aspergillose : du portage à la maladie

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ÉDITORIAL Aspergillose : du portage à la maladie GROUPE ECRIR* D e la colonisation aspergillaire à l’asper- gillose broncho-pulmonaire, il existe un continuum dépendant de l’intégrité des dé- fenses anti-infectieuses de l’arbre trachéobronchique. Cet éditorial est consacré aux aspects épidémiologiques, phy- siopathologiques et cliniques des pathologies aspergillai- res, bronchiques et pulmonaires chroniques nécrosantes, encore relativement peu connues. Il ne concerne pas : — les aspergilloses pulmonaires invasives, consécuti- ves aux immunodépressions profondes et durables de la chimiothérapie des leucémies, de la greffe de moelle os- seuse, des transplantations d’organes et du SIDA, — les aspergillomes résultant de la colonisation de ca- vités préexistantes, — les aspergilloses broncho-pulmonaires allergiques où l’agression est davantage de nature immunologique. En effet, les critères diagnostiques et la prise en charge thérapeutique de ces entités sont bien définies. ASPERGILLUS ET ENVIRONNEMENT Le rôle des champignons filamenteux ou moisissures, auxquels Aspergillus appartient, est d’intervenir dans la dégradation des matières organiques végétales. Les moi- sissures poussent sous forme de filaments, ou mycélium, puis forment des spores suivant les conditions biotiques du milieu. Ces spores sont ensuite disséminées par l’air ou par l’eau. Dans des conditions favorables, la spore donne de nouveau naissance au filament. C’est l’organi- sation des fructifications aboutissant à la production de spores qui permet de différencier les espèces entre elles. Les champignons du genre Aspergillus ne représentent en général que 2 à 3 % de ces moisissures. Il existe une grande variabilité des concentrations dans le milieu exté- rieur en fonction des conditions climatiques, des saisons, de la végétation locale, avec possibilité de « nuages » transitoires. Aspergillus est ubiquiste : il peut donc être retrouvé dans les bâtiments, hôpitaux ou domiciles pri- vés, les spores étant remises en suspension lors de tra- vaux ou de certaines activités. Certaines professions sont particulièrement exposées à l’inhalation de fortes concentrations (manipulation de compost, de foin moisi) (fig. 1). Il existe donc un paradoxe entre exposition constante mais faible à Aspergillus, dans des circonstances norma- les, par rapport aux autres moisissures et le quasi mono- pole en pathologie humaine réservé à Aspergillus fumi- gatus. Cette espèce représente 80 % à 90 % des infections aspergillaires pulmonaires ou bronchiques, le reste étant dévolu à A. flavus, A. terreus, A. niger ou A. nidulans parmi les quelques 180 espèces d’Aspergillus connues. Cette préséance est moins nette pour les sinusi- tes où A. flavus est fréquent et pour les otites externes où A. niger prédomine. A. fumigatus n’en reste pas moins un agent infectieux opportuniste. Son pouvoir pathogène peut s’expliquer en partie par ses faibles exigences nutritionnelles et sa grande tolérance thermique (croissance très facile à 37 °C contrairement à la plupart des moisissures) ainsi que la petite taille de ses spores, ou conidies (2-3 μm de diamètre), qui lui permet d’atteindre les alvéoles pulmo- naires. Ses facteurs de virulence sont cependant multifac- toriels. Les études de génotypage ont révélé un énorme poly- morphisme des populations d’A. fumigatus dont l’ex- haustivité est illusoire. Elles ont montré qu’il n’existe pas de génotypes systématiquement associés à la maladie as- pergillaire et a fortiori à un type donné de pathologie. Par ailleurs, en raison de la forte résistance des spores dans le milieu extérieur et de leur forte dispersion par les mouvements d’air, un génotype donné peut persister au même endroit pendant plusieurs mois et/ou être détecté à des endroits différents au même moment. Ainsi, lors d’infections en milieu hospitalier, s’il est licite de recher- *Groupe ECRIR (Entretiens du Club de Réflexion sur l’Infection Respira- toire) créé sous l’égide de l’Institut Maurice-Rapin, avec la participation de : D. BENHAMOU, G. BRAMI, J.-L. COUDERC, J. GAILLAT, J.-P. GHANASSIA, C. MAYAUD, P. PETITPRETZ, B. SCHLEMMER, P.VEYSSIER, membres du groupe. Experts intervenants : S. BRETAGNE, P. GERMAUD, R. GRILLOT, D. ISRAEL-BIET, B. PHILIPPE. Invité : J.-P. BRION. Avec le soutien des Laboratoires Glaxo Smith Kline. Tirés à part : C. Mayaud, Service de Pneumologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris. E-mail : [email protected] Mots-clés : Aspergillose bronchique. Aspergillose pulmonaire chronique nécrosante. Diagnostic microbiologique. Diagnostic sérologique. Thérapeutique. © Masson, Paris, 2004 REV. PNEUMOL. CLIN., 2004, 60, 1-4-10

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ÉDITORIAL

Aspergillose : du portage à la maladie

GROUPE ECRIR*

D e la colonisation aspergillaire à l’asper-gillose broncho-pulmonaire, il existe uncontinuum dépendant de l’intégrité des dé-

fenses anti-infectieuses de l’arbre trachéobronchique. Cetéditorial est consacré aux aspects épidémiologiques, phy-siopathologiques et cliniques des pathologies aspergillai-res, bronchiques et pulmonaires chroniques nécrosantes,encore relativement peu connues. Il ne concerne pas :

— les aspergilloses pulmonaires invasives, consécuti-ves aux immunodépressions profondes et durables de lachimiothérapie des leucémies, de la greffe de moelle os-seuse, des transplantations d’organes et du SIDA,

— les aspergillomes résultant de la colonisation de ca-vités préexistantes,

— les aspergilloses broncho-pulmonaires allergiquesoù l’agression est davantage de nature immunologique.

En effet, les critères diagnostiques et la prise en chargethérapeutique de ces entités sont bien définies.

ASPERGILLUS ET ENVIRONNEMENT

Le rôle des champignons filamenteux ou moisissures,auxquels Aspergillus appartient, est d’intervenir dans ladégradation des matières organiques végétales. Les moi-sissures poussent sous forme de filaments, ou mycélium,puis forment des spores suivant les conditions biotiquesdu milieu. Ces spores sont ensuite disséminées par l’airou par l’eau. Dans des conditions favorables, la sporedonne de nouveau naissance au filament. C’est l’organi-sation des fructifications aboutissant à la production despores qui permet de différencier les espèces entre elles.

Les champignons du genre Aspergillus ne représententen général que 2 à 3 % de ces moisissures. Il existe unegrande variabilité des concentrations dans le milieu exté-rieur en fonction des conditions climatiques, des saisons,de la végétation locale, avec possibilité de « nuages »transitoires. Aspergillus est ubiquiste : il peut donc êtreretrouvé dans les bâtiments, hôpitaux ou domiciles pri-vés, les spores étant remises en suspension lors de tra-vaux ou de certaines activités. Certaines professions sontparticulièrement exposées à l’inhalation de fortesconcentrations (manipulation de compost, de foin moisi)(fig. 1).

Il existe donc un paradoxe entre exposition constantemais faible à Aspergillus, dans des circonstances norma-les, par rapport aux autres moisissures et le quasi mono-pole en pathologie humaine réservé à Aspergillus fumi-gatus. Cette espèce représente 80 % à 90 % desinfections aspergillaires pulmonaires ou bronchiques, lereste étant dévolu à A. flavus, A. terreus, A. niger ou A.nidulans parmi les quelques 180 espèces d’Aspergillusconnues. Cette préséance est moins nette pour les sinusi-tes où A. flavus est fréquent et pour les otites externes oùA. niger prédomine.

A. fumigatus n’en reste pas moins un agent infectieuxopportuniste. Son pouvoir pathogène peut s’expliquer enpartie par ses faibles exigences nutritionnelles et sagrande tolérance thermique (croissance très facile à37 °C contrairement à la plupart des moisissures) ainsique la petite taille de ses spores, ou conidies (2-3 μm dediamètre), qui lui permet d’atteindre les alvéoles pulmo-naires. Ses facteurs de virulence sont cependant multifac-toriels.

Les études de génotypage ont révélé un énorme poly-morphisme des populations d’A. fumigatus dont l’ex-haustivité est illusoire. Elles ont montré qu’il n’existe pasde génotypes systématiquement associés à la maladie as-pergillaire et a fortiori à un type donné de pathologie.Par ailleurs, en raison de la forte résistance des sporesdans le milieu extérieur et de leur forte dispersion par lesmouvements d’air, un génotype donné peut persister aumême endroit pendant plusieurs mois et/ou être détecté àdes endroits différents au même moment. Ainsi, lorsd’infections en milieu hospitalier, s’il est licite de recher-

*Groupe ECRIR (Entretiens du Club de Réflexion sur l’Infection Respira-toire) créé sous l’égide de l’Institut Maurice-Rapin, avec la participation de : D.BENHAMOU, G. BRAMI, J.-L. COUDERC, J. GAILLAT, J.-P. GHANASSIA,C. MAYAUD, P. PETITPRETZ, B. SCHLEMMER, P. VEYSSIER, membres dugroupe. Experts intervenants : S. BRETAGNE, P. GERMAUD, R. GRILLOT,D. ISRAEL-BIET, B. PHILIPPE. Invité : J.-P. BRION.Avec le soutien des Laboratoires Glaxo Smith Kline.

Tirés à part : C. Mayaud, Service de Pneumologie, Hôpital Tenon, 4, rue de laChine, 75020 Paris.E-mail : [email protected]

Mots-clés : Aspergillose bronchique. Aspergillose pulmonaire chroniquenécrosante. Diagnostic microbiologique. Diagnostic sérologique. Thérapeutique.

© Masson, Paris, 2004 REV. PNEUMOL. CLIN., 2004, 60, 1-4-10

cher la présence de cette moisissure dans l’environne-ment immédiat des patients, le génotypage ne permet pasde prouver ou d’infirmer une contamination nosocomialeou communautaire, dans la mesure où la durée d’incuba-tion des maladies aspergillaires est inconnue. Schémati-quement, un patient présentant une infection invasivesera en général infecté par un seul génotype, alors quedes patients colonisés seront porteurs de plusieurs géno-types, soit simultanément, soit séquentiellement.

ASPERGILLUS ET DÉFENSES LOCALESANTIFONGIQUES

Face à cette inhalation quotidienne de conidies (spo-res), l’organisme dispose de deux systèmes de défense :inné et adaptatif, le premier jouant le rôle majeur chezl’hôte immunocompétent.

Le système inné

Il comporte trois composants.

— L’épithélium bronchique, qui constitue une barrièrephysique et sécrète plusieurs composants essentiels, no-tamment les défensines, exprimées de façon constitutivemais aussi stimulables, ayant un pouvoir fongicide puis-sant. Les cellules épithéliales secrètent également le mu-

cus, permettant d’une part de piéger les conidies etd’autre part de les livrer à l’action de l’escalator mucoci-liaire qui les dirige vers l’oropharynx, chargé de les éli-miner. Ce système, très efficace pour toutes les particulessupérieures à 5 μm, peut être pris en défaut par les coni-dies dont la taille moyenne est de 2 à 4 μm.

— Des médiateurs solubles et des cellules phagocy-taires, qui sont immédiatement sollicités lorsque les co-nidies atteignent l’alvéole :

• le surfactant, et en particulier ses composants SP-Aet SP-D, est le plus important des médiateurs solubles ;dans ce contexte, son rôle essentiel est d’opsoniser lesparticules et d’en faciliter la phagocytose, tout en stimu-lant les mécanismes de fongicidie ;

• les macrophages alvéolaires résidents occupent lepremier rang des cellules phagocytaires et sont aptes àphagocyter les pathogènes et tuer les conidies (spores) ;les polynucléaires neutrophiles sont susceptibles d’êtrerecrutés très rapidement, par l’intermédiaire entre autresdu TNF alpha et des chimiokines, de phagocyter les pa-thogènes et de tuer les hyphes (filaments).

— Les cellules dendritiques, qui se situent à l’inter-face des défenses innées et de l’immunité adaptative. El-les sont également dotées d’un fort pouvoir phagocytairemais ont de surcroît la capacité de dégrader les antigèneset de les présenter sous forme peptidique aux cellules Tspécifiques.

Fig. 1. — Expositions humaines à Aspergillus species.

5ASPERGILLOSE : DU PORTAGE À LA MALADIE

L’immunité adaptative

Elle comporte deux volets : humoral et cellulaire. Onne connaît pas, à l’heure actuelle, le rôle éventuellementprotecteur des anticorps anti-aspergillaires. L’immunitécellulaire repose sur la dichotomie fonctionnelle des cel-lules CD4 inductrices de l’immunité en deux voies mu-tuellement exclusives. La voie Th-1 est caractérisée parla production d’IFN gamma et d’IL-2. Le rôle essentielde cette voie est d’activer la fongicidie des cellules pha-gocytaires. La voie Th-2 est caractérisée par sa capacité àsécréter IL-4 et IL-10. Dans la mesure où elle inhibedirectement la fongicidie mais aussi la voie Th-1, cettevoie est habituellement fortement délétère dans cecontexte.

L’efficacité de ce réseau

Elle repose sur la dynamique de production de cesmédiateurs et sur leurs proportions relatives.

La défaillance des défenses innées est vraisemblable-ment le mécanisme essentiel des pathologies bronchiqueset de l’aspergillose pulmonaire chronique nécrosante.Chez les patients souffrant d’une défaillance des défen-ses innées, comme les patients atteints de BPCO, l’insti-tution d’une corticothérapie prolongée et/ou à forte dose,ainsi que l’existence d’autres facteurs de risque (diabète,cirrhose) majorent la défaillance des défenses innées, su-rajoutent une défaillance de l’immunité adaptative, etpeuvent conduire à l’évolution de ces pathologies locali-sées vers l’aspergillose invasive.

ASPERGILLUS ET PATHOLOGIEBRONCHOPULMONAIRE :ASPECTS ANATOMO-CLINIQUES

— La colonisation bronchique prolongée, survenantessentiellement chez des patients ayant une détériorationde la clairance muco-ciliaire, n’est pas une maladie, maispeut représenter un facteur de risque d’infection aspergil-laire ou d’aspergillose broncho-pulmonaire allergique.Sa signification pronostique à long terme n’a pas été étu-diée.

— Les infections sur sutures bronchiques sont dues àl’adhérence d’Aspergillus sur des fils intrabronchiques desoie, voire de nylon, responsables de la formation degranulomes ou d’une nécrose superficielle. Elles nécessi-tent un traitement local de la cicatrice, le plus souventpar laser N Yag.

— La bronchite aspergillaire est une entité plus rare,autonome, entraînant une symptomatologie bronchiqueprolongée handicapante.

— Les aspergilloses trachéo-bronchiques nécrosantesou pseudo-membraneuses et les aspergilloses pulmonai-res chroniques nécrosantes (APCN) ont jusqu’alors étéclassées dans les formes d’aspergilloses semi-invasivesmais doivent être maintenant individualisées (tableau I).

La colonisation bronchique représente un préalableaux autres formes d’infection. Le passage à la maladiebroncho-pulmonaire dépend de l’environnement (riches-ses en spores aspergillaires), de l’hôte (maladie broncho-pulmonaire chronique), ou de facteurs connexes (infec-tion virale ou bactérienne intercurrente, corticothérapiesystémique à faible dose par voie générale, ventilationassistée sur intubation, ...).

Le diagnostic entre ces différentes formes n’est pastoujours facile. Comment distinguer une simple colonisa-tion bronchique aspergillaire, ne justifiant qu’une sur-veillance chez un patient non immunodéprimé, d’unebronchite aspergillaire relevant d’un traitement local parkinésithérapie et/ou aspiration bronchique et souventd’un traitement antifongique ?

— la clinique seule permet d’orienter le diagnostic(tableau I) ;

— l’imagerie est habituellement normale ou peu infor-mative dans les formes bronchiques ;

— la tomodensitométrie peut, dans certaines asper-gilloses trachéo-bronchiques nécrosantes ou pseudo-membraneuses, retrouver un épaississement trachéal oubronchique. Elle a une place importante dans le diagnos-tic d’APCN, montrant au niveau de localisations préfé-rentielles (lobes supérieurs, segments apicaux des lobesinférieurs), des aspects souvent évocateurs (infiltrat sou-vent excavé avec fréquents séquestres intracavitaires). Lediagnostic différentiel avec un aspergillome complexe estparfois difficile. Les facteurs favorisants locaux sontidentiques, les aspects radiologiques semblables avec ca-vité à paroi épaisse, épaississement pleural. Dans lesAPCN, on retrouve souvent une immunodépression mo-dérée (alcoolisme, diabète, corticothérapie), des signescliniques plus marqués (altération de l’état général, fiè-vre, douleurs thoraciques, hémoptysies), des signes ra-diologiques récents (apparition de nouvelles cavités ouextension de cavités préexistantes) et un syndrome in-flammatoire. Ceci étant, un aspergillome peut compli-quer l’évolution d’une cavité d’APCN ;

— la fibroscopie est l’élément principal du diagnosticd’une aspergillose trachéo-bronchique nécrosante oupseudomembraneuse révélée par une symptomatologiebronchique tenace associée souvent à des hémoptysies etdes douleurs thoraciques chez des patients ayant des fac-teurs de risque. Encore faut-il associer aux prélèvementshistologiques une recherche mycologique.

6 GROUPE ECRIR

Tableau I. — Aspects anatomo-cliniques de l’aspergillose broncho-pulmonaire.

Colonisationaspergillaire

Bronchiteaspergillaire

Infection de sutures Aspergillosetrachéo-bronchique

nécrosante oupseudo-membraneuse

Aspergillose pulmonairechronique nécrosante

Définition Au moins 2prélèvementspositifs : culture+,ED ±

Infectionbronchiquesuperficielleprolongée

Infectionbronchiquelocalisée sur filapparent

Infectionbronchiqueentraînant uneinfiltration et unenécrose de lamuqueusebronchique par lesfilaments

Infection parenchymateusepulmonaire d’évolution prolongée

Facteurs favorisants — Modification dela muqueuse :mucoviscidose+++, DDB ++,BCPO, asthmechronique— corticothérapiepar voie générale

Non connus,pathologiebronchiqueantérieure rarementrapportée,Atteinte ORLpossible,mucoviscidose

—antécédent delobectomie ou depneumectomie

— BCPO sévères+++, tabagisme,— séquelles deradiothérapie— endoprothèse— ventilationassistée sur tubeintra trachéal— infectionsvirales etbactériennespréalables,— cirrhoses,corticoïdes, diabète

— BCPO sévères +++,emphysème— Séquelles de tuberculose,radiothérapie— Sarcoïdoses, pneumoconiose,fibroses pulmonaires— Résections chirurgicale :pleurectomie— Pelvispondilite rhumatismale— Infections virales etbactériennes préalables,—Infarctus pulmonaire— Facteurs généraux :Immunodépression modérée,corticoïdes par voie générale àpetite dose, diabète, cirrhose

Clinique Découverte fortuite Moulesbronchiques± hémoptysies± douleurs ± AEG± fièvre prolongée

AsymptomatiqueToux ±hémoptysies

Altération de l’étatgénéral ± douleurs± hémoptysies,fièvre, dyspnée

Sévérité, AEG +++, expectorationbrunâtre, douleurs ± hémoptysies,fièvre, dyspnée

Radiologie, TDM Non spécifique NormaleAtélectasiespossibles

Non spécifique Epaississementtrachéo-bronchiquepossible (TDM)

Lobes supérieurs et segmentsapicaux des lobes inférieursInfiltrat, excavation à paroiépaisse, épaississement pleural,pachypleurite

Endoscopie Non spécifique Muqueuseinflammatoire

Granulation etdépôt blanchâtre(pseudomembrane) sur lamuqueuse et le fil

Aspect ulcéré de lamuqueuse,hémorragie, Pseudomembrane delocalisée à étendue

Bronches inflammatoires

Histologie Non spécifique Inflammation, nonspécifique, nonéosinophilique,sans nécrose et sansfilaments

Envahissementsuperficiel,granulome

Nécrose muqueuse,avec envahissementde la muqueuse pardes filaments

Envahissement du parenchymepar des filamentsNécrose parenchymateuse sansatteinte vasculaireInflammation chronique ±granulomes tuberculoïdes sansnécrose

Mycologie— Expectoration +++ +++ ± ++ ++— AET ++ +++ +++ +++ ++— LBA ± ± – ± +++— Sérologie (IEP) ± ± ± ++ +++Biologie nonspécifique— CRP Normale Normale ou

augmentéeNormale Augmentée Augmentée

— Neutrophilie Normale Normale ouaugmentée

Normale Augmentée Augmentée

Traitementsystémiqueantifongique

Non recommandé Oui (évaluationlimitée)

Non, traitementendoscopique(ablation du fil)

Oui, indicationvalidée

Oui, indication validée

— Durée 1 à 3 mois 1 à 3 mois 3 à 6 mois, chirurgiecomplémentaire

ED : examen direct ; BCPO : bronchopathies chroniques obstructives ; IEP : immunoélectrophorèse ; AET : aspiration endotrachéale ;LBA : lavage broncho-alvéolaire ; CRP : C réactive protéine.

7ASPERGILLOSE : DU PORTAGE À LA MALADIE

ASPERGILLUS ET PATHOLOGIEBRONCHO-PULMONAIRE :DIAGNOSTIC MICROBIOLOGIQUE

Chez le patient immunocompétent, ce diagnostic re-pose sur l’association des résultats mycologiques et séro-logiques qui doivent être interprétés en fonction ducontexte clinique, de la nature et de la qualité du prélève-ment.

Les recherches d’Aspergillus

Elles doivent impérativement comporter deux étapes.

— L’examen microscopique direct d’un prélèvementrespiratoire a pour but de mettre en évidence les fila-ments. Leur présence signe au minimum un défaut declairance mucociliaire. En effet, si le délai de 24-48 heu-res, nécessaire à l’épuration des voies aériennes hautes,est théoriquement suffisant pour permettre à la spore degermer (minimum 8-12 heures in vitro dans des condi-tions optimales), cette germination est considérablementretardée in vivo en raison des molécules antifongiquessecrétées par l’épithélium (voir plus haut, paragraphe dé-fenses immunes non spécifiques). Le simple examen bac-tériologique (Gram) n’est pas adapté à la recherche defilaments mycéliens. Un examen au microscope à faiblegrossissement avec des colorations spécifiques pour leschampignons (fluorescence avec agent clarifiant, colora-tions par imprégnation à l’argent et/ou PAS) sont néces-saires pour que la sensibilité de l’examen soit suffisante.Le résultat peut être obtenu quelques heures après la réa-lisation du prélèvement.

— La culture d’A. fumigatus est en général obtenueen 2-3 jours à 37 °C. Isolément, une culture positive nepeut exclure la présence fortuite d’une spore dans le pré-lèvement, voire d’une contamination à partir de l’envi-ronnement. Elle doit être confrontée aux données del’examen direct. La multiplicité des prélèvements positifs(répétition des expectorations, positivité des prélève-ments bronchiques et alvéolaires) est un bon argumentpour exclure la présence fortuite du champignon. Seulela culture avec observation des fructifications permetl’identification de l’espèce fongique isolée et permet par-fois d’incriminer d’autres espèces de moisissures (détec-tion de Fusarium sp., Scedosporium sp., mucorales).L’isolement des champignons en culture nécessite l’en-semencement de milieux spéciaux additionnés d’antibio-tiques, surtout si les prélèvements contiennent des bacté-ries capables d’envahir les milieux de cultures(Pseudomonas). La conservation des milieux s’imposependant une semaine au moins, certains champignons nes’exprimant que tardivement. Il n’existe pas de seuilquantitatif permettant de différencier colonisation d’in-fection. Cependant, la richesse de la culture est un élé-

ment pouvant participer à la décision clinique. A l’in-verse, la négativité d’une culture ne peut écarterdéfinitivement la responsabilité du champignon dans lestroubles observés. Les raisons de cette négativité, mêmelorsque les examens directs ou histologiques sont posi-tifs, sont multiples (qualité du prélèvement et des condi-tions de culture, traitements antifongiques antérieurs...).

Les sérologies

Chez le sujet immunocompétent, l’infection aspergil-laire se traduit par l’apparition d’anticorps qualitative-ment et quantitativement variables selon la maladie as-pergillaire. C’est pourquoi la recherche d’anticorps doitcomporter deux méthodes : une pour rechercher les pré-cipitines (IgG) et une deuxième plus sensible pour détec-ter des anticorps plus précoces (IgM, IgG). La présencede précipitines par électrosynérèse, effectuée en premièreintention, et confirmée par immunoélectrophorèse signegénéralement l’infection. Le nombre d’arcs (seuil : 3-4arcs) et/ou la présence d’arcs supportant des activités re-marquables (catalase, chimotrypsine) sont à prendre encompte pour l’interprétation. Les méthodes plus sensi-bles ne sont pas encore standardisées (ELISA, hémagglu-tination, immunofluorescence indirecte). Cependant leurpositivité constitue une alerte pour le suivi du patient.

Les sujets immunocompétents non colonisés peuventavoir des taux faibles d’anticorps sans signification pa-thologique, d’où l’importance de la coopérationclinicien-biologiste pour l’interprétation des résultats.Etant donnée la cinétique lente des anticorps (précipiti-nes notamment), ces méthodes sérologiques ne peuventconstituer un élément de prise de décision pour l’arrêtthérapeutique.

La détection d’antigènes circulants, dont seul le galac-tomannane est pour l’instant commercialisé (Platellia As-pergillust, Biorad), n’est validée que pour l’aspergilloseinvasive en onco-hématologie, ce qui lui a valu d’êtreincorporée dans les critères diagnostiques de cette infec-tion, à l’inverse de la PCR. La recherche de galactoman-nane dans les prélèvements respiratoires n’a pas, pourl’instant, d’intérêt prouvé pour le patient non immunodé-primé.

Interprétation des résultats

Les résultats mycologiques doivent être analysés et in-terprétés en fonction des données cliniques.

— En l’absence de terrain à risque et/ou de signescliniques évocateurs, un examen positif d’expectorationpour Aspergillus doit faire évoquer :

• une contamination (rare),

8 GROUPE ECRIR

• un germe en transit (contamination de l’environne-ment),

• une colonisation sinusienne ou bronchique.

— En présence d’un terrain à risque et/ou de signescliniques évocateurs, la valeur diagnostique de la pré-sence d’Aspergillus est d’autant plus importante que :

• l’examen direct retrouve des filaments ramifiés,• plusieurs prélèvements sont positifs,• les prélèvements positifs sont profonds : (prélève-

ment distal, LBA, brossage),• les cultures sont riches et poussent rapidement.

La valeur diagnostique d’une ponction parenchyma-teuse transpariétale est formelle, mais cette procédure in-vasive n’est proposée qu’en cas de suspicion d’asper-gillose pulmonaire chronique nécrosante avec LBAnégatif.

La sérologie, essentiellement l’immunoélectrophorèse,est habituellement positive lors des aspergilloses trachéo-bronchiques et pulmonaires chroniques nécrosantes.

ASPERGILLOSE BRONCHO-PULMONAIRE :ASPECTS THÉRAPEUTIQUES

Dans ces aspergilloses, les recommandations thérapeu-tiques proposées reposent sur des études rétrospectives,des cas cliniques isolés ou des avis d’experts. Il n’y a pasd’étude prospective comparative. Contrairement, aux as-pergilloses pulmonaires invasives, les critères diagnosti-ques et évolutifs ne sont pas standardisés.

Une simple colonisation et, à plus forte raison, un por-tage transitoire ne relèvent d’aucune thérapeutique anti-fongique, mais d’une surveillance et d’une meilleureprise en charge de l’affection favorisante.

Le traitement antifongique de la bronchite aspergil-laire peut être proposé, mais son évaluation reste à cejour limitée.

Les formes chroniques trachéo-bronchiques et pulmo-naires nécrosantes sont des indications formelles aux an-tifongiques systémiques. Les médicaments les mieuxévalués sont l’amphotéricine B IV et l’itraconazole. Lesnouveaux antifongiques (voriconazole, caspofongine)n’ont pas été étudiés dans ces indications.

Les posologies correspondent à celles utilisées lors dutraitement des aspergilloses invasives et les durées detraitement ne sont pas précisées dans l’APCN. L’évolu-tion peut être évaluée par endoscopie en cas de lésionsbronchiques.

Dans l’APCN, le traitement apporte une améliorationradio-clinique, mais l’éradication fongique est rare. Ilpeut être nécessaire d’associer l’injection in situ d’am-photéricine B ou une exérèse chirurgicale.

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9ASPERGILLOSE : DU PORTAGE À LA MALADIE

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10 GROUPE ECRIR