arts visuels // la photographie robert...

Le 4 mai 1937, Robert Capa arrive à Bilbao, en tantqu’envoyé spécial pour l’hebdomadaire commu-niste Regards, pionnier du magazine de photojour-nalisme en France. La ville est encerclée par lestroupes du général Franco et son port bloqué par lamarine nationaliste associée aux sous-marins nazis.La population vit sous les bombardements journaliersde la Légion Condor, qui avait détruit la ville deGuernica, le 26 avril 1937. Capa doit rendre comptedes combats qui se déroulent dans cette ville ainsique de la vie de sa population.Quand il n’est pas aux avant-postes aux côtés descombattants républicains, Capa parcourt la ville.Cet après-midi là, les sirènes d’alerte au bombarde-ment aérien retentissent. Plutôt que de chercher unabri, le photographe attend l’arrivée des avions etcapture la réaction des habitants face à la menaceimminente.

Mots clefs,points d’ancragepour l’étudede l’œuvre,

PhotojournalismeLes deux groupes de personnes : postures, répartition dans l’espace, les regardsLe cadrage. Le hors-champLe noir et blancLe contexte historique et socialL’instantané photographique

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // la photographie Robert Capa .1

Robert Capa(André Ernö Friedmann, dit)

Budapest, Hongrie, 1913 - Thai Binh, Vietnam, 1954

Bilbao, Espagne, Mai 1937Gélatine argentique sur papier, 30 x 38,4 cm

Cette image condense en un seul lieu deux moments différents. Le moment de questionnement mêléd’inquiétude qui tétanise une partie des personnages côtoie celui de la décision de fuir vers les abris.Les habitants de Bilbao semblent espérer que l’alerte ne sera que passagère. La mère court, son vi-sage reproduisant de façon exacerbée l’angoisse des personnages de gauche. Elle serre avec forcela main de sa fille, qui tente de suivre le rythme des pas maternels. Elles ont a peine pris le temps d’enfi-ler un manteau (celui de la fillette, mal boutonné, montre la précipitation de la décision) pour sortir etse diriger vers un des abris de la ville. L’enfant, le regard perdu, le visage contracté, la bouche défor-mé par un rictus de peur, parvenant à peine à refouler ses larmes symbolise l’humanité tentantd’échapper à l’horreur.Fidèle à sa devise : “Si ta photo n’est pas bonne, c’est que tu n’étais pas assez près”, Capa réaliseraencore quelques prises de vues ce jour-là, avant d’être contraint par un policier armé à se réfugier lui-aussi dans une cave.

Au coin d’une rue, il photographie un groupe de civils qui, pour la plupart, scrute anxieusement le ciel.Deux hommes, dont un milicien blessé en capote appuyé sur une canne, quatre femmes et une enfant.Seules la mère et sa fille sont en mouvement. Elles courent dans la direction de Capa sans s’être aper-çues de sa présence. Elles occupent le premier plan et toute la moitié droite de l’image.

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Robert Capa

Bilbao, Mai 1937

Robert Capa

Bilbao, Mai 1937


arts visuels // la photographie

Genèse de l’œuvre

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Robert Capa n’a que 25 ans, lorsqu’en 1938, larevue anglaise Picture Post lui décerne le titre de« plus grand photographe de guerre » du mondepour son récent reportage sur la guerre civile es-pagnole. Il a couvert le conflit dès ses débuts, serendant dans différentes régions du territoire es-pagnol, seul ou avec sa compagne photo-graphe, Gerda Taro (qui perdit la vie, sur le frontespagnol en 1937). Ses premières photographies,publiées en 1936, dans plusieurs journaux et re-vues (dont Vu, Ce Soir et Life), suscitent un véri-table engouement en raison de leur puissance etde leur impact visuel totalement inédits : la cé-lèbre image du militant républicain mortellementblessé devenant rapidement une véritable icônede la lutte antifasciste.

Robert Capa, Mort d’un militant à Cerro Murianosur le front de Cordoue, 5 septembre 1936

Depuis quelques années, sur les conseils de sonami hongrois André Kertész, Capa utilise un appa-reil photographique de la marque Leica, petit etpratique, permettant de réaliser des clichés plusspontanés et plus proches du sujet, ce qui étaitjusque-là impossible avec les appareils de tailleplus importante, lents et encombrants. C’est d’ail-leurs grâce à ce Leica que Capa pourra être leseul journaliste à immortaliser Léon Trotski donnantune conférence à Copenhague devant des étu-diants danois. En effet, grâce à la petite taille deson appareil (dissimulé dans sa poche), il avait puapprocher de la tribune alors que tous ses col-lègues avaient été refoulés, Trotski refusant d’êtrephotographié.

Robert Capa, Léon Trotski, le 27 novembre 1932,Copenhague

(premier reportage de Capa publié)

L’un des appareils de Robert Capavendu aux enchères en 2012

C’est à partir du mois d’août 1936 que Capa etsa compagne effectuent leur premier reportageen Espagne. Ils sont envoyés par le journal Vupour rendre compte des affrontements qui ontlieu dans plusieurs grandes villes depuis le débutdu putsch mené par Franco contre le gouverne-ment de la République espagnole (17 juillet). Laguerre civile vient de débuter. Lorsqu’ils arriventà Barcelone, ils découvrent surtout une guerre deposition, la ville ayant déjà été reprise par les ou-vriers militants de la Confédération Nationale duTravail (CNT) dont la détermination a obligé lesmilitaires à capituler. Ils réalisent alors une série deprises de vue du peuple en armes (miliciens desdifférentes factions politiques et civils volontairesvêtus d’uniformes hétéroclites) et rentrent enFrance à la fin du mois de septembre.

Robert Capa .2



Capa, quasi-inconnu un an auparavant, est alors engagé par le journal Ce soir, quotidien dirigé parLouis Aragon. Il est alors libre de choisir les sujets de ses reportages. Il fera ainsi de nombreux aller-retours entre la France et l’Espagne de mars 1937 au début de 1939 dont un séjour à Bilbao du 3 au17 mai 1937.

No pasarán ! Ils ne passeront pas !

La photo de la banderole portant ce slogan prise parChim (David Seymour) à Madrid, fera le tour du monde. Encet hiver glacial de 1936, le mot d’ordre inventé par Do-lores Ibárruri, « la Pasionaria », enflamme les défenseurs dela République espagnole. Les volontaires des Brigades In-ternationales affluent en Espagne pour barrer la route auxfascistes. Ils sont aux premiers rangs. Le magazine Regardsengage Capa pour qu’il prenne des clichés de cette ba-taille de Madrid. Du 18 novembre au 5 décembre, le pho-tographe réalisera de véritables récits photographiques,alliant prises de vues et textes, qui restent, de nos jours, unmodèle pour les photojournalistes du monde entier. Pre-nant tous les risques, accompagnant les combattants, ilrépondit à un général qui voulait l’empêcher de monteren première ligne : “Je suis correspondant de guerre, je nefais pas des cartes postales !”

Le travail de Capa est repris dans des magazines du monde entier. Jamais encore n’avait été pu-bliée, sur une période aussi courte, une telle quantité de clichés d’un même photographe. Sa longuesérie de visages de combattants permet aux lecteurs de s’identifier à ces hommes et à ces femmesqui bien souvent n’avaient que leur courage à opposer aux forces nationalistes alliées aux troupesallemandes et italiennes.

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Chim (David Seymour)Madrid, 1936

photos réalisées par Capa en 1936



Robert Capa

Bilbao, Mai 1937

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Bilbao, Mai 1937

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Durant le printemps 1937, le région de Bilbao fut le théâtre de nombreux combats entre Républicainset fascistes. Bilbao était la capitale de la communauté autonome basque établie par la Républiqueespagnole depuis le commencement de la guerre. Cette autonomie avait été octroyée en échangede l'appui des nationalistes basques, organisés dans l'armée basque (Euzko Gudarostea). Le gouver-nement basque avait organisé un système de défense statique, appelé « Ceinture de Fer », construitesur le modèle de la ligne Maginot en France et destinée plus spécifiquement à la défense de Bilbao.Cette ligne de défense résista plusieurs mois aux assauts des troupes nationalistes, mais ne put empê-cher les bombardements quotidiens de la ville conséquence de la tactique de terreur de masse déci-dée par la général allemand Von Richthofen et l’état-major de Franco (bombarder “sans égards pourla population civile”). La ville capitula en juin 1937.

“Bilbao. Les sirènes d’alerte rythment la vie des habi-tants. Un hurlement prolongé pour t’annoncer l’ap-proche des bombardiers. Trois sonneries courtes pourt’indiquer leur présence au-dessus de la ville.Il peut y avoir jusqu’à vingt alertes par jour. Tu ne peuxpas à chaque fois trouver un sous-sol, t’abriter sous unpont ou descendre dans un tunnel. Quinze à vingt foispar jour, avec tes enfants.Alors le plus souvent, tu prends une couverture et tu teblottis contre des sacs de sable, un chapeau de papier

Bilbao, la résistance Basque aux troupes nationalistes

Bataillon anarchiste basque, 1936

sur la tête pour te protéger du soleil, pensant à la sécu-rité des refuges aménagés dans les chambres-fortesdes banques dans lesquels tu ne seras jamais admis.Lorsque retentissent ces trois sonneries, la populationaffolée, hystérique, abandonne les rues. Dans la ville,ne résonnent plus que les tirs des policiers qui pressentles retardataires vers les abris.”

Robert Capa, Extrait de la lettre accompagnant lesrouleaux de pellicule envoyés au journal Regards.

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Républicaine défendant Bilbao, 1937



Analyse comparative

Léon Cogniet

Scène du massacre des Innocents1824

Huile sur toile, 265 x 235 cmMusée des Beaux-Arts de Rennes

Repères, s’interroger sur :

Espace abritant la scène : éléments visibles, signification, traitement du fond, rôle de lalumière/de l’ombre, perspective et profondeur

Personnages se retrouvant dans les deux tableaux : postures, vêtements, positions rela-tives, relation entre chacun d'eux, statisme/dynamisme...

Les représentations de la mère et de l’enfant : attitudes, postures, attributs, expressions,situation dans l’image (rapport au cadre)

Autres personnages : description, rôle Sujet des images, rôle et place du spectateur Les lignes de composition

“Si dans un premier temps on s’attache plutôt à l’analyse d’une œuvre, de façon à faire émergerdes représentations, du ressenti et des hypothèses, l’analyse comparative de deux œuvres (voireplus) permet dans un deuxième temps de travailler par analogies (ressemblances et différences), etde faire émerger plus facilement des procédés et les intentions de l’artiste.Dans ce cadre, l’enseignant attire l’intention des élèves sur des points particulièrement significatifs del’œuvre (l’histoire qui est racontée, un procédé, une intention…) en posant des questions plus pré-cises.La discussion autour de la deuxième œuvre permet souvent de valider certaines hypothèses liées àl’analyse de la première et de faire émerger au sein de la classe des visions et des points de vues dif-férents.”

Texte extrait de la fiche « L’analyse comparative » du site PREAC :http://preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/out.pra/metho/l_analyse_comparative.pdf

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Robert Capa

Bilbao, Espagne, Mai 1937Gélatine argentique sur papier

30 x 38,4 cm

Robert Capa .5

“Capa pouvait montrer l’horreur d’un peupletout entier à travers le visage d’un seul enfant.”

John Steinbeck



1966-1994

Premières photographiesde presse : Roger Fenton,

reportage sur la Guerre deCrimée

1856

O'Sullivan dans son reportage" La moisson de la mort ", im-

mortalise, la terrible bataille deGettysburg.

1863 1947 1967

Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, David Seymour, WilliamVandivert et George Rodger fon-dent l’agence coopérative Ma-

gnum Photos.

Raymond Depardonet Gilles Caron fondent

l'agence Gamma

1938,Bataille de l’Ebre

Renvoi des Brigadesinternationales(novembre)

1937, Bombarde-ment de Guerni-ca (26 avril)

1936, Encerclement deMadrid (décembre)

1936, Le Frente Popularremporte les élections en

Espagne (16 février)

Repères historiques

1936, Putsch militaire dirigépar le général Franco

(17 juillet)

Robert Capa assis sur un tank1938

Carte de photographe de presse établit,à Mr Cappa (!) par le journal Ce Soir

Citations

“Ce Soir possédait la meilleur équipe de photographes…C’étaient des amis de Cartier, ce Cartier-Bresson dont jedisais que c’était le plus grand photographe de cetemps-là. Nous avions pu, grâce à lui, envoyer à Madridune équipe extraordinaire. De tous les points de vue.Aussi bien politique, le sens aigu de ce qui allait frapperl’imagination… que pour la photo elle-même… l’art dela photo, l’avant-garde de de temps-là… Et puis casse-cou, hein !Le courage… Robert Capa, Gerda Taro, Chim...”

Louis Aragon, Les lettres françaises, 1954

“Son travail est aussi reconnaissable que lestoiles d’un grand maître. Capa savait ce qu’ilcherchait et que faire pour le trouver. Il savait parexemple, qu’on ne peut pas photographier laguerre, parce qu’elle est essentiellement uneémotion. Mais il est parvenu à photographiercette émotion en la côtoyant de très près. Sonappareil photo captait l’émotion et la restituait”

John Steinbeck, Popular Photography, 1954

Gilles Peress et DonMcCullin couvrent lesconflits de l’Irlande du

Nord au Rwanda

1939, Franco installeune dictature qui dure-

ra 36 ans.

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Le photojournalisme

“Ces clichés constituent indubitablement une des meilleures démonstrations du rôle de RobertCapa durant la guerre d’Espagne et de sa conception d’une photographie qui prétend être à lafois un témoignage et une arme, ou plus exactement une arme parce qu’elle est un témoignage.”

Carlos Serrano, 1979 (propos sur les reportages réalisés lors de la guerre civile espagnole)

Pratique plastique : réaliser des instantanés

“L’instantané photographique se définit en opposition de la photographie posée, et recouvre parhypothèse, les conditions qui permettent d’enregistrer un sujet “sur le vif”, sans préparation ni mise enscène préalable, dans la vérité de son apparition. Cette dimension est évidemment celle qui fait lemieux apercevoir, sous le recours au terme d’instantané, la référence implicite à une esthétique.Celle-ci ne décrit donc pas seulement une pose brève, mais son application à un certain type desujet, dans certaines conditions de prise de vue. Le genre de captation que vise dès l’origine le pro-jet de la photographie instantanée n’est autre que celle recommandée par Léonard pour l’étudesur le vif, soit une capacité d’enregistrement immédiate d’un sujet d’occasion.”

André Gunthert, La photographie instantanée comme genre, 2001.


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Réaliser des instantanés permet aux élèves de se con-centrer sur la recherche de moments fugaces qui ac-compagnent la vie scolaire.Des prises de vues doivent être effectuées chaque jourdans différents lieux (classe, cour, sorties…) à différentsmoments.Les appareils photos sont distribués, chaque demi-journée, à des élèves qui auront toute latitude pour pren-dre des clichés de leurs camarades à leur insu : l’instanta-né photographique essayant, dans la mesure du pos-sible, de s’affranchir des poses et autres regards dirigésvers l’appareil. Les élèves commenceront leur série dephotos par un autoportrait qui permettra ensuite de sesouvenir de son auteur. Les images seront réunies sous laforme de planches contact annotées, facilitant l’analyseet le choix des plus pertinentes. L’ensemble de ce travailsera intégré au carnet photographique individuel,

L’un des carnets photographiques de Ca-pa réunissant, au format planche contact,des clichés de la guerre d’Espagne

Photographies effectuées par des élèves de CM2

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La banque d’images

Robert Capa

Abrités dans une station de métropendant un bombardement

Madrid, 1936Robert Capa

Front de CordoueSeptembre 1936

Robert Capa

L’adieu aux Brigades internationalesBrigadiste italien

1938

Page du journalBrigades Internationales

1937

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La Lucha del pueblo espaňol por su libertad,Londres,1937



Robert Capa

Enfant fuyant les combatsCassino

Italie, janvier 1944

Hans Namuth

Cerro Murano, 1936

Robert Capa

Centre d’accueil pourréfugiés civils

Barcelone, janvier1939

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“J'espère rester au chômage en tant quephotographe de guerre jusqu’à la fin de ma vie.”

Robert Capa, 1946

Robert Capa et sa compagne Gerda Tarose dirigeant vers la zone de combat.

Robert Capa

Discours du général deGaulle après la libération

de la villeChartres, 23 août 1944

Capturer les émotions des enfants pris dans la tourmente de la guerre ou participant, en temps depaix, à des moments historiques constitua un des axes majeurs du travail photographique de Capa.

Robert Capa

Un officier américain avec des orphelinesde guerre « adoptées » par son unité

Londres, janvier 1943

Robert Capa

Rue de Madrid après un bombardementNovembre 1936

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Documents