l’hypnose médicale dans le traitement de la douleur aigüe
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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINÉSITHÉRAPIE DE RENNES
L’Hypnose Médicale dans le traitement de
la douleur aigüe en Masso-kinésithérapie
en vue de l'obtention du diplôme d'État de Masseur-Kinésithérapeute
MULVÉNA CORALIEANNÉE 2011-2012
Ministère de la santé et des sportsRégion BretagneInstitut de Formation de Masso-kinésithérapie de Rennes
L’Hypnose Médicale dans le traitement de
la douleur aigüe en Masso-kinésithérapie
Sous la direction d'Hubert Gain
en vue de l'obtention du diplôme d'État de Masseur-Kinésithérapeute
MULVÉNA CORALIEANNÉE 2011-2012
Remerciements
Je tiens à remercier M. Gain qui a su me guider et me soutenir au long de ce
travail, Mme Tual qui a accepté d'être épiée lors de ses séances d'hypnothérapie et
nous avait auparavant donné un aperçu des effets de l'esprit sur le corps et l'équipe
d'enseignement de l'IFMK de Rennes pour nous avoir permis d'avoir une initiation à
l'hypnothérapie en la personne de Mme Gain. Enfin, je tiens à remercier mon
relecteur extérieur qui, malgré le jargon médical, a tenu bon et m'a permis de mener
à bien ce travail.
RésuméMonsieur R., jeune patient polytraumatisé à la suite d'un accident de la voie
publique, est pris en charge dans un centre de rééducation. Entouré de nombreux
professionnels de santé, il y bénéficie de séances d'hypnothérapie avec une
kinésithérapeute. Au cours de ces séances de rééducation, M. R. a été traité
notamment dans le but de récupérer des amplitudes de flexion et d'extension de
coude, tout en souffrant moins des effets iatrogènes de la mobilisation passive. Il y a
également appris à pratiquer l'auto-hypnose.
Cette expérience a été comparée aux travaux existants concernant l'étude et la
validation de l'hypnose dans le parcours de soin. Il apparaît que l'hypnose médicale,
telle qu'elle est enseignée actuellement aux professionnels de santé, est un outil utile
afin de lutter contre la douleur liée à la rééducation. Elle apparaît différente de l'effet
placebo qui agit principalement sur le système antalgique d'opioïdes endogènes,
même si tous deux sont des modulations cognitives de la douleur. Notons toutefois
que la connaissance exacte de tous les mécanismes d'action de l'hypnose reste encore
incomplète et que le niveau de preuve des études est parfois insuffisant. Elle n'est pas
exclusive et vient s'ajouter aux autres moyens disponibles (physiothérapie,
médication, prise en charge psychologique...) sous réserve d'une bonne connaissance
de sa pratique et de l'accord préalable du patient.
Mots-clefs
• Hypnose
• Douleur aigüe
• Placebo
• Prise en charge
• Hypnoanalgésie
AbstractMister R. is a young multiple trauma patient taken in charge by a rehabilitation
center after a road accident. There, supported by numerous healthcare professionals,
he benefited from hypnotherapy sessions with a physiotherapist. During these
rehabilitation sessions M. R. was among other treated for recovering his elbow
flexing and stretching, while reducing the pain from passive movement's iatrogenic
effects. He also learnt self-hypnosis.
This experiment was compared to the existent work concerning study and
validation of hypnosis use in the healthcare protocol. Medical hypnosis, as it is
taught today to healthcare professionals, seems to be an useful tool for managing the
pain caused by the rehabilitation. It appears to be different from Placebo effect which
acts principally on the opioid endogenous modulation of pain, even if they both are
cognitive pain modulations. However, the knowledge of all mechanism of action
remain unfulfilled, and the level of evidence is insufficient. Hypnosis is not an
exclusive care: it comes in addition to the other treatments (physiotherapy,
medication, psychologic management, etc.) and its use is subject to deep knowledge
from physiotherapist, and patient prior consent.
Key-words
• Hypnosis
• Acute pain
• Placebo
• Pain management
• Hypnoanalgesia
Table des matièresIntroduction............................................................................................................................1
1.Présentation du contexte de l'étude...................................................................................4
1.1.Présentation du patient...............................................................................................4
1.2.Bilans............................................................................................................................6
1.2.1.Examen morpho-statique....................................................................................6
1.2.2.Examen cutané-trophique et sensitif...................................................................6
1.2.3.Examen de la douleur..........................................................................................6
1.2.4.Examen des fonctions cardiologique, respiratoire et abdominale......................7
1.2.5.Examen des mobilités articulaires.......................................................................7
1.2.6.Examen de la force musculaire ...........................................................................7
1.2.7.Fonctionnalité des membres supérieurs.............................................................7
1.2.8.Autonomie, déplacements..................................................................................8
1.3.Diagnostic....................................................................................................................8
1.4.Objectifs et principes...................................................................................................8
1.4.1.Objectifs...............................................................................................................8
Masso-kinésithérapiques.........................................................................................8
De Monsieur R..........................................................................................................9
1.4.2.Principes...............................................................................................................9
1.5.Prise en charge............................................................................................................9
1.5.1.Les séances quotidiennes de kinésithérapie.......................................................9
1.5.2.Les séances d'hypnothérapie.............................................................................10
2.Confrontation à la littérature............................................................................................13
2.1.Revue de littérature...................................................................................................13
2.1.1.Physiologie de la douleur...................................................................................13
2.1.2.L'hypnose médicale............................................................................................15
Déroulement d'une séance :..................................................................................16
La relation soignant/soigné....................................................................................17
2.1.3.Imagerie fonctionnelle sous hypnose................................................................18
2.1.4.Études cliniques.................................................................................................18
2.2.Discussion..................................................................................................................19
2.2.1.Confrontation avec l'observation clinique.........................................................19
2.2.2.Fiabilité des études et double-aveugle..............................................................19
2.2.3.Hypnose et effet placebo...................................................................................20
2.2.4.Ouverture sur les autres effets attendus...........................................................20
Conclusion............................................................................................................................22
IntroductionAu cours des première et deuxième années d'étude de masso-kinesitherapie à
l'IFMK de Rennes, quelques heures de sensibilisation à l'hypnose et à la visualisation
mentale ont été réalisées. Suite à cette première approche j'ai eu envie d'en savoir
davantage sur les fondements de l'hypnose, sa validation scientifique et ses
applications concrètes dans le domaine de la santé.
En effet, en tant que rééducateurs, les masseur-kinésithérapeutes sont confrontés
chaque jour à la douleur, que celle-ci soit aigüe, chronique, iatrogène, accidentelle,
liée à la maladie... Commençons tout d'abord par définir la douleur. D'après
l'International Association for the Study of Pain, la douleur est « une expérience
sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou
potentielle, ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion »1. Elle est toujours
subjective et présente plusieurs composantes : une composante sensori-
discriminative, apportant des informations sur la localisation, l'intensité et la nature
de la douleur, et une composante affectivo-émotionnelle, correspondant au caractère
désagréable de la douleur [1]. Parmi les actions possibles pour lutter contre la douleur,
nous possédons certains mécanismes de défense spontanée, comme par exemple
lorsque nous nous focalisons sur un film afin d'oublier notre douleur pour quelques
heures, ou sur toute autre activité précise.
Ce sont ces mécanismes physiologiques que l'hypnose médicale utilise.
L'hypnose n'induit pas un sommeil, les patients sont conscients, ne font rien qui aille
à l'encontre de leurs valeurs. Ils ont des souvenirs de leurs séances, et ce même si
leur perception du temps est altérée du fait même de l'état hypnotique. Il convient de
recadrer le type d'hypnose auquel nous nous intéressons ici. Nous sommes loin d'une
hypnose empreinte de magie et de magnétisme telle que pouvait la pratiquer F. A.
Mesmer à la fin du dix-huitième siècle, faite de suggestions directes non permissives,
séances au déroulement spectaculaire. Ce type d'hypnose a entraîné le
développement d'une pratique traditionnelle où le praticien utilisait « des techniques
1 IASP Taxonomy : disponible sur l'Internet http://www.iasp-pain.org/AM/Template.cfm?Section=Pain_Definitions (consulté en novembre 2011), traduction tirée l'article de C. Wood et A. Bioy [10]
1
d’induction directes, autoritaires et stéréotypées permettant l’apparition d’une
transe chez environ 10 % des patients »[2]. L'hypnose médicale prend ses sources
dans l'hypnose ericksonienne, du nom de Milton H. Erickson, psychiatre américain,
qui a basé sa pratique de l'hypnose sur les capacités et les ressources propres du
patient[3].
L'état de conscience naturel, celui que nous avons au quotidien, nous permet
d'interagir avec l'environnement, de nous adapter, de nous faire comprendre. Notre
attention peut facilement se porter sur tel ou tel détail et être immédiatement
réinvestie dans une autre tâche. Il arrive souvent que l'on se focalise en revanche sur
une chose, le champ de conscience se rétrécit, s'investit pleinement dans cette tâche,
perturbant les notions de temps, la perception du monde qui nous entoure. Ce
phénomène est la transe spontanée dont le Dr Claude Virot donne une définition :
«La transe est caractérisée par la fixité de l’attention : elle devient stable, focalisée
sur un seul phénomène, une seule idée.»[2]. C'est ce qui arrive par exemple lorsqu'en
voiture nous nous laissons absorber par nos pensées, incapables ensuite de nous
souvenir complètement du trajet effectué. Cet état est rapidement réversible : un
véhicule qui freine et immédiatement nous réagissons en conséquence en revenant
brusquement de notre rêverie. L'hypnose est cet état de réduction du champ de
conscience, un état physiologique de fonctionnement.
L'Hypnose médicale correspond à l'utilisation de l'hypnose dans le cadre du soin.
Le Dr Virot donne une définition qui pose ses limites : « Nous réserverons le terme
“hypnose médicale” aux transes induites dans un but thérapeutique. Il s’agit
simplement d’amplifier et d’utiliser un fonctionnement banal et naturel de notre
esprit, de favoriser une dissociation suffisante et stable. Sous cet angle, nous voyons
que tout le monde peut bénéficier de cette hypnose, de cette transe qui fait partie du
patrimoine de chacun […]»[2].
Actuellement, l'usage de l'hypnose se développe au sein des professions de santé,
principalement dans les structures hospitalières. J'ai souhaité observer son utilisation
lors de mon stage au Centre Médical et Pédagogique Rennes-Beaulieu. J'ai pu
assister à certaines séances d'hypnothérapie avec Martine Tual, masso-
kinésithérapeute formée à l'hypnose ericksonienne à l'ARCHE (Académie de
2
Recherches et Connaissances en Hypnose Ericksonienne)2. Au fil des semaines et en
cohérence avec les patients que je prenais en charge elle m’a proposé d’assister, sous
réserve de l’accord du patient, aux séances de M. R. que je vais vous présenter.
N'étant pas formée à l'hypnose médicale, je suis restée passive, il s'agit donc d'une
étude descriptive basée sur l'observation.
L’objectif de ce travail est d'apporter une réponse concernant l’utilité de
l’hypnose médicale dans le cadre de la réduction de la douleur induite par les soins
de masso-kinésithérapie, à travers l’observation d’un cas clinique puis une revue de
littérature. Dans un premier temps sera abordé le cas de M. R., jeune patient victime
de polytraumatismes suite à un accident de la voie publique, puis dans un second
temps, il s'agira de faire le point sur la littérature concernant l’analgésie hypnotique
dans le cadre de la douleur aiguë. Au cours de la discussion nous ferons le point sur
l’effet placebo et la faisabilité d'une mise en place pratique de l'hypnose médicale.
La problématique de recherche est la suivante : L’hypnose médicale est-elle un
outil efficace dans la lutte contre la douleur aigüe, notamment celle provoquée par les
gestes masso-kinésithérapiques de gain d’amplitude ? Si oui, peut-elle être aisément
mise en œuvre lors des séances de rééducation ?
2 Disponible sur l'Internet : http://www.arche-hypnose.com/ (consulté en août 2011)
3
1. Présentation du contexte de l'étude
1.1. Présentation du patientMonsieur R., 22 ans, droitier, est mécanicien automobile. Il vit en couple dans
une maison de plain pied avec une marche à l'entrée.
Le 3 avril 2011, il a été victime d'un accident de la voie publique (AVP) à haute
cinétique. Alors qu'il conduisait sa moto, casqué, il a été heurté par un automobiliste.
Il a été pris en charge par le SAMU parfaitement conscient, avec un score de
Glasgow initial de 15, puis a été transféré au CHU de Rennes en réanimation. son
bilan lésionnel après un body scanner et des radiographies standards faisait état d'une
rupture traumatique sous adventicielle aortique sous-isthmique, d'une disjonction
pubienne et des articulations sacro-iliaques, d'une fracture de l'apophyse transverse
gauche de L5 sans lésion médullaire, d'une fracture comminutive de la diaphyse
radiale et fracture-luxation de coude (extrêmité proximale de l'ulna) au membre
supérieur gauche, fracture ouverte bi-focale de l'ulna et de l'extrêmité distale du
radius associée à un luxation du coude au membre supérieur droit, ainsi que d'une
plaie articulaire du genou avec rupture du ligament croisé antérieur au membre
inférieur gauche et fracture comminutive du tibia et de la fibula. Toutefois le patient
n'a pas d'atteinte crânienne.
M. R. est pris en charge au bloc opératoire avec la mise en place d'un fixateur
externe au tibia droit et d'un fixateur externe sur le bassin, d'une ostéosynthèse des
deux avant-bras avec BABP, puis d'une manchette pour immobiliser le membre
supérieur droit. La luxation du coude gauche étant récidivante, il y a réduction
sanglante avec une arthrodèse par broche de diamètre 45 et immobilisation de
l'articulation dans une attelle postérieure en résine. Le lendemain, une endoprothèse
aortique est mise en place au bloc de chirurgie thoracique. Les troubles biologiques
de M. R sont surveillés et pris en charge (acidose lactique digestive, problèmes
4
hémodynamiques,...), l'examen révèle par ailleurs un déficit sensitif du membre
inférieur gauche et la découverte d'un bloc L3-L4-S1 confirmé par EMG
correspondant à une section tronculaire. Elle est associée à des douleurs
neuropathiques des deux membres inférieurs traitées par Gabapentine et Rivotril
(anti-épileptiques et antalgie dans les douleurs neurologiques). Pour favoriser la
récupération de M. R., un inducteur du sommeil lui est prescrit (l'imovane). Il a
également été pris en charge par le psychologue du service.
Le 12 avril il y a ablation du fixateur externe et vissage sacro-iliaque ; la mise au
fauteuil est dès lors permise. M. R. a eu plusieurs autogreffes de peau au niveau des
membres inférieurs. Il est transféré le 30 avril au service de traumatologie pour une
prise en charge des problèmes orthopédiques.
Le 1er juin il entre au Centre Médical et Pédagogique de Rennes-Beaulieu avec
pour motif d'admission la « prise en charge rééducative et réadaptative d'un
polytraumatisme avec fractures multiples au niveau du bassin, des membres, du
rachis (sans atteinte médullaire), rupture de l'isthme aortique et dissection
mésentérique. » (données issues du bilan médical d'entrée de M. R.). Avant l'AVP,
Monsieur R. ne présentait pas d'antécédents médico-chirurgicaux. A son entrée au
CMP de Rennes-Beaulieu, il prend des traitements pour lutter contre les troubles du
décubitus (Lovenox, smecta, kardégic) et des médicaments visant à traiter les
douleurs et l'anxiété (paracétamol 1g si besoin, neurontin, rivotril, atarax, imovane.
Les pansements sont effectués tous les jours sous MEOPA (mélange équi-molaire
d'oxygène et de protoxyde d'azote).
Il n'a pas d'appui autorisé sur les membres inférieurs, ses transferts sont effectués
au lève-personne, il y a interdiction de mobiliser le coude gauche. Monsieur R.
nécessite une aide totale à l'alimentation, l'hygiène et l'élimination.
Le 14 juin est effectuée une ablation de la broche qui permettait l'arthrodèse du
coude gauche, suivie le 17 juin d'une autorisation de mobiliser le coude.
Dans un souci de clarté et de pertinence par rapport à la problématique de ce
travail axée sur la douleur aigüe induite lors des soins, seuls les bilans concernant le
5
membre supérieur gauche et l'autonomie de M. R. seront abordés.
1.2. BilansAu moment de mon arrivée sur le plateau de rééducation du CMP Rennes-
Beaulieu, Monsieur R. est à quatre mois de son AVP.
1.2.1. Examen morpho-statiqueLorsqu'il arrive en séance de masso-kinésithérapie, M. R. est en station demi-
assise, sur son Fauteuil Roulant Electrique (FRE), son coude gauche est en flessum,
posé sur une tablette.
1.2.2. Examen cutané-trophique et sensitifM. R. a une amyotrophie globale. Avant l'AVP, il avait un Indice de Masse
Corporelle de 30,32 ce qui le classait dans l'obésité modérée. Depuis il a perdu
environ 25kg. Sur son coude gauche et son avant-bras gauche, M. R. présente
plusieurs cicatrices souples en lien avec la pose des plaques d'ostéosynthèse et la
broche d'arthrodèse qui a depuis été ôtée. Il ne présente pas d’œdème ni de signe d'un
syndrome douloureux régional complexe, les pouls périphériques sont perçus. Sur le
plan sensitif, M. R. présente des dysesthésies de type « fourmillements » au niveau
de sa main gauche.
1.2.3. Examen de la douleurOutre les douleurs neuropathiques des membres inférieurs mentionnées plus haut
qui ne seront pas développées ici, M. R. a des douleurs à la mobilisation passive de
son membre supérieur gauche (coude, poignet et cinquième doigt). Étant donné les
douleurs provoquées, leur cotation n'est pas un élément pertinent, elles bloquent le
mouvement.
6
1.2.4. Examen des fonctions cardiologique, respiratoire et abdominale
Au niveau cardiologique, M. R. est traité pour une hypertension. Il est nécessaire
de faire attention aux troubles orthostatiques qui apparaissent parfois lors des
transferts. Rien n'est à signaler au niveau respiratoire.
M. R. souffre de douleurs abdominales violentes qui le gênent dans son quotidien
et limitent parfois les séances de rééducation. Il contrôle ses fonctions d'exonération.
1.2.5. Examen des mobilités articulairesM. R. a des amplitudes physiologiques des épaules.
Le coude gauche est limité en flexion et en extension, les mouvements passifs
sont arrêtés par la douleur induite. Ces mesures varient d'un observateur à l'autre et
en fonction de la pré-médication notamment (mobilisation sous MEOPA en séance
de masso-kinésithérapie dès le 28 juin). Il en ressort globalement une possibilité de
Flexion entre 50 et 70 degrés et un flessum oscillant de 25 à 40 degrés.
La pronation est de 50 degrés, la supination est de – 35 degrés.
La mobilité de sa main est limitée. La distance pulpe paume est d'environ 20mm.
1.2.6. Examen de la force musculaire La flexion et l'extension du coude gauche sont possibles contre pesanteur mais
dans une amplitude très limitée (débattement de moins de 30 degrés). Perte de force
globale de l'épaule à la main (Annexe 1 : testing des membres supérieurs). Sa force
de préhension au 23 août est de 7,67% par rapport à la norme (Annexe 2 : bilan 400
points).
1.2.7. Fonctionnalité des membres supérieursMonsieur R. est droitier, lors des épreuves testant la fonction bimanuelle (Annexe
7
2) il fait preuve d'un autonomie relative, excepté dans les actions nécessitant
beaucoup de force (« ouvrir et fermer un bocal », « déchirer un journal ») ou une
précision fine (« reboutonner trois boutons »).
1.2.8. Autonomie, déplacementsM. R. se déplace seul en FRE dans le CMP et à l'extérieur, il a besoin d'une aide
totale au transferts via le lève-personne, il s'alimente seul et se prépare (hygiène,
apparence, habillage) seul pour tout le haut du corps.
1.3. DiagnosticCe diagnostic est axé sur les déficiences en lien avec les lésions du membre
supérieur gauche de M. R.
M.R., présente une déficience de structure articulaire due à sa luxation de coude
et aux fractures de l'avant-bras, une déficience des fonctions de prono-supination et
de flexion-extension ainsi qu'une douleur à l'utilisation de son coude. Cette
déficience provoque une limitation des activités bi-manuelles de la vie quotidienne
(M. R. est droitier) et l'association de ce trouble précis aux autres traumatismes de M.
R. qui le font se déplacer en fauteuil roulant électrique l'ont coupé de ses activités de
loisirs (notamment la moto), l'ont exclu du monde du travail et l'ont coupé de sa vie
familiale du fait de son séjour au CMP.
1.4. Objectifs et principes1.4.1. Objectifs
Masso-kinésithérapiques
Gagner en amplitudes au niveau du coude, du poignet et des doigts dans le but
d'améliorer la fonctionnalité globale du membre supérieur gauche, tant au niveau des
capacités d'adaptation spatiale du membre que dans les activités manuelles de force
et de finesse.
8
Parvenir à une antalgie efficace lors du travail en rééducation et de l'utilisation
seul de son membre supérieur.
De Monsieur R.
Gagner en amplitude et en fonctionnalité afin d'avoir davantage d'autonomie. A
long terme, M. R. souhaiterait pouvoir remarcher et reprendre un poste adapté au
sein de l'entreprise de mécanique dans laquelle il travaillait.
1.4.2. PrincipesTravail en progression du gain d'amplitude et de force.
Respect de la fatigabilité du patient.
Travail en essayant au maximum de rester infra-douloureux, avec la coopération
et la participation du patient, en adéquation avec ses propres objectifs.
1.5. Prise en chargeMonsieur R. bénéficie d'un suivi pluridisciplinaire. Il a régulièrement des séances
d'ergothérapie, des soins de kinésithérapie quotidiens. S'ajoute à ces soins une prise
en charge par hypnothérapie hebdomadaire avec Martine Tual, kinésithérapeute
formée à l'Hypnose Ericksonienne à l'ARCHE. Je prends également en charge ce
patient deux à quatre fois par semaine, selon ses disponibilités. Par ailleurs, M. R. a
des séances d'électromyostimulation et d'électrostimulation cutanée antalgique pour
son membre inférieur gauche. Enfin M. R. a des entretiens à visée de soutien moral
avec un infirmier de secteur psychiatrique (I.S.P.).
1.5.1. Les séances quotidiennes de kinésithérapieLes séances de M. R. sont planifiées sur une heure afin de pouvoir s'occuper de
l'ensemble de ses déficiences. La séance a lieu en salle de rééducation après transfert
de M. R. sur une table de kinésithérapie, ce qui nécessite l'aide du brancardier en
raison du caractère douloureux des transferts. Les séances dont je m'occupe sont
9
sensiblement similaires, j'essaie simplement d'y ajouter une proposition de travail en
visualisation mentale, technique à laquelle M. R. a été initié lors de ses premières
séances d'hypnothérapie.
Concernant le bras gauche : il y a massage cicatriciel, mobilisations passives ou
en actif aidé en Flexion et en Extension, ainsi qu'en prono-supination avec la douleur
induite comme critère d'arrêt. En effet, lorsqu'on ne touche pas son bras gauche, M.
R. n'y ressent pas de douleur. Afin d'y remédier, le MEOPA est utilisé lors des
séances, il permet une meilleure efficacité de la mobilisation car celle-ci est moins
douloureuse. Le MEOPA lui provoque cependant des nausées, ce qui conduira par la
suite à l'arrêt de son utilisation.
Ces séances comprennent également des exercices de mobilisation passive et
active-aidée du poignet et de la main. Le travail du poignet est également effectué
par le patient en automobilisation, de même pour la main.
Le travail musculaire et fonctionnel est effectué sous forme de résistances
manuelles analytiques ou en chaîne fonctionnelle (type Kabat), sur des exercices de
précision.
1.5.2. Les séances d'hypnothérapieJ'ai n'ai pu assister qu'à quatre séances au cours de mon stage, Mme Tual ayant
été en vacances sur cette période. Afin de compléter la description des séances, j'ai
interrogé M. R. sur ses premières séances3, sur son ressenti et ses attentes.
La mise en place de séances sous hypnose médicale a été proposée par l'équipe
de soin à titre d'essai. M. R. dit qu'il n'était pas sceptique concernant l'hypnose, qu'il
était même volontaire « pour faire des choses quand ça peut aider. Même si ça
marche pas le premier coup, ça n’engage à rien. ». L'explication qui suit est
entièrement basée sur le souvenir de M. R. de ses premières séances et de ses
impressions.
Lors de sa première séance, il rencontre seul Mme Tual. Elle lui demande ses
3 Entretien oral avec M. R. réalisé le 15 septembre 2011 dans la chambre du patient
10
objectifs et lui explique l'état attendu («une décontraction »). Ensemble ils décident
de travailler sur le gain d'amplitude en Flexion, Extension, prono-supination du
membre supérieur gauche et la diminution de la douleur. Après une induction
hypnothique, M. R. entre en transe. « Pour le coude j’imagine [...] une aile d’oiseau
que tu déplies ». Ceci a pour résultat une extension active « quasiment totale » de son
coude gauche. Il ajoute également qu'avant la séance il n'arrivait pas à se détendre ,
ayant « toujours des réactions nerveuses, des muscles qui se contractent tout seuls ».
Cette première séance lui apporte satisfaction, il aura ensuite régulièrement des
séances planifiées avec pour objectifs de travail la mobilité et l'antalgie du bras
gauche, la mobilité et la diminution de la douleur neuropathique des membres
inférieurs, ainsi que leur réintégration dans son schéma corporel.
Concernant les effets des séances suivantes, M. R. m'explique qu'elles « [lui] ont
apporté la possibilité de faire des exercices tout seul, ce qui diminue la douleur ». En
dehors des séances de rééducation et d'hypnothérapie, il fait des exercices seul deux à
trois fois par semaine, pour travailler sur son bras et sur sa main. « Je me mets
tranquillement [...] je me concentre bien sur mon bras et j’arrive à faire des choses,
quasiment comme avec Martine [Tual] en hypnose, mais il ne faut pas un bruit,
personne qui te gêne. » Alors, il travaille avec l'image de l'aile d'oiseau ou en
visualisation mentale, c'est à dire qu'il décrypte toutes les sensations qui lui
parviennent de sa main droite dans un mouvement précis puis imagine que cela se
passe de la même façon dans sa main gauche, c'est « faire "comme si" car "comme
si" égale "c'est" »4. Suite à ces exercices, il constate une diminution de son anxiété et
« retrouve de la sensibilité dans [ses] doigts ».
Les séances auxquelles j'assiste lors de mon stage ont lieu dans la salle de
rééducation dans l'après-midi afin d'avoir un calme relatif environnant ou dans la
pièce qu'occupe Martine Tual. Celle-ci est séparée du reste de la salle de rééducation
et lui permet d'être au calme avec ses patients. Le travail porte sur la flexion du
coude grâce à des suggestions développées à partir de la description que fait le
patient de sa perception du coude et des mouvements, l'ouverture-fermeture de la
main et les jambes. A aucun moment Mme Tual ne le touche, elle est assise près de
lui, l'invite à se détendre et le guide, c'est le patient qui mobilise activement son
4 Prise de note lors de la séance d'hypnothérapie de M. R. conduite par Mme Tual le 6 septembre 2011
11
corps. Les suggestions qui lui sont faites sont ouvertes, elles ne sont pas directives.
Pour ma part, je suis spectatrice passive des séances. J'y note à quel point M. R.
semble calme et détendu, ces séances paraissent apporter un intérêt dans le traitement
notamment de la douleur induite lors des soins. Suite aux effets indésirables perçus
lors de l'utilisation du MEOPA et aux progrès effectués en auto-hypnose, M. R. a
cessé d'utiliser cette médication sans pour autant avoir un inconfort accru.
Pour objectiver la douleur présente à l'usage quotidien de son membre supérieur
gauche, ainsi que celle induite par les soins, j'ai fait remplir au patient un
Questionnaire Douleur de Saint-Antoine (Annexe 3) en lui demandant de remplacer
les catégories « habituelle » par l'usage quotidien actif de son bras gauche et
« actuelle » par la période de mobilisation par le thérapeute en Flexion/Extension
extrêmes. Il en ressort une douleur extrêmement gênante à l'utilisation quotidienne de
son bras, des fourmillements (modérément), une douleur très inquiétante à type de
broiement et de tiraillement. Lors de la mobilisation par le thérapeute, une forte
sensation d'arrachement apparaît, douleur fatigante (modérément) et fortement
insupportable. Nous voyons donc ainsi la pertinence d'avoir proposé à M. R. une
alternative thérapeutique afin de mieux contrôler ses sensations douloureuses.
Cette observation clinique courte (quatre séances) ne permettant pas de tirer des
conclusions sur l'efficacité et/ou la pertinence de l'utilisation de l'hypnose médicale
en kinésithérapie, cette première partie est comparée à la littérature actuelle.
12
2. Confrontation à la littérature2.1. Revue de littérature
« La relation entre l’étendue du dommage tissulaire et la sévérité de la douleur
est incertaine dans la mesure où de nombreux facteurs neurophysiologiques ou
neuropsychologiques peuvent modifier l’intégration centrale et les phénomènes de
contrôle de la douleur. »[4]
8
2.1.1. Physiologie de la douleurPour plus de clarté, je ne m'attarderai pas sur les descriptions des modifications
neurologiques en lien avec la chronicisation de la douleur[4,5,6].
Point de départ : le message nociceptif
Ce message est perçu par deux types de fibres aux terminaisons libres
amyéliniques localisées au niveau cutané, musculaire, articulaire et viscéral.
Les fibres A δ, faiblement myélinisées, dont la vitesse de conduction est de 4
à 30 m/s, intervenant surtout dans la stimulation mécanique et au chaud. Une fois
stimulées, elle sont responsables de la perception d'une douleur aigüe, localisée.
Les fibres C polymodales, amyéliniques. Elle ont un fin diamètre et
transmettent plus lentement l'information (0,4 à 2m/s). Elles sont activées par un
stimulus nociceptif intense, qu'il soit mécanique, thermique ou chimique.
Ces fibres afférentes cheminent jusqu'au niveau des couches superficielles de la
corne dorsale de la moelle. A ce niveau, de nombreux neuromédiateurs entrent en jeu
dont le glutamate et la substance P.
Les faisceaux spino-thalamiques
13
Il y a deux groupes de cellules dans les faisceaux spino-thalamiques venant de la
corne dorsale :
• Les neurones nociceptifs non spécifiques sensibles à la fois aux stimulations mécaniques légères et celles nociceptives.
• Les neurones nociceptifs spécifiques activés par des stimulations intenses (cutanée, viscérale, articulaire, musculaire).
Projection sur le thalamus : les neurones spinaux transmettent l'information
nerveuse aux centres supra-médullaires
Voies ascendantes du circuit douloureux 5
Ensuite, il n'y a pas un mais des centres de la douleur qui interagissent de façon
cortico-corticale, cortico-sous-corticale. On distinguera deux grandes composantes
impliquées chacune principalement dans une caractéristique de la douleur (ces
régions ont été montrées sous imagerie fonctionnelle notamment).
La composante sensori-discriminative : globalement ce « système comporte les voies
latérales de la douleur (incluant les aires somatosensorielles primaires et
secondaires, le thalamus et l'insula postérieure) ».
La composante affectivo-émotionnelle : principalement représenté par « les voies
5 issu du livret Pratique et Traitement de la douleur, institut UPSA[4], P. 22
14
médianes de la douleur (incluant les aires préfrontales, le cortex cingulé antérieur, et
l'insula anterieure) »[7].
Modulations de la douleur :
• contrôle segmentaire spinal :modulation du message nociceptif par inhibition des neurones nocicepteurs lors de l'activation des fibres de gros diamètre Aβ et Aα intervenant dans la sensation tactile. Ce principe est à l'origine de l'electrostimulation transcutanée.
• contrôle d'origine supra-spinale descendant : au niveau de la Substance Grise Péri-Acqueducale et du Noyau Raphé Magnus. Une fois stimulés ils induisent une analgésie importante. Ces voies sont sérotoninergiques.
La douleur ne peut certainement pas se limiter à des phénomènes physiologiques.
C'est une souffrance que subit celui qui la vit, d'autant plus vive qu'il manque de
contrôle sur la douleur, ses origines, ses manifestations. David Le Breton expose
comment la souffrance émanant de la douleur est intimement liée au contrôle, à la
signification que nous lui donnons. « Toute douleur transforme en profondeur, pour
le meilleur ou pour le pire, l'homme qui en est frappé. Mais seules les circonstances
qui l'enveloppent lui donnent sens en provoquant une somme plus ou moins grande
de souffrance. »[8]. Il recadre le fait que c'est bel et bien une personne qui souffre, pas
uniquement son organisme, en cela il semble important d'axer le traitement à la fois
sur le corps et la personnalité singulière qui l'occupe.
2.1.2. L'hypnose médicaleIssue de l'évolution de l'hypnose ericksonienne, c'est l'hypnose qui s'est répandue
d'abord dans les milieux de l'odontologie et de l'anesthésie (principalement outre-
atlantique). Dans un article destiné aux chirurgien-dentistes, D. Varma rapporte la
formation et l'usage importants de l'hypnothérapie notamment aux Etats-Unis et au
Canada. Une étude réalisée au sein d'écoles dentaires des Etats-Unis et du Canada
parue en 1996 dans l'American Journal of Clinical Hypnosis « [montrait] que 26% de
ces établissements [assuraient] une formation en hypnose clinique d'une durée
moyenne de quinze heures. »[9].
L'hypnose médicale ne peut se pratiquer qu'avec la participation complète du
patient. Il doit prendre conscience que le praticien ne sera qu'un guide, c'est en lui-
15
même que se trouvent les ressources. Les techniques d'hypnose médicale sont
codifiées, elles utilisent un langage établi en fonction des valeurs et représentations
du patient, notions qui sont abordées lors de la discussion précédent la séance
d'hypnothérapie. Le praticien n'utilise pas de suggestions directes, il permet au
patient de trouver lui-même des solutions.
L'hypnose médicale peut être pratiquée sur des terrains d'urgence, prenons en
exemple le Dr Rault qui utilisait l'hypnose lors des interventions avec le Smur, mais
également dans des cadres beaucoup plus calme et propices à la détente du sujet.
L'hypnose médicale est applicable à la quasi-totalité des patients, elle ne fait
qu'induire un phénomène naturel dans un but thérapeutique. Les effets de la
suggestion antalgique ne nécessite pas obligatoirement un état de transe chez le
patient pour obtenir un résultat. Cependant les effets mesurés sont supérieurs lorsque
le patient est en état hypnotique[10].
Déroulement d'une séance :
Un exemple de séance hypnotique est détaillé par le Dr Jean-Marc Benhaiem[11].
La séance est composée de trois étapes :
• L'induction. Elle a lieu au tout début, la séance prend comme point de départ l'état de conscience actuel du patient. Le thérapeute l'invite à se focaliser sur « un objet ou une partie de son corps ». Le patient se coupe progressivement de l'environnement, il entre « dans une sorte de rêverie ».
• La dissociation ou confusion : le patient est coupé des afflux sensoriels, il est « séparé de sa sensorialité liée aux fonctions réflexives, intellectuelles et sensorielles. »
• L'ouverture : la sensorialité est différente, le patient accède à ses ressources internes.
La séance se termine toujours par un retour dans l'ici et maintenant, cette période
de transition peut être associée à des suggestions post-hypnotiques.
Christine Vervaeke, masseur-kinésithérapeute et formatrice au sein d'Emergence
(institut de Formation et de Recherche en communication thérapeutique à Rennes) 6
6 Disponible sur l'Internet : http://www.emergences-rennes.com/ (consulté en février 2012)
16
sur le plan de l'Hypnose en médecine physique et rééducation, apporte quelques
nuances à l'application de l'hypnose médicale en masso-kinésithérapie[12]. Elle note
l'importance de la communication avec le patient et son optimisation grâce à
l'hypnose conversationnelle, l'utilisation de la transe hypnotique pour une
mobilisation moins douloureuse, dans un état de détente plus important du patient.
Ainsi, sans affect négatif mémorisé lors de l’événement douloureux, l'appréhension
est moindre, la séance facilitée. Il est intéressant de noter le gain de temps potentiel
et le confort qu'apporte l'induction hypnotique lors de séances avec des patients
anxieux, craintifs d'une douleur potentielle.
Les stratégies thérapeutiques hypnotiques sont nombreuses pour lutter contre la
douleur, les suggestions pouvant porter sur le caractère émotionnel ou sensoriel de
celle-ci. Abordons ici celles précisées par le Dr Rault lors de ses interventions
d'urgence : modification de la voix qui devient monocorde, prise en compte de la
respiration du patient, utilisation de suggestions indirectes, adaptation par rapport au
comportement du patient, utilisation de ses valeurs, du principe de dissociation[13].
La relation soignant/soigné
La relation entre un praticien et son patient fait partie intégrante des métiers de
santé. Elle se doit d'être égalitaire et d'impliquer au maximum le patient dans sa
rééducation. L'hypnose médicale apporte un cadre à cette relation, tendant à la rendre
plus efficace[12]. Elle se présente comme un renforcement de l’alliance thérapeutique,
une augmentation de l’empathie du praticien face à son patient[14]. Il faudra toutefois
prendre garde à ne pas répondre aux attentes d'hypnothérapie chez un patient qui
souhaiterait un accompagnement global et infantilisant, le thérapeute prenant alors
une place de toute puissance, ce qui ne cadre pas avec les principes de l'hypnose
médicale, l'essentiel de l'aspect positif résidant dans les capacités personnelles. De
même, il est important de bien réorienter les patients qui souhaitent une thérapie
exclusivement par hypnose. Cela traduit souvent une conception magique risquant de
les couper de la médecine traditionnelle[15].
17
2.1.3. Imagerie fonctionnelle sous hypnosePlusieurs équipes travaillent sur l'étude de l'hypnose en imagerie que ce soit avec
la tomographie par émission de positons (TEP) ou l’imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle (IRMf), notamment les équipes du Professeur Pierre
Rainville, au laboratoire de recherche en neuropsychologie de la douleur du Centre
de recherche de l’institut universitaire de gériatrie de Montréal, et du Docteur Marie-
Elisabeth Faymonville au Centre de référence Douleur chronique au CHU de Liège.
Au cours des vingt dernières années, des zones d'activation cérébrale ont été mis
en évidence sous état hypnotique. Les suggestions hypnotiques modifient l'activité
des régions impliquées dans la douleur : l'équipe de Pierre Rainville a ainsi montré
que « des suggestions visant spécifiquement l'intensité sensorielle de la douleur […]
peuvent affecter l'activité dans le cortex somatosensoriel primaire alors que des
suggestions visant à atténuer spécifiquement le désagrément de la douleur […]
agissent principalement au niveau du cortex cingulaire antérieur, une région
traditionnellement associée au système limbique et aux émotions »[5].
2.1.4. Études cliniquesJ.-M. Benhaiem, dans un article faisant le point sur les études cliniques
disponibles[16] fait état de celles portant sur les effets de l'hypnose dans la lutte contre
la douleur. Il en ressort globalement un effet positif de l'hypnoanalgésie. Ce passage
en revue est nuancé par l'évolution au cours du temps de la pratique de
l'hypnothérapie et les difficultés de mise en œuvre d'études aux participants
suffisamment nombreux, avec des critères de mesure de suggestibilité hypnotique et
de mesure des composantes de la douleur fiables.
Dans une méta-analyse de Montgomery, Duhamel et Redd parue en 2000 dans
The International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis sur
l'hypnoanalgésie[17], 18 études portant sur l'hypnoanalgésie ont été décortiquées. Il en
ressort un effet de l'hypnothérapie de modéré à important dans la prise en charge de
la douleur, et cela que la douleur soit clinique ou expérimentale. Les auteurs
nuancent leurs propos car les protocoles d'expérimentation sont imparfaits.
18
2.2. Discussion2.2.1. Confrontation avec l'observation clinique
Les séances d'hypnothérapie auxquelles j'ai assistées étaient principalement axées
sur la mobilisation active du patient, sans intervention manuelle de Mme Tual, mais
M. R. tirait également bénéfice de ces séances en utilisant l'auto-hypnose lors de la
rééducation avec sa seconde kinésithérapeute et seul. Les articles lus précédemment,
confortés par des études mettant en avant les effets positifs de l'hypnothérapie dans
l'antalgie aigüe, apportent une autre dimension à la pratique de l'hypnose lors des
soins. Une pratique qui n'est pas chronophage, qui s'intègre à la prise en charge
classique et donne un cadre à la relation thérapeutique. Elle évite les écueils dus à
une verbalisation hésitante des jeunes praticiens. Celle-ci induit parfois l'effet inverse
à l'intention première de bienveillance, "vous n'aurez pas mal" peux être interprété
inconsciemment par le patient comme une expérience douloureuse à venir et
accroître cette dernière, il s'agira alors d'un effet nocebo d'anticipation de stimulus
douloureux.
Au sein des unités de soin, la demande de formation est forte7 comme on peut le
voir sur le site de la fondation APICIL, reconnue d'utilité publique, dont le but est de
lutter contre la douleur. Pour répondre à cela « La Fondation APICIL souhaite
former des équipes entières à ces pratiques afin de créer une cohésion autour de
cette approche et une vraie dynamique de changement au sein des services. ». Cinq
cent praticiens ont déjà bénéficié d'aide à la formation.
2.2.2. Fiabilité des études et double-aveugleAfin de mener à bien des études sur l'efficacité d'un aspect particulier de
l'hypnose, en l'occurrence l'hypnoanalgésie, il faudrait nécessairement pouvoir
induire un système de double-aveugle, or, si le praticien donnant un médicament peut
ne pas être au courant s'il administre un médicament actif ou un placebo, il n'en va
7 Disponible sur l'Internet : http://www.fondation-apicil.org/nos-projets.php?Page=Projets&categorie_id=23&article_id=366 (consulté en mars 2012)
19
pas de même pour le praticien en hypnothérapie qui sait s'il utilise une méthode
hypnothique ou s'il induit une simple relaxation. En poussant le raisonnement plus
loin, on pourrait se demander si la lecture par des personnes ignorant s'il s'agit de
techniques hypnothiques ou non d'un texte pré-établi ne permettrait pas d'apporter
cette scientificité. Néanmoins il a été vu plus haut que l'hypnothérapie s'adapte à
l'individualité de chacun et que les compétences mêmes de l'hypnothérapeute
s'accroissent au fil des expériences, balayant ainsi cette hypothèse. Comme le
souligne Jean-Marc Benhaiem, « le thérapeute connaît l'objectif de l'étude et transmet
implicitement ce savoir à son patient »[16].
2.2.3. Hypnose et effet placeboL'hypnose et l'effet placebo sont deux moyens cognitifs de modulation de la
douleur. Commençons d'abord par faire le point sur l'effet placebo. « L’effet placebo
peut être présent ou absent, être favorable ou défavorable (nocebo = nuire) »[18]. Il
est indissociable de toute thérapie, s'exprime de façon différente selon les personnes
et, chez un même sujet, de façon différente selon la situation, l'état d'anxiété, les
attentes... C'est un effet lié au contexte. Il existe deux grandes voies dont la
principale est le système opioïde qui induit la libération d'endorphine. Ce système a
été étudié par IRMf et mis en évidence par l'annulation d'une partie de l'effet placebo
à l'administration de naloxone (substance antagoniste de la morphine)[7].
L'hypnose, quant à elle, ne cesse pas d'agir lorsqu'il y a administration de
naloxone[1]. Il semblerait donc qu'hypnose et placebo soient tous deux liés au attentes
et à la suggestion des patients même si leur mécanismes respectifs ne sont pas
identiques.
2.2.4. Ouverture sur les autres effets attendusL'hypnose médicale est également utilisée dans d'autres types de douleur. Les
douleurs chroniques (expérience douloureuse qui dépasse trois mois) en sont un
exemple. Cependant il convient de rester prudent quant à l'efficacité de
l'hypnothérapie chez ces patients. Isabelle Nègre exprime au cours du colloque
"Hypnose, douleur et souffrance", en octobre 2000 à Paris, son expérience de
20
l'utilisation de l'hypnothérapie dans l'unité anti-douleur de l'Hôpital Bicêtre[15]. Elle y
exprime son désarroi face à des échecs et à des améliorations spectaculaires
d'emblée. Les mécanismes de chronicisation de la douleur étant encore plus
complexes que ceux de la douleur aigüe, il est nécessaire de bien déterminer les
attentes des patients et d'explorer les autres voies de traitement de la douleur.
La douleur chronique est comme un système d'hypnose négative en ce sens
qu'elle focalise le sujet sur sa douleur qui vient envahir complètement son quotidien.
Le but est d'identifier les blocages du patient, ses valeurs, la représentation de sa
douleur et de lui montrer la possibilité de les modifier grâce à ses propres ressources.
« Dans le contrôle de la douleur, l’hypnose thérapeutique est une expérience
relationnelle mettant en jeu des mécanismes physiologiques et psychologiques
permettant à l’individu de mieux vivre, d’atténuer ou de supprimer une pathologie
douloureuse aiguë ou chronique »[11]. Dès lors ce cadre posé, il conviendra de
déterminer si c'est au kinésithérapeute ou plutôt à d'autres praticiens formés
(psychologues, médecins...) d'utiliser ces méthodes plus lourdes de traitement même
si les techniques de thérapie brève se développent. Quelque soit la méthode
employée, il est toujours fondamental d'obtenir l'adhésion complète du patient sans
qui rien ne changera. L'un des indicateurs de l'efficacité du traitement est la mise en
pratique de séances courtes d'auto-hypnose en dehors des séances induites avec le
praticien.
21
ConclusionL'hypnose médicale, à partir du moment où patients et praticiens cessent de
l'associer à une technique magique et mystérieuse, est un outil qui a prouvé son
efficacité dans l'antalgie modérée des douleurs aigües. Toutefois, les mécanismes mis
en jeu lors de l'état hypnotique et son action sur la perception douloureuse n'ont pas
été complètement percés à jour, et ce malgré les études en imagerie fonctionnelle et
les études cliniques qui continuent d'être mises en œuvre.
En tant que professionnels de santé travaillant directement sur le corps, il apparaît
pertinent d'utiliser cet outil supplémentaire qui n'est certainement pas la panacée et
n'aspire pas à cela mais permet une prise en charge complémentaire des douleurs
dont souffrent les patients. L'hypnose ouvre sur des outils de communication codifiés
afin d'optimiser la relation de confiance, et permet de replacer le patient au cœur du
soin, en devenant davantage acteur de son traitement.
Malgré tous ces avantages, il convient de trouver une formation adéquate et de
bien rester dans le champ de compétence de la masso-kinésithérapie, ne pas
s'inventer apprenti-sorcier capable de psychologie ou d'autres miracles. L'hypnose
médicale est une alliée thérapeutique au même titre que le sont les autres méthodes
antalgiques déjà à notre disposition. C'est une pratique sans cesse en quête de
preuves supplémentaires, de remises en question et d'interrogations comme le montre
l'organisation de nombreux congrès et colloques, notamment en France du 17 au 19
mai prochain avec pour thème « Hypnose et Douleur »8.
8 Site d'Emergences disponible sur l'Internet : http://www.emergences-rennes.com/ (consulté en mars 2012)
22
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placebo. In Douleurs, vol 8, n° HS1 (octobre 2007) P. 1S22-1S23
Annexes
Annexe 1 : testing musculaire
Annexe 2 : Bilan 400 points
Annexe 3 : QDSA
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