association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du québec le droit de surveillance de...

104
Association professionnelle des ingénieurs Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de Le droit de surveillance de l’employeur et l’utilisation des l’employeur et l’utilisation des réseaux sociaux : le juste réseaux sociaux : le juste équilibre entre la protection des équilibre entre la protection des droits du salarié et le droit de droits du salarié et le droit de gérance de l’employeur gérance de l’employeur Par Jean-Luc Dufour, avocat 12 mars 2013

Upload: arienne-bertin

Post on 04-Apr-2015

115 views

Category:

Documents


10 download

TRANSCRIPT

Page 1: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

Association professionnelle des ingénieursAssociation professionnelle des ingénieursdu Gouvernement du Québecdu Gouvernement du Québec

Le droit de surveillance de Le droit de surveillance de l’employeur et l’utilisation des l’employeur et l’utilisation des

réseaux sociaux : le juste équilibre réseaux sociaux : le juste équilibre entre la protection des droits du entre la protection des droits du salarié et le droit de gérance de salarié et le droit de gérance de

l’employeurl’employeurPar

Jean-Luc Dufour, avocat

12 mars 2013

Page 2: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

22

Introduction :Introduction :

1.1. Quelques notions de présentation :Quelques notions de présentation :

1.11.1Situations et moyens de surveillance pouvant Situations et moyens de surveillance pouvant opposer les droits de l’employeur et ceux du opposer les droits de l’employeur et ceux du salarié en matière de surveillance :salarié en matière de surveillance :

● installation de caméras sur les lieux de travail;

● surveillance hors des lieux de travail;

● surveillance des conversations téléphoniques;

● surveillance de l’utilisation des équipements informatiques (courriels et utilisation du web);

● surveillance par GPS;

● surveillance biométrique.

Page 3: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

33

1.2 La situation particulière de l’utilisation de Facebook :

« Facebook est un réseau social sur Internet permettant à toute personne possédant un compte de créer son profil et d’y publier des informations, dont elle peut contrôler la visibilité par les autres personnes, possédant ou non un compte. L’usage de ce réseau s’étend du simple partage d’informations d’ordre privé (par le biais de photographies, liens, textes, etc.) à la constitution de pages et de groupes visant à faire connaître des institutions, des entreprises ou des causes variées. L’intégralité des informations publiées sur ces deux supports, à l’inverse du profil, peut être consultée par n’importe quel internaute sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir un compte (à l’exception cependant des noms des membres qui sont occultés en partie dans ce cas). »

Selon Wikipédia, ce système de réseau social se définit de la manière suivante :

Page 4: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

44

Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie), 2011 QCCLP 1802 :

Fonctionnement et usages ::

« [31] [...]

Facebook

Facebook est un réseau social sur Internet permettant à toute personne possédant un compte de publier des informations, dont elle peut contrôler la visibilité par les autres personnes, possédant ou non un compte.

[…]

Page 5: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

55

Fonctionnement

Comme application de réseau social, Facebook permet à ses utilisateurs d’entrer les informations personnelles et d’interagir avec d’autres utilisateurs. Les informations susceptibles d’être mises à disposition du réseau concernent l’état civil, les études et les centres d’intérêt. Ces informations permettent de retrouver des utilisateurs partageant les mêmes intérêts. Ces derniers peuvent former des groupes et y inviter d’autres personnes. Les interactions entre membres incluent le partage de correspondance et de documents multimédias.

[…]

Usages

Facebook propose à ses utilisateurs des fonctionnalités optionnelles appelées « applications », représentées par de petites boîtes superposées sur plusieurs colonnes qui apparaissent à l’affichage de la page de profil de l’utilisateur. Ces applications modifient la page de profil de l’utilisateur. Ces applications modifient la page de l’utilisateur et lui permettent de présenter ou échanger des informations aux personnes qui visiteraient sa page. [...] »

Page 6: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

66

Controverses ::

« [31] [...]

Espace public ou privé?

Suite à divers procès, dont un en novembre 2010, il apparaît que Facebook est un espace public, et que dans le cadre de la relation employé-employeur, « le droit d’expression existe dans et hors du lieu du travail, mais il y a ensuite appréciation faite par le juge sur le caractère abusif ou non des propos. » et que « la jurisprudence rappelle que la liberté d’expression a pour corollaire la responsabilité de ceux qui en usent. Il s’agit de l’exécution loyale du contrat, qui impose a discrétion tant vis-à-vis des tiers que des collègues : on a le droit de s’exprimer sans que cela conduise à des abus. » »

Page 7: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

77

2.2. La prémisse de départ : le droit de gérance La prémisse de départ : le droit de gérance vsvs les les droits fondamentaux des salariés :droits fondamentaux des salariés :

Il faut concilier les intérêts de l’employeur dans son droit d’exploiter son entreprise et le droit du salarié de voir ses droits individuels, garantis par la Charte, protégés dans le cadre de sa relation avec son employeur.

Sophie ROMPRÉ, La surveillance de l’utilisation d’internet au travail, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2009, p. 52 et 53 :

« […]

À cet égard, il est important de souligner que les pouvoirs de l’employeur ne peuvent être exercés qu’en relation avec les obligations que doivent remplir les employés. En d’autres mots, toute directive, surveillance ou autre type de manifestation du pouvoir de contrôle et de direction de l’employeur doit avoir un rapport direct avec la prestation des obligations des employés.

[…] »

Page 8: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

88

3.3. Ainsi, l’employeur « bénéficie » des obligations du Ainsi, l’employeur « bénéficie » des obligations du salarié découlant de l’article 2088 salarié découlant de l’article 2088 C.c.Q. :C.c.Q. :

« 2088. Le salarié, outre qu'il est tenu d'exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté […] »

Arpin c. Grenier, 2004 CanLII 11259 (QC CQ) :

« [33] La jurisprudence mentionne que l'employé doit s'abstenir de tout acte qui pourrait causer des torts à son employeur. Elle enseigne également que plus la responsabilité du poste de l'employé est grande, plus l'intensité de cette obligation de bonne foi et de loyauté est élevée. Quant à la doctrine, l'auteur Robert P. Gagnon précise :

…l'intensité de l'obligation de loyauté variera selon la nature des fonctions et responsabilités confiées aux salariés, ceux qui assument des responsabilités de direction dans l'entreprise ou qui en sont des employés-clés étant tenus à une obligation plus lourde, apparentée à celle des mandataires envers leurs mandants. Dans tous les cas, le salarié doit s'interdire un comportement malhonnête envers son employeur ou de nature à porter atteinte à sa réputation sans motif valable. »

Page 9: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

99

4.4. D’un autre côté, le salarié bénéficie de la D’un autre côté, le salarié bénéficie de la protection de ses droits fondamentaux.protection de ses droits fondamentaux.

4.14.1 La protection de sa vie La protection de sa vie privée :privée :

Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12 :

« 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

[…]

9.1. Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. »

Page 10: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1010

Code civil du Québec :

« 3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.

[…]

35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

[…]36. Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants :

1° Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit;

2° Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée;

3° Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés;

4° Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;

5° Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public;

6° Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels. »

Page 11: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1111

R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, p. 46 :

« [L]a vie privée peut se définir comme le droit du particulier de déterminer lui-même quand, comment et dans quelle mesure il diffusera des renseignements personnels le concernant [...] »

Sophie ROMPRÉ, La surveillance de l’utilisation d’internet au travail, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2009, p. 77 :

« La notion de vie privée, […] le droit d’être laissé seul, englobe aujourd’hui le fait de ne pas faire l’objet d’une surveillance, […] le droit à l’anonymat, […] le droit de contrôler l’accès à sa personne et aux renseignements qui nous concernent. »

Page 12: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1212

Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 et Provigo Distribution inc. (Centre de distribution St-François), D.T.E. 2009T-712 (T.A.) :

« [53] […] La sphère de la vie privée d’une personne s’étend d’ailleurs au-delà de son domicile et existe donc même sur les lieux du travail. […] »

Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, p. 20 :

« Ainsi, la Cour insiste sur le fait que le droit à la protection de la vie privée subsiste en milieu de travail, on ne peut « écarter du domaine de la protection de la vie privée une communication ou une information personnelle pour le seul motif qu’elle est survenue ou a été obtenue en milieu de travail, en cours d’emploi. Il faut pousser plus loin l’analyse pour déterminer les circonstances particulières où cette communication ou information personnelle a été véhiculée. »

Page 13: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1313

La publication de la photo d’une personne sans son consentement, alors que cette personne peut être identifiée (droit à l’image), constitue une atteinte au droit à la vie privée, puisque le droit à la vie privée comprend le droit à l’image :

Aubry c. Éditions Vice-Versa, [1998] 1 R.C.S. 591 :

« 52 Dans l’affaire Godbout c. Longueuil (Ville), la Cour suprême a décidé que la protection accordée à la vie privée vise à garantir une sphère d’autonomie individuelle relativement à l’ensemble des décisions qui se rapportent à des «choix de nature fondamentalement privée ou intrinsèquement personnelle» (par. 98). Dans la mesure où le droit à la vie privée consacré par l’art. 5 de la Charte québécoise cherche à protéger une sphère d’autonomie individuelle, ce droit doit inclure la faculté de contrôler l’usage qui est fait de son image puisque le droit à l’image prend appui sur l’idée d’autonomie individuelle, c’est-à-dire sur le contrôle qui revient à chacun sur son identité. »

Page 14: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1414

Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C‑12 :

« 46. Toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. »

4.2Le droitdroit à des conditions de travail justes et raisonnables :

Page 15: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1515

4.3Le droitdroit à la protection de sa dignité :

Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C‑12 :

« 4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. »

Code civil du Québec :

« 2087. L’employeur, [...] doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger [...] la dignité du salarié. »

Page 16: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1616

5. Le droit de surveillance de l’employeur :

Les motifs raisonnables de l’employeur doivent exister comme préalables à la surveillance du salarié.

● Sur les lieux de travail (art. 46, C.d.l.p.)

● Hors les lieux de travail (art. 5, C.d.l.p.)

L’utilisation de moyens de surveillance doit le moins possible porter atteinte aux droits fondamentaux du salarié.

Page 17: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1717

5.1Surveillance par caméra sur les lieux de travail :

Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, p. 60 :

« Il est important de préciser que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les arbitres ayant rendu des décisions sous le régime provincial québécois ont eu tendance, en matière de vidéosurveillance, à fonder leurs décisions non pas sur le droit au respect de la vie privée, mais plutôt sur le droit à des conditions de travail justes et raisonnables (art. 46 Charte québécoise) ou sous l’angle de l’atteinte à la dignité du travailleur (art. 4 Charte québécoise). »

● Analysée sous l’angle des articles 4 et 46 de la Charte :

Page 18: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1818

Vifan Canada inc. et Syndicat des travailleuses et travailleurs de Vifan Canada inc. (CSN), D.T.E. 2007T-698 (T.A.) :

« [19] De façon générale, il est reconnu que les lieux de travail ne sont pas a priori des lieux visés par la protection de la vie privée […] sauf exception évidemment. […]

[…]

[23] Il faut retenir de cet extrait qu’une surveillance complète et constante des salariés sera généralement perçue comme une condition de travail déraisonnable. »

● Il faut des motifs raisonnables liés à la gestion sécuritaire de l’entreprise;

● Il faut que l’employeur ait recours à une surveillance ponctuelle… reposant toujours sur des motifs raisonnables la justifiant, comme le vol ou des comportements inadéquats des salariés;

● L’installation de caméras dans un but strictement préventif ne sera pas autorisée si présence d’obligations conventionnelles de l’employeur et des salariés syndiqués.

Page 19: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

1919Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, p. 66 et 67 :

« Pour conclure cette section, nous faisons appel à l’arbitre Jobin qui, en 2005, résumait ainsi les principes qui se dégagent maintenant de la jurisprudence à l’égard de la vidéosurveillance.

(1) La surveillance par caméra doit se fonder sur un ou des motifs réels et sérieux. L’employeur doit démontrer qu’il existe un problème actuel ou contemporain, substantiel et continu. Ce sera le cas par exemple d’une épidémie de vols ou de sabotages à répétition.

(2) Il doit exister une forte probabilité que la surveillance par caméra aidera à régler ou élucider le problème éprouvé. Il s’agit du critère de nécessité. Il peut donner lieu à l’examen de moyens d’enquête alternatifs. Ces derniers devraient être inaccessibles ou inefficaces pour que l’on puisse recourir à la surveillance par caméra.

(3) Il doit exister un lien direct entre le problème que l’on cherche à résoudre et l’utilisation que l’on fait de la caméra. En d’autres termes, l’existence d’un problème n’autorise pas une surveillance générale à tous égards. Cette surveillance doit être dirigée sur le foyer du problème, aux endroits clés.

(4) La surveillance exercée doit porter atteinte le moins possible au droit d’un salarié d’exercer ses fonctions sans être constamment capté par la caméra. »

Page 20: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2020

5.2Surveillance par caméra hors des lieux de travail :

Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, p. 85 :

« La vidéofilature, incursion grave dans le territoire du salarié, consiste généralement à faire suivre et à filmer, pendant une certaine période, un employé accidenté du travail ou en assurance salaire afin de démontrer que son état de santé physique ou psychique est moins grave que ce que l’on a fait croire à l’employeur. Bref, que cette personne est apte à travailler et qu’elle reçoit des prestations sans droit. La vidéofilature sert donc à recueillir des images, des conversations et autres informations qui pourront éventuellement servir de preuve contre la personne salariée. »

Définition de vidéofilature :

Page 21: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2121

Principes de base découlant de l’affaire Syndicat des travailleurs(euses) de Bridgestone Firestone de Joliette (CSN) c. Trudeau, [1999] R.J.D.T. 1075 (C.A.), p. 35 et 36  :

« […] la surveillance à l’extérieur de l’établissement peut être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables, comme l’exige l’article 9.1 de la Charte québécoise. Ainsi, il faut d’abord que l’on retrouve un lien entre la mesure prise par l’employeur et les exigences du bon fonctionnement de l’entreprise ou de l’établissement en cause […]. Il ne saurait s’agir d’une décision purement arbitraire et appliquée au hasard. L’employeur doit déjà posséder des motifs raisonnables avant de décider de soumettre son salarié à une surveillance. Il ne saurait les créer a posteriori, après avoir effectué la surveillance en litige.

[...]

Au niveau du choix des moyens, il faut que la mesure de surveillance, notamment la filature, apparaisse comme nécessaire pour la vérification du comportement du salarié et que, par ailleurs, elle soit menée de la façon la moins intrusive possible. […] »

Page 22: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2222

Stéphane LACOSTE, « La protection de la vie privée : impacts et expérience en relations de travail dans le secteur privé québécois et fédéral », Développements récents en droit du travail du Service de la formation continue du Barreau du Québec, vol. 333, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 47, à la p. 79 :

« En bref, pour pouvoir recourir à la filature (avec ou sans vidéo) un employeur doit avoir un motif sérieux, et non de simples soupçons ou simplement un désir de « vérifier ». Il doit au surplus prendre des moyens raisonnables qui portent le moins possible atteinte au droit à la vie privée. L’employeur doit donc faire la preuve de la rationalité de ses motifs et de la proportionnalité des moyens utilisés. »

Page 23: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2323

● Il faut des moyens de surveillance qui sont le moins attentatoires au droit fondamental du salarié à sa vie privée;

● Il faut des motifs raisonnables;

En résumé :

● Il faut démontrer la rationalité des motifs vs la proportionnalité des moyens utilisés;

Page 24: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2424

La recevabilité de cette preuve est assujettie à certaines règles :

« 2855. La présentation d'un élément matériel, pour avoir force probante, doit au préalable faire l'objet d'une preuve distincte qui en établisse l'authenticité. Cependant, lorsque l'élément matériel est un document technologique au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (chapitre C-1.1), cette preuve d'authenticité n'est requise que dans le cas visé au troisième alinéa de l'article 5 de cette loi. »

Code civil du Québec :

Page 25: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2525

Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, , p. 88 :

« En résumé, selon la Cour, la surveillance à l’extérieur de l’établissement comporte une atteinte apparente à la vie privée. Néanmoins, elle peut être admise pourvu que :

l’employeur ait des motifs sérieux de croire à une fraude;

les motifs n’aient pas été créés a posteriori;

d’autres moyens aient été utilisés pour obtenir la preuve avant de recourir à la filature;

la filature ait été menée de façon raisonnable (la moins intrusive possible) dans un laps de temps limité. »

Page 26: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2626

Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, , p. 100 à 102 :

« 1) Il est important de s’assurer que la bande vidéo est authentique, inaltérée, fiable et que les images sont suffisamment nettes : une personne qui a vu l’événement peut, par exemple, témoigner de l’exactitude de la représentation sensorielle ou un expert peut témoigner de la fiabilité du procédé utilisé. […]

2) Peut-on identifier de façon certaine les personnes sur la vidéo ? […]

3) La preuve matérielle a-t-elle été altérée ? […]

4) Le rythme des images est-il normal ? […]

5) A-t-on utilisé un téléobjectif ou un zoom ? […]

6) Quel est le cadrage de l’image ? […] »

Page 27: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2727

5.3Surveillance des conversations téléphoniques :

Distinguer trois situations :

1) Enregistrement d’une conversation téléphonique par un tiers à l’insu des deux interlocuteurs :

Srivastava c. Hindu Mission of Canada (Québec) Inc., [2001] R.J.Q. 111 (C.A.) :

● Une surveillance illégale peut être considérée comme une atteinte à l’article 46 de la Charte;

● Il faut des motifs raisonnables;

● L’employeur peut être passible de dommages.

Page 28: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2828

« [27] […] Le droit au respect de la vie privée est un droit d’application et d’interprétation contextuelles et le fait de l’exécution du travail dans des lieux contrôlés par l’employeur ou contrôlés par le client chez qui l’employeur a dépêché le salarié a un effet réducteur sur les expectatives légitimes de vie privée d’un individu, dans l’exercice de ses fonctions (encore que ces expectatives doivent être appréciées au regard de l’ensemble des circonstances et puissent varier selon les espèces, comme le rappelle l’affaire Srivastava). Et même lorsque ces expectatives sont importantes et réelles, l’employeur peut tout de même, dans certains cas, s’immiscer dans la vie privée d’un salarié sans pour autant violer l’article 35 C.c.Q. ou l’article 5 de la Charte québécoise. De façon générale, une telle intrusion sera permise lorsque la loi le prévoit ou lorsqu’elle répond aux critères suivants : 1) l’employeur cherche à atteindre par ce moyen un objectif légitime et important; 2) la mesure est rationnellement liée à l’objectif recherché; 3) il n’y a pas d’autres moyens raisonnables d’atteindre l’objectif, l’intrusion ou l’immixtion devant par ailleurs être la plus restreinte possible. […] »

Page 29: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

2929

2) Enregistrement d’une conversation téléphonique par l’un des interlocuteurs à l’insu de l’autre :

Cadieux c. Service de gaz naturel Laval inc., [1991] R.J.Q. 2490 (C.A.) :

● Cela ne constitue pas une atteinte au droit à la protection de la vie privée.

2) Enregistrement d’une conversation téléphonique par l’un des interlocuteurs à l’insu de l’autre :

● Cela ne constitue pas une atteinte au droit à la protection de la vie privée.

Page 30: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

30303) Écoute et enregistrement d’une conversation

téléphonique hors les lieux de travail :

Mascouche (Ville de) c. Houle, [1999] R.J.Q. 1894 (C.A.), p. 1919 :

« En l’espèce, Mme Houle utilisait son téléphone sans fil à partir de sa résidence privée en dehors des heures normales de bureau, et il est clair qu’elle pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ses conversations restent privées et ne soient entendues que par son interlocuteur, quel qu’il soit. Ses communications téléphoniques ont été enregistrées à son insu par un tiers qui n’était pas partie à la conversation, pas plus qu’au litige l’opposant à la Ville. Il ne s’agit pas ici d’un cas où l’un des interlocuteurs procède à l’enregistrement clandestin d’une conversation ou encore d’un cas où un employeur enregistre clandestinement les conversations d’un de ses employés faites sur les lieux et pendant les heures de travail.

Une maison d’habitation constitue sans doute l’endroit où l’attente raisonnable d’une personne en matière de vie privée est la plus élevée. […]

En l’espèce, le droit à la vie privée de l’intimée a été enfreint, et ce, tant en vertu de la charte canadienne, de la charte québécoise que du code civil. Les agissements de M. Guilbault constituaient clairement une fouille abusive, au sens des articles 8 de la charte canadienne et 24.1 de la charte québécoise. […]

Le comportement de M. Guilbault a également violé l’article 5 de la charte québécoise, de même que la protection qu’offre le code civil au droit à la vie privée. […] »

Page 31: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3131

La recevabilité en preuve de ces enregistrements est assujettie à certaines règles :

Code civil du Québec :

« 2874. La déclaration qui a été enregistrée sur ruban magnétique ou par une autre technique d'enregistrement à laquelle on peut se fier, peut être prouvée par ce moyen, à la condition qu'une preuve distincte en établisse l'authenticité. Cependant, lorsque l'enregistrement est un document technologique au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (chapitre C-1.1), cette preuve d'authenticité n'est requise que dans le cas visé au troisième alinéa de l'article 5 de cette loi. »

Page 32: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3232

Il faut donc :

● établir l’identité des interlocuteurs;

● établir l’authenticité de l’enregistrement;

● établir aussi la fiabilité de l’enregistrement;

● établir l’audibilité et l’intelligibilité du contenu;

● être en mesure de fournir une copie à la partie adverse pour fins d’examen ou d’expertise.

Page 33: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3333

CONCLUSION :

Yves ST-ANDRÉ, « Le respect du droit à la vie privée au travail : mythe ou réalité? », dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en droit du travail (2004), vol. 205, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004, p. 53, à la p. 70 :

« Ainsi, les tribunaux considèrent que l’enregistrement par le salarié d’une conversation téléphonique avec l’employeur sur un sujet se rapportant aux relations de travail ne constitue pas une atteinte au respect de la vie privée puisqu’il ne s’agit pas d’un échange relevant de la vie privée mais se rattachant plutôt au cadre de la relation employeur-salarié. Dans le même ordre d’idée, l’employeur peut également procéder à l’enregistrement de sa conversation ou échange avec le salarié dans le cadre des relations de travail. »

Page 34: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3434

5.4Surveillance des équipements informatiques :

Deux concepts juridiques:

● Un premier courant voulant que le droit de surveillance repose sur le droit de propriété de l’employeur sur lesdits équipements informatiques;

● Un concept qui préconise l’analyse de la validité de ces moyens de surveillance sous l’angle d’un compromis entre le respect à la vie privée et les prérogatives de l’employeur.

Page 35: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3535

Le premier concept découle du droit américain :

Karen ELTIS, « La surveillance du courrier électronique en milieu de travail : le Québec succombera t-il à l’influence de l’approche américaine? », Revue de droit de McGill, vol. 51, 2006, p. 477, à la p. 478 :

« En contrepartie, aux États-Unis, la loi confère aux employeurs le droit presque absolu de surveiller l’utilisation de l’Internet par leurs employés, pourvu qu’ils divulguent cette pratique. S’inspirant de la notion volontariste du « employment at will » selon laquelle l’employé cède ses droits contractuellement en acceptant l’emploi, ainsi qu’en vertu des droits de propriété de l’employeur, les tribunaux américains se concentrent uniquement sur la suffisance de l’avis en question, et non sur le respect des libertés fondamentales, telle la dignité humaine. L’approche s’explique par le fait que les droits de la personnalité demeurent inconnus dans le système américain. »

Page 36: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3636

Le deuxième concept découle du droit français :

Sophie ROMPRÉ, La surveillance de l’utilisation d’Internet au travail, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 58 et 59 :

« Le droit français nous apprend que le pouvoir de contrôle de l’employeur, sur l’utilisation d’Internet et sur les courriels de ses salariés, reste pour l’instant assis sur un compromis entre la vie privée du salarié et les prérogatives de l’employeur. Si le salarié veut éviter toute atteinte à sa vie privée, il veillera à conserver un caractère strictement professionnel à ses courriels et à sa présence sur Internet. L’employeur prendra, lui, toutes les dispositions pour que son personnel soit préalablement informé de la surveillance et du contrôle possible du contenu de leur ordinateur. »

Page 37: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3737

Qu’en est-il en droit québécois?

L’employeur a le droit de surveiller l’utilisation que font ses employés des outils informatiques confiés à leur responsabilité. Bien que l’employeur soit le propriétaire des outils informatiques en question, ce n’est pas en raison de son droit de propriété qu’il possède un droit de surveillance de l’utilisation que font les employés de leurs équipements informatiques. Contrairement à nos voisins américains où le droit de surveillance est autorisé uniquement sur le fondement du droit de propriété de l’outil informatique, le droit québécois applicable en la matière penche pour une application plus sociale du droit de surveillance, laquelle se rapproche des principes en vigueur en droit français. En effet, notre approche du droit de surveillance se situe beaucoup près de l’approche française qui préconise une expectative légitime du respect du droit à la vie privée.

Page 38: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3838

Principes qui gouvernent la surveillance des équipements informatiques mis à la disposition des salariés par l’employeur :

S. LEFEBVRE, « Naviguer sur Internet au travail : et si on nageait en eaux troubles? » dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en droit du travail (2008), vol. 293, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 53, à la p. 60 :

« […] le contrôle de l’utilisation de l’ordinateur à des fins personnelles sera soumis aux mêmes principes établis par la Cour d’appel en matière de vidéosurveillance. Nous retiendrons alors que dans l’entreprise :

● l’ordinateur est mis à la disposition de l’employé pour les fins de son travail, et non à des fins personnelles;

● lorsqu’il est au travail, l’employé a donc une expectative de respect de sa vie privée ou de confidentialité plus restreinte;

● en conséquence, le droit au respect de la vie privée ne saurait empêcher l’employeur de contrôler la prestation de travail des employés s’il a des motifs raisonnables de le faire. »

Page 39: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

3939

De ces principes découlent trois constats :

● La première voulant que l’employé, se voyant confier un ordinateur qui appartient habituellement à l’employeur doit, en regard de son obligation de loyauté précitée, ne l’utiliser que pour des fins professionnelles. À cet effet, l’employeur peut donc recueillir les données informatiques pour surveiller et contrôler les activités de ses employés.

● La deuxième est à l’effet que dans les circonstances où l’employeur veut surveiller l’utilisation des équipements informatiques qu’il met à la disposition de ses employés, il faut qu’il ait des motifs raisonnables pour le faire, l’objectif ultime, il ne faut pas se le cacher, étant dans de telles circonstances, l’imposition d’une mesure disciplinaire au salarié fautif.

● La troisième est à l’effet qu’en dépit de son obligation de loyauté, le salarié utilise l’ordinateur à des fins personnelles. Comme le soulignait l’arbitre Jean-Pierre Lussier dans l’affaire Bell Canada, « ce serait faire l’autruche que ne pas admettre que l’utilisation de l’Internet ait pu servir quelquefois à des fins personnelles pour plusieurs employés ».

Page 40: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4040

En résumé :

Université Laval et Association du personnel administratif professionnel de l’Université Laval (APAPUL), D.T.E. 2011T-189 (T.A.) :

« [60] Un article intitulé Naviguer sur Internet au travail : et si un nageait en eaux troubles [précité] aborde la question du droit d’un employeur d’examiner le contenu de l’ordinateur mis à la disposition d’un salarié, et notamment ses courriels. L’auteur écrit : [page 7]

Même si le salarié a le devoir de ne pas détourner l’utilisation de l’outil informatique mis à sa disposition, c’est-à-dire de ne pas en faire un usage personnel déraisonnable, il en résulte que les fichiers consultés par celui-ci, tout comme l’envoi ou la réception de courrier électronique, peuvent être emmagasinés sur un disque dur et être consultés à l’insu de ce dernier par l’employeur.

Page 41: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4141

Toutefois, cette prérogative ne doit s’utiliser que lorsque l’employeur entretient des doutes ou des motifs raisonnables de penser que son employé utilise l’ordinateur de la compagnie à des fins autres que professionnelles, afin par exemple de mettre sur pied une compagnie concurrente. Ce faisant, il serait justifié d’en vérifier le contenu, en retenant notamment les services d’un expert en la matière.

[Caractères gras ajoutés]

[61] Le droit positif n’exclut donc pas de manière absolue qu’un employeur puisse consulter les courriels d’un employé au travail à l’insu de ce dernier et sans non plus que pareille initiative porte nécessairement atteinte au respect dû à la vie privée de l’intéressé. »

Page 42: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4242

Exemple d’expectative de vie privée :

Université Laval et Association du personnel administratif professionnel de l’Université Laval (APAPUL), D.T.E. 2011T-189 (T.A.) :

« [66] Vu ce contexte, à l’évidence, en écrivant à son président syndical, madame X s’attendait à communiquer avec lui de manière confidentielle et privée, comme elle l’a affirmé à l’instruction. Si elle n’avait pas voulu, ni ne s’était pas attendue à ce que son geste restât privé et son identité préservée, elle aurait agi différemment. En tout cas, sûrement pas par écrit. Autre chose sûre, elle croyait son envoi à l’abri de toute indiscrétion de la direction. »

Page 43: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4343

L’ordonnance de type Anton Piller et les données informatiques :Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, , p. 142 et 143 :

« En 1985, le juge britannique Donaldson a décrit les ordonnances Anton Piller comme « l’arme nucléaire » du droit. En fait, l’ordonnance de type Anton Piller — qui porte le nom du demandeur dans l’instance où une ordonnance de ce type a été émise pour la première fois — est en quelque sorte le jumelage de l’injonction et de la saisie avant jugement afin de préserver des éléments de preuve avant le procès. Issue de la common law, l’ordonnance de type Anton Piller a été reconnue, en 2002, par la Cour d’appel du Québec comme étant compatible avec les règles du Code de procédure civile du Québec et de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le but de cette ordonnance est d’empêcher le défendeur de faire disparaître ou détruire la preuve visée par l’ordonnance et que l’on désire protéger en vue d’un litige et qui serait sûrement perdue ou détruite si un avis était donné au défendeur. » Essentiellement, l’ordonnance autorise donc les représentants du demandeur à pénétrer dans les locaux d’affaires ou autres lieux du défendeur et à effectuer les recherches nécessaires à la saisie de tout élément de preuve. « Un refus par le défendeur de se laisser saisir, de collaborer ou de permettre l’accès aux lieux est passible d’outrage au tribunal. » Il va sans dire que la demande d’ordonnance est faite en l’absence de la partie défenderesse et ce n’est qu’au moment où les représentants du demandeur se présentent chez la défenderesse que celle-ci prend connaissance de l’émission d’une ordonnance contre elle. »

Page 44: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4444

Celanese Canada inc. c. Murray Demolition Corp., [2006] 2 R.C.S. 189, 2006 CSC 36 :

« [1]  Le juge Binnie — L’ordonnance Anton Piller ressemble étrangement à un mandat de perquisition privé. Aucun préavis n’est donné à la partie qu’elle vise. En fait, les défendeurs n’en prennent normalement connaissance qu’au moment de sa signification et de son exécution, sans avoir eu la possibilité de la contester ou de contester la preuve sur laquelle elle repose. Il se peut même que le défendeur ignore complètement qu’une instance est en cours. Aucune autorité publique ne se voit confier l’exécution de l’ordonnance, laquelle autorise plutôt une partie privée à exiger que la partie adverse la laisse entrer dans ses locaux pour qu’elle puisse y effectuer une perquisition-surprise destinée à lui permettre de saisir et de conserver des éléments de preuve susceptibles d’étayer ses allégations dans un litige privé. Ce recours extraordinaire n’est justifié que dans le cas où le demandeur dispose d’une preuve prima facie solide et peut démontrer que, selon les faits, il y a tout lieu de croire qu’à défaut de cette ordonnance des éléments de preuve pertinents risquent d’être détruits ou supprimés de quelque autre manière. La partie visée par une ordonnance Anton Piller devrait bénéficier d’une triple protection : une ordonnance soigneusement rédigée décrivant les documents à saisir et énonçant les garanties applicables notamment au traitement de documents privilégiés; un avocat superviseur vigilant et indépendant des parties, nommé par le tribunal; un sens de la mesure de la part des personnes qui exécutent l’ordonnance. […] »

Page 45: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4545

Règles en présence d’une politique de surveillance :

Diane VEILLEUX, « Le droit à la vie privée – sa portée face à la surveillance de l’employeur », [2000] 60 R. du B., p. 6, à la p. 27 :

« […] une politique de l’employeur avisant les personnes salariées qu’il se réserve le droit de prendre connaissance de leurs courriels, de leurs correspondances électroniques ou de leurs appels téléphoniques ne permet pas de nier à la personne salariée une attente subjective raisonnable de vie privée quant au contenu de ces échanges. […] »

Page 46: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4646

Principe préconisé par les employeurs en matière de politique de surveillance des courriels :

Louis BARIBEAU, « Internet et le milieu du travail », Le Journal du Barreau du Québec, vol. 33, numéro 19, 15 novembre 2001 :

« Avec l’utilisation d’Internet en milieu de travail, la meilleure solution pour prévenir les problèmes est l’adoption d’une politique d’entreprise à cet égard. Elle est particulièrement utile pour diminuer l’expectative de vie privée des employés. En effet, cette expectative de vie privée est un critère utilisé fréquemment par les tribunaux pour déterminer jusqu’où va le droit de surveillance de l’employeur.

Pour qu’une telle politique ait des effets juridiques, il faut qu’elle soit claire, sans équivoque, qu’elle soit raisonnable et, le cas échéant, compatible avec les dispositions de la convention collective.

Page 47: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4747

À la lumière de la jurisprudence, Me Boulet recommande qu’une telle politique d’entreprise prévoie notamment que les équipements informatiques soient la propriété de l’employeur et que les systèmes électroniques soient utilisés uniquement pour les fins du travail. Si l’usage personnel est permis, la politique en définit les limites. Rien ne doit être confidentiel : les messages électroniques peuvent être interceptés et les sites Internet visités par l’employé peuvent être identifiés par l’employeur; l’utilisation de ces systèmes doit se faire sans discrimination ou mauvais goûts; et l’utilisation dérogatoire des systèmes peut mener à des sanctions disciplinaires, incluant le congédiement.

Me Boulet conseille aussi aux employeurs de faire signer cette politique par les employés et de leur en remettre une copie. De plus, « nous ne le dirons jamais assez souvent, sans une application uniforme, la politique sur l’utilisation des systèmes électroniques de l’employeur n’a pratiquement aucune utilisé. » »

Page 48: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4848

Les règles découlant de la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. Cole, 2012 CSC 53 :

« [2] Les ordinateurs qui sont utilisés d’une manière raisonnable à des fins personnelles — qu’ils se trouvent au travail ou à la maison — contiennent des renseignements qui sont significatifs, intimes et qui ont trait à l’ensemble des renseignements biographiques de l’utilisateur. [...]

[3] Bien que les politiques et les pratiques en vigueur dans le milieu de travail puissent réduire l’attente du particulier en matière de respect de sa vie privée à l’égard d’un ordinateur de travail, les réalités opérationnelles de ce genre ne font pas à elles seules disparaître complètement l’attente : la nature des renseignements en jeu expose les préférences, intérêts, pensées, activités, idées et recherches de renseignements de l’utilisateur individuel.

[...]

[17] [...] Cette politique restreignait non seulement l’utilisation des ordinateurs portatifs par les élèves, mais mettait également en garde les utilisateurs de ne pas s’attendre au respect de la vie privée à l’égard de leurs fichiers.

[...]

Page 49: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

4949

[47] Les ordinateurs qui sont utilisés à des fins personnelles, indépendamment de l’endroit où ils se trouvent ou de la personne à qui ils appartiennent, « renferment les détails de notre situation financière, médicale et personnelle » (Morelli, par. 105). Cela est particulièrement vrai lorsque, comme en l’espèce, l’ordinateur sert à naviguer sur le Web. Les appareils connectés à Internet « révèlent [...] nos intérêts particuliers, préférences et propensions, enregistrant dans l’historique et la mémoire cache tout ce que nous recherchons, lisons, regardons ou écoutons dans l’Internet » [...].

[49] [...] Toutefois, contrairement à l’arrêt Morelli, la présente affaire concerne un ordinateur portatif fourni pour le travail et non un ordinateur personnel trouvé dans une résidence privée.

[50] Le Manuel des politiques et procédures du conseil scolaire affirmait non seulement la propriété du matériel informatique, mais également des données stockées sur celui-ci : [traduction] « Les systèmes informatiques et l’ensemble des données et messages générés ou traités avec le matériel du conseil scolaire sont considérés comme la propriété du [conseil scolaire], et ne sont pas la propriété des utilisateurs des ressources informatiques ».

Page 50: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5050

[51] Bien que la propriété des biens soit une considération pertinente, elle n’est pas déterminante (R. c. Buhay, 2003 CSC 30, [2003] 1 R.C.S. 631, par. 22). [...]

[53] [...] Quoi que prescrivent les politiques, il faut examiner l’ensemble des circonstances afin de déterminer si le respect de la vie privée constitue une attente raisonnable dans ce contexte particulier [...].

[54] En l’espèce, les réalités opérationnelles du milieu de travail de M. Cole militent à la fois pour et contre l’existence d’une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Pour, car les politiques écrite et la pratique proprement dite permettaient à M. Cole d’utiliser à des fins personnelles l’ordinateur portatif fourni pour son travail. Contre, car les politiques et la réalité technologique l’empêchaient d’exercer un contrôle exclusif sur les renseignements personnels qu’il choisissait d’y enregistrer, et sur l’accès à ceux-ci. »

Page 51: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5151

Conclusion :

En résumé, l’employeur a le droit de surveiller un employé en raison des objectifs de bon fonctionnement de son entreprise et ce, à condition qu’il ait au préalable des motifs raisonnables de craindre une utilisation détournée des outils informatiques qu’il fournit au salarié concerné par cette surveillance. Toutefois, ce droit de surveillance, en raison des composantes reliées à la vie privée, ne peut reposer uniquement sur le droit de propriété de l’employeur sur les équipements informatiques.

Page 52: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5252

5.5Surveillance par GPS :

Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, L.R.Q., c. C‑1.1 :

« 43. Nul ne peut exiger que l'identité d'une personne soit établie au moyen d'un procédé ou d'un dispositif qui porte atteinte à son intégrité physique.

À moins que la loi le prévoie expressément en vue de protéger la santé des personnes ou la sécurité publique, nul ne peut exiger qu'une personne soit liée à un dispositif qui permet de savoir où elle se trouve. »

Page 53: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5353

Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 et Provigo Distribution inc., D.T.E. 2009T-712 (T.A.) :

« [42]  Avec respect pour l’opinion contraire, je suis d’avis que l’article 43 n’interdit pas la présentation en preuve des faits révélés par le système décrit plus haut. […] Or, avec ce système, aucune personne n’est liée à un dispositif. Ce n’est pas le salarié qui est lié au système mais bien le camion. Dans notre cas, l’employeur n’exige pas par exemple que le salarié porte constamment à sa ceinture un téléphone qui permet de le localiser. […] Ce que ce système recueille, ce sont des données relatives au camion et non les activités du chauffeur dans le camion ou à l’extérieur de ce dernier. Le chauffeur n’est pas « lié », uni, ligoté au système. Il est d’ailleurs significatif que, dans le texte précité de Poulin et Trudel, on ne retient que l’exemple du bracelet de localisation, alors que les systèmes GPS ou le système en cause dans le présent dossier sont très largement connus depuis quelques années. »

Page 54: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5454

Interprétation jurisprudentielle à partir d’une clause particulière de convention collective :

Syndicat des employées et employés de métiers d’Hydro-Québec, section locale 1500 – SCFP (FTQ) et Hydro-Québec, D.T.E. 2009T-273 (T.A.) :

« ARTICLE 38 – SURVEILLANCE ET VIE PRIVÉE

38.01 Les systèmes électroniques de guet, d’observation et d’écoute sont utilisés dans le but de protéger l’entreprise à l’égard d’actes dommageables tels que : le vol, la fraude, la déprédation, les dommages à la propriété. En aucun temps ces systèmes ou tout autre système électronique ne peuvent servir à recueillir une preuve à l’appui de mesures disciplinaires à l’exception de celles imposées à la suite d’actes de la nature de ceux mentionnés précédemment.

38.02 Toute intrusion dans la vie privée des employés par les systèmes décrits au paragraphe précédent est interdite si ce n’est dans le but mentionné à ce paragraphe. »

Page 55: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5555

Application de la clause vs le vol de temps :

Syndicat des employées et employés de métiers d’Hydro-Québec, section locale 1500 – SCFP (FTQ) et Hydro-Québec, D.T.E. 2009T-273 (T.A.) :

« [15] […] Or, l’article 38.01 permet à l’Employeur de recueillir de la preuve par une surveillance électronique, dans les cas suivants : « le vol, la fraude, la déprédation, les dommages à la propriété ».

[16] Il appert donc, sous réserve de la preuve au fond, que l’Employeur était justifié d’utiliser la surveillance électronique visée par l’article 38 de la convention collective, afin de recueillir de la preuve au sujet du plaignant. […] »

Page 56: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

56565.6Surveillance biométrique :

Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, , p. 153 et 154 :

« C’est l’ensemble des techniques permettant l’identification d’une personne sur la base de caractères physiologiques propres à chaque individu ou de traits comportementaux automatiquement reconnaissables et vérifiables. Très puissante, elle implique la numérisation et le stockage de données extrêmement personnelles.

Il existe deux types de technique biométrique.

La biométrie physiologique est basée sur l’identification de traits physiques particuliers qui sont uniques à chaque personne (voix, iris ou rétine, pouce, forme de la main, forme du visage).

La biométrie comportementale repose sur l’analyse de certains comportements d’une personne comme la dynamique de sa signature (vitesse de déplacement du stylo, accélération, pression exercée, inclinaison, manière de marcher, manière de taper sur un clavier, pression exercée sur les touches, vitesse de frappe).

À ces deux catégories, nous pouvons ajouter l’étude des traces biologiques regroupant l’analyse de l’ADN, du sang et des odeurs. Mentionnons aussi que de nouvelles techniques sont en développement telles que la forme de l’oreille et la thermographie faciale. »

Définition :

Page 57: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5757

Loi sur le cadre juridique des technologies de l’information, L.R.Q., c. C‑1.1 :

« 44. Nul ne peut exiger, sans le consentement exprès de la personne, que la vérification ou la confirmation de son identité soit faite au moyen d'un procédé permettant de saisir des caractéristiques ou des mesures biométriques. L'identité de la personne ne peut alors être établie qu'en faisant appel au minimum de caractéristiques ou de mesures permettant de la relier à l'action qu'elle pose et que parmi celles qui ne peuvent être saisies sans qu'elle en ait connaissance.

Tout autre renseignement concernant cette personne et qui pourrait être découvert à partir des caractéristiques ou mesures saisies ne peut servir à fonder une décision à son égard ni être utilisé à quelque autre fin que ce soit. Un tel renseignement ne peut être communiqué qu'à la personne concernée et seulement à sa demande.

Ces caractéristiques ou mesures ainsi que toute note les concernant doivent être détruites lorsque l'objet qui fonde la vérification ou la confirmation d'identité est accompli ou lorsque le motif qui la justifie n'existe plus.

Page 58: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5858

45. La création d'une banque de caractéristiques ou de mesures biométriques doit être préalablement divulguée à la Commission d'accès à l'information. De même, doit être divulguée l'existence d'une telle banque qu'elle soit ou ne soit pas en service.

La Commission peut rendre toute ordonnance concernant de telles banques afin d'en déterminer la confection, l'utilisation, la consultation, la communication et la conservation y compris l'archivage ou la destruction des mesures ou caractéristiques prises pour établir l'identité d'une personne.

La Commission peut aussi suspendre ou interdire la mise en service d'une telle banque ou en ordonner la destruction, si celle-ci ne respecte pas ses ordonnances ou si elle porte autrement atteinte au respect de la vie privée. »

Page 59: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

5959

Syndicat des travailleurs de Mométal (C.S.N.) et Mométal inc., D.T.E. 2001T-919 (T.A.) :

« Description du système :

[…] L’instrument, on l’a vu, n’enregistre pas les empreintes digitales de la personne salariée. Elle ne fait que mémoriser, sous forme d’une formule binaire, certaines caractéristiques de la main (largeur, épaisseur, longueur). À mon avis, cette exigence de l’employeur ne viole pas le droit à l’intégrité (art. 1) et au respect à l’intégrité physique (art. 46) prévus à la Charte québécoise. […] »

(p. 10)

● D’un mécanisme classique de poinçon, l’employeur annonçait qu’il utiliserait un système de poinçon-main :

Page 60: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6060

« Puisque ce temps de travail est une donnée capitale pour les deux parties, le contrôle de celui-ci est donc inévitable dans l’exécution du contrat de travail. […] »

(p. 15)

● Existence d’un « motif raisonnable » :

« […] Même si le résultat binaire obtenu après la conversion algorithmique des mensurations de la main d’un salarié peut être considéré comme un « renseignement personnel » parce qu’il « concerne une personne physique et permet de l’identifier » (art. 2) […] »

(p. 16)

● Pas une contravention à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, L.R.Q., c. P‑39.1 :

Page 61: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6161

6. Recevabilité en preuve des moyens de surveillance :

Code civil du Québec :

« 2857. La preuve de tout fait pertinent au litige est recevable et peut être faite par tous moyens.

2858. Le tribunal doit, même d'office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l'utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

Il n'est pas tenu compte de ce dernier critère lorsqu'il s'agit d'une violation du droit au respect du secret professionnel. »

Page 62: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6262

Les tribunaux doivent répondre à deux questions :

Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, , p. 95 à 97 :

« (1) Les conditions dans lesquelles l’élément de preuve a été obtenu portent-elles atteinte aux droits et libertés fondamentaux?

(2) L’utilisation de cette preuve est-elle susceptible de déconsidérer l’administration de la justice?

La preuve sera écartée seulement si la réponse aux deux questions est affirmative. Autrement dit, si l’une des conditions n’est pas remplie, la preuve est admissible. Le professeur Léo Ducharme l’explique en ces termes : « Pour qu’un tribunal puisse se fonder sur l’article 2858 C.c.Q. pour écarter une preuve illégalement obtenue, il faut la réunion de deux conditions : l’élément de preuve doit avoir été obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et, en deuxième lieu, l’utilisation de cet élément de preuve doit être susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. »

[…]

Page 63: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6363

Quoi qu’il en soit, les tribunaux doivent évaluer si la justice serait plus déconsidérée en rejetant qu’en admettant cette preuve. Force nous est de constater que dans presque tous les cas, les arbitres et les commissaires estiment plutôt que la justice serait plus déconsidérée par l’exclusion de la preuve dans la mesure où cela empêcherait une partie de faire toute la lumière sur les faits en litige.

Le raisonnement est simple. Si l’article 2757 du Code civil du Québec stipule bien que le tribunal doit rejeter un élément de preuve susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, le tribunal, lui, doit ordonner la production d’éléments de preuve lui permettant de découvrir la vérité. À ce sujet l’arbitre Foisy, écrit : « Bien qu’on aurait pu, dans un premier temps, croire que la mise en preuve d’un élément obtenu dans le non-respect du droit à la vie privée enchâssé dans la Charte québécoise des droits créait une présomption que l’administration de la justice était par ce fait déconsidérée, ce n’est pas ce que le Code civil énonce à l’article 2858, ni ce que nous enseigne la jurisprudence. Il faut balancer d’une part l’importance du droit enchâssé dans la Charte qui est violé et la manière dont ce droit a été violé d’une part et, d’autre part, le droit de faire éclater la vérité dans le contexte où cette vérité fera présumément voir le plaignant comme un fraudeur. »

Page 64: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6464

L’application de l’article 2858 C.c.Q. repose sur les considérations précédemment énoncées en matière de surveillance :

Syndicat des travailleuses et travailleurs du CSSS du Sud de Lanaudière (CSN) et Centre de santé et de services sociaux du Sud de Lanaudière, D.T.E. 2009T-253 (T.A.) :

« […] la gravité de la violation aux droits fondamentaux, tant en raison de sa nature, de son objet, de la motivation et de l’intérêt juridique de l’auteur de la contravention que des modalités de sa réalisation, est-elle telle qu’il serait inacceptable qu’une cour de justice autorise la partie qui l’a obtenue de s’en servir pour faire valoir ses intérêts privés? »

Page 65: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6565

Mascouche (Ville de) c. Houle, [1999] R.J.Q. 1894 (C.A.), p. 1909 :

« Le juge du procès civil est convié à un exercice de proportionnalité entre deux valeurs : le respect des droits fondamentaux, d’une part, et la recherche de la vérité, d’autre part. Il lui faudra donc répondre à la question suivante : La gravité de la violation aux droits fondamentaux, tant en raison de sa nature, de son objet, de la motivation et de l’intérêt juridique de l’auteur de la contravention que des modalités de sa réalisation, est-elle telle qu’il serait inacceptable qu’une cour de justice autorise la partie qui l’a obtenue de s’en servir pour faire valoir ses intérêts privés? Exercice difficile s’il en est, qui doit prendre appui sur les faits du dossier. Chaque cas doit donc être envisagé individuellement. Mais, en dernière analyse, si le juge se convainc que la preuve obtenue en contravention aux droits fondamentaux constitue un abus du système de justice parce que sans justification juridique véritable et suffisante, il devrait rejeter la preuve. »

Page 66: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6666

7. Les effets de Facebook dans le domaine des relations de travail :

7.1Devant la CLP, à titre de preuve de l’accomplissement par le travailleur de gestes incompatibles avec sa lésion professionnelle :

Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles :

« 27. La Commission ne peut retenir, dans sa décision, un élément de preuve que si les parties ont été à même d'en commenter ou d'en contredire la substance. »

Page 67: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6767

Borowski et Ciara Technologies, 2011 QCCLP 5705 :

Les faits :

« [4] Le travailleur demande de déclarer que le trouble de l’adaptation avec humeur anxieuse et dépressive d’intensité modérée, diagnostiqué chez lui par le psychiatre Serge Gauthier, constitue une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle qu’il a subie le 28 janvier 2008. »

... à savoir une entorse lombaire. Or, selon la preuve, les douleurs lombaires dont le travailleur dit être victime ne peuvent être à l’origine d’une récidive.

Page 68: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6868

Les conséquences pour le salarié de la preuve récupérée sur sa page Facebook :

« [34] En contre-interrogatoire, le travailleur affirme qu’il ne pratique pas de sports, tels le golf, le basketball et le soccer. On lui présente des extraits émanant du réseau social Facebook, sur lequel il possède une page personnelle. Il se reconnaît sur une photographie en train de jouer au golf. En date du 25 avril 2010, sur ce réseau social, il émet le commentaire suivant : « Drive range golf is awesom » [sic]. À ce sujet, le travailleur affirme qu’il ne s’agissait que d’un coup de pratique visant la prise de ladite photographie, et qu’il n’a pas frappé beaucoup de balles en raison de ses douleurs lombaires.

[...]

[36] On lui présente également des photographies, toujours tirées du réseau social Facebook, sur lesquelles il se reconnaît en train de jouer au soccer le 3 août 2009. À ce sujet, le travailleur précise qu’il n’a joué au soccer qu’à une seule reprise, dans le cadre d’une partie amicale « avec l’église » qui a duré environ une heure. Par la suite, il a eu mal au dos pendant quelques jours.

[...]

Page 69: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

6969

[59] En ce qui concerne les éléments de preuve présentés à l’audience émanant du réseau social Facebook, la Commission des lésions professionnelles retient ceci. Tant le docteur J. Gauthier que le docteur S. Gauthier mentionnent que le travailleur sort peu, qu’il passe beaucoup de temps devant son ordinateur et qu’il souffre d’insomnie. Le travailleur allègue d’ailleurs à l’audience qu’il joue souvent à des jeux vidéo. Il affirme, en outre, qu’il ne pratique pas de sports. Confronté aux éléments de preuve Facebook, le travailleur se ravise et précise qu’à une occasion, il a frappé des balles de golf lui ayant causé des douleurs lombaires, qu’à une occasion, il a joué au soccer et qu’à une autre occasion, il a joué pendant quelques minutes au basketball.

[60] Or, en l’espèce, la Commission des lésions professionnelles est déjà d’avis que le travailleur n’est pas porteur d’une récidive, rechute ou aggravation de nature psychique de sa lésion professionnelle initiale et ce, en raison de la preuve médicale prépondérante au dossier et des conséquences de cette lésion professionnelle initiale. Dans ce contexte, les contradictions dans le témoignage du travailleur en regard de ses activités quotidiennes sont d’une importance bien relative. Le dépôt à l’audience de commentaires qu’il a émis sur un réseau social et son témoignage au sujet des photographies qui lui ont été montrées démontrent en réalité que le travailleur, malgré sa symptomatologie psychique et la consommation d’antidépresseurs, a conservé des relations amicales et a continué de s’impliquer dans sa communauté, notamment en tant que « youth leader » de son église. Sans plus. »

Page 70: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7070

Brisindi et STM (Réseau des autobus), 2010 QCCLP 4158 :

Les faits :

● chauffeur d’autobus de la STM depuis 8 ans;

● a voulu fermer manuellement les portes de l’autobus qui étaient bloquées;

● douleur à l’épaule gauche;

● arrêt de travail du 8 juillet au 1er août;

● retour progressif à compter du 15 août;

● à l’audition, le travailleur déclare :

« [23] [...] qu’il avait « très mal » entre le 8 et le 12 juillet 2008, que cette douleur l’empêchait de faire des activités et d’effectuer son travail de chauffeur d’autobus. Cette douleur était moins intense à partir du 12 juillet 2008, mais « elle était toujours là ». Il avait encore « des peaks de douleur » entre le 12 et le 27 juillet 2008. »

Page 71: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7171

Mais :

« [25] Durant les mois de juillet et août 2008, le travailleur participe à quatre biathlons et triathlons, soit les 12 juillet 2008, 27 juillet 2008, 10 août 2008 et 16 août 2008, tel qu’il appert des documents déposés par l’avocat de l’employeur et provenant du site « Facebook » du travailleur. Lors des triathlons, il parcourt en général 750 mètres de natation, 20 kilomètres de vélo et 5 kilomètres de course à pied. »

Page 72: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7272

Les conséquences pour le salarié de la preuve récupérée sur sa page Facebook :

« [43] Le rapport d’ergothérapie déposé le 29 juillet 2008 indique aussi que le travailleur n’avait pas réessayé de nager du crawl ni à faire de la bicyclette à l’extérieur à cette date. Contre-interrogé à savoir si cela était vrai, le travailleur répond tout d’abord que c’est exact. Confronté par la suite aux documents déposés par l’avocat de l’employeur et provenant du propre site « Facebook » du travailleur qui démontrent que deux jours avant, soit le 27 juillet 2008, il participe à un triathlon de 700 mètres de natation, 20 kilomètres de vélo et 5 kilomètres de course, et que le 12 juillet il participe à un duathlon, il change alors de version. Quant au duathlon du 12 juillet 2008, il tente de dire qu’il faisait les épreuves comme « une marche du dimanche », qu’il accompagnait sa conjointe qui commençait, qu’il faisait un « jogging relax » et pédalait « d’une main, doucement ». Il n’en demeure pas moins qu’il participe à un duathlon et à un triathlon et n’en souffle mot à personne, ni au docteur Giasson, ni à l’ergothérapeute. De plus, selon son témoignage initial, son épaule le faisait beaucoup souffrir en date du 12 juillet 2008. Il était d’ailleurs en arrêt de travail durant cette période.[...]

Page 73: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7373

[46] Tous les documents déposés par l’avocat de l’employeur et provenant du propre site « Facebook » du travailleur démontrent que celui-ci est un sportif accompli, de haut niveau, qui participe à des compétitions très exigeantes et qui, de plus, obtient de bons résultats dans la période pendant laquelle il est en arrêt de travail. Le fait qu’il n’ait parlé à personne de ces activités sportives de haut niveau entache sérieusement sa crédibilité. »

Page 74: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7474

Garderie Les « Chat » ouilleux inc. et Marchese, 2009 QCCLP 7139 :

Les faits :● entorse lombaire;● éducatrice en garderie;

● elle se sent coincée et ce, après avoir levé un enfant dans ses bras pour le déposer sur le tapis au moment de la sieste;

● diagnostic d’entorse lombaire avec arrêt de travail initial en septembre et octobre 2007, puis prolongé pour une durée indéterminée par la suite;● en janvier 2008 : voyage en République Dominicaine :

« [26] Lors de son témoignage, la travailleuse a confirmé avoir passé une semaine de vacances en République Dominicaine au mois de janvier 2008. Elle a mentionné qu’elle avait toujours mal au dos à ce moment-là mais qu’elle avait besoin de vacances pour son moral et qu’elle s’était reposée, évitant de faire des activités. Des photographies prises lors de cette semaine de vacances, provenant du site de la travailleuse sur « Facebook », ont été imprimées par l’employeur et produites à l’audience. Ces photographies montrent la travailleuse en compagnie d’ami(e)s, dans différentes positions et s’adonnant à des activités diverses (baignade, aérobie). Ces photographies ne laissent pas voir que la travailleuse était souffrante à ce moment-là ou qu’elle avait de la difficulté à se mouvoir. »

Page 75: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7575

Les conséquences pour la salariée de la preuve récupérée sur sa page Facebook :

« [59] Il y a également les différentes versions qui ont été données de l’événement par la travailleuse. Que ce soit sur son formulaire de réclamation, à l’agent de la CSST, à ses collègues de travail, aux différents médecins qui l’ont évaluée ou lors de son témoignage, il n’y a pas deux descriptions de l’événement qui sont identiques et cela soulève un doute sérieux quant à sa crédibilité. De plus, certaines photographies produites à l’audience montrent la travailleuse en vacances en République Dominicaine, en janvier 2008, dans des positions peu compatibles avec une souffrance lombaire aussi importante que ce qu’elle décrit à ses médecins à la même période et subséquemment, alors que l’on songe même à lui administrer des blocs facettaires de L2 à S1, peu compatibles également avec une flexion limitée à 30 ou même à 50 degrés comme c’est le cas lorsqu’elle est évaluée par les docteurs Desnoyers et Maurais. Cela aussi vient entacher sa crédibilité. Or, comme la Commission des lésions professionnelles l’a rappelé dans l’affaire Aubé, pour que la présomption de l’article 28 s’applique, le travailleur doit offrir un témoignage qui soit crédible, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. »

Page 76: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7676

7.2Devant d’autres instances adjudicatrices du monde des relations de travail :

7.2.1 Les tribunaux d’arbitrage :

Syndicat canadien de la fonction publique (FTQ, section locale 3535) c. Société des alcools du Québec (Logistique & distribution), 2011 CanLII 84831 (QC SAT) :

● absence pour cause de maladie du 19 janvier au 3 avril 2011;

● fonction : apposer un timbre sur les bouteilles destinées aux marchandises;

● activités incompatibles :

Page 77: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7777

« [2] [...]

En effet, une recherche sur le site Facebook nous a fait voir, le ou vers le 12 avril 2011, des photos et des commentaires de vous alors que vous étiez en voyage à Cuba entre le 26 mars 2011 et le 3 avril 2011. Ces photos et commentaires démontrent des activités incompatibles avec un épisode dépressif majeur.

Au surplus, toujours sur votre site Facebook, vous avez écrit que vous avez eu, le ou vers le 30 janvier 2011, un contrat de mannequin. »

Son médecin avait suggéré un retour progressif au travail.

Page 78: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7878

Les conséquences pour le salarié de la preuve récupérée sur sa page Facebook :

« [48] Je suis d’opinion que la preuve démontre que M. Mondou n’avait aucun motif valable pour ne pas se présenter à son retour progressif au travail le 28 mars tel que l’avait prescrit son médecin traitant, le docteur Tanferna. Je souligne qu’il s’agissait d’un retour à raison de 2 jours de travail pour la première semaine, soit la semaine où M. Mondou était à Cuba. Le travail de M. Mondou à la SAQ n’est pas complexe, il doit apposer un timbre sur les bouteilles destinées aux marchands. Le relevé des activités inscrites par M. Mondou sur sa page Facebook démontre que s’il était en mesure de faire la fête à Cuba, il était certes en mesure de travailler 2 jours sur 5 pendant cette semaine. Même avant son départ pour Cuba, son état de santé s’était considérablement amélioré. Les 19 et 25 mars, M. Mondou fait état sur sa page Facebook de ses sorties dans les bars et il ne semble aucunement être privé de ses moyens. Le résumé de ses journées à Cuba démontre qu’il s’est amusé comme il est normal que des gens dans la trentaine le fassent, rien de moins.

Page 79: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

7979

[49] Je peux comprendre que le contenu d’une page Facebook est romancé la majorité du temps par leurs auteurs. Les personnes qui écrivent sur les réseaux sociaux ne sont pas assermentées lorsqu’elles prennent le clavier et elles ne s’engagent pas à dire toute la vérité… rien que la vérité! J’ai considéré les récits de M. Mondou dans leur ensemble et je suis parvenu à la même conclusion que le docteur Laplante à l’effet que M. Mondou n’avait aucune condition invalidante pour reprendre son travail progressivement à compter du 28 mars. Il manifestait de l’intérêt envers des projets et recherchait le plaisir. »

Page 80: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8080

7.2.2 Devant la Commission des relations du travail :

Alliance internationale des employés de scène, de théâtre, techniciens de l’image, artistes et métiers connexes des États-Unis, ses territoires et du Canada (L’) (IATSE local 262) c. Cineplex Divertissement LP, 2008 QCCRT 0494 :

En matière d’adhésion syndicale dans le cadre d’un processus d’accréditation :

« [14] Finalement, durant le délibéré, l’employeur s’adresse à la Commission en demandant une réouverture d’enquête pour les motifs suivants : Premièrement, il relate un échange sur le site Internet « Facebook »entre un témoin à l’audience (ci-après L) et le représentant syndical. À la suite de l’audience, L. écrit : « L. est fatiguée » ce à quoi le représentant syndical répond : « Bien joué aujourd’hui L., Merci! on va gagner ! » et L. ajoute :« Ça c certain ». Or, soulignons que même si la Commission mettait de coté le témoignage entier de L., qui n’est venue que confirmer ceux du salarié et de l’autre témoin oculaire cités au paragraphe 7 de la décision, la Commission n’a aucune raison de remettre en doute le témoignage du salarié concerné et de l’autre témoin qui a reçu la somme de 2 $. »

Page 81: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8181

Durocher-Lalonde c. 9096-0469 Québec inc., 2011 QCCRT 0490 :

En matière de congédiement à la suite d’une usurpation d’identité alors qu’une salariée alors enceinte utilise l’ordinateur de sa collègue :

« [3] L’hôtel plaide qu’il l’a congédiée à la suite d’une usurpation de l’identité d’une collègue de travail sur le compte Facebook de cette dernière pour envoyer un message la dénigrant de même que le service d’esthétique fourni à l’hôtel.

[...]

[16] Madame Côté se rend ensuite à la réception de l’hôtel et vérifie l’historique des utilisations faites sur l’ordinateur du centre de santé depuis la veille. Elle constate qu’il y a eu successivement des visites sur le site d’Emploi-Québec (10 h 5), sur Facebook (10 h 46, 10 h 48, 10 h 53 et 11 h 38), sur le site enceinte.com (10 h 59) et des recherches sur les petites annonces pour une table à langer (11 h 19). »

Page 82: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8282

7.2.3 Devant les tribunaux de droit commun :

Arpin c. Grenier, 2004 CanLII 11259 (QC CQ) :

« [2] La demanderesse est une compagnie oeuvrant dans les nouvelles technologies, particulièrement au niveau de systèmes téléphoniques et de la conception de sites web. Elle a eu le défendeur à son emploi de 1999 à novembre 2000. Ce dernier agissait comme adjoint au président, responsable du marketing.

[...]

[5] Le 16 octobre 2000, un texte est publié sur un forum de discussion appelé Planète Québec, portant la signature électronique du défendeur liée à celle de la compagnie demanderesse. Le texte en question indique:

Page 83: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8383

Lundi le 16 Octobre, 2000

PET a orchestré la Crise d'octobre pour discréditer les militants de l'indépendance. Au nom de la «Raison d'État», il fit emprisonner plus de 500 personnes en couvrant ses gestes criminels par la Loi des mesures de guerre. Pinochet a fait la même chose et est allé plus loin. Arrestations sans mandat, perquisitions sans mandat, emprisonnements sans accusation, sans jugement. Et comble de mépris, remises en liberté sans disculpation des internés.

Bourgault aurait dû remémorer ce crime contre l'humanité. Son «mange d'la marde» aux Gars de Lapalme n'est qu'une illustration du profond mépris qu'il avait pour tous ceux qui ne pensaient pas comme lui.

Et, malheureusement, il a fait des petits. En Chrétien et Dion on retrouve les propagandistes des idées de pureté ethnique chères à Milosevic : Séparons le Québec sur la base des langues et donc des origines ethniques.

Faudra-t-il attendre que ces deux-là commettent à leur tour des crimes irréparables pour les contrer?

[...]

Page 84: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8484

[7] Le président de la demanderesse témoigne qu'il rencontrait certaines difficultés à obtenir du financement dernièrement. Il effectue donc une recherche afin de connaître pourquoi il recevait un accueil plus froid des investisseurs potentiels. Il dit avoir découvert le texte en question en septembre 2002.

[8] En relation avec l'entreprise depuis 6 mois, il consulte Claude Allard, lobbyiste, spécialiste en financement, qui témoigne au sujet d'un document déposé en preuve, soit une lettre qu'il adresse à la demanderesse. Il explique que toute institution sollicitée pour du financement peut aisément faire une recherche sur internet et découvrir le texte litigieux, associant ainsi la compagnie demanderesse avec les opinions exprimées. Toujours selon le témoin, ce genre d'écrit constitue une tache au dossier de la compagnie qui doit agir en «due diligence» ou montrer patte blanche. Il ajoute que le défendeur était connu des milieux financiers de la région, à titre de membre de la direction de Sitelle, et comme sa chronique était paraphée d'une adresse courriel réservée exclusivement aux employés de la demanderesse, il était aisé d'associer l'entreprise à ses propos.[...]

Page 85: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8585

[35] La lecture du texte litigieux montre sans aucun doute qu'il est offensant et revêt un caractère diffamant. Quiconque lit ce texte peut également associer cette opinion avec l'entreprise dont le nom apparaît à la signature. Le tribunal est d'avis que la preuve prépondérante est à l'effet que le texte publié a bel et bien été rédigé par le défendeur, et que même si celui-ci était un succédané d'un texte original, bien que la preuve ne le démontre pas, ce dernier aurait tout de même engagé sa responsabilité. Le tribunal estime également que la signature au bas dudit article est bien celle du défendeur et que personne d'autre a utilisé son nom à sa place.

[36] Il a donc manqué de respect envers la propriété de l'entreprise qui l'embauchait, et a converti à son avantage et à son usage un outil mis à sa disposition. Ce principe, ajoute la jurisprudence, s'applique autant à un bien matériel qu'intellectuel. Ainsi, les schémas, dessins, graphiques, cartes, formules, liste de clients de l'employeur, ne peuvent être utilisés par l'employé sans le consentement de son employeur. »

Page 86: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8686

8. La recevabilité en preuve des commentaires provenant d’un compte Facebook :

Les dispositions législatives :

Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, L.R.Q., c. C‑1.1 :

3. Un document est constitué d'information portée par un support. L'information y est délimitée et structurée, de façon tangible ou logique selon le support qui la porte, et elle est intelligible sous forme de mots, de sons ou d'images. L'information peut être rendue au moyen de tout mode d'écriture, y compris d'un système de symboles transcriptibles sous l'une de ces formes ou en un autre système de symboles.

« 2. À moins que la loi n'exige l'emploi exclusif d'un support ou d'une technologie spécifique, chacun peut utiliser le support ou la technologie de son choix, dans la mesure où ce choix respecte les règles de droit, notamment celles prévues au Code civil.

Ainsi, les supports qui portent l'information du document sont interchangeables et, l'exigence d'un écrit n'emporte pas l'obligation d'utiliser un support ou une technologie spécifique.

Page 87: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8787

Pour l'application de la présente loi, est assimilée au document toute banque de données dont les éléments structurants permettent la création de documents par la délimitation et la structuration de l'information qui y est inscrite.

Un dossier peut être composé d'un ou de plusieurs documents.

Les documents sur des supports faisant appel aux technologies de l'information visées au paragraphe 2° de l'article 1 sont qualifiés dans la présente loi de documents technologiques.

[...]

5. La valeur juridique d'un document, notamment le fait qu'il puisse produire des effets juridiques et être admis en preuve, n'est ni augmentée ni diminuée pour la seule raison qu'un support ou une technologie spécifique a été choisi.

Le document dont l'intégrité est assurée a la même valeur juridique, qu'il soit sur support papier ou sur un autre support, dans la mesure où, s'il s'agit d'un document technologique, il respecte par ailleurs les mêmes règles de droit.

[...] »

Page 88: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8888

Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie), 2011 QCCLP 1802 :

Les circonstances :

« [38] En date du 27 janvier 2010, la travailleuse a un compte Facebook depuis environ deux mois. Ce jour-là, un collègue de travail lui demande d’être son ami. La travailleuse accepte. L’accès au profil de ce collègue de travail ainsi qu’aux profils des amis de ce collègue de travail est maintenant possible. La travailleuse prend alors connaissance de commentaires faits par d’autres collègues de travail à son sujet.

[39] La travailleuse imprime une première série de six pages de commentaires et une deuxième série de deux pages; à la Commission des lésions professionnelles, elle dépose trois pages de la première série et une page de la deuxième.

[40] Le lendemain, le 28 janvier 2010, elle imprime d’autres pages contenant des commentaires et dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une page d’une première série de trois pages et une page d’une deuxième série de deux pages. Lors de son témoignage, la travailleuse explique qu’elle n’a pas conservé les autres pages parce que ça ne la concernait pas. »

Page 89: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

8989

La position de l’employeur :

« [41] L’employeur soumet que cette preuve n’est pas intégrale parce que toutes les pages imprimées par la travailleuse ne sont pas déposées. Cet argument n’est pas retenu par la Commission des lésions professionnelles, puisque ce n’est pas parce que la travailleuse ne dépose pas toutes les pages imprimées les 27 et 28 janvier 2010 que celles déposées ne sont pas intégrales. »

La position de la CLP :

« [48] La preuve Facebook déposée par la travailleuse est un document technologique au sens de la Loi sur les technologies. Il a la même valeur juridique, qu’il soit sur support papier ou sur un autre support. »

Concernant la possible altération de document :

« [52] De la même manière, la Commission des lésions professionnelles retient que l’employeur n’a pas fait la preuve que le document déposé par la travailleuse a été altéré et que l’intégralité du document n’a pas à être mise en doute.

[53] Pour cet argument d’absence d’intégralité, la preuve Facebook déposée par la travailleuse ne peut être déclarée irrecevable.

Page 90: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9090

Concernant la recevabilité de la preuve au regard des règles du ouï-dire :

« [58] La Commission des lésions professionnelles en arrive à la même conclusion dans la présente affaire en retenant ce qui suit :

• selon le témoignage de la travailleuse, l’employeur est au courant, depuis le 28 janvier 2010, de l’existence de cette preuve puisqu’il en a été question lors d’une rencontre à laquelle participait, notamment, la directrice;

• l’employeur pouvait prétendre, à l’audience du 3 novembre 2010, être pris par surprise, car cette preuve ne faisait pas partie du dossier de la Commission des lésions professionnelles et que la possibilité de répondre à cette preuve était alors limitée; ce n’est plus le cas puisque quatre autres jours d’audience sont prévus pour la poursuite de la preuve;

• le nom des personnes qui auraient fait des commentaires désobligeants sur la travailleuse apparaissent clairement sur le document Facebook déposé; l’employeur peut donc les citer à témoigner.

[59] La Commission des lésions professionnelles conclut que la preuve Facebook ne peut être déclarée irrecevable pour le motif qu’il s’agit de ouï-dire. »

Page 91: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9191

Concernant la recevabilité de la preuve de la page Facebook au regard des règles du respect à la vie privée :

« [60] Le représentant de l’employeur soumet que la travailleuse a violé les dispositions de la Charte sur le droit à la vie privée en déposant des conversations privées tenues sur Facebook. »

Page 92: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9292

La question : Les commentaires sur Facebook font-il partie du domaine privé?

« [69] La Commission des lésions professionnelles retient que chaque commentaire écrit sur Facebook est fait à titre personnel et ne peut engager aucune autre personne que celle qui émet ce commentaire. Il faut distinguer cependant le caractère personnel d’un commentaire du caractère privé de ce commentaire.

[70] Une personne qui détient un compte Facebook permet à ses amis et aux amis de ses amis de prendre connaissance de ses commentaires. Cette personne peut contrôler la liste de ses amis, mais il devient plus difficile de contrôler l’accès à son profil aux amis de ses amis, liste qui peut s’allonger presque à l’infini. Nous sommes donc loin du caractère privé du profil de cette personne et des commentaires qu’elle émet.

[71] La Commission des lésions professionnelles retient que ce qui se retrouve sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé compte tenu de la multitude de personnes qui peuvent avoir accès à ce compte. La liste de ses amis peut être longue et chaque liste de ses amis peut être tout aussi longue. La preuve Facebook déposée par la travailleuse ne constitue donc pas une atteinte à la vie privée de tierces personnes. »

Page 93: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9393

9. Est-il nécessaire d’avoir un motif raisonnable pour vérifier le « compte Facebook » d’un employé?

B. BROUILLETTE et R. PERREAULT, « Réflexions sur les médias sociaux et leur administration en preuve en arbitrage de grief », Les cahiers de la Conférence des arbitres du Québec, vol. 1, journée formation – avril 2012, Montréal, Wilson & Lafleur, p. 125, à la p. 144 :

« Un employeur peut donc surveiller un salarié à l’extérieur du travail lorsqu’il possède un « motif raisonnable » de le faire. La question devient donc: est-ce que ce principe est applicable en matière de preuve provenant des médias sociaux? Est-ce qu’un employeur doit avoir un motif avant de faire des recherches sur un salarié dans les médias sociaux, comme il doit en avoir avant de faire effectuer une filature?

Selon certains auteurs, il n’est pas nécessaire d’avoir de tels motifs.

Page 94: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9494

Avec respect pour l’opinion contraire, nous croyons que cette dernière condition ne s’applique pas en matière de preuve découlant de l’Internet ou des médias sociaux. Selon nous, l’objectif de cette condition imposée aux employeurs de posséder un « motif raisonnable » est d’éviter l’abus de droit et de protéger les droits et libertés fondamentaux. Cependant, en matière de médias sociaux, l’obtention d’un élément de preuve découle souvent d’une information obtenue sur un médium public.

[...]

Exiger l’existence d’un motif préalable pour effectuer des recherches dans les médias sociaux équivaudrait à affirmer qu’une telle recherche comporte une atteinte apparente au droit à la vie privée, ce qui n’est pas le cas puisqu’une personne n’a pas d’expectative de vie privée sur les médias sociaux, sauf lors de circonstances exceptionnelles. »

Page 95: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9595

Campeau et Services alimentaires Delta Dailyfood Canada, 2012 QCCLP 7666 :

[46] Dans le cas particulier de Facebook, on entend par obtenu légalement le fait de recevoir de l’information d’un utilisateur qui a un compte public, ou en devenant ami d’une personne de façon licite ou par l’entremise d’un ami d’une amie, etc. Seule l’information publiée par des gens ayant un compte public est accessible à tous. Dans les autres cas, l’information n’est pas forcément disponible et, si elle ne l’est pas, même si elle est dans un lieu considéré comme public, elle demeure de nature privée.

[47] Dans l’affaire Bridgestone, la Cour d’appel a statué qu’une personne conserve une attente raisonnable à la protection du droit à la vie privée, même dans un lieu public. Transposer à Facebook, on peut affirmer qu’une personne conserve une attente raisonnable à la protection du droit à la vie privée, en particulier en regard de son employeur, à l’égard d’information non accessible par un moyen licite. Ainsi, ce n’est pas parce qu’on est sur Facebook qu’il ne peut y avoir d’atteinte à la vie privée.

Pour la CLP, il faut apporter un bémol à cet énoncé :

Page 96: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9696

10.Les règles entourant la recevabilité des moyens de preuve « Facebook » :

Code civil du Québec :

« 2857. La preuve de tout fait pertinent au litige est recevable et peut être faite par tous moyens.

2858. Le tribunal doit, même d'office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l'utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

Il n'est pas tenu compte de ce dernier critère lorsqu'il s'agit d'une violation du droit au respect du secret professionnel. »

Page 97: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9797

Les tribunaux doivent répondre aux deux questions précédemment énoncées :

Linda CRAIG, Au travail et sous surveillance, Syndicat canadien de la fonction publique, 2006, p. 95 à 97 :

« (1) Les conditions dans lesquelles l’élément de preuve a été obtenu portent-elles atteinte aux droits et libertés fondamentaux?

(2) L’utilisation de cette preuve est-elle susceptible de déconsidérer l’administration de la justice? »

Page 98: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9898

Campeau et Services alimentaires Delta Dailyfood Canada, 2012 QCCLP 7666 :

[17] Le tribunal exige que la représentante témoigne sur la façon dont elle a obtenu cette preuve. Elle explique qu’elle a créé un compte fictif au nom de Veronica Miles. Elle a pris soin de créer un profil qui allait attirer l’attention de la travailleuse. Ainsi, son profil indique qu’elle travaille au Cirque du Soleil, qu’elle étudie à l’Université McGill (comme la travailleuse) ainsi que ses préférences musicales, de lecture, de cinéma, etc.

[18] La travailleuse l’accepte comme amie, ce qui donne à la représentante de l’employeur l’accès à l’ensemble du dossier Facebook de la travailleuse. Elle en tire toutes les conversations et interventions que la travailleuse a eues durant les 12 derniers mois. À l’audience, la travailleuse mentionnera qu’elle a été attirée par le fait que le pseudonyme de la représentante étudie à la même université qu’elle et qu’elle semblait être dans une position pour l’aider.

[19] La travailleuse affirme qu’elle a pris soin d’activer la protection privée sur son profil ce qui est d’ailleurs confirmé par le témoignage de la représentante de l’employeur qui affirme avoir dû demander à la travailleuse, via son pseudonyme, la permission pour devenir son amie.

[...]

Page 99: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

9999

[51] Selon le tribunal, les moyens utilisés par l’employeur afin d’obtenir la preuve Facebook ne sont pas de nature à porter atteinte « le moins possible » aux droits et libertés individuelles de la travailleuse. En effet, l’usage de subterfuges et de mensonges afin de devenir « l’ami » de la travailleuse dans le seul but d’accéder aux informations nécessaires à sa preuve ne constitue pas une atteinte minime. Ces moyens constituent en effet une atteinte grossière aux libertés garanties par la Charte québécoise. Ils produisent aussi des effets disproportionnés par rapport à l’objectif visé.

[52] Même si la travailleuse a consenti à l’accès, c’est par des moyens dolosifs que l’employeur y est arrivé. En d’autres termes, l’employeur n’a pas accédé à des informations publiques, mais bien à des informations privées qui se trouvaient dans un lieu public, mais non accessible à l’employeur. Pour le tribunal, il s’agit d’une incursion dans la vie privée de la travailleuse. Cependant, cette seule conclusion ne suffit pas pour la déclarer irrecevable.

[53] Cette violation du droit à la vie privée est-elle de nature à déconsidérer l’administration de la justice, deuxième critère de l’article 2858 du C.c.Q.?

[...]

Page 100: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

100100

[55] Selon la Cour d’appel, le tribunal est appelé faire un exercice de pondération entre le principe général de la recherche de la vérité qui est au coeur de notre système de preuve, et le droit à la vie privée qui est protégé par la Charte québécoise. Cette démarche passe nécessairement par l’évaluation de la gravité de la violation du droit fondamental. Pour ce faire, il faut examiner la nature de la violation, l’objet de celle-ci, la motivation derrière la violation, l’intérêt juridique de l’auteur ainsi que la disponibilité de la preuve par un autre moyen.

[...]

[59] Avant d’entreprendre sa démarche, la représentante de l’employeur n’avait aucune indication voulant qu’une situation frauduleuse se tramait par la travailleuse. D'ailleurs, le résultat de cette fouille n’en démontre aucune. La seule motivation de la représentante de l’employeur était d’espérer, en allant dans le profil Facebook de la travailleuse, trouver fortuitement une preuve pouvant l’aider.

[...]

[62] Le fait qu’elle utilise des moyens frauduleux pour arriver à ses fins, fait présumer que la représentante ne pouvait avoir accès à ces informations par d’autres moyens. En effet, s’il existait d’autres moyens on se serait attendu, surtout de la part d’un représentant, que ces moyens soient privilégiés. »

Page 101: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

101101

11.Comment faire la preuve?

Patrick GINGRAS et Nicolas W. VERMEYS, Actes illicites sur Internet : qui et comment poursuivre, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011 :

Il faut distinguer :

L’envoi à un groupe en particulier (p. 53) :

« Lorsque l’acte illicite n’est visible que pour certaines personnes, à l’exclusion de la personne visée par ledit acte, tel un courriel envoyé à un nombre restreint d’individus ou un message diffusé sur un profil privé d’un compte Facebook (par exemple), il sera, en principe, nécessaire de s’adresser aux tribunaux afin d’obtenir accès à ladite information. »

Page 102: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

102102

Une « publicité générale » (p. 52 et 53) :

« En règle générale, la preuve d’un tel acte pourra être recueillie par toute personne ayant la possibilité de constater la commission de l’acte illicite lui-même. Lorsque l’acte illicite sera diffusé via une source publique tel un site Web ou un blogue accessible à tout individu pour consultation, l’internaute pourra, compte tenu des moyens dont il dispose, conserver une preuve de cet acte. [...] »

Page 103: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

103103

12.12.L’employeur est-il contraint de vérifier sur L’employeur est-il contraint de vérifier sur Facebook avant de prendre une décision de nature Facebook avant de prendre une décision de nature disciplinaire?disciplinaire?

Rassemblement des techniciens ambulanciers du Québec – CSN et Services préhospitaliers Laurentides-Lanaudière ltée (Véronique Dumont), D.T.E. 2009T-443 (T.A.) :

« [43] À cet égard, l’arbitre est d’accord avec la partie syndicale lorsqu’elle rappelle qu’une réouverture d’enquête n’est pas une procédure habituelle et qu’elle doit être fondée sur des éléments juridiques sérieux.

[44]  Toutefois, la preuve à être ici déposée ayant été décrite comme pouvant affecter sérieusement la crédibilité des deux seuls témoins cités par la partie syndicale la requête en réouverture demandée ne peut dans les circonstances, et de toute évidence, été considérée comme une requête frivole.

[45] Quant à ces éléments de preuve qui sont décrits comme ayant été disponibles sur le réseau internet depuis l’automne 2007, la preuve devra sans doute en être faite. »

Page 104: Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec Le droit de surveillance de lemployeur et lutilisation des réseaux sociaux : le juste

104104

EN GUISE DE CONCLUSION :EN GUISE DE CONCLUSION :

Même les tribunaux « se mettent à la page Facebook » :

Rio Tinto Alcan inc. c. Syndicat des Métallos, section locale 9490, 2012 QCCS 75 :

« [23] ORDONNE au Syndicat défendeur de publier sur les sites internet du Syndicat défendeur, www.staalma.org, et sur la page facebook du Syndicat des métallos de l’usine Alma 9490 le texte de la présente ordonnance; »