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Avec les Rencontres du CSA, le Conseil inaugure une nouvelle formule destinée à aborder les enjeux du secteur, ceux-ci émergeant au fil des échanges qu’il entretient tout au long de l’année avec ses nombreux interlocuteurs. Les Rencontres du CSA sont aussi l’occasion d’ouvrir le dialogue au-delà du champ exclusif de l’audiovisuel et de nourrir ainsi une réflexion transversale, en prise avec l’actualité. Cette première édition, autour du thème « Audiovisuel dans l’espace numérique : plateformes et données », a pour ambition d’interroger le basculement du secteur audiovisuel dans l’économie numérique. Le secteur connaît en effet depuis quelques années des bouleversements multiples, de l’émergence de services innovants à la multiplication des offres, en passant par le renforcement du rôle joué par les plateformes (sites de partage de vidéos, magasins d’applications, moteurs de recherche ou encore réseaux sociaux). L’adaptation du secteur à ce nouvel environnement pose de nombreux défis au regard des objectifs propres à la régulation audiovisuelle (préservation de la diversité culturelle, pluralisme des médias, protection des mineurs et des consommateurs, développement économique du secteur), qui gardent toute leur pertinence dans l’univers numérique. L’édition 2016 des Rencontres du CSA est l’occasion pour le Conseil d’ouvrir le débat en accueillant des représentants du secteur audiovisuel, des plateformes numériques, mais aussi des professionnels de la publicité, des experts en droit et en économie. Ces interlocuteurs venus d’horizons variés seront réunis autour de trois tables rondes consacrées à l’économie des plateformes, aux évolutions du cadre européen et aux données. Les Rencontres du CSA s’appuient sur les travaux du Conseil relatifs à la transition numérique du secteur audiovisuel, qui se matérialisent par la publication d’une étude sur la place des plateformes numériques dans l’accès aux contenus audiovisuels et leur modèle économique. Pour télécharger l’étude : http://bit.ly/EtudePlateformes

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Avec les Rencontres du CSA, le Conseil inaugure une nouvelle formule destinée à aborder les enjeux du secteur, ceux-ci émergeant au fil des échanges qu’il entretient tout au long de l’année avec ses nombreux interlocuteurs. Les Rencontres du CSA sont aussi l’occasion d’ouvrir le dialogue au-delà du champ exclusif de l’audiovisuel et de nourrir ainsi une réflexion transversale, en prise avec l’actualité.

Cette première édition, autour du thème « Audiovisuel dans l’espace numérique : plateformes et données », a pour ambition d’interroger le basculement du secteur audiovisuel dans l’économie numérique. Le secteur connaît en effet depuis quelques années des bouleversements multiples, de l’émergence de services innovants à la multiplication des offres, en passant par le renforcement du rôle joué par les plateformes (sites de partage de vidéos, magasins d’applications, moteurs de recherche ou encore réseaux sociaux).

L’adaptation du secteur à ce nouvel environnement pose de nombreux défis au regard des objectifs propres à la régulation audiovisuelle (préservation de la diversité culturelle, pluralisme des médias, protection des mineurs et des consommateurs, développement économique du secteur), qui gardent toute leur pertinence dans l’univers numérique.

L’édition 2016 des Rencontres du CSA est l’occasion pour le Conseil d’ouvrir le débat en accueillant des représentants du secteur audiovisuel, des plateformes numériques, mais aussi des professionnels de la publicité, des experts en droit et en économie. Ces interlocuteurs venus d’horizons variés seront réunis autour de trois tables rondes consacrées à l’économie des plateformes, aux évolutions du cadre européen et aux données.

Les Rencontres du CSA s’appuient sur les travaux du Conseil relatifs à la transition numérique du secteur audiovisuel, qui se matérialisent par la publication d’une étude sur la place des plateformes numériques dans l’accès aux contenus audiovisuels et leur modèle économique.

Pour télécharger l’étude : http://bit.ly/EtudePlateformes

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Mardi 27 septembre 2016

9 h 15 Accueil et café

10 heures Allocution de bienvenue par Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel

Ouverture par Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication

10 h 30 Première table ronde : L’Économie des plateformes :

quelles conséquences sur l’audiovisuel ? animée par Nicolas Curien, membre du CSA

- Pierre-Jean Bozo, directeur général de l’Union des annonceurs - Serge Laroye, directeur des contenus du groupe Orange - Laurent Samama, directeur des relations stratégiques Media Entertainment chez Google - Joëlle Toledano, professeure en sciences économiques à Centrale Supelec

Interventions vidéo de : - Gilles Pélisson, président-directeur général du groupe TF1 - Maxime Saada, directeur général du groupe Canal+

et président de Dailymotion - Marc Tessier, membre du Conseil national du numérique,

membre du CSA LAb Dialogue avec le public

12 heures Fin de la table ronde

14 heures Deuxième table ronde : Audiovisuel et numérique en Europe : quelles perspectives ? animée par Nathalie Sonnac, membre du CSA

- Bernardo Herman, directeur général du CSA belge - Bouchra Réjani, directrice générale de Shine France - Alain Rocca, président d’Universciné - Jean-Noël Tronc, directeur général de la SACEM

Interventions vidéo de : - Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions - Winston Maxwell, associé du cabinet Hogan Lovells

membre du CSA Lab - Pascal Rogard, directeur général de la SACD

Dialogue avec le public 15 h 15 Pause 15 h 30 Troisième table ronde : Données et audiovisuel : quel équilibre entre innovation et protection des utilisateurs ? animée par Fabienne Schmitt, journaliste, cheffe adjointe du service

High tech & média des Échos - Anton’Maria Battesti, responsable des affaires publiques

de Facebook France - Hélène Chartier, directrice générale du SRI - Édouard Geffray, secrétaire général de la CNIL - Cédric Vandervynckt, directeur général de Criteo pour l’Europe du Sud incluant la France.

Interventions vidéo de : - Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France - Francesca Musiani, chargée de recherche CNRS à l’Institut des sciences

de la communication et professeure à Mines ParisTech, membre du CSA Lab - Nicolas de Tavernost, président-directeur général du groupe M6 - Alain Weill, président-directeur général de Nextradio TV

Dialogue avec le public

17 heures Conclusion par Nathalie Sonnac et Nicolas Curien, membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel

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Pierre-Jean Bozo est directeur général de l’Union des annonceurs (UDA)depuis octobre 2013. Il a été successivement créateur de Fun Radio,directeur général des quotidiens L’Union puis Paris Normandie, etdirecteur général du groupe Libération. Il a ensuite été directeur généralde NRJ Group de 2000 à 2003, avant de prendre en 2004 la présidencepour la France de 20 minutes.

Serge Laroye est en charge pour le groupe Orange de la stratégie descontenus en France et à l’international dans les domaines TV, Musique,Jeux et Infotainment. Il a rejoint la direction des Contenus d’Orange en2008 comme directeur de la planification stratégique et dudéveloppement. Précédemment, il a exercé diverses responsabilités chezBouygues et TF1.

Laurent Samama a rejoint Google en 2011 en tant que responsablegrands comptes pour les industries technologiques en Europe après avoirpassé huit ans chez Orange.Il s'occupe désormais des secteurs Industries, Média et Entertainment ausein de l'équipe relations stratégiques de Google, basée à Londres.

Joëlle Toledano est professeur des universités en économie à CentraleSupélec et codirige le Master "Industries de Réseau et EconomieNumérique". Docteur en mathématiques et en sciences économiques, elle aété membre du Collège de l'ARCEP de 2005 à 2011.Elle a publié plusieursouvrages et articles scientifiques dans les domaines de la macroéconomie,l'économie industrielle, la concurrence et la régulation sectorielle.

Bernardo Herman est directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuelbelge, en charge de la régulation de l’audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique. Avant de rejoindre le CSA, il a travaillé plus de dix ans dansle secteur télécom, occupant différentes fonctions juridiques et régulatoires dansplusieurs organisations privées et publiques.

Jean-Noël Tronc est directeur général de la Sacem depuis juin 2012.Avant de rejoindre la Sacem, il fut notamment directeur de la stratégie et de lamarque chez Orange, puis directeur général d’Orange France et président-directeur général de Canal+ Overseas.

Deuxième table ronde

Première table ronde

L'audiovisuel dans l'espace numériqueBiographies des intervenants

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Alain Rocca est l’un des fondateurs d’UniversCiné, la plateforme de vidéosà la demande consacrée au cinéma indépendant créée à l’initiative d’ungroupement d’une cinquantaine de producteurs et distributeurs indépendantsde cinéma français. Il avait fondé la société de production Lazennec en 1989et dirigé le département production de la FEMIS de 1996 à 2009.

Bouchra Rejani est directrice générale de Shine France depuis le lancementde la filiale en 2009, après avoir commencé sa carrière dans l’audiovisuelchez Fox Kids Europe en 1999 et rejoint en 2004 FremantleMedia Franceoù elle a occupé les fonctions de directrice générale.

Fabienne Schmitt est chef adjointe du service High Tech Media duquotidien Les Échos depuis 2011.Spécialiste des médias et des télécoms, elle a précédemment étérédactrice en chef de La Correspondance de la Presse de 2008 à 2011.

Anton'Maria Battesti est en charge des affaires publiques de Facebook Francedepuis juillet 2013. Avant de rejoindre Facebook, il a travaillé pour le Ministèredes affaires étrangères et européennes, la CNIL et le comité consultatifgouvernemental de l'ICANN. Il préside par ailleurs l’Association Françaisedes Prestataires de l’Internet (AFPI) depuis décembre 2015.

Hélène Chartier est directrice générale du Syndicat des régies internet (SRI)depuis février 2013.Elle a précédemment été directrice générale de l’IAB (Interactive AdvertisingBureau) France de 2011 à 2013, après avoir occupé diverses fonctionsnotamment chez Micromania, Bandai et Warner Bros.

Edouard Geffray est secrétaire général de la Commission nationale del’informatique et des libertés (CNIL).Maître des requêtes au Conseil d’Etat, il a été rapporteur à la 10e sous-section du Contentieux du Conseil d’Etat de 2005 à 2008, et rapporteurpublic à la 3e sous-section de 2008 à 2012.

Troisième table ronde

Cédric Vandervynckt est directeur général France et Europe du Sud chez Criteodepuis août 2015.Il a travaillé chez Microsoft pendant 5 ans avant de rejoindre Google pourprendre la tête de la stratégie du pôle Search & Display pour la région Europe duSud, Europe de l’Est, Moyen-Orient et Afrique.

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État de la consommation de contenus audiovisuels

1 Médiamétrie, Synthèse Global TV, 20162 Médiamétrie, Synthèse Global TV, 4ème trimestre 20153 Ampere Analysis, 1er trimestre 2016

4 Cisco Visual Networking Index : Forecast andMethodology, 2015-20205 Sandvine, Global Internet Phenomena Report, 20166 YouTube, espace presse

3Nombre de vidéos vues par jour en moyenne (en milliards)

58 9 10

Sur Twitter Sur Snapchat Sur Facebook Sur YouTube

En 2015, du trafic internet mondial était occupépar la consommation de vidéo

%70

En 2015, sur les réseaux mobiles, du trafic aux heuresde pointe en Europe était occupé par le streaming audio et vidéo

%33

Plus de des vidéos vues sur YouTube le sontsur des appareils mobiles

la moitié

4

L'audiovisuel dans l'espace numériquePlateformes et données : quelques chiffres

5

40 millionsPlus de de Français recourent exclusivementau téléviseur pour regarder des contenus audiovisuels en 2015

Sur téléviseur Sur nouveaux écrans

Ensemble de la populationde + de 15 ans

15-24 ans

Durée d'écoute quotidienne selon le support et l'âge

13 mn

6 mn

4h09

1h40

1

2

6

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1 Médiamétrie2 IDC, 20153 Médiamétrie, Rapports financiers de Facebook, Twitter, TechCrunch, Bloomberg

Plateformes et accès aux contenus audiovisuels

La vidéo est également très importante pour nous et notrefutur. C’est particulièrement vrai en France. Periscope yest devenu un véritable phénomène en quelques mois. Cequi nous rend puissant, ce sont les gens qui nous utilisent.

Jack Dorsey, PDG de Twitter, en 2016

Nous sommes particulièrement satisfaits des progrès quenous avons réalisés en matière de contenus vidéos, dans lamesure où nous nous orientons vers un monde où la vidéosera au cœur de tous nos services.

Mark Zuckerberg,

fondateur et PDG de Facebook, en 2016

Nombre de vidéos vues sur ordinateur en France en mai 2016 (en millions)

771

1 776

59

30

24

15

8

Les plateformes, une source d'audience incontournable

2

Google PlayApple Autre

Magasins d'applicationsParts de marché en nombre de téléchargements

au niveau mondial (2015)

Les plateformes, une tendance à la concentration

Les contenus audiovisuels au centre des stratégies des plateformes

22,6

Réseaux sociauxNombre d'utilisateurs actifs

par mois (en millions)

313

5,1

17,9

Sites de partage de vidéosNombre de visiteurs uniques

par mois en France (en millions)

150

1 710

22,6

3

1

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Le numérique : une double révolution, industrielle et cognitive

L’essor des technologies numériques et le déploiement des infrastructures électroniques constituent les vecteurs d’une troisième révolution industrielle, en ce sens qu’ils engendrent des mutations profondes et transversales dans la manière de concevoir, de produire, de distribuer et de consommer les biens et les services économiques. Cette révolution industrielle se double en outre d’une révolution cognitive, dans la mesure où les technologies de l’information et de la communication ne se réduisent pas à de simples machines-outils, mais forment plutôt un environnement englobant au sein duquel les individus s’expriment, échangent, tissent des liens, travaillent, se divertissent… en bref, vivent !

L’émergence de cette matrice cognitive, de cette « noosphère », est très bien traduite dans la langue par l’usage devenu courant du terme « Le numérique », expression dans laquelle l’article abusivement défini « Le » manifeste clairement l’omniprésence et la prégnance d’un nouvel écosystème socioéconomique centré sur la communication, l’information, la connaissance, et dont l’unité universelle de référence est le bit. Mutatis mutandis, Internet s’apparente à la fois à la machine à vapeur et à l’imprimerie : à la machine à vapeur, en tant que moteur d’une révolution industrielle qui transforme les modèles d’affaires dans tous les secteurs de l’économie ; et à l’imprimerie, en tant catalyseur d’une révolution cognitive qui bouleverse les conditions d’accès aux contenus culturels et informationnels, ainsi que les modes de création, d’édition, de distribution et de partage de ces contenus.

Par essence même, l’audiovisuel se situe au confluent de chacun des deux courants industriel et cognitif de la révolution numérique (cf. schéma 1).

Sur le plan industriel, l’organisation du secteur audiovisuel se recompose : d’une part, avec l’arrivée de nouveaux acteurs issus de l’économie numérique, tels que, notamment, les éditeurs et distributeurs OTT, les moteurs de recherche, les magasins d’applications, les réseaux sociaux ou les sites de partage de vidéos ; et, d’autre part, sous l’effet d’un brouillage progressif des frontières entre les fonctions jusqu’ici séparables de production, d’édition, de diffusion et de distribution.

Sur le plan cognitif, les contenus audiovisuels stricto sensu se trouvent désormais immergés dans l’immensité d’un « océan numérique », c’est-à-dire plongés au sein d’un ensemble de contenus beaucoup plus large et multimédia, hybridant textes, sons et images sous des formats variés, mêlant créations d’amateurs et professionnelles. Cet ensemble protéiforme est, de plus en plus, accessible à la demande, d’une manière délinéarisée, et devient disponible presque « sans couture » sur une variété d’écrans, fixes, nomades ou mobiles.

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Les plateformes : processeurs d’appariement et agrégateurs d’audience

Dans le paysage transformé de l’audiovisuel à l’ère numérique, les « plateformes », acteurs examinés de manière privilégiée lors des présentes Rencontres, occupent une place singulière. Exprimé de façon stylisée, ces intermédiaires en ligne jouent vis-à-vis des fournisseurs de contenus audiovisuels un rôle assez semblable à celui qu’un marché de village exerce au bénéfice des commerçants environnants : à savoir, offrir un espace de mise en relation avec les consommateurs. Cet espace de contact est générateur « d’effets de réseaux croisés » : en effet, plus nombreux sont les consommateurs fréquentant la plateforme, plus les fournisseurs sont incités à y être eux-aussi présents et y proposer des services riches et variés ; et, réciproquement, la présence de nombreux fournisseurs attire les consommateurs. Dès lors, le gestionnaire de la plateforme est en mesure de tirer parti de la synergie en boucle liant les deux « versants » d’utilisateurs qu’il relie et d’engendrer une dynamique de croissance du type boule de neige, en pratiquant une tarification éventuellement asymétrique à l’avantage de celui des deux versants dont l’extension apporte le gain le plus important aux acteurs de l’autre versant.

Pour qualifier l’activité économique d’une plateforme, la théorie économique emploie le vocable de « marché biface », le mot marché devant être ici entendu comme « place du marché », c’est-à-dire comme support d’une intermédiation. L’existence des marchés bifaces est antérieure à l’avènement de l’ère numérique : ainsi, notamment, la télévision gratuite est-elle un marché biface issu de l’ère pré-numérique, mettant en rapport téléspectateurs et annonceurs. À l’instar de ce modèle emblématique et fondateur de l’économie des médias, sur la plupart des plateformes de mise à disposition de contenus en ligne un troisième versant est présent, celui des annonceurs, apportant une source de financement publicitaire ; un revenu qui permet de subventionner l’accès à la plateforme des deux premiers versants, respectivement de fourniture et de consommation de contenus, et même, le plus souvent, d’offrir l’entière gratuité au versant des utilisateurs en ligne, les « visionautes ».

En résumé, les plateformes numériques apparaissent comme des structures triface (cf. schéma 2), ou plus exactement « bi-biface » : une première relation biface connecte les éditeurs et les « visionautes », la plateforme opérant à cet égard comme un « processeur d’appariement » ; tandis qu’une seconde relation biface connecte les visionautes et les annonceurs, la plateforme agissant alors comme un « agrégateur d’audience ».

Tel est notamment le schéma de fonctionnement de la plateforme de partage YouTube et, de plus en plus, celui du réseau social Facebook, tous deux devenus à l’échelle mondiale des acteurs majeurs de la diffusion de contenus audiovisuels au sens large.

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Plusieurs défis pour le droit de la concurrence et la régulation sectorielle

Ainsi caractérisées, les plateformes d’intermédiation constituent des acteurs clés de la transition numérique du secteur de l’audiovisuel, selon ses deux déclinaisons, industrielle et cognitive.

S’agissant tout d’abord de l’aspect industriel, en raison d’économies d’échelle engendrées par des coûts fixes élevés, ainsi que des effets de réseaux qui leur donnent naissance puis alimentent l’avalanche de leur croissance, les plateformes manifestent une tendance naturelle au gigantisme. Leur taille considérable leur confère de facto une solide position de force dans les rapports qu’elles entretiennent et dans les règles de partage de la valeur qu’elles négocient avec leurs partenaires, présents sur les différents versants de la place de marché qu’elles organisent : apporteurs de contenus, annonceurs, voire simples utilisateurs en ligne.

S’agissant ensuite de l’aspect cognitif, pour exercer leur rôle de processeur d’appariement, les plateformes agissent comme une intelligence artificielle de mise en correspondance entre requêtes et propositions de contenus. Elles recourent à cet effet à des algorithmes, logiciels destinés à orienter la demande dans le dédale d’une hyper-offre, et elles influent de ce fait très significativement sur la structure de consommation des contenus culturels. Il convient dès lors de garantir la « loyauté » des algorithmes, qu’ils soient d’ailleurs utilisés par les plateformes ou par les services de médias audiovisuels à la demande, de s’assurer que ces algorithmes ne soient pas biaisés à l’excès par la poursuite d’intérêts commerciaux, de veiller à ce qu’ils n’enferment pas le consommateur dans la bulle d’exploitation de ses choix habituels mais l’orientent également vers l’exploration de nouveaux horizons culturels, selon le principe de « sérendipité ».

Phénomène émergent, la montée en puissance des plateformes dans l’économie de l’audiovisuel soulève des problématiques inédites pour l’autorité de concurrence comme pour le régulateur sectoriel de l’audiovisuel.

En premier lieu, du point de vue du droit de la concurrence, la taille planétaire des plateformes, leur pouvoir de marché oligopolistique, voire monopolistique, engendrent un risque non négligeable d’abus de cette position ultra-dominante. D’où la nécessité, pour l’autorité de concurrence, d’entretenir les conditions de « contestabilité » des marchés d’intermédiation multiface, c’est-à-dire d’abaisser les barrières à l’entrée, de réduire les coûts de changement pour les consommateurs, d’inciter à l’innovation, en bref de créer un contexte assurant que les géants exploitant ces places de marché demeurent des « colosses aux pieds d’argile », ne pouvant maintenir leur suprématie que de façon transitoire, tant qu’ils demeurent les plus efficaces et les plus innovants.

En second lieu, du point de vue de la régulation sectorielle de l’audiovisuel, l’essor des plateformes lance plusieurs défis majeurs. Une étude du CSA, publiée concomitamment à ces Rencontres 2016, met plus particulièrement en avant dix enjeux, répartis en trois grandes problématiques : tout d’abord, l’exposition des contenus, leur référencement et la promotion de la diversité culturelle à l’ère des données et des algorithmes ; ensuite, la protection des consommateurs comme celle des ayants droit, dans un contexte de maîtrise responsable des contenus et des données personnelles ; enfin, le partage de la valeur entre les plateformes et les éditeurs, ainsi que les modes de financement des contenus et des réseaux d’accès.

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Une régulation sectorielle de l’audiovisuel incitative, coopérative et réflexive

Pour appréhender et guider l’évolution du secteur audiovisuel induite par le numérique, la difficulté n’est pas tant de concevoir de nouvelles dispositions originales que de s’affranchir des tendances dictées par le passé, pour tracer des trajectoires de transition acceptables par toutes les parties prenantes. Car la question est bien là : comment soumettre des acteurs, dont l’emprise est mondiale et dont le champ d’action est l’Internet ouvert, à une palette de mesures adaptées qui, nécessairement, tranchera avec un système réglementaire historiquement conçu dans un cadre national et dans un monde pré-numérique ?

Les diverses problématiques soulevées par les plateformes en ligne révèlent en outre que le régulateur de l’audiovisuel, comme d’ailleurs celui des communications électroniques, celui de la protection des données personnelles ou celui de la protection et de la diffusion des œuvres, ne sont pas extérieurs au champ de leurs régulations complémentaires, mais sont tout au contraire eux-mêmes embarqués dans la dynamique de la transition numérique, au même titre que les acteurs économiques qu’ils régulent. Les régulateurs, eux aussi, voient se déplacer le centre de gravité de leurs activités ; et eux aussi doivent réagir de manière agile, en réponse au double séisme industriel et cognitif qui secoue très fortement leurs terrains d’intervention.

S’agissant en particulier du régulateur de l’audiovisuel, un double chantier est d’ores et déjà entrepris, au niveau national comme au niveau européen, portant à la fois sur le champ des compétences matérielles et géographiques de la régulation et sur sa méthodologie procédurale :

- évolution du champ de compétences, parce que le numérique ouvre de nouveaux territoires virtuels sans frontières apparentes, vers lesquels la régulation historique ne peut certes être exportée ne varietur, mais qui ne peuvent pas à l’inverse totalement ignorer les objectifs fondamentaux assignés par les politiques publiques, notamment en matière de liberté d’expression, de protection des données personnelles ou de promotion de la création et de la diversité culturelles ;

- évolution des méthodes et des procédures, parce que le rythme extrêmement soutenu du changement des technologies et des usages exige du régulateur une flexibilité et une adaptabilité augmentées, devant se traduire par : un recours accru au « droit souple » ; davantage de co-régulation avec les acteurs du secteur ; une coopération renforcée avec d’autres organes de régulation intervenant dans la sphère des contenus et celle des infrastructures ; ainsi qu’une limitation du cadre prescriptif au strict champ du nécessaire, accompagné de la mise en œuvre d’un dispositif de mesures incitatives.

Au sein d’un univers numérique par nature en mutation permanente, où les technologies et les usages se transforment selon un modèle darwinien gouverné par l’innovation et la disruption, la régulation doit prendre en compte cette incertitude structurelle en devenant plus adaptative et « réflexive ». La régulation réflexive consiste tout d’abord à anticiper les scénarios les plus vraisemblables d’évolution du secteur ; puis à accompagner par l’incitation les acteurs sur le sentier d’évolution qu’ils auront eux-mêmes sélectionné, dans le but de garantir une progression économiquement et socialement la plus efficace possible ; et, enfin, à adapter les dispositifs de régulation pour les rendre plus flexibles, capables de résister à l’occurrence inévitable d’évènements non prévisibles. Anticiper, Accompagner, Adapter, telle est bien la marque d’une régulation réflexive « triple A » !

La publication d’une étude exploratoire sur les plateformes numériques, ainsi que l’organisation d’une journée de Rencontres consacrée à cette même thématique, relèvent manifestement du premier des trois A de la démarche de régulation réflexive, une démarche résolument voulue par le Conseil supérieur de l’audiovisuel !