august raconté par zoé

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1 Au g ust Raconté par Zoé Zoé Echterbille

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Vous tenez entre vos mains l’aboutissement de plusieurs mois d’un travail collectif. L’idée de ce livre a germé lors d’une visite chez Marie-Henriette, alors qu’elle nous montrait le carnet qui recelait ce récit si singulier. Quelques minutes suffirent pour le dévorer. Puis, une évidence : et si on sortait ce récit de son tiroir pour en faire un livre? C’est un récit vrai, brut, entier, sans fioritures. Aujourd’hui, ce récit sort de l’ombre pour se laisser découvrir par ses enfants, petits-enfants, arrières-petits-­enfants... À présent, nous vous laissons découvrir le récit d’un homme qui n’a laissé personne indifférent : aussi bien ceux qui l’ont connu que ceux qui le découvriront au travers de ce livre.

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Augu st Raconté par Zoé

Zoé Echterbille

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Je passerai mon ciel

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à faire le bien sur terre

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Augu st Raconté par Zoé

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Augu st Raconté par Zoé

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Vraiment, je vois qu’August n’est pas passé aussi inaperçu qu’il croyait sur cette terre...

© Editions Echterbille 2015Mise en page: G. Dumont Imprimerie Nationale Suisse

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Avant-proposNotre cher Papa,

C’est certain, le 28 juin 1983 restera à jamais gravé dans nos cœurs : c’est le jour du départ de Papa. Maman a écrit ces pages dans les semaines qui suivirent. Son univers venait de basculer. Même si ces pages sont merveilleuses, elles peuvent mettre le focus sur le côté mystique de Papa qui, certes, était très présent. Mais à ses petits-enfants et à ses arrière-petits-enfants, je voudrais dire ceci : « C’était un sacré numéro » !

Il aimait passer des dimanches après-midis en-tiers à raconter des blagues (sur les Flamands de préférence), à raconter les farces qu’il avait fait lui-même avec son propre Papa, à nous surprendre, à nous mettre au défi. Combien de fois m’a-t-il dit d’un air malicieux : « Vous n’oseriez pas »? Et hop ! J’y allais, c’était le feu vert…

Avant-propos

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Il aimait monter des complots improbables. Une boîte à chaussures emballée dans un papier cadeau qui contenait des... pattes de lapin déposée sur le trottoir en face de la maison. Nous guettions avec lui derrière le rideau pour voir qui allait se laisser prendre et la ramasser. Chacun d’entre nous pourrait vous en raconter encore et encore !

Chaque visite à la maison se traduisait par un passage obligé à la serre et tout le monde repartait avec l’une ou l’autre bouture.

Quand ses petits-enfants arrivaient, il se dépêchait de mettre des petits chocolats Suchard dans la poche de son tablier pour le plaisir de se faire « escalader » afin que sa descendance puisse les dénicher… Pour eux, c’était passage obligé chez les tourterelles : il en attrapait une et leur mettait sur la tête.

Il en avait des anecdotes à raconter sur vous tous ! La première brouette de Dominique, qui aura aussi réussi l’exploit de l’emmener en vacances pour 15 jours à la côte belge. Nathalie, qui parvint à faire pipi dans un camion à bascule... sans mouiller sa culotte. Xavier, Etienne, Marie-Pierre,

August

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Jean-Michel, Bruno, Christian, Marie-Aline, Pauline... Les larmes de joie et de fierté pour le premier petit-fils Echterbille, sauvegarde du nom. C’était toi, Patrick… Toi, Clémence, tu fus la dernière « petite » qu’il a tenue dans ses bras, la veille de son départ.

Même quand il fût hospitalisé en urgence en février 1983, le cadre avec ses 12 petits-enfants était avec lui. Obligé ! Il avait d’ailleurs dit : « Celui-là est rempli, il faudra en prévoir un autre ! ».

Il vous aimait tous. Il nous aimait tous.

Je me souviens d’une phrase d’Yvonne quand nous priions toutes les deux près de lui après son départ : « Pour lui, nous étions tous des enfants uniques ».

Merci Papa. Merci pour tout cela. Et ne t’inquiète pas, tu peux vraiment être fier de tous ceux qui sont venus et qui viendront après ton départ. Ils te découvriront un peu à travers ce livre. Tu les aurais adorés eux aussi.

Agnès

Avant-propos

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August

Deux parents au grand cœur !

Complices depuis le premier jour, chacun tenait bien son rôle. Papa en chef de famille assumant toutes ses responsabilités, tant pour sa famille que pour sa profession. Maman, effacée derrière son mari mais à la hauteur pour élever sa belle famille. Je parle de hauteur... Je devrais parler de différence ! Pour Papa, les différences entre lui et maman n’étaient que de 1 an, 4 jours et 50 kg lors de leur mariage.

Papa était un bourreau de travail, mais le dimanche était sacré. Sa famille avant tout : messe du matin suivie d’un repas gastronomique maison co-préparé par les hommes : poulet(s) rôti(s) accompagnés d’un « tchouc » (purée de pommes de terre gratinée et sculptée à la fourchette), com-pote ou légumes frais, pêches ou cerises maison stérilisées dans leur sirop.

L’après-midi, visite chez les parents respectifs, excursions au bois de Ville Pommereul, balades à vélo quand il s’en sentait capable, projections de films de Charlot, Laurel et Hardi, documentaires divers loués pour le week-end.

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Avant-propos

Leur semaine débutait très tôt par une grosse lessive. À notre lever, tout était terminé et le linge pouvait aller se faire sécher au soleil sur les pelouses de l’écluse toute proche ou du jardin derrière les magasins du Boerenbond. C’était une sacré entre-prise que cette famille nombreuse, mais l’ambiance y était souvent à la gaîté. Maman passait ses heures de ménage à fredonner le petit Grégoire de Botrel.

Ils étaient très complices et liés, mais question câlins, que de timidité ! Nous avons longtemps été sur le même tempo. Je me souviens de la gène lors de mon entrée avec Albert à l’internat de Bonne Espérance. Nous avons réussi à embrasser nos parents et frères et sœurs en public, malgré de fortes rougeurs aux joues... Nous nous sommes rattrapés depuis.

Malgré son titre de directeur, Papa était de bon conseil mais n’imposait rien dans nos projets de vie et nous suivait à la trace au cas où. Ils devaient sûrement passer de longues heures à en discuter à deux avant de se coucher. L’image que j’en retiendrais : des guides attentifs tenant leurs poussins par la main.

Jean et Marie-Henriette

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Préface

Ce carnet est le résumé fait pendant les semaines qui ont suivi le décès de mon mari. Un Père de la Salette m’avait demandé de lui envoyer tout cela…

C’est une sorte de révision de vie, pas complète, mais où sont reflétées les périodes les plus importantes de notre vie à deux.

Je me rends compte que, malgré les difficultés, nous avons reçu beaucoup de grâces, et malgré le départ d’August, je me considère comme privilégiée.

Les souvenirs qui me restent sont des souvenirs de bonté, d’amour, de générosité, de fidélité. Pour combien de personnes c’est tout le contraire ?

Alors, merci mon Dieu… et merci à toi August !

À nous deux, Jésus !

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August et ses frères et soeurs

La famille d’August: parents, frères et sœurs

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Son enfance, sa jeunesse,

son environnementI

La familleAugust est né le 21 février 1913 dans un hameau d’un petit village du Brabant, village touchant par la grand’route Bruxelles-Tournai au Hainaut.

La maman était l’ainée d’une famille très nombreuse, et faisait de la couture chez elle pour gagner sa vie.

Leur papa était l’aîné de trois enfants, dont le père travaillait à la carrière de Bierghes. Homme courageux et jovial, mais qui n’avait, comme la plupart des enfants à cette époque, ni métier ni instruction.

Son enfance, sa jeunesse, son environnement

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August

Le travail étant rare, il travaillait tantôt dans les champs pour les gros propriétaires fermiers, tantôt à la sucrerie tout proche… Ou encore pendant un petit temps dans une petite fonderie à Enghien.

Mais tout cela était bien irrégulier et en 1914, la guerre est venue tout perturber. Ils se sont débrouillés comme ils pouvaient, d’autant plus que chaque année, un nouveau bébé venait agrandir la famille.

À la fin de la guerre, ils étaient cinq. Une petite sixième était morte à la naissance. August était donc déjà l’aîné d’une famille nombreuse.

C’est alors que son papa est venu lui aussi travailler à la carrière de Bierghes. Ils finirent par obtenir une petite maison des carrières, qui les rapprochaient très fort du milieu de travail.

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Son enfance, sa jeunesse, son environnement

II L’école

Les maisons des carrières sont des habitations doubles, situées le long de la grand’route Tournai-Bruxelles. Celle occupée par les parents d’August est située sur le territoire de Petit Enghien. D’un côté les champs et la carrière, de l’autre le grand bois de Strihoux.

C’est là qu’August a commencé à aller à l’école du village. L’enseignement se donne en français, mais les gens parlent un patois flamand entr’eux.

Il travaille bien à l’école. Le soir, il assiste ses parents en allant chercher, dans les champs et le bois, de la nourriture pour élever des lapins, voire un cochon.

En hiver, on ramasse du bois mort, pour le chauffage de la maison, et aussi pour cuire le pain. Il a la grande chance de rencontrer à la paroisse les Pères Jésuites français, qui habitent Enghien, mais dont un certain nombre viennent dans les villages des environs s’occuper de la jeunesse. D’abord, la Croi-sade Eucharistique, puis le Patro et enfin la J.O.C.

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À onze ans, il passe son examen cantonal qu’il rate, étant mal préparé, ainsi que tous ses copains de classe. L’instituteur, vexé, ne veut plus les représenter l’année suivante… Mais August était déjà un petit bonhomme décidé ! Il écrit au nom de tout le monde à l’Inspecteur. Celui-ci exige qu’on les laisse repasser leur examen. Cette fois-là, tout le monde réussit.

Mais après cela, il faut poursuivre dans une école moyenne. Au village, il n’y a plus rien. Il y a bien le collège épiscopal à Enghien, mais à ce moment-là, c’est l’école de toute la bourgeoisie de la région et de Bruxelles. Les jeunes du village de Petit-Enghien qui y vont se font remarquer dans le mauvais sens. August ne veut pas devenir comme eux, dit-il à son papa.

Alors, il va essayer de décrocher une bourse d’études et décide d’aller à l’École moyenne de Halle. Son papa le lui permet… Mais à la seule condition de réussir. Il travaille très bien, se présente aux nombreux examens qui se donnaient là pour aider les enfants pauvres. Il a rarement raté le premier prix.

August

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Pendant les vacances, ce petit bonhomme de 13 ans travaillait dans la ferme voisine, comme valet. Il y était nourri, et gagnait suffisamment pour payer son abonnement et ses livres. Il était régulière-ment premier de classe.

III Le Boerenbond

Mais hélas, après trois ans, les parents étaient à bout de souffle. Le papa avait été malade. Ils avaient perdu un petit garçon de sept ans, Michel, d’une pleurésie, et sans mutuelle ni allocations familiales, ils ne purent plus s’en sortir.

Alors, on demanda à August d’aller travailler pour aider ses parents. Il y avait dans sa classe un jeune homme dont le père avait une imprimerie à Bruxelles. Le garçon avait raconté chez lui que le premier de la classe ne pouvait plus continuer, qu’il était obligé d’aller travailler. Et chose rare, le père lui demanda de venir le voir : celui-ci l’engagea chez lui. C’est ainsi qu’August entra au travail au moment où les autres entraient en vacances.

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Voyage d’étude du Boerenbond :

visite des mines de sel

de potasse en Alsace

Dans le jardin du Boerenbond en 1938 : Tante Francine (sœur d’August), tante Marguerite et Florette dans les bras d’Oncle Joseph (frère d’August)

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Tout le monde était très gentil avec lui, mais il s’est vite rendu compte qu’il n’y avait là aucun avenir pour lui. Il confia cela un jour à son patron, qui a très bien compris. Cet homme était vraiment généreux avec lui. Il lui proposa de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve mieux : mais en lui faisant promettre de venir lui soumettre le résultat de ses démarches. Entre-temps, il resterait chez lui.

Cela a duré des mois. Il est allé frapper à beaucoup de portes, mais sans succès, jusqu’au jour où il voit dans un journal qu’on demande un employé pour un magasin du Boerenbond, qui vient de s’ouvrir à Ath. Il montre le journal au patron, qui est d’accord.

Il part donc à Louvain, où il doit passer un examen d’entrée. C’est l’aumônier lui-même, celui qui a fondé cette grande affaire, qui le reçoit.

Un peu intimidé, il passe son examen qu’il trouve ridiculement facile... Mais qui, en fait, était un test !

On lui demande de repasser dans le courant de l’après-midi, ce qui lui permet de visiter un peu cette belle ville de Louvain qu’il ne connait pas.

Son enfance, sa jeunesse, son environnement

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August

Vers deux heures, il retourne au Boerenbond, et cette fois, il est engagé pour commencer directement au magasin d’Ath.

Ce fut le début de sa grande aventure.

À 16 ans, il se trouve seul employé au bureau. Le Directeur, en bon papa, le met à dure épreuve. Lui-même part tous les jours pour visiter la clientèle, qui est à faire. Il voit August, souvent en coup de vent, le matin. August fait le guichet, parce qu’il y a une clientèle à la vente directe. Il tape le courrier, fait la comptabilité, répond au téléphone. Mais il aime être actif. Le Directeur le forme vraiment et voit que cela marche. Il lui donne de plus en plus de responsabilités.

À 19 ans, il est appelé à faire son service militaire. Il est affecté au service de santé, comme infirmier. Etant parfait bilingue, il est envoyé à Bruxelles. Il accepte toutes les gardes parce qu’il ne veut pas « sortir ». Il tient à rester sérieux, comme il dit… Par contre, il aime beaucoup les farces ! Il aimait souvent raconter certaines bonnes blagues qu’ils avaient faites pendant leur service militaire.

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Puis, il revient à Ath reprendre son poste. Il part tous les matins à 6 heures, pour rentrer au plus tôt à 7h30 du soir, parfois à 9h30.

Entretemps, il s’occupe de la J.O.C. au village. Il est trésorier de la section. Ils jouent des pièces de théâtre, pour récolter de l’argent pour le fonctionnement de la section. Un des aumôniers, le Père Thierny, a eu une très grande influence sur lui.

À 22 ans, on lui confie la direction du magasin. Monsieur Thuyls, son directeur, s’occupe du tabac, et voudrait retourner à Louvain.

En 1936, ce fut l’année du Congrès de la J.O.C. à Bruxelles. Toutes les sections ont préparé cela avec beaucoup d’ardeur. Lui aussi, et c’est à partir de là que commence notre aventure commune.

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Rencontre dans le train

L’ équipe de la J.O.C. à Enghien

Première photo

ensemble, 15 jours avant le mariage

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Celui avec qui j’ai eu le bonheur...

Celui avec qui j’ai eu le bonheur de partager la vie

IV La rencontre

J’ai rencontré August pour la première fois le soir du Congrès international de la J.O.C. Le fameux Congrès des 100.000 jocistes au stade du Heysel à Bruxelles.

J’étais à ce moment responsable de la J.O.C. à la fédération du Centre à La Louvière. La région d’Enghien faisait alors partie de cette fédération.

On avait organisé beaucoup de trains spéciaux pour emmener tout ce monde à Bruxelles. J’étais responsable du train vers Enghien-Tournai, pour les compartiments réservés aux filles. Les Pères Jésuites avaient la garde des garçons.

Mais le soir, pour le retour, mon mari est allé s’installer, avec toute sa famille, dans le comparti-

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August

ment réservé aux filles. J’ai eu beau me démener, ils n’ont jamais bougé… Moi, j’étais fâchée, mais eux se sont bien amusés.

Les jours suivants, je l’ai retrouvé sur mon chemin… Par hasard, disait-il.

Petit à petit, je me suis rendu compte que derrière ce farceur, il y avait quelqu’un de très profond, de très bon aussi.

Issu d’une famille ouvrière, pas riche du tout, et étant l’aîné de cinq enfants, il avait dû travailler dès l’âge de 16 ans. Mais son amour pour ses parents, et pour tous ceux qui pouvaient être dans le besoin, était immense. Il s’occupait, lui aussi, d’une section de J.O.C. dans son village, malgré qu’il avait déjà d’énormes responsabilités au Boerenbond. Je le rencontrais le temps d’un trajet de train, nous parlions apostolat des jeunes. Il avait une vision beaucoup plus lointaine que moi, mais sa générosité était telle que bien souvent, je n’en revenais pas.

Moi, j’avais de grosses difficultés chez moi. Mes parents ne comprenaient pas beaucoup

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Celui avec qui j’ai eu le bonheur...

mon enthousiasme pour la J.O.C. et d’autres mouvements d’ailleurs. J’aurais voulu, un moment donné, entrer dans un ordre religieux pour me donner toute au Bon Dieu, mais voilà… Il y avait opposition formelle. Alors, que faire ? Rompre avec toute la famille ? Je dois dire que j’étais très timide, que maman me paralysait, et je ne voyais vraiment pas comment cela allait se terminer.

C’est alors qu’August est rentré en scène.

Voyant mon embarras, il me dit un jour : « Et si tu devenais la maman d’un prêtre ? » Cette question, je ne l’attendais pas, mais lui, il y pensait depuis un bon moment.

C’était au mois de septembre 1936. Après nous avons réfléchi ensemble, nous avons prié, j’ai demandé conseil…

August avait comme confidente sa vielle marraine, qui était alitée depuis des années et à qui il rendait visite tous les dimanches matin. Le 18 septem-bre 1937, nous nous sommes mariés, parce que nous voulions fonder un foyer où nous pourrions former des apôtres.

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Le train du pèlerinage à Lourdes

Le service militaire au bataillon du service santé

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Celui avec qui j’ai eu le bonheur...

V Mobilisation

Les premiers mois de notre mariage, il m’est impossible de les décrire. J’ai découvert un homme tellement merveilleux, d’une délicatesse et d’une piété telles que bien souvent je me demandais jusqu’où il allait me conduire…

Il se dévouait corps et âme pour ses fermiers. Moi, il m’encourageait à faire des visites aux familles les plus pauvres du quartier.

Bien souvent, on les recevait chez nous. Le dimanche, il allait chercher des enfants qui habitaient dans des taudis pour les promener à la campagne. Il recevait volontiers les ouvriers dont il avait la charge à la maison. Il les recevait en amis. Tout cela était chose normale pour August. Souvent, il me disait qu’il n’oublierait jamais que son papa était un ouvrier de carrière.

Mais cette vie enivrante n’a pas duré longtemps, parce que très vite, ce fut la mobilisation pour cette fameuse guerre.

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August

Ayant fait son service militaire au service de santé, il fut donc rappelé sous les armes comme sergent infirmier. C’est ainsi qu’il avait, dans son peloton, 26 prêtres nouvellement ordonnés par Monseigneur Rasneur à Tournai. Ils étaient deux civils seulement. Là aussi, August choisit la difficulté. Il laisse à l’autre sergent tout ce qui avait rapport à l’armée, lui prenant le domaine des malades. Il s’organisa avec les prêtres pour qu’ils puissent faire un véritable apostolat auprès des soldats, qui étaient loin de leur famille.

Ensemble, ils ont fait du très beau travail. 40 ans plus tard, il racontait encore avec émotion la fête de Noël qu’ils avaient organisée au Camp de Beverloo. Mais, pendant ce temps-là, moi, je deviens malade à Ath. Je suis restée couchée pendant deux mois. Seule, sans aide de la famille. De braves voisines sont venues me secourir.

August s’inquiète, il ne peut revenir comme il le veut. Il était cantonné à ce moment-là au canal Albert, près de la frontière allemande. Au début de février, il revient en congé, pendant trois jours.

Mais son zèle, à soigner les pauvres soldats qui

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Celui avec qui j’ai eu le bonheur...

souffraient du froid, l’a fatigué et il s’est enrhumé. Il espère pouvoir guérir cela pendant le congé, mais trois jours après, il a fallu rappeler le médecin de l’armée, qui lui donne trois jours supplémentaires, mais tout se complique. Il fait une angine avec un phlegmon sur l’amygdale. Il n’y avait pas encore de pénicilline, ni rien de ce genre. Finalement, après huit jours, le médecin décide de couper dans la gorge, parce qu’il risquait de s’étouffer... Mais trop tard : le lendemain, il commence un rhumatisme articulaire. Il a souffert atrocement et avant qu’on ait trouvé le bon médicament pour enrayer le mal, son cœur était atteint.

Ce fut alors un long travail de patience. Jamais, je ne l’ai entendu se plaindre. C’est lui qui lançait une blague et qui donnait de l’espoir aux autres. Ceci s’est passé au mois de février 1940.

Il a fallu longtemps pour le remettre sur pieds. D’abord quelques heures, puis quelques pas.

À Pâques, il a voulu « aller faire ses Pâques » à l’église, qui était à cinq minutes de la maison. Il a mis vingt minutes, appuyé sur mon bras, mais il était heureux !

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Rassemblement de l’équipe dont

August était responsable,

le long du canal Albert, ensemble

pour fêter Noël

Pendant la mobilisation

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Temps de guerre

Temps de guerreVI

Les cavesPuis, vint la mobilisation de tous les jeunes, avec obligation de partir en France.

Du coup, le magasin était sans personnel. Il a voulu partir tous les jours, malgré son handicap, pour prendre la relève. Il partait le matin. J’allais faire à dîner là-bas, pour lui permettre de rester toute la journée, mais nous voilà le 16 mai et les allemands bombardent Enghien, Ath et Tournai, le long de la ligne du chemin de fer Bruxelles-Tournai. Pendant une heure et demie, les avions passèrent et repassèrent. Nous étions tous rassemblés dans la cave du magasin : August, moi-même, les ouvriers, les ouvriers de la sucrerie toute proche et des clients.

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C’est là que pour la première fois, je l’ai vu prendre ses responsabilités et s’oublier complètement. Comme tout le magasin était la cible du bombardement, c’était très dangereux de sortir de la cave et il s’est vraiment imposé à tous. Personne ne pouvait sortir. Nous étions dans le noir le plus complet ; moi, je tremblais. Il me tenait dans ses bras et me demanda de réciter le chapelet. Ceci eut pour effet de calmer tout le monde et même ceux qui n’allaient jamais à l’église priaient avec nous.

Finalement, les avions avaient l’air de s’éloigner un peu et à ce moment-là, quelqu’un est venu crier de sortir de la cave parce que tout brûlait au-dessus.

Nous sommes alors sortis, mais quel spectacle ! L’écluse du canal en face avait, elle aussi, été touchée par les bombes, avec comme conséquence que le canal était vidé, provoquant des inondations à l’écluse suivante.

Du magasin, il ne restait rien. Le froment et les autres aliments brûlaient. Sur la rue, il y avait des trous de huit mètres de profond. Il fallait pourtant sortir, entre toutes ces ruines, parce que les avions revenaient.

August

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Nous nous sommes réfugiés dans plusieurs caves du quartier. Toutes les maisons étaient ouvertes parce qu’il y avait beaucoup de monde qui fuyait devant les allemands.

Dans une des caves, une dame a eu une crise de nerfs, de peur. Encore une fois, August est allé calmement s’occuper de cette personne, calmant tout le monde jusqu’à la fin de l’alerte.

Il avait tellement impressionné les personnes que cinq ans plus tard, quand nous sommes allés habiter dans cette rue, un des premiers jours, une vieille dame, qui est devenue une amie après, est venue me trouver et m’a dit : « Madame, ce n’est pas vous qui êtes venue en 1940 dans notre cave ? » Je lui ai répondu que c’était possible, mais que je ne savais plus exactement. Alors, elle me dit « Votre mari, était tellement bien ce jour-là que je n’oublierai jamais cette tête-là ». Pour lui, ce qu’il avait fait était normal.

Après cela, nous avons dû évacuer. À la gendar-merie, on trouvait qu’il était trop jeune pour rester là quand les allemands arriveraient.

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Nous voilà donc en route, à pied, comme tant d’autres, logeant ça et là, dans des maisons accueillantes. Moi, j’avais une valise avec quelques effets indispensables. Lui, essayait péniblement de marcher.

À quinze kilomètres d’Ath, nous avons dormi, toujours dans la cave d’une petite ferme, dont mon mari connaissait le fermier. Le lendemain, il y avait un gros camion avec des gens de la région de Verviers. Ils espéraient rejoindre la Normandie. Nous avons donc grimpé dans ce camion, avec une dizaine d’autres personnes.

Mon mari espérait rejoindre un hôpital militaire, à l’arrière du front pour pouvoir soigner des soldats. Il me disait: « Toi aussi, tu pourras te dévouer là-bas ».

Mais voilà, la drôle de guerre n’était pas du tout comme celle de 1914. Nous avons traversé Tournai en flammes et quand nous avons atteint la frontière française, plus moyen de passer. Les allemands étaient montés trop vite en France et toute l’armée belge était encerclée de partout.

August

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En plus, toute la population civile en fuite se trouvait là, près de la mer. Alors, que faire ?

VII L’accueil à Beveren

Nous avons essayé de rentrer dans le pays par Courtrai. Nous avons évité les grand-routes où les allemands mitraillaient régulièrement les civils. Bien souvent, nous étions seuls au milieu des champs. À Courtrai, mon mari connaissait un collègue. Nous avons dormi là une nuit. Puis, le lendemain matin, il nous a conduits avec son cheval et une petite charrette jusque Roulers.

Là, un autre collègue a étudié la carte avec nous et nous nous sommes dirigés vers un petit village, qui s’appelle Beveren.

Il y a normalement une demi-heure de marche pour arriver jusque là. Nous avons mis six heures ! Depuis dix heures du matin jusque quatre heures de l’après-midi. Mon mari n’en pouvait plus. À un moment donné, il s’est assis dans un fossé, à côté

Temps de guerre

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August

d’une petite chapelle et m’a demandé d’aller voir si personne ne pouvait nous héberger pour la nuit. Toutes les maisons étaient combles. Il n’y avait de place nulle part. Finalement, j’ai vu un ouvrier qui était un peu plus loin, près d’une petite maison. Il nous observait de loin.

Je lui ai expliqué mon embarras, en flamand bien entendu. Il m’a dit, comme les gens simples peuvent si bien le faire: « Entrez toujours, on va voir ».

Nous sommes entrés. Le pauvre August n’en pouvait plus. Le soir, ils nous gardèrent à souper. Puis, ils nous ont trouvé un lit... Le leur !

Nous sommes restés là, pendant trois semaines, partageant leurs repas et toute leur vie, même leur vie de prière.

C’était des gens très pauvres, qui vivaient juste de ce qu’ils récoltaient. Ils élevaient des lapins, des poules, un cochon et avaient deux chèvres. De cette façon, ils avaient du lait, des œufs, de la viande et des légumes. Leur pain, ils le faisaient eux-mêmes, avec le grain glané après la moisson sur le champ des fermiers.

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Temps de guerre

Quand au lit qu’ils nous avaient trouvé, nous avons appris, bien plus tard, que les parents étaient allés dormir au grenier, sur des bottes de paille !

J’ai bien souvent repensé à la générosité de ces pauvres gens, qui étaient si contents de pouvoir nous aider.

Cette famille-là, elle est restée une partie de notre famille et, chaque année, aussi longtemps qu’August pouvait sortir, nous sommes allés leur rendre visite. Maintenant, ce sont eux qui viennent. Cela fait 43 ans !

Trois semaines après, il y a eu l’armistice. Les batailles sur place étaient terminées. Nous s ommes donc rentrés à la maison. Où nous avons eu la joie de retrouver toute la famille de mon mari ; ses parents, ses deux jeunes sœurs et une belle-sœur. Ils étaient aussi partis sur la route et, étant fatigués à cause de leur âge, ils s’étaient réfugiés chez nous.

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Visite à Beveren avec Marie-Henriette, Jean et Yvonne

Avec la famille de Beveren (trois générations)

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RésistanceVIII

Tout reconstruirePuis, il fallait remettre tout en route. Il y avait les ruines. Il fallait tout remettre debout.

August s’est remis au travail. Tous les matins, malgré son handicap, nous assistions à la messe de six heures trente. Nous faisions cela depuis le début de notre mariage. Il était si heureux de pouvoir communier le matin, avant de commencer sa journée de travail. Il offrait toute sa journée, comme on nous l’avait appris à la croisade eucha-ristique, puis à la J.O.C.

Déjeuner à sept heures, puis au bureau à partir de sept heures trente. Bien souvent, il allait chercher son courrier à la poste, afin de pouvoir mieux préparer le travail des ouvriers et sa besogne à lui. L’après-midi et le soir, il visitait les fermiers. Il s’attardait souvent pour trouver une solution à leurs problèmes, chez les petits, surtout.

Résistance

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Combien de femmes seules n’a-t-il pas aidées pendant la guerre, parce que leur mari était en Allemagne et que la ferme devait continuer ?

Mais nous étions en guerre. La première année a été très difficile. Il y avait tout le système de ravi-taillement qui s’est mis en place. Le marché noir aussi.

August avait un sens très aigu de la justice, de l’honnêteté, de la charité. Il ne pouvait souffrir que des gens aient faim. Alors, il devient astucieux. Il invente un système de répartition des petites parties de blé qu’il a eu en excédent et qu’il ne veut pas donner aux instances officielles.

Il donne un nombre de points par bouches à nourrir, et distribue au prix du ravitaillement.

L’argent ainsi récolté partira à Louvain dans une caisse noire, qui sert à aider les familles du personnel qui est en Allemagne.

Combien de fois on s’est moqué de lui, en lui disant tout simplement qu’il était un « imbécile » de ne pas en profiter…

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Résistance

Sa réponse était toujours la même : « Mes enfants ne diront jamais, Papa, ce franc-là, tu ne l’as pas gagné honnêtement ! »

Un jour, l’Abbé Moreau, un saint homme, ami de la famille, me téléphone, pour dire que les sœurs du Carmel sont dans le plus grand besoin. Plusieurs étaient malades, de faim. Ce fut pour lui le début d’un contact avec le Carmel, qui va mettre sainte Thérèse de Lisieux dans toute sa vie et dans celle de notre foyer. Pendant toute la guerre, il a cherché de la nourriture pour les carmélites. Tout était partagé. Cela devenait si naturel chez lui, que même les enfants savaient qu’il y avait la « part du carmel » ; après la guerre, nous avons continué cela jusqu’au départ des carmélites d’Ath, il y a quelques années seulement.

Sa santé s’est remise peu à peu grâce aux soins de notre bon Docteur Platiau, sa volonté à lui et beaucoup d’aide du bon Dieu.

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IX Projet d’enfants

Au début du mois d’octobre, j’ai dû subir une opération, qui est bénigne maintenant mais qui était, à ce moment-là, encore sérieuse.

Je n’étais pas solide du tout et le médecin ne voulait pas m’endormir au chloroforme. Ils décidèrent donc de n’endormir que la place.

August était toujours inquiet quand il s’agissait de ma santé. Jamais il ne montrait cette inquiétude, mais il priait, faisait prier les autres et avait confiance. J’ai mis du temps pour me remettre. Mon foie me jouait des tours. Nous avions cette année-là du très mauvais pain. Jamais il n’a voulu que j’en mange. C’est lui qui se nourrissait de ce qu’il y avait de moins bon. Moi, j’étais obligée de manger le meilleur, impossible de tricher : il restait à côté de moi jusqu’à ce que j’ai fini de manger.

Nous avions tant prié pour avoir des enfants…Et voilà que cette année là, il y avait enfin une espérance.

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Mais cela n’a pas été tout seul. J’ai dû observer un repos complet : du lit à la chaise longue et des piqûres, afin de pouvoir garder cet enfant. Encore une fois; il invente, il organise.

Sa plus jeune sœur de 14 ans vient souvent pour aider un peu. Moi, je ne peux faire que du travail étant assise.

Entre-temps, nous avions changé de maison. Elle se trouvait un peu vers l’extérieur de la ville. Plus moyen d’aller à la messe tous les jours. Pendant plusieurs mois, je ne pouvais même pas y aller le dimanche. Alors, un beau jour, il m’a fait télé-phoner au clergé pour m’apporter la communion, au moins pour les fêtes.

Enfin, le 9 juin, notre petite Marie-Henriette est venue au monde. Quelle joie pour lui !

Quel merci il a dit au bon Dieu ce jour là. Elle était très petite, ne pesait que 2,1 kg. Mais, avec beaucoup d’amour et de soins, elle va grandir et fera sa joie et sa fierté !

Mais la guerre continue. On organise la résistance. Il a dans ses ouvriers de tout jeunes gens, qu’il

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faut protéger, pour ne pas se faire prendre par les allemands.

Il prend des risques, beaucoup de risques. Il aura même dans son personnel le chef de la résistance, et son magasin sert de point de ralliement.

Jamais, je n’ai rien su de cela. Il allait parfois voir des amis cachés, afin de leur remonter le moral. Mais, moi, je n’ai appris cela qu’après la guerre. Il ne voulait pas m’inquiéter.

En avril 1944, en pleine alerte, est né notre petit Jean. Cette fois, c’était un garçon ! Quelle joie !

August

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Jean bébé

Marie-Henriette bébé, avec son parrain Henri

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Marie-Henriette et Jean à la rue du Chapelain,

chez Charlotte et Julia, où ils ont habité lorsque

Zoé était insécurisée dans la maison du

chemin de Saint-Julien

Marie-Henriette, avec sa marraine (maman de Zoé) et Metje (grand-mère de Zoé)

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Puis ce fut la libération

Puis ce fut la libération

X La vie reprend son cours

Toute la ville est en fête. Nous regardons passer les soldats belges et américains, qui vont rentrer à Bruxelles. Les résistants défilent en ville. On cherche après August, qui répond simplement « Ce que j’ai fait, c’était mon devoir ». Jamais, il ne s’est inscrit dans un groupe quelconque. Pour lui, ce que d’autres avaient appelé de la bravoure, était chose normale.

Il faut aider son prochain, surtout le plus pauvre et le plus malheureux. Après la guerre, il se remet en route, pour reconstruire. Les visites aux fermiers, bien souvent avec Marie-Henriette derrière son vélo. Mais il aime cela.

Il raconte de bonnes blagues aux vieilles personnes assises au coin du feu. Bien souvent, elles attendent

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sa visite. Il aime les taquiner parce qu’il sait que cela leur fait plaisir.

Tous les dimanches, il les passait en famille. Le matin, quand les enfants étaient trop petits, nous allions à l’église à tour de rôle. Puis, au fur et à mesure qu’ils grandirent, ils venaient à la messe avec nous.

A l’église, il me faisait souvent penser à Monsieur Martin, le papa de Sainte Thérèse. Il n’avait pas la barbe mais son sérieux et sa dévotion était un peu cela. Pourtant, il ne parlait pas beaucoup mais il suffisait de le voir vivre. La famille Martin, il la prenait un peu comme modèle.

Après la messe, nous faisions le dîner ensemble, puis, tout le monde faisait la vaisselle et mettait de l’ordre dans la maison.

L’après-midi, quand il faisait beau et qu’on n’allait pas en visite dans la famille, tout le monde partait au bois. Là, il jouait avec ses enfants. Ils en gardent encore maintenant un très bon souvenir.

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XI Une nouvelle maison

En 1945, nous avons changé de maison. La petite maison du chemin de Saint Julien était devenue trop étroite. La nouvelle maison était située non loin du magasin. Elle était plus grande et il y avait un grand jardin.

Tout cela paraissait très beau mais voilà, qu’au premier hiver, on s’est rendu compte qu’elle était très froide. Certains jours, il faisait moins froid dehors. Tout cela a eu comme conséquence que les enfants étaient très souvent malades.

En décembre 1947 naissait dans cette maison Albert, le petit quatrième. À ce moment, les trois autres avaient la coqueluche. Le médecin exigeait l’isolement total du bébé à cause de la contagion possible. Je restais donc dormir en bas, avec le bébé dans des pièces isolées.

August, lui, dormait en haut dans les chambres avec les trois malades. Il se levait fréquemment pour les soutenir aux moments des quintes de

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toux répétées pendant la nuit. Il faisait tout cela de la façon la plus naturelle. Pendant la journée, il faisait son travail normal au bureau. Jamais, je ne l’ai entendu se plaindre. Il y allait d’une bonne blague pour détendre les autres. Cette situation a duré huit semaines. Chaque naissance était une vraie fête à la maison. Pourtant les difficultés de santé ne manquèrent pas.

À chaque grossesse, il y avait pour moi du repos, des piqûres et beaucoup de prudence. Il s’occupait des enfants, faisait parfois la lessive le matin, avant de partir au bureau, lavait les petits quand j’étais couchée.

Que de choses je pourrais dire à ce propos. August aimait ses enfants et sa femme aussi et ne le cachait à personne.

Dans la région, où il y a très peu de naissances, nous choquions un peu mais tout le monde avait pour lui le plus grand respect, parce qu’il s’occupait lui-même de ses enfants et de quelle façon !

Notre idéal ? Prouver qu’il y avait moyen d’élever une belle famille chrétienne et être heureux.

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Quand je revois aujourd’hui toute cette partie de notre vie, je peux dire que nous étions vraiment heureux au milieu de notre grande famille. Des difficultés, on en a eu, mais August avait une confiance inouïe dans la Providence et cela a été une réalité.

Nous n’avons jamais été riches mais ce n’était pas notre but. Jamais nous n’avons manqué du nécessaire.

Pendant la guerre, il est arrivé que le matin, on donnait à l’un ou l’autre, qui en avait besoin, soit du beurre ou d’autres nourritures. On était sûrs que dans l’après-midi, on en recevrait de quelqu’un !

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Voyage Luxembourg, avec Jean, Yvonne, Albert et Marie-Paule

Un dimanche au bois de Ville Pommereul.

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1948: nouvelle épreuve

1948: nouvelle épreuve

XII Problèmes d’argent

Nous avions reçu l’assurance du propriétaire de la maison qu’on pouvait y rester pendant un bon moment. On avait donc rafraîchi toute la maison, avec pas mal de difficultés.

Alors, un jour, on nous a prévenu qu’il fallait quitter la maison, même avant la fin du bail, parce que le propriétaire voulait revenir lui-même dans la maison.

Nous avons cherché partout. Il n’y avait vraiment pas de maison à louer à Ath à ce moment-là. Finalement, il a fait des démarches pour acheter une maison raisonnable, qui était située non loin du magasin, mais où il n’y avait pas de jardin. De gros problèmes de financement nous ont donné d’énormes soucis. Nous n’avions pas assez d’argent au départ.

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Mais le bon Dieu, qui savait bien pourquoi on était sans argent, est venu à notre secours.

Le directeur général, qui connaissait bien August, nous a fait confiance. Il est passé outre du règlement et nous a avancé la totalité de l’argent pour payer la maison. Puis, la vie reprit son cours normal. Les naissances successives... Les unes plus faciles que les autres.

August était de plus en plus occupé. Non seulement il m’assiste à la maison, mais à côté de son travail normal, il se dévoue. Il fait partie des conférences de Saint-Vincent de Paul, de la ligue du Sacré Cœur. On fait appel à lui pour le conseil de Fabrique de l’Eglise Saint-Julien. Il a assisté à la fondation du Parti Social Chrétien dans la région. Pendant des années, il conduit les prêtres, une fois par mois, pour communier les malades.

Comme il y avait encore le jeûne eucharistique, il fallait y aller tôt le matin. C’était souvent le premier vendredi du mois. Cela se faisait le matin avant de commencer la journée.

Un jour, on nous appelle de la paroisse en pleine

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nuit. Le papa d’un des vicaires était mourant de l’autre côté du pays. August s’est levé et est allé chercher la voiture. Il est parti dans la nuit. Cela faisait au moins 50 kilomètres. Il a roulé toute la nuit. Quand le prêtre est arrivé à destination, il est revenu seul, mais à un moment donné, il a cru qu’il allait s’endormir au volant alors il s’est arrêté brave-ment sur le côté de la route pour dormir un peu.

Le matin, il est revenu et a repris sa journée comme si rien ne s’était passé. Il était comme cela, disponible le jour et la nuit chaque fois qu’on avait besoin de lui !

Bien souvent, on l’a réveillé très tard le soir et très tôt le matin. Malgré sa santé ébranlée, il se levait, prenait le téléphone et répondait à chaque appel. Il essayait de satisfaire chaque fois qu’il le pouvait. Pourtant, les déceptions ne lui ont pas été épargnées.

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Devant la tombe des parents de Sainte-Thérèse

Première communion de Christiane et Agnès

Toute la famille devant

la basilique

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Voyages à Lisieux

Voyages à LisieuxXIII

L’œil d’AlbertEn 1949, notre petit Albert devait avoir deux ans et demi. J’étais occupée à nettoyer du poisson avec un petit couteau pointu. À un moment donné, je n’ai jamais compris ce qui s’est passé exactement. L’enfant était à genoux sur une chaise près de la table où je travaillais. Un faux mouvement de ma part ou de sa part ? Je ne sais pas, tout cela a été si vite ! Toujours est-il que l’enfant a touché la pointe de mon petit couteau. Je n’avais rien vu mais il mettait sa petite main sur son œil. Alors, j’ai regardé tout de suite pour m’apercevoir qu’il s’était coupé dans l’œil.

Vite, un coup de téléphone à mon mari, qui est arrivé sur-le-champ et a emporté l’enfant chez le médecin. Celui-ci a alerté immédiatement le médecin spécialiste pour faire une intervention chirurgicale, qui a eu lieu directement.

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J’étais très inquiète mais le calme d’August et sa confiance étaient telles que je parvenais, malgré une grossesse avancée, à passer cette épreuve avec espoir.

Mais August, toujours lui, avait alerté le Carmel. Les sœurs commencèrent directement une neuvaine à Sainte-Thérése. Le Carmel de Lisieux fut aussi alerté.

Malgré le pessimisme des médecins, cette opéra- tion a réussi. Notre médecin de famille, qui était un bon chrétien, nous a dit après quelques semaines : « Cet enfant ne devait plus voir de cet œil, le cristallin étant touché. Médicalement, on ne peut pas expliquer cela ».

Nous avons alors promis d’aller remercier la petite Thérèse de Lisieux.

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XIV Sainte Thérèse

Ce fut le début de nombreux voyages à Lisieux. Nous logions avec les enfants à l’Ermitage Sainte Thérèse, qui était tenu par les sœurs Oblates de Sainte Thérèse.

Chaque année, au début juillet, nous y allions. Ce fut bien souvent la seule grande sortie. À partir du 15 juillet, il était pris par la moisson.

À Lisieux, tout le monde le reconnaissait. Il aimait passer à la tour du Carmel avec les enfants. Il leur parlait de la petite Thérèse, de ses parents. Nous allions d’ailleurs toujours visiter les « Buissonets ».

De retour à Ath, il continua à en parler. Il aimait organiser ce voyage. Il choisissait chaque fois des itinéraires différents pour les enfants. Les gens commençaient à s’intéresser à ces pèlerinages. C’est ainsi qu’il a réussi à faire aller les enfants du Patro en car à Lisieux. Des particuliers venaient lui demander des itinéraires. Bien des gens y sont allés, tellement il en parlait avec chaleur.

Voyages à Lisieux

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Un jour cependant, il a mis lui-même un voyage en route avec des fermiers de la région. La première fois, il remplit deux cars avec dans chacun des cars, un aumônier, parce qu’il voulait un véritable pèlerinage !

Les gens ont été tellement contents qu’il est retourné avec deux autres cars, le mois suivant. Mais tout cela a fait trop de bruit aux yeux de certains et l’année suivante, l’alliance agricole a prétendu que ce n’était pas au responsable commercial d’organiser des voyages avec les fermiers.

Depuis lors, il a dû travailler dans l’ombre et cela lui a fait beaucoup de peine. Mais jamais il n’en a parlé, sinon avec moi.

Les pèlerinages ont continué pendant plus de vingt ans.

Quand à nous, nous avons continué à y aller discrètement en voiture, avec les enfants. Il s’est effacé, malgré sa peine, sans jamais la montrer à personne. Il pardonnait tous les affronts avec le sourire. L’essentiel était que le bien se fasse.

August

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La vie continua, très dense. Les petits grandirent vite, malgré les coqueluches et les rougeoles. C’était chaque fois multiplié par le nombre. De nouveaux bébés naquirent : Marie-Paule, puis Maggy, Ghislain, Pierre, Christiane et Agnès.

Entre-temps, au Boerenbond, il y eut de gros problèmes de stockage de céréales. Il fallait obtenir de Louvain l’autorisation de construire des silos et cela a duré des années. Des démarches, des discussions. Il fallait faire patienter les gens !

Voyages à Lisieux

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Un des nombreux voyages qu’August organisait avec des fermiers de la région et l’abbé Spitaels

Excursion au gouffre de Padirac

(Lac de la Pluie)

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L’accident de Marie-Henriette

L’accident de Marie-Henriette

XV Treize longues journées

En 1963, Marie-Henriette donnait des cours de religion dans les écoles communales. Pour plusieurs endroits, elle devait se déplacer en voiture. Or, cette année-là, l’hiver fut très long et les routes très mauvaises. Fin de l’hiver, un matin du mois de février, elle part de la maison vers 8 heures. Le sol paraissait assez sec, malgré qu’il y avait de la neige depuis des semaines. ce jour-là, il se remit à geler brusquement, rendant les routes très dangereuses.

Ce dont j’avais toujours eu peur arriva vers 8h30. Ce fut l’accident. La voiture dérapa sur une plaque de verglas. Elle fut projetée contre un arbre le long du chemin et Marie-Henriette fut sortie de la voiture inconsciente, saignant très fort de la tête.

Vers 9h30, l’inspecteur Lucas, qui devait l’inspecter

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ce jour-là me prévenait par téléphone qu’elle était à la clinique de Leuze. Je préviens aussitôt mon mari… Et le voilà parti voir sa petite fille. L’attente à la maison fut longue, mais il y avait de quoi.

À la clinique, les religieuses qui la soignaient étaient très gentilles. Marie-Henriette saignait toujours, était dans un coma profond. Monsieur le Doyen de Leuze, qui était arrivé sur place, dit à August qu’il serait prudent de lui donner le sacrement des malades. Voilà ce pauvre papa, qui a assisté à toute la cérémonie, avec une foi profonde. Ce n’est que vers la fin qu’il s’est senti drôle, lui-même. La religieuse m’a confié après la réflexion de monsieur le Doyen : « Ce monsieur est un saint ! »

Après cela, il a dû aller faire le constat de l’accident avec les gendarmes. Puis, il est revenu à la maison pour venir me chercher. Il avait toujours l’art de me présenter les choses graves d’une façon très vraie. Il m’a dit: « C’est très grave, mais il faut avoir confiance... », et de la confiance, lui il en avait!

Il m’a donc conduit à Leuze près de notre malade, mais, sans rien dire, il avait pris avec lui une relique (un bout de cheveux) de la petite Thérèse

August

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de Lisieux. Arrivés à la clinique, la sœur lui glissa à l’oreille: « Monsieur, je désespère de la réchauffer », mais lui, sans rien dire, a glissé cette relique sous l’oreiller de Marie-Henriette. Dix minutes après, la sœur revient et, surprise, la voilà réchauffée !

Entre-temps, il avait alerté le Carmel. Les sœurs commencèrent une neuvaine à sainte Thérèse de Lisieux. Les sœurs de Lisieux y participèrent d’ailleurs.

Quant à moi, je restais près d’elle jour et nuit. La nuit, les plus grands enfants et des amis sont venus certains jours faire la garde, pour me permettre de dormir quelques heures.

August, lui, assumait son travail au bureau, il dirigeait la maison avec les plus grands, et il parvenait quand même à passer à Leuze.

Comment cet homme, qui était cardiaque, parvenait-il à faire tout ce travail ? C’est lui qui me tranquillisait. Avec lui, je n’aurais pas pu perdre confiance...

Mais Marie-Henriette était toujours dans le coma. Certains jours, on avait l’impression qu’elle nous

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revenait et puis après, c’était toujours le vague, le noir. Elle m’appelait, sans se rendre compte que j’étais près d’elle.

Monsieur le Doyen de Leuze venait la voir tous les jours et aussi un prêtre qui disait la messe chez les sœurs le matin. J’allais, d’accord avec lui, au moment de la consécration jusqu’à la communion, pour alors vite revenir près de ma malade.

Enfin, le treizième jour, qui correspondait au neuvième jour de la neuvaine à Sainte-Thérèse, elle sortit du coma. Tout le monde était ravi. C’est alors que son papa a voulu, lui-même, la mettre au courant de ce qui s’était passé.

En détail, sans dramatiser, avec son immense bonté, il a pris sur lui pour, avec beaucoup de patience, redonner confiance à son enfant.

Après, les choses allèrent beaucoup plus vite. Après trois semaines de séjour en clinique, on a autorisé le retour de Marie-Henriette à la maison, à condition de rester allongée, au repos complet.

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XVI La convalescence

À ce moment, August pensa à l’avenir. Étant professeur de religion dans plusieurs villages, il fallait absolument que Marie-Henriette reprenne le volant le plus vite possible. Alors, il a imaginé tout un stratagème pour lui faire choisir, elle-même, la prochaine voiture. Ce qu’il fit avec la complicité du garagiste. La voiture fut livrée très rapidement. Alors, il a porté Marie-Henriette dans la voiture, à côté de lui, et il est allé faire un tour avec elle. Tout cela pour lui redonner de l’assurance et de la confiance en elle.

L’été s’est passé en convalescence. Les différents examens médicaux furent concluants et Marie-Henriette put reprendre normalement ses cours au mois de septembre.

On venait encore de repasser une année très dense mais où August, chaque fois, était celui qui gardait confiance. Il rassurait les autres et avec son beau sourire et sa confiance absolue, il maintenait dans

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la maison une atmosphère presque normale.

Nous aimions beaucoup nous occuper de nos enfants nous-mêmes. Le dimanche, le seul jour où August était à la maison, nous allions d’abord à la messe avec toute la petite bande. Les grands garçons étaient enfants de chœur, les autres é taient près de nous. Les gens nous regardaient passer, mais il était très fier de sa petite troupe. Le dîner, on le faisait ensemble. Il cuisinait avec les plus grands. Tous, même les garçons, devaient donner le petit coup de main. Ils s’amusaient beaucoup d’ailleurs.

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L’engagement des enfants

XVII Vie associative

À partir de 10 ans, on se rendait compte qu’il fallait autre chose aux enfants que les jeux en familles. Les uns s’engagèrent alors au Patro, les autres préférèrent les Scouts.

Pour nous, cela a été une période très difficile. Les enfants s’engagèrent à fond, mais cela suppose de la part des parents une très grande disponibilité. Il y a les réunions, tantôt au local, tantôt à la maison. Bien souvent, tout était transformé en local pour l’un ou pour l’autre.

Il fallait chercher des endroits de camps pour les vacances. Papa prenait la voiture et partait avec l’aumônier et les plus grands. C’était des journées fatigantes pour lui, mais il était heureux de rendre service.

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Cela a duré 20 ans, depuis les aînés jusqu’aux plus jeunes. Il guidait, sans s’imposer. Cela a demandé de sa part beaucoup de générosité parce qu’il avait une très forte personnalité : il aurait pu facilement s’imposer pour tout.

Depuis les années 60 jusque 70, nous avons passé des années difficiles dans la paroisse. Jusque là, nous avions eu de très bonnes relations avec tous les prêtres qui s’étaient succédé dans la paroisse pendant près de 30 ans.

Mais, ce fut « le renouveau ». Mon mari a toujours eu une vue très sûre. Il était en avance de 20 ans sur les autres. Sans doute était-ce parce qu’il réfléchissait beaucoup et puis aussi parce qu’il vivait tout ce qu’il disait.

Il prévoyait les catastrophes, qui sont d’ailleurs effectivement arrivées. Les prêtres qui lançaient beaucoup des expériences dangereuses quittèrent les uns après les autres. Notre région fut particulièrement touchée. Nous avions peur pour la foi de nos enfants. Il fallait qu’à la maison au moins, ils retrouvent l’Évangile vécue.

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Bien souvent, nous étions près du découragement. Quand il était vraiment trop las, il partait parfois un week-end à Lisieux.

Il allait retrouver « sa petite Thérèse » pour lui confier tous ses problèmes et sa famille.

Nous étions d’ailleurs très connus à Lisieux et chaque fois, il passait au carmel où les petites tourières se faisaient une fête de l’accueillir.

D’autres fois, il partait à la messe à la cathédrale de Tournai. Il était sûr que Monseigneur Himmer, notre bon évêque, serait venu lui dire quelques mots de réconfort. Cela lui redonnait courage pour les jours suivants.

Les enfants étaient très ouverts à toutes les opérations, qu’ils lançaient parfois eux-mêmes dans la ville ou la région. C’est ainsi qu’ils participèrent à l’opération 48.81.00. La première année, on récoltait simplement des jouets pour les enfants démunis.

Puis, ce fut la journée mondiale des lépreux. Ils firent venir Raoul Follereau, qui aimait beaucoup le contact avec les jeunes.

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Pendant plusieurs années, toute l’organisation partait de la maison. Papa mettait la main à la pâte. Il travaillait activement avec eux. Il leur donnait des adresses, portait des paquets de publicité et les encourageait partout où il le pouvait.

Mais, après quelques années, on a trouvé que les enfants mendiaient trop. Des mots d’ordre furent donnés. Par qui ? Mystère... Mais plus un seul mouvement de jeunesse ne pouvait aider à ce genre de collecte.

La famille s’est ainsi retrouvée toute seule. Ils ont continué comme ils le pouvaient avec August.

Mais, entre-temps, Louvain avait donné son accord pour la construction de silos à grains au magasin. August s’est dépensé sans compter pour les avoir prêts à temps. Il surveillait lui-même les travaux, discutait avec les responsables tout en faisant son travail normal. Puis, en 1964, ce fut l’inauguration des premiers silos. Il était très fier. Sa clientèle devenait de plus en plus nombreuse. Il fallait faire un nouveau silo plus grand... Mais avec tout ce travail, énervant et fatiguant, il s’est usé avant l’âge.

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Yvonne entre à l’école d’infir-mière Jeanne d’Arc à Tournai

Jean au camp scout en Ardennes: construction d’une tour et d’un mât de drapeau

Excursion avec le patro

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78Voyage au Luxembourg avec Albert, Jean, Marie-Henriette et Christiane

La petite sirène bien entourée avec Ghislain et Pierre

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Le Danemark

Le DanemarkXVIII

CopenhagueEn 1968, Marie-Henriette nous demande d’entrer chez les Petites Sœurs de Foucauld. August accepta. Nous sommes allés la conduire nous-mêmes à Banneux Notre-Dame, où elle devait faire son postulat. Il était en même temps heureux et inquiet. Après quelques mois, elle vint à Bruxelles dans un quartier populaire, où elle faisait des ménages. Puis, on lui demanda de partir au D anemark. Il donne l’autorisation et elles s’en vont à deux en stop à Copenhague.

Il a fallu recevoir les premières lettres pour être vraiment rassurés.

Pendant les vacances, August décide de partir avec les aînés voir Marie-Henriette à Copenhague. Ses voyages étaient toujours très bien préparés. Il faisait cela avec les plus grands. C’est lui qui conduisait la voiture, mais c’est eux qui servaient de guides.

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Nous traversons donc toute l’Allemagne et allons prendre le bateau pour faire la traversée jusqu’au Danemark. C’est un voyage merveilleux d’ailleurs.

Le lendemain à 15h30, nous étions chez les petites sœurs. Il était fou de joie. Quelles journées magnifiques nous avons passées là-bas ! La respon-sable était une jeune fille de Lyon dont les parents étaient en visite aussi.

L’accueil chez les sœurs était très cordial. Il y eut beaucoup de joie. Nous avons pu visiter la ville qui est magnifique. Les sœurs travaillaient soit en usine, soit chez des particuliers. Marie-Henriette travaillait chez un pharmacien.

Une deuxième maison était située sur la presqu’île. C’était une petite ferme que les sœurs exploitaient elles-mêmes. Tout cela était très beau car on était en été.

Un deuxième voyage fut fait au congé de Toussaint avec deux autres enfants plus jeunes et une maman de religieuse de Roubaix. Tout cela, il l’organisait à côté de son travail. Il avait du mal à vivre loin

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de ses enfants. Mais Marie-Henriette avait du mal à supporter le froid en hiver. Elle a fait de la polynévrite et a dû rentrer en Belgique.

Le 2 février, nous allons la voir. Il y a une prise d’habit mais sa santé n’est pas brillante. Elle continue l’hiver mais nous voyons très bien que quelque chose ne va plus. Alors, je demande à Monseigneur Thomas, qui était venu au Carmel d’Ath, d’aller la voir. Il décida qu’elle devait rentrer à la maison car sa santé ne lui permet plus de continuer.

Elle avait été absente deux ans. Papa est allé la chercher lui-même. Il a vu la volonté du Bon Dieu dans ce qui arrive dans la vie au jour le jour.

Le Danemark

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Randonnée autour deNotre Dame de la Salette

Zoé lors d’un de ses

voyages à La Salette

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La découverte de La Salette

XIX Un beau voyage

Marie-Henriette a repris ses cours de religion, comme avant. En 1969, après la moisson, il décide de partir à La Salette avec une des filles, Maggy, qui fait des études d’infirmière, et moi-même.

Il y avait longtemps qu’il en parlait. Il était très fatigué et c’était la fin de la moisson. Il a travail-lé jusqu’à la dernière minute. Après avoir dit au revoir aux enfants avec toutes les recommanda-tions d’usage, il sauta dans la voiture avec nous deux, pour aller rejoindre ce lieu où la Sainte Vierge est apparue à ces deux bergers.

C’est à peu près tout ce que nous savions sur La Salette. Il avait très bien préparé son voyage, comme toujours. Il avait l’habitude de faire cela avec les aînés. Il consulta la documentation afin

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de nous faire profiter au maximum du voyage. Il était gai, plein de réparties, nous faisant observer toutes les beautés de la nature le long du chemin.

Le premier soir, on a logé à Ars, à la Providence. Il aimait bien y venir. Ce brave curé d’Ars, il le comprenait si bien et souvent il se servait des ré-flexions du curé d’Ars pour répondre aux gens, dans des circonstances bien précises. Par exemple, quand lui ou les autres étaient critiqués injuste-ment, il racontait l’affaire du cimetière:

Si nous comprenions bien ce que c’est d’être enfant de Dieu, nous ne pourrions faire le mal… Être enfant de Dieu, oh, la belle dignité !

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.

Ce n’est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon, mais c’est Dieu qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui.

Donnons donc cette joie à ce bon Père : revenons à lui… Et nous serons heureux.

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Le bon Dieu est toujours disposé à nous recevoir. Sa patience nous attend !

Certains donnent au Père Éternel un cœur dur. Oh, comme ils se trompent ! Pour désarmer sa justice, le Père Éternel a donné à son Fils un cœur bon : on ne donne pas ce qu’on n’a pas…

Il y en a qui disent : « J’ai trop fait de mal, le Bon Dieu ne peut pas me pardonner ». C’est un gros blasphème. C’est mettre une borne à la miséricorde de Dieu, et elle n’en a point : elle est infinie.

Nos fautes sont des grains de sable à côté de la grande montagne des miséricordes de Dieu.

Quand le prêtre donne l’absolution, il ne faut penser qu’à une chose; c’est que le sang du bon Dieu coule sur notre âme pour la laver, la purifier et la rendre aussi belle qu’elle était après le baptême.

Le bon Dieu au moment de l’absolution jette nos péchés par-derrière ses épaules. Il les oublie, il les anéantit: ils ne reparaîtront plus jamais.

Il ne sera plus parlé des péchés pardonnés. Ils ont été effacés, ils n’existent plus !

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Nous avons fait quelques heures de pèlerinage à Ars parce qu’il n’était pas question pour lui de passer un jour de vacances sans assister à la messe et y communier. Puis, nous partîmes pour Lyon, Grenoble et la belle route Napoléon.

Arrivés à Corps, le temps se gâta, un orage avec beaucoup de pluie éclata. Moi, j’ai toujours eu peur de l’orage, mais lui a monté les 14 kilomètres de montagne, que nous ne connaissions pas du tout à travers cet orage, en plaisantant pour détendre l’atmosphère et nous détendre toutes les deux.

Finalement, nous sommes arrivés à l’hôtellerie. Il faisait noir mais sans encombre, malgré les trombes d’eau qui dégoulinaient des montagnes.

Les pères nous ont reçus avec beaucoup de sollicitude. Il y avait moins de pèlerins qu’aujourd’hui, parce qu’il n’y avait que l’ancienne hôtellerie, mais il y avait toute même un important groupe d’allemands.

Le lendemain, nous sommes restés émerveillés devant le panorama au moment du lever du soleil. Nous n’avions jamais rien vu d’aussi beau.

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Papa s’est amusé à faire de belles photos avec un appareil tout neuf, dont lui-même se servait. A neuf heures, ce fut le récit des apparitions à la source, puis les différentes cérémonies organisées par les Pères. Ce n’était pas mal, mais c’était avant le Concile, encore en latin et ce n’était rien en comparaison avec les cérémonies d’aujourd’hui.

Le deuxième jour, il y avait une grippe générale dans la maison. Une sorte de dysenterie provoquée par l’eau. Presque tous les Pèlerins étaient malades. Mon mari ne buvant que de l’eau fut bien sûr vite touché, puis ce fut le tour de Maggy, si bien que nous avons passé la moitié de notre séjour en chambre.

Pour le retour, on avait prévu plusieurs haltes, mais affaiblis par la diarrhée, on a roulé le plus loin possible, pour rentrer au plus tôt.

Ce fut le dernier grand voyage de mon mari. Il avait souvent dit : « Je retournerai », mais le bon Dieu en a jugé autrement.

À partir de ce moment, sa santé va diminuer progressivement. Plusieurs fois, il va reprendre le travail, mais avec difficultés.

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Le jardin de la chaussée de Bruxelles avec la serre

Jacques filme l’éclosion d’une

fleur de passiflore

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L’adieu au BoerenbondOn construit encore un silo de grains parce que les autres sont devenus trop petits. Augut veut encore surveiller les travaux, mais en même temps, on fait au Boerenbond une réorganisation de tout le système de vente. Il y a certaines décisions avec lesquelles il n’est pas d’accord du tout. Il a beaucoup souffert à ce moment.

D’un côté, il se sent envié. Certains jeunes veulent tout simplement le remplacer parce qu’il faut toujours marcher droit avec lui. Bien sûr, on ne peut lui faire aucun reproche, parce qu’il est encore toujours là le premier et part le dernier.

Mais l’ordinateur fait son apparition et on supprime du personnel. Comme il aime ses employés, il souffre et se trouve en permanence entre le personnel et la direction. Il a pourtant un

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très bon directeur, qui comprend et l’encourage mais certaines décisions l’ont vraiment marqué.

Son état de santé se détériore de plus en plus et en été, lors de la visite du médecin du travail, celui-ci intervient auprès du médecin de famille et le fait se reposer.

Il reste d’abord pendant un mois, puis trois mois, et essaie de reprendre tout doucement. Il ne veut pas croire qu’il en est arrivé là et pourtant en septembre 1970, le docteur est formel : il faut arrêter définitivement.

Il ne dit rien mais passe une période très difficile. Nous avions à ce moment-là encore 5 enfants aux études. La plus petite n’avait que 10 ans. Moi-même, j’étais fort inquiète mais je n’osais en parler pour ne pas le peiner davantage.

Il avait 57 ans. Il avait eu l’habitude d’avoir une vie très active et brusquement, il est condamné à rester dans son fauteuil sans faire aucune fatigue physique.

Que faire ? Les premiers mois, il était trop malade pour réagir. Heureusement, il y avait les petites et

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surtout la plus jeune, qui parvient à le sortir d’une torpeur où il avait parfois l’air de s’installer.

Souvent, il me fait passer le disque sur la vie du curé d’Ars, Thérèse de Lisieux ou les chants du Père Duval, qu’il écoute chaque fois avec autant d’émotion.

Puis, petit à petit, son état s’améliore. Le docteur voudrait bien le voir s’occuper de quelque chose. C’est alors qu’il lui vient cette idée merveilleuse de commander une petite serre, dans laquelle il va s’émerveiller chaque jour devant la nature. Il sème des fleurs, fait des boutures, beaucoup trop pour lui, mais cela lui donne l’occasion d’en offrir. Pendant plus de 10 ans, il va s’appliquer à regarder le travail des autres. Chaque fois, il se rend compte qu’il peut apporter quelque chose pour faciliter la vie des autres ; il le fera parfois, sans avoir l’air d’y réfléchir.

Il restera dans son fauteuil en regrettant de ne pas pouvoir aider davantage, mais sa présence seule pour moi était une sécurité.

Il ne s’impatiente presque plus et raisonne plus

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calmement, en essayant de ne faire de tort à personne. Son avis était judicieux et les enfants savaient très bien que l’avis de papa était raison-nable et bon.

Au point de vue religieux, on essayait de le conduire à la messe. Il n’était plus question qu’il aille à la messe à pied. Il s’asseyait et suivait la messe avec beaucoup d’attention. En rentrant, tous les dimanches, il prenait l’émission religieuse en France, suivie par la messe. Il appréciait beaucoup les sermons du Père David, Bro ou Michel Quartz.

Combien de fois, je l’ai vu, attentif, les larmes aux yeux, parce qu’il était sous des dehors assez sévère, un grand sensible.

XXI L’envol des enfants

C’est aussi pendant cette période que les enfants se sont mariés. Ce fut d’abord Yvonne. August était déjà très handicapé et eut beaucoup de peine à monter les escaliers de l’hôtel de ville. Il était

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soucieux du bonheur des enfants. Jamais, il ne s’est imposé mais les enfants savaient très bien qu’il ne fallait pas essayer de faire ou de rencon-trer n’importe qui. Quand il était inquiet, il m’en parlait d’abord et puis on avisait. Mais il avait une très grande confiance. Il priait beaucoup et confiait l’avenir de ses enfants au bon Dieu.

Les études des enfants aussi le préoccupaient beaucoup. Au moment où il est devenu malade, nos ressources ont fatalement diminué. Moi, j’étais plutôt inquiète. Lui me rassurait en disant que le Bon Dieu ne nous abandonnerait pas. Or, nous avions encore à ce moment cinq enfants aux études, dont trois pensionnaires. Bien sûr, il a fallu s’organiser, supprimer toutes les dépenses qui n’étaient pas indispensables. Mais, avec l’aide des aînés, cela a finalement bien marché.

Trouver du travail était encore quelque chose de bien difficile. Nous habitions dans une région agricole où il n’y a pratiquement pas de débouchés. C’est pourquoi, les jeunes mariés ont souvent été obligés d’habiter loin de chez nous.

August aimait garder contact avec ses enfants,

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malgré sa maladie. Il a réussi à ce qu’ils aient tous le téléphone et bien souvent, pendant que je faisais les courses, il téléphonait à l’un ou l’autre. Il n’était jamais plus longtemps d’une semaine sans nouvelle. Il faisait son petit tour de Belgique, comme il disait.

XXII Écoute et sourires

Il pensait aux autres en s’oubliant, à tel point que bien souvent, il nous imposait des voyages. C’est ainsi que je suis allée sept fois à La Salette. Plusieurs fois en voiture, avec une partie des enfants, les autres restaient près de lui pour faire le ménage. En cours de route, on lui téléphonait, il avait l’air tellement heureux du bonheur des autres.

Après le mariage des quatre aînés, il devenait plus difficile pour moi de sortir. C’est alors qu’il a voulu que j’aille quand même en pèlerinage à La Salette et ce fut le début des pèlerinages en car avec le Père Chacun.

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Il s’intéressait à tout ce que nous faisions et comme il était un organisateur né, c’est bien souvent lui qui pensait à un tas de détails que j’aurais facilement oubliés.

Quand j’étais inquiète, cela m’arrivait, il me rassurait. Il avait des arguments qu’on avait difficile à démonter.

De temps en temps, l’un ou l’autre ami venait lui dire bonjour. C’était une fête pour lui. Contraire-ment à son habitude, il parlait beaucoup alors. Il s’intéressait à leur vie, leur famille, leur travail. Les heures paraissaient si rapides avec lui. Il racontait ses petites blagues pour faire rire. Il savait surtout réconforter ceux qui souffraient. Que de gens sont venus dans notre « place de devant » lui demander conseil, demander son avis, au point de vue pro-fessionnel, mais aussi et surtout au point de vue moral ou religieux.

Que de conversations j’ai entendues au téléphone, où des parents en larmes lui téléphonaient et où longuement, avec une sagesse et une bonté qui m’émerveillaient, il remontait le moral et les conseillait judicieusement.

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Les gens dans la peine étaient sûrs de trouver August à l’écoute.

Mais sa peine à lui, il fallait la deviner. Moi, qui le connaissais pourtant très bien, il parvenait encore à la cacher derrière un beau sourire ce qui le faisait souffrir.

Des difficultés, il en a eu énormément. Il ne voulait pas ennuyer les autres. Les gros problèmes au moment de la réorganisation du Boerenbond, il n’en a jamais parlé.

Il restait parfois la tête entre les mains pendant de longs moments, puis il se relevait d’un air décidé. Je me suis parfois demandé ce qu’il faisait. Les dernières années, j’ai compris. Il priait. Il priait toujours avant de prendre une décision.

Il avait l’habitude de tout accepter, de sorte qu’on croyait que tout cela était devenu normal pour lui.

Ainsi, il avait un régime épouvantable, pas de graisse, pas de sel, pas de bière, pas de vin, pas de pain, des légumes, un peu de viande, du potage sans graisse ni sel, et de l’eau à boire.

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Quand il avait de la visite, ou même à une fête, un mariage ou une communion, tout le monde buvait son petit verre. Lui, il encourageait les autres en disant que cela lui faisait plaisir.

Sa grande joie les dernières années, c’était de recevoir ses enfants, accompagnés des petit- enfants. Il les prenait sur ses genoux avec une telle tendresse. Il distribuait des bonbons aux enfants. J’évitais de le faire moi-même, parce que je savais que cela lui faisait plaisir.

Quand il faisait bon, il venait souvent sur le pas de la porte, afin de voir passer les gens dans la rue. C’était parfois émouvant de voir les ouvriers s’arrêter pour dire bonjour à Monsieur August. Il s’arrêtait alors avec eux et parlait de leurs problèmes et de leur famille.

Un de ses ouvriers, qui a maintenant plus de 80 ans, était un brave homme qui ne savait même pas lire. C’était un flamand qui estropiait le français, c’était comique de l’entendre parler. Il a travaillé pour lui pendant plus de quarante ans. Après sa mise à la pension, il traversait la ville et venait dire bonjour au « patron », comme il disait.

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Ces après-midis-là étaient chaque fois une partie de plaisir. Ils refaisaient à chaque fois toute l’histoire du magasin. Tout ce qu’ils avaient pu faire comme farce était relaté. Il y avait de la joie et de la nostalgie dans ces récits. J’ai appris beaucoup de choses au cours de ces visites.

Il s’amusait à la fin de chacune de ces visites à donner un cigare à Norbert. Puis, il fallait en donner un deuxième pour le dimanche suivant. L’ouvrier l’emportait chaque fois comme un précieux cadeau, en promettant de revenir bien vite !

D’autres collaborateurs venaient de bien loin pour lui dire bonjour. C’étaient de vrais amis ceux-là. Pourtant, il souffrait en silence car pas mal de gens pour qui il s’était dépensé sans compter avaient l’air de l’avoir oublié totalement. Tout cela, il l’offrait silencieusement au Bon Dieu.

La vie des enfants l’intéressait beaucoup. Aussi, chaque fois qu’il était inquiet pour l’un ou l’autre, cela se voyait. Il redoublait d’attention pour ceux-là surtout. Il téléphonait pour demander des nouvelles. Il priait et me faisait prier. Combien

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de fois, il m’a envoyée à Lisieux, ou même à La Salette, pour l’un ou pour l’autre enfant. Lui, faisait le sacrifice et restait à la maison et faisait semblant d’être heureux de me voir partir. Souvent, il disait en riant : « J’aurai la paix pendant trois jours ! ». Il cachait son émotion de cette façon mais il fallait bien le connaitre pour s’en apercevoir.

XXIII La santé décline

Les dernières années, sa santé s’est aggravée. Le médecin spécialiste a voulu l’hospitaliser à plusieurs reprises. Ce fut chaque fois douloureux pour lui. Il avait beaucoup de pudeur et n’aimait pas les examens qu’on lui imposait. Puis, il s’inquiétait pour moi. Il avait peur que je me fatigue de trop.

Les traitements, même les plus pénibles, il les acceptait sans perdre son beau sourire. Chaque jour, il demandait à la religieuse qui est encore là de lui porter la communion. L’année dernière, son séjour avait été de cinq semaines. En rentrant, il était très heureux de revenir à la maison, de

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retrouver ses enfants et ses habitudes.

Au mois de février, un soir, il se plaignait de mal à la poitrine. Nous avons alerté le médecin, qui est venu tout de suite. Il lui a fait une piqûre, croyant que cela allait se passer. Une heure après, il ne pouvait plus rester couché. Alors, le médecin est revenu. En l’examinant, il déclare brusquement : « Il fait un peu d’asthme cardiaque, je l’emmène à la clinique ».

Il est donc parti en urgence. On lui a donné de l’oxygène, plus d’autres traitements pour l’aider à respirer. Le brave docteur Decelle est resté près de lui jusque bien loin dans la nuit. Les enfants se sont relayés près de lui. Le matin, je suis allée à mon tour. On voyait la souffrance sur son visage, mais souriant, il m’a dit : « Ce n’est pas encore pour aujourd’hui. C’est un bon coup de pied du Bon Dieu pour ne pas rater le dernier ».

Quelques jours plus tard, le rythme cardiaque était vraiment insuffisant. Les pulsations descendaient régulièrement en-dessous de 50. Alors, les médecins décidèrent de lui mettre un stimulateur. L’intervention n’était pas très facile. Comme le

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médecin avait l’air d’hésiter, il lui dit : « Allez-y docteur, Sainte Thérèse est à côté de vous ». En effet, cela a marché ce jour-là.

Quelques jours plus tard, le cœur a repris un rythme normal et on a pu enlever ce stimulateur mais en même temps, une petite infection rénale est venue compliquer tout cela.

Pendant plusieurs semaines, il reste en service de soins intensifs. On fait des examens répétés. Lui, toujours très calme, est gentil avec tout le monde. Il étonne les médecins stagiaires par sa sérénité. Chaque jour, il reçoit la communion.

Les médecins hésitent, puis finalement, la semaine sainte, on m’annonce qu’il pourra passer quelques jours en famille, mais avec promesse de revenir lundi. Pourquoi ? Je dois avouer que je trouve tout cela bizarre.

Monsieur le Doyen vient le confesser pour Pâques et sort de la chambre en souriant et disant: « Il a bon moral ! »

Puis, brusquement, le médecin le laisse revenir pour de bon. Que s’est-il passé ? Mystère...

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102La fête d’anniversaire de mariage et les 20 ans de Christiane

La dernière photo de famille avec August

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La surprise

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Retour à la maisonAugust rentre à la maison tout joyeux et cela a l’air d’aller vraiment mieux.

Le lendemain, les enfants téléphonent chacun à tour de rôle. Il annoncent leur visite pour le lendemain... Pour quelques heures, pour ne pas fatiguer papa. Je trouve cela tout à fait normal.

Le dimanche matin, après la messe, on lui apporte la communion à l’habitude, puis, il prend les émissions religieuses en France.

On dîne à cinq, mais tout de suite après, les premiers enfants s’amènent, suivis des autres.

À un moment donné, il sort avec moi et m’entraine jusqu’à la serre. Il voulait voir dans quel état j’avais laissé ses fleurs. C’était vraiment un gros effort pour lui, mais il traine et va même voir ses pigeons. Quand nous sommes rentrés à la maison,

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les enfants avaient tout changé dans la maison. La grande table était dressée. Tout le monde était là, cela fait 31 maintenant.

Je m’étonne un peu, mais je trouve cela encore normal, puisque papa vient de rentrer après cinq semaines d’absence.

Mais voilà qu’on sonne à la porte. Une dame vient apporter une immense corbeille de roses. Je m’étonne et leur dis qu’ils sont devenus complètement fous. August rit de bon cœur, les enfants aussi, mais personne ne dit rien.

Finalement l’ainé des petits-enfants, Dominique, monte sur une chaise et commence un discours sur notre histoire, alors enfin, je comprends... Nous n’avions pas pu fêter nos 45 ans de mariage au mois de septembre, à cause des vacances, et l’absence des enfants, alors, il avait tout préparé avec eux et la complicité de tout le monde, à mon insu.

C’était curieux à voir comme il était heureux quand il pouvait me faire une bonne farce comme cela. Voyant tout cela, en les regardant tous, je leur dis : « Maintenant, il ne manque plus que le Doyen ».

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Quelques minutes après, coup de sonnette et effectivement le Doyen est parmi nous... Lui aussi était prévenu.

Le pâtissier du quartier est venu apporter un immense gâteau pour la circonstance.

Tout le monde était joyeux, c’est toujours ainsi quand toute la famille est réunie. Mais le coup de la soirée était la bonne farce qu’il m’avait faite, parce que personne n’avait trahi le secret.

Il fit lire quelques mots à tous par Marie-Henriette. Même cela, il l’avait préparé avec elle...

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Chers enfants,

Après bien des péripéties, nous y voilà enfin à cette fête. Depuis si longtemps, on y aspirait, on la préparait, mais les évènements ont mis pas mal d’obstacles sur notre route…

Maman et mois sommes heureux et nous remercions Dieu de célébrer avec vous tous ces 45 années de mariage.

45 ans, c’est long et c’est court…

Nous sommes heureux surtout de ce que, tous ensemble, nous formions une famille et une famille unie. Notre plus cher désir est que cette bonne entente entre tous ne soit jamais ternie, que toujours vous restiez unis comme vous l’êtes aujourd’hui.

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Vous nous offrez un projecteur. Il servira à faire revivre par l’image bien des choses. Mais, je voudrais qu’il soit pour vous un symbole, symbole d’un partage avec les autres, symbole d’une ouverture aux autres, mais aussi lumière qui rayonne.

Que chacun de vous, là où il vit, soit aussi ouverture aux autres, projection vers les autres, gardant le souci d’avoir une vie « projetable », de rester toujours lumière qui rayonne.

C’est tout cela qui nous fera le plus plaisir.

Papa et maman

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Cette entente entre les enfants et toute la famille a toujours été pour lui un de ses plus grands soucis. Il tenait à le dire tandis qu’il était encore là, ce qu’il m’a dit après.

Dans cette ambiance joyeuse, les enfants ont fait de nombreuses photos.

Elles constituent maintenant nos plus vivants souvenirs. Papa y est, tel qu’il était, avec son beau sourire, qui ne le quittait plus les derniers temps.

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Le départ

Le départXXV

Beaux joursAprès cette belle fête, la vie calme est revenue à la maison. La santé d’August semblait s’améliorer. Il est allé mettre de l’ordre dans la serre avec moi, me donnait un tas de conseils et de recommandations pour l’organisation de mon travail, pour les soins des fleurs.

J’avais l’habitude de tricoter beaucoup et là, il m’a fait arrêter les après-midis. Il préférait que je m’assoie près de lui. Parfois, il ne parlait même pas. C’était vraiment comme les premières semaines de notre mariage.

Un soir, il m’a confié la souffrance qu’il avait endurée lors de son dernier séjour à la clinique. Il me dit : « J’ai goûté un peu, oh, un tout petit peu au calice de la passion. J’avais mal partout, on me piquait partout en même temps... Je n’ai rien dit à cause de vous autres, mais j’ai vraiment souffert

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beaucoup, mais ce n’est encore rien, à côté de ce que Lui doit avoir souffert ».

Un autre jour, il me dit brusquement, en me prenant dans ses bras : « Tu vas me promettre de soigner ta santé, parce que je vais avoir besoin doublement de toi... »

Nous avons eu de très gros ennuis avec maman. Il savait que j’avais beaucoup souffert à cause de cela. Un jour, il a voulu absolument que j’aille la voir avec Agnès. J’hésitais toujours parce que j’avais peur de la rencontrer et que je n’aimais pas le laisser seul à la maison. Mais lui me rassurait et paraissait si content de me voir faire cette visite qui me coûtait.

Un jour, il me dit brusquement, mais avec une telle insistance : « Est ce que tu as pardonné à ta maman tout ce qu’elle t’a fait passer ? Il faut tout pardonner du fond du cœur... Moi, j’ai dû tout pardonner... Et c’est vrai. »

Il parvenait vraiment à être aussi gentil avec ceux qui lui faisaient du mal qu’avec ses amis. Comme je m’étonnais parfois, il me disait comme le curé

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d’Ars : « Ce n’est que le premier pas qui coûte... Après, cela va tout seul ».

À l’ascension, il a voulu absolument que nous retournions à Lisieux. Il a tout préparé à l’habitude. Depuis, les enfants qui restaient près de lui, jusqu’au séjour là-bas.

Je suis donc partie avec Marie-Henriette et toute la petite famille de Maggy. Depuis longtemps, il préparait ses fleurs dans la serre. Il a fallu qu’on prenne avec nous quelques beaux arômes blancs pour le carmel.

Notre visite coïncidait avec le centenaire de la guérison de Sainte Thérèse par Notre Dame du Sourire. La statue était mise pour la circonstance dans le chœur de la chapelle et les fleurs de papa furent mises devant la statue.

Tout cela, plus tous les détails, la visite au carmel. La prieure nous avait reçus exceptionnellement au parloir. Il a fallu raconter au retour.

Il était content. Il paraissait si heureux de la joie des autres, qu’on aurait presque oublié qu’il était malade. Pourtant, toutes ses recommandations

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prouvaient bien qu’il croyait n’avoir qu’un sursis.

Les après-midis, il ne voulait plus me voir tricoter. Il fallait rester tout près de lui. Il faisait venir les enfants. Il redoublait de tendresse vis-à-vis des tout-petits. Il n’avait jamais de mouvement d’impatience, comme il avait parfois, quand il n’était pas d’accord.

XXVI L’opération

Quelques jours avant son départ à la clinique, il taquinait, et disait en riant à une personne qui était venue le voir, qu’il irait voir « sa petite copine Sainte Thérèse au ciel ». Cette personne lui répondit qu’elle irait lui porter des roses.

Mais tout cela semblait si naturel, que vraiment personne n’y croyait. Et pourtant, après être rentré en clinique, il se posait des questions : « Que vont décider les docteurs ? »

L’opération fut décidée pour le mardi. Il me demande alors de dire à monsieur le Doyen de

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venir lui donner le sacrement des malades... Il voulait que je sois présente. Parce que les prières étaient si encourageantes disait-il.

Finalement, nous avons assisté à deux, Agnès et moi. Il a reçu ce sacrement avec beaucoup de piété.

Agnès, qui avait de grosses difficultés en clinique à ce moment, le voyait souvent. Un des derniers jours, il lui a parlé plus longuement. Il n’a pas caché les difficultés qu’elle pourrait avoir, mais l’a engagée à chercher sa force dans la communion. Même si tu n’as pas l’occasion de communier physiquement, il y a toujours moyen de vous unir au Christ spirituellement, lui a-t-il dit.

Le lendemain, il m’a raconté l’entrevue qu’il avait eue avec Agnès et il m’a ajouté : « Il faudra la soutenir celle-là, parce que cela va être très dur et elle est près du découragement ».

Je sais que les dernières semaines, il a donné de nombreux coups de téléphone, à des membres de la famille et à des amis aussi.

Une de mes belles-sœurs, qui fait de la dépression depuis longtemps, recevait souvent son coup

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de fil et il la taquinait pour la faire rire. Mais le dernier coup de fil, j’ignore ce qui s’est passé. Ce qui est certain, c’est que ni elle, ni son mari, ne fréquentaient plus l’église régulièrement depuis des années et, après le décès de mon mari, qui leur avait parlé de La Salette, ils sont allés en pèlerinage avec moi.

Personne n’y croyait et pourtant ils sont allés et ils ont suivi tous les exercices avec beaucoup d’intérêt et de piété et depuis, ils restent en contact avec nous et le Père Chacun, pour d’autres petits pèlerinages mais ils sont revenus vraiment changés. Ma belle-sœur a dit à une autre personne du voyage: « Si je suis ici, c’est grâce à mon beau-frère, je ne sau-rais pas faire autrement ». Alors qu’a-t-il bien pu raconter ?

Quelques jours avant de rentrer en clinique, il nous a dit brusquement : « Ce sera une croix et on la portera ». C’était une façon pour lui de dire les choses avec autorité.

Le dimanche précédant l’opération, tous les enfants étaient passés. Cela ne lui a pas laissé beaucoup de loisirs. Le lundi soir, Albert est passé avec la petite

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Clémence. Je vois encore cette petite dans ses bras.

Après le départ d’Albert, restant seule avec lui, il me dit : « Demain matin, il faudra venir un peu plus tôt pour qu’on ait l’occasion de se voir avant que tout le monde arrive pour les soins. J’ai demandé à la sœur de me porter un petit bout d’Hostie, puisque je dois rester à jeun, mais je veux communier avant de partir... Après, on se dira « au revoir », comme cela, si je ne reviens pas...

Vers 9 heures, après la petite prière que nous disions toujours ensemble, dont la dernière prière de la neuvaine de Notre Dame de la Salette, il s’est couché calmement comme les autres jours, me recommandant d’aller me reposer.

Le lendemain matin, j’étais à la clinique à 6h30. Il était déjà debout, se rasant soigneusement. Il acheva sa toilette, puis la sœur est arrivée avec la Sainte communion. Il l’a reçue avec son sérieux coutumier, mais pendant son action de grâce, il était vraiment radieux.

Qu’a-t-il pu raconter au Bon Dieu ? Puis, d’un geste décidé, il s’est levé et a dit au revoir à Marie-

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Henriette, qui était passée par là avant de partir à la gare... Ensuite, il s’est tourné vers moi avec son plus beau sourire et il est venu m’embrasser.

L’infirmière était déjà là pour venir le chercher pour la salle d’opération et il m’a dit : « Toi, va maintenant assister à la messe à la chapelle ».

Comme je m’apprêtais à partir, l’infirmière dit : « Ah, les bijoux ». Il a alors enlevé sa montre, sa petite chaine et puis son alliance (je me demande pourquoi). Elle lui dit : « Si vous ne voulez pas qu’on vous coupe le doigt ». Moi, j’étais scandalisée, mais lui, sans perdre son sourire l’a retirée, en racontant une blague qu’il avait faite pendant la mobilisation, puis il me l’a remise, en me pressant de partir à la chapelle pour ne pas être en retard.

Moi, je faisais tout cela comme une automate mais son calme était presque communicatif. À partir de ce moment, c’était pour moi la grande attente.

Après la messe, j’ai revu Christiane, près de l’ascenseur, elle m’a dit qu’il était en salle d’opération. Je suis donc rentrée à la maison, ne voulant pas tourner en rond dans la chambre.

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À la maison, je me suis mise à paniquer. J’ai mis des bougies allumées près de Sainte Thérèse, près de Notre Dame de la Salette, j’étais incapable de prier. Je pouvais seulement dire au bon Dieu d’aider mon mari.

Vers 10h30, enfin un coup de téléphone de la clinique, mais les nouvelles n’étaient pas bonnes. C’était Jean-Jacques, stagiaire à ce moment-là, qui m’a appelée pour me dire qu’on était en train de le réanimer...

J’ai compris. Je suis repartie en hâte à la clinique, mais c’était pour apprendre qu’il était vraiment allé rejoindre sa petite Thérèse près du bon Dieu.

Tous les enfants sont venus aussitôt. En ville, c’était la consternation. Personne n’y croyait vraiment.

Nous l’avons fait revenir à la maison. Je ne voulais pas qu’il reste dans cette morgue froide et noire qu’il avait tant observée depuis sa chambre. J’ai voulu qu’il rentre chez lui.

Le soir, nous avons fait une veillée de prière avec monsieur le Doyen, tous les enfants et quelques voisins qui avaient été prévenus.

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Alors les enfants ont préparé avec monsieur le Doyen les lectures pour la messe de funérailles.

Le lendemain soir, ils ont refait une veillée, rien qu’entre nous. Tout cela nous a aidés à passer ces jours inoubliables pour eux et pour moi surtout.

XXVII Les funérailles

Le vendredi 1er juillet, jour des funérailles, ce fut vraiment beau. Nous étions tristes, mais on sentait la présence d’August. Je crois que chacun des enfants se disaient : « Papa est là, il nous regarde ».

Monsieur le Doyen a ouvert la cérémonie en faisant poser un petit bouquet de roses sur le cercueil par Xavier, un des petits-enfants. Puis Nathalie a allumé le cierge autour du cercueil.

Les lectures, une prière de Saint Augustin avait été choisie par les enfants, qui fut lue par Cécile, la femme de Pierre, puis Robert, le mari de Maggy a lu le texte des béatitudes.

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Jean avait dit à monsieur le Doyen : « Ça, c’est vraiment la vie de papa ».

Je ne pouvais rien dire, mais au fond de moi-même, j’ai remercié le bon Dieu, parce que c’était vrai et les enfants l’avaient bien constaté aussi.

Nous n’avions pas envoyé beaucoup de faire-parts, rien qu’à la famille et une annonce dans le journal. Beaucoup de personnes ne l’ont pas su, mais malgré cela l’église était bondée. Monseigneur Thomas, des prêtres de la région, beaucoup de collègues qui sont venus de très loin. Je crois qu’il y en avait de tous les coins de Belgique. Les enfants habitent aussi très loin.

Plus de 500 personnes ont assisté à la cérémonie malgré le peu d’information que nous avions donné. Le plus émouvant était le Vieux Norbert, qui pleurait comme un gosse. Les autres étaient très émus mais beaucoup plus calmes.

Nous n’avions pas voulu qu’on fasse des discours, August était simple. En général, il trouvait que tout cela était peu sincère, alors il n’y avait vraiment que l’homélie de monsieur le Doyen.

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L’essentiel était rendre hommage à la foi d’August, son amour pour le bon Dieu : « August voyait Dieu dans ses ouvriers au Boerenbond, il voyait Dieu dans ses fleurs dans sa serre, il voyait Dieu dans ses frères ».

Il aimait beaucoup la petite Thérèse dont il faisait sa confidente et la Sainte Vierge aussi, qui était sa maman du ciel.

A la fin de la cérémonie, depuis quelques temps à Ath, au lieu de faire l’offrande, tout le monde passe devant le cercueil pour le bénir avec de l’eau bénite. Les gens passent ensuite devant la famille pour présenter les condoléances. Cela a duré trois quarts d’heure.

Au cimetière, les enfants ont voulu mettre une pierre sur la tombe de papa.

Ils ont fait mettre la petite phrase de Sainte Thérèse : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre ». Je crois qu’il est occupé à le faire.

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XXVIII Toujours présent

Je le sens partout dans la maison. Chaque jour, quand je reçois la communion, je pense à cette phrase : « Il n’y aura plus de distance que la grandeur d’une hostie ». Alors, je me dis que je reçois le bon Dieu et je sais que, lui aussi, il est tout près. Cela m’aide beaucoup.

Dimanche dernier, une personne est venue me trouver à la chapelle, me demandant de lui rendre un service. Elle m’a dit : « J’ai un couple d’amis qui ont de très graves problèmes de couple. Voulez-vous dire une prière à votre mari pour qu’il les aide à s’en sortir ? ».

Cette semaine, la femme du jardinier qui vient bêcher notre jardin me dit : « C’était un bon homme, je vais souvent dire une petite prière sur sa tombe ».

Vraiment, je vois qu’August n’est pas passé aussi inaperçu qu’il croyait sur cette terre.

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Son témoignage de chrétien simple et vrai a été remarqué sans que lui n’ait jamais rien fait pour se faire remarquer, mais il n’a jamais manqué à la charité non plus, vis-à-vis de personne.

Ath, le 27 septembre 1983

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1. Jacques danse avec Marie-Aline 2. Promenade dominicale dans la campagne athoise3. Dans la serre du Boerenbond, Maria de Beveren qui fait goûter le raisin à Yvonne 4. Jeux dans les jardins du Boerenbond5. Voyage patro à Lisieux6. 40 ans de mariage d’August et Zoé, an-niversaire mariage de parrain et marraine et 20 ans de Christiane,7. Zoé et Marie-Aline8. Christiane et Agnès en admiration devant Dominique bébé

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1. Voyage en Normandie2. Chez Tante Marie à Petit-Enghien, avec Marie-Henriette, Jean, Henri et Marie-Céline 3. Voyage à Lourdes avec Albert, Yvonne, Marie-Paule et Maggy4. Ghislain et Pierre et Christiane, à la foire d’Ath5. Bernard, Maggy, Marie Paule et Nathalie6. Chaussée de Bruxelles, Dominique et Xa-vier bébé et les familles Fourbisseur et Clicq7. August explique l’origine des ponts8. Lors de l’un des multiples voyages9. Zoé avec Patrick

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1. Balade en famille le long du canal à Ath2. Maggy, Jean-Michel et Bruno dans la serre de la chaussée de Bruxelles3. Lors de l’un des nombreux voyages4. Marie-Henriette, Jean, Yvonne5. Marie-Henriette et Yvonne6. August, Yvonne et ses copines de classe à Lisieux7. Fiançailles de Bernard et Marie-Paule8. Communion Marie-Henriette chaussée de Mons9. Marie-Thérèse, oncle Joseph et bébé à Bruxelles10. Voyage en Normandie avec Yvonne, Ghislain et Christiane

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1. Christiane et Agnès devant la voiture2. August et Zoé dans le jardin chaussée de Bruxelles3. Yvonne et August à Etretat4. August joue avec Marie-Henriette et Jean 5. Christiane et Agnès6. Bernadette, Ghislain, August et oncle Joseph, fête de famille7. Marie-Henriette et Dominique dansent8. Robert et Jacques, fête de famille : le ponch !9. Visite de Marie-Henriette, alors sœur au Danemark10. Pierre et Cécile11. Pierre et Christiane12. Animation danse aux fêtes de famille13. Albert et Pauline

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1. Première communion de Christiane et Agnès face au 18, avec parrain et marraine, Léona et Félix de Petit-Enghien2. Petit-Enghien, Jean, Marie-Henriette, Yvonne et Marie-Céline3. Marie de Beveren4. Dans les jardins de Copenhague (conte d’Andersen)5. Agnès et son parrain Henri6. Marie et Madeleine, filles de tante Francine et Yvonne7. Voyage à Copenhague, dans le parc Andersen8. Marie-Henriette, alors soeur à Copenhague9. Jardins de Copenhague10. August et Christiane en Normandie11. Marie-Henriette petite au chemin de Saint-Julien

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1. Boerenbond, voyage d’étude, avec Ghislain (visite des porcheries en Campine avec Jacques Van Holm)2. Un dimanche dans les bois3. En excursion dans les Ardennes4. Jean, Yvonne, Albert et Marie-Paule jouent à l’école à la chaussée de Mons5. Marie-Henriette et Pierre dans la cour de la chaussée de Mons6. Zoé, Christiane, Agnès, parrain et marraine, André Clicq et tante Hélène7. En famille à Beveren8. Jean et Dominique à Warzée9. Zoé et Agnès au Luxembourg

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1. Cueillette de champignons à Warzée2. Zoé et Agnès, chaussée de Bruxelles3. Yvonne, Marie-Paule et Annie Deroy4. Promenade au bois avec Yvonne, Albert et Maria de Beveren5. Marie-Henriette en bonne compagnie6. Après-midi dans les bois avec Maria de Beveren7. Une visite chez Clicq (sœur de Zoé)8. Cheese !9. Communion d’Yvonne, chaussée de Mons, avec Léonie10. Dimanche en famille dans les bois11. Jeux tous simples en famille

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1. En voyage2. Henri ou Marie-Céline Cnudde ?3. Marie-Henriette, Ghislain et Pierre4. Zoé mène la danse5. DJ Pierre aux platines6. Agnès lit un discours 7. Francine on the dance floor8. Jacques, Yvonne et Bernard9. Xavier avec Patrick sur son dos10. Toutes les générations se mélangent sur la piste de danse

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1. August, Marie-Henriette, les petits lapins... et le chat!2. Ghislain, Agnès et Christiane et Zoé dans le jardin3. Piquenique en famille lors d’un voyage4. Jean, Albert, Ghislain, tante Léona et Oncle Félix5, 6. À Lourdes, devant la maison natale de sainte Bernadette7. Voyage à Lisieux avec August, Zoé, Jean, Caroline et Victorine Fourbis-seur, cousins de maman à Herne8. Voyages en famille9. Zoé, Jean, Albert, Marie-Paule, et Mr et Mme Solbreux de Soignies10. Au 18 avec Zoé, Yvonne, Ghislain, Christiane, Marie-Madeleine et son fiancé (fille de tante Francine)11. Jacques et Dominique en prome-nade à Warzée12. Promenade au parc13. Marie-Henriette religieuse à Banneux avec Albert, Ghislain, Marie-Paule et Pierre

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1. Photo de famille dans le jardin de la chaussée de Bruxelles, avec l’Abbé Favrel2. Lors d’un voyage à Lourdes3. Zoé, Marie-Henriette, Yvonne et Albert en voyage4. Parrain, Marraine, Ghislain et Chris-tiane dans le jardin chaussée de la chaussée de Bruxelles5. Marie-Paule lors de sa communion, avec son parrain et sa marraine Tante Francine6. Tante Léona7. Marie et Francine, les soeurs d’August8. Chez tante Léona9. Chez tante Marie10. Pauline

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1. En voyage vers Lourdes, Zoé et la fa-mille devant le pont Valentré à Cahors2. Famille au grand complet, Agnès bébé, devant la basilique de Lisieux 3. En route vers Lisieux à Le Tréport4. À la mer, en Normandie5. Zoé, Tante Francine, Oncle Joseph, Jean, Albert, Marie-Henriette, Marie-Paule et bébé6. À Lourdes devant le fort avec tante Léonie et oncle Félix (oncles de papa)7. Jean et Pierre taquinent les pigeons8. Toute la famille avec les parents de Zoé et la famille de sa sœur de Clicq (Dominique petit et Xavier bébé)9. Zoé et Pierre10. Maman et papa d’August, Tante Ma-rie et Tante Francine (sœurs d’August)11. Les parties de couyon avec tante Ma-rie et oncle Joseph à Petit-Enghien12. Toute la famille ainsi que des frères et sœurs d’August et Zoé

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1. Zoé, cours de coupe-couture2. Quatre générations « côté filles », Metje, Marraine (maman de Zoé), Zoé, et Marie-Henriette3. Photo de famille à la chaussée de Bruxelles4. Agnès en représentation !5. August derrière l’appareil, la famille chez tante Marie (Henri au service militaire)6. August avec sa casquette, Zoé, Marie-Paule et Pierre7. August et Zoé et parrain et marraine (parents de Zoé)8. Christiane et Agnès font la pose.

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Zoé Echterbille (1914 - 2009)

vous a partagé l’histoire de la vie d’un homme qui croyait être passé inaperçu sur cette terre.

© Editions Echterbille 2015 Achevé d’imprimer en février 2015 Imprimerie Nationale à Genève

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Augu st Raconté par Zoé

Vraiment, je vois qu’August n’est pas passé aussi inaperçu qu’il croyait sur cette terre

Maria Fourbisseur, dite Zoé, nous narre l’histoire de son mari. Le récit d’un homme qui n’a laissé personne indifférent : aussi bien ceux qui l’ont connu que ceux qui vont le découvrir à travers ce livre.

Aujourd’hui, ce récit sort de l’ombre pour se laisser découvrir par ses enfants, petits-enfants, arrières-petits- enfants...

© Editions Echterbille 2015

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Tranche du livre :largeur à déterminer selon grammage papier.Estimation: 9,8mm