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jean alessandrinijean-François Martin

Paul coxrenaud Perrin

blexbolex

Hélène riFF

doMinique goblet

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extraits du journal de bord de l’exPédition atoPoZ

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Celle-ci a déjà fait l’objet d’une présentation au monde, lors de l’exposition proposée à La Chaufferie, galerie de la Haute école des arts du Rhin, en octobre 2011,

dans le cadre du programme européen Et Lettera.

« Nous avons acheté dans une grande surface sportive un canot pneumatique orange. Nous avons gonflé à pleins poumons le véhicule tout un après-midi. Un carnet de croquis, une trousse remplie, des sandwichs, un appareil photographique dans un sac en bandoulière et nous voilà embarqués, à l’heure de l’apéro, pour l’expédition AtopoZ. Nous sommes prêts pour la grande aventure.

Après quelques coups de pagaie, nous atteignons l’écluse, portes grandes ouvertes, celle qui n’est pas loin du feu rouge, près de l’hôpital de la ville. Des ampoules déjà commencent à nous brûler les mains. Afin d’accélérer le processus, nous dégoupillons le bouchon d’air à l’arrière, et dans un fulgurant démarrage le canot éclabousse jusqu’au cygne roupillant sur la berge. Nous fermons les yeux, l’air est tour à tour frais puis chaud, ça chatouille un peu. Puis soudain comme un décollage. De l’air brûlant, un ralentissement, des clapotis. Nous ouvrons les yeux. Nous dérivons 0 au milieu d’un océan. Nous refermons les yeux, longtemps, jusqu’à sentir monter autour de nous l’eau aussi chaude qu’à la piscine municipale.

A —— toPo —— Z

A —— première apparition alphabétique, première lettre de « Aléatoire », « À-côté » ou « Atchoum ! »

toPo —— vient de « topographie », description détaillée d’un lieu et de ses éléments caractéristiques, ou de « topo »,

bref exposé oral ou écrit Z —— dernière lettre de l’alphabet, première lettre

de « Zébulon »

————————Comment est venue l’idée de faire Die Flucht nach Abecederia (Destination : Abécédéria) ?

bxC’était une proposition de l’éditeur allemand Armin Abmeier (décédé en 2012), qui dirigeait la collection « Die tollen Hefte », et qui, à quelques exceptions près, proposait d’illustrer des textes littéraires. Nous n’avions pas réussi à nous mettre d’accord sur un texte et un auteur, et Armin m’a alors proposé ce classique de la bibliophilie ou de la littérature pour enfant (l’abécédaire, NdÉ). Le livre devant être publié en allemand, j’ai pensé que nous allions au devant de difficultés si je prenais sa proposition « au pied de la lettre ». J’ai donc pris le parti d’illustrer (d’ornementer) la lettre plutôt que de la rapporter à des éléments de langage.

————————Peux tu évoquer la structure singulière d’Abécédéria ?

bxL’idée de structurer les images à partir de lettres de l’alphabet s’est imposée assez vite — en fait j’en avait eu l’idée quelques années auparavant. Cette collection est un petit format de 32 pages (idéal pour publier une nouvelle) superbement imprimé en tons directs. 26 lettres, 32 pages, il y avait donc de la place pour des amorces

Blexbolex est né en 1966 à Douai. Son activité de sérigraphe le conduit progressivement

au livre illustré de qualité +++ (bande dessinée, imagier, album).

L’Imagier des gens, Albin Michel jeunesse, 2008P, « L’Abécédaire », L’Édune, 2008

Destination : Abécédéria, Les Requins Marteaux, 2009Crimechien, Cornélius, 2012Hors-Zone, Cornélius, 2012

et des issues de récit, et il m’a paru évident de consacrer une page à chaque lettre qui devait devenir un élément du récit, ou mieux, une sorte de station dans le récit.Le jeu a été alors de trouver des objets ou des groupes d’objets dont le dessin pouvait se rapporter à celui des lettres. Le sujet a déjà été largement balayé par des artistes, graphistes ou photographes. Mais, ayant un vocabulaire plus proche de celui de la bande dessinée, il m’a semblé que ces éléments devaient être reliés de façon contextuelle, et que je ne pouvais pas me contenter de la réalité. J’ai donc imaginé que tous les dessins des lettres devaient être des éléments de paysage, et l’alphabet étant un ensemble restreint, que ces paysages faisaient partie d’un petit pays, Abécénie, ou Abécédéria.La plastique des lettres, associée à celle du dessin, permettait aussi d’imaginer que ces éléments étaient modulables, et donc qu’on pouvait réutiliser certaines idées, sous un autre angle, amener une autre lettre et créer des suites narratives à partir de l’association ordre alphabétique/dessin d’objet. Ainsi, pour entrer dans ce pays, j’avais besoin d’une route. Il y a plusieurs possibilités, mais le A du début n’offre pas la plus évidente. Heureusement, il y a la perspective, le A est donc devenu une route vue en perspective, la barre du A une barrière, et donc l’indice d’un pays fermé, sous contrôle. La forme du B casse la séquence, c’est donc un insert,

blexbolexentretiens

aVecgaËtan

doréMus

————————Pourquoi cette série de dessins typings, qui de premier abord semble en marge de ta production d’images, tant dans la chose représentée que dans sa facture ?

rnDepuis quelques années je réalise des séries d’images ayant pour thème la construction et l’architecture. Je m’intéresse à l’idée de répétition et au détournement d’outils, j’ai donc eu envie de dessiner avec un outil destiné à l’écriture. La machine à écrire a une dimension manuelle (et sonore) dans son utilisation qui se rapproche de l’idée de construction : des tirets pour faire des lignes droites de planche de bois à la façon d’un scieur de long, un signe pour représenter chaque brique ou chaque tuile, comme le geste répété du maçon. J’utilise aussi bien les signes typographiques que les lettres. À l’usage, je me rends compte que certains caractères m’intéressent plus que d’autres pour leur forme, comme les X, les N, M, o et I.La machine introduit une distance dans le geste, et aussi dans la représentation, puisque selon l’écart entre l’œil et la feuille de papier, on reconnaîtra tantôt des lettres, tantôt une maison.

————————Quel lien vois-tu entre ta pratique de dessin à la main, ta pratique semi-mécanique (la linogravure), cette pratique mécanisée,

Renaud Perrin est né en 1977 dans les Vosges et vit à Marseille depuis 2002.

Son travail se déploie dans des scénographies de théâtre, des livres illustrés ou des éditions d’artiste.

Mécamots, thierry Magnier, 2009Moyens de pression, catalogue d’exposition, 2011

et les dessins que tu as réalisés parfois à l’ordi ?

rnComme j’ai un côté impulsif dans ma façon de dessiner, j’utilise plutôt des outils qui me forcent à ralentir. La plaque de linogravure, la machine à écrire, ne tolèrent pas l’erreur, il faut peser chaque geste sous peine de devoir recommencer toute l’image. J’apprécie l’aspect physique et le rapport à la matière commun à ces deux techniques : l’odeur de l’encre, le papier qui se gaufre légèrement, la superposition des couches, les irrégularités dûes à la différence de pression. Les contraintes, comme le nombre limité de couleurs, me stimulent. À l’inverse, mes expériences de dessin avec l’ordinateur ont souvent été laborieuses et peu agréables.

————————on trouve dans ton livre des maisons vosgiennes, celles de ton enfance, et tu as imprimé récemment un cahier de dessins de voitures de « quand-tu-étais-pas-bien-grand ». Un retour en enfance ? Est-ce lié à l’amusement et au jeu ? L’enfant expérimente, toi aussi ?

rnoui, c’est lié au plaisir et à l’amusement du jeu, au fait de ne pas trop figer les choses sur un socle, même si tout cela n’est pas tellement prémédité. Les dessins

renaud Perrin

de maisons que je fais maintenant ressemblent de plus en plus aux dessins de voitures que je faisais enfant. Les maisons vosgiennes, c’est parce que je pars de photos prises pendant mes promenades et voyages. Comme je suis loin des Vosges maintenant, celles-ci ont un côté exotique. Ce que j’aime dans les bâtiments, c’est leur aspect brut, utilitaire et vernaculaire. J’apprécie les constructions industrielles pour cette même raison.

————————ton intérêt pour la construction et la lettre se retrouve aussi dans Mécamots, un abécédaire où lettres et images sont dessinées à partir de « typons » de meccano (un jeu de construction où l’on boulonne des plaques de métal, l’ancêtre des legos).

rnJ’avais acheté dans une brocante un vieux jeu de meccano, et je m’étais amusé à composer un alphabet avec les pièces du jeu. Un peu plus tard, à l’occasion d’une exposition, j’ai réalisé de la même façon une série d’images correspondant aux lettres, en représentant des objets associés à l’idée de transport et de déplacement. Comme j’avais obtenu une sorte d’abécédaire, j’ai essayé d’en faire un livre en écrivant des définitions en acrostiches (ça a d’ailleurs été la partie la plus difficile), que Valérie Cussaguet des éditions thierry Magnier a accepté de publier.Dans les images de Mécamots j’ai fait en sorte de représenter des objets simplement, avec le moins de signes possibles. À l’occasion d’ateliers avec des enfants, je me suis rendu compte qu’ils interprètent facilement des signes abstraits. Par exemple, dans un tableau de Mondrian, ils reconnaissent très vite une fenêtre, alors que moi, je m’attarde plutôt sur les caractéristiques formelles de l’image.Henri Michaux avait constaté cette capacité

à l’idéographie des enfants. Il associe leurs jeux à la calligraphie chinoise. Ainsi, une planche posée au sol deviendra bateau, une plus petite un pont. J’aime beaucoup les textes d’Henri Michaux. Je trouve ses poèmes très imagés tandis que ses peintures sont beaucoup plus proches de l’écriture.

« Le premier plaisir qu’en général les enfants ont de l’exercice de l’intelligence est loin d’être le jugement ou la mémoire. Non, c’est l’idéographie.Ils mettent une planche sur la terre, et cette planche devient un bateau, ils conviennent que c’est un bateau, ils en mettent une autre plus petite, qui devient passerelle, ou pont. »

Henri Michaux, Un barbare en Asie Gallimard, Paris, 1933 ——

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Recherche personnelle, 1995 pochoir, acrylique

Quand les mots deviennent images, 1986

crayon de papier et gouache, éditions Retz

Les Métamorphoses d’Aladin ou comment il fut passé au caviar, 2006

image imprimée caviardée à la peinture acrylique, éditions Michalon

DYLAN THOMAS, 2002techniques mixtes

A Cyphered Message, 1997linogravures, publié chez l’auteur

La Chaussette jaune, 1994prémaquette, crayon de papier

et crayon jaune

BlexbolexJean Alessandrini

Jean-François MartinDominique Goblet

Paul CoxHélène Riff Renaud Perrin

Jean Alessandrini

Destination : Abécédéria, 2006carnet de recherches, feutre

Typomondo, 1984crayon, photocopie et gouache,

Bussière Arts graphiques

Destination : Abécédéria, 2007chemin de fer,

crayons de couleur et stylo

Faire semblant c’est mentir, 2007techniques mixtes, l’Association

Sculptures Alphabétiques, 1997bois peint, édition de 26 exemplaires

Le Tout Petit Invité, 2005gouache, encres et crayons,

Albin Michel jeunesse

Destination : Abécédéria, 2007

dessin préparatoire, gouache

Destination : Abécédéria, 2008

dessin de couverture pour l’édition anglaise

(Nobrow), gouache

ABC de la lettre, 1987collage de lettres imprimées,

éditions Retz

BXL SPORT, 2009techniques mixtes

Papa se met en quatre, 2003 recherche textuelle préparatoire,

stylo plume

Moyens de pression, 2011machine à écrire,

publié chez l’auteur

Tour alphabétique, 2000 crayon de papier,

travail personnel inédit