analyse des effets boursiers suite aux changements de

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HAL Id: halshs-00582776 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00582776 Submitted on 4 Apr 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entiïŹc research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinĂ©e au dĂ©pĂŽt et Ă  la diïŹ€usion de documents scientiïŹques de niveau recherche, publiĂ©s ou non, Ă©manant des Ă©tablissements d’enseignement et de recherche français ou Ă©trangers, des laboratoires publics ou privĂ©s. Analyse des eïŹ€ets boursiers suite aux changements de dirigeants: le cas des entreprises du NASDAQ et de l’OTC depuis mars 2000 Alain Finet, RĂ©al Labelle To cite this version: Alain Finet, RĂ©al Labelle. Analyse des eïŹ€ets boursiers suite aux changements de dirigeants : le cas des entreprises du NASDAQ et de l’OTC depuis mars 2000. IdentiïŹcation et maĂźtrise des risques : enjeux pour l’audit, la comptabilitĂ© et le contrĂŽle de gestion, May 2003, France. pp.CD-Rom. halshs- 00582776

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HAL Id: halshs-00582776https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00582776

Submitted on 4 Apr 2011

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinĂ©e au dĂ©pĂŽt et Ă  la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiĂ©s ou non,Ă©manant des Ă©tablissements d’enseignement et derecherche français ou Ă©trangers, des laboratoirespublics ou privĂ©s.

Analyse des effets boursiers suite aux changements dedirigeants : le cas des entreprises du NASDAQ et de

l’OTC depuis mars 2000Alain Finet, RĂ©al Labelle

To cite this version:Alain Finet, RĂ©al Labelle. Analyse des effets boursiers suite aux changements de dirigeants : le casdes entreprises du NASDAQ et de l’OTC depuis mars 2000. Identification et maĂźtrise des risques :enjeux pour l’audit, la comptabilitĂ© et le contrĂŽle de gestion, May 2003, France. pp.CD-Rom. ïżœhalshs-00582776ïżœ

Analyse des effets boursiers suite aux changementsde dirigeants : le cas des entreprises du NASDAQ et

de l’OTC depuis mars 2000

Alain Finet, AssistantService Economie et Gestion de l’Entreprise

Docteur en Sciences de Gestion

Faculté Warocqué,Université de Mons-Hainaut,

[email protected]

17, Place Warocqué7000, Mons

Belgique

Réal LabelleProfesseur, Chaire de Gouvernance et Juricomptabilité

HEC MontréalCanada

[email protected]

Communication au Colloque de l’Association Francophone de ComptabilitĂ©

Louvain-la-Neuve, mai 2003

DĂ©cembre 2002

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1. Introduction et résumé

Jusqu’en dĂ©cembre 2001, le thĂšme de la gouvernance, bien qu’important, ne reprĂ©sentait pasnĂ©cessairement un dĂ©fi d’ampleur pour les entreprises. Puis, survinrent Enron et les autres casde fraude qui s’ajoutaient aux problĂšmes rencontrĂ©s par les entreprises de la nouvelleĂ©conomie. Ces bouleversements ont fait rĂ©aliser Ă  quel point les entreprises (mĂȘme les plusgrandes) peuvent ĂȘtre dans certains cas vulnĂ©rables aux fraudes et aux manipulations. DemaniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’évaluation des actifs incorporels qui composent les entreprises de lanouvelle Ă©conomie semble difficile. Les comportements douteux des dirigeants, consĂ©quencede cette difficultĂ© de juger de maniĂšre objective de la gestion, nous amĂšnent en prendre enconsidĂ©ration la problĂ©matique de l’enracinement des dirigeants en tant que partie intĂ©grantede la gouvernance d’entreprise.

Shleifer et Vishny (1989) ont dĂ©veloppĂ© un modĂšle dĂ©crivant dans quelle mesure lesdirigeants peuvent s’enraciner malgrĂ© les processus internes et externes de gouvernance. Dansce modĂšle, les dirigeants rĂ©alisent des investissements spĂ©cifiques qui font en sorte qu’ildevient coĂ»teux pour les actionnaires de les remplacer. Le degrĂ© d’enracinement tient Ă  laspĂ©cificitĂ© des actifs de la firme par rapport aux connaissances et aux habiletĂ©s des dirigeantsen poste. Il dĂ©pend aussi de l’irrĂ©versibilitĂ© de ces investissements, soit de la fraction de lavaleur des actifs qui ne peut ĂȘtre recouvrĂ©e en les revendant. Ces attributs caractĂ©risantĂ©galement les actifs des entreprises de la nouvelle Ă©conomie, nous utiliserons le NASDAQcomme champ principal de recherche.

Ce cadre thĂ©orique implique que, parce que leur niveau de performance ne peut ĂȘtreefficacement Ă©valuĂ©e, les dirigeants des firmes appartenant Ă  la nouvelle Ă©conomie, peuventdiminuer la probabilitĂ© qu’ils soient Ă©vincĂ©s, obtenir une rĂ©munĂ©ration plus Ă©levĂ©e et profiterd’un espace discrĂ©tionnaire plus important dans les choix stratĂ©giques (ex. diversification ouconcentration sur un mĂ©tier spĂ©cifique). Ces implications vont Ă  l’encontre de l’idĂ©e qui setrouve en filigrane de la notion de gouvernance en tant que telle. En effet, ce concept suggĂšreque l’équipe dirigeante serait remplacĂ©e si elle ne crĂ©ait pas de valeur pour les actionnaires.

À partir de ce cadre thĂ©orique relatif Ă  la possibilitĂ© d’enracinement des dirigeants, l’objectifde cet article est de vĂ©rifier si les organisations fonctionnent selon l’hypothĂšse de base de lathĂ©orie nĂ©o-classique, c’est-Ă -dire que toute chute de la performance serait rapidementsanctionnĂ©e par une remise en question de la position des dirigeants au sein de leur entreprise.Au cours de cet article, nous procĂ©dons en deux temps. PremiĂšrement, nous effectuons uneĂ©tude d’évĂ©nement pour dĂ©terminer comment rĂ©agit le marchĂ© au moment oĂč le problĂšmed’enracinement est a priori rĂ©solu, soit au moment d’un changement de dirigeant. De maniĂšreintuitive, on peut penser que la rĂ©action devrait ĂȘtre positive. DeuxiĂšmement, Ă  l’aide d’uneĂ©tude d’association, nous testons l’hypothĂšse que la rĂ©action du marchĂ© au moment duchangement de dirigeant devrait ĂȘtre positivement corrĂ©lĂ©e au degrĂ© d’enracinement desdirigeants avant qu’ils ne soient remplacĂ©s.

Les rĂ©sultats auxquels nous sommes parvenus indiquent que le comportements des marchĂ©sboursiers au moment du changement de dirigeant dĂ©pendent de la possibilitĂ© de rĂ©duction desproblĂšmes d’enracinement.

Cet article est structurĂ© comme suit. Dans la deuxiĂšme partie, nous faisons une revue desprincipaux Ă©crits thĂ©oriques et empiriques sur la problĂ©matique de la gouvernance et del’enracinement des dirigeants. Dans la troisiĂšme partie, nous prĂ©sentons notre plan

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expĂ©rimental. La quatriĂšme partie prĂ©sente les analyses ainsi que l’interprĂ©tation des rĂ©sultats.Enfin, nous concluons en identifiant les limites de notre Ă©tude et en suggĂ©rant de nouvellesvoies de recherche sur cette problĂ©matique.

2. Revue de la littérature

2.1. Introduction

L’objectif principal de cette Ă©tude n’est pas d’analyser l’efficacitĂ© Ă©ventuelle des modalitĂ©s degouvernance mais de se focaliser sur l’enracinement en tant que tel et sur les possibilitĂ©s derĂ©duction de celui-ci suite aux changements de dirigeants. Ce niveau d’analyse nous sembled’autant plus opportun au sein de la nouvelle Ă©conomie que plusieurs Ă©tudes se sontrĂ©cemment concentrĂ©es sur la notion de gouvernement d’entreprise dans ce secteur (citonsJanssen, Braconnier, 2002)1.

Dans certains cas, et ce en dĂ©pit d’une baisse importante de la performance boursiĂšre, l’équipedirigeante parvient Ă  se maintenir Ă  la tĂȘte de l’entreprise. Dans ce schĂ©ma, le gouvernementd’entreprise n’est plus opĂ©rationnel et on peut, dĂšs lors, penser que le dirigeant a obtenu ausein de l’organisation un pouvoir discrĂ©tionnaire tellement important qu’il est parvenu Ă inhiber tout ou partie des mĂ©canismes disciplinaires auxquels il devrait ĂȘtre, en thĂ©orie,soumis. On parle alors d’enracinement dans le chef des dirigeants.Par rapport Ă  cette problĂ©matique, dans le cadre de cette Ă©tude, nous nous focalisons sur leNasdaq, en tant que marchĂ© qui a connu une chute importante depuis mars 2000, mois durantlequel l’indice atteignait son maximum historique. Notre choix s’est portĂ© sur la Nasdaq pourdeux raisons principales.

La premiĂšre Ă©tait que, dans la mesure oĂč les entreprises de ce marchĂ© ont connu une baisseimportante de leur valorisation boursiĂšre, on peut penser que des modifications dans lesĂ©quipes dirigeantes vont ĂȘtre observĂ©es.

La deuxiĂšme Ă©tait que le gouvernement d’entreprise pour les entreprises cotĂ©es sur ce type demarchĂ© peut se diffĂ©rencier plus ou moins fortement de celui des entreprises issues de secteurs«traditionnels». Au cours de cette Ă©tude, nous essayons de prĂ©senter certaines caractĂ©ristiquesrelatives Ă  la gouvernance des entreprises de ce secteur.

L’article s’articule en plusieurs parties : la partie thĂ©orique consacrĂ©e au changement dedirigeant et Ă  sa liaison avec la gouvernance d’entreprise va nous permettre de dĂ©gager nosdiffĂ©rentes hypothĂšses de travail. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, nous nous concentrerons sur laproblĂ©matique du changement des dirigeants et de ses Ă©ventuels effets sur la valorisationboursiĂšre de l’entreprise. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, notre attention se portera aussi sur la notiond’enracinement des dirigeants qui semble prĂ©senter un cadre thĂ©orique alternatif Ă  la thĂ©orieclassique des organisations.Dans la partie empirique, nous prĂ©sentons l’échantillon sur lequel nous serons amenĂ© Ă  testernos hypothĂšses de travail et nous dĂ©velopperons Ă©galement la mĂ©thodologie utilisĂ©e. Enfin,nous effectuerons une synthĂšse des hypothĂšses testĂ©es et prĂ©senterons des pistes de travailĂ©ventuellement envisageables pour des recherches ultĂ©rieures sur cette problĂ©matique.

1 Janssen, Braconnier (2002), “Le corporate governance dans les sociĂ©tĂ©s cotĂ©es sur l’Euro NM : etudeexploratoire de l’impact de la nationalitĂ©, de la taille et de la structure de l’actionnariat desenterprises”, Gestion 2000, mars 2002, pp.31-50

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2.2. Notion de gouvernement d’entreprise et enracinement desdirigeants

La problĂ©matique du gouvernement d’entreprise a pris ces derniĂšres annĂ©es uneimportance croissante en gestion tant dans les milieux acadĂ©miques (citons Agrawal,Knoeber, 1996)2 que chez les praticiens. Fondamentalement, la prĂ©sence d’ungouvernement d’entreprise efficace doit permettre d’éviter des comportements dĂ©viantsdans le chef des dirigeants ; par comportements dĂ©viants, nous nous rĂ©fĂ©rons aux actionsqui ne sont pas nĂ©cessairement gĂ©nĂ©ratrices de valeur au sens large pour les stakeholdersles plus importants au sein de l’entreprise (les stakeholders Ă©tant l’ensemble despersonnes en relation avec l’entreprise ou encore, selon Freeman et Reed (1983)3, lesindividus ou groupe d’individus dont dĂ©pend la pĂ©rennitĂ© de l’entreprise). L’idĂ©e est doncque si le systĂšme de gouvernance mis en place (et les mĂ©canismes qui le composent) estpleinement efficace, alors toute sous-performance des dirigeants sera rapidementsanctionnĂ©e par leur Ă©vincement du processus de prise de dĂ©cision au sein de l’entreprise.Cependant, il semble que, dans certains cas, des dirigeants se maintiennent Ă  leur poste, etce en dĂ©pit de niveaux de performance relativement mĂ©diocres (eu Ă©gard Ă  l’état gĂ©nĂ©ralde la conjoncture Ă©conomique ou de la confiance des investisseurs dans les perspectivesde secteurs d’activitĂ©s particuliers). Dans ce cas, on peut penser que les dirigeantscontournent tout ou partie des mĂ©canismes de surveillance repris au sein du gouvernementd’entreprise ; les dirigeants obtiennent alors une position privilĂ©giĂ©e Ă  partir de laquelle ilsemble difficile de les Ă©vincer : on parlera d’un processus d’enracinement de la part dudirigeant au sein de l’entreprise considĂ©rĂ©e. Cette stratĂ©gie de contournement peut aussise rĂ©aliser de diverses maniĂšres selon les mĂ©canismes disciplinaires pris en considĂ©ration ;le choix des mĂ©canismes contournĂ©s dĂ©pend de maniĂšre fondamentale des stakeholders lesplus influents au sein de l’organisation.Au cours de la partie thĂ©orique de cet article, nous analyserons tout d’abord le rĂŽle centraljouĂ© par les dirigeants au sein des organisations en nous rĂ©fĂ©rant aux deux courantsdominants en matiĂšre de gestion. Cette introduction devrait permettre de comprendre lesraisons qui tendent Ă  expliquer l’apparition de mĂ©canismes de contrĂŽle auxquels sontassujettis les dirigeants, ceux-ci n’agissant pas toujours de maniĂšre conforme aux intĂ©rĂȘtsdes principaux stakeholders. Sur cette base, nous prĂ©senterons nos hypothĂšses de travail.Au niveau empirique, nous considĂ©rerons un Ă©chantillon d’entreprises ayant connu unemodification de leur Ă©quipe dirigeante et Ă©tant cotĂ©es sur le NASDAQ. De maniĂšreintuitive, on peut penser que les problĂšmes de performance – du moins boursiĂšre - pourles entreprises du NASDAQ ont Ă©tĂ© principalement rencontrĂ©s Ă  partir de mars 2000 ;mois Ă  partir duquel l’indice composite du NASDAQ a commencĂ© Ă  chuter de maniĂšresensible. Auparavant, il semble y avoir eu une croyance aveugle dans le style de gestionde ces entreprises. En fait, pour les investisseurs boursiers, on peut penser que dans lesannĂ©es 1998 et 1999, il s’agissait plutĂŽt d’accrĂ©diter des entreprises d’un secteur en fortecroissance et aux dĂ©veloppements Ă©conomiques difficilement estimables plutĂŽt que dejuger un style de gestion en tant que tel. De plus, le style de gestion des entreprises de ce

2 Agrawal, Knoeber (1996), “Firm Performance and Mechanisms to Control Agency Problemsbetween Managers and Shareholders”, Journal of Financial and Quantitative Analysis, vol.31, n°3,pp.377-3973 Freeman, Reed (1983), «Stockholders and Stakeholders : a New Perspective on CorporateGovernance”, California Management Review, vol.25, n°3, pp.88-106

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secteur n’était pas nĂ©cessairement associĂ© Ă  des niveaux de performance financiĂšre Ă©levĂ©eĂ  court terme (approchĂ©e par des indicateurs de type cash flow ou Earning Per Share) ; lesĂ©valuations favorables faites par les actionnaires relevaient plutĂŽt d’anticipations de gainsfuturs que de fondamentaux positifs.

2.3. Analyse du rÎle joué par le dirigeant au sein des organisations

Deux schĂ©mas sont, Ă  ce niveau, envisageables. PremiĂšrement, il y a accord sur laperspective nĂ©o-classique selon laquelle tous les choix individuels convergent vers unobjectif commun de maximisation de la richesse de l’entreprise. Le raisonnement sous-jacent est que les dĂ©cisions prises par les dirigeants doivent permettre de rĂ©duire les coĂ»tset d’amĂ©liorer la position concurrentielle de l’entreprise, ce qui devrait aussi consolider larelation avec l’ensemble des stakeholders de l’entreprise. DeuxiĂšmement, la critique de lathĂ©orie nĂ©oclassique des organisations est principalement formalisĂ©e au niveau de lathĂ©orie de la thĂ©orie de l’agence qui sert de base au dĂ©veloppement de la thĂ©orie del’enracinement des dirigeants.Selon cette thĂ©orie, les intĂ©rĂȘts des actionnaires et des managers ne convergent pasnĂ©cessairement. L’analyse de la structure du capital n’est pas toujours suffisante pourcomprendre ces divergences d’intĂ©rĂȘt (Paquerot, Mtanios, 1997)4. De maniĂšreschĂ©matique et selon un raisonnement repris par Jensen et Meckling (1976), des conflitsd’agence peuvent apparaĂźtre Ă  partir du moment oĂč les actionnaires dĂ©lĂšguent une partiede la prise de dĂ©cision Ă  des managers qui peuvent avoir comme objectif la maximisationde la richesse de l’ensemble des stakeholders (et pas uniquement celle des actionnaires,Scot, Lane (2000)5) et, dans certains cas, la maximisation de leurs intĂ©rĂȘts personnels. Parexemple, le dirigeant peut opter pour des mesures de diversification pour accroĂźtre sonpouvoir : la liaison nĂ©gative entre la diversification et la valeur de l’entreprise estgĂ©nĂ©ralement Ă©tablie pour les Etats-Unis (Comment, Jarrel, 1995)6, alors que, pourl’Europe, elle reste toutefois plus problĂ©matique (Perdreau, 1999)7.Les coĂ»ts de surveillance de la part des actionnaires induisent des pertes de valeur pources derniers ; celles-ci sont appelĂ©es les coĂ»ts d’agence. Plusieurs sources de problĂšmespeuvent entraĂźner des coĂ»ts d’agence :

‱ Le problĂšme de l’implication ;‱ Le problĂšme de l’horizon temporel pris en considĂ©ration ;‱ Le problĂšme de la position face au risque ;‱ Le problĂšme de l’utilisation des actifs.

4 Paquerot, Mtanios (1999), «Structure de propriĂ©tĂ© et sous-performance des firmes : une Ă©tudeempirique sur le marchĂ© au comptant, le rĂšglement mensuel et le second marchĂ© », Actes del’Association Française de Finance, Aix-en-Provence, juin 1999, 27 pages5 Scot, Lane (2000), «A Stakeholder Approach to Organizational Identity », Academy of ManagementReview, vol.25, n°&, pp.43-626 Comment, Jarrel (1995), «Corporate Focus and Stock Return », Journal of Financial Economics,vol.37, pp.67-877 Perdreau (1999), «Diversification, performance de l’entreprise et opportunisme managĂ©rial : quelsliens sur le marchĂ© français ? », Actes de l’Association Française de Finance, Aix-en-Provence, juin1999, 32 pages

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2.4. Gouvernement d’entreprise et mĂ©canismes disciplinaires

Afin de faire face aux problĂšmes relevĂ©s ci-dessus, on observe la mise en place au sein desentreprises d’un systĂšme de surveillance repris sous le terme gĂ©nĂ©rique « gouvernementd’entreprise ». Selon la dĂ©finition apportĂ©e par plusieurs auteurs (Charreaux, 19978,Maati, 1999), le gouvernement d’entreprise relĂšve d’une volontĂ© de crĂ©er ou d’entretenirun ensemble de mĂ©canismes visant Ă  assurer le contrĂŽle efficace des dirigeants au sein desorganisations. Pour comprendre Ă  quels niveaux et dans quelle mesure ces diffĂ©rentsmĂ©canismes peuvent Ă©ventuellement intervenir, la rĂ©fĂ©rence gĂ©nĂ©ralement retenue estcelle de Fama et Jensen (1983)9 qui distinguent les fonctions de nature dĂ©cisionnelle et lesfonctions de contrĂŽle.

Les mĂ©canismes de contrĂŽle comprennent les modalitĂ©s internes et externes desurveillance. Dans les mĂ©canismes internes, on retrouve le Conseil d’Administration (lesĂ©tudes se sont principalement consacrĂ©es au type de rĂ©partition (internes versus externes)permettant d’assurer un type de gestion conforme aux intĂ©rĂȘts des actionnaires (parexemple Borokhovich, Parrino, Trapani, 199610, Forbes, Milliken, 199911)) et lesmembres du personnel (la surveillance par les autres dirigeants ou par les employĂ©ssubalternes. On peut penser que les membres situĂ©s plus bas dans la hiĂ©rarchie aurontintĂ©rĂȘt Ă  supplanter les dirigeants non compĂ©tents, en dĂ©pit du fait que, dans certains cas,les membres du personnel et l’équipe dirigeante en place peuvent avoir des intĂ©rĂȘtscommuns). Les mĂ©canismes externes comprennent les banques (l'octroi de crĂ©dit peut ĂȘtreconditionnĂ© par des rapports d'audit et la possibilitĂ© d'un arrĂȘt de la relation avec la banquefait que les dirigeants ont intĂ©rĂȘt Ă  limiter la prise de dĂ©cisions stratĂ©giques risquĂ©es12), lemarchĂ© du travail (la rĂ©gulation par le marchĂ© du travail peut se faire en considĂ©rant lespossibilitĂ©s pour l’entreprise de trouver une autre Ă©quipe dirigeante capable de gĂ©rer demaniĂšre efficace) et les prises de contrĂŽle (la faiblesse des cours reflĂšte les inefficiencesmanagĂ©riales et donne la possibilitĂ© Ă  une partie tierce de prendre le contrĂŽle del’entreprise).L’évaluation globale de ces diffĂ©rentes possibilitĂ©s de contrĂŽle est un axe de rechercherelativement peu traitĂ© (voir, sur cette problĂ©matique, Renneboog, 200013) ; le problĂšmeĂ©tant que certaines mĂ©canismes peuvent ĂȘtre interdĂ©pendants (Charreaux (2000)14).

8 Charreaux (1997), «L’entreprise publique est-elle nĂ©cessairement moins efficace ? », RevueFrançaise de Gestion, n°115, pp.38-569 Fama, Jensen (1983), «Separation of Ownership and Control », Journal of Law and Economics,vol.26, pp.301-32610 Borokhovich, Parrino, Trapani (1996), «Outside Directors and CEO Selection”, Journal of Financialand Quantitative Analysis, vol.31, n°3, pp.337-35511 Forbes, Milliken (1999), «Cognition and Corporate Governance : Understanding Boards of Directorsas Strategic Decision Making Groups”, Academy of Management Review, vol.24, n°3, pp.489-50512 Charreaux (1992), "Mode de contrĂŽle des dirigeants et performance des firmes", CREGO WorkingPaper, n°9206, 43 pages13 Reneboog (2000), «Ownership, managerial control and the governance of companies listed on theBrussels Stock Exchange”, Journal of Banking and Finance, n°24, pp.1959-199514 Charreaux (2000), «La thĂ©orie positive de l’agence : positionnement et apports », Revue d’EconomieIndustrielle, n°92, pp.193-214

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2.5. DĂ©faillance du gouvernement d’entreprise : enracinement desdirigeants et gains liĂ©s Ă  la succession difficilement estimables

En dĂ©pit des diffĂ©rents mĂ©canismes mis en place au sein des organisations, il semble quecertains dirigeants demeurent Ă  leur poste, et ce en dĂ©pit de niveaux de performancemĂ©diocre. Si le gouvernement d’entreprise est rĂ©ellement efficace et totalement rĂ©actif,alors toute chute importante de la performance boursiĂšre de l’entreprise devraitrapidement conduire Ă  une modification de l’équipe dirigeante en place. Si tel n’est pas lecas, deux explications sont envisageables.D’un cĂŽtĂ©, il peut exister des poches d’inefficience au sein des organisations qui font quele statut du dirigeant est difficilement contestable (enracinement du dirigeant). Dans cecadre, on peut penser que le dirigeant obtient un pouvoir discrĂ©tionnaire tellementimportant qu’il devient difficile pour les stakeholders de l’évincer du processus de prise dedĂ©cision.D’un autre cĂŽtĂ©, une autre explication provient du fait que le manque d’homogĂ©nĂ©itĂ© parrapport au processus de crĂ©ation de valeur associĂ© aux changements de dirigeants. Lesactionnaires peuvent estimer que les effets nĂ©gatifs de la succession peuvent ĂȘtre plusimportants que les effets positifs.

2.5.1. Explication relative à l’enracinement des dirigeants

La thĂ©orie d’enracinement des dirigeants s’inscrit dans une perspective mise en Ă©videnceinitialement par la thĂ©orie de l’agence : l’enracinement traduit une volontĂ© de la part del’agent (Ă  savoir le dirigeant) de neutraliser les mĂ©canismes de contrĂŽle qui lui sontimposĂ©s par le principal (Ă  savoir les actionnaires) ; ce qui devrait lui permettre des’octroyer des avantages personnels plus importants.Les premiers dĂ©veloppements de cette thĂ©orie sont dus Ă  Shleifer et Vishny (1989)15 ; leprocessus d’enracinement passant par la rĂ©alisation d’investissements spĂ©cifiques : cesinvestissements doivent permettre de diminuer la probabilitĂ© d’éviction des managers,d’obtenir des salaires plus Ă©levĂ©s et de profiter d’un espace discrĂ©tionnaires plus importantdans le choix de la stratĂ©gie du groupe. Ces investissements spĂ©cifiques vont entraĂźner larĂ©alisation de projets en relation directe avec leur formation ou expĂ©rience, mĂȘme si ceux-ci ne sont pas nĂ©cessairement les plus rentables pour l’entreprise. Ces investissementsspĂ©cifiques aux managers risquent des les rendre rapidement indispensables. Pour cetteraison, les dirigeants deviennent difficilement remplaçables, ce qui peut entraĂźner,premiĂšrement, une hausse de salaires et, deuxiĂšmement, la crĂ©ation d’un espacediscrĂ©tionnaire plus important, Ă  partir duquel le dirigeant est en mesure de gĂ©rerl’entreprise de maniĂšre indĂ©pendante.

Dans cette optique, Hirshleifer (1993)16 propose trois catĂ©gories d’actions en vue demaximiser le renom du dirigeant sur le marchĂ© du travail :

‱ amĂ©liorer les indicateurs de performance Ă  court terme ;‱ avancer l’arrivĂ©e de nouvelles favorables et retarder celle des dĂ©favorables ;

15 Shleifer, Vishny (1989), «Management Entrenchment : the Case of Manager Specific Investments »,Journal of Financial Economics, vol.25, n°1, pp.123-13916 Hirshleifer (1993), « Managerial Reputation and Corporate Investments Decisions », FinancialManagement, pp.145-160

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‱ copier les dĂ©cisions des dirigeants les plus rĂ©putĂ©s et Ă©viter d’ĂȘtre assimilĂ© auxdirigeants les moins compĂ©tents.

Selon nous, la thĂ©orie de l’enracinement a pris de l’importance pour une raison centrale.Depuis les annĂ©es 80, on observe au sein des entreprises une politique de repositionnementsur leur mĂ©tier (leurs compĂ©tences distinctives), avec un abandon des stratĂ©gies reposant surdes politiques de diversification tout azimut (Lang, Stulz, 1994)17. La contingenceĂ©conomique a donc fait que les modĂšles de gestion sont passĂ©s d’un essaimage du marchĂ© Ă une concentration sur ce que l’entreprise fait de mieux. Dans cette optique, l’enracinementpeut apparaĂźtre comme la consĂ©quence d’une focalisation des dirigeants sur leurs compĂ©tencesspĂ©cifiques. Les connaissances du dirigeant deviennent un facteur fondamental qui supposeque l’opportunisme contribue, sous certains Ă©gards, Ă  l’amĂ©lioration du processus de crĂ©ationde valeur (aspect positif de l’enracinement). L’aspect nĂ©gatif de l’enracinement relĂšve du faitque les dirigeants apparaissent avoir une position de plus en plus dominante au sein del’organisation, ce qui conduit dans certains cas, Ă  un accroissement dĂ©mesurĂ© de leur pouvoirdiscrĂ©tionnaire et de leur latitude managĂ©riale pouvant dĂ©boucher sur une dĂ©gradation de laperformance de l’entreprise. Selon ce raisonnement, il existerait donc un seuil optimald’enracinement.

Selon nous, l’enracinement passe par un contournement des diffĂ©rents mĂ©canismes decontrĂŽle prĂ©sents dans le gouvernement d’entreprise. Ce contournement de tout ou partie desmĂ©canismes de contrĂŽle devrait permettre aux dirigeants de crĂ©er des poches d’inefficience ausein des organisations et, ainsi, de gĂ©nĂ©rer et maintenir des rentes. Le dirigeant va peut-ĂȘtreessayer de se crĂ©er une position prĂ©fĂ©rentielle au sein de l'entreprise de maniĂšre contractuelle(certaines clauses de son contrat empĂȘchant son Ă©vincement rapide) et/ou par le biais desmesures qu'il va prendre (le dirigeant en place est peut-ĂȘtre la seule personne – Ă©tant donnĂ©ses compĂ©tences spĂ©cifiques - rĂ©ellement en mesure de mener Ă  terme le type de dĂ©cisionprise).Pour cela, par exemple, il va rapidement dĂ©velopper un rĂ©seau de relations qui lui sontfavorables et/ou entreprendre des actions dont la spĂ©cificitĂ© et la valeur dĂ©pendent de sonmaintien Ă  la tĂȘte de l'entreprise, son remplacement entraĂźnant inĂ©vitablement une perte devaleur importante pour les actionnaires (Charreaux, 1996)18.Dans cette optique, certains auteurs (Stiglitz, Edlin, 1992)19 suggĂšrent que les dirigeants ontintĂ©rĂȘt Ă  laisser des zones d'incertitude quant Ă  la rentabilitĂ© des investissements de maniĂšre Ă dĂ©courager le recrutement de rivaux potentiels.

2.5.2. Explication relative au manque de certitude quant aux effets de la succession

En-dehors de l’enracinement en tant que tel, on peut aussi penser qu’il puisse exister unerĂ©ticence naturelle Ă  modifier les Ă©quipes dirigeantes du fait de l’ambiguĂŻtĂ© des rĂ©sultatsassociĂ©s Ă  ce type d’opĂ©rations. De maniĂšre thĂ©orique, l’arrivĂ©e d’une nouvelle Ă©quipedirigeante peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e de trois maniĂšres diffĂ©rentes :

17 Lang, Stulz (1994), «Tobin’s Q, Corporate diversification, and Firm Performance », Journal ofPolitical Economy, vol.102, n°6, pp.1248-128018 Charreaux (1996), "Vers une thĂ©orie du gouvernement des entreprises", CREGO Working Paper,n°9603, 53 pages19 Edlin, Stiglitz (1992), "Discouraging Rivals : Managerial Rent Seeking and EconomicInsufficiencies", NBER Working Paper Series

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‱ la succession en tant qu'adaptation aux changements de l'environnement commercial(thĂ©orie du bon sens): le remplacement de l'Ă©quipe dirigeante constitue un signal de lavolontĂ© de l'entreprise de prendre de nouvelles orientations stratĂ©giques dans l'intĂ©rĂȘt desactionnaires. Dans cette optique, la succession peut s'interprĂ©ter comme une volontĂ© delutter contre une incapacitĂ© de l'Ă©quipe dirigeante Ă  rĂ©soudre des problĂšmes stratĂ©giques ouopĂ©rationnels ou contre un enracinement trop important de l'Ă©quipe en place ;

‱ la succession en tant qu'Ă©vĂ©nement dĂ©stabilisateur (thĂ©orie du "cercle vicieux") : undeuxiĂšme courant de pensĂ©e considĂšre que la succession peut rompre l'Ă©quilibre entrel'organisation et son environnement. Par exemple, il peut y avoir une altĂ©ration descontrats implicites ou une modification de la maniĂšre de travailler : les divergences entreles membres de l'Ă©quipe de direction peuvent se traduire par des erreurs stratĂ©giques quipeuvent amener le retrait de certains stakeholders affectant la performance de l'entreprise etgĂ©nĂ©rant le dĂ©part d'autres dirigeants. Ce qui risque Ă  terme de provoquer la dĂ©faillance del'entreprise (Hambrick, d'Aveni, 1992)20;

‱ la succession en tant qu'Ă©vĂ©nement non-significatif (thĂ©orie du bouc Ă©missaire) : lesmodifications organisationnelles s'effectuent de maniĂšre alĂ©atoire. La difficultĂ© d'Ă©tablirdes liens entre les intentions des dirigeants et la performance de l'entreprise fait quel'Ă©vĂ©nement en soi n'a pas d'effet significatif. Ce dernier mouvement de pensĂ©e posel’hypothĂšse soit que la personnalitĂ© du dirigeant en tant que telle n'est que peu importanteeu Ă©gard au processus dĂ©cisionnel, soit que les nouveaux dirigeants seront jugĂ©sultĂ©rieurement, lorsqu'ils prendront les premiĂšres dĂ©cisions et pas initialement lorsqu'ilsn'ont pas encore fait leurs preuves au sein de l'organisation. On peut toutefois relativisercette derniĂšre affirmation en distinguant, d'une part, l'accession d'un nouveau dirigeant parun processus de promotion interne et, d'autre part, l'accession de maniĂšre externe (c'est-Ă -dire un dirigeant provenant d'une autre entreprise, du mĂȘme ou d'un autre secteur).

3. Plan expérimental et développement des hypothÚses

3.1. DĂ©veloppement des hypothĂšses de travail

Suite Ă  ces diffĂ©rents niveaux d’étude, notre premiĂšre hypothĂšse de travail concernera l’effetattendu du changement de dirigeant sur la valorisation boursiĂšre de l’entreprise. A ce niveau,il nous semble pertinent de dĂ©finir l’évĂ©nement « changement de dirigeant ». En effet, lechangement de dirigeant passe par deux Ă©tapes. L’effet sur la valorisation boursiĂšre del’entreprise peut-ĂȘtre fondamentalement diffĂ©rent. La premiĂšre consiste dans le dĂ©part dudirigeant. Suite Ă  ce dĂ©part, la deuxiĂšme Ă©tape tient dans le fait qu’une autre personne vaalors reprendre les fonctions laissĂ©es libres. Trois cas de figure peuvent se prĂ©senter.Dans le premier cas de figure, une personne (gĂ©nĂ©ralement interne Ă  l’entreprise et qui occupeune autre fonction) va reprendre le poste vacant de maniĂšre temporaire (on peut penser quecela va se faire trĂšs rapidement Ă©tant donnĂ© les responsabilitĂ©s du poste concernĂ©), c’est-Ă -direjusqu’à un processus de nomination dĂ©finitive de cette personne ou d’une autre.Dans le deuxiĂšme cas de figure, le successeur reprend la fonction directement sans qu’il n’yait une pĂ©riode de transition.Dans le troisiĂšme cas de figure, le dirigeant quitte la fonction pour une autre au sein del’entreprise (passage de CEO vers Chairman, par exemple). Dans ce cas, il ne s’agit pas d’undĂ©part du mĂȘme ordre que lorsque le dirigeant quitte dĂ©finitivement l’entreprise pour

20 Hambrick, d'Aveni (1992), "Top Team Deterioration as Part of the Downward Spiral of LargeCorporate Bankruptcies", Management Science, vol.38, n°10, pp.1445-1466

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poursuivre d’autres opportunitĂ©s. On peut penser que le dĂ©placement de fonction ne va pasbriser complĂštement les poches d’inefficience au sein de l’organisation.

Au sein de notre Ă©tude, nous considĂ©rerons comme changement de dirigeant, lesmodifications dans les postes de CEO (Chief Executive Officer) et/ou de CFO (ChiefFinanciel Officer) ; ces deux personnes Ă©tant considĂ©rĂ©es comme centrales dans l’organisation(Mian, 2001)21. Le CFO peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le responsable au sein de l’organisationqui va mettre en avant de maniĂšre quantitative les fonctions Ă  valeur ajoutĂ©e faible dansl’entreprise ; on peut penser qu’il va ĂȘtre Ă  la base des modifications stratĂ©giquesĂ©ventuellement entreprises par l’organisation.

Les rĂ©sultats obtenus par diffĂ©rentes Ă©tudes analysant l'impact d'une annonce de successionsur l'Ă©volution des rentabilitĂ©s boursiĂšres montrent que les rĂ©actions ne sont pas homogĂšnes ets'inscrivent dans un contexte plus large que l'Ă©vĂ©nement "succession" en tant que telcomprenant par exemple le niveau de performance de l'entreprise avant l'arrivĂ©e de lanouvelle Ă©quipe dirigeante ou le fait que la modification intervient sans que cela ne soitnĂ©cessairement possible de l’anticiper (par exemple le cas du dĂ©cĂšs du dirigeant). En ce quiconcerne les Ă©tudes menĂ©es au niveau international, les rĂ©sultats montrent que la succession aplutĂŽt pour objectif que l'entreprise soit en mesure de faire face Ă  des changementscommerciaux (thĂ©orie du bon sens). Toutefois, les effets sur le processus de crĂ©ation devaleur sont ambigus et dĂ©pendent, dans certains cas, de l'interaction de plusieurs variables.

Pour la France, selon PigĂ© (1997)22, le marchĂ© boursier rĂ©agit positivement Ă  l'annonce d'unchangement de dirigeant. Toutefois, il ressort que la rĂ©action du marchĂ© Ă  ce type d'annoncedĂ©pend de la situation financiĂšre de l'entreprise. En effet, si l'entreprise est peu performante,le marchĂ© va rĂ©agir de maniĂšre nĂ©gative Ă  l'annonce d'un changement de dirigeant sauf sicelui-ci est remplacĂ© par un dirigeant externe (le nouveau dirigeant interne Ă©tant peut-ĂȘtre,dĂ©jĂ  lui-mĂȘme Ă  ce moment-lĂ , enracinĂ©). Dans ce dernier cas, le marchĂ© estime que lechangement probable de stratĂ©gie permettra de redresser la situation. Si l'entreprise estperformante, l'arrivĂ©e d'un dirigeant externe est jugĂ©e nĂ©gativement dans la mesure oĂč, unemodification de la stratĂ©gie de l'entreprise ne se justifie alors pas.

D'autre part, sur le marchĂ© amĂ©ricain, Friedman et Singh (1989)23 ont montrĂ© que les marchĂ©sfinanciers Ă©valuaient de maniĂšre positive l'arrivĂ©e de nouveaux dirigeants dans le cas oĂč ilĂ©tait nĂ©cessaire pour l'entreprise de prendre de nouvelles orientations stratĂ©giques, ce quicorrespond aussi Ă  l'idĂ©e que la succession dĂ©coulerait de la volontĂ© d'une adaptation auxchangements de l'environnement commercial et concurrentiel. Les auteurs ont mis enĂ©vidence que, pour les entreprises ayant de faibles niveaux de performance, l'hypothĂšse desuccession en tant qu'Ă©vĂ©nement dĂ©stabilisateur Ă©tait validĂ©e (toutefois, il convient de prendreĂ©galement en considĂ©ration la rĂ©partition du Conseil d’Administration24).

21 Mian (2001), "On the Choice and Replacement of Chief Financial Officers", Journal of FinancialEconomics, vol.60, n°1, pp.143-17522 Pigé (1997), "Le marché boursier réagit-il à l'annonce des changements de dirigeants ?", Finance,vol.18, n°2, pp.51 - 6623 Friedman, Singh (1989), "CEO Succession and Stockholder Reaction : the Influence ofOrganizational Context and Event Content", Academy of Management Journal, vol.32, n°4, pp.718-74424 Weisbach (1990), "Outside Directors and CEO Turnover", Journal of Financial Economics, n°20,pp.431-460

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De l'étude réalisée par Lubatkin, Chung, Rogers, Owers (1989)25 sur le marché américain, ilressort que les successions constituent une information négative pour les investisseursfinanciers. Toutefois, ils ont nuancé leurs apports en montrant que la combinaison de deuxfacteurs indépendants (un niveau de performance élevé - les entreprises les moinsperformantes ne sont pas en mesure d'attirer les dirigeants les plus compétents - et le recours àun dirigeant externe - les investisseurs estiment que les personnes extérieures agiront demaniÚre plus efficace que les managers enracinés) pouvait aussi entraßner une réactionpositive des marchés.

De ces différentes études, il semble difficile d'estimer de maniÚre univoque l'effet d'uneannonce d'un changement de dirigeant, un effet négatif de déstabilisation semblant compenserun effet positif d'adaptation :

‱ L'effet de dĂ©stabilisation peut entraĂźner des rĂ©ticences Ă  choisir des managers extĂ©rieurscompĂ©tents (par exemple Ă  cause de routines organisationnelles ancrĂ©es de longue date).

‱ L'effet d'adaptation se traduit par une vision nouvelle de l'entreprise. Il semble toutefoisressortir, de maniĂšre globale, que l'arrivĂ©e d'un nouveau dirigeant interne soit perçue demaniĂšre nĂ©gative (l'Ă©valuation nĂ©gative provenant du fait que le dirigeant a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© jugĂ©au prĂ©alable et qu'il n'est peut-ĂȘtre pas en mesure de mettre en Ɠuvre une stratĂ©gierĂ©ellement novatrice pour l'entreprise).

Ce manque d’homogĂ©nĂ©itĂ© par rapport aux opĂ©rations de changements de dirigeants peutaussi constituer l’une des raisons pour lesquelles le dirigeant n’est pas automatiquementremplacĂ© lors d’une dĂ©gradation importante de la performance. Les actionnaires peuventalors estimer que l’effet de dĂ©stabilisation est plus important que l’effet d’adaptation lors duchangement de dirigeant et risque, de ce fait, de nuire au processus de crĂ©ation de valeur.

Sur base des travaux antĂ©rieurs que nous avons dĂ©taillĂ©s, il semble difficile de prĂ©voir quelsera l’effet net de la modification de dirigeants sur la valorisation boursiĂšre de l’entreprise(effet d’adaptation versus effet de dĂ©sorganisation). Toutefois, Ă©tant donnĂ© le peu de crĂ©ditassociĂ© aux entreprises du secteur analysĂ© sur l’horizon temporel que nous considĂ©rons, onpeut penser que la modification de l’équipe dirigeante prise de maniĂšre isolĂ©e (c’est-Ă -diresans prendre en considĂ©ration les autres variables caractĂ©risant l’entreprise au moment decette modification) aura un effet nĂ©gatif sur la performance boursiĂšre Ă  court terme.

Variable dépendante

HypothĂšse 1 : la modification de l’équipe dirigeante entraĂźne en moyenne un

processus de destruction de valeur boursiĂšre Ă  court terme. L’annonce de l’évĂ©nement

provoque des mouvements anormaux statistiquement significatifs et négatifs (ces rentabilités

constitueront la variable Ă  expliquer).

On peut penser que le niveau de performance boursiĂšre prĂ©alable risque d’influencer lecomportement des investisseurs boursiers Ă  l’annonce du changement de dirigeant. L’idĂ©e est

25 Lubatkin, Chung, Rogers, Owers (1989), "Stockholder Reactions to CEO Changes in LargeCorporations", Academy of Management Journal, vol.32, n°1, pp.47 - 68

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que plus le niveau de performance est faible, plus il semble nĂ©cessaire pour l’entreprise derevoir son organisation et un nouveau dirigeant sera plus susceptible d’effectuer cettedĂ©marche qu’un dirigeant dĂ©jĂ  en place (qui est enracinĂ©).Dans cette optique, Lautsen (2002)26 a montrĂ©, pour le cas spĂ©cifique du Danemark, que lesniveaux de performance avaient une influence sur la probabilitĂ© d’éviction des CEO, ce quitendrait Ă  vouloir dire que la crainte de licenciement du dirigeant conduit celui-ci Ă  agir dansles intĂ©rĂȘts des actionnaires.Leker, Salomo (2000)27 ont montrĂ©, dans le cas de l’Allemagne, que la chute de laperformance (mesurĂ©e par le Return On Assets) avait une incidence sur le taux de rotation desĂ©quipes dirigeantes. Ces rĂ©sultats s’inscrivent dans les travaux qui mettent en avant la liaisonentre le dĂ©clin de la performance et l’accroissement de la probabilitĂ© de changement del’équipe dirigeante (par exemple Harrison, Torres, Kukalis, 1988)28.

Dans une Ă©tude menĂ©e entre 1985 et 1989 sur le marchĂ© français, PigĂ© (1993)29 montre que lesdirigeants français insuffisamment performants sont sanctionnĂ©s par les Conseilsd’Administration, ceux-ci fondant leur opinion sur la performance en cours (rĂ©sultats attendusde la stratĂ©gie Ă  court, voire Ă  moyen terme) et sur les rĂ©sultats de la stratĂ©gie passĂ©e. LespossibilitĂ©s de rĂ©vocation permettent de garantir un niveau de performance minimale.

Variables indépendantes

HypothĂšse 2 : La performance prĂ©cĂ©dant le remplacement d’un dirigeant a une incidence sur

la rentabilité boursiÚre au moment du changement.

Par rapport Ă  la modification de l’équipe dirigeante en place, la premiĂšre distinction que nousopĂ©rons se marque au niveau du caractĂšre interne ou externe de la succession, c’est-Ă -dire quenous Ă©valuons le fait que l’organisation accentue la refonte de son organisation parl’engagement d’un dirigeant externe, c’est-Ă -dire sans lien prĂ©alable avec l’organisationconsidĂ©rĂ©e. Nous pensons que les modifications organisationnelles seront facilitĂ©es parl’arrivĂ©e d’un dirigeant externe dans la mesure oĂč ce dernier ne doit pas honorer des contratsimplicites et aura plus de facilitĂ© pour rĂ©organiser de maniĂšre radicale l’entreprise. L’arrivĂ©ed’un dirigeant selon un processus de promotion interne se justifie plus dans le cas d’unmaintien de la stratĂ©gie de l’entreprise ou lorsque la succession Ă©tait difficilement anticipable(par exemple le cas d'un dĂ©cĂšs). Par rapport Ă  cette problĂ©matique, nous relevons, de maniĂšre thĂ©orique, deux possibilitĂ©sd'attitude des marchĂ©s : ‱ les marchĂ©s financiers considĂšrent que l'arrivĂ©e d'un nouveau dirigeant par un processus de

promotion interne ne va pas provoquer une rĂ©elle modification du style de gestion del'entreprise, car le nouveau dirigeant est, dans ce cas, peut - ĂȘtre lui – mĂȘme, dĂ©jĂ  enracinĂ©.

26 Lautsen (2002), «CEO turnover, firm performance and corporate governance : empirical evidenceon Danish firms», International Journal of Industrial Organization, vol.20, pp.391-41427 Leker, Salomo (2000), «CEO Turnover and Corporate Performance », Scandinavian Journal ofManagement, n°16, pp.287-30328 Harrison, Torres, Kukalis (1988), « The changing of the guard : turnover and structural change in thetop management positions », Administrative Science Quarterly, n°33, pp.211-23229 PigĂ© (1993), "Le pouvoir de rĂ©vocation du Conseil d’Administration et l’incitation Ă  la performancedes dirigeants", C.R.E.G.O. Working Paper, n°9306, 21 pages

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Le problĂšme Ă©tant de se demander s’il est nĂ©cessaire pour l’entreprise de revoir sonorganisation ;

‱ les marchĂ©s jugent que les dĂ©cisions stratĂ©giques ne peuvent ĂȘtre menĂ©es que si lesmanagers ont une connaissance "suffisante" des caractĂ©ristiques de l'entreprise (dans le casde l'arrivĂ©e de dirigeants externes, ce type de connaissances est faible, voire inexistant).Les marchĂ©s auront alors une rĂ©action nĂ©gative par rapport Ă  l'arrivĂ©e de dirigeantsextĂ©rieurs.

Par rapport Ă  cette problĂ©matique, nous pensons de maniĂšre globale qu’un nouveau dirigeantexterne va amener des compĂ©tences nouvelles pour l’entreprise et que, dans le cas d’uneentreprise performante, les autres dirigeants parviendront Ă  canaliser les Ă©ventuelles volontĂ©sde modifications organisationnelles

Hypothùse 3 : Le remplacement d’un dirigeant par une personne externe a une incidence

positive sur la rentabilité boursiÚre au moment du changement.

Nous postulons que la rĂ©action des marchĂ©s boursiers Ă  l’annonce d’un changement dedirigeant peut Ă©galement ĂȘtre conditionnĂ©e par le fait que l’entreprise soit placĂ©e sous Chapter11 ou en faillite. En complĂ©ment de ce qui a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© dans l’hypothĂšse relative au niveaude performance prĂ©cĂ©dant le changement de dirigeant, on peut penser qu’une nouvelledirection – avec une vision novatrice de l’entreprise - aura tendance Ă  amĂ©liorer les niveauxde performance de l’entreprise.

Hypothùse 4 : Le remplacement d’un dirigeant alors que l’entreprise est sous concordat

judiciaire ou en faillite a un effet positif sur la rentabilitĂ© boursiĂšre de l’entreprise.

En dĂ©pit du rĂŽle important jouĂ© par le CFO (et dĂ©crit lors de la prĂ©sentation des Ă©vĂ©nementspris en considĂ©ration), nous pensons qu’une modification de CEO aura plus d’influence sur lecomportement des investisseurs boursiers dans la mesure oĂč ce dernier a une latitudemanagĂ©riale a priori plus Ă©levĂ©e que le CFO et peut entamer de maniĂšre rapide une procĂ©durede rĂ©amĂ©nagement organisationnel (plus facilement que ne pourrait le faire le CFO).

Hypothùse 5 : Le remplacement d’un CEO a une incidence plus forte que celui d’un CFO sur

la rentabilité boursiÚre.

De maniĂšre classique, nous pensons aussi qu’une sĂ©paration des fonctions de Chairman ouprĂ©sident et de CEO devrait garantir un meilleur type de gouvernement d’entreprise quelorsque ces deux fonctions sont sous la responsabilitĂ© d’une seule personne. Au niveau de lasuccession, on peut penser que le fait d’amener une nouvelle personne au sein del’organisation va permettre de rĂ©duire le pouvoir discrĂ©tionnaire du dirigeant. Si la successionbrise le monopole dĂ©cisionnel du dirigeant, on peut se dire que cela aura un effet positif surl’attitude des investisseurs boursiers. De plus, mĂȘme s’il n’y a pas de scission qui s’opĂšre, onpeut penser qu’à court terme, cela aura une incidence positive sur le comportement desmarchĂ©s boursiers, mĂȘme si, Ă  plus long terme, les effets nĂ©gatifs de la double fonctionpourraient Ă  nouveau rĂ©apparaĂźtre.

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HypothÚse 6 : Le cumul des fonctions de Président du conseil et/ou Chairman et CEO avant

le remplacement d’un dirigeant a une incidence positive sur la rentabilitĂ© boursiĂšre au

moment du changement.

Au niveau du temps de prĂ©sence de l’ancienne Ă©quipe dirigeante, on peut se dire que pluslongtemps le dirigeant est restĂ© Ă  ce niveau de pouvoir, plus il a Ă©tĂ© en mesure d’honorer descontrats implicites et d’accroĂźtre ainsi sa latitude managĂ©riale. De ce fait, nous posons que lechangement de dirigeant risque de modifier les rapports de force au sein de l'entreprise, ce quiparaĂźt constituer un Ă©lĂ©ment positif pour les actionnaires. L’hypothĂšse 7 s’écrira donc :

HypothĂšse 7 : La longĂ©vitĂ© en poste de l’ancien dirigeant avant son remplacement a une

incidence positive sur la rentabilité boursiÚre au moment du changement.

L’hypothĂšse suivante concerne le fait que le dirigeant remplacĂ© Ă©tait aussi le fondateur del’entreprise. En fonction des caractĂ©ristiques du marchĂ© analysĂ© (sur lesquelles nousreviendrons par la suite), on peut penser que le cumul des caractĂ©ristiques pourrait entraĂźnerun accroissement des possibilitĂ©s d’enracinement au sein des organisation.

HypothĂšse 8 : Le fait que l’ancien dirigeant ait Ă©galement Ă©tĂ© le fondateur de l’entreprise

avant son remplacement a une incidence positive sur la rentabilité boursiÚre au moment du

changement.

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Variables de contrĂŽle

Les deux derniĂšres hypothĂšses que nous dĂ©veloppons peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme faisantrĂ©fĂ©rence Ă  deux variables de contrĂŽle. La premiĂšre se rĂ©fĂšre Ă  la taille de l’entreprise(approchĂ©e par logarithme de ses actifs), la seconde prend en considĂ©ration le niveau dedĂ©tention d’actions par les investisseurs institutionnels. Au niveau de la taille de l’entreprise,deux raisonnements prĂ©valent. A priori, la taille ne devrait pas avoir d’effet sur la valorisationboursiĂšre de l’entreprise concernĂ©e par le changement de dirigeant.En effet, si l’entreprise est de petite taille, alors le dirigeant n’a pas nĂ©cessairement Ă©tĂ© enmesure de crĂ©er une structure organisationnelle suffisamment lourde pour passer des contratsimplicites avec les membres de l’organisation et donc le risque que le dirigeant remplacĂ© soitenracinĂ© est moins important que dans les entreprises de plus grande taille (effet nĂ©gatif oueffet nul). Par contre, si l’entreprise est de grande taille, alors les risques que l’anciendirigeant soit enracinĂ© sont plus importants ; dans ce cas de figure, la taille pourrait avoir uneffet positif sur le comportement des investisseurs boursiers. Selon nous, les deux effets onttendance Ă  se neutraliser.

HypothĂšse 9 : La taille de l’entreprise n’a pas d’incidence sur la rentabilitĂ© boursiĂšre au

moment du changement.

Au niveau de la dĂ©tention du capital par les investisseurs institutionnels, celui-ci devrait soitne pas avoir d’incidence soit avoir un effet positif sur le comportement des investisseursboursiers. Il peut ne pas y avoir d’effet dans la mesure oĂč s’ils sont eux-mĂȘmes lesinstigateurs de ces changements, on peut penser qu’il y ait des fuites prĂ©alables et que lesajustements pour ces investisseurs se soient opĂ©rĂ©s avant l’annonce publique. Un autrecourant de pensĂ©e pourrait postuler que si les investisseurs institutionnels sont Ă  la base de lamodification de l’équipe dirigeante, alors ils vont eux-mĂȘmes donner un signal positif auxmarchĂ©s en achetant massivement des actions de l’entreprise considĂ©rĂ©e (effet positif duniveau de dĂ©tention).

HypothÚse 10 : Le niveau de détention par les investisseurs institutionnels avant le

remplacement d’un dirigeant n’a pas d’incidence sur la rentabilitĂ© boursiĂšre au moment du

changement.

4. Gouvernement d’entreprise et enracinement des dirigeant : le cas duNASDAQ

Nous avons choisi de travailler sur le NASDAQ, et ce pour deux raisons principales.PremiĂšrement, les entreprises cotĂ©es sur ce marchĂ© ont connu une chute importante de leurvalorisation boursiĂšre depuis mars 2000 (Ă  titre d’illustration, entre le 1er mars 2000 et le 1er

mars 2002, l’indice 100 du NASDAQ a perdu 66.67% de sa valeur), ce qui, a priori, devraitnous permettre de constituer un Ă©chantillon de taille importante d’annonces de modificationdes Ă©quipes dirigeantes. DeuxiĂšmement, il nous semble opportun d’analyser les entreprises

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cotĂ©es sur ce marchĂ© dans la mesure oĂč elles prĂ©sentent certaines caractĂ©ristiques spĂ©cifiquesen matiĂšre de gouvernement d’entreprise.

Au niveau des caractĂ©ristiques spĂ©cifiques des entreprises cotĂ©es sur ce marchĂ©, trois raisonsnous poussent Ă  croire qu’il pourrait exister des poches d’enracinement qui rĂ©duiraient lespossibilitĂ©s de modification des Ă©quipes dirigeantes :

‱ les entreprises de ce secteur ont reçu un soutien massif des investisseurs au cours desannĂ©es 1998 et 1999, voire dĂ©but 2000 (en fait, jusqu’en mars), et ce en dĂ©pit defondamentaux pas nĂ©cessairement favorables aux entreprises de ce secteur. Cet Ă©tat defait a permis aux dirigeants d’obtenir une position difficilement contrĂŽlable, dans lamesure oĂč ils Ă©taient soutenus de maniĂšre quasiment aveugle par les actionnaires (ce quipermettait aux dirigeants de maintenir des relations privilĂ©giĂ©es avec l’ensemble despersonnes en relation avec l’entreprise) ;

‱ on peut penser qu’il y ait une assimilation forte entre l’équipe dirigeante, les produits misau point et le niveau de pĂ©rennisation de l’entreprise. En d’autres termes, il peut y avoirune croyance selon laquelle la poursuite des activitĂ©s de l’entreprise ne peut quedifficilement ĂȘtre confiĂ©e Ă  d’autres managers qui ne connaissent pas nĂ©cessairement lesdiffĂ©rentes facettes du produit (ce qui rejoint la notion de spĂ©cificitĂ© des actifs dĂ©crite parShleifer et Vishny, 1989). De maniĂšre plus large, on peut se dire que les entreprises de laNouvelle Economie sont caractĂ©risĂ©es par des opportunitĂ©s de croissance Ă©levĂ©es maisaussi par des problĂšmes d’asymĂ©trie informationnelle en raison du caractĂšreprincipalement intangible des actifs (Cui, Mak, 2002)30 ;

‱ l’actualitĂ© Ă©conomico-financiĂšre de ces derniers mois a permis de mettre en Ă©vidence denombreux cas d’entreprises (par exemple, aux Etats-Unis, Enron et, en Europe, Lernout&Hauspie) oĂč les mĂ©thodes de gestion Ă©taient non seulement pas adaptĂ©es au contexteĂ©conomique et concurrentiel mais aussi (dans certains cas) frauduleuses.

5. Échantillonnage et mĂ©thodologie retenue

5.1. Échantillonnage

A partir de la base de donnĂ©es Bloomberg31, nous avons relevĂ© 103 annonces de modificationsde CEO et/ou de CFO sur la pĂ©riode allant de mars 2000 Ă  juin 2002 pour les entreprisescotĂ©es sur le NASDAQ et l’OTC. Nous donnons en annexe la liste des entreprises de notrebase de donnĂ©es ainsi que les dates d’annonce publique (c’est-Ă -dire reprises dansBloomberg). Nous avons Ă©galement complĂ©tĂ© notre base de donnĂ©es en considĂ©rant le siteInternet http://www.bizjournals.com ce qui nous a permis de recouper les informationsobtenues sur Bloomberg.

30 Cui, Mak (2002), « The relationship between managerial ownership and firm performance in highR&D firms », Journal of Corporate Finance, n°8, pp.313-33631 nous tenons Ă  ce niveau Ă  remercier HEC MontrĂ©al pour l’accĂšs Ă  cette base de donnĂ©es

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5.2. MĂ©thodologie retenue

Au niveau mĂ©thodologique, nous procĂ©dons en deux Ă©tapes : une Ă©tude de rĂ©action et uneĂ©tude d’association.Dans un premier temps, nous rĂ©alisons une Ă©tude d’évĂ©nement32 ; pour rappel, l’évĂ©nementconsidĂ©rĂ© (et dĂ©fini au point 6) Ă©tant la modification de l’équipe dirigeante (CEO et/ou CFO).Dans un deuxiĂšme temps, nous effectuons une Ă©tude d’association afin d’analyser dans quellemesure les variables censĂ©es reprĂ©senter les hypothĂšses formulĂ©es ont une influence sur lavalorisation boursiĂšre de l’entreprise au moment de l’annonce de l’évĂ©nement.

La mĂ©thodologie des Ă©tudes d’évĂ©nement a fondamentalement pour objectif d’analyser dansquelle mesure un Ă©vĂ©nement a une incidence sur l’évolution de la rentabilitĂ© boursiĂšre desentreprises concernĂ©es Ă  court terme. L’hypothĂšse de base de cette mĂ©thodologie estl’efficience semi-forte des marchĂ©s boursiers, c’est-Ă -dire que toute l’information publique estdirectement intĂ©grĂ©e dans les cours ainsi que les informations sur les cours antĂ©rieurs. CettemĂ©thodologie a Ă©tĂ© largement utilisĂ©e depuis les annĂ©es 7033 et tend Ă  analyser l’impact dediffĂ©rents types d’évĂ©nements : licenciements34, rachats d’actions, fusions et acquisitions35,augmentations de capital, annonces de rĂ©sultats36,
L’idĂ©e de base de cette mĂ©thodologie est de comparer une rentabilitĂ© observĂ©e Ă  unerentabilitĂ© estimĂ©e, c’est-Ă -dire celle qui aurait dĂ» ĂȘtre observĂ©e en l’absence de l’évĂ©nementconsidĂ©rĂ©. Au cours de notre Ă©tude, nous utiliserons une pĂ©riode d’estimation de 120 joursavant la pĂ©riode d’évĂ©nement qui comprendra 41 jours (20 jours avant et aprĂšs l’évĂ©nement,ce qui correspond Ă  deux mois boursiers). La diffĂ©rence entre la rentabilitĂ© observĂ©e et cellequi est estimĂ©e – appelĂ©e rentabilitĂ© anormale – indique donc l’effet de l’évĂ©nement en tantque tel.De maniĂšre opĂ©rationnelle, pour l’étude d’évĂ©nement, et en fonction des caractĂ©ristiques desentreprises de notre Ă©chantillon, nous utiliserons un test de nature non-paramĂ©trique, le testdes rangs qui est celui communĂ©ment utilisĂ© pour l’application de cette mĂ©thodologie sur desmarchĂ©s Ă  volatilitĂ© forte (Campbell, Wasley, 199337, Corrado, 1989)38. En effet, l’utilisationde tests paramĂ©triques (par exemple, le modĂšle de marchĂ©) pour le Nasdaq est soumis Ă  denombreuses critiques, notamment une volatilitĂ© trĂšs Ă©levĂ©e qui tend Ă  biaiser les rĂ©sultatsobtenus (une surestimation des effets de l’évĂ©nement).Le test des rangs (Conover, 1980)39 a pour objectif de remplacer les rentabilitĂ©s observĂ©es parun rang. On calcule ensuite un rang normal ; celui-ci est comparĂ© au rang rĂ©ellement observĂ©.

32 Brown, Warner (1985), “Using Daily Stocks Returns : the Case of Event Studies”, Journal ofFinancial Economics, vol.14, n°3, pp.3-3133 Fama, Fisher, Jensen, Roll (1969), «The Adjustment of Stock Prices to New Information”,International Economic Review, vol.10, n°1, pp.1-2134 Elayan, Swales, Maris, Scott (1998), "Market Reactions Characteristics and the Effectiveness ofCorporate Layoffs", Journal of Business, Finance and Accounting, vol.25, n°3, pp.329 - 35135 Hubler, Schmidt (2000), «Alliances, acquisitions et valorisation boursiĂšre», Revue Française deGestion, n°131, pp.85-9736 Le Than (1992), «RĂ©actions des investisseurs boursiers aux publications des rĂ©sultats sociauxconsolidĂ©s », CREFIGE Working Paper, n°920337 Campbell, Wasley (1993), "Measuring Security Price Performance Using Daily NASDAQ Returns",Journal of Financial Economics, vol.33, n°1, pp.73-9238 Corrado (1989), «A Nonparametric Test for Abnormality Security-Price Performance in eventStudies », Journal of Financial Economics, vol.23, n°2, pp.385-39539 Conover (1980), "Practical Nonparametric Statitistics", John Wiley and Sons

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Enfin, un test d'hypothÚse est utilisé pour connaßtre l'éventuel caractÚre statistiquementsignificatif du rang anormal (différence entre le rang observé et le rang normal) mis enévidence. Cependant, deux problÚmes sont liés à l'utilisation de ce test :

‱ la comparaison ne se fait pas avec une norme extĂ©rieure au titre, comme dans le cas d'unecomparaison avec un rendement de marchĂ© ;

‱ il est possible que l'accroissement en terme de rang ne soit, en fait, que peu proportionnelĂ  l'accroissement en terme de rendement, et donc, par ce test, l'effet de l'Ă©vĂ©nement peutĂȘtre plus ou moins sous-estimĂ©.

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6. RĂ©sultats (Ă  ce niveau de l’analyse, nous n’avons pas encore intĂ©grĂ© les variables decontrĂŽle et celle liĂ©e au temps de prĂ©sence de l’ancienne Ă©quipe dirigeante)

6.1. PrĂ©sentation de l’échantillon

Nombre d’observations PourcentageCEO 94 73,43CFO 34 26,57Total 128 100

Nombre d’observationsTotal 191DĂ©part 78 (0,408)ArrivĂ©e 113 (0,592)DĂ©part et arrivĂ©e 41DĂ©part, arrivĂ©e, externe, CEO 7

Performance globaleRentabilité moyenne en 0 -0,023Rentabilité moyennecumulée (-1 ;1)

-0,0028

Rentabilité moyennecumulée (-1 ; 4)

-0,0118

Rentabilité moyenne (-81 ;-21)

-0,1479

Sur base de cette prĂ©sentation, plusieurs conclusions peuvent ĂȘtre tirĂ©es. PremiĂšrement,on n’observe que peu de cas de dĂ©part et d’arrivĂ©e simultanĂ©s, c’est-Ă -dire que lesentreprises passent gĂ©nĂ©ralement par une pĂ©riode transitoire avant la nomination dĂ©finitivedu successeur. Dans cet ordre d’idĂ©e, les CEO recrutĂ©s en externe qui prennentdirectement leurs nouvelles fonction ne correspondent qu’à 3,66% de notre Ă©chantillon (7observations).

DeuxiĂšmement, en rĂ©fĂ©rence aux niveaux de performance boursiĂšre (en moyenne, lesentreprises de notre Ă©chantillon ont perdu environ 15 % de leur valeur dans les trois moisqui prĂ©cĂšdent la pĂ©riode d’évĂ©nement liĂ©e au changement de dirigeant), on peut se direque, de maniĂšre globale, les opĂ©rations de modifications des Ă©quipes dirigeantes nepermettent pas nĂ©cessairement d’amĂ©liorer la valeur boursiĂšre Ă  court terme desentreprises concernĂ©es, mĂȘme si ces opĂ©rations ont tendance Ă  ĂȘtre menĂ©es suite Ă  unechute relativement importante de la performance boursiĂšre.En effet, par la simple observation, on constate une chute de la rentabilitĂ© moyenne Ă l’annonce du changement de dirigeant (qu’elle soit cumulĂ©e ou situĂ©e le jour del’annonce).

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Ces diffĂ©rentes observations nous amĂšnent Ă  penser que, de maniĂšre globale, leschangements de dirigeants ne constituent pas nĂ©cessairement un mĂ©canisme degouvernance rĂ©ellement efficace – ou jugĂ© comme tel - sur le Nasdaq et l’OTC, en dĂ©pitd’une chute de la valorisation boursiĂšre de 112 entreprises (74,17 %) de notre Ă©chantillondans les trois mois prĂ©cĂ©dant la pĂ©riode d’évĂ©nement considĂ©rĂ©e.

7.1. RĂ©sultats : Ă©tudes d’évĂ©nement : rĂ©sultats statistiquement significatifs

Afin de clarifier la lecture, nous ne prĂ©sentons ci-aprĂšs que les rĂ©sultats statistiquement lesplus significatifs sur la pĂ©riode d’évĂ©nement que nous avons considĂ©rĂ©e.

N=191 Rang anormalmoyen

SE Z

T-6 -8,78 3,96 -2,21T+4 -7,42 3,66 -2,02T+18 -6,95 3,73 -1,86Rang cumulé(-20, +20)

-13,51

DĂ©part, n = 78 Rang anormalmoyen

SE Z

T=0 -11,92 6,14 -1,94T+18 -8,725 5,12 -1,701Rang cumulé(-20, +20)

-16,88

Arrivée, n = 113 Rang anormalmoyen

SE Z

T-9 -9,01 4,06 -2,21T-7 6,95 4,34 1,6T-6 -10,27 4,46 -2,3T-3 10,15 4,56 2,22T+1 7,66 4,75 1,61T+4 -6,68 4,17 -1,602Rang cumulé(-20, +20)

-24,98

Les premiers rĂ©sultats obtenus sur base de l’étude d’évĂ©nement montrent que lesmodifications de dirigeants au sens large (c’est-Ă -dire, premiĂšrement, tant les changements deCEO que de CFO et, deuxiĂšmement, tant les arrivĂ©es que les dĂ©parts) montrent que ce typed’annonce n’a en moyenne que peu d’effet statistiquement significatif sur la performanceboursiĂšre de l’entreprise. Cela peut sembler logique, dans la mesure oĂč tant les dĂ©parts queles arrivĂ©es sont pris en considĂ©ration (les effets positifs liĂ©s Ă  la fin de l’enracinement par ledĂ©part du dirigeant peuvent ĂȘtre annihilĂ©s par la perception nĂ©gative qu’ont les investisseurs

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de la personnalitĂ© du nouveau dirigeant). Toutefois, on observe que de maniĂšre cumulĂ©e surl’ensemble de la pĂ©riode Ă©vĂ©nement (41 jours), le rang est systĂ©matiquement nĂ©gatif (tantpour les dĂ©parts que pour les arrivĂ©es que de maniĂšre globale).

Afin de sĂ©parer les effets liĂ©s aux dĂ©parts de ceux liĂ©s aux arrivĂ©es, nous avons Ă©galementscindĂ© notre Ă©chantillon en deux parties, la premiĂšre comprenant les dĂ©parts (78observations), la seconde les arrivĂ©es (113 observations). A noter que 41 observations se sontsoldĂ©es par tant le dĂ©part que l’arrivĂ©e d’un nouveau dirigeant.

En ne considĂ©rant uniquement que les dĂ©parts, nous testons a priori la fin de l’enracinement,c’est-Ă -dire que l’opĂ©ration de dĂ©part du dirigeant est censĂ©e briser les contrats implicitesnouĂ©s par l’ancienne Ă©quipe dirigeante. Nos rĂ©sultats indiquent un effet nĂ©gatif consĂ©cutif audĂ©part du dirigeant (hypothĂšse 1 validĂ©e).

Par rapport à ce résultat, plusieurs explications nous semblent envisageables :

Ø les dirigeants Ă©vincĂ©s du processus dĂ©cisionnel n’étaient pas nĂ©cessairement enracinĂ©sou du moins leur enracinement n’était pas nĂ©cessairement nĂ©faste aux intĂ©rĂȘts desactionnaires ;

Ø il existe une mĂ©fiance gĂ©nĂ©ralisĂ©e par rapport aux dĂ©cisions prises par les entreprisesde ces secteurs sur la pĂ©riode considĂ©rĂ©e (c’est-Ă -dire depuis mars 2000) ;

Ø l’ancien dirigeant n’est pas nĂ©cessairement Ă©vincĂ© du processus dĂ©cisionnel (i.e. sonenracinement ne prend pas fin avec la fin de son mandat) : il peut, par exemple,demeurer au Conseil d’Administration soit en tant qu’administrateur ordinaire, soit entant que Chairman.

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7.2. RĂ©sultats : Ă©tude d’association

A ce niveau, les rĂ©sultats que nous prĂ©sentons correspondent Ă  ceux obtenus pour lesentreprises au sein desquelles les changements de dirigeants se sont concrĂ©tisĂ©s de maniĂšresimultanĂ©e par le dĂ©part d’un dirigeant et par l’arrivĂ©e d’une nouvelle personne Ă  ce poste.Les autres modĂ©lisations n’ont pas donnĂ© de rĂ©sultat statistiquement significatif (enconsidĂ©rant la rentabilitĂ© au moment de l’annonce officielle) ou n’ont pas permis de testerl’ensemble de nos hypothĂšses de travail.En fait, on peut se dire qu’il est possible de repĂ©rer certains comportements dans le chef desinvestisseurs boursiers lorsqu’il y a un niveau de certitude important par rapport Ă l’évĂ©nement considĂ©rĂ©. Dans le cas oĂč les diffĂ©rentes phases du processus de modificationdes Ă©quipes dirigeants ne s’opĂšrent pas de maniĂšre simultanĂ©e, les marchĂ©s boursiers peuventavoir des attitudes alĂ©atoires Ă  partir desquelles nos hypothĂšses semblent difficilementtestables.De ce fait, pour notre Ă©tude d’association, nous ne reprenons qu’une partie de l’échantilloninitial : les entreprises pour lesquelles il y a une superposition entre le dĂ©part de l’anciendirigeant et l’arrivĂ©e du nouveau (41 observations).La variable Ă  expliquer sera la rentabilitĂ© cumulĂ©e sur une pĂ©riode de trois jours autour del’annonce officielle (de -1 Ă  +1). A noter que les rĂ©sultats obtenus en considĂ©rant la pĂ©riode (-1, +4) ont Ă©galement permis de tirer les mĂȘmes conclusions.

Sur base d’une modĂ©lisation linĂ©aire, les rĂ©sultats obtenus sont les suivants :

N=41 Valeur SD T ?Constante -0,0912 0,053 -1,72 0,095Externe 0,132 0,057 2,303 0,028Fondateur 0,125 0,072 1,726 0,093Cumul 0,112 0,057 1,965 0,058Faillite -0,189 0,114 -1,666 0,105CEO -0,0299 0,063 -0,474 0,639RDT (-81,-21) 0,0073 0,068 0,108 0,915RÂČ 0,281RÂČ ajustĂ© 0,154F 2,211? 0,066

Sur base de ces rĂ©sultats, plusieurs conclusions peuvent ĂȘtre tirĂ©es. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, ilsemble que ce soient les variables liĂ©es aux dirigeants (en place et son remplaçant) quiconditionnent la rĂ©action des marchĂ©s. La seule variable continue utilisĂ©e censĂ©e reflĂ©ter leniveau de performance passĂ© n’a pas un effet statistiquement significatif sur le comportementdes investisseurs (hypothĂšse 2 invalidĂ©e).Par contre, l’arrivĂ©e d’un nouveau dirigeant dans une entreprise placĂ©e sous concordat ou enfaillite a un effet nĂ©gatif sur la rentabilitĂ© boursiĂšre de l’entreprise, ce qui tend Ă  montrer queles marchĂ©s boursiers estiment que les dirigeants nouvellement nommĂ©s ne seront pas enmesure d’amĂ©liorer la performance de l’entreprise ou qu’il existe une mĂ©fiance gĂ©nĂ©ralisĂ©epar rapport aux dĂ©cisions prises par ces entreprises (hypothĂšse 4 invalidĂ©e).

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De maniĂšre globale, le manque de liaison entre le niveau de performance de l’entreprise avantle changement de dirigeant et l’attitude des marchĂ©s boursiers peut provenir de plusieurssources :Ø PremiĂšrement, on peut se dire que la variable censĂ©e reprĂ©senter la performance n’apas Ă©tĂ© choisie de maniĂšre pertinente (de fait, nous ne considĂ©rons, dans cette analyse, qu’undiffĂ©rentiel de performance boursiĂšre sur un intervalle de temps restreint (2 mois boursiers)) ;

Ø DeuxiĂšmement, on peut se dire que ce sont les caractĂ©ristiques de la succession en tantque telle plus que les niveaux de performance prĂ©alables qui sont pris en compte. En fait, lachute de la performance boursiĂšre semble ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la consĂ©quence ultime duprocessus d’enracinement et donc il convient de remonter Ă  la source de cet enracinementpour en briser les effets nĂ©gatifs.

Cette hypothĂšse est corroborĂ©e par les rĂ©sultats obtenus via les deux modĂ©lisations suivantesmais en excluant cette fois la variable continue reprĂ©sentant le diffĂ©rentiel de performance surla pĂ©riode d’estimation.En effet, on constate une amĂ©lioration du coefficient de dĂ©termination ajustĂ© ainsi qu’uneamĂ©lioration de la stabilitĂ© gĂ©nĂ©rale du modĂšle.

N=41 Valeur SD T ?Constante -0,0922 0,051 -1,792 0,082Externe 0,13 0,053 2,456 0,019Fondateur 0,124 0,071 1,748 0,089Cumul 0,113 0,056 2,025 0,051Faillite -0,191 0,111 -1,709 0,096CEO -0,0301 0,062 -0,484 0,631RÂČ 0,28RÂČ ajustĂ© 0,178F 2,728? 0,035

N=41 Valeur SD T ?Constante -0,105 0,041 -2,562 0,015Externe 0,11 0,049 2,228 0,032Fondateur 0,129 0,071 1,828 0,076Cumul 0,092 0,048 1,938 0,06RÂČ 0,216RÂČ ajustĂ© 0,152F 3,398? 0,028

De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les changements de dirigeants sont accueillis de maniĂšre favorable parles marchĂ©s boursiers Ă  la condition que ces modifications permettent de briser la positionprĂ©fĂ©rentielle de l’ancien dirigeant.

En ce sens, nos rĂ©sultats montrent que l’accession d’une personne externe Ă  l’entreprise a uneffet positif sur la variable Ă  expliquer, ce qui tend Ă  montrer que les marchĂ©s donnent ducrĂ©dit aux dirigeants qui a priori ont une vision novatrice de l’organisation de l’entreprise (ou,

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pour le moins, ces nouveaux dirigeants peuvent briser l’enracinement en cassant les contratsimplicites passĂ©s par l’ancienne Ă©quipe dirigeante avec des personnes subalternes) (hypothĂšse3 validĂ©e).

Par contre, le type de fonction pour lequel s’effectue le changement de dirigeant ne semblepas avoir d’incidence statistiquement significative sur le comportement des investisseursboursiers (hypothĂšse 5 non validĂ©e).De plus, le fait que le nouveau dirigeant vienne se substituer Ă  une personne qui soitsimultanĂ©ment le dĂ©tenteur de plusieurs fonctions (hypothĂšse 6 validĂ©e) ou le fondateur del’entreprise (hypothĂšse 8 validĂ©e) a un effet positif mĂȘme si le nouveau dirigeant va lui aussi(directement ou par la suite) cumuler plusieurs fonctions.

On peut se dire que, dans un premier temps et dans le cas d’un cumul avec la position deChairman, le niveau d’enracinement va ĂȘtre considĂ©rablement rĂ©duit au sein de l’organisationsuite au changement de dirigeant, mĂȘme si, dans un deuxiĂšme temps, il est possible qu’à pluslong terme les problĂšmes liĂ©s au cumul des fonctions rĂ©apparaissent.

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8. Conclusions, limites et voies de recherche envisageables

L’idĂ©e fondamentale de cette analyse a Ă©tĂ© d’étudier dans quelle mesure les investisseursboursiers rĂ©agissaient Ă  l’annonce de modification des dirigeants d’entreprise ; nous noussommes particuliĂšrement focalisĂ©s sur le Nasdaq et l’OTC, dans la mesure oĂč laperformance de ce marchĂ© s’est sensiblement effritĂ©e depuis mars 2000. En fonction dessystĂšmes de gouvernance en place au sein des entreprises, les modifications des Ă©quipesdirigeantes devraient intervenir trĂšs rapidement suite Ă  des baisses de performance.AprĂšs un rappel de l’importance de la personnalitĂ© des dirigeants au sein des entreprises –notamment pour ses capacitĂ©s Ă  inhiber l’application des mĂ©canismes de gouvernance -,nous posons neuf hypothĂšses de travail toutes basĂ©es sur l’idĂ©e que le changement dedirigeant est censĂ© permettre une diminution des possibilitĂ©s d’enracinement au sein desentreprises. Notre mĂ©thodologie se base, de maniĂšre classique, sur une Ă©tude de rĂ©action(Ă©tude d’évĂ©nement) et sur une Ă©tude d’association.Les rĂ©sultats auxquels nous sommes parvenu montrent que le changement de dirigeant ausens large du terme n’a pas d’effet sur l’attitude des investisseurs boursiers. Le dĂ©part dudirigeant a un effet nĂ©gatif sur l’attitude des investisseurs, ce qui pose la question desavoir, premiĂšrement, dans quelle mesure la thĂ©orie de l’enracinement s’applique auxentreprises des secteurs considĂ©rĂ©s et, deuxiĂšmement, quel est le niveau de confiancegĂ©nĂ©ral des investisseurs Ă  l’égard des entreprises considĂ©rĂ©es.L’étude d’association nous a permis d’observer sur un sous-Ă©chantillon (en considĂ©rantl’échantillon de maniĂšre globale, nous n’obtenions pas de rĂ©sultat statistiquementsignificatif) que les variables censĂ©es reprĂ©senter l’enracinement avaient un effetstatistiquement significatif sur le comportement des investisseurs.De maniĂšre globale, ceux-ci accrĂ©ditent les changements de dirigeants qui permettent debriser l’enracinement : choix de dirigeant externe, fin des cumuls de fonction. Par contre,la variable censĂ©e reprĂ©senter la performance que nous avons choisie n’a pas permis demettre en Ă©vidence une liaison entre l’attitude des marchĂ©s boursier et le dĂ©clin Ă©ventuelde la performance. Cet Ă©tat de fait nous permet de dire qu’il s’agit, pour les marchĂ©sboursiers, d’accrĂ©diter une mesure qui brise l’enracinement plutĂŽt que de valoriser unemesure qui fait suite Ă  une baisse de performance – qui est, en quelque sorte, laconsĂ©quence ultime de l’enracinement.Les voies de recherche envisageables concernent essentiellement le choix des indicateursde performance : on pourrait penser utiliser aussi des indicateurs financiers (ROA, calculĂ©de maniĂšre annuelle ou trimestrielle) ou des indicateurs boursiers pris sur un intervalle detemps plus long.

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