est soumise au contrôle judiciaire par la désignation d'un « personal
representative ». Si donc dans le premier groupe d’États le statut successoral englobait,
normalement, toutes les questions relatives à la transmission et l’administration de la
succession, ainsi régies par la lex successionis, tel n’était pas le cas dans la deuxième
catégorie de pays où l’intervention d’une autorité judiciaire imposait, en principe,
l’application de la loi du for.
VII. Considérées dans leur ensemble, les conséquences de telles disparités étaient dès lors
comparables à un cercle vicieux : l’existence de règles de conflits différentes entre les
États membres compliquait le règlement d’une succession transfrontalière, ce qui
déterminait un ralentissement de la procédure et donc une entrave à la liberté de
circulation au sein de l’Union qui, à son tour, ne disposait d’aucune règlementation
commune pouvant apporter une solution à cet impasse. Le législateur européen ne pouvait
donc pas ignorer ces obstacles : comment garantir le développement d’un espace de
sécurité, de liberté et de justice si un domaine central comme celui des successions restait
diversifié ? Les réticences des pays européens étaient certes nombreuses, d’après tout le
droit successoral constitue, avec celui de la famille, l’une de branches juridiques où le
poids des traditions historiques et sociales est le plus marqué. Cependant les instances
d’harmonisation étaient trop importantes, notamment en raison du projet d’unification,
progressivement réalisée par l’Union européenne, des différents secteurs du droit
international privé. Les barrières nationales ne trouvaient donc plus de justifications : il
était temps que cette vague d’uniformisation « européenne » des règles de conflits
atteigne le droit des successions.
V
VIII. À cet égard, les innovations introduites par le Règlement sont immenses pour un
domaine depuis toujours limité aux frontières nationales. D'abord la nouveauté majeure :
l’unité des compétences judiciaires et législatives qui sont soumises à un seul critère, celui
de la dernière résidence habituelle du défunt. Ainsi, on va voir qu’en vertu de l'article 4
du Règlement Successions, une seule autorité est en principe compétente pour statuer sur
l’ensemble de la masse successorale, quelle que soit sa nature ou son lieu de situation et
pour toutes les questions se posant lors du règlement d'une succession, de l'ouverture de
celle-ci jusqu’au partage et à la transmission des biens aux successibles (art. 23 du
Règlement et considérant 42). Similairement, en application de l'article 21 du même texte,
une seule loi est en principe applicable à « l'ensemble de la succession » du de cujus,
indépendamment de la nature mobilière ou immobilière des biens successoraux et sur la
base d'un seul critère de rattachement, sa « résidence habituelle au moment du décès ».
IX. S’ajoute ensuite la place centrale reconnue à l'autonomie de la volonté à travers la
prévision de la professio juris, c'est-à-dire la faculté pour le de cujus de choisir à l'avance
la loi applicable à sa succession. Sur ce point le Règlement est véritablement
révolutionnaire ! Nous allons voir en effet que la possibilité de choisir la lex successionis
était l’une des divergences majeures entre les États membres, source de nombre de
conflits et difficultés dans le traitement d’une succession transfrontalière. Aucune
harmonisation ne pouvait dès lors être envisagée sans la prévision d’une règle commune
et uniforme dans cette matière. C’est ainsi que l'article 22, paragraphe 1er, Règlement,
comme nous allons voir, prévoit que le défunt puisse soumettre l'ensemble de sa
succession à la loi de l'Etat dont il possède la nationalité au moment du choix ou au
moment du décès, en ajoutant que s'il possède plusieurs nationalités il peut opter
indifféremment pour l'une ou l'autre de ses lois nationales, son choix n'étant pas limité à
sa nationalité effective. Qui plus est, ce rôle majeur accordé à l'autonomie de la volonté
est également reconnu, bien que de manière plus limitée, dans la détermination de la
juridiction compétente en matière de succession: en effet, on va voir que l'article 5 du
Règlement dispose qu'en cas d'exercice de professio juris par le de cujus et que la loi
choisie est celle d'un État membre, les parties concernées peuvent s'accorder afin
d'attribuer à la ou les juridictions de cet État membre une compétence exclusive pour
statuer sur la succession. Cette possibilité simplifie donc ultérieurement un règlement
VI
successoral intra-européen, le juge ainsi désigné pouvant compter sur l’application de sa
loi interne alors même que le défunt est décédé dans un pays membre différent du for.
X. Et que dire des règles exprimant la "faveur" du législateur européen pour l'anticipation
successorale ? Là encore les dispositions du Règlement ne manquent pas d’innovations :
en effet, on va voir que cette favor successionis est particulièrement visible dans la
prévision de rattacher les dispositions mortis causa ( c'est-à-dire les pactes successoraux
ainsi que les testaments, conjonctifs ou non) à la loi successorale dite « hypothétique », à
savoir celle qui aurait été applicable à la succession du de cujus si ce dernier était décédé
le jour de l'établissement de la disposition (art. 24, par.1 et art. 25, par. 1, Règlement).
Combiné avec la faculté de professio juris, ces règles favorisent ainsi un règlement
anticipé de la succession, en vue d’une plus grande certitude et sécurité juridique dans la
transmission « intra-européenne » du patrimoine du défunt.
XI. Cette harmonisation des règles de conflit successorales est de plus complétée, ainsi
que nous allons voir, par la prévision, désormais classique pour les instruments de droit
international privé européen, de règles régissant la reconnaissance des jugements et
l’acceptation des actes authentiques. L’unification des règles de conflit de lois et de
juridiction n’était en effet pas suffisante pour garantir une effective coordination
commune des successions transfrontalières. Pour atteindre cet objectif la compétence
indirecte devait également être touchée, en instaurant la libre circulation des jugements
et les actes authentiques en matière successorale. Cela est désormais fait par la
confirmation du principe de la reconnaissance mutuelle, véritable fondement du projet de
création d’un espace juridique uniforme au sein de l’Union européenne.
XII. Rien ne paraît alors manquer pour le nouveau droit international privé des
successions : conflits de loi et de juridiction, autonomie de la volonté, compétence
indirecte. Toutes les techniques formant le droit international privé classique y sont
présentes. Mais est-ce suffisant ? Est-ce ici le seul objectif du législateur européen ? À
bien voir la réponse semblerait négative. En effet, à côté d’une unification certes
indispensable des questions typiquement « international-privatistes », le Règlement
Successions semblerait viser plus loin, vers un dessein ultérieur et bien plus ambitieux :
le rapprochement des droits matériels nationaux. Or, comment peut-on aboutir à un tel
objectif alors même que le droit des successions est fortement lié aux traditions
VII
nationales ? En réponse le Règlement n° 650/2012 nous fournit deux moyens : d’une part
un instrument de droit international privé classique et inéliminable, l’ordre public ;
d’autre part, un instrument de droit matériel et innovatif, le certificat successoral
européen.
XIII. Le premier est un « ever green » du droit international privé, objet de multiples
définitions et aujourd’hui encore source de débats et de discussions. C’est un mécanisme
en continuelle mutation et dont les contours dépendent directement du contexte spatial,
culturel et temporel où cette clause est appelée à intervenir. L’ordre public n’est donc pas
un élément neutre et statique, mais un facteur qui change et accompagne l’évolution de
la société. Ainsi, questions qui à un certain moment déterminaient la mise en jeu de cette
limite, tel l’exemple du divorce dans la plupart des systèmes européens, pourraient ne
plus justifier son intervention dans un deuxième temps. A contrario, certains principes ou
valeurs qualifiés d’universels sont et restent inviolables indépendamment de la période
historique : il suffit de penser aux droits humains, consacrés non seulement dans les
constitutions nationales mais également et notamment dans les textes internationaux
aujourd’hui partagés par tous les systèmes juridiques occidentaux.
XIV. Quelle place reconnaître alors à l’ordre public ? À l'instar des autres instruments
européens, le Règlement du 4 juillet 2012 limite la réserve de l'ordre public aux seules
hypothèses où la disposition de la loi désignée par le de cujus est « manifestement
incompatible avec l'ordre public du for » (art. 35) et que cette incompatibilité est justifiée
par des « circonstances exceptionnelles ou des considérations d'intérêt public »
(considérant 58). Une prévision similaire est en outre admise à l’article 40 du Règlement
qui inclue parmi les motifs de non-reconnaissance de la décision rendue dans un État
membre l’hypothèse où celle-ci est « manifestement contraire à l’ordre public » de l’État
requis. Ainsi, à la lecture de ces dispositions, l’objectif du législateur européen semblerait
clair : dans un but de garantir l’application effective et uniforme du Règlement, l’ordre
public peut et doit certes intervenir, mais uniquement en tant que mécanisme d’exception
et dans le seul cas d’une violation manifeste. Se pose dès lors le problème de déterminer
quand et comment faire jouer cette exception.
XV. En effet, nous verrons que la conception d’ordre public est aujourd’hui strictement
entendue par les jurisprudences nationales et internationales, limitant cette clause aux
VIII
principes et valeurs fondamentales d’un ordre juridique donné. De plus, on vient de dire
que les systèmes occidentaux, parmi lesquels se trouvent tous les États membres,
partagent désormais les même valeurs et principes universellement reconnus et consacrés
dans un certain nombre de textes supranationaux. Or, si donc telle est la situation actuelle,
n’y aurait-il pas un paradoxe dans la prévision de la clause d’ordre public dans le
Règlement Successions ? En cas négatif, comment garantir que la mise en jeu de ce
mécanisme ne finisse par constituer une entrave au bon fonctionnement du Règlement ?
N’y a-t-il pas un risque que les États membres invoquent la violation de l’ordre public
pour protéger leur droit national ?
XVI. C’est donc autour de ces questions que se développera le deuxième chapitre du
travail. Ainsi, nous allons démontrer que si la clause d’ordre public peut en principe
apparaître paradoxale dans les rapports entre les États membres, sa place reste néanmoins
indispensable dans le cadre du Règlement Successions. Son intervention est et doit
cependant être exceptionnelle, notamment dans les hypothèses plus discutées touchant la
réserve héréditaire et les pactes successoraux. Cela emporte alors une prise de conscience
nécessaire par les Etats membres, désormais confrontés à un ordre public de plus en plus
commun. Partant, cette forteresse qui depuis toujours protège le système juridique du for
contre les assauts étrangers, ne limiterait pas sa fonction à la seule protection du droit
national. Au contraire, grâce au développement d’une interprétation commune et unitaire,
ce mécanisme se transformerait en un véritable instrument de coexistence harmonisée des
droits, en contribuant ainsi au projet d’intégration européenne poursuivi par le législateur
de l’Union.
XVII. Toutefois un tel objectif ne peut être complètement réalisé par le seul droit
international privé pur. En effet, le règlement d’une succession internationale ne demande
pas la simple résolution de conflits de lois ou de juridictions, mais comporte également
la nécessité de disposer d’instruments permettant d’administrer les biens successoraux
situés dans un autre État et y faire valoir les pouvoirs héréditaires. Un mécanisme de droit
matériel devient donc nécessaire pour garantir une effective simplification des
successions intra-européennes. Le droit international privé traditionnel nécessite alors
d’une poussée en avant ultérieure, d’un instrument nouveau et complémentaire aux
techniques traditionnelles : c’est le certificat successoral européen.
IX
XVIII. En effet, comme l'indique l'article 63 du Règlement, celui-ci est destiné, d'une
part, à simplifier les procédures que les héritiers et les légataires sont tenus à suivre pour
entrer en possession des biens successoraux et, d'autre part, à permettre une coordination
entre les systèmes juridiques nationaux en matière d'administration, de liquidation et de
transmission de la succession. La portée d'un tel document est donc énorme. Ainsi,
l'absence d’instruments uniformes en matière de successions a souvent rendu les
modalités de preuves de la qualité d'héritier très lentes et complexes, chaque État membre
délivrant son propre document avec des évidents risques de duplication et de conflits entre
certificats nationaux. Tel n’est cependant plus le cas aujourd’hui : désormais, ces
questions trouvent une réponse dans le certificat successoral européen, auquel le
Règlement consacre une discipline très détaillée contenue dans son chapitre VI sous les
articles 62 à 73.
XIX. Tout paraîtrait donc simple : le certificat est délivré à la demande de l’intéressé par
l’autorité compétente d’un État membre et ce document « produit ses effets dans tous les
États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure » (art. 67, par.
1er, Règlement). Pourtant, les risques que cet instrument ne parvienne pas à son envol sont
bien présents. In primis le rapport entre le certificat européen et les certificats nationaux :
ainsi, l'article 62, paragraphe 1, Règlement, dispose que le certificat successoral européen
est destiné à être utilisé dans les seules successions transfrontalières et qu'il ne se substitue
pas aux « documents internes utilisés à des fins similaires dans les États membres » (art.
62, par. 3). Deux questions surgissent alors : compte tenu du caractère non exclusif du
certificat, il n’y aurait-il pas un risque que les intéressés préfèrent recourir aux documents
nationaux, mieux connus et depuis longtemps employés ? Et que faire en cas de conflits
entre certificats ? Dans l’absence d’une prise de position par le législateur de l’Union, la
balle passe aux autorités compétentes, seules pouvant résoudre cette interrogation.
XX. Cependant celle-ci n’est pas la seule. En effet, la coexistence des certificats ne
constitue pas l’unique risque au bon fonctionnement de l’instrument européen. Ainsi,
nous allons voir que parmi les éléments indiqués dans le certificat européen se trouvent
également les informations relatives au régime matrimonial et au contrat de mariage du
défunt. Or, de telles prévisions sont certainement justifiables, la liquidation du régime
matrimonial constituant une démarche préalable et nécessaire au règlement de toute
succession. Pourtant des difficultés surgissent. La présomption de véracité attachée au
X
certificat européen ne s’étend effectivement pas aux questions matrimoniales, ce qui
comporte alors que si l’autorité compétente est tenue à accepter le document établi dans
un autre Etat membre, elle pourrait néanmoins ne pas reconnaître les effets successoraux
découlant du régime matrimonial. La raison est simple : au moment de l’entrée en vigueur
du Règlement du 4 juillet 2012 les règles de conflit en matière de régimes matrimoniaux
n’étaient pas harmonisées, ce qui a donc impliqué le maintien, par les systèmes nationaux,
des règles de conflits internes matrimoniales. Quid alors ? Là encore l’absence de toute
directive par le législateur de l’Union ne fait que compliquer l’activité des autorités
compétentes à délivrer et recevoir un certificat successoral étranger, tout en risquant de
mettre en péril la pleine efficacité du nouveau document européen.
XXI. Mais les obstacles à l'effectivité de cet instrument ne sont pas éliminés. Ainsi,
l'article 69, paragraphe 5, Règlement, dispose que le certificat successoral constitue un
document valable pour l'inscription d'un bien successoral dans le registre pertinent d'un
État membre, « sans préjudice de l'article 1er, paragraphe 2, points k) et l) » qui excluent
du champ matériel du Règlement la nature des droits réels et « toute inscription dans un
registre de droits immobiliers ou mobiliers, y compris les exigences légales applicables à
une telle inscription, ainsi que les effets de l'inscription ou de l'absence d'inscription de
ces droits dans un registre » (c’est-à-dire les exigences nationales en matière de publicité
foncière). Or, s'il est vrai que cette exclusion se justifie par la volonté du législateur
européen de préserver la compétence exclusive de chaque État membre en matière
d'organisation des registres nationaux, la combinaison avec le considérant 18 du
Règlement suscite néanmoins quelques perplexités. Celui-ci en effet, après avoir affirmé
dans une première partie le principe de la compétence exclusive des États membres dans
le domaine de l'organisation des registres fonciers, énonce dans une deuxième partie
qu'afin d'éviter « la duplication des documents, les autorités chargées de l'inscription
devraient accepter les documents rédigés par les autorités compétentes d'un autre État
membre, dont la circulation est prévue par le présent règlement. En particulier, le certificat
successoral européen délivré en vertu du présent règlement devrait constituer un
document valable pour l'inscription de biens successoraux dans le registre d'un État
membre ».
XXII. Comment coordonner, dès lors, la nécessité de respecter la loi du registre
concernant les modalités et les conditions d'inscription d’une part avec le principe de non-
XI
duplication des documents d’autre part ? Cette coordination est d’ailleurs d’autant plus
difficile à réaliser au sein de l’Union où les disciplines nationales en matière de publicité
foncière sont les plus variées. Ainsi, à titre d'exemple, alors que certains pays comme
l'Espagne n'imposent aucune exigence particulière en matière d'inscription dans les
registres fonciers, d’autres systèmes juridiques tels que la France, l'Allemagne ou l'Italie
sont en revanche beaucoup plus contraignants. Si donc dans la première catégorie d’États
la circulation du certificat européen semblerait plus aisée, dans le deuxième groupe de
pays le risque de duplication des documents est bien réel. Cela signifierait-il alors un
échec du certificat successoral européen dans son intégration par les systèmes nationaux ?
XXIII. C’est donc autour de ces nombreuses interrogations que se développera la
troisième partie du travail. Le certificat européen est un instrument de droit matériel, on
l’a bien vu. Or, comme tout mécanisme de ce genre il suppose une certaine période
d’adaptation, tant par les législateurs que par les praticiens du droit nationaux. Pour ce
faire, néanmoins, une coopération entre les autorités nationales est nécessaire ; cela
n’implique certes pas, comme nous allons démontrer, de renoncer aux règles nationales
en matière de publicité ou dans le domaine de la preuve de la qualité d’héritier. Cependant
aucune harmonisation est possible sans la volonté des États membres d’adopter une
position flexible et ouverte face aux efforts de simplification poursuivis par le droit
européen. Dans cette perspective le certificat successoral peut alors devenir un véritable
banc de preuve pour les systèmes nationaux, appelés à une adaptation effective des droits
internes aux exigences posées par les nouvelles règles communes.
XXIV. Les analyses ainsi développées, d’abord en matière d’ordre public et ensuite dans
le domaine du certificat successoral européen, nous permettront donc de démontrer que
le Règlement du 4 juillet 2012, tout en offrant aux États membres l’opportunité de
simplifier le traitement des successions intra-européennes par la mise en place d’un
ensemble de règles de conflit unifié, dépasse la simple et unique harmonisation du droit
international privé successoral. Le succès du projet d’intégration européenne nécessite en
effet d’un apport ultérieur à la seule uniformisation des règles de conflits nationales,
apport que seul le rapprochement des législations internes peut assurer. Cette convergence
qui pendant des décennies n’est apparue qu’une utopie prendrait-elle ainsi les formes de
la réalité ? Laissons que ce soit le Règlement Successions à nous en fournir la réponse.
1
CHAPITRE I
LES SUCCESSIONS INTERNATIONALES ET LE RÈGLEMENT DU
PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 4 JUILLET 2012
I. Les successions dans le droit international privé
1. Le règlement des successions occupe une place de premier rang dans le droit
international privé. Définie comme « l'ensemble des conséquences patrimoniales du fait
juridique qu'est le décès »1, cette matière pose en effet une multitude de difficultés sur le
plan des conflits de lois. Les divergences entre les droits nationaux sont encore
nombreuses : d'abord quant au domaine de la loi applicable, régissant la totalité de la
succession dans certains systèmes et distinguant entre succession mobilière et
immobilière dans d'autres. Les mêmes problèmes se posent ensuite en ce qui concerne les
critères de rattachement, lesquels sont nécessaires pour la désignation de la ou des lois
applicables à la succession mais qui varient d'un pays à l'autre (domicile, nationalité ou
encore, pour les pays adoptant le régime "scissionniste", la localisation du bien
immeuble), en créant ainsi une inévitable situation d'incertitude et disharmonie juridique.
Que dire enfin des divergences du point de vue de la place reconnue à l'autonomie de la
volonté ? Bien que largement admise dans quelques législations, la professio juris suscite
effectivement encore de nombreuses résistances dans la plupart des systèmes juridiques
nationaux, certains, tout en ayant reconnu cet instrument, l'ont assorti d'un certain nombre
de limitations.
La situation qui en découle est donc extrêmement complexe et source d'insécurités,
chaque droit national offrant sa propre solution et se montrant souvent réticent vis-à-vis
de celles adoptées par les législateurs limitrophes. Sur le plan international les efforts
1 Selon l'expression de H.BATIFFOL (v. H.BATIFFOL-P. LAGARDE, Droit international privé, t. I, 8e éd.,
1986)
2
d'harmonisation, notamment de la part de la Conférence de La Haye de droit international
privé, n'ont certes pas manqué ; ces tentatives n'ont toutefois connu qu'un succès mitigé
et par conséquence ne sont pas parvenus à unifier le domaine des successions
internationales.
A. Aperçu de droit comparé
1. Le dualisme et l'unité
2. Dans la pratique des successions internationales, il n'est pas rare que le de cujus décède
sans s'être préalablement occupé de la transmission de son patrimoine. Or, dans ses
hypothèses, c'est la question du conflit de lois qui se pose en priorité.
Traditionnellement, les critères (ou facteurs) de rattachement des successions
internationales se répartissent en deux régimes : celui unitaire et celui dualiste ou
"scissionniste".
a) L'unité de la succession
3. Selon le premier régime, aujourd'hui adopté par une pluralité de systèmes juridiques2,
la succession est considérée comme une masse unique soumise à une seule loi3, quelle
que soit la nature et la situation des biens qui la composent (meubles ou immeubles,
corporels ou incorporels).
Cet unique corpus de normes peut varier de pays à pays4, certains adoptant le critère de
2 Pour le continent européen, à titre d'exemple : Italie, Espagne, Suède, Allemagne, Autrice et Danemark.
L'approche unitaire est également prévue dans certains pays musulmans, ainsi qu'au Japon, Corée du Sud
et au Pérou.
3 G.L.A. DROZ, Regards sur le droit international privé comparé, Recueil des Cours La Haye, tome 229,
1991-IV, p. 117; v. aussi A.BONOMI, Successions internationales: conflits de lois et conflits de juridictions,
in Recueil des Cours, t. 350, 2010, p. 99, pour qui, dans les pays ayant adopté un régime unitaire de la
succession, le patrimoine d'une personne doit être considéré comme "une unité devant être préservée, dans
la mesure du possible, après sa mort", afin d'en permettre la transmission dans son ensemble.
4 Pour une confrontation des différents critères de rattachement dans le pays unitaires, v. F.BOULANGER,
Droit international des successions. Nouvelles approches comparatives et jurisprudentielles, Paris, 2004,
3
la nationalité5, d'autres préférant en revanche celui du domicile6 ou de la résidence
habituelle7, mais le résultat sera toujours le même : une seule loi a vocation à régir
l'ensemble de la succession8, sauf éventuelles dérogations. Certaines questions, variables
d'un système juridique à l'autre, peuvent en effet être soumises à des facteurs de
rattachement différents de celui successoral : c'est le cas, notamment, de la transmission,
de l'administration ou du partage de la succession lesquels, dans certains pays, sont régis
soit par la loi du for, soit par la loi de situation des biens. Le régime successoral autrichien
en est un bon exemple : dans ce pays en effet, la transmission de la succession aux
héritiers n'est pas immédiate mais subordonnée à une décision constitutive du tribunal,
connue sous le nom de « Einantwortung »9. Ceci implique donc qu'en cas de loi
successorale étrangère la dévolution sera soumise au droit étranger, alors que la
transmission sera régie par le droit autrichien. La masse successorale se trouvera dès lors
décomposée, certaines phases étant soumises à la lex successionis, d’autres à une loi
distincte,
4. Cet infléchissement du principe d'unité n'est toutefois pas sans justification :
p. 52 ss.
5 Le critère de la nationalité a été adopté, par exemple, en Italie (v. art. 46, par. 1er, loi 31 mai 1995, n. 218,
qui ainsi statue : « La successione per causa di morte è regolata dalla legge nazionale del soggetto della
cui eredità si tratta, al momento della morte »), en Espagne (art. 9, par. 8, Code civil), en Allemagne (art.
25, al. 1, EGBGB), en Autriche (par. 28, al. 1, Loi de droit international privé du 15 juin 1978), en Slovénie
(art. 32, Loi de droit international privé du 30 juin 1999) ou encore en Corée du Sud (art. 49, Loi de droit
international privé du 7 avril 2001) et au Japon (art. 26, Loi de droit international privé Horei)
6 C'est le cas du Danemark (art. 1, chap. 1, Loi sur les conflits de lois relatifs aux successions (SFS 1937:81),
de la Finlande (chap. 26, section 5, Loi sur les successions du 5 février 1965, modifiée en 2001), du Chili
(art. 955, al. 2, Code civil) ou de la Suisse (art. 90, Loi de droit international privé du 18 décembre 1987).
7 Tel est le cas de la Belgique (art. 78, par. 1, Code de droit international privé du 16 juillet 2004), de la
Bulgarie (art. 89, al. 1 et 2, Code de droit international privé du 13 mai 2005) ou encore de l'Ukraine (art.
70, Loi de droit international privé du 23 juin 2005).
8 Il convient de noter que certains pays, notamment ceux américains, adoptent un régime unitaire
entièrement fondé sur une approche territoriale, soumettant la totalité de la masse successorale, y compris
les biens meubles, à la loi du lieu de leur situation. Cette solution a été par exemple suivie par l'État du
Mississipi, dont le paragraphe 91-1-1 du Code dispose: « All personal property situated in this state shall
descend and be distributed according to the laws of this state regulating the descent and distribution of
such property, regardless of all marital rights which may have accrued in other states, and notwithstanding
the domicile of the deceased may have been in another state, and whether the heirs or persons entitled to
distribution be in this state or not. the widow of such deceased person shall take her share in the personal
estate according to the laws of this state » (MS Code § 91-1-1, 2013).
9 Paragraphes 531, 546 et 819 du Code Civil autrichien. En général sur le sujet, v. Y. H. LELEU, La
trasmission de la succession en droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 183 ss.
4
l'admission de la scission successorale pourrait en effet corriger la rigidité du
rattachement unitaire adopté comme règle de base, afin d'en favoriser une meilleure
coordination avec la réglementation des successions dans les autres États10. D'où le
recours, dans la plupart des systèmes juridiques unitaires, à des mécanismes visant à
atténuer ces difficultés (infra n°11).
b) La scission de la succession
5. Le système de la scission entre meubles et immeubles successoraux puise ses racines
dans les systèmes féodaux du Moyen-Age, où il avait pour fonction de trancher les
conflits de coutumes11.
6. Adoptée par un certain nombre de systèmes juridiques, l'élément caractéristique de tout
régime dualiste est la soumission à des critères de rattachements différenciés entre la
succession mobilière et celle immobilière : ainsi, les immeubles sont régis par la loi du
lieu de leur situation, tandis que les biens meubles, étant considérés comme rattachés à la
personne du défunt, sont soumis à une loi unique qui peut être soit celle du dernier
domicile du de cujus12, soit sa loi nationale13.
7. Cette démarche scissionniste aboutit ainsi aux résultats suivants : si tous les immeubles
successoraux sont situés dans le même État dont la loi régit le patrimoine mobilier, la
10 A.BONOMI, Succession, op. cit ., p. 136 ; v. aussi A.E.VON OVERBECK, La professio juris comme moyen
de rapprocher les principes du domicile et de la nationalité en droit international privé, in Mélanges en
l’honneur de L. Fredericq, Gand, Faculteit der Rechtsgeleerdheid, 1965, p. 1100.
11 E.M. MEIJERS, Histoire des principes fondamentaux du droit international privé à partir du Moyen
Age, Recueil des cours, tome 49 (1934), pp. 563 s. ; H.LI, Some Recent Developments in the Conflict of
Laws of Succession, Recueil des cours, tome 224 (1993), pp. 22 ss. ; B.ANCEL et Y.LEQUETTE, Les grands
arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., Paris, Dalloz, 2006, p. 24
12 C'est le cas notamment des pays de common law, de la France, du Luxembourg, de la Russie, de certains
pays africains (par exemple le Gabon ou l'Afrique du Sud), de la Chine ou encore de l'Inde. La justification
d'un tel critère trouve son origine dans l'Ancien droit et dans la maxime "mobilia sequuntur personam",
selon laquelle tous les meubles du défunt sont réputés être situés à son domicile. Sur l'évolution de cette
maxime, v. en particulier P.LAGARDE, Successions, Répertoire de droit international, Dalloz, 1998;
J.HÉRON, Le morcellement des successions internationales, Paris, Economica, 1986, pp. 196 ss.
13 Ce critère est par exemple adopté en Roumanie (art. 66, Loi de droit international privé du 22 septembre
1992) et en Turquie (art.20, al. 1Er, Loi de droit international privé du 27 novembre 2007).
5
succession maintiendra son unité ; a contrario, la succession se trouvera scindée en
plusieurs masses, chacune réglée par une loi successorale différente selon la nature et la
situation des biens la composant.
Si dans le passé une telle hypothèse était relativement rare (seules les familles aristocrates
ou de la haute bourgeoisie pouvant se permettre l'acquisition d'un immeuble à l'étranger),
elle est devenue beaucoup plus fréquente aujourd'hui, notamment au sein des pays de
l'Union Européenne où la libre circulation des personnes et des capitaux a
particulièrement favorisé les acquisitions immobilières transfrontalières. Or, la situation
qui en découle n'est pas exempte d’inconvénients.
8. En premier lieu, le pluralisme des masses successorales soulève de sérieuses difficultés
en matière de qualification des biens en meubles ou immeubles. Ainsi, les parts de
sociétés immobilières revêtent en droit français, au moins jusqu’au partage, un caractère
mobilier (loi du 11 juillet 1971), alors qu’en droit anglais ou américain, la catégorie de «
real property » comprend certaines suretés, créances ou parts de sociétés auxquelles est
attribué le qualificatif « d’immobilier »14. Ces divergences aboutissent ainsi à un véritable
conflit de qualification, dont la solution a pendant longtemps formé l'objet d'un vif débat
à l'intérieur de la jurisprudence française où, à l’exception de quelque prononcé isolé15,
le principe de la qualification du for a finalement prévalu16.
9. Les difficultés provoquées par la scission successorale ne s’arrêtent cependant pas aux
seuls problèmes de classification. La décomposition de la succession en plusieurs masses
14 F.BOULANGER, Droit international des successions, op. cit., p. 34 ss.
15 Trib. Civ., Orléans, 27 février 1951, Rev. crit. dr. int. priv., 1954, p. 358, note H.BATIFFOL
16 La solution a été énoncé dans l’affaire « Stroganoff » (TGI Seine, 12 janvier 1966, Rev. crit. dr. int.
priv., 1967, p. 120) : « c’est à la loi française qu’il y lieu de recourir pour déterminer si des objets sont
meubles ou immeubles et en déduire la loi qui régit leur dévolution ; qu’il n’est pas possible de qualifier
les biens successoraux selon la loi de leur situation sous peine de donner compétence à cette loi alors qu’il
s’agit précisément de dire laquelle est compétente ». Cette solution avait été affirmée pour la première fois
dans l'arrêt « Caraslanis » de 1955, où la Cour de Cassation avait statué que c'est la loi du for qui doit
qualifier le rapport juridique en question : « Que la question de savoir si un élément de la célébration du
mariage appartient à la catégorie des règles de forme ou à celle des règles de fond devait être tranchée
par les juges français suivant les conceptions du droit français, selon lesquelles le caractère religieux ou
laïc du mariage est une question de forme » (Cass. 1ère civ., 22 juin 1955, Rev. crit. dr. int. Priv., 1955, p.
723, note de H.BATIFFOL). En doctrine, v. not. J.-P.NIBOYET, Traité de droit international privé français,
t. 4, Sirey, 1947, n°1325 ; H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Droit international privé, t. 2, 8ème éd., 1993, n° 638-
1 ; Y.LOUSSOUARN, P.BOUREL, P.DE VAREILLES-SOMMIERES, Droit international privé, Dalloz, 2013,
n°189 ; G.A.L.DROZ-M.REVILLARD, Successions, in J.-Cl. dr. int., fasc. 557-A, n° 34.
6
distinctes, chacune régie par sa propre loi successorale, suppose en effet que tous les
aspects de la succession, de la dévolution jusqu’à la transmission des biens, soient réglés,
pour chacune de ces masses, par le droit qui leur est applicable. Par conséquent, selon
qu’il s’agisse d’un bien meuble ou immeuble, la solution à un même problème sera
différente d’une masse à l’autre : ainsi, en supposant le cas d’une renonciation anticipée
à une succession future, cette faculté pourrait être valable selon la loi applicable à la
succession mobilière mais pourrait ne pas être admise par la loi de situation de
l’immeuble17. Il en est de même pour les actes que les héritiers accomplissent après
l’ouverture de la succession et qui peuvent produire des effets différents sur les biens
composant chaque masse. Ainsi, l’acceptation ou la répudiation des biens constituant une
masse, faite selon les règles de la loi qui leur est applicable, ne produit pas nécessairement
les mêmes effets pour les biens compris dans les autres masses18. Dans certaines
hypothèses encore, le régime dualiste aboutit à des véritables inégalités : c’est le cas,
notamment, de ces situations dans lesquelles le de cujus a voulu régler la succession dans
une logique unitaire, afin de garantir une répartition équitable de la succession.
L'application du principe scissionniste va dès lors aboutir au résultat opposé : l’égalité est
rompue et les prévisions initiales déjouées19. Prenons en effet le cas de la réserve
successorale : supposons qu'un défunt anglais ait laissé ses biens immeubles en
Angleterre à l'un de ses enfants et ses immeubles en France, d'égale valeur, à l'autre fils.
Or, dans cette hypothèse, le bénéficiaire des immeubles anglais, situés dans un État ne
connaissant pas la réserve ou la légitime au profit des descendants, pourra non seulement
recueillir la totalité du legs, mais aussi faire valoir son droit à la réserve sur la part des
immeubles en France conformément à la loi française, alors que le cohéritier bénéficiaire
des immeubles français n'aura aucune prétention sur les immeubles sis en Angleterre et
soumis au droit anglais20. La situation qui en résulte est donc fort malheureuse, étant
17 C’est le cas de l’affaire « Consorts Lehmann c. Mme L. Lehmann » (Trib. 1ère Inst., Monaco, 23 février
1995, Rev. crit. dr. int. priv., 1996, p. 439, note B.ANCEL) dans lequel un acte de renonciation anticipée à
la réserve successorale de la mère, signé par les héritiers allemands, était valable pour la masse allemande
mais prohibée pour l’immeuble situé à Monaco, soumis à la loi monégasque (art. 985).
18 A.BONOMI, Successions, op. cit., p. 124 ; H.DÖRNER, Internationales Erbrecht, Art. 25, 26 EGBGB, in
J. von Staudingers Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch, Einführungsgesetz zum BGB, Berlin, Sellier-
de Gruyter, 2007.
19 B.ANCEL-Y.LEQUETTE, Les grands arrêts, op. cit., p. 28 ; dans le même sens, A.BONOMI, Successions,
op. cit., p. 125
20 C'est le fameux exemple de la « question anglaise » soulevée dès le XIIIème siècle par le jurisconsulte
Jacques de Revigny (Commentaire du code, Ad legem Cunctos Populos, C.I.1.1.) et discutée au XIVème
7
contraire non seulement à la volonté du de cujus, mais également aux objectifs visés par
les deux ordres juridiques concernés21.
10. Des obstacles analogues peuvent également se produire lorsque la scission a pour effet
de rompre l’unité successorale en frappant d’invalidité certaines dispositions prises par le
de cujus. Tel est le cas d'un défunt français, décédé en Allemagne où il avait son dernier
domicile et ayant conclu, conformément à la loi civile allemande, un pacte successoral
avec sa seconde épouse par lequel les deux parties s'étaient mutuellement instituées
héritiers universels et illimités. Ce contrat successoral a certes vocation à produire ses
effets en France, mais exclusivement vis-à-vis des biens mobiliers et non pas aussi à
l'égard des immeubles, lesquels restent régis par la loi française qui méconnaît cette
catégorie d'actes à cause de mort22. Le pacte successoral perd ainsi sa raison d’être, ne
pouvant porter que sur la partie mobilière de la succession mais restant privé d'effet quant
à la masse immobilière.
11. On voit donc bien les incohérences, voire même injustices, auxquelles le système
scissionniste peut conduire ; c'est pourquoi, dans la plupart des pays adoptant une
approche dualiste, des correctifs ont été prévus.
siècle par Bertrand d’Argentré (v. E.M. MEIJERS, Histoire des principes fondamentaux, op. cit., pp. 65 ss.).
Pour des applications plus récentes du problème, v. aussi H-J. SONNENBERGER, Die question anglaise als
Problem deutsch-französischer Nachlaßspaltung. Das Appartement des deutschen Erblassers an der Côte
d’Azur, IPRax, 2002, pp. 169 ss.
21 En effet, si le droit anglais avait été applicable à la totalité des biens, les dispositions prises par le de
cujus auraient été entièrement respectées, aucun des héritiers pouvant prétendre à la réserve ; le résultat
aurait été le même si le droit français avait été applicable à toute la succession, car dans le calcul de la
réserve on aurait tenu compte de l’ensemble des biens successoraux, y compris ceux reçus par l’héritier
réservataire en Angleterre (A. BONOMI, Successions, op. cit., p. 125). Ces inconvénients de la scission ont
notamment intéressé la jurisprudence anglaise et américaine du siècle dernier, sur lesquelles v. ex multis
J.FAWCETT, J.CARRUTHERS, P.NORTH, Cheshire, North & Fawcett: Private International Law, 14ème éd.,
2008, pp.
22 C'est l'affaire « Carmen P. c. Consorts N. et autre », C.A. Aix en Provence (1ère Ch. B civ.), 16 octobre
2003, Rev. crit. dr. int. priv., 2004, p. 589, note P. LAGARDE
8
2. Les correctifs aux principes unitaires et dualistes
12. L'analyse des systèmes scissionnistes et unitaires montrent bien que dans les deux
approches plusieurs questions se posent. Dans un souci de coordination entre les États,
certains tempéraments ont dès lors été adoptés tant dans les pays suivant une approche
unitaire que dans ceux adoptant un régime scissionniste. Dans les premiers, ces correctifs
peuvent conduire à une décomposition de la succession en plusieurs masses, chacune
régie par une loi différente23 ; a contrario dans les deuxièmes, ces mécanismes visent à
assouplir les effets de la scission, en conduisant dans certaines hypothèses à une
réglementation unitaire de la succession.
a) Les atténuations dans les pays dualistes
Pour faire face aux inconvénients provoqués par le système dualiste, les États
scissionnistes ont adopté un certain nombre d'instruments.
α) Le droit au prélèvement
13. Dans le passé, l'une des principales atténuations à la stricte division des masses, bien
que fortement discutée24, était l'institution du prélèvement.
14. Introduite par une loi française de 1819, cette mesure a mis fin définitivement au droit
d'aubaine frappant les successions d'étrangers en France avant la Révolution, tout en
prévoyant, à son article 2, que « dans le cas de partage d'une même succession entre des
cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France, une
portion égale à la valeur des biens situés en pays étrangers dont ils seraient exclus, à
quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales ». L'objectif du «
23 À cet égard, A.BONOMI (Successions, op. cit., p. 136) parle de « scission importée ».
24 À cet égard, G.L.A.DROZ (Conflits de lois en matière de successions et de régimes matrimoniaux, in
Journal des notaires, 1961, artt. 46327 et 46336), a qualifié cette institution comme un « anachronisme
honteux du droit international privé français ». V. aussi, pour une étude comparée de cette institution, F.
BOULANGER, Droit international des successions, op. cit., pp. 39 et s.
9
prélèvement nationaliste »25 est bien clair : rétablir, autant que possible, l'égalité de
partage prévue en France au profit de l'héritier français lésé dans un règlement successoral
étranger. Techniquement, cela implique que le juge français doit prendre en compte
l'ensemble des biens successoraux, étrangers comme français, et calculer le montant du
prélèvement en considérant la différence entre la part octroyée au cohéritier français selon
la loi étrangère et celle qui résulte de l'application de la lex successionis française. Le
principe scissionniste connaît alors une exception, le prélèvement s'exerçant sur les
meubles comme sur les immeubles qui dépendent de la succession étrangère, sans aucune
distinction entre les deux masses.
15. Pendant longtemps attaquée tant par la doctrine26 que par la jurisprudence française27,
cette institution a fini par être abrogée en 2011 par le Conseil constitutionnel qui, saisi de
la question de la conformité du droit de prélèvement au principe d'égalité posé à l'article
6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, a déclaré
l'inconstitutionnalité de l'article 2 de la loi de 181928
25 Suivant la formule utilisée par G.L.A.DROZ, Regards sur le droit, op. cit., 232
26 v. notamment S.BILLARANT, Le caractère substantiel de la réglementation française des successions
internationales. Réflexions sur la méthode conflictuelle, Paris, 2004, pp. 198 ss. qui envisage une nouvelle
formulation du prélèvement, finalisé à compenser la non-effectivité de la règle de conflit dans le cadre d'une
succession ouverte à l'étranger. Similairement, F.BOULANGER (Droit international des successions, op. cit.,
p. 41) considère que « le droit français continuant de reposer sur la division des masses, la suppression du
prélèvement nationaliste ne serait envisageable que par son remplacement par le prélèvement
compensatoire [...]».
27 v. par exemple G.L.A. DROZ, in Rev. crit. dr. int. priv., 1973, pp. 315 ss. (note à l'arrêt « Rougeron »,
Cass., civ., 1er février 1972) et ivi, 1983, pp. 282 ss. (note à l'arrêt « Odell Caron », C.A. Aix, 19 mars
1982) ; Y.LEQUETTE, in Rev. crit. dr. int. priv., 1985, pp. 525 ss. (note à l'arrêt « Holzberg », C.A. Paris, 12
juillet 1984).
28 Cons. Const., 5 août 2011, n° 2011-159 QPC, in Dalloz, 2012, 1228, observations de H.GAUDEMET-
TALLON et F. JAULT-SESEKE ; v. aussi sur cette décision in Défrénois, 2011, p. 1351, note de M.
REVILLARD ; in JDI, 2012, p. 135, note de S.GODECHOT-PATRIS ; B.ANCEL, Inconstitutionnalité du droit de
prélèvement de l'héritier français dans les successions internationales, in Rev. crit. dr. int. priv., 2013, pp.
457.
10
16. En dépit de sa disparition en France, et bien qu'ignoré par le Règlement (UE) n°
650/201229, cette institution a toutefois connu un certain succès à l’étranger. Ainsi, le
prélèvement a été adopté au Gabon30, au Chili31,au Brésil32 ou encore au Québec33.
β) Le renvoi
17. En parallèle au prélèvement, la pratique du droit international privé a vu naître, dans
plusieurs pays, un ultérieur tempérament à l'approche dualiste : l'admission du renvoi34 .
Dans cette matière, l'attitude des systèmes juridiques nationaux est très variée ; il a en
effet certains pays qui excluent de manière générale le mécanisme du renvoi35, alors que
29 Une telle prévision serait en effet contraire au principe de non-discrimination consacré par l'art. 18 du
Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), aux termes duquel « Dans le domaine
d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute
discrimination exercée en raison de la nationalité. Le Parlement européen et le Conseil, statuant
conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent prendre toute réglementation en vue de
l'interdiction de ces discriminations ».
30 Art. 54 de la loi gabonaise du 29 juillet 1972 (v. F.BOULANGER, Droit international des successions, op.
cit., p. 42).
31 L'art. 998 du Code civil chilien dispose en effet : « En la sucesión abintestato de un extranjero que
fallezca dentro o fuera del territorio de la República, tendrán los chilenos a título de herencia o de
alimentos, los mismos derechos que según las leyes chilenas les corresponderían sobre la sucesión
intestada de un chileno » (v. R.Dominguez Benavente-R.Dominguez Aguila, Derecho Sucesorio, 1998,
Juridica de Chile, p. 69).
32 Art. 10 de la « Lei de introduçao » brésilienne. Sur l'évolution du prélèvement au Brésil, v.
A.TIEDEMANN, Internationales Erbrecht Deutschland und Latein-amerika, Tübinge, 1993
33 Art. 3100 du Code civil qui ainsi statue « Dans la mesure où l'application de la loi successorale sur des
biens situés à l'étranger ne peut se réaliser, des correctifs peuvent être apportés à même les biens situés au
Québec notamment au moyen d'un rétablissement des parts, d'une nouvelle participation aux dettes ou d'un
prélèvement compensatoire constatés par un partage rectificatif » (en général sur cette institution dans le
droit québécois, v. B.Lefebvre, Récents développements en droit des successions: Le droit québécois, in
Electronic Journal od Comparative Law, vol. 14.2., octobre 2010, consultable à l'adresse
http://www.ejcl.org/142/art142-2.pdf).
34 En général sur le renvoi, v. PH. FRANCESKAKIS, La théorie du renvoi et le conflits de systèmes en droit
international privé, Paris, Dalloz, 1958 ; sur l'application du renvoi en droit comparé, v. A.BONOMI,
Successions, op. cit ., p. 137 ss.
35 Tel est le cas, par exemple, de la Grèce (art. 32 du Code civil) et du Québec (art. 3080 du Code civil).
11
d'autres36 distinguent entre le renvoi au premier degré, admis, et le renvoi au deuxième
degré, en principe prohibé37.
Dans certains pays enfin, le renvoi n'est pris en compte que dans des secteurs
déterminés38, dont les successions en font généralement partie. C'est d'ailleurs dans ce
même domaine que le mécanisme du renvoi a connu une application majeure : d'une part,
en tant qu'instrument capable de surmonter l'obstacle représentée par l'application de
plusieurs critères de rattachement à une même succession, en « jetant des ponts39 » entre
les différents droits nationaux ; d'autre part, en tant que moyen permettant, dans certains
cas, de parvenir à une réglementation uniforme et unitaire de la succession40.
C'est en raison de ces avantages que plusieurs pays scissionnistes ont fini par admettre,
dans certaines hypothèses, le recours au jeu du renvoi, tant pour les biens meubles que
pour les biens immeubles.
18. Cette évolution est bien visible en France, où en dépit des critiques de la doctrine
classique41, la jurisprudence s'est traditionnellement montrée favorable à l'admission du
renvoi, notamment en matière successorale. Ce sont les arrêts « Forgo » (1878) et
« Soulié »42 (1882) qui ont consacré le renvoi au premier degré pour les biens meubles,
36 C'est l'approche adopté, par exemple, en Espagne (art. 12, alinéa 2, du Code civil), de la Roumanie (art.
4 de la loi du 22 septembre 1992), ou encore de certains pays du Sud-Est asiatique, comme le Japon (v.
T.HAYASHI, International Succession in Japan, in Japanese Yearbook of International Law, 2009, pp. 445
ss.) et la Corée du Sud (art. 9 de la loi du 7 avril 2001).
37 Le renvoi au deuxième degré peut toutefois être admis dans un souci d'unité de la succession. C'est le
cas de l'art. 4 de la loi de droit international privé du Venezuela du 6 août 1998 qui ainsi dispose : « Cuando
el Derecho extranjero competente declare aplicable el Derecho de un tercer Estado que, a su vez, se declare
competente, deberá aplicarse el Derecho interno de este tercer Estado » . Similairement, en Italie, l'article
13, alinéa 1, lettre b), de la loi du 31 mai 1995 de réforme du droit international privé, admet le renvoi au
deuxième degré dans la seule hypothèse où celui-ci conduit à la désignation de la loi italienne (« se si tratta
di rinvio alla legge italiana »).
38 Tel est le cas de la Belgique (art. 78, par. 2, Code civil) et de la Suisse (art. 14, al. 1, Loi de droit
international privé).
39 A.BONOMI, Successions , op. cit ., p. 138
40 Pour une analyse comparée du renvoi en droit des successions internationales, v. notamment H.KUHN-
ADLER, Der Renvoi in internationalen Erbrecht der Schweizz, Zurich, Shulthess, 1998
41 La doctrine classique, représentée par Bartin, était hostile au renvoi, voyant dans ce mécanisme un
abandon de souveraineté et un risque que la succession, du fait d'une série indéfinie de renvois, se
transforme en un cercle vicieux (P.MAYER-V.HEUZÉ, Droit international privé, 11éd., 2014, n° 799-802).
42 Cass., 24 juin 1878, in Clunet, 1879, p. 285 et Cass., 22 février 1882, in Dalloz, 1882, 1, p. 301 ;
B.ANCEL-Y.LEQUETTE, Les grands arrêts, op. cit., n.° 7-8, pp. 60 ss.
12
alors que le renvoi au deuxième degré n'a été admis par la Cour de Cassation qu'en 1938
avec l'arrêt « Marchi della Costa »43 qui a affirmé le caractère « en principe obligatoire »
de cet instrument.
Suivant le courant de faveur de la jurisprudence, le mécanisme du renvoi a fini par être
accepté également dans la doctrine moderne, selon laquelle le renvoi serait avant tout
justifié pour des simples raisons d'opportunité, à savoir l'exigence de réunir en une seule
masse les biens meubles et immeubles scindés par le système français des règles de conflit
de lois en matière successorale44. Preuve de cet approche en est la récente position adoptée
par la Cour de Cassation sur le renvoi en matière de succession immobilière. Ainsi, dans
l'arrêt « Ballestrero45 » relatif à la succession d'un de cujus français ayant des immeubles
en Italie, les juges de la Haute juridiction ont admis le renvoi de la loi italienne, loi du
lieu de situation des biens immobiliers, à la loi française, en tant que loi nationale du
défunt. Il en est de même dans l'arrêt « Wildenstein46 », qui a ultérieurement clarifié la
position du droit positif à l'égard du renvoi : celui-ci, en effet, serait admis non pas dans
toute hypothèse, mais seulement au cas où il permettrait de soumettre les immeubles
successoraux situés à l'étranger à la loi régissant la succession mobilière, pour garantir
ainsi l'unité du règlement successoral. Ce même approche a enfin été confirmé en 2009
par l'arrêt « Riley47 », où la Cour de Cassation a circonscrit l'utilisation du renvoi en ces
termes : « En matière de succession immobilière, le renvoi opéré par la loi de situation de
l'immeuble ne peut être admis que s'il assure l'unité successorale et l'application d'une
même loi aux meubles et aux immeubles ».
19. Une telle prise de position en faveur d'une uniformité du règlement des successions
internationales devrait dès lors faciliter la mise en place en France du Règlement n°
43 Cass., 7 mars 1938, in Rev. crit. dr. int. priv., p. 474, note de H.BATIFFOL
44 En ce sens B.ANCEL, note à Cass. civ. 1ère, 11 février 2009, in Rev. crit. dr. int. priv., 2009, p. 512 ;
R.LEREBOURG-PIGEONNIÈRE (Observations sur la question du renvoi, in Clunet, 1924, p. 877) justifiait en
revanche le renvoi comme un instrument permettant la coordination des règles de conflit de lois. Cette
même théorie a été reprise par la suite par H.BATIFFOL (v. H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Droit international
privé, op. cit., n° 284). Contra F.BOULANGER, Droit international des successions, op. cit., pp. 45 ss.
45 Cass. civ. 1ère, 21 mars 2000, Rev. crit. dr. int. priv., 2000, p. 399, note de B. ANCEL ; D. 2000, p. 539,
note de F.BOULANGER
46 Cass. civ. 1ère, 20 juin 2006, Clunet, 2007, p. 125, note de H.GAUDEMET-TALLON
47 Supra, note 42
13
650/2012, destiné à remplacer le principe dualiste par un critère de rattachement unique
et unitaire tant pour la loi applicable que pour la compétence juridictionnelle (infra n°57
et s.).
À cet égard, il convient d'ailleurs de noter que récemment la Cour de Cassation, poussée
par la même logique unitaire, est arrivée à admettre le renvoi juridictionnel, en
considérant qu'en l'espèce le renvoi opéré par la loi espagnole à la loi française, loi
nationale du défunt, aurait permis au juge français, saisi du fait d'un immeuble situé en
France, de pouvoir régler l'intégralité de la succession (sauf exception, bien entendu, pour
les opérations juridiques et matérielles découlant de la loi de situation de l'immeuble sis
en Espagne)48.
20. Quant aux autres droits étrangers adoptant le principe dualiste, le renvoi a souvent
permis, dans certaines situations, de conduire à une réglementation unitaire de la
succession. Tel est le cas de Monaco, où la jurisprudence a admis le renvoi de la loi belge,
applicable à la part mobilière d'une succession, à la loi monégasque, régissant les biens
immeubles49. Il en est de même pour la Belgique où les juges, dans le cadre de la
succession d'un belge domicilié et décédé dans ce pays mais laissant un immeuble en
Espagne, ont admis le renvoi de la loi espagnole, lex situs, à la loi belge, loi du domicile
du défunt, afin de préserver l'unité de la succession50.
21. Quelques particularités sont au contraire présentes dans les pays de common law. Dans
ces systèmes juridiques, notamment en droit anglais, le renvoi est en effet fréquemment
admis pour les successions immobilières ; les successions mobilières posent en revanche
plus de difficultés, liées à l'application de la fameuse règle de la « foreign court theory51 »
que les tribunaux anglais ont tendance à suivre depuis 1926. Ainsi, selon cette méthode,
l'adoption du renvoi dépendra de l'attitude supposée du juge étranger à l'égard d'une
48 Cass. civ. 1ère, 23 juin 2010, Clunet, note de H.PÉROZ
49 CA Monaco, 17 avril 1972, Rev. crit. dr. int. priv., 1974, p. 76, note de Y.LOUSSOUARN. Il est intéressant
de noter que dans un cas antérieur du 4 janvier 1936 (Rev. crit. dr. int. priv., 1939, p. 477) la cour avait
refusé d'admettre le renvoi.
50 Cour Anvers, 22 avril 1986, Clunet, 1989, p. 768, note de L.BARNICH
51 A.V.DICEY-H.C.MORRIS-L.COLLINS, The Conflicts of Laws, 15ème éd., Londres, Sweet & Maxwell,
2014, n. 4
14
certaine question : cette approche est bien visible dans l'affaire « Ross52 » de 1929, où le
juge anglais, dans une succession ouverte en Italie d'une défunte anglaise, a débouté le
fils de la de cujus de ses prétentions sur la moitié de la réserve des biens mobiliers, à
laquelle celui-ci aurait eu droit selon la loi italienne, en considérant que le juge italien, en
pareille situation, aurait appliqué la règle de conflit italienne qui désigne la loi anglaise,
en tant que loi nationale du défunt. A contrario dans l'affaire « In Re Annesly53 », le juge
anglais a tenu compte du renvoi de la loi française du lieu de situation à la loi anglaise du
domicile, mais il a fini par appliquer la loi française au motif que le droit français aurait
à son tour accepter le renvoi. En revanche la situation est encore différente aux États-Unis
où, bien que la « foreign court theory » ait permis, dans certains cas, à garantir l'unité
successorale54, le mécanisme du renvoi a rarement été pris en compte par la jurisprudence,
notamment en matière de succession mobilière55.
b) Les atténuations dans les pays unitaires
22. Le jeu du renvoi n'est pas une prérogative aux pays adoptant une approche dualiste.
Dans la plupart des systèmes qui adoptent un régime unitaire ce mécanisme est en effet
admis, tant au premier qu'au deuxième degré, dans un but de favoriser une meilleure
52 High Court, 14 novembre 1929, Rev. crit. dr. int. priv., 1930, p. 130 ; v. aussi J.FAWCETT,
J.CARRUTHERS, P.NORTH, Cheshire, North & Fawcett, op. cit., p. 62; T.BRANDI, Das Haager Abkommen
von 1989 über das auf die Erbfolge anzuwendende Recht, Berlin, Duncker & Humblot, 1996. Il convient
toutefois de noter que dans de nombreuses autres décisions le renvoi a été refusé par la jurisprudence
anglaise. V. notamment D. MCCLEAN-K.BEEVERS, The Conflicts of Laws, 8ème éd., 2012, Londres, Sweet
& Maxwell, pp. 505 ss., qui affirment : « it must be stressed that for every case which supports the doctrine
[du renvoi] there are hundreds of cases in which the domestic rules of the foreign law have been applied
without any reference to its conflicts rules […] though it must be admitted that most of these cases can be
explained on the ground that no one was concerned to argue that the reference to foreign law included its
rules of the conflict of laws ».
53 « In Re Annesly » [1926],Ch. 692
54 v. par exemple l'affaire « Re Schneider's Estate », Surrogate's Court of New York, 10 avril 1950, Clunet,
1950, p. 977 ; RabelsZ, 1951, p. 633, note de K. ZWEIGERT
55 L.L. MC DOUGAL III, R.L. FELIX et R.V. WHITTEN, American Conflicts Law, 6ème éd., Carolina
Academic Press, 2011, pp. 652 ss.. Toutefois le « Restatement Second on Conflict of Laws », par. 8 et 265
admettent le renvoi, de même que E.SCOLES - P. HAY - P. BORCHERS - S. SYMENOIDES, Conflict of Laws,
4ème éd., Saint Paul, Minn., Thompson, 2004, pp. 138 ss.
15
coordination entre d'une part les règles successorales locales et, d'autre part, le régime
prévu dans les autres pays concernés par la succession.
Ce souci d'harmonisation entre systèmes a néanmoins un prix, constituant le principal
inconvénient de l'utilisation du renvoi : la scission de la succession.
23. Ainsi, dans les pays adoptant comme critère de rattachement la nationalité du de cujus,
lorsque la loi nationale prévoit une approche dualiste la succession peut être scindée56.
Tel est le cas de l'Italie, où la loi du 31 mai 1995, n. 218, de droit international privé, a
prévu, à son article 13, l'admission du renvoi57. Celui-ci est dès lors pris en compte tant
dans l'hypothèse où la loi désignée comme applicable est celle d'un État tiers et que celle-
ci, par ses règles de rattachement, renvoie à loi italienne (c'est le renvoi « au premier degré
» ou « rinvio indietro »), que dans le cas où la loi désignée comme applicable est celle
d'un État tiers et que celle-ci renvoie à la loi d'un autre État (c'est le renvoi « au deuxième
degré » ou « rinvio oltre »). Si donc un français décède domicilié en Italie et laisse un
immeuble en Allemagne, la règle ci-dessus décrite aboutit au résultat suivant : la règle de
conflit italienne renvoie à la loi française, qui pourra alors faire jouer la loi italienne pour
les biens meubles et la loi allemande pour les biens immeubles. Le juge italien va ainsi
accepter le renvoi opéré par la loi française au droit italien du dernier domicile (renvoi au
premier degré), de même que le renvoi effectué par la loi allemande à la loi française de
la nationalité (renvoi au deuxième degré). On peut ainsi voir que dans cette hypothèse la
coordination entre les différents régimes successoraux est certes assurée, mais en même
temps l'unité initiale finit par être rompue et la scission instaurée. Ce résultat est
également visible pour les systèmes fondés sur le critère du dernier domicile du défunt :
dans ces derniers en effet, dès lors que l'État où le de cujus était domicilié au moment de
56 C'est le cas de l'Allemagne (art. 4 EGBGB), où la jurisprudence admet que le renvoi puisse conduire à
une scission de la succession (v. par exemple Oberlandesgericht Karlsruhe, 29 juin 1989, NJW, 1990, p.
1420). Le renvoi est également admis en droit autrichien (v. M.SCHWIMANN, Internationales Privatrecht,
3e éd., Vienne, Manz, 2001).
57 L.FUMAGALLI, Rinvio e unità della successione nel nuovo diritto internazionale privato italiano, in Riv.
dir. int. priv. proc., 1997, pp. 829 ss., rappelle que déjà la Convention italo-turque du 9 septembre 1929,
aujourd'hui encore en vigueur, prévoit à son article 21, §§ XI et XV, que le renvoi conduit à la scission de
la succession ; sur le renvoi dans le droit italien v. aussi A.BONOMI, La loi applicable aux successions dans
le nouveau droit international privé italien et ses implications dans les relations italo-suisses, RSDIE, 1996,
pp. 483 ss. ; R.CLERICI, Art. 13 l. 218/95, in Commentario breve al diritto della famiglia, sous la direction
de A.ZACCARIA, Padoue, 2008, pp. 2347 ss.
16
sa mort adopte une approche dualiste, la succession sera nécessairement décomposée et
régie par plusieurs lois distinctes58.
24. Néanmoins, pour contrer ces inconvénients, certains pays s'efforcent de limiter les
conséquences du renvoi lorsque celui-ci aboutit à une scission de la succession. À cet
égard, il est intéressant d'analyser l'évolution de la jurisprudence espagnole : en principe,
le renvoi n'est admis en Espagne que lorsqu'il conduit à l'application du droit espagnol
(art. 12, al. 2, Code civil). Des limites ultérieures ont cependant été élaborées par la
jurisprudence du Tribunal Supremo, selon laquelle le renvoi n'est admis que s'il ne
compromet pas l'objectif spécifique poursuivi par les règles de conflit espagnoles en
matière successorale, à savoir l'unité de la succession59. Par conséquence, dès lors que le
de cujus décède en Espagne et que sa loi nationale adopte une approche dualiste
aboutissant, dans la pratique, à appliquer la loi espagnole à une seule partie de la
succession, le renvoi au premier degré doit être exclu par le juge espagnol et la totalité
des biens successoraux soumis aux règles de droit interne à l'État de la nationalité. En
supposant donc un défunt de nationalité anglaise, domicilié dans son pays d'origine et
ayant laissé des immeubles en Espagne, une stricte application du renvoi conduirait à une
scission de la succession, la loi espagnole désignant la loi anglaise de la nationalité, qui à
son tour renverrait à la loi espagnole pour le règlement de la succession immobilière. Or,
dans un souci d'unité successorale, le juge espagnol va refuser le renvoi au premier degré
à la loi ibérique et la totalité de la succession sera soumise à la loi anglaise60.
58 C'est le cas de la Suisse, où le renvoi est en principe exclu sauf s'il est prévu par une règle spécifique
(art. 14, al. 1, Loi suisse de droit international privé). Ainsi, en vertu de l'art. 91, al. 1, Loi de droit
international privé, la succession d'une personne domiciliée à l'étranger est régie par le droit désigné per
les règles de conflit de la loi du dernier domicile. Sur cette disposition, v. notamment A.HEINI, Art. 91, in
D.GIRSBERGER (et autres), IPRG-Kommentar, 2ème éd., Zurich, Schultness, 2004, n. 3 ; A.BUCHER, Le
couple en droit international privé, Bâle, Helbing, 2004, nn. 669 ss.
59 v. notamment Tribunal Supremo, 15 novembre 1996, Lowenthal (IPRax, 1998, p. 135, note de
E.RODRIGUEZ PINEAU) et 21 mai 1999, Denney, tous les deux portant sur la succession de ressortissants
anglais ayant laissé des immeubles en Espagne. Il est intéressant de noter que dans ces arrêts le refus du
renvoi n'a pas été motivé dans le seul soucis de garantir l'unité de la succession, mais également afin de
préserver l'harmonie internationale des solutions, qui aurait été compromise par l'application du droit
espagnol, alors que le de cujus avait la nationalité anglaise et le domicile dans en Angleterre. Sur le
renvoi dans la jurisprudence espagnole, v. E.CASTELLANOS RUIZ, Sucesión hereditaria, in A.L.CALVO
CARAVACA - J.CARRASCOSA GONZALEZ, Derecho Internacional Privado, vol. 2, 11e éd., Grenade,
Comares, 2010, pp. 359 ss. ; A.BORRAS, L’approche du renvoi dans un système d’unité de la succession,
in Liber amicorum Mariel Revillard, Paris, Défrénois, 2007, pp. 27 ss. ; C.AZCARRAGA MONZONIS,
Sucesiones internacionales: determinación de la norma aplicable, Valence, Tirant Lo Blanch, 2008, pp.
135 ss.
60 Il convient toutefois de noter que dans l'arrêt François Marie James W. (Tribunal Supremo, 23 septembre
17
La solution adoptée par les tribunaux espagnols n'est pas sans rappeler l'arrêt « Riley » et,
plus généralement, l'attitude utilitariste adoptée par la jurisprudence française à l'égard du
renvoi. Contrairement à cette dernière toutefois, la position de l'Espagne parvient à une
harmonisation encore plus remarquable, en prenant en compte les règles de droit
international privé de la lex causae tout en respectant la démarche unitaire adoptée par le
droit espagnol.
25. En définitive, peut-on dire que le renvoi est un correctif suffisant pour combler les
inconvénients produits par la scission des masses ? La pratique a démontré que certes,
dans certaines hypothèses, le renvoi peut réaliser un objectif d'uniformité et
d’homogénéité du règlement successoral, notamment lorsqu'il permet de soumettre la
succession d'un immeuble situé à l'étranger à la loi du domicile ou à la loi nationale du
défunt, qui sera ainsi la seule applicable à la succession. Néanmoins, comme écrit F.
Boulanger61, il ne faut pas surestimer les effets d'un tel mécanisme : le renvoi est certes
un correctif, mais à lui seul il n'est pas capable d'assurer l'harmonie internationale des
solutions en matière successorale.
26. Reste alors un dernier tempérament possible, celui de l'autonomie de la volonté ; l'une
des principales forces reconnues à la professio juris est en effet sa capacité d'assurer la
prévisibilité et la stabilité de la loi applicable, ce qui réduit, par ce biais, l'incertitude
résultant de l'existence de critères de rattachement divergents62. Or, l'admission de la
professio juris en matière de succession continue à se heurter à de fortes résistances, ce
qui risque de remettre en cause l'utilité de cet instrument ainsi que la certitude juridique
qu'il était censé favoriser.
2002), les juges de dernière instance ont admis le renvoi au droit espagnol en constatant que l'unité de la
succession n'aurait pas été mise en péril (le de cujus n'ayant laissé que quelques biens immeubles en
Espagne). V. sur cette décision E.CASTELLANOS RUIZ, Reenvío, unidad de la sucesión y armonía
internacional de soluciones en el derecho sucesorio, in Revista Colombiana de Derecho Internacional, n.
2, 2003, pp. 25 ss.; J.L.IRIARTE ÁNGEL, Reenvío y sucesiones en la práctica española, in G.GARRIGA
SUAUM, Perspectivas del Derecho sucesorio en Europa, 2009, Madris, Marcial Pons, pp. 165 ss.
61 F. BOULANGER, Droit international des successions, op. cit., p. 48
62 C'est pourquoi les notaires ainsi que les professionnels en matière de succession invoquent cet instrument
depuis longtemps (v. F.RIGAUX, Commentaire des résolutions adoptées par le septième Congrès de l'Union
internationale du notariat latin, in Rev. crit. dr. int. priv., 1964, pp. 168 ss.).
18
3. La professio juris
a) Les forces et les faiblesses de la professio juris
27. Longtemps cantonnée aux domaines contractuels et des régimes matrimoniaux, le
choix de la loi applicable est aujourd'hui reconnu dans les matières les plus variées : les
actes illicites63, les titres intermédiés64, les obligations alimentaires65 ou encore la
séparation des corps et le divorce66. L'admission de la professio juris dans le secteur des
successions ne constitue dès lors plus une véritable révolution, et ce même pour les
systèmes juridiques traditionnellement plus réticents à l'admission de cet instrument.
28. Adoptée au Moyen Age dans certains droits coutumiers67, l'idée de conférer au de
cujus la faculté de choisir la loi applicable à la succession a en effet été longtemps rejetée
dans la plupart des pays de l'Europe continentale, craignant que le testateur ne profite de
ce choix pour contourner les règles de droit impératif, in primis celles en matière de
réserve successorale68. La profession juris constituerait ainsi un danger pour les tiers
63 Art. 14 du Règlement n. 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi
applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), JOUE, L 199, du 31 juillet 2007, pp. 40 ss.
64 Art. 4 de la Convention de la Haye du 5 juillet 2006 sur la loi applicable à certains droits sur des titres
détenus auprès d'un intermédiaire ; v. sur ce texte A.LEANDRO, La legge regolatrice degli effetti reali del
trasferimento di strumenti finanziari tramite intermediari, in Rivista di Diritto Internazionale, 2006, n. 2,
pp. 384 ss. ;
65 Artt. 7 et 8 du Protocole de La Haye du 23 novembre 2007, qui modifient la Convention du 2 octobre
1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires (v. sur le protocole A.BONOMI, The Hague Protocol
of 23 November 2007 in the Law Applicable to Maintenance Obligation, in Yearbook of Private
International Law, 2008, pp. 351 ss.) ; au sein de l'Union européenne, v. l'art. 15 du Règlement n. 4/2009
du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution
des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires (JOUE, L 7, du 10 janvier 2009), qui
renvoi à la Convention de La Haye de 2007.
66 Art. 5 du Règlement (UE) n. 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 qui met en œuvre une
coopération renforcée dans le domaine de la loi loi applicable au divorce et à la séparation de corps, JOUE,
L 34, du 29 décembre 2010 (v. A.BONOMI, Il diritto applicabile alla separazione e al divorzio nella recente
proposta di regolamento comunitario, in S.BARIATTI -C.RICCI, Lo scioglimento del matrimonio nei
regolamenti europei : da Bruxelles I a Roma III, Padoue, CEDAM, 2007, pp. 91 ss. ; P.HAMMJE, Le
nouveau règlement (UE) n. 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération
renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, in Rev. crit. dr. int.
priv., 2011, pp. 291 ss.
67 B.ANCEL -Y.LEQUETTE, Les grands arrêts, op. cit., p 29 ; E.M. MEIJERS, Histoire des principes, op. cit.,
pp. 609 ss. ; P.C.TIMBAL, La contribution des auteurs et de la pratique coutumière au droit international
privé du Moyen Age, in Rev. crit. dr. int. priv., 1955, pp. 25 ss.
68 v. notamment les prises de position de H.BATIFFOL, C.FRAGISTAS et A.MAKAROV dans les travaux de la
19
(notamment pour les héritiers réservataires ainsi que pour les créanciers successoraux)
car elle pourrait être utilisée par le de cujus pour priver ceux-ci des droits qui leur sont
accordés par la loi dans le règlement de la succession69.
29. À ces hostilités, aujourd'hui d'ailleurs encore partagées par certains courants
doctrinaux nationaux, l'on oppose généralement la garantie de prévisibilité et de stabilité
de la loi successorale découlant du choix du testateur. Celui-ci permettrait en effet
d'éliminer une double incertitude : d'une part, celle liée à la détermination de la loi
applicable dans les situations où le critère de rattachement objectif n'est pas univoque70
(tel le cas, par exemple, d'un de cujus ayant une double nationalité) ; d'autre part,
l'incertitude résultant des possibles divergences entre les critères de rattachement prévus
par les différents droits nationaux71. Dans cette dernière hypothèse en effet, même si la
professio juris n’est pas valable dans l’un des pays concernés, elle peut néanmoins
permettre de parvenir à une solution uniforme et par conséquence à une plus grande
sécurité juridique dans le règlement de la succession72.
session de Nice de l'Institut de droit international de 1967 (Ann. Inst. dr. int, 1967, vol. 52, t. I, pp. 601 ss.) ;
en doctrine, v. aussi M.GORE, « De la mode » dans les successions internationales : contre les prétentions
de la professio juris, in Mélanges en l’honneur de Y. Loussouarn, Paris, Dalloz, 1994, pp. 193-201, pour
qui l'autonomie de la volonté dans le choix de la loi successorale constituerait une «démarche contradictoire
avec le droit des successions», dominé par les règles impératives.
69 La crainte que l'admission de la professio juris aurait pour principale conséquence de permettre au de
cujus d'échapper aux limites imposées par la loi, surtout à l'égard des héritiers réservataires, est notamment
partagée par P.MAYER-V.HEUZE, Droit international, op. cit., n°806 et Y.LEQUETTE, Le droit international
privé de la famille à l’épreuve des conventions internationales, in Recueil des cours, t. 246, 1994, pp. 142
ss. Contra G.L.A.DROZ, Regards sur le droit, op. cit., pp. 242 ss. qui critique les craintes partagées par une
partie de la doctrine en constatant que «dans la pratique successorale anglo-américaine où l'on dispose
d'une grande liberté de tester, les chefs de famille prennent le plus grand soin d'organiser leur succession
d'une manière juste, équitable et souvent mieux adaptée aux besoins que ne leur permettrait la rigidité des
règles impératives d'Europe continentale».
70 De cet avis, A.BONOMI, Successions internationales, op. cit., pp. 210 ss. ; A.DAVI, L’autonomie de la
volonté en droit international privé des successions dans la perspective d’une future réglementation
européenne, in Riv. dir. int. priv. proc., 2004, pp. 473 ss.
71 H.HANISCH, Professio juris, réserve légale und Pflichtteil, in Mélanges en l’honneur de Guy Flattet,
Lausanne, Payot, 1985, p. 476
72 Cet effet positif de la professio juris peut être illustré par le cas de l’Allemagne et de la Suisse : l’art.
91, al.1, de la loi suisse de droit international privé, dispose que la succession d’une personne domiciliée à
l’étranger est régie, en Suisse, par la loi désignée par les règles de droit international privé de l'État du
dernier domicile. Supposons donc le cas d'un ressortissant suisse domicilié en Allemagne et qui laisse des
biens dans son pays d'origine ; sa succession va donc être régie par les règles de conflit allemandes,
lesquelles désignent la loi nationale du défunt mais précisent de prendre en compte le renvoi (art. 4 de
l'EGBGB). Cela comporte que si l'art. 91 de la loi suisse de droit international privé est considéré comme
un renvoi au premier degré (thèse qui est avancée par une partie de la doctrine et de la jurisprudence : v.
H.DÖRNER, Internationales, op. cit., «Art. 25», n° 742), alors le droit allemand s'applique en tant que loi du
20
S'ajoute de plus un troisième avantage : la professio juris éviterait en effet les
inconvénients dérivant du conflit mobile des lois, notamment lorsque le critère de
rattachement utilisé est particulièrement susceptible d'être modifié au fil du temps,
comme c'est le cas du domicile ou de la résidence habituelle73. L'admission de la faculté
de choisir la lex successionis pourrait dès lors faciliter la circulation des personnes entre
les différents pays, le changement de la résidence ou du domicile n'affectant pas la loi
applicable à la succession qui resterait « congelée » au jour où le choix a été effectué74.
30. La professio juris en matière successorale ne manque donc pas de points de force, ce
qui explique sa prévision dans la plupart des récentes codifications supranationales75.
Reste toutefois évident le risque d'une facile éviction des règles impératives (notamment
celles concernant la protection des héritiers réservataires), ce qui soulève, encore à l'heure
actuelle, de fortes réticences dans un certain nombre de pays. La preuve en est la diffusion
limitée de la faculté de choisir la loi successorale dans les systèmes juridiques nationaux,
plusieurs, tout en l'ayant reconnu, l'ont assortie d'importantes restrictions.
b) Les « codifications » de la professio juris
31. Historiquement, les premières dispositions législatives permettant au de cujus de
choisir la loi applicable à sa succession apparaissent dans certains codes civils du XIXe
dernier domicile; a contrario (v. A.E. VON OVERBECK, Les régimes matrimoniaux et les successions dans
le nouveau droit international privé suisse, Lausanne, Cedidac, 1988, p. 75), c'est le droit suisse qui est
applicable car loi nationale du défunt. Or, ces incertitudes provoquées par le renvoi pourraient être
contournées par le recours à la professio juris en faveur du droit suisse : cette solution serait en effet valable
à la fois en Suisse (ce choix est possible en vertu de l'art. 87, al. 2, de la loi suisse de droit international
privé) et en Allemagne, où bien que cet instrument ne soit pas admis, la loi suisse serait néanmoins
applicable en tant que loi nationale du défunt et car la professio juris excluerait le renvoi. Il en découlerait
alors une plus grande certitude dans le règlement de la succession, tout en parvenant à une solution uniforme
où une seule loi serait applicable.
73 B.AUDIT-L.D'AVOUT, Droit international privé, 7e éd., Paris, 2013, n°895
74 En supposant, bien évidemment, que le choix du de cujus maintienne sa validité même si les liens qu'il
avait avec la loi successorale au moment de sa désignation disparaissent par la suite. Tel n'est pas le cas,
par exemple, pour le droit suisse (art. 90, al. 2, de la loi de droit international privé) et pour le droit estonien
(par. 25 de la loi de droit international privé), où le choix de la loi nationale est caduc si, au moment du
décès, le de cujus ne possédait plus la nationalité de l'État dont la loi a été choisie. Sur ce sujet, v. A. E.VON
OVERBECK, La professio juris, op. cit., pp. 1108 ss; A.DAVI, L’autonomie de la volonté, op. cit., p. 488
75 Pour la Convention de La Haye de 1989, v. par. b.1) ; pour le Règlement n. 650/2012, v. infra partie II
21
siècle, notamment dans les pays latino-américains76. En Europe, la professio juris est
admise par l'art. 9, al. 2, des dispositions préliminaires au Code civil italien de 1865,
cependant interprété par la jurisprudence de l'époque comme se référant aux seuls contrats
et non pas aussi aux domaines des successions77.
Ces prévisions normatives ne connaissent toutefois qu'un succès mitigé, preuve en est
leur élimination dans la plupart des codifications adoptée au cours du siècle dernier. Seule
exception à cette tendance négative est la Suisse, où l'autonomie de la volonté dans le
domaine des successions fait son apparition dans l'article 22 de la loi fédérale sur les
rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour en Suisse et connaît un succès
croissant jusqu'à son insertion dans la loi fédérale de droit international privé de 198778.
α) La Convention de La Haye de 1989
32. Sur le plan européen, les travaux d'uniformisation menés dans le cadre de la
Conférence de La Haye ont joué un rôle crucial pour la diffusion de la professio juris dans
les dernières décennies.
Cet instrument a été d'abord reconnu dans la Convention de La Haye du 2 octobre 1973
sur l'administration internationale des successions, en relation à l'émission du certificat
international d'héritier institué par la Convention elle-même79. C'est toutefois avec la
76 C'est le cas de la Bolivie (art. 463 du Code civil de 1831), du Pérou (art. 695 du Code civil 1851), du
Mexique (art. 18 du Code fédéral de 1870) et du Guatemala (art. 797 du Code civil d 1877). Pour un aperçu
de droit comparé, v. H.VALLADÃO, Le droit international privé des États américains, in Recueil des Cours,
t. 8, 1952, pp. 14 ss. ; E.RABEL, The Conflict of Laws. A Comparative Study, vol. IV, Ann Arbour,
University of Michigan, 1958, pp. 274 ss.
77 v. sur cet article P.DE CESARI, Autonomia della volontà e legge regolatrice delle successioni, Padoue,
CEDAM, 2001, p. 161). La professio juris va toutefois être abandonnée par le Code civil de 1942 et
réapparaître dans la loi de droit international privé de 1995 (sur laquelle, v. infra).
78 Sur la disposition de 1891, v. ex multis K.P.HOTZ, Die Rechtswahl im Erbrecht, Zurich, Schulthess,
1969, pp. 31 ss. ; sur la loi de 1987, v. notamment A.BONOMI-J.BERTHOLET, La professio juris en droit
international privé suisse et comparé, in Mélanges de l'Association des notaires vaudois, Zurich,
Schulthess, 2005, pp. 355 ss.
79 L'art. 4 de la convention dispose que : «tout État contractant a la faculté de déclarer que, pour désigner
le titulaire du certificat et indiquer ses pouvoirs, il appliquera, par dérogation à l'art.3, sa loi interne ou
celle de l'État dont le défunt était ressortissant selon le choix fait par ce dernier». Il est toutefois possible
de noter que cette disposition ne concerne pas directement l'admission de la professio juris, mais
simplement la reconnaissance par les États du certificat d'héritier émis sur la base de la loi choisie par le
défunt (en ce sens A.BONOMI, Successions internationales, op. cit., p. 200)
22
Convention de La Haye du 20 octobre 1989 sur la loi applicable aux successions
internationales que l'autonomie de la volonté est véritablement établie80.
33. Son article 5 permet en effet au de cujus de soumettre l'ensemble de sa succession à
la loi de l'État dont il possède la nationalité ou à celle de l'État de sa résidence habituelle81,
tout en précisant que ce choix est valable si la personne possède, au moment de la
désignation ou au moment du décès, la nationalité ou la résidence habituelle dont elle se
prévaut82. En outre, en dépit de quelques conditions de forme83, le choix de la loi n'est
soumis à aucune restriction et il est même admis, en principe, que celui-ci puisse conduire
à l'application d'une loi ignorant la réserve successorale, ce qui donc, en théorie, devrait
aboutir à écarter les règles de droit impératif prévues par la loi qui serait désignée
objectivement.
33. Néanmoins, ce risque d'usage abusif de la professio juris est évité par la faculté,
attribuée aux États contractants à l'article 24, par. 1, de la Convention, de déclarer qu'ils
ne reconnaîtront pas les effets du choix lorsque ce dernier priverait totalement (ou de
manière importante) le conjoint ou l'enfant du de cujus d'attributions de nature
successorale auxquelles ils auraient droit en vertu des règles impératives de la loi de l'État
ayant fait cette déclaration. Or, cette dérogation connaît une double limite : d'une part,
pour qu'elle soit valable, il est nécessaire que la loi de l'État déclarant eût été applicable à
80 En général sur cette convention, v. ; P.LAGARDE, La nouvelle Convention de La Haye sur la loi
applicable aux successions, in Rev. Crit. Dr. Int. Priv., 1989, pp. 249 ss. ; E.F.SCOLES, The Hague
Convention on Succession, in American Journal of Comparative Law, 1994, n. 1, pp. 85 ss.; T.BRANDI,
Das Haager Abkommen von 1989 über das auf die Erbfolge anzuwendende Recht, Berlin, Duncker &
Humblot, 1996 ; F.BOULANGER, Codifications nationales et convention de La Haye du 1er août 1989 :
l'improbable unification du droit international des successions, in Le droit international privé : esprit et
méthodes, Mélanges Paul Lagarde, Paris, Dalloz, 2005, pp. 155 ss.
81 L'art. 5, par. 4, de la Convention statue : « la désignation d'une loi est considérée, sauf précision expresse
contraire du défunt, comme concernant l'ensemble de la succession, que le défunt soit décédé ab intestat
ou qu'il est disposé à cause de mort de tout ou partie de ses biens ».
82 L'art. 24, par. 1, lettre c), précise en effet qu'un État contractant peut déclarer que « il ne reconnaîtra pas
une désignation faite conformément à l'article 5 par une personne qui, au moment de son décès, ne
possédait pas ou ne possédait plus la nationalité de l'État dont la loi a été désignée, ou n'y avait pas ou n'y
avait plus sa résidence habituelle, mais possédait alors la nationalité de l'État qui a fait la réserve et y
avait sa résidence habituelle ».
83 Le par. 2 de l'art. 5 de la Convention prévoit en effet que « Cette désignation doit être exprimée dans
une déclaration revêtant la forme d'une disposition à cause de mort [...]».
23
défaut de choix et, d'autre part, le conjoint ou l'enfant potentiellement lésé doivent avoir
la nationalité de cet État ou y résider habituellement.
34. Au défunt est en outre reconnue une faculté ultérieure, à savoir celle de soumettre
certains de ses biens à la loi d'un ou plusieurs États (art. 6 de la Convention). Tel est
notamment le cas des biens immobiliers, certains desquels peuvent ainsi être soumis à la
loi du lieu de leur situation en vertu du choix du de cujus. Ici aussi cependant, l'autonomie
de la volonté n'est pas sans limites, ce choix ne pouvant pas porter atteinte à l'application
des règles impératives de la loi applicable en absence de professio juris84.
35. À la faculté de choisir la lex successionis est enfin consacré l'article 11 de la
Convention, relatif non pas à la succession dans son entier mais à la loi régissant la
validité au fond des pactes successoraux, leurs effets ainsi que les circonstances entraînant
l'extinction de ces effets. En vertu de cette disposition, les parties peuvent donc soumettre
l’accord « à la loi d'un Etat dans lequel la personne ou l'une des personnes dont la
succession est concernée à sa résidence habituelle au moment de la conclusion du pacte
ou dont elle possède alors la nationalité ».
β) Les solutions nationales
37. Sous l’influence des solutions conventionnelles très favorables à l’autonomie de la
volonté, plusieurs législations nationales ont progressivement abandonné les résistances
du passé et admis, bien qu’avec des nuances entre les pays, le recours à la professio juris.
Une réglementation très libérale vis-à-vis du choix de la loi applicable a ainsi été adoptée
dans certains États du Nord-Europe, tels que les Pays-Bas où la Convention de 1989 a été
84 Cette restriction a conduit certains Auteurs à considérer l’article 6 comme une disposition prévoyant non
pas un véritable choix de la loi applicable mais plutôt une « incorporation » des règles étrangères dans l’acte
de dernière volonté (D.W.M. WATERS, Rapport explicatif sur la Convention-Successions de 1989, in Actes
et documents de la Seizième session (1988), t. II, Successions - loi applicable, pp. 560).
24
entièrement reprise par le droit interne85, l'Estonie86 et la Finlande87, pays dans lesquels
l'autonomie de la volonté a d'ailleurs été admise sans aucune restriction particulière visant
la protection des héritiers réservataires.
38. Cette large avancée en faveur de la professio juris n'a toutefois pas été suivie dans la
plupart des autres États européens, où les ouvertures vers l'autonomie de la volonté sont
restées plus prudentes. Ainsi en France, où le choix de la loi successorale n'est aujourd'hui
pas admis, les propositions avancées lors du projet de codification du droit international
privé de 1967 reconnaissaient au de cujus la faculté de soumettre la succession à sa loi
nationale, mais la limitaient à une double condition : d'une part «les successions portant
sur des immeubles et des fonds de commerce ainsi que la transmission de ceux-ci»
seraient régies par la loi de leur situation ; d'autre part, le testateur pouvait choisir la loi
applicable mais «sous réserve des règles impératives de la loi régissant la succession»88.
Il en est de même pour le droit international privé allemand, où la professio juris, bien
que réclamée depuis longtemps par une partie de la doctrine89, a été introduite à la suite
de la réforme de 1986 mais uniquement sous la forme d'un choix du droit allemand pour
les immeubles situés en Allemagne (art. 25, al. 2, EGBGB). Cela comporte donc que dans
l'hypothèse où un ressortissant étranger décède en Allemagne laissant des biens
85 Il s'agit de la loi du 4 septembre 1996, traduite dans Rev. crit. dr. int. Priv., 1997, p. 135, avec note
explicative de D.VAN ITERSON ; v. aussi DEUTSCHES NOTARINSTITUT, Les successions internationales dans
l’Union européenne-Perspectives pour une harmonisation, Würzburg, Deutsches Notarinstitut, 2004, pp.
51 ss.
86 Par. 25 de la loi du 27 mars 2002 de droit international privé, entrée en vigueur le 1er juillet 2002 et qui
admet la possibilité de choisir la loi nationale.
87 Section 26:6 du Code des successions, qui reconnaît la faculté de choisir la loi nationale ou celle du
domicile du défunt au moment de la désignation ou du décès, ou encore, pour les personnes mariées, la loi
applicable au régime matrimonial. V.DEUTSCHES NOTARINSTITUT, Les successions, op. cit., pp. 52 ss.
88 Le proposé article 2307 du Code civil prévoyait en effet que « les successions sont régies par la loi du
domicile du défunt, à moins que celui-ci n'ait, par testament, expressément opté pour sa loi nationale.
Toutefois, les successions portant sur des immeubles et des fonds de commerce ainsi que la transmission
de ceux-ci sont régies par la loi de leur situation ». Le suivant art. 2308 ajoutait en outre que « le testateur
peut se référer à une loi différente de celle qui est applicable en vertu de l'article précédent sous réserve
des règles impératives de la loi régissant la succession ».
89 H.DÖLLE, Die Rechtswahl im internationalen Erbrecht, in RabelsZ, 1966, p. 205 ; G.KÜHNE, Die
Parteiautonomie im internationalen Erbrecht, Bielefeld, Gieseking, 1973 ; F.STURM, Parteiautonomie als
bestimmender Faktor im internationalen Familien und Erbrecht, Festschrift für Ernst Wolf, Cologne,
Heymans, 1985, pp. 637 ss. ; hostiles à l'autonomie de la volonté M.FERID, Internationales Privatrecht, 2e
éd., Bielefeld, Gieseking, 1982, par. 9-13. La Cour fédérale avait également écarté l'idée que le de cujus
puisse désigner la loi applicable à la succession dans l'arrêt du BGH, 29 mars 1972 (NJW, 1972, p. 1001).
25
immeubles, celui-ci ne pourra opter pour la loi allemande qu'en relation au patrimoine
immobilier90 situé dans ce pays, alors que les autres biens successoraux seront régis par
sa loi nationale, en tant que loi désignée par le droit international privé allemand. Ce
mécanisme montre ainsi des véritables faiblesses, la succession finissant dans la plupart
des cas par être scindée entre la loi allemande et la loi nationale du défunt91.
39. Des restrictions visant à protéger les héritiers réservataires ont en revanche été
introduites dans d'autres pays, comme en Italie où la loi de réforme du système italien de
droit international privé du 31 mai 1995, n. 218, a reconnu la professio juris en permettant
au de cujus de soumettre la succession à la loi de l'État de sa dernière résidence
habituelle92. Or cette réglementation, si elle se montre plus restrictive par rapport à la
Convention de La Haye de 1989 en limitant l'appréciation de la validité du choix au seul
moment du décès (ce qui implique que la désignation sera caduque si le défunt n'est plus
résident dans l'État dont la loi a été choisie), en même temps elle s'inspire des solutions
conventionnelles pour garantir la protection des héritiers réservataires. Ainsi, sur le
modèle de l'article 24, paragraphe 1, lettre d), de la Convention de 1989, l'art. 46, al. 2,
de la loi de 1995 dispose que la professio juris ne peut pas priver les réservataires résidant
en Italie au moment du décès de la protection qui leur est accordée par les règles
impératives de la loi italienne. Le choix de la loi applicable à la succession est donc certes
possible, mais à condition que les dispositions nationales en matière de réserve
successorale soient respectées. Le souci de protéger les héritiers réservataires du de cujus
a également été repris par d'autres législateurs européens, tels que celui belge93 ou celui
90 La doctrine allemande s'interroge toutefois si la professio juris en faveur du droit allemand puisse être
limitée à certains des immeubles sis en Allemagne ou bien si, en revanche, elle doit comprendre l'ensemble
du patrimoine immobilier situé dans ce pays. La plupart des Auteurs s'expriment en faveur de la première
solution (v. A.TIEDEMANN, Die Rechtswahl im deutschen internationalen Erbrecht, in RabelsZ, 1991, p.
24 ; H.DÖRNER, Internationales Erbrecht, op.cit., Art. 25, n°477
91 A.BONOMI, Les successions, op. cit., p. 204
92 L'art. 46, al. 2, de la loi n. 218 de 1995 ainsi dispose : «Il soggetto della cui eredità si tratta può
sottoporre, con dichiarazione espressa in forma testamentaria, l'intera successione alla legge dello Stato
in cui risiede [...]». V. sur cette disposition P.PICONE, La riforma italiana del diritto internazionale privato,
Padoue, Cedam, 1998, pp. 70 ss. ; R.CLERICI, Articolo 46 (Successioni per causa di morte), Riv. dir. int
priv. proc., 1995, pp. 1136 ss. ; M.B.DELI, Articolo 46, in S.BARIATTI, Legge 31 maggio 1995, n. 218,
Riforma del sistema italiano di diritto internazionale privato. Commentario, Nuove leggi civili comm.,
1996, pp. 1278 ss. ; P.DE CESARI, Autonomia della volontà, op. Cit., pp. 162 ss.
93 Art. 79 du Code de droit international privé de 2004, sur lequel v. F.RIGAUX - M. FALLON, Droit
international privé, droit positif belge, 3e éd., Bruxelles, Larcier, 2005, n°13.80 ; P.WAUTELET, Le nouveau
régime des successions internationales, in Revue générale de droit civil belge, 2005, pp. 380 ss.
26
bulgare94 qui, tout en admettant le recours au choix de la loi applicable (pouvant porter
indifféremment sur la loi nationale ou sur celle de la résidence habituelle), ont prévu que
celui-ci ne puisse pas priver les héritiers réservataires des droits qui leur sont accordés en
vertu de la loi qui aurait été applicable à défaut de choix. Une réglementation particulière
est enfin prévue dans les ressorts du common law, où bien que l'autonomie de la volonté
en matière successorale ne soit pas admise de manière générale, semble incontesté le
principe en vertu duquel l'interprétation des dernières volonté ne doit pas se faire selon la
loi applicable à la validité du testament (à savoir, la loi du dernier domicile pour les biens
meubles et la lex rei sitae pour les biens immeubles), mais selon la loi choisie de manière
expresse ou tacite par le de cujus95. Or, cette solution ne conduit pas à une reconnaissance
illimitée de la professio juris, celle-ci ne pouvant pas échapper, selon l'opinion
majoritaire96, aux règles impératives qui régissent la validité matérielle du testament.
40. Une approche plus libérale s'est en revanche imposée dans certains États des États-
Unis, où l'on a reconnu au de cujus la faculté de désigner la loi applicable à la validité
matérielle et aux effets des dispositions de dernières volonté97. Cette solution a été
94 Art. 89, al. 5, du Code de droit international privé du 13 mai 2005 ; v. A.DUTTA, Succession and Wills
in the Conflict of Laws on the Eve of Europeanisation, in RabelsZ, 2009, pp. 569
95 A.V.DICEY – H.C.MORRIS - L.COLLINS, The Conflicts of Laws, op. cit., n°27-060, précisent que la loi
choisie s'applique à la «construction of the will», qui est une notion plus large que la pure et simple
interprétation de la volonté du testateur car elle inclue également la détermination des règles applicables
pour combler les éventuelles lacunes de la volonté du de cujus. Cette même solution est reprise par
J.H.C.MORRIS - D.MCCLEAN, The Conflict of Laws, op. cit., p. 454 ; G.MILLER, International Aspects of
Succession, Aldershot, Ashgate, 2000, pp. 180 ss. Il est d'ailleurs intéressant de noter que cette
interprétation a été reprise par certaines codifications européenne, telle que celle portugaise (art. 64, lettre
a), du Code civil) ainsi que par une partie de la doctrine française (v. notamment G.A.L.DROZ - M.
REVILLARD, Successions, in Clunet - Droit int., fasc. 557-10, n°119)
96 C.M.V. CLARKSON - J.HILL, The Conflict of Laws, 4e éd., Oxford university Press, 2011, p. 445 ;
G.MILLER, International Aspects, op. cit., p. 186
97 C'est le cas des États du Massachussets, de l'Oregon et de l'Utah, sur lesquels v. L.L.MCDOUGAL III –
R.L.FELIX - R.V.WHITTEN, American Conflicts Law, op. cit., p. 655; J.A.SCHOENBLUM, Multistate and
Multinational Estate Planning, Boston, Little, 1982, pp. 430 ss. ; E.SCOLES – P.HAY – P.BORCHERS -
S.SYMEONIDES, Conflicts of Laws, op. cit., pp. 1123 ss. Une réglementation particulière a été prévue dans
l'État de New York, où seul le choix de la loi de cet État pour les biens qui y sont situés est espressément
validée par le par. 3-51(h) de la New York Estates, Powers and Trusts Law qui dispose que «Whenever a
testator, not domiciled in this state at the time of death, provides in his will that he elects to have the
disposition of his property situated in this state governed by the laws of this state, the intrinsic validity,
including the testator's general capacity, effect, interpretation, revocation or alteration of any such
disposition is determined by the local law of this state».
27
consacrée, de manière générale, par le Uniform Probate Code98, en vertu duquel le
testateur peut choisir la loi applicable à l'interprétation et aux effets de l'acte. Le
législateur américain a ainsi espéré que la prévision d'une réglementation plus libérale en
faveur de la professio juris faciliterait le recours au testament et à d'autres actes à cause
de mort, aujourd'hui habituellement utilisés dans le cadre de la planification successorale
(c'est le célèbre « estate planning99 »). Cette liberté reconnue au de cujus n'est toutefois
pas sans limites, le choix de la loi applicable ne pouvant pas faire échec aux dispositions
relatives à l'elective share, à la family protection ainsi qu'à d'autres prévisions concernant
l'ordre public100.
41. Ces considérations montrent bien que la capacité de la professio juris à garantir une
meilleure prévisibilité et sécurité dans le règlement des successions internationales ne
peut être pleinement exploitée que si cet instrument est prévu de manière uniforme dans
un grand nombre de pays, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Son effectivité est
d'ailleurs ultérieurement limitée par les profondes disparités existantes en matière de
règles de conflit de lois qui, malgré les correctifs décrits supra, rendent difficile, voire
dans parfois même impossible, de parvenir à une réglementation harmonieuse entre les
États.
Une réponse allant dans cette direction est dès lors obligée, surtout à l'intérieur de l'Union
européenne: si dans le domaine de la compétence juridictionnelle les divergences entre
les critères de rattachement, bien que présentes, sont mineures (l'autorité compétente
98 Il s'agit d'une loi modèle adoptée en 1969 par la National Conference of Commissioners on Uniform
State Laws. Ce texte, qui a fait l'objet de plusieurs révisions dont la dernière en 2010, a été repris dans son
entier dans seize États fédérés des États-Unis, alors que d'autres en ont incorporé que quelques parties. En
général sur le Uniform Probate Code v. ex multis A.H.LAWRENCE, Uniform probate code in a nutshell,
5ème éd., Saint Paul, Minn. : West Group, 2001
99 La liberté du testateur d'anticiper la succession de ses biens est le plus souvent exercée par le recours
aux trusts ou à d'autres formes de «will substitutes», ce qui conduirait à assimiler les dispositions mortis
causa à des actes inter vivos. Sur cette assimilation la position de la doctrine américaine n'est toutefois pas
unanime (v. L.H.AVERILL, Uniform Probate Code, op. cit., pp. 256 ss. ; en général sur l'estate planning v.
J.TALPIS, Succession Substitutes, in Recueil des Cours, t. 356, 2011
100 La section 2-703 du Uniform Probate Code prévoit en effet que «The meaning and legal effect of a
governing instrument is determined by the local law of the state selected in the governing instrument, unless
the application of that law is contrary to the provision relating to the elective share described in Part 2,
the provisions relating to exempt property and allowances described in part 4, or any other public policy
of this State otherwise applicable to the disposition». V. sur cette disposition E.SCOLES, Choice of Law in
Family Property transactions, in Recueil des Cours, t. 209, 1988, p. 82 ; F.STURM, Parteiautonomie, op.
cit., p. 643
28
étant, en générale, celle du lieu du dernier domicile ou de la dernière résidence du défunt),
dans le champs des conflits de lois les disparités existantes constituent indiscutablement
l'un des obstacles majeurs à l'instauration d'un ensemble de normes claires et homogènes
entre les pays membres.
C'est donc dans cette perspective qu'intervient le Règlement (UE) n° 612/2012 : la
prévision d'une règle de conflit unique, tant pour la compétence juridictionnelle que pour
la loi applicable, ainsi que l'admission générale de la professio juris, visent en effet à
simplifier la réglementation d'une succession transfrontalière, en fournissant une solution
prévisible et uniforme pour tous les États membres adhérents.
II. Le nouveau droit des successions internationales dans l'Union européenne
42. Adopté le 4 juillet 2012, le Règlement (UE) relatif à la compétence, la loi applicable,
la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes
authentiques en matière de succession et à la création d’un certificat successoral
européen101 apporte de profondes innovations dans le droit international privé des
successions et introduit, pour la première fois, des règles de conflits uniformes aux États
membres de l’Union européenne.
A. La genèse du règlement n°650/2012
43. Cet objectif d'harmonisation en matière de successions internationales n’est pas sans
précédents ; déjà à la fin du XIXe siècle, dans le cadre de la Conférence de La Haye de
droit international privé, l’élaboration de règles uniformes en matière de successions avait
formé l’objet de quatre sessions, en 1893, 1894, 1900 et 1904. Au cours de cette dernière,
un projet de convention avait été présenté mais n’avait obtenu qu’un faible consensus au
sein des États membres, finissant ainsi par rester une simple proposition102. La question
101 J.O.U.E. L. 201, 27 juillet 2012, p. 107
102 L'un des principaux obstacles à l'adoption du projet de 1904 fut notamment la question de l'ordre public.
29
a donc été reprise à partir des années cinquante, avec l’élaboration de trois conventions
en matière successorale : la Convention de La Haye de 1961 sur la forme des dispositions
testamentaires103, la Convention de La Haye de 1973 sur l’administration internationale
des successions104 et la Convention de La Haye de 1989 sur la loi applicable aux
successions internationales (supra n° 30 s.). Toutefois, de ces trois instruments, seule la
Convention de 1961 a recueilli un certain nombre de ratifications, les deux autres restant
pratiquement lettre morte105. En 1973 a en outre été adoptée, au sein de l’UNIDROIT, la
Convention de Washington prévoyant l’application de règles de forme homogènes au
testament international106. Néanmoins, ce texte n’est que rarement appliqué dans la
pratique, probablement en raison de certaines dispositions inspirées au système anglo-
saxon et inconnues à la plupart des traditions juridiques européennes107.
44. Face à ces sucés très mitigés, le sujet des successions internationales a été relancé au
cours du Conseil européen de Tampere de 1999, aux termes duquel le Conseil de l’Union
européenne et la Commission ont été invités à adopter un programme de mesures sur la
L'art. 6 de la proposition contenait en effet, d'une part, une réserve de l'application des lois territoriales
destinées à empêcher la division des propriétés rurales et celle concernant les immeubles placés sous un
régime foncier spécial ; d'autre part, cette même disposition prévoyait l'élaboration d'un protocole
additionnel destiné à préciser quelles seraient, pour chaque État membre, les lois « de nature impératives
ou prohibitives » empêchant l'application de la Convention. Sur ce projet et sur son art. 6, v. notamment
H.LEWALD, La réglementation de l'ordre public sur le terrain des traités diplomatiques (traduction de:
Staatsvertragliche Regelung der internationalprivatrechtlichen Vorbehaltsklausel, Mitteilungen der
Deutschen Gesellschaft für Völkerrecht, Heft 7, 1926, p. 48), in Rev. crit. dr. int. priv.,1928, p. 159 s.; A.E.
VON OVERBECK, Divers aspects de l'unification du droit international privé, spécialement en matière de
successions, in Recueil des Cours, vol. 104, 1961, pp. 554 s.
103 Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions
testamentaires (disponible à l'adresse http://www.hcch.net/).
104 Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur l'administration internationale des successions,
disponible sur le site web de la Conférence de La Haye à l'adresse http://www.hcch.net/.
105 La Convention de 1961 a en effet été ratifiée, au 9 décembre 2013 (date de la dernière mise à jour) par
quarante-deux États, alors que la Convention de 1973 n'est en vigueur qu'au Portugal, en République
Tchèque et en Slovaquie et la Convention de 1989 n'a été ratifiée que par les Pays-Bas qui l'ont rendue
applicable par une loi interne en 1996.
106 Convention portant loi uniforme sur la forme d'un testament international, adoptée à Washington le 26
octobre 1973 et entrée en vigueur en 1978. Cet instrument, aujourd'hui ratifié par vingt-un États, représente
un développement ultérieur de la Convention de La Haye de 1961, offrant « à côté et en plus des formes
traditionnelles, une forme supplémentaire nouvelle » de testament (v. sur ce texte le Rapport explicatif
rédigé par J.P. PLANTARD et publié sur le site de l'UNIDROIT à l'adresse http://www.unidroit.org/).
107 Par exemple la prévision, à l'art. 5 de l'Annexe à la Convention, selon laquelle « en présence des
témoins et de la personne habilitée, le testateur signe le testament ou, s'il a signé précédemment, reconnaît
et confirme sa signature », ce qui approche le testament international du testament de Common law.
30
mise en œuvre du principe de la reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile
et commerciale, en tant que « pierre angulaire de la coopération judiciaire » au sein de
l’Union européenne108. Le projet élaboré suite à Tampere a ainsi prévu, conformément à
l’art. 67, par. 1er et 4, et à l’art. 81, par. 1er TFUE109, la mise en place progressive d’un
espace de liberté, sécurité et justice devant se traduire, notamment, dans la réalisation
d’instruments destinés à favoriser l’homogénéité des règles de conflits de lois et de
juridictions entre les États membres, en particulier dans le domaine de successions110. Les
idées centrales de ce projet ont ensuite été reprises d’abord dans le « Programme de La
Haye »111 de 2004, qui a souligné l’importance d’adopter un texte capable de traiter non
seulement les questions relatives aux conflits de lois et à la compétence judiciaire, mais
aussi à la reconnaissance mutuelle et à l’exécution des décisions en matière successorale,
et enfin dans le « Programme de Stockholm »112 de 2009 qui a confirmé l’importance de
ce projet. S’ajoutent à ces travaux une importante étude de droit comparé réalisée par
l’Institut notarial allemand113, suivie d’un livre vert présenté par la Commission en
2005114 et accompagné par de nombreuses réponses qui ont ainsi démontré un vif intérêt
108 L'impulsion décisive à la mise en œuvre du principe de la reconnaissance mutuelle a été donnée, en
effet, lors du Conseil européen réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999. Auparavant, la question avait
déjà été affrontée par le Conseil et la Commission dans le Plan d'action de Vienne concernant les modalités
optimales de mises en œuvre des dispositions du Traité d'Amsterdam relatives à l'établissement d'un espace
de liberté, sécurité et de justice, adopté par le Conseil Justice et Affaires Intérieures du 3 décembre 1998
(v. JO C 19 du 23 janvier 1999, pp. 1-15). Ce projet avait ainsi l'objectif d'examiner la possible élaboration
d'un instrument juridique couvrant la compétence internationale, la loi applicable, la reconnaissance et
l'exécution des jugements relatifs aux régimes matrimoniaux et aux successions, tout en reprenant les
résultats déjà réalisés dans le cadre de la Conférence de La Haye de droit international privé.
109 Selon ces dispositions, « L'Union facilite un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect
des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des États membres » (art. 67,
par. 1) et pour cela « facilite l'accès à la justice, notamment par le principe de reconnaissance mutuelle des
décisions judiciaires et extrajudiciaires en matière civile » (art. 67, par. 4), tout en développant dans cette
matière « une coopération […] ayant une incidence transfrontalière » (art. 81, par. 1).
110 J.O. C 12 du 15 janvier 2001, pp. 1-9
111 « Le programme de La Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l'Union européenne »,
adopté par le Conseil européen réuni à Bruxelles les 4 et 5 novembre 2004 (J.O. C 53 du 3 mars 2005, p.
1).
112 « Le programme de Stockholm - Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens », adopté
par le Conseil européen réuni à Bruxelles les 10 et 11 décembre 2009 (J.O. C 115 du 4 mars 2010, p. 1).
113 Il s'agit de « Étude de droit comparé sur les règles de conflits de juridictions et de conflits de lois
relatives aux testaments et successions dans les États membres de l'Union européenne », préparé par le
Deutsches Notarinstitut sous la coordination scientifique des Professeurs H.DÖRNER et P.LAGARDE. Le
travail a été publié dans le volume « Les Successions internationales dans l'Union européenne –
Perspectives pour une harmonisation », Würzburg, DNI, 2004, pp. 1-328.
114 Livre vert « Successions et testaments » du 1er mars 2005 [COM (2005) 65 final].
31
pour ces travaux.
45. C’est donc aux termes de cette longue gestation qu’a été présentée la proposition de
règlement du 14 octobre 2009115, adoptée conformément à la procédure législative
ordinaire de codécision du Parlement et du Conseil prévue à l’art. 81, par. 2 TFUE116. Le
Règlement est ainsi entré en vigueur le 16 août 2012, le vingtième jour suivant sa
publication (selon son art. 84, par. 1) mais n’est devenu applicable qu’aux « successions
des personnes qui décèdent le 17 août 2015 ou après le 17 août 2015 » (art. 83, par. 1).
B. Le champ d'application du Règlement
Avant de procéder à l'analyse des principales dispositions du Règlement, il est
indispensable d'en connaître les conditions d'application.
1. Le champ d'application ratione temporis
46. Suivant l'exemple d'autres règlements sur la coopération judiciaire, le législateur
européen a maintenu distinctes les dates de l'entrée en vigueur et de l'entrée en
115 Proposition du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable,
la reconnaissance et l'exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la
création d'un certificat successoral européen du 14 octobre 2009 [COM (2009) 154 final]. Ce texte a été
largement commenté, v. notamment G.KHAIRALLAH - M.REVILLARD (sous la direction de), Perspectives du
droit des successions européennes et internationales, Paris, Defrénois, 2010 ; A.BONOMI-C.SCHMID (éd.),
Successions internationales. Réflexions autour du futur règlement européen et de son impact pour la Suisse,
Genève, Schultness, 2010 ; B.ANCEL, Convergence des droits et droit européen des successions
internationales : Proposition de Règlement du 14 octobre 2009, in C.BALDUS - P.C. MULLER-GRAFF (sous
la direction de), Europäisches Privatrecht inVielfalt geeint durch Gruppenbildung im Sachen – Familien –
und Erbrech ?/ Droit privé européen : l'unité dans la diversité Convergence en droit des biens, de la famille
et des successions ?, Munich, Sellier, 2011, pp. 185 s. Un commentaire de la proposition, article par article,
a également été publié par le Max-Planck-Institut de Hambourg in RabelsZ, 2010, pp. 522-721.
116 Il s'agit de la position du Parlement européen du 13 mars 2012 et de la décision du Conseil du 7 juin
2012. L'adoption de la procédure législative ordinaire et non de celle spéciale prévue à l'art. 81, par. 3,
TFUE pour les mesures relatives au droit de la famille (qui aurait exigé l'unanimité des membres du Conseil
après consultation du Parlement européen) s'explique car le droit des successions, ayant pour objet la
dévolution et la transmission des biens à cause de mort, ne relève pas du droit de la famille qui concerne en
revanche les rapports juridiques dérivant du mariage et de la filiation (v. P.LAGARDE, Les principes de base
du nouveau règlement européen des successions, in Rev. crit. dr. int. priv., 2012, p. 691).
32
application. Ainsi que précédemment exposé, le Règlement sur les successions n'est en
effet devenu applicable qu'à compter du 17 août 2015, soit deux années après son adoption
et son entrée en vigueur. Les raisons de ce long délai, bien que les travaux préparatoires
publics ne fournissent aucune explication à l'égard, peuvent trouver une justification
pratique : les nombreuses nouveautés introduites nécessitent en effet d'un certain temps
d'adaptation tant pour les États membres que pour les autorités et professionnels
concernés, appelés à agir et à s'organiser selon la nouvelle réglementation117.
47. Dès lors, jusqu'au 17 août 2015 les juridictions des États membres ont appliqué les
règles nationales en vigueur dans le propre système juridique et, suivant le texte de l'art.
83, par. 1er, du Règlement, il en ira de même après cette date en ce qui concerne les
successions ouvertes avant l'entrée en application du texte. Néanmoins, afin de garantir
qu'un choix de la loi ou qu'une disposition à cause de mort, établie conformément aux
conditions prévues par le Règlement, puissent bénéficier des règles favorables prévues
par cet instrument, et cela même lorsque le défunt est décédé avant le 17 août 2015, le
précité art. 83 prévoit, au paragraphe 2, une forme d'application anticipée du nouveau
texte118. Ainsi, « lorsque le défunt avait, avant le 17 août 2015, choisi la loi applicable à
sa succession, ce choix est valable » s'il est effectué conformément au Règlement « ou
s'il est valable en application des règles de droit international privé qui étaient en
vigueur, au moment où le choix a été fait, dans l'État dans lequel le défunt avait sa
résidence habituelle ou dans tout État dont il possédait la nationalité ». Il en va de même
pour les dispositions à cause de mort, selon les règles prévues aux paragraphes 3 et 4 du
précité l'art. 83.
117 C.NOURISSAT, Le champs d'application du règlement, in G.KHAIRALLAH - M.REVILLARD (sous la
direction de), Droit européen des successions internationales. Le règlement du 4 juillet 2012, Paris,
Defrénois, 2013.
118 P. DE VAREILLES-SOMMIERES, Pour une meilleure consolidation européenne des dispositions de
planification successorale prises avant le 17 août 2015 relativement à une succession internationale, in
Recueil Dalloz, 2012, p. 2321.
33
2. Le champ d'application ratione loci
48. Le Règlement ne lie pas tous les États membres de l'Union européenne. Les pays
adhérents sont en effet vingt-quatre (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre,
Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Italie, Hongrie, Lituanie, Lettonie,
Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie,
Slovaquie, Slovénie et Suède) auxquels s'est ajoutée la Croatie en 2013119.
49. Comme pour les autres instruments élaborés dans le cadre de l'espace de liberté, de
sécurité et de justice, le Danemark n'a pas participé à l'adoption du Règlement et n'est pas
lié par celui-ci ni soumis à son application (considérant 83)120. De même, le Royaume-
Uni et à l'Irlande, tout en ayant participé aux négociations du Règlement, ont décidé de
ne pas se valoir de leur droit d'opt-in, restant ainsi en dehors de son champ
d'application121. Cette décision, justifiée principalement par la crainte de ces États de
devoir renoncer à certains « piliers » de leur droit international des successions122, n'est
toutefois pas irrévocable. Conformément à l'art. 4 du Protocole n°22 en effet, l'Irlande et
le Royaume-Uni ont toujours la possibilité de notifier leur intention d'accepter le
Règlement après son adoption (considérant 82).
50. Une distinction ultérieure s'impose : si d'une part s'opposent les États membres liés
par le Règlement et ceux qui ne l'ont pas adopté, d'autre part il convient également de
distinguer les dispositions applicables erga omnes de celles applicables inter partes. Font
partie de cette dernière catégorie les articles du chapitre IV, relatifs à la reconnaissance
et à l'exécution des décisions, ainsi que ceux du chapitre V, consacrés à l'acceptation des
actes authentiques et des transactions judiciaires, qui s'appliquent aux seules relations
119 La Croatie est devenue membre de l'Union européenne à compter du 1er juillet 2013. Le Règlement, en
tant que partie de l' « acquis communautaire », lui est donc également applicable.
120 Articles 1 et 2 du Protocole n°22 sur la position du Danemark, annexé au Traité sur l'Union européenne
et au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (J.O. C. 326 du 26 octobre 2012, p. 299).
121 Articles 1 et 2 du Protocole n°21 sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande à l'égard de l'espace
de liberté, de sécurité et de justice, annexé au Traité sur l'Union européenne et au Traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne (J.O. C 326 du 26 octobre 2012, p. 295).
122 Sur les raisons de ce choix du Royaume-Uni et de l'Irlande, v. notamment A.BONOMI-P.WAUTELET,
Le droit européen des successions. Commentaire du Règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012, Bruxelles,
Bruylant, 2013, p. 29 ; P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement, op. cit., n°19.
34
entre États liés par le Règlement123. Il en est de même pour les effets du certificat
successoral européen124 et pour les dispositions relatives à la litispendance et à la
connexité125, applicables qu'aux États ayant adopté le nouvel instrument. Quant à la
première catégorie en revanche, et suivant le système désormais classique des règlements
européens en matière de conflits de lois126, le Règlement sur les successions s'applique
même si la loi désignée « n'est pas celle d'un État membre » (art. 20), ce qui confère ainsi
à ce texte un caractère universel et comporte, par conséquence, que les règles de conflit
de lois du Règlement se substituent entièrement, dans les matières régies, aux dispositions
de droit international privé en vigueur dans les États membres127. Dès lors, même si le
défunt avait la nationalité d'un État non membre ou avait sa résidence habituelle sur le
territoire d'un État non lié par le Règlement, cet instrument pourra toujours s'appliquer128.
3. Le champ d'application ratione materiae
51. C’est l’article premier qui détermine le champ d’application matériel du Règlement.
Ainsi, ce dernier s’applique aux successions à cause de mort, définies comme « toute
123 L'art. 39 ne se réfère qu'aux décisions rendues dans un État membre et qui sont reconnues dans les
autres États membres ; de même les articles 59, 60 et 61 prévoient l'acceptation et la force exécutoire des
seuls actes authentiques établis dans un État membre et des seules transactions judiciaires conclues dans
État membre.
124 Ce document est en effet « délivré en vue d'être utilisé dans un autre État membre » (art. 62, par. 1) et
produit ses effets « dans tous les États membres ».
125 Les articles 17 et 18 ne sont en effet applicables que si des demandes identiques ou connexes sont
pendantes « devant des juridictions d'États membres différents ». Il convient de noter que cette règle, qui
traditionnellement a été adoptée dans les règlements européens relatifs aux conflits de juridictions, a été en
partie dérogée dans le plus récent Règlement « Bruxelles I bis » du 12 décembre 2012, issu de la révision
du Règlement « Bruxelles I », qui a prévu l'application des dispositions sur la litispendance et la connexité
également aux procédures pendantes dans les États tiers (art. 33).
126 C'est le cas du Règlement « Rome I » en matière de loi applicable aux obligations contractuelles (art.
2), du Règlement « Rome II » en matière de loi applicable aux obligations non contractuelles (art. 3) et du
Règlement « Rome III » en matière de loi applicable au divorce et à la séparation personnelle (art. 4).
127 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 33 ; du même avis
G.KHAIRALLAH, La détermination de la loi applicable à la succession, in G.KHAIRALLAH - M.REVILLARD
(sous la direction de), Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 49.
128 D'avis contraire C.F.MAJER, Die Geltung der EU-Erbrechtsverordnung für reine
Drittstaatensachverhalte, in Zeitschrift für Erbrecht und Vermögensnachfolge (ZEV), 2011, pp. 445 s.,
pour qui les règles de conflit nationales en vigueur dans les États membres continuent à s'appliquer dans
les relations avec d'autres États non partie de l'Union européenne.
35
forme de transfert de propriété à cause de mort, qu’il s’agisse d’un acte volontaire de
transfert, sous forme testamentaire ou celle d’un pacte successoral, ou d’un transfert de
propriété à cause de mort résultant de la loi »129. Sont donc compris tous les aspects de
droit civil relatifs à une succession internationale130 (bien que le caractère transfrontalier
n’apparaisse pas directement du texte du précité article 1er qui ne se réfère qu’aux
règlements successoraux en général131), à l’exclusion des questions administratives,
fiscales et douanières.
52. Ces dernières constituent une première série d’exclusions traditionnellement non
comprises dans la définition de « matière civile » élaborée par la jurisprudence de la Cour
de justice de l’Union européenne en relation aux autres règlements européens. En effet,
comme il a déjà été précisé dans le passé, un litige concerne la matière civile, au sens
européen du terme, tant qu’il ne comporte pas « l’intervention d’une autorité publique qui
a agi dans l’exercice de la puissance publique »132. Il est toutefois intéressant de noter
qu’à cet égard le Règlement déroge en partie à cette définition, en statuant à l’art. 33
qu’en cas de succession en déshérence, la lex successionis déterminée « ne fait pas
obstacles au droit d’un État membre ou d’une institution désignée à cet effet par ledit État
membre d’appréhender, en vertu de sa propre loi, les biens successoraux situés sur son
territoire ». Il s’ensuit donc que le système retenu par le Règlement autorise qu’en cas de
conflit entre, d’une part, la vocation successorale de l’État dont la loi est applicable à la
succession et, d’autre part, la vocation régalienne de l’État du lieu de situation des biens,
soit cette dernière à en bénéficier et à faire ainsi valoir les prétentions publiques sur la
masse successorale133.
129 Ainsi dispose l’art. 3, par. 1, lettre a), du Règlement.
130 Comme l’indique le considérant 9 en effet, le champ d’application du Règlement “devrait s’étendre à
tous les aspects de droit civil d’une succession à cause de mort”.
131 Cette précision n’est prévue que dans quelques considérants, en particulier le considérant 7, qui
souligne la nécessité d’éliminer, au sein du marché intérieur de l’Union européenne, les obstacles à la libre
circulation des personnes « confrontées [...] à des difficultés pour faire valoir leur droits dans le contexte
d’une succession ayant des incidences transfrontalières ».
132 v. ex multis CJCE, 21 avril 1993, C-172/91, Volker Sonntag c. Waidmann, par. 20
133 Ce qui n’est pas le cas dans le reste des instruments européens, où l’approche traditionnellement adopté
est de refuser de faire droit aux prétentions de l’Etat étranger en raison de sa nature publique. Cf. en
particulier avec le Règlement (UE) n°848/2015 relatif aux procédures d’insolvabilité et à la possibilité, pour
l’administration fiscale d’un État membre différent, de faire valoir ses prétentions dans le cadre d’une
procédure ouverte dans un autre État membre.
36
53. L’exclusion de la matière fiscale mérite également quelques précisions. Ainsi, comme
l’indique le considérant 10, « il appartient [...] au droit national de déterminer [...]
comment sont calculés et payés les impôts et autres taxes, qu’il s’agisse d’impôts dus par
la personne décédée au moment de son décès ou de tout type d’impôts lié à la succession
dont doivent s’acquitter la succession ou les bénéficiaires. Il appartient également au droit
national de déterminer si le transfert d’un bien successoral aux bénéficiaires en vertu du
présent règlement ou l’inscription d’un bien successoral dans un registre peut, ou non,
faire l’objet de paiement d’impôts ». Dès lors, les règles concernant les impôts sur les
successions, ainsi que toutes les autres questions fiscales découlant du règlement
successoral, restent gouvernées par les régimes nationaux et par les éventuelles
conventions bilatérales en matière de double imposition. Néanmoins, certaines limites ont
été posées par le droit européen, notamment par le biais de la Cour de justice de l’Union
européenne qui a considéré la fiscalité successorale comme une matière rentrant dans
l’une de quatre libertés du marché intérieur, à savoir la libre circulation des capitaux134.
Il convient en outre de noter que l’exclusion des questions fiscales avait été directement
affrontée dans la proposition du Règlement de 2009135, qui après avoir précisé que cet
instrument « n’affecte pas la fiscalité de l’héritage des États membres” et que “en
conséquence, les successions internationales pourront toujours donner lieu a des
incohérences entre les régimes nationaux d'imposition et il [pourra] en résulter des
doubles impositions ou des discriminations », a annoncé l’intention de la Commission
européenne de présenter, courant l’année 2010, « une communication afin d’aborder ces
questions ». Ce document a effectivement été publié en 2011136 sans que, pour autant, il
ne produise (du moins jusqu’à aujourd’hui) des effets concrets.
134 Cet approche est bien visible dans de nombreux arrêts de la Cour: v. ex pluribus CJCE, 11 septembre
2008, C-11/07, Hans Eckelkamp et autres c. Belgische Staat; CJCE, 15 octobre 2009, C-35/08, Busley et
Cibrian Fernandez c. Finanzamt Stuttgart-Körperschaften où les juges, après avoir rappelé « que les
successions, qui consistent en une transmission à une ou plusieurs personnes du patrimoine laissé par une
personne décédée, relèvent de la rubrique XI de l’annexe I de la directive 88/361, intitulée «Mouvements
de capitaux à caractère personnel», et que par conséquence elles « constituent des mouvements de capitaux
au sens de l’article 56 CE » (par. 18), ont considéré comme mesures interdites par cette disposition « non
seulement des mesures nationales susceptibles d’empêcher ou de limiter l’acquisition d’un bien immeuble
situé dans un autre État membre, mais également celles qui sont susceptibles de dissuader de conserver un
tel bien » et donc de constituer un obstacle pour sa transmission.
135 v. le n °3.3, p. 4, de la proposition
136 Communication « Lever les obstacles transfrontaliers liés aux droits de succession au sein de l’Union »,
COM (2011) 864 final, 15 décembre 2011.
37
54. Ces premières exclusions de caractère général sont complétées par une longue liste
de matières, énumérées à l’art. 1, par. 2, non affectées par le Règlement. Sont ainsi exclues
de son champ d’application l’état des personnes, le statut familial, la capacité juridique,
la disparition ou l’absence, le régime matrimonial, le régime patrimonial, les obligations
alimentaires, les libéralités, les plans de retraite, les contrats d’assurance, les trusts, les
questions relatives à la nature des droits réels ainsi que celles concernant la publicité de
ces droits. Il s’agit, pour l’essentiel, de questions ne pouvant pas être qualifiées comme
successorales et dont certaines ont déjà fait l’objet137, ou le feront dans un avenir plus ou
moins proche138, d’autres instruments européens.
55. Quant enfin à sa portée, le Règlement de 2012 peut être qualifié comme un texte
complet, qui couvre l’ensemble des questions de droit international privé en matière
successorale (compétence internationale des juridictions, conflits de lois, reconnaissance
et exécution des décisions transfrontalières).
En revanche, et à l’exception de quelques dispositions139 et des règles régissant le
certificat successoral140, cet instrument n’affecte pas le droit successoral matériel, qui
demeure dans la compétence exclusive des législateurs nationaux. Nous verrons,
cependant, que l’harmonisation des règles de conflits pourrait favoriser, dans l’avenir, un
rapprochement des régimes successoraux des États membres, inévitablement influencés
par les solutions adoptées au niveau européen.
56. Reste alors à analyser quels sont les piliers sur lesquels repose le système du
Règlement n°650/2012: d’abord l’unité de la succession, tant pour le régime de la
137 Par exemple le Règlement (CE) n°4/2009 en matière d’obligations alimentaires (précité).
138 C’était le cas de la proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux (COM (2011) 126)) ainsi
que de la proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance
et l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (COM (2011)
127). Ces projets ayant échoué, une coopération renforcée a été instaurée en matière et a abouti à l’adoption
de deux règlements : le règlement n°1103/2016 relatif à la compétence, à la loi applicable, à la
reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux et du Règlement n°
1104/2016 relatif à la compétence, à la loi applicable, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions en
matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, adoptés à Bruxelles le 24 juin 2016. Sur ces
textes, v. infra, chap. III, n° 446 et s.
139 Il s’agit notamment des articles 32 et 33 relatifs, respectivement, au cas des comourants et à celui de la
succession en déshérence.
140 Chapitre IV du Règlement
38
compétence que pour celui de la loi applicable; ensuite la faveur pour l’anticipation
successorale à travers, notamment, l’admission de la professio juris et la prévision de
règles permettant la recevabilité et la validité des dispositions à cause de mort; enfin la
reconnaissance et l’exécution des décisions et des actes authentiques, nécessaire pour
garantir la coordination entre les systèmes nationaux.
C. Les fondements du nouveau Règlement sur les successions
57. Le Règlement du 4 juillet 2012 introduit de profondes innovations dans le droit des
successions internationales. Celles-ci peuvent être regroupées en trois grands piliers :
d'abord l'unité de la succession, tant pour la compétence judiciaire que pour la loi
applicable ; ensuite l'autonomie de la volonté, par la prévision de la professio juris et de
règles favorables aux dispositions à cause de mort ; enfin la reconnaissance et l'exécution
des jugements étrangers et des actes authentiques, pour en garantir la libre circulation
dans l'espace européen.
1. L’unité de la succession
58. Contrairement à la démarche traditionnellement suivie dans la plupart des systèmes
juridiques européens (supra n°5 s.), le Règlement a opté pour l’application d’un critère
de rattachement unitaire, unifiant à la fois les règles générales de compétence et celles
permettant la détermination de la loi applicable à la succession.
a) L'unité dans la compétence judiciaire
59. « Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de
l’état membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son
décès ». C’est ainsi que statue l’article 4 du Règlement, qui pose une règle de compétence
générale constituant l’une des bases du système introduit par ce nouvel instrument et qui
ne connaît que quelques dérogations prévues, de manière assez restrictive, aux articles 5
à 13.
39
α) La compétence dans le droit international privé commun
60. La règle proposée par le nouveau régime n’est pas inconnue au droit commun de la
plupart des États membres. En effet, bien que la compétence des autorités de l’état de la
dernière résidence habituelle du défunt ne soit déjà prévue que dans quelques pays
européens141, ce régime est plutôt familier au droit international privé de la plupart des
États membres. Ainsi, dans la majorité de ces systèmes, la compétence internationale en
matière successorale est attribuée, dans certains à titre exclusif, dans d’autres à titre
concurrentiel, aux juridictions du dernier domicile du de cujus. Ce critère de rattachement
est d’ailleurs valable tant pour les États adoptant un système dualiste qui soumettent une
partie de la succession à la loi du dernier domicile du défunt142, tant pour ceux qui ont
opté pour un critère de rattachement unitaire reposant soit sur la nationalité du de cujus143,
soit sur son dernier domicile144.
61. Prenons en particulier deux cas opposés, celui du droit français et l’exemple du droit
italien.
Dans le premier système, les règles de compétence internationale en matière de
successions distinguent, suivant la même approche adoptée pour les conflits de lois, entre
succession mobilière et succession immobilière. Ainsi, pour la succession immobilière,
les tribunaux français, en principe, vont se déclarer incompétents pour les immeubles
situés à l’étranger, même si la succession est ouverte en France, alors qu’ils sont
compétents pour les immeubles situés en France, y compris lorsque la succession s’est
ouverte à l’étranger. Cette convergence totale entre la compétence législative et la
compétence juridictionnelle est toutefois exceptionnellement dérogée par le mécanisme
du renvoi, récemment admis par la Cour de Cassation dans ce domaine. En effet, comme
anticipé supra (n°17 et s.), lorsque la lex rei sitae, désignée par la règle de conflit de lois
française pour régir la succession immobilière, renvoie à la loi française, les tribunaux
français, dans un souci d’unité du règlement successoral, sont compétents pour régler
141 Tel est le cas de la Belgique (v. article 77, chapitre I, Code de droit international privé).
142 Par exemple, comme analysé supra (n°5 s.) la France, le Luxembourg ou Chypre.
143 C’est le cas de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne (supra note 5).
144 Telle la Finlande (supra note 6).
40
l’intégralité d’une succession, même s’il y a des immeubles situés à l’étranger.145. A
contrario, pour les questions concernant les biens meubles successoraux, à l’instar de la
règle de conflit de lois, les juridictions françaises sont compétentes si le défunt avait son
dernier domicile en France (transposition dans l’ordre international de la règle de
compétence interne prévue à l’art. 45, Code de procédure civile146). Quant à la
détermination du dernier domicile, celle-ci se fait selon les règles de droit français et
relève de l’appréciation souveraine des juges de fond. Dès lors, mis à part la situation
exceptionnelle du renvoi, les règles françaises actuelles de droit international privé
assurent, pour les questions successorales, une coordination entre le régime de la
compétence judiciaire internationale et le système de conflit de lois, en maintenant la
distinction entre succession mobilière et succession immobilière.
62. Ce lien entre juridiction et loi applicable se trouve également dans le système italien
de droit international privé qui, comme analysé supra, adopte une approche unitaire fondé
sur la nationalité du défunt. La compétence en matière successorale est donc attribuée, en
premier lieu, aux tribunaux de l’État national du de cujus147, à l’instar de la règle de conflit
de lois. Cette solution n’est toutefois pas la seule retenue par le droit italien, qui prévoit
en alternative à la nationalité des critères ultérieurs: ainsi, les juridictions italiennes sont
compétentes à connaître d’une question successorale lorsque la succession s’est ouverte
en Italie148; lorsque la majorité de la masse successorale est située en Italie149; lorsque le
145 Cass. 1ère civ., 21 mars 2000, Ballestrero, cité supra; Cass. 1ère civ., 20 juin 2006, Wildenstein, cité
supra; Cass. 1ère civ., 11 février 2009, Riley, cité supra; Cass. 1ère civ., 23 juin 2010, cité supra
146 Dans l’ancien droit et jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, le principe était celui de l’incompétence
des tribunaux français pour les litiges concernant les étrangers, solution fondée sur divers arguments,
notamment sur la règle que les tribunaux français ne doivent rendre justice qu’aux français. Ce principe
d’incompétence fut toutefois progressivement abandonné et définitivement dépassé en 1948 lorsque la Cour
de Cassation a enoncé, de manière générale, la compétence des tribunaux français à l’égard de toute
personne, nationale ou étrangère (Cass. civ., 21 juin 1948, Patiño, in JPC, 1948, II, n°4422, note de
P.LEREBOURGS-PIGEONNIERE; in Rev. Crit. Dr. Int. Priv., 1949, p. 557, note de PH.FRANCESCAKIS). Dès
lors s’est posé le problème de déterminer le tribunal compétent, résolu nouvellement par la plus haute
juridiction à travers l’application des règles de compétence territoriale internes (Cass. civ., 19 octobre 1959,
Pelassa, in Rev. Crit. Dr. Int. Priv., 1960, p. 215, note de Y.LEQUETTE ; Cass. civ., 30 octobre 1962,
Scheffel, in D., 1963, p. 109, note de D.HOLLEAUX, où la Cour a énoncé que “la compétence internationale
se détermine par extension des règles de compétence interne”).
147 Ainsi dispose l’art. 50, par. 1, lettre a), de la Loi italienne de droit international privé.
148 Art, 50, par. 1, lettre b).
149 Art. 50, par. 1, lettre c).
41
défendeur est domicilié en Italie ou dans cet État a sa résidence150; lorsque la demande
concerne des biens successoraux situés en Italie151. Il convient en outre de noter que le
rattachement au lieu de résidence est directement prévu par le droit international privé
italien, qui admet la professio juris en matière de successions en permettant de choisir la
loi du lieu où le de cujus résidait au moment du décès (art. 46, par. 2, loi de droit
international privé). Dès lors, dans ces hypothèses, si le défunt était de nationalité mais
avait sa dernière résidence en Italie et qu'il a exercé sa faculté d'electio legis, les
juridictions italiennes sont néanmoins compétentes à statuer sur la succession en vertu
d'un des critères énoncés à l'article 50, par. 1er, lettre d), de la loi de droit international
privé. Il en découle donc une étroite connexion entre la règle de conflit de lois et les
dispositions en matière de compétence judiciaire internationale, cette dernière pouvant
être modifiée en cas de changement de la loi applicable à la succession.
63. Cette relation se retrouve pleinement dans le Règlement de 2012. On va voir en effet
que la succession est soumise dans son ensemble (donc tant pour la succession mobilière
que pour la succession immobilière), en principe, à la loi de la dernière résidence
habituelle du défunt (art. 21, par. 1), et que si le de cujus a choisi de soumettre sa
succession à sa loi nationale, des aménagements sont admis dans la détermination de la
compétence judiciaire. Dès lors, la disparition du critère scissionniste pour la compétence
législative se traduit dans une disparition de la scission également sur le terrain de la
compétence judiciaire où, comme annoncé supra, la règle de base est l’attribution du
pouvoir à statuer sur l’ensemble de la succession aux tribunaux de la résidence habituelle
du défunt au moment du décès.
Partant de ce principe, il est alors nécessaire d’en examiner la portée ainsi que ses
possibles dérogations à la règle de compétence générale.
150 Sauf si la demande a pour objet des biens successoraux situés dans un autre Etat (art. 50, par. 1, lettre
d)). Il convient en outre de noter que similairement au droit français (cf. art. 720 du Code civil), dans le
système italien le dernier domicile du défunt est déterminé au lieu d’ouverture de la succession (art. 456 du
Code civil italien).
151 Art. 50, par. 1, lettre e).
42
β) La compétence générale: les conditions et le domaine d’application
64. La formulation de l’art. 4 du Règlement est bien claire : cette règle est applicable
lorsque le défunt avait sa dernière résidence habituelle dans un État membre. Il n’y a donc
qu’une seule condition d’application : la résidence habituelle du de cujus doit être située
sur le territoire d’un État membre, devant s’entendre par État membre un État lié par le
Règlement.
La nature des biens successoraux, meuble ou immeuble, devient ainsi indifférente,
puisque la compétence des juridictions de l’État de la résidence habituelle du défunt,
conformément au principe d’unité de la succession, s’étend à l’ensemble de la masse
successorale152. De la même manière sont indifférents la nationalité du défunt ainsi que
le lieu de situation de biens, les autorités de l’État de la résidence habituelle étant
compétentes également pour les biens situés dans un autre État, membre ou pas (sauf les
limites résultant de l’art. 12, sur lesquelles infra n°71 et s.). On va voir, cependant, que le
critère de la nationalité peut jouer un rôle pour d’autres règles de compétence prévues par
le Règlement (infra n°132 et s.).
65. Suivant son article premier, l’art. 4 ne régit que la compétence pour les procédures en
matière successorale. À cet égard, peut être définie comme successorale une action qui
tire son fondement des règles du droit des successions et qui, en principe, ne peut être
instaurée qu’après leur ouverture153. En outre, cette disposition détermine la compétence
internationale tant pour les juridictions gracieuses que pour celles contentieuses154 et régit
non seulement la compétence des autorités judiciaires, mais aussi celle des autorités non
judiciaires exerçant des fonctions juridictionnelles relatives à la succession. À cet égard,
compte tenu de la diversité des droits nationaux155, le législateur européen a opté pour
152 Cf. article 23, par. 1, Règlement sur la portée de la loi applicable
153 En ce sens A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 166, n° 5, qui reprend la même
démarche utilisée, d’abord, par la Cour de Justice de l’Union européenne pour déterminer, dans le cadre de
la Convention de Bruxelles de 1968 et du Règlement Bruxelles I, la portée de l’exclusion de la faillite et
des procédures d’insolvabilité (v. ex multis CJUE, 2 juillet 2009, C-111/08, SCT Industri AB c. Alpenblume
AB, par. 21-23) et, ensuite, par le législateur européen pour définir la portée du Règlement insolvabilité
(considérant 6 du Règlement n°1346/2000, repris dans le récent Règlement 848/2015 “Insolvabilité bis”).
154 H.DÖRNER, EuErbVO : Die Verordnung zum Internationalen Erb-und Erbverfahrensrecht ist in Kraft!,
in Zeitschrift für Erbrecht und Vermögensnachfolge (ZEV), 2012, p. 509.
155 La proposition de 2009, à son article 3, avait indiqué que les règles en matière de compétence devaient
s’appliquer à toutes les juridictions des Etats membres et ne concernaient les autorités judiciaires « qu’en
43
une notion plutôt large de « juridiction », définie à l’art. 3, par. 2, du Règlement comme
« toute autorité judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit
compétents en matière de succession qui exercent des fonctions juridictionnelles ou
agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle
d’une autorité judiciaire [...] ». Tel est ainsi le cas du notaire à qui, la loi interne d'un État
membre, attribue la compétence à délivrer un certificat d'héritier, ou encore du notaire
délégué par le tribunal pour procéder, de manière autonome, au partage d'une succession.
A contrario, lorsque celui-ci n'exerce pas une fonction juridictionnelle et n’est donc pas
une “juridiction” au sens du Règlement, sa compétence demeure du ressort du droit
national156.
γ) Le critère de la résidence habituelle
66. La notion de « résidence habituelle » n'est pas nouvelle au droit européen. Sur ce
critère, les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne, relatifs aux autres
instruments de droit international privé communs, sont en effet particulièrement
nombreux et instructifs.
La résidence habituelle a été ainsi définie, dans des secteurs différents du droit de la
famille, comme « le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère
stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant entendu qu'à fin de
détermination de cette résidence, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait
constitutifs de celle-ci »157. Toutefois, comme les juges de Luxembourg ont souligné dans
tant que de besoin ». Or, cette formulation avait suscité quelques doutes dans les droits nationaux, en
particulier en France, où on s’était demandé si le Règlement avait vocation à régir la compétence des
notaires tout en remarquant, cependant, que cette profession est organisée de manière différente selon les
Etats. Sur cette question, v. H.GAUDEMET-TALLON, Les règles de compétence judiciaire dans le règlement
européen sur les successions, in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD (sous la direction de) Droit européen des
successions internationales, op. cit., p. 128, n°285.
156 Selon le considérant 20 en effet « [...]le terme « juridiction » ne devrait pas viser les autorites non
judiciaires d'un Etat membre qui, en vertu du droit national, sont habilitees a regler les successions, telles
que les notaires dans la plupart des Etats membres, lorsque, comme c'est generalement le cas, ils n'exercent
pas de fonctions juridictionnelles ». Le même principe est repris par le considérant 21, en vertu duquel
« [...] la question de savoir si les notaires d'un Etat membre donne sont ou non lies par les regles de
competence prevues dans le present reglement devrait dependre de la question de savoir s'ils relevent ou
non de la definition du terme « juridiction » aux fins du present reglement ».
157 CJCE, 17 février 1977, C-76/76, Silvana Di Paolo c. Office national de l’emploi ; CJCE, 23 avril 1991,
C-297/89, Rigsadvokaten c. Nicolai Christian Ryborg
44
des affaires relatives à l'application du Règlement Bruxelles II bis158 , cette notion de
résidence habituelle ne pourrait pas être directement transposée à toutes les situations,
mais doit se fonder sur un ensemble de circonstances de fait particulières à chaque cas
d'espèce159. Dès lors, la « résidence habituelle » serait une notion unitaire, s'agissant
globalement du lieu où est situé le centre de vie de l'intéressé, mais qui nécessite, pour la
détermination de ce lieu, la prise en compte d'éléments de fait qui varient en fonction de
chaque type de situation concernée160. Il s'agit en outre d'une notion qui est indépendante
de celle prévue par les droits nationaux des États membres161 ainsi que par d'autres textes
internationaux162, ce qui lui confère donc un caractère « fonctionnel » lui attribuant la
capacité de varier son interprétation selon la règle applicable163.
67. À l'instar d'autres instruments européens, le Règlement ne donne pas une définition
de « résidence habituelle »164. Il faut alors se référer aux considérants 23 et 24 pour avoir
158 Règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité
parentale abrogeant le Règlement (CE) n°1347/2000, J.O. L. 338 du 23 décembre 2003, pp. 1-29.
159 v. en particulier CJCE, 2 avril 2009, C-523/07, in Rev. trim. dr. Eur., 2010, p. 421, chron. M.DOUCHY-
OUDOT et E.GUINCHARD. Dans cet arrêt la Cour de justice a statué que « la jurisprudence de la Cour relative
à la notion de résidence habituelle dans d'autres domaines du droit de l'Union européenne […] ne saurait
être directement transposée dans le cadre de l'appréciation de la résidence habituelle des enfants, au sens
de l'art. 8, paragraphe 1er, du Règlement Bruxelles IIbis » (points 34 et 35).
160 En ce sens P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op.
cit., n°7.
161 Il convient ici de rappeler qu'à la différence de nombreux États membres de l'Union européenne où le
domicile, utilisé comme critère de compétence, coïncide souvent à la résidence habituelle, les deux étant
généralement interprétés comme le lieu où le défunt avait son centre de vie, cette coïncidence fait défaut
dans les pays de common law. Dans ces derniers en effet, la notion de « domicile » n'implique pas
nécessairement ni une présence physique, ni l'existence d'un lieu d'habitation dans l'État concerné. Il en
découle que tant qu'une personne ne démontre pas sa volonté de s'établir de manière stable et définitive
dans une certain pays, acquérant ainsi un « domicile of choice », elle maintient son « domicile of origin »
dans son pays d'origine, et cela même si elle n'y habite plus (A.BONOMI, Droit européen des successions,
op. cit., p. 170, n°7).
162 Cf. Convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort (sur
laquelle supra par. 30 ss.) qui retient le critère du rattachement à la résidence habituelle mais le combine
avec celui de la nationalité du défunt et l'affecte, dans certains cas, à une durée dans le temps pour qu'elle
devienne « habituelle ». Pour une analyse de la règle, v. G.DROZ, La conférence de La Haye et le droit
international privé notarial : de récentes conventions en matière de trusts et de successions, in JCP N,
1989, art. 59717.
163 En ce sens G.KHAIRALLAH, La détermination de la loi applicable à la succession, in G.KHAIRALLAH-
M.REVILLARD (sous la direction de) Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 50, n°110 ;
v. aussi sur cette question P. MC ELEAVY, La résidence habituelle, un critère de rattachement en quête de
son identité, in Trav. Comité fr. DIP 2008-2010, p. 127.
164 Certains commentateurs, dans un souci de faciliter la tâche des juridictions, avaient proposé d'introduire
45
quelques indications : ainsi, en reprenant la jurisprudence de la Cour de Justice, pour
déterminer la dernière résidence habituelle du défunt « l'autorité chargée de la succession
devrait procéder à une évaluation d'ensemble des circonstances de la vie du défunt au
cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous
les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt
dans l'État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence » (considérant
23). De plus, lorsque la détermination de ce critère pourrait s'avérer particulièrement
complexe, par exemple quand, « pour des raisons professionnelles ou économiques, le
défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler, parfois pendant une longue
période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son État d'origine », le de cujus
pourra alors « être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État
d'origine dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale »
(considérant 24). Il en découle donc que les liens personnels et familiaux devraient
l'emporter sur l'activité professionnelle du défunt, bien que le rôle de celle-ci puisse varier
selon les situations en fonction de la place plus ou moins centrale qu'elle occupe dans la
vie de l'intéressé165. Il est clair en effet que lorsque la personne ne travaille pas, ce sont
ses intérêts personnels et familiaux qui devraient prévaloir166, alors que s'il exerce une
activité professionnelle et que ses retours au pays d'origine sont irréguliers ou
sporadiques, il serait permis de conclure que son centre de vie se trouve dans l'État où il
travaille.
une définition de la notion de « résidence habituelle » (v. en ce sens J.HARRIS, The Proposed EU Regulation
on Succession and Wills : Prospects and Challenges, in Trust Law International, 2008, pp. 211 et s.). Cette
idée, critiquée par une partie de la doctrine (cf. P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement
européen sur les successions, op. cit., n°7) a finalement été abandonnée pour laisser à la jurisprudence le
soin de définir cette notion.
165 H.DÖRNER, EuErbVO, op. cit., p. 510. Une question particulière pourrait se poser quant à la
détermination de la résidence habituelle des diplomates ou fonctionnaires d'organisations internationales ;
ces derniers, en effet, ne sont souvent pas légalement domiciliés dans l'État où ils exercent leurs fonctions,
ce qui pourrait créer des obstacles à l'acquisition de la résidence habituelle dans ce pays. À cet égard,
P.LAGARDE (Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op. cit., n°8) admet
que le diplomate devrait être considéré comme s'il avait conservé sa résidence habituelle dans son État
d'origine ; en cas contraire, la clause d'exception prévue à l'art. 21, par. 2, du Règlement pourrait entrer en
jeu. D'opinion contraire est en revanche A.BONOMI (Droit européen des successions, op. cit., p. 175, n°17),
selon qui ces fonctionnaires pourraient acquérir la résidence habituelle dans l'État d'accueil, bien qu'ils n'y
soient pas légalement domiciliés.
166 Certains auteurs (cf. par exemple A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 177, n°21 et
s.) observent toutefois que le seul fait de vivre stablement dans un pays différent de celui d'origine n'est pas
toujours suffisant pour déterminer le lieu de la résidence habituelle, d'autres éléments pouvant bien être pris
en compte (par exemple l'intégration sociale dans l'État d'accueil et dans celui d'origine, la nationalité ou
encore le lieu de situation des principaux biens).
46
68. Il convient en outre de rappeler qu'aux fins de l'application du Règlement, la seule
détermination de l'État où le défunt avait sa résidence habituelle est suffisante, alors qu'il
n'est pas nécessaire de localiser le lieu de cette résidence habituelle à l'intérieur du pays.
À cet égard en effet, on a vu que l'art. 4 du Règlement n'établit que la compétence générale
des juridictions de l'État de la résidence habituelle du de cujus, appartenant aux règles
nationales de l'État du juge saisi le pouvoir de déterminer le tribunal spécialement
compétent167.
b) La rupture de l'unité dans la compétence judiciaire
69. Bien que l'unité de la succession soit l'un des principes-clé du Règlement du 4 juillet
2012, celle-ci n'est pas toujours réalisable. Se pose alors le problème de déterminer la
compétence judiciaire dans ces hypothèses, tout en cherchant de limiter les conséquences
d'une possible rupture de la masse successorale.
α) Les règles de compétence subsidiaire
70. La règle de compétence générale prévue à l'art. 4 ne peut pas s'appliquer lorsque le
défunt avait sa résidence habituelle dans un État non lié par le Règlement. Dans cette
hypothèse, les juridictions de cet État tiers peuvent néanmoins statuer sur la succession à
titre de compétences subsidiaires, en vertu de l'art. 10 du Règlement.
71. Le dénominateur commun de toutes les compétences énumérées à l’article 10 est
l'existence de biens successoraux sur le territoire de l'État membre de la juridiction saisie,
les autres conditions prévues ayant pour seul effet de moduler l'étendue de ces
compétences. Notons de plus qu'à la différence de certains systèmes nationaux, où le
critère du lieu de situation des biens successoraux est largement utilisé pour la
167 Notons toutefois que dans certaines situations les critères de rattachement prévus par les règles de
compétence locales pourraient ne pas être réalisés dans l'État de la dernière résidence habituelle du défunt.
Dans cette hypothèse, certains Auteurs (cf. H.DÖRNER, EuErbVO, op. cit., p. 509) suggèrent d'appliquer
par analogie le critère de la dernière résidence habituelle du de cujus afin d'éviter un déni de justice et
garantir ainsi l'effet utile du Règlement.
47
détermination de la compétence en matière successorale168, le Règlement ne fait aucune
distinction entre la nature mobilière ou immobilière de ces biens169, ni prend en compte
leur valeur ou leur importance170. Au contraire, on va voir que lorsque toutes les
conditions dictées à l'art. 10, par. 1er, sont remplies, les juridictions de l'État membre où
se trouve une partie des biens successoraux sont compétentes pour la totalité de la
succession, quand bien même la valeur, ou l'importance, de ces biens est largement
inférieure par rapport à celle des biens situés dans le ou les États tiers.
72. L'art. 10, par. 1er, prévoit trois différentes compétences subsidiaires. En premier lieu,
les juridictions de l'État du lieu de situation des biens successoraux sont compétentes pour
statuer sur l'ensemble de la succession lorsque le défunt avait, au moment du décès, la
nationalité de cet État (point a). Il s'agit ici d'une solution différente de celle prévue à l'art.
7 du Règlement (compétence en cas de choix de la loi), puisque dans cette hypothèse il
n'est pas nécessaire que le de cujus ait choisi la loi de l'État de sa nationalité comme
applicable à la succession, en vertu de l'art. 22 du Règlement. Dès lors, deux situations
peuvent en découler : s'il y a eu professio juris, la juridiction de l'État national,
compétente sur la base de l'art. 10, par. 1er, point a), applique sa loi interne. A contrario,
la juridiction saisie doit appliquer une loi étrangère (celle du lieu de la dernière résidence
habituelle du défunt), sous réserve d'un éventuel déclinatoire de compétence prévu à l'art.
6 ou d'une application du renvoi ex art. 34 du Règlement.
À défaut de compétence fondée sur la nationalité, les juridictions de l'État du lieu de
situation des biens successoraux sont néanmoins compétentes à statuer sur l'ensemble de
la succession lorsque « le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État
membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne soit pas écoulé
168 Comme indiqué supra (n°57 et s.), la plupart des pays dualistes, similairement à ce qui est prévu pour
la loi applicable, adoptent le critère du lieu de situation des biens pour déterminer la compétence sur les
immeubles successoraux. Il est toutefois intéressant de remarquer que dans certains ressorts de common
law, telle l'Angleterre par exemple, la seule présence des biens meubles successoraux est suffisante pour
fonder la compétence des juridictions. En effet, dans ces systèmes une procédure de « probate » est
généralement ouverte à la fois au dernier domicile du défunt (c'est la « domiciliary administration ») et au
lieu de situation des biens, y compris les biens mobiliers (c'est l' « ancillary administration »), bien que la
loi applicable à ces derniers soit celle du dernier domicile du de cujus. Sur cette procédure, v. notamment
A.V. DICEY – H.C.MORRIS - L.COLLINS, The Conflicts of Laws, op. cit., n°26-004).
169 Selon A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 215, n°11, manquant toute distinction en
fonction de la nature des biens, ceux immatériels (par exemple les créances) devraient également être pris
en compte, bien que localisés de manière fictive.
170 Comme en Italie (v. supra n°62).
48
plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle » (point b). Compte
tenu de l'expression « à défaut de », il est possible conclure que cette compétence est
subsidiaire par rapport à celle de la nationalité, ce qui implique donc que les juridictions
de l'État de l'ancienne résidence habituelle du défunt ne sont compétentes que si en vertu
de l'art. 10, par. 1er, point a), la compétence n'est attribuée à aucun des tribunaux d'autres
États membres171. Dès lors, dans en cas contraire, les juridictions de l'État de l'ancienne
résidence habituelle du de cujus ne pourront pas être compétentes au titre du point b) de
l'article précité. Enfin, si les conditions prévues aux points a) et b) de l'art. 10, par. 1er, ne
sont pas remplies, les juridictions de l'État membre « dans lequel sont situés des biens
successoraux sont néanmoins compétentes à statuer sur ces biens » (art. 10, par. 2). Cette
compétence est donc subsidiaire non seulement à celles prévues à l'art. 10, par. 1er, mais
aussi par rapport à toutes les autres compétences établies par le Règlement. En effet, celle-
ci ne peut être invoquée que si le défunt n'avait ni sa dernière résidence habituelle, ni une
résidence habituelle antérieure dans un État membre, ni la nationalité d'un tel État ou bien
encore, tout en y ayant la nationalité ou une résidence habituelle antérieure, n'a pas laissé
de biens dans cet État membre. Il convient en outre de remarquer qu'à la différence des
cas décrits à l'art. 10, par. 1er, cette compétence subsidiaire n'englobe pas l'ensemble de la
succession, mais uniquement les biens situés sur le territoire de l'État de la juridiction
saisie.
β) Les limitations de la procédure
73. En dépit de l'ampleur de la règle de compétence générale, et en dérogation à l'approche
unitaire suivi par le Règlement, l'article 12 apporte quelques restrictions. Ainsi, en vertu
de cette disposition, la juridiction saisie peut décider de ne pas statuer sur des biens
successoraux se trouvant dans un État tiers, lorsque « l'on peut s'attendre à ce que la
décision qu'elle rendrait sur les biens en question ne soit pas reconnue ou, le cas échéant,
ne soit pas déclarée exécutoire dans ledit État tiers ». Dans cette hypothèse, même si
l'autorité saisie ne fait pas recours à la faculté prévue à l'art. 12, ses décisions ne pourront
171 En ce sens F.M. WILKE, Das internationale Erbrecht nach der neuen EU-Erberchtsverordnung, in
Recht der internationalen Wirtschaft (RIW), 2012, p. 604 ; A.BONOMI, Droit européen des successions, op.
cit., p. 219, n°20.
49
pas être reconnues ou exécutées dans l'État de situation des biens successoraux, ce qui est
souvent le cas lorsque des immeubles se trouvent dans un État tiers et que celui-ci y
revendique une compétence exclusive172.
Dès lors, cette disposition permet au juge saisi de prévenir de possibles conflits avec les
juridictions de l'État tiers du lieu de situation des biens successoraux, en évitant donc de
prendre des décisions destinées à rester inefficaces. Néanmoins, l'effet de cette restriction
pourrait s'avérer malheureux, puisque la décision de se prévaloir de l'art. 12 peut
comporter une scission de la succession et donc une dérogation au principe de l'unité qui
régit l'ensemble du système du Règlement. Si en effet la juridiction saisie dans un État
membre ne statue pas sur une partie des biens successoraux, les personnes concernées
devront nécessairement saisir les autorités de l'État du lieu de situation de ces biens afin
d'obtenir une décision quant à leur sort. De plus, ce dualisme pourrait également se
répercuter sur le plan de la loi applicable, puisque les juridictions de l'État tiers appliquent
la lex successionis résultant des règles de conflits internes. Or, cette loi pourrait ne pas
coïncider avec celle qui est applicable, en vertu du Règlement, sur l'autre masse
successorale sur laquelle est compétente à statuer l'autorité de l'État membre saisie. Quid
alors dans cette situation ? Le résultat ne pourra être qu'une scission de la succession en
deux (voire plusieurs) masses, l'une soumise aux juridictions et à la loi désignée par le
Règlement, l'autre aux juridictions et à la loi déterminées dans l'État tiers où sont situés
les biens successoraux173.
74. Un autre tempérament à la règle générale est également prévu dans l'hypothèse où le
de cujus a soumis sa succession à sa loi nationale, par le biais de la professio juris prévue
à l'art. 22 du Règlement. Dans ce cas en effet, comme nous allons voir, il est possible de
déroger à la compétence prévue à la règle générale de l'art. 4 et saisir les juridictions de
l'État dont le défunt avait la nationalité, soit par le biais d'un accord d'élection de for (art.
5), soit à travers un déclinatoire de compétence de la part de la juridiction saisie en vertu
de l'art. 4 ou de l'art. 10 (art. 6).
172 Tel est le cas dans la plupart des pays adoptant une approche dualiste (par exemple le Royaume-Uni),
qui s'arrogent une compétence exclusive pour les immeubles situés sur leur territoire. Sur ce sujet, v.
notamment Y-H.LELEU, La transmission de la succession en droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1996
173 Sous réserve de l'application du renvoi (art. 34, par. 1, du Règlement) de la loi de l'État tiers à la loi de
l'État membre de la juridiction saisie (renvoi au premier degré).
50
75. Notons enfin que, mis à part ces dérogations, les juridictions saisies en vertu de la
règle générale de l'art. 4 ne peuvent pas décliner leur compétence au profit des autorités
d'un autre État en raison de leur plus grande proximité avec les faits contestés. En effet,
en dehors de quelques cas particuliers, le Règlement n'a pas adopté la doctrine de common
law du « forum non conveniens »174, qui reste donc, comme la Cour de justice l'a
souligné175, inapplicable dans le cadre de l'espace judiciaire européen lorsque la
juridiction saisie est compétente en vertu des règles de source européenne. Il est certes
vrai qu'une clause d'exception est prévue à l'art. 21, par. 2, du Règlement, qui admet que
si le défunt avait des liens manifestement plus étroits avec un autre État au moment de
son décès c'est la loi de cet État qui s'applique à la succession, mais cette dérogation ne
concerne, comme on peut bien voir, que la lex successionis et n'a donc aucun impact sur
la compétence judiciaire176.
γ) Le forum necessitatis
76. Similairement à d'autres instruments européens177, et conformément aux souhaits des
commentateurs de la proposition de 2009, le Règlement prévoit à son article 11 le « forum
necessitatis ». Son objectif, comme indiqué par le considérant 31, est d'éviter toute
situation de déni de justice lorsque aucune juridiction d'un État membre n'est compétente
en vertu du Règlement et que la saisine des juridictions des États tiers s'avère impossible
ou inexigible. Il en découle donc que cette disposition ne puisse être applicable que dans
une seule situation, celle où le de cujus avait sa dernière résidence habituelle dans un État
tiers et que la demande porte sur des biens successoraux situés dans un ou plusieurs États
174 Sur cette doctrine, v. E.L. BARRET JR., The Doctrine of Forum Non Conveniens, in California Law
Review, vol. 35, 1947, pp. 380 s.
175 CJCE, 1er mars 2005, C-281/02, Andrew Owusu c. Mammee Bay Resorts Ltd, où la Cour a souligné
que « le respect du principe de la sécurité juridique […] ne serait pas pleinement garanti s'il fallait
permettre à une juridiction compétente […] de faire application de l'exception du forum non conveniens
(point. 38).
176 En ce sens H.GAUDEMET-TALLON, Les règles de compétence judiciaire dans le règlement européen
sur les successions, in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD (sous la direction de) Droit européen des successions
internationales, op. cit., p. 129, n° 286
177 Par exemple le Règlement sur les aliments (art. 7), ou la proposition de règlements sur les régimes
matrimoniaux (art. 7) et sur les conséquences patrimoniales des partenariats enregistrés (art. 7).
51
tiers (excluant ainsi le recourt aux compétences subsidiaires ex art.10)178. Néanmoins, l'on
pourrait imaginer d'autres hypothèses où le forum necessitatis peut être invoqué, comme
par exemple lorsque la juridiction désignée par le Règlement ne peut pas statuer sur la
succession pour des obstacles objectifs (telle une grave catastrophe naturelle), ou encore
ne s'active pas malgré les sollicitations des justiciables. C'est d'ailleurs dans ce type de
situations que le for de nécessité est admis dans certains systèmes nationaux, ce qui
pourrait conduire, dans le cadre du Règlement, à une application analogique de l'art. 11
pour faire face à ces hypothèses non prévues179.
77. En outre, il convient de remarquer que l'art. 11 se limite à indiquer que les juridictions
d'un État membre peuvent statuer sur la succession, sans toutefois préciser l'étendue de
cette compétence. Toutefois, compte tenu du caractère subsidiaire de cette disposition,
ainsi que de son objectif d'éviter un déni de justice, l’on peut affirmer que les juridictions
saisies ne devraient pas avoir une compétence sur l'ensemble de la succession, mais sur
les seuls biens pour lesquels l'action à l'étranger résulte impossible180. Cela comporterait
alors une scission de la succession, qui irait ainsi rompre cette unité affectant non
seulement la compétence judiciaire mais aussi, comme nous allons voir, les règles de
conflits de lois en matière successorale.
c) L'unité de la loi applicable à la succession
78. La réalisation du principe de la reconnaissance mutuelle en matière successorale,
pilier central du système du Règlement, devait nécessairement être accompagnée par
l'unification des règles de conflits de lois. En effet, en l'absence d'un rattachement unitaire
dans la détermination de la lex successionis, la libre circulation des décisions aurait
178 Le considérant 31 dispose en effet que le for de nécessité doit permettre à la juridiction d'un État
membre de pouvoir statuer sur « une succession qui présente un lien étroit avec un État tiers ».
179 De cet avis A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 227, n°6, qui prend pour exemple
le cas de la Suisse.
180 Sur cette interprétation, P.LAGARDE (Les principes de base du nouveau règlement européen sur les
successions, op. cit., n°12) considère que « puisqu'il s'agit par hypothèse d'une situation exceptionnelle, il
n'aurait pas été illogique de laisser à la juridiction saisie à ce titre le soin d'apprécier l'étendue de sa
compétence ».
52
conduit à une double conséquence : d'une part, elle aurait encouragé la pratique du forum
shopping, permettant au demandeur de saisir la juridiction appliquant la loi plus
« avantageuse » ; d'autre part, elle aurait augmenté le risque de décisions contradictoires
entre les tribunaux d'États membres différents, tout en compliquant l'organisation
anticipée de la succession et donc la possibilité de prévoir à l'avance la propre succession.
79. Les solutions retenues par le Règlement quant aux règles de conflits de lois s'inspirent
largement aux tentatives d'unification réalisées au sein de la Conférence de La Haye de
droit international privé. En particulier, comme anticipé supra, la plupart des dispositions
dictées au chapitre III du Règlement sont tributaires de la Conférence de La Haye du 1er
août 1989 sur la loi applicable aux successions internationales (supra n°30 et s.), ainsi
que, pour ce qui concerne la validité des dispositions à cause de mort (art. 27 du
Règlement), de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur la forme des dispositions
testamentaires (supra n°41).
80. Il convient en outre de rappeler que les dispositions du Règlement en matière de lex
successionis s'appliquent toutes les fois qu'une juridiction ou autorité d'un État membre
doit déterminer la loi applicable à une succession internationale, en allant ainsi remplacer
entièrement, sous réserve des conventions internationales en vigueur (art. 75 181), les
règles de conflit internes. Cela comporte que pour l'application des critères de
rattachement prévus par le Règlement deux seules conditions sont suffisantes : d'une part
la juridiction d'un État membre doit être saisi, d'autre part l'objet de la demande doit
rentrer dans le champ d'application ratione materiae du texte européen. Ce qui comporte
donc une plus grande prévisibilité et, conséquemment, sécurité du droit, la succession
étant régie par la même loi, quel que soit l'État membre dont les juridictions sont saisies
et indépendamment du nombre de personnes et de la situation des biens concernés.
181 Selon l'art. 75, par. 1er, du Règlement, celui-ci « n'affecte pas l'application des conventions
internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de [son] adoption et qui portent
sur des matières régies » par cet instrument.
53
α) La règle générale : la loi de la dernière résidence habituelle du défunt
81. « Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à l'ensemble
d'une succession est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au
moment de son décès ». À l'instar de la règle sur la compétence judiciaire, la dernière
résidence habituelle du défunt constitue le critère de rattachement utilisé pour la
détermination de la loi applicable à une succession. Compte tenu de l'approche unitaire
qui gouverne l'ensemble du système du Règlement, cette solution ne devrait pas
surprendre, permettant en effet l'application d'un seul et unique critère de rattachement
tant pour les règles de compétence juridictionnelle que pour celles de conflits de lois.
Certes, le rattachement de la loi applicable à la dernière résidence habituelle du défunt
n'est pas un choix courant dans les systèmes nationaux des États membres : ainsi, parmi
les pays unitaires, les seuls qui adoptent le critère de la résidence habituelle sont l'Estonie,
la Finlande et les Pays-Bas, alors que la majorité des autres rattachent la loi applicable à
la nationalité du défunt182. Quant aux systèmes dualistes (supra n°5 et s.), où comme on
a vu la succession est scindée en deux masses, mobilière et immobilière, la dernière
résidence habituelle n'est prise en considération, pour les biens meubles, que dans certains
pays (la Belgique par exemple), alors que d'autres optent pour le dernier domicile du
défunt (tels que la France ou le Luxembourg).
82. Dès lors, pourquoi choisir la résidence habituelle du de cujus ? Différentes raisons
peuvent justifier cette solution : d'abord un avantage évident de proximité, puisque en
général ce rattachement conduit à la loi d'un pays avec lequel la succession présente des
liens réels et effectifs. En effet, en reprenant les considérations faites supra en matière de
compétence judiciaire, la résidence habituelle d'une personne est en principe localisée à
l'endroit où celle-ci a localisé son centre de vie et où se trouvent ses principaux intérêts
personnels et patrimoniaux, ce qui rend donc logique l'application de la loi de cet État en
tant que loi directement « liée » au défunt. Or, rien n'exclut que le de cujus, au cours de
sa vie, transfère sa résidence habituelle dans un autre pays, ou s'y établisse peu de temps
avant son décès. C'est pourquoi la Convention de La Haye de 1989, tout en retenant le
critère de la résidence habituelle, avait tenté de rendre sa détermination plus certaine en
182 En ce sens, A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 284, n°3.
54
la combinant parfois avec le critère de la nationalité, parfois avec une condition de durée
minimum183. Mis à part les indications prévues au considérant 23 précité, cette même
solution n'a cependant pas été retenue par le législateur européen qui, dans un souci de
cohérence avec la liberté de circulation des personnes au sein de l'Union européenne184,
a posé comme seule condition que la résidence soit « habituelle ». Il est alors possible
d'invoquer, dans ces hypothèses, la clause d'exception prévue à l'art. 21, par. 2, du
Règlement, qui permet, comme on va voir infra, de déroger à la règle générale de la
résidence habituelle du de cujus lorsque la succession présente des liens manifestement
plus étroits avec un autre pays185.
83. Le rattachement à la dernière résidence habituelle du défunt présente un mérite
supplémentaire, celui de conduire à l'application de la loi du lieu d'ouverture de la
succession, ce qui comporte que s'il s'agit d'un État membre, les juridictions saisies en
vertu de l'art. 4 du Règlement pourront appliquer leur propre loi, évitant ainsi les
difficultés dérivant de l'application et de l'interprétation du droit étranger. Bien
évidemment, comme on va voir, cette dissociation entre le for et la loi applicable n'est pas
totalement exclue, le de cujus pouvant choisir d'appliquer sa loi nationale à la succession.
Cependant, la possibilité de déclinatoire de compétence (art. 5), ainsi que la faculté de
conclure un accord d'élection de for (art.6), rendent cette dissociation plus difficile, en
assurant ainsi aux autorités compétentes de statuer selon les règles successorales locales.
183 L'art. 3 de la Convention statue en effet, à son paragraphe 1er, que « La succession est régie par la loi
de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, lorsque le défunt
possédait alors la nationalité de cet État » et ajoute, à son paragraphe 2, que « La succession est également
régie par la loi de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, s'il
avait résidé dans cet État pendant une période d'au moins cinq ans précédant immédiatement son
décès [...]».
184 v. notamment sur ce sujet la Communication de la Commission européenne du 25 novembre 2013
« Libre circulation des citoyens de l'Union et des membres de leur famille : cinq actions pour faire la
différence », COM(2013) 837 final.
185 Il est intéressant de noter que cette technique de la clause d'exception ne heurte pas le principe de la
libre circulation des personnes mais se justifie, comme on va voir infra, d'un côté par la nécessité de
permettre la détermination de la loi applicable lorsque les circonstances de la cause ne permettent pas de
localiser la résidence habituelle ; de l'autre côté, cette exception permet d'éviter le recours au critère de la
résidence habituelle dans des hypothèses qui pourraient constituer un abus de la liberté de circulation
(c'est le cas typique du de cujus qui établi sa résidence habituelle dans un autre pays peu de temps avant
son décès, sans avoir aucun lien particulier avec cet État).
55
β) La dérogation à la règle générale : la clause d'exception
84. L'art. 21 du Règlement, tout en dictant le critère général de la dernière résidence du
défunt, prévoit à son par. 2 qu'à titre exceptionnel, « lorsqu'il résulte de l'ensemble des
circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens
manifestement plus étroits avec un État autre » que celui de sa résidence habituelle, « la
loi applicable à la succession est celle de cet autre État ». Le Règlement reprend ainsi une
disposition déjà prévue par la Convention de La Haye de 1989 (art. 3, par. 3) et présente
dans d'autres instruments européens en matière de conflits de lois186.
85. Pour éviter que cette clause, comme l'a souligné une partie de la doctrine187, ne
devienne un « escamotage » pour contourner le critère général de la résidence habituelle,
c'est le Règlement lui-même, dans ses considérants, à indiquer quelles sont les hypothèses
où cette clause pourrait être invoquée. Ainsi, elle est applicable lorsque « par exemple le
défunt s'était établi dans l'État de sa résidence habituelle relativement peu avant son décès
et que toutes les circonstances de la cause indiquent qu'il entretenait manifestement des
liens plus étroits avec un autre État ». Néanmoins, ces liens manifestement plus étroits ne
devraient pas « être invoqués comme facteur de rattachement subsidiaire dès que la
détermination de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès s'avère
complexe » (considérant 25).
86. Il s'ensuit que l'utilisation de cette clause, en principe, ne devrait être
qu'exceptionnelle et limitée aux seuls cas où le rattachement à la résidence habituelle du
défunt conduit à des résultats non satisfaisants à l'égard des intéressés. Or, le critère des
liens plus étroits, tel qu'il est précisé dans les considérants du Règlement, semble reposer
sur les mêmes éléments permettant de définir la dernière résidence habituelle du défunt188,
186 Il s'agit de l'art. 4, par. 3, du Règlement « Rome I » sur la loi applicable aux obligations contractuelles
et de l'art. 4, par. 3, du Règlement « Rome II » sur la loi applicable aux obligations non contractuelles. Il
convient en outre de noter que cette clause d'exception est présente dans certains systèmes nationaux
européens, comme en Suisse (art. 15, Loi de droit international privé) et en Belgique (art. 18, Code de droit
international privé).
187 v. notamment G.KHAIRALLAH, La détermination de la loi applicable à la succession, in
G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD (sous la direction de) Droit européen des successions internationales, op.
cit., p. 53, n°117 et s.
188 Le considérant 23 dispose en effet, en relation à la résidence habituelle, que celle-ci, compte tenu des
éléments de fait, « devrait révéler un lien étroit et stable avec l'État concerné » ; similairement, le
56
ce qui risque ainsi d'engendrer une insécurité dans son application, d'autant plus que celle-
ci requiert une appréciation au cas par cas de la part de l'autorité compétente. Tout
dépendra donc de la manière dont cette clause sera employée et de l'interprétation, plus
ou moins rigide, qui sera donnée à la notion de dernière résidence habituelle du défunt
prévue à l'art. 21 du Règlement189.
γ) La portée de la loi applicable : l'art. 23 du Règlement
87. Le rattachement à la dernière résidence habituelle du défunt n'est pas la seule
nouveauté apportée par le Règlement en matière de conflits de lois. En effet, la loi
successorale déterminée selon les critères établis à l'art. 21 régit « l'ensemble d'une
succession », quelles que soient la nature des biens successoraux et leur localisation190.
Cette formulation, consacrée à l'art. 23, constitue sans aucun doute l'une des expressions
majeures de l'esprit unitaire qui anime le Règlement, son « leitmotiv » 191 que l'on retrouve
dans tout son chapitre III. Elle implique qu'une seule loi est applicable à l'ensemble des
biens successoraux, ce qui évite ainsi une scission « territoriale192 » de la succession, et
garantit que cette même loi régisse, en principe, l'ensemble des questions successorales,
depuis l'ouverture de la succession jusqu'aux transfert des biens aux bénéficiaires
(considérant 42), ce qui évite de cette manière la scission « fonctionnelle193 » de la
considérant 25, précise que le critère de la résidence habituelle pourrait être dérogée lorsque « toutes les
circonstances de la cause indiquent que [le défunt] entretenait manifestement des liens plus étroits avec un
autre État ».
189 G.KHAIRALLAH, La détermination de la loi applicable à la succession, op. cit., n° 118, pour qui, la
seule solution pour éviter que la clause d'exception ne l'emporte sur le critère général de la résidence
habituelle, est celle de respecter à la lettre le texte de l'art. 21 du Règlement et, en particulier, la « nette
distinction » entre le « rattachement de principe et le rattachement exceptionnel ».
190 À cet égard, le considérant 37 statue que « [...] Pour des raisons de sécurité juridique et afin d'éviter
le morcellement de la succession, cette loi [la loi successorale] devrait régir l'ensemble de la succession,
c'est-à-dire l'intégralité du patrimoine composant la succession, quelle que soit la nature des biens et
indépendamment du fait que ceux-ci sont situés dans un autre État membre ou dans un État tiers ».
191 P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op. cit., n°17
192 Comme c'est le cas dans les pays dualistes qui appliquent une loi successorale différente selon la nature
des biens successoraux (v. supra n° 5 et s.).
193 La scission « fonctionnelle » ou « matérielle » consiste à appliquer une loi différente aux différents
aspects d'une succession. Sur cette notion, v. notamment M.FERID, Le rattachement autonome de la
transmission successorale en droit international privé, in Recueil des cours, t. 142, 1974, p. 110.
57
succession. À cet égard, il convient en effet de rappeler que si dans la plupart des pays de
l'Union européenne toutes les questions liées au règlement d'une succession (ouverture
de la succession, option successorale, droits et prérogatives des héritiers, partage,
responsabilité pour les dettes successorales, révocabilité et interprétation des dispositions
de dernières volontés, l'administration et la transmission du patrimoine successoral aux
héritiers et légataires et l'indivision de la succession) sont régies par la lex successionis,
une approche différente est retenue dans certains systèmes nationaux.
88. La raison de cette différence réside principalement dans la particularité du régime de
la transmission et de l’administration prévu dans les pays de common law qui,
contrairement à la majorité des États européens dans lesquels le patrimoine du défunt est
transmis directement aux héritiers qui sont considérés comme les continuateurs directs de
la personne du de cujus et donc bénéficiaires d’un mécanisme de saisine immédiate194 (on
parle de « principe de succession à la personne »), adoptent un système de succession
aux biens. Celui-ci suppose en particulier que la loi applicable à « the administration of
the estate » soit la lex fori195 et que l'investiture des héritiers et des légataires ne soit que
médiate et fondée sur une procédure judiciaire spéciale, dite « probate», qui peut être
gracieuse ou contentieuse196 et au terme de laquelle est nommé un « personal
representative » (dit « executor » s'il est nommé par le défunt, « administrator » s'il est
désigné par le tribunal) auquel le patrimoine successoral est confié197. Ces diversités
194 C’est le cas, par exemple, de l’Allemagne (par. 1922, BGB) ou de la France (articles 725, 1004 et 1006,
Code civil).
195 A.V. DICEY- J.H.C. MORRIS - L.COLLINS, The Conflict of Laws, op.cit., n° 35-002; pour un aperçu de
droit comparé, v. G.DROZ, Saisine héréditaire et administration de la succession en droit international
privé français et comparé, in Rev. crit. dr. int, priv., 1970, p. 183 ss.; Y.LOUSSOUARN, L’administration
des successions en droit international privé, in Clunet, 1970, pp. 251 ss.; Y.LELEU, La transmission de la
succession en droit comparé, Bruxelles, Maklu-Bruylant, 1996; M. GORE, L'administration des successions
en droit international privé français, Paris, Economica, 1994, pp. 41 ss.; M.FERID, Le rattachement
autonome, op. cit., pp. 109 ss.
196 A.BONOMI, Les successions, op. cit., p. 331; G.MILLER, The Machinery of Succession, Aldershot,
Dartmouth, 1996, pp. 103 ss.; V.CHETAIL, Le cas de la France, de la Grande-Bretagne et de Monaco, dans
Le droit des successions en Europe. Actes du Colloque du 21 février 2003, Genève, Librairie Droz, 2003,
pp. 138 ss.
197 Il est intéressant de noter que dans l'Europe continentale une solution similaire a été également adoptée
en Autriche, où la transmission de la succession aux héritiers n'est pas immédiate mais subordonnée à une
décision constitutive du tribunal, connue sous le nom de « Einantwortung » et obligatoire pour le transfert
de la propriété des biens successoraux qui sont situés sur le territoire autrichien. Sur cette procédure, v. ex
multis v. Y.LELEU, La trasmission, op. cit., pp. 183 ss.
58
expliquent ainsi l'exclusion de la transmission du patrimoine successoral de l'art. 7 de la
Convention de La Haye de 1989198, auquel les rédacteurs du Règlement se sont largement
inspirés.
89. L'art. 23 contient une énumération non exhaustive199 des questions relevant de la loi
successorale désignée selon les articles 21 ou 22 du Règlement pour régir l'ensemble de
la succession. Certaines de ces questions ne posent pas de problèmes particuliers : ainsi,
sont soumises à la loi successorale d'abord « les causes, le moment et le lieu de l'ouverture
de la succession » (art. 23, par. 2, point a), solution qui est largement admise en droit
comparé200 ; ensuite « la vocation successorale des bénéficiaires, la détermination de
leurs parts respectives et des charges qui peuvent leur être imposées par le défunt » (art.
23, par. 2, point b), solution qui reprend, presque à la lettre, l'art. 7, par. 2, point a) de la
Convention de La Haye de 1989, de même que l'inclusion de l'exhérédation et de
l'indignité successorale (art. 23, par. 2, point d). La question de la « capacité à succéder »
(art. 23, par. 2, point c) est au contraire une nouveauté introduite par le Règlement qui,
tout en excluant la capacité générale d'une personne de son champ d'application matériel
(art. 1er du Règlement), fait régir par la lex successionis la capacité spéciale en matière de
successions (c'est le cas, par exemple, de la capacité de l'enfant conçu à succéder)201. Les
198 Cette disposition prend toutefois en considération seuls les aspects relatifs à la dévolution de la
succession, autorisant les États parties à la Convention à élargir le domaine d'application de cette loi à toute
autre question qualifiée de successorale par le droit interne (art. 7, par. 3). Il en découle une approche qui
est certes respectueuse des traditions nationales mais qui empêche, en même temps, l'application d'un
régime uniforme.
199 Selon M.REVILLARD, La portée de la loi applicable, in in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD (sous la
direction de) Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 71, n° 155, la prévision à l'art. 23
que la loi applicable régit « notamment » la liste des points énoncés permet d'admettre une possible
inclusion dans cette liste d'autres questions de la succession non mentionnée par cet article. Cette même
interprétation avait déjà été proposée par H.PEROZ, Vers une simplification du règlement des successions
internationales pour la pratique notariale : proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
IP/09/1508, 14 octobre 2009, in JCP N, 2009, p. 679.
200 Le décès du défunt constitue en effet la cause normale d'ouverture de la succession dans toutes les
législations. En revanche, quant à la question de savoir si une personne est réellement décédée ainsi que
celle relative à la détermination du moment de la mort, celle-ci relève normalement de la personnalité du
de cujus et est par conséquence régie par sa loi personnelle qui peut être, selon le système juridique
considéré, la loi de la nationalité, la loi du dernier domicile ou la loi de la dernière résidence habituelle (en
ce sens M.BOGDAN, Dead or Alive ? - The Status of Missing Disaster Victims in Swedish Substantive and
Private International Law, in Liber Memorialis Petar Sarcevic, Sellier, Munich, 2006, pp. 25 s.).
201 Notons à cet égard qu'en France, où la capacité de l'enfant conçu et non encore né à succéder relève de
la loi successorale, la date de la conception peut néanmoins être appréciée par référence à la loi nationale,
en tenant compte des présomptions de grossesse de la filiation légitime (en ce sens, G.A.L. DROZ-
M.REVILLARD, J.-Cl. dr. Int., fasc. 557-10, n° 146). En général sur la capacité à succéder, v. P.LAGARDE,
Successions, in Rep. Dr. Int., n°126 ; v. aussi dans le rapport explicatif à la Convention de La Haye de 1989
59
points e) à j) de l'art. 23, par. 2 du Règlement, consacrés à la transmission de la succession
de la succession ainsi qu'à la réserve héréditaire, ont en revanche fait l'objet de longs
débats et méritent ainsi quelques explications ultérieures.
90. À l'instar de la Convention de La Haye de 1989, le Règlement prévoit que la loi
successorale régit la quotité disponible, les réserves, les autres restrictions à la liberté de
disposer à cause de mort ainsi que les autres mécanismes mis en place pour protéger
certains proches du défunt (art. 23, par. 2, points h) et i). La question de la réserve
héréditaire est sans aucun doute l'un des aspects plus discutés du système du Règlement
et fera l'objet d'une étude approfondie dans le deuxième chapitre de ce travail. Il convient
toutefois d'anticiper que cette solution explique en partie le non-exercice, de la part du
Royaume-Uni et de l'Irlande, de leur faculté d'opt-in ; ces deux États, qui à la différence
de la plupart des législations de tradition civiliste ne connaissent pas la réserve
successorale en tant que telle, voulaient éviter qu'une éventuelle loi successorale étrangère
permette aux héritiers d'agir en réduction des libéralités concernant des biens situés sur
leur territoire202 (les anglophones utilisent à cet égard l'expression de « claw back »). Ce
résultat s'explique par le fait que cet instrument ne dépend pas de la loi applicable à la
libéralité, mais de celle régissant la succession et qui n'est donc définitivement fixée qu'au
moment du décès du de cujus. Par conséquent, il est bien possible qu'une libéralité qui est
parfaitement valable selon la loi applicable au moment où elle a été consentie (par
exemple la loi anglaise), soit ensuite soumise à réduction, et donc rendue totalement ou
partiellement inefficace, par le biais de la lex successionis (par exemple la loi
française)203.
91. Or, si cette distinction entre la validité de la libéralité et son caractère rapportable est
prévue par les pays admettant la réserve, elle n'est souvent pas connue dans les systèmes
qui ne prévoient pas cet instrument. C'est pourquoi, dans la phase d'élaboration du
Règlement, certains auteurs204 avaient proposé de soumettre le rapport et la réduction à la
sur les successions W.M.WATERS, Actes et documents de la 16ème session, 1988, t. II, p. 526.
202 En ce sens P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op.
cit., n°19, selon qui cette solution était particulièrement redoutée par les charities qui tirent l'essentiel de
leurs ressources des libéralités consenties à la fois par des privés et par des subventions publiques.
203 P.WAUTELET, Droit européen des successions, op. cit., p. 373, n° 98
204 J.HARRIS, The Proposed EU Regulation on Succession and Wills : Prospects and Challenges, in Trust
60
loi successorale hypothétique, à savoir la loi qui aurait été applicable à la succession le
jour de l'établissement de la libéralité. Cette solution n'a cependant été retenue dans le
Règlement que pour la validité au fond des pactes successoraux (art. 25) et des autres
dispositions à cause de mort (art. 24), alors que la question de la réserve héréditaire relève
de la « loi successorale effective et non de la loi de la libéralité » (considérant 50).
92. Les alinéas e) et f) de l'article 23, paragraphe 2, du Règlement sont enfin consacrés à
la transmission et à l'administration de la succession: sont comprises dans le domaine de
la loi successorale toutes les questions concernant, d'une part, le « transfert des biens, des
droits et des obligations composant la succession aux héritiers et, selon le cas, aux
légataires, y compris les conditions et les effets de l'acceptation de la succession ou du
legs ou de la renonciation à ceux-ci » et, d'autre part, les « pouvoirs des héritiers, des
exécuteurs testamentaires et autres administrateurs de la succession, notamment en ce qui
concerne la vente des biens et le paiement des créanciers […] ».
93. Le Règlement étant fondé sur le principe de la convergence entre le juge compétent
et la loi applicable à la succession (considérant 27), la règle contenue dans la disposition
précitée devrait donc permettre d'éviter, par la coïncidence entre le for et le jus, qu'une
juridiction se trouve à devoir appliquer une loi successorale étrangère prévoyant des
modalités différentes d'administration de la succession205. Ainsi, en supposant que le
Royaume-Uni ait adhéré au Règlement, lorsque le de cujus italien décède en Italie en
laissant des biens en partie dans ce pays et en partie en Angleterre, le juge italien sera le
seul compétent à statuer sur l'ensemble de la succession selon sa propre loi locale, en tant
que celle de la dernière résidence habituelle du défunt. Il s'ensuit que les héritiers, étant
appelés à la succession en vertu de la loi italienne qui adopte un système de succession à
Law International, 2008, p. 199 ; A.DUTTA, Succession and Wills in the Conflicts of Laws on the Eve of
Europeanisation, in RabelsZ, 2009, p. 583 ; Max Planck Institut, n° 78 et s. Il est en outre intéressant de
noter que cette même solution avait déjà été proposée dans le passé par B.ANCEL (Les conflits de
qualification à l'épreuve de la donation entre époux, 1977, n°555) en relation aux donations mobilières
entre époux. En partie contraire à cette solution P.LAGARDE (Les principes de base du nouveau règlement
européen sur les successions, op. cit., n°20), pour qui l'application de la loi hypothétique, si d'une part elle
aurait garanti une plus grande sécurité pour les bénéficiaires, d'autre part elle aurait toutefois entraîné
certaines complications en cas d'établissement, par le défunt, de plusieurs libéralités à différentes périodes
de sa vie.
205 Ce qui est d'ailleurs exigé par la deuxième partie du considérant 42 qui dispose que la succession «
devrait inclure les questions liées à l'administration de la succession et à la responsabilité à l'égard des
dettes de la succession [...] ».
61
la personne, soient immédiatement « saisis » et donc habilités à appréhender les biens
successoraux dès le décès et à y exercer tous les droits et les actions du défunt,
indépendamment du lieu de leur localisation.
94. Or, si cette coïncidence entre le for et la loi applicable constitue la règle générale, elle
pourrait néanmoins ne pas toujours intervenir : en effet, comme l'indique le considérant
43 et comme on a vu dans les paragraphes précédents, « les règles de compétence établies
par le présent règlement peuvent, dans certains cas, conduire à une situation où la
juridiction compétente pour statuer sur la succession n'appliquera pas sa propre loi ». Dès
lors, si la loi étrangère (soit celle d'un autre État membre, soit celle d'un État tiers) adopte
le même système d'administration de la succession que la lex foris, aucun problème se
pose puisque les autorités compétentes vont devoir appliquer un mécanisme à elles
connues ou du moins similaire. À l’inverse, certaines difficultés pourraient surgir : ainsi,
la juridiction d'un État ayant adopté un principe de succession à la personne pourrait être
amené à appliquer la loi d'un pays ayant retenu un système de succession aux biens
(imaginons le cas d'un ressortissant anglais, en supposant toujours le Royaume-Uni rallié
au Règlement, qui décède en France où il résidait habituellement et qui a choisi sa loi
nationale pour régir la succession). La juridiction normalement compétente, c'est-à-dire
celle de l'État de la dernière résidence habituelle du défunt (donc dans notre exemple la
juridiction française), serait obligée à mettre en œuvre pour l'ensemble de la succession
(et donc pour la phase de sa transmission), une loi étrangère fondée sur des règles
procédurales différentes de celles internes206 et cela non seulement vis-à-vis des biens
situés dans le pays membre de nationalité du de cujus (l'Angleterre), mais également aux
biens situés sur son propre territoire. Certes, les juges des pays de civil law disposent
généralement d'un certain nombre de mesures similaires à la procédure de probate, telle
que la nomination d’un administrateur judiciaire ou d’un curateur à l’hérédité jacente.
Cependant on peut s'interroger sur la nature des pouvoirs que les pays de civil law
pourraient reconnaître au « personal representative » ainsi désigné : dans les systèmes
juridiques n'admettant pas la propriété fiduciaire, par exemple, il ne sera pas possible
d'attribuer à l'administrateur la qualité de propriétaire des biens successoraux207.
206 P.WAUTELET, op. cit., p. 453 et s.) ; sur ce sujet, v. aussi M.GORE, L'administration, op. cit., pp. 125
et s. ; M.FERID, Le rattachement, op. cit., pp. 110 et s.; A.BONOMI, Les successions, op. cit., p. 345 et s.
207 Ainsi en Italie, on a considéré que le personal representative devait être assimilé, pour les biens situés
sur le territoire italien, à un curateur de l’hérédité (A.BONOMI, Les successions, op. cit., p. 348, note 1036).
62
95. Il est donc évident que malgré les avantages, certainement nombreux, d'un
rattachement unitaire de la loi successorale, des problèmes subsistent. Dès lors, en
présence de certains facteurs, cette conception unitaire de la succession doit s'effacer en
faveur de l'application, à côté de la lex successionis, de lois ultérieures.
d) Les dérogations au rattachement unitaire
96. Comme pour la compétence des juridictions, la portée unitaire de la loi successorale
peut connaître des exceptions.
α) La transmission de la succession : l'art. 29 du Règlement
97. Une première restriction à la portée unitaire de la loi successorale est prévue pour les
questions de transmission de la succession. En effet, pour surmonter les difficultés
dérivant de la diversité des procédures adoptées par les différents pays membres, la
proposition de la Commission prévoyait, à son article 21, que si la loi successorale de
l'État membre de situation des biens « subordonne l'administration et la liquidation de la
succession à l'investiture d'un administrateur ou exécuteur testamentaire par l'autorité de
cet État membre », celle-ci pouvait alors s'appliquer208. Ainsi, lorsque la succession était
soumise à la loi italienne et qu'elle comprenait des biens situés en Italie et en Angleterre,
l'héritier désigné selon la loi italienne aurait dû obtenir, pour procéder aux opérations de
liquidation des biens anglais, un grant of representation délivré par les juridictions
britanniques en application de leur loi nationale.
208 Le texte intégral de l'article 21 disposait ainsi : « 1. La loi applicable à la succession ne fait pas obstacle
à l'application de la loi de l'État du lieu de situation du bien dans la mesure où celle-ci, pour l'acceptation
de la succession ou d'un legs ou la renonciation à ceux-ci, prescrit des formalités ultérieures à celles
prescrites par la loi applicable à la succession. 2. La loi applicable à la succession ne fait pas obstacle à
l'application de la loi de l'État membre du lieu de situation du bien (a) lorsqu'elle subordonne
l'administration et la liquidation de la succession à l'investiture d'un administrateur ou d'un exécuteur
testamentaire par une autorité de cet État membre. La loi applicable à la succession régit la détermination
des personnes, telles que les héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs, susceptibles
d'être investies de l'administration et de liquidation de la succession ; (b) lorsqu'elle subordonne la
transmission définitive de l'héritage aux ayants droits au paiement préalable des impôts relatifs à la
succession ». Sur cet article, v. notamment Max Planck Institut, op. cit., pp. 90 et s.).
63
Bien évidemment dans ces hypothèses la procédure aurait subi un morcellement, ce qui
est contraire à la logique d'unicité de la succession à la base du Règlement ; cependant
cette coordination entre la loi successorale et la loi de situation des biens avait été bien
accueillie par la majorité de la doctrine, selon qui cette disposition aurait permis la prise
en compte des particularités des systèmes des différents États membres209.
98. La règle formulée par l'article 21 de la proposition n'a toutefois pas été retenue dans
la version définitive du Règlement, qui a remplacé cette disposition par l'article 29,
paragraphe 1er, al. 1, en vertu duquel : « Lorsque la nomination d'un administrateur est
obligatoire ou obligatoire sur demande en vertu de la loi de l'État membre dont les
juridictions sont compétentes pour statuer sur la succession en application du présent
règlement et que la loi applicable à la succession est une loi étrangère, les juridictions de
cet État membre peuvent, si elles sont saisies, nommer un ou plusieurs administrateurs de
la succession en vertu de leur propre loi, sous réserve des conditions définies au présent
article »210. Dès lors, en matière d'administration de la succession il ne peut être dérogé à
la loi successorale que dans un seul cas : celui où les autorités d'un État membre, saisies
en conformité au Règlement, sont appelées à statuer sur une succession qui est régie par
une loi étrangère. Ainsi, dans cette hypothèse, lorsque la loi du for prévoit comme
obligatoire la nomination d'un administrateur (ou que cette nomination est obligatoire sur
demande), les juridictions saisies pourront déroger à la règle générale dictée par l'article
23 et procéder à cette nomination, alors même que la succession est régie par une loi
étrangère n'envisageant pas un tel mécanisme. Il s'ensuit donc que deux conditions
doivent être réunies afin que la disposition précitée puisse trouver application : en premier
lieu, le caractère obligatoire de la nomination d'un administrateur ; deuxièmement, la
rupture entre la loi du for et la loi successorale.
209 P.LAGARDE, Successions, op. cit. p. 714 ; dans le même sens A.DUTTA (Succession and Wills, op. cit.,
p. 603), selon lequel ce compromis entre la loi successorale et la loi du lieu de situation des biens aurait
poussé les juridictions étrangères à reconnaître plus facilement les spéciaux systèmes d'administration
étrangers ( « Also foreign courts would get a tool to recognise special administration procedures »). Il est
aussi intéressant de noter que dans son étude de la proposition, le Max Planck Institut suggérait d'étendre
cette exception de la lex rei sitae aux États tiers, en modifiant le paragraphe 2 de l'article 21 dans le sens
que « the applicable law to the succession shall not prevent the application of the law of the State (pas «
Member » State) in which an asset belonging to the estate is located […] »).
210 Sur cet article v. notamment le commentaire de S.GODECHOT-PATRIS, L'administration des
successions, in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD (sous la direction de), Droit européen des successions
internationales – Le Règlement du 4 juillet 2012, Paris, Defrénois, 2013, pp. 87 et s.
64
99. Quant à la première circonstance, on a vu que le mécanisme obligatoire de nomination
d'un administrateur est l'un des éléments-clé de la plupart des pays adoptant un système
de succession aux biens, tels que les États de common law comme le Royaume-Uni ou
l'Irlande. Or, ces derniers n'ayant pas, à ce stade, adhéré au Règlement211, l'article 29 perd
une grande partie de son intérêt, attendu que les juridictions de ces pays ne pourront pas
lui donner application212. Qui plus est, cette disposition ne peut être invoquée non plus
par les autorités autrichiennes à travers le mécanisme du « Einantwortung », étant donné
que cette procédure ne prévoit pas, pour la transmission de la succession, la nomination
d'un administrateur mais le prononcé d'une décision constitutive du tribunal213. Cela
comporte donc que même la deuxième hypothèse envisagée par l'article 29 (c'est-à-dire
le cas où la nomination d'un administrateur n'est pas une règle impérative mais, en cas de
demande, celle-ci ne peut pas être refusée), les juridictions autrichiennes ne pourront pas
se prévaloir de cette disposition, leur procédure ne prévoyant pas l'investiture d'un
administrateur ou d'un exécuteur.
100. Non moins problématique est la deuxième condition, relative à la distinction entre
la loi successorale et la loi du for : le cas le plus fréquent sera sans aucun doute celui où
le de cujus résidait habituellement dans un État membre et, en vertu de la professio juris
prévue à l'article 22 du Règlement, a opté pour la loi du pays de sa nationalité pour régir
la succession (qu'il s'agisse de la loi d'un autre État membre ou de celle d'un État tiers)214.
Cependant, comme on va voir, cette dissociation pourrait être évitée - et donc l'application
211 Ce qui est précisé par le considérant 82 : « conformément aux articles 1 er et 2 du protocole n o 21 sur
la position du Royaume-Uni et de l'Irlande à l'égard de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé
au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ces États
membres ne participent pas à l'adoption du présent règlement et ne sont pas liés par celui-ci ni soumis à
son application. Cela s'entend toutefois sans préjudice de la possibilité, pour le Royaume-Uni et l'Irlande,
de notifier leur intention d'accepter le présent règlement après son adoption conformément à l'article 4
dudit protocole ».
212 En ce sens P.WAUTELET, op. cit., p. 457.
213 v. B.DUTOIT, Perspectives comparatives sur la succession ab intestat, in Le droit des successions en
Europe-Actes du colloque du 21 février 2003, Comparativa, 2003, pp. 14 ss.
214 Déjà lors de la proposition de la Commission, afin d'éviter la dissociation entre le for et le jus, il avait
été envisagé de limiter la portée de la professio juris aux seules questions relatives à la dévolution de la
succession, celles concernant l'administration faisant l'objet d'un rattachement séparé (v. A.BONOMI, Les
successions, op. cit., p. 339, note 1013 ; A.DAVI, L’autonomie de la volonté en droit international privé des
successions dans la perspective d’une future réglementation européenne, dans Riv. dir. int. priv. proc.,
2004, pp. 473-498
65
de l'article 29 bloquée - de deux manières : d'abord à travers le jeu des accords d’élection
du for prévus par le Règlement à l'article 5 ; en alternative, à défaut d'accords, par un
déclinatoire de compétence effectué, à la demande de l'une des parties, en vertu de l'article
6 du Règlement. Par conséquence, il en découlerait un rétablissement de la coordination
entre la compétence et la loi applicable et donc la réaffirmation de l'unité de la lex
successionis proclamée par l'article 23 du Règlement.
101. Resterait alors une seule hypothèse dans laquelle l'article 29 semblerait pouvoir
entrer en jeu : il s'agit de la situation décrite à l'article 10 du Règlement215, dans laquelle
le défunt résidait dans un État tiers mais possédait tous ou partie de ses biens dans un État
membre. En effet dans ce cas216, ni la clause d'élection de for, ni le déclinatoire de
compétence ne pourraient trouver application, ce qui implique que les parties concernées
par la succession n'auraient aucun titre à s'opposer à la règle dérogatoire de l'article 29.
Dès lors, si l'État membre dont la juridiction est saisie en vertu de l'art. 10 prévoit un
mécanisme de nomination obligatoire d'un administrateur ou exécuteur de la succession,
cette autorité va pouvoir y procéder pour la transmission et l'administration de tous les
biens successoraux se trouvant sur le territoire national, alors même qu'une telle
procédure est méconnue à la loi successorale.
Cependant, compte tenu des systèmes d'administration de la succession présents dans les
États membres actuels et de la non adhésion du Royaume-Uni et de l'Irlande au
Règlement, il est difficile d'imaginer que la situation à peine décrite puisse concrètement
se réaliser.
β) Les lois de police de l'État de situation des biens : l'art. 30 du Règlement
102. L'art. 30 du Règlement, qui recueille la règle prévue à l'art. 15 de la Convention de
La Haye de 1989, dicte un régime spécial pour les hypothèses où la loi de situation « de
certains biens immobiliers, certaines entreprises ou d'autres catégories particulières de
biens » comporte des dispositions successorales particulières « en raison de leur
215 v. supra n°65 et s.
216 P.WAUTELET, op. cit., p. 458.
66
destination économique, familiale ou sociale » et que celles-ci sont applicables « quel que
soit la loi applicable à la succession ». Ainsi formulée, cette règle constitue donc une
véritable dérogation au rattachement unitaire émanant du précité art. 21, puisque certains
biens successoraux seront soumis à une loi différente de la loi successorale, provoquant
de cette manière une inévitable scission de la succession. C'est pourquoi, l'art. 30 ne vise
que certaines dispositions matérielles dérogeant au droit commun des successions et
n'autorise donc pas les États membres à faire application, de manière générale, de leurs
lois d'application immédiate217. De plus, cette règle ne peut entrer en jeu que si ces
dispositions ont un impact direct sur un bien ou une catégorie de biens faisant partie de la
succession, ce qui implique, par conséquence, que toute autre disposition impérative de
droit interne (par exemple celles limitant la capacité successorale de certaines catégories
de personnes) n'ont pas vocation à s'appliquer en vertu de l'art. 30 du Règlement
puisqu'elles auraient un impact non pas sur les biens successoraux, mais directement sur
la personne des héritiers218
103. De plus, pour justifier l'application de l'art. 30 les dispositions visées doivent
comporter des restrictions concernant la succession ou avoir une incidence sur celle-ci.
Dans la première catégorie, il s'agira par exemple d'une disposition nationale qui interdit
de participer à la succession en relation à certains biens, ce qui pourrait être le cas de
certaines interdictions qui empêchent aux ressortissants étrangers de posséder des terrains
dans les zones proches d'une côte ou d'installations militaires219. Quant à la deuxième
catégorie, c'est-à-dire les dispositions ayant une incidence sur la succession, c'est le cas
notamment des droits nationaux qui prévoient des mécanismes « d’attribution
préférentielle », à savoir des mécanismes permettant que certains biens successoraux
soient transmis dans un ordre particulier de dévolution de la succession220.
217 Une telle solution avait été proposée par A.DUTTA (Succession and Wills, op. cit., p. 547), puis reprise
par le Max Planck Institut dans son commentaire critique à la proposition de Règlement (op. cit., pp. 644
et s.).
218 En ce sens P.WAUTELET, op. cit., p. 470, n° 4 et s.
219 Idem, p. 472, n° 8. Notons de plus que dans ces situations il est fort probable que la question de l'ordre
public soit posée, ces dispositions pouvant être jugées contraires au principe d'égalité dans la succession.
220 Ce mécanisme est bien illustré par le droit français qui prévoit, par exemple, des attributions
préférentielles par voie de partage en matière d'exploitation agricole (art. 831 du Code civil), ou encore, à
l'art. L. 411-34 du Code rural, comme modifié d'abord par la loi du 23 décembre 2006 et récemment par la
loi du 13 octobre 2014, la prévision que le bail continue au bénéfice du conjoint survivant ou du partenaire.
La qualification successorale de ces mécanismes en droit international privé national n'est toutefois pas
67
104. Une dernière condition est enfin posée par l'art. 30, celle que les dispositions visées
doivent bénéficier d'un statut particulier dans le pays qui les prévoit. Dès lors, dans cette
hypothèse, tout État membre est tenu à préférer l'application des règles spéciales dictées
par la loi de situation des biens à celles prévues par la lex successionis, ce qui permet de
qualifier ces dispositions comme « lois de police » ou « loi d'application immédiate 221».
105. Or, puisque en général c'est le même État qui les a édictées à établir si elles doivent
être qualifiées comme lois de police ou non, se pose le problème de déterminer quand une
disposition de droit interne constitue une loi d'application immédiate. Une telle opération
ne sera toutefois pas toujours facile, compte tenu que la qualification de certaines de ces
règles n'est souvent pas établie de manière unanime dans le droit interne. Ainsi, la
qualification de lois de police des règles d'attribution préférentielle continue à former
l'objet de vifs débats en France222, où seulement en 2012 la Cour de Cassation a précisé
que la prévision d'une attribution préférentielle d'une exploitation agricole peut être ainsi
qualifiée223. La Cour de Justice de l’Union européenne devra donc veiller sur leur
application, afin d’éviter le risque d’un possible abus par les États membres.
retenue par l'ensemble de la doctrine ; en faveur de cette solution P.LAGARDE, Successions, op. cit., p. 19,
n° 151, pour qui, s'agissant d'une question relative au partage successoral et dans un souci d'éviter « un
morcellement supplémentaire de la dévolution », la qualification successorale devrait l'emporter ; contra
H.PEROZ-E.FONGARO, Droit international privé patrimonial de la famille, Paris, Lexis-Nexis Litec, 2010,
p. 245, qui estiment que cette question relève non pas de la loi successorale mais de la loi du contrat de
bail.
221 Les lois de police sont prévues par la plupart des autres règlements européens en matière de conflits de
lois. C'est le cas par exemple de l'art. 9 du Règlement « Rome I » et de l'art. 16 du Règlement « Rome II ».
Il est cependant intéressant de noter qu'à la différence du Règlement « Rome I », qui exige que les
dispositions constituant des lois de police ne puissent pas faire l'objet d'une dérogation par accord, cette
même condition n'est pas prévue, du moins explicitement, par l'art. 30 du Règlement n°650/2012.
222 v. notamment H.PEROZ-E.FONGARO, Droit international privé patrimonial de la famille, op. cit., p.
246 ; v. aussi sur ce thème S.BILLARANT, Le caractère substantiel de la réglementation française des
successions internationales. Réflexions sur la méthode conflictuelle, Dalloz, 2004, pp. 296 et s.
223 Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2012, pourvoi n°11-18345 (en l'espèce, il s'agissait de l'application de l'art.
832 du Code civil relatif à l'extension de l'attribution préférentielle de l'exploitation agricole. À cet égard,
la Haute juridiction a statué que « […] les règles relatives à l'attribution préférentielle sont, en raison de
leur destination économique et sociale, des lois de police de sorte qu'ont vocation à s'appliquer celles que
fixe la loi du lieu de situation de l'immeuble ».
68
e) La rupture de l'unité dans la loi applicable
106. L'unité de la compétence judiciaire et législative est certes un avantage pour le
règlement d'une succession internationale. Or, dans certaines hypothèses, celle-ci doit
céder la place à l'application d'une loi autre que celle de la dernière résidence habituelle
du défunt.
α) Le renvoi : l'art. 34 du Règlement
107. Né dans le domaine des successions avec le célèbre arrêt « Forgo », le renvoi a été
fermement condamné dans la proposition de Règlement du 2009, dont l'art. 26 statuait
que « Lorsque le présent règlement prescrit l'application de la loi d'un État, il vise les
règles en vigueur dans cet État à l'exclusion des règles de droit international privé ». Cette
condamnation s'expliquait principalement pour une raison : créer une incertitude quant à
la loi applicable à la succession, ce qui était contraire à l'objectif de prévisibilité du
Règlement, et 'aboutir à une scission de la masse successorale, ce qui est en contradiction
avec le principe d'unité consacré par le nouvel instrument européen224.
108. Pourtant les avantages de ce mécanisme ne sont pas négligeables ; en effet, comme
analysé supra (n°13 et s.), le renvoi est non seulement admis dans la plupart des droits
nationaux, européens et non, mais il est également prévu dans certains textes
internationaux, notamment dans la Convention de La Haye de 1989 sur la loi applicable
aux successions. La raison de cette admission est simple : en dépit de ces effets négatifs,
cet « expédient », comme l'avait ainsi qualifié Ph. Francescakis, permet en effet de
parvenir à une uniformité internationale des décisions, en évitant l'application d'une loi
successorale étrangère par l'autorité du for225.
109. Conscient de ces avantages, le législateur européen a finalement introduit la
224 Il convient de rappeler que ce même souci de morcellement de la succession a justifié l'approche
adoptée par la Cour de Cassation dans l'arrêt « Riley » de 2009 (v. supra n°16) qui a admis le renvoi de la
loi de la situation de l'immeuble à la loi nationale du défunt à la seule condition que ce mécanisme permette
l'unité de la succession.
225 En ce sens A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 510, n°2.
69
possibilité d'avoir recours au renvoi dans le but, comme l'indique le considérant 57, de
« garantir une cohérence au niveau international ». L'art. 34, par. 1er, du Règlement
dispose ainsi : « Lorsque le présent règlement prescrit l'application de la loi d'un État tiers,
il vise l'application des règles de droit en vigueur dans cet État, y compris ses règles de
droit international privé, pour autant que ces règles renvoient : a) à la loi d'un État
membre ; ou b) à la loi d'un autre État tiers qui appliquerait sa propre loi ».
110. Dès lors, le principe d'unité de la succession peut être abandonné en deux
hypothèses : d'abord en cas de renvoi au premier degré, lorsque la loi d'un État non lié par
le Règlement renvoi à la loi d'un État membre. Ainsi, prenons le cas d'un français qui est
décédé au Maroc où il avait sa dernière résidence habituelle ; les règles de conflits
marocaines renvoient à la loi française en tant que loi nationale du défunt, ce qui implique
donc que par le jeu du renvoi la succession sera régie par la loi française, qui accepte de
s'appliquer, et non pas par la loi marocaine, en évitant de telle sorte l'application d'un droit
étranger qui peut parfois se fonder sur des valeurs et des principes qui sont éloignés de
ceux prévalent dans la plupart des États membres226.
111. Il convient en outre de noter qu’en relation à cette première hypothèse l'art. 34 ne
précise pas que la loi de l'État tiers renvoi à la loi du for, mais à la seule loi de l'État
membre. Il s'ensuit donc que, dans ce dernier cas de figure, la juridiction saisie pourrait
ne pas appliquer les règles de droit successoral internes, mais celles d'un autre État
membre. Ainsi, prenons l'hypothèse d'un ressortissant italien qui décède en Australie en
laissant des biens en France et en Italie. En vertu de l'art. 10, par. 1, point a), du
Règlement, les juridictions italiennes sont compétentes puisque le défunt avait bien la
nationalité de ce pays et qu'une partie des biens successoraux y sont situés. La loi
australienne, loi de la dernière résidence habituelle du défunt, renvoie à la loi italienne
pour les immeubles situés en Italie et à la loi française pour les immeubles situés en
France. Conséquemment, les autorités italiennes n’appliqueront pas leur seule loi interne,
mais devront aussi tenir compte du renvoi effectué par la loi australienne au droit français,
qui devra donc être appliqué pour les biens situés en France. Certes, dans cette situation
226 Notamment lorsque la loi étrangère est celle de pays qui adoptent ou sont influencés par le droit de la
sharia; dés lors, dans ces hypothèses, le droit du conjoint survivant pourrait subir une réduction du fait des
discriminations entre le mari et la femme, ou encore la succession testamentaire pourrait être paralysée à
cause de la question religieuse.
70
les autorités du for sont obligée d'appliquer une loi différente de celle interne avec les
possibles difficultés et coûts qui en dérivent. Néanmoins, compte tenu des mécanismes
de coopération judiciaire désormais en vigueur entre les pays membres, ainsi que de la
communion de valeurs et principes qui caractérise l'Union européenne, il est possible
d'affirmer que non seulement l'application de la loi d'un autre État européen est
généralement plus accessible et facile à mettre en œuvre que celle d'un État tiers, mais
aussi que le risque que cette loi soit contraire à l'ordre public, et donc inapplicable, est
réduit227.
112. Le deuxième cas de renvoi prévu à l'art. 34, par. 1, point b), se produit en revanche
lorsque la loi de l'État tiers désignée par le Règlement renvoie à la loi d'un autre État tiers.
Dans cette hypothèse, à l'instar de la règle adoptée par la Convention de La Haye de 1989
ainsi que par certains systèmes nationaux228, ce renvoi au deuxième degré ne s'applique
que si la loi du deuxième pays l'accepte à son tour. Dès lors, cette solution semblerait
exclure la possibilité d'un renvoi au troisième ou quatrième degré, hypothèse qui n'est
certes pas fréquente dans la pratique mais qui pourrait éventuellement se produire si la loi
désignée par le Règlement renvoie à la loi d'un autre État qui a son tour renvoie à la loi
d'un quatrième État. Quid dans ces situations ? Le Règlement ne donne aucune réponse à
cet égard, cependant certains auteurs suggèrent d'admettre le renvoi multiple dans ce
genre d'hypothèses lorsque ce mécanisme garantit de parvenir à l'uniformité des
décisions229.
113. Le jeu du renvoi est enfin écarté dans un certain nombre de cas, énumérés à l'art. 34,
par. 2 du Règlement. Il s'agit d'abord de l'hypothèse où la loi applicable à la succession,
à titre exceptionnel, est celle du pays avec qui le défunt avait des liens manifestement plus
étroits (art. 21, par. 2, du Règlement). La raison de cette exclusion s'explique
essentiellement par le caractère flexible de cette disposition, fondée, comme on a vu, sur
un principe de proximité. Si donc la loi d'un État tiers est considérée comme étant plus
proche du de cujus, cette appréciation ne peut pas être remise en cause par l'application
227 A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 516, n°15
228 Cf. par exemple l'art. 13 de la loi italienne de droit international privé (supra n°25).
229 En ce sens A.DAVI, Le renvoi en droit international privé contemporain, in Recueil des cours, t. 352,
2012, p. 350
71
du renvoi et donc des règles de conflit de cet État230.
114. Cet instrument est de plus exclu dans le cas où le défunt avait choisi la loi applicable
à la succession (art. 22), solution qui est cohérente avec la faveur pour l'autonomie de la
volonté poursuivie par le Règlement, ainsi que dans la détermination de la loi applicable
aux dispositions à cause de mort (art. 27), à la forme de l'option successorale (art. 28,
point b) et dans le domaine des restrictions concernant la succession portant sur certains
biens (art. 30). Dans ces hypothèses le renvoi n'entrera donc pas en jeu, ce qui évite ainsi,
notamment en ce qui concerne la loi applicable à la forme des actes, que ce mécanisme
puisse compromettre l'objectif du Règlement de favoriser la validité formelle de ces
documents231.
115. Cette analyse générale sur la mise en œuvre du principe de l'unité de la succession
dans les deux domaines de la compétence judiciaire et de la loi applicable démontre ainsi
que, en dépit de quelques atteintes, le critère unitaire maintient son emprise sur le
règlement successoral. Dès lors, face à la prépondérance du régime de l'unité, il devient
de plus en plus nécessaire de permettre aux volontés privées, in primis au défunt, de
bénéficier d'une certaine autonomie dans la planification de la succession. Le Règlement
de 2012 répond à cette exigence par le biais d'un certain nombre d'instruments, certains
s'appliquant à la loi successorale, d'autres à la compétence judiciaire.
2. L'autonomie de la volonté
116. La faveur pour l’autonomie de la volonté, consacrée dans la Convention de La Haye
de 1989 sur les successions à cause de mort, a eu un impact certain sur le Règlement
n°650/2012.
La construction d’un espace européen de sécurité, liberté et justice nécessite en effet non
seulement que la succession transfrontalière soit régie, dans son ensemble, par une seule
230 Il convient toutefois de noter que l'exclusion du renvoi dans cette hypothèse ne signifie pas que le
contenu des règles de rattachement de l'État « plus proche » ne doit pas être pris en compte. Au contraire,
ces éléments pourront être considérés par la juridiction pour déterminer l'existence de liens manifestement
plus étroits (de cet avis A.DAVI, Le renvoi en droit international privé contemporain, op. cit., p. 133).
231 F.M. WILKE, Das internationale Erbrecht, op. cit., p. 608
72
loi appliquée par une même juridiction, mais aussi que chaque citoyen soit en mesure
d’organiser à l’avance la destination de son patrimoine successoral. Cette autonomie est
d’ailleurs bien connue dans de nombreux droits nationaux, certains reconnaissant au de
cujus la possibilité de prendre des dispositions à cause de mort, voire même, dans
quelques pays, de conclure des pactes successoraux, d’autres lui autorisant, de manière
plus ou moins encadrée, de choisir la loi applicable à la succession. Ces facultés ont ainsi
été reprises par le Règlement qui, dans son objectif d’harmonisation, s’est prononcé d’une
part sur les lois applicables aux dispositions à cause de mort, d’autre part sur les modalités
d’exercice de la professio juris ainsi que sur son impact sur la détermination de la
juridiction compétente232.
a. Les dispositions mortis causa
117. Les articles 24 à 27 du Règlement prévoient un régime spécial en matière de
dispositions à cause de mort. Les premiers deux articles déterminent la loi applicable à la
recevabilité, à la validité au fond et à certains effets des testaments, des pactes
successoraux et d’autres dispositions mortis causa, tandis que les deux autres (26 et 27)
définissent l’un (l’art. 26) la portée de la validité au fond de ces dispositions, l’autre (l’art.
27) les questions rentrant dans la validité formelle des dispositions de dernière volonté.
α. Les dispositions à cause de mort différentes des pactes successoraux : les articles 24,
26 et 27 du Règlement
118. L’art. 24, comme sa rubrique l’indique, contient des règles spécifiques aux
« dispositions à cause de mort autre que les pactes successoraux ». Contrairement à la
plupart des autres dispositions, celle-ci n’a été introduite que pendant la procédure
d’adoption du Règlement qui s’est ainsi rallié à l’opinion d’une partie de la doctrine,
232 L’importance de la professio juris a d’ailleurs été soulignée lors de l’une des dernières rencontres
organisées par le CNUE à Paris le 22 octobre 2016, au cours duquel les participants ont incité les États tiers
ne connaissant pas cette institution à la reconnaître ou à tout le moins à respecter les effets attachés à
l’autonomie de la volonté dans un souci d’harmonisation globale (source www.notaries-of-europe.eu).
73
notamment l'allemande233, contraire à l’approche suivie dans la proposition de 2009 qui
n’avait prévu des règles spéciales que pour les pactes successoraux (art. 18 de la
proposition), alors que la validité, l’interprétation, la modification et la révocation des
autres dispositions à cause de mort étaient soumises à la lex successionis234. Le Règlement
a finalement opté pour la solution préconisée par plusieurs commentateurs, en étendant
les règles spécifiques dictées pour les pactes successoraux aux autres dispositions de
dernière volonté.
119. Avant d’analyser ces règles spéciales, une remarque préliminaire s’impose : l’art. 24
du Règlement vise les dispositions à cause de mort « autre que les pactes successoraux »,
ces derniers étant régis par l’art. 25. Or, étant donné que les dispositions à cause de mort
sont définies par l’art. 3, par. 1er, point d) du Règlement comme « un testament, un
testament conjonctif ou un pacte successoral » et que ce dernier est à son tour décrit à
l’art. 3, par. 1er, point b) comme « un accord, y compris un accord résultant de testaments
mutuels, qui confère, modifie ou retire, avec ou sans contre-prestation, des droits dans la
succession future d'une ou de plusieurs personnes parties au pacte », il en découle que
l'art. 24 ne s'applique qu'aux dispositions de dernière volonté ne résultant pas d'un accord
entre les personnes intéressées. Il s'agira donc essentiellement des testaments, à
l'exception, comme indiqué, des testaments mutuels dérivant d'un accord et qui, étant
considérés comme des pactes successoraux, sont soumis au régime prévu à l'art. 25 du
Règlement235.
120. L'art. 24 dicte une série de règles gouvernant « la recevabilité et la validité au fond »
des dispositions mortis causa autres que les pactes successoraux. Quant à la première
233 v. notamment P.KINDLER, Vom Staatsangehörigkeits-zum Domizilprinzip: das künftige internationale
Erbrecht der Europaischen Union, in IPrax, 2009, p. 47; dans le même sens Max Planck Institut, n° 153;
contra A.BONOMI in A.BONOMI-CH.SCHMID (sous la direction de), Successions internationales. Réflexions
autour du futur règlement européen et de son impact pour la Suisse, Zurich, Schulthess, 2010, p. 59
234 Solution qui reprenait les dispositions prévues dans la Convention de La Haye de 1989 sur les
successions à cause de mort.
235 Dans la mesure où l'art. 24 ne se réfère qu'aux dispositions à cause de mort sans en préciser le contenu,
certains Auteurs (v. notamment A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 378, n°6 ainsi que
ses observations critiques quant à cette interprétation) ont considéré que cette règle spéciale ne s'applique
qu'à la recevabilité et à la validité au fond des testaments, alors qu'en relation à l'admissibilité et à la validité
des dispositions contenues dans ces actes, la loi compétente resterait la lex successionis déterminée selon
les principes généraux prévues aux articles 21 et 22 du Règlement.
74
notion, celle de la recevabilité, plusieurs commentateurs ont en critiqué son caractère
« bien ambiguë »236 , étant donné que le Règlement ne donne aucune définition à ce sujet.
Certains ont ainsi interprété cette expression comme « un aspect particulier de la validité
au fond »237 , en considération du fait que si une disposition est irrecevable selon la loi
qui lui est applicable, elle sera alors inévitablement atteinte d'invalidité. Quant à cette
dernière notion, elle est clarifiée par l'art. 26 du Règlement qui énumère les éléments qui
en relèvent : la capacité du disposant de prendre une disposition à cause de mort, les
incapacités spéciales de disposer et de recevoir, l'admissibilité de la représentation,
l'interprétation de la disposition ainsi que les conditions pour le consentement.
121. À la différence de l'article 25 en outre, l'article 24 ne régit pas les effets des
dispositions à cause de mort qui restent ainsi soumises à la loi successorale238. Cette
lecture restrictive est d'ailleurs confirmée par la longue énumération contenue au précité
art. 23 du Règlement concernant la portée de la loi applicable à la succession. C'est donc
celle-ci qui est compétente à régir, par exemple, la vocation successorale des bénéficiaires
(art. 23, par. 1er, point b), ou encore l'exhérédation (art. 23, par. 1er, point d) ou les
questions liées à la détermination de la quotité disponible, à la réserve héréditaire ainsi
qu'aux autres restrictions à la liberté de disposer à cause de mort (art. 23, par. 1er, point
h). De plus, le considérant 50 du Règlement précise que la loi désignée aux articles 24 et
25 « devrait être sans préjudice des droits de toute personne qui, en vertu de la loi
applicable à la succession, peut prétendre à une réserve héréditaire ou jouit d'un autre
droit dont elle ne peut être privée par la personne dont la succession est concernée ». Dès
lors, lorsqu'une disposition serait valable selon la loi désignée par l'art. 24, elle pourrait
néanmoins être soumise à réduction si la loi successorale le prévoit.
236 G.KHAIRALLAH, La détermination de la loi applicable à la succession, op. cit., p. 63, n° 141, en relation
à l'art. 25 du Règlement; également de cet avis P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement
européen sur les successions, op. cit., n°29, pour qui le terme de recevabilité est « assez mal choisi »,
contrairement aux versions anglaises (admissibility), allemande (Zulässigkeit), italienne (ammissibilità) ou
espagnole (admisibilidad) considérées plus claires.
237 A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 381, n°9
238 Solution qui est similaire à celle retenue par certains droits nationaux, tel que le droit allemand où l'on
considère que l'art. 26, al. 5, du EGBGB, ne s'applique pas aux effets des dispositions à cause de mort, sauf
quant à leur caractère révocable ou irrévocable (v. H.DÖRNER, Internationales Erbrecht, Art. 25, 26
EGBGB, in J. von Staudingers Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch, Einführungsgesetz zum BGB,
Berlin, Sellier, 2007, n° 73.
75
122. Quant à la loi prévue par l'art. 24, par. 1er, celui-ci dispose qu'une disposition à cause
mort autre qu'un pacte successoral est régie, quant à sa recevabilité et à sa validité au
fond, par la loi qui, en vertu du Règlement, « aurait été applicable à la succession de la
personne ayant pris la disposition si elle était décédée le jour de l'établissement de la
disposition ». La loi désignée par l'art. 24 est donc la loi successorale « hypothétique »,
solution qui est assez répandue en droit comparé, tant dans les États européens239 que
dans les États tiers240. Cette loi doit être déterminée par référence au jour où la disposition
à cause de mort a été établie, ce qui constitue une question de fait241, et sur la base des
règles générales dictées par le Règlement pour la désignation de la loi applicable à la
succession, c'est-à-dire les articles 21 et 22. Ainsi, la loi successorale hypothétique pourra
être, selon le cas : la loi de la dernière résidence habituelle du défunt, en prenant comme
référence le lieu où le disposant résidait habituellement au jour où la disposition a été
établie (art. 21, par. 1er) ; la loi de l'État avec lequel le défunt avait, à ce jour, des liens
manifestement plus étroits (art. 21, par. 2) ; la loi de son État national si, au jour de
l'établissement de la disposition, cette loi était applicable à la succession en vertu d'une
professio juris du défunt (art. 22).
123. Dans toutes ces situations, l'application de l'art. 24 comporte un certain nombre
d'avantages, notamment par le biais de son effet de « cristallisation » de la loi applicable
à la disposition à cause de mort. En effet, cette solution permet de protéger les dispositions
de dernière volonté qui étaient valables au jour de leur établissement, évitant ainsi les
conséquences résultant d'un potentiel conflit mobile entre la loi applicable au jour de la
disposition et celle applicable au jour du décès. Ainsi, en l'absence de la règle dictée par
l'art. 24, l'application de la loi de la dernière résidence habituelle du défunt pourrait
conduire à l'invalidité des dispositions qui étaient au contraire valables au moment de leur
établissement ; en revanche, par l'application de la loi successorale hypothétique, ce
risque est écarté car la recevabilité et la validité au fond de ces dispositions restent
soumises à la loi qui aurait régi la succession au jour de leur établissement, et cela même
239 Par exemple l'art. 9.8 du Code civil espagnol ou l'art. 35 de la loi polonaise de droit international privé
de 1965.
240 Tel est le cas, par exemple, de l'art. 27 de la loi de droit international privé japonaise ou de l'art. 50 de
la loi de droit international privé de la Corée du Sud de 2001.
241 A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 385, n°19
76
en cas de transfert successif de la résidence habituelle du défunt.
124. En dépit de ses avantages, la loi successorale hypothétique n'est cependant pas
dépourvue d'inconvénients. Son principal effet négatif est sans aucun doute le fait qu'elle
conduit à une situation de dépeçage de la succession, étant donné que cette loi ne régit
que la recevabilité et la validité au fond des dispositions à cause de mort, tandis que toutes
les autres questions sont gouvernées par la loi successorale déterminée au jour du
décès242. De plus, et contrairement à l'objectif de coordination entre autorité compétente
et loi applicable poursuivi par le Règlement, le rattachement à la loi successorale
hypothétique pourrait aller perturber cette coïncidence entre le for et le jus, en raison du
fait qu'il pourrait soumettre certaines questions relatives aux dispositions à cause de mort
à une loi étrangère différente de celle de l'État de la dernière résidence habituelle du défunt
(tel est le cas notamment en cas de transfert de la résidence du de cujus). Enfin, cette
solution pourrait entraîner un inconvénient ultérieur, à savoir celui d'un risque de
comportements abusifs. À ce sujet, certains ont en effet remarqué que le disposant, afin
de bénéficier d'un droit plus favorable à la réalisation de ses objectifs successoraux,
pourrait transférer provisoirement sa résidence habituelle dans le but d’établir des
dispositions contraires à la loi de son État d’origine243. Or, comme indiqué supra, même
si la recevabilité et la validité au fond des dispositions à cause de mort sont régies par la
loi successorale hypothétique, la plupart des questions importantes liées à une succession
restent sous l'empire de la lex successionis déterminée au moment du décès, ce qui réduit
donc de manière considérable le risque d'une utilisation abusive de l'art. 24 du
Règlement244.
125. Il est toutefois possible de déroger à la règle de la loi successorale hypothétique par
le recours à la professio juris, qui permet au disposant de désigner, comme loi régissant
la recevabilité et la validité au fond d'une disposition à cause de mort, la loi qu'il aurait
pu choisir pour régir la succession en vertu de l'art. 22 du Règlement (art. 24, par. 2). Il
en découle ainsi une deuxième possibilité de professio juris, qui va donc s'ajouter à celle
242 Idem, p. 390, n° 33
243 En ce sens B.AUDIT-L.D'AVOUT, Droit international privé, op. cit., n° 893
244 A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 392, n°35
77
générale prévue à l'article 22 (étudiée infra) et qui est limitée aux seules questions de la
recevabilité et de la validité au fond d'une disposition de dernière volonté. Par
conséquence, contrairement au choix effectué aux termes de l'art. 22 qui porte sur
l'ensemble de la succession, celui prévu à l'art. 24, par. 2, n'est qu'un choix partiel, limité
aux questions visées par cette disposition et n'ayant aucune influence sur les autres aspects
relevant de la loi successorale245. Dès lors, en cas de choix de la loi applicable à la
disposition mortis causa, les autres questions successorales indiquées à l'art. 23 du
Règlement resteront néanmoins régies par la loi de l'État de la dernière résidence
habituelle du défunt déterminée au jour du décès, ou bien par la loi de l'État avec qui le
de cujus avait, à ce jour, des liens manifestement plus étroits (art. 21, par. 1er et 2, du
Règlement).
126. Le rattachement à la loi successorale hypothétique, prévu pour la recevabilité et la
validité au fond des dispositions à cause de mort, n'a en revanche pas été retenu pour la
forme de ces dispositions. Cette question est régie par l'art. 27 du Règlement, qui dicte
les règles de conflits relatives à la validité formelle des dispositions de dernière volonté.
Le régime prévu reprend essentiellement les solutions appliquées par la Convention de
La Haye de 1961 sur les conflits de loi en matière de forme des dispositions
testamentaires, précitée, en vigueur dans la plupart des États membres de l'Union
européenne246. Il s'ensuit que les règles dictées par cet instrument ont été incorporées dans
le Règlement de 2012247, qui les a en outre étendues aux pactes successoraux, non inclus
dans le régime prévu par la Convention.
À l'instar de cette dernière, le législateur européen a donc voulu favoriser le plus possible
245 En ce sens P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op.
cit., n°32
246 C'est pourquoi P.LAGARDE, ivi, n°28, suggérait que le Règlement aurait pu renvoyer les États membres
à la Convention de 1961 sans prévoir une règle spécifique pour la validité formelle des dispositions à cause
de mort.
247 Aux termes de l'art. 75, par. 1er, al. 1er, du Règlement, celui-ci n'affecte pas l'application des conventions
internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties. En particulier, il est précisé à l'alinéa
2 de cette disposition que « les États membres qui sont partie à la Convention de La Haye de 1961 sur les
conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires continuent à appliquer les dispositions
de cette convention au lieu de l'article 27 [du Règlement] pour ce qui est de la validité quant à la forme
des testaments et des testaments conjonctifs ». En principe une telle prévision pourrait faire penser à
l'application d'un régime différent entre les États membres du Règlement et partie à la Convention et ceux
ne l'ayant pas adoptée. En réalité, compte tenu du fait que l'art. 27 est calqué sur le modèle de la Convention
de 1961, il n'en découle que quelques différences limitées (par exemple l'interprétation de certaines
notions).
78
la validité formelle des dispositions à cause de mort, en prévoyant une série de critères de
rattachements alternatifs pour la détermination de la loi applicable.
127. Ainsi, aux termes de l'art. 27, par. 1er, du Règlement, une disposition à cause de mort
est valable, quant à la forme, si elle est établie conformément : soit à la loi de l'État dans
lequel la disposition a été prise (ou le pacte successoral a été conclu) ; soit à la loi d'un
État dont le testateur (ou au moins l'une des personnes concernées par le pacte
successoral) possédait la nationalité au moment de l'établissement de la disposition (ou
de la conclusion du pacte) ou au moment de son décès ; soit la loi d'un État dans lequel le
testateur (ou au moins l'une des personnes concernées par le pacte successoral) avait son
domicile au moment de l'établissement de la disposition (ou de la conclusion du pacte)
ou au moment de son décès ; soit la loi d'un État dans lequel le testateur (ou au moins
l'une des personnes concernées par le pacte successoral) avait sa résidence habituelle au
moment de l'établissement de la disposition (ou de la conclusion du pacte) ou au moment
de son décès ; soit enfin, pour les biens immobiliers, la loi de l'État dans lequel les biens
immobiliers sont situés. Dès lors, la validité formelle d'une disposition à cause de mort
sera régie par l'une ou l'autre des lois désignées à titre alternatif, ce qui réduit donc le
risque que cette disposition puisse être frappée d'invalidité pour des questions de forme.
128. Certes, similairement aux doutes exprimés quant à l'art. 24 du Règlement pour la loi
successorale hypothétique, ici encore cette large liberté reconnue au disposant pourrait
conduire à un usage abusif de l'art. 27 et donc à une situation de potentielle fraude à la
loi. Or, c'est exactement pour éviter ce genre d'hypothèse que le considérant 52 du
Règlement précise que « lorsqu'elle détermine si une disposition à cause de mort est
valable en la forme […], l'autorité compétente ne devrait pas prendre en considération la
création frauduleuse d'un élément international en vue de contourner les règles relatives
à la validité quant à la forme ».
β) Les pactes successoraux : l'art. 25 du Règlement
129. Comme indiqué supra, et à l'instar de la Convention de La Haye de 1989, les pactes
79
successoraux font l'objet de règles spécifiques dans le Règlement de 2012248. Celles-ci
reprennent en partie le régime dicté à l'art. 24 en relation aux autres dispositions à cause
de mort, en adoptant, d'une part, le critère de la loi successorale hypothétique (art. 25, par.
1er) et en prévoyant, d'autre part, que les parties à un tel pacte puissent choisir la loi
applicable à celui-ci (art. 25, par. 2). En revanche, contrairement à l'art. 24, les règles
dictées pour les pactes successoraux ne régissent pas uniquement la recevabilité et la
validité au fond de ceux-ci, mais aussi la question des effets contraignants de ces pactes,
qui est donc également soumise à la loi indiquée par l'art. 25.
130. L'article 25 s'inspire largement de la Convention de La Haye de 1989, dont les
articles 8 à 12 sont entièrement consacrés aux « successions contractuelles ». En droit
comparé, en revanche, la situation n'est pas homogène. Ainsi, certains systèmes nationaux
de droit international privé dictent des règles spécifiques pour les pactes successoraux
(par exemple l'Espagne ou la Suisse), alors que d'autres prévoient des règles générales
applicables à toutes les dispositions à cause de mort sans distinction (par exemple
l'Autriche, la Hongrie ou la Pologne). D'autres encore, assez nombreux, ne prévoient
aucune règle particulière pour les pactes successoraux, qui demeurent donc soumis à la
loi applicable à la succession (c'est le cas de la Belgique, de la France ou de l'Italie par
exemple). À cette grande diversité s'ajoute un ultérieur inconvénient : en effet, certains
États membres, l'Italie in primis, interdisent de manière générale la possibilité de conclure
des pactes successoraux, ce qui pourrait donner lieu, comme on va voir dans le deuxième
chapitre du travail, à un frein à l'application du Règlement au nom de l'ordre public.
131. Le Règlement apporte une définition large de pacte successoral (supra indiquée),
capable d'englober une grande variété d'institutions249 (testaments mutuels ou conjonctifs,
donations entre époux de biens à venir, donations-partages), leur élément commun étant
248 Suivant le modèle de la Convention de La Haye de 1989, la Commission avait considéré que seuls les
pactes successoraux méritaient une discipline spécifique dans le Règlement, ce qui explique l'exclusion de
règles concernant les autres dispositions à cause de mort dans le texte de la proposition de 2009. Ce n'est
qu'après les fortes critiques soulevées contre cette approche par un certain nombre de commentateurs que
le législateur européen a décidé d'introduire un régime particulier aux dispositions de dernière volonté
différentes des pactes successoraux (v. supra n° 98).
249 Sur les institutions pouvant rentrer dans la notion prévue à l'art. 3 du Règlement, v. notamment
P.LAGARDE, La nouvelle Convention de La Haye sur la loi applicable aux successions, op. cit., n°30 ;
A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 400, n°6 ; G.KHAIRALLAH, La détermination de la
loi applicable à la succession, op. cit., p. 61, n° 138.
80
l'existence d'un « accord » portant sur une « succession future » (art. 3, par. 1er, point b,
du Règlement). De plus, malgré la présence d'éléments contractuels, le Règlement se
borne de préciser que ces pactes font partie des dispositions à cause de mort (art. 3, par.
1er, point d), ce qui rejoint ainsi l'approche traditionnellement retenu dans la plupart des
systèmes nationaux.
132. L'article 25 distingue selon que le pacte concerne la succession d'une seule personne
ou de plusieurs personnes. Dans la première hypothèse la loi désignée régie la
recevabilité, la validité au fond et les effets contraignants du pacte, alors que dans le
deuxième cas le Règlement procède à une distinction entre la recevabilité du pacte d'une
part et sa validité et ses effets contraignants d'autre part.
133. Ainsi, le pacte qui concerne une seule personne est régi par la loi qui « aurait été
applicable à la succession de cette personne si elle était décédée le jour où le pacte a été
conclu ». Comme pour les autres dispositions à cause de mort, ici encore le législateur
européen a opté pour le rattachement à la loi successorale hypothétique, laquelle pourra
donc être, selon le cas : soit la loi de la dernière résidence habituelle du défunt, en prenant
comme référence le lieu où la personne résidait habituellement au jour où le pacte a été
conclu (art. 21, par. 1er) ; soit la loi de l'État avec lequel le défunt avait, à ce jour, des liens
manifestement plus étroits (art. 21, par. 2) ; soit la loi de son État national si, au jour de
la conclusion du pacte, cette loi était applicable à la succession en vertu d'une professio
juris du défunt (art. 22). De cette manière, même en cas de transfert de la résidence
habituelle dans un pays qui prohibe les pactes successoraux (ou de choix de la loi d'un tel
État par le de cujus), le pacte antérieurement conclu maintiendra sa validité et ne pourra
donc pas être privé d'effets par l'application de la loi successorale « successive ».
134. Le rattachement à la loi successorale hypothétique est de même prévue pour le pacte
successoral qui concerne la succession de deux ou plusieurs personnes. Dans cette
hypothèse, sur le modèle de l'art. 10 de la Convention de La Haye de 1989 et
contrairement à la solution préconisée dans la proposition de 2009, l'art. 25, par. 2, du
Règlement dispose qu'un pacte plurilatéral n'est recevable que s'il est en vertu de chacune
des lois qui « aurait régi la succession de chacune des personnes concernées si elles étaient
décédées le jour où le pacte a été conclu ». Parmi toutes les solutions théoriquement
81
envisageables250, c'est donc le cumul des lois applicables qui l'a emporté. Ainsi, lorsqu’un
pacte successoral est conclu entre personnes qui résident, par exemple, les unes en Italie
et les autres en Allemagne, ce pacte ne sera pas recevable car, pour les parties résidentes
en Italie, la succession aurait été soumise à la loi italienne si celles-ci étaient décédées le
jour où le pacte a été conclu et cette loi interdit les pactes successoraux. Il s'ensuit donc
que seulement dans l'hypothèse où toutes les lois hypothétiques admettent la conclusion
d'un pacte successoral, celui-ci sera recevable dans l'État demandé251.
135. Une fois établie sa recevabilité selon l'approche cumulative, il faut encore déterminer
quelle est la loi applicable aux questions relatives à la validité au fond et aux effets
contraignants du pacte successoral. À cet égard, l'art. 25, par. 2, al. 2, prévoit que ce pacte
est régi, quant à ces questions, « par celle des lois visées au premier alinéa avec laquelle
il présente des liens plus étroits ». Cette solution comporte donc que cette loi soit celle
qui, parmi toutes les lois qui auraient été applicables à la succession de chacune des
personnes concernées, est la loi de l'État « le plus proche252 ». Cette détermination n'est
toutefois pas la plus aisée, compte tenu du fait que plusieurs facteurs pourraient être pris
en considération (résidence habituelle des disposants le jour de la conclusion du pacte,
lieu de conclusion du pacte, la nationalité des disposants, lieu de situation des biens
faisant l'objet du pacte). Quel que soit le critère retenu, le résultat qui en découle n'est
cependant pas des plus heureux pour les parties, lesquelles ne pourront pas toujours
prévoir de manière certaine la loi applicable à la validité du pacte au moment de sa
conclusion.
136. L'art. 25, par. 3, du Règlement prévoit, en reprenant la lettre de l'art. 24 pour les
250 La doctrine allemande (v. notamment H.DÖRNER, Art. 25, op. cit., n° 354) avait suggéré d'appliquer la
solution distributive, qui prévoit qu'à la mort de chaque personne les dispositions du pacte la concernant
sont régies par la loi qui aurait été applicable à sa succession. Cette approche avait toutefois été accusée de
conduire à des résultats « manifestement inéquitables » par certains auteurs (v. notamment A.BONOMI,
Droit européen des successions, op. cit., p. 410, n°26). La proposition de règlement de 2009 en revanche,
avait opté pour la solution alternative, qui consiste à appliquer de manière alternative les lois qui auraient
été applicables à la succession des personnes concernées (art. 18, par. 2).
251 Toutefois, compte tenu des fortes disparités aujourd'hui encore existantes dans la matière entre les États
membres, une partie de la doctrine craint que cette règle ne réduise de manière significative les situations
où un tel pacte puisse être considéré comme valable. Sur ces craintes v. notamment B.BAREL, La disciplina
dei patti successori, in P.FRANZINA-A.LEANDRO (sous la direction de), Il diritto internazionale private
europeo delle successioni mortis causa, Milan, 2013, p. 119.
252 A.BONOMI, ivi, p. 411, n° 29.
82
autres dispositions à cause de mort, que les parties à un pacte successoral peuvent choisir
comme loi régissant ce pacte celle que la personne ou l'une des personnes dont la
succession est concernée « aurait pu choisir en vertu de l'article 22, selon les conditions
qui y sont fixées ». Cette solution apporte ainsi un tempérament au rattachement
cumulatif prévu pour la recevabilité des pactes successoraux multilatéraux, puisqu'elle
permet de soumettre le pacte à la loi d'un État dont certains disposants n'ont pas la
nationalité, ce qui pourrait donc faciliter l'utilisation de cet instrument dans un contexte
international. De plus, ce choix pourrait éviter les difficultés résultant de la détermination
de l'État avec lequel le pacte présente les liens les plus étroits, en garantissant ainsi une
plus grande prévisibilité pour les parties concernées.
137. Ainsi que nous l'avons relevé au sujet des dispositions à cause de mort autres que les
pactes successoraux, cette professio juris s'ajoute à celle prévue, de manière générale, à
l'art. 22 du Règlement, dont elle se distingue du fait de sa portée qui est limitée au seul
pacte successoral.
Dès lors, trois typologies de choix de la loi sont finalement admises par le Règlement :
celui fait dans la disposition à cause de mort (art. 24), celui relatif à un pacte successoral
(art. 25) et celui permettant de désigner la loi applicable à l'ensemble de la succession
(art. 22).
b) Le choix de la loi applicable à l'ensemble de la succession : l'article 22 du Règlement
138. La prévision d'un régime spécial pour les dispositions à cause de mort ainsi que pour
les pactes successoraux constitue une preuve évidente de la faveur, reconnue par le
Règlement de 2012, à l'anticipation successorale. Or, ces instruments ne représentent pas
les seuls moyens permettant au de cujus de planifier à l'avance sa propre succession ; dans
ce cas, en effet, le défunt bénéficierait d'une autonomie limitée, ne pouvant choisir la loi
applicable que pour la disposition à cause de mort ou pour le pacte successoral. Pour que
la volonté de ce dernier soit pleinement exercée il est alors nécessaire que cette electio
jus puisse s'étendre à l'ensemble de la succession, en permettant ainsi à tout citoyen
d'organiser à l'avance le règlement successoral. Cette direction a été suivie par le
législateur européen qui a consacré l'autonomie de la volonté à l'article 22 du Règlement
régissant le choix de la loi ou la professio juris. Nous ne retournerons pas sur les avantages
83
et les inconvénients de cet instrument, de même que sur son application en droit comparé
et dans les textes internationaux, ces aspects ayant déjà été étudiés dans les paragraphes
précédents253.
139. Reste alors à analyser le contenu, et ses possibles limites, du régime introduit par le
nouveau texte européen.
α) L'objet de la professio juris
140. « Une personne peut choisir comme loi régissant l'ensemble de sa succession la loi
de l'État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment
de son décès » (art. 22, par. 1er, Règlement). Nous avons relevé, lors de l'analyse de l'art.
20 du Règlement, que la loi désignée par ses dispositions est dotée d'une application
universelle (« erga omnes »), ce qui signifie que cette loi peut être celle d'un État non lié
par le Règlement. Cette capacité est donc possible également dans les hypothèses où le
défunt a exercé une professio juris, ce choix étant considéré valable « même si la loi
choisie ne prévoit pas de choix de loi en matière de succession » (considérant 40). Ainsi,
la loi choisie pourra être celle d'un État dans lequel le Règlement ne s'applique pas (par
exemple la loi anglaise), tout comme celle d'un État n'admettant pas la professio juris254.
141. De plus, comme indiqué par l'art. 34, par. 2, du Règlement en matière de renvoi,
celui-ci n'est pas pris en compte en cas de choix de la loi, ce qui implique que si la loi
choisie ne se considère pas comme applicable à la succession et renvoie à celle de l'État
du for ou à la loi d'un autre État membre ou non membre, ce renvoi n'est pas suivi et le
droit successoral de la loi désignée en vertu de la professio juris s'applique.
142. Le défunt a un choix « encadré »255 dans la désignation de la lex successionis, ne
pouvant opter que pour « la loi d'un État dont il possède la nationalité ». Contrairement à
253 v. supra n° 25 et s.
254 En ce sens G.KHAIRALLAH, La détermination de la loi applicable à la succession, op. cit., p. 55, n°
124.
255 Ivi, n° 121.
84
la Convention de La Haye de 1989 qui permettait au défunt de choisir soit la loi nationale,
soit la loi de la résidence habituelle soit encore, pour certains biens, la loi d'un ou plusieurs
États, le Règlement a préféré adopter une solution plus rigide mais en même temps plus
simple et garantissant une plus grande sécurité juridique256. Il s'ensuit donc que la seule
option possible est celle de la nationalité du de cujus, tout autre choix étant exclu, qu'il
s'agisse de la résidence habituelle ou de la lex rei sitae. Cette solution est d'ailleurs
justifiée par le même considérant 38 du Règlement, aux termes duquel la prévision du
seul choix de la loi nationale est dû au souci « d'assurer qu'il existe un lien entre le défunt
et la loi choisie et d'éviter que le choix d'une loi ne soit effectué avec l'intention de frustrer
les attentes légitimes des héritiers réservataires ».
143. D'un point de vue pratique, cette règle est en outre particulièrement avantageuse,
puisqu'en permettant au défunt de choisir la loi nationale sans demander l'existence de
liens effectifs avec la nationalité, elle évite les incertitudes liées à la mise en œuvre du
critère de la nationalité effective, ce qui assure donc une plus grande prévisibilité dans la
détermination de la loi applicable257. Néanmoins, des inconvénients peuvent également
surgir ; en effet, étant donné qu'aucun lien avec la nationalité n'est requis, dans certains
cas la professio juris pourrait aboutir à l'application d'une loi ayant une faible connexion
avec la succession, ce qui s'oppose à l'esprit du Règlement258. Or, dans ces hypothèses, la
clause d'exception prévue à l'art. 21, par. 2, du Règlement ne pourra pas être invoquée,
n'étant pas admise en cas de choix de la loi. Certes l'on pourrait invoquer la clause de
l'ordre public, mais pour cela il faudrait alors que l'application de la loi choisie conduise
à des résultats inacceptables ; resterait encore le principe de la fraude à la loi, mais comme
on va voir cet instrument ne constitue qu'un remède exceptionnel qui difficilement pourra
être invoqué du seul fait de l'absence de liens étroits avec la succession259.
144. Il se peut en outre que le défunt possède plusieurs nationalités, ce qui est
256 En ce sens P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op.
cit., n°31
257 En ce sens M.GORE, La professio juris, Défrénois, 2012, p. 763.
258 Ces doutes ont notamment été exprimé par L.BARNICH, Présentation du Règlement successoral
européen, in A.Nuyts (sous la direction de), Actualités en droit international privé, Bruylant, 2013, p. 14.
259 A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 307, n°22
85
expressément prévu par l'art. 22, par. 2, du Règlement, qui pour cette hypothèse dispose
que la personne « peut choisir la loi de tout État dont elle possède la nationalité au moment
où elle fait ce choix ou au moment de son décès ». Cette solution implique donc que,
conformément à l'approche adoptée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union
européenne, en cas de plurinationalité il n'est pas nécessaire de déterminer au préalable
l'État avec qui le de cujus entretient des liens plus étroits260. Certes, étant donné que la
désignation de la loi applicable peut être faite longtemps avant le décès, il est possible
qu'à ce moment le défunt ait perdu la nationalité de l'État dont la loi a été choisie. Cette
éventualité ne trouve toutefois pas de solutions dans le Règlement puisque la loi désignée,
comme on a vu, peut être tant celle de l'État de la nationalité au moment du choix, tant
celle de l'État de la nationalité au moment du décès. Le risque alors, comme on a relevé
supra, est que la succession se retrouve soumise à une loi qui ne présente plus aucun lien
avec le de cujus261 ; or, compte tenu que cette solution garantie une plus grande
prévisibilité de la loi applicable et assure le respect de la volonté du défunt, il s'ensuit que
ces objectifs, sur lesquels repose le système du Règlement, l'emportent sur les soucis de
proximité262.
145. La faveur pour l'autonomie de la volonté n'élimine cependant pas le souci d'unité
poursuivi par le Règlement, C'est pourquoi, la loi choisie par le défunt en vertu de l'art.
22 a vocation à régir l'ensemble de la succession, sans distinction selon la nature des
biens, mobilière ou immobilière, ni leur localisation dans l'espace263. Dès lors, le de cujus
ne pourrait pas effectuer un choix partiel concernant quelques biens de la succession, en
soumettant ainsi ces derniers à une loi et les autres à un droit différent. Une telle
éventualité finirait en effet par provoquer une scission de la succession, ce qui est
260 v. CJCE, 16 juillet 2009, C-168/08, Lazlo Hadadi c. Marta Mesko ; il convient en outre de noter que
la même approche est suivie par certains droits nationaux, tel que le droit suisse où l'art. 90 de la loi de droit
international privé prévoit le choix entre quelconque des lois nationales.
261 Il est intéressant de noter que contrairement à l'approche suivie par le Règlement, certains droits
nationaux ont adopté la solution plus favorable à l'objectif de proximité de la succession. Ainsi, en Suisse
par exemple, l'art. 90 d ela loi de droit international privé, supra cité, dispose que si au moment du décès le
de cujus a perdu la nationalité de l'État dont il avait choisi la loi, ce choix est déclaré caduc.
262 En ce sens G.KHAIRALLAH, La détermination de la loi applicable à la succession, op. cit., p. 54, n°
122
263 Ce qui est le cas, en revanche, pour certains systèmes nationaux, comme le droit suisse qui prévoit que
le de cujus domicilié à l'étranger puisse choisir comme loi applicable à la succession des biens se trouvant
en Suisse le droit de ce pays.
86
contraire à l'esprit unitaire du Règlement. Par conséquence, même dans le cas où le défunt,
expressément ou tacitement, n'a effectué qu'un choix partiel, celui-ci sera interprété
comme global et donc étendu à l'ensemble de la succession264. A contrario, ce choix est
invalide et ne produit aucun effet, ce qui implique que la loi applicable à la succession
sera celle déterminée par les règles générales, donc la loi de la dernière résidence
habituelle du de cujus.
146. Cette logique unitaire comporte de plus une conséquence ultérieure, celle que la
professio juris de l'art. 22, désignant la loi applicable à l'ensemble de la succession,
englobe en principe toutes les questions qui sont comprises dans la succession et qui sont
énumérées au précité article 23 du Règlement.
β) La forme de la professio juris
147. L'encadrement de la professio juris ne concerne pas son seul objet, mais également
la forme de ce choix. Ainsi, aux termes de l'art. 22, par. 2, du Règlement, « le choix est
formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d'une disposition à
cause de mort ou résulte des termes d'une telle disposition ». Il précise en outre dans son
paragraphe 4 que toute modification ou révocation de ce choix « satisfait aux exigences
de forme applicables à la modification ou à la révocation d'une disposition à cause de
mort ».
148. Il en résulte donc qu'une disposition de dernière volonté soit exigée, similairement à
ce qui est prévu par l'art. 5, par. 1er, de la Convention de La Haye de 1989. Compte tenu
de la définition donnée par l'art. 3 du Règlement aux dispositions à cause de mort, supra
cité, il en découle que le choix de la loi applicable pourra être fait tant dans un testament,
tant dans un pacte successoral ; or, comme on a relevé, certains droits nationaux
n'admettent pas les pactes successoraux ou certaines formes de testaments comme le
testament conjonctif. Néanmoins, étant donné que l'art. 22, par. 3, du Règlement
considère que la validité au fond de l'acte dans lequel la professio juris est effectué est
264 A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 316, n°43
87
régie « par la loi choisie », cela comporte que si cet acte est valable en vertu de la loi
nationale du de cujus, le choix de cette loi sera valable quand bien même la disposition à
cause de mort est interdite par le droit matériel de la loi du for ou par celui de la loi qui
aurait été applicable à défaut de choix (c'est-à-dire, la loi de la dernière résidence
habituelle du défunt)265.
149. Quant aux formalités exigées pour le choix de la lex successionis, l'art. 22, par. 2, se
limite à prévoir que celles-ci doivent se présenter sous la forme de dispositions à cause
de mort, sans apporter d'autres précisions. Bien évidemment cette disposition devra être
valable quant à la forme, régie par une des lois désignées de manière alternative à l'article
27 du Règlement, précité, ou bien, pour les États parties à la Convention de La Haye de
1961, à l'article 1er de cette convention.
150. Pour les modalités du choix en revanche, le Règlement précise que celui-ci peut être
fait d'abord de manière expresse, par le biais d'une déclaration qui porte spécifiquement
sur la loi applicable à la succession. À cet égard, on considère que le de cujus n'a pas
besoin de se référer explicitement à l'art. 22 du Règlement, étant suffisant qu'il déclare
vouloir soumettre la succession à sa loi nationale. Contrairement à la proposition de 2009,
le choix exprès n'est toutefois pas le seul moyen possible pour effectuer une professio
juris ; ainsi, l'art. 22, par. 2 admet également que la loi applicable à la succession puisse
être choisie de manière tacite, ce choix pouvant résulter « des termes » d'une disposition
à cause de mort266. Cette solution s'approche à celle adoptée par certains droits nationaux
(par exemple le droit allemand), mais s'oppose à la règle prévue par la Convention de La
Haye de 1961 ainsi que par d'autres systèmes nationaux (tels que le droit italien) qui
n'admettent qu'un choix exprès, dans un souci de plus grande prévisibilité de la loi
applicable. Dès lors, même lorsque le disposant se réfère dans la disposition à cause de
mort à des règles ou des institutions prévues par sa loi nationale, il est supposé avoir
265 Ivi, p. 319, n°50.
266 En réalité certains auteurs (cf. par exemple P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement
européen sur les successions, op. cit., n°31) ont considéré que cette formulation ne comporterait pas,
automatiquement, l'admission d'un choix tacite. D'autres en revanche (v. par exemple A.BONOMI, Droit
européen des successions, op. cit., p. 322, n°57), ont suggéré que cette interprétation est celle qui est plus
conforme à l'approche adoptée dans d'autres règlements européens, comme dans le Règlement « Rome I »
à l'art. 3, par. 1er qui dispose que la professio juris est admise lorsqu’elle « résulte de façon certaine des
dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ».
88
désigné cette loi qui va donc s'appliquer à l'ensemble de la succession267.
γ) Les limites du choix de la loi applicable (renvoi)
151. L'article 22 du Règlement, comme on a relevé, prévoit une solution plutôt libérale
quant à la désignation de la lex successionis, ne soumettant le choix à aucune restriction
quant à ses effets.
152. On a vu que cette approche s'explique essentiellement du fait de la place centrale
reconnue par le législateur européen à l'autonomie de la volonté, pilier central non
seulement du système du Règlement mais, plus généralement, du droit international privé
de l'Union européenne. Nous avons également examiné les avantages de la professio juris
en matière successorale, permettant de garantir une plus grande sécurité juridique et
stabilité de la succession. Néanmoins, cette règle maintient ouvertes une série de
questions, traditionnellement sources de discussions autour de l'admission du choix de la
loi en matière de successions. Nous nous limiterons, à ce stade, à énumérer les limites
pouvant en découler de la professio juris prévue dans le cadre du Règlement, lesquelles
seront analysée de manière plus approfondie dans le deuxième chapitre du travail.
153. Il convient tout d'abord de remarquer l'absence, dans la formulation de l'article 22,
de toute clause de protection des héritiers réservataires ; une telle disposition, qui est
prévue dans certains droits nationaux admettant la professio juris (par exemple le droit
italien), aurait ainsi conduit à l'application, d’une part, de la loi choisie par le défunt qui
est applicable à l'ensemble de la succession et, d’autre part, des règles de droit en matière
de réserve successorale prévues par la loi applicable à défaut de choix. Cette solution
aurait donc impliqué une scission « fonctionnelle » de la succession, certaines questions
étant régies par la loi choisie par le de cujus, d'autres concernant la réserve successorale
par une loi différente. Une telle hypothèse aurait donc affecté la stabilité de la succession
et rendu moins prévisible la loi applicable, mais en même temps elle aurait évité que les
proches du défunt puissent être exclu de leurs droits successoraux en raison de
267 En ce sens M.SCHAUER-E.SCHEUBA (sous la direction de), Europäische Erbrechtsverordnung, Vienne,
Manz, 2012, p. 49.
89
l'application d'une loi ne prévoyant pas de réserve. Dès lors, dans ces hypothèses, qui doit
l'emporter ? Est-ce l'autonomie de la volonté ou la protection des héritiers réservataires ?
154. Une deuxième question peut en outre se poser : pourrait-on, en cas de choix d'une
loi ne prévoyant pas de protection des héritiers réservataires, invoquer la clause de l'ordre
public ? Une telle lacune peut-elle être considérée tellement grave au point de conduire à
un résultat incompatible avec les principes fondamentaux du système du for ?
155. Un problème ultérieur pourrait enfin surgir en relation au principe de la fraude à la
loi et de l'abus de droit. À ce sujet, le considérant 26 du Règlement rappelle qu’aucune
disposition du Règlement « ne devrait empêcher une juridiction d'appliquer les
mécanismes destinés à lutter contre la fraude à la loi, par exemple dans le cadre du droit
international privé ». Or, ces notions ont souvent été appliquées de manière très limitée
par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment en cas de contraste avec les
libertés reconnues par le droit européen. De plus, comme nous avons relevé
précédemment en relation au critère de la nationalité, le risque de fraude à la loi peut se
heurter avec d'autres soucis jugés centraux par le Règlement, comme celui de la
prévisibilité et de la sécurité juridique. Néanmoins, certaines situations pourraient
clairement manifester le caractère abusif du choix de la loi, par exemple lorsque le défunt
a acquis la nationalité d'un certain pays au seul but de soumettre la succession à la loi de
cet État. Dès lors, dans une telle éventualité, pourrait-on considérer que le souci de
prévisibilité de la loi applicable peut justifier le comportement frauduleux du de cujus ?
c) L'impact de l'autonomie de la volonté sur la compétence judiciaire
156. Le souci de coïncidence entre le for et la loi applicable est l'un des points fort du
Règlement sur les successions. Cet aspect explique le choix de la Commission qui, dans
la proposition de 2009, n'avait laissé aucune place à la volonté dans la détermination de
la juridiction compétente. Suivant le modèle de la Convention de La Haye du 19 octobre
90
1996268 et du Règlement Bruxelles II bis269 de 2003, le texte de la proposition avait en
effet prévu à son article 5 que, à la demande de l'une des parties, le juge saisi (c'est-à-dire
le juge de la dernière résidence habituelle du défunt) aurait pu procéder à un déclinatoire
de compétence au profit de la juridiction de l'État dont la loi avait été choisie par le de
cujus, lorsque celle-ci se trouvait « mieux placée pour statuer sur la succession ». Cette
solution, qui avait certes le mérite de garantir que la coordination entre le tribunal
compétent et la lex successionis en assurant ainsi une majeure prévisibilité pour les
personnes intéressées par la succession, avait cependant reçu les oppositions d'une partie
des auteurs, qui en avaient réclamé un assouplissement en faveur de la possibilité de
prorogations de for270.
157. Le législateur européen ne leur a donné qu'en partie satisfaction : le Règlement a en
effet accordé une certaine place à l'autonomie de la volonté dans la compétence judiciaire,
mais celle-ci reste directement subordonnée à l'exercice de la professio juris par le défunt.
Ainsi, c'est encore le principe de l'unité de la succession à l'avoir emporté, ce qui implique
que le de cujus ne pourra pas choisir lui-même à l'avance le tribunal compétent pour
statuer sur sa succession, qui restera par conséquence, jusqu'au décès, ancré aux critères
objectifs établis par le texte européen271. Ce n'est donc qu'à ce moment, et dans la seule
268 Il s'agit de la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et
la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, conclue dans
le cadre de la Conférence de La Haye de droit international privé le 19 octobre 1996 (v. sur cette convention
notamment W.Duncan, The Hague Conference on Private International Law and its Current Programme
of Work Concerning the International Protection of Children and Other Aspects of Family Law, in
Yearbook of Private International Law, vol. II, 2000, pp. 41 et s.). La proposition du Règlement s'était
inspirée de son article 8, paragraphe 1er, aux termes duquel « A titre d'exception, l'autorité de l'État
contractant compétente en application des articles 5 ou 6, si elle considère que l'autorité d'un autre État
contractant serait mieux à même d'apprécier dans un cas particulier l'intérêt supérieur de l'enfant, peut soit
demander à cette autorité, directement ou avec le concours de l'Autorité centrale de cet État, d'accepter la
compétence pour prendre les mesures de protection qu'elle estimera nécessaires, soit surseoir à statuer et
inviter les parties à saisir d'une telle demande l'autorité de cet autre État ».
269 Son article 15, paragraphe 1er, ainsi dispose : « À titre d'exception, les juridictions d'un État membre
compétentes pour connaître du fond peuvent, si elles estiment qu'une juridiction d'un autre État membre
avec lequel l'enfant a un lien particulier est mieux placée pour connaître de l'affaire, ou une partie spécifique
de l'affaire, et lorsque cela sert l'intérêt supérieur de l'enfant: a) surseoir à statuer sur l'affaire ou sur la partie
en question et inviter les parties à saisir d'une demande la juridiction de cet autre État membre
conformément au paragraphe 4, ou b) demander à la juridiction d'un autre État membre d'exercer sa
compétence conformément au paragraphe 5 ».
270 H.GAUDEMET-TALLON, in Perspectives du droit des successions européennes et internationales, op.
cit., p. 124 ; max Planck Institut, op. cit., p. 585
271 Certains auteurs auraient voulu que l'élection de for soit admise même en cas de non exercice du choix
de la loi (favorable à cette position H.GAUDEMET-TALLON, Les règles de compétence judiciaire dans le
règlement européen sur les successions, op. cit., p. 130, note 5, qui aurait prévu que, en l'absence d'élection
91
hypothèse de choix de la loi applicable en vertu de l'article 22, qu'une dérogation de la
compétence devient possible, soit par le biais d'un accord d'élection de for (art. 5), soit à
travers un déclinatoire de compétence de la part de la juridiction saisie (art. 6).
α) L'accord d'élection de for : l'article 5 du Règlement
158. La dérogation à la compétence des tribunaux de l'État de la dernière résidence
habituelle du défunt peut résulter tout d'abord d'un accord d'élection de for : ainsi, aux
termes de l'article 5, paragraphe 1er, du Règlement, « Lorsque la loi choisie par le défunt
pour régir sa succession en vertu de l'article 22 est la loi d'un État membre, les parties
concernées peuvent convenir que la ou les juridictions de cet État membre ont compétence
exclusive pour statuer sur toute succession ». Cette solution ne devrait pas surprendre :
en effet, cette règle se trouvait déjà dans le Règlement Bruxelles I de 2001 et a été
maintenue dans sa refusion Bruxelles I bis de 2012272.
L'objectif de cette disposition est bien clair, celui de faire coïncider la compétence et la
loi applicable afin d'éviter que les autorités de l'État de la dernière résidence habituelle du
défunt soient obligées d'appliquer un droit étranger désigné par le défunt273. Ce souci de
coordination est d'ailleurs démontré par les considérants 27 et 28 du Règlement, qui après
avoir rappelé que ses dispositions « sont conçues pour assurer que l'autorité chargée de la
succession en vienne, dans la plupart des cas, à appliquer son droit national » et que pour
cette raison a été prévue « une série de mécanismes qui entreraient en action dans les cas
où le défunt avait choisi pour régir sa succession le droit d'un État membre dont il était
un ressortissant », ils ajoutent que « parmi ces mécanismes devrait figurer celui
permettant aux parties concernées de conclure un accord d'élection de for en faveur des
juridictions de l'État membre de la loi choisie ».
de for, la simple comparution sans contestation de compétence par le ou les défendeurs aurait fondé la
compétence de ce tribunal. En faveur en revanche de la règle adoptée par le Règlement, P.LAGARDE, Les
principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op. cit., n° 33, pour « ce forum legis
a l'avantage de réunifier la compétence judiciaire et la loi applicable ».
272 v. article 23, par. 1er, du Règlement n° 44/2001 et l'article 25, par. 1er, du Règlement n° 1215/2012.
273 En ce sens P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op.
cit., n° 33.
92
159. Cette disposition pose donc trois conditions : en premier lieu, le de cujus doit avoir
choisi de soumettre la succession à sa loi nationale, ce qui comporte donc qu'une élection
de for ne pourra avoir lieu que si à la base existe une déclaration, expresse ou tacite,
contenue dans une disposition à cause de mort (art. 22, par. 2, du Règlement), dans
laquelle le défunt a formulé son choix quant à la lex successionis274.
160. Deuxièmement, pour qu'il y ait une élection de for il faut qu'un accord entre les
parties concernées par la succession soit conclu. Celui-ci, comme indiqué par le
paragraphe 2 de l'article 5, doit être « conclu par écrit, daté et signé par les parties
concernées », ce qui comporte des formalités encore plus exigeantes de celles prévues par
les autres instruments européens, généralement limitées à la seule forme écrite275. De plus,
à l'instar d'autres textes de l'Union européenne276, cette prorogation de compétence peut
résulter d'une « transmission par voie électronique permettant de consigner durablement
la convention ». Cependant, étant donné que l'écrit doit être signé par les parties, il en
découle qu'un simple échange de courriers électronique ne soit pas suffisant, à moins que
ces messages ne portent pas la signature électronique de leurs auteurs, ce qui est, toutefois,
« assez complexe »277.
161. Quant aux parties concernées, le considérant 28 se limite à indiquer, pour leur
détermination, « qu’il faudrait préciser au cas par cas, en fonction notamment de la
question couverte par l'accord d'élection de for ». Dès lors, s'il s'agit de procédures dans
lesquels les héritiers sont considérés comme des consorts nécessaires, ce qui est le cas
pour la plupart des procédures relatives à un règlement successorale, la participation de
ces derniers à l'accord sera donc nécessaire pour garantir sa validité. Par conséquence, si
un héritier, avant inconnu, n'est découvert qu'en cours de procédure, l'accord d'élection
274 Il est intéressant de noter que selon A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 186, n°7,
en raison de l'objectif de coordination entre for et jus poursuivi par l'art. 5, une élection de for ne pourrait
pas avoir lieu en cas de choix partiel de la loi successorale, prévu aux articles 24 et 25 du Règlement pour
les dispositions à cause de mort et pour les pactes successoraux. Contra cette interprétation A.DUTTA, Das
neue internationale Erbrecht der Europäischen Union – Eine erste Lektüre der Erbrechtsverordnung, in
FamRZ, 2013, p. 6
275 Cf. par exemple l'art. 25, par. 1er, du Règlement « Bruxelles Ibis ».
276 Cf. par exemple l'art. 23, par. 2, du Règlement « Bruxelles I ».
277 En ce sens H.GAUDEMET-TALLON, Les règles de compétence judiciaire dans le règlement européen
sur les successions, op. cit., p. 131, n° 289.
93
de for ne pourra pas produire ses effets à son égard et, sauf en cas d'acceptation expresse
ou tacite, la juridiction ainsi élue ne sera compétente pour statuer sur la succession278. En
revanche, en dehors des cas de consorts nécessaires, il est possible affirmer que seul
l'accord des parties à la procédure soit requis pour sa validité279
162. Reste enfin la troisième condition, celle du contenu de l'accord d'élection de for.
Comme nous l'avons relevé dans les paragraphes précédents, les juridictions désignées
doivent être celles de l'État membre de la nationalité du de cujus. Nous remarquerons que
ce choix est unique, c'est-à-dire que les parties ne pourraient pas attribuer la compétence
à une autorité autre que celle de l'État national du défunt. Cela comporte donc un double
effet : d'une part un effet positif, puisque cet accord implique une prorogation de
compétence en faveur des juridictions choisies ; d'autre part un effet négatif, étant donné
que la compétence ordinaire est dérogée et attribuée de manière exclusive aux juridictions
désignées par l'accord entre les parties. Dès lors, seuls les tribunaux de l'État de la
nationalité du défunt seront compétents à statuer sur la succession et si par erreur les
juridictions de l'État de la dernière résidence habituelle du de cujus sont saisies, celles-ci
devront, comme nous allons voir infra, décliner leur compétence en faveur des autorités
élues en vertu de l'article 5.
β) Le déclinatoire de compétence : l'article 6 du Règlement
163. L'article 6 du Règlement prévoit deux hypothèses dans lesquelles les juridictions
saisies en vertu de l'article 4 ou 10 peuvent ou doivent décliner leur compétence en
présence d'un choix de la loi applicable à la succession. Le premier cas concerne un
déclinatoire facultatif de compétence en faveur des juridictions de l'État dont la loi a été
278 En ce sens A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 187, n°9 ; A.DUTTA, Das neue
internationale Erbrecht der Europäischen Union, op. cit., p. 7.
279 Une question s'est posée quant à la possibilité, pour les créanciers du de cujus, de conclure un accord
d'élection de for en vertu de l'art. 5 du Règlement. Or, certains auteurs ont remarqué qu'en principe la
compétence juridictionnelle pour leurs actions contre les héritiers n'est pas couverte par le Règlement sur
les successions, s'agissant d'une question qui relève de la compétence prévue pour le recouvrement des
créances. Dès lors, un accord d'élection de for serait possible mais aux conditions dictées par les instruments
européens réglant la matière concernée (donc, puisqu'il s'agit d'une action rentrant dans le champ
d'application du Règlement « Bruxelles Ibis », c'est l'art. 25 qui devra être invoqué). En ce sens P.LAGARDE,
Les principes de base du nouveau règlement européen sur le successions, op. cit., n° 33.
94
choisie, lorsque celles-ci « sont mieux placées pour statuer sur la succession compte tenu
des circonstances pratiques de celle-ci, telles que la résidence habituelle des parties et la
localisation des biens » (art. 6, point a), du Règlement). La deuxième hypothèse, en
revanche, prévoit un déclinatoire obligatoire de compétence lorsque les parties
concernées ont conclu un accord d'élection de for conformément à l'article 5 (art. 6, point
b), du Règlement).
164. La raison d'être principale de cette règle est encore la volonté du législateur européen
de préserver, autant que possible, la coïncidence entre le for et la loi applicable à la
succession, lorsque le de cujus a effectué le choix de sa loi nationale. Sa particularité
cependant, à l'opposé des dispositions contenues dans certains droits nationaux280,
consiste dans le fait que le transfert de compétence n'est pas le fruit de la seule volonté du
défunt, mais nécessite de la demande de l'une des parties à la procédure et reste soumise
à l'appréciation discrétionnaire de la juridiction saisie. Il en résulte donc que cette solution
ne vise pas la seule coordination entre le tribunal compétent et la lex successionis, mais
constitue en même temps un moyen pour garantir que la succession soit régie par les
autorités plus proches aux parties ainsi qu'aux biens successoraux281.
165. Cette règle semble ainsi s'inspirer de la doctrine anglo-américaine du « forum non
conveniens », déjà suivie par le Règlement à son article 12282 et qui, bien que n'étant pas
appliquée dans l'espace judiciaire de l'Union européenne, a cependant influencé les
instruments européens plus récents en matière de droit international privé283. Néanmoins,
l'art. 6 du Règlement semblerait éviter le risque d'incertitude résultant de l'application de
ce mécanisme, en limitant le déclinatoire de compétence aux seules juridictions de l'État
280 Par exemple l'art. 87, al. 2, de la loi suisse de droit international privé qui dispose que « les autorités
du lieu d'origine sont toujours compétentes lorsque, par un testament ou par un pacte successoral, un
Suisse ayant eu son dernier domicile à l'étranger soumet à la compétence ou au droit suisse l'ensemble de
sa succession ou la part de celle-ci se trouvant en Suisse [...] ».
281 En ce sens A.DAVÌ-A.ZANOBETTI, Il nuovo diritto internazionale privato delle successioni, op. cit., p.
118, n° 142
282 v. supra n°68
283 L'art. 15 du Règlement « Bruxelles IIbis » constitue un bon exemple d'application de ce mécanisme ;
pour une comparaison entre cette disposition et celle prévu par le Règlement sur les successions, v.
notamment E.LEIN, A Further Step Towards a European Code of Private International Law : The
Commission Proposal for a Regulation on Succession, in Yearbook of Private International Law, 2009, pp.
119 et s.
95
national du de cujus dont la loi a été choisie pour régir la succession.
166. Quant aux conditions requises pour justifier le déclinatoire, l'article 6, point a),
suppose non seulement qu'un choix de la loi ait été exercé, mais aussi que certaines
circonstances de fait soient prises en compte, comme le lieu de la résidence habituelle des
parties ou celui où sont localisés les biens successoraux. Ces éléments sont pleinement
justifiés : en effet, l'appréciation quant à l'opportunité ou pas de décliner la compétence
judiciaire doit nécessairement considérer les éventuels inconvénients qui pourraient en
dériver lorsque les parties à la procédure résident dans un État éloigné de celui du tribunal
saisi. Il en est de même pour les biens successoraux, pour lesquels la proximité à la
juridiction saisie constitue un facteur indispensable pour garantir que la décision puisse
pleinement produire ses effets sur les biens concernés284.
167. Si toutes les conditions sont remplies, la juridiction saisie pourra alors décliner sa
compétence au profit de celle de l'État membre dont la loi a été désignée. Les parties
devront alors saisir les autorités de l'État national du de cujus qui, dans un délai
convenable, devront à leur tour statuer sur les demandes présentées. Or, le problème de
cette règle est qu'aucune disposition n'a été prévue par le Règlement pour l'éventualité
que les juridictions de l'État dont la loi a été choisie restent inactives. À cet égard la
proposition de 2009 avait posé une série de conditions afin d'éviter que le déclinatoire de
l'article 6, point a), puisse conduire à un blocage de la procédure du fait de l'inertie ou des
retards des autorités de l'État national. Cette règle n'a toutefois pas été reprise par le
Règlement, qui s'est limité à indiquer, à son article 7, lettre a), que les juridictions de l'État
dont la loi a été désignée sont compétentes si les autorités saisies en vertu de l'article 4 ou
de l'article 10 ont décliné leur compétence en vertu de l'article 6. En revanche, rien n'est
précisé quant au cas où les juridictions de l'État national restent inactives, éventualité qui
pour l'instant reste donc ouverte à une pluralité de solutions possibles285.
284 En ce sens A.NUYTS, L'exception de « forum non conveniens », Bruxelles, 2003, pp. 333 et s.
285 Ainsi, certains auteurs (v. ex multis A.BONOMI, Droit européen des successions, op. cit., p. 199, n°15)
ont suggéré que le déclinatoire de l'art. 6, point a), devrait être interprété comme conditionnel, c'est-à-dire
subordonné à une décision des juridictions de l'État national ayant établi leur compétence à statuer sur la
succession. Seule dans cette hypothèse les juridictions saisies pourraient alors décliner la compétence en
faveur de celles de l'État dont la loi a été choisie.
96
168. Lorsque les parties se sont accordées pour attribuer la compétence aux juridictions
de l'État dont la loi a été désignée par le de cujus, le déclinatoire de compétence ex article
5 devient obligatoire pour les autorités saisies en vertu de l'article 4 ou de l'article 10 (art.
6, point b, du Règlement), qui devront donc décliner leur compétence en faveur des
juridictions élues286. L'accord d'élection de for pourrait toutefois être contesté, ce qui
pourrait poser un problème quant à la détermination de la juridiction compétente à
trancher ce litige. Or, dans le silence du Règlement, une solution possible pourrait venir
de l'article 31, paragraphe 2, du précité Règlement Bruxelles I bis qui, en condamnant la
jurisprudence « Gasser »287 de la Cour de Justice dispose que, dans le cas d'un accord
d'élection de for, « toute juridiction d'un État membre sursoit à statuer jusqu'à ce que la
juridiction saisie sur le fondement de la convention déclare qu'elle n'est pas compétente
en vertu de la convention ». Dès lors, par analogie, il serait possible de conclure que la
validité d'un accord conclu en vertu de l'article 5 du Règlement sur les successions doit
être appréciée par les seules juridictions désignées conventionnellement, c'est-à-dire les
juridictions de l'État membre dont la loi a été choisie par le défunt288.
169. Quel que soit la solution adoptée, le respect des règles relatives à la détermination
de la juridiction compétente reste essentiel. Les décisions prononcées par les autorités
286 Il est intéressant de noter qu'à cet égard, le Règlement ne reprend pas les dispositions prévues à l'art. 5
de la proposition de 2009 dictant les délais dans lesquels les parties doivent agir devant les tribunaux de
l'État membre dont la loi a été choisie. Pour une partie de la doctrine, une telle disposition (qui s'inspirait
de l'art. 15 du Règlement n°2201/2003) aurait été « trop contraignante », obligeant les parties, qui parfois
n'ont plus intérêt à continuer la procédure, à la transférer devant un autre juge (en ce sens H.GAUDEMET-
TALLON, Les règles de compétence judiciaire dans le règlement européen sur les successions, op. cit., p.
132, n° 291 ; du même avis A.DAVI-A.ZANOBETTI, Il nuovo diritto internazionale privato delle successioni,
op. cit., p. 119, n° 144).
287 CJCE, 9 décembre 2003, C-116/02, Gasser c. Missat. Dans cet arrêt la Cour avait affirmé que le tribunal
saisi en second devait de se dessaisir en faveur du tribunal saisi en premier, alors même que la compétence
du tribunal saisi en second reposait sur une clause attributive de juridiction. Sur cette décision, v. les notes
de H.MUIR-WATT in Rev. crit. dr. int. priv., 2004, pp. 444 et s. ; A.HUET, in JDI, 2004, pp. 64 et s. ; v. aussi
les contributions de R.FENTIMAN-A.NUYTS in Forum Shopping in the European Judicial Area, P. DE
VAREILLES-SOMMIERES (sous la direction de), Oxford, 2007, pp. 27 et 55.
288 Certains ont remarqué qu'à la différence de la disposition contenue dans le Règlement « Bruxelles
Ibis » qui prévoit que la juridiction saisie « se sursoit à statuer », l'art. 6 du Règlement sur les successions
parle de déclinatoire de compétence. Or, la décision de décliner la compétence nécessite un examen complet
préalable sur l'existence et sur la validité de l'accord d'élection de for, ce qui implique donc que ces
questions, ayant déjà été analysées par les autorités saisies, ne seront plus traitées par les juridictions élues.
Cette solution aurait ainsi le mérite d'éviter la possible formation de conflits négatifs de compétence,
pouvant se produire lorsque l'élection de for est réputée valable selon les juridictions saisies en vertu des
articles 4 ou 10, mais jugées invalide par les juridictions élues (en ce sens A.BONOMI, ibidem, p. 200, n°17 ;
L.KUNZ, Die neue Europäische Erbrechtsverordnung – Ein Überblick (Teil I), in GPR, 2012, p. 209.
97
saisies pourront en effet circuler et produire leurs effets dans tous les États membres, sans
connaître, en principe, aucune opposition. La correcte application des règles de
compétences devient donc indispensable pour garantir la mise en œuvre du troisième
pilier du Règlement sur les successions, celui de la libre circulation et de la
reconnaissance automatique et mutuelle des jugements dans l'espace judiciaire européen.
3. La libre circulation des jugements en matière successorale
170. Le Règlement sur les successions est un instrument complet, régissant tous les
aspects du droit international privé. Après avoir analysé les règles en matière de loi
applicable et de compétence judiciaire, restent alors à étudier les dispositions sur la
reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers.
a. Introduction
171. « À la lumière de l'objectif général du présent règlement qui est la reconnaissance
mutuelle des décisions rendues dans les États membres en matière de successions, […] le
présent règlement devrait fixer des règles relatives à la reconnaissance, à la force
exécutoire et à l'exécution des décisions qui soient semblables à celles d'autres
instruments de l'Union adoptés dans le domaine de la coopération judiciaire en matière
civile » (considérant 59).
Pour parvenir à ce résultat, le chapitre IV du Règlement reprend pour l'essentiel les règles
du droit commun européen d'abord prévues dans la Convention de Bruxelles de 1968,
ensuite remplacée par le Règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000289, refondu en 2012
289 Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, in J.O. L. 12 du 16 janvier
2001, pp. 1-23 ; sur cet instrument, v. notamment H.GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des
jugements en Europe, 4ème éd., LGDJ, 2010 ; A.BORRAS (sous la direction de), La Cooperaciòn en Materia
Civil en la Union Europea : Textos y Commentarios, Cizur Menor, 2010 ; P.R.BARNETT, Res Judicata,
estoppel and foreign judgements : the preclusive effects of foreign judgements in private international law,
Oxford, 2001 ; G.P.ROMANO, Riconoscimento ed esecuzione delle decisioni nel Regolamento Bruxelles I,
in A.BONOMI (sous la direction de), Diritto internazionale privato e cooperazione giudiziaria in materia
civile, Turin, 2009 ; F.SALERNO, Giurisdizione ed efficacia delle decisioni straniere nel Regolamento CE
n. 44/2001, Padoue, 2006.
98
dans le Règlement Bruxelles Ibis290 .
172. Le principe de la reconnaissance mutuelle est l'un des piliers fondamentaux sur
lesquels s'est développé, au fil des années, le processus de construction d'un espace « de
liberté, de sécurité et de justice » (art. 67, TFUE) au sein de l'Union européenne291.
Suivant l'exemple de la Convention de Bruxelles de 1968 et du Règlement Bruxelles I de
2001 pour la matière civile et commerciale (aujourd'hui Règlement Bruxelles Ibis), les
institutions européennes ont progressivement étendu la libre circulation des décisions au
domaine du droit de la famille, d'abord avec le Règlement Bruxelles II et Bruxelles II bis,
et ensuite avec le Règlement n°4/2009 sur les aliments. Le Règlement sur les successions
poursuit donc cette direction, tout en y apportant quelques innovations.
173. À l'instar des autres instruments européens, le Règlement n°650/2012 reprend la
distinction traditionnellement appliquée entre reconnaissance et exécution : la première
notion assure qu'une décision, dans l'État de destination, puisse définir de manière
incontestable une situation juridique donnée, telle qu'elle résulte de la décision du juge a
quo ; la deuxième, en revanche, vise à la réalisation des droits faisant l'objet de cette
décision, par le biais du pouvoir de coercition dont dispose le juge de l'État requis à
l'intérieur de son ordre juridique292. Sur cet aspect le Règlement de 2012 n'apporte donc
rien d'innovant, se limitant à reprendre la structure adoptée par les instruments de droit
européen adoptés auparavant.
290 Règlement (UE) n°1215/2012 du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire,
la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte), in J.O. L. 351 du
20 décembre 2012, pp. 1-32 ; sur cet instruments, v. notamment A.NUYTS, Bruxelles I bis : présentation
des nouvelles règles sur la compétence et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, in
A.NUYTS (sous la direction de), Actualités en droit international privé, Bruylant, 2013, pp. 77 et s. ;
L.D'AVOUT, La refonte du règlement Bruxelles I, in D. 2013, pp. 1014 et s. ; H.GAUDEMET-TALLON –
C.KESSEDJIAN, La refonte du règlement Bruxelles I bis, in RTD Eur., 2013, pp. 435 et s. ; T.HARTLEY,
Choice-of-Court Agreement and the New Brussels I bis Regulation, in Law Quarterly Review, 2013, pp.
309 et s. ; E.GUINCHARD (sous la direction de), Commentaire du règlement Bruxelles I bis, Bruylant, 2014.
291 Sur la mise en œuvre de ce principe et, plus en général, sur l'évolution de l'espace judiciaire européen,
v. supra n° 42 et s. ; en particulier sur le principe de la reconnaissance mutuelle, v. aussi T.BALLARINO-
L.MARI, Uniformità e riconoscimento. Vecchi problemi e nuove tendenze della cooperazione giudiziaria
nella Comunità europea, in Riv. dir. int., 2006, pp. 7 et s. ; R.BARATTA, Réflexions sur la coopération
judiciaire civile suite au Traité de Lisbonne, in G.VENTURINI-S.BARIATTI (sous la direction de), Nouveaux
instruments de droit international privé, Liber Fausto Pocar, 2009, pp. 3 et s.
292 En ce sens I.PETRELLI, Droit européen des successions, op. cit., p. 564, n°3
99
174. Ce qui est réellement nouveau c'est l'application du principe de la reconnaissance
mutuelle au domaine des successions. En effet, hormis quelques tentatives proposées par
les conventions multilatérales conclues entre certains pays membres293 ou dans le cadre
de la Conférence de La Haye de droit international privé294, c'est la première fois qu'un
instrument international parvient, au niveau multilatéral295, à installer un système définis
et complet pour la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères en matière
successorale. De plus, afin de garantir le plein respect des différents systèmes de
successions dans l'Union européenne, le Règlement ne se limite pas à fixer des règles
pour la seule libre circulation des décisions, mais introduit également un régime commun
régissant l'acceptation et l'exécution des actes authentiques et des transactions judiciaires.
175. Dès lors, le nouveau texte européen définit deux systèmes distincts en matière
d'effets des jugements étrangers : d'une part la reconnaissance et l'exécution des décisions
prévues au chapitre IV ; d'autre part l'acceptation des actes authentiques, leur exécution
et la force exécutoire des transactions judiciaires, réglées au chapitre V.
Voyons donc comment s'articulent ces nouveaux régimes, d'abord en étudiant les
dispositions relatives à la circulation des décisions, ensuite en analysant les règles
gouvernant les effets des actes authentiques et des transactions judiciaires.
293 Par exemple la Convention nordique du 19 novembre 1934 relative à l'héritage et à la liquidation des
successions entre le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède. Sur cette convention, v.
A.PHILIP, The Scandinavian Conventions on Private International Law, in Recueil des Cours, 1959, vol.
96, pp. 306 et s.; G.A.L. DROZ, Traités multilatéraux relatifs aux régimes matrimoniaux, successions et
libéralités, in M.VERWILGHEN-S.MAHIEU (sous la direction de), Régimes matrimoniaux, successions et
libéralités dans les relations internationales et internes, vol. I, Bruxelles, 2003, pp. 191 et s.
294 Il s'agit de la Convention de La Haye de 1973 sur l'administration internationale des successions, supra
citée (note 107) dont le chapitre III, articles 9 et s., contient une série de règles concernant la reconnaissance
mais uniquement pour garantir la circulation du certificat d'héritier qu'elle institue.
295 Notons que la situation est en revanche bien différente sur le plan bilatéral, où de nombreuses
conventions sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de successions ont été conclues.
Ainsi, à titre d'exemple, la Convention italo-suisse du 3 janvier 1933 dispose à son art. 2, chap. 6, que la
décision rendue dans l'un de ces États peut être reconnue dans l'autre quand elle tranche un litige concernant
une contestation successorale entre les héritiers d'un défunt ressortissant du pays où la décision est
prononcée. En général sur les conventions bilatérales actuellement existantes entre les États membres et les
États tiers, v. l'étude du Deutsches Notarinstitut, op. cit., pp. 14 et s.
100
b) Les conditions d'application des dispositions du chapitre IV du Règlement et la libre
circulation des décisions
176. Les règles dictées au chapitre IV s'appliquent à toutes les décisions ayant pour objet
une question relevant du champ d'application ratione materiae du Règlement, défini à
son article 1er. Quant à la notion de « décision » retenue par le législateur européen, celle-
ci trouve une définition à l'article 3, paragraphe 1er, point g, du nouveau texte, aux termes
duquel on doit entendre par décision « toute décision en matière de succession rendue par
une juridiction d'un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y
compris la fixation par le greffier du montant des frais du procès ». On remarquera que
cette définition n'est pas nouvelle, se limitant à reproduire celle donnée par la proposition
de 2009 qui s'inspirait, à son tour, de celle de l'article 32 du Règlement Bruxelles I 296.
177. Quant au champ d'application spatial, l'article 39, paragraphe 1er, du Règlement
précise que « les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres
États membres […] ». De la même manière, l'article 43 dispose que « les décisions
rendues dans un État membre qui sont exécutoires dans cet État sont exécutoires dans un
autre État membre […] ». Il s'ensuit que les règles relatives à la reconnaissance et à
l'exécution des décisions rendues en matière successorale s'appliquent à tous les
jugements rendus dans un État membre et destinés à produire leurs effets dans un autre
État membre. Ici encore, le Règlement n'introduit rien de nouveau dans le droit de l'Union
européenne, s'agissant d'un critère typiquement employé dans les autres instruments
européens en matière de coopération judiciaire297.
178. Il convient en outre de rappeler que par la référence à « État membre » il faut
entendre non pas tous les pays faisant partie de l'Union européenne, mais seuls les États
liés par le Règlement sur les successions298. Dès lors, cela comporte que, à compter du 17
296 « Au fins du présent règlement, on entend par « décision », toute décision rendue par une juridiction
d'un État membre, quel que soit la dénomination qui lui est donnée telle qu'un arrêt, jugement, ordonnance
ou mandat d'exécution, ainsi qu'une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du
procès ». Cette définition a été reprise dans le Règlement « Bruxelles Ibis » à l'article 2, point a).
297 v. par exemple l'art. 36, al. 1er, du Règlement « Bruxelles Ibis » ou l'art. 21 du Règlement « Bruxelles
IIbis ».
298 En ce sens I.PETRELLI, Droit européen des successions, op. cit., p. 567, n°7
101
août 2015, deux régimes coexistent à l'intérieur de chaque État membre quant à la
reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière successorale. Tout dépend de
l'origine de cette décision et de sa destination : ainsi, lorsque cette dernière est rendue
dans un État lié par le Règlement et destinée à être reconnue dans un pays à son tour ayant
adopté le Règlement, celui-ci va alors s'appliquer. A contrario, si la décision est rendue
dans un État non lié par le nouveau texte, ce seront les règles internes sur la
reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères, en vigueur dans les États
membres, à demeurer applicables. Il en est de même pour la reconnaissance, dans un État
tiers, d'une décision rendue dans un État lié par le Règlement ; dans cette hypothèse en
effet, tout dépendra des règles en vigueur dans cet État sur les effets des jugements
étrangers.
α) La reconnaissance des décisions : l'article 39 du Règlement
179. L'article 39, paragraphe 1er, énonce le principe de la reconnaissance automatique des
décisions étrangères, consacré dans les instruments européens de droit international
privé299 et en vertu duquel une décision est reconnue de plein droit dans un autre État sans
qu'il soit nécessaire entamer aucune procédure à cet égard. Ainsi, cette disposition énonce
que « les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États
membre, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ». Dès lors,
l'automatisme de la reconnaissance comporte un double effet : d'une part elle exclut, en
cas d'absence de contestation et sous réserve de l'hypothèse dans laquelle l'exécution de
la décision est demandée (art. 43 du Règlement), la mise en place de toute forme de
contrôle ex post de la décision étrangère ; d'autre part, étant reconnue de plein droit sans
besoin de recourir à aucune procédure, la décision produit ses effets dans les autres États
membres au moment même où elle devient efficace dans le pays d'origine300.
299 v. l'art. 33, par. 1er, du Règlement « Bruxelles I » ainsi que l'art. 36, par. 1er, du Règlement « Bruxelles
Ibis », ou encore l'art. 21, par. 1er, du Règlement « Bruxelles II bis ». Notons de plus que ce principe de la
reconnaissance automatique est aujourd'hui admis dans un nombre croissant de systèmes nationaux de droit
international privé ; à cet égard, v. ex multis K.KERAMEUS, Enforcement Proceedings, in International
Encyclopedia of Comparative Law, vol. XVI, chap. 10.
300 En ce sens I.PETRELLI, Droit européen des successions, op. cit., p. 574, n°3, qui toutefois souligne
qu'il existe encore une différence entre la décision nationale et la décision étrangère en raison du fait que
la reconnaissance de cette dernière peut toujours faire l'objet d'une contestation en invoquant l'un des
motifs énumérés par le Règlement à l'article 40.
102
180. Avant d'analyser la procédure prévue par le Règlement, il convient de préciser la
notion de « reconnaissance ». L'article 39, similairement aux dispositions contenues dans
les autres instruments européens, ne donne pas de définition de « reconnaissance ». Il faut
alors faire recours à la doctrine, pour qui cette notion consiste à « accepter [pour un État]
d'insérer dans son ordre juridique la norme dont la décision se fait porteuse301 ». En
particulier, comme le rappelle le « rapport Jenard-Möller302 » en relation à la Convention
de Lugano de 1988, « la reconnaissance doit avoir pour effet d'attribuer aux décisions
l'autorité et l'efficacité dont elles jouissent dans l'État où elles ont été rendues ». Cette
autorité est bien évidemment l'autorité de chose jugée303, traditionnellement distincte en
positive et négative : la première c'est la force obligatoire de la décision, c'est-à-dire son
efficacité substantielle qui suppose donc que soient pris en considération les éventuelles
modifications que la décision apporte au rapport de droit concerné304 (par exemple la
constatation de la qualité d'héritier du demandeur); la deuxième c'est le principe du ne bis
in idem, en vertu duquel, s'il y a reconnaissance de la décision étrangère, la partie
succombant dans un État membre ne pourra pas attraire en justice son défendeur dans un
autre État membre305. Dès lors, l'État ad quem devra respecter les effets de la décision à
reconnaître et celle-ci, quand elle est régulière, pourra être opposée à la juridiction du for
comme exception de chose jugée306.
181. Néanmoins, cette confiance de principe faite à la décision d'un autre État peut
rencontrer des exceptions. En effet, l'article 39, paragraphe 2, du Règlement, dispose que,
301 Selon la formule de P.GOTHOT-D.HOLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 -
Compétence judiciaire et effets des jugements dans la CEE, Paris, Jupiter, 1985
302 Il s'agit du Rapport sur la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, JO C 189 du 28 juillet 1990,
p. 43.
303 H.GAUDEMET-TALLON (Perspectives du droit des successions européennes et internationales, op.
cit., p. 390, n°372) affirme que la reconnaissance « si elle ne se confond pas avec l'autorité de chose
jugée, englobe bien évidemment cette notion. Elle recouvre donc et l'autorité positive de chose jugée (dite
aussi force obligatoire) et l'autorité négative de chose jugée ».
304 Comme l'affirme H.PEROZ (La réception des jugements étrangers dans l'ordre juridique français,
LGDJ, 2005) « le jugement étranger accède à la valeur normative dans l'État requis et constitue ainsi une
proposition normative (ou base de déduction) pour le juge du for qui tiendra pour fixés les droits des
parties tels qu'ils en résultent ».
305 CJCE, 30 novembre 1976, C-42/76, Josef de Wolf c. Harry Cox BV, par. 10.
306 En ce sens D.BUREAU – H.MUIR-WATT, Droit international privé, 3ème éd., 2014, p. 251, n°263
103
en cas de contestation, « toute partie intéressée qui invoque à titre principal la
reconnaissance d'une décision peut demander […] que la décision soit reconnue ». De la
même manière, le paragraphe 3 de cet article ajoute que « si la reconnaissance est
invoquée de façon incidente devant une juridiction d'un État membre, celle-ci est
compétente pour en connaître ». Ainsi, à l'instar des autres instruments de droit européen,
le Règlement prévoit deux typologies de contrôles des décisions des États membres, l'un
principal et l'autre incident.
182. La procédure de reconnaissance à titre principal se déroule de manière semblable à
celle prévue pour la procédure de l'exequatur307. Cette similitude est d'ailleurs confirmée
par le même article 39, paragraphe 2, du Règlement qui fait référence aux règles des
articles 45 à 58 régissant la procédure d'exécution. Ainsi, le processus pour la
reconnaissance d'une décision est divisé en deux étapes : d'abord une première phase qui
se déroule inaudita altera parte, selon les modalités prévues aux articles 45 à 49 du
Règlement, et qui se conclut avec une première décision constatant soit la reconnaissance
(qui en principe devrait constituer la normalité), soit la non-reconnaissance. Vient ensuite
la deuxième phase qui n'est qu'éventuelle, s'ouvrant dans la seule hypothèse où l'une des
parties conteste la décision rendue aux termes de la première phase. Contrairement à cette
dernière qui a un caractère essentiellement administratif308, la deuxième étape comporte
l'instauration d'un contradictoire, qui a pour objet l'existence d'au moins un des motifs de
refus de la reconnaissance énoncés à l'article 40 du Règlement.
183. Si en revanche la reconnaissance est invoquée à titre incidente (tel est le cas lorsque
la décision étrangère est invoquée par le défendeur à l'appui d'une exception de chose
jugée), la solution adoptée est la même que celle prévue dans d'autres règlements
européens309. Ainsi, le juge compétent pour connaître du litige principal est également
307 Selon la remarque de B.Audit (Droit international privé, op. cit., p. 510) en relation au Règlement
« Bruxelles I », l'action principale en reconnaissance de la décision d'un État membre est « en fait très
proche d'une action en exécution ».
308 En effet dans cette première phase l'autorité chargée du contrôle (le juge, le greffier ou le notaire) se
limite essentiellement à vérifier que la documentation présentée soit correcte, ce qui explique son caractère
« quasi-administratif » (en ce sens E.MERLIN, Riconoscimento ed esecutività della decisione straniera nel
Regolamento Bruxelles I, in Riv. dir. proc., 2001, pp. 451 et s.).
309 Cf. l'art. 33, par. 3, du Règlement « Bruxelles I » et l'art. 21, par. 4, du Règlement « Bruxelles II bis ».
104
compétent pour se prononcer de façon incidente sur la reconnaissance des jugements
étrangers310.
184. Que la reconnaissance soit demandée à titre principal ou incident, le juge de l'État
requis peut cependant la refuser, comme nous avons vu, en vertu de l'un des motifs
énumérés à l'article 40 du Règlement. Cette disposition reprend les règles dégagées par
les textes européens antérieurs en matière de compétence indirecte : ainsi, n'apparaissent
plus ni le contrôle de la compétence du juge d'origine, ni celui de la loi appliquée au
fond311. En revanche, le Règlement prévoit comme motif de non-reconnaissance312
l'incompatibilité manifeste avec l'ordre public (point a), la violation du droit du défendeur
d'être entendu en raison d'une notification défectueuse ou tardive (point b) ;
l'inconciliabilité de la décision avec une décision de l'État requis (point c) ;
l'inconciliabilité de la décision avec une autre décision étrangère antérieure (point d).
Malgré le silence de l'article 40, cette liste de conditions est considérée comme
exhaustive, ce qui ressort non seulement de leur formulation restrictive ainsi que de leur
nature d'exception au principe général de la reconnaissance des décisions313, mais aussi
des termes de l'article 52 du Règlement qui, concernant la déclaration de force exécutoire,
précise que celle-ci ne peut être refusée ou révoquée « que pour l'un des motifs prévus à
l'article 40 ». Quant à l'interprétation donnée par le juge de l'Union européenne à la portée
de ces motifs, il est fort probable que celle-ci suive les mêmes indications élaborées pour
la Convention de Bruxelles de 1968 et pour les successifs règlements européens Bruxelles
I, Bruxelles II bis et Bruxelles Ibis314.
185. Toutefois, quelques questions subsistent ; la condition tenant à l'ordre public en est
une. Nous avons déjà vu par rapport à la loi applicable que l'ouverture à des valeurs
juridiques étrangères n'est pas sans limites mais doit se faire dans le respect des principes
310 En ce sens J.FOYER, Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 155, n° 373.
311 Ibidem, n° 374
312 Quant à la définition de cette notion, H.GAUDEMET-TALLON (Perspectives du droit des successions
européennes et internationales, op. cit., p. 394, n°375) décrit ces motifs comme des « conditions de
régularité internationale de la décision étrangère ».
313 En ce sens I.PETRELLI, Droit européen des successions, op. cit., p. 584, n°3.
314 J.FOYER, Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 155, n° 375.
105
fondamentaux du droit interne. Dès lors, comme pour la lex successionis, la
reconnaissance des décisions en matière successorale pourrait engendrer des
perturbations dans l'ordre juridique du for, en mettant ainsi en péril les valeurs fondantes
de son système de droit. Ces soucis justifient donc la prévision de l'article 40, point a), du
Règlement et implique par conséquence que, en cas de contraste « manifeste » avec
l'ordre public du for, le principe de la reconnaissance est dérogé et la décision ne pourra
pas produire ses effets dans l'État requis. Il s'ensuit donc que, en principe, il appartient à
l'autorité du for de déterminer si la reconnaissance d'une décision étrangère conduit à une
violation manifeste de l'ordre public de l'État requis ; or, au sein de l'espace judiciaire
européen, cette affirmation n'est vrai qu'en partie, la protection des principes propres à
chaque État membre devant se faire dans le respect des limites imposées par le droit
européen. Comme affirmé par la Cour de justice dans l'arrêt « Krombach »315 de 2000 en
effet, la portée de l'ordre public « ne saurait être déterminé unilatéralement par chacun
des États membres sans contrôle des institutions de la Communauté européenne ».
186. Dès lors, comme on va voir dans le deuxième chapitre du travail, la notion de l'ordre
public est de plus en plus encadrée par le droit européen et par la jurisprudence de la Cour
de justice, ce qui prouve donc que l'idée d'élaborer une notion commune et uniforme
d'ordre public européen n'est peut-être pas aussi utopique qu'elle apparaît.
β) La force exécutoire des décisions
187. L'article 43 du Règlement consacre la notion de « force exécutoire », également
employée dans deux autres dispositions, les articles 60 et 61, concernant respectivement
les actes authentiques et les transactions judiciaires. Cette solution, et plus en général le
régime adopté par le Règlement en la matière, ne présente aucune originalité par rapport
aux systèmes prévus dans les instruments européens qui l'ont précédé. Ainsi, la
disposition précitée s'inspire de l'article 31 de la Convention de Bruxelles de 1968 et
reprend l'article 38 du Règlement Bruxelles I de 2001, disposition qui est disparue dans
le Règlement Bruxelles Ibis qui a éliminé la procédure d'exequatur. D'autre part, cette
315 CJCE, 28 mars 2000, C-7/98, Krombach c. Bambersky, publiée in Rev. crit. dr. int. priv., 2000, pp. 481
et s., note de H.MUIR-WATT.
106
adaptation à la procédure introduite par la Convention de 1968 d'abord et par le
Règlement n°44/2001 ensuite, est confirmée par le fait que la proposition de 2009 avait
même prévu un simple renvoi aux articles 38 à 58 du Règlement Bruxelles I, sans dicter
aucune règle particulière en matière.
188. Néanmoins, le texte définitif du Règlement n°650/2012 a abandonné cette dernière
solution, en proclamant à son article 43 : « les décisions rendues dans un État membre qui
sont exécutoires dans cet État sont exécutoires dans un autre État membre lorsque, à la
demande de toute partie intéressée, elles y ont été déclarées exécutoires conformément à
la procédure prévue aux article 45 à 58 ». Dès lors le nouveau texte européen,
contrairement au nouveau système introduit par le Règlement n°1250/2012, a repris les
solutions appliquées précédemment en matière civile et commerciale et a ainsi dicté son
propre régime d'exequatur, applicable aux décisions rendues dans un État membre en
matière successorale.
189. Voyons les principaux aspects de cette procédure. Aux termes du précité article 43,
la déclaration tendant à faire constater la force exécutoire d'une décision étrangère, c'est-
à-dire son attitude à être mise en exécution, est prononcée à la demande de toute partie
intéressée. On considère que celle-ci ne doive pas nécessairement être une partie à la
procédure ayant donné lieu à la décision dont l'exécution est demandée : ainsi, en matière
successorale, la demande d'exequatur pourrait être présentée par un héritier qui est
intéressé à l'exécution d'une décision étrangère concernant l'administrateur de la
succession316. Quant à la juridiction compétente en revanche, celle-ci est déterminée par
l'article 45, paragraphe 2, qui désigne comme critère de rattachement le « domicile de la
partie contre laquelle l'exécution est demandée ou par le lieu de l'exécution ». Compte
tenu de l'absence de définition du domicile des personnes physiques tant dans le
Règlement Bruxelles I que dans le Règlement sur les successions317, ce dernier précise
que « pour déterminer […] si une partie a un domicile dans l'État membre d'exécution, la
juridiction saisie applique la loi interne à cet État membre » (article 45).
316 I.PETRELLI, Droit européen des successions, op. cit., p. 610, n°3
317 J.FOYER, Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 158, n° 385
107
190. Les conditions de procédures, prévues aux articles 46 et suivants, reprennent mutatis
mutandi celles prévues dans le Règlement Bruxelles I. La procédure est ainsi structurée
en deux phases : l'une unilatérale sur requête et portant sur « la demande de déclaration
constatant la force exécutoire » (articles 46 à 49). À cet égard, il convient de noter que
contrairement à la notion de décision qui est définie de manière autonome à l'article 3 du
Règlement, son caractère exécutoire relève de la loi de l'État où la décision est prononcée.
Par conséquence, cela comporte que si une l'État d'origine n'attribue pas de caractère
provisoirement exécutoire à une décision pas encore définitive, celle-ci ne pourra pas être
exécutée dans un autre État membre en vertu de la procédure d'exequatur prévue par le
Règlement. A contrario, si cette décision peut être exécutée dans l'État d'origine, même
si son caractère exécutoire n'est que provisoire, la procédure d'exequatur pourra avoir lieu
dans l'État membre requis318.
La deuxième phase de la procédure, en revanche, est contradictoire et s'instaure suite à
un recours formé par l'une ou l'autre des parties contre la décision ayant conclu la phase
précédente (article 50).
c) Les actes authentiques et les transactions judiciaires
191. Les actes authentiques occupent une place centrale dans la matière des successions,
c'est pourquoi le Règlement leur a consacré une série de règles spécifiques dictées à
l'article 59. De plus, à la différence du texte de la proposition de 2009, la version définitive
de 2012 accorde également une place à l'exécution des transactions judiciaires, prévues à
l'article 61 du Règlement.
α) L'acceptation des actes authentiques : l'article 59 du Règlement
192. Le régime des actes authentiques a suscité de forts débats au sein des travaux ayant
318 En ce sens H.GAUDEMET-TALLON (Perspectives du droit des successions européennes et
internationales, op. cit., p. 468, n°449 et s.) pour qui, si la force exécutoire est suspendue dans l'État
d'origine du fait de l'exercice d'un recours, le sursis à statuer prévu à l'article 54 du Règlement devrait être
non pas facultatif, comme dans le cas de la reconnaissance (art. 42), mais prononcé d'office par le juge de
l'État requis.
108
mené à l'adoption du Règlement. En effet, dans la proposition de 2009, la Commission
avait suggéré d'introduire un mécanisme de reconnaissance des actes authentiques, tout
en prévoyant que celle-ci aurait pu être refusée au motif de l'ordre public ou de son
invalidité dans l'État membre d'origine (article 34 de la proposition). Or, cette suggestion,
bien qu'inspirée sur les dispositions d'autres règlements européens prévoyant la
reconnaissance mutuelle des actes authentiques319, avait suscité de nombreuses critiques
en doctrine320, principalement pour une raison : l'inadéquation du concept de
reconnaissance aux actes authentiques. En effet, on avait souligné que ce concept, ayant
été créé pour décrire le mécanisme de réception des décisions judiciaires étrangères, ne
pouvait pas être étendu aux actes authentiques qui ne possédaient pas, contrairement aux
jugements, l'autorité de la chose jugée321. Pour répondre donc à ces réticences, et éviter
en même temps de possibles confusions322, le législateur européen a abandonné la notion
de « reconnaissance » et adopté, à l'article 59 du Règlement, le terme « d’acceptation »
des actes authentiques.
193. L'article 59 vise l'acceptation des actes authentiques, définis à l'article 3, paragraphe
319 Cf. par exemple l'art. 46 du Règlement « Bruxelles IIbis » ou l'art. 48 du Règlement Aliments.
320 En réalité, le débat quant à la reconnaissance des actes authentique n'est pas nouveau au droit
international privé. En effet, ces discussions existaient déjà avant le Règlement sur les successions en
relation aux autres instruments européens et se sont poursuivies depuis lors. V. par exemple, concernant la
Convention de Bruxelles de 1968, les critiques de P.GOTHOT-D.HOLLEAUX, La Convention de Bruxelles
du 27 septembre 1968, op. cit., p. 210, n°407 ; également critique M.KOHLER-M.BUSCHBAUM, La
« reconnaissance » des actes authentiques prévue pour les successions transfrontalières. Réflexions
critiques sur une approche douteuse entamée dans l'harmonisation des règles de conflits de lois, in Rev.
crit. dr. int. priv., 2010, pp. 643 et s. En faveur de la reconnaissance des actes authentiques G. DE LEVAL,
Reconnaissance et exécution de l'acte notarié dans l'espace judiciaire européen, in Liber amicorum Paul
Delnoy, Larcier, 2005, pp. 667 et s. ; H.MUIR-WATT – B.ANCEL, La désunion européenne : le Règlement
dit « Bruxelles II », in Rev. crit. dr. int. priv., 2001, pp. 436-441, n° 27 et s. ; P.PASQUALIS, Le problème de
la circulation des actes notariés dans l'espace juridique européen, Note pour le Parlement européen,
Direction générale des politiques internes, PE 425.656, 2010, pp. 13 et s. ; plus nuancée M.GOREE, L'acte
authentique en droit international privé, in Trav. Com. fr. dr. int. pr.,1998-1999, pp. 29 et s.
321 Sur cet argument, v. notamment P.CALLE, La circulation des actes authentiques, in H.BOSSE-
PLATIERE , N.DAMAS et Y.DEREU (sous la direction de), L'avenir européen du droit des successions
internationales, Lexis-Nexis, 2011, pp. 49 et s. Cette question sera reprise infra, chapitre III, n° 430 et s.
322 En ce sens P.WAUTELET, Droit européen de successions, op. cit., p. 662, n° 4. Cette nouvelle
formulation n'est cependant pas appréciée par la totalité des Auteurs ; à cet égard, P.LAGARDE (Les
principes de base du nouveau règlement européen sur le successions, op. cit., n° 41) estime que ce
vocabulaire n'est « peut-être pas très heureux ». Similairement, S.GODECHOT-PATRIS (Le nouveau droit
européen des successions : entre satisfactions et craintes, in D., 2012, p. 2468) considère cette expression
« sibilline ».
109
1er, point i, du Règlement comme « un acte en matière de succession dressé ou enregistré
formellement en tant qu'acte authentique dans un État membre et dont l'authenticité (i)
porte sur la signature et le contenu de l'acte authentique et (ii) il a été établi par une autorité
publique ou toute autre autorité habilitée à le faire par l'État membre d'origine ».
194. En particulier, cette acceptation se réalise à travers une expansion de la force
probante de l'acte authentique ; ainsi, aux termes de l'article 59, paragraphe 1er, « les actes
authentiques établis dans un État membre ont la même force probante dans un autre État
membre que dans l'État membre d'origine ou y produisent les effets les plus comparables,
sous réserve que ceci ne soit pas manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre
concerné ». Dès lors, ce qui fait l'objet de la circulation au sein de l'Union européenne, ce
n'est pas tant la situation juridique contenue dans l'acte authentique, mais plutôt « les
effets procéduraux » résultant de cet acte323, donc leur « force probante ». Dans l'absence
d'une définition européenne autonome, chaque système juridique possède sa propre
conception de force probante324 . Sa portée pourra donc varier selon les droits nationaux :
ainsi, dans les pays de tradition latine comme la France par exemple325, la force probante
des actes authentiques est liée aux constatations faites par un officier ministériel ou public
quant à l'identité des parties, leur présence personnelle, la date de l'acte, le versement d'un
prix, ou encore les déclarations faites par les parties et consignées dans l'acte326. Dès lors,
comme l'indique le considérant 61 du Règlement, pour « la détermination de la force
probante d'un acte authentique, il convient de faire référence à la nature et à la portée de
la force probante dans l'État membre d'origine ». Ainsi, lorsque par exemple un testateur
italien a exprimé ses dernières volontés dans un testament public reçu par un notaire
italien, cet acte bénéficiera dans les autres État membres de la même force probante qui
lui est reconnue par le droit italien.
323 En ce sens P.CALLE, La circulation des actes authentiques, op. cit., p. 52, n° 7
324 v. l'étude comparative réalisée le Conseil des Notaires de l'Union européenne (CNUE), Étude
comparative sur les actes authentiques – Dispositions nationales de droit privé, circulation
(reconnaissance mutuelle et exécution), initiative législative de l'Union européenne, Étude pour le
Parlement européen n°IP/C/JUR/IC/2008-019, 2008
325 Pour le droit français, v. notamment F.TERRE, Introduction générale au droit, 5ème éd., Dalloz, 2000,
p. 552 et s.
326 En ce sens P.WAUTELET, Droit européen de successions, op. cit., p. 665, n° 13
110
195. Quant à la mise en œuvre de ce principe, celle-ci est facilitée par l'alinéa 2 du premier
paragraphe de l'article 59, qui dispose que si une personne souhaite utiliser un acte
authentique dans un autre État membre, elle peut alors « demander à l'autorité établissant
l'acte authentique dans l'État membre d'origine de remplir le formulaire établi
conformément à la procédure consultative visée par l'article 81, paragraphe 2, du
Règlement ». Ce formulaire, en décrivant la force probante de l'acte authentique dans
l'État d'origine, devrait ainsi faciliter l'acceptation de cet acte dans l'État membre
d'accueil327.
196. Viennent enfin les motifs de refus de l'acceptation, limités par le Règlement à la
seule hypothèse de la contrariété manifeste à l'ordre public de l'État requis. Et pour cause.
En effet, l'acte authentique n'étant pas comparable à une décision judiciaire, il aurait été
illogique de prévoir les mêmes conditions de non-acceptation328. Ainsi, seule une
violation manifeste de l'ordre public peut justifier le refus d'accepter la force probante
s'attachant à un acte étranger, exactement comme une telle violation peut justifier le refus
d'application d'une loi étrangère ou de reconnaissance d'une décision étrangère. Dès lors,
compte tenu de ces similarités, certains auteurs ont suggéré que la clause de l'ordre public,
appliquée à l'acceptation des actes authentiques, devrait être interprétée de la même
manière que pour les décisions329.
197. À côté de l'ordre public se pose une ultime limite à la circulation de la force probante
de l'acte authentique : l'incompatibilité de deux actes authentiques. Cette hypothèse, bien
qu'exceptionnelle dans la pratique, est expressément prévue par le considérant 66 du
Règlement qui pose comme critère principal l'appréciation « des circonstances de
l'espèce330 ». Si ces dernières ne sont pas suffisantes, le conflit sera alors tranché
conformément aux règles dictées par l'article 59, paragraphes 3 et 4, relatifs au cas de
contestation d'un acte authentique. Ainsi, lorsque la question est soulevée à titre principal,
327 J.FOYER, Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 162, n° 401
328 Ibidem, p. 162, n° 402
329 En ce sens H.GAUDEMET-TALLON, Perspectives du droit des successions européennes et
internationales, op. cit., p. 471, n°472.
330 P.LAGARDE (Les principes de base du nouveau règlement européen sur le successions, op. cit., n° 41)
remarque que cette formulation « n'est pas d'un grand secours ».
111
la juridiction compétente à trancher le litige sera celle qui est compétente à statuer sur la
succession (art. 59, par. 3) ; si en revanche la question est soulevée de façon incidente,
alors le litige doit être tranché par la juridiction saisie du litige principal (art. 59, par. 4).
β) La force exécutoire des actes authentiques
198. L'article 60, paragraphe 1er, du Règlement, prévoit qu'un acte authentique peut être
déclaré exécutoire dans un autre État membre. Cette disposition ne constitue pas une
nouveauté dans le droit international privé et reprend la même solution adoptée par les
autres instruments européens qui l'ont précédée331. Ceci explique donc pourquoi,
contrairement aux débats suscités par l'article 59, l'article 60 n'a pas formé l'objet de
longues discussions lors de la rédaction du Règlement.
199. Ainsi, dès lors qu'un acte authentique est exécutoire dans un État membre, « toute
partie intéressée » peut demander à que cet acte soit déclaré exécutoire dans un État
membre différent. Pour cela, afin de déterminer si un acte est exécutoire ou pas, le
Règlement ne pose aucune règle particulière, ce qui implique, comme pour les décisions,
la nécessité de faire référence au droit de l'État membre d'origine. Il s'ensuit donc que le
régime à peine décrit ne pourra pas s'appliquer aux actes issus d'États membres ne
connaissant pas le principe de l'acte authentique exécutoire, tels certains pays scandinaves
comme la Suède ou le Danemark332.
200. Quant à la procédure prévue pour l'octroi de la force exécutoire dans l'État membre
requis, le Règlement ne met pas en place une procédure particulière, se contentant de
renvoyer, au paragraphe premier de l'article 60, aux règles prévues pour l'exequatur des
décisions judiciaires (« conformément à la procédure prévue aux articles 45 à 58 »).
Ainsi, la personne souhaitant utiliser un acte authentique dans un État membre différent
de celui où cet acte a été formé doit présenter la demande devant la juridiction compétente
331 Par exemple l'art. 57 du Règlement « Bruxelles I », ou encore l'ar. 46 du Règlement « Bruxelles IIbis ».
Certains Auteurs ont même affirmé que les règles relatives à l'exécution de l'acte authentique au sein de
l'Union européenne feraient partie de l'acquis communautaire (en ce sens notamment P.PASQUALIS, Le
problème de la circulation des actes notariés dans l'espace juridique européen, op. cit., p. 18).
332 v. l'étude comparative réalisé par le CNUE pour le Parlement européen, supra cité (note 329).
112
de l'État membre d'exécution (art. 45, par. 1er), qui prononcera une décision relative à
l'octroi de la déclaration de force exécutoire. Celle-ci pourra néanmoins être contestée par
le biais d'un recours formé conformément aux dispositions dictées à l'article 50 du
Règlement mais son objet, contrairement à la procédure prévue pour les décisions, sera
limité à la seule contrariété de l'exécution de l'acte à l'ordre public de l'État membre
requis. Compte tenu du faible nombre de décisions rendues par le Cour de justice dans
cette matière, il est fort probable qu'une telle hypothèse ne soit pas fréquente dans la
pratique des successions internationales333.
d) La force exécutoire des transactions judiciaires
201. Contrairement à la proposition initiale de la Commission, les transactions judiciaires
font l'objet d'une disposition spécifique dans le Règlement n°650/2012. Celle-ci, à la
différence des actes authentiques, ne vise que la force exécutoire des transactions
judiciaires, sans rien préciser quant à leur force probante qui doit dès lors être donnée
comme acquise par toute transaction judiciaire conclue dans un État membre334.
202. Ainsi, aux termes de l'article 61, paragraphe 1er, du Règlement, « les transactions
judiciaires qui sont exécutoires dans l'État membre d'origine sont déclarées exécutoires
dans un autre État membre à la demande de toute partie intéressée, conformément à la
procédure prévue aux article 45 à 58 ». Les transactions judiciaires visées par cette
disposition trouvent une définition autonome à l'article 3, paragraphe 1er, point h), du
Règlement, qui les décrits comme « une transaction en matière de succession approuvée
par une juridiction ou conclue devant une juridiction au cours d'une procédure ».
203. Pour bénéficier du régime prévu au précité article 61, ces transactions doivent être
exécutoires dans l'État membre d'origine, caractère qui devra être vérifié en vertu des
dispositions internes de cet État. De plus, à l'instar des décisions et des actes authentiques,
la demande d'octroi d'une déclaration de force exécutoire peut être formulée par « toute
333 En ce sens J.FOYER, Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 164, n° 408.
334 Ibidem, p. 164, n° 410 ; dans le même sens H.GAUDEMET-TALLON, Perspectives du droit des
successions européennes et internationales, op. cit., p. 493, n°468.
113
partie intéressée », ce qui vise donc, au moins, les parties qui sont liées par la transaction.
Quant aux modalités pour l'octroi de la force exécutoire, compte tenu du renvoi effectué
par l'article 61 aux articles 45 à 58 du Règlement, il s'agira de la même procédure, supra
étudiée, prévue pour l'exécution des décisions judiciaires en matière de succession et des
actes authentiques. Dès lors, à l’instar de ces derniers, la juridiction auprès de laquelle un
recours est formé « ne refuse ou ne révoque une déclaration constatant la force exécutoire
que si l’exécution de la transaction judiciaire est manifestement contraire à l’ordre
public ».
Conclusion au chapitre I
204. Depuis toujours les successions ont représenté l'une des matières les plus débattues
du droit international privé, une matière où les divergences entre les systèmes nationaux
ont traditionnellement été les plus fortes. Les échecs de la Conférence de La Haye, ajoutés
aux ferventes oppositions des régimes internes, ont ainsi fait apparaître le droit
international des successions comme un domaine impossible à unifier et destiné à rester
« emprisonné » dans les mailles des particularismes nationaux. Or, le Règlement a
démontré le contraire. Son caractère complet, couvrant tous les aspects de droit
international privé, de la compétence à la loi applicable, jusqu'à la reconnaissance et à
l'exécution des décisions, ainsi qu'à l'acceptation des actes authentiques, a ainsi prouvé
que même une matière aussi ancrée dans les traditions juridiques, historiques, culturelles
et sociales d'un État peut aboutir à une harmonisation.
205. Les successions internationales sont désormais unifiées à l’intérieur de l’espace
juridique européen. Un seul critère de rattachement s’applique tant pour la compétence
que pour la loi applicable : la dernière résidence habituelle du défunt. Le traitement d’une
succession transfrontalière est dès lors simplifié par l’unicité de la lex et du forum
successionis, dont l’emprise se voit étendre à l’ensemble des biens successoraux, quelles
que soient leur nature et leur lieu de situation. Planifier la propre succession devient ainsi
plus aisé : non seulement la loi successorale est prédéterminée par une seule et unique
114
règle européenne, mais en outre celle-ci peut être choisie à l’avance par le de cujus à
travers la professio juris, désormais valable pour l’ensemble des systèmes juridiques
européens. Les objectifs d’unicité s’accompagnent alors à l’expansion de l’autonomie de
la volonté, en favorisant de cette manière la certitude dans les rapports juridiques et un
plus simple exercice de la circulation intra-européenne. Le projet de développement d’un
espace de sécurité, de liberté et de justice commun semble ainsi s’être transformé en
réalité. Le droit international des successions appartient finalement au système européen !
206. Or, s’il est vrai que les fondements viennent d’être établis, le processus de
l’harmonisation des règles de conflit successorales reste néanmoins confronté à des
obstacles. Ainsi, nous verrons dans le chapitre suivant que la clause de l'ordre public
pourrait constituer une entrave à la mise en œuvre effective du Règlement sur les
successions, en bloquant son application au nom des principes fondamentaux de l’État
membre du for. Nul ne doute que sa fonction est et reste indispensable pour éviter que les
relations transfrontalières puissent conduire à une inacceptable violation des valeurs
fondants les systèmes nationaux, mais compte tenu de la portée innovante du Règlement
et du cadre juridique de l’Union, n'est-il pas possible que cette conception soit
réinterprétée en faveur de principes communs et uniformes ? Une telle démarche
démontrerait alors que la clause d’ordre public, tout en conservant sa fonction de
gardienne des valeurs fondamentales du for, peut toutefois remplir une fonction positive
dans le cadre de l’espace européen, en favorisant le rapprochement, et ainsi leur
harmonisation, des solutions nationales dans les relations transfrontalières.
207. Cependant ce processus pourrait même aller plus loin. En effet, nous découvrirons
que le Règlement ne se limite pas à apporter une simple harmonisation des règles de
conflits, mais il introduit également un véritable instrument de droit matériel : le certificat
successoral européen. Serait-il alors un premier pas vers l'instauration d'un droit matériel
européen des successions ? Une telle prédiction est peut-être trop hasardée ; néanmoins
la mise en place, dans le cadre d'un espace européen de liberté, de sécurité et de justice
toujours plus développé, d’un instrument destiné à s’intégrer dans les systèmes nationaux,
marque un tournant dans le droit international privé européen. Garantir et soutenir une
circulation efficace du certificat successoral devient alors une épreuve essentielle pour les
Etats membres, afin de rendre ainsi concret, et en continuelle marche, le projet d’une
communauté juridique européenne harmonisée.
115
CHAPITRE II
L'ORDRE PUBLIC DANS LE NOUVEAU DROIT
INTERNATIONAL PRIVÉ DES SUCCESSIONS
Introduction
208. Le droit des successions, on l'a bien vu, est réputé pour sa complexité et ses multiples
formes. Celles-ci se reflètent tout d'abord sur le plan international, où les tentatives
d'unification des règles de conflits ont régulièrement échoué face à la « résistance » des
législateurs nationaux.
Or, le Règlement semblerait marquer la fin de cette traditionnelle opposition, en apportant
une véritable harmonisation de la matière au sein de l'espace européen. Pouvons alors
affirmer que toute difficulté a été surmontée ? Pas complètement. En effet, bien qu'il soit
vrai que le nouveau texte ait en partie éliminé les différences historiquement caractérisant
le droit international des successions, les risques de « rebellions » nationales demeurent.
Et pour cause. Ainsi, comme on a pu constater, le rapprochement des règles de droit
international privé n'a pas mis fin aux disparités entre les régimes successoraux internes,
fruit de traditions historiques, sociales et religieuses pouvant varier de manière importante
d’un système juridique à l’autre et pouvant donc conduire à différences remarquables
même à l'intérieur d'une communauté d'États comme l'Union européenne. C’est alors dans
ces hypothèses qu’intervient un instrument spécial, venant sauvegarder les particularités
propres à chaque système juridique contre les effets de l’application d’une loi étrangère,
ou de la reconnaissance d’un jugement étranger, considéré incompatible avec les valeurs
du for : l'ordre public.
209. Dans sa définition généralement adoptée tant en doctrine comme en jurisprudence,
ce dernier est avant tout un instrument intervenant lorsque l’application de la loi
116
étrangère, ou d'une décision étrangère, aboutit à un résultat inacceptable et considéré
choquant au regard des principes et des valeurs de l’ordre juridique de l’État du for335.
Celui-ci est donc une exception qui vient perturber le jeu normal de la règle de conflit, en
empêchant à la loi étrangère, en principe compétente pour la solution d'un cas donné, de
s'appliquer en l'espèce car elle aboutirait à un résultat incompatible avec « l'ordre public
du for »336. C'est donc « une soupape de sécurité »337, ou encore une « self-protection »338,
permettant de sauvegarder les valeurs et principes essentiels du système juridique de l'État
du for lorsque leur intégrité est remise en cause par certaines solutions étrangères
considérées comme applicables par la règle de conflit. Son fonctionnement pourrait donc
être résumé de la manière suivante : dès lors qu'une loi étrangère est contraire aux
principes fondamentaux du droit du for, ce dernier peut opposer l'exception de l'ordre
public et ainsi évincer, en dérogation au jeu normal des règles de conflit, la loi applicable
au cas d'espèce339. Ainsi, pour reprendre les mots que M. Lewald employait au début du
siècle dernier, « l'ordre public défend ce que la règle de conflit ordonne »340.
335 H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Traité de droit international privé, op. cit., p. 566.
336 En ce sens Y.LOUSSOUARN, P.BOUREL, P. DE VAREILLES-SOMMIERES, Droit international privé,
10ème éd., Dalloz, 2013, p. 360. L'on mentionnera également, parmi les autres conceptions présentées en
doctrine, la définition selon laquelle ce mécanisme comporte une dérogation aux règles des conflits de lois,
en écartant la loi étrangère compétente qui est remplacée par un autre droit, normalement désigné dans celui
du for. Dans le chapitre consacré à l'ordre public dans l'International Encyclopedia of Comparative Law
(K.LIPSTEIN [sous la direction de], vol. III, Private International Law, Mohr/Nijhoff, 1994, réédité en 2011,
chap. 11, p. 11 s.), l'une des conceptions mentionnée indique en effet que « public policy is envisaged as
an exception to the operation od choice of law rules. It manifests itself by ousting the normally applicable
law and by replacing it by a rule which is usually, but not always,borrowed from the lex fori ».
337 A.BUCHER, L'ordre public et le but social des lois, in Recueil des Cours, t. 239, 1993, p. 74.
338 F.MOSCONI, Exceptions to the Operations of Choice of Law Rules, in Recueil des Cours, t. 217, 1989,
p. 196.
339 En règle générale cette éviction de la loi étrangère conduit à sa substitution par la loi du for, ce qui
s’explique principalement par une idée de territorialité selon laquelle chaque État, en tant que souverain sur
son propre territoire, devrait appliquer la loi étrangère qu’en cas exceptionnel et que dans l’hypothèse de
son éviction au nom de l’ordre public, c’est la loi du for qui retourne à être applicable (en ce sens v.
notamment R.AGO, Règles générales des conflits de lois, in Recueil des Cours de La Haye, t. 58, 1938, p.
455-456 ; E.VITTA, Diritto internazionale privato, Turin, 1972, t. I, p. 449). Cette solution purement
dogmatique n'a toutefois pas été partagée par l'ensemble de la doctrine, certains auteurs ayant préféré une
justification plus « pratique » qui admet l’application de la loi du for en raison d'une majeure facilité pour
le juge d’appliquer son propre droit à la place de la loi étrangère (v. ex multis H.BATIFFOL-P.LAGARDE,
Traité de droit international privé, op. cit., p. 592).
340 H.LEWALD, La réglementation de l'ordre public sur le terrain des traités diplomatiques, in Rev. crit.
dr. int. priv., 1928, p. 153, qui définit cette exception comme « une épée de Damoclès qui est suspendue
sur toute règle de conflit, quelque solide qu'elle soit ».
117
210. Pourtant, comme on va voir, ce raisonnement est moins évident que ce qu'il apparaît,
la conception « moderne341 » de l'ordre public étant aujourd'hui beaucoup plus limitée par
rapport à celle élaborée à la fin du XIXe siècle par Bartin342 en France et von Bar343 en
Allemagne. Ainsi, bien que sa fonction primordiale, l'éviction de la loi étrangère344, reste
inchangée, ses paramètres d'évaluation ont fortement évolué. En effet, l'ordre public se
présente dans une conception non pas et non plus nationale345 mais internationale : ainsi,
condition à l’éviction de la loi étrangère sera non pas sa contrariété, ou son
« incompatibilité », avec les dispositions impératives de droit interne346, mais avec les
341 Conception qui s’oppose, il convient ici de le rappeler, à la doctrine élaborée par Mancini en Italie (P.-
S.MANCINI, De l'utilité de rendre obligatoire pour tous les Etats, sous la forme d'un ou de plusieurs traités
internationaux, un certain nombre de règles générales du Droit international privé pour assurer la décision
uniforme des conflits entre les différentes législations civiles et criminelles, in Journal de Droit
International Privé, 1874, IV, pp. 221 ss.) et Pillet en France (A.PILLET, De l'ordre public en droit
international privé, in Mélanges A. Pillet, Sirey, 1929, t. 1, p. 407 et s.) entre la fin du XIXème siècle et les
années vingt du siècle XXème. Selon ces auteurs en effet, la loi d'ordre public intervient non pas pour
s'opposer à l'efficacité d'une loi étrangère considérée par l'État du for comme « odieuse », mais en raison
du lien territorial existant entre cet État et la situation en cause. C'est donc le rattachement de la situation
en cause au territoire du for qui fonde la conception de l'ordre public et non pas le caractère inacceptable
de la loi étrangère par rapport à l'ordre juridique national.
342 E.BARTIN, Les dispositions d'ordre public, la théorie de la fraude à la loi et l'idée de communauté
internationale, in Rev. dr. int., législ. comp., 1897, pp. 385 s. et pp. 613 et s. ; le travail a été reproduit in
Etudes de droit international privé, Chevalier-Marescq, 1899, pp. 189 et s.
343 L.VON BAR, Theorie und Praxis des internationalen Privatrecht, Hannover, 1889, t. I, p. 132.
344 Fonction qui puise ses origines dans les célèbres « statuts odieux » de Bartole, pour qui seules les lois
« favorables » pouvaient être appliquées en dehors de la cité qui les a édictés, alors que les deuxièmes ne
pouvaient avoir effet que dans les limites de leur territoire d'adoption (BARTOLUS DE SAXOFERRATO, In
primam Codicis partem Commentaria, Turin, 1589, repris par B.ANCEL, Le commentaire de Bartole « ad
legem cunctos populos » sur la glose « quod si bononiensis » mis en français, in Mélanges en l'honneur
d'Anne Lefebvre-Teillard, Paris, éd. Panthéon-Assas, 2009, p. 53). L’on remarquera toutefois que cette
fonction n’est pas la seule et unique ayant été attribuée à la clause d’ordre public, cette dernière pouvant
également, selon une partie de la doctrine, servir à sauvegarder « certaines politiques législatives » (sur
cette double finalité de l’ordre public v. P.LEREBOURGS-PIGEONNIERE, Précis de droit international privé,
1933, n°270 ; v. aussi les analyses critiques de H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Traité de droit international privé,
vol. I, 7ème éd., 1981, n° 358 et 359).
345 Notion qui renvoie aux dispositions impératives de droit interne, c'est-à-dire celles qui, au sens de
l'article 6 du Code civil français, ne peuvent être dérogées par convention, ou encore, selon la doctrine
italienne, « l'ensemble des dispositions ne pouvant pas être écartées par les parties privées » (en ce sens
G.SPERDUTI, Sul limite dell'ordine pubblico internazionale ed ordine pubblico interno, in Riv. dir. int.,
1954, p. 303). En particulier, pour ce dernier auteur, il existerait deux typologies d'ordre public national,
l'un constitué par « l'insieme delle norme inderogabili ad opera dei privati », l'autre par « tutte le norme
che incorporano le concezioni fondamentali del foro »). Cette classification a cependant été critiquée par
la doctrine italienne, la considérant comme une source de confusion avec la conception opposée, celle de
l'ordre public international (v. ex multis E.VITTA, Corso di diritto internazionale privato e processuale,
4ème éd. (sous la direction de F.MOSCONI), Turin, 1987, p. 164.
346 Sont considérées d’ordre public interne par exemple les normes régissant le droit des personnes, telles
les dispositions en matière de capacité de se marier ou des effets du mariage (en ce sens H.Batiffol-
P.Lagarde, Traité de droit international privé, op. cit., p. 584). Néanmoins, il convient ici de préciser que
118
conceptions considérées fondamentales par le for347. Or ces dernières, ainsi que
M.Lerebourgs-Pigeonnière l'a autrefois souligné, ne constituent pas un ensemble de
valeurs propres à un seul et unique État, mais sont « expression de la morale et de la
justice objective »348 ayant une portée universelle349. Dès lors, l'ordre public trouverait
son fondement dans un corpus de principes présents non pas dans un seul système
juridique, mais dans la plupart des législations nationales, notamment à l'intérieur
d'organisations régionales fondées sur des racines communes telles que l'Union
européenne. Preuve de cette évolution en est d’ailleurs la jurisprudence contemporaine,
qui de plus en plus trouve appui sur les textes internationaux pour justifier ou exclure le
recours à l’exception d’ordre public international. Ainsi, dans le célèbre arrêt « Pistre »
dès lors qu’une norme est considérée d’ordre public interne, cette qualification n’empêche que ladite
disposition puisse justifier en même temps la mise en œuvre de l’ordre public international. Ainsi,
relativement à la capacité de se marier, l’ordre public international interdit par exemple le mariage d’un
enfant de 10 ans, bien que sa loi nationale l’autorise ; a contrario, le mariage d’un jeune homme de 18 ans
dont la loi nationale fixe l’âge minimum pour se marier à 21 ans ne justifiera pas l’intervention de l’ordre
public international, s’agissant ici d’une situation intéressant le seul ordre public interne (sur cette question,
v. notamment les analyses de N.BOSCHIERO, Appunti sulla riforma del sistema italiano di diritto
internazionale privato, Turin, Giappichelli, 1996, p. 232).
347 En France, déjà en 1948, la Cour de Cassation affirmait que les dispositions de la loi étrangère « ne
sont pas contraires à l'ordre public [international] français par cela seul qu'elles diffèrent des dispositions
impératives du droit français, mais uniquement en ce qu'elles heurtent des principes de justice universelle
considérés dans l'opinion française comme doués de valeur internationales absolue » (Cass. Civ. 25 mai
1948, Lautour, in Rev. crit. dr. int. priv., 1949, p. 89, note de H.BATTIFOL ; in D., 1948, p. 357, note de
P.LEREBOURGS-PIGEONNIERE ; in S., 1949, I, p. 21, note de J-P.NIBOYET ; Grand Arrêts, Dalloz, 5ème éd.,
2006, n°19). La même idée est reprise en Italie, où l'ordre public a été défini comme « l'ensemble des
principes qui informent l'ordre juridique et concourent à caractériser la structure éthique-sociale à un
moment historique déterminé » (Cass. civ., 9 mars 1998, n°2622, in Foro it., 1999, I, p. 983 ; la même
définition avait déjà été adoptée en Cass. civ., 10 mars 1995, n° 2788, in Riv. dir. int., 1996, p. 1069). Cette
idée s’était d’ailleurs déjà répandue dans la doctrine italienne à partir des années cinquante (v. en ce sens
G.SPERDUTI, Sul limite dell'ordine pubblico internazionale ed ordine pubblico interno, op. cit., pp. 82 et
s. ; G.PAU, Limiti all’applicazione del diritto straniero nell’ordinamento italiano, in Enc. giur., XXII, 1969,
pp. 477 et s. ; G.BARILE, I principi fondamentali della comunità statale ed il coordinamento statale
(l’ordine pubblico internazionale), Padoue, 1969 ; P.BENVENUTI, Comunità statale, comunità
internazionale e ordine pubblico internazionale, Milan, 1977 ; L.FUMAGALLI, Considerazioni sull’unità
del concetto di ordine pubblico, in Comunicazioni e studi, 1985, pp. 593 et s.). La même conception de
l’ordre public a été récemment réaffirmé par la Haute Juridiction italienne dans le cadre d’une affaire
relative à l’adoption d’un enfant par le partenaire homosexuel (Cass. civ., 30 septembre 2016, n° 19599). 348 P.LEREBOURGS-PIGEONNIERE, Précis de droit international privé, op. cit., n°270, p. 293.
349 Ce qui a d'ailleurs conduit certains auteurs à développer une conception d’ordre public
« véritablement » international, car fondé sur des valeurs universelles ou de droit naturel visant à protéger
une catégorie d’intérêts considérés comme fondamentaux par la communauté internationale. Il conviendra
toutefois de noter que l’idée de fonder l’ordre public sur le droit naturel au sens large avait déjà été
développée par Savigny, qui espérait que le développement du droit conduise à la disparition de l’esclavage
et de la mort civile, considérées comme institutions contraires à la communauté juridique. Sur la fonction
remplie par le droit naturel en rapport à la notion de l’ordre public, v. not. PH.FRANCESKAKIS, Droit naturel
et droit international privé, in Mélanges Malaurie, Paris, 1960, I, pp. 113 et s.
119
du 31 janvier 1990350, la Cour de Cassation française a par exemple estimé que la loi
brésilienne prohibant l’adoption plénière d’un enfant brésilien par un étranger ne
s’opposait « ni à la conception française de l’ordre public international, ni aux
dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, ni à celles du pacte international des Nations Unies relatif aux
droits civils et politiques ». D’une manière similaire, dans une décision du 17 juillet 2000,
le Tribunal de Milan a écarté l’application d’une loi étrangère ne prévoyant pas la
possibilité du changement de sexe au nom des articles 1er et 14 de la Convention
européenne des droits de l’homme351. Cette tendance semblerait alors conduire à la
conclusion suivante : l'application de l’ordre public ne devrait être qu'exceptionnelle et
donc généralement invocable dans la seule hypothèse où la mise en œuvre des règles de
conflits provoque la violation de principes internationalement reconnus.
211. Toutefois, si telle est véritablement la tendance actuelle, un inévitable paradoxe
semblerait se produire : d'une part l'ordre public est essentiel pour protéger les valeurs
fondamentales du for, notamment dans les matières fortement « territoriales » comme le
droit des successions ; d'autre part, cependant, l'évolution des relations internationales
entre les Etats, ainsi que l'essor d'organisations supranationales comme l'Union
européenne ou le Conseil d'Europe, ont fini par influencer directement cette notion, en
transformant les principes auparavant uniquement nationaux en internationaux, voire
universels. Ainsi, l'interdiction de discrimination entre les successibles pour des raisons
de sexe ou de religion vaut tant pour l'Italie comme pour la France ou pour n'importe quel
autre pays de l'Union, tous ayant intégré dans leur système de droit, ainsi qu’on va voir
par la suite, non seulement la Convention européenne des droits de l’homme de 1950
mais aussi la plus récente Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le
résultat de cette évolution semblerait dès lors être évident : étant donné que les Etats
membres partagent une série de valeurs communes et que la notion actuelle de l’ordre
public tend à s’identifier aux seuls principes universellement reconnus, il semblerait
difficile, du moins sur le plan abstrait, que la loi successorale édictée dans un Etat membre
(ou la décision prononcée par ses juridictions), produise des effets tellement graves pour
justifier l’intervention de cette exception dans les rapports intra-européens. Mais pourrait-
350 Cass. civ. 1ère, 31 janvier 1990, in Les grands arrêts de la jurisprudence française, op. cit., n°68.
351 Trib. Milan, 17 juillet 2000, in Riv. dir. int. priv. proc., 2001, pp. 659 et s.
120
on affirmer la même chose pour les Etats tiers ? Nous savons en effet, depuis le chapitre
I, qu’en matière de successions internationales le Règlement européen a prévu la
possibilité de professio juris et que, aux termes de son article 20, la lex successionis ainsi
désignée (ou déterminée selon la règle générale ex article 21) bénéficie d’une portée
universelle. Partant, pourrait-on dire qu'un système tel celui de l'Arabie Saoudite ou de
l'Iran partagent les mêmes valeurs fondantes notre conception actuelle d’ordre public ?
212. Ces considérations démontrent alors que le paradoxe d'un ordre public exceptionnel
ne serait pas sans justification. A contrario, s'il est vrai que cet instrument est strictement
entendu dans les rapports entre les Etats membres, il est vrai aussi que celui-ci joue le
rôle d'un véritable gardien commun de nos valeurs fondamentales (in primis les droits
humains) dans les rapports avec les pays tiers, en évitant de cette manière une possible
violation des principes essentiels du for par le biais des mécanismes offerts en droit
international privé. Cependant ce n'est pas tout. Cet instrument occuperait en effet non
seulement une place nécessaire dans la protection des droits de l'homme contre les
possibles atteintes provenant par la loi successorale étrangère ; qui plus est, il
maintiendrait également une place indispensable dans la reconnaissance des jugements
étrangers, pour laquelle le contrôle du respect des principes fondamentaux de l’État requis
continue à constituer une prérogative non pas uniquement pour le Règlement de 2012
mais, dans un contexte plus ample, pour l'ensemble du système européen de droit
international privé. Last but not least, restent deux questions au sujet desquelles
l'intervention de l'ordre public, en dépit de sa portée restrictive, ne pourrait pas être
totalement exclue : il s'agit de la réserve héréditaire et des pactes successoraux. Ainsi,
face à ces derniers, cet instrument maintiendrait un rôle indispensable tant dans la mise
en jeu des règles de conflit successorales que sur le plan de la compétence indirecte, tout
en conservant un caractère de mesure stricte et exceptionnelle dans son application.
I. Le paradoxe de la clause d’ordre public : la protection des droits
fondamentaux
213. L’ordre public international, on l'a vu, englobe les principes fondamentaux du for.
Ces derniers sont aujourd’hui principalement systématisés dans les différents instruments
121
de protection des droits de l’homme, élaborés d’abord sous l’égide des Nations Unies (in
primis la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948352) et par la suite par le
Conseil d’Europe et par l’Union européenne, de plus en plus active en matière de
protection et valorisation des droits fondamentaux. Dès lors, la jurisprudence s’appuie de
plus en plus souvent sur les textes internationaux pour justifier ou exclure le recours à
l’exception d’ordre public international : ainsi, dans le célèbre arrêt « Pistre » du 31
janvier 1990353, la Cour de Cassation française a par exemple estimé que la loi brésilienne
prohibant l’adoption plénière d’un enfant brésilien par un étranger ne s’opposait « ni à la
conception française de l’ordre public international, ni aux dispositions de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni à celles
du pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques ». D’une
manière similaire, dans une décision du 17 juillet 2000, le Tribunal de Milan a écarté
l’application d’une loi étrangère ne prévoyant pas la possibilité du changement de sexe
au nom des articles 1er et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme354. Ce
dernier instrument355 en effet, ensemble avec la Charte des droits fondamentaux de
352 En relation à cet intrument, M.Lerebourg-Pigeonnière (La Déclaration universelle des Droits de
l’Homme et le droit international privé français, in Etudes Ripert, Paris, 1950, I, pp. 225 et s.) avait en effet
observé que celui-ci changeait les modes de concevoir l’ordre public sur la base du seul droit du for, en
posant comme ultérieure référence les textes internationaux. Ainsi, dans sa perspective, « la proclamation
de droits inhérents à la personne humaine et d’un ordre juridique fondé sur cette conception, est de nature
à intervenir dans la jurisprudence française qui recourt à l’exception d’ordre public national pour obvier à
un défaut de communauté entre notre conception du droit et celle d’une loi étrangère compétente ». En
général sur l’influence des droits de l’homme dans la conception de l’ordre public international v. H.ROLIN,
Vers un ordre public réellement international, in Hommages à Basdevant, Paris, 1960, pp. 441 et s. ;
B.GOLDMAN, La protection internationale des droits de l’homme et l’ordre public international dans le
fonctionnement de la règle de conflit de lois, in Liber Amicorum Cassin, Paris, 1969, I, pp. 449 et s. ;
D.COHEN, La Convention européenne des droits de l’homme et le droit international privé français, in Rev.
crit. dr. int. priv., 1989, pp. 451 et s. ; P.HAMMJE, La contribution des principes généraux du droit à la
formation du droit international privé, thèse, Paris I, 1994 ; P.COURBE, Le droit international privé et les
difficultés d’insertion de la Convention dans le système français, in Quelle Europe pour les droits de
l’homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 249 et s. ; J.FOYER, Droits internationaux de l’homme et ordre
public international, in Mélanges R.Goy, Publications de l’Université de Rouen, n°251, 1998, pp. 333 et
s. ; Y.LEQUETTE, Le droit international privé et les droits fondamentaux, in Droits et libertés fondamentaux,
Dalloz, 7ème éd., 2001, pp. 101 et s.
353 Cass. civ. 1ère, 31 janvier 1990, in Les grands arrêts de la jurisprudence française, op. cit., n°68.
354 Trib. Milan, 17 juillet 2000, in Riv. dir. int. priv. proc., 2001, pp. 659 et s.
355 La Convention n’a pas encore été ratifiée par l’Union européenne (v. à ce propos l’avis 2/13 du 18
décembre 2014 par lequel la Cour de Justice a jugé négativement le projet d’adhésion de l’Union
européenne à la Convention de 1950). Toutefois, l’article 6, par. 2, dispose que « L'Union adhère à la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales » et ajoute, à
son par. 3, que « Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions
constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes
généraux ». Sur ces dispositions, v. notamment G.ISAAC-M.BLANQUET, Droit général de l’Union
122
l’Union européenne356, constituent les références essentielles en matière de détermination
des principes fondamentaux propres aux États communautaires. S’ajoute en outre
l’influence croissante jouée par les juridictions supranationales, par la Cour européenne
des droits de l’homme et la Cour de Justice de l’Union européenne notamment, dont les
décisions ont un poids désormais incontestable sur les manières d’opérer des juges
internes.
214. Ainsi, l'élaboration de principes communs semblerait limiter ultérieurement la mise
en œuvre de l'ordre public dans les rapports entre les États membres de l'Union, ces
valeurs étant partagées par tous les systèmes juridiques de la région. Dès lors, le risque
de violation étant minime, pourquoi maintenir une clause d'ordre public dans les
instruments de droit international privé européen, en particulier dans le cadre du
Règlement sur les successions ? In abstracto, il est évident qu'une intervention de l'ordre
public dans le cadre d'une succession européenne serait paradoxale compte tenu de
l'application, dans tous les pays membres, des textes supranationaux de protection des
droits fondamentaux précédemment évoqués. Ajoutons de plus que, comme indiqué
supra (n° 210), la simple divergence entre les droits nationaux, tel qu'il est typiquement
le cas en droit des successions, ne suffirait pas à légitimer l'intervention de ce mécanisme,
l'ordre public national ayant été dépassé par sa conception moderne internationale.
215. Cependant la réalité peut parfois être bien différente de la théorie. Ainsi, on a déjà
vu que le Règlement reconnaît au de cujus la possibilité de choisir la lex successionis,
bien que limitée à sa loi nationale (supra, chap. I, n° 138 et s.). De même, on a pu voir
que la loi successorale prévue par le dispositif européen bénéficie d’une portée universelle
et peut donc concerner n’importe quel droit étatique, qu’il soit interne ou externe à
l’Union (supra, chap. I, n° 140). Or, il y aurait-il une garantie que toute loi nationale
européenne, 2012, 10 éd., Sirey, pp. 283 et s. ; R.ADAM-A.TIZZANO, Manuale di diritto dell’Unione
europea, Turin, 2014, pp. 139 et s.
356 Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la Charte, qui initialement était dépourvue de force
obligatoire, est devenue partie intégrante du droit primaire du droit de l’Union européenne. Ainsi, en vertu
de l’art. 6, par. 1, « L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des
droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu'adaptée le 12 décembre 2007 à
Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités ». Sur cet article et en général sur la Charte,
v. ex multis H.WOLFGANG (sous la direction de), La Charte des droits fondamentaux et le développement
constitutionnel de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 248.
123
partage les mêmes valeurs consacrées dans les textes européens ? Et quid en cas
contraire ? Pourrions-nous tolérer la mise en place de normes successorales étrangères
dont les effets seraient en plein contraste avec un droit qualifié de fondamental pour l’être
humain ? C’est ainsi que dans le cadre du Règlement Successions, le recours à l'ordre
public ne serait pas totalement et toujours paradoxal ; à l’opposé, cette « soupape de
sécurité » trouverait dans certains cas une justification incontestable : la protection des
droits fondamentaux humains.
A. Le dépassement du paradoxe : la protection des droits de l’homme
216. Il est aujourd’hui admis que l’ordre public pourrait sans doute intervenir dans un
certain nombre d’hypothèses où l’application de la loi étrangère déterminerait une
violation de principes fondamentaux consacrés dans la Convention européenne des droits
de l’homme. Parmi ceux-ci se trouve en premier lieu le principe d’égalité, pouvant
intervenir en cas de loi étrangère prévoyant une discrimination entre les successibles,
notamment en raison de leur sexe, de leur religion ou encore de leur naissance357. C’est
en ce sens que s’est orientée la Cour européenne des droits de l’homme, dont plusieurs
arrêts ont estimé que des dispositions successorales discriminatoires entre les proches du
de cujus, par exemple en raison de la naissance de certains enfants en dehors du mariage,
seraient contraires aux droits fondamentaux protégés par la Convention358. Il en est de
même pour les discriminations sexuelles entre les époux, encore présentes dans les droits
de tradition islamique qui les justifient en raison d’une absence de participation aux
charges du mariage par la femme. Ainsi, dans la succession entre époux, le mari aura droit
à hériter le double de ce que pourrait recueillir la femme et, similairement, le garçon aura
357 En ce sens M.REVILLARD, Successions internationales, op. cit., p. 749 ; A.BONOMI-P.WAUTELET, Le
droit européen des successions, op. cit., p. 533 ; E.FONGARO, L’anticipation successorale à l’épreuve du
droit des successions, in Clunet, n°2, 2014, p. 511.
358 v. CEDH, 13 juin 1979, n°6833/74, Marckx c. Belgique ; CEDH, 29 octobre 1987, n°8695/79, Inze c.
Autriche ; CEDH, 1er février 2000, n°34406/97, Mazurek c. France ; plus récemment, CEDH, 28 mai 2009,
n°3545/04, Brauer c. Allemagne ; CEDH, 7 février 2013, n°16574/08, Fabris c. France. En sens contraire,
CEDH, 13 juillet 2004, n°69498/01, Pla et Puncernau c. Andorre, où la Cour a estimé que la Convention
ne peut pas empêcher le testateur de prévoir des dispositions discriminatoires, quant aux droits
successoraux, entre ses enfants, car de telles limites seraient contraires à la liberté de tester. En dépit de ces
arrêts isolés, la position de la Cour reste néanmoins en faveur de l’abolition de toute forme de discrimination
entre successibles.
124
le double de ce dont pourrait hériter la fille359. Or, au regard de ces hypothèses, la Cour a
estimé qu’un État puisse évincer une loi étrangère au nom de l’ordre public international
lorsque celle-ci prévoit, sur la base de motifs religieux ou culturels, des privilèges
successoraux en faveur des seuls successibles de sexe masculin360.
217. Ces décisions sont donc la preuve d’un rôle actif et présent de la Cour européenne
des droits de l’homme dans la protection des principes fondamentaux en matière
successorale. Ses positions ne sont toutefois pas limitées au seul plan international, mais
jouent une influence directe sur les jurisprudences nationales. C’est ainsi que par exemple
en France, dans une affaire de discrimination en raison de la religion, la Cour de Cassation
a considéré qu’un legs sous condition de conversion à la religion juive, sanctionné par
une clause d’exhérédation en cas d’inexécution, n’était pas conforme à la Convention
européenne des droits de l’homme361. Selon la Haute juridiction française en effet,
l’application d’une telle règle conduirait, pour la généralité des États européens, à un
résultat inacceptable mettant en cause non seulement le principe d’égalité, mais aussi la
liberté religieuse ainsi que la laïcité de l’État362. Or ces considérations, bien que limitée
en l’espèce à la seule hypothèse des discriminations religieuses, peuvent être étendues
aux autres formes de violations ayant fait l’objet des arrêts de la Cour européenne : c’est
le cas des inégalités fondées sur le sexe, ou encore de celles discriminant l’enfant né hors
mariage ou refusant la reconnaissance des droits successoraux au conjoint ou partenaire
homosexuel.
218. Dès lors, compte tenu de l’exigence de protéger les droits fondamentaux humains,
le recours à l’ordre public devrait pleinement trouver sa justification dans le nouveau
359 En ce sens S.ALDEEB ABU-SAHLIEH, A.BONOMI (sous la direction de), Le droit musulman de la famille
et des successions à l'épreuve des ordres juridiques occidentaux, 1999, Zurich, Schulthess, p. 327 ; en
général sur le sujet, v. aussi A.HUSSAIN, The Islamic Law of Succession, Riyadh, 2005, pp. 24 et s. ;
D.S.POWERS, The Islamic Inheritance System : A Socio-Historical Approach, in C.MALLAT-J.CONNORs
(sous la direction de), Islamic Family Law, Londres, 1993, pp. 11 et s. 360 CEDH, 13 février 2003, Refah Partisi et autres c. Turquie.
361 Cass. civ. 1ère, 21 novembre 2012, n°1330 (pourvois n°10-17.365/10-30.845).
362 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 534 ; également
H.DÖRNER, Art. 25, op. cit., n°728.
125
système des successions internationales instauré par le Règlement n° 650 de 2012. C’est
d’ailleurs en ce sens qu’intervient son considérant 58 qui, dans sa dernière partie, précise
que cette exception ne pourrait pas être invoquée pour écarter l’application d’une loi
conforme à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment à son
article 21 interdisant toute forme de discrimination. Cette disposition confirmerait ainsi
le rôle central que le législateur européen, même dans le cadre du nouveau régime
international des successions, a voulu reconnaître à cet instrument dans la sauvegarde des
droits fondamentaux humains.
220. Pour autant, compte tenu des caractères régissant l’ordre public ainsi que de ses
modalités d’intervention, des questions pourraient parfois se poser quant à la légitimité
de son application.
B. La protection des droits fondamentaux dans le Règlement n°650/2012
221. Avant d’analyser les possibles interventions, dans le Règlement du 4 juillet 2012, de
la clause de l’ordre public justifiées par la protection des droits fondamentaux, quelques
observations liminaires s’imposent. En effet, il serait impossible d’apprécier le rôle joué
par cet instrument dans le nouveau système européen des successions sans d’abord
s’interroger sur la portée de son application.
1. Le contenu de l’article 35 du Règlement
222. D’une manière similaire aux autres règlements européens de droit international
privé363, l’article 35 du texte sur les successions dispose que « l’application d’une
disposition de la loi d’un État désignée [par le présent règlement] ne peut être écarté que
si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for ». Cette
formulation est ainsi fidèle non pas seulement aux principes énoncés dans les conventions
363 v. par exemple l’art. 21 du Règlement Rome I, l’art. 26 du Règlement Rome II, ou encore l’art. 12 du
Règlement Rome III. Cette exception est toutefois applicable non seulement aux conflits des lois mais aussi,
comme on va voir par la suite, en matière de conflits de juridictions (v. infra n°276).
126
internationales en matière de conflits de lois, notamment les conventions de La Haye364,
mais également à la conception « traditionnellement restrictive »365 adoptée par la plupart
des États européens en matière d’ordre public366.
223. Dans cette perspective, l’application d’une loi étrangère, désignée par le Règlement,
ne pourra être évincée que si elle aboutit à un résultat « manifestement incompatible »
avec l’ordre public, ce qui implique que seules « dans des circonstances exceptionnelles »
(en ce sens le considérant 58 du Règlement), la mise en jeu de l’exception d’ordre public
pourra être justifiée. Il en découle alors une conception très limitée de la notion d’ordre
public qui reflète non seulement, comme indiqué, la tendance suivie dans la plupart des
ordres juridiques européens, mais aussi l’approche adoptée, au niveau supranational, par
la Cour de Justice de l’Union européenne. Les juges de Luxembourg en effet, bien qu’en
matière de conflits de juridictions, ont considéré à plusieurs reprises que l’ordre public,
au sein de l’espace judiciaire européen, devrait constituer « une violation manifeste d'une
règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'État requis ou d'un
droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique »367.
224. Une telle approche fortement restrictive, notamment dans les rapports entre les États
membres, ne manque cependant pas de fondement. Ainsi, comme il a été souligné par
certains auteurs, adopter une conception exceptionnelle de l’ordre public serait
indispensable pour garantir le principe européen de l’effet utile368 du Règlement,
364 L’article 18 de la Convention de La Haye de 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort
statue en effet que « L'application d'une des lois désignées par la Convention ne peut être écartée que si
cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public ».
365 E.FONGARO, L’anticipation successorale à l’épreuve du droit des successions, in Clunet, n°2, 2014, p.
510.
366 Par exemple l'Italie (art. 16, Loi de droit international privé), l'Espagne (art. 12, al. 3, Code civil),
l'Allemagne (art. 6, EGBGB), ou encore la Suisse (art. 17, Loi suisse de droit international privé).
367 CJUE, 28 mars 2000, C-7/98, Krombach c. Bamberski, in Rec. 2000, I-1956, point 37 ; dans le même
sens, CJUE, 11 mai 2000, C-38/98, Renault SA c. Maxicar SpA et Orazio Formento, in Rec. 2000, I-3009,
point 30 ; CJUE, 2 avril 2009, C-394/07, Gambazzi c. DaimlerChrysler Canada Inc. et CIBC Mellon Trust
Company, in Rec. 2009, p. I-2563, point 27.
368 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 527 ; le principe de
l’effet utile du droit de l’Union européenne a été mentionné pour la première fois dans la jurisprudence de
la Cour de justice dans l’arrêt Fédéchar de 1956 (CJUE, 29 novembre 1956, C-8/55, Fédération
Charbonnière de Belgique c. Haute Autorité, p. 305), où les juges européens, dans le cadre de la CECA,
ont estimé que les normes d’un traité internationales devraient être interprétée de manière à garantir une
« application raisonnable et utile ». En doctrine, v. ex multis J.L.DA CRUZ VILLAÇA, Le principe de l’effet
127
autrement soumis au risque des continuelles évolutions, parfois « anti-européennes », de
la part des jurisprudences nationales. Il en découle alors que l’exception de l’ordre public
ne puisse intervenir que dans des situations strictement limitées et encadrées, à savoir
celles où l’application d’une loi étrangère provoque une atteinte à un principe
fondamental, et que cette violation soit jugée en vertu d’une conception d’ordre public
international fondée non pas uniquement sur la base des valeurs du for, mais aussi sur la
base de celles dérivant des instruments internationaux en matière de protection des droits
fondamentaux de l’individu (v. supra n° 213).
225. Or, compte tenu que tous les États membres ont ratifié la Convention européenne
des droits de l’homme et que, depuis 2009, ses principes ainsi que les traditions
constitutionnelles communes des États de l'Union européenne « font partie du droit de
l’Union en tant que principes généraux »369, difficilement la clause d’ordre public pourra
être invoquée, pour une violation d’un droit fondamental, lorsque la loi applicable en
vertu du Règlement est celle d’un autre État membre. Cette observation est d’ailleurs
confirmée par la référence à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
prévue au considérant 58 du Règlement, précité. En effet, comme l’on a déjà eu l’occasion
de préciser supra (v. supra n°213), cette disposition prévoit que « les juridictions ou
autres autorités compétentes ne devraient pas pouvoir appliquer l’exception d’ordre
public afin d’écarter la loi d’un autre État membre […] lorsque ce refus serait contraire à
la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne […] ». Or, étant donné que la
Charte fait partie, en vertu de l’article 6, paragraphe 1er, TUE, modifié par le Traité de
Lisbonne, du droit primaire de l’Union européenne, il est fort peu probable que la réserve
d’ordre public puisse être invoquée par un État membre à l’encontre de la loi d’un autre
État de l’Union, au motif de sa contrariété à l’un des principes contenus dans ce texte370.
226. Dès lors, la clause prévue à l’article 35 du Règlement ne semblerait pouvoir
intervenir, en matière de protection de droits fondamentaux, que dans les hypothèses où
utile du droit de l’Union dans la jurisprudence de la Cour, in Cour de Justice de l’Union européenne, La
Cour de Justice et la construction de l’Europe : analyses et perspectives de soixante ans de jurisprudence,
La Haye, 2013, Asser Press, pp. 229-306.
369 En ce sens l’article 6, par. 3, TUE, précité (v. supra n° 216 et les notes indiquées).
370 A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 526-527.
128
la loi désignée comme applicable, soit par l’article 21 en cas d’absence de choix de la loi
successorale, soit par l‘article 22 en cas d’exercice de la professio juris, est celle d’un État
tiers. En effet, comme indiqué au début de cette deuxième partie (supra n° 215 et s.), ce
sont surtout les systèmes inspirés du droit musulman qui viennent en cause à cet égard,
leurs règles prévoyant des formes de discriminations entre les successibles fondées sur le
sexe ou sur la religion. Il semblerait donc que dans ces situations l’autorité d’un État
membre puisse faire toujours appel à la réserve d’ordre public ex article 35 du Règlement,
la loi normalement applicable provoquant des inégalités incompatibles avec nos systèmes
de droit contemporains.
227. Néanmoins, les principaux caractères de l’ordre public pourraient venir nuancer ces
affirmations, en réduisant ainsi ultérieurement, même en matière de protection des droits
fondamentaux, les possibles obstacles à l’application du nouveau droit européen des
successions.
2. Les hypothèses d’intervention de l’ordre public « européen »371
228. La principale raison qui explique la difficulté à définir l'exception d'ordre public tient
à ses caractères. La mise en œuvre de ce correctif impose en effet la prise en compte de
deux facteurs : d'un part sa relativité, d'autre part son actualité.
a) La nécessaire application in concreto de l'ordre public
229. Il est aujourd’hui admis que l’appréciation de l’ordre public doit être faite in
concreto, en tenant compte des circonstances de l’espèce d’une part et de la proximité de
la situation litigieuse à l’ordre juridique du for d’autre part. Ainsi, comme écrivent M.
Battifol et M.Lagarde, pour apprécier les hypothèses d’interventions de l’ordre juridique
371 Sur cette notion, v. notamment F.SUDRE, Existe-t-il un ordre public européen, in P.TAVERNIER (sous
la direction de), Quelle Europe pour les droits de l'homme ? La Cour et la réalisation d'une union plus
étroite, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 39 et s. ; en relation à l'ordre public « communautaire », v.
T.STRUYCKEN, L'ordre public de la communauté européenne, in Vers de nouveaux équilibres entre ordre
juridiques. Mélanges en l'honneur de H.Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008, pp. 617 et s.
129
international « il s’agit d’une question de mesure, non de principe »372. Ce qui constitue
l'objet de l'exception d'ordre public n'est donc pas le droit étranger en tant que tel, mais
les effets que ce droit devrait produire dans l'ordre juridique où son application est en
cause. Le juge du for est dès lors appelé à une appréciation du contenu de la loi étrangère
non pas in abstracto mais sur le plan concret, en tenant de toutes les circonstances de
l'espèce afin de déterminer si l'application de cette loi conduit à une situation
« manifestement incompatible » avec l'ordre juridique du for. C’est ainsi qu’en matière
de dissolution du mariage par exemple, certaines décisions françaises ont admis la validité
d’une répudiation étrangère lorsque celle-ci a été librement acceptée par la femme373;
similairement, de nombreux arrêts ont accordé l’exequatur de décisions étrangère
admettant la paternité naturelle sur le fondement de la déclaration de la mère, dès lors que
le juge, dans le cas concret, avait pu former sa conviction sur la base d’autre indices de
fait374.
230. Le caractère concret de l’ordre public ne se manifeste cependant pas dans les seules
hypothèses que nous venons de mentionner ; en effet, bien que de manière très
exceptionnelle, ce facteur peut également intervenir dans le cas où une loi étrangère, qui
n’est pas abstraitement contraire à l’ordre public du for, se révèle in concreto
372 H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Traité de droit international privé, t. II, 7ème éd., LGDJ, 1983, n°644. Dans
le même sens d'ailleurs, M.Batiffol avait déjà affirmé que « c'est moins la loi étrangère en elle-même,
dans l'abstrait, qui doit heurter l'ordre juridique du for, que le résultat de son application concrète dans le
litige » (Traité de droit international privé, op. cit., p. 584).
373 v. TGI Paris, 5 décembre 1979, in Rev. cr. dr. int. priv., 1981, p. 88, 3ème et 4ème esp. Cette
appréciation in concreto a été reprise par la suite par la Cour de Cassation, qui dans un arrêt du 3 juillet
2001 (in D. 2001, p. 3378, note de M-L.NIBOYET) a affirmé que l’ordre public international français ne
s’opposait pas à la reconnaissance en France à la reconnaissance d’une répudiation unilatérale dès lors que
la femme avait pu bénéficier d’une procédure contradictoire et que le jugement algérien avait garanti des
avantages financés à la femme répudiée. Cette « ouverture » vers les répudiations a néanmoins été remise
en cause en jurisprudence, v. CA Paris, 13 décembre 2001, in Rev. cr. dr. int. priv., 2002, p. 730, note de
L.GANNAGE; plus récemment, Cass. civ. 1ère, 23 octobre 2013, n°12-21344, où les juges de la Haute
juridiction, investi de la reconnaissance d’un divorce sous contrôle judiciaire marocain, ont fait appel à un
examen des résultats concrets de la décision étrangère pour conclure qu’elle « consacrait un déséquilibre
des droits entre les époux su détriment de la femme qui ne peut engager la procédure qu’avec l’accord de
son époux ». Contra, en faveur de la prise en considération de la seule formulation abstraite des règles de
droit étranger, v. CA Turin, 1er décembre 1968 (Clunet, 1976, p. 178, ainsi que les observations critiques
de T.TREVES), statuant que « la compatibilité de la norme avec l’ordre public doit être considérée par
référence au contenu intrinsèque de la norme même, et non aux modalités éventuellement divergentes de
son application concrète ». Le caractère relatif de l’ordre public est cependant aujourd’hui admis par la
majorité de la doctrine italienne, ainsi que par la jurisprudence nationale (v. ex multis Cass. 28 décembre
2006, n°27592).
374 v. Cass. civ. 1ère, 19 décembre 1973, in D., 1974, p. 661, 2ème esp., note de E.MEZGER.
130
incompatible avec son contenu. Il en a était ainsi dans le célèbre affaire « Patiño »375, où
la loi nationale commune des époux boliviens ignorait la séparation de corps et
subordonnait la prononciation du divorce à son admission par la loi du lieu de célébration
du mariage, dans l’espèce l’Espagne. En principe la loi bolivienne n’était donc pas
contraire à l’ordre public français, celle-ci permettant aux époux de rompre l’union
conjugale par le biais du divorce. Il en était de même pour la loi espagnole qui d’une part
prohibait le divorce mais, d’autre part, admettait la séparation de corps entre les époux.
La situation était donc a priori non contestable, les deux lois étant compatible avec les
principes fondamentaux du système français. Or, cette conclusion n’a pas été retenue par
les juges français, pour qui la combinaison des lois précitées aurait abouti à un résultat
inacceptable aux yeux du for : dans la pratique en effet, les époux ne pouvaient ni divorcer
(la loi espagnole, celle du lieu de célébration du mariage, l’interdisant), ni demander la
séparation des corps, celle-ci étant ignorée par leur loi nationale376. C’est pourquoi les
tribunaux français, « par substitution de la loi du for aux droits étrangers normalement
compétents », ont fait application de l’exception d’ordre public pour rejeter la mise en
place de la loi espagnole et prononcer la séparation de corps.
231. Partant, c'est cette même appréciation in concreto qui doit être suivie à l’égard de
l’article 35 du Règlement Successions dans sa mise en œuvre à garantie des droits
fondamentaux.
b) Le caractère concret de l'ordre public successoral européen
232. Prenons d’abord l’hypothèse d’une discrimination fondée sur l’appartenance
religieuse de l’un des successibles, telles que celles excluant tout non-musulman de la
succession d’un de cujus de religion islamique. On a déjà eu l’occasion de voir que dans
une telle situation non seulement la Cour européenne des droits de l’homme mais
également les autorités judiciaires nationales se sont prononcées en faveur de
375 Cass. civ. 1ère, 15 mai 1963, in Rev. Cr. Dr. Int. Priv., 1964, p. 532, note de P.LAGARDE; Clunet,
1963, p. 1016, note de PH.MALAURIE; JPC, 1963, II, 13365, note de H.MOTULSKY.
376 Comme l’indiquent B.ANCEL et Y.LEQUETTE dans les analyses de cet arrêt (Les grande arrêts de la
jurisprudence française, op. cit., n°38), « de fait, on ne pouvait admettre que le mariage devînt « une
prison sans issue ».
131
l’intervention de l’ordre public, compte tenu des multiples valeurs remises en cause par
ces formes d’inégalités377. Dès lors, dans l’exemple d’un de cujus égyptien, musulman,
décédé en Italie où il avait sa dernière résidence habituelle et soumettant l’acquisition des
droits successoraux à la conversion de l’un des successibles à la religion islamique, l’Etat
membre du for va nécessairement invoquer la clause prévue à l’art. 35 du Règlement. Ici,
en effet, il n’y a pas de doutes que cette discrimination soit concrète et actuelle à l’égard
de l’un des avants-droit à la succession, celui-ci étant obligé à se convertir à une certaine
religion afin d’accéder à sa part successorale. De plus, il convient de noter que
contrairement aux positions doctrinales et prétoriennes observées à l’égard d’autres
formes de discrimination (infra n° 215 et s.), dans le cas des limitations ou exclusions
successorales fondées sur la religion, l’ordre public semblerait être encore plus exigeant.
Et pour cause. En effet, dans ces hypothèses il ne s’agit pas uniquement d’une question
d’égalité, mais aussi et surtout de sauvegarder la liberté individuelle de conscience et ainsi
que le principe de laïcité de l’État, considérés comme un « noyau dur » de l’ordre public
ne pouvant jamais être dérogé378. Par conséquence, s'agissant de règles successorales qui
aboutissent à un résultat choquant pour les systèmes de droit européens, il en découle
qu’en dépit de liens particulièrement faibles avec l’État membre considéré, il ne serait pas
possible d’en admettre leur application en l’espèce, ni même au motif de la théorie de la
proximité de la situation litigieuse avec l’État du for379.
233. Ainsi, suivant cette doctrine élaborée en Allemagne380, l’ordre public ne devrait
377 À cet égard, il est intéressant de citer une décision française de 1947 (Trib. Seine, 22 janvier 1947, in
D., 1947, p. 126) qui avait considéré comme illicite et non écrite, en vertu de la Constitution de 1947, une
clause insérée dans le testament d’une française, prévoyant la révocation d’un legs à sa petite-fille dans
l’hypothèse où celle-ci se marierait avec un juif.
378 En ce sens F.BOULANGER, Droit international des successions, op. cit., p. 138.
379 Favorable à cette solution G.KHAIRALLAH, Droit européen des successions internationales, op. cit., p.
57, pour qui « une loi successorale étrangère qui introduit une discrimination fondée sur le sexe ou sur la
religion ne serait pas écartée si tous les héritiers sont de nationalité étrangère et résident à l’étranger, alors
qu’elle le serait si les héritiers sont de nationalité française ou résident en France ».
380 v. not. F.Kahn, Die Lehre vom ordre public (Prohibitivgesetze), in Jherings Jahrbürcher für die
Dogmatik des heutigen römischen und deutschen Privatrechts, t. 39, 1898, pp. 1-112 ; sur l’analyse de ce
concept v. aussi pour la France P.LAGARDE, Le principe de proximité dans le droit international privé
contemporain. Cours général de droit international privé, in Recueil des cours, t. 196, 1986, pp. 1-237 ;
H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Traité de droit international privé, op. cit., p. 576 ; D.BUREAU-H.MUIR WATT,
Droit international privé, op. cit., n°462. Pour illustrer cette théorie, H.BATIFFOL-P.LAGARDE citent
l’exemple de l’interdiction des fideicommis prévue par l’art. 896 du Code Napoléon, demeuré en vigueur
en Alsace-Lorraine à l’époque sous la domination allemande. Le fideicommis ne pouvait donc être validé
par le juge alsacien sans comporter l’intervention de l’ordre public que si ce rapport juridique présentait,
132
intervenir que si la situation en cause, régie par un droit étranger contraire aux conceptions
fondamentales du for, présente un lien particulièrement étroit avec ce dernier ; a
contrario, dans l’absence d’un rattachement entre la même situation litigieuse et le for,
cette exception devrait s’effacer. Or, s’il est vrai que cette doctrine a trouvé quelques
applications dans le droit comparé381, il est permis d’affirmer que dans le cadre du
Règlement, compte tenu de la place centrale accordée par le droit européen à la
sauvegarde des droits humains et sur la base des considérations précédemment
développées, sa mise en jeu serait difficilement envisageable si le résultat obtenu était
totalement incompatible avec les principes fondamentaux du for. En effet, comment
concilier une telle théorie avec la nécessité de garantir l’égalité entre les successibles et
l’interdiction de toute forme de discrimination entre les ayants-droit à la succession ?
C'est pourquoi, il est préférable de conclure qu’en cas de dispositions successorales
provoquant des inégalités religieuses, les autorités nationales, indépendamment de la
proximité ou de l’intensité des liens avec l’État membre du for, peuvent légitimement
invoquer la clause d’ordre public prévue à l’article 35, précité382, au nom de la protection
des droits fondamentaux du for.
234. Il en est de même pour les discriminations fondées sur le sexe de l’un des
successibles, bien qu’à cet égard la position d’une partie de la doctrine, ainsi que de la
jurisprudence de certains États membres, aient parfois adopté des solutions différentes
(infra n°235). Dans cette hypothèse en effet, l’application d’une loi étrangère excluant,
par exemple, la fille de l’hérédité, ou bien reconnaissant à l’épouse une part successorale
inférieure à celle du mari en raison de son sexe, serait contraire à l’ordre public des États
parmi ses éléments, un immeuble sis en Alsace-Lorraine (Traité de droit international privé, op. cit., p.
576, note 359.2).
381 C’est le cas, par exemple, de la Suisse, où l’art. 61, par. 3, de la loi suisse de droit international privé de
1987 dispose que « Lorsque le droit national étranger commun ne permet pas la dissolution du mariage ou
la soumet à des conditions extraordinairement sévères, le droit suisse est applicable si l’un des époux est
également suisse ou si l’un d’eux réside depuis deux ans en Suisse ». Une telle pratique n’a en revanche
pas été suivie en France où toutefois, bien que la Cour de Cassation n’ait jamais posé, comme règle générale,
l’intervention de l’exception d’ordre public au motif du rapprochement entre la situation litigieuse et le for,
certains arrêts ont en fait recours pour s’opposer l’application de lois étrangères compétentes. Cette
tendance est bien illustrée par l’affaire « Itturalde de Pedro » (Cass. civ. 1ère, 1er avril 1981, in Clunet, 1981,
p. 812, note de D.ALEXANDRE) de 1981, où la Haute juridiction, en matière de divorce, a estimé que la loi
espagnole prohibant le divorce «est contraire à la conception française de l’ordre public international qui
impose la faculté, pour un Français, domicilié en France, de demander le divorce».
382 A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 534.
133
membres du Règlement, s’agissant d’une violation du principe d’égalité entre hommes et
femmes. Certes l’on pourrait soutenir que, si on tient compte des circonstances concrètes
de l’espèce, il y a bien des hypothèses où cette discrimination ne se produit que de manière
théorique. Ainsi, lorsque l’épouse survit au mari, ou lorsque les enfants du de cujus ne
sont que des filles, aucune inégalité inacceptable se produit en l’espèce. Toutefois, comme
l’ont souligné certains auteurs, dans ces cas la concrétisation de l’ordre public ne saurait
justifier l’application de telles règles, l’héritière féminine restant en toute état de cause
discriminée par rapport aux héritiers masculins, indépendamment de leur présence ou
non383. En outre, compte tenu que le Règlement, bien qu’indirectement, impose le respect,
par les autorités nationales, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
et en particulier de son article 21 qui interdit toute forme de discrimination (considérant
58), cette dernière solution semblerait davantage préférable. Ajoutons enfin qu’une telle
approche serait majoritairement conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme, laquelle a généralement exclu la conformité de ces typologies de
dispositions aux principes énoncés par la Convention de 1950 (supra n° 216).
235. Pourtant, cette conclusion ne semble pas être unanimement partagée ni en doctrine,
ni dans les milieux prétoriens. En effet, selon certaines jurisprudences européennes, in
primis celle française et dans une certaine mesure aussi celle allemande, le caractère
concret de l’ordre public, en particulier sous la forme de la théorie de la proximité (supra
nº 233), devrait conduire à une position moins exigeante des autorités nationales
confrontées à l’application d’une loi successorale étrangère. Ainsi, avant l’entrée en
vigueur du Règlement Successions, la Cour de Cassation française a estimé que la loi
algérienne méconnaissant le principe d’égalité entre enfant légitime et enfant naturel n’est
pas contraire à l’ordre public français, dès lors que « l’enfant n’a pas la nationalité
française et ne réside pas en France »384. De la même manière en Allemagne, le
Landgericht de Hambourg a accepté l’application de la règle iranienne discriminant les
filles par rapport aux fils du défunt (les premières n’ayant droit qu’à la moitié de la part
successorale attribuée aux héritiers de sexe masculins), au motif que la famille a maintenu
383 IBIDEM, p. 535; du même avis A.DAVÌ-A.ZANOBETTI, Il nuovo diritto internazionale privato delle
successioni, op. Cit., p. 106.
384 Cass. civ. 1ère, 10 mai 2006, in JPC, 2006, II, 10164, note de T.AZZI. Notons, toutefois, que ce même
jour la Haute juridiction, en statuant sur une répudiation intervenue au Maroc, a considéré cette forme de
dissolution du mariage contraire à l’ordre public, bien que les époux fussent franco-marocains.
134
des liens étroits et stables avec l’Iran et la religion musulmane385.
236. Or, bien que de telles solutions soient certes cohérentes avec la position
généralement adoptée dans les arrêts plus récents relatifs à d’autres formes de
discrimination (notamment dans le cadre des répudiations, sur lesquelles v. supra n°185),
il serait préférable, compte tenu de l’objectif d’uniformité recherché par le Règlement,
d’adopter une solution commune et homogène aux États membres, fondée sur les lignes
directives tracées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Cela
n’implique certes pas d’ignorer le caractère concret et actuel de l’ordre public, mais
simplement de l’interpréter de manière plus sévère et « conventionnellement » orientée
dans le cadre d’une règle successorale étrangère comportant la mise en jeu de droits
fondamentaux.
237. Similairement, en matière de discrimination de certains descendants du de cujus en
raison de leur naissance en dehors du mariage ou dans d’autres circonstances particulières
liées au mariage (par exemple l’enfant adultérin), la clause prévue à l’article 35 du
Règlement pourrait intervenir. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet
estimé à plusieurs reprises inacceptable une telle discrimination (voir supra n°216), ce
qui a d’ailleurs conduit certains États européens, aujourd’hui membres au Règlement, à
conformer le propre système législatif autrement jugé discriminatoire386. Dès lors, si la
discrimination est concrète, l’ordre public va sans doute intervenir alors même que la
situation ne présente pas de liens particuliers avec le for ; quant à l’hypothèse inverse en
revanche, à savoir celle où la discrimination ne se produit que sur le plan théorique,
l’article 35 devrait pouvoir également s’appliquer, compte tenu des inégalités que de telles
règles comportent entre les descendants du défunt. Certes, ici encore l’on pourrait faire
entrer en jeu le principe de proximité en retenant que si la discrimination n’est qu’abstraite
385 Landgericht Hambourg, 12 février 1991, in IPRechtssprechung, 1991, pp. 264 et s.
386 C’est le cas par exemple de l’Italie qui, par le Décret législatif n°154 du 13 décembre 2013 (adopté en
vertu de l’art. 2 de la Loi n°219 du 10 décembre 2012) a modifié les dispositions du Code civil en matière
de filiation, afin de garantir l’égalité entre fils naturels et fils légitimes. Ces modifications ont d’ailleurs
influencé directement les dispositions contenues dans la loi italienne de droit international privé, à leur tour
réformée afin de tenir compte du nouveau status unique reconnu au fils (v. artt. 33, 34 et 35, loi 218/1995).
Sur cette réforme, v. I.PRETELLI, Le nouveau droit international privé italien de la filiation, in Rev. crit. dr.
int. priv., 2014, pp. 559 et s. ; A.FIGONE, La riforma della filiazione e della responsabilità genitoriale,
Turin, Giappichelli, 2014 ; M.BIANCA, Filiazione, commento al decreto attuativo, Giuffré, 2014.
135
alors des liens suffisamment étroits avec l’État membre du for devraient être requis387.
Néanmoins, compte tenu du fait que dans cette hypothèse aussi il s’agit de garantir le
principe fondamental d’égalité, en l’espèce entre les enfants appelés à la succession, il
serait préférable d’adopter une approche uniforme dans l’application de l’ordre public, en
privilégiant la sauvegarde des droits fondamentaux des successibles, sur la base des
indications fournies par la Cour de Strasbourg.
238. Pareilles conclusions pourraient enfin s’appliquer à une ultérieure hypothèse de
discrimination, celle concernant les droits successoraux reconnus au conjoint homosexuel
ou au partenaire homosexuel ou hétérosexuel, faisant d’ailleurs l’objet, depuis des années
désormais, de vifs débats au sein des ordres juridiques des États membres. Ainsi, dans le
cadre du Règlement, une loi successorale étrangère refusant tout droit successoral ou
prévoyant des droits successoraux inégaux au partenaire ou conjoint homosexuel, devrait
provoquer une violation de l’ordre public, notamment dans ces États membres ayant
prévu le mariage entre personnes de même sexe ou des formes de partenariat388. En effet,
de telles dispositions conduiraient à une véritable discrimination successorale fondée sur
l’appartenance sexuelle qui est inacceptables pour l’espace juridique européen prônant la
protection des droits fondamentaux de l’homme. Dès lors, même dans les États n’ayant
pas prévu ces formes d’union ou de cohabitation, il est possible de conclure que, en
application du Règlement, non seulement une règle étrangère niant les droits
successoraux au conjoint homosexuel (ou partenaire) justifierait l’application de l’article
35, mais aussi que dans l’hypothèse inverse, c’est-à-dire celle d’un conjoint homosexuel
(ou partenaire), marié à l’étranger et voulant faire valoir ses droits successoraux dans un
État membre, la clause d’ordre public, contrairement à la tendance suivie par certains
387 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 537.
388 En ce sens E.FONGARO, L’anticipation successorale à l’épreuve du Règlement Successions, op. cit., p.
512 ; A.DAVI-A.ZANOBETTI, Il nuovo diritto internazionale privato delle successioni, op. cit., p. 107;
A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 538.
136
ordres juridiques dans le passé389, ne devrait en principe pas s’appliquer390.
239. Ainsi, les hypothèses jusqu’ici analysées montrent bien que même dans un domaine
comme celui des droits fondamentaux, où la position des jurisprudences nationales vis-à-
vis des discriminations successorales est généralement parvenue au fil du temps à
s’homogénéiser, le Règlement pourrait permettre une évolution ultérieure. En effet,
l’importance aujourd’hui reconnue à la protection des droits de l’homme, dans leurs
multiples énonciations, est désormais indiscutable et l’emprise de plus en plus croissante
exercée par la Cour européenne sur les ordres juridiques nationaux, ainsi que la place
centrale accordée par l’Union européenne à la sauvegarde et à la promotion des principes
fondamentaux, ne font que le confirmer. C’est ainsi que dans un contexte de plus en plus
intégré, les Etats membres ne devraient pas agir en tant qu’Etats unitaires, mais en tant
389 Il est intéressant de noter que dans État comme l’Italie, ou une règlementation sur les partenariats entre
homosexuels ainsi que sur le concubinage a finalement vu le jour (Loi du 20 mai 2016, n. 76), la Cour
Constitutionnelle, dans un arrêt de 2010, a affirmé que sur la base de l’art. 2 de la Constitution il serait
légitime de reconnaître à un couple homosexuel le droit fondamental de vivre en toute liberté leur union,
en se voyant attribuer les mêmes droits et devoirs prévus pour dans le cadre d’un mariage traditionnel
(Corte Cost., 14-15 avril 2010, n. 138, in GU, 21 avril 2010, n°16, série 1ère spéc.). Dans la même direction,
la Cour de Cassation italienne, dans un arrêt de 2012, refusant la transcription en Italie d’un mariage célébré
à l’étranger entre personnes de même sexe, a d’abord statué qu’une telle décision implique l’impossibilité,
pour cette union, de produire ses effets juridiques dans l’État italien ; néanmoins, elle a précisé que puisque
le droit à la vie familiale et à la vie de couple constitue un droit fondamental de tout individu, les membres
d’une union homosexuelle peuvent légitimement recourir aux voies juridictionnelles pour faire valoir, dans
certaines situations, le droit à un traitement « homogène » à celui garanti par la loi à un couple marié (Cass.
civ., 15 mars 2012, n. 4184, in Riv. dir. int. priv. proc., 2012, p. 747). Sur la question de l’adoption, par le
conjoint homosexuel, de l’enfant biologique de l’autre, s’est enfin récemment prononcée la Suprême
Juridiction italienne (Cass. civ., 30 septembre 2016, supra cité note 10) qui a considéré non contraire à
l’ordre public international l’acte de naissance d’un enfant né de la volonté d’un couple de femmes mariées
en Espagne.
390 Cette idée avait été reprise par l’article 18, paragraphe 2, de la proposition de Règlement sur les effets
patrimoniaux des partenariats enregistrés du 16 mars 2011 (COM (2011) 126), en vertu duquel
« l’application d’une disposition de la loi désignée par le présent règlement ne peut pas être considérée
comme contraire à l’ordre public du for au seul motif que la loi du for ne connaît pas l’institution du
partenariat enregistré ». Cependant, au terme de plusieurs années de négociations, le Conseil a conclu en
décembre 2015 qu’aucun consensus n'avait pu être dégagé pour l’adoption des propositions dans un délai
raisonnable. Néanmoins, 18 États membres (la Suède, la Belgique, la Grèce, la Croatie, la Slovénie,
l’Espagne, la France, le Portugal, l’Italie, Malte, le Luxembourg, l’Allemagne, la République tchèque, les
Pays-Bas, l’Autriche, la Bulgarie, la Finlande et Chypre) ont exprimé la volonté d’instaurer entre eux une
coopération renforcée dans le domaine des régimes de propriété des couples internationaux, ce qui a
conduit la Commission a adopté le 2 mars 2016 trois propositions, dont une proposition de règlement du
Conseil sur les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (2016/0060 CNS). Son texte définitif se
trouve aujourd’hui reproduit dans le Règlement n° 1104 du 24 juin 2016 (sur lequel v. infra, chap. III, n°
446 et s.), dont l’article 31 dispose que « L'application d'une disposition de la loi d'un État désignée par le
présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre
public du for ».
137
que membres à un espace commun, l’espace intra-européen, fondé sur des principes et
valeurs partagés. Dès lors, suivant cette perspective, la clause de l’ordre public ferait
l’objet non pas de vingt-quatre, mais d’une seule et uniforme interprétation, prônant son
application exceptionnelle, directe à la sauvegarde des droits fondamentaux humains et
visant essentiellement les relations avec les lois extra-européennes. La clause de l’article
35 dépasserait ainsi le paradoxe : l’ordre public peut et doit intervenir, mais uniquement
dans les hypothèses d’atteinte, par une loi étrangère généralement extra-communautaire,
à un droit fondamental de l’individu.
240. L'éviction de la loi étrangère n'est toutefois la seule forme d'intervention de la clause
de l’ordre public. En effet, les atteintes aux principes fondamentaux du for pourraient être
le fruit d'une décision étrangère dont le contenu est susceptible d'engendrer des
perturbations dans l'ordre juridique de l’État requis. À cet égard, il appartient en principe
au juge du for, en tant que premier à entrer en contact avec une décision étrangère, de
déterminer si sa reconnaissance est en mesure de heurter ou pas l'ordre public du for. Pour
cela, il fera donc référence aux principes fondamentaux qui sont propres du système
juridique d'appartenance, en excluant l'intégration du jugement étranger lorsque ses effets
sont contraires aux valeurs fondantes le droit interne391. Or, la formation d'un droit
international privé européen de plus en plus développé impose un tempérament à cette
règle, le juge étant désormais, compte tenu de l’existence de principes fondamentaux
communs aux systèmes juridiques des pays membres de l’Union, appelé à une application
exceptionnelle de la notion d’ordre public.
241. Cette évolution, que dans une certaine mesure l'on a pu déjà constaté en matière de
conflits de lois dans le cadre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme (supra n°215 et s.), a été particulièrement évidente dans le domaine de la
compétence indirecte, où non seulement la Cour de Strasbourg, mais aussi la Cour de
Justice de l'Union européenne, se sont prononcées à plusieurs reprises pour justifier
l’application d’une telle clause en matière de protection des droits humains.
L’intervention de l’ordre public en veste de gardien commun des valeurs fondamentales
391 C'est en ce sens que M.C.NAJM (Principes directeurs de droit international privé et conflits de
civilisations, Paris, Dalloz, 2005, pp. 98 et s.) considère l'ordre public comme un vecteur du « principe de
cohésion de l'ordre interne », fonctionnel au maintien de l'autorité e de l'uniformité des valeurs morales et
sociales au sein de la communauté qui compose l'ordre juridique interne.
138
ne serait dès lors pas une simple affaire de conflits de lois, mais intéresserait également
le champ de la reconnaissance et de l’exécution des décisions.
II. L’intervention nécessaire de l’ordre public successoral dans la
compétence indirecte
242. Selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union européenne, c'est
à celle-ci qu'incombe le rôle « de contrôler les limites dans le cadre desquelles le juge
d'un État contractant peut avoir recours » à l'exception de l'ordre public392. En effet,
poursuivent les juges de Luxembourg, l'étendue de ce mécanisme «ne saurait être
déterminée unilatéralement par chacun des États membres sans contrôle des institutions
de la Communauté européenne ». Ainsi, comme l'a souligné Jürgen Basedow, « la réserve
de l'ordre public, qui s'inspire traditionnellement des valeurs et principes de l'ordre
juridique national du for, se nourrit de plus en plus d'une autre source, celle du droit
communautaire et européen »393. Cette approche justifie dès lors le développement d’une
conception restrictive de la clause de l'ordre public, ne pouvant jouer que dans des
circonstances exceptionnelles où sont remises en cause les valeurs fondamentales de la
« société démocratique européenne »394 et qu'il existe une menace réelle, actuelle et
suffisamment grave à leur égard395.
243. Or, si une telle voie interprétative rencontre de plus grandes difficultés sur le terrain
des conflits des lois, le scénario est bien différent dans le domaine de la compétence
juridictionnelle indirecte. C’est en effet dans cette matière que le projet d’intégration
européenne a connu le plus grand succès, in primis par le biais du principe de la
392 En ce sens, v. les arrêts Krombach c. Bamberski (point 23) et Renault SA c. Maxicar SpA et Orazio
Formento (point 27) supra cités (note 110). v. aussi, le même principe est exprimé dans CJUE, 14 octobre
2004, C-36/02, Omega Spielhallen-und Automatenaufstellungs-GmbH c. Oberbürgermeisterin der
Bundesstadt Bonn, in Rec. 2004, p. I-9609, point 30.
393 Recherches sur la formation de l'ordre public européen dans la jurisprudence, in Le droit international
privé : esprits et méthodes. Mélanges en l'honneur de P.Lagarde, op. cit., p. 55.
394 En ce sens F.SUDRE, Existe-t-il un ordre public européen, op. cit., p. 79.
395 Principe récemment réaffirmé par la CJUE, 10 juillet 2008, C-33/07, Ministerul Administraţiei şi
Internelor Direcţia Generală de Paşapoarte Bucureşti c. Gheorghe Jipa, in Rec. 2008, p. 5157, point 23.
139
reconnaissance mutuelle représentant l'un des fondements de la coopération judiciaire au
sein de l'Union. C’est donc sur ce dernier que la conception du nouvel ordre public
successoral doit se baser.
A. L’ordre public successoral dans la compétence indirecte européenne
244. Dès ses premières décisions, la Cour de Justice a souligné le caractère exceptionnel
de l'application de l'ordre public à l'intérieur de l'espace européen. Cette approche a été
par la suite confirmé d'abord dans le Règlement n° 44/2001 (refondu dans le Règlement
n° 1215/2012) et, dans un deuxième temps, par les autres instruments venus enrichir le
droit international privé de l'Union, Ainsi, suivant une formulation désormais devenue
classique dans ce domaine, la reconnaissance d'une décision étrangère ne peut être exclue
que si la violation de l'ordre public est « manifeste »396.
245. C’est ainsi que cette option a été reprise dans l'article 35, paragraphe 1er, Règlement
n°650/2012, supra analysé (n°221 et s.), de même qu'à son article 40, paragraphe 1er,
point a), aux termes duquel « Une décision rendue n'est pas reconnue si la reconnaissance
est manifestement contraire à l'ordre public de l’État membre dans lequel la
reconnaissance est demandée ». Or, l'interprétation de ces deux dispositions devant être
considérée identique, il est donc possible d'estimer que la clause contenue à l'article 40
doit être conçue comme une règle exceptionnelle qui n'est appelée à intervenir qu'en
présence d'une violation manifeste et inacceptable pour l'ordre juridique du for397. Ainsi,
comme il a déjà été souligné relativement à l'article 35, l'influence du droit européen par
le biais non seulement de la jurisprudence de la Cour européenne et de la Convention de
1950 mais aussi de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, a progressivement
réduit les différences entre les États membres, en favorisant le rapprochement et le
développement de valeurs et principes communs aux pays de l’Union.
396 v. article 34, point 1, du Règlement n°44/2001, aujourd'hui remplacé par l'article 45, par. 1, lett. a) du
Règlement 1215/2012 ; article 22, lett. a), du Règlement n°2201/2003 sur la coopération judiciaire en
matière familiale ; v. aussi article 21, Règlement n°593/2008 sur la loi applicable aux obligations
contractuelles, article 26, Règlement n°864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles et
article 12, Règlement n°1259/2010 sur la loi applicable au divorce et à la séparation de corps.
397 En ce sens I.PETRELLI, in Le droit européen des successions, op. cit., p. 587.
140
246. Dans cette perspective alors l'adverbe « manifestement » ne peut être entendu que
de manière restrictive, en impliquant l'intervention de la clause de l'ordre public
uniquement dans l'hypothèse où la reconnaissance de la décision étrangère conduise, à
première vue, à un résultat véritablement choquant pour l'ordre juridique du for398. C’est
d’ailleurs en tel sens que semblerait nous conduire l'article 41 du Règlement, en statuant
l'interdiction absolue de toute révision au fond de la décision étrangère. Le résultat paraît
donc évident : puisque le juge de l’État membre du for n’est pas autorisé à statuer sur le
fond, il peut dès lors faire jouer l'ordre public sans besoin de procéder à un examen
approfondi de la situation litigieuse, ce qui confirme ainsi la nécessité que la violation
commise soit d'une particulière gravité. Notons de plus que, compte tenu de la portée
universelle des valeurs caractérisant l'espace juridique européen, l'atteinte provoquée par
la décision provenant d'un autre État membre ne devrait pas constituer une violation
inacceptable aux seuls yeux de l'ordre juridique du for mais, plus globalement, pour toute
société démocratique moderne occidentale399 (tel le cas, par exemple, de la violation d'un
droit fondamental humain sauvegardé par la Convention européenne des droits de
l'homme ou par la Charte des droits fondamentaux). C’est d’ailleurs en ce sens que s'est
prononcée la Cour de Strasbourg, pour qui le principe de la reconnaissance mutuelle des
décisions doit céder le pas à l'exigence primordiale de respecter les droits humains, parmi
lesquels y rentrent non seulement ceux indiqués par la Convention de 1950, mais aussi
ceux qui sont protégés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne400.
247. C’est ainsi que se pose le problème de déterminer quelles sont les hypothèses, si
existantes, pouvant mettre en jeu la clause de l’ordre public dictée par l'article 40 du
Règlement Successions. Sur ce sujet, néanmoins, une distinction est obligatoire. En effet,
dans le domaine de la reconnaissance des décisions l’ordre public peut intervenir à un
double niveau : d'une part dans l'objet de la décision ; d'autre part dans le procès ayant
abouti à son adoption.
398 IDEM
399 En ce sens CJUE, 14 mars 2000, C-54/99, Église de scientologie, in Rec. 2000, p. I-1335, point 17.
400 CEDH, Pellegrini, 20 juillet 2001, in Rev. Crit. dr. Int. Priv., 2004, p. 106, note de L.L.CHRISTIANS.
141
B. Le contrôle de la procédure : l'ordre public procédural
248. Le principe de mutuelle reconnaissance des décisions ne signifie pas que ces
dernières sont exemptes de tout contrôle par le juge de l’État requis. Ainsi, outre leur
objet, le procès ayant abouti à leur prononcé pourrait déterminer l'intervention de l'ordre
public dans d’autres hypothèses, à savoir toutes les fois que certains droits procéduraux
n'ont pas été respectés. Tel est le cas du droit au procès équitable et du droit d'être entendu.
249. En effet, ces derniers constituent deux principes fondamentaux pour la société
démocratique européenne qui les consacrent d’abord à l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme et à l'article 47, paragraphe 2, de la Charte des droits
fondamentaux de l'Union ainsi que dans les traditions constitutionnelles communes des
États membres. S'ajoute en outre une jurisprudence particulièrement riche de la Cour de
Justice401 laquelle, étant généralement suivie par les juridictions nationales, a ainsi
favorisé le développement d’une véritable interprétation commune de l'ordre public
procédural.
250. Il en résulte dès lors que, même dans le cadre du Règlement du 4 juillet 2012, le juge
de l’État membre requis devra toujours pouvoir contrôler que la décision du juge ad quem
ai été prononcée à l'issue d'un procès « juste »402 au sens européen du terme : ainsi, il est
désormais admis que l'on ne pourrait pas admettre la reconnaissance d'une décision ayant
porté atteinte aux droits de la défense de l'une des parties ou leur ayant nié le droit d'accès
à la justice403. En ce sens, l'ordre public pourrait donc être invoqué, par exemple, à
l'encontre d'une décision étrangère obtenue à l'issu d'un procès où le défendeur n'a pas eu
la possibilité de participer, ou encore d'une décision prononcée aux termes d'une procès
imposant le paiement d'une caution tellement élevée qu'elle a fini par décourager la
poursuite de la procédure404. A contrario, la présence d'une motivation succincte dans la
401 v. notamment les arrêts précité Krombach du 11 mai 2000 et Gambazzi du 2 avril 2009 (note 110).
402 CJUE, arrêt Gambazzi précité (note 110), points 27-28.
403 En ce sens H.GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des jugements en Europe, op. cit., p.
425.
404 Cass. Civ. 1ère, 16 mars 1999, in Rev. crit. dr. int. priv., 2000, p. 223, note de G.A.L.DROZ ; Clunet,
1999, p. 774, note de A.HUET ; Rev. gén, dr. proc., 1999, p. 747, note de H.MUIR WATT.
142
décision ne semblerait pas comporter l'intervention de l’exception d'ordre public, pourvu
néanmoins que celle-ci puisse être intégrée au jugement à reconnaître ou du moins que le
juge de l’État requis puisse l'extraire du dossier405.
251. La même question pourrait également se poser en matière de compétence du juge
ayant prononcé la décision demandée. En effet, pourrait-on invoquer l'ordre public au
motif de l'incompétence du juge d'origine qui, par exemple, s'est fondé sur un chef de
compétence différent de ceux indiqués aux articles 4 à 11 du Règlement Successions ?
Or, pour ce genre de situations, le Règlement Bruxelles I bis est très clair : ainsi, suivant
son article 45, paragraphe 3, « le critère de l'ordre public […] ne peut pas être appliqué
aux règles de compétence ». Ce même principe n’est d'ailleurs pas nouveau, une règle
similaire se trouvant déjà dans le Règlement Bruxelles I de 2001 (art. 35, par. 3) ainsi que
dans la Convention de Bruxelles de 1968 (art. 28, par. 3). Force est donc de conclure que
bien qu'une norme similaire ne soit pas dictée dans le Règlement n° 650/2012, la même
solution devrait également pouvoir être admise dans le cadre du nouveau droit successoral
européen sur le modèle des autres instruments adoptés au sein de l'Union. Par conséquent,
bien que le juge d'origine se soit prononcé tout en étant incompétent, le juge de l’État
membre requis ne pourra pas interdire à la décision étrangère de produire ses effets dans
son territoire au nom de l'ordre public procédural406.
252. Le contrôle de la procédure ayant été effectué, reste alors à vérifier que la solution
faisant l'objet de la décision étrangère ne soit pas contraire à l'ordre public du for.
C. Le contrôle de l'objet de la décision : l'ordre public au fond
253. Les hypothèses d'intervention de l'ordre public au fond sont similaires aux situations
envisageables en matière de conflits de lois. Viennent donc en premier lieu les cas
d'atteinte aux droits fondamentaux de l'individu, in primis le principe de non-
discrimination (supra n°216 et s.).
405 En ce sens I.PETRELLI, in Le droit européen des successions, op. cit., p. 596.
406 IBIDEM, p. 597.
143
a) La sauvegarde des droits fondamentaux humains
254. Le considérant 58 du Règlement, supra cité (n° 218), précise que les juridictions ou
autres autorités compétentes ne devraient pas invoquer l'exception de l'ordre public en
vue de « […] refuser de reconnaître - ou, le cas échéant - d'exécuter une décision rendue,
un acte authentique ou une transaction judiciaire d'un autre État membre, lorsque ce refus
serait contraire à la Charte de droits fondamentaux de l'Union européenne, en particulier
à son article 21 qui interdit toute forme de discrimination ». Ainsi, à l'instar des
considérations développées relativement à l'article 35 (supra n°219 et s.), il en découle
qu'une éventuelle violation d'un droit fondamental de l'individu pourrait sans doute être
sanctionnée par le biais de la clause de l'ordre public ex article 40 du Règlement. En effet,
une telle atteinte serait inacceptable non seulement en considération des valeurs prônées
par le droit européen et consacrées dans la Charte précitée ainsi que dans la Convention
de 1950 (dont ses principes, l'on rappellera, sont devenus partie intégrante du droit de
l'Union depuis le Traité de Lisbonne), mais aussi pour les droits constitutionnels des États
membres eux-mêmes. Dans lesdites hypothèses l’intervention de la clause d’ordre public
est dès lors nécessaire.
a) L’intervention nécessaire de l’ordre public : le cas des discriminations successorales
255. Supposons une décision rendue en application de normes substantielles à caractère
discriminatoire pour des raisons sexuelles, raciales, religieuses ou encore pour des motifs
de filiation ; or, il est manifeste qu’un tel jugement ne devrait pas pouvoir être reconnu
dans l’État membre du for car inacceptable au nom des principes fondamentaux non
seulement de l'ordre juridique interne mais aussi pour toute communauté de droit en
général407. C’est ainsi que, à titre d'exemple, l'ordre public pourrait intervenir face à une
décision étrangère excluant la capacité successorale d'un héritier car apostat, ou disposant
des parts successorales différentes entre les héritiers masculins et féminins en fonction de
407 E.PATAUT, L'exception de l'ordre public et la proposition de règlement relatif à la compétence, la loi
applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et des actes authentiques en matière de
succession et à la création d'un certificat successoral européen, in Rapport pour la Commission des affaires
juridiques du Parlement européen, décembre 2010, p. 15.
144
leur sexe408, ou encore consacrant une inégalité entre enfants naturels ou adultérins et
enfants légitimes. Et pour cause. Si effectivement pour l’État requis la reconnaissance
d'une décision étrangère comporte, selon la formule employée par M. Gothot et M.
Holleaux « d'insérer dans son ordre juridique la norme dont la décision est en quelque
sorte porteuse »409, accepter ses effets conduirait à une véritable incohérence équivalant
à remettre en cause les valeurs et les principes constituant le fondement de tout État
démocratique contemporain.
256. A contrario, une position différente pourrait être suivie en matière de mariage
polygamique et de mariage entre personnes de même sexe.
b) L’effet atténué de l’ordre public : les mariages polygamiques et homosexuels
257. En matière de reconnaissance des effets (y compris successoraux) découlant d’un
mariage polygamique, la théorie de l'effet atténué410 de l'ordre public a permis à une partie
des jurisprudences nationales d'adopter une approche plus libérale dans ce domaine.
258. En effet, en partant de l’idée que la loi étrangère doit être appréciée non pas in
abstracto mais dans son application concrète, les tribunaux français411 ont développé la
thèse selon laquelle les exigences d’intervention de la clause d’ordre public seraient
moindres lorsqu’il s’agit de donner effet dans l’État du for à une situation créée à
l’étranger que lorsqu’il s’agit de la naissance d’un tel rapport de droit dans cet État (on
408 Bien que l'étude du Deutsches Notarinstitut (p. 58) ai souligné qu'une décision comportant une
discrimination en fonction du sexe pourrait être acceptée dans certains États membres comme la France qui
ont incorporé dans leur droit interne, vis-à-vis d'une partie de la population, des institutions de droit
musulman. Toutefois, compte tenu de la valeur attribuée, au niveau européen, au principe de non-
discrimination sous toutes ses formes, il est possible d'estimer que même si au niveau national une telle
décision pourrait trouver accueil, elle ne pourrait pas circuler entre les États membres (en ce sens
I.PETRELLI, in Le droit européen des successions, op. cit., p. 590 ; contraire à la reconnaissance de décisions
discriminatoires aussi J.FOYER, in Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 157).
409 P.GOTHOT-D.HOLLEAUX, Droit international privé, op. cit., n°246.
410 En général sur cette question v. P.HAMMJE, L'effet atténué de l'ordre public, op. cit., p. 87
411 En réalité l'expression même d '« effet atténué», bien qu'employée depuis longtemps en doctrine et
appliquée, dans ses concepts, par la jurisprudence, ne semblerait avoir été utilisée pour la première fois
par la Cour de Cassation que dans un arrêt du 7 janvier 1964, in Rev. cr. dr. int. priv., 1964, p. 344, note
de H.BATTIFOL.
145
parle ici d’effet « plein » de l’ordre public) 412. C'est ainsi que s’est prononcée la Cour de
Cassation, le 28 février 1860, dans le célèbre affaire « Bulkley »413 où les tribunaux
français admirent qu'une anglaise, régulièrement divorcée en Angleterre, pouvait se
remarier en France alors même que la loi française du 8 mai 1816 prohibait cette
institution. Pour les juges de la Haute juridiction, la loi française devait être « renfermée
dans les limites qu'elle s'est tracées » et ne pouvait s'appliquer que pour l'avenir et pour
les situations créées en France. Cette même solution a par la suite été reprise dans deux
arrêts de 1945414, pour trouver enfin sa confirmation dans le célèbre arrêt « Rivière »415
de 1953 où, dans une affaire comparable au précité jugement « Bulkley », la Cour de
Cassation n’a pas jugé contraire à l’ordre public un divorce prononcé à l’étranger pour
une cause non admise par la loi française, s’agissant d’une situation née à l’extérieur de
la France «sans fraude et en conformité de la loi ayant compétence en vertu du droit
international privé français».
259. Or, bien que ce dernier arrêt admette la reconnaissance de la décision étrangère, les
argumentations de la Cour démontrent toutefois que l’effet atténué de l’ordre public n’est
pas sans limites. En effet, il en découle d’abord que la simple considération qu’une
situation est née à l’étranger n’implique pas, inéluctablement, que celle-ci puisse
automatiquement produire ses effets dans l’ordre juridique du for416. De plus, si d’une
part les tribunaux peuvent refuser effets aux situations créées à l’étranger, d’autre part ils
peuvent également admettre qu'une seule partie de ces derniers puissent se produire en
fonction de leur contraste plus ou moins important avec les principes fondamentaux de
412 En ce sens Y.LOUSSOUARN-P.BOUREL-P. DE VAREILLES-SOMMIERES, Droit international privé, op.
cit., pp. 378 ; D.BUREAU-H.MUIR WATT, Droit international privé, 2014, 3ème éd., n°459.
413 Cass. civ. 1ère, 28 février 1860, in S., 1860, I, p. 210 ; Les grande arrêts de la jurisprudence
française, op. cit., n°4.
414 Cass. civ. 1ère, 11 avril et 1er mai 1945, in D., 1945, p. 245, note de P.LEREBOURGS-PIGEONNIERE ; S.,
1945, I, p. 121, note de H.BATTIFOL ; JPC, 1945, II, p. 2895, note de R.SAVATIER
415 Cass. civ. 17 avril 1953, in Rev. cr. dr. int. priv., 1953, p. 412, note de H.BATTIFOL ; Clunet, 1953, p.
860, note de M.PLAISANT ; RabelsZ, 1955, p. 520, note de PH.FRANCESKAKIS.
416 C’est le cas de certaines décisions ayant refusé les effets en France d’une répudiation prononcée à
l’étranger, v. par exemple Cass. civ., 1ère, 17 février 2004, in Rev. cr. dr. int. priv., 2004, p. 423, 1ère ésp.,
note de P.HAMMJE ; JCP, 2004, II, 10128, note de H.FULCHIRON. En doctrine, v. D.BUREAU-H.MUIR
WATT, Droit international privé, op. cit., n°461 ; v. aussi l’analyse de P.LAGARDE, La théorie de l’ordre
public international face à la polygamie et à la répudiation. L’expérience française, in Hommages à
François Rigaux, 1993, pp. 266 et s.
146
l’ordre juridique du for. Ainsi, c’est en application de cette même approche que la Cour
de Cassation française, dans l'arrêt « Chemouni »417, a admis qu'un mariage polygamique
célébré à l'étranger puisse valablement produire certains de ses effets en France (y
compris ceux en matière successorale), bien que cette forme d'union soit prohibée dans
ce pays418. De la même manière en Italie, où le mariage polygamique est depuis toujours
interdit, la Suprême juridiction a rejeté l'opposition de la première des deux épouses
faisant valoir la contrariété du second mariage à l'ordre public international italien, en
validant l'attribution à la deuxième femme d'un bien immobilier du de cujus algérien situé
en Italie419.
260. Une observation semblerait alors s’imposer : si telle a été la position suivie par les
juges nationaux en matière de mariage polygamique, pourquoi devrait-on adopter une
approche plus restrictive vis-à-vis des mariages homosexuels ? Certes, il est vrai que
certains pays membres, tels la Pologne, ne prévoient ni le mariage, ni la possibilité d’une
union civile entre personnes de même sexe. Toutefois n’oublions pas deux choses :
d’abord, la liberté de l'orientation sexuelle est désormais reconnue tant par les principes
constitutionnels nationaux que par l'article 12 de la Convention de 1950 selon
l'interprétation de la Cour de Strasbourg420. Or, nous venons de voir que les droits
fondamentaux consacrés par la Convention font aujourd’hui partie intégrante du droit
primaire européen dont le respect, et l’application, est obligatoire pour les États membres.
De plus, il convient également d’observer que la question de la reconnaissance des unions
homosexuelles n’est désormais plus un tabou pour les systèmes juridiques européens, la
plupart d’entre eux, y compris ceux traditionnellement plus hostiles comme l’Italie, ayant
prévu l’institution du mariage entre personnes de même sexe, soit la possibilité de
417 Cass. civ. 1ère, 28 janvier 1958, in Rev. cr. dr. int. priv., 1958, p. 110, note de R.JAMBU-MERLIN ;
JCP, 1958, II, 10488, note de P.LOUIS-LUCAS.
418 Ainsi, la seconde épouse de M.Chemouni, de nationalité tunisienne et dont le mariage avait été célébré
en Tunisie, a pu invoqué sa qualité d’épouse légitime en France et y réclamer à ce titre une pension
alimentaire, bien que le droit français n’autorise pas un étranger à contracter un deuxième mariage en
France si sa première union conjugale n’est pas dissoute.
419 Cass. 2 mars 1999, n°1739, in Foro it., 1999, I, 1458, note de G.BALENA. En matière de reconnaissance
de mariages polygamiques en Italie v. ex multis E.CALO, Il diritto internazionale privato e dell'Unione
Europea nella prassi notarile, consolare e forense, Giuffré, 2010, pp. 164 et s.
420 CEDH, 24 juin 2010, Shalk et Kopf c. Autriche, req. N°30141/04, points 54 et s. ; CEDH, 19 février
2013, X et c. Autriche, req. N°19010/07, points 105 et s.
147
célébrer une union civile ayant des effets comparables aux mariages. Par conséquent, nier
tous les effets d’une décision étrangère, prononcée dans un autre pays membre, au seul
motif que l’État requis ne reconnaît pas la relation homosexuelle, non seulement
impliquerait une remise en cause des valeurs fondants l’espace juridique européen mais
en outre ne serait plus justifié en considération de l’évolution des législations et
jurisprudences nationales récentes. C’est pourquoi, il est préférable d’affirmer que les
États membres n'admettant pas le mariage homosexuel ne devraient pas pouvoir invoquer
l'ordre public ex article 40 du Règlement afin d’exclure tout effet à la décision étrangère
fondée sur cette union421.
261. Cette argumentation nous conduit dès lors à conclure que l’exception de l'ordre
public au fond ne pourrait intervenir, au sens de l'article 40 du Règlement, qu’en présence
de deux conditions : d’une part lorsque la reconnaissance des effets successoraux formés
à l’étranger conduit à une violation manifeste des droits fondamentaux humains ; d’autre
part dans l'hypothèse où les valeurs en cause ne permettent pas la mise en jeu de la théorie
de l’effet atténué.
262. Pourtant, cette éventualité pourrait ne pas représenter la seule hypothèse
d’intervention nécessaire de la clause prévue par l’article 40 du Règlement. Ainsi,
pourrait-on considérer que dans l’éventualité de simples divergences entre les droits
internes des États membres, tel le cas d’un système n’admettant pas la réserve héréditaire
ou la conclusion d’un pacte successoral, la décision étrangère est « manifestement
contraire à l'ordre public » ? La solution à un tel dilemme représente l'une des
problématiques les plus débattue du système du Règlement, la protection des proches du
de cujus n’étant pas appréhendée de manière uniforme par les Etats membre de l’Union.
Pour y répondre il convient d’en étudier d’abord son impact dans le cadre des conflits de
lois où l'intervention de ce correctif semblerait plus débattue. Cela nous permettra ainsi
de déterminer, dans un deuxième temps, si la même approche est applicable pour l’article
40 du Règlement.
421 En ce sens, I.PETRELLI, in Le droit européen des successions, op. cit., p. 592. L'auteur souligne toutefois
qu'il faudrait distinguer selon les hypothèses, en tenant compte de la décision préalable portant sur le lien
de parenté entre les deux époux et sur laquelle se fonde le jugement à reconnaître. Ainsi, le simple fait que
la première soit contraire à l'ordre public de l’État requis me devrait pas, en soi, déterminer la contrariété à
l'ordre public de la décision dont la reconnaissance est demandée.
148
III. Le caractère irréductible de l’ordre public : la protection des proches du
de cujus et les pactes successoraux
263. Traditionnellement, la question de la protection des proches du défunt est l’une des
plus controversées dans le droit international privé des successions. En effet, en matière
les ordres juridiques européens n’adoptent pas une approche commune, certains États
prévoyant l’institution de la réserve héréditaire, d’autres au contraire l’ignorant. L’on
ajoutera en outre que la plupart des pays de « civil law » considèrent la réserve comme
un véritable pilier fondant l’ensemble du système du droit des successions, ce qui
augmente ultérieurement le risque de possibles tensions entre les États de l’Union, surtout
dans le cadre du nouveau Règlement de 2012. Dès lors un problème se pose : la
circonstance que dans les pays civilistes la réserve soit considérée comme un élément
essentiel du droit successoral est-elle suffisante pour la transformer en un principe
fondamental justifiant l’intervention de l’ordre public ? Afin de répondre à cette
problématique, sur laquelle les positions de la doctrine européenne sont d’ailleurs
divergentes, il cependant nécessaire de commencer par une analyse préliminaire de droit
comparé dans le domaine de la protection des proches du de cujus. Celle-ci est en effet
indispensable pour pouvoir, dans une deuxième étape, vérifier si la clause de l’article 35
du Règlement puisse légitimement intervenir dans ces hypothèses.
A. La protection des proches du défunt dans les États de l’Union européenne
264. Dans les États membres de l’Union, comme anticipé dans le paragraphe précédent,
la protection des droits successoraux des proches du défunt n’est pas appréhendée de
manière uniforme. En principe, deux groupes s’opposent : d’une part les pays de l’Europe
continentale qui, bien qu’avec quelques exceptions, connaissent la réserve héréditaire422 ;
d’autre par les pays de « common law » ne prévoyant pas, du moins formellement, une
telle institution.
422 Sur les origines de la réserve héréditaire, v. M.GRIMALDI, Droit civil, Successions, 2001, 6ème éd., Paris,
Litec, pp. 276 et s. ; C.LOPEZ BELTRAN DE HEREDIA, La legítima en código civil, in A.M.LOPEZ-
V.L.MONTES-E.ROCA, Derecho civil (V). Derecho de sucesiones, 1999, Valencia, Tirant, pp. 306 et s.
149
1. Les États membres de « civil law »
265. En dépit de quelques différences, la réserve héréditaire occupe une place centrale
dans le droit successoral de la plupart des systèmes juridiques continentaux de tradition
civiliste.
a) La protection des proches du défunt dans le système italien
266. La réserve héréditaire est tout d’abord prévue en Italie où l’article 536 du Code civil
de 1942 statue que la loi dispose qu’une part de la masse successorale soit nécessairement
réservée à certains successibles préalablement déterminés423. Ces derniers, qui sont
qualifiés de « réservataires » ou « legittimari » sont, dans l’ordre : le conjoint survivant,
les fils du de cujus (sans aucune distinction législative depuis la réforme de la filiation de
2013, sur laquelle v. supra n°219) ainsi que ses ascendants. Le conjoint survivant est
considéré « réservataire » même en cas de précédente séparation de corps, mais à la seule
condition que celle-ci n’est pas été prononcée pour sa faute ; dans cette hypothèse, elle
n’aura droit qu’à une rente à vie dans le cas où, au moment du décès, elle avait droit à une
pension alimentaire par le défunt (art. 548, Code civil). Aucune part de « legittima » est
en revanche prévue en faveur du conjoint divorcé, ni du partenaire ou concubin du défunt.
Quant aux ascendants, ces derniers viennent à la succession en tant que réservataires dans
la seule hypothèse où le de cujus est décédé sans laisser de descendants ; dans ce cas la
quotité indisponible sera alors dévolue pour la moitié au conjoint survivant, s’il existe, et
pour le quart aux ascendants (art. 544, Code civil). A contrario, lorsque le défunt a laissé
des enfants, la quotité de réserve sera alors à eux destinée et repartie avec le conjoint
survivant en parts fixées par la loi et variables en fonction du nombre de descendants (art.
542, Code civil).
267. Ces dispositions impliquent donc que le défunt puisse certes disposer de son
423 En général sur la succession “nécessaire” dans le système italien, v. M.IEVA, La successione necessaria,
in N.LIPARI-P.RESCIGNO (sous la direction de), Diritto civile, II, 1, Le successioni e le donazioni, Milan,
2009, pp. 51 et s. ; G.CAPOZZI, Successioni e donazioni, I, 2015, 4ème éd., Milan, pp. 389 et s. ; L.CARIOTA-
FERRARA, Successioni per causa di morte. Parte generale, 1977 (réedité en 2011), Naples, pp. 173 et s.;
L.MENGONI, Successioni per causa di morte. Successione necessaria, in A.CICU-F.MESSINEO-L.MENGONI
(sous la direction de), Trattato di diritto civile e commerciale, Milan, 2000, 4ème éd.
150
patrimoine mais de manière limitée, ne pouvant pas, au cours de sa vie, effectuer des
donations, ou tout simplement destiner une partie de la masse successorale à une personne
autre que les « successori necessari », pour une part excédant la quotité disponible. Dans
cette hypothèse, les éventuelles donations et dispositions testamentaires « excédantes »
seront sujettes à l’action de réduction selon les modalités indiquées aux article 558-560,
Code civil ; cette dernière ne peut être demandée que par les réservataires, leurs héritiers
ou ayants cause dans un délai de dix ans à compter de l’ouverture de la succession (art.
2946, Code civil)424.
b) La protection des proches du défunt en France
268. Un système similaire est prévu par l’ordre juridique français, où la réserve héréditaire
est régie par les articles 912 et suivants du Code civil425. Cette institution est ainsi définie
comme « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de
charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils
l'acceptent » (art. 912, Code civil). Contrairement à l’Italie, ces derniers ne comprennent
que les descendants, « en quelque degré que ce soit » (art. 913-1, Code civil), ainsi que le
conjoint survivant non divorcé mais uniquement en cas d'absence des premiers (art. 914-
1, Code civil)426. Quant à la part de réserve en revanche, elle varie en fonction des
réservataires présents : ainsi, en cas d’un seul enfant la quotité disponible ne pourra
excéder la moitié des biens du disposant ; en cas de deux enfants elle ne pourra excéder
424 En matière de prescription du droit d’exercer l’action de réduction, la Cour de Cassation italienne (Cass.
civ. Sez. Un., 25 octobre 2004, n. 20644, in Giur. It., 2005, 1605) a précisé que le dies a quo varie en
fonction de l’objet de cette action : ainsi, lorsque la quotité de réserve est atteinte par une disposition
testamentaire, le dies a quo est fixé au jour de l’acceptation de la succession par celui dont la part
successorale a excédé la quotité disponible. Si en revanche il s’agit de réduire des donations, alors la
prescription découle du jour de l’ouverture de la succession.
425 En matière, v. PH.MALAURIE, Droit civil : les successions, les libéralités, 6ème édition, Defrénois, 2014 ;
J. MAURY, Successions et libéralités, 8e édition, 2010, Litec - Editions du JurisClasseur ; R.CRONE-
M.C.FORGEARD-B.GELOT, La Réforme des successions, 2002, Éd. Defrénois ; C.RENAULT-BRAHINSKY,
Droit des successions, 2004, 2e éd., Gualino éditeur.
426 En cas d'absence de réserve, le conjoint survivant est néanmoins protégé par la prévision d'un droit
temporaire au logement familial (artt. 763 et s., Code civil), éventuellement convertible, par convention, en
une rente viagère ou en capital (art. 766, Code civil). En cas de besoin en outre, la loi dispose l'octroi d'une
pension alimentaire, prélevée sur la succession (art. 767, Code civil). En général sur la position du conjoint
survivant v. la récente contribution de R.ZIMMERMANN, Das Ehegattenerbrecht in historisch-
vergleichender Perspektive, in RabelsZ, 2015, vol. 79, n. 4, pp. 768 et s.
151
le tiers et dans l’hypothèse de trois enfants ou plus elle est réduite au quart (art. 913, Code
civil). Si enfin le de cujus ne laisse que le conjoint survivant, « les libéralités, par acte
entre vifs ou par testament, ne pourront excéder les trois quarts » des biens successoraux
(art. 914-1, Code civil). A l’instar du régime italien en outre, en cas de libéralités
excédants la quotité disponible celles-ci feront l’objet d’une action en réduction, qui ne
peut être demandée « que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs
héritiers ou ayants cause », dans un délai qui est fixé « à cinq ans à compter de l'ouverture
de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de
l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès »
(art. 921, Code civil).
269. L’on remarquera toutefois que la protection des réservataires, dans le cadre d’une
succession internationale, était assurée dans le passé par le droit au prélèvement (sur
lequel v. supra n°) permettant aux héritiers de nationalité française de récupérer, sur les
biens situés en France, la partie correspondante à la réserve que la loi étrangère leur
refusait. Néanmoins, en 2011 cette institution a été abrogée par effet de la décision du
Conseil Constitutionnel du 5 août 2011, qui l’a jugée contraire au principe d’égalité.
Désormais, en matière de successions transfrontalières, le seul rempart pour les héritiers
réservataires français peut donc être, si admise, la clause de l’ordre public.
c) La protection des réservataires en Allemagne
270. Le système allemand ne fait pas d’exception à cette règle, tout en prévoyant,
cependant, quelques particularités427. En effet, contrairement aux ordres juridiques de
tradition romaniste, le législateur allemand a inséré l’institution de la réserve non pas dans
la partie du Code civil consacrée au droit des successions, mais dans celle concernant le
droit des obligations428. Dès lors, les réservataires ne sont pas considérés, à cet égard,
427 En général sur la réserve héréditaire dans le droit allemand, v. J.BECKERT, Familiäre Solidarität und die
Pluralität moderner Lebensformen : Eine gesellschaftstheoretische Perspecktive auf das Pflichtteilsrecht,
in A.RÖTHEL (édité par), Reformfragen des Pflichtteilsrecht, 2007, Cologne, Heymanns, pp. 1-22 ;
A.DUTTA, Vor-und Nacherbschaft, in J.BASEDOW-K.J.HOPT-R.ZIMMERMANN (édité par), Handwörterbuch
des Europäischen Privatrecht, 2009, Tübingen, Mohr, pp. 1735-1739 ; A.RÖTHEL, El derecho de
sucesiones y la légitima en el derecho alemán, Colleción Notariado Hoy, Barcelone, Bosch, 2008.
428 A.RÖTHEL, Law of Succession and Testamentary Freedom in Germany, in M.ANDERSON-E.ARROYO I
AMAYUELAS (sous la direction de), The Law of Succession : Testamentary Freedom. European
152
comme des véritables héritiers, mais plutôt comme les bénéficiaires d’une créance à la
hauteur de la moitié de ce qu’ils auraient dû toucher dans le cadre d’une succession légale
(art. 2303, BGB). Ces « créanciers » de la réserve, déterminés directement par la loi, sont
représentés par : les descendants du défunt ; le conjoint survivant, y compris le concubin
survivant qui est considéré comme un héritier légal au même titre de l’époux429; ses
ascendants, mais à la seule condition, en tant qu’héritiers de troisième ordre, que le de
cujus ne laisse naturellement pas d’enfants.
271. Un régime particulier est en outre prévu pour le conjoint survivant, dont la part lui
étant normalement destinée en cas de succession ab intestat varie en fonction du régime
matrimonial choisi (§1931, BGB). Ainsi, lorsque les conjoints étaient mariés sous le
régime légal allemand de la participation aux acquêts (« Zugewinngemeinschaft »),
applicable lorsque les époux n’ont pas établi un contrat de mariage précisant un régime
matrimonial différent, alors la part successorale en principe destinée au conjoint survivant
est : la moitié en présence d’enfants, ce qui implique une « créance » réservataire d’un
quart des biens successoraux (§§ 1931, par. 1 et 3, 1371, par. 1, BGB) ; trois quarts en
l’absence d’enfants et en concours avec des ascendants, ce qui comporte une part de
réserve correspondante à trois huitièmes des biens du disposant. Si donc le de cujus
décède en léguant, par exemple, les sept huitièmes de son patrimoine à sa fille et qu’il
était marié en régime de participation aux acquêts avec le conjoint survivant, ce dernier
ayant droit, en tant que réservataire, au quart des biens du disposant, il pourra dès lors
réclamer une réduction de la part attribuée à l’enfant pour une valeur correspondante à
celle dont elle a été privée. Cette action doit être exercée dans un délai de trois à compter
du moment où les réservataires ont eu connaissance du testament qui les a lésés ou, en
tout état de cause, dans un délai de trente ans du moment de l’ouverture de la succession
(§2332, par. 1, BGB).
Perspectives, 2011, Groningen, European Law Publishing, p. 163.
429 Depuis la loi en date du 16 février 2001 relative au certificat de concubinage et autres modes de vie en
commun enregistrés (« Lebenspartnerschaftsgesetz », annoté comme « LPartG ») entré en vigueur le 1er
août 2001 (v. en particulier §10, par. 6, LPartG).
153
d) La « legitima » dans le droit espagnol
272. Dans la même perspective se trouve le système espagnol, prévoyant dans son Code
civil l’instrument de la « legítima » en faveur de certaines personnes qualifiées de
« legitimarios »430. L’on remarquera cependant qu’en Espagne, contrairement aux ordres
juridiques jusqu’à présent analysés et compte tenu de la présence de communautés
autonomes, le système national s’accompagne d’une pluralité de systèmes régionaux, ou
tout simplement territoriaux, prévoyant ses propres règles de droit en matière
successorale. Ainsi, selon le droit commun du « Código civil », si le testateur a laissé des
enfants, il ne peut alors disposer librement que d’une partie correspondante au tiers de ses
biens, le reste devant obligatoirement être destiné aux descendants (articles 808, Code
civil). Toutefois, afin de préserver une partie de la liberté de tester du de cujus, la loi
précise que de ces deux tiers de part réservataire, un tiers doit nécessairement être destiné
en valeurs égales aux enfants, mais l’autre tiers (dit « mejora ») est remis à la volonté du
défunt, qui pourra ainsi le destiner en toute liberté aux descendants de son choix. Parmi
les réservataires se trouvent également le conjoint survivant, auquel le droit commun lui
réserve non pas la pleine propriété mais l’usufruit, en parts variables en fonction de la
présence ou pas de descendants et ascendants (articles 834-837, Code civil), ainsi que ces
derniers (articles 807, 808, 809, Code civil).
273. Quant aux systèmes locaux en revanche, ceux-ci se distinguent entre ceux
reconnaissant une pleine liberté au testateur (c’est le cas de la Navarre ou du Fuero de
Ayala, dans les Pays Basques, où le de cujus peut ne rien laisser aux descendants431), et
430 En général sur la réserve dans le droit espagnol, v. ex multis S.CAMARA LAPUENTE, Freedom of
Testation, Legal Inheritance Rights and Public Order under Spanish Law, in M.ANDERSON-E.ARROYO I
AMAYUELAS (sous la direction de), The Law of Succession, op. cit., pp. 271 et s. ; T.TORRES GARCIA, La
legítima en el Código Civil, in S.ÁLVAREZ GONZALEZ (édité par), Estudios de Derecho de familia y
sucesiones (dimensiones internas y internacional), 2009, Santiago de Compostela, Imprenta Universitaria,
pp. 297 et s. ; A.VAQUER ALOY, The Law of Succession, in M.BUSSANI-F.WERRO (édité par), European
Private Law : A Handbook, vol. I, 2009, Berne, pp. 555 et s. ; A.ZOPPINI, Le successioni in diritto
comparato, in R.SACCO (édité par), Trattato di diritto comparato, 2002, Turin.
431 Il est toutefois intéressant de noter que dans ces zones, bien que la liberté de tester s’impose, le système
successoral a maintenu l’ancienne règle originaire du droit romain dite de la « legítima formal » ; ainsi,
pour que le testament soit valable, le testateur doit obligatoirement indiquer dans l’acte sa volonté d’exclure
ses descendants de la succession (pour la Navarre, art. 271, loi 1/1973 ; pour le Fuero de Ayala, art. 136-
139, Loi basque de 1992). En général sur le régime successoral dans ces territoires, v. J.M.MIQUEL
GONZALEZ, Legítima material y legítima formal, in Anales de la Academia Matritense de Notariado, 2009,
n. 49, pp. 493 et s.
154
ceux qui en revanche reconnaissent une liberté plus limitée mais régie par des règles
différentes par rapport au droit commun (par exemple la Catalogne, la Galice, l’Aragon,
ou encore les îles Baléares)432. Or, comme on va voir par la suite, ces différences de
systèmes, ainsi que la circonstance qu’une partie de ceux-ci ne prévoient pas de réserve,
ou l’admettent de manière plus limitée, pourraient être décisives dans l’intervention de
l’ordre public en matière de protection des proches du défunt.
274. Les ordres juridiques à peine décrits ne sont toutefois pas les seuls systèmes à
prévoir, dans leur droit successoral, le mécanisme de la réserve héréditaire433. Certes,
quelques divergences peuvent exister quant à ses bénéficiaires, à sa nature ou à ses
modalités de calcul, mais le résultat qui en découle reste le même : limiter la liberté de
tester du de cujus en faveur de la sauvegarde de ses proches. Néanmoins, si cet instrument
constitue la règle, à quelques exceptions près434, dans les pays de tradition romano-
germanique, celui-ci n'est pas connu dans tous les États européens.
2. Les protection des proches du défunt dans les États de « common law »
275. Dans les systèmes juridiques d'origine anglo-saxonne, in primis l'Angleterre, la
réserve héréditaire, ainsi qu'elle a été conçue dans les pays de droit civil, n'est pas prévue
dans le droit des successions. A contrario, ces États sont caractérisés par l'attribution d'une
432 Ainsi en Catalogne (artt. 451-5 et 451-II de la loi 10/2008) et en Galice (artt. 243 et 246, loi 2/2006) par
exemple, la part de réserve destinée aux descendants est d’un quart des biens du disposant, à attribuer non
pas en nature (comme c’est la règle pour le droit commun), mais en valeur. Encore, concernant les
ascendants, ces derniers ne sont pas considérés réservataires par le droit de la Galice (art. 238), ni par la
Catalogne en présence du conjoint survivant (art. 451-4). En général sur ces systèmes, v. P.DEL POZO
CARRASCOSA-A.VAQUER ALOY-E.BOSCH CAPDEVILA, Derecho Civil de Cataluña, Derecho de Sucesiones,
2009, Barcelone, Marcial Pons ; M.CARBALLO FIDALGO, La legítima en la Ley del 14 de junio de 2006, de
Derecho civil de Galicia, in M.P.GARCÍA RUBIO (édité par), Estudios Jurídicos en memoria del Prof. J. M.
Lete del Río, 2009, Madrid, Civitas, pp. 139 et s.
433 La réserve est en effet admise dans les pays scandinaves comme la Norvège (§29, Loi sur les
successions de 1972), en Autriche (§764, ABGB), en Suisse (art. 471, Code civil), au Pays-Bas (art. 4:80,
NBW), en Hongrie (Section 661, Code civil) ou encore en Slovénie (art. 25, Loi slovène sur les
successions). En général sur le régime de la réserve dans les pays européens, v. A.BONOMI, La vocation
successorale volontaire dans certains droits européens, in Le droit des successions en Europe, Actes du
colloque du 21 février 2003, 2003, Genève, Droz, pp. 55 et s.
434 C'est le cas, comme l'on a vu supra n°232, des « derechos forales » de la Navarre ou du Fuero de Ayala
dans les Pays-Basques.
155
liberté testamentaire quasi absolue, ce qui a traditionnellement posé un certain nombre de
problèmes dans le règlement d'une succession international intéressant l'un de ces pays.
Toutefois, depuis 1938, l'absence de la réserve a été comblée par la prévision de
mécanismes allant limiter la liberté de disposer du de cujus, en garantissant ainsi une
certaine protection de certains de ses proches. Ces instruments, principalement reconduits
à l'institution des « Family Provisions »435, permettent en effet à certains proches du
défunt (sont comprises non seulement ses enfants et le conjoint survivant, mais aussi le
concubin ainsi que toutes les personnes qui dépendaient économiquement du de cujus
avant le décès)436 d'intenter une action visant à obtenir une prestation patrimoniale à la
charge de la succession ou des héritiers.
276. Ce mécanisme se distingue cependant de manière nette par rapport à la réserve de
droit civil ; d'abord, contrairement à cette dernière, la family provision constitue non pas
un droit mais une demande judiciaire soumise à l'appréciation discrétionnaire des
tribunaux, qui pourront ainsi l'accorder ou pas. De plus, même en cas d'octroi, le montant
de la prestation patrimoniale perçue n'est pas prédéterminé par la loi, comme s'il s'agissait
d'une part réservée, mais varie en fonction des cas, pouvant aller d'une somme fixe, à une
rente, au transfert de la propriété d'un bien successoral, ou encore à la constitution d'un
trust au bénéfice du demandeur437. En tout état de cause, le fondement de cette prestation
repose sur la situation économique des demandeurs et des successibles, critère qui n'est
en revanche pas pris en considération dans le fonctionnement de la réserve. En particulier,
le requérant doit démontrer qu'en raison de ses conditions économiques, la part
successorale reçue n'est pas une « reasonable financial provision »438, c'est-à-dire une
prévision économique raisonnable ; si le demandeur est le conjoint survivant, il est en
435 L'on rappellera que cette institution est née Nouvelle-Zélande en 1900 et s'est rapidement répandue
dans les autres pays de common law afin de corriger les excès de la liberté testamentaire. En général sur les
origines de la family provision, v. R.D.OUGHTON (sous la direction de), Tyler's Family Provision, 1997,
3éd., London, Buttersworth ; PARRY&CLARKS, The Law of Succession, 2002, 11ème éd., Londres, pp. 153
et s. ; A.BONOMI, La vocation successorale volontaire dans certains droits européens, op. cit., p. 56.
436 En ce sens la Section 1(1) du Inheritance (Provision for Family and Dependants) Act de 1975 qui
considère parmi les bénéficiaires de cet intrument « any person who has living in the same household ad
the deceased, during the whole of the period of two years ending immediately before the date when the
deceased died ».
437 En ce sens A.BONOMI, La vocation successorale volontaire dans certains droits européens, op. cit., p.
57 ; A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 569.
438 Section 1(2) de la Loi de 1975, supra citée (note 141)
156
outre prévu que le caractère raisonnable de cette prévision se détermine sur la base d'un
critère d'égalité entre le mari et la femme et non pas en fonction des seuls besoins439. Il
est enfin possible que le défunt, avant le décès, ait disposé en faveur d'un tiers, par le biais
d'une donation, dans la seule intention d'éluder les family provisions. Or, dans ces
hypothèses, la loi anglaise prévoit, depuis 1975, que le bénéficiaire d'une telle donation
puisse être obligé, lorsque l'intention frauduleuse du défunt est effectivement démontrée,
de soutenir économiquement le demandeur440.
277. Cette institution n'est toutefois pas le seul mécanisme de protection prévu dans les
pays anglo-saxons. Ainsi, certains États comme le Québec prévoient des obligations
alimentaires post mortem en faveur de certains proches du défunt441 ; dans certains États
des États-Unis en revanche, le conjoint survivant et les enfants se voient reconnaître le
droit d'obtenir des prestations patrimoniales dont la valeur est directement fixée par la loi.
Celles-ci se distinguent donc d'une institution comme la réserve, ne se basant pas en
général sur une part de la succession, mais sur un montant déterminé préalablement par
le législateur. Un mécanisme similaire à la réserve est en revanche « l'elective share »,
prévue dans de nombreux pays de common law, notamment certains États nord-
américains, et qui consiste en une véritable part réservée en faveur du conjoint survivant,
calculée sur la base d'un patrimoine successoral augmenté et comprenant, outre que les
biens de la succession, également certaines libéralités inter vivos. La valeur de cette part
n'est pas identique dans tous les systèmes, parfois étant fixe, parfois dépendant de la durée
du mariage. En tout état de cause, contrairement à la réserve, le bénéficiaire ne reçoit pas
sa part de manière automatique, mais, comme l'indique son nom, il doit choisir de la
demander en substitution des gratifications obtenues en vertu du testament442.
278. Cette brève analyse des mécanismes prévus dans les droits de common law montre
439 La Section 1(2) de la Loi de 1975, supra citée, ajoute en effet, à l'égard du conjoint survivant, que
l'expression « reasonable financial provision » signifie « such financial provision as it would be reasonable
in all circumstances of the case for a husband or a wife to receive, whether or not that provision is required
for his or her maintenance ».
440 Section 10-13, Loi de 1975 supra citée.
441 Articles 684 et s., Code civil.
442 A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 570-571
157
donc que, en dépit des divergences certes existantes, la seule absence de l’institution de
la réserve héréditaire n’implique pas, en elle-seule, une mise en péril certaine et
automatique des proches du défunt. Comme l’on a pu voir en effet, ces pays disposent
d’une série d’instruments qui, bien que dans des modalités et des conditions différentes,
visent à garantir une forme de protection à certaines personnes proches du de cujus ou qui
en dépendaient économiquement. Dès lors, si on considère, comme l’ont fait certains
auteurs, que ces mécanismes sont des équivalents fonctionnels443 à la réserve de civil law,
il n’y aurait pas raison d’invoquer l’intervention de l’ordre public au seul motif que la loi
successorale compétente ne prévoit pas cette institution. Cela équivaudrait en effet à
remettre en cause la notion même d’ordre public international, en retournant à
l’application d’un ordre public national ou « territorial » justifié sur la seule base d’une
divergence normative entre la lex fori et la loi étrangère. Cependant, la perspective change
si la réserve héréditaire accède au rang des principes « de justice universelle » ; dans cette
hypothèse en effet, il est clair que sa violation pourrait être interprétée comme une atteinte
à un droit fondamental humain et donc justifier la mise en jeu nécessaire de l’ordre public.
Mais peut-on en arriver à ces conclusions ? A cet égard, jusqu’à présent les opinions ont
été divergentes, ce qui n’a fait qu’accentuer les incertitudes en matière. Le Règlement de
2012 pourrait néanmoins favoriser une solution commune aux États membres, en
parvenant ainsi, même sur un point aussi débattu, à une possible harmonisation des
systèmes.
B. La protection des proches du défunt dans le Règlement n°650/2012
279. L’examen de cette question nécessite, en voie préliminaire, d’une analyse de la
position des Etats nationaux vis-à-vis de la réserve héréditaire. Avant d'étudier les
tendances suivies au niveau national, il conviendra toutefois de noter que, sur le plan
supranational, si la Cour européenne des droits de l'homme a toujours condamné les
discriminations entre les héritiers, elle n'a jamais, jusqu'à présent, sanctionné l'absence de
droits successoraux en tant que violation d'un droit fondamental de l'homme444. Il
443 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 368
444 v. par exemple CEDH, 22 décembre 2004, n°68864/01, Merger et Cros c. France, point 37 not. ;
CEDH, 7 février 2013, n°16574/08, Fabris c. France, point 50 not.
158
semblerait ainsi qu'à l'échelle européenne l'absence de la réserve successorale ne soit pas
considérée comme une violation à un droit fondamental humain445, principe qui a été
repris dans de nombreuses jurisprudences nationales.
1. La réserve héréditaire : principe fondamental ou principe successoral ?
280. A ce jour, la réserve héréditaire n’a formé l’objet que de quelques arrêts, dans
l’ensemble négatifs, concernant son appartenance à l’ordre public. Ainsi, en ce sens s’est
prononcé le Tribunal Supremo espagnol en 1996, en niant, dans le cadre de la succession
d’un ressortissant des États-Unis, que l’absence de la réserve héréditaire puisse porter
atteinte à l’ordre public446. Cette même approche a par la suite été suivie par la
jurisprudence de fond, qui n’ont pas reconnu à la « legítima » le caractère d’ordre public
dans des affaires concernant des testateurs étrangers447. De plus, à l’égard de l’Espagne,
il faut aussi garder à l’esprit que son organisation selon un système pluri-législatif où,
comme l’on a vu précédemment (supra n°257), le régime successoral présente des
divergences parfois importantes d’une zone à l’autre et que la réserve n’est pas toujours
admise, il serait contradictoire de s’opposer à l’application d’une loi étrangère au seul
motif que celle-ci ne prévoit pas l’institution de la réserve. Cette considération est
d’ailleurs démontrée par les nombreux débats qui, depuis quelques années désormais,
intéressent la doctrine juridique ibérique en matière de réserve héréditaire448. Sur ce sujet
les demandes de réforme, non seulement de la part du monde académique mais aussi des
praticiens du droit, notaires in primis, sont ainsi devenues de plus en plus pressantes, afin
445 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 539.
446 Tribunal Supremo, 15 novembre 1996, Lowenthal. Sur cette décision et en général sur le rapport entre
l’ordre public et la réserve héréditaire en droit espagnol, v. notamment E.CASTELLANOS RUIZ, Sucesión
hereditaria, in A.L.CALVO CARAVACA-J.CARRASCOSA GONZALEZ, Derecho internacional privado, op.
cit., pp. 360 et s. ; AGUILAR BENITEZ DE LUGO-H.AGUILAR GRIEDER, Orden público y sucesiones (I-II), in
BIMJ (2005/1984-1985), pp. 873 et s.
447 v. par exemple SAP (Sentencia de la Audencia Provincial) de Málaga, 13 mai 2002 ; SAP Alicante, 27
février 2004; SAP Tarragona, 13 mai 2004 ; SAP Granada, 19 juillet 2004; SAP Barcellona, 28 septembre
2004. Sur ces décisions, v. E.CASTELLANOS RUIZ, Sucesión hereditaria, op. cit., p. 368.
448 Pour un exposé de ces discussions, v. ex multis S.CÁMARA LAPUENTE, Freedom of Testation, Legal
Inheritance Rights and Public Order under Spanish Law, op cit. pp. 283 et s.: v. aussi la récente contribution
de E.ARROYO I AMAYUELAS – E.FARRNÓS AMORÓS, Kinship Bonds and Emotional Ties: Lack of a Family
Relationship as Ground for Disinheritance, in European Review of Private Law, 2016, 2, spéc. pp. 220 et
s.
159
de rendre l’actuel régime des successions plus apte à répondre aux nouvelles exigences
de la société contemporaine449.
281. Dans la même direction, le Tribunal fédéral suisse450 et la Cour de Cassation
italienne451 ont statué que l’absence de la réserve n’est pas contraire à l’ordre public du
for. Quant à l’Italie, quelques observations s’imposent ; dans ce pays en effet, s’il est vrai
que la Suprême juridiction a nié le caractère d’ordre public à l’institution de la réserve
héréditaire, il faut néanmoins préciser que ce principe a été affirmé dans une affaire
concernant un de cujus étranger (il s’agissait d’un ressortissant italien naturalisé
canadien), alors que si le défunt avait été de nationalité italienne, la solution, du moins
jusqu’à l’entrée en vigueur du Règlement, aurait été différente.
282. En effet, l’article 46 de la loi italienne de droit international privé de 1995 dispose,
à son alinéa 2, que dans l’hypothèse où le défunt avait exercé la professio juris, ce choix
« non pregiudica i diritti che la legge italiana attribuisce ai legittimari residenti in Italia
al momento della morte della persona della cui eredità si tratta » (ne peut pas atteindre
aux droits que la loi italienne dispose en faveur des réservataires résidents en Italie au
moment du décès). Cette prévision comportait donc, avant le 17 août 2015, que les droits
des héritiers réservataires italiens, résidents en Italie, étaient protégés directement par les
règles internes de conflits des lois, sans qu’il y ait besoin d’invoquer la clause de l’ordre
public. Ce différent régime reposant sur le lieu de résidence des héritiers avait d’ailleurs
suscité de nombreuses critiques parmi les auteurs, certains ayant même parlé d’une
possible inconstitutionnalité pour atteinte au principe d’égalité452. En tout état de cause,
cette limitation avait été interprétée par une partie de la doctrine453 comme un rejet de la
449 Lors du 9ème Congrès Notarial espagnol, qui a eu lieu à Barcelone les 12, 13 et 14 mai 2005, les Notaires
en effet souligné l’urgence de réformes législatives « que, partiendo del principio de la libertad civil,
faciliten mecanismos de autorregulación jurídica”. Ainsi, dans cette perspective, « se considera muy útil
revisar las rigideces derivadas del sistema de legítimas y permitir y desarrollar fórmulas jurídicas
encaminadas a ordenar la creación, organización y transmisión de la empresa familiar, tales como los
testamentos mancomunados, los pactos sucesorios y las instituciones fiduciarias, siempre que éstas se
ajusten a nuestro orden público económico » (v. www.notariado.org).
450 ATF, 102, II, 136, 1976, Hirsch c. Cohen.
451 Cass. civ. 24 juin 1996, n°5832, in Riv. dir. int. priv. proc., 2000, p. 784 ; dans le même sens, déjà Trib.
Chiavari, in Riv. dir. int. priv. proc., 1977, p. 379.
452 En ce sens v. P.PICONE, La legge applicabile alle successioni, op. cit., p. 77
453 v. notamment P.MENGOZZI, La Riforma del diritto internazionale privato italiano. La legge 31 maggio
160
thèse, avancée peu de temps avant en jurisprudence, qui en qualifiant la réserve
héréditaire de principe fondamental du système juridique italien, avait opposé l’ordre
public à une loi étrangère ne prévoyant pas un tel mécanisme454 (solution qui avait
toutefois été cassée par la Haute juridiction dans l'arrêt précité). Or, le Règlement de
2012 n’ayant pas, comme on va voir, prévu de règles spécifiquement destinées à la
protection des héritiers réservataires, il est souhaitable que son entrée en application
conduise à une nouvelle évolution dans la jurisprudence nationale (v. infra n° et s.).
283. Dans d'autres États membres en revanche, la question du caractère d'ordre public de
la réserve héréditaire a fait l'objet de solutions moins tranchantes. Ainsi en Allemagne, la
Cour Constitutionnelle a considéré, en 2005, que qu'une participation minimale des
enfants du défunt à la succession est garantie par l'article 6, par. 1er de la Constitution
allemande (en matière de protection du mariage et de la famille), indépendamment de leur
condition économique455. Suivant ce courant, une partie de la doctrine a donc estimé que
même si en principe la réserve héréditaire ne relève pas de l'ordre public, il existe
néanmoins certaines circonstances qui justifient son intervention à l'encontre d'une loi
étrangère ne prévoyant pas ce mécanisme de protection, ou le conditionnant à une
situation de besoin456. C'est toutefois surtout en France que la question a fait l'objet d'un
vif débat.
284. Dans ce pays en effet, traditionnellement les héritiers réservataires de nationalité
française étaient protégés par le droit au prélèvement, leur permettant de récupérer les
biens situés en France lorsque la loi étrangère applicable en l'espèce leur niait la réserve
(v. supra n°255). Toutefois, l'on a vu que cet instrument a été abrogé en 2011 par effet de
la décision du Conseil Constitutionnel qui l'a estimé contraire au principe d'égalité ; dès
lors, le seul bastion pour la protection de la réserve successorale est resté l'ordre public,
1995 n. 218, 2000, 3ème éd., pp. 208-209; F. ZABBAN, La successione a causa di morte e la riforma del
diritto internazionale, 1996, Milan, p. 47.
454 CA Milan, 4 décembre 1992, in Riv. dir. int. priv. proc., 1994, p. 821; dans le même sens Trib.Sanremo,
31 décembre 1984, in Riv. dir. int. priv. proc., 1986, p. 341.
455 BverfGE (Bundesverfassungsgericht), 19 avril 2005, in NJW, 2005, p. 1561.
456 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 540 ; v. aussi
H.DÖRNER, Art. 25, op. cit., n°731 ; J.BECKERT, Familiäre Solidarität und die Pluralität moderner
Lebensformen, op. cit., pp. 1-22 ; D.HENRICH, Testierfreiheit versus Pflichtteilsrecht, Munich, Beck, 2000.
161
ce qui a donc ultérieurement accru les discussions en matière. Ainsi, d'éminents auteurs
considèrent que les règles sur la réserve héréditaire ne relèvent pas de l'ordre public
international457. À cet égard, les arguments avancés sont principalement deux : d'une part,
l'appréciation in concreto de l'ordre public, qui empêcherait ainsi d'opposer cette
exception à une loi étrangère au seul motif que celle-ci ne prévoit pas la réserve
successorale ; d'autre part, le rejet de l'appartenance de cette institution aux droits
fondamentaux. En particulier, cette dernière considération repose sur une décision de
2013 du Tribunal de Grande Instance de Paris, pour qui « Malgré son importance dans le
droit interne français, l'institution de la réserve successorale n'a jamais été consacrée par
la Cour de cassation comme contraire à des valeurs que l'ordre juridique français
considère universelles, comme pourrait l'être toute disposition d'une loi étrangère qui
réduirait ou supprimerait les droits d'une personne pour des raisons d'ordre social, racial
politique, sexuel ou religieux [...] »458.
285. À l'opposé se trouve en revanche un deuxième courant doctrinal, favorables à l'idée
que la réserve puisse relever de l'ordre public international459. Pour ces auteurs en effet,
la réserve constituerait un principe fondamental de l'ordre juridique français en tant que
« reflet de la solidarité familiale » et de mesure garantissant d'un côté « un minimum
d'égalité entre les enfants », de l'autre la protection « des libertés individuelles de
l'héritier »460. Conséquemment, une loi étrangère ne prévoyant pas de réserve
successorale devrait être écartée au nom de l'ordre public international, s'agissant d'une
mesure qui « porte en elle les valeurs essentielles que sont l'ordre familial, la solidarité,
l'égalité et la liberté »461.
457 En ce sens, v. M.REVILLARD, Droit international privé et communautaire : pratique notariale, 2010,
7ème éd., Défrénois, n°716 ; M.GORE, Droit patrimonial de la famille, 2011, Dalloz Action, n°722-61 ;
E.FONGARO, L’anticipation successorale à l’épreuve du droit des successions, op. cit., pp. 523 et s. ;
D.BUREAU-H.MUIR WATT, Droit international privé, op. cit., n°843 ; P.LAGARDE, Les principes de base
du nouveau Règlement européen sur les successions, op. cit., p. 720.
458 TGI Paris, 10 juillet 2013, n°06/13502.
459 M.GRIMALDI, Brèves réflexions sur l'ordre public et la réserve héréditaire, in Défrénois, 2012, n°15-
16, pp. 755 et s. ; S.GODECHOT-PATRIS, Successions internationales en France, in Travaux de l'Association
Henry Capitant, 2010, t. LX, pp. 673 et s.
460 M.GRIMALDI, Brèves réflexions sur l'ordre public et la réserve héréditaire, op. cit., p. 758.
461 IBIDEM, p. 759.
162
286. Ces analyses montrent donc que le débat de l'appartenance de la réserve héréditaire
à l'ordre public ne trouve pas de solutions uniformes au sein de l'Union. Or, si dans le
passé la question ne concernait que les ordres juridiques nationaux, chacun souverain de
son propre système des successions internationales, désormais elle nécessite d'une prise
en compte commune. Le centre du débat se voit donc déplacé, la référence n'étant plus,
uniquement, le droit national de l’État du for, mais aussi, et surtout, l'article 35 du
Règlement n°650/2012.
2. La réserve héréditaire et le Règlement n° 650/2012
287. La question de savoir si l'ordre public, dans le cadre du Règlement, peut être invoqué
à l'encontre d'une loi étrangère ne protégeant pas, ou protégeant de manière plus atténuée,
les proches du de cujus, impose de prendre en compte une pluralité de facteurs : l'esprit
du Règlement ; les caractères de l'ordre public ; les positions des États membres sur cette
question.
a) L'esprit du Règlement
288. Le rapport entre la réserve successorale et la clause d'ordre public prévue à l'article
35 dépend tout d'abord des principes fondants le système du Règlement Successions. À
cet égard il suffit d'analyser ses dispositions pour observer que, similairement aux autres
textes européens, cet instrument est animé par un esprit particulièrement libéral462,
prônant la liberté de tester, la prévisibilité de l’organisation de la succession ainsi que
l'autonomie des parties. Ces considérations sont effectivement bien démontrées, comme
on a vu dans le chapitre I, par l'admission de la professio juris à l'article 22, par la
prévision du critère de la résidence habituelle comme facteur de rattachement tant pour
la compétence judiciaire (article 4) que pour les conflits de lois (article 21), ou encore par
le favor reconnu aux dispositions à cause de mort (article 24), notamment en matière de
pactes successoraux (article 25). Dès lors, ces dispositions ne font que confirmer une
véritable ouverture, de la part du législateur européen, en faveur d’une plus grande
462 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 541.
163
flexibilité et en même temps simplicité tant dans l'anticipation de la succession que dans
son règlement post mortem.
289. Pourtant, si d’une part le législateur de l’Union a certes favorisé la liberté des parties,
de l’autre part il est néanmoins évident que cette plus ample autonomie, compte tenu des
multiples intérêts remis en cause par l’ouverture d’une succession, ne puisse pas être sans
limites. Cette exigence n’est d’ailleurs pas absente dans le Règlement du 4 juillet 2012
qui, en opposition aux demandes plus libérales, a contrebalancé une série de mécanismes
correcteurs allant éviter les possibles effets pervers d'une excessive liberté successorale.
Il en est ainsi, par exemple, des limites apportées au choix de la loi applicable, celle-ci ne
pouvant être que la loi de la nationalité ; ou encore de la limite de l'ordre public appelée
à intervenir pour bloquer l'application de la lex successionis désignée par le Règlement.
Or, c’est exactement dans cette dernière hypothèse que les problèmes commencent.
290. En effet, s’il est vrai que la prévision de la clause d’ordre public est et reste
indispensable pour les motifs précédemment expliqués (supra, n° 213 et s.), il est
également manifeste que son utilisation excessive finirait par annuler complètement
l'effet utile du Règlement Successions. Prenons le cas de la professio juris : l'on sait
(supra, chap. I, n°) que cette faculté, absente dans certains États membres, a été introduite
pour garantir une plus grande prévisibilité et une majeure stabilité du droit applicable à la
succession. Or, si la loi choisie par le de cujus était une loi ignorant la réserve héréditaire,
devrait-on la rejeter automatiquement au seul motif qu'elle ne prévoit pas cet instrument ?
Certes, on va voir que dans ces hypothèses la réponse nécessite la prise en compte d'une
pluralité de facteurs, mais sur le plan théorique la solution devrait en tout état de cause
être négative. En effet, si la seule absence de la réserve successorale suffisait en elle seule
à déclencher l'ordre public, le Règlement n'aurait alors vocation à s'appliquer que dans
des cas limités en finissant ainsi, dans la pratique, à rendre vain tout tentative
d’harmonisation tant espérée par le législateur européen463.
291. Par ailleurs, cette exigence de flexibilité se trouvait clairement confirmée dans la
prévision de l'article 27, paragraphe 2, de la proposition de 2009 qui, sur le thème de
463 E.FONGARO, L’anticipation successorale à l’épreuve du droit des successions, op. cit., pp. 525.
164
l'ordre public, statuait que « l'application d'une disposition de la loi désignée par le présent
règlement ne peut pas être considérée comme contraire à l'ordre public du for au seul
motif que ses modalités concernant la réserve héréditaire sont différentes de celles en
vigueur dans le for ». Aucune autre disposition n’aurait pu être aussi éloquente. Pour
autant, ces efforts n’ont pas empêché que la règle fasse l'objet d’une pluralité
interprétations : ainsi, pour certains elle interdisait directement la possibilité d'invoquer
l'ordre public à l'égard d'une loi étrangère ne prévoyant pas des mécanismes de protection
des proches du défunt464. Pour d'autres, en revanche, cette disposition devait être entendu
de manière moins radicale, se limitant à exclure l'intervention de l'ordre public dans les
hypothèses où la loi désignée prévoyait des instruments alternatifs et équivalents à la
réserve successorale465.
292. Le texte définitif du Règlement a cependant éliminé cette formulation, préférant
adopter la règle classique typiquement employée dans les autres instruments européens.
Comment dès lors interpréter cette suppression ? Serait-elle un signal d'élargissement du
jeu de l'exception de l'ordre public, comme l'on soutenu certains auteurs466, ou bien, a
contrario, ne serait-ce qu'une confirmation de son caractère d'exception ? Or, compte tenu
des considérations développées supra (n° 218 et s.), il est permis de soutenir que la
solution ne devrait pas être différente de celle adoptée par une partie de la doctrine vis-à-
vis de l'article 27, paragraphe 2, proposition de 2009, précité. En effet, une interprétation
favorable à élargir le champ d'intervention de l'ordre public équivaudrait à dénaturer le
système du Règlement, finissant non seulement par réduire les avantages dérivants de ses
dispositions libérales mais aussi par limiter ses objectifs d'unicité et uniformisation du
droit international privé des successions en Europe. Certes, il est vrai que le considérant
38, en matière de professio juris, précise que la limite à la loi de la nationalité vise à
« éviter que le choix d'une loi ne soit effectué avec l'intention de frustrer les attentes
464En ce sens H.DÖRNER, Der Entwurf einer europäischen Verordnung zum Internationalen Erb- und
Erbverfahrensrecht – Überblick und ausgewählte Probleme, in ZEV, 2010, pp. 227 et s.
465 Dans cette direction G.KHAIRALLAH, Perspectives de droit des successions européennes et
internationales, op. cit., n°18 ; M.GRIMALDI, Brèves réflexions sur l'ordre public et la réserve héréditaire,
op. cit., p. 760 ; A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 541.
466 En faveur de cette thèse, v. notamment M.GRIMALDI, Brèves réflexions sur l'ordre public et la réserve
héréditaire, op. cit., p. 760, pour qui la suppression du par. 2 de l'article 27 devrait être compris comme
« élargissant le jeu de l'exception à l'hypothèse où la loi étrangère ne connaît qu'une réserve très inférieure
à celle du for ».
165
légitimes des héritiers réservataires » et que le considérant 50, à l'égard des pactes
successoraux, dispose que la loi régissant le pacte ne peut pas priver le réservataire de la
part de réserve qui lui est accordée par la lex successionis. Toutefois ces dispositions se
limitent simplement à préciser que le choix de la loi applicable, ou le recours à un pacte
successoral, ne pourrait pas être employés, bien évidemment, pour des motifs frauduleux
ou en tout cas finalisés au préjudice des héritiers réservataires, et non pas que la réserve
doit être nécessairement prévue par la loi régissant la succession. Si donc une solution en
tel sens était suivie, le risque serait non pas seulement de contraster avec l'esprit même
du Règlement mais aussi priver les libertés offertes par le législateur européen de toute
leur portée.
293. Par conséquent, nous estimons que la clause prévue à l'article 35 du Règlement
devrait faire l'objet d'une interprétation plus nuancée, favorable ni à une exclusion in toto
de l'ordre public, ni à son intervention « élargie » en cas de loi étrangère ne prévoyant pas
la réserve successorale. Au contraire, dans un souci de sauvegarder les objectifs
poursuivis par le Règlement, l'exception de l'ordre public ne devrait être mise en jeu que
si son utilisation est réellement justifiée afin d'éviter une grave atteinte aux valeurs
justifiant la prévision de la réserve successorale. Pour cela, il convient donc de faire appel
aux caractères propres de l'ordre public : d'une part sa concrétisation ; d'autre part son
actualité.
b) La nature de l'exception de l'ordre public
294. Au moment où le juge est appelé à vérifier si la loi désignée en vertu du Règlement
s'oppose à l'ordre public du for, la seule prise en compte des principes fondants ce texte
européen n'est pas suffisante. L'on sait en effet que l'ordre public ne peut pas être apprécié
sur la base de considérations purement abstraites, ni totalement étrangères à l'évolution
de la société de l’État membre concerné. Cela est d'autant plus nécessaire en matière de
réserve héréditaire, où les divergences entre les pays européens est particulièrement
évidente.
166
α. La réserve héréditaire : une appréciation in concreto
295. Dans une optique de concrétisation de l'ordre public, le problème qui se pose en
matière de réserve héréditaire peut être divisé en deux questions : d'un côté, l'intervention
de l'ordre public dans l'hypothèse d'une simple différence de régime entre deux États
prévoyant la réserve ; de l'autre côté, l'intervention de l'ordre public en cas de loi étrangère
ignorant la réserve ou admettant des mécanismes alternatifs.
296. À l'égard de la première situation, il convient de reprendre les mots de M. Lagarde,
pour qui le jeu de l'ordre public international exige « un examen sérieux des circonstances
de l'espèce »467. Dès lors, cette exception ne pourra pas intervenir de manière automatique
du seul fait d'une divergence de discipline en matière de réserve, mais impliquera une
analyse approfondie et préalable des éléments concrets de la cause. Ainsi, sur le plan
pratique, la simple circonstance que la loi étrangère prévoit une part de réserve
successorale inférieure par rapport à celle fixée dans l’État du for, ou bien sous une forme
différente (par exemple un usufruit à la place du droit de propriété), ou encore dispose
des modalités de calcul divergents, ne semblerait pas remettre en cause l'ordre public ex
article 35 du Règlement468. En effet, nul ne doute que dans ces cas les différences
existantes ne concernent que la procédure ou les modalités pour la détermination de la
réserve ; au niveau concret cependant les résultats restent les mêmes, les proches du
défunt bénéficiant toujours de cette prévision.
297. Similairement, il semblerait que la ratio de la réserve ne soit pas atteinte lorsque la
loi successorale ne considère pas, parmi les héritiers réservataires, des personnes autres
que les enfants et le conjoint survivant (tel est le cas du droit français469). En effet, il est
généralement admis que l'objectif de la réserve est celui de garantir une protection
adéquate in primis aux enfants du défunt et à son conjoint survivant, ces derniers
467 P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, op. cit., n°20.
468 A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 543.
469 Bien qu'en droit français les parents du défunt, tout en étant pas héritiers réservataires, bénéficient d'un
droit de retour légal lorsque le défunt décède sans laisser de descendants (art. 738-2, Code civil). C'est
pourquoi, une partie de la doctrine a qualifié ce droit de « quasi-réserve », même si cela lui a pas permis
d'être considéré un principe fondamental du droit français (en ce sens E.FONGARO, L’anticipation
successorale à l’épreuve du droit des successions, op. cit., pp. 525).
167
dépendant directement du de cujus, et seulement de manière subsidiaire à ses ascendants
ou collatéraux, dans un souci de maintenir les biens successoraux en famille470. Par
conséquent, et compte tenu aussi d'une diffusion limitée de cette règle en droit comparé,
il serait difficile de faire appel à l'ordre public en cas de non inclusion de ces personnes
parmi les réservataires. Au plus, étant donné le caractère concret de l'ordre public, l'on
pourrait estimer que dans l'hypothèse où le défunt ne laissait pas de descendants et de
conjoint survivant et qu'il entretenait des rapports particulièrement étroits avec ses
ascendants (par exemple car il vivait avec ses parents), l'ordre public pourrait
éventuellement intervenir en cas de loi successorale ne prévoyant aucune forme de
protection en faveur de ces personnes471. Ce n’est donc pas la simple absence de la réserve
héréditaire en faveur des ascendants à justifier la mise en jeu de ce mécanisme, mais la
constatation, in concreto, que la non prévision d’une forme équivalente de protection de
ces personnes aboutit à une réelle atteinte de leur situation
298. Il en est de même dans le cas de la désignation d'une loi étrangère ignorant la réserve
ou prévoyant des mécanismes alternatifs, hypothèses dans lesquelles la question de
l'intervention de l'ordre public est d’ailleurs encore plus discutée. Ici en effet, l'examen
des circonstances concrètes de l'espèce implique d'aller vérifier si même en absence de la
réserve les proches du de cujus, en particulier ses enfants et le conjoint survivant,
bénéficient néanmoins d'une protection pouvant être considérée adéquate. Ainsi, lorsque
ces personnes bénéficient d'autres instruments tels que l'elective share prévue dans
certains droits des États-Unis et permettant d'exiger une part de la succession, ou encore
le droit à une prestation patrimoniale déterminée pour un certain montant (v. supra n°
275), l'ordre public n'a pas raison d'entrer en jeu. Dans ces situations en effet, bien que la
réserve héréditaire ne soit pas prévue, les proches du défunt parviennent à obtenir une
forme de protection concrète qui peut ainsi, dans ses effets, être assimilée à une réserve
successorale. De même, lorsque le défunt a disposé en vie en faveur de ses proches, par
exemple par le biais de donations ou autres formes de libéralités, pour un montant
équivalent ou presque à celui que les réservataires bénéficieraient en présence de réserve,
470 A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 544.
471 Cette exigence pourrait par exemple intervenir lorsque les parents dépendaient économiquement du
défunt. Dans cette hypothèse alors, si la loi du for prévoit une réserve successorale au bénéfice de ces
personnes, il serait possible d'admettre que l'ordre public puisse intervenir.
168
l'absence de cette institution ne devrait pas justifier l'intervention de l'ordre public472. En
effet, quelle différence il y aurait-il par rapport à un pays où la réserve existe ? Dans les
deux cas les proches du de cujus reçoivent une partie du patrimoine successoral, la
divergence étant représentée par le seul moment de la dévolution. Dans toutes ces
hypothèses alors, il est possible d’affirmer que l'absence de la réserve ne comporterait
pas, en soi, l'intervention de l’exception d'ordre public, sauf cas où, sur la base de
l'examen de l'espèce, la lex successionis ne garantissait pas une protection adéquate des
proches du défunt.
299. La question apparaît en revanche plus délicate dans le cas des family provisions de
droit anglais. Ainsi, on a vu que dans ce système la protection des proches du de cujus
n'est pas ignorée purement et simplement, mais se fonde sur une demande judiciaire
d'octroi d'une prestation à la charge de la succession. La question qui se pose alors est de
vérifier si, compte tenu du caractère concret de l'ordre public, ce mécanisme garantie
efficacement la sauvegarde des proches de défunt. Quant au conjoint survivant (ou
partenaire enregistré), l'ordre public ne semblerait pas intervenir, étant donné que celui-
ci doit bénéficier, par le biais du « surviving spouse standard », d'un traitement égalitaire
avec l'autre époux (v. supra n°260). A contrario, quelques problèmes pourraient se poser
à l'égard des enfants, notamment si ces derniers sont mineurs, puisque le fondement de la
family provision est représenté par les conditions économiques du demandeur. Dès lors,
si la prestation est octroyée et que son montant est assez généreux, l'ordre public ne
devrait pas intervenir, les enfants étant adéquatement protégés ; à l'inverse, si cette
prestation n'est octroyée, ou l'est de modeste entité, l'absence de la réserve successorale
devrait pouvoir faire intervenir l'ordre public si l’État du for reconnaît aux descendants
réservataires des parts plus importantes473. Ici en effet, l'application de la loi anglaise
prévoyant de telles dispositions à l'égard des descendants du défunt pourrait bien être
considérée comme « manifestement incompatible » avec l'ordre juridique de l’État
membre du for prévoyant la réserve successorale. Si l'objectif de cette institution est de
protéger les proches du de cujus, il semblerait alors que dans cette hypothèse cette
exigence soit totalement ignorée, ne prévoyant pas lex successionis, d'un point de vue
472 A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 545.
473 IDEM
169
concret, aucune forme de protection alternative ou équivalente.
300. En tout état de cause, quelle que soit la solution finale, ces considérations démontrent
que l'intervention de la clause prévue à l'article 35 du Règlement en matière de réserve ne
peut pas ignorer le caractère concret de l'ordre public. Celui-ci ne devrait donc pas
intervenir de manière automatique, même lorsque sa mise en jeu semblerait évidente,
mais devrait au contraire être soumis à une appréciation au cas-par-cas qui permette au
juge de vérifier si les mécanismes prévus par la loi successorale étrangère garantissent,
de manière concrète et adéquate, la protection des proches du défunt. Cette évaluation
devra en outre prendre en compte les éventuels liens plus ou moins étroits existants entre
la situation litigieuse et l’État du membre du for, la seule présence des biens successoraux
sur le territoire de cet État ne valant pas, en règle générale, à fonder l'intervention de
l'exception de l'ordre public (v. supra n° 233 et s.). Dès lors, si l'on reprend le cas des
enfants du défunt ayant reçu une family provision jugée inadéquate, l'intervention de
l'ordre public pourrait apparaître moins controversée dans l'hypothèse où les descendants
étaient résidents dans un État membre prévoyant la réserve (comme la France ou l'Italie).
Vice-versa, cette exigence de protection serait moins forte si ces mêmes enfants résidaient
en Angleterre ou en dans un pays différent de l'État du for.
301. Pour autant, il faut considérer que les seules circonstances de l'espèce ne suffisent
pas à apprécier l'ordre public. En effet, tout dépend aussi de l'interprétation que l'ordre
juridique du for donne, au moment de l'évaluation par le juge, à la réserve successorale.
Pour cela s'impose alors une prise en compte de l'évolution des mœurs, ainsi que du
système juridique de l'État du for.
β. La réserve héréditaire : une appréciation actuelle
302. Consacrée par Pillet474 au début du XXème siècle, l'actualité de l'ordre public est un
élément indispensable dans la mise en œuvre d'un tel instrument. Ainsi, l’ordre juridique
du for pris comme référence n'est pas une loi quelconque, mais la loi dans sa teneur au
474 A.PILLET, De l’ordre public en droit international privé, op. cit., p. 398, n° 201.
170
moment où le juge statue475. Dès lors, la contrariété d’une loi étrangère aux exigences de
l’ordre public international sera évaluée de manière différente selon que son application
intervienne à une certaine époque plutôt qu’à une autre476. Prenons la matière du divorce,
où le rôle joué par la variabilité dans le temps de l’ordre public est exemplaire : à l’époque
où certains États comme la France, l’Italie ou l’Espagne prohibaient le divorce, les lois
étrangères l’admettant étaient estimées contraires à l’ordre public international.
Toutefois, à partir du moment où ces ordres juridiques ont introduit cette institution, la
tendance s’est progressivement inversée477, restant les répudiations unilatérales de l’un
des époux le seul terrain où l’exception d’ordre public continue à jouer478.
303. Il en est de même en matière de successions. À cet égard, en effet, de nombreux
commentateurs du Règlement ont souligné qu'en droit comparé la tendance actuelle va
dans la direction d'une « modernisation » et d'une « flexibilisation » du droit
successoral479. Dans cette perspective, le droit français en est l'un des principaux
exemples ; la réforme portée par la loi du 23 juin 2006480 a en effet non seulement
introduit de nouvelles formes de pactes successoraux, mais a également influencé la
matière de la réserve en prévoyant l'élimination de la part réservataire en faveur des
ascendants, la renonciation anticipée à l'action en réduction (art. 929, Code civil) ainsi
que la réduction des libéralités en valeur articles 921 et s., Code civil). Or, bien que
certains auteurs aient tenté de minimiser la portée de ces innovations, qui ne signifieraient
475 En ce sens H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Traité de droit international privé, op. cit., p. 585.
476 Ainsi, comme l’a indiqué la Cour de Cassation française en 1944 (Cass. civ. 22 mars 1944, in Rev.
crit. dr. int. priv., 1946, p. 107, note de J.P.NIBOYET), l’ordre public international dépend « dans une large
mesure de l’opinion qui prévaut à chaque moment en France ».
477 Au début, notamment pour la France, les lois étrangères admettant le divorce par consentement mutuel
continuaient à être écartée au nom de l’ordre public ; cependant, la loi française de 1975 ayant introduit
cette forme de dissolution du mariage, les lois étrangères admettant le divorce par consentement mutuel
ne sont désormais plus écartées.
478 Bien que certaines décisions, faisant recours au caractère concret de l’ordre public, aient reconnu les
effets d’une décision étrangère de répudiation sans faire intervenir l’exception d’ordre public (v. supra
n°182).
479 IBIDEM, p. 543.
480 Il s'agit de la Loi 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Pour une
présentation générale des nouveautés introduites par cette réforme, v. ex multis A.LEBORGNE (sous la
direction de), La réforme des successions et des libéralités et la loi du 23 juin 2006, 2008, Presses
Universitaires d'Aix-Marseille (PUAM).
171
« nullement un repli de la réserve »481, il est difficile de ne pas y voir une modification
traduisant la volonté du législateur d'adapter le système actuel aux besoins de liberté et
d'autonomie ressentis en pratique482.
304. De la même manière, dans un pays traditionnellement construit sur l'ordre public
familial comme l'Espagne, les débats sur la nécessité de la « legítima » se sont intensifiés
dans ces dernières années. L'actuelle fragmentation législative a en effet été fortement
critiquée non seulement par la doctrine mais également par les praticiens du droit, qui ont
ainsi demander au législateur espagnol d'apporter une réforme au système successoral
commun prévu par le Code civil483. À cet égard, bien que certains soient même arrivés à
suggérer une véritable suppression de la réserve484, l'opinion majoritaire a souligné la
nécessité d'adapter le régime actuel aux évolutions de la société et de la famille, en
modernisant le système de la « legítima » en faveur d'une plus grande liberté
testamentaire485.
305. Similairement en Italie, il y quelques années certains auteurs avaient avancé la
proposition de réformer le régime de la réserve héréditaire afin d'élargir l'autonomie du
testateur sur le modèle du système anglais fondé sur les besoins économiques des proches
du défunt. Cette idée n'avait toutefois connu que peu de succès en doctrine, ce qui avait
déterminé son abandon. Néanmoins, l'on rappellera que la jurisprudence de la Cour de
Cassation italienne, en annulant la décision de la Cour d'appel de Milan qui avait qualifié
481 En ce sens M.GRIMALDI, Brèves réflexions sur l'ordre public et la réserve héréditaire, op. cit., p.
759.
482 v. notamment C.BRENNER, Le nouveau visage de la réserve héréditaire, in A.LEBORGNE (sous la
direction de), La réforme des successions et des libéralités et la loi du 23 juin 2006, op. cit., pp. 33 et s.
483 Pour une présentation générale de ces discussions, v. A.BARRIO GALLARDO, Atemperar la rigidez de
la legítima, in Aranzadi Civil, 2008, 21, pp. 15 et s. ; M.M.BERMEJO PUMAR, La legítima (función y
estructura, in J.F.DELGADO DE MIGUEL-M.GARRIDO MELERO (édité par), Instituciones de Derecho
privado, vol. III, Sucesiones : las atribuciones legales, 2005, Cizur Menor, Civitas, pp. 17 et s.
484 En ce sens M.A.PARRA LUCÁN, Legítima, libertad de testar y transmisión de un patrimonio, in Anuario
da Facultade de Dereito da Universidade da Coruña, 2009, 13, pp. 481 et s.
485 Sur les propositions suggérées, v. notamment J.DELGADO ECHEVERRÍA, Una propuesta de política del
Derecho en materia de sucesiones por causa de muerte. Segunda parte: objectivos de una reforma de
derecho de sucesiones, in Derecho de sucesiones. Presente y Futuro. XII Jornadas de la Asociación de
Profesores de Derecho Civil, 2006, Murcia, Universidad de Murcia, pp. 170 et s.
172
la réserve héréditaire de principe fondamental de l'ordre juridique italien, a considéré cette
institution étrangère à l'ordre public international (supra n°265).
306. Ainsi, ces positions démontrent que le droit des successions n'est pas exempt du
mouvement de flexibilisation qui intéresse, depuis des années désormais, le droit de la
famille dans sa généralité et, dans une perspective plus large, le droit international privé
contemporain. Or, cela n'implique certes pas que la réserve n'a plus motif de trouver
application, l'ordre familial restant, bien que de manière et sous des formes différentes, le
pilier de notre société civile contemporaine. Cependant il faut que le système actuel
s'adapte et soit capable de répondre aux nouvelles exigences d'une communauté de plus
en plus nombreuse, de plus en plus en mouvement et toujours plus demandeuse
d'autonomie486. Ce besoin est d'ailleurs d'autant plus fort au sein de l'Union européenne
où l'instauration d'un système commun de droit international privé des successions ne
pourrait pas parvenir à ses objectifs d'harmonisation et de simplification de la circulation
intra-européenne sans une nécessaire prise en compte, par les États membres, de cette
évolution. Dès lors, et compte tenu des considérations élaborées jusqu'à présent, il est
indispensable que la clause de l'ordre public prévue à l'article 35 du Règlement
n'intervienne que de manière exceptionnelle dans la gestion des conflits des lois, lorsque
la violation du principe de la réserve est véritablement inacceptable pour nos systèmes
juridiques nationaux. Une telle interprétation aboutirait ainsi à un double résultat : d'une
part garantir une mise en œuvre effective du Règlement du 4 juillet 2012 ; d'autre part, et
par ce biais, favoriser une plus rapide et harmonieuse implantation du nouveau régime
européen des successions dans les systèmes nationaux des États membres.
307. Dans cette perspective alors, il est possible d'envisager une « trêve » dans cette
guerre infinie entre la réserve héréditaire et son appartenance à l'ordre public, garantie par
la portée unificatrice du Règlement de 2012. La Convention de La Haye de 1989 avait
déjà avancé une tentative dans cette direction, en disposant à l'article 24, paragraphe 1er,
lettre d)487, que l'ordre public n'intervient que si l'application de la loi désignée par le texte
486 v. à cet égard, A.BUCHER (L'autonomie de la volonté en droit international privé : un principe universel
entre libéralisme et étatisme, in Recueil des Cours, t. 359, 2013, p. 303) qui parle de « dialectique
perpétuelle » entre la liberté individuelle et la réglementation étatique.
487 Cet article permet à tout État contractant de faire la réserve qu'il n'appliquera pas la loi désignée par le
défunt conformément à l'article 5 de la Convention en présence d'un certain nombre de conditions.
173
conventionnel prive « totalement ou dans une proportion très importante le conjoint ou
l'enfant du défunt d'attributions de nature successorale ou familiale auxquelles ils auraient
eu droit selon les règles impératives de la loi » du for. Or, cette convention n'étant pas
entrée en vigueur, il est souhaitable que le Règlement, par le biais d'une interprétation
communément acceptée de sa clause dictée à l'article 35, parvienne à cette tant espérée
uniformisation des solutions. Une telle approche démontrerait dès lors que l'ordre public
maintient certainement un caractère irréductible et non éliminable dans la mise en œuvre
des règles de conflits, tout en restant, pour autant, un instrument à l'emploi strict et
exceptionnel.
308. Par ailleurs, l'approche ici proposée n’apporterait pas une réponse d’homogénéité à
la seule question de la réserve héréditaire, mais fournirait également une solution dans un
autre domaine traditionnellement objet de diatribes et divergences entre les États
membres : c'est le cas des pactes successoraux.
C. Le pacte successoral : un principe fondamental ?
309. La question de l'appartenance des pactes successoraux à l'ordre public a pendant
longtemps formé l'objet de vifs débats. Ces actes, en effet, ont traditionnellement été
interdits dans de nombreux États membres du Règlement, ce qui a ainsi conduit à exclure,
au nom de l'ordre public, des pactes étrangers en cas de loi successorale les prohibant.
Cependant, l'état actuel des systèmes nationaux démontre qu'une telle conception est
désormais devenue inadéquate, voire même obsolète, ce qui a ainsi remis en cause la mise
en jeu de l'ordre public dans un tel domaine. Cette considération, qui est bien visible en
droit comparé, semblerait être ultérieurement confirmée par le Règlement européen des
successions, particulièrement favorable aux possibilités d'anticipation successorale.
1. La position des pactes successoraux en droit comparé
310. La position des ordres juridiques européens à l'égard des pactes successoraux a
toujours été multiforme ; si pour certains pays ces actes sont considérés valables bien que
sous certaines conditions, pour d'autres ils sont traditionnellement interdits.
174
a) Les systèmes prohibitifs
310. Les raisons justifiant cette prohibition sont essentiellement historiques ; en effet, ces
actes étaient particulièrement utilisés au Moyen Age ainsi que pendant toute la période
de l'Ancien Régime dans un souci de sauvegarder, notamment au sein des familles
aristocrates de l'époque, l'intégrité du patrimoine familial. Toutes les richesses étaient
donc concentrées dans les mains d'un seul descendant, normalement l’aîné, en obligeant
tous les autres à renoncer à l'hérédité488. Or, les injustices provoquées par ces pratiques
féodales n'ont pas résisté à la vague de la Révolution qui, par le biais du Code civil de
1804, a donc statué l'interdiction des pactes successoraux. Cette rigueur répondait ainsi à
un double objectif : d'une part s'éloigner des traditions prérévolutionnaires ; d'autres part,
protéger la liberté testamentaire contre toute possible influence externe en garantissant,
en même temps, la possibilité pour le testateur de révoquer le testament jusqu'à son
décès489. C'est pourquoi, sous l'influence du Code civil napoléonien, la prohibition de ces
actes d'anticipation successorale s'est rapidement diffusée dans la plupart des ordres
juridiques de l'époque490 , bien que de manière plus ou moins forte selon les pays491.
311. Ainsi, les pactes successoraux sont généralement interdits en Italie, où l'article 458
du Code civil italien prévoit que toute forme de convention par laquelle une personne
dispose de son patrimoine est nulle. Il en découle donc que dans le système italien, en
principe, sont prohibés non seulement les pactes successoraux d'attribution (qui
contiennent des dispositions à cause de mort en faveur du contractant ou d'un tiers), mais
aussi les pactes dits « abdicatifs » (par lequel une personne renonce des droits sur une
488 En ce sens G.VISMARA, Storia dei patti successori, Milan, 1986 ; v. aussi A.ZOPPINI, Il patto di
famiglia, in Studi Salis, vol. II, Turin, 2000, pp. 1265 et s. ; G.S.PENE VIDARI, Contratti post mortem, in
Digesto, IV éd., vol. I, sec. civ., Turin, 2003, pp. 411 et s.
489 Note « Les pactes successoraux », rédigée par le Bureau Permanent de la Conférence de La Haye de
droit international privé aux cours des travaux préparatoires à la Convention de La Haye sur la loi applicable
aux successions à cause de mort de 1989, in Conférence de La Haye de droit international privé, Actes et
documents de la Seizième session, vol. II, Successions-loi applicable, La Haye, 1990, pp. 222 et s.
490 v. A.DAVÌ, Riflessioni sul futuro diritto internazionale privato europeo delle successioni, in Riv. dir.
int., 2005, pp. 330 et s. ; A.ZOPPINI, Le successioni in diritto comparato, in R.SACCO (sous la direction de),
Trattato di diritto comparato, Turin, 2002, pp. 172.
491 Pour une analyse générale des pactes successoraux en droit comparé, v. Y.LELEU, Les pactes
successoraux en droit comparé, in Les relations contractuelles internationales, Le rôle du notaire, Maklu,
1995, Antwerpen-Apeldoorn, pp. 545 et s.
175
succession future) et « translatifs » (qui permettent à une personne de céder à un tiers des
droits sur une succession future)492. Il en est de même pour le testament conjonctif, c'est-
à-dire le testament commun de deux ou plusieurs personnes en faveur d'un tiers, ainsi que
pour le testament mutuel, par le biais duquel deux personnes disposent chacune en faveur
de l'autre (article 589, Code civil italien)493. Similairement, les pactes successoraux sont
prohibés en France494, Belgique495, aux Pays-Bas (art. 4:4, al. 2, NBW), au Portugal (art.
2028, al. 2, Code civil portugais) ou encore en Espagne (art. 1271, al. 2 et art. 658, Code
civil espagnol), bien que certains droits « foraux » (par exemple la Navarre, la Catalogne
ou la Galicie) admettent ces actes dans une plus large mesure496.
b) Les systèmes libéraux
312. Si dans les pays européens influencés par le Code civil les pactes successoraux sont
en principe exclus, dans d'autres cette position de « fermeture » a été moins rigide. Tel
est le cas notamment de l'Allemagne, où le pacte d'attribution est généralement admis ;
ainsi, celui-ci doit être conclu par acte notarié, sous peine de nullité, et peut contenir toute
disposition, à titre universel ou particulier, au profit du contractant ou d'un tiers (§2276,
al. 1Er, BGB)497. Il en est de même pour les pactes abdicatifs ou translatifs, valables en
droit allemand bien que dans la seule hypothèse où ils concernent le successible et le
492 G.CAPOZZI, Successioni e Donazioni, 4ème éd., Milan, Giuffré, 2015, p. 50 ; A.PALAZZO, Autonomia
contrattuale e successioni anomale, Naples, 1983 ; A.LEPRI, Patto successorio, in Nuova Giur. Civ., 1985,
I, pp. 95 et s.
493 v. par exemple Trib. Terni, 13 septembre 2007, n. 712 (in Il corriere del merito, 2008, vol. IV, p. 307),
dans une affaire concernant deux conjoints, chacun ayant rédigé son propre testament sur la même feuille
et par le biais desquels ils s'instituaient réciproquement héritiers l'un de l'autre.
494 Cette interdiction est dictée par l'article 1130, al. 2, du Code civil, en vertu duquel « On ne peut
cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession,
même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit, que dans les conditions prévues par
la loi ». En général sur les pactes successoraux en France, v. P.LAGARDE, Rapport national pour la France,
attaché à l'Étude de droit comparé sur les règles de conflits de juridictions et de conflits de lois relatives
aux testaments et successions dans les États membres de l'Union européenne, réalisé par le Deutsches
Notarinstitut, 2002, pp. 401 et s.
495 Dans ce pays la prohibition des pactes successoraux découle de l'article 1130, al. 2, du Code civil
français (v. le rapport sur Rev. crit. de jurisprudence belge, 1996, pp. 396 et s.
496 A.BONOMI, La vocation successorale volontaire dans certains droits européens, op. cit., p. 39.
497 Sur les pactes successoraux en Allemagne, v. H.LANGE-K.KUCHINKE, Erbrech. Ein Lehrbuch, 5ème éd.,
Munich, 2001, Beck, pp. 467 et s.
176
défunt (§§2346 et 2350, BGB). Quant au testament conjonctif en revanche, celui-ci fait
l'objet de règles plus sévères par rapport à un pacte successoral, n'étant autorisé qu'entre
les conjoints (§2265, BGB). Néanmoins, contrairement aux pactes, cet instrument
présente un double avantage : d'un côté il peut être olographe, sans besoin donc de
l'intervention d'un notaire ; de l'autre côté l'autographie n'est pas obligatoire, le testament
pouvant être rédigé par un seul des conjoints, pourvu que l'autre y adhère par une
déclaration écrite et signée de sa propre main (§2267, BGB)498. Un système similaire est
également prévu en Autriche, bien que dans ce pays les dispositions à l'égard des pactes
successoraux soient plus restrictives. En effet, le droit autrichien admet les pactes
d'attribution uniquement entre les conjoints (§1249 ABGB) et les pactes de renonciation
(à savoir les pactes abdicatifs et translatifs) ne sont valables qu'entre le successible et le
de cujus (§551 ABGB) ; quant aux testaments conjonctifs en revanche, comme en
Allemagne ces derniers ne sont permis qu'entre les conjoints (§1248 ABGB)499.
313. Une position particulière est enfin celle occupée par les droits anglais et irlandais,
où bien que l'institution des pactes successoraux ne soit pas prévue, il est admis que le de
cujus puisse conclure des contrats par lesquels il s'engage à disposer, ou ne pas disposer,
de son patrimoine par testament (il s'agit du « contract to make or not to make a will »)500.
De la même manière, au cours de sa vie le testateur peut également s'engager à ne pas
révoquer, ou modifier, un testament déjà existant (c'est le « contract not to revoke or not
to alter a will »). Cependant, étant donné que les pactes successoraux ne sont pas connus
dans ces systèmes, ces dispositions ne sont pas comparables à de véritables actes mortis
causa, ce qui implique qu'elles ne donnent pas naissance à un droit sur une part de
l'héritage. Conséquemment, leur valeur n'étant que de nature obligatoire, il en découle
que si ces « will substitutes » ne sont pas respectés, le cocontractant n'aura droit, en
principe, qu'aux dommages-intérêts501.
498 A.BONOMI, La vocation successorale volontaire dans certains droits européens, op. cit., p. 39.
499 En général sur les pactes successoraux en droit autrichien, v. H.KOZIOL-R.WELSER, Bürgerliches
Recht, vol. II, 11ème éd., Vienne, 2000, Manz, pp. 469 et s. ; v. aussi note « Les pactes successoraux », op.
cit., p. 224.
500 En ce sens PARRY&CLARKS, The Law of Succession, op. cit., n°6-02 ; J.TALPIS, Succession Substitutes,
op. cit., pp. 9 et s. ; J.A.SCHOENBLUM, Multistate and Multinational Estate Planning, 5ème éd., Chicago,
2009
501 En ce sens A.BONOMI, La vocation successorale volontaire dans certains droits européens, op. cit., p.
45 qui souligne (note 60) que la jurisprudence anglaise a admis la réparation en forme spécifique lorsque
177
314. Cette brève analyse de droit comparé permet donc de distinguer, au sein de la
catégorie des pactes successoraux, deux grandes familles : d'une part les pays
« restrictifs », interdisant ces formes de convention ; d'autre part les pays « libéraux »,
ayant adopté une position moins rigide à l'égard de ces actes. Pour autant, ces divergences
sembleraient avoir connu un infléchissement dans les systèmes contemporains, où la
tendance à assouplir l'interdiction des pactes successoraux paraît s'être désormais
imposée.
2. Les tempéraments à la prohibition des pactes successoraux
315. À l'instar de la plupart des règles juridiques, l'interdiction de conclure des pactes
successoraux a connu, au fil du temps, une série d'exceptions et de tempéraments.
Exemplaire à cet égard est le droit français.
316. Ainsi, en France, la prohibition des pactes successoraux, énoncée comme indiqué
supra (n°291) à l'article 1130, alinéa 2, du Code civil, fait l'objet d'un certain nombre
d'exceptions502. Parmi celles-ci, peuvent être citées les donations-partage prévues à
l'article 1076, Code civil, ou encore l'institution par contrat de mariage pouvant intervenir
soit entre les futurs époux (article 1093, Code civil), soit par un parent ou un tiers en
faveur de ces derniers (article 1082, Code civil)503. L'on mentionnera également la
renonciation anticipée à l'action en réduction, introduite par la Loi du 23 juin 2006 aux
article 929 et suivants du Code civil et permettant à l'héritier réservataire présomptif de
renoncer à exercer une action en réduction dans une succession non encore ouverte. Un
assouplissement de la rigueur traditionnelle est également visible en Italie, où en 2006 le
législateur a introduit le « patto di famiglia » (pacte familial), permettant à l'entrepreneur
l'obligation porte sur des biens déterminés.
502 Sur l'évolution des pactes successoraux en France, v. ex multis Y.FAVIER, Le principe de la prohibition
des pactes successoraux en droit français, in A.BONOMI-M.STEINER, Les pactes successoraux en droit
comparé et en droit international privé, Genève, 2008, Droz, pp. 29 et s.
503 En réalité la loi qualifie cette institution de « donation » ; néanmoins, puisqu'il s'agit d'une disposition
irrévocable, elle est considérée par la doctrine comme un véritable pacte successoral (en ce sens
M.GRIMALDI, Droit civil, Successions, 6ème éd., Paris, 2001, n°341).
178
de transférer tout ou partie de sa propre entreprise à un ou plusieurs descendants (art. 768-
bis, Code civil italien)504. Cette première forme d'évolution législative a en outre été
accompagnée par une interprétation moins rigide de la part de la jurisprudence
nationale505, ce qui a ainsi conduit certains auteurs à considérer la règle prohibitive ex
article 458, Code civil italien, désormais largement inappliquée506.
317. Dès lors, compte tenu de cette tendance en faveur d'une ouverture vers des formes
de conventions assimilables aux pactes successoraux, l'appartenance de ces derniers à
l'ordre public international semblerait dès lors avoir perdu toute justification. Une telle
interprétation est d'ailleurs confirmée par la position suivie par les jurisprudences
nationales européennes, où l'idée selon laquelle la prohibition des pactes successoraux
constituerait un principe fondamental dur for n'est aujourd'hui plus admise507. Cette
solution comporte alors qu'en principe un pacte étranger, conclu en vertu de la loi d'un
autre pays, puisse connaître ses effets dans l’État membre du for même si prohibé selon
la loi locale. La clause de l'ordre public ne devrait donc pas pouvoir, en général, être
invoquée, ne pouvant désormais plus considérer que son historique prohibition justifie
l'éviction de la loi étrangère au nom de la sauvegarde des valeurs du for. C'est en ce sens
que semblerait aller le Règlement n°650/2012, qui pour la première fois a prévu, au
niveau européen, des règles de conflits de lois spécifiques en matière de pactes
504 Sur cette institution, v. E.CALÒ, Patto di famiglia e norme di conflitto, in Famiglia, persone e
successioni, 2006, n° 7, pp. 62 et s. ; D.OCKL, Patto di famiglia e diritto internazionale privato, in Patti di
famiglia per l'impresa, réalisé par la Fondazione Italiana per il Notariato, Milan, 2006, pp. 374 et s.. Sur
la nature mortis causa de cette convention, v. D.DAMASCELLI, Il « patto di famiglia » nel diritto
internazionale privato, in Riv. Dir. Int. Priv. Proc., 2007, pp. 626 et s., pour qui cette institution ne devrait
pas etre considérée comme un pacte successoral ; contra B.BAREL, La disciplina dei patti successori, in
P.FRANZINA-A.LEANDRO (sous la direction de), Il diritto internazionale privato europeo delle successioni
mortis causa, Milan, 2013, p. 119.
505 v. par exemple Trib. Napoli, sect. VI civ., 30 juin 2009, in Vita notarile, II, 2011, p. 755.
506 En ce sens M.V.DE GIORGI, Patto:VIII-Patto successorio, in Enc. Dir., XXXII, Milan, 1982, pp. 533
et s.
507 Pour l'Italie, v. Trib. Bolzano, 8 mars 1968, in Riv. Giur. Alto Adige, 1968, p. 220 ; pour la doctrine, v.
A.DAVI, Riflessioni sul futuro diritto europeo delle successioni, op. cit., p. 329-330 ; P.PICONE, La riforma
italiana del diritto internazionale privato, op. cit., pp. 92 et s. Pour la France, v. CA Aix-en-Provence, 16
octobre 2003, in Rev. crit. dr. int. priv., 2004, p. 589, note de P.LAGARDE ; aussi Tribunal de Première
Instance de Monaco, 23 février 1995, in Rev. crit. dr. int. priv., 1996, pp. 440 et s., note de B.ANCEL ; en
doctrine, v. M.GRIMALDI, Brève réflexions sur l'ordre public et la réserve héréditaire, op. cit., pp. 757-758,
pour qui « la prohibition des pactes successoraux pourrait etre élevée au rang de l'ordre public
international » ; moins radical J.FOYER, in Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 148.
Pour l'Espagne, v. E.CASTELLANOZ RUIZ, Sucesíon hereditaria, in Derecho internacional privado, op. cit.,
p. 377.
179
successoraux508.
3. Les pactes successoraux dans l'article 35 du Règlement n°650/2012
318. L'on sait déjà que le législateur européen a opté pour une clause restrictive de l'ordre
public, prévoyant que celle-ci ne puisse être invoquée que lorsque son atteinte est
« manifestement inadmissible ». L'on sait également que l'esprit du nouveau texte sur les
successions est particulièrement libéral et favorable à la liberté du testateur, notamment
dans l'organisation anticipée de son patrimoine successoral. S'ajoute de plus la prévision,
au sein du Règlement de 2012, d'articles spécifiquement destinés à la détermination de la
loi applicable aux pactes successoraux (article 25, sur lequel v. supra chap. I, n° 129 et
s.). Dès lors, il est permis de se demander si à la lumière de ces considérations serait-il
possible que l'ordre public ex article 35 du Règlement intervienne à l'encontre d'un pacte
successoral stipulé conformément à ses dispositions.
319. En matière, deux arguments peuvent être tout d'abord avancés ; d'abord l'effet utile
du Règlement qui, en relation aux pactes successoraux, est bien visible au considérant 49
de ce même texte, aux termes duquel le but des prévisions contenues à l'article 25 est de
« faciliter l'acceptation dans les États membres de droits successoraux acquis du fait du
pacte ». Par conséquence, si l'objectif du Règlement est de permettre une plus simple et
effective circulation des pactes successoraux entre les pays de l'Union européenne, il
serait contradictoire de faire intervenir l'ordre public contre une convention étrangère
simplement car non admise dans l’État membre du for (tel pourrait être le cas d'un pacte
successoral allemand par rapport au système italien). Une telle solution finirait en effet
par maintenir, voire même accentuer, les différences de régimes historiquement existantes
entre les systèmes européens en matière de pactes successoraux, ce qui serait contraire au
projet d'harmonisation du droit international privé des successions visé par le
Règlement509.
508 L'on rappellera en effet que la Convention de La Haye de 1989, prévoyant des dispositions spécifiques
en matière de pactes successoraux (auxquelles le Règlement s'est largement inspiré), n'est pas entré en
vigueur (v. supra Chap. I).
509 Ainsi, pour P.CHASSAING (Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 44), « si le
bénéfice est largement connu et utilisé au-delà du Rhin, pourquoi ne pas les faire nôtres dans le cadre de
la construction européenne et d'une harmonie supérieure entre les règlements des successions franco-
180
320. De plus, une telle interprétation serait d'autant plus injustifiée à la lumière de la
tendance d'assouplissement et de majeure liberté suivie par la plupart des systèmes
européens traditionnellement prohibitifs, dans lesquels, comme on a pu voir,
l'appartenance de pactes successoraux à l'ordre public n'est désormais plus admise par la
jurisprudence majoritaire. Dès lors, si l'on soutient que la clause de l'article 35 doit faire
l'objet d'une lecture restrictive afin de ne pouvoir l'invoquer que dans les seules
hypothèses où l'atteinte à l'ordre public du for est d'une certaine gravité, il semblerait n'y
avoir aucun motif de la faire intervenir en matière de pactes successoraux, étant donné
que leur prohibition n'est généralement plus considérée comme un principe fondamental
dans la plupart des États membres européens510.
321. Certes, il est vrai que certains auteurs ont considérer que l'ordre public pourrait être
invoqué au sein d'un État membre pour défendre la prohibition des pactes successoraux
lorsque le de cujus avait la nationalité de ce pays511. Cependant, adopter une telle
conception pourrait comporter un double risque : d'une part maintenir de fait le système
antérieur au Règlement où chaque pays était souverain de son droit international privé
des successions et souvent « méfiant » à l'égard des solutions étrangères. D'autre part,
invoquer l'ordre public en présence du critère de la nationalité serait incompatible avec
l'objectif de créer et développer un espace commun européen de sécurité, justice et liberté,
« au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes » (considérant n°1,
Règlement). S'il existe en effet une citoyenneté européenne consacrée dans les Traités
fondateurs, et que celle-ci constitue l'un des piliers fondant le système de l'Union, est-il
encore justifié de considérer la nationalité d'une personne comme un facteur pouvant
mettre jeu l'ordre public dans les rapports entre les États512 ? Ajoutons en outre que, même
allemandes notamment mais pas uniquement ». C'est pourquoi, l'auteur considère que les systèmes
nationaux prohibitifs à l'égard des pactes successoraux devraient adapter leur propre doit interne à la
nouvelle réglementation européenne afin d'en permettre une application réellement efficace entre les États
membres.
510 En ce sens A.BONOMI-P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 549.
511 Ces propos ont été soutenus notamment dans la doctrine française, v. ex multis M.GRIMALDI, Brève
réflexions sur l'ordre public et la réserve héréditaire, op. cit., pp. 757-758, pour qui « la prohibition des
pactes successoraux pourrait être élevée au rang de l'ordre public international » ; plus nuancé J.FOYER, in
Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 148.
512 L'argument de la citoyenneté européenne a d'ailleurs été invoqué par P.LAGARDE (La méthode de la
reconnaissance est-elle l'avenir du droit international privé ?, in Recueil des Cours, t. 371, 2014, p. 28)
181
en voulant maintenir le critère de nationalité, le principe de l'effet atténué de l'ordre public
pourrait toujours conduire à l'acceptation de la convention étrangère, en garantissant que
les effets des droits régulièrement acquis dans un autre État membre, en vertu d'un pacte
successoral admis dans ce pays, puissent pleinement se produire dans l'ordre juridique du
for513. Sur ce dernier point, par ailleurs, déjà avant l'entrée en vigueur du Règlement de
2012 M. Lagarde avait considéré « qu’un juge français ne devrait pouvoir admettre
aujourd'hui qu'une loi étrangère admettant le pacte successoral n'est pas contraire à l'ordre
public français, même non atténué »514. Or, si cette affirmation valait avant l'entrée en
application du texte européen, il n'y a pas raison pour qu'elle ne soit plus suivie dans le
nouveau système commun des successions.
322. Peut-ont dès lors conclure que l'ordre public ne puisse pas, en règle générale,
intervenir en matière de pactes successoraux ? Bien que certains auteurs restent douteux,
il est permis de répondre par l'affirmative. Certes, comme dans le cadre de la réserve
héréditaire, une telle solution n'exclue pas de possibles exceptions, l’ordre public
maintenant, dans certaines situations, un caractère irréductible et non éliminable. Ainsi,
il est évident que lorsque le pacte successoral présente un contenu discriminatoire ou
contraire à un droit fondamental de l'homme (par exemple en prévoyant une renonciation
forcée de la fille pour motifs sexuels), l'ordre public devra sans doute intervenir.
Toutefois, l'on conviendra qu'il s'agit ici d'hypothèses exceptionnelles. En effet, dès lors
que le pacte a été conclu dans un autre État membre admettant cet instrument (telle
l'Allemagne par exemple), il est difficile, voire impossible, d'imaginer qu'un accord
manifestement contraire aux droits fondamentaux humains soit reçu et formé par les
autorités compétentes.
323. Cependant il est vrai aussi que la solution pourrait ne pas être toujours évidente,
notamment lorsque le pacte comporte non pas une violation manifeste des droits de
comme l'un des fondements à la reconnaissance des situations des ressortissants des Etats membres, en
tant que corollaire de la libre circulation dans l'Union européenne.
513 C'est d'ailleurs en ce sens que s'est prononcée la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans l'arrêt du 16
octobre 2003 (supra note 206), en affirmant, dans une affaire concernant un pacte successoral conclu devant
un notaire allemand, « qu'il s'agit de laisser se produire sur le territoire national les effets de droits
régulièrement acquis à l'étranger ».
514 Note à l'arrêt précité (v. supra note 206).
182
l'individu mais prévoit par exemple que l'un des héritiers réservataires renonce à sa part
successorale ou à une partie de celle-ci. Quid dans ces hypothèses ? La renonciation à la
réserve par le biais d'un contrat pourrait-elle justifier la mise en jeu de l'ordre public ? Si
l'on s'en tient aux considérations précédemment exposées, en principe la simple
renonciation, consciente et volontaire, à la part de réserve héréditaire exercée
conformément à la loi de conclusion de l'accord ne comporterait pas, en soi, l'application
de l'exception d'ordre public. En effet, si l'on admet l'exclusion de ce mécanisme dans le
cas où la lex successionis ne prévoit pas l'institution de la réserve, il serait contradictoire
d'invoquer son intervention lorsqu'un pacte successoral, valablement conclu à l'étranger,
en admet la renonciation. Si l'héritier contractant a de manière consciente et spontanée
décidé de renoncer à sa part de réserve, pourquoi interdire que sa volonté soit reconnue
dans un autre État membre ? A contrario, nul ne doute que dans l'éventualité où cette
manifestation volontaire n'est qu'une simple apparence cachant une obligation à renoncer
pour motifs discriminatoires, ce pacte ne pourrait ne pas produire ses effets dans l’État
requis, la clause de l'ordre public étant ici pleinement justifiée.
324. Ainsi, les situations jusqu’à présent envisagées démontrent bien que la clause d’ordre
public n’est ni totalement exclue, ni écartée de manière automatique en présence de loi
ignorant la réserve héréditaire ou admettant les pactes successoraux. Pour autant, son
intervention doit rester limitée aux seules hypothèses où la divergence entre les systèmes
juridiques en cause conduirait à une manifeste et concrète violation des principes
fondamentaux du for, englobés tout d’abord dans les droits universels humains.
325. Or, si telle pourrait être la solution en matière de conflits de lois, qu’en est-il de la
reconnaissance au fond d'une décision étrangère fondée sur une loi qui ne prévoit pas la
réserve héréditaire ou qui admet la conclusion d'un pacte successoral ? Serait-il possible
d’interpréter la clause prévue à l’article 45 du Règlement suivant les mêmes
raisonnements adoptés pour l’éviction de la loi applicable à la succession ? À première
vue l'on pourrait penser que dans ce domaine le principe de l'effet atténué de l'ordre public
permet une majeure libéralité dans la solution, excluant ainsi la possible intervention de
cette exception. Cependant la réponse n'est pas aussi immédiate qu'elle apparaît, l'ordre
public préservant, même dans le cadre de la reconnaissance des situations et sous sa forme
d'ordre public au fond, un caractère irréductible.
183
D. La réserve héréditaire et les pactes successoraux dans la compétence indirecte :
l'irréductibilité de l'ordre public au fond
326. L'appartenance d'institutions comme la réserve héréditaire et les pactes successoraux
à l'ordre public international représente l'une des problématiques les plus débattue dans
le système du Règlement Successions. Or cette question, comme nous l'avons dit,
n'intéresse pas le seul domaine des conflits de lois mais relève également dans le cadre
de la reconnaissance d'une situation formée à l'étranger. Ordre public ou pas ordre
public ? Tel est le dilemme auquel on va tenter d'y répondre.
1. L'ordre public au fond et la réserve héréditaire
327. Les analyses développées supra (n° 287 et s.) nous ont conduit à affirmer que dans
un souci de respecter le dessein du législateur européen, et en considération du caractère
concret et actuel de l'exception de l'ordre public, celle-ci ne pourrait être invoquée à
l'encontre d'une loi étrangère au seul motif qu'elle ne prévoit la réserve successorale. Dès
lors, si une telle interprétation peut être suivie à l'égard de la loi applicable, où
traditionnellement les oppositions des États membres ont été majeures, pourquoi adopter
une position plus rigide dans le cadre de la reconnaissance et l'exécution d'une décision
étrangère ? N'oublions pas que dans ce domaine, en vertu du principe de l'effet atténué de
l'ordre public, retenu par une partie des jurisprudences européenne (v. supra n°246 et s.),
l'exigence de mise en œuvre de cette clause est considérée moins contraignante lorsqu'il
s'agit de donner effet à une situation formée dans un autre pays, conformément aux règles
juridiques de cet État.
328. Ainsi, rejeter les effets d'une décision étrangère sur de telles bases signifierait
remettre en discussion les finalités du Règlement et, par cette voie, la possibilité de
parvenir à un système harmonisé en matière de successions internationales. Comment
peut-on parler d'un droit international privé européen si le juge du for peut légitimement
refuser la décision provenant d'un autre État membre au seul motif d'une simple
divergence de législations ? Ajoutons de plus qu'à la différence de la matière des conflits
de lois, dans laquelle le Règlement prévoit le principe d'application universelle (article
20), les règles dictées dans le domaine de la compétence indirecte ne valent qu'entre les
184
États membres au Règlement (article 39, par. 1er). Or, l'on a pu voir que dans ces derniers
la réserve héréditaire, bien que sous des formes différentes et sauf quelques cas
exceptionnels (tels les droits foraux espagnols notamment), est en général prévue par les
droits nationaux. Par conséquence, et à plus forte raison, l'ordre public ne devrait pas en
principe s'opposer à la reconnaissance et à l'exécution d'une décision provenant d'un autre
État membre, étant donné que les proches du de cujus bénéficient, généralement, de la
protection offerte par la réserve successorale.
329. Ces affirmations n'impliquent certes pas que des exceptions soient absentes. A
contrario, comme on a pu constater dans le cadre de l'article 35 du Règlement, l'ordre
public maintient dans certaines de ces hypothèses un caractère irréductible interdisant son
exclusion absolue. Ainsi, supposons le cas extrême d'une décision prononcée en
Angleterre et n'octroyant qu'une forme de protection minimale et insuffisante au
descendant à peine majeur du défunt, la quasi-totalité de la succession ayant été destinée
à une organisation charitable. Or, il est vrai que la situation est née à l'étranger
conformément aux règles juridiques de l’État d'origine ne prévoyant pas de réserve
héréditaire. Néanmoins, la juridiction de l'État membre requis et dont le droit successoral
impose cette mesure de protection pourrait-elle ignorer totalement les effets d'un tel
jugement, à savoir l’incapacité du fils à garantir sa subsistance ? Il est permis de conclure
que la réponse ne pourrait être que négative, mais non pas au motif de la non prévision,
par l’État d’origine du mécanisme de la réserve, mais tout simplement car dans le cas
concret la reconnaissance de la situation étrangère contrasterait avec les conceptions
fondamentales du for, et plus en général européennes, en matière de protection de
l’individu.
330. Par ailleurs, les considérations ici développées sont transposables au domaine des
pactes successoraux, dont la circulation entre les Etats membres pourrait être, en présence
de certaines situations, remise en cause par la mise en jeu de l’ordre.
2. L’ordre public au fond et les pactes successoraux
331. Comme pour la réserve héréditaire, en relation à la reconnaissance des pactes
successoraux restent valables les mêmes arguments développés précédemment en thème
185
de conflits de lois (supra n° 287 et s.).
332. Ainsi, sauf cas particuliers515, l'ordre public ne devrait pas en principe s'opposer à la
reconnaissance de décisions donnant effet à un accord successoral étranger, conclu
conformément aux lois indiquées par l'article 25 du Règlement. Ici encore en effet, une
telle interprétation serait contraire à la finalité d'harmonisation poursuivie par le
législateur européen et ne trouverait en outre pas de justification dans la tendance actuelle
des ordres juridiques nationaux de progressive ouverture en faveur de ces typologies de
conventions. Ajoutons de plus que cette position serait prive de cohérence à l'égard du
considérant 49 du Règlement, précité, aux termes duquel les dispositions dictées à l'article
25 ont pour objectif de « faciliter l'acceptation dans les États membres des droits
successoraux acquis du fait d'un pacte successoral ». Or, bloquer les effets d'une décision
reconnaissant un tel pacte au seul motif que celui-ci n'est pas admis dans l’État du for
serait exactement le contraire de cette simplification de la circulation intra-européenne
que le Règlement a voulu rechercher.
333. En outre, si l’on admet que la théorie de l’effet atténué de l’ordre public est en
principe applicable en relation à une décision étrangère ne prévoyant pas un mécanisme
identique à la réserve héréditaire, pourquoi ne pas appliquer ce même principe dans le
cadre d’un jugement prononce dans un autre Etat membre et admettant la validité d’un
pacte successoral ? L’intervention de ce principe serait même confirmée du fait
qu’aujourd’hui, ainsi que l’on a pu voir supra (n° 295 et s.), la plupart des Etats membres,
y compris ceux traditionnellement hostiles à ces accords, sembleraient avoir adopté une
approche plus flexible à leur égard, ce qui justifie ultérieurement le recours à une
application « atténué » du correctif de l’ordre public.
334. Dès lors, compte tenu des considérations qui précèdent, il est préférable d'affirmer
qu’en dehors des hypothèses exceptionnelles où la mise en jeu de l’ordre public est
indispensable pour garantir le respect des conceptions fondamentales du for, son
intervention ne devrait pas, en général, être admise dans le cadre de la reconnaissance
515 Tel pourrait être le cas d'une décision étrangère qui donne effet à un pacte successoral consacrant une
inégalité de droits en fonction du sexe de l'héritier, ou pour des motifs religieux (exemple donné par
J.FOYER, in Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 157).
186
d’une décision prononcée dans un Etat membre et statuant sur la validité d’un tel accord.
Conclusions au Chapitre II
335. Que peut-on donc conclure de cette longue analyse ? Le doyen Henry Batiffol, en
débutant sa préface à la thèse de son élève Paul Lagarde intitulée Recherches sur l'ordre
public en droit international privé516, écrivait que « les objets classiques doivent être
périodiquement repris – même s'ils sont l'objet de controverses persistantes conduisant au
scepticisme sur la possibilité d'un progrès appréciable ». Parmi ces objets, l’ordre public
occupe sans aucun doute une place d’honneur.
336. En effet, depuis les statuts odieux de Bartole517 cet instrument présente une notion
variable, dont le contenu dépend directement du contexte où elle est appelée à intervenir
et du degré des divergences entre les systèmes juridiques en cause. Plus cet éloignement
entre les droits est marqué, plus élevée sera la probabilité d'intervention de l'ordre public.
Or, comme on a pu voir, ce phénomène est particulièrement évident en matière de
successions où la mise en jeu de cette exception est généralement justifiée par les
différences existantes entre les ordres juridiques et découlant des traditions propres à
chaque système.
337. Pourtant, ces disparités sembleraient être de moins en moins évidentes depuis que
l'Union européenne, de simple communauté à finalité économique, s'est progressivement
transformée en un véritable espace juridique commun et unique à tous les États membres.
L'ordre public n'est donc désormais plus une exclusivité d'un seul État, mais il est devenu
le résultat d'une combinaison entre les principes fondamentaux du for et les valeurs
européennes communes à tous les pays membres. Cela ne nous oblige certes pas à
516 P.LAGARDE, Recherches sur l'ordre public en droit international privé, Paris, 1959.
517 BARTOLUS DE SAXOFERRATO, In primam Codicis partem Commentaria, Turin, 1589, repris par
B.ANCEL, Le commentaire de Bartole « ad legem cunctos populos » sur la glose « quod si bononiensis »
mis en français, in Mélanges en l'honneur d'Anne Lefebvre-Teillard, Paris, éd. Panthéon-Assas, 2009, p.
53
187
renoncer à nos conceptions fondamentales nationales ni à nos traditions historiques et
culturelles518, mais il nous oblige du moins à repenser à leur rôle dans l’intervention de
l’ordre public dans les relations intra-européennes, en concevant ce mécanisme de
manière davantage plus étroite que la notion habituellement adoptée en droit international
privé519.
338. Ainsi, deux conceptions seraient envisageables : l’une, européenne ou « interne »,
destinée à s’appliquer de manière encore plus exceptionnelle et concrète et visant les seuls
rapports entre les États membres ; l’autre, générale ou « externe », fondée sur les
enseignements classiques et concernant les États tiers. L’ordre public ne disparaît donc
pas ; au contraire, il est d’autant plus vivant qu’il ne l’a pu être dans le passé520. Cependant
c’est sa ratio qui se développe en fonction de son application dans l’espace et dans le
temps. Dans les rapports avec les États tiers il n’est en effet plus question de la simple
protection des principes fondamentaux du for, mais de la sauvegarde des valeurs
européennes communes aux Etats membres et consacrées dans les textes supranationaux
intégrés aux systèmes juridiques internes521. Dans les rapports intra-communautaires en
revanche, ce rôle de « soupape » de sécurité n’est désormais plus le seul attribut justifiant
l’application de l’ordre public. Celui-ci poursuivrait ainsi un deuxième et ultérieur
dessein, pilier central et crucial dans le projet de construction juridique commune
développé à partir du Traité d’Amsterdam : l’harmonisation des ordres nationaux.
Protéger les valeurs fondamentales du for ne serait dès lors pas la seule et principale
fonction de l’ordre public désormais européen ; a contrario, celle-ci serait davantage plus
518 Pour reprendre les mots de T.STRUYCKEN (L'ordre public de la communauté européenne, in Mélanges
en l'honneur de H.Gaudemet-Tallon, op. cit., p. 631), « […] il n'est pas surprenant qu'un État membre doit
tenir compte, lors de la détermination de ce qu'exige l'ordre public, de la priorité de l'ordre public
communautaire. Cela ne veut absolument pas dire qu'un État membre, conscient de sa dignité et de son
identité, devra se plier aveuglément à ce qui lui est imposé par la Communauté […]. L'abandon de la
possibilité d'invoquer l'ordre public étatique est un prix excessif pour la réalisation d'un concept magnifique
comme celui d'un espace communautaire de liberté, de sécurité et de justice ».
519 En ce sens C.KESSEDJIAN, Un code européen au regard des objectifs de droit international privé, in
M.FALLON, P.LAGARDE, S.POILLOT-PERUZZETTO (sous la direction de), Quelle architecture pour un code
européen de droit international privé, Bruxelles, 2011, p. 124.
520 La Commission européenne avait en effet proposé, lors de la refonte du Règlement « Bruxelles I », de
supprimer tout recours à l’ordre public substantiel, ce qui avait néanmoins été critiqué par certains auteurs
(v. ex multis P.BEAUMONT-E.JOHNSTON, Can Exequatur Be Abolished in Brussels I Whilst Retaining a
Public Policy Defence ?, in Journal of Private International Law, 2010, pp. 249 et s.). 521 En ce sens, v. la contribution de J.OSTER, Public Policy and Human Rights, in Journal of Private
International Law, 11, 2015, pp. 542 et s.
188
ample et ambitieuse, visant à contribuer à la parallèle uniformisation des solutions
juridiques au sein de l’Union.
339. C'est donc dans cette perspective que doit s'insérer le Règlement Successions ; en
effet, suivant le même projet d'harmonisation commencé avec la Convention de Bruxelles
de 1968, le législateur européen a voulu, par cet instrument, apporter une véritable
uniformisation du droit international privé des successions, depuis trop longtemps source
de conflits et de divergences entre les États membres. Pour ce faire, il a repris la même
notion d'ordre public adoptée dans les autres textes européens de conflits de lois et de
juridictions, dans un objectif d'en limiter le plus possible son intervention dans les
rapports entre les pays membres, suivant une optique d’harmonisation et de convergence
des solutions nationales. Or, il est manifeste que pour qu’un tel résultat puisse se réaliser
tous les participants sont appelés à suivre une direction commune, en s’efforçant
d’adapter leurs conceptions nationales de l’ordre public aux objectifs qu’eux-mêmes ont
décidés de poursuivre en prenant part au projet d’intégration européenne.
340. Cela n'implique certes pas, ainsi que nous l’avons à maintes reprises souligné au
cours du chapitre, de renoncer aux propres institutions nationales telles que la réserve
héréditaire ou la limitation à l’usage des pactes successoraux. En effet, contrairement à
certains domaines comme celui du droit des contrats où une unification des systèmes
nationaux est plus aisément envisageable à l’échelle européenne522, tel n’est pas le cas
pour le droit des successions qui reste, même au sein d’une organisation régionale comme
l’Union, une matière trop ancrée sur les traditions internes aux États membres.
Néanmoins, même en voulant rester sur le plan de la simple harmonisation, et non pas
unification, des règles matérielles nationales, il est difficilement contestable qu’un tel
objectif ne puisse pas être atteint sans une évolution nécessaire et indispensable dans la
définition de ce qu'exige l'ordre public successoral. Cette idée a d’ailleurs été mise en
valeur par la Cour de Justice de l’Union européenne qui, à l'occasion du précité arrêt
Krombach de 2000 (v. supra note n° 53), a précisé que si les États membres restent libres
de déterminer le contenu de l'ordre public, ses limites relèvent du texte européen à
522 Exemplaire à cet égard est le Livre vert publié par la Commission européenne en 2010 « relatif aux
actions envisageables en vue de la création d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et
les entreprises » [COM (2010) 348 final].
189
l'intérieur duquel la clause est insérée. Ainsi, ce qui s'impose aux États membres n'est pas
d'ignorer leurs valeurs fondamentales, mais de faire application des articles 35 et 40 du
Règlement n°650/2012 suivant une interprétation qui tienne avant tout compte des
principes communs et qui, par ce biais, soit donc capable de respecter l'esprit unificateur
du nouvel instrument. Dès lors, en adoptant cet approche, l'ordre public manifesterait non
seulement sa fonction négative de sauvegarder les droits fondamentaux européen partagés
par les États membres du for523, mais aussi et surtout sa capacité à favoriser la
« coexistence » harmonisée des systèmes524, en contribuant de cette manière à une réelle
et effective instauration, au sein de l'Union européenne, d'un véritable et efficace droit
international privé européen des successions.
341. Or, si ce résultat parvenait réellement à se réaliser, l’idée d’un progressif
rapprochement des droits nationaux ne serait peut-être plus aussi inconcevable qu’elle
apparaît aujourd’hui. Par ailleurs, le traditionnel tabou de la territorialité du droit des
successions semblerait avoir déjà perdu une partie du terrain depuis l’entrée en vigueur
du Règlement. Le législateur de Bruxelles s'est en effet proposé un défi, ne se limitant pas
à la seule mise en place de règles de conflits communes, mais instaurant aussi un
instrument juridique, le certificat successoral européen, capable de circuler librement
dans tous les États membres de l’Union. Dès lors, la vague révolutionnaire apportée par
le Règlement ne limiterait pas ses effets d'harmonisation au seul plan du droit
international privé traditionnel, mais pourrait arriver à s'étendre jusqu'aux frontières,
depuis toujours jalousement protégées, du droit matériel des successions.
523 Pour faciliter le travail des juges nationaux, J.BASEDOW (Recherches sur la formation de l'ordre public
européen dans la jurisprudence, op. cit., p. 74) avait avancé une intéressante proposition de formuler la
clause de l'ordre public prévue dans les règlements européens de droit international privé dans ce sens
qu'une décision n'est pas reconnue ou une loi compétente n'est pas appliquée si celles-ci sont
« manifestement contraire(s) à l'ordre public de l'Union européenne ou de l’État membre du for ». Cette
même solution avait d'ailleurs été déjà avancée à l'égard du Règlement « Rome II » par le Hambourg Group
for Private International Law, Comments on the European Commission's Draft Proposal for a Council
Regulation on the Law Applicable to Non-Contractual Obligations, in RabelsZ, 67, 2003, 1.
524 Pour une partie de la doctrine a en effet, l’ordre public n’est pas nécessairement une cause de rupture
entre des systèmes de droits différents, mais peut au contraire se transformer en un véritablement instrument
permettant la « combinaison cohérente » de ces derniers (en ce sens P.LAGARDE, Recherches sur l’ordre
public en droit international privé, op. cit., pp. 174 et s. ; v. aussi H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Traité de droit
international privé, op. cit., p. 593 ; R.MONACO, L’efficacia della legge nello spazio (diritto internazionale
privato), Turin, 1954, p. 103 ; R.QUADRI, Lezioni di diritto internazionale privato, op. cit., pp. 178 et s.).
190
CHAPITRE III
LE CERTIFICAT SUCCESSORAL EUROPEEN : UN
NOUVEL INSTRUMENT POUR LES SYSTEMES
JURIDIQUES NATIONAUX
Introduction
342. Si l’exception d’ordre public constitue un élément-clé dans la mise en œuvre efficace
de la nouvelle règlementation européenne des successions, ce mécanisme ne peut pas, à
lui seul, garantir une réelle harmonisation de la matière. En effet, pour que le traitement
d’une succession internationale soit complet, la seule appréhension des questions
typiquement affrontées par le droit international privé (conflits de lois ou de juridictions,
compétence indirecte) n’est pas suffisante. Ainsi, une fois la lex successionis déterminée
conformément aux dispositions du Règlement, se pose un problème ultérieur : procéder
à la liquidation de la masse successorale. Or, si dans un contexte national les droits locaux
prévoient une série d’instruments permettant aisément d’établir les qualités héréditaires
et les pouvoirs des tiers administrateurs, la présence d’éléments d’extranéité peut en
revanche introduire quelques difficultés. Est-ce que les autres Etats concernés par la
succession prévoient les mêmes moyens prouvant la titularité de ces droits ? Leurs effets
seront-ils similaires à ceux produits par notre instrument national ? Quelle sera l’autorité
compétente à la délivrance de tels documents ?
343. Comme on va voir par la suite, l’identification des héritiers, des légataires et des
autres personnes appelées à participer à une succession, qu’elle soit nationale ou
internationale, fait l’objet des systèmes les plus divers : de l’acte de notoriété français ou
belge au certificat d’héritier allemand ou au certificat d’hérédité de droit alsacien
mosellan. Ajoutons de plus que la circulation transfrontalière de ces instruments divers
peut ultérieurement se compliquer dès lors que les Etats concernés règle différemment le
transfert des biens successoraux du de cujus aux héritiers (v. supra n°). Quid si l’héritier
français ou italien, habitué à la saisine directe prévu par son droit national, devait faire
191
valoir sa qualité héréditaire dans un Etat comme l’Allemagne ou l’Autriche où le passage
des biens successoraux requiert l’intervention d’une juridiction ?
C’est pourquoi, l’élaboration d’un droit européen des successions ne pouvait ignorer une
telle exigence pratique, indispensable pour garantir une uniformisation effective de la
matière. Cet objectif a dès lors été poursuivi par le législateur européen qui, dès le début
des travaux préparatoires à la rédaction de la proposition de 2009, a avancé l’idée
d’introduire un instrument de droit international privé matériel, uniforme et commun à
tous les Etats membres : le certificat successoral européen525.
344. À vrai dire, ce projet ne constituait pas une nouveauté dans le panorama de l’Union.
En effet, un mécanisme similaire se trouvait déjà dans la Convention de La Haye du 2
octobre 1973 sur l’administration internationale des successions (v. supra n° 43),
instituant à son article 1er un « certificat international désignant la ou les personnes
habilitées à administrer la succession mobilière, et indiquant ses ou leurs pouvoirs ».
Hélas, cette convention ne prévoyait pas une parallèle unification des règles de conflits
en matière successorale, ce qui a par conséquence fortement limité l’efficacité du
certificat dans son ensemble526 ; en outre, sa portée ne pouvait pas satisfaire les exigences
posées par une succession internationale, celui-ci se limitant à désigner la seule personne
compétente à administrer les biens successoraux527.
345. Ainsi, compte tenu de l’impossibilité de généraliser le certificat mis en place par la
Convention de 1973, s’est posé le problème d’élaborer un nouvel instrument. Pour ce
faire, plusieurs solutions s’offraient au législateur européen : effectivement, étant donné
525 En réalité cette idée avait déjà fait l’objet d’une proposition antérieure, présentée lors du 101ème Congrès
des notaires de France de 2005. Lors de cette occasion en effet, le congrès avait appelé à l’adoption d’un
« certificat de coutume européen » permettant l’identification des bénéficiaires de la succession et pouvant
circuler librement, étant revêtu de la force probante, dans tous les Etats membres de l’Union européenne
(v. la résolution du congrès, reproduite in Les familles sans frontières en Europe – Mythe ou réalité?, Paris,
Lexis-Nexis, 2005).
526 En ce sens P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen des successions, op. cit.,
n°35 ; du même avis D.HAYTON, European Succession Laws, 3ème éd., Bristol, Jordan, 2003, p. 15, n° 1.59.
527 Comme le note P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 703, n°3, note 7, l’article
30 de la Convention prévoit que le certificat peut également identifier le titulaire des pouvoirs sur les
immeubles situés à l’étranger, à condition que la loi en vertu de laquelle le document a été établi les accorde.
Néanmoins, le défaut de cette prévision est de ne pas imposer aux autres Etats concernés par la succession
de reconnaitre de tels pouvoirs, ce qui en fragilise donc sa portée. V. aussi A.DAVÌ-A.ZANOBETTI, Il nuovo
diritto internationale privato delle successioni, op. cit., p. 132, n° 165.
192
la multiplicité des techniques prévues par les droits nationaux, une possible option aurait
été d’introduire un mécanisme fondé sur les règles de droit interne permettant aux
bénéficiaires de la succession de prouver leur qualité et de faire valoir leurs droits528.
Partant, le Règlement aurait pu prévoir un système de reconnaissance des divers
documents délivrés dans les Etats membres, sans besoin de créer un instrument nouveau
et spécifiquement voué à cette fin. C’est ainsi que, dans cette optique, certains auteurs ont
même proposé d’introduire un certificat successoral européen purement « accessoire »
aux documents internes et intervenant comme seul moyen pour permettre leur libre
circulation au sein de l’Union529. Toutefois, comme on a remarqué au début du chapitre,
les moyens de preuve utilisés dans les Etats membres divergent fortement entre eux, tant
pour ce qui concerne la nature et les effets du moyen de preuve qu’en matière d’autorité
compétente à l’émission du document. De plus, il convient de rappeler que le régime
prévu par le Règlement en matière de reconnaissance est différent selon qu’il s’agisse
d’une décision ou d’un acte authentique (supra, n° 176 et s.), ce qui implique alors que la
prévision d’un certificat purement complémentaire à la variété des instruments nationaux
aurait abouti à un résultat insatisfaisant au niveau européen, ne faisant qu’augmenter les
complexités déjà présente en matière de successions internationales530.
346. Conscients de ces difficultés, les rédacteurs du Règlement ont dès lors préféré
concevoir un instrument totalement « européen » et autonome par rapport aux méthodes
nationales531. Ainsi, le certificat successoral prévu aux articles 62 et suivants du nouveau
528 P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 707, n°12.
529 Cette idée a été soutenue notamment par E.JACOBY, Le certificat successoral européen, in JCP N, 2010,
1122, n°25, pour qui l’institution d’un certificat finalisé à la seule circulation entre les Etats membres aurait
permis un plus grand respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, tout en garantissant une
meilleure adaptation de la nouvelle règlementation européenne à la matière successorale. La même
proposition avait été défendue par M.KOHLER-M.BUSCHBAUM, La « reconnaissance » des actes
authentiques prévue pour les successions transfrontalières – Réflexions critiques sur une approche
douteuse entamée dans l’harmonisation des règles de conflits de lois, in Rev. crit. dr. int. priv., 2010, pp.
633 et s.
530 Comme l’indiquent A.DAVI-A.ZANOBETTI, Il nuovo diritto internationale privato delle successioni,
op. cit., p. 134, n° 166, la conséquence de maintenir les seuls moyens de preuve nationaux aurait été
d’obliger, dans la plupart des cas, les bénéficiaires de la succession à demander aux autorités des autres
Etats membres concernés l’octroi de documents ultérieurs, ceux nationaux étant souvent incapables de
produire les effets requis.
531 Suivant l’expression employée par R.CRONE (Le certificat successoral européen, in G.KHAIRALLAH-
M.REVILLARD (sous la direction de), Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 172), le
nouvel instrument européen a procédé à une « communautarisation » du projet adopté avec la Convention
de La Haye de 1973.
193
texte de 2012 se présente non pas comme un mécanisme simplement accessoire aux
moyens nationaux, mais comme une véritable solution supranationale permettant
d’établir, de manière uniforme pour tous les Etats membres au Règlement, la preuve de
la qualité d’héritier, de légataire, d’exécuteur testamentaire ou d’administrateur d’une
succession internationale532. L’ambition première du nouvel instrument serait donc de
simplifier un règlement successoral ayant une dimension transfrontalière, le certificat
étant « destiné à être utilisé par les héritiers, les légataires ayant des droits directs à la
succession et les exécuteurs testamentaires ou les administrateurs de la succession qui,
dans un autre Etat membre, doivent respectivement invoquer leur qualité ou exercer leurs
droits en tant qu’héritiers ou légataires, et/ou leurs pouvoirs en tant qu’exécuteurs
testamentaires ou administrateurs de la succession » (art. 63, par. 1, Règlement)533.
347. Il appartient donc aux autorités compétentes de vérifier si la demande satisfait la
finalité internationale poursuivie par le certificat, de même que les conditions de
délivrance posées par le Règlement à son article 65. Ainsi, suivant cette dernière
disposition, le certificat est délivré à la demande de toute personne ayant la qualité
d’héritier, de légataire, d’exécuteur testamentaire ou d’administrateur de la succession.
La demande est effectuée par le biais d’un formulaire type dont le modèle est fourni en
annexe par le Règlement et dans lequel doivent figurer les éléments énoncés par son
article 65, paragraphe 3. Dans un souci de certitude des informations indiquées, le
demandeur doit en outre apporter la preuve des renseignements donnés, soit par le biais
« de l’original de tous les documents pertinents, soit de copies répondant aux conditions
requises pour en établir l’authenticité » (article 65, paragraphe 3, Règlement). L’autorité
532 Le considérant 67 du Règlement, dans sa première partie, dispose en effet que : “afin de régler de manière
rapide, aisée et efficace une succession ayant une incidence transfrontalière au sein de l’Union, les héritiers,
les légataires, les exécuteurs testamentaires ou les administrateurs de la succession devraient être à même
de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits et pouvoirs dans un autre Etat membre [...] ». 533 Cette dimension internationale du certificat est d’ailleurs confirmée par l’article 62, par. 1, Règlement,
en vertu duquel cet instrument « est délivré en vue d’être utilisé dans un autre Etat membre ». De la même
manière, le considérant 67 du Règlement, supra cité, précise que le certificat vise à permettre aux
bénéficiaires de la succession de prouver aisément leurs qualités ou pouvoirs « dans un autre Etat membre,
par exemple dans un Etat membre où se trouvent des biens successoraux ». Notons toutefois que si la
prévision explicite d’un élément d’extranéité a été fortement souhaitée par une partie des auteurs (v. not.
M.KOHLER-M.BUSCHBAUM, La « reconnaissance » des actes authentiques prévue pour les successions
transfrontalières, op. cit., p. 633), cette exigence a été critiquée par d’autres pour qui la présence d’une
condition d’internationalité serait implicite dans l’application même du Règlement (v. not. R.CRONE, Le
certificat successoral européen, op. cit., p. 175, pour qui « sans cet élément d’extranéité, point d’application
du Règlement »).
194
émettrice est dès lors appelée à un contrôle précis sur l’ensemble des informations
fournies, soit sur la base des documents présentés, soit en demandant des preuves
supplémentaires en cas de nécessité (art. 66, par. 1, Règlement)534.
348. Quant à sa désignation, en dépit des débats suscités par le texte de la proposition de
2009535, la prévision contenue dans le texte définitif semblerait avoir apporté une solution
au dilemme. En effet, l’article 64 du Règlement statue d’abord que la compétence à
délivrer le certificat est attribuée aux juridictions de l’Etat membre qui « sont compétentes
en vertu de l’article 4 [compétence générale], 7 [compétence en cas de professio juris],
10 [compétence subsidiaire] ou 11 [compétence fondée sur le forum necessitatis] ».
Ensuite, ce même article précise que l’autorité émettrice peut être soit une juridiction,
selon la définition donnée par l’article 3, paragraphe 2, Règlement536, soit une autre
autorité qui « en vertu du droit national est compétente pour régler la succession ». In
fine, le considérant 70 dispose que « […] il devrait appartenir à chaque Etat membre de
déterminer, dans son droit interne, quelles sont les autorités compétentes pour délivrer le
534 Le Règlement précise en outre qu’en cas d’impossibilité de produire les documents requis, « l’autorité
émettrice peut décider d’accepter d’autres moyens de preuve » (art. 66, par. 2, Règlement) et peut
également accéder aux registres publics tenus dans les autres États membres en vue de rechercher les
preuves ultérieures qui sont opportunes (art. 66, par. 5, Règlement).
535 La proposition rédigée par la Commission prévoyait en effet que le certificat serait délivré par « la
juridictions de l’Etat membre » dont les juridictions sont compétentes en vertu du Règlement (art. 37, point
2, Proposition de Règlement de 2009). Or, le même texte énonçait également que par « juridiction » il fallait
entendre « toute autorité judiciaire ou toute autorité compétente des Etats membres exerçant une fonction
juridictionnelle en matière de succession. Sont assimilées aux juridictions, les autres autorités qui exercent
par délégation des pouvoirs publics des fonctions relevant des compétences des juridictions telles que
prévues par le présent règlement ». Pouvait-on ainsi conclure que les notaires étaient compétents à délivrer
un certificat européen ? L’exposé des motifs accompagnant la proposition de 2009 n’excluait pas cette
possibilité, le concept de juridiction devant être « pris au sens large ». Ces précisions n’ont toutefois fois
convaincu les premiers commentateurs du texte (v. not. M.REVILLARD, Successions : proposition de
règlement communautaire (première présentation), in Défrénois, 2010, art. 39056, pp. 176 et s. ; R.CRONE,
Le certificat successoral européen, in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD (sous la direction de), Perspectives
du droit des successions européennes et internationales – Etude de la proposition de règlement du 14
octobre 2009, Paris, Défrénois, 2010, pp. 162 et s. ; C.NOURISSAT, Le futur droit européen des successions
internationales de l’Union européenne, in Défrénois, 2010, art. 39072, p. 394).
536 C’est-à-dire « toute autorité judiciaire, ainsi que toute autorité et tout professionnel du droit compétents
en matière de succession qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation
de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire, pour autant que ces autres
autorités et professionnels du droit offrent des garanties en ce qui concerne leur impartialité et les droit de
toutes les parties à être entendues, et que les décisions qu’ils rendent en vertu du droit de l’Etat membre
dans lequel ils exercent leurs fonctions :
a) puissent faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire ou d’un contrôle par une telle autorité
et ;
b) aient une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même
matière. »
195
certificat, qu’il s’agisse de juridictions telles que définies aux fins du présent règlement
ou bien d’autres autorités compétentes en matière de succession, telles que, par exemple,
les notaires ». Le débat est donc clos : le certificat peut être délivré également par un
notaire537.
349. Établie l’autorité émettrice compétente, reste néanmoins le problème de déterminer
les effets du certificat successoral européen. Sur ce thème, c’est l’article 69 du Règlement
qui pose la règle : « le certificat produit ses effets dans tous les Etats membres, sans qu’il
soit nécessaire de recourir à aucune procédure » (par. 1er). On ne pourrait être plus clair :
à l’instar des décisions et des actes authentiques, le nouveau texte pose le principe de
l’absence de toute procédure préalable538 et le certificat peut dès lors déployer ses effets
immédiatement dans tous les Etats membres concernés par la succession539. De plus, la
copie certifiée conforme du certificat est présumée540 attester fidèlement l’exactitude des
éléments établis lors de toute sa durée de validité, à savoir six mois depuis sa délivrance.
Le Règlement n’empêche cependant pas que la véracité de certains de ces éléments soit
remise en cause ; ainsi, « toute personne justifiant d’un intérêt légitime » pourra soit
demander à l’autorité émettrice la rectification du certificat (en cas d’erreur), soit sa
modification ou même son retrait lorsque son contenu n’est pas conforme à la réalité (art.
71, Règlement). Enfin, il convient de noter dès à présent que dans l’hypothèse où cet
537 Ce qui est le cas pour la France, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ; dans
d’autres pays en revanche, le certificat est délivré par une juridiction, comme en Allemagne, en Autriche
ou en Grèce. Dans d’autres systèmes enfin, la compétence est nouvellement attribuée au notaire exerçant
une fonction juridictionnelle (U.BERGQUIST, D.DAMASCELLI, R.FRIMSTON, P.LAGARDE, F.ODERSKY,
B.REINHARTZ, Commentaire du Règlement européen sur les successions, Dalloz, 2015, p. 225 ; v. aussi le
site www.successions-europe.eu). Suivant la dernière partie du considérant 70, ces informations devraient
être communiquées par chaque Etat membre à la Commission, afin que celles-ci soient rendues publiques.
538 Sur ce point le Règlement s’éloigne radicalement du système introduit par la Convention de La Haye
de 1973, dont l’article 10 prévoyait que les Etats contractants pouvaient « subordonner la reconnaissance
du certificat, soit à la décision d’une autorité statuant à la suite d’une procédure rapide, soit seulement à
une publicité ».
539 Comme l’indique P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 781, n°5, l’absence de
toute procédure préalable comporte que « le passage de la frontière n’a pas d’emprise sur le certificat ».
540 Bien que le texte du Règlement ne précise pas la nature de cette présomption, la formulation du
paragraphe 3, article 69, semblerait indiquer clairement qu’il s’agit d’une présomption simple (« Toute
personne qui […] effectue des paiements ou remet des biens à une personne désignée dans le certificat
comme étant habilitée à accepter des paiements ou des biens est réputée avoir conclu une transaction avec
une personne ayant le pouvoir d’accepter des paiements ou des biens, sauf si elle sait que le contenu du
certificat ne correspond pas à la réalité ou si elle l’ignore en raison d’une négligence grave »). En ce sens
R.CRONE, Le certificat successoral européen, op. cit., p. 183 ; C.NOURISSAT, Le futur droit européen des
successions internationales de l’Union européenne, op. cit., p. 417.
196
instrument renseigne l’existence d’un droit enregistré, le Règlement le considère comme
« un document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent
d’un Etat membre […] » (art. 69, paragraphe 5).
350. Dans cette perspective, la question du traitement des successions internationales
semblerait donc avoir trouvé l’harmonisation tant souhaitée par les opérateurs européens
du droit. Le certificat successoral permettrait en effet une clarification et une
simplification dans l’administration des successions transfrontalières, sans pour autant
imposer un bouleversement radical des systèmes nationaux. Cette affirmation est
d’ailleurs bien démontrée par l’article 62 du Règlement, en vertu duquel non seulement
le recours au certificat n’est pas obligatoire (par. 2), mais en outre cet instrument « ne se
substitue pas aux documents internes utilisés à des fins similaires dans les Etats
membres » (par. 3). Or, si d’une part la présence de telles dispositions pourrait certes se
justifier par la prise en compte de la grande diversité des législations nationales dans ce
domaine, d’autre part il est toutefois permis de s’interroger sur les effets d’une
« concurrence » entre le certificat européen et les mécanismes internes. Celle-ci ne
risquerait-elle pas de conduire à une coexistence périlleuse et, par ce biais, à un échec du
fonctionnement du nouvel instrument commun ? Ces prévisions ne devraient cependant
pas être aussi néfastes. En effet, comme on va voir par la suite (infra, partie I), bien qu’il
soit vrai que la coexistence entre le document européen et les systèmes nationaux puisse
ne pas toujours être harmonieuse, celui-ci pourrait néanmoins influer positivement sur la
mise en marche du nouveau régime européen des successions internationales.
351. Toutefois les conflits entre les certificats ne constituent pas la seule source de
problèmes posés par la mise en jeu du certificat. Ainsi, une fois établi lequel des
documents devra s’imposer, se pose la nécessité d’en établit le contenu. À cet égard, on
va voir que l’article 68 du Règlement pose, parmi les renseignements devant figurer sur
le certificat, les informations relatives aux régimes matrimoniaux et à l’existence d’un
éventuel contrat de mariage conclu par le défunt. Or, compte tenu de l’absence de règles
harmonisées en matière, l’autorité émettrice ne pourra procéder à cette formalité que sur
la base de ses propres règles de droit international privé, règles qui fort probablement
seront différentes de celles prévues par l’Etat ou les Etats membres où le certificat est
invoqué. Quid alors de la présomption de véracité dictée par l’article 69 du Règlement ?
Celle-ci étant limitée aux seules informations successorales, les renseignements relatifs
197
aux régimes matrimoniaux n’auront vraisemblablement pas le même poids dans les autres
pays membres concernés par la succession internationale. Le risque sera alors que les
renseignements en matière matrimoniales ne soient pas reconnus dans l’Etat membre
requis, ce qui comporte une inévitable remise en question de l’effectivité du certificat
européen et de la sécurité juridique qui l’accompagne. Là encore, cependant, la voie
échappatoire ne serait pas aussi lointaine que ce qu’elle apparait. Ainsi, on va voir au
cours du chapitre que la récente adoption des deux règlements européens portant sur les
régimes matrimoniaux et les partenariats enregistrés541, de même que le possible recours
aux techniques modernes de droit international privé, pourraient conduire à l’élaboration
de solutions communes dans ce domaine, indispensables pour garantir une effective
intégration du certificat européen dans la pratique des successions intra-communautaires.
352. Pourtant des difficultés subsistent encore. En effet, si la question des régimes
matrimoniaux semblerait ne pas entraver le projet d’harmonisation du droit des
successions internationales, reste toutefois à savoir si, une fois le certificat valablement
délivré, son efficacité ne risque pas d’être remise en cause par les divergences existantes
en matière de droits réels et de publicité foncière. Sur cette question, l’article 69 du
Règlement dispose effectivement, à son paragraphe 5, précité, que « le certificat constitue
un document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent
d’un Etat membre, sans préjudice de l’article 1er, paragraphe 2, points k) et l) ». Dès lors,
le Règlement ne couvrant pas les questions relatives à la nature des droits réels, ni aux
inscriptions dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers, l’effective utilité du
certificat européen dans la simplification d’une succession transfrontalière ne serait-elle
que partiellement garantie ? Or, ainsi que l’on va voir dans la dernière partie du présent
chapitre, s’il est vrai que d’importantes limites restent présentes, la collaboration entre les
autorités compétentes, de même que l’adoption d’une méthode de contrôle flexible et
concrète dans l’emploi de cet instrument, pourraient réduire les conséquences de tels
obstacles, tout en favorisant, par cette voie, une meilleure instauration des nouvelles
règles de droit international privé des successions dans les systèmes nationaux.
541 Comme on va voir dans la deuxième partie du chapitre, ces règlements ont été adoptés le 24 juin 2016
mais n’entreront en application qu’à partir du 29 juin 2019 (infra, n°446 et s.).
198
I. Les conflits entre certificats : de la coexistence à la primauté du certificat
successoral européen
353. La création d’un certificat successoral est sans aucun doute l’un des piliers fondants
le nouveau droit européen des successions internationales. Finies les complications et les
longueurs provoquées par les divergences entre les systèmes nationaux : désormais il est
possible de recourir à un instrument uniforme et commun afin de prouver les droits et
pouvoirs successoraux dans un autre Etat membre concerné par la succession. Sous cet
angle, aucun doute ne peut donc se poser. Néanmoins une précision est nécessaire : le
certificat européen est certes un instrument innovant et favorisant la simplification dans
le traitement d’une succession internationale, toutefois sa portée ne s’étend pas jusqu’à
remplacer les moyens nationaux. Une preuve de cette limite se trouve dans le considérant
67 du Règlement, qui termine en précisant « qu’afin de respecter le principe de
subsidiarité, ce certificat ne devrait pas se substituer aux documents internes qui peuvent
exister à des fins similaires dans les Etats membres ». Cette affirmation de principe est
d’ailleurs reprise par l’article 62, paragraphes 2 et 3, Règlement, supra cités, qui
confirment ainsi le caractère facultatif du certificat et la conséquente conservation des
moyens nationaux542.
354. Cependant s’ajoute une prévision : bien qu’il ait vocation à être utilisé dans un autre
Etat membre, le même article précise dans la dernière partie du paragraphe 3 que le
certificat peut également produire ses effets dans l’Etat de délivrance543. Dès lors une
542 Cette prévision avait déjà été critiquée dans le cadre de la proposition de 2009, considérée trop vague
dans la gestion de la coexistence entre les instruments nationaux et le certificat européen. En particulier,
cette exigence de clarification avait été mise en avant par les Notaires d’Europe (CNUE) dans une prise de
position sur la proposition du Règlement du 11 décembre 2009, dans laquelle les notaires d’Europe
sollicitaient la Commission à « l’introduction d’un article préliminaire qui clarifierait les relations entre le
certificat successoral national et le certificat européen et qui préciserait que ce dernier a seulement vocation
à être établi dans le cas où un certificat national devrait circuler au sein de l’Union européenne ». Cette
même demande de précision avait également été préconisée par certains commentateurs de la proposition
(v. not. C.NOURISSAT, Le futur droit européen des successions internationales de l’Union européenne, op.
cit., p. 416 ; ; R.CRONE, Le certificat successoral européen, in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD (sous la
direction de), Perspectives du droit des successions européennes et internationales, op. cit., pp. 158 et s. ;
MAX PLANCK INSTITUT, op. cit., p. 120, n° 276 et p. 139, n°326 ; M.KOHLER-M.BUSCHBAUM, La
« reconnaissance » des actes authentiques prévue pour les successions transfrontalières, op. cit., pp. 633
et s.
543 « [...] Toutefois, dès lors qu’il est délivré en vue d’être utilisé dans un autre Etat membre, le certificat
produit également les effets énumérés à l’article 69 dans l’Etat membre dont les autorités l’ont délivré en
vertu du présent chapitre ». Il convient toutefois de noter que cette prévision a préoccupé une partie de la
199
interrogation se pose : si le certificat successoral ne remplace pas les instruments
nationaux mais qu’il peut produire ses effets dans l’Etat de son émission, comment régler
cette coexistence sans que celle-ci conduise à un échec du nouveau mécanisme
européen ? Avant de proposer nos possibles solutions aux dilemmes, il est préalablement
indispensable d’envisager les hypothèses de « conflit » entre le certificat européen et les
moyens de preuve nationaux. Nous procéderons ensuite à démontrer qu’en dépit des
avantages du recours aux instruments internes, l’emploi du mécanisme supranational
serait, sauf exceptions, à préférer.
A. La coexistence imposée : la concurrence entre les certificats successoraux
355. Le certificat successoral européen, on le sait déjà, n’a pas vocation à substituer les
instruments de preuve des qualités et des pouvoirs héréditaires nationaux. Il représente
donc un moyen probatoire mis à disposition des parties, lesquelles pourront décider soit
de s’en prévaloir, soit de recourir aux mécanismes de droit national. L’emploi exclusif du
nouvel instrument européen ne s’impose donc pas aux intéressés, ainsi libres de préférer
l’emploi des mécanismes de droit interne mieux connus aux praticiens. Ainsi, il y aura
certainement des hypothèses où le problème de la coexistence ne se posera aucunement,
les parties optant pour la voie « traditionnelle » fondée sur les moyens de preuve prévus
par le système national. Il en est de même dans le cas où le seul certificat successoral
européen est adopté, puisque dans cette éventualité c’est le nouveau régime du Règlement
qui trouvera pleinement application. Dès lors, la coexistence entre le certificat européen
et les documents semblerait poser plus de difficultés abstraites que réelles, l’éventualité
d’un conflit entre instruments étant quasi improbable dans le cas concret.
356. Or, la pratique des successions internationales est bien différente de ce qu’elle
apparaît. En effet, non seulement nous sommes en présence de deux systèmes de preuve
doctrine, pour laquelle l’attribution d’effets interne au certificat européen ne ferait que compliquer, au
lieu de simplifier, la liquidation d’une succession internationale (en ce sens v. M.KOHLER-
M.BUSCHBAUM, La « reconnaissance » des actes authentiques prévue pour les successions
transfrontalières, op. cit., p. 635). Contra R.CRONE, Le certificat successoral européen, in
G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD (sous la direction de), Perspectives du droit des successions européennes
et internationales, op. cit., p. 160, selon qui nier tout effet du certificat dans le pays d’origine constituerait
« une véritable curiosité juridique ».
200
divergents, l’un européen et l’autre national, mais en outre il faut tenir compte du
caractère facultatif du premier, mis à la dépendance de la volonté des parties. Le résultat
est donc prévisible : étant donnée l’absence de toute norme allant régler leur rapport, le
risque est alors que, dans le cadre d’une même succession transfrontalière, une série de
conflits, ou situations de concurrence, puissent surgir entre lesdits documents. Ainsi, une
première difficulté pourrait naître en présence de deux instruments délivrés dans un seul
Etat membre : d’un côté le certificat successoral prévu par le Règlement ; de l’autre côté
le document national. Similairement, il ne serait pas à exclure qu’un tel conflit concerne
des certificats délivrés dans deux Etats membres différents, l’un en vertu du Règlement
et l’autre sur la base du droit interne. Enfin, dans une perspective plus large, une troisième
hypothèse de concurrence pourrait encore être envisagée en présence non pas de
documents nationaux mais de deux certificats successoraux européens, chacun délivré
dans un Etat membre différent.
357. Nous procéderons ainsi à leur illustration, afin d’en établir ensuite les possibles
remèdes.
1. La coexistence « interne » : la délivrance de deux instruments dans un même Etat
membre
358. Loin d’être rare, la possibilité que deux démarches soient entamées dans un même
Etat membre constitue une première hypothèse de conflit potentiel entre un certificat
européen et un moyen de preuve national.
359. Prenons le cas d’un héritier français souhaitant faire valoir sa qualité héréditaire en
France, lieu d’ouverture de la succession. Imaginons que celui-ci soit convaincu que la
totalité de la masse successorale soit située en territoire français, ne posant donc aucun
problème d’internationalité. Par conséquence, il demande au notaire français la délivrance
d’un acte de notoriété544 ex articles 730-1, Code civil. Or, supposons que dans un
544 À vrai dire, suite à la réforme introduite par la Loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 l’expression « acte
de notoriété » ne serait plus adaptée aux nouvelles bases du document régi par les articles 730-1 et suivants,
Code civil. En effet, contrairement au passé où l’acte de notoriété reposait essentiellement sur les
déclarations de témoins attestant connaitre le défunt et ses successibles, depuis 2001 cet instrument se fonde
sur une double condition : d’abord la présentation, par les héritiers, de l’acte de décès du de cujus ainsi que
201
deuxième temps ce même héritier se rende compte qu’en réalité une partie des biens de
la succession sont sis dans un autre Etat membre, par exemple l’Allemagne. Deux voies
sont dès lors envisageables : soit il conserve le seul acte de notoriété national et tente d’en
faire valoir les effets dans le système allemand ; soit il recourt au certificat successoral
européen.
360. C’est alors ici que le problème surgit. En effet, étant donné que le certificat
successoral produit ses effets également dans l’Etat d’origine, conformément au précité
article 62, paragraphe 3, Règlement, il en découle que si ce document est délivré en
second, deux différents instruments seront issus dans un même Etat membre à l’égard
d’une seule succession. Est-il suffisant pour former un conflit ? Pas nécessairement. En
effet, si le contenu des deux documents est identique aucun contraste ne devrait se poser.
Au plus, une telle hypothèse pourrait conduire à une situation qualifiable de coexistence
« collaborative » entre le certificat européen et le document national dans la mesure où le
certificat national pourrait régler les biens successoraux situés dans l’Etat membre
d’origine alors que le certificat européen permettrait de traiter plus aisément les biens
situés à l’étranger545. De cette manière le document national et issu en premier serait
sauvegardé, tout en permettant l’application du régime simplifié européen dans les
rapports avec les autres Etats membres concernés546.
361. Pourtant les complications restent possibles. Ainsi, les informations contenues dans
les deux documents pourraient ne pas toujours être cohérentes entre elles, ce qui
conduirait donc à la présence de deux certificats, l’un européen et l’autre national,
des documents pertinents dont ils disposent (par exemple l’acte de l’état civil) et justifiant leur vocation
successorale (art. 730-1, al. 2, code civil). Ensuite, ces renseignements sont complétés par les affirmations
des ayants droits attestant leur vocation à recueillir tout ou partie de la succession (art. 730-1, al. 3, code
civil). Ainsi, depuis 2001 ce ne sont plus les déclarations des témoins à fonder l’acte de notoriété, mais
directement les affirmations des ayants droit à la succession (v. J.-F. PILLEBOUT, La nouvelle notoriété, in
JCP N, 2002, pp. 1584 et s.). En général sur la réforme de 2001 en matière d’acte de notoriété, v. ex multis
B.NUYTTEN, Preuve non contentieuse de la qualité d’héritier, in JCP N, 2000, pp. 11 et s. ; J.PICARD,
L’acte de notoriété – preuve de la qualité d’héritier. Loi 3 décembre 2001, in JCP N, 2002, pp. 1309 et s.
545 Solution d’ailleurs préconisée par R.CRONE, Le certificat successoral européen, op. cit., p. 175. La même
perspective est partagée par P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 716.
546 Néanmoins, comme on va voir infra, même dans une telle situation la règle de la priorité du certificat
européen pourrait s’appliquer, le risque étant de réduire cet instrument à un emploi purement éventuel et
secondaire par rapport aux documents nationaux.
202
prévoyant des éléments contradictoires547. Quid alors ? Certes, une solution envisageable
pourrait consister à présenter à l’autorité émettrice une demande de modification ou de
retrait du certificat européen, en vertu de la procédure prévue aux articles 71 et 72 du
Règlement548. Dès lors, en cas positif, la contradiction serait éliminée et les deux
instruments pourraient coexister et se compléter selon la méthode « collaborative »
précédemment décrite. Toutefois cette autorité pourrait rejeter la demande de l’intéressé,
en confirmant de cette manière le contenu du certificat. Que faire alors ? Ajoutons aussi
qu’une telle impasse n’aurait pas des répercussions pour les seuls héritiers ou
bénéficiaires directs de la succession, mais aussi pour les tiers se fiant à la véracité des
éléments indiqués dans la copie conforme du certificat et prétendant ainsi bénéficier de
la présomption prévue à l’article 69 du Règlement549. Comment résoudre donc cette
situation ?
362. Notons de plus que les difficultés jusqu’à présent décrites ne sont pas les seules à
mettre en péril le bon fonctionnement du nouvel instrument européen. En effet, s’il existe
le risque que deux certificats soient émis dans un même Etat membre, ce danger de conflit
pourrait également se présenter entre des systèmes nationaux différents.
2. La coexistence « transfrontalière » : la délivrance de deux instruments dans deux Etats
membres différents
363. L’hypothèse ici envisagée n’est pas moins probable de celle concernant une
547 Comme le notent M.KOHLER-M.BUSCHBAUM, La « reconnaissance » des actes authentiques prévue
pour les successions transfrontalières, op. cit., pp. 634, l’hypothèse pourrait être celle d’un défunt
résidant en Allemagne et ayant prévu, dans son testament, la transmission d’un bien par le biais d’un legs
particulier. Or, compte tenu de l’absence d’une telle institution dans le droit allemand, le Erbschein rédigé
par la juridiction allemande n’indiquerait pas cette prévision, alors que celle-ci serait présente dans le
certificat successoral européen. Dès lors, en raison de ces risques, les deux auteurs avancent cet argument
pour justifier leur proposition d’attribuer au certificat européen un rôle purement accessoire aux
documents nationaux et non pas une fonction autonome.
548 En ce sens P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 716, n°35.
549 Il convient d’ailleurs de préciser que la présomption dictée par l’article 69 produit ses effets tant que le
certificat n’a pas été modifié (ou éventuellement suspendus selon l’art. 73 du Règlement). Par conséquence,
le tiers qui se fie à la copie conforme d’un certificat et qui contracte, en vertu de ce document, avec l’héritier
ou le légataire désigné comme tel, pourra valablement prétendre d’être protégé (en ce sens P.LAGARDE, Les
principes de base du nouveau règlement européen des successions, op. cit., n°35).
203
concurrence de type « interne ». Ainsi, supposons le cas d’un certificat d’hérédité italien,
obligatoire lorsque les biens immeubles successoraux sont situés dans les zones ayant
appartenu à l’Empire autrichien jusqu’à 1918 et qui doit être délivré par les juridictions
italiennes550. Imaginons qu’en parallèle à ce document un certificat successoral européen
a été émis dans un autre Etat membre, par exemple en Autriche où le défunt avait sa
dernière résidence habituelle. Il est donc manifeste que dans une telle situation nous
sommes confrontés à deux documents, un certificat européen et un certificat national, les
deux finalisés à prouver la même qualité d’héritier mais émis dans deux Etats membres
différents.
364. Or, à l’opposé de l’hypothèse analysée supra, à savoir celle d’une coexistence
interne entre certificats, ici le conflit semblerait se produire non pas seulement dans le cas
de contenus contradictoires, mais aussi dans l’éventualité d’une cohérence entre les deux
instruments. En effet, compte tenu que le certificat européen est délivré dans un Etat
membre différent de celui d’émission du certificat national, l’idée d’une coexistence
« collaborative » serait difficilement applicable. Ainsi, pour reprendre l’exemple
précédemment évoqué, tel serait le résultat : d’une part le certificat d’hérédité italien
produit ses effets dans les territoires visés par la législation interne ; d’autre part le
certificat européen produit à son tour ses effets dans le système italien, en vertu de l’article
69, paragraphe 2, Règlement. La situation qui en découlerait serait dès lors tout sauf une
coexistence collaborative. A contrario, cela impliquerait plutôt une véritable hypothèse
de concurrence entre certificats que seule une règle de priorité d’un instrument sur l’autre
pourrait résoudre. Mais à qui reconnaitre cette priorité ?
365. Certes, a priori l’on pourrait être tenté de recourir aux règles sur la litispendance
prévues à l’article 17 du Règlement (supra n° 50), étant donné que la notion de l’identité
objective est entendue de manière large par la jurisprudence de la Cour de Justice de
550 Prévu par le Décret Royal n° 499 du 28 mars 1929, articles 13 et suivants, le “certificato di eredità” est
en effet aujourd’hui encore obligatoire toutes les fois que la masse successorale se compose de biens
immeubles situés dans les départements de l’Alto Adige, de Trieste, de Gorizia, et dans les communes de
Belluno, Brescia et Udine. L’autorité compétente à le délivrer est le tribunal, statuant en juge unique. En
général sur cet instrument v. ex multis F.TOMMASEO, sub regio decreto 28 marzo 1929 n. 499 – Articoli 13
e seguenti, in G.GABRIELLI-F.TOMMASEO (sous la direction de), Commentario della legge tavolare, 2ème
éd., 1999, pp. 86 et s. ; Il certificato di eredità : struttura del procedimento e poteri del giudice, in Notariato,
2007, pp. 191 et s.
204
l’Union européenne551. Néanmoins, bien qu’une telle solution permette d’éviter la
délivrance de deux certificats contradictoires, deux obstacles s’opposent à son
application. D’abord, la plupart des certificats locaux délivrés dans les Etats membres
sont émis par des autorités non judiciaires, telles que les notaires, ce qui exclurait ainsi la
possibilité de faire appel à la litispendance européenne dans toutes ces hypothèses. De
plus, les certificats successoraux, qu’ils soient nationaux ou européens, ne sont en général
pas revêtus de l’autorité de la chose jugée552, ce qui ne permet pas de les assimiler à des
décisions et donc à invoquer le principal point fort justifiant l’exception de litispendance,
à savoir la prévention de décisions inconciliables553.
366. L’article 17 du Règlement ne pouvant donc pas s’appliquer, le conflit transfrontalier
entre certificats reste sans réponse. Là encore, la partie intéressée pourrait demander une
modification ou un retrait du certificat européen en application des articles 71 et 72,
précités, du Règlement. Cependant la situation demeurerait insoluble si l’autorité
émettrice confirmait la validité de l’instrument européen. La voie de la règle prioritaire
semblerait dès lors être la seule méthode résolutive. Reste néanmoins à déterminer le
résultat final : supériorité du certificat européen ou prééminence au certificat national ?
Avant de proposer nos solutions, une troisième et dernière situation doit toutefois être
encore envisagée : le contraste entre deux certificats successoraux européens.
3. La coexistence « communautaire » : la délivrance de deux certificats successoraux
européens
367. Les complications issues par les dispositions de l’article 62 du Règlement ne se
551 Exemplaire de cette interprétation large de l’identité de l’objet de la demande est l’arrêt « Gubisch », où
les demandes déposées auprès des juridictions des Etats membres concernés visaient, respectivement,
l’exécution d’un contrat de vente et l’annulation ou la résolution judiciaire du même contrat (CJUE, 8
décembre 1987, C-144/86, Gubisch Maschinenfabrik).
552 Même l’Erbschein allemand ne fait naitre qu’une présomption réfragable que le titulaire possède la
vocation successorale, ne jouissant donc pas de l’autorité de la chose jugée (§ 2365 BGB). Sur cet
instrument, v. ex multis Y.-H. LELEU, La transmission de la succession en droit comparé, op. cit., pp. 86 et
s.
553 En ce sens A.BONOMI, Le droit européen des successions, op. cit., p. 265, n°25, qui remarque toutefois
la nécessité d’appliquer la règle de la litispendance au cas de conflits entre certificats, celle-ci étant la seule
voie pour éviter la délivrance de documents contradictoires. Du même avis P.WAUTELET, Le droit européen
des successions, op. cit., p. 717, n°37.
205
limitent pas à la seule coexistence entre documents nationaux et certificats européens,
mais peuvent également intéresser les seuls derniers. Il est vrai qu’une telle hypothèse ne
devrait être qu’exceptionnelle, le Règlement ne donnant compétence à délivrer le
certificat à une seule autorité, c’est-à-dire celle compétente à statuer sur la succession aux
termes des articles 4 et suivants du Règlement. Par conséquence, compte tenu que celle-
ci, du moins en principe, n’est qu’une seule, il est invraisemblable que deux différentes
autorités émettrices délivrent parallèlement deux certificats successoraux européens554.
368. Néanmoins, il a été remarqué que l’interprétation des règles de compétence,
notamment en matière de détermination de résidence habituelle, pourrait conduire à de
possibles divergences entre les juridictions nationales et, par ce biais, à un risque
d’émission de deux certificats successoraux dans deux Etats membres différents555.
Certes, ici encore l’on serait tenté de faire entrer en jeu les règles en matière de
litispendance ou de connexité prévues aux articles 17 et 18 du Règlement556, toutefois les
mêmes considérations avancées supra en termes d’autorités émettrices et d’effets des
certificats européens (supra n° 365) sembleraient nouvellement exclure leur application.
369. Une autre solution pourrait aussi consister à faire appel aux voies de recours prévues
par les articles 71 et 72 du Règlement, précités, en vue d’obtenir la rectification, la
modification ou le retrait de l’un des deux certificats. Or, comme on a pu voir en relation
aux autres hypothèses de conflit, une telle voie n’est pour autant pas en mesure de mettre
fin à l’impasse, l’autorité émettrice pouvant rejeter la demande de l’intéressé et confirmer
le certificat en cause.
370. Que faire donc ? En principe la règle de la priorité d’un certificat sur l’autre,
éventuellement celui émis en premier, pourrait résoudre le conflit et conduire ainsi à
reconnaitre effets à un seul des deux instruments. Toutefois une telle approche risquerait
554 En ce sens A.FÖTSCHL, The Relationship of the European Certificate of Succession to National
Certificates, in A.BONOMI-CH.SCHMID (sous la direction de), Successions internationales – Réflexions
autour du futur règlement européen et de son impact sur la Suisse, op. cit., pp. 99 et s. ; in Eur. Rev. Priv.
Law, 2010, pp. 1259 et s.
555 P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen des successions, op. cit., n°37.
556 Solution qui est d’ailleurs suggérée par le Max Planck Institut, dans son étude sur la proposition de 2009
(v. MAX PLANCK INSTITUT, op. cit., p. 140, n° 327).
206
de porter atteinte aux intérêts des tiers qui, en bonne foi, ont agi sur la base de la validité
du deuxième certificat européen.
371. Conscients de ces difficultés, certains commentateurs de la proposition de 2009
avaient suggéré, malheureusement sans succès, la création d’un registre européen des
certificats successoraux557. Celui-ci aurait ainsi permis à toute autorité émettrice de
vérifier, avant l’émission de cet instrument, l’absence d’un autre certificat portant sur le
même objet, en évitant de cette manière les risques de conflits avec un autre document
européen. Or, bien que la Commission n’ait pas retenu cette intéressante suggestion, une
telle opportunité ne serait pas à négliger. En effet, on va voir infra (n° 397 et s.) que
l’adoption d’un registre européen des certificats pourrait jouer un rôle crucial dans la mise
en marche du nouvel instrument commun, lui conférant une majeure stabilité et crédibilité
dans sa circulation entre les Etats membres.
372. Pour autant, un tel dessein ne peut être réalisé tant que les conflits entre certificats
restent sans voie de sortie. Il est dès lors indispensable de trouver une solution commune
et uniforme à la résolution de cette concurrence, en vue de favoriser une mise en œuvre
effective et efficace de la nouvelle règlementation européenne des successions
internationales.
B. La coexistence dépassée : la prééminence du certificat successoral européen
373. Les paragraphes précédents nous ont montré qu’en dépit de la réglementation très
détaillée prévue par le législateur européen, les hypothèses de concurrence entre
certificats sont bien présentes. Ainsi, en l’absence de solutions expressément fournies par
le Règlement et dans l’attente d’une (souhaitable) prise de position de la Cour de Justice,
c’est à la pratique de résoudre cet impasse.
374. Pour ce faire, compte tenu du caractère facultatif du certificat européen, l’on serait
immédiatement tenté de proposer une prééminence de l’instrument en premier adopté,
557 IDEM, p. 140, n° 332.
207
suivant le principe classique de la priorité temporelle. Dès lors, toutes les fois qu’un
moyen de preuve national serait émis en premier, le certificat successoral délivré dans un
deuxième temps devrait automatiquement succomber, la priorité chronologique
s’imposant sur le conflit. Or, comme on va voir tout de suite, s’il est vrai qu’une telle
approche serait probablement plus favorable aux instruments locaux, il est également
évident que cette tendance finirait par vanifier l’ambition des instances européennes de
faire du certificat européen le principal moyen de preuve des qualités héréditaires dans le
cadre d’une succession transfrontalière. C’est pourquoi, dans un but de garantir l’effective
mise en œuvre du nouvel instrument et, plus un général, de conserver l’effet utile du
Règlement n° 650/2012, nous estimons qu’en dépit de ses avantages, il serait en principe
préférable de rejeter le critère chronologique en faveur d’une priorité du certificat
européen sur les documents nationaux.
1. La règle de la priorité temporelle : ses avantages
375. Commençons par l’hypothèse de conflit supra premièrement analysée, à savoir le
contraste entre un certificat européen et un certificat national issus dans un même Etat
membre. Afin d’analyser l’application de la règle de priorité temporelle dans cette
première hypothèse, il est utile de reprendre l’exemple précédemment étudié.
376. Ainsi, l’héritier français a obtenu dans un premier temps l’acte de notoriété délivré
par un notaire en France et seulement dans un deuxième moment a fait demande d’un
certificat européen. Si le contenu des deux documents ne présente pas de contradictions,
le conflit interne ne surgit pas et les certificats peuvent coexister pacifiquement et se
compléter (supra n°360). A contrario, c’est la concurrence qui s’instaure.
Dans cette dernière éventualité, la tentation pourrait donc être celle de reconnaître une
préférence au document issu en premier, sur le fondement que les deux instruments,
national et européen, se situeraient au même niveau558. En effet, étant donné que le
Règlement a attribué un caractère simplement facultatif au certificat européen, tout en
précisant en parallèle que cet instrument ne remplace pas les mécanismes prévus à des
558 C’est une des solutions suggérée par A.FÖTSCHL, The Relationship of the European Certificate of
Succession to National Certificates, op. cit., p. 1262.
208
fins similaires par les droits locaux, il ne semblerait pas incohérent de conclure que ces
derniers disposent de la même valeur du certificat supranational. Ainsi, selon cette
approche, l’élément décisif serait le moment de la délivrance : si c’est le document
national à être émis le premier, c’est lui qui prévaut sur tous les éventuels autres certificats
délivrés par la suite, y compris celui européen. À l’inverse, c’est ce dernier qui aura le
dessus sur le document national émis dans un deuxième temps.
377. Certes une telle solution pourrait être préférée par la plupart des praticiens du droit,
ainsi sûrs de pouvoir appliquer leurs propres règles nationales toutes les fois que le
certificat local est issu avant l’instrument européen. Dans ces hypothèses il suffirait donc
d’appliquer la procédure standard prévue par le droit interne, sans besoin de mettre en
œuvre la normative européenne plus détaillée et souvent plus contraignante par rapport
aux exigences nationales559. De plus, comme l’ont remarqué certains auteurs,
l’harmonisation des règles de conflits apportée par le Règlement a permis de faciliter
l’emploi des instruments nationaux, ces derniers ne se heurtant plus aux difficultés liées
à la divergence entre les lois successorales applicables en l’espèce560. En outre, il est vrai
aussi que grâce à la prévision de règles qui simplifient la circulation des actes
authentiques entre les Etats membres, la reconnaissance d’un certificat local dans un autre
Etat concerné par la succession devrait bénéficier d’une plus grande rapidité et efficacité
par rapport au système antérieur561. Dès lors, la délivrance d’un certificat européen ne
serait pas déterminante pour le règlement d’une succession internationale, les documents
559 Comme le note E.JACOBY, Le certificat successoral européen, n°25, qui craint ainsi que la prévision
d’un caractère facultatif du certificat européen ne risque de freiner l’objectif du législateur de l’Union de
faire de cet instrument « la procédure « reine » d’établissement des pouvoirs de disposer et d’administrer
les successions intracommunautaires ».
560 En ce sens P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 713, n°28. Cette idée est
également partagée par E.JACOBY, Le certificat successoral européen, n°25, pour qui le recours aux actes
de notoriété français « devrait être d’autant plus facilité que le notaire ne sera confronté qu’à l’application
d’une seule loi successorale ». Dans le même sens N.JOUBERT, H.BOSSE-PLATINIERE, Le certificat
successoral européen : des éclaircies attendues, in H.BOSSE-PLATINIERE, N.DAMAS, Y.DEREU (sous la
direction de), L’avenir européen du droit des successions internationales, Paris, Lexis-Nexis, 2011, p. 65.
En générale sur l’unification de la lex successionis, v. supra, chap. I, n°
561 Bien que selon L.BARNICH, Présentation du Règlement successoral européen, in A.NUYTS (sous la
direction de), Actualités en droit international privé, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 29, les certificats
nationaux ainsi que les actes de notoriété ne constitueraient pas un « acte authentique » au sens du
Règlement. Contra, l’application des règles dictées par les articles 59 et 60 du Règlement aux certificats
nationaux est soutenue par d’autres auteurs (v. par exemple P.WAUTELET, Le droit européen des
successions, op. cit., p. 713, n°29). Sur la circulation des actes authentiques selon les nouvelles règles, v.
supra, chap. I, n° 191 et s.
209
nationaux pouvant désormais circuler plus aisément contrairement au passé.
378. Dans cette optique, le principe de la priorité temporelle pourrait également
s’appliquer dans le cadre d’une concurrence transfrontalière entre un certificat européen
et un document local, dans l’hypothèse où ce dernier a été délivré en premier. En effet,
compte tenu des nouvelles règles de conflit et de circulation des actes apportées par le
Règlement, la reconnaissance du certificat national dans un autre Etat membre concerné
par la succession serait plus simplifiée et rapide par rapport au système antérieur. Par
conséquent, même en niant la validité au certificat successoral européen issu en deuxième
lieu, l’intéressé pourrait toujours bénéficier des facilitations offertes par le Règlement de
2012, tout en conservant les effets découlant de son document national.
379. Or, bien que de tels arguments aient sûrement un certain poids, les avantages
apportés par la priorité du certificat européen pourrait en dévoiler leurs faiblesses.
2. Le rejet du critère chronologique : la priorité du certificat européen
380. Bien que non prévu par le Règlement, le principe de la priorité du certificat européen
sur les documents nationaux semblerait devoir s’imposer562.
a. Les forces du certificat européen
381. D’abord, le certificat européen bénéficie d’une réglementation uniforme et commune
562 La solution d’une priorité du certificat européen est partagée par de nombreux auteurs, v. not.
P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen des successions, op. cit., n°37 ; MAX
PLANCK INSTITUT, op. cit., p. 140, n° 328, pour qui dans un souci de cohérence des décisions, il conviendrait
d’accepter le retrait d’un certificat national émis en premier face à la délivrance d’un certificat européen.
Cette approche semblerait également adoptée par F.PADOVINI, Il certificato successorio europeo, in
P.FRANZINA-A. LEANDRO (sous la direction de), Il diritto internazionale privato europeo delle successioni
mortis causa, op. cit., p. 207, relativement aux rapports entre le certificat européen et le certificat d’hérédité
prévu dans certaines régions italiennes. Contra P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit.,
p. 715, n°33, selon qui il ne serait pas possible de déduire du Règlement une priorité du certificat européen
sur le document local ; dans le même sens H.WILSCH, EuERbVO : Die Verordnung in der deutschen
Gundbuchpraxis, in ZEV, 2012, p. 253. Cette idée est également rejetée par A.FÖTSCHL, The Relationship
of the European Certificate of Succession to National Certificates, op. cit., p. 1262.
210
à tous les Etats membres, ce qui n’est pas le cas pour les documents nationaux pour
lesquels il faut non seulement tenir compte du droit de l’Etat d’origine, mais aussi de celui
du pays requis. Il est vrai que l’unification des règles de conflit de lois ont fortement
réduit les obstacles qui auparavant compliquaient l’administration d’une succession
transfrontalière, mais la seule harmonisation de la lex successionis n’est en soi pas
suffisante à garantir qu’au certificat délivré dans un Etat membre soit reconnu le même
poids et les mêmes effets dans l’Etat membre requis. Ainsi, on a pu voir supra (n°343)
que la grande diversité entre les pratiques nationales comporte que si dans certains pays
un certificat d’héritier ne peut être délivré sans l’intervention d’une juridiction, dans
d’autres le document est émis par le notaire ou par une autre autorité non judiciaire. Il en
est de même pour les effets : si dans certains systèmes le document national prévoit par
exemple une protection pour les tiers de bonne foi ayant contracté avec l’héritier (tel l’acte
de notoriété français563), cette forme de tutelle n’est pas envisagée dans d’autres droits
(par exemple l’acta de notoriedad espagnol564).
382. De plus, compte tenu de la prévision de motifs de non reconnaissance tant pour les
décisions judiciaires (art. 40, Règlement) que pour les actes authentiques (art. 59,
Règlement)565, le risque est alors que le document national, émis en premier et donc
s’imposant en vertu de la priorité temporelle, ne soit pas suffisant pour prouver les
qualités et les pouvoirs héréditaires dans l’Etat membre requis. En pratique, un tel résultat
obligerait donc l’intéressé à entamer une nouvelle procédure dans le système étranger,
avec toutes les conséquences qui en découlent notamment sous les aspects temporels et
économiques.
383. A contrario, un tel résultat pourrait être évité par le recours au certificat successoral
européen qui, en application de l’article 69 du Règlement, produit ses effets dans tous les
563 C’est l’article 730-4, Code civil qui dispose que les héritiers désignés dans l’acte de notoriété « sont
réputés, à l’égard des tiers détenteurs de biens de la succession, avoir la libre disposition de ces biens et,
s’il s’agit de fonds, la libre disposition de ceux-ci dans la proportion indiquée à l’acte ». Sur cette
présomption, v. ex multis M.GRIMALDI (sous la direction de), Droit patrimonial de la famille, Paris, Dalloz,
5ème éd., 2016, pp. 582 et s.
564 J.CARRASCOSA GONZÁLEZ, Derecho internacional privado sucesorio español, in J.CARRASCOSA
GONZÁLEZ-J.MARTÍNEZ NAVARRO (sous la direction de), Prontuario básico de derecho sucesorio
internacional, Granada, 2012, p. 8.
565 v. supra, chap. I, n° 196 et s.
211
Etats membres de manière immédiate, « sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune
procédure » (paragraphe 1er) et sans que soit prévue aucune vérification préalable par les
autorités compétentes de l’Etat requis566. Certes, celui-ci pourrait faire l’objet des voies
de recours prévues par les article 71 et 72 du Règlement, mais une telle hypothèse ne
pourra intervenir que pour des motifs très limités et encadrés par la normative
européenne567.
384. Enfin, il est également permis d’affirmer qu’en vertu du principe de primauté du
droit de l’Union européenne, consacré par la jurisprudence de la Cour de Justice il y a
désormais plus de cinquante ans568, il ne serait pas « injuste » de reconnaitre la supériorité,
du moins en tant que principe général, du certificat successoral européen par rapport aux
instruments locaux. En effet, une telle concession par les droits nationaux ne signifierait
pas renoncer aux propres instruments, ces derniers continuant à rester pleinement valables
toutes les fois que la succession ne prévoit pas un élément d’extranéité. Cependant, dès
lors que celle-ci présente un lien avec un autre Etat membre, pourquoi ne pas attribuer
priorité aux instruments fournis par l’Union européenne et permettant un traitement plus
simple, rapide et uniforme du règlement successoral569 ? Cette préférence serait d’ailleurs
d’autant plus justifiée par la prévision des effets internes du certificat européen, qui
permettrait ainsi de remplir doublement ses fonctions : d’une part dans l’Etat membre
requis, d’autre part dans celui d’origine570.
566 Contrairement à la Convention de La Haye de 1973 qui prévoit, à son article 17, que « la reconnaissance
du certificat peut enfin être refusée si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public de l’Etat
requis ». Une prévision similaire est contenue par l’article 13, par. 1, du même texte, qui permet de refuser
la reconnaissance du certificat lorsque le certificat n’est pas authentique ou qu’il n’est pas conforme au
modèle annexe à la Convention.
567 En effet, la rectification, la modification ou le retrait du certificat ne pourra intervenir que dans
l’hypothèse où la copie certifiée conforme est estimée constituée un faux (art. 71). Quant aux voies de
recours, celles-ci ne pourront être exercées qu’à l’encontre d’une décision de l’autorité émettrice ex article
71 du Règlement (art. 72). Dans les deux hypothèses, les seules autorités compétentes seront celles de l’Etat
membre de délivrance du certificat.
568 Il s’agit du célèbre arrêt « Costa c. E.N.E.L. » du 15 juillet 1964 (affaire C-6/64, Flaminio Costa c. Ente
Nazionale per l’Energia Elettrica).
569 Dans cette perspective, il est intéressant de noter que lors de l’une des dernières rencontres organisées
par le CNUE à Paris le 22 octobre 2016, les participants ont proposé la création d’un certificat successoral
mondial suivant le modèle du certificat européen. Ce document permettrait ainsi à un notaire en charge
d’une succession ouverte en application d’un droit hors de l’Union européenne de recevoir un certificat
prouvant la qualité et les droits des héritiers, dans un souci de garantir la sécurité juridique dans toute
succession transfrontalière (source : www.notaries-of-europe.eu).
570 Dans cette perspective, M. Lagarde se demande pourquoi le législateur européen s’est limité à la
212
385. Pourtant, comme le note l’Institut du Max Planck dans ses observations à la
proposition de Règlement571, cette règle prioritaire ne permettrait pas toujours une
résolution adéquate des conflits entre certificats. Dès lors, la prééminence de l’instrument
européen ne serait pas sans limites.
b. Les limites de la priorité « européenne »
386. Prenons le cas d’un tiers qui, en bonne foi, a confié dans la validité du certificat
national sans connaitre l’existence d’un certificat européen. Imaginons donc que cette
personne, sur la base du document national, ait effectué des paiements ou délivrés des
biens et que seulement dans un deuxième temps elle découvre l’existence d’un certificat
européen contenant des éléments contradictoires avec l’instrument interne. Or, il est
manifeste que dans une telle hypothèse l’application automatique de la priorité
« européenne » risquerait de priver le tiers de la protection qui lui est garantie par le
document national, ce dernier devant succomber face au régime du Règlement.
387. Il en est de même pour l’hypothèse de la concurrence entre certificats européens, où
la règle de la priorité pourrait parfois d’avérer insuffisante. En effet, à cet égard on a déjà
vu qu’a priori la solution plus simple consisterait à donner priorité au certificat européen
délivré en premier (v. supra n°). Cependant une telle approche ne serait satisfaisante que
dans le cas où le contenu des deux certificats est identique ; a contrario, il aboutirait à un
résultat inacceptable en pratique, en pénalisant les tiers de bonne foi qui, en vertu de la
présomption contenue à l’article 69, paragraphe 3, Règlement, ont agis vis-à-vis des
héritiers désignés par le certificat émis en second572. En outre, dans une perspective plus
générale, une telle vision conduirait à remettre en cause le système global du certificat
prévision des effets internes du certificat dans la seule hypothèse des successions internationales. En effet,
« on ne voit pas pourquoi le certificat européen, avec les garanties qu’il présente, ne pourrait pas être
demandé à toutes fins à la place du certificat national dans une succession apparemment interne, qui pourrait
révéler ultérieurement des éléments d’extranéité » (P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau
règlement européen des successions, op. cit., n°36).
571 MAX PLANCK INSTITUT, op. cit., p. 140, n° 330.
572 Comme le note P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen des successions, op.
cit., n°37 in fine.
213
européen, ne garantissant pas de manière pleine et effective cette protection que le
Règlement reconnaît aux tiers ayant accordé foi à son contenu.
388. Dès lors, la règle de la priorité, qu’elle soit du certificat européen sur le certificat
national ou du certificat européen premièrement délivré sur le deuxième, ne pourrait pas
constituer la seule et unique solution au problème. D’autres voies complémentaires
doivent donc être envisagées afin que le nouvel instrument européen devienne un
mécanisme réellement avantageux et efficace dans le règlement d’une succession intra-
communautaire.
C. La coexistence évitable : la collaboration entre autorités et la création d’un registre des
certificats européen
389. Compte tenu des limites de la règle prioritaire, il nous est apparu nécessaire
d’élaborer des solutions alternatives et permettant de prévenir, avant même la délivrance
d’un deuxième certificat (qu’il soit local ou européen), l’apparition d’un conflit. Pour ce
faire, deux directions sont envisageables : d’une part la promotion d’une plus grande et
efficace collaboration entre les autorités compétentes ; d’autre part, la création d’un
registre unique des certificats européens, en tant qu’étape indispensable pour renforcer la
confiance reconnue à cet instrument et favoriser, par ce biais, son envol dans l’espace
juridique européen.
1. La prévention du conflit par la coopération intra-européenne
390. À l’instar des autres instruments de droit international privé européen, le Règlement
n° 650/2012 ne parviendrait pas à remplir ses objectifs sans une collaboration entre les
autorités nationales compétentes. Or, s’il est vrai que la notion de « coopération » entre
les autorités des Etats membres fait immédiatement appel au principe de la
reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et de l’acceptation des actes
authentiques, il serait toutefois erroné d’en limiter sa portée à ce domaine. En effet, pour
que le certificat successoral européen remplisse véritablement ses fonctions, son effective
circulation entre les pays membres est indispensable. Dès lors, dans le cadre du
214
Règlement Successions la coopération entre autorités compétentes ne concerne plus le
seul « règne » des décisions judiciaires et des actes authentiques, mais s’étend jusqu’au
nouveau domaine des certificats successoraux en vue d’en prévenir les conflits et garantir
leur efficacité. Ainsi, le rôle des autorités compétentes à émettre le certificat européen
consistera non pas seulement dans le simple contrôle de la demande requis par le
Règlement ; a contrario, cette autorité devra également vérifier, avant toute délivrance
du document, l’existence ni d’un certificat national contradictoire, ni d’un autre certificat
européen émis à l’avance.
391. Dans la première hypothèse en particulier, à savoir celle du contrôle de l’absence de
tout autre certificat de droit local, deux cas de figures sont envisageables : d’une part
l’éventualité d’un certificat interne émis dans le même Etat membre où opère l’autorité
compétente ; d’autre part le cas d’un certificat local délivré dans un Etat membre
différent.
a) La prévention de conflit « interne »
392. Ainsi, dans la première situation l’autorité compétente pourrait faire appel au
système d’inscription prévu par le droit interne afin de vérifier qu’un autre certificat n’ai
pas déjà été délivré. En cas positif, si les renseignements indiqués dans la demande de
certificat européen sont cohérents avec le document national déjà émis, alors la règle de
la priorité du premier sur le document local en devrait comporter l’immédiate élimination,
avant même la délivrance de l’instrument communautaire. En revanche, si une
contradiction existe, l’autorité compétente à émettre le certificat européen devrait alors
procéder à des vérifications ultérieures sur les informations attestées dans la demande, en
vertu des pouvoirs qui lui sont reconnus par l’article 61 du Règlement.
393. Partant, deux voies pourraient donc être suivies : si les contrôles ultérieurs
permettent de déterminer la véracité des éléments fournis dans la demande de certificat
européen, il serait alors possible d’admettre sa prééminence, en principe573, sur le
573 Des exceptions à la priorité du certificat européen pourrait en effet se justifier en raison de la présence
de tiers ayant agis sur la base du document national en premier émis.
215
document local antérieur, ainsi annulé avant la délivrance de l’instrument
communautaire. À l’opposé, si la contradiction avec le document national est causée par
une erreur ou un manquement dépendant de la demande de certificat européen, il est dès
lors possible de conclure que l’autorité compétente, sauf correction ou production de
pièces ultérieures par le demandeur, se refusera de délivrer cet instrument et seul le
document national continuera à exister.
b) La prévention du conflit « transnational »
394. Cependant le conflit pourrait également surgir avec un certificat national émis dans
un autre Etat membre, ce qui rend donc nécessaire de vérifier, avant la délivrance d’un
certificat européen, l’absence de tout document similaire émis dans un pays membre
différent. Or, contrairement à l’hypothèse d’une concurrence « interne » entre certificats,
en cas de conflits « transfrontaliers » la prévention de contrastes peut s’avérer plus
compliquée.
395. D’abord, se pose le problème de l’accès au système d’inscription des certificats
successoraux locaux (ou documents similaires) dans l’Etat membre requis ; en effet, tous
les registres nationaux ne sont pas interconnectés entre eux, ce qui rend plus difficile pour
l’autorité émettrice d’accéder aux informations relatives à l’existence d’un certificat
national de succession. De plus, s’il est vrai que l’article 66 prévoit, dans son paragraphe
5, que l’autorité compétente d’un Etat membre doit fournir, sur demande, à l’autorité
émettrice d’un autre Etat membre les informations dont il est fait publicité relativement à
la succession574, il faut toutefois préciser que cette coopération est limitée aux seules
vérifications des éléments contenus dans la demande de certificat européen et ne s’étend
donc pas au contrôle sur l’existence d’autres certificats successoraux. En outre, l’on
remarquera que cette même disposition précise, dans sa dernière partie, qu’une telle
collaboration de la part de l’autorité compétente ne peut avoir lieu que si celle-ci « est
autorisée, en vertu du droit national, à fournir ces informations à une autre autorité
574 Il s’agit en particulier des informations détenues « dans les registres fonciers, les registres de l’état civil
et les registres consignant les documents et les faits pertinents pour la succession ou pour le régime
matrimonial ou un régime patrimonial équivalent du défunt ».
216
nationale ».
396. Ces difficultés démontrent alors qu’en vue de garantir des mécanismes effectifs de
prévention des conflits entre certificats, qu’ils soient internes ou transnationaux, la
création d’un système d’inscription commun à tous les Etats membres du Règlement
pourrait s’avérer décisive. En effet, un tel mécanisme pourrait faciliter la collaboration
entre les autorités émettrices compétentes, tout en favorisant, par cette voie, la diffusion
du certificat européen dans les successions intra-communautaires.
2. La prévention du conflit par la création d’un registre des certificats successoraux
européens
397. Proposée par l’Institut de Max Planck575 et reprise par le Conseil des Notariats de
l’Union Européenne (CNUE)576, l’idée de créer un registre européen des certificats
successoraux s’inscrit dans le plus ample cadre de la coopération judiciaire en matière
civile prévue à l’article 81, TFUE. Ainsi, un tel instrument aboutirait à l’instauration
d’une plateforme informatique permettant de contenir toute information inhérente la
délivrance, la modification ou le retrait d’un certificat successoral tant européen comme
national.
398. En particulier, suivant les suggestions avancées par le Max Planck Institut dans son
étude à la proposition de Règlement577, il serait possible d’envisager l’institution d’un
registre indiquant, d’une part, les renseignements relatifs au contenu des certificats
européens délivrés et, d’autre part, les informations concernant le respect des conditions
requises par le Règlement pour leur émission. Cela permettrait donc aux autorités
575 MAX PLANCK INSTITUT, op. cit., p. 140, n° 332.
576 v. notamment les suggestions proposées par F.TREMOSA, Le certificat successoral européen, in Du
Règlement Successions aux Régimes Matrimoniaux: les solutions des notaires d’Europe, publication
réalisée par le CNUE dans le cadre du projet “l’Europe pour les Notaires, les Notaires pour l’Europe”
cofinancé par la Commission européenne (JUST/2012/JCIV/3392), pp. 75-76.
577 En effet, dans son étude à la proposition de 2009, l’Institut suggérait la prévision, dans le texte du
Règlement, d’un article prévoyant expressément la création d’un registre européen des certificat
successoraux et disposant, en particulier, que ce dernier aurait indiqué toute information relative aux
certificats successoraux européens, y compris celles concernant les conditions pour leur délivrance (v.
« Article 44a. Register for certificates of succession », in MAX PLANCK INSTITUT, op. cit., p. 143 et p. 145
n° 342).
217
émettrices tout d’abord de vérifier, avant la délivrance d’un certificat européen, que celui-
ci n’existe déjà ni à l’intérieur du même Etat membre, ni dans les autres. En outre, la
présence d’un tel registre consentirait à ladite autorité compétente de vérifier, dans
l’hypothèse d’un certificat successoral déjà issu, la compétence de l’autorité l’ayant
émis : dès lors, si cette dernière s’avère être la seule compétence à émettre le certificat
européen, l’autorité saisie en second lieu déclarera son incompétence et rejettera la
demande d’émission. A contrario, cette dernière devra justifier sa compétence sur la base
du Règlement et la personne intéressée saisir l’autorité incompétente pour obtenir le
retrait du certificat européen en premier émis. À cet égard, cependant, il est permis de
partager l’intéressante idée de l’Institut d’Hambourg pour qui, dans cette dernière
hypothèse, les informations contenues dans le registre européen favoriseraient
l’instauration d’un dialogue entre les autorités concernées, sans donc besoin d’actions
ultérieures de la part des parties. Dès lors, le retrait du certificat émis par l’autorité
incompétente serait non pas le fruit d’une nouvelle procédure de la part de la personne
intéressée, mais le résultat d’une collaboration active entre les autorités elles-mêmes en
vue de garantir une application effective et efficace du Règlement.
399. Or, le risque de concurrence entre certificats n’est pas limité, comme on a pu voir,
aux seuls certificats européens. C’est pourquoi la proposition d’introduire un registre
européen ne concernerait pas les seuls certificats européens des successions, mais aussi
les instruments nationaux remplissant une fonction similaire. Cela faciliterait ainsi le
travail des autorités compétentes à l’émission d’un certificat européen, notamment en vue
d’éviter un possible conflit entre ce dernier et un document national émis dans un Etat
membre différent. En effet, la prévision d’inclure, parmi les données insérées dans le
registre, les informations relatives aux certificats nationaux, éviterait à une autorité
compétente au sens de l’article 64 du Règlement de devoir faire appel aux registres
nationaux pour contrôler l’inexistence d’un autre document national similaire. Dès lors,
pour contrer le risque d’un conflit entre le certificat européen et un instrument de droit
interne, il suffirait à celle-ci de vérifier préalablement sur le registre commun qu’aucun
certificat successoral n’a pas déjà été délivré dans un Etat membre différent.
400. In fine, notons également que dans l’idée avancée par l’Institut Max Planck l’accès
au registre ferait, justement à notre avis, l’objet d’un certain nombre de limites, in primis
218
quant aux autorités pouvant en faire utilisation578. Ainsi, seules les autorités judiciaires et
non judiciaires compétentes à délivrer un certificat successoral pourraient accéder aux
données inscrites sur le registre. Il en découle donc que les notaires, étant titulaires de la
compétence à émettre ces instruments dans de nombreux Etats membres, seraient sans
aucun doute compris parmi les autorités pouvant faire emploi du registre européen. En
revanche, des règles plus rigides seraient souhaitables pour l’accès au registre de la part
des personnes privées. En effet, compte tenu des informations personnelles fournies par
les certificats successoraux, il serait préférable que seules les personnes directement
intéressées par la succession puissent y accéder afin d’obtenir les renseignements fournis
par le certificat579. Un accès similaire pourrait en outre être prévu pour les certificats
nationaux580, en vue de permettre aux parties concernées, en l’absence d’un certificat
européen, de récupérer les données nécessaires pour le règlement de la succession
internationale.
401. Certes, la mise en œuvre d’un tel projet requiert la collaboration, et surtout la volonté,
de tous les Etats membres de garantir une effective coopération en tel sens de la part des
autorités nationales désignées comme compétentes à délivrer un certificat successoral.
Dans cette perspective, l’entrée en application du Règlement a indiscutablement favorisé
une telle action, non seulement par la prévision de règles de compétence et de loi
applicable communes, mais aussi à travers les premiers emplois, dans la pratique, des
certificats européens. Ainsi, un certain nombre d’Etats européens ont déjà prévu un réseau
d’interconnexion entre les respectifs registres nationaux, en vue de permettre aux
autorités locales d’obtenir les renseignements nécessaires pour éviter tout risque de
conflits transfrontaliers entre certificats de successions581. Or, si telle une telle
578 v. l’article 44 a, paragraphe 2, proposé par l’Institut de Max Planck dans son commentaire à la
proposition de 2009 (MAX PLANCK INSTITUT, op. cit., p. 143).
579 À cet égard, l’Institut d’Hambourg avait suggérer de fournir à toute personne directement intéressée par
la succession un code personnel, lui permettant ainsi d’accéder directement à la plateforme informatique et
d’obtenir immédiatement les informations contenues dans le certificat (v. MAX PLANCK INSTITUT, op. cit.,
p. 146, n°348).
580 L’Institut du Max Planck suggérait en revanche de laisser à chaque Etat membre la liberté de permettre
ou pas l’accès aux parties privées au contenu des certificats nationaux (v. MAX PLANCK INSTITUT, op. cit.,
p. 146, n°349). Cependant le risque d’un tel choix est de provoquer une disparité de traitement entre les
parties, certaines pouvant accéder aux certificats nationaux inscrits sur le registre, d’autre se voyant nier
cette possibilité par le droit national. Il serait dès lors préférable de prévoir un accès pour tous les certificats
nationaux, limité bien évidemment aux seules parties directement intéressées par la succession.
581 C’est le cas par exemple de la France avec le Luxembourg, ou encore des prochaines interconnexions
219
collaboration s’est démontrée possible entre quelques Etats membres, ne serait-il pas
possible, et plus utile, l’étendre à toute l’Union ? Remarquons de plus qu’une expérience
similaire a déjà été appliquée en matière de testaments, où la Convention de Bale de
1972582 a conduit à la création, en 2005, de l’Association du Réseau Européen des
Registres Testamentaires583 permettant à ses adhérents d’interconnecter leurs registres
nationaux. Dès lors, pourquoi ne pas créer, suivant cet exemple de collaboration, un
réseau européen des certificats successoraux ? Un tel aboutissement ne pourrait
comporter que des avantages tant pour les autorités émettrices que pour les parties
intéressées, tout en renforçant la crédibilité du certificat européen et, plus en général, du
Règlement dans son ensemble.
402. Néanmoins, l’envol du nouvel instrument commun ne peut être assuré par la seule
solution aux possibles conflits entre certificats. En effet, une fois éliminé le risque de
concurrence entre un document national et un certificat européen, ou entre certificats
européens entre eux, les obstacles à au bon fonctionnement de ce mécanismes sont encore
bien présents. Parmi ceux-ci, la question de la loi applicable aux régimes matrimoniaux
et aux éventuelles conventions de mariage occupe une place prépondérance. Ainsi, on va
voir que ces données peuvent devenir cruciales tant au moment de la demande de
certificat qu’à celui de sa délivrance, ces conventions allant influencer la composition de
la masse successorale du de cujus. Il n’est dès lors pas à exclure que les divergences
nationales en matière, depuis toujours caractérisant ce domaine, conduisent à une mise en
péril de l’efficacité du certificat européen dans sa circulation entre les Etats membres au
Règlement Successions. Or, la récente harmonisation européenne du secteur, ensemble
avec les techniques élaborées par le droit international privé contemporain, sembleraient
rendre cette perspective moins turbulente que ce qu’elle apparaît.
prévues entre la France et la Belgique et entre la France et les Pays-Bas (données publiées par « Notaires
de France » au 3 août 2016).
582 Il s’agit de la Convention relative à l’établissement d’un système d’inscription des testaments, adoptée
par le Conseil de l’Europe le 16 mai 1972 (pour le texte de la convention v. le lien
http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/077).
583 Le Réseau est accessible par le site www.arert.eu.
220
II. Le certificat successoral et les régimes matrimoniaux : une (possible)
harmonisation commune
403. Traditionnellement, le règlement d’une succession, indépendamment de son
caractère national ou transfrontalier, est indissociablement liée aux régimes
matrimoniaux. En effet, comment déterminer le contenu de la masse successorale sans
une préalable liquidation du régime matrimonial ? Comment garantir l’appartenance de
certains biens au patrimoine du défunt sans avoir préalablement vérifié les dispositions
d’un éventuel contrat de mariage ou d’une convention similaire ? C’est pourquoi le
contenu du certificat successoral européen doit nécessairement prendre en compte, parmi
les renseignements concernant le de cujus, celles relatives à un contrat de mariage (ou
assimilé) conclu par ce dernier (art. 65, par. 3, point j), Règlement).
404. Cependant c’est ici que les difficultés surgissent. Ainsi, contrairement au domaine
des successions internationales où l’Union européenne s’est finalement dotée d’un
instrument de droit commun, une harmonisation similaire n’est intervenue que tout
récemment dans la matière des régimes matrimoniaux et des partenariats enregistrés584.
Par conséquent, étant donné que les nouveaux règlements ne seront mis en application
que dans deux ans, avant cette date la loi applicable dans ce domaine reste celle indiquée
par le droit international privé matrimonial de chaque Etat membre585. Or, on va voir que
d’importantes différences existent souvent entre un système et l’autre, ce qui peut ainsi
poser des problèmes à un double stade : d’abord au moment de la délivrance du certificat ;
ensuite, au moment de sa circulation dans les autres Etats membres. Dès lors, comment
les surmonter tout en sauvegardant l’efficacité du certificat européen ? Hélas, dans
l’attente de l’entrée en application du Règlement sur les régimes matrimoniaux et les
partenariats enregistrés, le problème semblerait rester sans une solution commune.
584 Il s’agit du Règlement n° 1103/2016 relatif à la compétence, à la loi applicable, à la reconnaissance et à
l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux et du Règlement n° 1104/2016 relatif à la
compétence, à la loi applicable, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière d'effets
patrimoniaux des partenariats enregistrés, adoptés à Bruxelles le 24 juin 2016. Sur ces instruments, v. infra
n° 446 et s.
585 En réalité, un instrument de caractère international existe déjà en matière : la Convention de La Haye du
14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux. Cependant ce texte n’a été ratifié que par
trois Etats membres (le 13 septembre 2016 il s’agissait de la France, du Luxembourg et des Pays-Bas), ce
qui le rend incapable de constituer un instrument de droit international privé commun. Sur cette convention,
v. le rapport explicatif publié par la Conférence de La Haye de droit international privé et réalisé par A.E.
VON OVERBECK (Actes et documents de la Treizième session, 1976, t. II, Régimes matrimoniaux).
221
Néanmoins, nous estimons que des voies palliatives peuvent être suivie afin de fournir
une réponse immédiate aux certificats européen issus avant le 29 janvier 2019.
A. Les limites du certificat successoral européen : les conflits de lois matrimoniales
405. Le certificat successoral européen peut avoir un contenu variable ; ainsi, en vertu de
l’article 68 du Règlement, cet instrument comporte les informations nécessaires « dans la
mesure où elles sont nécessaires à la finalité pour laquelle il est délivré […] ». Dès lors,
le certificat devra indiquer si le défunt avait conclu un contrat de mariage et donner les
renseignements concernant son régime matrimonial (art. 68, par. 1, point h), Règlement),
ces informations étant essentielles pour déterminer la consistance de la masse
successorale à régler. Or, à l’heure actuelle ces éléments ne pourront être donnés à
l’autorité émettrice compétente que sur la base des propres règles de droit international
privé, les règlements sur les régimes matrimoniaux et sur les partenariats enregistrés
n’étant pas encore applicables. Les conséquences qui en découlent sont ainsi doubles :
d’une part le risque, au moment de la délivrance du certificat, de potentiels conflits de
qualifications entre la loi successorale et la loi matrimoniale applicable ; d’autre part la
possibilité, au moment de l’utilisation du certificat dans un autre Etat membre, que les
droits du conjoint survivant dérivant du régime matrimonial ne soient pas respectés dans
l’Etat requis du fait des divergences des règles de conflits en matière.
1. Les limites en amont du certificat européen
406. Pour comprendre les difficultés que provoque la question des régimes matrimoniaux,
il est préalablement indispensable de faire appel aux dispositions consacrées par le
Règlement à ce domaine. La référence va tout d’abord au considérant 12 du texte
européen, aux termes duquel « […] le présent règlement ne devrait pas s’appliquer aux
questions ayant trait aux régimes matrimoniaux, y compris les conventions matrimoniales
que connaissent certains systèmes juridiques, dès lors que celles-ci ne traitent pas de
questions successorales […] ». Cette exclusion est par la suite confirmée à l’article 1er,
par. 2, lettre d), Règlement, qui n’insère pas parmi les matières faisant partie de son champ
d’application « les questions liées aux régimes matrimoniaux et aux régimes
222
patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés
avoir des effets comparables au mariage ».
407. Dès les premiers articles le législateur européen est donc clair : les questions relatives
aux régimes matrimoniaux sont exclues du Règlement Successions et restent donc régies,
du moins pour le moment, par les règles de droit international privé internes. Il en est de
même pour les relations assimilées au mariage, telles les formes de partenariats
enregistrés admis dans certains Etats membres comme l’Allemagne et les Pays-Bas ;
ainsi, dans ces hypothèses c’est la loi du for qui va devoir déterminer, selon son droit
international privé, la loi applicable à ces relations586. Telle est dès lors la conséquence :
étant donné que les critères permettant de déterminer la loi applicable aux régimes
matrimoniaux ne sont pas (encore) communs aux Etats membres de l’Union européenne,
il n’est pas à exclure que certaines institutions qualifiées de matrimoniales dans certains
Etats membres soient considérées comme successorales dans d’autres. C’est l’éternel
conflit de qualification que M. Bartin587 affrontait déjà au début du siècle dernier en
relation au célèbre arrêt « Bartholo » 588, portant sur le droit de l’épouse de recueillir une
partie des biens acquis en commun avec le mari.
408. Ainsi, prenons le cas d’un couple de ressortissants français, résidents depuis le
mariage en Allemagne. Ces derniers ont conclu un contrat de mariage prévoyant un
régime de communauté universelle ex article 1526 du Code civil français, complété par
une clause d’attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant, au sens de
l’article 1524 du Code civil589. Supposons que l’un des deux conjoints décède le 16
septembre 2016 en Allemagne et que le conjoint survivant demande aux juridictions
allemandes la délivrance d’un certificat successoral européen. Or, le Règlement ne
régissant pas les questions relatives aux régimes matrimoniaux, cette clause est
586 v. U.BERGQUIST, D.DAMASCELLI, R.FRIMSTON, P.LAGARDE, F.ODERSKY, B.REINHARTZ, Commentaire
du Règlement européen sur les successions, op. cit., p. 38, n° 28.
587 E.BARTIN, La doctrine des qualifications et ses rapports avec le caractère national du conflit des lois,
in Recueil des cours, t. 31, 1930.
588 CA Alger, 24 décembre 1889, in Clunet, 1891, 18, p. 1171.
589 Cet article dispose en effet que « l’attribution de la communauté entière ne peut être convenue que
pour le cas de survie, soit au profit d’un époux désigné, soit au profit de celui qui survivra quel qu’il soit
[...] ».
223
nécessairement qualifiée selon la loi du for, soit la loi allemande, suivant la règle classique
de la qualification lege fori590. Toutefois, pour le droit allemand une telle prévision
d’attribution intégrale est considérée majoritairement non pas comme une convention
matrimoniale mais comme une disposition à cause de mort. Dès lors, compte tenu que la
loi successorale, en vertu de l’article 21 du Règlement et en l’absence d’une professio
juris, est la loi de la dernière résidence du défunt, il en découle que cette clause sera régie
par le droit allemand. Par conséquence, bien qu’une telle convention soit valable pour le
droit français qui lui reconnait une nature matrimoniale, celle-ci pourrait ne pas l’être
selon le droit allemand qui refusera donc, dans cette dernière hypothèse, d’attribuer
l’intégralité de la communauté au conjoint survivant591.
409. Prenons maintenant le cas inverse, à savoir celui d’un couple de ressortissants
allemands résidents depuis leur mariage en France. Ainsi, dans cette hypothèse c’est le
notaire français qui, sur la base des règles de compétence dictées par l’article 64 du
Règlement, va être compétent à délivrer le certificat592. De plus, étant donné que la France
a ratifié la Convention de La Haye de 1978 sur la loi applicable aux régimes
590 Selon la doctrine traditionnelle en effet, le juge qualifie le rapport juridique en cause selon sa loi interne,
c’est-à-dire la loi du. Cette opération est nécessaire afin de déterminer à quelle catégorie juridique appartient
la situation en cause, selon la quadripartition proposée à la fin du XIXème siècle par F.C. von Savigny
(System des heutigen römischen Rechts, vol. 8. 1849, pp. 88 et s.). Une fois la qualification effectuée, il est
lors possible d’identifier la règle de conflit applicable en l’espèce, selon les normes de droit international
privé prévues dans la matière. En faveur de cette thèse, v. pour la doctrine française les réfèrences indiquées
supra, n° 8, note 16. Cette théorie a également été soutenue par de nombreux auteurs italiens, pour lesquels
v. notamment R.AGO, Teoria del diritto internazionale privato, Padoue, Cedam, 1934, pp. 142 et s. ;
G.MORELLI, Lezioni di diritto internazionale privato, pp. 54 et s.; G.CANSACCHI, Interpretazione
(interpretazione e applicazione delle norme di diritto internazionale privato), in Enc. giur., XVII, Rome,
1989; G.SPERDUTI, La qualificazione in diritto internazionale privato, in Saggi di teoria generale del del
diritto internazionale privato, Milan, 1967, pp. 7 et s.; G.BARILE, Qualificazione, (diritto internazionale
privato), in Enc. dir., XXXVIII, Milan, 1987, pp. 1 et s.; D.ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale
privato e processuale, in F.SALERNO (sous la direction de), Padoue, 1996, pp. 170 et s.; N.BOSCHIERO, Il
problema delle qualificazioni, in F.PREITE (sous la direction de), Atti notarili nel diritto comunitario e
internazionale, vol. I, Diritto internazionale privato, Principi generali. Riflessi sull’attività notarile,
Commento alla legge 31 maggio 1995, n. 218, Turin, 2011 pp. 74 et s.
591 Le résultat serait différent si la loi allemande qualifiait la clause d’attribution intégrale comme une
convention matrimoniale : dans cette hypothèse, en effet, l’article 15 EGBGB, prévoyant la loi applicable
en matière de régimes matrimoniaux, entrerait en jeu. Ainsi, étant donné que cette disposition désigne,
comme règle générale, la loi de la nationalité commune des époux (art. 15, par. 1, EGBGB), la juridiction
allemande compétente à délivrer le certificat devrait vérifier la validité de la clause non plus sur la base du
droit de l’Allemagne, mais à l’aune du droit français.
592 Il convient de rappeler qu’en l’absence de choix de la loi successorale par le défunt, la compétence à
statuer sur la succession est attribuée aux juridictions de l’Etat de la dernière résidence habituelle du de
cujus (art. 4, Règlement). Sur cette compétence, v. supra n° 59 et s.
224
matrimoniaux, il en découle que la question de la validité de la clause d’attribution sera
régie, en l’absence de professio juris, par la loi de l’Etat où les époux ont établi leur
première résidence habituelle après le mariage, soit la loi française593. Dès lors, compte
tenu qu’en droit français la clause d’attribution intégrale est admise, le certificat européen
émis par le notaire en France mentionnera l’attribution de la communauté au conjoint
survivant qui pourra ainsi bénéficier des droits provenant de la convention matrimoniale
précédemment conclue.
410. Or, les disparités qui découlent de ces exemples sont bien évidentes : en effet, il
suffit que le lieu de résidence du couple change pour que les évaluations effectuées par
l’autorité émettrice varient. Ainsi, selon que cette dernière ait son siège en Allemagne ou
en France, le contenu du certificat successoral européen pourra être différent du fait des
divergences entre les critères de rattachement en matière matrimoniale. Cela ne fait alors
qu’augmenter les complexités pour les autorités émettrices, attendu que ces dernières vont
indiquer les éléments dont elles disposent sur la base de leurs propres règles de droit
international privé, tout en étant conscientes que le certificat pourrait être considéré
comme incorrect par l’autorité d’un autre Etat membre adoptant un critère de
rattachement différent. Reprenons en effet le cas du certificat européen émis par la
juridiction allemande ayant qualifié la clause d’attribution intégrale comme une
disposition à cause de mort. Or, dans une perspective française ce document sera sans
aucun doute erroné, la clause d’attribution intégrale étant considérée en France comme
une convention de mariage. Cette divergence de qualification se répercutera donc sur les
effets produit par le certificat, en affectant directement sa présomption de véracité
découlant de l’article 69 du Règlement.
2. Les limites à l’aval du certificat européen
411. Dès le premier article du chapitre IV du Règlement, consacré au régime du certificat
successoral européen, la volonté du législateur communautaire est explicite : le certificat
593 L’article 4, paragraphe 1er, de la Convention de La Haye de 1978 prévoit en effet que « Si les époux
n'ont pas, avant le mariage, désigné la loi applicable à leur régime matrimonial, celui-ci est soumis à la loi
interne de l'Etat sur le territoire duquel ils établissent leur première résidence habituelle après le mariage ».
225
européen est créé « en vue d’être utilisé dans un autre Etat membre ». Une fois délivré,
cet instrument va donc circuler dans les autres Etats membres594 en tant que moyen de
preuve des qualités et des pouvoirs héréditaires découlant de la succession internationale.
Ainsi, aux termes de l’article 69, paragraphe 2, Règlement, le certificat est présumé
attester fidèlement « l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable
à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques […] ».
Or, si une partie de cette disposition ne pose aucun doute, la force probatoire du certificat
couvrant toutes les questions successorales, il ne l’est pas autant pour la référence aux
éléments établis « en vertu de toute autre loi applicable ».
412. En effet, il est manifeste que la liquidation d’une succession nécessite la prise en
considération de questions différentes de celles typiquement successorales. Ainsi,
l’existence d’éventuelles querelles relatives aux liens de filiation sera bien évidemment
régie non pas par la lex successionis mais pas la loi applicable dans ce domaine. Le même
principe vaut d’ailleurs pour les questions concernant les régimes matrimoniaux. Ces
dernières sont effectivement indispensables pour une correcte liquidation de la
succession : la masse des biens du défunt fait-il partie d’une communauté entre époux, ou
ces derniers sont-ils en régime de séparation ? Dès lors, compte tenu des effets de la
présomption ex article 69 du Règlement, l’interrogation est obligée : devrait-on
considérer que cette présomption de véracité s’étend aussi aux questions non
successorales, étant donné leur importance dans le traitement de la succession ?
413. Or, bien qu’une partie des commentateurs aient suggéré une interprétation large de
cette disposition595, le législateur européen semblerait avoir opté pour la solution opposée.
En effet, non seulement le considérant 71 du Règlement précise que « […] la force
probante du certificat ne devrait pas s’étendre aux éléments qui ne sont pas régis par le
présent règlement […] », mais en outre son article 1er, paragraphe 1, énumère, parmi les
594 Il convient ici de rappeler qu’en limitant le certificat européen aux seules successions internationales, le
législateur de l’Union a ainsi exclu que cet instrument puisse être employé comme moyen de preuve général
dans le cadre d’une succession interne. V. cependant les considérations critiques de P.LAGARDE supra
citées (note 42) ; à ce sujet v. aussi les observations de G.SICOT-H.LETELLIER, Le droit des successions et
le législateur communautaire : vers de grandes réformes, in Gaz. Pal., 29 janvier 2011, pp. 9 et s.
595 En ce sens notamment N.JOUBERT, H.BOSSE-PLATINIERE, Le certificat successoral européen : des
éclaircies attendues, op. cit., p. 81, qui relativement à la proposition de 2009 avaient suggéré d’interpréter
de manière large la portée de la présomption de véracité concernant les questions exclues du champs
d’application de la lex successionis.
226
matières exclues par le champ d’application du Règlement, celles relatives à « l’état des
personnes physiques ainsi que les relations de famille et les relations réputées avoir des
effets comparables en vertu de la loi applicable » (point a), de même que « les questions
liées aux régimes matrimoniaux et aux régimes patrimoniaux » réputés avoir des effets
comparables au mariage (point d). Dès lors, ainsi qu’il a été souligné par certains
auteurs596, il y aurait une discordance, sinon même une véritable contradiction avec ces
dernières dispositions, si la présomption de véracité ex article 69 du Règlement était
étendue aux questions exclues précitées.
414. Si donc telle est l’interprétation à suivre, il en résulte qu’une partie des éléments
indiqués dans le certificat européen établi dans un pays membre sera privé, au moment
de la circulation du document dans un autre Etat, de la force probatoire qui lui est accordé
par l’article 69 du Règlement. Cela implique alors que les renseignements relatifs aux
régimes matrimoniaux ou à un contrat de mariage, indiqués dans le certificat
conformément aux règles de droit international privé propres à l’autorité émettrice,
pourraient ne pas avoir le même poids dans l’Etat membre requis, celui-ci appliquant des
règles de conflits de lois divergentes.
415. Ainsi, imaginons le cas de deux ressortissants italiens, de sexe différent et résidents
aux Pays-Bas. Ces derniers sont unis par le biais d’un partenariat enregistré conclu dans
cet Etat selon le droit néerlandais, en vertu duquel cette relation produit des effets en tout
comparables à ceux du mariage597. Dès lors, dans une optique successorale cela implique
que le partenaire survivant bénéficie des droits sur la succession de l’autre, étant titulaire
des mêmes droits successoraux qui seraient attribués au conjoint survivant dans
l’hypothèse du mariage598. Or, supposons que l’une des deux personnes décède aux Pays-
596 P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 788, n° 25.
597 L’article 80, alinéa 1, Livre I, Code civil néerlandais statue en effet que « A person may, at the same
time, only be united in a registered partnership with one other person, either of the same or of another
gender ».
598 L’article 8, alinéa 1, Livre 4, Code civil néerlandais dispose que dans le présent Livre du Code civil,
consacré aux successions, l’expression de “partenariats enregistrés” « are equated with spouses ». Ainsi,
en vertu des articles 13 et suivants, Livre 4, Code civil néerlandais, l’époux (ou le partenaire enregistré)
survivant a droit à la moitié de la communauté des biens indivises, l’autre moitié allant au patrimoine du
défunt. L’époux (ou le partenaire enregistré) survivant bénéficie en outre d’un droit d’utilisation et
d’usufruit de l’ancienne habitation commune et peut également demander un droit d’usufruit sur d’autres
actifs du défunt (v. articles 28 et 29, Livre 4, Code civil néerlandais).
227
Bas, sans testament, et que le partenaire survivant souhaite faire valoir sa qualité
héréditaire en Italie. Celui-ci va donc demander aux autorités néerlandaises, compétentes
en vertu de l’article 64 du Règlement Successions, la délivrance d’un certificat européen ;
ces dernières vont ainsi analyser les informations relatives au partenariat enregistré selon
leur propres règles de conflits matrimoniales qui désignent comme applicable, lorsque le
partenariat est conclu aux Pays-Bas et en l’absence de professio juris, la loi
néerlandaise599. Les droits héréditaires du partenaire survivant vont par conséquent
résulter sur le certificat européen, en application des règles néerlandaises en matière de
partenariats enregistrés.
416. Analysons maintenant la perspective du droit italien ; ce système juridique a
récemment fait l’objet d’une importante réforme en droit de la famille, instituant d’un
côté la possibilité de conclure, pour les couples homosexuels, un partenariat enregistré et,
de l’autre côté, la faculté pour les couples de même sexe ou hétérosexuels de conclure un
contrat de cohabitation600. Dans le premier cas la relation ainsi instaurée est considérée
comparable au mariage, ce qui comporte, du point de vue successoral, que la quasi-totalité
des dispositions prévues par le Code civil en matière de droits successoraux du conjoint
survivant doivent être étendue au partenaire enregistré de même sexe (art. 21, Loi n.
76/2016). A contrario, au contrat de cohabitation est accordé un statut juridique moins
protectif, cette relation n’étant pas qualifiée comme équivalente au mariage. Il en résulte
alors que sous le profil successoral, en l’absence de dispositions testamentaires, mis à part
quelques bénéfices particuliers accordés ex lege tels le droit temporaire d’habitation du
logement familial ou le droit de succéder au concubin décédé dans le contrat de bail de
ce logement (articles 42 et suivants, Loi n. 76/2016), le concubin survivant ne bénéficie
d’aucun droit successoral601.
599 Il s’agit de l’article 71, alinéa 1, Livre 10, Code civil néerlandais.
600 Loi 20 mai 2016, n. 76, publiée in J.O le 21 mai 2016 et portant sur la règlementation des partenariats
entre personnes de meme sexe et sur la discipline des concubinages (« Regolamentazione delle unioni civili
tra persone dello stesso sesso e disciplina delle convivenze »). La loi est entrée en vigueur le 5 juin 2016.
Sur cette réforme, v. le commentaire de B.DE FILIPPIS, Unioni civili e contratti di convivenza, Padoue,
CEDAM, 2016, pp. 1-300.
601 v. à ce propos l’analyse critique de F.PADOVINI, Il regime successorio delle unioni civili e delle
convivenze, in P.RESCIGNO-V.CUFFARO, Unioni civili e convivenze di fatto: la legge, in Giur.it., n° 7, 2016,
pp. 1817-1818.
228
417. Qu’en sera-t-il donc du certificat européen établi aux Pays-Bas à la demande du
partenaire survivant italien ? Il est évident que dans l’optique italienne le contenu d’un
tel instrument ne pourra pas être correct, l’attribution au partenaire survivant des droits
successoraux normalement accordés au conjoint n’étant pas admise en Italie pour les
couples hétérosexuelles. Au plus, une voie échappatoire pourrait être suivie si le couple
avait effectué une professio juris désignant, comme loi applicable à leur partenariat, le
droit néerlandais602. Dans telle hypothèse en effet, étant donné que l’article 30 de la loi
italienne de droit international privé admet la faculté (bien que limitée) pour les conjoints
de choisir la loi applicable à leur rapport patrimonial, l’autorité nationale devrait
reconnaître les droits successoraux du partenaire survivant603. Si néanmoins aucune
professio juris est exercée, ce qui est bien le cas dans notre exemple, l’autorité compétente
italienne, en application des règles de conflit nationales et étant donné que la présomption
de véracité prévue à l’article 69 du Règlement ne couvre pas les questions exclues de la
loi successorale, analysera les effets matrimoniaux du certificat européen selon la loi de
nationalité commune des concubins, soit la loi italienne604. Dès lors rien ne pourra garantir
au concubin survivant que les droits qu’il aurait dû obtenir en vertu du partenariat
enregistré aux Pays-Bas lui soit effectivement reconnus dans le système italien, ce qui
risque ainsi de conduire à une situation d’instabilité et d’incertitude juridique dans le
602 Faculté admise par l’article 10 :64, alinéa 1er, Livre 10, Code civil néerlandais.
603 En effet, selon la doctrine majoritaire, les formes de partenariats différents du mariage appartiendraient,
en voie de principe, à la notion de « famille » au sens large (v. en ce sens G.ROSSOLILLO, Registered
Partnerships e matrimoni tra persone dello stesso sesso : problemi di qualificazione ed effetti
nell’ordinamento italiano, in Riv. dir. int. priv. proc., 2003, pp. 363 et s ; M.BARATTA, Scioglimento e
invalidità del matrimonio nel diritto internazionale privato, Milan, 2004, pp. 43 et s. ; S.TONOLO, Lo
scioglimento delle unioni di fatto e degli accordi di convivenza nel diritto internazionale privato e
processuale italiano, in Riv. dir. intern., 2005, pp. 1001 et s.; M.BONINI BARALDI, Le nuove convivenze:
tra discipline straniere e diritto interno, Milan, 2005, pp. 201 et s.). Par conséquent, dans une perspective
de droit international privé italien, les règles de conflit applicables aux unions non matrimoniales seraient,
en l’absence de dispositions spéciales, les mêmes que celles prévues pour le mariage. C’est ainsi qu’au
contrat de concubinage, nonobstant sa forme contractuelle, peuvent s’appliquer les articles 29 et suivants
de la loi italienne de droit international privé (loi n° 218 du 31 mai 1995), prévoyant la possibilité de choisir,
comme loi applicable au rapports patrimoniaux, soit la loi nationale de l’une des parties, soit la loi de la
résidence de l’une d’entre elles (art. 30, al. 1er). Il convient néanmoins de préciser que le législateur italien
a tout récemment introduit l’article 32-ter, prévoyant comme loi applicable en matière de partenariats
enregistrés entre personnes de même sexe celle de la nationalité de chacune des parties au moment de
l’enregistrement (al. 1er). Cependant, il est prévu qu’à la demande de l’une des parties l’autorité italienne
puisse appliquer la loi de l’Etat où la vie commune est principalement localisée ; de même, il est également
admis que les parties puissent choisir de régler leur relation suivant la loi de la nationalité de l’un des
partenaires, ou encore selon la loi de l’Etat de la résidence de l’un d’entre eux (al. 4).
604 L’article 29 de la loi italienne de droit international privé dispose en effet que la loi applicable aux
rapports entre conjoints, en règle générale, est la loi de la nationalité commune.
229
règlement d’une succession internationale intra-européenne605.
418. C’est pourquoi il est indispensable de déterminer les solutions possibles à contrer
ces difficultés, tout en essayant de garantir, dans la mesure du possible, les objectifs
d’harmonisation et prévisibilité poursuivis par le Règlement Successions.
B. Les réponses aux conflits : entre présent et avenir du droit européen des régimes
matrimoniaux
419. Le mise en œuvre du Règlement n°650/2012 sans une parallèle harmonisation, au
sein de l’Union européenne, du droit international privé des régimes matrimoniaux, a
laissé ouvertes une série de questions. In primis, se pose le problème de coordonner les
lois applicables aux relations matrimoniales, en vue de garantir une efficace et effective
circulation du certificat successoral européen dans le cadre d’une succession
transfrontalière. Or, si pour le futur prochain le législateur de l’Union a déjà fourni une
(partielle) solution, le présent reste dans l’impasse.
Lessayant de proposer une série de solutions pour la situation présente ; ensuite en
présentant la voie suivie par l’Union européenne pour l’avenir.
1. Un conflit actuel : quelles solutions pour le présent ?
420. Dès la proposition de 2009, les risques d’une entrave au bon fonctionnement du
certificat européen étaient manifestes : cet instrument doit indiquer les informations
relatives au régime matrimonial ou à l’existence d’un contrat de mariage, ce qui est tout
à fait correct, mais les règles de droit international privé applicables à ces institutions ne
sont pas unifiées. Certes, comme l’a justement souligné l’Institut de Max Planck, les
605 Il convient de noter que l’exemple analysé n’est qu’une illustration des nombreux problèmes générés
par les divergences aujourd’hui encore existantes entre les règlementations nationales des États membres
en matière de formes d’unions différentes du mariage. Ainsi, certains pays tels la Pologne continuent à ne
pas admettre aucune forme d’union entre personnes de même sexe, ce qui complique ultérieurement la
circulation des couples à l’intérieur de l’Union européenne. En général sur ce problème, v. la récente
analyse de A.FUCHS, Registered Partnerschip, Same-sex marriage and Children : Crossing Borders, in
Riv. it. dir. int. priv. proc., 2, 2016, pp. 445 et s.
230
successions donnant lieu à possibles contrastes en matière de régimes matrimoniaux ne
représenteraient qu’une partie mineure de celles régies par le Règlement de 2012, ce qui
a d’ailleurs justifié le rejet, par ce même Institut, de la proposition de suspendre
l’application du Chapitre IV du Règlement dans l’attente de l’unification des règles de
conflit matrimoniales606. Néanmoins, cela n’élimine pas les possibilités de conflits
potentiels entre lois matrimoniales, ce qui rend donc nécessaire, dans l’attente de
l’applicabilité des nouveaux instruments européens en matière de régimes matrimoniaux
et partenariats enregistrés, de trouver des solutions intermédiaires.
421. Pour ce faire, il peut être utile de commencer par voir les réponses non applicables,
pour tenter d’analyser ensuite celles potentiellement en mesure de sortir de l’impasse.
a) Le rejet de la méthode de la reconnaissance dans le certificat européen
422. On a vu supra que la présomption de véracité prévue à l’article 69, paragraphe 2,
Règlement, ne couvre pas les questions non régies par le texte européen. Dès lors, elle ne
s’étendrait pas aux éléments relatifs au domaine des régimes matrimoniaux et des contrats
de mariages, ces derniers étant expressément exclus du champ d’application du
Règlement de 2012. Or, une telle affirmation n’a pas fait l’unanimité en doctrine.
423. En effet, déjà lors de la proposition de Règlement de 2009, l’idée d’interpréter cette
disposition de manière large, en y comprenant également les questions externes aux
successions telles les problèmes relatifs aux régimes matrimoniaux, avaient suscité
l’intérêt d’un certain nombre de commentateurs607. Ainsi, pour ces derniers, les questions
inhérentes à la validité des contrats ou des conventions de mariage conclus par le défunt
aurait dû bénéficier de la force probatoire accordée au certificat européen, pour être donc
reconnues dans l’Etat membre requis malgré les prévisions contraires de la règle de
conflit. Ergo, la force probante attribuée au certificat européen aurait permis la
reconnaissance de situation créées à l’étranger sans passer par le recours à la règle de
606 MAX PLANCK INSTITUT, op. cit., p. 139, n°324, pour qui une telle suspension « should therefore only be
considered as a last resort in case no satisfying interim solution can be found ».
607 v. notamment les propos de Mme JOUBERT et de M. BOSSE-PLATINIERE, supra mentionnés (note 63).
231
conflit normalement applicable à la relation en l’espèce. Dès lors, plus de risques de
conflits entre lois matrimoniales : la méthode de la reconnaissance des situations
juridiques étrangères les aurait évités.
Or, sans vouloir prendre part aux discussions engendrées par l’emploi de cette méthode
dans le relations international-privatistes608, il convient toutefois de justifier les raisons
de son inadaptation dans le cadre du certificat successoral européen.
424. Commençons par ses principes : supposons qu’une situation juridique est créée dans
un Etat et qu’elle nécessite de produire ses effets dans un autre système. Un tel résultat
sera certes possible, mais à la seule condition que cette même situation soit préalablement
reconnue dans l’Etat requis. Or, cette reconnaissance ne pourra être faite que sur la base
des règles du droit international privé de l’Etat invoqué qui, en l’absence d’un système
harmonisé, sera fort probablement différent avec celui retenu par l’Etat d’origine. C’est
alors qu’ici qu’intervient la méthode de la reconnaissance : en effet, par le biais de cette
technique, la situation née à l’étranger pourra être reconnue dans l’Etat requis même si la
loi appliquée lors de sa création est divergente. La reconnaissance de la situation étrangère
a donc lieu sans contrôle de la loi qui lui a été appliquée par l’autorité étrangère, laquelle
pourra ainsi être bien différente de celle prévue par la règle de conflit de l’Etat invoqué609.
425. Partant, il est paru cohérent à certains commentateurs du Règlement de reconduire
les effets du certificat européen à la méthode en analyse. Ainsi, en interprétant la prévision
de l’article 69, paragraphe 2, Règlement, de manière ample, il a été soutenu que le
608 Sur ce sujet, v. R.BARATTA, La reconnaissance des situations, in RCAH, t. 348, 2010 ; A.BUCHER, La
dimension sociale du droit international privé, Cours général, in RCAH, t. 341, 2009, pp. 282-293 ;
L.D’AVOUT, La reconnaissance dans le champ des conflits de lois, in Trav. Com. fr. DIP, séance du 18
mars 2016, Pédone, 2014-2016, à paraître ; P.LAGARDE, La méthode de la reconnaissance est-elle l’avenir
du droit international privé, op. cit., pp. 19-42 ; La reconnaissance des situations en droit international
privé, Actes du colloque international de La Haye du 18 janvier 2013, Pedone, 2013 ; P.MAYER, Les
méthodes de la reconnaissance en droit international privé, in Le droit international privé : esprit et
méthodes, Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, 2005, pp. 547-573 ; Le phénomène de la coordination
des ordres juridiques étatiques en droit privé. Cours général, in RCAH, t. 327, 2009, n° 337 et s. ; M.-L.
NIBOYET et G. DE LA PRADELLE, Droit international privé, 5ème éd., n°291 et s. ; C.PAMBOUKIS, La
reconnaissance-métamorphose de la méthode de la reconnaissance, in Rev. crit. dr. int. priv., 2008, pp.
513-560 ; E.PATAUT, Le renouveau de la théorie des droits acquis, in Trav. Com. fr. DIP 2006-2008, p.
71 ; P.PICONE, Les méthodes de coordination entre ordres juridiques en droit international privé. Cours
général de droit international privé, in RCAH, t. 276, 1999.
609 Suivant les termes employés par M. Lagarde (La méthode de la reconnaissance est-elle l’avenir du droit
international privé, op. cit., p. 25), la méthode de la reconnaissance « consiste en ce que l’Etat dans lequel
une situation est invoquée renonce à l’application de sa propre règle de conflit pour vérifier la validité de
cette situation, au profit de la loi qui a fait surgir ou tout au moins qui a donné corps à la situation […] ».
232
certificat européen pourrait constituer « une nouvelle illustration de la méthode de la
reconnaissance des situations juridiques qui permet la circulation des situations en
évinçant le recours à la règle de conflit pour déterminer leur validité »610. Dans cette
perspective, les solutions appliquées dans l’Etat membre d’origine en matière de régimes
matrimoniaux et figurant dans le certificat européen seraient reconnues dans l’Etat
membre requis, alors même que selon la règle de conflit de cet Etat la situation en cause
ne serait pas valable. Dès lors, reprenons le cas du couple allemand ayant prévu une clause
d’attribution intégrale en France et imaginons que le conjoint survivant se rende en
Allemagne, muni d’un certificat européen, pour faire valoir ses droits successoraux. Or,
si la présomption de véracité ex article 69 du Règlement était élargie aux questions non
successorales, telles celles concernant les régimes matrimoniaux, l’autorité allemande
serait amenée à reconnaitre la validité des informations renseignées par le certificat dans
le domaine matrimonial, bien que selon le droit local la clause d’attribution constitue une
disposition à cause de mort. Les problèmes de coordination entre les ordres juridiques
concernés par la succession seraient donc tranchés et les parties pourraient ainsi voir leur
droits garantis dans tous les Etats membres concernés par le règlement successoral.
426. Pourtant, telle n’est pas la solution envisageable pour résoudre les tensions entre les
lois matrimoniales dans le Règlement de 2012. D’abord pour des motifs textuels, ensuite
pour des raisons de fond. Quant aux premiers, il a déjà été remarqué que le législateur
européen s’est clairement éloigné de cette vision. Ainsi, cela est affirmé de manière
manifeste tant au précité considérant 71, qu’au mentionné article 1er, en excluant du
champ d’application du Règlement les questions relatives à l’état des personnes, aux
relations de famille et aux régimes matrimoniaux. Or, pour que la méthode de la
reconnaissance puisse être valablement invoquée, il aurait été nécessaire que de telles
dispositions ne soient pas inclues dans le Règlement, notamment le précité considérant
71 excluant de manière explicite l’emprise du certificat européen sur les questions
différentes de celles successorales. Ainsi, en cas d’incertitude de l’effective volonté du
législateur, le recours à la méthode de la reconnaissance aurait pu trouver un appui, ne
pouvant pas soutenir la contrariété de cette technique non écrite au principe de légalité611.
610 C’est ainsi qu’ont affirmé N.JOUBERT, H.BOSSE-PLATINIERE, Le certificat successoral européen : des
éclaircies attendues, op. cit., p. 81.
611 Tel aurait pu être le cas si le législateur européen n’avait pas inséré le considérant 71 du Règlement.
Dans cette hypothèse en effet, compte tenu de la référence, à l’article 69, paragraphe 2, du Règlement, aux
233
427. De plus d’un point de vue général, comme l’a souligné M. D’Avout dans sa récente
communication au Comité français de droit international privé612, lorsque la règle de
conflit applicable en l’espèce est de source légale ou conventionnelle (ce qui est
normalement le cas dans la matière des régimes matrimoniaux), le recours à la méthode
de la reconnaissance est plus difficile à justifier. Cette complexité serait d’ailleurs
d’autant plus évidente au sein du cadre juridique européen, où l’harmonisation des
systèmes internes de droit international privé semblerait s’opposer à l’emploi d’une telle
technique non écrite, trop imprévisible dans son actuelle utilisation. Cela n’implique
certes pas, comme on va voir par la suite, que la méthode de la reconnaissance est a priori
à exclure dans l’ordre juridique de l’Union européenne ; cependant, compte tenu de
l’impact qu’elle provoquerait sur le fonctionnement du droit international privé européen,
et en raison des discussions qu’elle continue à susciter dans la doctrine contemporaine, il
serait préférable que son recours à l’égard d’un certificat européen soit précédé par une
prise de position de la Cour de Justice de Luxembourg, interrogée par la voie préjudicielle
en vertu de l’article 267 TFUE613.
428. La méthode de la reconnaissance ne pouvant donc pas s’appliquer au certificat
successoral européen, d’autres voies doivent être envisagées pour mettre fin à l’impasse
actuelle.
b) La solution présente : la reconnaissance de l’acte authentique complémentaire
429. En vue de favoriser la diffusion du certificat européen, tout en garantissant le respect
éléments établis « en vertu de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques », il aurait été
théoriquement possible d’envisager la possible application de la méthode de la reconnaissance sur la base
d’une interprétation large de cette disposition. Néanmoins, en tout état de cause, compte tenu de l’impact
de cette technique sur le fonctionnement d’un instrument de droit européen comme le Règlement
Successions, il aurait été convenable d’interroger préalablement la Cour de Justice de l’Union européenne
quant au possible recours à cette solution.
612 L.D’AVOUT, La reconnaissance dans le champ des conflits de loi, op. cit., n°21. Il convient de noter que
pour cet auteur la méthode de la reconnaissance devrait jouer non pas comme une solution générale, mais
comme une exception supplémentaire aux exceptions traditionnelles (par exemple l’ordre public ou les lois
de police), allant compléter le normal mécanisme conflictuel.
613 IBIDEM, note 101.
234
de la sécurité juridique et de la stabilité des rapports crées, il est permis de proposer la
solution suivante.
α. La reconnaissance de l’acte authentique complémentaire : le principe
430. Partons par la règle générale : la liquidation de la succession implique une préalable
et nécessaire liquidation du régime matrimonial. C’est une évidence qui ne pose pas de
doutes : pour connaitre la consistance de la masse successorale il faut préalablement
déterminer l’ensemble des biens du défunt résultant de la dissolution de son régime
matrimonial. Or, on vient de voir que la présomption de véracité affectant le certificat
européen ne s’étend pas aux questions matrimoniales, ces dernières restant régies par le
droit international privé national. C’est ainsi qu’intervient l’acte complémentaire :
parallèlement à l’émission de l’instrument communautaire l’autorité publique compétente
émet un acte national ultérieur, attestant de manière authentique les droits du conjoint
survivant qui résultent de la dissolution du régime matrimonial614. L’avantage serait donc
double : d’une part ce document permettrait de compléter le contenu du certificat
européen sous le profil des renseignements matrimoniaux ; d’autre part il serait gouverné
par le régime de l’acceptation simplifiée prévu par le Règlement n° 650/2012 à son article
59. Dès lors, celui-ci devrait pouvoir circuler librement dans tous les Etats membres
concernés par la succession, sans besoin d’aucune procédure préalable par les autorités
compétentes et sauf refus pour contrariété à l’ordre public en vertu du précité article 59,
paragraphe 1, Règlement.
431. Par conséquence, si on reprend le premier exemple précédemment analysé et relatif
au couple des ressortissants allemands installés en France depuis le mariage (supra n°
425), tel serait le résultat obtenu. Le notaire français, en concomitance à la délivrance du
certificat européen, dresse un acte de notoriété déterminant les biens destinés au conjoint
survivant à la suite de la liquidation du régime matrimonial. Ce dernier va ainsi circuler
en tant qu’acte complémentaire au certificat européen et sera reconnu selon les règles
614 Solution préconisée, en particulier, par E.JACOBY, Acte de notoriété ou certificat successoral européen?
Du nouveau pour le notaire français chargé du règlement d’une succession internationale, in JCP N, n°
25, 22 juin 2012, n° 21.
235
prévues par le Règlement pour la circulation des actes authentiques entre les Etats
membres. Dès lors, l’autorité allemande compétente à recevoir ces instruments fera appel
à deux différentes dispositions : d’une part à l’article 69 du Règlement pour reconnaitre
efficacité au certificat européen dans son ensemble, d’autre part à l’article 59 du même
texte pour compléter (et renforcer) le contenu du premier dans ses renseignements relatifs
aux régimes matrimoniaux615.
432. Il est certes qu’une telle approche ne soit pas exempte de critiques, celles-ci pouvant
porter tant sur la notion même de reconnaissance que sur le contenu limité de l’article 59,
précité. À cet égard nous estimons utile de mentionner tout d’abord ces possibles
objections, afin de démontrer ensuite les avantages d’une telle solution.
β. La reconnaissance de l’acte authentique complémentaire : les (prétendues) faiblesses
433. L’idée que nous venons de proposer présenterait une série d’inconvénients : d’une
part de caractère pratique ; d’autre part, de caractère substantiel.
434. Quant au premier point de vue en effet, une telle approche semblerait être en pleine
contradiction avec les objectifs de simplification poursuivis par le Règlement
n°650/2012, attendu que les autorités émettrices compétentes seraient obligées de délivrer
deux différents actes, l’un européen et l’autre interne, alors même que jusqu’à présent un
seul certificat national était suffisant616. De plus, ajoutons aussi que certaines des
mentions contenues dans l’acte complémentaire pourraient également se trouver dans le
certificat européen, ce qui s’opposerait aux tentatives d’éviter toute forme de duplication
des documents poursuivis par le législateur de l’Union.
615 Il convient de rappeler que l’article 59, paragraphe 1er, du Règlement, dispose que “Les actes
authentiques établis dans un Etat membre ont la même force probante dans un autre Etat membre que dans
l’Etat membre d’origine ou y produisent les effets les plus comparables […] ». Pour une analyse de cet
article, v. ex multis P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., pp. 659 et s. ; U.BERGQUIST,
D.DAMASCELLI, R.FRIMSTON, P.LAGARDE, F.ODERSKY, B.REINHARTZ, Commentaire du Règlement
européen sur les successions, op. cit., pp. 205 et s.
616 Comme le note justement E.JACOBY, Acte de notoriété ou certificat successoral européen?, op. cit., n°
21.
236
435. D’un point de vue théorique en outre, l’on observe d’abord que la notion de
« reconnaissance » serait limitée aux seuls jugements et non pas aussi aux actes
authentiques. Ainsi, compte tenu que les premiers expriment la volonté de l’autorité
juridictionnelle sur une question juridique lui ayant été soumise, seuls ces instruments
pourraient contenir à la fois le titre (l’instrumentum) et le rapport de droit qui y est contenu
(le negotium)617. À l’opposé, dans l’acte authentique l’officier public (tel le notaire) ne
ferait que recevoir solennellement la volonté des parties privées, sans exercer aucun
pouvoir décisionnel sur le rapport juridique en question618. C’est pourquoi, suivant cette
perspective, les rédacteurs du Règlement auraient préféré faire recours à la notion
d’acceptation et non de reconnaissance des actes authentiques, cette dernière étant
réservée aux seuls jugements619.
436. De plus, comme l’ont souligné beaucoup d’auteurs620, l’acceptation dont il est
question à l’article 59 du Règlement ne concernerait que les effets procéduraux de l’acte
authentique étranger (soit l’instrumentum), permettant ainsi à ce dernier d’être considéré
équivalent aux titres locaux. A contrario ses effets substantiels, c’est-à-dire la validité des
droits attestés par le document et constituant donc le negotium, ne seraient pas visés par
la même disposition du Règlement621 qui se limite à prendre en compte uniquement la
617 En ce sens v. l’étude réalisé par le CNUE, Étude comparative sur les actes authentiques. Étude pour le
Parlement européen n° IP/C/JURI/IC/2008-019, p. 125.
618 P.CALLE, L’acceptation et l’exécution des actes authentiques, in JCP N, 2013, n° 15, p. 1086. Notons
de plus que cette séparation entre instrumentum et negotium a conduit certains auteurs a forgé l’expression
d’actes « quasi-publics », pour indiquer la nature en partie privée et en partie publique de l’acte authentique
(en ce sens v. notamment l’œuvre de CH.PAMBOUKIS, L’acte public étranger en droit international privé,
Paris, LGDJ, 1993).
619 En faveur de l’inapplicabilité du concept de reconnaissance aux actes authentiques, v. not. M.KOHLER-
M.BUSCHBAUM, La « reconnaissance » des actes authentiques prévue pour les successions
transfrontalières, op. cit., p. 633 et s.
620 P.CALLE, La circulation des actes authentiques, in H.BOSSE-PLATINIERE, N.DAMAS, Y.DEREU (sous la
direction de), L’avenir européen du droit des successions internationales, op. cit., p. 52, n°7 ; P.WAUTELET,
Le droit européen des successions, op. cit., p. 663, n° 9 ; U.BERGQUIST, D.DAMASCELLI, R.FRIMSTON,
P.LAGARDE, F.ODERSKY, B.REINHARTZ, Commentaire du Règlement européen sur les successions, op. cit.,
p. 207 ; L.D’AVOUT, La reconnaissance dans le champ des conflits de loi, op. cit., n°17, notes 83 et 89.
621 À cet égard il est intéressant de noter que dans la proposition de 2009 l’on avait suggéré de prévoir qu’un
acte authentique serait présumé valide dans l’Etat membre requis, ainsi obligé de s’incliner devant le
contenu de cet acte sans contrôle de celui-ci. C’est ainsi que s’exprimait le considérant 26 de la proposition,
aux termes duquel la « reconnaissance des actes authentiques signifie qu’ils jouissent de la même force
probante quant au contenu de l’acte et des mêmes effets que dans leur pays d’origine, ainsi que d’une
présomption de validité qui peut tomber en cas de contestation ». Selon les rédacteurs de la proposition en
effet, une telle présomption aurait été justifiée par les efforts d’harmonisation des règles de conflits de lois
poursuivis par le Règlement, ce qui aurait ainsi réduit les risques de divergences entre les Etats membres
237
force probante de l’acte. Or, étant donné qu’en vertu du considérant 61 du Règlement
celle-ci dépend de la loi de l’Etat membre d’origine et qu’en général les droits internes
des Etats membres limitent cette notion à la seule existence des faits matériels consignés
dans l’acte authentique par l’autorité compétente622, il en découle que le contenu et les
effets juridiques de cet acte restent nécessairement exclus de la portée du paragraphe 1er,
article 59 du Règlement. Dès lors, seule ces constatations telles que l’identité des parties
ou la date de l’acte bénéficieraient de la même force probante qu’ils ont dans l’Etat
membre d’origine et seraient ainsi « acceptées » dans tous les pays membres au
Règlement conformément à son article 59.
437. Qui plus est, cette disposition ne serait pas sans limites, l’acceptation des actes
authentiques pouvant toujours être remise en cause par l’intervention de l’exception
d’ordre public (v. supra, chap. I, n°). Par ailleurs, cet inconvénient serait particulièrement
manifeste dans les questions relatives à l’existence ou à la détermination des droits
découlant d’un partenariat enregistré, cette institution n’étant pas réglée de manière
uniforme au sein de l’Union européenne. Ainsi, supposons un partenaire survivant de
nationalité polonaise, ayant enregistré le partenariat aux Pays-Bas et souhaitant faire
valoir ses droits successoraux en Pologne où cette relation juridique n’est pas prévue. Or,
étant donné que la présomption de véracité accordée au certificat européen ne s’étend pas
aux questions matrimoniales, le partenaire pourrait demander à l’autorité compétente
néerlandaise la délivrance du certificat européen, accompagné par un deuxième certificat
national renseignant les droits qui lui sont accordés par la loi néerlandaise en conséquence
de la dissolution du rapport. Toutefois, cela ne lui garantirait pas la reconnaissance de ces
droits dans l’Etat requis, soit la Pologne, ce dernier pouvant toujours, bien que de manière
discutable623, invoquer l’exception de l’ordre public prévue à l’article 59, paragraphe 1er,
(v. en ce sens le document n°13510/10 JUSTCIV 156 de la Présidence du Conseil, 1er octobre 2010, Les
actes authentiques en matière de successions, not. n° 12-14).
622 P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 679, n° 49.
623 En effet, compte tenu du caractère exceptionnel de l’ordre public, notamment dans son application au
sein des instruments européens, il serait nécessaire de démontrer non pas simplement l’absence du
partenariat enregistré dans la loi de l’Etat désigné par la règle de conflit polonaise, mais aussi et surtout sa
contrariété aux principes fondamentaux du for. Or, étant donné que ses derniers sont essentiellement
représentés par les droits fondamentaux humains, tels qu’ils sont énoncés dans les textes internationaux
comme la Convention européenne des droits de l’homme auxquels adhèrent tous les Etats membres au
Règlement, il serait difficile de reconduire une telle hypothèse à une manifeste atteinte à l’ordre public.
Cette appréciation demeure par conséquence très délicate et appelle les autorités nationales à une évaluation
précise et concrète de tous les éléments de l’espèce avant de conclure pour le refus de l’acceptation de l’acte
238
Règlement.
Or, bien que ces critiques soient soutenues par de nombreux et éminents auteurs, il sera
permis de s’en éloigner.
γ. La reconnaissance de l’acte authentique complémentaire : ses avantages
438. Deux remarques peuvent être tout d’abord avancées : l’une relative à l’étendue de la
reconnaissance, l’autre concernant la portée de l’article 59 du Règlement.
439. Commençons par la première objection : la reconnaissance serait limitée aux seuls
jugements. En matière, il sera utile de faire référence au travail de M. Mayer, pour qui la
méthode de la reconnaissance ne serait pas cantonnée aux seules décisions étatiques, mais
pourrait également s’étendre à d’autres actes qualifiables de « décisions » au sens large
et « affectant les droits privés des individus, de quelque organe qu’elles émanent »624 .
Ainsi, la convention formalisant un partenariat enregistré, ou encore une convention de
mariage ou un changement de régime matrimonial comportent bel et bien un contrôle de
la part de l’autorité émettrice quant au respect des conditions requises conformément à la
propre loi. Dans ces hypothèses alors, étant donné que la fonction de l’officier public
n’est pas limitée à la seule formalisation solennelle de la volonté privé mais requiert une
vérification des conditions légalement prévues, la méthode de la reconnaissance pourrait
bien trouver sa place. En effet, compte tenu que la relation juridique a clairement été créée
dans un Etat donné selon ses prévisions légales, ce qui se pose ici n’est pas un problème
de localisation de ce rapport, mais plutôt une question de reconnaissance de ce dernier
dans l’ordre juridique d’un autre Etat. Le raisonnement serait donc le suivant : l’Etat
d’origine forme et « cristallise »625, selon la loi locale, le rapport juridique pour un couple
au nom de l’exception de l’ordre public. En général sur ce sujet, v. supra, chap. II, n° 238
624 P.MAYER, Les méthodes de la reconnaissance en droit international privé, in Le droit international
privé : esprit et méthodes. Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, Dalloz, 2005, p. 552.
625 IBIDEM, p. 562. Sur le sujet la doctrine n’est toutefois pas unanime, certains auteurs envisageant la
possibilité d’une reconnaissance uniquement si la situation fait l’objet d’un acte public ou d’une inscription
dans un registre public (en ce sens not. H.-P. MANSEL, Anerkennung als Grundprinzip des Europäischen
Rechtsraum. Zur Herausbildung eines europäischen Anerkennung-Kollisionsrechts : Anerkennung statt
Verweisung als neues Strukturprinzip des Europäischen internationalen Privatrechts ?, in RabelsZ, tome
70, 2006, p. 728).
239
déterminé et l’Etat requis reconnait, ou refuse, ce lien crée.
440. En définitive, suivant cette logique, la reconnaissance n’aurait pas pour objet l’acte
en soi, mais la situation qu’il a permis de créer par son intermédiaire. Cela nous amène
ainsi à remettre en cause la deuxième objection, pour laquelle l’article 59 du Règlement
se limiterait à prévoir l’acceptation d’un acte authentique sous le seul angle de sa force
probante. En effet, comme M. Pamboukis l’a souligné626, l’idée de dissocier le titre de
son contenu serait contre-productive dans la mesure où le premier « fait en quelque sorte
voyager le rapport juridique porté sur ses ailes ». Il est vrai que l’article 59 ne mentionne
que la force probante de l’acte, mais comment interpréter l’exception de l’ordre public
prévue par la même disposition sinon en considérant aussi le negotium ? Compte tenu de
la stricte conception rattachée à cette réserve, il serait effectivement difficile de considérer
contraire à l’ordre public les constations du notaire portant sur la date de l’acte ou sur
l’identité des parties627. Dès lors, la reconnaissance d’un acte authentique émis dans un
Etat membre ne devrait pas se limiter à sa seule force probante, mais devrait au contraire
s’étendre également au rapport de droit circulant à travers l’acte, à son negotium. Partant,
les effets produits par la circulation des actes authentiques attestant les droits
successoraux du conjoint du de cujus ne concerneraient pas les seules constatations
personnelles de l’officier public, mais s’étendraient également au rapport de droit contenu
dans l’acte étranger et crée conformément à la loi de l’Etat d’origine.
441. Certes, cela n’impliquerait pas une reconnaissance inconditionnée de la situation
juridique étrangère ; ainsi, comme de nombreux auteurs l’ont affirmé, la faveur pour la
stabilité des rapports de droits crées ne pourrait en aucun cas justifier la tolérance de
pratiques frauduleuses par les parties628. À cet égard on a déjà observé que malgré la
prévision de l’article 59 du Règlement, limitant la réserve de l’ordre public à la seule
626 CH.PAMBOUKIS, La reconnaissance-métamorphose de la méthode de la reconnaissance, in Rev. crit. dr.
int. priv., 2008, n° 53. V. également sur ce même sujet D.BUREAU-H.MUIR WATT, Droit international
privé, op. cit., pp. 243-244.
627 En ce sens P.CALLE, L’acceptation et l’exécution des actes authentiques, op. cit., n° 9.
628 Ces craintes sont particulièrement mises en évidence par A.QUIÑONES ESCAMEZ, Proposition pour la
formation, la reconnaissance et l’efficacité internationale des unions conjugales ou de couple, in Rev. crit.
dr. int. priv., 2007, p. 363. Favorable à un contrôle minimale dans la reconnaissance d’un rapport familial
étranger également G.KESSLER, Les partenariats enregistrés en droit international privé, thèse (dir.
P.Lagarde), Dalloz, LGDJ, 2004, p. 279.
240
force probante de l’acte authentique, celle-ci devrait être entendue de manière large en
vue de s’étendre également, sinon même principalement, à ses effets substantiels. Dès
lors, si la situation créée dans un Etat membre était contraire aux valeurs fondamentales
de l’Etat requis, son autorité serait légitimée à soulever l’exception d’ordre public en vertu
de l’article 59 du Règlement, largement interprété. Cependant, étant donné que cette
réserve, ainsi que nous l’avons vu dans la deuxième partie de notre travail (supra, chapitre
II), doit être strictement entendue dans le cadre des rapports intra-européens et qu’en
matière de relations familiales la position des jurisprudences tant nationales que
supranationales est devenue de plus en plus flexible629, il est à prévoir que le recours à
cette clause ne sera qu’exceptionnelle et fortement limitée.
442. De plus, afin de contrer le risque que certains couples, profitant de la liberté de
circulation, se transfèrent temporairement sur le territoire d’un Etat membre donné pour
bénéficier de sa législation moins sévère par exemple en matière de partenariats
enregistrés, il est possible de faire appel aux prévisions dictées par les paragraphe 2 et 3
de l’article 59, précité. Ainsi, suivant ces dispositions, l’acte authentique complémentaire
au certificat européen pourrait être contesté non seulement relativement à son authenticité
devant les juridictions de l’Etat membre d’origine (par. 2), mais aussi à l’égard du rapport
juridique consigné, devant les juridictions compétentes en vertu du Règlement du 4 juillet
2012 (par. 3). Dès lors, la convention régissant le partenariat enregistré, ou encore l’acte
notarié de liquidation du régime matrimonial, pourraient être remis en cause devant le
juge compétent en matière successorale par exemple au motif de l’incompétence
internationale de l’autorité émettrice630, ou encore pour non-conformité de ces actes à la
629 Exemplaire à cet égard est un récent arrêt de la Cour de Cassation italienne, considérant compatible
avec la réserve d’ordre public un mariage célébré selon la loi pakistanaise qui, dans le respect de certaines
conditions, que l’un des époux puisse manifester sa volonté non pas directement face à l’autorité publique
mais par la téléphonique ou télématique (Cass. civ., sect. 1ère, 25 juillet 2016, n° 15343).
630 La nécessité de contrôler la compétence internationale de l’autorité émettrice est particulièrement
soulignée par A.QUIÑONES ESCAMEZ, Proposition pour la formation, la reconnaissance et l’efficacité
internationale des unions conjugales ou de couple, op. cit., p. 363, qui propose de prévoir, dans le cadre
d’une réglementation de droit international privé dans le domaine des rapports conjugaux, que l’acte public
attestant l’union de couple ne soit pas reconnu si la compétence de l’autorité étrangère est fondée
uniquement sur la présence des conjoints sur le territoire, sans que celle-ci soit accompagnée par la présence
de liens objectifs avec ce pays, même postérieurs. Une exigence similaire est mise en avant par M. Lagarde
dans la proposition de Code européen de droit international privé, qui considère parmi les motifs de non-
reconnaissance d’une situation énoncés à l’article 146 « l’absence totale de liens » entre l’Etat de création
du rapport et l’Etat de résidence ou de la nationalité des personnes concernées (v. M.FALLON, P.LAGARDE,
S.POILLOT-PERUZZETTO (sous la direction de), Quelle architecture pour un code européen de droit
international privé, Bruxelles, 2011, p. 376). Dans le même sens R.BARATTA, La reconnaissance
internationale des situations juridiques personnelles et familiales, in Recueil des Cours, t. 348, 2011, p.
320, qui explique l’utilisation de cette méthode au nom de la « portabilité des relations familiales ». En
241
loi désignée par la règle de conflit applicable en l’espèce.
443. En définitive, une telle approche de la reconnaissance de l’acte authentique
complémentaire ne remettrait pas en question la volonté du législateur européen, l’article
59 restant intact, mais elle en élargirait tout simplement sa portée, en admettant que le
negotium consigné dans ce document puisse produire ses effets dans tous les pays
membres au Règlement n° 650/2012. Partant, ce mécanisme permettrait non seulement
de mieux respecter les attentes des parties631, celles-ci ayant formé leurs prévisions
légitimes sur la base de la situation juridique cristallisée dans l’acte, mais elle
contribuerait en même temps à garantir une plus grande prévisibilité et sécurité dans la
planification d’une succession internationale, le de cujus pouvant compter, en principe,
sur la reconnaissance de sa situation conjugale (et des droits y découlant) dans tout autre
Etat membre au Règlement de 2012. Un tel effet positif ne pourrait alors que bénéficier à
la circulation du certificat successoral européen, dont le contenu serait complété par la
présence d’un acte authentique ultérieur et portant sur la situation conjugale du défunt.
444. Ajoutons en outre qu’en l’état actuel du droit international privé, aucune autre
solution de droit positif semblerait être envisageable pour résoudre cette faiblesse du
certificat européen. En effet, l’on pourrait certes être tenter de faire appel au récent
Règlement européen portant sur la circulation de certains documents publics au sein de
l’Union632. Ainsi, aux termes de son article 2, paragraphe 1er, ce nouveau texte
s’appliquerait « aux documents publics délivrés par les autorités d'un État membre
droit positif, il est intéressant de mentionner la solution suivie par l’article 9 du Livre X du Code civil
néerlandais, en vertu duquel : « Lorsque des effets juridiques sont attachés à un fait pas un Etat étranger
[…], ces mêmes effets peuvent être reconnus à ce fait aux Pays-Bas, même par dérogation à la loi applicable
en vertu du droit international privé néerlandais, dans la mesure où le refus de reconnaître de tels effets
constituerait une violation inacceptable de la confiance justifiée des parties ou de la sécurité juridique ».
Cette disposition a été introduite par la Loi du 19 mai 2011 établissant et instaurant le Livre X (Droit
international privé) di Code civil des Pays-Bas, entré en vigueur le 1er janvier 2012 (v. la traduction de D.
VAN ITERSON in Rev. crit. dr. int. priv, 2012, p. 674).
631 En ce sens P.MAYER, Les méthodes de la reconnaissance en droit international privé, op. cit., p. 562.
Cette idée est également soutenue par P.CALLE, L’acceptation et l’exécution des actes authentiques, op.
cit., n° 12, pour qui le choix du législateur européen de ne pas employer le terme de « reconnaissance »
pour la circulation des actes authentiques « ne manquera pas de nuire à la sécurité juridique ».
632 Il s’agit du Règlement (UE) 2016/1191 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 visant à
favoriser la libre circulation des citoyens en simplifiant les conditions de présentation de certains documents
publics dans l'Union européenne, et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012, publié sur le JOUE le 26
juillet 2016.
242
conformément au droit national de cet État membre [ et ] qui doivent être présentés aux
autorités d'un autre État membre » afin d’y établir, parmi les autres, les faits relatifs au
« mariage, y compris la capacité à mariage et la situation matrimoniale » (point e), ainsi
que « le partenariat enregistré, y compris la capacité à conclure un partenariat enregistré
et le statut de partenariat enregistré » (point g). Or, cette voie est rendue impraticable par
le paragraphe 4 du même article, en vertu duquel « le présent règlement ne s'applique pas
à la reconnaissance dans un État membre d'effets juridiques attachés au contenu de
documents publics délivrés par les autorités d'un autre État membre ». Dès lors, la
situation qui en résulterait n’offrirait aucun avantage à l’utilisation du certificat européen
dans un Etat membre différent, le rapport de droit contenu dans le document ne rentrant
pas dans le champ d’application du nouveau Règlement.
445. In fine, il conviendra de noter qu’en dépit de l’intervention du législateur de l’Union
dans le domaine des régimes matrimoniaux et des partenariats enregistrés, on va voir que
ces nouveaux instruments de droit international privé européen laissent ouverte la
question des effets du negotium au sein des Etats membres. Accueillir la méthode de la
reconnaissance de l’acte complémentaire ne fournirait dès lors pas une simple solution
pour le présent, mais garantirait également une réponse pour le futur droit international
privé européen.
c) Les solutions pour l’avenir : les règlements (UE) sur les régimes matrimoniaux et sur
les partenariats enregistrés
446. Si la circulation du certificat européen peut s’avérer difficulteuse pour les
successions présentes, elle ne le sera plus dans l’avenir. En effet, malgré l’échec de la
proposition de la Commission européenne du 16 mars 2011633, une coopération renforcée
a été instaurée entre 18 Etats membres dans les domaines des régimes matrimoniaux et
des partenariats enregistrés634. Ces actions ont ainsi abouti à l’adoption de deux
633 Il s’agissait des propositions de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière, respectivement, de régimes matrimoniaux (COM
(2011) 126) et d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (COM (2011) 127).
634 Il convient de rappeler que le TFUE admet la possibilité d’une coopération renforcée entre une partie
des Etats membres dans l’un des domaines visés par les traités, sauf « les domaines de compétence
exclusive et de la politique étrangère et de sécurité commune » (art. 329, par. 1er, TFUE). La procédure
243
Règlements complets, portant sur la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et
l’exécution des décisions en matière, respectivement, de régimes matrimoniaux et des
effets patrimoniaux des partenariats enregistrés635. Ces textes sont actuellement déjà en
vigueur, mais ne seront applicables, conformément à leur article 69, « qu’aux procédures
engagées, aux actes authentiques formellement dressés ou enregistrés et aux transactions
approuvées ou conclues » au 29 janvier 2019 ou après cette date. De plus, aux termes du
paragraphe 3 du même article, le chapitre consacré aux règles désignant la loi applicable
ne concernera que, respectivement, les « époux qui se sont mariés ou qui ont désigné la
loi applicable à leur régime matrimonial » après la date de mise en application et « les
partenaires qui enregistrent leur partenariat ou qui ont désigné la loi applicable aux effets
patrimoniaux de leur partenariat enregistré » après le 29 janvier 2019.
447. Ces limites comportent alors deux remarques immédiates : in primis, les nouvelles
règles harmonisées ne permettront de résoudre les incertitudes liées aux questions
matrimoniales dans le certificat européen que pour une partie des Etats membres, à savoir
ceux ayant adhéré à la coopération renforcée. Par conséquence si le couple veut faire
valoir le certificat européen dans un Etat membre ayant refusé cette coopération, la
situation restera identique à celle présente. En outre, étant donné les limites temporelles
prévues par les Règlements, les nouvelles prévisions ne pourront s’appliquer que pour
une partie des couples internationales, celles s’étant mariées ou ayant enregistré leur
partenariat avant le 29 janvier 2019 ne pouvant pas bénéficier de l’unification de la loi
applicable. Celles-ci ne pourront donc compter que sur les règles de conflits actuelles, ce
qui rend donc nécessaire une convergence des courants doctrinaux et prétoriens vers des
solutions concrètes et communes.
conduisant à l’instauration de cette coopération est réglée par les articles 326 et suivants, TFUE. Il est
intéressant de noter qu’il ne s’agit pas de la première hypothèse de coopération renforcée en matière civile,
cette voie ayant déjà été suivie pour le Règlement (UE) 1259/2010 du 20 décembre 2010 relatif à la loi
applicable en matière matrimoniale.
635 Il s’agit, respectivement, des Règlements n°1103/2016 du 24 juin 2016 pour les régimes matrimoniaux
et n°1104/2016 du 24 juin 2016 pour les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés. Les Etats membres
liés par le Règlement sont les suivants : la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, l’Allemagne, la
Grèce, l’Espagne, la France, la Croatie, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, l’Autriche, le
Portugal, la Slovénie, la Finlande et la Suède. Comme indiqué dans les considérants 11 des deux Règlement,
Chypre a manifesté son intention de participer à cette coopération renforcée.
244
448. Dès lors, force est de constater qu’en dépit de ces restrictions les deux présents
Règlements constituent une avancée ultérieure dans la construction d’un espace juridique
unique au sein de l’Union. En effet, similairement aux objectifs poursuivis par le
Règlement Successions, ces nouveaux textes permettent non seulement d’attribuer la
compétence à statuer à une seule autorité, mais en outre ils permettent de désigner comme
applicable une seule et unique loi, commune à tous les Etats participants.
449. Ainsi, dans le cadre des régimes matrimoniaux, le Règlement 1103/2016 précise, à
son article 4, qu’en cas de décès de l’un des époux, la compétence à statuer sur les
questions de régime matrimonial relatif à la succession est attribuée à la même juridiction
compétente en vertu du Règlement 650/2012. Une prévision identique est contenue dans
le Règlement 1104/2016, article 4, pour l’hypothèse du décès de l’un des partenaires636.
450. Le même esprit unificateur est également adopté en matière de loi applicable, pour
qui les deux Règlements prévoient d’abord une professio juris limitée à une série de
critères : la résidence habituelle de l’un des époux ou partenaires au moment du choix ;
la nationalité de l’un des époux ou partenaires au moment où la convention est conclue ;
le lieu de conclusion du partenariat enregistré637. En l’absence de choix de la loi en
revanche, le droit applicable en principe sera, pour les questions relatives aux régimes
matrimoniaux : la loi de la première résidence commune des époux après le mariage ; à
défaut, la loi de la nationalité commune des époux au moment du mariage ; ou encore, à
défaut, la loi de l’Etat avec lequel les époux ont les liens les plus étroits au moment de la
célébration du mariage (art. 26, Règlement n°1103/2016). Quant aux questions
concernant les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés en revanche, la loi
applicable en l’absence de la professio juris sera, à titre principal, celle de l’Etat où le
partenariat enregistré « a été créé » (art. 26, Règlement n°1104/2016).
451. Prenons donc l’exemple d’un couple de ressortissants allemands, résidant en
Allemagne avec un fils mais disposant d’une série de biens immeubles dans d’autres Etats
636 « Lorsqu’une juridiction d’un Etat membre est saisie d’une question relative à la succession d’un
partenaire enregistré [...], les juridictions de cet Etat membre sont compétentes pour statuer sur les effets
patrimoniaux du partenariat enregistré en relation avec ladite affaire de succession ».
637 v. l’article 22 du Règlement 1103/2016 et l’article 22 du Règlement 1104/2016.
245
membres. Imaginons que l’un des époux décède et que le conjoint survivant demande,
afin de faire valoir sa qualité héritière à l’étranger, la délivrance d’un certificat européen.
Or, le droit successoral prévoit, dans une telle hypothèse, que trois quarts de la succession
soit destinée au descendant et un quart au conjoint survivant (§ 1924 et 1931, BGB);
toutefois ces dispositions sont complétées par le droit des régimes matrimoniaux, en vertu
duquel le conjoint survivant, en addition à sa part successorale, a droit à un ultérieur quart
sur les biens de la succession, ce qui implique qu’au final les parts destinées au descendant
et au conjoint survivant seront équivalentes, chacun ayant droit à la moitié de la masse
successorale (§ 1371, par. 1, BGB). Ainsi, en l’état actuel, le certificat européen établi
par l’autorité allemande pourrait résulter erroné par les autorités des autres Etats membres
concernés, leur règle de conflit nationale pouvant désigner une loi différente en matière
de régimes matrimoniaux. A contrario, une fois le Règlement n° 1103/2016 en
application, et en supposant ses conditions de mise en œuvre remplies, ces risques de
conflits ne constitueront plus un danger pour la circulation du certificat européen : en
effet, compte tenu de l’unification de la loi applicable, le droit régissant la question des
régimes matrimoniaux ne pourra plus être remis en cause par l’Etat membre requis. Ainsi,
le certificat européen émis par l’autorité allemande selon sa loi applicable en matière
matrimoniales ne sera plus contestable, sous l’aspect du droit régissant les questions de
régime matrimonial liées à la succession, par l’autorité de l’Etat membre requis.
452. Similairement, en matière de partenariats enregistrés, la mise en application du
Règlement n°1104/2016 devrait permettre de mettre fin à une série de complications
actuellement présentes dans la circulation d’un certificat européen délivré relativement à
la succession d’un partenaire enregistré. Ainsi, en reprenant l’exemple supra analysé des
partenaires hétérosexuels italiens résidents aux Pays-Bas (supra n°415), la mise en œuvre
du Règlement n°1104/2016 consentirait au partenaire survivant de faire valoir ses droits
successoraux découlant du partenariat enregistré dans le système juridique italien, alors
même que ce dernier ne reconnait aucune qualité successorale au concubin survivant dans
un contrat de cohabitation. En effet, étant donné que la notion de « effets patrimoniaux
d’un partenariat enregistré » prévue par le Règlement doit être entendue, selon son article
3, paragraphe 1, point b), comme « l’ensemble des règles relatives aux rapports
patrimoniaux des partenaires entre eux et à l’égard des tiers, qui résultent du lien juridique
créé par l’enregistrement du partenariat ou par la dissolution de celui-ci », il est possible
de conclure que les droits successoraux attribués au partenaire survivant sur la base du
246
droit néerlandais ne pourront pas être remis en question par l’autorité italienne, la loi
applicable en matière étant la même pour les deux Etats membres638.
453. Or, une question reste néanmoins ouverte : supposant que l’Etat requis prévoit le
partenariat enregistré mais de manière différente (tel le cas de l’Italie qui admet cette
institution pour les seuls couples homosexuels), ou encore ne connaisse pas directement
cette institution, pourront-on parvenir à la même conclusion ci-dessus présentée ? La
réponse est négative, le Règlement n° 1104/2016 excluant explicitement de son champ
d’application les questions relatives à « l’existence, la validité ou la reconnaissance d’un
partenariat enregistré » (art. 1er, par. 2, point b). Ces dernières continueront donc à être
régies par les règles de conflit nationales, sans pouvoir bénéficier du nouveau cadre
juridique harmonisé639.
454. Il en découle alors qu’en relation à ces hypothèses, le possible recours à la méthode
de la reconnaissance serait une solution permettant de répondre de manière effective aux
exigences des parties, tout en assurant un traitement de la succession internationale
uniforme en conformité aux nouvelles règles européennes en matière. Ainsi, en supposant
exclue dans le cas concret l’exception de l’ordre public, pourquoi remettre en cause les
droits successoraux du partenaire survivant, renseigné dans le certificat européen et
découlant du partenariat enregistré conformément à la loi applicable selon le Règlement
n° 1104/2016, simplement en raison d’une divergence dans les règles nationales régissant
cette institution ? En l’absence d’une harmonisation complète dans ce secteur, refuser par
principe l’application de la méthode de la reconnaissance aurait comme seul résultat de
porter préjudice aux attentes de sécurité et de simplification des parties à une succession
internationale, sans pour autant fournir une réponse efficace aux difficultés actuelles.
638 Celle-ci pourrait être, selon l’article 22 du Règlement n°1104/2016, celle choisie par les parties qui
désignent comme applicable soit le droit de l’Etat où l’une des deux ait la résidence habituelle au moment
du choix (en supposant que l’un des partenaires est résident aux Pays-Bas au moment où la convention est
conclue), soit la loi de l’Etat où le partenariat est créé (dans cette hypothèse les Pays-Bas). Néanmoins,
même en l’absence de choix, la loi néerlandaise resterait applicable puisque c’est dans cette Etat que le
partenariat enregistré a été créé (art. 26, Règlement n°1104/2016).
639 v. en ce sens le considérant 21 du Règlement n°1104/2016, qui exclut que ce texte puisse s’appliquer
« à d’autres questions préalables telles que l’existence, la validité ou la reconnaissance d’un partenariat
enregistré, qui sont régis par le droit national des Etats membres, y compris par leurs règles de droit
international privé ».
247
455. Une telle flexibilité par les praticiens du droit serait dès lors souhaitable, sinon même
nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par le Règlement n° 650/2012, c’est-à-dire
favoriser l’établissement d’un espace juridique européen efficace, fonctionnel et capable
de répondre aux exigences de ses citoyens640. Et pour cause. En effet, favoriser une bonne
circulation du certificat successoral européen est une garantie indispensable pour
permettre aux intéressés de prouver leurs droits et leurs pouvoirs découlant non seulement
de la succession, mais aussi de la dissolution du régime matrimonial ou de l’éventuel
contrat de mariage. Certes, nul ne doute que celle-ci reste la fonction première du nouvel
instrument européen, mais ce n’est pas tout.
456. En effet, conformément à l’article 69, paragraphe 5, Règlement, le certificat répond
également à un besoin ultérieur : celui de constituer « un document valable pour
l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent d’un Etat membre […] ».
Cependant cette même disposition se préoccupe de préciser, dans sa dernière partie, qu’un
tel effet du certificat est « sans préjudice de l’article 1er, paragraphe 2, points k) et l) »,
relatifs respectivement à la « nature des droits réels » et aux questions concernant les
inscriptions « dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers […] ». Ces deux
exclusions sembleraient donc apporter une limitation ultérieure à l’efficacité du certificat
européen, son utilisation pouvant être entravées par les divergences nationales
traditionnellement présentes dans cette matière. Or, ici encore le recours à une méthode
d’adaptation par les autorités compétentes pourrait éviter ces risques de blocage, tout en
favorisant une progressive uniformisation des solutions dans le domaine des successions
intra-européennes.
640 v. notamment le considérant n° 1 du Règlement Successions, statuant que « l’Union s’est donné pour
objectif de maintenir et développer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée
la libre circulation des personnes ». Dans cette perspective, « les citoyens doivent être en mesure
d’organiser à l’avance leur succession » et « les droits des héritiers et légataires, des autres personnes
proches du défunt ainsi que des créanciers de la succession doivent être garantis de manière effective »
(considérant n° 7).
248
III. Le certificat européen et la publicité foncière : une nouvelle voie d’accès
pour les registres nationaux
457. La nécessité d’inscrire un certain bien, immeuble in primis, dans un registre donné
n’est pas une formalité nouvelle aux systèmes juridiques européens. En effet, qu’ils
dérivent du common law ou de la tradition civiliste, tous les Etats membres disposent de
règles particulières visant à garantir la publicité des mutations de propriété d’un bien.
Cela ne vaut d’ailleurs pas uniquement pour les biens immeubles, mais aussi pour certains
biens meubles dont le transfert de propriété requiert l’inscription dans un registre
particulier641.
458. Or, étant donné que les conditions pour l’accès à de tels registres varient d’un
système à l’autre et que, conformément aux exclusions à peine mentionnées le Règlement
ne couvre pas les questions relatives aux modalités d’inscription dans un registre national,
une interrogation s’impose. Ainsi, compte tenu de son contenu et de ses effets, peut-on
légitimement considérer le certificat européen comme un instrument valable pour donner
directement accès aux registres nationaux des Etats membres sans besoin de formalités
ultérieures ? En cas affirmatif, sous quelles conditions ?
459. Pour répondre à ces questions, deux différentes étapes sont nécessaires : d’abord
nous analyserons la portée des limites mentionnées à l’article 69, paragraphe 5,
Règlement, en référence aux dispositions prévues dans la plupart des Etats membres.
Dans un deuxième temps, en revanche, nous tenterons de démontrer qu’en dépit des
restrictions nationales l’efficacité du certificat européen ne serait pas remise en cause,
celui-ci pouvant être considéré équivalent à l’acte requis par le droit local.
A. Les limites légales du certificat européen : l’emprise du législateur national dans le
domaine des droits réels et de la publicité foncière
460. Comme il a été anticipé supra (n°456), l’article 69 du Règlement, à son paragraphe
641 C’est le cas, par exemple, des avions, des navires, des instruments financiers ou encore des titres du
capital d’une société.
249
5, dispose que le certificat est un document valable pour l’inscription des biens
successoraux dans les registres nationaux. Néanmoins, un tel attribut n’a pas d’effets sur
les exclusions prévues à l’article 1er, paragraphe 2, du même texte, relatives à la nature
des droits réels d’une part (point k) et aux inscriptions dans un registre de droit mobilier
ou immobilier d’autre part (point l).
1. Première limite : l’exclusion des droits réels
461. Avant d’imaginer les possibles hypothèses intéressant un certificat successoral
européen, une brève étude de la portée de l’article 1er, paragraphe 2, point k), Règlement
est nécessaire.
a) Les questions régies par la loi successorale
462. L’on sait que l’acquisition d’un droit réel peut avoir lieu par différents moyens ; la
succession en constitue l’un d’eux642. En effet, étant donné que la fonction première d’une
succession est de permettre la transmission du patrimoine du de cujus, il est évident que
l’une principales conséquences découlant de la dévolution successorale soit le transfert
de droits réels sur les biens successoraux. Cela explique la teneur du considérant 15 du
Règlement, selon qui cet instrument devrait permettre « la création ou le transfert par
succession d’un droit mobilier ou immobilier tel que prévu par la loi applicable à la
succession […] ». Dès lors, deux observations peuvent être avancées : en premier lieu,
cette prévision confirme la volonté de l’Union européenne de ne pas intervenir dans la
matière des droits réels, traditionnellement réservée aux Etats membres et objet de
nombreuses divergences entre les systèmes nationaux643. De plus, la référence à
642 v. par exemple l’article 711 du Code civil français, en vertu duquel « la propriété des biens s’acquiert et
se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l’effet des obligations ». Une
prévision similaire est contenue dans le Code civil italien à l’article 922 qui ainsi dispose : « la proprietà
si acquista per occupazione, per invenzione, per accessione, per specificazione, per unione o commistione,
per usucapione, per effetto di contratti, per successione a causa di morte e negli altri modi stabiliti dalla
legge ».
643 Preuve de cet éloignement du droit européen est l’article 345 TFUE, en vertu duquel « les traités ne
préjugent en rien le régime de la propriété dans les Etats membres ». Pour une analyse de droit comparé sur
les différents régimes nationaux en matière de droits réels, v. ex multis S.VAN ERP – B.AKKERMANS (sous
250
l’acquisition mortis causa de droits réels implique que la seule transmission prise en
compte par le Règlement est celle successorale, ce qui est d’ailleurs démontré par l’article
23, paragraphe 2, du même texte, qui en énumérant les questions couvertes par la lex
successionis y indique également le « transfert des biens, des droits et des obligations
composant la succession aux héritiers et, selon le cas, aux légataires » (point e). Ces
prévisions comportent alors que toutes les questions inhérentes à la détermination des
titulaires des droits réels transmis par voie successorale, de même que celles relatives à
la classification de ces droits acquis mortis causa (par exemple s’il s’agit d’une pleine
propriété ou d’un usufruit), seront du ressort de la loi applicable à la succession et
rentreront par conséquence dans le champ d’application du Règlement644. Ainsi, aucun
problème ne devrait surgir dans le fonctionnement du certificat européen, ces questions
n’étant pas comprises dans les matières exclues par le législateur communautaire.
463. Pourtant, un doute pourrait se poser quant à l’inclusion, parmi les questions régies
par le Règlement Successions, de celles relatives aux modalités de transfert des biens
successoraux aux héritiers. En effet, à cet égard certains auteurs ont préféré retenir la
distinction entre lex successionis et loi réelle, la première se limitant à régir la seule
transmission ex se du bien successoral, alors que les modalités d’acquisition seraient
déterminées par la seconde645. Néanmoins, compte tenu qu’une telle séparation ne
semblerait pas envisagée par le Règlement, ni conforme à son esprit unificateur, il est
permis de s’éloigner de cette position, en préférant au contraire considérer les modalités
de transfert des biens successoraux comme comprises dans le champ d’application de la
loi applicable à la succession646. Au législateur national ne reste donc que la clause de
réserve prévue à l’article 31 du Règlement (v. infra n°480), disposant que dans
l’hypothèse où un droit réel, prévu par la loi successorale, serait inconnu à la loi réelle de
la direction de), Cases, materials and texts on national, supranational and international property law, Hart,
2012, pp. 1170 et s.
644 En ce sens A.BONOMI, Le droit européen des successions, op. cit., p. 121, n° 110.
645 Cet approche est notamment suivi par A.DUTTA, Succession and Wills in the Conflict of Laws on the
Eve of Europeanisation, op. cit., p. 557. En général sur la distinction entre les questions régies par la loi
successorale et celles gouvernées par la loi réelle, v. A.EGGER, Le transfert de propriété dans les
successions internationales – Etude comparative de droit interne et de droit international, Georg, 1982.
646 En ce sens A.BONOMI, Le droit européen des successions, op. cit., p. 122, n° 111, pour qui exiger la
dissociation entre loi successorale et loi réelle conduirait à une inutile distribution des rôles entre les lois
applicables, en multipliant ainsi les exigences requises aux parties.
251
l’Etat membre où il est invoqué, ce même droit est adapté « au droit réel équivalent le
plus proche en vertu de la loi de cet Etat »647. Ainsi, comme on va voir par la suite, dans
cette éventualité le régime prévalent sera non pas celui prévu par la loi successorale selon
les dispositions du Règlement, mais celui déterminé par l’adaptation de la loi réelle de
l’Etat membre intéressé au droit étranger prévu par la lex successionis.
464. Mis à part cette dernière hypothèse, il est donc évident que la loi successorale n’est
pas entièrement étrangère aux questions intéressant les droits réels. Or, cela n’implique
pas que son emprise soit totale dans ce domaine, une série d’hypothèses restant régies par
les règles de conflits nationales : ce sont les questions relatives à la « nature » des droits
réels.
b) Les questions relatives à la « nature » des droits réels
465. Restent exclues de l’emprise de la loi successorale les questions proprement relatives
à la nature des droits réels, c’est-à-dire celles portant sur les prérogatives découlant d’un
certain droit, tel le droit de suite ou son opposabilité aux tiers, de même que celles liées
plus généralement à l’existence d’un droit réel dans un système donné648. C’est ainsi que
le considérant 15 du Règlement, précédemment mentionné, dispose dans sa dernière
partie que le nouveau droit européen des successions ne devrait pas « porter atteinte au
nombre limité (numerus clausus) de droits réels que connaît le droit national de certains
Etats membres »649.
647 Il convient de noter que dans la proposition de 2009 l’article 31 ne figurait pas parmi les dispositions
prévues par la Commission. L’article 21 admettait certes des dérogations à la loi successorale en faveur de
la lex rei sitae, mais pour des hypothèses différentes de celles prévues par l’actuel article 31 du Règlement
(il s’agissait, dans l’essentiel, des cas où la loi de situation des biens disposait des conditions ultérieures
pour l’acceptation de l’hérédité ou d’un legs, ou pour leur renonciation).
648 Restent également exclues du champ d’application de la lex successionis les questions relatives à la
titularité d’un certain droit réel et préalables à la dévolution successorale (v. en ce sens Cass. civ. 1ère, 25
mai 2016, pourvoi n° 15-16.935).
649 Exigence d’ailleurs déjà prévue dans le Préambule de la proposition de 2009, dont le considérant 10
disposait que « la liste limitative (numerus clausus) des droits réels pouvant exister dans le droit national
des Etats membres, régie en principe par la lex rei sitae, devrait relever des règles nationales de conflits de
lois ».
252
466. Or, une telle prévision ne peut être entendue qu’en combinaison avec le mécanisme
décrit par l’article 31 du Règlement, précité ; en effet, le choix du législateur européen de
ne pas investir le champ de la nature des droits réels n’implique pas que la seule absence,
dans l’ordre juridique interne, du droit réel invoqué puisse justifier le refus lui reconnaitre
effet dans cet Etat. A contrario, le mécanisme d’adaptation introduit par le Règlement
permet à tout Etat membre de protéger son numerus clausus, tout en essayant de favoriser
un traitement uniforme et harmonieux d’une succession intra-européenne. Partant,
l’article 31 du Règlement pourrait donc fournir une réponse aux difficultés naissantes de
la circulation du certificat successoral européen, dès lors que celui-ci renseigne
l’existence d’un droit réel inconnu dans l’Etat membre requis (v. infra n°480). Les
divergences nationales dans ce domaine seraient par conséquence surmontables, en
garantissant ainsi une effective circulation et un bon fonctionnement du nouvel
instrument commun.
467. Néanmoins, les questions de droit réels ne sont pas les seules pouvant préjuger une
efficace mise en marche du certificat européen. En effet, il n’est pas à exclure que le
bénéficiaire de ce document se retrouve confronter à une difficulté ultérieure, celle
relative à l’inscription des biens successoraux dans le registre national de l’Etat membre
étranger.
2. Deuxième limite : les conditions locales pour l’inscription dans un registre national
468. Le transfert d’un bien par voie successorale implique généralement une modification
dans la titularité du droit de propriété ou d’un autre droit réel. Or, lorsque ces mutations
ont pour objet des droits réels immobiliers ou certains droits mobiliers, une formalité
ultérieure s’impose aux parties : enregistrer cette transmission de titres dans les registres
nationaux. À cet égard le Règlement est très clair : les questions relatives à la création et
à l’organisation des registres nationaux, en particulier sous le profil des conditions
d’accès, restent dans la souveraineté des législateurs nationaux. Et pour cause. Selon une
partie des commentateurs en effet, ce choix s’explique principalement en raison de la
fonction remplie par les registres nationaux, lesquels constitueraient un « service public »
253
rentrant donc dans la compétence exclusive de chaque Etat membre650. Ces problèmes
seraient ainsi exclus du champ d’application du nouveau droit européen des successions
et resteraient gouvernées, comme l’indique le Règlement même à son considérant 18, par
la loi de l’Etat membre « dans lequel le registre est tenu ».
469. Néanmoins, une clarification s’oblige : s’il est vrai, en effet, que le législateur
européen réserve la matière des registres au droit national, il serait incorrect d’exclure
toute question relevant de ce domaine de l’emprise du droit communautaire. Ainsi,
contrairement à la proposition de 2009651, la version définitive du Règlement précise que
sont exclues « toute inscription dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers, y
compris les exigences légales applicable à une telle inscription, ainsi que les effets de
l’inscription ou de l’absence d’inscription de ces droits dans un registre » (art. 1er, par. 2,
point l).
470. Dès lors, ce ne sont pas toutes les questions relatives à un registre national à être
visées, mais uniquement celles inhérentes aux inscriptions des droits ainsi qu’à leurs
effets652. En particulier, suivant les indications apportées par le considérant 18 du
Règlement, précité, « c’est la loi de l’Etat membre dans lequel le registre est tenu (pour
les biens immeubles, la lex rei sitae) qui devrait définir les conditions légales et les
modalités de l’inscription ». Par conséquence, tous les problèmes liés aux exigences
650 En ce sens E.JACOBY, Le certificat successoral européen et les registres fonciers, in JCP N, 2013, act.
343, pp. 4-5. Il convient de plus de noter qu’une exclusion similaire est prévue dans d’autres instruments
européens, tel le Règlement (UE) n° 848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité, dont l’article
14 dispose que « les effets de la procédure d'insolvabilité sur les droits d'un débiteur sur un bien immobilier,
un navire ou un aéronef qui sont soumis à inscription dans un registre public sont régis par la loi de l'État
membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu ».
651 Celle-ci se limitait en effet à exclure « la publicité » des droits réels portant sur des biens (considérant
10).
652 Quant aux effets de l’inscription, il s’agit essentiellement des questions relatives à sa fonction déclarative
ou constitutive. Ainsi, selon le considérant 19 du Règlement, c’est la loi de l’Etat membre où le registre est
tenu qui devrait déterminer « si l’inscription a un effet, par exemple, déclaratoire ou constitutif ». Cette
distinction implique donc que dans le premier cas l’inscription du droit ne créée pas en soi le titre, mais se
limite à le rendre opposable aux tiers (solution qui est prévue, par exemple, en Italie ou en France). Dans
la deuxième hypothèse en revanche, l’inscription devient une formalité nécessaire pour permettre la
constitution du droit (tel le cas du droit allemand). Or, étant donné que de telles questions concernent les
conséquences de l’inscription, ou de la non inscription, d’un droit réel, elles ne vont donc influencer le bon
fonctionnement du certificat européen, ce dernier intervenant dans une phase antérieur de la procédure, à
savoir le moment d’accès aux registres. L’exclusion de cette matière du champ d’application de la loi
successorale a néanmoins été critiqué par la doctrine, v. ex multis S. VAN ERP, The New Succession
Regulation : the lex rei sitae rule in need of reappraisal ?, in European Property Law Journal, 2012, p. 3.
254
légales pour l’inscription, in primis les conditions de formes, restent du ressort des lois
nationales et ne rentrent donc pas dans le champ d’application du Règlement.
471. Ainsi, en droit français l’article 29 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 pose, comme
condition générale d’accès aux registres fonciers, l’établissement d’une attestation
notariée, obligatoirement dressé en la forme authentique653et permettant au notaire de
certifier que les biens et les droits dépendant de la succession appartiennent aux héritiers
ou aux ayants-droit du de cujus. Pour ce faire, cette autorité doit faire référence à un acte
de notoriété ou d’un intitulé d’inventaire établissant les qualités des successibles, lesquels
remplissent ainsi une fonction de preuve erga omnes de ces qualités654.
472. Similairement, en droit italien, l’article 2657 du Code civil inclut, parmi les
documents permettant l’inscription, les actes authentiques ou les actes sous seing privé
avec souscription authentifiée. Ainsi, suivant l’article 2648, Code civil, l’acquisition d’un
droit réel par voie successorale emporte la nécessaire transcription de l’acte, dressé sous
la forme authentique, attestant l’acceptation, expresse ou tacite, de la succession par
l’ayant-droit655, ensemble avec le certificat de mort du de cujus ou un extrait du testament
(si la succession est testamentaire), ainsi que l’acte notarié renseignant les informations
relatives au défunt, aux ayant-droits et aux biens successoraux (art. 2660, Code civil). Ce
dernier est néanmoins remplacé, dans l’hypothèse où l’inscription soit effectuée sur le
« Libro fondiario » prévu dans certaines zones de l’Italie du Nord-est, par le certificat
d’héritier régi par les articles 13 et suivants, décret royal du 29 mars 1929, n° 499656.
473. La condition d’authenticité de l’acte est également requise dans le système foncier
653 L’article 4, alinéa 1er, décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 statue en effet que « tout acte sujet à publicité
dans un service chargé de la publicité foncière doit être dressé en la forme authentique ». V. aussi l’article
710-1, Code civil, en vertu duquel « tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité
foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire en France, d’une décision
juridictionnelle ou d’un acte authentique émanant d’une autorité administrative […] ».
654 E.JACOBY, Le certificat successoral européen et les registres fonciers, op. cit., p. 2.
655 Cet article prévoit, à son alinéa 2, que « la trascrizione dell’accettazione dell’eredità si opera in base
alla dichiarazione del chiamato dell’eredità, contenuta in atto pubblico ovvero in una scrittura privata con
sottoscrizione autenticata o accertata giudizialmente ».
656 Le système italien ne prévoit un certificat national d’héritier ; néanmoins, un tel acte est prévu dans
certaines régions du pays, dans le passé faisant partie de l’Empire autrichien et ayant ainsi instauré un
système de publicité foncière fondée sur le « Livre foncier » (v. supra n° 363 et note 26).
255
d’autres Etats membres au Règlement, tel que celui espagnol657, celui néerlandais658 ou
encore en Allemagne659. Dès lors, ces exigences formelles étant exclues du champ
d’application du Règlement Successions, elles restent réservées aux dispositions
nationales. Or, cette affirmation n’est vrai qu’en partie ; en effet, si ces conditions restent
certes gouvernées par chaque Etat membre, il ne faut toutefois pas oublier que le
Règlement de 2012 a introduit un nouvel instrument de droit matériel dans l’espace
juridique européen, capable de constituer, selon l’article 69, paragraphe 5, Règlement,
« un document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent
[…] ».
474. Dès lors la perspective change : étant donné que le certificat européen a été intégré
dans les systèmes juridiques nationaux660 et qu’il produit de tels effets, pourrait-on
affirmer que cet instrument permet un accès direct et immédiat, en guise des actes
nationaux, aux registres locaux pertinents ? En dépit des nombreux débats, l’esprit et les
objectifs du Règlement sembleraient suggérer l’affirmative.
B. La force du certificat européen : le dépassement des limites par l’européanisation des
successions internationales
475. Toute révolution n’est jamais pacifique. Tantôt elles échouent, tantôt elles
parviennent aux résultats espérés, mais le bilan reste le même : quel que soit son final, les
conséquences qu’elles imposent rencontreront toujours une opposition. C’est ainsi que
pourrait être décrit le panorama créé par le Règlement n° 650/2012.
476. En effet, les innovations apportées par cet instrument sont immenses : unification de
la loi applicable et de la compétence, instauration d’un régime de reconnaissance mutuelle
des décisions et d’acceptation des actes authentiques et création d’un certificat
657 Article 14, point a), Ley del Catastro Inmobiliario.
658 Article 41, Kadastrale wet.
659 § 29 et § 35, Grundbuchordnung (GBo)
660 C’est la conséquence de l’effet direct des règlements de l’Union européenne, consacré à l’article 288,
alinéa 2, TFUE, qui ainsi dispose : « le règlement […] est obligatoire dans tous ses éléments et il est
directement applicable dans tout Etat membre ».
256
successoral européen. De tels résultats sont énormes, c’est indiscutable, notamment dans
un domaine où les divergences entre les systèmes nationaux ont traditionnellement été
nombreuses et parfois difficilement inconciliables. Or, il est évident que pour aboutir à
de tels objectifs les efforts de la part des Etats membres sont nécessaires, sinon même
indispensable, sous peine de conduire à l’échec le système entier du Règlement et avec
lui la possible harmonisation du droit européen des successions. Une telle coopération
n’est toutefois pas requise dans la seule matière de l’ordre public, mais aussi et surtout
dans le domaine du certificat européen où seule une collaboration harmonieuse et flexible
entre les autorités nationale compétentes peut garantir le succès de ce nouveau
mécanisme. C’est pourquoi, suivant les approches adoptées dans le cadre des conflits
entre certificats et des questions matrimoniales, nous estimons que cette même
perspective d’ouverture qui doit être appliquée relativement aux limites dictées par
l’article 69, paragraphe 5, Règlement.
477. Dès lors, deux voies doivent être suivies : d’un côté le dépassement de la nature
« interne » des droits réels par la méthode de l’adaptation ; de l’autre côté, le dépassement
de l’emprise nationale dans l’accès aux registres fonciers par l’équivalence substantielle
du certificat.
1. L’adaptation des droits réels dans la mise en jeu du certificat européen
478. Le certificat successoral européen, on l’a vu supra (n°465), connait une première
limite dans l’exclusion, du champ d’application du Règlement, de la nature des droits
réels. Ainsi, son efficacité pourrait tout d’abord être mise en péril par la prévision, parmi
les indications renseignées, d’un droit réel inconnu dans l’Etat membre où cet instrument
est invoqué.
479. Prenons le cas d’un de cujus français, décédé en France où résidait habituellement
et laissant un conjoint et deux enfants issus des deux époux. Le conjoint survivant reçoit,
du fait de la succession, un droit d’usufruit portant sur la totalité des biens successoraux
existants661. Supposons ensuite que le défunt avait des biens en Allemagne et que le
661 L’article 757 du Code civil français dispose en effet que si l’époux prédécédé laisse des enfants ou des
descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, « l’usufruit de la totalité des biens existants ou la
propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux ». Si en revanche un ou
257
conjoint survivant demande alors au notaire français la délivrance d’un certificat
européen afin de pouvoir prouver ses droits héréditaires aux autorités allemandes. Or,
contrairement au droit français, le droit allemand n’admet pas un tel usufruit en faveur du
conjoint survivant mais requiert que l’usufruitier acquière ce droit pour chacun des biens
composant la masse successorale (§1085 BGB)662. Dès lors, si la limite ex article 1er,
paragraphe 2, point k), Règlement, était strictement interprétée, cela impliquerait que
même si l’usufruit successoral figure dans le certificat européen établi en France, cet
instrument ne permettrait pas au conjoint survivant de faire valoir ses droits sur toute la
succession ou sur une quote-part de celle-ci663. Par conséquent, la seule voie praticable
serait celle de constituer un droit d’usufruit sur chacun des biens faisant partie de la
succession, ce qui comporterait toutefois des inutiles et dispendieuses complications des
formalités.
480. Néanmoins, le législateur européen offre une voie échappatoire à cet impasse : c’est
l’adaptation des droits réels prévue à l’article 31 du Règlement. Ainsi, grâce au recours à
ce mécanisme, l’autorité de l’Etat membre où le certificat est invoqué ne pourra pas
méconnaitre les droits réels attestés dans le certificat du fait de leur simple absence dans
l’ordre juridique local, mais devra en revanche procéder, dans les limites du possible, à
leur adaptation aux droits réels nationaux équivalents. Cela implique alors que l’autorité
nationale ne pourra pas s’arrêter aux seules apparences, attendu qu’une telle pratique ne
ferait que vanifier la portée de l’article 31 et, plus en général, l’application efficace du
certificat dans les autres Etats membres européens. Cette même opposition ne serait
d’ailleurs pas justifiable au nom de l’exception de l’ordre public, compte tenu de l’objectif
harmonisateur du Règlement visant à permettre, autant que possible, le dépassement des
divergences entre les statuts réels nationaux. De plus, il est permis d’affirmer que
l’interprétation même l’article 35 du Règlement empêcherait, en principe, le refus du droit
plusieurs enfants ne sont pas issus du couple, le conjoint survivant recueille l’usufruit de la propriété du
quart des biens de la succession.
662 La section 1085 du BGB allemand dispose en effet que « usufruct in the assets of a person may be
created only in such a way that the usufructuary obtains the usufruct in the individual objects constituting
the assets ».
663 Il convient en effet de rappeler que l’article 757 du Code civil français réfère l’usufruit successoral à la
« totalité des biens existants ou [à] la propriété du quart » de ces biens, non pas aux les biens individuels
de la succession (v. en ce sens P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen, op. cit.,
n°26).
258
réel étranger, étant donné que difficilement une telle différence pourrait être considérée
comme une atteinte manifeste aux principes fondamentaux du for664.
481. A contrario, cette autorité devra effectuer un contrôle minutieux et concret des
règles de l’espèce, en vue d’une possible adaptation du droit étranger méconnu au droit
le plus proche local. Dans l’exemple supra évoqué donc, l’autorité allemande ne pourra
pas se contenter de la simple constatation de l’absence d’un usufruit successoral dans son
droit interne, mais devra vérifier d’abord si le système allemand connait plus en général
le droit d’usufruit et, en cas de réponse affirmative, si ses caractères sont comparables à
ceux prévus en droit français665. Certes, nul ne doute qu’une telle opération demande du
temps et comporte donc un ralentissement dans les opérations de règlement successoral,
alors même que le certificat européen a été créé dans un objectif contraire. Toutefois c’est
le Règlement même à imposer que la mise en œuvre de l’adaptation tienne compte « des
objectifs et des intérêts poursuivis par le droit réel en question et des effets qui y sont
liés » (considérant 16), afin de garantir ainsi l’effectif respect du principe du numerus
clausus dans le traitement d’une succession internationale.
482. Pour ce faire, cependant, il est manifeste qu’une coopération en tel sens soit
nécessaire entre les autorités compétentes, en vue de leur permettre une application plus
rapide et simplifiée du mécanisme prévu à l’article 31 du Règlement666. En outre, compte
tenu que le considérant 17 du Règlement précise que « l’adaptation à un droit réel inconnu
[…] ne devrait pas empêcher d’autres formes d’adaptation », il en découle que les
autorités nationales disposent d’une certaine marge de manœuvre dans la mise en place
de ce mécanisme, dans un but de garantir le plus possible la réalisation du résultat
664 Cette affirmation n’exclut pas, cependant, de possibles exceptions. Ainsi, comme le note M.ATTAL, La
reconnaissance des sûretés mobilières conventionnelles étrangères dans l’ordre juridique français, Paris,
Défrénois, 2005, p. 178, la clause de l’ordre public pourrait intervenir en matière de suretés étrangères
lorsque la différence entre le droit étranger et le droit français est trop grande pour envisager la possible
adaptation avec une institution nationale. Mises à part ces exceptions, néanmoins, le recours à une telle
clause serait à exclure au profit d’une adaptation entre droits réels différents.
665 P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 484, n° 12.
666 Dans cette perspective, le législateur européen préconise, dans le considérant 16 que « pour déterminer
l’équivalent le plus proche du droit réel dans le droit nationale, les autorités ou les personnes compétentes
de l’Etat dont la loi s’applique à la succession peuvent être contactées afin d’obtenir des informations
complémentaires sur la nature et les effets de ce droit. À cette fin, il serait possible d’avoir recours aux
réseaux existants dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale, ainsi qu’à
tout autre moyen disponible permettant de comprendre plus facilement la loi étrangère ».
259
envisagé par les parties intéressées667. Dès lors, il n’est pas exclu que le droit réel étranger
soit amputé d’une partie de ses éléments afin d’être adapté aux caractéristiques du droit
local, ce qui est bien illustré par l’exemple de l’usufruit successoral précédemment étudié.
Qui plus est, l’autonomie accordée à l’autorité nationale pourrait également la conduire à
l’élaboration d’une solution ad hoc qui tienne compte, d’une part, des exigences des lois
en présence (c’est-à-dire la loi étrangère et celle du for) et, d’autre part, de toutes les
circonstances de la cause, in primis des intérêts des parties668.
483. En tout état de cause, il ne fait pas de doutes que l’Etat membre auquel un certificat
successoral européen est présenté pourrait, sinon même devrait, recourir à la technique
d’adaptation codifiée à l’article 31 du Règlement pour pallier l’éventuelle absence, dans
le système local, du droit réel invoqué. Certes, l’emploi d’un tel mécanisme ne garantit
pas, en toute situation, la reconnaissance du droit étranger et donc, par cette voie,
l’efficacité du certificat européen délivré dans un Etat membre différent. Néanmoins,
compte tenu des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union à travers la mise en
place d’un espace juridique uniforme et harmonisé, il est indiscutable qu’un effort en tel
sens soit nécessaire par toute autorité chargée de recueillir le certificat étranger. Cela ne
signifie évidemment pas d’accueillir n’importe quel droit réel étranger, ni obliger le
système local à « se plier » face au système étranger. À l’opposé, comme le confirme le
considérant 15 du Règlement, précité, aucun Etat membre « ne devrait pas être tenu de
reconnaître un droit réel en rapport avec des biens situés cet Etat membre, s’il ne connaît
pas un tel droit réel dans son droit ». Cependant une chose c’est la reconnaissance
automatique d’un droit réel méconnu par le système du for, autre chose c’est l’adaptation
de ce même droit réel en vue de produire ses effets dans un autre Etat membre. Or, si la
première hypothèse n’est en aucun moment envisagée par le Règlement du 4 juillet 2012,
667 En ce sens P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 490, n° 23. Cependant, comme
le note cet auteur, le recours au mécanisme d’adaptation ne comporte en aucun une suprématie de la lex rei
sitae sur la loi successorale. A contrario, une telle technique implique tout simplement une coordination
entre les deux systèmes, dans le but de favoriser autant que possible la reconnaissance du droit réel étranger
par le droit du for. Cette thèse n’est toutefois pas unanimement partagée (v. ex multis S. SANA-CHAILLE DE
NERE, La loi applicable à la succession dans le Règlement du 4 juillet 2012, in JCP N, 2013, 1082, n° 39,
selon qui l’article 31 conduirait la loi successorale à céder « sa compétence à la loi de la situation pour
réaliser une sorte de greffe juridique »).
668 Approche suggérée par B.AUDIT-L. D’AVOUT, Droit international privé, op. cit., p. 290, pour qui le
mécanisme d’adaptation pourrait conduire l’autorité du for à « rechercher une solution de synthèse tenant
compte de la teneur des deux lois en présence ».
260
la technique prévue à l’article 31 est en revanche indispensable pour aboutir à l’harmonie
internationale espérée. Comment pourrait-on parler d’un droit international des
successions uniformisé si l’autorité d’un autre Etat membre était légitimée à refuser, de
manière immédiate et automatique, les effets d’un certificat européen étranger au simple
motif que celui-ci renseigne, sur la base de la lex successionis, un droit réel méconnu au
for ? Une telle approche ne ferait que conduire à un double échec : d’une part pour le
certificat européen, destiné à produire qu’une partie des effets promis aux parties ; d’autre
part pour le Règlement dans son ensemble, la portée unificatrice de la loi successorale
finissant, dans la pratique, à céder le pas aux rigidités nationales.
484. C’est pourquoi, il est souhaitable que toute autorité locale, compétente à recevoir un
certificat européen délivré dans un autre Etat membre et se trouvant face à un tel impasse,
s’efforce d’étudier in concreto toutes les circonstances de la cause, afin de favoriser, dans
les limites du possible, l’adaptation du droit réel étranger au droit local plus proche.
Partant, une telle pratique permettrait non seulement de développer la collaboration entre
les autorités nationales compétentes à la délivrance des certificats européens669, ce qui est
indispensable dans le cadre d’un espace juridique unifié, mais aussi et surtout de garantir
l’instauration harmonieuse du système introduit par le Règlement Successions tout en
sauvegardant les ordres juridiques nationaux.
485. Pour autant, la seule adaptation des droits réels établis par la lex successionis ne
suffit pas, en soi, à assurer un véritable succès du certificat successoral européen. En effet,
son efficacité pourrait encore être remise en question par l’exclusion de l’accès à la
publicité foncière, restée sous l’emprise des droits nationaux. Or, la prévision d’une telle
limite n’implique pas une nécessaire faillite du certificat européen, l’autorité compétente
de l’Etat membre requis devant désormais tenir compte de la dimension européenne de la
succession.
669 Collaboration qui est préconisée par le législateur européen qui, dans le considérant 18, invite les
autorités compétentes non seulement à contacter « les autorités ou les personnes compétentes de l’Etat dont
la loi s’applique à la succession », mais aussi à faire recours aux réseaux existants dans le domaine de la
coopération judiciaire en matière civile et commerciale ».
261
2. L’accès à la publicité foncière dans le cadre d’une succession « européenne »
486. Le Règlement Successions exclut de son champ d’application toute inscription dans
un registre de droits mobiliers ou immobiliers, exclusion qui est reprise par son article 69,
paragraphe 5, en matière d’effets du certificat européen. Or, cette affirmation mérite
quelques précisions : d’abord cette même disposition statue que le certificat est « un
document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent ». De
plus, le considérant 18 du Règlement, précité, ajoute que dans le but d’éviter « la
duplication des documents, les autorités chargées de l’inscription devraient accepter les
documents rédigés par les autorités compétentes d’un autre Etat membre […] » parmi
lesquels se trouve le certificat européen. C’est ainsi que les autorités nationales se
retrouvent confrontées à une nouvelle obligation, celle de prendre en compte ce nouvel
instrument européen dans l’accès aux registres pertinents locaux.
487. En effet, bien que le Règlement n’interdise pas aux autorités compétentes de
« solliciter de la personne qui demande l’inscription de fournir les informations
supplémentaires ou présenter les documents complémentaires exigés en vertu du droit de
l’Etat membre dans lequel le registre est tenu » (considérant 18), il ne fait pas de doutes
que le refus de tenir compte d’un certificat européen au seul motif que le droit national
réserve l’accès aux registres à une certaine catégorie de documents délivrés par les
autorités locales entrerait en contradiction avec le nouveau droit européen des
successions670. C’est pourquoi, afin de garantir le bon fonctionnement du certificat
successoral européen et, dans une plus large perspective, du Règlement Successions dans
son ensemble, une ouverture des systèmes nationaux est indispensable. Une série
d’arguments militent dans cette direction : d’abord la nature du certificat européen,
qualifiable comme un véritable acte authentique européen ; ensuite son contenu, pouvant
constituer un valable équivalent au document requis par le droit local. Dans cette optique,
cet instrument pourrait alors réellement garantir une simplification dans les opérations
successorales internationales, tout en permettant l’instauration d’un véritable régime
commun dans l’espace européen.
670 Pratique qui est d’ailleurs niée par le considérant 18 du Règlement, pour qui le certificat successoral
européen « devrait constituer un document valable pour l’inscription de biens successoraux dans le registre
d’un [autre] Etat membre ».
262
a) Un acte authentique européen
488. Comme indiqué supra (n°470), une série d’Etats membres imposent, en tant que
condition principale pour l’accès à un registre, la présentation d’un acte authentique. Dès
lors, avant même d’en analyser le contenu, se pose le problème d’établir si le certificat
européen introduit par le Règlement du 4 juillet 2012 puisse être qualifié comme tel.
489. À cet égard, une précision est obligée : en effet, il est évident que si on se basait sur
uniquement la définition du concept d’acte authentique propre à chaque Etat membre,
l’on parviendrait fort probablement à une conclusion négative. Il est certes vrai qu’une
telle notion, étant bien connue notamment dans les Etats membres d’origine romano-
germanique671, dispose d’un socle de principes communs à tous ces systèmes, mais reste
le fait que chaque législation prévoit une série de conditions et exigences qui peuvent
varier d’un ordre juridique à l’autre, empêchant ainsi la détermination d’un concept
uniforme d’authenticité. C’est pourquoi, suivant le modèle de la définition retenue dans
les autres instruments européens672 ainsi que les lignes directrices énoncées par la Cour
de Luxembourg673, le Règlement de 2012 a opté pour un concept « autonome » de
l’authenticité d’un acte authentique. Voyons alors quelles-en sont les conditions, afin de
vérifier ensuite si celles-ci sont satisfaites par le certificat successoral européen.
α. Le concept d’authenticité européenne
490. Pour déterminer si un certain acte est bien un acte authentique, c’est à l’article 3,
paragraphe 2, point i), Règlement, qu’il faut faire référence. Ainsi, suivant cette
disposition, celui-ci doit être défini, dans le cadre du Règlement Successions, comme un
acte en matière successorale « dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte
authentique dans un Etat membre et dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu
671 En ce sens P.PASQUALIS, Le problème de la circulation des actes notariés dans l’espace juridique
européen, op. cit., p. 10.
672 v. l’article 2, point c), Règlement Bruxelles I (aujourd’hui la même disposition a été transposée dans le
Règlement Bruxelles I bis ; l’article 4, paragraphe 3, du Règlement n° 805/2004 relatif au titre exécutoire
européen ; l’article 2, paragraphe 1er, point 3, Règlement n° 4/2009 relatif aux aliments.
673 v. notamment CJUE, 17 juin 1999, Unibank A/S c. Flemming G. Christensen, C-260/97.
263
[de l’acte authentique] et a été établie par une autorité publique ou tout autre autorité
habilitée à le faire par l’Etat membre d’origine ». Un constat peut donc être
immédiatement formulé : similairement à la définition forgée par la Cour de Justice et
dans le socle des règlements européens antérieurs, ici encore le législateur de l’Union a
prévu que pour qu’un acte soit qualifiable comme authentique, c’est à l’Etat membre
d’origine qu’il faut se reporter674. Et pour cause. En effet, à ce jour le droit européen ne
prévoit pas les conditions généralement requises pour la délivrance d’un acte authentique,
ce qui justifie dès lors le renvoi aux législations nationales en vue de leur détermination675.
491. Néanmoins, si d’une part il est certes que les conditions d’authenticité soient posées
par le législateur de chaque Etat membre, d’autre part il ne faut pas oublier que pour qu’un
tel acte puisse circuler librement au sein de l’Union certains aménagements « européens »
sont nécessaires. Ainsi, comme l’indique le considérant 62 du Règlement, le concept
d’authenticité doit in primis être entendu de manière « autonome », c’est-à-dire
indépendante de toute influence nationale. Une telle exigence n’est pas une nouveauté
pour le droit de l’Union européenne, depuis toujours appelé à forger une interprétation
« supranationale » des concepts visés par les instruments communautaires, en vue d’en
garantir une application harmonieuse et uniforme dans tous les Etats membres.
492. Cependant le Règlement Successions ne s’est pas arrêté à cette seule prévision ; a
contrario, le législateur européen a énuméré une série d’éléments permettant de qualifier
un certain acte comme authentique, au sens communautaire du terme. Parmi ceux-ci, se
trouvent notamment « la véracité de l’acte, les exigences de forme qui lui sont
applicables, les pouvoirs de l’autorité qui le dresse et la procédure suivie pour le dresser »
(considérant 62, Règlement). S’ajoutent de plus les éléments factuels consignés dans
l’acte par l’autorité chargée de le dresser. Or, compte tenu des indications fournies par le
droit européen, force est de constater que les Etats membres, tout en restant maîtres de
674 La prévision du concept d’acte authentique dans un certain nombre de règlements européens a d’ailleurs
conduit certains auteurs à le considérer, désormais, comme une partie intégrante de l’acquis communautaire
(en ce sens P.PASQUALIS, Le problème de la circulation des actes notariés dans l’espace juridique
européen, op. cit., p. 18). Sur cette définition v. également les observations de C.NOURISSAT, Le champ
d’application du règlement, in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD, Droit européen des successions
internationales, op. cit., p. 24, n° 51.
675 Comme le note P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 153, n° 50.
264
leurs régimes nationaux, doivent désormais ne plus se contenter d’un contrôle limité aux
seules exigences locales, mais sont au contraire appelées à vérifier l’authenticité d’un acte
successoral étranger en tenant compte des conditions posées par le Règlement du 4 juillet
2012. Ainsi, de prérogative exclusivement nationale, le concept d’acte authentique est
devenu aujourd’hui une véritable notion européenne, fruit de la combinaison des règles
nationales avec les standards posés par le droit de l’Union676. C’est alors suivant cette
perspective que doit être analysée la nature du certificat successoral européen : celui-ci
serait-il un acte authentique européen ?
β. L’authenticité du certificat européen
493. L’authenticité de l’acte étant une condition nécessaire, dans certains Etats membres,
pour accéder aux registres, se pose la question de savoir si le certificat successoral
européen peut ainsi être qualifié. Pour ce faire, il convient de se référer aux standards
posés par le Règlement Successions.
494. Commençons par la définition dictée par son article 3, paragraphe 1er, point i). Celle-
ci vise uniquement les actes dressés « en matière de succession », ce qui est bien le cas
du certificat européen dont la fonction est, selon l’article 63 du Règlement, de permettre
aux héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires et administrateurs de la succession de
prouver leurs qualités ou leurs pouvoirs dans un autre Etat membre. De plus, l’acte
authentique doit être délivré par une autorité publique677 ou par toute autre autorité
habilitée à le faire selon le droit national678, ce qui nous conduit donc à nous interroger
676 IBIDEM, p. 154, n° 51. Il convient d’ailleurs de remarquer que cette même considération avait déjà été
avancée à l’égard du Règlement Bruxelles I, dont l’article 57 statuait que l’acte authentique doit « réunir
les conditions nécessaires à son authenticité dans l’Etat membre d’origine ». En relation à cet article
H.GAUDEMET-TALLON (Compétence et exécution des jugements en Europe, op. cit., p. 497), a écrit que les
conditions de l’authenticité de l’acte ne doivent pas être appréciées sur la seule base de la loi nationale de
l’Etat membre d’origine, mais en tenant également compte des exigences posées par le droit européen.
677 En ce sens P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 154, n° 54 ; D.DAMASCELLI, La
« circulation » au sein de l'espace judiciaire européen des actes authentiques en matière successorale, in
Rev. crit. dr. int. priv., 2013, p. 425. En matière v. aussi le point n° 17 de l’arrêt Unibank, précité (supra
note 129), où la Cour de Justice souligne que le caractère authentique de l’acte porte « sur son contenu et
non pas seulement, par exemple, sur la signature ».
678 Il convient de remarquer que cette même exigence avait été posée par l’arrêt Unibank, précité, où la
Cour de Justice avait statué que le caractère authentique des actes doit être établi « de manière incontestable
de façon telle que la juridiction de l’Etat requis est en mesure de s’en remettre à l’authenticité de ceux-ci »
265
sur les pouvoirs de l’autorité compétente à la délivrance d’un certificat. À cet égard,
comme on a vu supra (n°), l’article 64 du Règlement, en combinaison avec le considérant
70, attribue cette compétence soit à une juridiction, soit à une autre autorité qui en vertu
du droit local est compétente à régler une succession, telle que les notaires. Or, sur la
première catégorie nulla questio, les juridictions étant des autorités publiques par
excellence ; quant à la deuxième catégorie, compte tenu que les notaires, bien qu’ils ne
soient pas considérés comme des autorités publiques dans la tradition du notariat latin,
sont habilités à dresser un acte authentique par leur droit national, il est dès lors possible
de les inclure parmi les autorités visées par l’article 3, précité.
495. Il en est de même pour la troisième condition, celle relative à la signature de l’acte ;
en effet, le formulaire prévu par le Règlement pour la délivrance du certificat se termine
par la signature et/ou cachet de l’autorité émettrice, constituant une formalité obligatoire
sous peine de non validité du document679. Sur ce point, il convient de préciser qu’en
vertu de son article 74, le Règlement supprime toute légalisation ou autre formalité
analogue pour les documents délivrés dans un Etat membre dans le contexte d’une
succession transfrontalière. Il est vrai qu’une telle prévision n’est pas nouvelle au contexte
international, la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 allant supprimer l’exigence
de la légalisation des actes public étrangers680. Toutefois des différences sont bien
visibles : en effet, alors que le texte conventionnel présente un champ d’application plus
général, s’appliquant aux « actes publics » énoncés à son article 1er681, l’article 74
concerne spécifiquement « les documents délivrés dans un Etat membre dans le contexte
du présent règlement ». De plus, contrairement à la convention qui a une portée
(point n° 15). C’est pourquoi, les juges de Luxembourg avaient conclu que l’établissement d’un tel acte
nécessitait l’intervention d’une « autorité publique ou de toute autre autorité habilitée par l’Etat d’origine »
(point 21).
679 v. le formulaire V en annexe au Règlement, prévoyant dans sa partie finale la « signature et/ou cachet
de l’autorité émettrice ».
680 Sur cette convention, v. ex multis F.POCAR, L’assistenza giudiziaria internazionale in materia civile,
Padoue, Cedam, 1967.
681 Il s’agit des « documents qui émanent d’une autorité ou d’un fonctionnaire relevant d’une juridiction de
l’État, y compris ceux qui émanent du ministère, d’un greffier ou d’un huissier de justice ; b) les documents
administratifs ; c) les actes notariés ; d) les déclarations officielles telles que mentions d’enregistrement,
visas pour date certaine et certifications de signature, apposées sur un acte sous seing privé » (art. 1er,
paragraphe 1er, Convention).
266
transnationale particulièrement ample682, la prévision du Règlement Successions ne
s’applique qu’à l’espace juridique européen, suivant le champ d’application spatial de cet
instrument. Cette simplification comporte alors qu’au moment de sa présentation dans un
Etat membre, conformément à l’article 74 du Règlement, aucune procédure de
légalisation ne pourra être requise en vue de l’acceptation d’un certificat européen délivré
dans un Etat membre différent, ce qui rend ainsi la procédure davantage plus rapide et
facile dans sa mise en œuvre.
496. Quant enfin au contenu, le considérant 62 du Règlement, supra cité, indique que
pour qu’un acte dispose du caractère d’authenticité il doit couvrir « les éléments factuels »
qui y sont consignés par l’autorité compétente, tels que « le fait que les parties indiquées
ont comparu devant ladite autorité à la date indiquée et qu’elles ont fait les déclarations
qui y sont mentionnées ». Ergo, il ne serait pas suffisant que l’autorité habilitée se limite
à une authentification de la signature des parties, celle-ci devant au contraire vérifier la
« substance » de l’acte, en s’assumant ainsi la responsabilité de son contenu. Or, un tel
contrôle est bien propre à l’autorité émettrice d’un certificat européen.
497. En effet, comme l’indique l’article 66 du Règlement, au moment de la réception de
la demande celle-ci doit vérifier les informations et les déclarations fournies par le
demandeur, ainsi que les autres documents et les autres moyens de preuve présentés par
celui-ci. De plus, le législateur européen reconnait à cette autorité les pouvoirs de mener
« les enquêtes nécessaires à cette vérification d’office » et peut inviter le demandeur à
fournir « tout élément de preuve complémentaire qu’elle estime nécessaire ». Enfin, on
remarquera que l’article 68 du Règlement énonce, de manière très détaillée, toutes les
informations que doit renseigner le certificat successoral européen, parmi lesquelles se
trouvent, en particulier, les indications sur l’identité des parties, les renseignements sur
l’autorité émettrice, les informations sur le régime matrimonial ou sur le contrat de
mariage, celles relatives à la loi applicable à la succession, les renseignements sur la
succession ainsi que la liste des droits et biens revenant à un héritier ou à un légataire, de
même que les pouvoirs attribués à l’exécuteur testamentaire et/ou à l’administrateur de la
succession. Dès lors, il est permis de conclure que le certificat européen, même sous
682 112 États sont en effet partie de cette convention (mise à jour au 14 octobre 2016).
267
l’angle de son contenu, satisfait pleinement les conditions requises par le Règlement n°
650 de 2012 pour bénéficier de la qualification de véritable « acte authentique
européen »683.
498. Une fois le caractère d’authenticité du certificat démontré, il est donc possible de
passer au cœur de notre raisonnement : démontrer la force du certificat européen dans
l’accès aux registres nationaux. En effet, la simple acceptation de son caractère
authentique ne suffit pas à la lui garantir une efficace pleine et incontestée dans la
procédure d’enregistrement, chaque Etat membre dictant ses propres conditions en
matière. Or, celles-ci ne seraient pas toujours un obstacle insurmontable : effectivement,
compte tenu de ses exigences formelles et de son contenu très détaillé, cet instrument
européen constituerait un possible équivalent aux documents nationaux, en comportant
ainsi une nécessaire adaptation des Etats membres aux exigences posées par le nouveau
droit européen des successions.
b) Un acte alternatif aux documents nationaux
499. Le syllogisme semblerait simple : pour accéder aux registres nationaux certains
documents doivent être présentés (prémisse A) ; le Règlement dispose que le certificat
européen est un document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre
pertinent d’un Etat membre (prémisse B) ; le certificat européen permet donc un accès
immédiat aux registres locaux (résultat). Jusqu’ici le raisonnement est linéaire. Ajoutons
en outre que le considérant 18 du Règlement dispose que pour éviter la duplication des
documents, les autorités chargées de l’inscription « devraient accepter les documents
rédigés par les autorités compétentes d’un autre Etat membre » et dont la circulation est
prévue par le nouveau texte européen. Cependant une complication survient. En effet, le
Règlement exclut de son champ d’application « toute inscription dans un registre de droits
immobiliers ou mobiliers » (l’article 1er, paragraphe 2, point l), ce qui comporte alors que
de telles questions restent régies par les conditions posées par chaque Etat membre. Or,
683 En ce sens B.REYNIS, Le certificat successoral européen, un acte authentique européen, in Défrénois,
30 août 2012, n° 15-16, p. 772 ; v. aussi J-F.SAGAUT, Le certificat successoral européen : un acte en quête
de notoriété, in JCP N, 2013, n°15, pp. 1086 et s.
268
comment concilier cette antithèse ?
500. Il ne fait aucun doute qu’une interprétation rigide de l’article 69, paragraphe 5,
Règlement, aurait comme seul résultat de conduire à un empiètement de cette même
disposition, le certificat national ne répondant pas toujours aux exigences requises par les
droits nationaux. C’est pourquoi une telle approche serait à rejeter, n’aboutissant qu’à une
remise en cause des prévisions du Règlement en matière de certificat européen et, dans
une perspective plus large, à un partial échec de l’objectif d’harmonisation
communautaire des successions internationales. A contrario, c’est une lecture
« européenne » qu’il faudrait adopter : dès lors, suivant l’esprit d’uniformisation qui
anime le Règlement de 2012, la limite posée par son article 69, paragraphe 5, ne serait
pas une contradiction involontaire du législateur de l’Union, mais plutôt une tentative de
compromis avec les Etats membres en vue de garantir le fonctionnement le plus efficace
du certificat.
501. Ainsi, ces derniers maintiendraient certes l’emprise sur les conditions d’accès aux
registres nationaux, mais compte tenu de la dimension européenne de la succession, toute
autorité compétente d’un Etat membre devrait prendre en considération un certificat
européen étranger, alors même que le droit local limite l’accès aux registres internes à
une certaine catégorie de documents et à la condition qu’ils soient délivrés par une
autorité nationale684. Et pour cause. En effet, pourquoi prévoir que le certificat constitue
un document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent si
chaque autorité nationale reste libre de refuser un tel instrument au seul motif qu’il a été
émis par une autorité étrangère ? Qui plus est, comment pourrait-on parler d’un espace
juridique européen si les documents délivrés par l’autorité d’un Etat membre ne sont pas
reconnus dans un autre pays de l’Union car non émis par une autorité locale ?
502. En outre, il convient de noter qu’en dépit de la terminologie employée par le
législateur européen, le certificat successoral est bel et bien un acte authentique au sens
684 En ce sens P.WAUTELET, Le droit européen des successions, op. cit., p. 803, n° 63, pour qui une
disposition nationale réservant l’accès aux registres aux seuls documents émis par une autorité locale ne
pourrait « servir de motif de refus complet à un certificat successoral européen sous peine de priver celui-
ci de sa qualité de document ».
269
de l’article 3, paragraphe 2, Règlement, et non pas un simple « document » privé de toute
valeur. Cela comporte alors que même dans les Etats membres limitant l’accès aux
registres aux seuls actes munis du caractère d’authenticité, les autorités nationales ne
pourraient pas refuser un certificat européen délivrés dans un autre Etat membre sur la
seule base de sa qualité de « document ». Au plus, le certificat successoral étant un
véritable acte authentique européen, l’autorité locale devrait vérifier si un tel instrument
présente tous les caractères demandés par le droit interne pour accéder au registre
pertinent. Pourtant, c’est exactement sur ce point que les opinions divergent.
503. En effet, si pour certaines auteurs le certificat européen permettrait un accès direct
aux registres nationaux, ce qui conduirait à une nécessaire adaptation des droits locaux
aux effets produits par le nouvel instrument commun685, pour d’autres une telle approche
serait totalement à rejeter686. Ainsi, selon ces derniers, le certificat successoral européen
constituerait certes une base valable pour prouver les qualités héréditaires, mais il n’en
serait pas moins suffisant pour garantir l’accès direct aux registres nationaux. Dès lors,
étant donné que chaque Etat membre reste maître de la procédure d’inscription sur les
registres locaux, le certificat européen devrait forcément se plier face aux documents
prévus par les dispositions nationales, ou du moins être complété par une partie de ces
derniers.
504. Or, il est permis de contrebattre cette position. Nul ne met en doute que chaque Etat
membre puisse demander la production de documents ultérieurs, allant compléter les
informations renseignées par le certificat européen. Par ailleurs, une telle possibilité est
685 Cette position est notamment adoptée par P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement
européen sur les successions, op. cit. n° 40 en référence au droit français et aux exigences requises par
l’article 710-1, Code civil, défini de « curieux », ainsi que par l’article 29 du décret du 4 janvier 1955. Sur
ces dispositions, v. infra n°
686 L’équivalence du certificat européen a notamment été remise en cause par une partie des commentateurs
français (v. not. E.JACOBY, Le certificat successoral européen et les registres fonciers, op. cit., p. 3 ;
B.REYNIS, Le certificat successoral européen, un acte authentique européen, op. cit., p. 772 ; J-F.SAGAUT,
Le certificat successoral européen : un acte en quête de notoriété, op. cit., p. 1087, n° 4 ; P.CHASSAING, La
préparation des notaires et du notariat concernant la mise en application du règlement du 4 juillet 2012,
in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD, Droit européen des successions internationales, op. cit., p. 37, n° 94 et
s.). Cette vision a également fait l’objet de critiques par les doctrines allemande (v. ex multis
M.BUSCHBAUM-U.SIMON, EuErbVO : Das Europäische Nachlasszeugnis, op. cit., p. 529) et belges (v.
E.GOOSSENS et A.-L.VERBEKE, De Europese Erfrechtverordening, in G. VAN CALSTER (sous la direction
de), Themis Internationaal Privaatrecht, Bruges, 2012, p. 133, n° 78).
270
admise par le considérant 18 du Règlement, en vertu duquel toute autorité chargée de
l’inscription devrait pouvoir solliciter la personne intéressée « de fournir les informations
supplémentaires ou présenter les documents complémentaires exigés en vertu du droit de
l’Etat membre dans lequel le registre est tenu […] ». Cependant cela ne signifie pas que
le certificat successoral puisse être automatiquement considéré comme incapable de
permettre un accès direct à un registre national. En effet, étant donné que l’article 69,
paragraphe 5, Règlement, suggère indirectement à toute autorité compétente de procéder
à une analyse minutieuse du contenu du certificat afin d’en vérifier son équivalence aux
documents nationaux, considérer ce dernier comme insuffisant, par principe, à garantir
l’accès immédiat aux registres serait en pleine contradiction avec l’objectif d’uniformité
recherché par les normes européennes. Comment contribuer au développement d’un droit
international privé harmonisé et uniforme des successions si les opérateurs nationaux sont
les premiers à adopter une approche restrictive envers les instruments européens ?
505. Ainsi que l’on a vu pour la clause de l’ordre public, adopter une position d’ouverture
vers les mécanismes offerts par le droit supranational n’implique pas un rejet complet et
radical des règles juridiques internes, mais simplement de les adapter, ou combiner, aux
les nouvelles normes communes. Si donc le certificat européen se présente comme un
document valable pour l’inscription dans les registres pertinent d’un Etat membre, il serait
contre-productif pour ce dernier de refuser catégoriquement de tels effets au seul motif
que la loi nationale prévoit des conditions différentes. Partant, le certificat finirait par
avoir qu’une utilité réduite, ne permettant pas de parvenir à une modification immédiate
de la titularité des droits réels immobiliers dans le cadre d’une succession intra-
européenne. À l’opposé, compte tenu des complications, notamment formelles, souvent
posées par la procédure d’accès aux registres nationaux, reconnaitre à un tel instrument
un rôle effectif dans la mise à jour de la publicité foncière représenterait un véritable pas
en avant dans la construction d’un espace européen « de liberté, de sécurité et de justice »
auquel le Règlement aspire.
506. Or, toute argumentation nécessite d’exemples pratiques. C’est ainsi que deux
systèmes juridiques seront particulièrement considérés : d’une part le droit français,
résistant à la vague révolutionnaire engendrée par le Règlement ; d’autre part le droit
italien, où l’accès aux registres fait depuis toujours l’objet de dispositions précises et
réservées. Dès lors, on verra qu’en dépit des contraintes posées par les dispositions
nationales, le certificat successoral pourrait survivre au test d’équivalence avec ces
271
dernières, en s’imposant ainsi comme un véritable nouvel instrument de droit matériel
européen.
α. Le certificat successoral européen à l’épreuve de la « résistance » française
507. Lors du Programme de Stockholm de 2010687, le Conseil européen avait estimé que
le principe de la reconnaissance mutuelle, « pierre angulaire » de la constitution d’un
espace judiciaire européen, devait être étendue à des secteurs non encore couverts par le
droit de l’Union, tel celui des successions, « tout en tenant compte des systèmes juridiques
des Etats membres […] et des traditions nationales dans ce domaine » (considérant 6,
Règlement n° 650/2012). C’est alors en ce sens que s’oriente la position adoptée par une
partie de la doctrine française. Voici l’idée directrice : l’intégration européenne, ainsi que
les conséquences qu’elle apporte en termes de concessions nationales, est certainement
inévitable ; cependant, un tel mouvement ne peut pas impliquer une « européanisation »
d’un service public comme la publicité foncière688. Le certificat européen introduit par le
Règlement du 4 juillet 2012 n’est donc pas en soi suffisant à garantir un accès immédiat
aux registres fonciers, seule l’attestation notariée pouvant constituer un titre valable pour
enregistrer la transmission mortis causa d’un droit réel immobilier.
508. Or, bien que cette opinion soit largement partagée par de nombreux auteurs, il est
permis d’avancer deux observations. In primis, prenons l’article 710-1, Code civil, aux
termes duquel « tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité
foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France
[…]. Une telle disposition nationale est toutefois manifestement contraire au Règlement,
celui-ci énonçant de manière très claire d’abord au considérant 18 et ensuite à l’article 69,
paragraphe 5, que le certificat européen constitue « un document valable » pour
l’inscription d’un bien successoral dans les registres d’un Etat membre.
509. Dès lors, refuser un tel instrument au motif qu’il a été délivré par une autorité
687 Il s’agit du “Programme de Stockholm – une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens”,
adopté par le Conseil européen les 10 et 11 décembre 2009 (v. supra chap. I, n° 44).
688 En ce sens E.JACOBY, Le certificat successoral européen et les registres fonciers, op. cit., p. 5.
272
étrangère signifierait non seulement lui nier tout effet en matière de publicité foncière, ce
qui est explicitement exclu par le Règlement689, mais aussi, sous un profil plus général,
remettre en cause le principe de la confiance mutuelle consacré à l’article 81 TFUE et
constituant la base de l’ensemble du droit international privé européen. En d’autres
termes, s’appuyer sur l’article 710-1, Code civil, pour rejeter intégralement le certificat
successoral dans l’accès aux registres fonciers équivaudrait à une plus générale remise en
question du système de droit international privé européen dans son ensemble, celui-ci
ayant été construit et développé sur le fondement du principe de la reconnaissance
mutuelle des décisions et des actes publics entre les Etats membres.
510. La solution que nous proposons est ainsi la suivante : non pas éliminer l’article 710-
1, Code civil, sa ratio restant totalement intacte, mais à tout le moins prévoir une
adaptation qui tienne compte des effets découlant de l’introduction du certificat européen
dans le système juridique français. Cela impliquerait alors que ladite disposition
continuerait certes à être appliquée en tant que règle générale pour l’accès aux registres
fonciers nationaux, sauf l’hypothèse d’intervention d’un certificat successoral européen
délivré par l’autorité d’un autre Etat membre, en conformité avec la combinaison des
articles 69, paragraphe 5, Règlement n° 650/2012690 et 288 TFUE691. D’un point de vue
pratique il serait ainsi possible d’envisager l’addition d’un nouveau paragraphe à l’article
710-1, Code civil, statuant que dans l’hypothèse d’une succession internationale ouverte
dans un Etat membre de l’Union autre que la France, conformément au Règlement n°
650/2012 le certificat successoral européen est un document valable pour « donner lieu
aux formalités de publicité foncière ». Un tel aménagement éviterait ainsi tout contraste
avec la teneur des dispositions du Règlement, tout en garantissant leur coordination avec
689 Cette position est soutenue non seulement par P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement
européen sur les successions, op. cit. n° 40, mais aussi par P.WAUTELET, Le droit européen des successions,
op. cit., p. 803, n° 63. Contra B.REYNIS, Le certificat successoral européen, un acte authentique européen,
op. cit., p. 771, pour qui « nul doute que le CSE [certificat successoral européen] émis par une autorité d’un
Etat membre étranger ne satisfait pas aux dispositions de l’article 710-1 du Code civil ».
690 Modification d’ailleurs préconisée par P.LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement
européen sur les successions, op. cit., n° 40, pour qui le « curieux » article 710-1 du code civil, refusant
tout effet en France en matière de publicité foncière au certificat successoral établi par une autorité
étrangère, « devra donc être écarté ».
691 On rappellera nouvellement que cet article énonce que tout règlement de l’Union européenne a une
portée générale, est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tous les Etats
membres.
273
les normes nationales.
511. Toutefois ce n’est pas tout. En effet, on a déjà vu que l’un des principaux remparts
de l’hostilité française c’est l’article 29 du décret du 4 janvier 1955, supra cité (n°471),
exigeant pour accéder aux registres fonciers la délivrance, par un notaire, d’une attestation
notariée constatant toute transmission ou constitution par décès de droits réels
immobiliers. Or, nul ne remet en cause les justifications à la base d’un tel document,
principalement voué à garantir l’exactitude du fichier immobilier692 ; à cet égard c’est le
Règlement même à reconnaître que toute autorité d’un Etat membre puisse solliciter la
production de pièces ultérieures, lorsque celles-ci sont requises par le droit national
(considérant 18). Aux termes de cette dernière disposition en effet, la capacité du certificat
européen pour accéder aux registres fonciers « […] ne devrait pas empêcher les autorités
chargées de l’inscription de fournir les informations supplémentaires ou présenter les
documents complémentaires exigés en vertu du droit de l’Etat membre dans lequel le
registre est tenu […] ». Le compromis recherché par le législateur européen est donc
évident : d’une part le Règlement dispose que le certificat européen est un document
valable pour l’inscription des biens successoraux dans le registre national, mais d’autre
part les autorités locales conservent la faculté de demander la production de pièces
ultérieures en fonction des exigences posées par le droit de l’Etat membre du registre.
512. Néanmoins, ainsi que l’on a déjà précédemment souligné (supra n°504 et s.), la
prévision ex article 29, décret de 1955, doit nécessairement être conciliée avec l’article
69 du Règlement qui qualifie le certificat européen comme un document valable pour
l’inscription d’un bien successoral sur les registres pertinents d’un Etat membre. Il en
découle donc que refuser a priori l’équivalence du certificat successoral, délivré par
l’autorité d’un autre Etat membre, au seul motif que le droit national requiert l’émission
d’une attestation notariée et sans pour autant vérifier que le contenu du document étranger
satisfait les conditions demandées, semblerait manifestement contraire à la volonté
harmonisatrice du législateur européen. Il est certes que certificat successoral remplisse
une fonction primaire de preuve des qualités héréditaires, mais étant donné que le
Règlement lui attribue une série d’effets également en matière d’accès aux registres
692 E.JACOBY, Le certificat successoral européen et les registres fonciers, op. cit., p. 5.
274
nationaux, son rôle devient inévitablement, en pratique, bien plus étendu des seules
finalités énoncées à l’article 63 du texte européen. Compte tenu de ces prémisses, notre
question est alors la suivante : pourquoi ne pas admettre la force du certificat européen
dans l’inscription dans les registres fonciers français, dès lors qu’il porte les informations
requises à l’attestation notariée par le décret de 1955 ?
513. En vue d’y répondre, nous estimons utile d’en comparer les contenus. Commençons
par l’attestation notariée : celle-ci demande en première lieu l’établissement des
renseignements relatifs aux parties ainsi qu’à leur conjoint, certifiés par un notaire,
huissier, avoué ou autre autorité administrative (art. 5, décret 4 janvier 1955). Viennent
ensuite les informations concernant les immeubles (nature, situation, contenance,
désignation cadastrale), prévues à l’article 7 du même décret, ainsi que celle relatives à
l’éventuelle présence de privilèges ou hypothèques (art. 11 et s., décret 4 janvier 1955)
ou encore de servitudes et des mitoyennetés. Cet acte doit également indiquer si les
successibles ou légataires ont accepté, en précisant éventuellement les modalités de cette
acceptation (art. 29, décret de 1955), et doit contenir une évaluation des biens qui y sont
énoncés en vue de déterminer le montant des droits de publicité foncière693.
514. Prenons maintenant le contenu du certificat européen, ainsi qu’il est énoncé à
l’article 68 du Règlement. Ce document prévoit d’abord l’indication des renseignements
concernant l’autorité émettrice, suivis par ceux concernant le demandeur, le défunt ainsi
que les bénéficiaires (art. 68, paragraphe 1, points a-g). En second lieu, viennent les
informations relatives au régime matrimonial ou à l’existence d’un contrat de mariage
((art. 68, paragraphe 1, point h), avant de passer aux renseignements directement liés à la
succession (loi applicable, succession ab intestat ou testamentaire, modalités
d’acceptation), ainsi qu’aux droits ou biens successoraux revenants aux héritiers et
légataires (points i-m, article 68, Règlement).
515. Or, compte tenu de la liste détaillées prévues par le Règlement Successions à son
article 68, affirmer par principe que le certificat européen est incomplet semblerait plutôt
incorrect. En effet, les renseignements concernant les parties sont bien présents dans les
693 IBIDEM, p. 3.
275
deux cas, de même que ceux relatifs à la succession et à son acceptation. Quant aux biens,
il est permis de souligner que l’annexe V au formulaire IV du Règlement, établissant le
modèle du certificat européen, indique à son n° 9 que pour l’identification des biens
attribués à l’héritier, le demandeur doit non seulement préciser tous les éléments
d’identification pertinents, mais aussi que dans l’hypothèse de biens enregistrés, celui-ci
doit fournir toutes les indications requises par la loi de l’Etat membre dans lequel le
registre est tenu (par exemple l’adresse, le cadastre, le numéro de parcelle ou numéro
cadastral, la description du bien), en y joignant si nécessaire les documents pertinents. Il
en est de même pour les droits des légataires, pour lesquels l’annexe V au formulaire V
du Règlement dispose, à son n° 5, que doivent être indiqués les biens pertinents ainsi que
les éléments permettant de les identifier, et que pour chacun d’entre eux doit figurer
l’indication si le légataire en a acquis la propriété ou d’autres droits. Dans cette dernière
hypothèse, le demandeur doit alors mentionner la nature de ces droits et les éventuelles
autres personnes jouissant de ces derniers sur les biens successoraux en cause. Si enfin
lesdits biens sont enregistrés, la partie intéressée doit fournir toutes les informations
requises en vertu de la loi de l’Etat membre dans lequel le registre est tenu, afin d’en
permettre ainsi une identification précise.
516. Dès lors, à la lumière de ces considérations, il est possible d’affirmer que malgré la
prévision de l’article 63 du Règlement qui limite les finalités du certificat à la seule preuve
des qualités héréditaires et des pouvoirs des tiers administrateurs, la portée d’un tel
instrument est en réalité bien majeure. Certes quelques faiblesses restent présentes (il
suffit de penser aux incertitudes supra analysés en matière de régimes matrimoniaux, ou
encore à l’absence de mentions relatives aux questions fiscales), mais attendu que le
Règlement admet que l’autorité nationale sollicite la production de documents ultérieurs
lorsque ces derniers sont requis par le droit local, il serait bien possible que le certificat
européen, allant remplacer l’acte de notoriété d’une part et l’attestation notariée d’autre
part694, soit complété par des renseignements ou activités complémentaires exigées, le cas
échéant, par le système français.
694 Alors que selon l’opinion dominante en doctrine, le certificat européen, étant finalisé à la preuve des
qualités héréditaires, ne remplacerait que l’acte de notoriété et pourrait dès lors servir de base pour dresser
l’attestation de notoriété (voir not. E.JACOBY, Le certificat successoral européen et les registres fonciers,
op. cit., p. 3 ; B.REYNIS, Le certificat successoral européen, un acte authentique européen, op. cit., p. 772 ;
J-F.SAGAUT, Le certificat successoral européen : un acte en quête de notoriété, op. cit., p. 1087, n° 4).
276
517. Une telle pratique n’impliquerait donc pas une remise en question des fondements
de l’article 29 du décret de 1955, celui-ci restant bel et bien valable pour toute
transmission ou constitution mortis causa d’un droit réel immobilier découlant d’une
succession interne, mais demanderait tout simplement une révision de son champ
d’application dans le cadre d’une succession internationale. Ainsi, dans ladite hypothèse,
la procédure à suivre pourrait être divisée en trois étapes : en premier lieu, l’autorité
chargée des formalités d’inscription serait préalablement appelée à un double contrôle du
certificat, formel et substantiel, sur la base des dispositions du Règlement ainsi que des
règles nationales en matière de publicité foncière695. Ensuite, une fois son authenticité et
son contenu complet vérifiés, des renseignements complémentaires pourraient alors être
sollicités, si nécessaires, par cette même autorité selon les modalités posées par la loi
locale (par exemple le paiement des taxes de publicité foncière, ou bien la traduction du
certificat lorsque celui-ci est rédigé dans la langue de l’Etat d’origine). In fine, le
demandeur ayant produit les documents requis pourrait à son tour solliciter l’autorité
compétente afin qu’elle procède à leur formalisation, indispensable pour la transcription
des droits en cause dans les registres pertinents696.
518. On voit donc bien qu’une telle vision n’irait pas à l’encontre des exigences françaises
en matière de publicité foncière. A contrario, les conditions requises par le décret de 1955
resteraient préservées, mais désormais grâce à l’intervention de deux actes : soit
l’attestation de notoriété pour toute succession interne ou internationale ne prévoyant pas
de certificat européen délivré dans un autre Etat membre ou n’ayant pas pour objet des
biens à enregistrer en France ; soit le certificat successoral européen, dès lors que ce
dernier a été délivré par l’autorité d’un autre Etat membre dans le cadre d’une succession
internationale et que son équivalence substantielle aux documents nationaux a été établie.
Dans cette dernière hypothèse, le certificat serait ultérieurement complété par les
éventuelles formalités ultérieures non prévues dans l’instrument européen mais requise
695 À cet égard, il convient en effet de noter que même si le Règlement dispose, au paragraphe 1er de l’article
69, que le certificat produit ses effets dans tous les Etats membres sans besoin de recourir à aucune
procédure, reste la limite posée par son paragraphe 5 en matière de publicité foncière. Par conséquence,
compte tenu aussi de l’hostilité de certains Etats membres, il est préférable d’adopter une position prudente
dans ce domaine, en admettant que l’autorité chargée de l’inscription doit toujours, du moins dans ses
premières applications, procéder à un test de compatibilité préalable avec le droit local.
696 C’est ce que proposait R.CRONE, Certificat successoral européen, in G.KHAIRALLAH-M.REVILLARD,
Perspectives du droit des successions européennes et internationales, op. cit., p. 168.
277
par le droit interne pour l’accès aux registres pertinents.
519. Il est certes vrai que, du moins dans une première période, une telle approche risque
de ne pas être ni automatique ni plus rapide de la procédure traditionnelle fondée sur
l’attestation notariée, le contrôle du contenu du certificat pouvant parfois prendre un
certain temps et les parties ne disposant pas toujours, dans l’immédiat, des éventuels
renseignements complémentaires demandés697. L’on conviendra, toutefois, qu’à l’instar
de tout nouvel instrument de droit international matériel, le certificat européen nécessite
d’un certain moment pour qu’il devienne partie intégrante de la pratique quotidienne des
opérateurs du droit. Si donc dans une première période il est fort probable que cette
évaluation d’équivalence conduise à des retards dans la procédure d’inscription, nous
sommes néanmoins convaincus que son usage répété favorisera une simplification des
opérations successorales transfrontalières, tant en matière de preuve des qualités
héréditaires (allant remplacer l’acte de notoriété), que dans le domaine de la publicité
foncière (en substituant, si équivalent, l’attestation de notoriété). Accepter ces
aménagements permettrait ainsi d’éviter la duplication des documents produits dans
différents Etats membres et donc une plus effective simplification de la succession
transfrontalière, le certificat européen pouvant globalement répondre aux conditions
imposées par la publicité foncière française ; d’autre part, elles assurent que les
informations ultérieures demandées par la législation interne soient présentées par le
demandeur, en conciliant de cette manière l’exigence d’intégration européenne avec le
devoir de respecter de la souveraineté nationale.
520. Par ailleurs, le système français ne serait pas le seul à devoir adopter cette
perspective. L’équivalence du certificat européen aux documents nationaux serait en effet
possible, sous peine de satisfaire toutes les conditions requises, même dans le droit italien.
697 C’est pourquoi l’article 77 du Règlement dispose, à son paragraphe 2, que les Etats membres sont appelés
à fournir « des fiches descriptives énumérant tous les documents et/ou informations habituellement exigés
aux fins de l’inscription de biens immobiliers situés sur leur territoire ». Cependant, il convient de constater
qu’à ce jour, bien que le Règlement soit devenu applicable depuis plus d’un an, peu d’Etats ont réponde à
cette demande, la plupart se limitant à fournir des indications générales et non mises à jour (v. la plateforme
mise en place par la Commission européenne dans le cadre du réseau judiciaire européen matière civile et
commerciale www.e-justice.europa.eu). Néanmoins, il convient de remarquer que d’autres tentatives de
coopération en matière de publicité foncière ont été développés par certains Etats membres, telles que la
« European Land Registry Association » (E.L.R.A.), née en 2002 en vue de faciliter les échanges
d’informations et l’accès aux registres fonciers entre les pays participants (pour un aperçu de l’activité de
cette organisation, v. son site www.elra.eu).
278
β. Le certificat successoral européen et l’accès à la publicité foncière italienne
521. Le système italien, on l’a vu (supra n°472), ne s’éloigne pas dans sa globalité du
droit français. Nous analyserons d’abord l’organisation de la publicité foncière au niveau
national, pour étudier ensuite les effets du certificat européen dans les régions appliquant
le système du Livre foncier germanique.
β.1. Le certificat européen et la « nota di trascrizione »
522. Similairement au régime français, la « trascription »698 d’un achat à cause de mort
est subordonné au respect d’un certain nombre de conditions, à savoir la présentation, à
l’autorité chargée de cette opération, de quatre actes distincts : l’acceptation de la
succession ; le certificat de mort du défunt ; l’extrait du testament, si la succession est
testamentaire ; la « nota di trascrizione », c’est-à-dire l’acte notarié renseignant les
informations relatives au défunt, aux ayant-droits et aux biens successoraux (art. 2660,
Code civil). Ainsi, comme pour l’attestation de notoriété française, se pose le problème
d’établir si le certificat successoral européen, devenu partie intégrante du droit italien
depuis le 17 août 2015, pourrait remplacer, en tant qu’équivalent, les documents requis
par le code civil italien en matière de publicité foncière.
523. Sur ce point, déjà lors de la présentation de la proposition de Règlement de 2009
certains auteurs avaient préconisé un « demi-effet » du certificat européen sur les
conditions d’accès aux registres fonciers italiens699. Ainsi, selon cette approche,
698 Sur la transcription des achats à cause de mort dans le système italien, v. ex multis S.TONDO, Sulla
trascrizione di acquisti immobiliari a causa di morte, in Vita notarile, 2001, I, pp. 1182 et s. En général sur
la procédure de la transcription en Italie, v. G.BARALIS, La pubblicità immobiliare fra eccezionalità e
specialità, Padoue, Cedam, 2010 ; A.ZACCARIA-S.TROIANO, Gli effetti della trascrizione, 2ème éd., Turin,
2008 ; R.TRIOLA, Della tutela dei diritti. La trascrizione, in M.BESSONE (sous la direction de), Trattato di
diritto privato, 3ème éd., Turin, 2012.
699 v. not. F.PADOVINI, Il certificato successorio europeo, in EDP, 2013, pp. 739 et s.; Il certificato
successorio europeo, in Famiglia e Successioni, Liber Amicorum Dieter Henrich, Turin, 2012, p. 222. En
général sur les premières observations en matière de certificat européen, v. CAFARI PANICO, L’efficacia
degli atti pubblici stranieri. La proposta di regolamento su giurisdizione e legge applicabile a successioni
e testamenti, in M.C.BARUFFI-R.CAFARI PANICO (sous la direction de) Le nuove competenze comunitarie.
Obbligazioni alimentari e successioni, Padoue, 2009; F.TROMBETTA PANIGADI, Osservazioni sulla futura
disciplina comunitaria in materia di successioni per causa di morte, in G.VENTURINI-S.BARIATTI (sous la
direction de), Nuovi strumenti dei diritto internazionale privato. Liber Fausto Pocar, 2009, pp. 951 et s.
279
l’instrument européen aurait pu remplacer les trois premiers documents indiqués par
l’article 2660, Code civil (c’est-à-dire l’acceptation de l’hérédité, le certificat de mort
ainsi que l’extrait du testament), mais il n’aurait pas été en mesure de se substituer à la
nota di trascrizione qui serait donc restée obligatoire. Néanmoins, une nouveauté
s’ajoutait : cet acte notarié aurait dû préalablement mentionner de la présence du certificat
européen, en tant que moyen de preuve des qualités héréditaires déclarées par le
demandeur. Dès lors, tel était le résultat : l’autorité italienne compétente à la transcription
aurait certes accepté, à la place des trois premiers actes mentionnés, le certificat
successoral délivré dans un autre Etat membre, mais celui-ci n’aurait pas été suffisant
pour la mise à jour des registres nationaux.
Or, à cet égard, il est permis d’avancer les mêmes observations soulevées relativement à
la prise de position française.
524. Prenons en effet le contenu de la nota di trascrizione, selon les indications énoncées
au précité article 2660, paragraphe 2, du code civil italien. Ainsi, cet acte doit renseigner
les informations suivantes : l’identité des parties intéressées (soit, les bénéficiaires de la
succession et le de cujus) ; les indications concernant la succession (notamment la date
d’ouverture et la nature de la succession ab intestat ou testamentaire) ainsi que
l’éventuelle présence de conditions ou restrictions aux droits successoraux ; les
informations relatives aux biens concernés par la transcription (c’est-à-dire leur nature et
leur situation). Or, si l’on compare l’ensemble de ces éléments avec les indications
requises par le Règlement à son article 68, on voit bien que d’un point de vue substantiel
ces deux documents paraîtraient globalement équivalents. En effet, dans les deux cas sont
mentionnées les renseignements relatifs aux parties, les indications concernant la
succession ainsi que les informations en matière de biens successoraux700. Qui plus est,
le certificat européen satisfait bel et bien le caractère de l’authenticité et n’exige pas, en
vertu de l’article 74 du Règlement, précité, aucune légalisation ou formalité analogue,
contrairement à la condition posée par l’article 2657, alinéa 2, Code civil.
700 En effet, comme indiqué supra n°513 et s., les deux annexes IV et V au formulaire V du Règlement
prévoient, respectivement à l’égard des droits de l’héritier et des droits du légataires, le devoir pour le
demandeur d’indiquer toutes les informations permettant une identification précise du bien immeuble, de
même que les renseignements requis par l’Etat membre où le registre est tenu, dans le cas d’un bien
enregistré.
280
525. Par conséquent, si l’on combine ces constatations avec le considérant 18 du
Règlement et, plus en général, avec les objectifs d’harmonisation européenne des
successions internationales, une série de propositions peuvent être avancées. D’abord
nous savons que l’article 2660, Code civil, demande, en vue d’obtenir l’inscription dans
les registres fonciers, de présenter les documents précédemment énoncés (à savoir l’acte
d’acceptation de l’hérédité, le certificat de décès, l’éventuel extrait du testament et la nota
di trascrizione en double version originale). Nous avons également démontré que le
certificat européen, du fait de son contenu très détaillé, est capable de se substituer non
seulement aux trois premiers documents, mais également à la nota di trascrizione à
l’égard de laquelle il est substantiellement équivalent. Prenons maintenant l’article 2664,
Code civil, selon qui l’autorité compétente à la tenue des registres doit classer, une fois
reçu les actes mentionnés par l’article 2660, Code civil, précité, la nota di trascrizione
dans le registre correspondant en précisant leur date de dépôt (paragraphe 1er). Cette
même autorité doit ensuite restituer au demandeur l’un des deux originaux de la nota,
portant mention de l’inscription du titre sur les registres fonciers (paragraphe 2).
526. Or, étant donné que le certificat européen, ainsi que nous venons de voir, est
substantiellement équivalent à la nota di trascrizione et qu’il est en mesure de remplacer
les autres documents demandés par l’article 2660, Code civil, pourquoi ne pas admettre
la capacité de cet instrument à accéder directement aux registres nationaux,
éventuellement accompagné par une nota simplifiée se limitant à fournir les coordonnées
du demandeur ? La solution pourrait ainsi être la suivante : le certificat européen délivré
dans un Etat membre est reçu en Italie et porte sur des biens immeubles situés dans ce
pays. L’autorité compétente procède aux vérifications nécessaires afin de contrôler
l’équivalence substantielle du certificat européen avec les documents demandés par la
législation italienne et sollicite, en cas d’absence, la production de pièces ou
renseignements ultérieurs. Ainsi, il pourrait être par exemple exigée de fournir une
traduction du certificat lorsque celui-ci est rédigé dans la langue de l’Etat membre
d’origine, ou encore l’autorité italienne pourrait exiger que la partie intéressée accomplie
le paiement des taxes de publicité foncière, non prévues par le certificat européen. Une
fois que tous les renseignements sont fournis, le certificat pourrait alors être présenté à
l’autorité chargée de l’inscription dans les registres fonciers, ensemble avec deux doubles
originaux d’une nota di trascrizione au contenu simplifié, se limitant à indiquer les
informations du demandeur ainsi que les coordonnées du certificat européen. Ce
281
document maintiendrait dès lors sa fonction de publicité des achats à cause de mort, tout
en apportant une simplification dans la procédure d’inscription par le simple renvoi au
certificat successoral européen.
527. D’un point de vue matériel une telle pratique ne conduirait donc pas à l’abrogation
de l’article 2660 du code civil, la nota di trascrizione « traditionnelle » restant un
document indispensable pour accéder aux registres fonciers locaux dans toute succession
interne ou transfrontalière ne prévoyant pas de certificat successoral étranger ou lorsque
celui-ci n’a pas pour objet des biens à enregistrer en Italie. Cependant, dès lors qu’un
certificat européen a été délivré par l’autorité d’un autre Etat membre et qu’il porte sur
des biens immeubles localisés sur le territoire italien, une adaptation de l’article 2660 du
Code civil aux nouvelles règles européennes serait souhaitable. Ainsi, nous pourrions
envisager une disposition additionnelle à ledit article, prévoyant que dans l’hypothèse de
l’acquisition d’un bien immeuble mortis causa intéressant une succession transfrontalière
ouverte dans un Etat membre de l’Union, le certificat européen tient lieu des documents
mentionnés dans le premier alinéa (c’est-à-dire l’acceptation de la succession, le certificat
de mort du défunt et l’extrait du testament) et se substitue à la nota di trascrizione
indiquée dans le deuxième alinéa, si substantiellement équivalent à celle-ci. En cas positif,
le certificat est alors présenté à l’autorité compétente aux inscriptions, ensemble avec une
nota simplifiée mentionnant les seuls renseignements du demandeur et le numéro de
référence du certificat européen auquel il est fait renvoi. A contrario, si les indications
fournies par l’instrument européen nécessitent une intégration et que celle-ci n’est pas
apportée par le demandeur, ce dernier serait alors obligé de suivre la procédure ordinaire
admettant la substitution, par le certificat, des seuls documents indiqués dans le premier
alinéa de l’article 2660, Code civil.
528. La solution ayant donc été posée au niveau national, reste maintenant à vérifier si
cette même approche peut être suivie dans les régions italiennes prévoyant un système de
publicité fondé sur le « Livre Foncier » germanique701.
701 Contrairement au système foncier italien fondé sur le critère personnel, le système du Livre foncier
d’origine germanique se base sur un critère réel. Cela implique alors que l’inscription d’un certain acte dans
le Livre ne remplit pas une fonction purement déclarative, mais constitutive et donc nécessaire afin que le
transfert du bien immobilier puisse produire ses effets entre les parties. L’autorité chargée à cette opération
ne doit donc pas se limiter au seul contrôle que l’acte en question appartienne à la catégorie de ceux devant
être transcrits, mais doit au contraire accomplir une série de vérifications préalables sur le respect des
formalités requises par la « Legge tavolare ». En général sur les différences entre le système national et le
282
β.2. Le certificat européen et le certificat d’héritier
529. En matière, l’article 3, Décret Royal du 29 mars 1929, n° 499, précité, indique que
pour tout transfert ou constitution de la propriété ou d’un autre droit réel immobilier à
cause de décès, la partie doit présenter à l’autorité compétente pour l’inscription le
certificat d’héritier, selon les dispositions prévues aux article 13 et suivants du même
texte. Ces dernières prévoient ainsi que le certificat doit indiquer les qualités héréditaires,
la part revenant à chaque héritier (ou les droits revenant à un légataire déterminé), ainsi
que les biens successoraux la composant (art. 13, D.R. 29 mars 1929). Si toutefois la
succession est testamentaire, au certificat d’héritier s’ajoute le certificat de mort du défunt
et l’original du testament ou une copie certifiée conforme (art. 14, D.R. 29 mars 1929) ;
si en revanche la succession est ab intestat, le demandeur doit produire, en addition au
certificat d’héritier, le certificat de mort et les actes de l’état civil renseignant son degré
de parenté avec le de cujus (art. 15, D.R. 29 mars 1929).
530. Or, si l’on fait référence maintenant au certificat européen introduit par le
Règlement, deux remarques peuvent être avancées : en premier lieu, cet instrument
prévoyant tous les éléments requis par l’article 13 du décret de 1929, celui-ci pourra bien
remplacer le certificat d’héritier des régions du Nord de l’Italie702. De plus, étant donné
que les conditions complémentaires demandés par les articles 14 et 15 du même texte sont
satisfaites par le certificat européen, celui-ci renseignant tant sur la nature de la succession
(art. 68, points j-n, Règlement) que sur les rapports entre le défunt et le bénéficiaire (art.
68, point e, Règlement), il est permis de conclure que cet instrument pourrait valablement
répondre aux conditions imposées pour l’accès au Livre foncier nord-italien, tout en
restant ferme la possibilité de solliciter des informations ou documents ultérieures si
nécessaires. Là encore, cela ne comporterait certainement pas une réforme radicale
portant sur l’organisation des livres fonciers, mais il est clair que dans les hypothèses
d’intervention d’un certificat européen délivré dans un autre Etat membre et ayant pour
objet un bien immeuble situé dans ces territoires de l’Italie, la substantielle équivalence
système du Livre foncier, v. L.BATTISTELLA, Il trust e le implicazioni di diritto tavolare, in Trusts e attività
fiduciarie, 2006, 1, pp. 27 et s. ; G.GABRIELLI-F.TOMMASEO, Commentario della legge tavolare, op. cit.,
pp. 35 et s. ; G.SICCHIERO, La trascrizione e l’intavolazione, Turin, UTET, 1993.
702 La force du certificat européen sur le certificat d’héritier italien a d’ailleurs déjà été démontrée dans la
première partie du présent chapitre en relation à la possible coexistence de deux certificats (v. supra n°).
283
entre le document européen et le certificat d’héritier national ne pourrait pas être ignorée.
531. C’est ainsi que similairement aux aménagements proposés pour l’inscription dans
les registres nationaux, nous envisageons des possibles adaptations pour l’accès au
système du Livre foncier nord-italien. En effet, suivant l’article 3, D.R. de 1929, en vue
d’obtenir l’inscription du titre dans le Livre foncier, l’intéressé en doit présenter demande
(dénommée « istanza tavolare ») à l’autorité territorialement compétente, en y joignant
le certificat d’héritier ainsi que les pièces prouvant le paiement des impôts de la
succession et des droits d’inscription. Cette documentation est par la suite contrôlée par
une juridiction spéciale (c’est le « giudice tavolare ») qui, en cas affirmatif, autorise par
émission d’un décret l’inscription demandée dans le Livre foncier.
532. Or, si l’on admet que dans le cadre d’une succession transfrontalière intra-
européenne le certificat d’héritier peut valablement être remplacé par le certificat
successoral européen, le résultat pourrait être le suivant : avant la présentation de l’istanza
tavolare, le demandeur procède au paiement des impôts sur la succession et des droits
d’inscription ; ces formalités accomplies, la demande est alors présentée à l’autorité
compétente, en y joignant le certificat successoral européen dûment traduit si rédigé dans
une langue étrangère. Une fois ces documents déposés, la juridiction compétente procède
alors à leur examen, en vérifiant notamment si les renseignements fournis par le certificat
européens satisfont les conditions requises par la législation locale. En cas positif le décret
est émis et, sur la base des indications fournies par le certificat européen, le titre peut être
inscrit dans le Livre foncier.
533. Certes, les solutions que nous venons de proposer ne prétendent pas d’aller résoudre
toutes les complications liées aux divergences dans l’organisation des registres fonciers
nationaux, ni de s’applique de manière immédiate aux successions internationales
ouvertes après le 17 août 2015. Cependant elles offrent un possible changement de
perspectives pour les Etats membres, désormais Ce que nous demandons donc aux
législateurs n’est pas d’ignorer les prérogatives locales à la base du système de la publicité
foncière, mais d’être capable et de faire preuve d’adaptation face aux instances, désormais
de plus en plus nombreuses, d’intégration européenne.
284
Conclusion du Chapitre III
534. En conclusion à ce troisième chapitre consacré au fonctionnement du nouveau
certificat successoral européen, nous pouvons constater qu’une effective harmonisation
du droit international privé des successions ne passe par la seule unification des règles de
conflits, mais demande en parallèle un rapprochement des Etats membre sous le profil du
droit matériel. Une telle uniformisation est possible, réelle et actuelle. L’Europe du
présent est en crise, les instances nationalistes sont de plus en plus nombreuses et la
remise en discussion des libertés fondamentales ayant forgé la construction
communautaire est désormais à l’ordre du jour. C’est donc dans un tel contexte que le
législateur de l’Union doit montrer tous les avantages d’un espace commun de liberté,
sécurité et justice. Il est vrai qu’une prise de position plus nette de sa part, notamment
sous l’aspect des effets du certificat successoral européen sur les registres fonciers, aurait
été le bienvenu, en évitant sinon toute, du moins une bonne partie, des incertitudes que
nous nous sommes proposés de résoudre au cours de ce travail. Toutefois les solutions
que nous avons proposées démontrent que le certificat européen peut concrètement
parvenir à ces objectifs et ainsi représenter un symbole dans le chemin de l’intégration
européenne.
Reprenons nos idées principales.
1. D’abord les conflits entre certificats. Sauf cas exceptionnels que nous avons
mentionnés, du moment où l’intéressé demande la délivrance d’un certificat
européen, ce dernier devrait primer sur tout autre document national émis dans le
même Etat membre ou dans un Etat membre différent. Compte tenu de sa
circulation simplifiée, il serait par ailleurs souhaitable que les autorités nationales
invitent au recours à ce document européen, en vue d’en permettre son
développement et son affirmation dans le traitement d’une succession intra-
européenne. À cette fin, une collaboration entre les autorités compétentes,
ensemble avec les instruments fournis dans le cadre de la coopération judiciaire
en matière civile, est nécessaire pour faciliter l’emploi de cette procédure et la
rendre ainsi encore plus avantageuse pour les bénéficiaires d’une succession
internationale.
285
2. Ensuite la question des régimes matrimoniaux. Ici encore, comme pour les conflits
entre certificats, c’est une approche « européenne » qui devrait s’imposer. Or, la
notion d’approche « européenne », il convient de le préciser, ne signifie en aucun
cas rejet des solutions nationales. L’idée que nous avons tenté de proposer n’est
pas lointaine du raisonnement suivi pour l’exception d’ordre public : comme
écrivait le doyen Batiffol, il ne s’agit pas « d’adopter des solutions ou obtenir des
résultats identiques, quelles que soient leurs teneurs, mais de poser des règles qui
évitent le plus possible les incohérences dans les rapports privés
internationaux »703. La méthode de la reconnaissance de l’acte complémentaire
permettrait de parvenir à cet objectif dans le cadre des relations entre Etats
membres au Règlement.
3. Enfin se pose la question de la publicité foncière. C’est un terrain délicat où les
prérogatives nationales sont nombreuses. Toutefois là encore nous insistons sur
les objectifs du Règlement : harmoniser le droit international privé des
successions européennes pour favoriser et simplifier la circulation des citoyens au
sein de l’Union. Or, l’harmonisation est bien différente de l’unification : chaque
Etat maintient sa législation, mais dans le cadre d’une relation transfrontalière
entre pays membres se sont la flexibilité et l’ouverture qui doivent prôner.
Accepter que le certificat européen puisse accéder, sous condition de son
équivalence substantielle, aux registres nationaux, permettrait dès lors une
ultérieure simplification dans le traitement d’une succession internationale intra-
européenne, tout en garantissant le maintien des normes nationales en matière de
publicité.
703 H.BATIFFOL, Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, 1956, p. 220.
I
Conclusions générales
I. Si M. Savigny avait pu commenter le Règlement du 4 juillet 2012, il en aurait été très
probablement satisfait. Cet instrument ne parvient peut-être pas à la pleine « harmonie
des décisions » tant espérée par le juriste allemand1, pour autant ses 84 articles ont
profondément transformé le droit international des successions. Les échecs passés ont
démontré les complexités de la matière successorale, un domaine aux contours
indissociablement liés aux traditions historiques, sociales et culturelles d’un système
juridique donné. Ces difficultés sont d’ailleurs déjà bien visibles dans le secteur du droit
familial où d’abord le Règlement « Rome III » et récemment les Règlements n° 1103 et
n° 1104 du 2016 ont fait l’objet d’une procédure de coopération renforcée, liant ainsi une
seule partie des États européens. Or, on a vu que tel n’a pas été le cas pour le Règlement
Successions ; certes le choix d’opting-out par le Royaume-Uni et l’Irlande est fort
regrettable, mais le résultat obtenu est d’une extrême importance.
II. Ainsi, on a pu observer dans le premier chapitre que la pluralité des critères qui régnait
dans la période antérieure à 2012 n’était plus soutenable dans le contexte contemporain.
Dans un espace juridique européen de plus en plus intégré, l’uniformisation du droit des
successions internationales était dès lors indispensable pour garantir la réalisation de l’un
des objectifs primaires de l’Union : la liberté de circulation. Or, l’étude conduit dans la
première partie du travail prouve que dans son ensemble le Règlement y est parvenu. Les
règles de conflits, tant législatives que judiciaires, sont désormais unifiées par un seul
critère, la dernière résidence habituelle du défunt. C’est donc la fin de l’opposition entre
l’unité et la scission. Désormais tous les États membres du Règlement ont une seule et
commune référence, consacrée par les articles 4 et 21 du texte européen. Il en est de même
sur le plan de la professio juris ; ainsi, on a vu que si antérieurement au 4 juillet 2012
cette faculté n’était admise que dans un certain nombre de pays de l’Union, aujourd’hui
ce mécanisme appartient à tous les États membres, selon un critère identique pour tous
1 F.C. VON SAVIGNY, System des heutigen römischen Rechts, vol. 8. 1849, p. 27. Cette même idée est
reprise par. E.JAYME, Identité culturelle et intégration : le droit international privé postmoderne, in
Recueil des Cours, t. 251, 1995, p. 89, pour qui « l’harmonie des décisions constitue l’objectif central du
droit international privé ».
II
les systèmes. Vient enfin l’unification des règles de compétence indirecte. On a pu voir
que c’est un terrain déjà bien connu par le législateur européen et sur lequel se sont
principalement concentré les efforts d’harmonisation passés. C’est pourquoi la
reconnaissance mutuelle des décisions, ensemble avec l’acceptation des actes
authentiques, constituait une pièce indispensable pour que l’œuvre d’uniformisation du
droit des successions internationales puisse pleinement se réaliser.
III. Cette analyse d’ensemble présentée dans le premier chapitre du travail a donc montré
que le premier objectif poursuivi par le droit européen, l’harmonisation des règles de
conflits en matière de successions, dans son ensemble a bien été atteint. Le droit
international privé européen est ainsi aujourd’hui un exemple concret de collaboration
fructueuse interétatique : même dans les domaines les plus réticents aux effets de la
mondialisation et de l’internationalisation des relations, l’Union européenne est parvenue
à instaurer un système de règles communes entre ses membres.
IV. Cet indiscutable succès ne constitue toutefois pas la seule aspiration du législateur
européen. Certes, comme nous venons de voir, le Règlement a avant tout voulu introduire
un ensemble de règles coordonnées et uniques pour les successions internationales en
Europe ; pourtant, ainsi qu’il en ressort de ses premiers considérants, cette œuvre
d’harmonisation des normes de conflit est sœur d’un ultérieur projet : le rapprochement
(et, nous le soulignons, non pas l’unification) des droits matériels nationaux. Ce but est
d’ailleurs explicite dans le paragraphe 1er de l’article 81, TFUE : la coopération judiciaire
dans les matières civiles ayant une incidence transfrontalière peut inclure « l’adoption de
mesures de rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États
membres ». La perspective suivie par le législateur européen est dès lors celle de la
convergence des droits nationaux fondée sur des principes ou règles communes et non
pas, comme nous l’avons à maintes reprises affirmé, celle de la création d’un droit
substantiel unique à tous les systèmes. Une telle exigence ne serait d’ailleurs pas tolérée
par les législateurs nationaux. Ainsi que le démontrait il a vingt-ans Pierre Legrand, le
rapprochement des droits nationaux en raison de la prolifération des textes
communautaires ne serait pas en mesure d’éliminer les profondes divergences existantes
dans la façon de raisonner du common lawyer et du juriste civiliste2. Les différences
2 P.LEGRAND, European Legal Systems are not Converging, in ICLQ, 45, 1996, pp. 52 et s.
III
analysées en matière de réserve héréditaires ou de pactes successoraux sont d’ailleurs la
preuve évidente de ces difficultés.
V. Néanmoins ces différences n’ont pas et ne doivent pas bloquer le parcours de
l’intégration européenne ; l’identité des droits apparaissant comme trop ambitieux, c’est
donc sur le terrain plus « malléable » des règles de conflits que s’est concentrée l’action
harmonisatrice de l’Union dont le Règlement n° 650/2012 en est l’un des derniers et
meilleurs produits. Le résultat de cet instrument n’est donc pas l’adoption d’un droit
successoral européen substantiel ; cependant limiter ses effets au seul plan du droit
international privé classique serait trop restreint. L’espace de sécurité, de liberté et de
justice, invoqué par le législateur européen dans le premier considérant du Règlement, ne
vise en effet pas la seule et simple uniformisation des règles de conflits. Certes chaque
État maintient ses règles spécifiques, mais afin d’éviter toute entrave à la liberté de
circulation des personnes sur le territoire de l’Union, le traitement des litiges
internationaux doit pouvoir se fonder sur des bases communes non seulement sur le
terrain des règles de conflits mais aussi sur celles de droit matériel.
VI. La fonction du droit international privé de dérivation européenne se voit dès lors
amplifiée par rapport au droit international privé strictement entendu : ce qui est recherché
ici n’est en effet plus la seule « harmonie internationale des décisions », mais un résultat
ultérieur fondé sur l’essence même du projet européen. Comme le souligne Andreas
Bucher, ce dernier n’est en effet plus limité par son objectif initial de la création d’un
marché commun, mais vise aujourd’hui à une finalité plus ambitieuse : la finalité sociale3.
Ainsi, l’individu n’est plus un simple consommateur ou entrepreneur, mais c’est aussi et
surtout un citoyen qui, en tant que tel, doit pouvoir être en mesure d’exercer de manière
libre et certaine les droits lui étant attribués. Or, nous avons vu au cours de notre travail
que l’uniformité apportée par le Règlement Successions peut assurer de telles garanties
de deux manières : d’une part à travers une interprétation stricte et européenne de l’ordre
public ; d’autre part par le biais d’une flexibilité et adaptation des États membres dans la
mise en circulation du certificat successoral européen.
3 A.BUCHER, La dimension sociale du droit international privé, in Recueil des Cours, t. 341, 2009, p. 39.
IV
VII. Reprenons la notion de l’ordre public. Celui-ci naît certes comme une source
d’affrontement entre les droits, agissant comme un gardien des valeurs fondantes chaque
système national. Mais comme l’affirmait dans sa thèse Paul Lagarde, l’ordre public peut
aussi agir comme un facteur de coexistence des droits, en favorisant « une combinaison
cohérente » des systèmes en présence4. Cela suppose alors une flexibilité et une tolérance
de la part du for, non pas appelé à renoncer à ses principes essentiels mais appelé à
rechercher les adaptations nécessaires dans l’interprétation du droit interne en vue de
garantir la résolution harmonieuse des conflits internationaux. Or, nous avons vu au cours
du deuxième chapitre du travail qu’une telle approche est possible par les États membres
au Règlement.
VIII. D’abord par le place de premier rang occupée par la sauvegarde des droits de
l’homme dans tous les systèmes européens. Ainsi, nous avons tenté de démontrer que
grâce aux instances supranationales, in primis représentées par l’œuvre d’interprétation
de la Cour de Strasbourg et par l’adoption de la Charte des droits fondamentaux de
l’Union, les États membres partagent désormais des valeurs (en principe) conçues de
manière commune. Si donc l’ordre public reste et doit rester un moyen de défense contre
les possibles atteintes aux droits humains provenant des États tiers, il est difficilement
concevable que la loi successorale d’un pays membre ou une décision prononcée par ses
juridictions soit « manifestement » contraire à un droit fondamental de l’individu. Certes
des exceptions peuvent surgir, mais une telle hypothèse devra alors être réglée, ainsi
qu’on a pu voir, par le caractère concret et actuel de l’ordre public et non pas par une
fermeture automatique des portes d’accès au système du for. Tel est bien le cas de la
réserve héréditaire et des pactes successoraux : nous avons tenté de prouver que lesdites
institutions n’appartiennent pas (ou plus) en tant que telles au rang des principes
fondamentaux du for. Dès lors, si les divergences entre les systèmes nationaux
déterminent la mise en jeu de l’ordre public, celui-ci ne devrait être justifié que par la
contrariété, manifeste et concrète, de la lex successionis ou la décision provenant d’un
autre État membre aux valeurs essentielles du for, au sens européen du terme. A contrario,
la tolérance de l’Etat membre du for devrait en général prévaloir afin de garantir les
objectifs d’intégration du Règlement.
4 P.LAGARDE, Recherches sur l’ordre public en droit international privé, op. cit., p. 174.
V
IX. La conception de l’ordre public européen apparaît alors encore plus étroite que celle
traditionnellement admise en droit international privé. Il ne s’agit pas uniquement de
préserver les éléments fondamentaux propres à chaque système national, mais il s’agit
aussi de combiner ces principes désormais communs avec le processus d’intégration
européenne. Cette approche est d’ailleurs cohérente aux transformations ayant caractérisé
le droit international privé communautaire : pour garantir aux citoyens la pleine
jouissance des libertés fondamentales au sein de l’Union, l’ordre public classique
nécessite d’une adaptation aux exigences européennes. C’est ainsi que dans les relations
entre les États membres, comme nous avons vu dans le deuxième chapitre de ce travail,
l’application de cette clause ne doit intervenir que si les effets de la loi ou de la décision
étrangère sont véritablement contraires à ces valeurs fondamentales universellement
partagées et que leur atteinte ne pourrait être tolérée au nom d’autres principes essentiels
pour le droit de l’Union.
X. C’est alors ici que réside l’harmonisation des systèmes apportée par l’ordre public dans
le Règlement Successions : cette exception reste irréductible et ne pourrait être éliminée.
Néanmoins sa mise en œuvre dans une situation intra-communautaire doit prendre en
compte le contexte de son intervention et ne doit dès lors pas ignorer, dans le cadre d’une
relation entre États membres, les objectifs du droit international privé européen. Deux
considérations s’imposent ainsi au juge national : d’une part la non contrariété de loi ou
de la décision étrangère aux principes véritablement essentiels pour le for et pour toute
communauté de droit dans un sens plus large ; d’autre part, et dans l’absence d’une telle
violation, la mise en marche des adaptions les plus nécessaires afin de favoriser la
réalisation harmonieuse d’un espace de liberté, de sécurité et de justice en Europe.
XI. Cependant, on a vu dans le troisième chapitre que cet objectif de rapprocher les
systèmes nationaux ne pourrait être pleinement atteint sans la parallèle introduction de
mesures communes de droit matériel. Le certificat successoral devient dès lors un
instrument clé dans le projet d’harmonisation accompli par le Règlement du 4 juillet 2012.
C’est une mesure de droit substantiel, un instrument qui affecte directement les systèmes
nationaux et s’intègre aux mécanismes internes directs à prouver les qualités et pouvoirs
héréditaires. Sa création met ainsi véritablement en œuvre le rapprochement des droits
nationaux envisagé par l’article 81, paragraphe 1er, TFUE, précité. Dans cette optique le
certificat représente dès lors un extraordinaire pas en avant pour le droit international
VI
privé européen et pour le projet de construction d’un espace juridique commun
harmonisé.
XII. Certes, celui-ci ne remplacera pas les documents nationaux similaires ; toutefois
nous avons pu voir dans le dernier chapitre du travail qu’une coexistence harmonisée est
non seulement souhaitable mais possible. Là encore, la volonté des États membres en tel
sens est néanmoins indispensable : dans une succession transfrontalière, privilégions le
certificat européen ! Ses avantages sont évidents, nous l’avons constaté, et bien que le
législateur européen ait laissé quelques zones d’ombre, les solutions offertes par le droit
international privé peuvent les compenser et de cette manière faciliter son emploi. Ainsi
techniques comme la méthode de la reconnaissance, ou bien celles de l’adaptation ou de
l’équivalence fonctionnelle entre les instruments peuvent jouer un rôle crucial dans la
mise en marche effective et efficace du certificat européen.
XIII. L’adoption de telles mesures n’implique pas, nous le soulignons à nouveau, le rejet
des dispositions nationales en matière. Toutefois il faut accepter que le droit international
privé se développe et que les exigences de la société contemporaine appellent à une
adaptation. Notamment dans certains domaines comme le droit de la famille, de la
personne ou des successions, les instances de justice matérielle sont désormais centrales.
Ce qui compte n’est plus tout simplement la localisation de la loi applicable ou de la
juridiction, mais aussi le résultat substantiel auquel un certain droit national ou une
certaine décision aboutira. Si donc la fonction de la règle de conflit reste primaire pour la
résolution d’une situation transfrontalière, cette méthode n’est plus la seule à former le
contenu du droit international privé actuel. C’est le fameux « pluralisme des méthodes5 »
que M. Batiffol analysait déjà en 1973 et qu’aujourd’hui encore enflamme les débats. Les
techniques classiques ne permettant pas d’aboutir aux résultats espérés, d’autres
méthodes voient le jour et leur mise en jeu nécessite une adaptation et une évolution par
les ordre juridiques nationaux. L’objectif est désormais double : parvenir à la solution
plus adéquate pour le bon déroulement des relations interétatiques ; garantir la solution
plus convenable aux parties privés afin d’assurer la gestion harmonieuse des conflits.
5 Le pluralisme des méthodes en droit international privé, in Recueil des cours, t. 139, 1973
VII
XIV. Dans cette perspective, le certificat successoral peut alors représenter un banc
d’essai privilégié pour les systèmes des États membres au Règlement du 4 juillet 2012.
Les solutions proposées dans le troisième chapitre du travail nous montrent en effet que
cet instrument ne peut que partiellement fonctionner en absence d’une volonté commune
des législateurs nationaux de compléter les méthodes traditionnelles aux techniques plus
récentes de droit international privé. Ce qui est demandé aux pays membres n’est donc
pas de renoncer aux enseignements classiques, mais d’être en mesure de combiner les
principes traditionnels aux solutions modernes en vue de garantir une règlementation des
conflits plus « juste », certaine et efficace au sein de l’Union européenne. Partant, la
révolution apportée par le Règlement Successions ne resterait pas sans conséquences sur
l’évolution du droit international privé européen dans son ensemble. Grace à la
multiplicité de ses formes, cette branche du droit européen peut ainsi réellement devenir
un facteur crucial dans l’œuvre de rapprochement des droits nationaux.
XV. Ces considérations rappellent alors la thèse soutenue par Nicolas Machiavel dans le
chapitre II du « Le Prince » : tout changement en prépare inévitablement un autre6. Or, le
Règlement Successions ne conduira peut-être pas à un bouleversement immédiat et
automatique du droit international privé européen dans son ensemble, ni à une
convergence certaine des systèmes juridiques des États membres. Cependant les
changements qu’il apporte, et que nous avons tenté de présenter au cours de ce travail, ne
doivent pas être ignorés. Le chantier pour la construction d’un espace de liberté, de
sécurité et de justice est à un tournant : successions, régimes patrimoniaux, partenariats,
tout récemment même l’entrée en application du Règlement sur la saisie conservatoire
des comptes bancaires7. En dépit de sa crise économique et identitaire, l’Union
européenne n’abandonne pas ses ambitions de devenir une communauté juridique
harmonisée. Le premier pas vers l’instauration d’un droit international privé commun a
été franchi ; c’est au droit matériel maintenant d’en compléter les travaux.
6 « Sempre un mutamento lascia l’addentellato per il verificarsi di un ulteriore mutamento » (« ces sortes
de pierres d’attente qu’une révolution laisse toujours pour en appuyer une seconde », traduction de
J.GOHORY, 1571, reproduit aux Éditions Ivrea, Paris, 2001).
7 Règlement (UE) n° 655/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 portant création d’une
procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le
recouvrement transfrontalier de créances en matière civile et commerciale (JOUE, 27 juin 2014, L. 189/59).
Conformément à son article 54, cet instrument est applicable à partir du 18 janvier 2017 à tous les États
membres de l’Union européenne, sauf le Danemark et le Royaume-Uni (considérants 50 et 51).
VIII
i
INDEX
(Les numéros renvoient aux numéros des paragraphes)
A
Accord d’élection de for, 156 s.
Acte authentique,
- acceptation, 192 s.
- circulation, 438 s., 493 s.
- complémentaire, 429 s.
- définition, 193, 490 s.
- reconnaissance, 429 s., 438 s.
Acte de notoriété, 343, 359 s.
Attestation notariée, 471, 507 s.
C
Caractère universel, 140
CEDH, 213, 216 s.
Certificat d’héritier
- droit comparé, 343
- italien, 363 s., 529 s.
certificat successoral européen
- circulation, 459 s.
- compétence, 348
- conflits, 350, 353 s.
- contenu, 351, 405 s.
- délivrance, 347
- demande, 346 s.
- effets, 349, 352, 459 s.
- finalité, 346
- inscription dans les registres fonciers, 459
s.
- voies de recours, 349, 361
Champ d’application,
- matériel, 51 s.
- spatial, 48 s.
- temporel, 46 s.
Chartes des droits fondamentaux de l’UE, 213,
216
Coexistence (entre certificats), 353 s.
Collaboration entre autorités, 390 s.
Compétence judiciaire
- accord d'éléction de for, 156 s.
- compétence générale, 64 s.
- compétences dérivées, 73 s.
ii
- compétences subsidiaires, 70 s.
- déclinatoire de compétence, 75, 163 s.
Concubins
- contrat de cohabitation, 416 s.
Conflits de lois
- loi successorale, 78 s.
- professio juris, 27 s., 116, 138 s.
- renvoi, 17 s., 107 s.
- scission de la succession, 5 s.
- unité de la succession, 3 s., 58
Conjoint survivant
- certificat successoral européen, 405 s.
- pacte successoral, 309 s.
Convention de La Haye de 1973, 43, 344
Convention de La Haye de 1989, 30 s., 43
D
Décision
- force exécutoire, 187 s.
- libre circulation, 170 s.
- reconnaissance, 179 s.
Déclinatoire de compétence (voir Compétence
judiciaire)
Discriminations, 226, 228 s.
Dispositions mortis causa, 117 s.
Droit de prélèvement, 15
Droits réels
- adaptation, 466, 480 s.
- nature, 462, 465 s.
- publicité, 468 s.
Dualisme, 5 s.
E
États tiers, 73 s., 76, 100, 109 s., 226
Exception (clause), 84 s.
Exclusions, 52 s., 352, 460 s.
F
Forum necessitatis, 76 s.
Fraude à la loi, 128, 143, 155 s.
G
Grant of representation, 97
H
Héritier réservataire, 153, 316
J
Juridiction,
- certificat successoral européen, 348
- compétence (voir Compétence judiciaire)
L
Lex rei sitae, 39, 61, 142, 470 s.
Liberté testamentaire, 275, 304, 310
iii
Litispendance, 50, 365 s.
Livre foncier, 363, 521 s.
Loi applicable Voir conflits de lois
Lois de police, 102 s.
Loi successorale hypothétique, 91, 122 s.
M
Mariage homosexuel, 262
N
Notaire, 348, 365, 381, 400
O
Ordre public
- actuel, 302 s.
- au fond, 253 s.
- concret, 229 s., 284
- définition, 209 s.
- droits humains, 213 s.
- effet atténué, 257 s.
- européen, 225, 227, 338
- évolution, 210, 294, 306, 340
- pacte successoral, 309 s.
- procédural, 248 s.
- réserve héréditaire, 279 s.
P
Pacte successoral, 129 s., 309 s.
Partenariat, 238, 404, 407 s., 442 s., 446 s.
Polygamie, 257 s.
Présomption de véracité, 351, 387, 412 s., 437
Proches (du défunt), 279 s., 309 s.
Professio juris (voir Conflits de lois)
Publicité foncière, 457 s.
R
Reconnaissance
- certificat successoral européen, 438 s.
- décisions (voir Décisions)
- méthode, 422 s.
- ordre public, 248 s.
Régime matrimonial, 403 s.
Registres
- certificats successoraux européens, 371,
397 s.
- fonciers, 457 s.
Réglements européens
- Bruxelles I bis, 171
- Bruxelles II bis, 156
- du 24 juin 2016 mettant en œuvre une
coopération renforcée dans le domaine de
la compétence, de la loi applicable, de la
iv
reconnaissance et de l’exécution des
décisions en matière de régimes
matrimoniaux, 446 s.
- du 24 juin 2016 mettant en œuvre une
coopération renforcée dans le domaine de
la compétence, de la loi applicable, de la
reconnaissance et de l’exécution des
décisions en matière d’effets
patrimoniaux des partenariats enregistrés,
446 s.
- du 6 juillet 2016 visant à favoriser la libre
circulation des citoyens en simplifiant les
conditions de présentation de certains
documents publics dans l'Union
européenne, et modifiant le règlement
(UE) n. 1024/2012, 444
- Proposition de règlement du Parlement
européen et du Conseil du 14 octobre
2009 relatif à la compétence, la loi
applicable, la reconnaissance et
l’exécution des décisions, et l’acceptation
et l’exécution des actes authentiques en
matière de successions et à la création
d’un certificat successoral européen, 45 s.
Renvoi (voir Conflits de lois)
Réserve héréditaire
- droit comparé, 264 s.
- Règlement Successions, 153, 279 s.
Résidence habituelle, 81 s.
S
Sécurité juridique, 351, 429, 454
T
Testaments, 117 s., 151, 401, 472
Testaments conjonctifs, 148, 311 s.
Transactions judiciaires, 175, 191, 201 s.
Transcription, 472, 519, 522 s.
Transmission de la succession, 97 s.
U
Unité de la succession, 3 s., 58
BIBLIOGRAPHIE SÉLÉCTIVE
I. Ouvrages généraux
II. Ouvrages spéciaux, monographies, travaux collectifs, actes de colloques, thèses,
cours
III. Dictionnaires, encyclopédies et répertoires
IV. Chroniques, articles, communications
V. Jurisprudences
VI. Textes et documents
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Cass. civ. 1ère, 23 octobre 2013, n°12-21344
Cass. civ. 1ère, 25 mai 2016, pourvoi n° 15-16.935
Cons. Const., 5 août 2011, n° 2011-159 QPC, in Dalloz, 2012, 1228, observations de H.GAUDEMET
TALLON et F. JAULT-SESEKE ; in Défrénois, 2011, p. 1351, note de M.REVILLARD ; in JDI, 2012, p.
135, note de S.GODECHOT PATRIS;
Jurisprudence italienne
Trib. Bolzano, 8 mars 1968, in Riv. Giur. Alto Adige, 1968, p. 220
Trib. Chiavari, in Riv. dir. int. priv. proc., 1977, p. 379
Trib.Sanremo, 31 décembre 1984, in Riv. dir. int. priv. proc., 1986, p. 341
Trib. Napoli, sect. VI civ., 30 juin 2009, in Vita notarile, II, 2011, p. 755
C.A. Turin, 1er décembre 1968, in Clunet, 1976, p. 178
XXXVIII
C.A. Milan, 4 décembre 1992, in Riv. dir. int. priv. proc., 1994, p. 82
Cass. civ., 10 mars 1995, n° 2788, in Riv. dir. int., 1996, p. 1069
Cass. civ. 24 juin 1996, n°5832, in Riv. dir. int. priv. proc., 2000, p. 784
Cass. civ., 9 mars 1998, n°2622, in Foro it., 1999, I, p. 983
Cass. 2 mars 1999, n°1739, in Foro it., 1999, I, 1458, note de G.BALENA
Cass. civ. Sez. Un., 25 octobre 2004, n. 20644, in Giur. It., 2005, 1605
Cass. 28 décembre 2006, n°27592
Cass. civ., 15 mars 2012, n. 4184, in Riv. dir. int. priv. proc., 2012, p. 747
Cass. civ., 30 septembre 2016, n° 19599
Corte Cost., 14-15 avril 2010, n. 138, in GU, 21 avril 2010, n°16, série 1ère spéc.
Jurisprudences étrangères
Tribunal de Première Instance de Monaco, 23 février 1995, in Rev. crit. dr. int. priv., 1996, pp. 440
et s., note de B.ANCEL
CA Monaco, 17 avril 1972, Rev. crit. dr. int. priv., 1974, p. 76, note de Y.LOUSSOUARN
Cour Anvers, 22 avril 1986, Clunet, 1989, p. 768, note de L.BARNICH
High Court, 14 novembre 1929, Rev. crit. dr. int. priv., 1930, p. 130
Surrogate's Court of New York, 10 avril 1950, Clunet, 1950, p. 977
Oberlandesgericht Karlsruhe, 29 juin 1989, NJW, 1990, p. 1420
Landgericht Hambourg, 12 février 1991, in IPRechtssprechung, 1991, pp. 264 et s.
ATF, 102, II, 136, 1976, Hirsch c. Cohen (note 111, chap. II)
BverfGE (Bundesverfassungsgericht), 19 avril 2005, in NJW, 2005, p. 1561
Tribunal Supremo, 15 novembre 1996, Lowenthal, in IPRax, 1998, p. 135, note de E.RODRÌGUEZ
PINEAU
Tribunal Supremo, 15 novembre 1996, Lowenthal
SAP (Sentencia de la Audencia Provincial) de Málaga, 13 mai 2002
XXXIX
SAP Alicante, 27 février 2004; SAP Tarragona, 13 mai 2004
SAP Granada, 19 juillet 2004; SAP Barcellona, 28 septembre 2004
VI. TEXTES ET DOCUMENTS
Documents et législations internationales
« Les pactes successoraux », Bureau Permanent de la Conférence de La Haye de droit international
privé aux cours des travaux préparatoires à la Convention de La Haye sur la loi applicable aux
successions à cause de mort de 1989, in Conférence de La Haye de droit international privé, Actes et
documents de la Seizième session, vol. II, Successions-loi applicable, La Haye, 1990, pp. 222 et s.
Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions
testamentaires (disponible à l'adresse http://www.hcch.net/).
Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur l'administration internationale des successions,
disponible sur le site web de la Conférence de La Haye à l'adresse http://www.hcch.net/.
Convention portant loi uniforme sur la forme d'un testament international, adoptée à Washington le
26 octobre 1973 et entrée en vigueur en 1978 (http://www.unidroit.org/)
Documents et législations de l’Union européenne
Rapport sur la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, JO C 189 du 28 juillet 1990
« Le programme de La Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l'Union européenne »,
adopté par le Conseil européen réuni à Bruxelles les 4 et 5 novembre 2004. J.O. C 53 du 3 mars 2005
« Le programme de Stockholm - Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens », adopté
par le Conseil européen réuni à Bruxelles les 10 et 11 décembre 2009, J.O. C 115 du 4 mars 2010
« Les actes authentiques en matière de successions », Présidence du Conseil de l’Union européenne,
1er octobre 2010, document n°13510/10 JUSTCIV 156
Communication de la Commission européenne du 25 novembre 2013 « Libre circulation des citoyens
de l'Union et des membres de leur famille : cinq actions pour faire la différence », COM (2013) 837
final.
Livre vert « Successions et testaments » du 1er mars 2005 [COM (2005) 65 final]
Conclusions du Conseil de l’Union européenne sur le Réseau Judiciaire européen en matière civile et
commerciale, adoptées le 8 décembre 2016, 15349/16, [JUSTCIV 318]
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 octobre 2009 relatif à la
compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et
l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral
XL
européen, COM (2009) 154 définitif
Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la
compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et
l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral
européen, in J.O.U.E. L. 201, 27 juillet 2012, p. 107
RÈGLEMENT (UE) 2016/1191 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 6 juillet 2016
visant à favoriser la libre circulation des citoyens en simplifiant les conditions de présentation de
certains documents publics dans l'Union européenne, et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012,
in J.O.U.E. L. 200, 26 juillet 2016, p. 1
RÈGLEMENT (UE) 2016/1103 DU CONSEIL du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération
renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de
l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, in J.O.U.E. L. 183, 8 juillet 2016, p.
1
RÈGLEMENT (UE) 2016/1104 DU CONSEIL du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération
renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de
l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, in J.O.U.E.
L. 183, 8 juillet 2016, p. 30
VII. SITES INTERNET
www.successions-europe.eu
www.arert.eu.
www.e-justice.europa.eu
www.elra.eu
www.notaries-of-europe.eu
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