architecture des carriÈres

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Une ARCHITECTURE DES CARRIÈRES Entre métamorphoses et dormance Énoncé théorique du travail de master en architecture Présenté par Florian Rochat Sar, epfl, 2013. Groupe de suivi : Luca Ortelli, Chrisitian Gilot, Alexandre Buttler Expert : Stefano Zerbi

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Une

ARCHITECTURE DES CARRIÈRES

Entre métamorphoses et dormance

Énoncé théorique du travail de master en architecturePrésenté par Florian RochatSar, epfl , 2013.Groupe de suivi : Luca Ortelli, Chrisitian Gilot, Alexandre ButtlerExpert : Stefano Zerbi

Cahiers

n0 1 : Éléments premiers pour une architecture des carrières

n0 2 : Histoire et territoire des carrières en Suisse

n0 3 : Principes et techniques d’extraction

n0 4 : Nature.s

n0 5 : Espace.s

n0 6 : Une architecture entre métamorphoses et dormance

Éléments premiers pour une

ARCHITECTURE DES

CARRIÈRES

Cahier n0 1

RemerciementsCe travail n’aurait pas été possible sans les critiques de Luca Ortelli, Christian Gilot, Alexandre Buttler et Stefano Zerbi que je remercie chaleureusement. Je remercie aussi Grégoire Testaz pour les précieuses informations sur la géologie, Marion Beetschen pour son aide à l’élaboration de ce travail, ainsi que mes amis et collègues d’études pour leur soutien.

Table des matières

Un regard 7

Carrière.s 12

Problématique 13

Éléments premiers pour une architecture des carrières 14Pierre, matière et forme 16

Lignes, surfaces et volumes 18

Espace architectonique 20

Architecture 22

Archétypes 24Une « collecte des origines » 24

Extraction: architecture d’un espace soustrait 26

Notes 34

Bibliographie 36

7

Un regard

Durant toute l’élaboration de ce travail, je suis allé à la recherche de ce qui était n’était encore pour moi qu’une présence vague et fuyante, à la fois sous des principes théoriques et sous les apparences d’un monde trop concret, trop « plein de matière ». C’est donc en parcourant les carrières à la recherche d’une lecture intermédiaire, portée sur l’un des « usage du monde »1 que sont les carrières, que ce travail s’est orienté et structuré. Aux travers de nombreux parcours, errances parfois, dans un territoire aux contours alors incertains, c’est tenter d’observer simplement, de poser un regard sur l’architecture et la carrière comme « la manifestation sensible du milieu, la réalité spatiale vue et ressentie, [qui] naît lentement et péniblement de la réalité naturelle et géographique »2.

Carrières de la Molière.

Pierres, blocs, poussières

Partout les immenses façades

d’une Architecture

en devenir Disparaît

dans la végétation

La pierre Encore

tout autour

Titans d’un Monde

oublié perdu dans le Chaos

des commencements où

la terre se creuse

D’ombre et de lumière

Le bruit Les cris

des machines dans la Pierre

devenant matière et

Les mains lourdes

pesantes sur les Outils

donnent Forme

Carrières de Andeer Page suivante : Carrières de Krauchtal

12 13

Problématique

La construction des carrières concerne à plusieurs titres les architectes : d’une part par les matériaux employés quotidiennement dans la construction et d’autre part par les espaces considérables que ces prélèvements de matériaux induisent sur le territoire. En occident, plus de 80 % des matériaux employés dans la construction proviennent du sous-sol, extraits de carrières ou de mines, générant par la même occasion des espaces considérables, le plus souvent à l’étranger9. C’est l’un de ces espaces, la carrière de pierre de taille, que ce travail se propose d’explorer. Les problématiques qui y sont liées, auxquelles nous tenterons de répondre, s’articulent autour de deux questions fondamentales : la carrière est-elle une architecture ? Dans ce cas, quelles relations spatiales la structurent ?

Poser la question d’une architecture des carrières, c’est aussi se poser la question des limites, à la fois de la discipline de l’architecture et de son rôle dans le monde contemporain, mais encore de celles, physiques et théoriques, de l’architecture elle-même. Bien que la portée de ce travail soit limitée et que l’ampleur de la tâche portant à la défi nition de l’architecture ne peut être, je le crois, que le fruit d’une recherche théorique et pratique de toute une vie, je tenterai tout d’abord de poser une structure théorique en m’appuyant d’une part sur quelques éléments premiers, préalable à l’exploration des archétypes des carrières. Par la suite, une exploration plus approfondie des carrières en Suisse, dans une perspective historique, naturelle et technique, permettra de comprendre les diff érents types et morphologie des carrières, dans leurs variations temporelles et spatiales. En guise de conclusion, le travail s’ouvrira sur les intentions du projet et une brève présentation du site.

Le travail se structure autour de six cahiers et une annexe rassemblés dans un coff ret. Non reliés entre-eux, ils fonctionnent comme un projet ouvert à des compléments, qui se développerons dans le projet à venir.

Carrière.s

Le mot « carrière » décrit, pour l’objet qui nous intéresse ici, « le terrain d’où l’on extrait les pierres, le sable, etc., nécessaires à la construction »3. Il décline également deux autres signifi cations : la première se rapporte au « terrain entouré de barrières et aménagé pour des courses de chars, des courses à pied, [et] des passes d’armes »4 et décrit par métonymie l’« espace à parcourir dans une course »5 ; la seconde décrit, dans le génie militaire, « une distance qu’un cheval peut parcourir sans perdre haleine »6.

Si, de nos jours, le mot décrit l’ensemble des types d’extractions de matières minérales, y compris l’extraction minière, regroupant ainsi sous un seul nom marnières, ardoisières, ballastières, grésières, marbrières, glaisières et autres gravières, son acception première se rapportait à l’extraction de pierre de construction. L’étymologie du mot « carrière » remonte aux mots latins quadrus, qui sous-entend quadrus lapis, « pierre de taille », et cayre « pierre carrée, moellons »7. C’est par métonymie que la quadrus, littéralement « carré », décrira la « carrière », alors qu’une seconde déclinaison donnera naissance à la carraria ou via carraria, « chemin de chars »8. La « carrière » se défi nit donc, selon son étymologie, par un concept géométrique abstrait, le « carré » du quadrus, plus que par la pierre, lapis, et la matière elle-même. Ce n’est ensuite que par métonymie que le quadrus décrira le lieu d’extraction ou les chemins de chars.

Si l’anglais conserve avec quarry et cars la même étymologie, l’italien utilise le terme de cava pour parler de la « carrière ». Proche du français « cave », à rapprocher de cavus et du grec kôos, « creux, caverne, prison », la cava est dérivée du latin cavus, « creux » ou « fossé » et défi nit un objet indépendant, dont les relations en « creux » au territoire semblent plus évidentes que les quadrus géométriques et immatériels.

Enfi n l’allemand, plus pragmatique, défi nit la carrière par un mot composé : Steinbruch. Ici, le mot Stein, « pierre », s’associe du mot Bruch, « brèche, cassure », pour décrire cette fois un lieu. Steinbruch, comme une action, presque un verbe, décrit donc le lieu d’action pour extraire la roche, la séparer de la masse à laquelle elle appartient.

Au travers de cette brève recherche étymologique, ce sont trois regards de la carrière que l’on met en avant, décrivant trois facettes d’un même objet : la géométrie, le territoire et l’extraction.

14 15

Éléments premiers pour une architecture des carrières

« On ne trouve pas l’espace, il faut toujours le construire » Gaston Bachelard10

Poser la question d’une architecture des carrières, c’est poser la question d’une défi nition, et donc des limites, à la fois de la discipline qu’est l’architecture et de son rôle dans le monde contemporain, mais aussi des limites physiques et théoriques de l’architecture elle-même. Comment aborder un thème aussi vaste, dans un travail si limité, à la fois dans le temps et l’espace, sans tomber dans les banalités, les évidences, les dogmatismes ou encore les généralités de défi nitions exclusives, qui anéantiraient la présence physique et l’expérience de l’œuvre architecturale ?

Le texte qui suit se propose d’explorer une architecture au travers de cette matière qui lui donne corps, que ce soit dans la réalisation du projet ou déjà au travers du papier et de l’ordinateur lors de l’élaboration de ce dernier. Un questionnement donc sur les éléments d’une architecture des carrières, non pas celle qui se construit à partir de cette dernière ou celle qui pourrait y prendre place, mais bien l’architecture produite par l’extraction de la matière même.

Entrée des carrières des Baux-de-Provence.Source: Pouillon, Fernand, Les Baux-de-Provence, Fernand Nobele, Paris, 1960, planche 1.

16 17

Pierre, matière et forme

La pierre est peut-être la première raison d’être de la carrière. Elle y est omniprésente, écrasante, étouff ante d’une poussière épaisse, portant les traces d’un long dialogue entre une matière, diffi cilement gagnée sur la nature, et la mise en forme des blocs, émergent lentement sous les outils des carriers. Entre matière et forme, il y a donc une forme d’émergence, que clarifi e Aristote à travers une métaphore : un sculpteur dispose d’un bloc de marbre ; tant qu’il ne l’a pas attaqué de ses ciseaux avec la volonté d’y inscrire une forme, le bloc contient encore toutes les formes possibles d’un bloc de marbre. Il y a donc d’une part le bloc de marbre prêt à contenir un grand nombre de formes, mais pas toutes car sa matière ne les supporte pas toutes, et d’autre part la volonté du sculpteur à vouloir inscrire une forme particulière, avec des outils particuliers. La sculpture, une fois réalisée, se trouvera ainsi comme la détermination d’un des possibles, articulé entre les possibles de la matière et la détermination de la forme11.

La pierre de la carrière peut être ainsi défi nie comme l’émergence d’un ensemble de possibles, desquels il faudra par la suite déterminer une forme ; la carrière, quant à elle, peut être défi nie comme le lieu d’un premier passage, d’une première détermination.

L’esclave des jardins Boboli, «Atlas», sculpture sur marbre de Michel Ange, 1519.Source: La Sculpture - De la Renaissance au XXe siècle, Taschen, Paris, 1996.

18 19

Lignes, surfaces et volumes

De ce dialogue entre matière et forme se dessine, au sein de la carrière, de nombreuses lignes et surfaces ainsi que de nombreux volumes. Lignes, surfaces et volumes décrivent un système de falaises et de terrasses, affi rmant la verticale et l’horizontale dans une nouvelle géométrie. Prises dans leur ensemble, elles défi nissent les dos des blocs arrachés à la masse rocheuse, en une composition qui semble hésiter à laisser sa forme à la matière, et donner sa matière à la forme. En les parcourant, on peut y lire, comme sur des esquisses, les gestes sûrs et si longtemps répétés par les mains et le corps des carriers pour s’approprier la matière, tout comme la résistance de cette dernière. Lignes, surfaces et volumes constituent ainsi un ensemble permettant de saisir un premier rapport entre le plein et le vide, entre le dedans et le dehors, prémisses à la défi nition d’un espace. La carrière se détache ainsi des continuités environnantes pour établir un lieu particulier dans des rapports qui lui son propres.

Lignes surfaces et volumes.

20 21

« Espace architectonique »

L’extraction de matériaux laisse un espace en creux, contenu dans un territoire et une matière constellés de traces, qui sont autant de lignes, de surfaces et de volumes distincts de leur environnement. L’espace de la carrière est ainsi tenu entre les découpes pratiquées dans une matière qui n’avait jusqu’ici pas de forme architecturale particulière. Si la matière extraite constitue les blocs et donc les possibles d’une architecture à venir, la matière restante défi nit, elle, l’espace de la carrière. En d’autres termes, l’espace de la carrière est constitué de l’espace laissé entre ce qui, ailleurs, a pris forme et l’espace laissé entre ce qui attend d’être extrait. En ce sens, l’espace de la carrière est le lieu d’articulations, de passages de la matière et de l’espace d’un état à un autre, décrivant de constantes métamorphoses.

Mais si cette observation permet d’établir un lien entre la matière, la forme et l’espace, elle ne clarifi e par encore en quoi cet espace est diff érent de l’espace environnant et en quoi il se rapprocherait d’un espace en architecture.

Dom Hans Van Der Laan, architecte hollandais, traduit cette préoccupation par la défi nition de ce qu’il appelle « l’espace architectonique »12. Défi nissant deux conditions d’espace préalable, « celui horizontalement orienté de notre expérience, et celui verticalement orienté de la Nature », il défi nit le commencement de l’architecture « au moment où nous plaçons des murs verticaux sur la surface horizontale de la terre »13. Si l’architecture commence par le mur, l’espace architectonique, « pour se diff érencier de l’espace environnant, a besoin de deux murs, placés de telle sorte à ce qu’un nouvel espace soit défi ni entre eux »14. Cet espace, formé par deux murs, n’est pas pour autant retranché de l’espace immense et ouvert de la nature, mais vient s’y superposer, établissant ainsi une relation intérieur-extérieur telle que « l’un et l’autre [des espaces peuvent, dans une contraposition,] s’agrandir et se compléter tout en formant en même temps un tout »15.

«Espace architectonique».

22 23

Architecture

À la lumière de cette défi nition, la carrière établit, par les éléments premiers décrits ci-dessus, un système de plans défi nissant un espace. Cet espace revêt cependant un caractère particulier : les plans qui le défi nissent ne sont pas véritablement construits, au sens où il ne s’agit pas d’une addition d’éléments, mais de parties coupées dans une masse plus grande. Si les murs décrits ci-dessus par Van der Laan sont construits, ayant deux faces défi nissant et reliant deux espaces, les plans de la carrière n’ont, quant à eux, qu’une seule face articulant, dans un rapport d’asymétrie, la matière d’un côté et l’espace de l’autre. Ces murs, à la fois aussi profonds que les montagnes et aussi fi ns que leur surface marquée par l’extraction, appartiennent à la fois à la matière et à l’espace qu’ils défi nissent. Leur structure évoque ainsi un langage de l’extraction, en miroir de l’espace architectonique.

La carrière peut donc être défi nie comme une architecture particulière en ce sens que, par un système de lignes, de surfaces et de volume laissés dans la matière par l’extraction et qui constituent un système spatial, elle évoque l’architecture qui sera par la suite construite avec les matériaux extraits. C’est donc d’une part l’appropriation de la matière et d’autre part la capacité d’évocation d’un espace architectonique qui caractérisent l’architecture des carrières.

Adolphe Appia, Prométhée. L’atelier détruit., 1910.Source : Berne collections suisse du théâtre. Publié dans : Gubler, Jacques, Adolphe Appia ou le renouveau de l ’esthétique théâtrale. Dessins et esquisses de decors., éditions Payot, Lausanne, 1992, p. 80.

24 25

Archétypes

Le texte qui suit observera, au vu des éléments qui viennent d’être posé, deux moyens d’appropriation de la matière, comme deux des archétypes d’une architecture des carrières : la collecte et l’extraction.

Si le premier de ses deux archétypes ne sera pas développé plus loin dans ce travail, il établit certaines règles qui nous semblent fondamentales à la construction d’une théorie architecturale sur les carrières. La collecte se caractérise par le ramassage d’objet « trouvés » qui seront intégrés à un bâtiment, alors que l’extraction, elle, se caractérise par fabrication d’une matière.

Une « collecte des origines »

Le ramassage de pierres décrit une sorte de « collecte des origines » – pour reprendre les termes de Jean-Pierre Adam16 – , dans laquelle les pierres sont « trouvées » à même le sol, dans les champs, les pierriers et les rivières, mais aussi dans des architectures abandonnées ou en ruine. Ainsi, aussi simple soit-elle, cette « collecte des origines » structure déjà un espace décrivant l’un des archétype possible de la carrière et de l’architecture.

Dans les pierriers, le long des chemins, des pierres, organisées en piles parfois appelées « cairn »17, fi xent les points de repère de cheminements parcourant et structurant un territoire. Dans toute leur fragilité, ces constructions assemblées de pierres trouvées à même le sol, libèrent tout au tour une aire fragile, un espace diff us ou l’absence de pierre indique la présence et l’action humaine, articulant ainsi une centralité et une périphérie. Cette sorte de degré zéro de l’architecture contrapose donc l’horizontalité du sol à la verticalité de la construction, la surface dégagée à la masse bâtie, la carrière à l’architecture.

La construction des murs, pour établir une frontière, un champ, renverse les rapports spatiaux posés par le cairn. L’aire dégagée occupe maintenant la centralité, alors que les murs la défi nissent en périphérie. L’aire libérée, formant un locus inclusus encore fragile mais retranché du reste du territoire, peut dès lors être travaillée et utilisée pour l’agriculture ou l’élevage.

Encore instables et fragiles, parfois à peine perceptibles, le cairn et les champs ne décrivent pas des objets fi nis, mais sont les parties prenantes d’un véritable processus, demandant une attention constante à cette relation précaire entre matière, architecture et territoire.

Cairn, marqueur d’un chemin.Source: Chollier, Alexandre, Autour du cairn, édition Héros-Limites, Genève, 2009, p.175.

Mur en pierre sèche délimitant des champs dans le Jura.Source: www.patrimoine.vd.ch

26 27

Extraction : architecture d’un espace soustrait

Souvent en parallèle de la « collecte des origines » et de la fondation utilisée comme carrière, dont nous ne pouvons aujourd’hui que mesurer l’éloignement avec les pratiques contemporaines, des carrières se sont développées selon d’autres modes de prélèvement de la matière : l’extraction. Cette dernière ne se contente plus de « ramasser » une pierre, mais retranche d’une masse rocheuse « une pierre à bâtir dont on peut discipliner la forme au gré des besoins ou modes »18, produisant par là même un « espace creux », proche du cavus latin qui a donné en Italie l’origine du mot cava, carrière. Cet « espace creux » entretient un double rapport avec l’architecture, devenant soit partie prenante d’une architecture sous forme de fondation, soit architecture à part.

Dans l’Antiquité grecque et romaine, les espaces creux générés par les carrières ont souvent été utilisés pour asseoir les bâtiments. La carrière peut ainsi se faire socle ou cave d’un bâtiment, défi nissant le lieu de fondation de l’architecture. Autant les architectures vernaculaires que savantes semblent avoir exploré et exploité ce rapport entre la matière produite par la fondation et le bâtiment lui-même. Les architectures de l’Antiquité grecque principalement, peut-être par nécessité ou par opportunisme, semblent avoir particulièrement bien su tirer profi t de ce mode d’extraction, en exploitant des roches proches des grandes constructions et parfois intégrant la carrière à l’architecture même19. À titre d’exemple, la tribune du Pnyx à Athènes, ou encore les temples d’Apollon puis d’Athéna à Karthaia, en Grèce, ont ainsi un socle taillé dans la roche, alors que l’espace alentour est abaissé, de façon à fournir une partie des matériaux nécessaires à l’élévation des temples. De nombreux théâtres de la même époque sont également « construits » de cette manière, parfois avec les marches directement taillées dans la roche, comme le théâtre d’Argos.

Dans les villes, ces carrières comme fondation ont parfois produit des espaces considérables, participant soit en surface soit en souterrain à l’espace urbain.

En surface, ces carrières ont souvent été utilisées comme plans de fondations disparaissant ainsi de l’espace urbain. Certaines architectures ont en revanche thématisé la carrière, notamment par leur intégration à des jardins. Le palais Pitti, à Florence, est à ce titre exemplaire. Les carrières employées à la construction du palais ont été récupérées, à la fi n du chantier, pour fabriquer le jardin. Ainsi le grand Amphithéâtre qui articule le palais au jardin, est, tout comme la grotte comme un théâtre en plein air, les grottes de Buontalenti, partie d’une ancienne carrière.

Tribune de la Pnyx à Athènes.Source: Benevolo, Leonardo, Histoire de la ville, éditions Parenthèses, Paris, 1983, [1975], p. 51.

Palais Pitti avec les jardin en second plan. Source: Peinture du Giusto Utens, 1599. Museo di Firenze Com’era, www.museicivicifi orentini.it.

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Naples, Carrière de Tuf de Posillipo, Naples. Source: Fiore, Vittorio, Il verde et la roccia, sul recupero della Latomia dei Cappuccini in Siracusa, Edizioni della Meridiana, Milan, 2009, p. 244.

Les Latomies de Syracuse.Source: Karl Friedrich Schinkel, Latomien, alte Steinbrüche bei Syracusa, gravure sur cuivre, 1804. Staatliche Museen zu Berlin.

Dans les villes, ces « carrières-fondations » se sont parfois prolongées sous terre, devenant de véritables mondes souterrains. « La ville a le vide au-dessous d’elle, c’est son appui. À notre masse du dessus correspond autant d’ombre. C’est elle qui porte le corps de la ville »20, écrit Erri de Luca à propos de Naples.

Tout comme Naples, les villes de Paris, Rome ou Syracuse, pour ne citer que les plus célèbres, ont développé des systèmes de carrières souterraines, fournissant de nombreux matériaux de construction aussi bien que des espaces plus ou moins utilisés selon les époques et les cultures. Ces villes ont en commun un sous-sol de roche tendre, sédimentaire ou volcanique, facile à creuser avec des outils rudimentaires pouvant se limiter à des piques et des scies. Il en résulte souvent des espaces labyrinthiques, creusés dans une géométrie simple mais déclinée dans d’innombrables variations.

non plus sous la ville, mais au coeur du processus urbain. L’espace de la carrière devient une partie importante de l’espace de la ville, en parallèle duquel vont se construire bâtiments publics et infrastructures avec les matériaux excavés22. À Lalibela aussi bien qu’à Petra, les ordres de l’architecture classique sont directement sculptés dans la masse rocheuse qui met en abîme un processus de construction pétrifi é dans la pierre.

Syracuse illustre peut-être mieux que tout autre, avec ses gigantesques carrières exploitées au cœur de la ville pendant plus de 2000 ans, ce rapport complexe entre ville et carrière. À la fois souterraines et à ciel ouvert, les carrières de Syracuse, appelées les Latomies, furent utilisées aussi bien en tant que prison et carrière, que couvent, terrains agricoles, jardins ou encore décharges, décrivant un organisme urbain tout à fait singulier, à la fois structurant et structuré au cours du temps par le tissu urbain de Syracuse21.

Certaines villes, parmi lesquelles Petra en Jordanie ou Lalibela en Éthiopie, se sont établies dans les masses rocheuses mêmes, plaçant cette fois l’excavation,

Carrière de Cusa, Sélinonte, Sicile.Source: Phillipson, David, Ancient Churches of Ethiopia, Yale University Press, Yale, 2009, p. 151.

30 31

La recherche de matériaux de meilleure qualité a parfois concouru, parallèlement à l’extraction et l’utilisation de la carrière comme fondation, à la l’ouverture de carrière indépendante du lieux d’édifi cation. Désormais uniquement dédiées à l’extraction de pierre, les carrières deviennent des espaces à part entière, où se développeront des méthodes et techniques d’extraction spécifi ques. L’architecture des carrières suit dès lors ses propres règles entre : la matière, la technique et les éléments d’architecture à extraire. Parallèlement, l’architecture est libérée des contraintes liées à l’emploi des matériaux locaux. Cette autonomie de la carrière, et d’une certaine manière de l’architecture aussi, a pour corollaire la construction d’une distance qui demande d’importantes infrastructures autant politiques, économiques, et technologiques, que de transport23.

En tant qu’objet autonome, la carrière peut se spécialiser dans la fabrication d’un ou plusieurs matériaux, sous forme de pierres de construction, voire d’éléments d’architecture. Chaque carrière ainsi « spécialisée » développera une forme, une structure ainsi qu’un espace particulier, évoluant dans le temps, et qui sont liés à la fois à la nature pétrographique de la roche, à la morphologie naturelle préalable au site d’extraction, aux technologies et savoirs-faire disponibles, aux moyens de transport et infrastructures, ainsi bien sûr qu’aux matériaux de construction souhaités. L’architecture d’une carrière particulière répondra ainsi à la fois d’une logique interne propre à ce qui y est extrait et d’un contexte particulier.

Les carrières de Carrare, situées dans les Alpes apuanes, exploitant des gisements de marbre apparemment sans limites et d’une qualité réputée extraordinaire, sont sans doute l’une des manifestations les plus complexes de cette articulation entre la carrière et son contexte particulier. Exploitées de façon continue depuis presque 2000 ans, les carrières de Carrare se sont développées en une architecture des carrières sans précédent jusqu’au 20e siècle. Autant par leur taille que les multiples variations de leur morphologie, elles articulent un espace entre la géologie et la géométrie des parois verticales et des terrasses, formant gradins, tunnels, galeries et chambres souterraines. L’exploitation en blocs souvent de grandes dimensions, qui étaient jusqu’au début du 20e siècle transportés par des luges en bois et des chars jusqu’au port, à structurer un ensemble de terrasses reliées par des rampes.

Si l’extraction de « blocs » de marbre caractérise les carrières de Carrare, certaines carrières se caractérisent par l’extraction d’autres formes, comme des meules, des bornes ou alors des colonnes. La carrière de Cusa, à Sélinonte en Sicile, a extrait d’immenses tambours pour les colonnes des temples et villes antiques de Sélinonte et Syracuse. Les tambours, creusés à la verticale sur une hauteur allant jusqu’à trois mètres, pesaient un poids considérable, nécessitant la mise en place d’une exploitation se développant horizontalement de manière à pouvoir faire, par la suite, rouler les tambours jusqu’aux chantiers. De plus, la forme des tambours a laissé les marques très visibles d’une matière encore émergeante.

Saverio, Salvioni, dessin des carrières de Carrare.Source : Julien, Pascal, Marbres de carrières en palais, édition le bec en l’air, 2006, p. 136.

Carrière de Cusa, Sélinonte, Sicile.Source: Siza, Alvaro, Esquissos de viagem/Travel sketches, Documentos de Arquitectura, Porto, 1988, p. 32.

32 33

Page suivante : L’Idole. Image du tournage du fi lm Le testament d’Orphée, de Jean Cocteau, aux Beaux-de-Provence.

Source : Photographie de Jean Clergue, 1959. www.anneclergue.fr

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Notes

1 Bouvier; Nicolas, L’usage du monde, Payot, Paris, 1992.

2 Turri, Eugenio, Antropologia del pasaggio, Edizioni du Communità, Milan, 1983, p. 51. Cité par Camporesi, Piero, Les belles contrées, Gallimard, Paris, , 1995, [traduit de l’italien par Brigitte Pérol, 1992], p. 12.

3 Rey, E., Dictionnaire étymologique de la langue française, Le Robert, Paris, 1992, p. 355.

4 Ibid.

5 Ibid.

6 Ibid.

7 Ibid.

8 Ibid.

9 Offi ce Fédéral des Statistiques (www.bfs.admin.ch).

10 Bachelard, Georges, Le nouvel esprit scientifi que, PUF, Paris, 1983.

11 Hersch, Jeanne, L’étonnement philosophique, Gallimard, Paris, 1981, p. 59.

12 Van Der Laan, Dom Hans, Der Architektonische Raum, E. J. Brill, leiden, 1992, 42.

13 Ibid., p. 6.

14 Ibid., p. 12. « Um jedoch ein Stück Raum vom Großen abzutrennen, wird eine zweite Wand benötigt, die sich so zur ersten verhält, daß ein neuer Raum zwischen den beiden entsteht ».

15 Ibid., p. 13. « Die beiden Raumbilder können so aufeinander abgestimmt weren, daß sie sich wechselseitig voll ergänzen und gleichsam ein Ganzes bilden ».

16 Adam, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984, p. 23.

17 Voir à ce sujet : Chollier, Alexandre, Autour du cairn, Héros-Limites édition, Genève, 2009.

18 Adam, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984, p. 23.

19 Adam, Jean-Pierre, L’archietcture grecque. 1. Les principes de la construction, A. et J. Picard, Paris, 2002, p. 74.

20 Erri de Luca, Le jour avant le bonheur, Gallimard, 2010 (traduit de l’italien), p. 15.

21 Fiore, Vittorio, Il verde et la roccia, sul recupero della Latomia dei Cappuccini in Siracusa, Edizioni della Meridiana, Milan, 2009, p. 51-60.

22 Phillipson, David, Ancient Churches of Ethiopia, Yale University Press, Yale, 2009, p. 87.

23 Développements dans le Cahier n0 2.

Bibliographie

ADAM, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984.

ADAM, Jean-Pierre, L’archietcture grecque. 1. Les principes de la construction, A. et J. Picard, Paris, 2002.

BACHELARD, Georges, Le nouvel esprit scientifi que, PUF, Paris, 1983.

BABLET, Denis ; et al., Adolphe Appia : 1862-1928 : acteur, espace, lumière, Pro Helvetia, Zürich, 1981.

BENEVOLO, Leonardo, Histoire de la ville, éditions Parenthèses, Paris, 1983, [1975].

CAMPORESI, Piero, Les belles contrées, Gallimard, Paris, , 1995, [traduit de l’italien par Brigitte Pérol, 1992].

CHOLLIER, Alexandre, Autour du cairn, Héros-Limites édition, Genève, 2009.

FIORE, Vittorio, Il verde et la roccia, sul recupero della Latomia dei Cappuccini in Siracusa, Edizioni della Meridiana, Milan, 2009.

Gubler, Jacques, Adolphe Appia ou le renouveau de l ’esthétique théâtrale. Dessins et esquisses de decors, éditions Payot, Lausanne, 1992.

HERSCH, Jeanne, L’étonnement philosophique, Gallimard, Paris, 1981.

JULIEN, Pascal, Marbres de carrières en palais, édition le bec en l’air, 2006.

PHILLIPSON, David, Ancient Churches of Ethiopia, Yale University Press, Yale, 2009.

REY, E., Dictionnaire étymologique de la langue française, Le Robert, Paris, 1992.

SIZA, Alvaro ; et al., Esquissos de viagem/Travel sketches, Documentos de Arquitectura, Porto, 1988.

VAN DER LAAN, Dom Hans, Der Architektonische Raum, E. J. Brill, leiden, 1992.

ARCHIVES DU CANTON DE VAUD : www.patrimoine.vd.ch.

MUSEO DI FIRENZE COM’ERA : www.museicivicifi orentini.it.

BIBLIOTHÈQUE DE L’UNIVERSITÉ CALVIN, Genève : http//:library.calvin.edu.

HISTOIRE ET TERRITOIREdes carrières en Suisse

Cahier n0 2

«O land, you who bring everything back to yourself, as the ultimate measure. You

are truly the modulus that enters into each thing. You have moulded the city and the

forms of government. You have conducted the sounds of language. You have defi ned

the arts of the word and the fi gure ».

Dimitris Pikionis1

Table des matières

Histoire d’un territoire 6

Distribution territoriale des carrières en Suisse 16

Entre artisanat et industrie 20

Notes 24

Bibliographie 26

6 7

Saverio, Salvioni, dessin des carrières de Carrare.Source : Julien, Pascal, Marbres de carrières en palais, édition le bec en l’air, 2006, p. 136.

Histoire d’un territoire

Depuis l’Antiquité grecque au moins, l’exploitation des carrières a fabriqué ce qui pourrait se dénommer un territoire de l ’extraction. Cette exploitation a souvent su tirer parti des espaces ainsi gagnés à la nature pour acquérir des matériaux permettant de repousser, d’une certaine manière, les conditions humaines à la fois limitées dans l’espace et le temps.

Bien que les traces écrites révélant l’existence de carrières dans l’Antiquité soient rares, voire inexistantes, les bâtiments et les carrières, qui ont perduré jusqu’à nos jours, révèlent une maîtrise de la pierre et des technologies relatives à l’extraction, à la taille, au transport ainsi qu’à la mise en œuvre.

L’extraction se faisait à l’aide d’outils simples qui sont pour la plupart encore utilisés de nos jours : pics de carriers ou smilles, têtu-pics, escoudes, leviers, masses et coins en bois ou métalliques. Dans les carrières les plus simples, les affl eurements des bancs étaient simplement décapés horizontalement à l’aide d’un levier forcé dans les fi ssures ou les « diaclases2 naturelles3 ». « Par la suite, c’est le principe du front de taille qui va s’imposer avec plusieurs modes d’attaque :

- des blocs carrés où le plus souvent rectangulaires sont défi nis par creusement au pic léger de tranches d’extraction, qui sont des fossés plus ou moins larges, sur trois côtés et si possible le long des lits de carrière ; sur un autre côté du bloc, des emboîtures régulièrement espacées désignent l’emplacement de coins qui seront encastrés à coups synchronisées de masse pour provoquer la rupture du bloc […],

- le système des cavités préparatoires alignées prévaut pour la taille en gradins, à partir du haut ou du bas. […] Dans ce cas, au moins deux des faces du bloc étant déjà dégagées par l’enlèvement du bloc précédent, il se trouve fi ssuré par la rainure puis détaché par une forte pression aux angles ;

- monolithes et taillées en tambours, les colonnes sont progressivement dégagées en position verticales par une galerie circulaire où s’introduit le carrier [souvent un enfant pour limiter la taille de la galerie]. Pour fi nir, la base est à son tour entaillée en creusant une ligne de rupture. Aux temps romains, les fûts seront extraits de préférence en position couchées […] »4.

Les blocs, une fois détachés des bancs rocheux, étaient retaillés sur place ou découpés, avant d’être transporté vers les ateliers. Le transport se faisait à l’aide de treuils, de traîneaux en bois, de chariots, de bateaux ou encore de machines de transport telles celles de Chersiphron de Métagénès5.

8 9

Principales villes gallo-romaines sur le territoire suisse actuel.Source : Freudiger, Sebastien, Le temps des Romains (La Suisse du Paléolithique à l ’aube du Moyen-Age, vol. 5 Epoque romaine), Infolio, Bâle, 2002, p. 19, fi g. 8.

Saverio, Salvioni, dessin des carrières de Carrare.Source : Julien, Pascal, Marbres de carrières en palais, édition le bec en l’air, 2006, p. 152.

Les carrières étaient situées généralement à proximité du site de l’édifi cation, et ceci « même si la qualité du matériau laissait à désirer » et « pouvait contraindre les constructeurs à adopter certaines pratiques architecturales »6, comme la réduction des cannelures des colonnes ou l’ajout d’un enduit afi n de préserver les pierres. L’édifi cation de sanctuaires nécessitait cependant parfois des pierres d’excellente qualité, qui ne se trouvaient pas à proximité du site. Dans de tels cas, les pierres devaient provenir de carrières plus lointaines situées en bord de mer pour en faciliter le transport, appartenant dans la plupart des cas aux diff érents États7. Ainsi se construit dans l’Antiquité grecque, puis romaine, un territoire de l ’extraction, composé d’une part de carrières ouvertes temporairement et parfois intégrées aux bâtiments et aux villes, et d’autre part de carrières exploitant des pierres de meilleurs qualité sur de plus longues périodes, souvent éloignées des lieux de construction8. Cette structuration entre carrières courantes et exploitées de façon temporaire et ne demandant que peu de moyens et de savoirs-faire techniques, et carrières produisant des pierres d’exceptions, parcourra dès lors toute l’histoire des carrières, dans une certaine mesure jusqu’à nos jours.

Les Grecques et les Romains de l’Antiquité, poursuivant l’exploitation parallèle de ces deux types de carrières, ont étendu et diversifi é les roches exploitées et la capacité de les transporter à tout le pourtour de la Méditerranée. Le développement d’un réseau de transport à la fois terrestre, fl uvial et maritime, a permis l’utilisation à Rome et dans le reste de l’Italie, de marbre venu de Tunisie, de Grèce ou encore d’Egypte9.

Les carrières, des territoires de l’Antiquité gallo-romaine aujourd’hui circonscrits par la Suisse exploitaient majoritairement des grès, des calcaires coquillés ou encore des travertins, pour les villes romaines se concentrant principalement sur le Plateau suisse. Les roches cristallines, comme les gneiss ou granites, inexistantes sur le Plateau – à l’exception des blocs erratiques–, étaient réservées à quelques éléments d’architecture particuliers, comme les meules, les bornes cadastrales ou encore les sarcophages10. Les carrières les plus importantes se trouvaient ainsi à proximités des anciennes colonies romaines de Vindonissa (Windisch), Augusta Raurica (Augst) et de Aventicum (Avenches), à Leuzingen, Dittingen, Würenlos ou encore à La Lance. Cette dernière, proche de Concise fait exception, puisque les roches étaient transportées à travers le lac de Neuchâtel sur une cinquantaine de kilomètres11.

Des marbres, importés de Grèce ou d’Italie, témoignent des échanges commerciaux importants qui ont pu avoir lieu à cette époque, tout comme de la qualité des infrastructures nécessaires à de tels transports, contrastant d’autant plus avec les utilisations limitées, locales et parcimonieuses des pierres de construction qui aura cours au Moyen Age12.

10 11

Au Moyen Age en Suisse, alors que les technologies et infrastructures héritées des Romains ont presque complètement disparu, l’exploitation de carrières de roches dures a presque totalement disparu, à l’exception de certaines carrières fournissant principalement des meules de moulins, dont les plus connues sont celles de La Molière, d’Ins, de Brüttelen, de Schnottwil, de Würenlos et de Mels13. Les carrières sont alors exploitées avec des techniques d’extractions rudimentaires, consistant principalement au simple délitement des pierres avec un levier ou l’extraction au pic, à proximité immédiates des chantiers. Les carrières sont de plus liées à la construction d’un édifi ce ou d’un bourg en particulier, voyant l’exploitation de carrières de roches particulière presque totalement disparaître. Elles forment alors souvent les caves et les fondations des bâtiments, ou encore les douves d’un bourg. Les pierres ainsi extraites sont souvent assemblées à d’autres « pierres trouvées »14 soit récupérées sur des édifi ces plus anciens, soit ramassées dans les moraines ou rivières avoisinant le chantier. Ces modes d’extraction se poursuivent jusqu’au au Haut Moyen Age, et dans certaines régions bien au-delà, sous une forme d’autochtonie architecturale15.

Ce n’est que vers le début du 12e siècle, avec l’ouvertures de grands chantiers pour les édifi ces religieux et « l’obligation donnée par [certaines] administrations communales de l’époque de réduire les risques d’incendies dans les centres des villes »16 par la construction de murs coupe-feu, que de grandes carrières vont à nouveau être ouverte sous l’impulsion de la noblesse et du clergé. Limitées cependant à s’installer à proximités des grandes villes à cause de moyens et d’infrastructures de transports encore limités, dont la seule exception est le transport fl uvial et surtout lacustre – région lémanique, de Zürich-Obersee, Rorschach-Bodensee-Schaff house –, elles exploitent alors principalement les grès de la mollasse du Plateau17. La grande majorité de ces carrières, situées à proximité immédiate des Cités et des Bourgs, a aujourd’hui presque totalement disparu sous les agrandissements urbains successifs.

En parallèle des développements architecturaux de la Renaissance, en Italie, puis dans le reste de l’Europe dès les 16e et surtout 17e siècles, l’extraction de pierre de taille, de revêtement et de décoration, est fortement appelée a augmenter18. Les marbres, dont principalement les « marbres noirs », et les calcaires furent les plus demandés, avant la recherche de pierres polychromes exploitées, dès le 17e siècle, dans le Chablais, la vallée du Rhône, à Grindelwald ou encore dans les brèches d’Arzo au Tessin19 et mises en œuvre principalement dans les cantons catholiques.

Depuis la Renaissance, de nombreux traités d’architecture, de géologie et de minéralogie relatent, dans la continuité de ceux de l’Antiquité Romaine, en Italie, puis en France et en Angleterre, la recherche de matériaux et de minéraux dans les sous-sols, décrivent parfois de véritables épopées. Piero Camporesi, dans son ouvrage Les belles contrées, décrit cette recherche, menée par des « praticiens investigateurs », comme « la pratique des signes gravés par Carrière du Cloître de Schönau.

Dessin du 16e siècle. Source : Museum Nürnberg, www.museen.nuernberg.de.

12 13

la bienveillance de la nature »20. La terre est ainsi perçue et représentée dans de nombreuses peintures comme une visualisation « scientifi que » de nombreux fragments de « pays », comme le montrent certains tableaux de Piero de la Francesca ou encore d’Andrea Mantegna21.

Cherchant à expliquer la présence et l’existence des roches, de nombreuses croyances magiques, peut-être en partie héritées du Moyen Âge, complètent encore une vision scientifi que de plus en plus dominante22. Le territoire de l’extraction est encore le sujet et le support de maintes légendes sur la régénération des veines de roches et de minéraux, décrivant la terre comme un organisme vivant, quasi divin. Parfois représentés en une arborescence souterraine, les gisements sont capables de se reconstituer au fur et à mesure des extractions23. « Le corps vivant de la nature », auquel les hommes pratiquent « une saignée perpétuelle des veines les plus secrètes »24, sera l’objet de maints débats à la fois pour et contre l’exploitation des roches et minerais. Pour Athanase Kircher, dans son ouvrage Mundus Subterraneus [...] (1678), l’« Inaccessa Naturae Latibula »25 est mis à mal par l’extraction et l’exploitation des roches et des minéraux.

Les carrières de la Renaissance sont ainsi le fruit d’un travail à la fois scientifi que et empirique, tout comme d’un imaginaire fantastique, tel que décrit par Kircher ou Agricola, non pas nostalgique, comme il peut l’être parfois aujourd’hui, mais ouvert sur les inconnus de nos existences.

Le retour à une architecture classique, dès le 18e et surtout 19e siècle, puis l’industrialisation et les besoins de la Confédération26 et des Cantons en matière de bâtiments et d’infrastructure, vont marquer un âge d’or pour le développement des carrières qui ne s’arrêtera qu’avec la première guerre mondiale et le crash boursier de 192927. Les nouvelles infrastructures routières puis ferroviaires et les bâtiments publics de la Confédération et des Cantons ont grandement participé à défi nir les emplacements parfois encore actuels des carrières.

Si en Suisse jusqu’au milieu du 19e siècle le transport de pierres se fait essentiellement par chariots et par bateaux, la construction des premières lignes de chemin de fer voit le développement de nombreuses carrières tout au long de son parcours. Le train et les infrastructures qui l’accompagnent deviennent, dès 186028, l’un des plus grands consommateurs de pierre de taille, notamment avec la construction de la ligne du Gothard, terminée en 188229, qui, en reliant Luzerne à Chiasso, permettait de relier pour la première fois par voie ferroviaire le sud et le nord de l’Europe à travers la Suisse. « La construction de la ligne du Gothard a ainsi nécessité environ 502’280 m3 de pierre de taille, provenant pour la plupart des cas des carrières situées [de part et d’autres] du St. Gothard »30. Le Tunnel du Simplon, construit entre 1889 en 190631, reliant Brigue à Domodossola en Italie, renforça encore la première ligne du St. Gothard.

Andrea Mantegna, La madone de la carrière, 1489.Galerie des Offi ces, Florence, www.polomuseale.fi renze.it.

14 15

Barque dans la rade de Genève, vers 1880. Source: Auteur inconnu, www.patrimoine.vd.ch.

Carrières des Andonces, St. Triphon, vers 1900.Source: Auteur inconnu, www.patrimoine.vd.ch.

De nombreuses carrières sont alors ouvertes le long de la ligne du St. Gothard et du Simplon pour exploiter, dans le Chablais vaudois, les calcaires très durs du Jura Helvétique, et dans la vallée du Rhône et le Val Levantine, les gneiss et granites – voir carte page 18. L’ouverture de ces deux lignes de chemin de fer a ouvert de nouvelles perspectives commerciales permettant aussi bien l’exportation de nombreux marbres alpins, comme le marbre cipolin de Saillons

utilisé aussi bien à Paris pour certaines parties de l’Opéra de Charles Garnier qu’à Londres pour la construction du British Museum32, que l’importation de nombreuses pierres, dont les marbres de Carrare.

Comme mentionné précédemment, « le déclin de l’utilisation de la pierre naturelle dans les constructions commença avec la première guerre mondiale »33, pour se prolonger, soutenu par le crash boursier de 1929, jusqu’à la deuxième guerre mondiale où la pierre remplaça, pendant le temps des rationnements de charbon, les matériaux désormais inévitables : les briques et surtout le béton armé. Depuis l’après-guerre, de nombreuses carrières de pierre de tailles ne furent plus utilisées que comme carrières d’agrégats et de ballast.

Au cours de l’histoire, les carrières ont été de nombreuses fois ouvertes, puis fermées et à nouveau ré-exploitées par la suite, selon des cycles plus ou moins longs. L’exploitation d’une carrière pouvait s’entrecouper de pause, de manière à ce que l’abandon d’une carrière n’était que rarement défi nitif, ou alors causé par l’épuisement des pierres de qualité, et s’inscrivait plutôt comme une longue période de repos avant une nouvelle exploitation.

16 17

Carte du réseau ferroviaire national.

Carte du réseau routier. Autoroutes et routes nationales.

Distribution territoriale des carrières de pierre de taille en Suisse

Aujourd’hui, les carrières de pierre de taille se retrouvent dans les trois régions principales de la Suisse, exploitant les trois groupes de roches principales et caractéristiques de la géomorphologie suisse : les gneiss du massif alpin, les grès de la mollasse et les calcaires du Plateau et enfi n les calcaires du Jura. Le massif alpin, avec l’exploitation des gneiss, compte le plus grand nombre de carrières, concentrées principalement au Tessin et aux Grisons, dans le Val Levantina – voir double page suivante.

Les carrières du Plateau se regroupent principalement autour des centres urbains de Fribourg, Berne et le lac de Zürich et de Constance. Les roches qui y sont extraites servent en majorité pour la rénovation de ces mêmes villes.

Le Jura, quant à lui, ne compte plus que deux carrières encore en activité, à Neuchâtel et de Laufen.

Si historiquement les carrières se sont toujours développées en des lieux facilitant les transports, que ce soit par voie fl uviale, lacustre ou terrestre, ce critère est devenu, avec le développement d’un réseau routier sur tout le territoire, moins prépondérant aujourd’hui. Cependant, la concentration des exploitations de grande taille, ouverte au début du 20e siècle, le long des principaux tracés ferroviaires datant du 19e siècle, dans les vallées alpines, structure encore aujourd’hui la répartition des carrières sur le territoire. Ceci bien que le transport ferroviaire, autrefois l’un des principaux motifs de leur installation, ait été largement remplacé par le transport par camions.

18 19

Principales régions géologiques et position des carrières.Carte composée d’après : De Quervain, François, Die nutzbaren Gesteine der Schweiz, Kümmerly & Frey, Bern, 1969, p. 120 ; Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 60.

Distribution des carrières selon Niggli, 1915.Source : Niggli, Peter, « Die natürlichen Bausteine und Dachschiefer der Schweiz », In: «Beitrage zur Geologie der Schweiz», geotechnische Serie V», Francke, Bern, 1915, p. 221.

20 21

Une économie entre industrie et artisanat

En Suisse en 2006, presque 80% des matières premières consommées par années sont extraites du sous-sol, dont 45% proviennent de l’étranger34, constituant inévitablement un territoire et des espaces considérables pour la plupart cachés, ou au mieux délaissés. Les matériaux minéraux, ne comprenant ni les matériaux fossiles ni les métaux, constituent à eux seuls 50% des matières premières extraites en Suisse, dont presque 90% se composent de sables, graviers et ciment réservés à la construction. L’extraction de pierre de taille ne représente quant à elle que 1% de l’extraction des matériaux minéraux en Suisse35.

La production actuelle de pierre de taille des 23 plus grandes carrières analysées dans la thèse de Stefano Zerbi, atteint environ 225’600 m3 par an, représentant un volume d’exploitation légèrement supérieur à celui qui s’était stabilisé entre les années 1960 et 200036. Ceci bien que le nombre d’exploitations ait été, dans le même intervalle, considérablement réduit, passant de 230 en 1965 à 63 en 200537. La production par entreprise, après avoir été constante depuis le début du 20e siècle jusque dans les années 1980, est aujourd’hui environ 10 fois supérieure. Cette augmentation dénote d’une part l’amélioration des méthodes d’extraction et d’autre part « une pression grandissante sur le peu de gisements encore exploités, [impliquant] un plus grand impact au niveau de l’environnement »38.

La majorité de la production suisse de pierre de taille est consommée dans le pays même, l’exportation étant relativement limitée. L’importation de pierre de taille, quant à elle, représente l’équivalent d’environ 80% de la production indigène39.

Les types de roches exploitées sont majoritairement des roches dures, gneiss et calcaires, alors les roches plus tendres, telles que les grès, largement exploitées jusqu’au 19e siècles, ne sont exploitées plus que de façon limitée, principalement pour la rénovation. Schwarz40 en donne en 1980 la répartition suivante :

- Calcaires et marbres 44 %- Granites et gneiss 33 %- Grès 13 %- Schistes 6 %- Diverses 4 %

Les entreprises d’extraction de pierre de taille se structurent souvent en complémentarité avec d’autres activités : production de matériaux pierreux divers – sables, agrégats, ballast, gabions, etc.–, travail de taille de la pierre,

mise en œuvre en tant qu’entreprise de construction, stockages de matériaux et décharges. Si cette diversité de produits extraits de la carrière et de l’utilisation de son espace correspond souvent à des besoins économiques, les carriers semblent avoir depuis l’Antiquité su tirer parti de toutes les pierres produites lors de l’extraction.

Les entreprises d’extraction de pierre de taille peuvent êtres distinguées en deux groupes41 : celles d’une taille suffi sante et largement industrialisée et diversifi ée, permettant de rivaliser avec une concurrence européenne, voir mondiale, et celles presque artisanales, employant moins de dix employés, mais produisant une pierre recherchée utilisée en grande partie pour la rénovation.

Les premier type d’entreprises, que nous qualifi erons ici d’industrielles, représente en réalité des entreprises bien petites en comparaison internationale. Comprenant en moyenne une trentaine de d’employés42, elles produisent souvent d’autres matériaux pierreux tout en exerçant des activités liées à la construction. Les carrières de La Cernia, à Neuchâtel, ou encore celles d’Ostermundigen, à Berne, sont en ce sens exemplaires. Toutes deux sont rattachées à une entreprise de construction, exploitant la carrière non seulement pour la pierre de taille, mais encore pour des matériaux, tels que les sables et graviers, et espaces de stockages de machines et matériaux.

Les entreprises d’extraction de petite taille, employant moins de dix employés, exploitent ce qui serait convenu d’appeler des « micro-carrières ». Ces dernières produisent des pierres relativement rares, peu exploitées et parfois réservées à un usage exclusif comme les pierres ollaires du val d’Hérens, exploitées à Évolène pour la construction de fourneaux.

22 23

Notes

1 Kenneth, Frampton et al., Dimitris Pikionis, Architect 1887-1968: A Sentimental Topography, Architectural Association, London, 1989.

2 Cassure de terrain sans déplacement relatif. « Le terme de diaclases peut s’appliquer à tout système à peu près régulier de fi ssures eff ectives de la roche, qu’elles soient approximativement planes ou franchement gauches » (Géol., 1972, p. 486 [encyclop. de la Pléiade]), (www.cnrtl.fr).

3 Adam, Jean-Pierre , L’architecture grecque. 1. Les principes de la construction, A. et J. Picard, Paris, 2002, p. 77.

4 Ibid., p. 77.

5 Ibid., p. 81.

6 Ibid., p. 74.

7 Ibid., p. 74.

8 Ibid., p. 80.

9 Adam, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984, p. 24.

10 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoff e der Schweiz, Schweizerische Geotechnische Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 176-177.

11 Ibid., p. 176.

12 Ibid., p. 177.

13 Zerbi Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 96.

14 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoff e der Schweiz, Schweizerische Geotechnische Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 177.

15 Ibid., p. 177.

16 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 96.

17 Ibid., p. 96.

18 Ibid., p. 96.

19 Ibid., p. 96.

20 Camporesi, Piero, Les belles contrées, Gallimard, Paris, traduit de l’italien par Brigitte Pérol, 1995 [1992], p. 41.

21 Ibid., p. 41.

22 Ibid., p. 41.

23 Ibid., p. 55.

24 Ibid., p. 64-65.

25 Ibid., p. 60..

26 La Confédération Suisse est née de la Constitution Fédérale de 1848 (Dictionnaire historique Suisse, www.hls-dhs-dss.ch).

27 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 97.

28 Hans-Peter Bärtschi, Anne-Marie Dubler, Dictionnaire historique suisse, édition en ligne, consulté le 27 décembre 2012 (www.hls-dhs-dss.ch).

29 Ibid.

30 Schwarz, H., Die Steinbrüche in der Schweiz, Drückerei Wetzikon AG, Zürich, 1983, p. 14, cité dans : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 97.

31 Construite entre 1882.

32 Septfontaine, Michel, Belles et utiles pierre de chez nous, Musée cantonal de géologie, Lausanne, 1999, p. 13.

33 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 97.

34 Kohler, Florian ; Zecha, Laurent, Besoins matériels de la Suisse Statistique suisse de l ’environnement No. 14, OFS, Neuchâtel, 2006, p 8-10. Note : les auteurs considèrent le poids des matériaux et non leur volume.

35 Offi ce Fédéral des Statistiques (www.bfs.admin.ch).

36 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 126.

37 Ibid., p. 99.

38 Ibid., p. 126. L’impacte sur l’environnement est développée dans le cahier n0 3.

39 Ibid., p. 126.

40 Schwarz, Hanspeter, Die Steinbrüche in der Schweiz, Drückerei Wetzikon AG, Zürich, 1983, p. 72, cité dans : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 101.

41 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 126.

42 Ibid., p. 126.

24

Bibliographie

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Jean-Pierre, L’archietcture grecque. 1. Les principes de la construction, A. et

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SEPTFONTAINE, Michel, Belles et utiles pierre de chez nous, Musée cantonal

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GALERIE DES OFFICES, Florence, www.polomuseale.fi renze.it.MUSEUM NÜRNBERG, www.museen.nuernberg.de

Principes et techniques

d’EXTRACTION

Cahier n0 3

Table des matières

Principes et techniques d’extraction 7

Principes d’extraction 8Principe d’extraction en gradins 8

Principe d’extraction en bandes verticales 10

Principe d’extraction souterrain 10

Les techniques d’extraction 12Techniques par perforations 12

Techniques par sciage 15

La pierre extraite 18

Dimensions des blocs de carrières 18

Outils de découpe et de façonnage de la pierre 20

Produits 22

Déchets et co-produits 23

Stockage et transport dans la carrière 24

Notes 26

Bibliographie 27

6 7

Principes et techniques d’extraction

Les diff érents types et leur morphologies relatives décrits ci-dessus, sont tous reliés à des principes et techniques d’extractions particulière, décrivant le processus d’extraction dans son ensemble. Les principes déterminent les règles pour extraire un ou plusieurs blocs soit en gradins, en bandes verticales ou en souterrain. C’est eux qui déterminent la volumétrie possible de l’extraction. Les techniques, quant à elles, décrivent les moyens d’extraction. Dans une sorte de « stéréotomie à l’envers »1, elles défi nissent, par les outils, la texture à la fois des fronts de la carrière et des matériaux extraits. À travers les outils, comme le dit Henri Focillon2, c’est la main qui se prolonge, une relation au monde qui se construit, une mesure qui prend forme, une dimension qui s’établit et enfi n des possibles qui s’ouvrent dans la matière et l’esprit.

Carrière souterraine de Krauchtal.Source : Trachsel, Hansueli, Sandstein, Stämpfl i Verlag AG, Berne, 2007, p. 15.

8 9

Principes d’extraction

Extraction en gradins

L’extraction en gradins se caractérise par le dégagement de deux plans, l’un horizontal, l’autre vertical, à partir desquels le travail s’organise. La hauteur des gradins varie selon la nature pétrographique de la roche, sa structure en l’endroit donné, la destination des roches extraites et les outils employés pour l’extraction. L’extraction proprement dite se fait par la découpe d’un grand bloc, d’environ 12 par 6 par 3 mètres, disposé soit horizontalement, soit verticalement.

Dans le premier cas, le bloc horizontal, disposé sur sa plus grande face, est d’abord découpé sur son pourtour, puis sous toute sa face inférieure. Il est ensuite découpé en blocs plus petits, mesurant généralement 3 par 1.5 par 1.5 mètres, qui seront soit vendus tels quels, soit acheminés vers un atelier dans ou à proximité de la carrière. Les gradins qui en résultent mesurent donc environs 3 mètres de haut par 6 de large, selon la pente. La largeur des gradins est importante car elle doit permettre le passage des machines autant pour la découpe que pour le transport des blocs.

Dans le deuxième cas, où le bloc est découpé verticalement, il doit être couché sur le côté, afi n d’être découpé en blocs plus petit comme le précédent. Pour ce faire, des écarteurs hydrauliques ou à coussins d’air, ou encore une pelle mécanique avec un poussoir peuvent être utilisés. Lors du basculement, le bloc est amorti par des troncs d’arbres, du sable ou des pneus afi n d’éviter qu’il ne se brise. Il est ensuite découpé en blocs plus petits avec la même technique que celle employée pour la division des blocs horizontaux. Les gradins de la carrière mesurent alors environs 6 mètres de hauteur, pour 8 mètres de larges.

Principe d’extraction en gradin: bloc horizontal

Principe d’extraction en gradin: bloc vertical

10 11

Extraction en bandes verticales

L’exploitation en bandes verticales est le plus souvent présente dans les carrières en fosse ou en puits. L’exploitation se déroule par coupes horizontales successives se superposant sur toute la hauteur du front de taille. Le plan d’extraction se développe ainsi vers le bas, par bandes verticales successives qui, répétées les unes à côté des autres, dégagent une seule paroi. La surface du plan d’extraction dépend du nombre de carriers et des machines utilisées. À titre d’exemples, la carrière de molasse de Ostermundigen, près de Berne, emploie deux carriers avec deux haveuses et une scie à fi l diamanté pour extraire une surface de 60 mètres carrés par semaine, sur une hauteur de 1.5 mètres.

En général toute la surface est découpée d’une seule fois, avant d’être divisée en blocs plus petits. Le découpage est alors similaire à celui des grands blocs horizontaux des carrières en gradins, à cette diff érence que le plan d’extraction est complètement entouré de vide. Les blocs sont ensuite extraits par une grue ou un derrick – autrefois, ils étaient balancés dans le vide sur le tas de sable et de gravats formés par les déchets d’extractions.

Extraction souterraine

Si, dans les deux techniques présentées jusqu’ici, la roche à extraire présentait toujours au minimum deux faces dégagées, la carrière souterraine, du moins lors de sont avancement, ne présente qu’un seul plan d’extraction. Les machines ne peuvent donc plus, dans un premier temps, être déposée sur la matière, mais doivent se positionner face à elle. Le front de taille est alors découpé, soit par haveuse, soit par perforation, selon un maillage. Une fois les blocs découpés sur quatre de leurs côtés, le cinquième composant le front de taille, il peut alors être détaché par l’introduction de coins écarteurs, afi n de le libérer de sa partie arrière encore prise dans la masse rocheuse. Une fois le banc supérieur dégagé et le ciel de carrière prolongé, les blocs peuvent à nouveaux être exploités en gradins ou en bandes verticales.

Principe d’extraction en bandes verticales

Principe d’extraction souterraine

12 13

Les techniques d’extraction

Les outils d’extraction de pierre de taille se fondent sur deux techniques : la perforation et le sciage. La première cherche à provoquer une fi ssuration de la roche, parfois aidée d’explosif, tandis que la seconde procède par sciage de la roche dans une masse homogène. Si la première technique, dont les outils fondamentaux sont la masse et le coin, existe depuis très longtemps, la technique par sciage est elle plus récente, datant probablement de la Renaissance. Bien que le développement de cette deuxième technique ait été pendant longtemps limités par les coûts important d’investissement qu’elle représentait, elle est, depuis les années 1980 abondamment employées3.

Techniques par perforations

La perforation en ligneLa technique par perforation en ligne cherche à exploiter au maximum les

fi ssures existantes en les contrôlant de sorte à obtenir des blocs rectangulaires. Des perforations, de 22 à 63 mm de diamètre4, sont pratiquées à l’aide d’une foreuse, à partir d’une fi ssure naturelle, soit côte à côte de manière à découper directement la roche, soit sur une même ligne avec un espacement de 10 à 30 centimètres5, parfois 60 centimètres selon la roche et la technique, ce qui demande une découpe ultérieure du bloc par l’utilisation de coins, de mortier expansif ou encore d’explosifs.

Les foreuses, qu’elles soient pneumatiques ou hydrauliques, peuvent êtres manuels ou à colonnes, fi xées sur un rail ou le bras articulé d’une machine. Ces foreuses ont parfois plusieurs têtes de forages descendant en même temps dans la roche.

Perforation en ligne côte à côteLes perforations sont pratiquées côte à côte sur une même ligne et sur toute

la hauteur du bloc. Afi n d’empêcher au maximum la déviation de la tête de forage, à cause de la présence d’un vide sur un côté du trou de forage, la mèche doit avoir un diamètre important, généralement 63 mm6. Les trous sont ainsi pratiqués tous les 114 mm, de manière à garantir une coupe continue sur toute la hauteur du bloc, cette dernière se limitant généralement à 3 mètres – au-delà, la déviation des fores est souvent trop grande pour découper le bloc.

Coins, coins écarteurs et écarteurs hydrauliquesLa technique d’extraction utilisant les coins et les coins écarteurs est

probablement la plus ancienne. Ne demandant presque aucun matériel – une masse et un coin –, elle est cependant harassante pour le carrier. La technique consiste à chasser des coins ou coins écarteurs « à l’aide d’une masse dans des fores ou des saignées préalablement réalisées »7 dans la roche. La hauteur des blocs varie selon la nature de la roche, sa ténacité8 et la hauteur des bancs Techniques d’extraction d’après Zerbi.

Source : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 115.

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naturels. Lorsque que les bancs ne dépassent pas 3 mètre et que leurs lits sont suffi samment marqués, les blocs sont généralement découpés sur toute la hauteur du banc sans qu’une découpe horizontale ne soit nécessaire.

Afi n de profi ter des fi ssures existantes, des fores sont réalisées généralement dans les veines de la roche et de façon rapprochée de manière à provoquer la fi ssuration. D’un diamètre de 22 à 34 mm, elles sont réalisées avec des foreuses manuelles hydrauliques ou pneumatiques sur une profondeur d’au minimum 20 centimètres, avec des répétitions toutes les 20 à 30 cm de manière à décrire une ligne qui deviendra le plan de cassure9. Les coins écarteurs métalliques se composent, en plus du coin, de deux plaques de métal – parfois en bois – enchâssées préalablement dans les fores ou saignées et entre lesquelles le coin va coulisser. Les coins écarteurs sont parfois eux-mêmes remplacés par des écarteurs hydrauliques, dont le rôle est identique, mais qui sont beaucoup plus puissant

L’utilisation des coins et coins écarteurs produit sur la roche des marques se limitant principalement aux fores et saignées, le reste de la surface découpée est quant à lui, suivant le plan de clivage naturel de la roche et la texture de celle-ci, plus ou moins lisse et régulier. Dans certaines roches, la présence d’une stratigraphie particulière ou d’une cassure préférentielle sur certains minéraux, comme les micas des gneiss, dévoile une couleur, une teinte une texture particulière, ainsi qu’une structure particulière.

Mortier expansifLe mortier expansif, généralement à base de silicate, utilise les propriétés

expansives de ce dernier une fois hydraté pour fendre la pierre. Introduit dans des fores espacées de 30 à 50 centimètres et se développant sur environ 70% de la hauteur du bloc10, il va faire fendre le bloc en environ 24 heures11, ne produisant pas de vibrations, de bruit ou encore de poussière. Les fores ne peuvent être produites par un moyen de forage utilisant de l’eau, à moins que le mortier ne soit placé dans une gaine en plastique la protégeant d’une eau qui empêcherait une bonne expansion.

Fils détonants et explosifsLes fi ls et explosifs sont placés dans des fores de manière à « couper » la

roche sur un plan régulier. À l’inverse des explosifs à fracturations, utilisés dans les gravières et les exploitations de minéraux ne cherchant pas de grands blocs homogènes, les fi ls détonants et explosifs de carrière de pierre de taille cherchent à garder une roche la plus homogène possible. Placés dans des fores espacées généralement de 15 à 60 cm, selon les propriétés de la roche, et se développant sur environ trois quarts de la hauteur du bloc12, les fi ls détonnant et explosifs permettent de détacher le bloc par l’expansion des gaz libérés13. La surface de la pierre est alors principalement marquée par des stries verticales, sortes de cannelures, laissées par les fores désormais coupées en deux. La surface fi ssurée est quant à elle plus ou moins texturée selon la nature de la roche.

Coussins écarteursDes coussins écarteurs placés dans des saignées peuvent également être utilisé

pour détacher un bloc. Ils sont alors introduit dans des fentes préalablement pratiquées, d’environ 4 à 10 cm d’épaisseur selon la technique employée, puis gonfl és à l’aide d’un compresseur à air. Cette technique présente l’avantage de ne pas faire de bruit.

Techniques par sciage

HaveuseLes haveuses sont des sortes de tronçonneuses à chaînes diamantées,

placées sur un rail que l’on peut prolonger avec l’avancement de la machine. La chaîne diamantée est placée sur un bras articulé, pouvant mesurer jusqu’à huit mètres – deux à trois mètres en général en Suisse –, capable de couper la pierre autant horizontalement que verticalement. Placée sur des rails que les carriers prolongeront au fi l de son avancement, la haveuse se déplace en coupant la roche toujours selon le même angle. L’épaisseur de la lame, de 40 à 60 millimètres, laisse des sillons dans la roche, visibles sous forme de petites corniches dans les parois verticales.

Afi n de refroidir la lame et d’empêcher l’obstruction des sillons par les boues de sciage et la propagation de la poussière, de l’eau s’écoule constamment dans les sillons au fi l de l’avancement de la découpe. Cette opération demande des quantités souvent très importante d’eau, qu’il faut par la suite laisser se décanter et dépolluer avant de pouvoir à nouveau être utilisée. L’utilisation de l’eau empêche, à cause des risques de gel, une exploitation hivernale des carrières.

Scie circulaire diamantéeLa scie circulaire diamantée sur chariot, placée sur des rails, découpe la

roche au fur et à mesure de son avancement. Elle peut avoir une scie verticale ou horizontale, et est parfois munie de deux scie, l’une horizontale l’autre verticale, placées l’une derrière l’autre et permettant d’extraire en un passage les blocs de matière qui seront ensuite redécoupés. La scie est refroidie par un jet d’eau tout au long de la découpe, qui permet aussi d’évacuer les boues de sciage. Le diamètre de la scie ne dépassant généralement pas 3 mètres, les bancs sont limités à une hauteur et une profondeur de 1 à 1.5 mètre. Produisant de grands gradins successifs, ce type d’extraction est généralement réservé aux roches tendres, comme les tufs ou les grès.

Si les scies circulaires diamantées ne sont pas utilisées en Suisse pour l’extraction de blocs, elles sont en revanche couramment utilisées, fi xées sur un cadre, pour le redécoupage des blocs.

Scie à fi l diamantéTout comme la scie circulaire diamantée, la scie à fi l diamanté est également

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placée sur un chariot. Posté sur des rails, ce dernier maintient une tension constante tout au long de la découpe, de manière à permettre une coupe régulière de la pierre. Le fi l diamanté, de 8 à 12 millimètres de diamètre, est constitué d’une succession d’anneaux métalliques sertis de diamants reliés par un câble. Mesurant jusqu’à 80 mètres, il est possible de le diviser par tranche de 4 à 5 mètres au fur et à mesure de la découpe de façon à garder le chariot sur une même portion de rail.

Le fi l se place dans deux voire trois fores ou saignées préalablement pratiquées dans la roche et se coupant à angle droit sur un plan vertical ou horizontal. La scie à fi l diamanté étant souvent employée en Suisse en complément d’une autre technique d’extraction – par perforation en ligne ou par haveuse –, elle se limite généralement à la découpe des grandes faces de blocs mesurant 12 par 6 par 3 mètres, qui sont redécoupés sur place. La découpe peut cependant largement dépasser ces dimensions, comme dans la carrière de Salvan qui découpe à l’aide de cette technique un tunnel d’une trentaine de mètres, en tranches de 4 mètres de haut par 1.5 de larges, afi n de ménager un nouvel accès à la carrière.

Water-jet et Flam-jetLes techniques relativement récentes du Water- et du Flam-jet découpent la

pierre en employant respectivement des jets d’eau à très haute pression et une fl amme à très haute température. L’eau et la fl amme sont guidées au bout d’une lance tenue par un homme ou une machine, produisant des sillons d’environs dix centimètres de large et pouvant atteindre une profondeur de 3 mètres pour le Water-jet et de 20 mètres pour le Flam-jet14. Dans les deux cas, la surface de roche débitée est relativement lisse et homogène. Ces techniques, demandant des quantités d’eau ou d’énergie considérables – en comparaisons des autres techniques – posent de nombreux problèmes environnementaux outre ceux purement économiques liés aux énergies considérables qu’elles nécessitent15. Elles ne sont actuellement pas utilisées en Suisse.

Page suivante: outils d’extraction d’après Zerbi.Source : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 116.

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Matériaux extraits

Dimensions des blocs de carrières

Si les dimensions des blocs exploités se rapprochaient par le passé des dimensions des éléments qui allaient y être taillées, les blocs sont aujourd’hui extraits dans des dimensions les plus grandes et constantes possibles16. La production actuelle se concentrant principalement sur des plaques minces destinées aux revêtements, le format des blocs extraits en carrières corresponds en grandes partie à la capacité maximale de sciage des machine de découpe. Il existe ainsi un « bloc marchand » idéal pour la production de plaques, défi ni par Piero Primavori, et qui mesurant environ 3 x 1.75 x 1.75 mètres17, principalement employé par les gros gisements dans le monde18. Les blocs exploités en Suisse, selon le tableau ci-contre établit par Stefano Zerbi19, sont relativement plus petites.

Dimensions de blocs de carrières d’après Zerbi.Source : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 131.

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Outils de découpe et de façonnage de la pierre

Si les outils traditionnels de la taille de pierre n’ont que très peu d’infl uence sur la pierre de carrières, les outils de découpe et de façonnage plus récents, comme les scies à cadre, les scies à fi l diamanté ou encore les fraise, ont une infl uence importante, notamment sur la dimension des blocs et la texture de la pierre. Nous ne ferons ici qu’évoquer brièvement les principaux outils jouant un rôle déterminant pour l’extraction, de par les dimensions qu’ils imposent aux blocs extraits, en ce référent à la thèse de Stefano Zerbi.

Découpe manuelle« Les roches présentant des fractures naturelles sont façonnées par cassure à

l’aide de marteaux piqueurs ou de masse et coin écarteurs. C’est la technique la plus ancienne, parfois encore exercée dans la carrière même.

Scie à fi l diamanté sur châssisUn fi l diamanté, similaire à celui utilisé pour la découpe des blocs en carrière,

est fi xé sur un portique. Le déplacement d’un cadre à l’intérieur de ce dernier va découpé un bloc dont la hauteur peut atteindre 2.5 mètres, et un plan de 3 par 4 mètres.

Scie à lame sur châssisUne ou plusieurs lames sont entraînées par un châssis, découpant un bloc

pouvant mesurer jusqu’à 3.6 par 2 mètres pour une hauteur d’environ 2.5 mètres.

Scie circulaireLa scie circulaire, également fi xée sur un châssis, découpe la pierre en

une multitude d’aller et retour sur une même ligne. Il est parfois possible de l’orienté, de manière à obtenir un deuxième sens de coupe.

Page suivante: outils de façonnage d’après Zerbi.Source : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 121.

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Produits

Les éléments façonnés à partir des pierres naturelles au sein des carrières, se limitent en Suisse généralement à la production de blocs, de plaques et d’éléments de jardins. Cependant, avec le développement récent des machines CNC de plus en plus de produits sont directement façonnés à l’intérieur de la carrière. Leurs infl uences sur la morphologie des carrières est donc, comme nous l’avons déjà ci-dessus, beaucoup plus faible qu’autrefois où ils déterminait la taille du bloc à extraire. seront ici présentés ceux jouant un rôle dans l’extraction et donc la morphologie des carrières. Selon Schwarz 20, les produits de pierre naturelles se répartissent de la façon suivante :

- Pierres pour la construction routière 44 %- Pierres pour les aménagements de jardins 27 %- Pierres de pavages et dallages- Schistes 17 %- Pierres pour la construction 13 %- Pierres pour les œuvres d’art 3 %

Déchets et co-produits

Les « déchets » et « chutes » de carrières, produites lors de l’extraction et du façonnages, représentent parfois jusqu’à 50% du volume exploité. Elles ont depuis les débuts l’activité extractive fait partie des co-produits de la carrière21 et été valorisé selon les roches et types de carrières particulières.

Parmi les déchets, on compte ainsi :- les poussières ;- les boues de sciages, contenant des sables, des limons et argiles22 ;- les graviers et cailloux ;- et enfi n, les blocs trop fracturé ou ne correspondant pas aux critères

mécaniques et esthétique de la roche exploitée.

Si les poussières sont surtout présente dans les carrières utilisant les fi ls détonants et les explosifs, les boues de sciages sont elles présentes dans presque toutes les carrières. Traitées dans des bassins de décantation, elles doivent la plupart du temps être traitées pour en enlever les composés polluants déposés par l’abrasion des outils. Peu stables, elles sont généralement stockées dans la carrière même.

Les blocs de déchets, lorsqu’il sont de taille suffi santes, sont parfois vendu pour la consolidation de digue, berges de rivières, etc., ou alors intégré à la construction des rampes parfois nécessaires à l’exploitation.

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Stockage et transport dans la carrière

Les moyens de transport, utilisés pour le déplacement des matériaux extraits, et les relations qu’ils entretiennent avec les diff érents types de carrières infl uencent fortement la structure et la gestion spatiale de ces matériaux. Le transport est eff ectué par des machines mobiles ou immobiles.

Les machines mobiles comprennent des dumpers, des camions et des pelles mécaniques. Elles présentent l’avantage d’un développement spatial étendu qui demandera en contrepartie de nombreux accès parfois complexes à réaliser, comme des routes ou des rampes. Ces dernières sont généralement construites à l’aide de déchets produit par l’extraction. Constituant un stock, ces derniers seront parfois réemployés comme agrégats. Les rampes que nous avons pu observer étaient larges d’environ 4 mètres à leurs sommets, s’ouvrant sur leur base d’un angle d’environ 30 degrés, selon la nature des déchets employés. N’autorisant la circulation que dans un sens, les véhicules doivent se croiser soit à un contour, soit à la base de la rampe.

Les dumpers, ou bouteurs, sont capables de porter des charges parfois très importantes sur des chemins demandant un minimum d’aménagement. La rampe maximale que ces machines peuvent gravir dépend en partie du chargement, qui doit se trouver en amont du véhicule pour empêcher un basculement, et de la qualité de la piste ; l’angle de la rampe est généralement de 15 degrés. Les camions permettent de charger des charges souvent équivalentes aux bouteurs, mais ils ne sont pas indépendants : ils doivent être chargés, à la diff érence des bouteurs, par une autre machine. Ainsi sont-il généralement limités aux transports entre les diff érentes phases de façonnage des blocs de pierre.

Le deuxième type de machines, immobiles celles-ci, comprend des grues, des derricks et plus rarement des treuils. Les matériaux extraits peuvent êtres déplacés sur un rayon limité à partir d’un point fi xe, et plus rarement mobile dans le cas où les grues sont fi xées sur des rails. L’utilisation des grues et derricks off re l’avantage, par rapport aux moyens de transports mobiles, de ne pas avoir à aménager des surfaces de circulation parfois considérables. En revanche, elles ne permettent pas un développement sur une vaste étendue.

Les grues sont généralement placées au fond de la carrière, limitant la hauteur du front de taille à la hauteur de la grue. Placées sur des rails, elles permettent de suivre l’avancement d’un voire plusieurs fronts de tailles. Ne permettant pas un développement vertical aussi important que les grues, les derricks sont, quant à eux, généralement placés en amont de la carrière ou sur un des côtés de cette dernière. Ancrés en plusieurs points, ils permettent en revanche un déplacement latéral des matériaux souvent plus larges que les grues, ce qui les a longtemps fait préférer à ces dernières. Les grues et derricks rencontrés dans les carrières sont souvent limités au déplacement d’un poids de 40 à 50 tonnes, correspondant aux poids des machines, pelleteuses, dumpers,

foreuses, etc. qui doivent êtres déplacées d’un gradin à l’autre, ou du fond de carrière à la surface.

Enfi n, les treuils, placés en haut ou en bas de la carrière, selon la position où l’on souhaite amener les blocs, permettent de faire « glisser » les blocs du front de taille jusqu’à un point donné, où ils seront généralement pris en charge par un dumper ou chargés avec une pelle mécanique sur un camion. Pour faciliter la manœuvre, des déchets d’extraction et des boues sont disposés de sorte à former un lit sur lequel les blocs vont être ensuite soit retenus, soit entraînés par un treuil. Cette technique est quasiment identique à l’une de celles utilisées depuis l’Antiquité pour déplacer de grands blocs sur des lits d’argile.

Le stockage des matériaux extraits se fait généralement au sein même de la carrière. Une fois les blocs détachés du front de taille, ils sont stockés à proximité de ce dernier, avant d’être travaillés dans des ateliers. Ce stockage permet de constituer une réserve de blocs pour la période hivernale. En eff et, à cette période l’extraction se voir fortement réduite, voire totalement arrêtée, et les blocs, déjà extraits, sont alors travaillés en atelier. Les produits sortant des ateliers sont stockés sur une autre aire de stockage plus grande que la première et protégée des intempéries. Les aires de stockages et les ateliers occupent une surface largement supérieure au front de taille, ce qui nécessite parfois leur déplacement dans des espaces industriels. Dans ce cas, le stockage en carrière peut être limité à quelques jours de production.

26 27

Notes1 Je fait ici référence au concept de « ruines à l’envers » que Robert Smithson décrit en ces mots :2 Focillon, Henri, La vie des formes, puf, Paris, 1943, p. 111.3 Singewald, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung, Rudolf Müller, Köln, 1992,

p. 5.4 Ibid., p. 160.5 Ibid., p. 155.6 Ibid., p. 160.7 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 110.8 Ténacité : « résistance à la rupture d’un matériau » (source : www.cnrtl.fr).9 Singenwald, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung, Rudolf Müller, Köln, 1992,

p. 161.10 Ibid., 1992, p. 165.11 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 111.12 Observation à Lodrino.13 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 113.14 Ibid., p. 114.15 Ibid., p. 113.16 Ibid., p. 132.17 Ibid., p. 122.18 Ibid., p. 122.19 Ibid., p. 131.20 Ibid., p. 103.21 Ibid., p. 141. Note : ces chiff res ne prennent pas en compte les « déchets » produits lors de

l’extraction, et qui sont aujourd’hui en partie valorisé.22 Selon la norme européenne, les argiles sont des particules mesurant moins de 2μm, les limon entre

2μm et 20μm et les sables entre 20μm et 2mm (source : www.wikipedia.org).

Bibliographie

FOCILLON, Henri, La vie des formes, puf, Paris, 1943.SINGEWALD, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung,

Rudolf Müller, Köln, 1992.ZERBI, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL,

Lausanne, 2011.

NATURE.S

Cahier n0 4

Table des matières

Une autre nature 7

Géologie 9Minéralogie et pétrographie 10

Formation des roches 12

Tectonique 13

Principales régions géologiques de la Suisse 14Le Jura 15

Le Plateau 16

Les Alpes 17

« Dessins géologiques » et dessins tectoniques 18

Ecologie.s 23Notions d’écologie générale 24

Dynamiques des milieux et successions complexes 26

Végétation suisse 27

Quelques habitats des carrières 27Plancher 28 Dépôts et déchets d’exploitation 28

Falaises 30

Plateaux 31 Lisières ou ourlets 32

Plans d’eau 32

Des îles dans le territoire 34

Notes 36

Bibliographie 38

7

Une autre natureCe cahier explore les carrières dans leurs relations à la nature sous deux

dimensions particulières et complémentaires : la géologie et l’écologie. Celles-ci concourent toutes deux à la défi nition d’une architecture des carrières en établissant, l’une par la roche, l’autre par le vivant, les limites à la fois spatiales et temporelles des carrières. Une nature plurielle donc, aussi bien proie aux lentes dérives des continents qu’aux transformations quotidiennes du monde vivant, qui participe à la défi nition des espaces en constantes transformations des carrières.

8 9

Géologie

« De fait notre globe n’est qu’un grand édifi ce […] ».

Viollet-le-Duc1

En étudiant « la nature, l’origine et la situation des roches »2, la géologie défi nit une sorte de charpente du globe terrestre, comme semblait le découvrir et décrire Viollet-le-Duc au travers de ses nombreuses recherches sur le massif du Mont Blanc3. Elle permet de comprendre les principaux mécanismes qui ont formé, et forment encore, d’une part les roches, mais aussi, au travers des mouvements tectoniques, le territoire. La géologie tient donc un rôle primordial aussi bien pour comprendre la position des carrières dans le territoire que leur morphologie respective ou encore la nature des matériaux extraits.

Le chapitre qui suit observe, dans un premier temps, la structure des roches et les principaux mécanismes de leur formation, puis présente leurs infl uences sur la morphologie du territoire suisse et l’implantation des carrières. Ce chapitre s’appuie d’une part sur la thèse de Stefano Zerbi et les principaux ouvrages qui y sont cités, d’autre part sur des entretiens avec le géologue Grégoire Testaz4 et enfi n sur les nombreuses informations et pierres récoltées lors de visites de carrières eff ectuées tout au long de cette année.

Structures des bancs de carrières, carrière à Andeer.

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Minéralogie et pétrographie

Les roches se composent de minéraux cristallins, organisant les atomes en sept systèmes géométriques, et de minéraux amorphes, dont les atomes sont distribués de façon non ordonnée5.

La structure cristalline des roches défi nit, outre diverses caractéristiques, celles fondamentales pour l’exploitation et l’utilisation des roches comme matériaux de construction : le clivage, la dureté, la gélivité et la couleur.

Le clivage décrit un voire plusieurs « plans de cassure particuliers selon lesquels un cristal se rompt préférentiellement quand il est soumis à une contrainte mécanique »6. Selon la forme des cristaux, le clivage peut se faire sur un ou plusieurs plans, voire aucun si les cristaux ne possèdent pas de structure particulière, comme dans les structures cristallines amorphes. Le clivage défi nit donc fortement l’extraction, le travail et la mise en œuvre d’une roche particulière. L’exploitation de roche comme pierre de taille suppose une grande connaissance du clivage, afi n de pouvoir d’une part exploiter des roches homogènes et cohérentes et d’autre part faciliter une extraction par l’exploitation.

La dureté des roches peut se mesurer selon diverses échelles, dont la plus répandue est l’échelle établie en 1822 par Friedrich Mohs, dite « échelle de Mohs ». Les roches sont classées selon leurs capacités à rayer une roche qui sera alors dite plus tendre, et à être rayée par une roche dite plus dure. Cette échelle comprend dix échelons : sur le premier, le plus tendre, se situe le talc et sur le dernier, le plus dur, se trouve le diamant. Elle mesure donc l’abrasivité d’une roche, qui sera déterminante pour le choix des outils à employer pour l’extraction et la taille de pierre.

La gélivité d’une roche défi nit sa propension à se fracturer sous l’action du gel7. Les roches gélives se fracturent selon le plan de clivage de la roche, pouvant, dans le cas des carrières, fortement déstabiliser les parois.

Enfi n, les couleurs des roches sont déterminées par l’organisation des cristaux qui les composent. C’est ensuite par « l’absorption plus ou moins sélective de la lumière [que va se défi nir] leur transparence, leur opacité et leur couleur »8. Lors du travail de taille, la couleur d’une roche sera plus ou moins prononcée selon les outils employés. Ainsi, plus une roche sera travaillée avec des outils fi ns, plus la couleur des cristaux sera prononcée. À l’opposé, une roche travaillée plus « grossièrement » sera plus claire, donnant généralement des tons plus gris.

Les sept familles de cristaux.Carte composée d’après : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 58.

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Formation des roches

Selon leur mode de formation, les roches se répartissent en trois grandes familles principales : les roches magmatiques, les roches métamorphiques et les roches sédimentaires. Chaque famille participe d’un processus de formation des roches, ayant à chaque fois un impact spécifi que tant au niveau de la structure des roches que de la morphologie terrestre.

Les roches magmatiques se forment par la solidifi cation du magma soit sous terre, soit à la surface. Sans entrer ici dans les diff érents types de magmas et de solidifi cations qui y sont liées, il est important de noter que le magmatisme est lié à la formation de la lithosphère (orogenèse). Solidifi és en profondeur dans la lithosphère, ils donneront principalement des granits. Solidifi és lors d’une éruption volcanique, les magmas se transformeront en tufs, pouzzolanes9. En Suisse, les roches magmatiques constituent l’essentiel du massif alpin. Structurées en couches homogènes, appelées bancs dans les carrières, elles sont par la suite déformées et parfois fracturées, complexifi ant passablement l’exploitation en carrière.

Les roches sédimentaires se caractérisent par le phénomène d’érosion. Les roches érodées, soit par altération soit par fragmentation, sont alors transportées par les airs, par l’eau, par gravitation ou encore sous forme ionique par dissolution des cristaux de roche dans l’eau, et enfi n déposées. Les dépôts se forment, selon les matériaux érodés et le mode de transport, par sédimentation, dans les milieux océaniques, continentaux ou encore dans des dépressions par dépôts éoliens10. Les dépôts sédimentaires forment un système de strates superposées les unes aux autres, dont la formation peut fortement varier. Selon les mouvements tectoniques, elles peuvent être par la suite plus ou moins inclinées11, déformées ou fracturées.

Le milieu sédimentaire continental forme en Suisse le bassin mollassique, constitué de roches érodées au massif alpin et s’étendant de Vienne à Chambéry. Les roches qui s’y déposent forment, selon les environnements particuliers, des moraines, des cônes alluvionnaires ou des bassins sédimentaires, en majorité exploités comme agrégats. Les blocs erratiques, souvent granitiques, appartenant à ce type de dépôts sédimentaires, ont été abondamment exploités pour fournir des pierres plus résistantes que les pierres de la molasse locale, jusqu’au début du 20e siècle sur tout le Plateau suisse.

Le milieu sédimentaire océanique, qui produit la grande majorité des roches sédimentaires, peut donc être considéré comme le réceptacle fi nal des matières érodées sur la terre12. Trois catégories de dépôts sédimentaires composent alors ces roches : « les sédiments détritiques, [déposés par gravitation avec la diminution de la vitesse des courants], les sédiments biogènes, formés par des organismes vivants océaniques, et les sédiments hydro-chimiques, issus de la précipitation physico-chimique des sels contenus dans l’eau de mer »13.

Les roches métamorphiques se constituent par des pressions mécaniques,

l’augmentation de température et l’action des fl uides sur les roches magmatiques et sédimentaires. Elles se forment donc, en dehors des phénomènes liés au magmatisme et à la sédimentation, par la forte modifi cation des roches aux niveaux « chimiques et physiques, [ainsi que de leur] composition minéralogique, [de leur] texture (arrangements des cristaux), et [enfi n de leur] structure – géométrie à l’échelle de l’affl eurement »14.

Tectonique

Les trois types de roche décrits ci-dessus sont formés par des mécanismes se déroulant à l’échelle du globe, appelés la tectonique des plaques. La terre se structure en couches successives, plus ou moins liquides ou solides, s’organisant autour d’un noyau. Les couches les plus proches de la surface constituent un manteau dont la partie supérieure se compose de l’asthénosphère, qui dans un état solide et ductile supporte les plaques rigides de la lithosphère. Les mouvements de la lithosphère sur l’asthénosphère décrivent une tectonique des plaques, produisant et engloutissant les roches, respectivement sur les rides medio-océaniques et les zones de subduction. Ce grand mécanisme est, dans l’étude de la formation des roches, fortement lié au magmatisme mentionné ci-dessus.

En Suisse, la géographie est fortement marquée par la collision entre la plaque continentale africaine et eurasiatique, cette dernière s’enfonçant et se repliant sous la première. La formation des Alpes, et des roches relativement jeunes qui les composent, est issue du soulèvement de la plaque africaine, tandis que le Jura fait partie de l’enfoncement, du plissement et parfois du retournement du bassin océanique qui se trouvait autrefois à côté de la plaque africaine. Le Plateau suisse quant à lui est issu de la sédimentation des matériaux alpins érodés et déposés en milieux soit marins soit terrestres15.

Coupe géologique nord-sud.Carte composée d’après : Labhart, Toni ; Decrouez, Danielle, Géologie de la Suisse, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1997, p. 15.

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Principales régions géologiques de la SuisseAprès avoir observé quelques grands principes, il est important de se

concentrer maintenant sur la géologie de la Suisse. Les territoires, somme toute mouvementés, de la Suisse, peuvent se diviser en trois régions géologiques principales : le Jura, le Plateau et les Alpes ; ayant chacune à la fois une pétrographie et une topographie propres, conduisant, dans le cas des carrières, à

des logiques d’implantation et des types de carrières chaque fois spécifi ques.

Le JuraLe Jura s’étant d’Est en Ouest sur presque 300 kilomètres entre Chambéry,

en France, et la Lägern, proche de Zürich, et sur 30 kilomètres du Nord au Sud, entre le Bassin rhénan au Nord et le Plateau suisse au Sud. Il se compose de deux régions principales : le Jura plissé et le Jura tabulaire. Le premier se caractérise, comme son nom l’indique, par une série de plissements parallèles, entrecoupés de vallées perpendiculaires érodées par l’eau. Il s’étire de la vallée de Joux jusqu’aux environs de Bâle. Le Jura tabulaire se caractérise, au contraire du Jura plissé, par une morphologie beaucoup plus plane, s’étendant sur les territoires de Bâle-Ville, d’Argovie et de Schaff house.

Constitué presque exclusivement de roches sédimentaires, le Jura comprend une multitude de roche dont une grande majorité de calcaires, en partie encore exploitées en tant que pierres de taille aujourd’hui, mais aussi des marnes, des argiles, des dolomies ou encore des grès16. Le calcaire, composé de calcite et de dolomite, auxquelles s’ajoutent souvent des fossiles17, est la pierre caractéristique du Jura. Il se trouve sous quatre formes principales18 : les calcaires spathiques, les calcaires oolithique, les calcaires siliceux et les tufs calcaires19. Les calcaires sont aujourd’hui utilisés principalement pour la fabrication de ciments, de gypse et de calcaire à chaux20 ; deux carrières exploitant encore des calcaires sont encore en activités dans le Jura à Neuchâtel et Laufen.

L’implantation des carrières se fait majoritairement, au Jura, à un point de rupture de pente, qui correspond souvent à une sorte de déchirure de la croûte terrestre. C’est le cas des carrières de La Chaux-de-Fonds, aujourd’hui presque toutes abandonnées, et des carrières situées en bordures de Neuchâtel, dont

une est encore en activité.

Principales régions géologiques et implsantation des carrières.Carte composée d’après : De Quervain, François, Die nutzbaren Gesteine der Schweiz, Kümmerly & Frey, Bern, 1969, p. 120 ; Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 60.

Géologie du Jura plissé avec implantation des carrières.Carte composée d’après : Labhart, Toni ; Decrouez, Danielle, Géologie de la Suisse, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1997, p. 48.

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Le PlateauLe Plateau traverse la Suisse d’Est en Ouest, de Saint-Gall à Genève, sur

une largeur de 40 à 70 kilomètres. Il se compose « d’une série de couches [sédimentaires] successives, dont la plus récente [est] la Molasse »21, et qui comprend conglomérats, grès, marnes et argiles. À sa surface se trouvent de nombreux dépôts glaciaires, comme des blocs erratiques, des graviers et des moraines, ainsi que, plus rarement, des couches de tuf calcaire.

La molasse, roche relativement tendre et donc facile à exploiter, est de loin la roche la plus répandue sur le Plateau, et pour cette raison celle qui a été pendant longtemps largement exploitée. D’une épaisseur allant de 5 kilomètres, au Nord des Alpes, à quelques centaines de mètres22 au pied du Jura sur lequel elle repose, la molasse se constitue de diff érents sédiments, de plus en plus fi ns en direction du Nord. Cette déposition est due aux dépôts de sédiments selon leur granulométrie et la force de courants qui les ont transportés. On trouve ainsi, déposé du Sud au Nord du Plateau, les conglomérats du Nagefl uh, les grès, les argiles et enfi n les marnes. « La Molasse est [de plus] caractérisée par une alternance de couches liées aux diff érents niveaux du bassin de sédimentation et de la mer. On a ainsi une Molasse marine et une d’eau douce »23, respectivement supérieure et inférieure, selon qu’elle a été formée en milieu marin ou océanique en deux périodes successives. De plus, l’érosion a érodé plus de 2000 mètres de molasse, laissant aujourd’hui affl eurer successivement d’Est en Ouest la molasse d’eau douce inférieure, plus récente dans la région de Zürich, la molasse marine supérieure, entre Berne et Fribourg, et enfi n la molasse d’eau douce supérieure, la plus ancienne dans la région lémanique24.

À proximité des villes, les carrières se situent en grande majorité dans les massifs de molasse formant les collines généralement boisées et typiques du Plateau suisse, appelées drumlins25. Les nombreuses falaises, aujourd’hui presque toutes cachées par la végétations, peuvent aisément être utilisées comme début de front de taille. Il n’est pas rare que les carrières se développent,

par la suite, en puits ou en souterrains.

Géologie du Plateau avec implantation des carrières sur un drumlin.Carte composée d’après : Labhart, Toni ; Decrouez, Danielle, Géologie de la Suisse, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1997, p. 48.

Les AlpesFormant un arc se développant de Vienne à Nice, les Alpes trouvent en

Suisse leur plus haut développement. Résultat de la collision des plaques tectoniques africaine et européenne, les Alpes décrivent un système complexe, autant dans leur morphologie et que dans leur géologie, composées de massifs et de nappes. À la diff érence du Jura, les roches alpines, dont les plus profondes ont été métamorphisées, ont été déplacées après leur formation, donnant naissances à six régions principales d’origines très éloignées26, dont la plupart sont exploitées dans les nappes helvétiques et penniniques.

Les nappes helvétiques au Nord des Alpes, bordant le Plateau, se composent de roches sédimentaires, exploitées depuis longtemps pour leurs propriétés mécaniques élevées pour les fondations, les encadrements, les dallages, etc., et plus récemment pour la production de ballast réservé à la construction ferroviaire. Les nappes penniniques, quant à elles, recouvrent la majorité des Alpes valaisannes au Sud du Rhône, les Alpes tessinoises et l’Ouest des Grisons. Composées de roches cristallines, elles fournissent la majorité des roches utilisées dans la construction, parmi lesquelles : granite, quarzit, marbre, dolomite, serpentine et ardoise27.

Les vallées alpines sont caractérisées par un profi l en « U », formé par l’érosion glaciaire et celle due aux intempéries. Dans ce contexte, les carrières vont généralement se situer en deux lieux distincts : au pied des falaises et sur les plateaux supérieurs. Les premières, généralement au-dessus des derniers villages de la plaine, exploitent d’une part les alluvions – graviers, boulets, blocs erratiques – et d’autre part la roche affl eurant dans les falaises. Les secondes carrières, plus hautes en altitudes sont plus rares et plus petites. Elles exploitent également les alluvions, mais aussi des roches particulières – pierres ollaires, serpentine – ne se trouvant pas dans la plaine.

Géologie des Alpes, vallées glaciaires avec implantation des carrières.Carte composée d’après : Labhart, Toni ; Decrouez, Danielle, Géologie de la Suisse, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1997, p. 94.

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« Dessins géologiques » et dessins tectoniques

John Ruskin et Eugène Viollet-le-Duc, deux architectes contemporains du 19e siècle, ont exploré la pierre au travers de dessins, que Stefano Zerbi nomme les « dessins géologiques »29, à la fois comme matériau d’architecture, mais aussi comme celui de la géologie. Ils ont tout deux recherché, à travers le dessin, les structures géologiques fondamentales et structurantes le paysage ; des structures qui seront plus tard décrites par la phénomènes tectonique. Ces recherches les amèneront tout les deux à poser des hypothèses qui, si elles ne se sont pas révélées toutes exactes on contribué de manière signifi cative au débat scientifi que.

C’est à travers ses livre « Th e Stone of Venice » et « Works »28 que John Ruskin aborde le long chemin des pierres, des montagnes à l’architecture, jusqu’à la ville. Son expérience s’appuie en grande partie sur les nombreuses observations consignées lors de ses divers voyages à travers les Alpes et une passion pour la géologie. Au travers de ces dessins, Ruskin semble chercher, au-delà de préoccupations picturales, l’architecture d’un paysage.

et géologique, sur ses transformations et sur l’état ancien et moderne de ses glaciers »31. Il y présente deux thèses au travers desquelles il tente d’expliquer la formation des Alpes. La première repose sur l’existence d’une structure cristalline, modèle géométrique capable de structurer et de donner forme – ou Forme – aux montagnes ; la seconde repose, elle, sur les érosions successives de cette géométrie. Si les thèses avancées par Viollet-le-Duc sont aujourd’hui insuffi santes, et en partie erronées, pour décrire et expliquer la formation des Alpes, elles décrivent un modèle métaphorique dans lequel architecture et géologie se rencontrent.

Pour Viollet-le-Duc, la formation actuelle des Alpes, qui pourrait être étendue à la formation de toute la croûte terrestre, décrit l’état actuel d’un long processus d’érosion pratiqué sur un état original – qu’il faut comprendre ici comme un système, comme le suggère Jacques Gubler dans un essai sur Viollet-le-Duc32. En d’autres termes, et pour reprendre ceux de Pierre Frey dans son ouvrage consacré à Viollet-le-Duc, « la beauté de la montagne, qui vaut pour toute la terre, est qu’en prenant forme, elle perde sa Forme – originelle »33.

La géologie prend, au travers des regards de ces deux architectes, la dimensions particulière d’une architecture faite de parties contenues dans un système. Ce dernier fonctionne comme un système théorique qui, confronté aux épreuves du temps, prendra sa forme en confrontation avec les pluies, les neiges, les glaces, et l’érosion qui en découle, qui cacheront souvent une lecture directe des phénomènes géologique dus à la tectonique.

La carrière donne, par la mise à nu de la structure tectonique de la géologie, un nouveau regard sur ce à ce système. La carrière produit donc, par un processus de prélèvement de la matière, comme les dessins axonométriques écorchés si chères à Viollet-le-Duc, une forme de tectonique à l ’envers, se situant entre celle géologique, où elle emprunte sa matière, et celle architecturale à laquel les matériaux extraits seront destinés.

John Ruskin, Les aiguilles blaitières, 1856.Source : Ruskin, John, Works, Th e Library Edition, London, 1903-1912, volume 4.

Viollet-le-Duc affi rme, quant à lui, que « de fait notre globe n’est qu’un grand édifi ce […] »30. Réduisant ainsi l’étendue terrestre à un édifi ce, l’imagination peut dès lors aisément établir des rapports entre des parties terrestres désormais distinctes et identifi ables. Les longues études qu’il mène aux cours de nombreux séjours à Chamonix puis à Lausanne amèneront à publier, en 1876, un ouvrage intitulé Le Massif du Mont-Blanc, portant « sur sa constitution géodésique

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Viollet-le-Duc, Modifi cations apportées à un sommet.Source : Viollet-le-Duc, Le massif du Mont Blanc, étude sur sa constitution géodésique et géologique, sur ses transformation et sur l ’état ancien et moderne de ses glaciers, J. Baudry éditeur, Paris, 1876, p. 76. Tectonique à l ’envers.

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Ecologie.s

« Vint la vie : une humidité sophistiquée, promise à un destin inextricable ; et chargée de secrètes vertus, capable de défi s, de fécondité. Je ne sais quelle glue précaire, quelle moisissure de surface, où déjà enfi èvre un ferment. Turbulente, spasmodique, une sève, présage et attente d’une nouvelle manière d’être, qui rompt avec la perpétuité minérale, qui ose l ’échanger contre le privilège ambigu de frémir, de pourrir, de pulluler ».

Robert Caillois, Pierres, Gallimard, Paris, 1966, p.128.

L’écologie est défi nie, en tant que discipline scientifi que, comme « la science qui étudie les relations entre les êtres vivants (humains, animaux, végétaux) et le milieu organique ou inorganique dans lequel ils vivent »34. Le terme « écologie », dont l’acception française est empruntée à l’allemand Ökologie, formulé en 1866 par le biologiste allemand Ernest Haeckel35, est composé du grec oîkos, la « maison », et logia, « théorie». Autrement dit, l’« écologie » formule une « théorie de la maison », décrivant un système de relations spatio-temporelles.

L’écologie utilise le concept d’« écosystème » pour décrire les diff érents ensembles qui la composent. Chacun de ces écosystèmes décrit un ensemble de relations diff érentes inscrites à la fois dans l’espace et le temps. Longtemps extraites de ces analyses, les relations entre l’homme et ses environnements sont aujourd’hui communément admises comme faisant partie intégrante de nombreux écosystèmes – certains scientifi ques considèrent que les relations anthropiques, au travers de la pollution, ont atteint tous les écosystèmes de la planète36. L’architecture, en tant que discipline portant sur la défi nition d’un habitat particulier – la notion d’« habitat » est à comprendre au sens large du terme – en un lieu et un temps donnés, peut dès lors être considérée comme partie d’un écosystème particulier.

Dans le sujet qui nous occupe ici, les carrières, la notion d’écosystème, dans ses dimensions spatio-temporelles, permet de compléter la vision typomorphologique abordée précédemment. L’extraction et la végétation se complètent, participant alors d’une défi nition à la fois spatiale et temporelle, que nous traiterons dans le chapitre qui suit en étudiant, outre quelques notions d’écologie générale, les diff érents habitats des carrières. Pour cette analyse, nous nous appuierons principalement sur Le guide des milieux naturels de Suisse, Renaturierung von Abbaustellen, La construction en pierre massive en Suisse, ainsi que quelques notions d’Écologie générale données par le prof. Alexandre Buttler dans la faculté SIE de l’epfl .

Carrière de la Molière, Murist.

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Notions d’écologie générale

Si nous avons ci-dessus brièvement défi ni la notion d’écologie, précisons qu’elle se compose d’écosystèmes, formant, sur une aire géographique données, un biome. Ce dernier, caractérisé par l’« expression des conditions écologiques [d’un] lieu à l’échelle régionale ou continentale »37, décrit de grands ensembles d’écosystèmes favorables ou probables en un lieu et climat donnés. Paul Ozenda, dans son livre Végétation du continent européen38, donne les principales caractéristiques des biomes pour l’Europe, tout en retraçant leur histoire par rapport à l’ensemble de la planète. Ce développement l’amènera, par la suite, à évoquer l’existence d’un « continent théorique »39 qui, de manière similaire à la Pangée qui a permis d’expliquer les principaux mouvements tectoniques au cours du temps, permet d’expliquer la présence de végétations et d’animaux similaires dans des aires géographiquement et temporellement très éloignées. Ainsi, tout comme la dérive des continents structure la tectonique terrestre, les biomes, se déplaçant à des échelles tout aussi importantes, structurent l’évolution des espèces végétales et animales tout comme les milieux où elles résident.

Mais revenons aux écosystèmes caractéristiques des carrières. Ces derniers décrivent donc l’« ensembles de communautés végétales et animales [biocœnose], de leur biotope [habitat] et des relations qui existent entre eux »40. Ils se composent ainsi de trois entités fondamentales : la biocœnose, l’habitat et leurs relations ; dont nous préciserons d’une part les principales

caractéristiques, et d’autre part quelques-uns des mécanismes principaux régissant leurs relations. La biocœnose défi nit « un ensemble de communautés végétales [phytocœnose] ou animales [zoocœnose] »41, regroupant elles-mêmes plusieurs populations dans « un endroit déterminé, à un moment donné et qui présentent une organisation spatiale et temporelle ainsi que des interactions fonctionnelles structurantes »42. Parfois aussi appelé biotope, l’habitat est, quant à lui, « l’espace occupé par une biocœnose [et] caractérisé par un ensemble de conditions abiotiques globales »43. Il est donc défi nissable, dans le cas des carrières, par la nature du sol et des roches, l’ensoleillement et le climat.

Dans l’ensemble des écosystèmes continentaux européens, aussi appelé « biome continental européen », il est généralement admis que le milieu primaire a disparu, à l’exception de quelques écosystèmes particuliers et isolés de toutes activités humaines, comme les moraines glaciaires alpines44.

Les carrières, en tant qu’entités spatiales se transformant dans le temps, structurent un habitat pour de nombreuses espèces animales et végétales qui vont, à leur tour, infl uencer voire transformer cet espace. À l’intérieur d’un milieu, la transition entre deux communautés va défi nir un espace45 de transition appelé « écotone »46, infl uencé par les deux communautés. Cet espace, typique des haies, ourlets et bordures, est souvent caractérisé « par davantage de diversité et certaines espèces inféodées à la transition »47. Les pourtours des carrières voient ainsi régulièrement apparaître des ourlets extrêmement denses, empêchant souvent de saisir l’ensemble de l’espace de la carrière.

Enfi n, un dernier système spatial de succession des espèce se structure selon des « juxtapositions spatiales des communautés […] »48 ; c’est ce qu’on appelle la « zonation »49.

Continent théorique.Source : Clément, Gilles, Eloges des vagabondes, Nil Edition, Paris, 2002, tableau 1.

Répartition des grandes formations végétales dans le monde.Source : Clément, Gilles, Eloges des vagabondes, Nil Edition, Paris, 2002, tableau 1.

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Dynamiques des milieux et successions complexes

Les écosystèmes qui, nous l’avons vu, sont caractérisés par un habitat et une biocœnose, décrivent de constantes transformations, induisant une modifi cation de l’espace et de sa perception au cours du temps. Ces transformations s’inscrivent dans une dynamique de successions de communautés végétales ou animales, s’eff ectuant selon trois stades : pionniers, transitoires et matures50. Elles font ainsi passer un milieu dit « exogène », c’est-à-dire caractérisé par « l’ensemble des éléments du milieu qui préexistent à l’installation des organismes vivants et qui contribuent à conditionner leur existence »51, vers un milieu dit « endogène », caractérisé par « l’ensemble des éléments du milieu créés ou modifi és par les organismes »52.

Si les communautés végétales et animales du stade pionnier caractérisent l’instabilité du milieu exogène, celles du stade mature tend, lors d’un processus de succession53 des espèces, vers un état momentanément stable, appelé « climax »54. Les successions sont progressives, dans le cas où le milieu tend vers son climax, ou régressives, dans le cas ou le milieu s’éloigne de ce même climax. Ces dynamiques de successions impriment toutes des modifi cations au milieu où elles se trouvent ; c’est ce qu’on appelle la modifi cation endogène d’un milieu. Dans le biome continental européen, il est admis que le climax, pour presque tous les milieux, est atteint par une forêt55, voyant ainsi la prairie herbacée se transformer petit à petit en forêt. L’espace, décrit par cette évolution, se referme de plus en plus, voyant un espace caractérisé par l’horizon se transformer en un espace beaucoup plus vertical et fermé, défi ni par les arbres. On mesure ainsi à quel point l’espace actuel des territoires européens, autrefois en grande partie couverts de forêts primaires, est fortement liés d’une part aux perturbations et au stress induits par l’homme, et d’autre part aux réactions et modifi cations de ces écosystèmes liées à ces mêmes stress.

Dans le cas des carrières, l’extraction agit tout d’abord comme facteur externe exerçant d’une part la destruction pure et simple d’une partie du milieu et d’autre part le stress induit par cette destruction sur le reste de ce même milieu. Dès lors, le milieu va réagir soit en continuant son développement après une stagnation plus ou moins longue, soit en régressant lorsque le stress est trop important, mais en restant toujours dans une succession primaire. L’installation d’une carrière peut, par exemple, amener une forêt environnante à régresser petit à petit à un stade de bosquets, d’arbustes voire de boccages caractéristiques d’un stade pré forestier. L’environnement peut également évoluer vers un tout autre milieu ; on parlera alors de succession secondaire, ou la carrière sera dès lors non plus un élément de stress et de destruction, mais caractéristique de ce nouveau milieu transformé56. Décrivant ainsi non plus uniquement une métamorphose évolutive ou régressive du milieu, mais la mutation de ce dernier en un autre milieu.

Quelques habitats des carrières

Les dynamiques des milieux correspondent au sein de la carrière à des habitat particuliers, caractérisés, en ce qui nous concerne, par un espace particulier. Ainsi, on trouve un système de falaises, corniches, bermes, monticules, planchers ou encore plateaux, caractéristiques de l’architecture des carrières. Ces habitats peuvent devenir autant d’habitats potentiels, et parfois de substitutions lorsque les pressions sur les milieux environnants similaires sont importantes, pour les espèces végétales et animales. Chaque carrière, même en activité, défi nit dès lors un écosystème, au sens large du terme, participant à sa défi nition spatiale.

Les carrières de pierre de taille se caractérisent, contrairement aux autres formes de carrières, d’une part par le prélèvement de blocs de grandes dimensions, générant un système de falaises plutôt que de talus, et d’autre part par la nature relativement homogène des roches exploitées57. En eff et, l’exploitation par fi ls détonants, fi ls diamantés et haveuses laisse place à une structure géométrisée correspondant aux bancs de roche, diff érente de celle laissée par les explosifs à fracturation ou les pelleteuses des autres types d’exploitations.

Outre les facteurs habituellement déterminant pour la végétation et les animaux, comme l’ensoleillement, le potentiel hydrogène (ph), la capacité des roches à retenir l’eau et l’humidité, ainsi que la gélivité, le type et l’intensité des actions anthropiques dues à l’extraction jouent dans les carrières un rôle particulièrement important. Ces actions comprennent, outre les blocs extraits, aussi bien la pollution des sols, de l’eau et de l’air, bien que généralement limitée dans les carrières – parfois à la diff érence des autres types d’extractions–, que le déplacement de matériaux par des véhicules pesant jusqu’à cinquante tonnes. La pollution des sols, de l’eau et de l’air se limite généralement aux gaz d’échappement, aux poussières, ainsi qu’aux métaux, dus à l’abrasion des outils,

Milieu exogène

Milieu endogène

Communauté herbacées

Saulnaie à Salix elaegnosévolution vers un autre milieu

Saulnaie - Aulnaie

Forêt à épicea Climax

Stades transitoires

Stades pionniers

dynamique regessivedynamique progressive

Successions complexes conduisant à un écocomplexe.D’après : Buttler, Alexandre, Ecologie générale – Essentials of ecology, inédit, epfl , 2012.

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présents dans les boues de sciage.Les principaux habitats des carrières composent donc un système complexe

en constante métamorphose, qui seront ici comparés avec des habitats naturels

présentant des conditions similaires.

Le plancherLe « plancher » ou le « sol de la carrière » se compose généralement d’un

banc de roche affl eurant ou faiblement couvert par des dépôts minéraux. Ces derniers se forment principalement par l’accumulation de poussières, de sables, de graviers ou de pierres, tombant lors des nombreux transports de matériaux, projetés dans l’air lors de l’extraction, ou encore transportés et déposés par les eaux de sciage et de pluie. Ainsi, le sol de la carrière, sans cesse piétiné par le déplacement des véhicules, est généralement formé d’un sol pauvre en substrat, peu fertile et peu capable de retenir l’eau, de réguler l’hydrométrie et les importants écarts de températures. Il présente souvent des conditions extrêmes propices à l’installation d’une végétation pionnière et thermophile, voir xérophile58, contrastant souvent avec celle des sols environnants. La végétation qui y prend forme est en général herbacée, sous forme d’une prairie mi-sèche, voire sèche, ou alors de buissons59.

Il faut encore préciser que la dimension des particules de matière présentes dans l’air et les boues de sciages, relative au mode d’extraction, peut modifi er grandement le sol, notamment sa fertilité et sa capacité à réguler l’hydrométrie et la température. Ainsi, les loess, particules dont la dimension se situe entre les argiles et les sables, sont très fertiles, alors que les argiles, plus fi nes, ne le sont pas. Ces dernières par contre retiennent beaucoup mieux l’eau, à tel point que des réserves d’eau peuvent se former même en surface60, donnant lieu à

l’apparition d’une végétation humide.

Les dépôts et déchets d’exploitationLes dépôts de pierres et de sables se constituent d’une part des « déchets »

d’exploitation, stockés en tas, intégrés à des rampes d’accès et parfois déplacés aux cours de l’exploitation, et d’autre part des éboulements au pied des falaises, qui forment de petits monticules. Les déchets de grandes dimensions ne présentent quasiment aucun intérêt pour la végétation ; en revanche, les insectes et les animaux peuvent y trouver un refuge. Les sables, parfois mélangés aux déchets de plus grande taille, sont souvent emportés par les eaux de pluie avant même de pouvoir se stabiliser totalement, laissant place à des graviers61.

Les fréquents dépôts et déplacements de terre, favorisent le développement de certaines espèces, dont les plantes rudérales62, souvent nitrophites. De plus une part importante de ces dernières possèdent un système de germination demandant un enfouissement des graines, puis leur exposition à l’air et au soleil par retournement de la terre63 pour pouvoir se développer.

Plancher et front de taille. Carrière d’Arzo, Tessin.

Dépôts et déchets. Carrière d’Ostermundigen.

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La falaiseLe front de taille, en gradins successifs ou en falaises, présente un

milieu similaire aux falaises pour la végétation et la faune. L’exploitation ne se faisant presque jamais sur l’entier du front de taille, les falaises qui le composent sont constamment habitées par des plantes et animaux profi tant des anfractuosités de la roche. Le peu d’eau et de substrats, dont l’apport est limité aux dépôts de poussières successifs, parfois des loess, limite dans un premier temps le développement d’une végétation xérothermophile qui peut, par des modifi cations endogènes que ces dernières peuvent entraîner sur le substrat, favoriser une végétation xérophile. La capacité de certaines roches à emmagasiner et restituer l’humidité – c’est le cas de certaines molasses –, ou la présence d’une source coulant sur la parois, peut faire apparaître un milieu de plantes humides et de nombreuses mousses qui donnant une teinte aux parfois rocheuses. Ainsi, des méthodes d’extraction diff érentes, comme par exemple la découpe à la haveuse ou par perforation en ligne, produisent sur une même roche diff érentes teintes.

Les bermes, se développant le long des falaises, sont très pauvres en substrats. De plus, très exposées aux intempéries et au soleil, elles décrivent des conditions climatiques souvent fort diff érentes des habitats environnants. Les plantes pionnières qui s’y développent forment dès lors souvent le milieu d’atterrissement d’une prochaine végétation64.

La corniche, au sommet de la carrière, souvent instable, voit l’apparition de nombreux rapaces, tels faucons, aigles, hiboux ou encore corneilles65, qui y

trouvent un repère ou un territoire de chasse.Falaise. Carrière de Stockeren, Bolligen.

Paul Klee, Steinbruch bei Ostermundigen, 1915. Source : Zentrum Paul Klee,Bern, www.zpk.org.

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Les plans d’eauLes carrières comprennent souvent de nombreux plans d’eau, apparus par la

rétention naturelle de l’eau au fond de la carrière ou créés intentionnellement – utilisés dans ce cas pour le refroidissement des outils, pour la décantation des boues de sciage, ou encore, et de plus en plus souvent, servant de compensation écologique. La pollution qui s’y trouve généralement, presque toujours des métaux lourds, favorise le développement de plantes nitrophiles, souvent absentes des milieux environnants. Dans le cas de plans d’eau claire, servant parfois de compensation écologique, la végétation qui se développe est souvent complémentaire à la végétation environnante69.

Bermes et plateaux. Carrière de Seiry.

Les plateauxLes plateaux défi nissent des espaces en hauteurs, plans et horizontaux,

délimités du reste de la carrière et du territoire par des parfois verticales. Comparables à des dalles rocheuses, ils sont généralement recouverts d’une couche de terre fi ne, causant souvent un assèchement et des conditions climatiques extrèmes66. Les végétations qui s’y développent se caractérisent donc par leur capacité à retenir l’eau et à survivre dans un milieu sec. Les

lichens et mousses s’y développent ainsi particulièrement bien67.

Les lisières ou ourletsL’implantation des carrières dans un milieu végétal, forestier dans une

grande majorité des cas, construit avec le milieu environnant une limite qui se qualifi e souvent par une épaisseur. Cette épaisseur, faisant frontière entre la carrière proprement dite et ce qui l’environne, décrit un espace limite, un seuil, appartenant à la fois à la carrière et à ce qui l’entoure. La végétation s’y caractérise, comme mentionné ci-dessus, « par davantage de diversité et certaines espèces inféodées à la transition »68. Les ourlets sont souvent extrêmement denses, empêchant parfois même de pénétrer dans la carrière et formant une importante barrière visuelle entre l’intérieur de la carrière et ce qui l’environne.

Plans d’eaux. Carrière de la Molière, Seiry.

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Habitat pendant l’exploitation.

Milieu 1 Transition 1 Transition 2Milieu de la carrière

Milieu 2

Habitat avant la carrière.

Milieu 1 Transition Milieu 2

Des îles dans le territoireLes diff érents habitats des carrières, décrits ci-dessus, révèlent la grande

diversité des espaces, mais aussi l’extrême fragilité d’un système spatial inscrit dans de constantes métamorphoses. Ces modifi cations spatiales continues rendent souvent extrêmement complexe une lecture de l’impact réel des carrières sur l’environnement. Aussi bien parmi les professionnels de la pierre et les scientifi ques que dans le monde politique, les avis portant sur l’impact des carrières sont très divergents, tant en ce qui concerne leur implantation ou leur exploitation que leur « renaturation ».

Selon l’Offi ce Fédéral de l’Environnement, dont un rapport est publié chaque année, pendant « longtemps, les gravières et les carrières ont été assimilées à des fractures dans le paysage [mais] aujourd’hui […] ces surfaces représentent de précieux habitats complémentaires aux zones alluviales des cours d’eau, dont la majeure partie a disparu sur le Plateau »70. Les carrières, en grande partie abandonnées, puis dans un deuxième temps classées comme zones naturelles, décrivent ainsi une valeur particulière, outre celle culturelle ou géologique. Elles peuvent ainsi, et de manière paradoxale quand on considère la destruction qu’elles impliquent, défi nir « des refuges ou des îles non seulement intéressantes pour la diversité qui s’y trouve, mais encore comme documentation »71. Les mêmes auteurs précisent que ces valeurs, écologique et documentaire, devraient contribuer à une autre vision que celle, souvent normative, portée sur l’environnement, et qui veut que la majorité des carrières sont remblayées et « renaturées » une fois l’exploitation arrêtée.

La nature « délaissée »72 des carrières, partie d’un territoire souvent en marge de la planifi cation territoriale, trouve parfois, sous la forme de « palympseste vivants »73, de nouveaux espaces de liberté, « sauvages » et imprévisibles.

Albrecht Dürer, Steinbruch, 1495/97. Source : British Museum ; www.britishmuseum.org

36 37

Notes1 Frey, Pierre Allain, E. Viollet-le-Duc et le massif du Mont-Blanc 1868-1879, Lausanne, Payot,

1988, p. 116.2 www.cnrtl.ch3 Viollet-le-Duc publie un livre à ce propos : Viollet-le-Duc, Eugène, Le massif du Mont Blanc,

étude sur constitution géodésique et géologique, sur ses transformations et sur l ’état ancien et moderne de ses glaciers, J. Baudry éditeur, Paris, 1876. La versions consultée est disponible sur internet : www.archive.org.

4 Grégoire Testaz est géologue. Il a notamment travaillé au Service d’Aménagement du territoire et dans l’enseignement public. Il est aujourd’hui présendent de l’Association des Amis du Musées de Géologie de Lausanne.

5 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 52.6 Parriaux, Aurèle, Géologie. Bases pour l ’ingénieur, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes,

Lausanne, 2006, p. 146. Cité dans : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 54.

7 www.wikipedia.org8 Deferne, Jacques, « Introduction à la cristallographie », 2010, p. 125. Disponible en ligne, consulté

le 14 décembre (www.kazuku.ch).9 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 46.10 Ces derniers, appelés « loess », sont très importants, car très fertiles, pour le développement de la

végétation.11 L’inclinaison d’une strate se nomme le pendage.12 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 50.13 Parriaux, Aurèle, Géologie. Bases pour l ’ingénieur, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes,

Lausanne, 2006, p. 342. Cité dans : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 50.

14 Ibid., p. 397. Cité dans : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 51.

15 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoff e der Schweiz, Schweizerische Geotechnische Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 13-15.

16 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 61.17 Ibid., p. 72.18 Une autre forme de roche calcaire en encore présente en Suisse se trouve au Tessin, à Arzo.19 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 72.20 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoff e der Schweiz, Schweizerische Geotechnische

Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 12-13.21 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 62.22 Ibid., p. 62.23 Ibid., p. 62.24 Ibid., p. 62.25 Labhart, Toni, Decrouez, D., Géologie de la Suisse, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1997, p. 28.26 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 63.27 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoff e der Schweiz, Schweizerische Geotechnische

Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 17.28 Publié en en 1851-58 et 1879.29 La note est publiée en 1867, dans la revue « Geological Magazine ». Voir à ce propos : Zerbi,

Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 34.30 Frey, Pierre Allain, E. Viollet-le-Duc et le massif du Mont-Blanc 1868-1879, Lausanne, Payot,

1988, p. 116.31 Viollet-Le-Duc 1876, 1.32 Gubler, Jacques, et al. Viollet-le-Duc: centenaire de la mort à Lausanne : exposition au Musée historique

de l ’Ancien-Évêché, Lausanne, 22 juin-30 septembre 1979, catalogue d’exposition, Musée historique de l’Ancien-Évêché, Lausanne, 1979.

33 Frey, P. , E. Viollet-le-Duc et le massif du Mont-Blanc 1868-1879, Lausanne, Payot, 1988, p. 115.34 www.cnrtl.ch, consulté le 21 décembre 2012.35 www.cnrtl.ch, consulté le 21 décembre 2012.36 Voir : Ozenda, Paul, Végétation du continent européen, Delachaux & Niestlé, Lausanne, 1994.

37 Source : wikipedia.org38 Ozenda, Paul, Végétation du continent européen, Delachaux & Niestlé, Lausanne, 1994.39 Clément, Gilles, Eloges des vagabondes, Nil Edition, Paris, 2002, tableau 1.40 Buttler, Alexandre, Ecologie générale – Essentials of ecology, epfl , cours de bachelor SIE.41 Ibid.42 Ibid.43 Ibid.44 Ozenda, Paul, Végétation du continent européen, Delachaux & Niestlé, Lausanne, 1994, p. 1.45 La littérature scientifi que parle habituellement de zone. Nous y substituerons ici, à dessein, la

notion d’espace pour bien mettre en évidence les structure spatiales qui caractérisent diff érents milieux et leurs relations.

46 Buttler, Alexandre, Ecologie générale – Essentials of ecology, epfl , cours de bachelor SIE.47 Ibid.48 Ibid.49 Ibid.50 Ibid.51 Ibid.52 Ibid.53 Une succession primaire décrit des « successions de biocoenose à partir d’un milieu exogène jusqu’au

climax, avec création et développement d’un milieu endogène », alors que la succession secondaire est elle caractérisée par des « successions « à partir d’un stade intermédiaire ou de climax, à partir d’un milieu endogène déjà constitué ». Source : Buttler, Alexandre, Ecologie générale – Essentials of ecology, epfl , cours de bachelor SIE.

54 Buttler, Alexandre, Ecologie générale – Essentials of ecology, epfl , cours de bachelor SIE.55 Ibid.56 Ibid.57 Bruns, Daniel, Gilcher, Sabine, Renaturierung von Abbaustellen, Verlag Eugen Ulmer GmbH &

Co., Stuttgart, 1999, p. 64.58 Ibid., p. 67.59 Delarze, René, Gonseth, Yves, Guides des milieux naturels de Suisse, écologie menaces espèces

caractéristiques, Delachaux et Niestlé, Lausanne-Paris, 2008, p. 110, 168 et 238.60 www.wikipedia.org61 Bruns, Daniel, Gilcher, Sabine, Renaturierung von Abbaustellen, Verlag Eugen Ulmer GmbH &

Co., Stuttgart, 1999, p. 67.62 Delarze, René, Gonseth, Yves, Guides des milieux naturels de Suisse, écologie menaces espèces

caractéristiques, Delachaux et Niestlé, Lausanne-Paris, 2008, p. 321. Ainsi que : Clément, Gilles, Eloges des vagabondes, Nil Edition, Paris, 2002.

63 On parle alors de « dormance ». Cette dernière défi nit un « mécanisme physiologique permettant à un organisme vivant de cesser toute ou une partie de son activité pendant la mauvaise saison sous l’eff et du froid, de la sécheresse, d’un éclairement insuffi sant ». Source: www.cnrtl.fr. Notes de cours : Art et histoire des jardins, Laurent Daune, 2011.

64 Bruns, Daniel, Gilcher, Sabine, Renaturierung von Abbaustellen, Verlag Eugen Ulmer GmbH & Co., Stuttgart, 1999, p. 66.

65 Ibid., p. 66.66 Delarze, René, Gonseth, Yves, Guides des milieux naturels de Suisse, écologie menaces espèces

caractéristiques, Delachaux et Niestlé, Lausanne-Paris, 2008, p. 331.67 Ibid., p. 331.68 Buttler, Alexandre, Ecologie générale – Essentials of ecology, epfl , cours de bachelor SIE.69 Ibid.70 Klaus, Gregor ; Les zones protégées d’importance nationales et leur utilisation, statistique suisse de

l’environnement, n0 13, OFS, Neuchatel, 2004, p. 22.71 Tränkle, Uwe ; Poschlod, Pieter ; Kohler, Alexandra ; Steinbrüche und Naturschutz.

Vegetationskundliche Grundlagen zur Schaff und von Entwicklungskonzepten in Materialentnahmestellen am Beispiel von Steinbrüchen, Universität Hohenheim, Institut für Landeskultur und Pfl anzenökologie, Karlsruhe, 1992, p. 1.

72 Je me réfère ici à la défi nition des plantes considérées comme « envahissantes » donnée Gilles Clément dans son livre Eloge des vagabonde, Nil édition, Paris, 2002, p. 164. : « Les délaissées constituent […] les seuls refuges d’importances pour les pionnières des sols abandonnés, nus, « retournés » ou en décombre. Opportunité pour une certaine expression de la diversité ».

73 Jakob, Michel, Paysage et temps, infolio, Gollion, 2007, p. 60.

38

BibliographieBRUNS, D., Gilcher, S., Renaturierung von Abbaustellen, Verlag Eugen Ulmer

GmbH & Co., Stuttgart, 1999. BUTTLER, Alexandre, Ecologie générale – Essentials of ecology, inédit, epfl ,

cours de Bachelor SIE, 2012.CAILLOIS, R., Pierres, Gallimard, Paris, 2005.CLÉMENT, Gilles, Eloges des vagabondes, Nil Edition, Paris, 2002.DEFERNE, Jacques, « Introduction à la cristallographie », 2010, p. 125.

Disponible en ligne, consulté le 14 décembre (www.kazuku.ch).DELARZE, René, GONSETH, Yves, Guides des milieux naturels de Suisse,

écologie menaces espèces caractéristiques, Delachaux et Niestlé, Lausanne-Paris, 2008.

FREY, Pierre Allain, E. Viollet-le-Duc et le massif du Mont-Blanc 1868-1879, Lausanne, Payot, 1988.

GUBLER, Jacques, et al., Viollet-le-Duc: centenaire de la mort à Lausanne : exposition au Musée historique de l ’Ancien-Évêché, Lausanne, 22 juin-30 septembre 1979, catalogue d’exposition, Musée historique de l’Ancien-Évêché, Lausanne, 1979.

JAKOB, M., Paysage et temps, Gollion, Ed. Infolio, 2007.KIENAST, D., Die Poetik des Gartens. Über Chaos und Ordnung inder

Landschaftsarchitektur, Birkhäuser, Basel 2002.KÜNDIG, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoff e der Schweiz, Schweizerische

Geotechnische Komission, ETHZ, Zürich, 1997.LABHART, Toni, Decrouez, D., Géologie de la Suisse, Delachaux et Niestlé,

Lausanne, 1997MAROT, S., L’art de la mémoire, le territoire et l ’architecture, Paris, Ed. de la

Villette, 2010.OZENDA, Paul, Végétation du continent européen, Delachaux & Niestlé,

Lausanne, 1994.PARRIAUX, Aurèle, Géologie. Bases pour l ’ingénieur, Presses Polytechniques

et Universitaires Romandes, Lausanne, 2006. RUSKIN, John, « Th e Stone of Venice », D. Estes & Co, Boston, 1851. Consulté

sur www.gutenberg.org.RUSKIN, John, Works, Th e Library Edition, London, 1903-1912, volume 4. consulté sur www.gutenberg.org.TRÄNKLE, Uwe ; POSCHLOD, Pieter ; KOHLER, Alexandra ; Steinbrüche

und Naturschutz. Vegetationskundliche Grundlagen zur Schaff und von Entwicklungskonzepten in Materialentnahmestellen am Beispiel von Steinbrüchen, Universität Hohenheim, Institut für Landeskultur und Pfl anzenökologie, Karlsruhe, 1992.

VIOLLETLEDUC, Le massif du Mont Blanc, étude sur sa constitution géo-désique et géologique, sur ses transformation et sur l ’état ancien et moderne de ses

glaciers, J. Baudry éditeur, Paris, 1876, p. 76.ZERBI, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL,

Lausanne, 2011, p. 63.ZENTRUM PAUL KLEE,Bern, www.zpk.org.

ESPACE.S

Cahier n0 5

Table des matières

Glossaire 6

Métamorphoses 8

Types et morphologies 8La carrière en fl anc de taille 12

La carrière en fosse 18

La carrière en puits 24

La carrière souterraine 28

Règles de composition des espaces des carrières 34

6 7

Types et morphologies

Ce cahier analyse les carrières en activité en Suisse selon leur type et leur forme ; ceci pour mettre en évidence les principes spatiaux et les structures des carrières, ainsi que leur transformation dans le temps. La géologie d’une part, et les méthodes et techniques d’extraction d’autre part sont intimement liées pour défi nir les types et la formes des carrières.

Les carrières de pierre de taille en activité en Suisse peuvent êtres divisées en deux catégories principales1 : les carrières à ciel ouvert et les carrières souterraines. Les carrières à ciel ouvert se déclinent, selon leur morphologie, en trois types principaux : en « fl anc de taille », en « puits » et en « fosse ». Les carrières souterraines, peu présentes en Suisse, se développent généralement en galeries ou en chambres.

Ces diff érentes morphologies sont le plus souvent combinées au sein d’une même carrière, que se soit dans l’espace ou dans le temps. Il en résulte un objet dont la métamorphose est probablement la seule constante spatiale, donnant forme à une sorte d’indétermination spatiale au sein de la carrière. De plus, au sein d’un même type de carrière, l’exploitation de roches diff érentes ainsi que l’utilisation de techniques diff érentes impliquent des variations et des morphologies très contrastées.

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1

8

2

3

6

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4

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9

9

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10

11

12

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14

Glossaire

1 Découverte

2 Plancher ou sol de carrière 3 Pied de carrière

4 Front de taille

5 Ciel de carrière

6 Pilier tourné, demi tourné

7 Berme ou vire

8 Corniche

9 Plateau

10 Aires de stockage

11 Eaux

12 Déchets

13 Ateliers bureaux

14 Lits de carrière

15 Derrick

15

10 11

Ostermundigen

Gurten-KönizSeiry

Massonens

Salvan

Villardlod

Murist

Kraunchtal

Soleure

Neuchatel

MägenwilLisberg

Nuolen-Gweiduntliweid

Bollingen LehholzBollingen Uznaberg

Rorschach

Teufen

St. Margethen

Dielsdorf-Steinmaur

Root

Alpnach

Cresciano

Legiuna

CalancaLodrino

Onsernone

Maggia

S.Bernardino

Andeer

Carrière en puits

Carrière en fosse

Carrière en flanc de taille

Carrière souterraineDistribution territoriale des carrières en activité selon leur type.La carte ne comprend pas toutes les carrières en activité, mais uniquement celles observés lors des visites. Carte d’après Dufour, source : epfl , http//:library.epfl .ch

12 13

Carrière en fl anc de taille, Cresciano.

La carrière en fl anc de taille

La carrière en fl anc de taille, située généralement au pied d’une montagne ou d’une colline, produit un espace concave, proche de l’hémicycle, dont le volume extrait forme souvent un demi-cylindre tronqué sur une ligne rejoignant son centre. C’est la forme de carrière la plus répandue, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, peut-être pour sa simplicité et le peu de technique qu’elle demande. L’espace concave en hémicycle des carrières en fl anc de taille, creusé dans la montagne et s’ouvrant sur un paysage, se trouve à la source de nombreux théâtres ou lieux d’assemblées dans l’Antiquité grecque. Taillée en gradins successifs, la carrière en fl anc de taille articulait dans sa forme « en creux », pour reprendre l’étymologie du mot italien cava, le territoire entre le ciel et la terre.

La géologie, le territoire et la pente déterminent fortement l’implantation, la forme et le développement de la carrière, dans la mesure où les bancs profonds seront plus facilement atteints dans une pente fortement marquée que dans une pente plus faible. Vu le profi l riche en déclivité de toutes sortes de la Suisse, c’est donc naturellement que la carrière en fl anc de taille est le type le plus répandu, principalement dans les vallées alpines du Tessin, du Valais et des Grisons2, qui bénéfi cient de bonnes connexions aux réseaux de transports. Le profi l en « U » typique des anciennes vallées glaciaires est primordial pour comprendre d’une part la morphologie et d’autre part l’histoire et les développements de ce type. La vallée s’articule entre le fond de vallée et les coteaux, habités, cultivés et comprenant les voies de circulation, la forte pente mise à nu par l’érosion glaciaire, en partie recouverte de forêts, et un plateau supérieur, où se concentrent les alpages, avant le développement des hauts massifs. Dans cette coupe théorique, les carrières trouvent généralement place au sommet des derniers coteaux cultivés, proches de la rupture de pente où le massif rocheux affl eure. Ainsi, située au pied des versants, les carrières bénéfi cient d’une roche se trouvant à une faible profondeur, d’espace pour le travail de la pierre en lien avec le tissu bâti et d’accès aux moyens de transport. Ces derniers seront d’ailleurs déterminants lors de la construction des premières lignes de chemin de fer.

Les carrières en fl anc de taille sont donc caractérisées avant tout par la pente où elles prennent place. Exploitées en gradins ou en bancs verticaux, elles se développent le plus souvent dans la forêt ou dans une végétation non cultivée. Un système de rampe ou de derricks permettent aux hommes et machines de se rendre dans la partie supérieure de la carrière pour procéder à l’extraction de la pierre, de même que pour acheminer les matériaux au « pied de carrière ».

14 15

Morphologie

De la première carrière en fl anc de taille, sorte de théâtre idéal de la condition humaine, se structurant autour d’un espace concave mais ouvert sur le territoire, va pouvoir se développer deux variantes : l’une parallèle à la pente, par l’ouverture d’un voire de deux fronts de tailles latéraux, l’autre perpendiculairement à la pente, avec le prolongement du front de taille dans le massif rocheux. Par la suite, ces carrières seront parfois prolongées en carrières souterraines.

En se développant parallèlement à la pente, de part et d’autre du front de taille initial, la carrière forme alors une sorte de plateforme, nouveau niveau de référence, permettant parfois à certaines activités de taille et de stockage de prendre place directement au sein de la carrière. Les fronts de tailles avançant parallèlement à la pente sont alors toujours de la même hauteur, comme dans les carrières en fosse, limitant un développement vertical qui pose dans certains cas des problèmes de stabilité.

Carrière en fl anc de taille.

16 17

Les carrières en fl anc de taille perpendiculaires à la pente sont souvent beaucoup plus limitées dans leur développement, si elles ne se transforment pas en carrières souterraines. En eff et, la hauteur du front de taille devient vite très importante et parfois dangereuse pour l’exploitation. En revanche, ces carrières permettent d’atteindre des couches géologiques profondes, tout en limitant la découverte et les pertes qui y sont liées lorsque la roche profonde ne peut pas être exploitées.

Carrière en fl anc de taille.

18 19

La carrière en fosse

Si la carrière en fl anc de taille était caractérisée par la pente, celle en fosse l’est par l’horizontale. Elle s’inscrit, par un abaissement subit du sol, comme un trou dans le territoire. Souvent remblayée une fois l’exploitation abandonnée, elle exerce une présence « absente » dans le territoire ; à double titre, puisqu’elle retranche une partie importante du territoire, tout en fi xant un nouveau niveau de référence invisible sous l’horizon du regard. Cette carrière en « trou », que l’allemand défi nit si bien par Steingrube – littéralement le « trou à pierre » –, est aussi la carrière du sous-sol, parfois des villes, où se fondent les bâtiments.

En Suisse, les carrières en fosse furent répandues principalement sur tout le Plateau et parfois le Jura, pour quasiment disparaître au cours du 20e siècle, parfois au profi t de gravières3. Se développant à partir d’un terrain plat ou peu pentu et sur une structure géologique relativement homogène constituée de couches sédimentaires, ce type de carrière exploite des bancs de roches proches de la surface – pouvant atteindre jusqu’à cinquante mètres de profondeur – généralement sur toute leur hauteur. Les carrières en fosse se trouvent donc, en Suisse, en contact tendanciellement plus étroit avec des espaces cultivés – agriculture et sylviculture principalement –, voire bâtis, ce qui n’est le cas avec les carrières en fl anc de taille. Les plans cadastraux jouent ainsi souvent une

infl uence importante quant à la morphologie des carrières en fosse.

Carrière en fosse, Mägenwil.

20 21

Morphologie

L’accès au front de taille se fait dans ce type de carrières soit par un système de rampe, s’organisant dans les carrières de grandes dimensions en de véritables spirales, soit par des derricks ou grues disposées sur des rails sur le « sol de carrière ». Une fois les limites de l’espace d’exploitation atteintes, et si aucune possibilité d’agrandissement n’est possible horizontalement, la carrière peut éventuellement se développer en carrière en puits ou en carrière souterraine.

À partir d’une première creuse, ou d’un accident naturel du terrain – changement de déclivité, affl eurement rocheux –, le banc est généralement dégagé sur toute sa hauteur puis exploité. Suivant la structure géologique, un front de taille sera ouvert et se prolongera de manière rectiligne, de sorte à générer un fossé, ou de manière rayonnante.

Les carrières en fosse, se développant de façon rectiligne, suivent généralement un banc de roche pris latéralement entre deux bancs non exploitables. Une fois toute la largeur du banc dégagé, soit en gradins, soit de manière à former une falaise constituée parfois par les plans de clivage entre deux types de roches diff érentes, le front de taille avance de façon régulière toujours dans la même direction. Si la carrière est exploitée suffi samment longtemps, l’espace prendra la forme d’un immense fossé.

Carrière en fosse.

22 23

La carrière en fosse peut aussi se développer de façon rayonnante à partir d’un point central, par l’ouverture simultanée ou successive de plusieurs fronts de taille. Chacun de ces fronts cherche à exploiter la roche au maximum, dans le périmètre donné par le parcellaire, et parfois ses variations de teintes, structures et duretés. L’ensemble de la carrière défi nit alors un nouveau plan horizontal, artifi ciel et en dessous du niveau « naturel » du terrain, autour duquel les diff érents fronts se font face en un espace introverti. Ce nouveau plan de référence accueille parfois, lorsque les fronts de taille sont suffi samment éloignés de son centre, certaines activités propres à la fabrication des produits de la carrière et leurs nécessaires aires de stockage. Ainsi prend parfois forme, entres les grues, les derricks et les dumpers, un ensemble de bâtiments, souvent hétéroclites et « blanchis » de poussières, comprenant hangars, ateliers de taille, bureaux, bétonnière ou encore châteaux d’eau.

Carrière en fosse.

24 25

La carrière en puits

La carrière en puits est caractérisée par une forte verticalité qui contraste souvent avec l’horizontalité du terrain environnant. Dangereuse, sombre, étroite, profonde, elle se confond aux interstices d’une géologie crevassée, presque souterraine et invisible de la surface. C’est cette carrière, telle une tour inversée, bordée de derricks et de grues qui étaient autrefois accompagnées d’immenses « cages d’écureuils », et parcourue d’escaliers interminables, étroits et précaires.

Tout comme les carrières en fosse dont elles peuvent être un prolongement, les carrières en puits se développent principalement sur le Plateau suisse. Ayant aujourd’hui presque totalement disparu en Suisse – il n’en reste plus que deux exemples à proximité de Rapperswil –, les carrières en puits encore en activité exploitent des roches sédimentaires, connues sous le nom de molasse d’eau douce inférieure4, se trouvant sur le Plateau.

Se développant verticalement jusqu’à des profondeurs de cinquante mètres – parfois plus dans d’autres pays –, les carrières en puits demandent une technique plus précise et complexe pour l’extraction que les autres types de carrières. Outre les grues et derricks, devenus indispensables au déplacement des blocs et des machines de la surface au fond de la carrière, il faut de plus évacuer les déchets d’extraction et l’eau qui a tendance à s’y accumuler, afi n de dégager un minimum de place pour l’extraction. L’eau remplissant souvent une partie du fond de carrière provient de la pluie, de sources ou encore de la nappe phréatique environnante et, si elle sert au refroidissement des machines, elle doit être évacuée et traitée en surface. L’étroitesse de la fosse concourt, dans certains cas de carrières se développant longitudinalement, au resserrement des parois, qui doivent dès lors êtres consolidées afi n d’empêcher la propagation de fi ssures qui déstabiliseraient l’ensemble.

Carrière en puit, Lehholz.

26 27

Morphologie

Les carrières en puits se développent verticalement par l’extraction d’une surface toujours égale de matière, qui doit être remonté en surface. Cette opération, parfois délicate voire dangereuse, demande un savoir-faire et des technologies qui ont souvent fait défaut dans l’histoire suisse, excepté peut-être dans les régions bernoises, bâloises et zurichoises. Une fois la profondeur maximale du puits atteinte – par épuisement du banc de roche, risque de déstabilisation ou encore contraintes techniques dues aux machines –, les carrières peuvent se développer de façon longitudinale ou périphérique. Il n’est par ailleurs pas rare que ce type de carrière se prolonge souterrainement pour gagner des bancs de roches de bonne qualité sans avoir à enlever une nouvelle fois la découverte.

Les carrières se prolongeant longitudinalement, par l’abattement successif d’un ou deux fronts de taille se faisant face, donnent corps à une sorte de longue fosse rectangulaire fermée de toutes parts. L’espace dégagé au fond de la carrière permet l’utilisation de machines telles que pelles mécaniques ou dumpers qui ne trouvaient jusqu’ici pas de place, ainsi que le stockage de certains déchets, qui devaient auparavant être remontés en surface.

Carrière en puits.

28 29

La carrière souterraine

La carrière souterraine est peut-être la plus étrange des carrières : sorte de grande grotte artifi cielle, elle invite aux transports de l’inconscient et de l’imaginaire. Si tous les autres types de carrières s’articulent entre une matière, un territoire et le ciel, la carrière souterraine est celle de la totale immersion dans la matière, le vide et l’ombre ; la nuit. Cachée sous la ville ou enfouie dans la montagne, elle est un monde en miroir de celui de la surface, véhicule d’un imaginaire proche de la grotte des origines, dont l’écho distordu ne fait qu’évoquer les méandres interminables. Une grotte immense et « bizarre » donc, pour reprendre un terme cher à l’architecture baroque qui en fera un thème particulier, à cheval entre deux mondes, seuil entre la matière et le vide, interrogeant « le rêve et la nuit, la part d’inconscient sans laquelle tout ce qui se tient à la lumière apparaîtrait avec la seule violence des certitudes : un décor de vanité »5.

Il ne reste en Suisse plus qu’une seule carrière souterraine de pierre de taille encore exploitée, celle de Krauchtal, à proximité de Berne. Les carrières souterraines ne furent jamais très répandues en Suisse, peut-être à cause de l’abondance de pierre de construction en surface ou à faible profondeur. La plupart, de tailles relativement réduites, se trouvaient sur le Plateau et dans les Alpes. La région de Berne en concentre quatre de taille plus importantes, dont une encore en activité aujourd’hui.

Les carrières souterraines, si elles présentent l’avantage de ne pas subir les intempéries, variations de température et d’humidité qui contraignent parfois à la fermeture des carrières pendant la période hivernale, posent des problèmes d’éclairage, de ventilation et de circulation. Si l’éclairage peut être facilement résolu de nos jours, la ventilation doit d’une part évacuer les nombreuses poussières et d’autre part amener de l’air frais autant pour les hommes que pour les machines. Le plus souvent, les cavités successivement excavées sont remplies avec les déchets produits par l’extraction au fur et à mesure de l’évolution de cette dernière, ne permettant pas d’apprécier l’ensemble de l’espace ainsi généré.

Carrière souterraine de Krauchtal.Source : Trachsel, Hansueli, Sandstein, Stämpfl i Verlag AG, Berne, 2007, p. 26.

30 31

Morphologie

Les carrières souterraines doivent exploiter, plus que les autres types de carrières, la structure naturelle de la roche, afi n de garantir la stabilité de l’ensemble. L’extraction est ainsi fortement déterminée par la recherche d’un « ciel de carrière » stable, constitué de préférence par un banc de roche continu, horizontal ou voûté. Lorsque la résistance de la roche est insuffi sante, un système de consolidation, voûtes, ancrages, est mis en place.

Les carrières souterraines se développent horizontalement – un développement vertical proche de celui des mines est très rare – à l’intérieur d’un massif rocheux. À partir d’une galerie principale, prolongeant parfois une carrière en fl anc de taille ou en fosse, elles se ramifi ent latéralement en divers couloirs ou chambres successives, qui seront parfois reliés entre eux. Les carrières souterraines se développent en trois types, qui décrivent souvent trois phases successives d’exploitation : les carrière à couloirs, chambres et piliers tournés6.

Le type à couloirs se limite à percer une galerie qui fournit les matériaux. Elle peut ensuite être multipliée latéralement soit perpendiculairement soit parallèlement à la première galerie, qui est alors utilisée pour évacuer les matériaux. À cette fi n, des rails sont parfois fi xés en hauteur, de part et d’autre du couloir, de façon à pouvoir sortir les blocs extraits sur une sorte de cadre mobile7. Ce système, que l’on retrouvera dans les deux autres types de carrières souterraines, permet d’évacuer des blocs alors même que l’exploitation se déroule sur le sol.

Carrière souterraine en couloirs parallèles. La partie supérieur du massif rocheux est coupée

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Le type à chambres exploite la roche en défi nissant des sortes de pièces reliées par un système de couloirs. Les chambres sont soit régulières, lorsque la roche est homogène et stable pour permettre l’exploitation sur une géométrie répétitive, soit irrégulière, lorsqu’elle suit les opportunités de bancs de plus ou moins bonne qualité. Le ciel de carrière est généralement plat, constitué par un banc de roche plus résistant.

Le type à piliers tournés structure la carrière en laissant de grandes piles, souvent aussi larges que hautes, qui vont se répéter de façon à défi nir un maillage, régulier ou non, portant le ciel de carrière.

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Métamorphoses

Suite à l’analyse qui précède, nous pouvons établir les quelques règles suivantes concernant la composition des espaces des carrières. Tout d’abord, les carrières sont structurées à la fois par la masse rocheuse et par l’espace nécessaire aux déplacements des machines. Les roches, par l’épaisseur , l’orientation et les éventuelles fractures des lits de carrière, forment ainsi la structure principale de la carrière.

Enfi n, les carrières, dans leurs transformations successives, décrivent des métamorphoses qui établissent un système temporel et spatial tout à fait diff érent de celui habituellement en cours dans l’architecture. Le temps s’articule entre le geste quotidien d’un prélèvement et celui, beaucoup plus long, de la géologie, qui verra se succéder, souvent sur plusieurs décennies voire siècles, les carriers successifs.

La carrière exploitée est constamment en mouvement, défi nissant un espace en transformation et en extension. Son développement dans la matière ne se fait pas de manière homogène, mais procède des exploitations relatives de veines, bancs et strates de roches particulières. Le carrier, ne pouvant connaître totalement à l’avance la qualité et la nature de la roche qu’il exploite, projette un espace encore vague, comme une idée, qui se formera par les rencontres de ses outils avec la pierre.

Le travail d’exploitation d’une carrière se rapproche de celui de l’architecte, en ce sens qu’il projette puis gère la construction et le développement d’un espace dans le temps. Le travail de projection se révèle cependant limité car, dans l’impossibilité de prendre en compte la nature exacte de la pierre à exploiter, il doit se concentrer à la défi nition d’un espace, d’une structure ouvertes aux imprévus de la matière qu’il rencontrera au fur et à mesure de l’extraction.

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Notes1 Acocella, Alfonso, Stone architecture : ancient and modern construction skills, Skira, Milan, 2006, p.

598.2 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 104.3 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoff e der Schweiz, Schweizerische Geotechnische

Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 208.4 Zerbi, Stefano, Construction en pierre massive en Suisse, Th èse epfl , epfl , 2011, p. 63.5 Clément, Gilles, Un brève histoire du Jardin, JC Béhar, Paris, 2012, p. 49.6 Dujardin, Laurent, Les carrières souterraines de Caen et du Département du Calvados (Basse-

Normandie), 1991, p. 163. In : Chabert, Jacques, et al., Les carrières souterraines, Acte du 2e symposium international sur les carrières souterraines, Paris, 1991.

7 Ibid., p. 171. In : Chabert, Jacques, et al., Les carrières souterraines, Acte du 2e symposium international sur les carrières souterraines, Paris, 1991.

9 Focillon, Henri, La vie des formes, puf, Paris, 1943, p. 111.10 Singewald, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung, Rudolf Müller, Köln, 1992, p.

5.11 Ibid., p. 160.12 Ibid., p. 155.13 Ibid., p. 160.14 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 110.15 Ténacité : « résistance à la rupture d’un matériau » (source : www.cnrtl.fr).16 Singewald, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung, Rudolf Müller, Köln, 1992, p.

161.17 Ibid., p. 165.18 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 111.19 Observation de l’auteur.20 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 113.21 Ibid., p. 114.22 Ibid., p. 113.23 Ibid., p. 132.24 Ibid., p. 122.25 Ibid., p. 122.26 Ibid., p. 131.27 Ibid., p. 103.28 Ibid., p. 141.29 Selon la norme européenne, les argiles sont des particules mesurant moins de 2μm, les limon entre

2μm et 20μm et les sables entre 20μm et 2mm (source : www.wikipedia.org).

Bibliographie

ACOCELLA, Alfonso, Stone architecture : ancient and modern construction skills, Skira, Milan, 2006.

CLÉMENT, Gilles, Un brève histoire du Jardin, JC Béhar, Paris, 2012.CHABERT, Jacques, et al., Les carrières souterraines, Acte du 2e symposium

international sur les carrières souterraines, Paris, 1991.DUJARDIN, Laurent, Les carrières souterraines de Caen et du Département du

Calvados (Basse-Normandie), 1991.FOCILLON, Henri, La vie des formes, puf, Paris, 1943, p. 111.KÜNDIG, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoff e der Schweiz, Schweizerische

Geotechnische Komission, ETHZ, Zürich, 1997.PAVAN, Vicenzo, Architetture di cava. Quarry Architecture, Collona di

Architettura, Faenza Scientifi cs, Faenza, 2010.SINGEWALD, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung,

Rudolf Müller, Köln, 1992.TRÄNKLE, Uwe, Poschlod, P., Kohler, A., Steinbrüche und Naturschutz.

Vegetationskundliche Grundlagen zur Schaff und von Entwicklungskonzepten in Materialentnahmestellen am Beispiel von Steinbrüchen, Universität Hohenheim, Institut für Landeskultur und Pfl anzenökologie, Karlsruhe, 1992.

ZERBI, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011.

VIOLLETLEDUC, Le massif du Mont Blanc, étude sur sa constitution géodésique et géologique, sur ses transformation et sur l ’état ancien et moderne de ses glaciers, J. Baudry éditeur, Paris, 1876.

Une architecture entre MÉTAMORPHOSES ET

DORMANCE

Cahier n0 6

Table des matières

Variation sur un thème 6

Entre dormance et métamorphose 7

Ouverture 11

6 7

Variations sur un thème

La carrière décrit un espace architectural constitué en premier lieu par l’acte d’appropriation de la pierre qui caractérisera les structures principales de la carrière aux travers de lignes, de plans et de volumes. Ces éléments vont évoquer, par une sorte de « tectonique à l’envers », l’espace architectonique qui sera construit des matériaux extraits. La carrière est ainsi défi nie a priori par des architectures qui seront construites postérieurement à son exploitation.

La carrière a un rapport très rapproché au territoire puisqu’elle s’inscrit physiquement en son sein. Cette relation se modifi e au cours du temps, la carrière n’étant pas immuable : elle peut être exploitée durant un temps, abandonnée ensuite, ré-ouverte, etc., suivant des cycles d’activité et de latence.

Des temps diff érents co-existent dans la carrière, qui se chevauchent et sont rendus perceptibles par la nature. Premièrement, un temps du quotidien : des êtres vivants – végétaux, animaux et humains – habitent la carrière jour après jour. En parallèle, un temps géologique : les lents « grincements de la tectonique » se mesurent en milliers d’années, modifi ant les lieux de manière imperceptibles pour les êtres d’une temporalité à plus court terme.

La carrière est un lieu de nature, infl uencé par l’action de l’homme. En eff et, l’exploitation d’une carrière modifi e un milieu naturel lui pré-existant. Là où certaines plantes et certains animaux co-habitaient avant l’ouverture d’une carrière, d’autres plantes et d’autres animaux profi tent du milieu que la carrière implique. Un nouvel équilibre est ainsi constitué, qui pourra se modifi er inlassablement selon les développements et les cycles d’exploitation de la carrière.

L’exploitation de la carrière se fait à l’aide d’outils et de techniques en lien avec le type de roche exploité d’une part et l’utilisation qui sera faite de celle-ci d’autre part. Les outils donnent la mesure de la carrière, la taille des blocs résultant de l’exploitation

étant en lien avec ceux-ci.

Carrière : entre métamorphose et dormance

La carrière est un lieu de changements constants et le point d’ancrage de métamorphoses de diff érents types. D’une part, elle donne lieu à des métamorphoses spatiales : l’espace de la carrière évolue en fonction de l’exploitation des matériaux. Des parties de la carrière se développent à travers l’activité humaine d’extraction de la roche tandis que d’autres sont – en tout cas temporairement – délaissées, l’espace de la carrière restant ainsi en mouvement. D’autre part, la carrière est le lieu de métamorphoses matérielles : la pierre extraite change de forme pour devenir matériau de construction. La carrière est ainsi formée des matériaux constituant les constructions futures permises par son exploitation ; elle est constitutive d’un espace architectonique existant au-delà, au niveau spatial et temporel, de la carrière elle-même. La carrière est donc au carrefour entre la matière et l’architecture.

Comme on l’a vu, la carrière peut vivre des cycles d’exploitation et d’abandon. Elle peut donc être, par période, soustraite de l’exploitation par l’homme. Tels certains végétaux, la carrière ainsi abandonnée est toutefois un espace en dormance : alors que les graines de certaines espèces de plantes peuvent attendre des dizaines voire des centaines d’années, dans un état stable, que les conditions soient propices à leur germination, la carrière abandonnée est sans cesse susceptible d’être l’objet d’une réactivation par l’homme. Elle est en état de dormance en ce sens qu’elle peut à tout moment, alors qu’elle est délaissée par l’homme, être retravaillée par l’activité par celui-ci.

La carrière est ainsi une architecture au carrefour entre métamorphoses et dormance. Lorsqu’elle est en activité, c’est le temps des métamorphoses : c’est l’homme qui gère l’espace, la carrière se transforme en fonction de l’exploitation et des matériaux de construction sont produits, constitutifs de futures constructions architecturales. Lorsque la carrière est délaissée par l’homme, elle est en dormance : la nature reprend le dessus et la carrière est en attente d’une remise en activité par l’homme.

La carrière est le lieu de prélèvement de la matière constitutive d’une architecture à venir. Elle se développe en lien avec celle-ci et est ainsi en partie défi nie par elle. C’est en ceci que la carrière trouve sa défi nition architecturale.

8 9

Carrière d’Ostermundigen.

Ouverture

L’espace du projet architectural, au sein de la carrière, se voit presque toujours limité à une intervention a posteriori, consistant le plus souvent, en Suisse, en une renaturation ou parfois encore en une réhabilitation. Ces interventions après-coup dans une carrière abandonnée se font généralement dans l’optique d’un « embellissement », d’une « réparation » ou encore d’une « remise à un état d’origine » d’un paysage, réduisant ainsi souvent les qualités spatiales, temporelles, architecturales et enfi n poétiques de la carrière à un résidu de la production de matière première. Le projet veut considérer la carrière comme une architecture s’articulant dans l’espace et le temps, entre métamorphoses et dormance, et ouvrir la porte vers de nouvelles fi gures, sans pour autant prétendre à la généralisation systématique de cette démarche à toute les carrières.

Le site choisi pour le projet à venir est la carrière de Ostermundigen, à côté de Berne. Encore en activité, cette carrière est l’une des nombreuses carrières de molasse de la région bernoise, dont une grande partie furent ouvertes à la fondation de la ville de Berne en 11912. La carrière d’Ostermundigen était, à la fi n du 19e siècle, l’une des plus grande de Suisse. Reliée au système ferroviaire, elle a permis de fournir des pierres pour la construction des nombreux bâtiments publics de la ville et du canton de Berne ainsi que de l’administration fédérales. Une grande partie de la carrière, abandonnée dans les années 1930 puis utilisée comme place d’arme jusque dans les années 1970, est aujourd’hui inutilisée et propriété de la commune d’Ostermundigen. Aujourd’hui en bordure de la ville, la carrière a été intégrée dans le plan d’aménagement des communes bernoise en 2012 et défi nie comme espace pouvant accueillir des « activités culturelles, artisanales ou industrielles ». L’activité extractive est, selon la concession en vigueur, garantie pour au moins les vingt prochaines années.

La carrière d’Ostermundigen, à la fois en activité et abandonnée, rassemble donc les conditions idéales pour traiter dans le projet les thématiques de métamorphose et de dormance précédemment énoncées dans ce travail. En termes de programme, le projet entend prolonger ces thématiques d’une part par l’intégration de l’activité extractive comme acteur et moteur du projet, et d’autre part par l’implantation, dans une recherche de dynamiques entre l’architecture et la carrière pouvant mener au recyclage de « vieux bâtiments », les bureaux, les ateliers et les lieux de conservation de l’offi ce des monuments historiques de la ville et du canton de Berne.

Ce programme, ouvert au public notamment sous forme de parc, permettra l’articulation entre la ville, l’architecture, la carrière et le territoire.

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La ville de Bern se situe à un point charnière entre le Plateau, et sont développement d’est en ouest, et le débouché alpin menant sur la vallée du Rhône puis l’Italie. Le sous-sol se compose, au niveau géologique, presque exclusivement de mollasse, avec des partie plus résistantes, et donc moins érodées par les glaciations, qui forment les drumlins. Ces derniers, légèrement plus élevé que le reste du bassin mollassique, plus sec et comportant moins de terres végétale, sont caractéristiques à la fois du paysage du Mittelland et de l’implantation des carrières sur le Plateau.

N

La carrière d’Ostermundigen se situe, à l’est de Bern, sur l’un de ces drumlins, prolongeant un système de falaise, autrefois dégagées, et aujourd’hui cachées par la végétation. La carrière d’Ostermundigen se développe principalement en surface, selon le type d’une carrière en fosse. Elle comprend aussi certaines partie exploitée en puits et en souterrains, aujourd’hui toutes abandonnées, qui se retrouvant dans d’autres carrières de la région, notamment à Stockere et Krauchtal.

Ostermundigen

Stockere

Gürten-Köniz

Oste

N

N

La carrière de Ostermundigen.

14

Notes1 Je me réfère ici au système de valeur défi nit par Zerbi, auquel j’ajoute une valeur

environnementale prenant en compte le rôle que peuvent avoir les carrières pour les écosystèmes. Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 113.

2 Dictionnaire historique Suisse, www.hls-dhs-dss.ch.3 Les carrières, alors propriété de la ville de Berne, sont pour la première fois attestée dans un écrit

datant de 1269. In : Trachsel, Hansueli, Sandstein, Stämpfl i Verlag AG, Berne, 2007, p. 32.4 Trachsel, Hansueli, Sandstein, Stämpfl i Verlag AG, Berne, 2007, p. 33.5 Ibid., p. 33.6 Ibid., p. 33.7 Ibid., p. 33.

Bibliographie

TRACHSEL, Hansueli, Sandstein, Stämpfl i Verlag AG, Berne.