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Mémoire pour l’obtention du
Diplôme Inter-Universitaire de
Pédagogie Médicale
Apprentissage de l’accouchement par
simulateur
Rajeev RAMANAH
Année universitaire 2012 – 2013
1. Résumé But de l’étude : Comparer l’apprentissage théorique avec l’apprentissage sur
simulateur de l’accouchement par voie basse
Matériel et méthodes : Une étude prospective randomisée a été réalisée au CHRU de
Besançon. Deux groupes d’étudiants en médecine ont été comparés après tirage au
sort : groupe 1 recevant un enseignement théorique versus groupe 2 recevant un
enseignement pratique sur simulateur. Une évaluation écrite précoce a été réalisée à
3 jours et tardive à 3mois. Le critère évaluation principale a été les notes en fin de
formation.
Résultats : Huit externes ont été recrutés dans chaque groupe. Les externes du
groupe 2 (simulation) ont eu une meilleure moyenne à l’évaluation pratique (16.13
versus 11.25, p=0.0002). Il n’existait pas de différence significative entre le groupe1
et 2 concernant les notes de l’évaluation théorique (13.87 versus 12.13, p=0.2).
Conclusion : L’apprentissage sur simulateur de l’accouchement par voie basse est
efficace pour la formation des étudiants en médecine.
Mots-clés : formation, étudiants en médecine, accouchement, simulation
2. Introduction Durant le second cycle des études de médecine, les étudiants effectuent un stage
obligatoire en maternité. En raison de leur nombre trop important et grandissant, de
leur manque de pratique et de la présence active des élèves sage-femme en salle de
naissance, l’accès à un apprentissage satisfaisant de l’accouchement sur les
parturientes est difficilement réalisable. Bien que la conduite à tenir devant un
accouchement inopiné à domicile soit un des trois objectifs pédagogique de l’item 22
de l’Examen Classant National (Accouchement, délivrance et suites de couches
normales), le temps d’enseignement qui y est consacré est souvent nul.
Les connaissances requises pour la prise en charge de l’accouchement inopiné sont
aussi bien théoriques que pratiques : diagnostic de l’imminence de l’accouchement,
conduite à tenir immédiate puis après l’accouchement. Ainsi, une double approche
théorique et pratique de l’enseignement de l’accouchement inopiné permettrait
probablement un apprentissage optimal. Cependant, l’apprentissage pratique de
l’accouchement peut difficilement se faire au lit de la patiente pour des centaines
d’étudiants en médecine.
Une alternative à la clinique est l’entrainement sur mannequin: la simulation est
décrite comme un nouveau paradigme de l’apprentissage *1+. Elle permet une
approche individuelle qui s’adapte au niveau et à la courbe d’apprentissage de
chaque étudiant. Dans le champ de la médecine où les standards de qualité sont
exigeants et où la restriction du temps de travail diminue les opportunités de
pratiquer, l’apprentissage due mannequin permet un entrainement sans pression et
sans exposition des patients aux risques liés à l’inexpérience de l’opérateur. La
simulation permet aussi l’évaluation des compétences techniques des étudiants *2+.
Le but de cette étude est d’évaluer le gain de l’apprentissage sur mannequin par
rapport à l’enseignement théorique sur les accouchements par voie basse inopinés.
Les étudiants seront évalués 3 jours après l’apprentissage puis à 3 mois sur les gestes
de l’accouchement voie basse sur mannequin.
3. Matériel et méthodes
3.1 Type d’étude
- Prospective
- Unicentrique au CHRU de Besançon de janvier à juin 2013
- Randomisée par tirage au sort des étudiants en médecine en deux groupes :
MAN (MANnequin) et PWP (PoWerPoint)
- Examinateurs en aveugles
3.2 Critères d’inclusion
- Etudiants en 4ème, 5ème ou 6ème année de médecine.
3.3 Critères d’exclusion
- Aucun
3.4 Constitution des groupes
- Groupe PWP (8 étudiants): recevant un enseignement uniquement théorique
(diaporama Powerpoint standardisé) servant de groupe témoin, divisé en
deux sous-groupes PWP1 et PWP2 dont chacun recevant un enseignement
par un instructeur différent (Instructeur 1 et 2).
- Groupe MAN (8 étudiants): recevant un enseignement uniquement pratique
(sur mannequin) de l’accouchement par voie basse, divisé en deux sous-
groupes MAN1 et MAN2 dont chacun recevant un enseignement par un
instructeur différent (Instructeur 1 et 2).
- Instructeur 1 effectue l’enseignement théorique du sous-groupe PWP1 et
l’enseignement pratique du sous-groupe MAN1.
- Instructeur 2 effectue l’enseignement théorique du sous-groupe PWP2 et
l’enseignement pratique du sous-groupe MAN2.
3.5 Evaluations
Les étudiants des quatre sous-groupes sont évalués selon les critères théoriques
et pratiques définis dans l’ouvrage « Mécanique et Techniques obstétricales » [3].
Une évaluation précoce est réalisée 3 jours suivant l’apprentissage et tardive 3
mois après l’apprentissage (Figure 1).
2.5.1 Points pratiques : sur 18
Sur mannequin :
- Modération de la tête
- Restitution
- Dégagement de l’épaule antérieure
- Dégagement de l’épaule postérieure
- Reste du corps dans l’axe ombilico-coccygien
- Clampage et section du cordon
- Délivrance
- Examen du placenta
- Examen du périnée
Un point par item si le geste est effectué et deux points par item si le geste
est fluide.
2.5.2 Points théoriques : sur 18
- Quel score permet d’évaluer l’imminence de l’accouchement ?
1 point = score de Malinas
- Quels sont les critères pris en compte dans ce score ?
1 point par item : parité, durée du travail, durée des contractions, perte des
eaux
- Quels sont les trois stades d’un accouchement eutocique ?
1 point par item : dilatation cervicale, descente et expulsion, délivrance
- Quelle est la définition de l’engagement ?
1 point : franchissement du détroit supérieur par le plus grand diamètre de la
présentation
- Comment se fait le diagnostic clinique de l’engagement ?
Sur 2 points, au choix : signe de Farabeuf, signe de Demelin, signe de Favre
- Quels sont les os bordant la grande fontanelle, où est-elle située ?
1 point par item : 2 os pariétaux, 2 os frontaux, en antérieur
- Quel est le délai normal entre la naissance et la délivrance ?
2 points = 30 minutes
- Quel est la définition de l’hémorragie de la délivrance ?
2 points = 500 mL
3.6 Critère de jugement principal
Rechercher une différence entre les notes des étudiants du groupe MAN versus
celles du groupe PWP
3.7 Critères de jugement secondaires
Ils sont définis par le questionnaire suivant envoyé et répondu par courriel aux
étudiants dans les trois jours suivant l’apprentissage puis 3 mois plus tard, après
la deuxième évaluation.
3.7.1 Confiance en soi :
0= je ne me sens pas capable de faire un accouchement
1= je me sens capable de faire un accouchement à « 4 mains »
2= je me sens capable de faire un accouchement seul avec présence d’un
sénior
3= je me sens capable de faire un accouchement complètement seul
3.7.2 Enthousiasme des étudiants sur le mode d’apprentissage :
0= l’apport de l’enseignement ne vaut pas le surplus de temps demandé
par rapport à un cours magistral
1= l’apport de l’enseignement vaut le surplus de temps demandé par
rapport à un cours magistral
3.7.3 Recrutement pour la spécialité
0= pas d’attirance particulière pour la spécialité
1= attirance particulière pour la spécialité
3.8 Analyse statistique
Les variables quantitatifs ont été comparés par le test de Student, selon
l’hypothèse que la distribution des notes était normale. Le test de Fisher a été
utilisé pour les variables qualitatifs. P<0.05 était considéré comme significatif.
4. Résultats 4.1 Evaluation pratique (Tableau 1)
Les étudiants (8 externes) du groupe MAN ont eu une moyenne de 16.13/18 à
l’évaluation pratique. Les gestes étaient fluides pour au moins six d’entre eux
dans le dégagement des épaules et du corps, la délivrance, le clampage du
cordon et la modération de la tête. La restitution de la tête et l’examen du
placenta étaient mal maîtrisés pour au moins trois d’entre eux (Tableau 2). Le
temps moyen d’un accouchement était de 2’53’’.
Les étudiants (8 externes) du groupe PWP ont eu une moyenne de 11.25/18 à
l’évaluation pratique. Pour au moins 6 d’entre eux, le dégagement de l’épaule
antérieur était maîtrisé et la délivrance a été effectuée. Les autres gestes étaient
non maîtrisés. Le temps moyen d’un accouchement était de 3’48’’.
Afin de rechercher un biais de mesure par la part subjective des exigences des
deux évaluateurs, une comparaison des résultats a été réalisée ne fonction des
évaluateurs. On remarque qu’un évaluateur note un peu plus sévèrement la
modération de la tête sans qu’il n’y ait de différence significative et que l’autre
est plus exigeant sur l’axe de dégagement du corps avec une différence
significative (Tableau 3). Les notes globales n’ont pas de différence significative.
4.2 Evaluation théorique (Tableau 4). La moyenne à l’évaluation théorique des externes du groupe MAN a été de
12.13/18. Les questions les mieux réussies ont été les critères du score de
Malinas et le délai normal entre la naissance et la délivrance. Les questions les
moins bien réussies ont été celles concernant la grande fontanelle et la définition
de l’engagement. En évaluation globale, la moyenne de ce groupe est de
28.25/36.
A l’évaluation théorique des externes du groupe PWP, la moyenne des notes était
de 13.88/18. Les questions les mieux réussies concernaient le score de Malinas, la
définition de l’engagement et le délai avant la délivrance, et ce par tous les
externes. La moyenne de la note finale des étudiants de ce groupe était de
25.13/36.
4.3 Feed-back des étudiants Le feed-back des externes sur leur ressenti étaient évalué par un questionnaire et
par leurs remarques libres. La confiance en soi était cotée selon l’assistance sont
ils avaient besoin pour réaliser un accouchement. Cinq d’entre eux se sentaient
capable de réaliser un accouchement seul en présence d’un sénior, 10 d’entre
eux de le réaliser à « 4 mains » et un d’entre eux ne s’en sentait pas capable.
Tous pensaient que l’apport de l’enseignement valait le surplus de temps par
rapport à un cours magistral.
A l’issue de l’enseignement, trois d’entre eux avait une attirance particulière pour
la spécialité et appartenaient au groupe MAN sans qu’il n’y ait de différence
significative retrouvée entre les deux groupes par le test de Fisher.
Neuf étudiants ont émis un commentaire. Ils témoignent tous d’un engouement
certain pour l’enseignement sur mannequin. Ces commentaires portaient sur
l’intérêt probable de ce type d’enseignement en début de stage et de sa mise en
place systématique. Les étudiants de groupe PWP demandaient davantage de
vidéos et une démonstration d’accouchement sur mannequin avant l’évaluation.
5. Discussion L’outil d’évaluation pratique a permis de mettre en évidence une différence
significative entre les deux types d’enseignements pour l’axe de dégagement du
corps, pour la réalisation de la délivrance, pour l’examen du périnée et pour le score
total en faveur de l’enseignement sur mannequin.
Malgré un faible effectif, les résultats sont prometteurs en vue d’une étude future
comportant un échantillon plus important. Cependant quelques biais persistent. Tout
d’abord, la grille d’évaluation proposait pour chaque item de l’accouchement trois
notations, selon que l’item était absent, présent ou réalisé de façon fluide. La
différence entre présent et fluide peut induire en biais de mesure par la subjectivité
de son évaluation. Pourtant, elle reflète la maîtrise de l’étudiant et la précision de
son geste. On pourra avoir une différence de 33% dans la note finale d’un même
accouchement selon que l’évaluateur juge les gestes avec sévérité ou laxisme.
D’ailleurs, on retrouve une différence significative entre les deux évaluateurs dans la
notation du dégagement du corps dans l’axe ombilico-coccygien.
Dans les études sur l’apprentissage en obstétrique sur mannequin menées jusqu’à ce
jour, les items évalués étaient présents ou non, puis un score traduisant la
performance globale était attribué selon différentes méthodes. L’une sur
l’accouchement voie basse prend en compte le nombre d’items manquant [4], une
autre sur la prise en charge de la dystocie des épaules s’appuie sur une échelle de
Likert sur 9 points avec quatre questions concernant la durée de l’accouchement, la
performance de la plupart des manœuvres, la performance globale et la maîtrise
globale [5]. Dans cette même étude, les évaluateurs devaient remplir une grille selon
que les gestes étaient effectués correctement ou non mais les résultats de cette
différence ne sont pas décrits dans les résultats.
La grille d’évaluation théorique utilisée dans notre étude permettait d’évaluer des
connaissances théoriques pour une prise en charge satisfaisante d’un accouchement.
La correction était simple et reproductible, basée sur des mots-clés. Les questions sur
les stades d’un accouchement eutocique et sur la définition de l’hémorragie du post-
partum ont été les moins réussies, probablement par un écueil de l’enseignement. La
définition de l’hémorragie du post-partum n’était pas abordée dans le diaporama.
Cette erreur devra être corrigée en vue d’une prochaine étude.
L’organisation des sessions d’enseignement sur mannequin reste à définir. Le
nombre d’étudiants par session doit être restreint afin de cibler chaque étudiant et
d’identifier ses besoins. En effet, la simulation est un mécanisme d’apprentissage
différent des méthodes plus traditionnelles où le programme doit convenir au besoin
individuel de chaque étudiant afin de le prendre là où il en est et de l’accompagner
sur sa trajectoire individuelle avec un support qui lui est spécifique [1]. La courbe
d’apprentissage de chacun est unique ; si l’instructeur ne peut pas la modifier, il peut
en revanche changer le nombre d’expériences auxquelles l’individu est exposé,
permettant ainsi sa progression [6].
La durée des sessions sur mannequin est liée au nombre d’étudiants et au nombre de
mannequin. Pour un groupe de sept étudiants, en incluant les trente minutes de
récapitulatif théorique initial et en comptant en moyenne cinq minutes par
accouchement (avec les corrections), on peut compter environ une heure et quinze
minutes de session mannequin si les étudiants s’entrainent entre eux sur plusieurs
mannequins et 125% du coût d’un cours magistral d’une heure. A plus long terme et
si l’apprentissage par mannequin a un réel avantage, ce coût peut être mis en
balance avec celui résultant d’une moins bonne gestion d’un accouchement, c’est-à-
dire les éventuelles complications que sont l’hypoxie néo-natale, les déchirures
périnéales graves, l’hémorragie de la délivrance. Etant donné la retombée pratique
d’une amélioration de la prise en charge des accouchements, la mise en place et le
financement d’un tel enseignement doivent être assumés non seulement par
l’université mais aussi par les assurances et les autorités de publique.
Cependant, il ne faut surtout pas oublier la formation des instructeurs. Même si ce
sont des obstétriciens confirmés, l’application des compétences obstétricales en
pédagogie par la simulation médicale n’est pas intuitive. De nouvelles compétences
doivent être acquises, à savoir le réalisme créatif, l’observation critique, la sécurité
psychologique, et le débriefing [1]. Par ailleurs, l’environnement d’apprentissage doit
être construit de façon à le rendre ludique, avec mise en place de jeux et de défis
dans une ambiance détendue.
6. Conclusion La persistance d’accouchements inopinés en France et les risques materno-fœtaux
qui découlent d’une prise en charge sub-optimale montrent l’importance d’une
formation efficace auprès des étudiants en médecine. L’enseignement actuel repose
principalement sur les ouvrages et ne permet pas l’acquisition des gestes et des
réflexes nécessaires pour assister un accouchement. La formation au lit des patientes
est difficile à cause du nombre grandissant d’étudiants et ainsi avec comme corollaire
un nombre de garde par étudiant en salle de naissance sans cesse diminuant. La
simulation est un mode d’apprentissage développé en obstétrique depuis plusieurs
siècles, permettant la répétition des gestes dans un environnement sans risque. Son
principal inconvénient est le temps qu’il demande par rapport à un cours magistral.
7. Références [1] Berkowitz LR, Peyre SE, Johnson NR. Mobilizing faculty for simulation. Obstet
Gynecol 2011 ;118 :161-3
[2] Jude DC, Gilbert GG, Magrane D, et al. Simulation training in the obstetrics and
gynecology clerkship. Am J Obstet Gynecol 2006;195:1489-92
[3] Schaal JP, Riethmuller D, Maillet R, et al. Mécanique et Techniques Obstétricales.
Edition Sauramps médical, 2007
[4] Dayal AK, Fisher N, Magrane D, et al. Simulation training improves medical
students’ learning experiences when performing real vaginal deliveries. Sim
Healthcare 2009;4:155-9
[5] Deering S, Brown J, Hodor J, et al. Simulation training and resident performance of
singleton vaginal breech delivery. Obstet Gynecol 2006;107:86-9
[6] Macedonia CR, Gherman RB, Satin AJ. Simulation laboratories for training in
obstetrics and gynecology. Obstet Gynecol 2003;102:388-92