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AVEC MARIJO
LE FAMILISTÈRE DE GUISE
Le Familistère, c’est une expérience sociale réalisée entre 1859 et 1884 par Jean-Baptiste Godin qui a obtenu le premier brevet de poêles en fonte de fer. Ses efforts aboutissent en 1888 à la création d’une Association coopérative qui perdurera jusqu’en 1968.
Les logements sont alors vendus puis classés monuments historiques en 1991 et en 2000, le programme Utopia qui vise la restauration et la valorisation, est lancé.
En 2006, c’est l’ouverture au public sous forme de musée.
Guise est une petite ville située
à une trentaine
de kilomètres au nord de Laon, dans
l’Aisne.
Jean-Baptiste André Godin est né en 1817
d’une famille d’artisan serrurier. A 11 ans il
commence à travailler. A partir de 1835, il
consacre deux années au tour de France des ouvriers-compagnons. Durant cette période il
voit tant de misère chez les ouvriers qu’il se jure de ne jamais se laisser
aller à imposer des conditions de travail aussi désolantes s’il
devient patron. A son retour, après quelques années dans l’atelier familial, il s’installe à Guise pour fonder une entreprise d’appareils
de chauffage et de cuisine, les renommés
poêles Godin qui lui assureront la fortune.
Godin découvre rapidement Charles Fourier, son maître en utopie! A sa suite, il investit le tiers de sa fortune dans un projet de phalanstère (groupe vivant en communauté) dans un milieu agricole au Texas et il perd tout. Toujours sous influence fouriériste, il décide alors d’appliquer ses propres idées dans son milieu et de créer le Familistère. Il souhaite offrir aux familles de ses ouvriers auxquelles il ne peut donner la fortune, les « équivalents de la richesse » soient : l’hygiène, l’éducation, le confort, la santé, la protection sociale et le divertissement. En parallèle avec les palais des bien nantis, il va créer le « Palais social ». Ce ne sera pas sur le modèle de la cité ouvrière avec logements individuels mais un habitat unitaire collectif où résideront autant le patron et les cadres que les ouvriers. Il recherchera le plein épanouissement de chacun.
Illustrant la différence de
qualité de vie, la sortie des filatures et
fonderie en haut et celle des
employés des usines Godin en
bas.
Godin rencontrera beaucoup d’opposition de sa famille d’abord et particulièrement de sa première épouse avec un divorce très long, de l’Administration du Second empire puis de la République, de l’Eglise (car il était reconnu athée) et même de certains de ses employés. Il réussit toutefois à obtenir plein succès, avec, en 1880, la création de l’Association coopérative du Capital et du Travail, conçue comme moyen d’émancipation collective qui permettait aux ouvriers de s’approprier l’organisation en participant à la gestion et à la direction des affaires sociales et industrielles et la répartition des bénéfices entre le travail et le capital. Le Palais social devenait propriété des travailleurs qui y habitaient.
Maquettes montrant le Palais social
avec ses trois ailes et
l’implantation sur le terrain
avec l’usine en fond.
Le Palais social est un ensemble imposant et élégant, précédé d’une vaste place. De style classique, construit en brique arborant une riche décoration, il intègre des éléments vernaculaires comme le pignon à redents. Il est formé de trois ailes placées de telle façon qu’elles puissent communiquer mais laisser les façades dégagées en conservant le maximum d’accès à la lumière. Le pavillon central est achevé en 1865 et il comporte 242 pièces formant 112 logements, chacun possédant une cave et un grenier. Les escaliers sont placés dans les angles. Ils sont tournants et semi-circulaires.
Pavillon central et aile gauche
Riche décoration qui atténue l’austérité de la brique.
A cette époque, de grandes galeries intérieures comme
celle du Palais-Royal avaient été créées. Elles inspirèrent
Godin. Chaque pavillon possède une vaste cour
intérieure, couverte pour la protéger des intempéries et lui donner un rôle de pôle
communautaire, favorisant la relation entre les habitants. Ces lieux se voulaient très
lumineux grâce à la verrière de recouvrement et
l’utilisation de couleurs claires. Chaque étage est
ceinturé d’une coursive assez large (1,30 m) pour
favoriser la circulation. Elles devaient jouer le même rôle qu’une rue, desservant les logements qui la bordent.
Pour assurer la sécurité, les garde-fous ont 1 m de
hauteur et les barreaux sont espacés de 12cm.
Galeries et escalier d’angle
Détail d’une verrière
Ce revêtement de sol est
plus récent. Au début, les
carreaux étaient de terre cuite,
sans joints et ininflammabl
es.
L’entretien des espaces
communs était assuré
par des employés du Familistère.
Godin considèrait l’hygiène comme facteur de base pour favoriser la qualité de vie et la santé de l’homme. Partout dans le Palais social on sent le souci de les favoriser. Les appartements sont enduits de plâtre blanc mais les locataires pouvaient poser de la tapisserie pour égayer et à la base, il y a toujours une bande noire pour masquer les ternissures. Chaque étage possédait fontaine et cabinet d’aisance avec chasse-d’eau; des salles de bains et douches étaient installées au rez-de-chaussée et munies d’eau chaude grâce à une machine à vapeur. On trouvait des vide-ordures sur chaque étage, les premiers dans des immeubles d’habitation. Les eaux usées étaient récupérées dans des cuves maçonnées au sous-sol. Les lessives étaient proscrites dans les appartements pour éviter une trop grande humidité. Dès 1870, les femmes pouvaient se rendre à la buanderie dotée de baquets de lavage, de cuves de rinçage, d’essoreuses et de séchoirs ventilés.
Godin pensait lui-même aux
moindres détails,
toujours avec un souci de
sécurité. Les portes
battantes ne se touchaient pas pour éviter le pincement des doigts. Pour
l’extérieur, des portes à
tambours étaient aussi conçues de
façon sécuritaire…
Un ingénieux système de ventilation fut imaginé, prenant l’air par des ouvertures au sous-sol et le transportant par des galeries souterraines puis le remontant aux étages par les conduits de cheminées.
La clarté fut privilégiée : elle entre pleinement côté extérieur. Côté cour, la hauteur des plafonds et des fenêtres augmente quand le niveau d’habitation diminue pour assurer une répartition équitable de la lumière.
Dans les appartements sont exposés quelques
modèles de poêles Godin ainsi que de
magnifiques cuisinières
recouvertes de faïence.
Très belle cuisinière avec le bac à charbon assorti.
En général les appartements jumelés ne sont composés que
de deux pièces. Mais pour une famille plus nombreuse
on peut percer la paroi mitoyenne pour obtenir un
logis de quatre pièces.Un appartement est meublé
façon XIXe siècle.
Porte-manteaux et porte-parapluies en fonte.
L’aile de gauche, la dernière construite, démontre davantage de fantaisie dans la
conception, avec dôme et balcons. Ce n’était plus Godin le maître d’œuvre mais
l’Association…
Sous l’autorité d’un économe, Godin pensa le système d’économat où les habitants du Familistère pouvaient venir s’approvisionner. Il voulait supprimer les intermédiaires commerciaux et permettre des achats à meilleur prix. De l’autre côté de la rue, l’économat abritait boucherie, charcuterie, restaurant, atelier de fabrication de plats cuisinés, débit de boisson et dépôt de combustible. Une épicerie et une mercerie-quincaillerie étaient installées au rez-de-chaussée du pavillon central. On y retrouvait aussi le service médical et une pharmacie mutualiste.
L’économat abrite maintenant l’accueil, la boutique et un point de restauration rapide.
Un autre grande préoccupation de Godin était l’éducation. Il conçut un système intégral basé sur l’âge. Dans un bâtiment détruit durant la guerre de 14, adjacent au pavillon central, est installée en 1866, une « Nourricerie-Pouponnat », crèche qui accueillait les tout-petits de 15 jours à 4 ans. De l’autre côté de la rue on retrouvait l’école avec des classes correspondant aux tranches d’âge. Les plus doués suivaient le cours supérieur et les autres étaient dirigés vers l’apprentissage à l’usine Godin. La pédagogie y était moderne, sollicitant la participation des élèves. A côté de l’école, un théâtre dispensait spectacles et conférences pour l’ensemble de la population.
Au premier plan, le théâtre et en arrière, l’école.
La rue, entre les bâtiments, mène directement à la
buanderie –piscine et à l’usine.
En bordure de l’Oise, l’édifice qui abrite le lavoir et la piscine .
A côté de la salle de lavage, l’escalier qui
permettait d’atteindre la zone
de séchage.
La piscine se trouve en arrière du lavoir.
A l’étage, on retrouve quelques souvenirs du passé dont une pompe aspirante et beaucoup de documentation.
C’était une piscine de 50 m2 de surface. Elle disposait d’un ingénieux système de plancher mobile qui pouvait donner
jusqu’à 2,50 m de profondeur. On l’ajustait selon l’âge des baigneurs et leurs besoins…
Entre l’usine et le Familistère, de chaque côté de l’Oise, se trouvaient les jardins utilitaires et d’agréments. Ils étaient
destinés à protéger les habitations du bruit et de la poussière en créant un espace
tampon.
Seul est encore visible un jardin
d’agrément.
Kiosque, bassin et sculptures
embellissent les lieux.
Cet escalier métallique permet d’atteindre le lieu de sépulture de Godin décédé en 1888 ainsi que de sa
deuxième épouse et collaboratrice qui l’y rejoignit en 1908.
Le monument isolé au bout
d’une allée avec, en arrière, les
bustes de Jean-Baptiste Godin et Marie Moret.
L’Oise qui traverse paisiblement la ville.
L’Association coopérative du Capital et du Travail était composée de membres qui n’étaient pas tous égaux en fait de prérogatives. On y retrouvait des Associés, des Sociétaires et des Participants avec des droits et devoirs bien établis pour chacun. Le titre traduisait la place dans la hiérarchie du mérite et des services rendus à l’Association. Tous les salariés n’étaient pas membres.En 1968, l’entreprise, confrontée à des difficultés financières, devint une société anonyme, intégrée dans le groupe Le Creuset avant d’être rachetée trois ans plus tard par Cheminée Philippe.
Marie Moret née en 1840 devint très jeune la secrétaire de Jean-Baptiste Godin et très vite sa plus fidèle collaboratrice. Discrète mais émancipée, cultivée et engagée, elle s’enthousiasma pour le projet et prit rapidement une place prépondérante dans la conduite des affaires du Familistère. Elle dirigea les services de l’Education mis en place vers 1862 et c’est elle qui en bâtit le système pédagogique . Elle épousa Godin en 1886 et, à sa mort, elle devint administratrice-gérante jusqu’à l’engagement d’un nouvel administrateur six mois plus tard.
Musique : Mendelssohn – Songe d’une nuit d’été Orchestre métropolitain de Montréal
Documentation prise sur place
Photos, conception et réalisation :Marie-Josèphe Farizy-Chaussé
Avril 2010
AU REVOIR