bagatelles pour un massacre

Upload: markorel

Post on 08-Mar-2016

71 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Louis-Ferdinant Céline

TRANSCRIPT

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    1/220

    LOUIS-FERDINANDCLINE

    BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    SOLUS

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    2/220

    2

    EDITIONS DENOL

    19, RUE AMLIE, 19

    PARIS

    Tous droits rservs pour tous pays.

    Copyright by Louis-Ferdinand Cline 1937.

    Le "massacre", dans la pense de l'auteur, est videmment celui qu'il prvoit, en 1937,comme ce qui arriverait s'il clatait une deuxime guerre mondiale.

    Contrairement la rumeur, les pamphlets ne sont pas interdits par des lois, desrglements ou des tribunaux. Ils n'ont pas t rdits par des maisons d'dition ayantpignon sur rue parce que l'auteur, revenu en France, voulait pouvoir vendre les livresqu'il crivait alors pour gagner sa pitance. Cette mesure d'opportunit n'a plus lieud'tre aprs la disparition de l'auteur, en 1961. Personne n'a le droit de soustraire lalgitime curiosit des gnrations suivantes ce qui a t le noyau incandescent de la

    littrature franaise vers le milieu du vingtime sicle.Le texte ici reproduit est celui d'une dition probablement pirate. Les dtenteurs d'unedition rellement authentique voudront bien nous signaler les ventuelles diffrences.

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    3/220

    3

    A EUGNE DABIT

    A MES POTES DU "THATRE EN TOILE"

    Il est vilain, il n'ira pas au paradis,

    celui qui dcde sans avoir rgl tous ses comptes

    Almanach des Bons-Enfants

    [1] (pages 1-10)

    Le monde est plein de gens qui se disent des raffins et puis qui ne sont pas, jel'affirme, raffins pour un sou. Moi, votre serviteur, je crois bien que moi, je suis unraffin ! Tel quel ! Authentiquement raffin. Jusqu' ces derniers temps j'avais peine l'admettre... Je rsistais... Et puis un jour je me rendis... Tant pis !... Je suis tout demme un peu gn par mon raffinement... Que va-t-on dire ? Prtendre ?...Insinuer ?...

    Un raffin valable, raffin de droit, de coutume, officiel, d'habitude doit crire aumoins comme M. Gide, M. Vanderem, M. Benda, M. Duhamel, Mme Colette, MmeFmina, Mme Valry, les "Thtres Franais"... pmer sur la nuance... Mallarm,Bergson, Alain... troufignoliser l'adjectif... goncourtiser... merde ! enculagailler la

    moumouche, frntiser l'Insignifiance, babiller tnu dans la pompe, plastroniser,cocoriquer dans les micros... Rvler mes "disques favoris" ... mes projets deconfrences...

    Je pourrais, je pourrais bien devenir aussi moi, un styliste vritable, un acadmique"pertinent". C'est une affaire de travail, une application de mois... peut-tre d'annes...On arrive tout... comme dit le proverbe espagnol : "Beaucoup de vaseline, encoreplus de patience, Elphant encugule fourmi."

    Mais je suis quand mme trop vieux, trop avanc, trop salope sur la route maudite duraffinement spontan... aprs une dure carrire "de dur dans les durs" pour rebroussermaintenant chemin ! et puis venir me prsenter l'agrgation des dentelles !...

    Impossible ! Le drame est l. Comment je fus saisi trangl d'moi... par mon propreraffinement ? Voici les faits, les circonstances...

    Je m'ouvrais tout rcemment un petit pote moi, un bon petit mdecin dans mongenre, en mieux, Lo Gutman, de ce got de plus en plus vivace, prononc, virulent,que dis-je, absolument despotique qui me venait pour les danseuses... Je luidemandais son avis... Qu'allais-je devenir ? moi, charg de famille ! Je lui avouaitoute ma passion ravageuse...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    4/220

    4

    "Dans une jambe de danseuse le monde, ses ondes, tous ses rythmes, ses folies, sesvux sont inscrits !... Jamais crits !... Le plus nuanc pome du monde !... mouvant !Gutman ! Tout ! Le pome inou, chaud et fragile comme une jambe de danseuse enmouvant quilibre est en ligne, Gutman mon ami, aux coutes du plus grand secret,c'est Dieu ! C'est Dieu lui-mme ! Tout simplement ! Voil le fond de ma pense ! Apartir de la semaine prochaine, Gutman, aprs le terme... je ne veux plus travailler que

    pour les danseuses... Tout pour la danse ! Rien que pour la danse ! La vie les saisit,pures... les emporte... au moindre lan, je veux aller me perdre avec elles... toute lavie... frmissante... onduleuse... Gutman ! Elles m'appellent !... Je ne suis plus moi-mme... Je me rends... Je veux pas qu'on me bascule dans l'infini !... la source detout... de toutes les ondes... La raison du monde est l... Pas ailleurs... Prir par ladanseuse !... Je suis vieux, je vais crever bientt... Je veux m'crouler, m'effondrer, medissiper, me vaporiser, tendre nuage... en arabesques... dans le nant... dans lesfontaines du mirage... je vaux prir par la plus belle... Je veux qu'elle souffle sur moncur... Il s'arrtera de battre... Je te promets ! Fais en sorte Gutman que je merapproche du danseuses !... Je veux bien calancher, tu sais, comme tout le monde...mais pas dans un vase de nuit... par une onde... par une belle onde... la plus dansante...la plus mue..."

    Je savais qui je m'adressais, Lo Gutman pouvait me comprendre... Confrre de hautparage, Gutman !... achaland comme bien peu... quelles relations !... frayant danstout le haut Paris... subtil, cavaleur, optimiste, insinuant, savant, fin comme l'ambre,connaissant plus de mtrites, de vroles, de baronnes par le menu, de bismuthes,d'acidosiques, d'assassinats bien mondains, d'agonies truques, de faux seins, d'ulcresdouteux, de glandes inoues, que vingt notaires, cinq Lacassagnes, dix-huitcommissaires de police, quinze confesseurs. Au surplus et par lui-mme, du culcomme trente-six flics, ce qui ne gte rien et facilite normment toute lacomprhension des choses.

    "Ah ! qu'il me rplique, Ferdinand, te voil un nouveau vice ! tu veux lutiner lestoiles ? ton ge ! c'est la pente fatale !... Tu n'as pas beaucoup d'argent... Comme tuserais plutt repoussant... considrant ton physique... Je te vois mal parti... Comme tun'es pas distingu... Comme tes livres si grossiers, si sales, te feront srement bien dutort, le mieux serait de ne pas les montrer, encore moins que ta figure... Pourcommencer je te prsenterai anonyme... a ne te fait rien ?"

    Ah ! Je me rcriai, mais Gutman, je suis partisan ! Je m'en gafe normment ! Jeveux bien certes... Et mme je prfre demeurer aux aguets... Les entrevoir cesadorables, abrit par quelque lourd rideau... Je ne tiens pas du tout me montrerpersonnellement... Je voudrais seulement observer en trs grand secret ces mignonnes" la barre"... dans leurs exercices comme on admire l'glise les objets du culte... de

    trs loin... Tout le monde ne communie pas !...

    C'est cela... C'est cela mme ! ne te montre pas ! T'as toujours une tte de satyre..Les danseuses sont trs effroyables... trs facilement. Ce sont des oiseaux...

    Tu crois ?... Tu crois ?...

    Tout le monde le sait.

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    5/220

    5

    Gutman il ruisselle d'ides. Voici l'intermdiaire gnial... Il a rflchi...

    Tu n'es pas pote des fois, dis donc ? par hasard ?... qu'il me demande brle-pourpoint

    Tu me prends sans vert... (Je ne m'tais jamais moi-mme pos la question.) Pote

    ? que je dis... Pote ?... Pote comme M. Mallarm ? Tristan Derme, Valry,l'Exposition ? Victor Hugo ? Guernesey ? Waterloo ? Les Gorges du Gard ? Saint-Malo ? M. Lifar ?... Comme tout le Frente Popular ? Comme M. Bloch ? MauriceRostand ? Pote enfin ?...

    Oui ! Pote enfin !

    Hum... Hum... C'est bien difficile rpondre... Mais en toute franchise, je ne croispas... a se verrait... La critique me l'aurait dit...

    Elle a pas dit a la critique ?...

    Ah ! Pas du tout !... Elle a dit comme trsor de merde qu'on pouvait pas trouverbeaucoup mieux... dans les deux hmisphres, la ronde... que les gros livres Ferdinand... Que c'tait vraiment des vrais chiots... "Forcen, raidi, crisp, qu'ils ontcrit tous, dans une trs volontaire obstination crer le scandale verbal... MonsieurCline nous dgote, nous fatigue, sans nous tonner... Un sous-Zola sans essor... Unpauvre imbcile maniaque de la vulgarit gratuite... une grossiret plate et funbre...M. Cline est un plagiaire des graffiti d'dicules... rien n'est plus artificiel, plus vainque sa perptuelle recherche de l'ignoble... mme un fou s'en serait lass... M. Clinen'est mme pas fou... Cet hystrique est un malin... Il spcule sur toute la niaiserie, la

    jobardise des esthtes... factice, tordu au possible son style est un curement, uneperversion, une outrance affligeante et morne. Aucune lueur dans cet gout !... pas lamoindre accalmie... la moindre fleurette potique... Il faut tre un snob "tout enbronze" pour rsister deux pages de cette lecture forcene... Il faut plaindre de toutcur, les malheureux courriristes obligs (le devoir professionnel !) de parcourir,avec quelle peine ! de telles tendues d'ordures !... Lecteurs ! Lecteurs !... Gardez-vous bien d'acheter un seul livre de ce cochon ! Vous tes prvenus ! Vous auriez tout regretter ! Votre argent ! Votre temps !.., et puis un extraordinaire dgot, dfinitifpeut-tre pour toute la littrature !... Acheter un livre de M. Cline au moment o tantde nos auteurs, de grands, nerveux et loyaux talents, honneur de notre langue (la plusbelle de toutes) pleinement en possession de leur plus belle matrise, surabondammentdous, se morfondent, souffrent de la cruelle mvente ! (ils en savent quelque chose).Ce serait commettre une bien vilaine action, encourager le plus terne, le plusdgradant des "snobismes", la "Clinomanie", le culte des ordures plates... Ce serait

    poignarder dans un moment si grave pour tous nos Arts, nos Belles-LettresFranaises ! (les plus belles de toutes !)"

    Ils ont dit tout a les critiques ? Je n'avais pas tout lu, je ne reois pas l'Argus.

    Ah ! Mais dis donc ils se rgalent ! Ils sont pas Juifs ? Qui c'est tes critiques ?...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    6/220

    6

    Mais la fine fleur de la critique !... Tous les grands critiques franais !... Ceux qui sedcernent les Grands Prix !... "Monsieur, vous tes un grand critique"... "Un jeunecritique de grand talent !..."

    Ce sont des cons ! Tous des sales cons, des Juifs ! Tous des rats ! des suons ! desoutres ! ils ont chacun tu sous eux, au moins quinze ouvrages.. Ils se vengent... Ils

    crvent... Ils dpitent... Pustulents !...

    Ah ! Si j'tais camelot du roi... ventriloque... stalinien... Clineman rabineux...comme ils me trouveraient aimable... Si je rinais tout simplement... table, zincouverts... Les critiques se sont toujours invitablement gours... leur lment c'estl'Erreur... Ils n'ont jamais fait autre chose dans le cours des temps historiques : segourer... Par connerie ? Par jalousie ?... Les deux seuls plateaux de ces juges. Lacritique est un cond fameux des Juifs... La grande vengeance des impuissants,mgalomanes, de tous les ges de dcadence... Ils cadavrisent... La tyrannie sansrisque, sans peine... Ce sont les rats les plus rances qui dcrtent le got du jour !...Qui ne sait rien foutre, loupe toutes ses entreprises possde encore un merveilleuxrecours : Critique !... Trouvaille inoue des temps modernes, plus aucun compte

    jamais rendre. Critique ne relve que de son propre culot, de ses sales petitesgardiens des plus fienteux gouts... Tout en ombres, baves, toxines, immondices,cures...

    Un seul te dcouvre un petit peu d'intrt...

    Oui ?

    Marsan.

    Il en est mort.

    Fernandez...

    C'est un pote.

    Et puis Sabord.

    Je tremble pour sa vie ! mon parrain !...

    Et puis Strowsky...

    Il ne recommencera pas.

    Et Daudet ?

    Il te crache !

    Serait-il Juif ?

    Tout va mal !

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    7/220

    7

    Ce qu'il m'apprenait Gutman, tout d'un coup, sans prparation, me bouleversait defond en comble...

    Gutman ! Gutman ! Je t'ai offens mon pauvre ! Je parie, avec tous ces "Juifs"... etces "Juifs"...

    Rien ne m'offense de ta part... Rien ne me blesse Ferdinand ! Rponds plutt maquestion... es-tu pote oui ou merde ?

    Ah ! Lo, Lo, mon petit djibouk, pour m'en aller aux danseuses... je me feraipote !... C'est jur !... pour aller au dduit divin, je ferai de cette terre, de ce cadavreau fond des nuages, une toile de premire grandeur ! Je ne recule devant aucunmiracle...

    Alors vas-y ! ne parle plus ! au tapin ! saisis ta plume... Torche-moi un joli ballet,quelque chose de net et de fringant... j'irai le porter moi-mme... l'Opra... M.Rouch est mon ami !... Moi-mme !...

    Ah ! Ah ! je reste baubi... Vrai ? Vrai ?...

    Officiel !... Il fait tout ce que je lui demande...

    Ah ! Lo... (je me jetai ses genoux) Gutman ! Gutman ! mon vieux prpuce ! Tum'exaltes ! Je vois le ciel ! La danse c'est le paradis !...

    Oui mais fais bien attention... Un pome !... Les danseuses sont difficiles...susceptibles... dlicates...

    Bluff de Juifs !... Imposteurs ! je me rcrie !... Publicit !... Les valets sont devenus

    les matres ?... En quelle poque tombons-nous ? C'est grand piti ! L'or salit tout !Les veaux d'or ! Les Juifs sont l'Opra !... Thophile Gautier ! frmis ! sale hirsute.Tu serais vir avec Gisle !... Il n'tait pas Juif... dconnai-je.

    Tu dis trop de mal...

    Je jure ! je n'en dirai plus ! pour que mon ballet passe !

    Tu te vantes comme un Juif, Ferdinand !... Mais attention ! pas d'ordures ! Tous lesprtextes seront valables pour t'liminer ! Ta presse est dtestable... tu es vnal...perfide, faux, puant, retors, vulgaire, sourd et mdisant !... Maintenant antismite c'estcomplet ! C'est le comble !.. Opra ! Temple de la Musique ! la Tradition !... les

    Prcautions !... Beaucoup de dlicatesse ! de l'envol certes ! mais point de violence !...de ces fatras rpugnants... Mr. Rouch, le Directeur, est un homme de got parfait...Souci du maintien de la sublimit des mlodies dans le Temple... Il ne mepardonnerait jamais de lui avoir recommand quelque polissonnerie... d'avoir attirson attention vnrable sur les fariboles d'un goujat... Ferdinand ! Sens et mesure !. .Charme... tendresse... tradition... mlodie... les vrais pomes sont ce prix... lesdanseuses !

    La fivre me vint... j'y cdai... Voici :

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    8/220

    8

    LA NAISSANCE UNE FE

    Ballet en plusieurs actes

    Epoque : Louis XV.

    Lieu : O l'on voudra.

    Dcor : Une clairire dans un bois, des rochers, une rivire dans le fond.

    Action : Au lever du rideau, les petits esprits de la fort dansent, sautent, virevoltent...C'est la ronde des lutins, des farfadets, des elfes... Leur chef est un lutin couronn, leRoi des Lutins agile, preste, toujours aux aguets... Ils jouent... saute-mouton... Aveceux, dans la ronde joyeuse... une biche frle et timide... leur petite compagne... Et puisun gros compagnon, le gros hibou... Il danse aussi par ci, par l... mais tranquillement,un peu en retrait toujours... Il est le conseiller, le sage de la petite bande... toujours unpeu boudeur... Le petit lapin est l aussi... avec son tambour... On entend les cris d'unebande joyeuse... Jeunes gens et jeunes filles... qui se rapprochent de la clairire... lapremire de ces jeunes filles apparat entre les buissons : Evelyne... Une trs belle,trs joyeuse, trs gaie, trs tincelante jeune fille. Elle aperoit tout juste le dernier despetits lutins... qui s'enfuient l'approche... effrays par les humains...

    Les lutins disparaissent dans le bois... Evelyne fait signe ses amis, de la rejoindrevite, dans la clairire... Vite ! Vite !... Elle fait signe qu'elle a vu les lutins danser dansla clairire... Les autres rient... incrdules... Ils sont nombreux, jeunes et beaux...

    garons et filles... Ils dansent leur tour dans la clairire... Jeux... Colin-maillard...Bouderies... Agaceries... L'un des garons est plus particulirement pressant... Il faitune cour ardente Evelyne... C'est le Pote... Il est habill en "pote"... Habit rsda,maillot collant... Cheveux blonds et boucls... Rouleaux de pomes sous son bras...C'est le fianc d'Evelyne... Danses encore... Toujours danses joyeuses !..

    2e Tableau :

    Devant l'auberge du village... Le jour de la Foire... Groupes agits, affairs...bigarrs... Bateleurs, paysans, animaux, etc. Sous le grand porche de l'auberge, lavieille Karalik accroupie, dit la bonne aventure aux paysans, marchands. etc. La mreKaralik est une vieille gitane mchante... envieuse sorcire... Elle sait lire l'avenir dans

    les lignes de la main... Les villageois s'approchent. A droite... gauche... les bateleursfont des tours... Orgues... musiciens... montreurs d'animaux... etc.

    Evelyne et le pote suivis par toute la bande des jeunesses joyeuses dbouchent en cemoment sur l'esplanade du march... Leurs rires... leurs gambades font fuir les clientsde la vieille Karalik... Son ventaire est renvers... la vieille Karalik maudit leurfarandole. Elle jure... elle sacre... elle menace... les jeunes gens ripostent et semoquent d'elle... Et puis on se rconcilie un peu... Les jeunes filles se rapprochent...Le Pote aussi... La vieille ne veut plus lire dans leurs mains... Elle est fche...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    9/220

    9

    vexe... Disputes encore... La vieille saisit alors la main d'Evelyne... Tous les autres semoquent de la vieille... lui font des grimaces... La vieille jette un sort Evelyne... auPote... A ce moment l'orage gronde... la pluie tombe... La foule se disperse... la rondes'parpille... Jeunes gens et villageois s'enfuient... rentrent chez eux... la vieilledemeure seule sur la grande place du march... elle est seule sous l'orage... ellericane... elle danse les "malfices"... Elle se moque des jeunes gens... elle mime leurs

    petites manires... leurs coquetteries... Leurs manges amoureux... Elle danse enboitant la danse des "sorcires"... La vieillesse mchante... tout autour de la scne...traverse d'clairs et du vacarme de la foudre...

    3e Tableau :

    Le mme endroit, encore devant l'auberge... Un autre jour de foire... Foule...Bateleurs, etc. Des grands panneaux dcoratifs sont disposs sur les murs del'auberge... d'autres devins racontent des histoires aux paysans... leur vantent et leurvendent des mdicaments... boniments.

    Dans les remous de cette foule... Une grande berline (8 chevaux) veut se frayer un

    chemin... Lourdement charge... La foule veut empcher la berline de passer...d'avancer... Des grappes de gamins se pendent aux portires... aprs les bagages... Lagrande berline penche alors et s'effondre d'un ct... Un essieu vient de se briser... Lafoule toute heureuse s'amuse de l'accident... (Cet accident survient juste devantl'auberge.) Le cocher de la berline dgringole rapidement de son sige... C'est un petithomme tout brun, tout ptulant, visage bistr sous son grand tricorne, sourcils,moustaches la Mphisto... (Attention ! en ralit, c'est le Diable lui-mme, travesti !)

    Il va tout de suite trouver le gros htelier, surgi sur le seuil de sa porte, attir par lagrande rumeur... Trs grands saluts rciproques... Aux portires de la berline...apparaissent vingt ttes charmantes, minois rieurs espigles... boucles... vingt jeunesfilles en voyage... Figures animes... ptillantes, malicieuses... Elles veulent descendre tout prix... Le petit cocher ne veut pas... leur dfend bien... Quiproquo... La fouleprend fait et cause... "Descendez !... Descendez !..." La foule se presse... s'agite... Onouvre la berline... "Descendez!" Sautent gracieusement sur le sol les vingt demoiselles(capelines de voyage, chacune un menu bagage, petite ombrelle... etc...) A peine terre, elles gloussent... s'chappent furtives... mutines... Le petit cocher Mphisto estdbord... Il jure... Il se dmne... Il les rattrape dans la foule... Enfin, il peutrassembler sa troupe... mais la lourde berline ne peut plus rouler... Casse !...

    "Pressons, Mesdemoiselles !... pressons !"... Ayant enfin runi, rassembl grandpeine cette folle escorte, il sermonne ces demoiselles !... Il explique aussi au groshtelier qu'il est, lui, le responsable !... Qu'il est le matre ! Qu'on doit lui obir !... Le

    "Matre des Ballets du Roi !" Il doit conduire sa mutine troupe au chteau voisin pourles ftes du mariage du Prince !... Le Corps de Ballet ! Les petites font encore milleespigleries... Tout heureuses de l'incident... Grand tohu-bohu... un cochon... unveau... traversent la scne... Le Matre de Ballet "Mphisto-cocher"... regroupe enfinses danseuses ; les fait toutes ensemble pntrer sous le porche de l'auberge... avecson fouet... Il referme derrire lui cette lourde porte... "Assez ! assez !" La foules'amuse de sa colre et de son comique dsarroi... Ah ! Il est malin quand mme !... Ilsait bien ce qu'il fait le drle !... Il est rus !... Il feint la contrarit... La porte fermela foule mcontente se disperse... Les pouses entranent leurs maris... rtifs... Evelyne

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    10/220

    10

    entrane son pote... Les jeunes filles sont obliges de tirer un peu sur leursprtendants... qui soupirent prsent aprs les danseuses entrevues...

    D'ailleurs les hommes ne s'loignent pas pour longtemps... A peine quelquessecondes... Ils reviennent en scne les uns aprs les autres... (les hommes seulement)essayer de surprendre ce qui se passe l'intrieur de l'auberge... Ils frappent la

    porte... On ne rpond plus... Ils essayent d'ouvrir la porte... Ils collent l'il au volet... Ilssont tous revenus l... Le pote, le gros magistrat, le notaire, le mdecin, le professeurdu collge, L'picier, le marchal ferrant, le gendarme, le gnral, tous les notables,les ouvriers, le croquemort mme... On entend une musique de danse... qui vient del'intrieur de l'auberge... Ils voient par des trous les curieux... Ils miment en cadenceen "petits pas" ce qu'ils aperoivent... Les demoiselles du Ballet sont en train derpter une figure dans l'intrieur de l'Auberge...

    4e Tableau :

    Obscurit d'abord... pendant que les notables vacuent la scne... Le mur antrieur del'auberge est soulev... on voit donc prsent la grande salle de l'auberge

    l'intrieur... convertie pour la circonstance en studio de danse... Le petit matre deballet ne veut pas de paresseuses. Il presse ses lves. Il fait reculer les chaises le longdu mur... les tables... Il ordonne qu'elles se mettent toutes en tenue de ballet... Elles sedshabillent... toutes... lentement... Les voici prtes pour la leon... Il sort son petitviolon de sa poche... Barre... Positions... Entrechats... Ensembles... Badines !...Variations... Il fustige, il mne la danse...

    On voit pendant ce temps par un pan coup droite que les gros notables sont revenuspeur pier... de l'extrieur... Ils se rincent l'il... Ils s'excitent... Scandale des pousesqui essayent de les arracher des persiennes. Ils se trmoussent comiquement lesnotables, se dhanchent... Ils s'crabouillent aux fentres... Mais l'un d'eux, le grosmagistrat d'abord, entre-bille une. porte drobe... Il se glisse dans l'intrieur del'auberge. Le voici dans la pice tout ravi... tout merveill !... Les petites font leseffarouches... Le diable les rassure... "Entrez.... Entrez donc..." invite-t-il lemagistrat... Il l'installe dans un fauteuil bien commodment prs du mur... qu'il neperde pas un dtail de la belle leon. Par la mme porte le mdecin se glisse... Mmeaccueil... le facteur, le notaire, le gnral... Tous bientt s'infiltrent un par un... Ils sontinstalls... sous le charme de la danse et des danseuses... Tous les "reprsentants" desgrands et petits mtiers... et les notables hypnotiss par la leon... Ils miment lesgestes, les positions, les arabesques... les variations... Le diable est ravi... Le potearrive enfin le dernier... Il est bientt le plus exalt de tous ! Il en oublie sonEvelyne... Il fait une dclaration brlante la premire danseuse... Il ne veut plus laquitter... Il lui ddie tout de suite un magnifique pome...

    [2] (p. 11-20)

    5e Tableau :

    A nouveau devant l'auberge... Le carrosse est prsent rpar... On l'amne devant laporte... Tout est prt pour le dpart... Le gros htelier salue le diable-cocher-matre deballet. Celui-ci prcde sa frache ppiante troupe... On amne les bagages... La foulese reforme autour de la lourde berline. On vient voir ce dpart !... Les danseuses en

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    11/220

    11

    voiture !... Mais les notables... juge, pote, mdecin, etc... ne peuvent se rsoudre quitter les danseuses... Ils sont tous ensorcels... ni plus ni moins !... Leurs pousespourtant mnent gros vacarme... Ils prennent aussi d'assaut la voiture... Le scandaleest son comble ! On n'a jamais vu chose pareille ! Tous les poux, d'un coup !oublier tous leurs devoirs !... La honte !... Elles essayent de retenir leurs maris... Maisen vain... Elles s'accrochent aprs les bagages ! aux portires ! aux courroies !...

    n'importe o !... Les poux grimpent sur le toit de la berline... escaladent... la lourdevoiture... On dmarre... Le Pote s'arrache aux bras d'Evelyne... Il court aprs lavoiture... aprs l'"Etoile"...

    La voiture dj loin.... grande colre, grand dpit des pouses... Haines !...vengeances !... poings crisps... anathmes !... Karalik la vieille sorcire mne, attisela furie... Et puis toutes les pouses vacuent la scne... Reste seule Evelyne en scnedans la pnombre... Elle s'loigne son tour toute triste... Elle est accable... chagrine.Elle ne maudit personne... elle va se suicider... elle n'en peut plus !

    6e Tableau:

    Dans la clairire comme au premier tableau... Evelyne entre seule, de plus en plusdouloureuse et dsespre... Elle traverse doucement... vers la rivire. Elle pense laMort... Entrent les Anges de la Mort... en voiles noirs... Danse de la Mort... les angesentourent... bercent Evelyne... Elle essaye de danser... Elle ne peut plus... Elledfaille... Lents mouvements de regret et d'abandon... au bord de l'eau...

    La Mort entre aussi... elle-mme danse... elle fascine Evelyne, l'oblige danser...

    A ce moment, un homme, un chasseur traverse toute la scne... Il cherche... il fouilleles taillis... Les Anges de la Mort s'enfuient son approche... Evelyne reste seule surun rocher, accable... Le chasseur repasse encore... plusieurs chasseurs... Puis unebiche traverse vivement... La biche amie... compagne des petits esprits de la fort...Elle est poursuivie par les chasseurs... Elle repasse... elle est touche... une flche auflanc... du sang... elle s'croule juste aux pieds d'Evelyne... Evelyne se penche sur labiche... l'emporte... la cache derrire le rocher, sur un lit de mousse

    Le chasseur revient sur ses pas... demande Evelyne si elle n'a rien vu ?... une bicheblesse ?... Non !... Elle n'a rien vu... Les chasseurs s'loignent... Evelyne trempe sonvoile dans l'eau frache... panse la blessure de la biche...

    Les petits esprits de la fort surgissent du bois... ftent, embrassent Evelyne qui vientde sauver leur petite amie la biche... Reconnaissance... Mais Evelyne n'est pas en traindu tout de se rjouir... Elle leur fait part de son dsespoir... L'abandon du Pote... Elle

    ne peut plus vivre... elle ne veut plus vivre... La funeste rsolution !... sauter dans larivire... Les petits esprits protestent... se rcrient... s'insurgent... Elle ? Mourir ?... Ahnon !... Elle doit demeurer avec ses petits amis... Pourquoi tant de chagrin ?... Elleexplique... que le pote a suivi la merveilleuse danseuse... sduit... dsormais... sansdfense... Evelyne n'a pas su le retenir Comment rivaliser ? C'en est trop !... "Qu'cela ne tienne ! Danser ?... s'esclaffent les petits esprits... Danser ?... Mais nous allonst'apprendre ! Nous !... Et tu danseras mieux qu'aucune autre danseuse sur terre !...Tiens !... Veux-tu que nous te montrions ?... Veux-tu apprendre les Grands secrets dela Danse ?..." Le petit roi des esprits appelle, invoque, commande les esprits de la

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    12/220

    12

    Danse... D'abord la "Feuille au Vent"... Danse de la Feuille au Vent... Evelyne chaquefois danse avec l'esprit invoqu... de mieux en mieux... Le "Tourbillon des Feuilles"..."L'Automne"... le "Feu follet"... "Zphir" lui-mme... les "Bues ondoyantes"... la"Brise matinale"... la "Lumire des sous-bois"... etc. Evelyne danse de mieux enmieux !...

    Enfin l'un des esprits fait cadeau Evelyne d'un "Roseau d'Or" qu'il va cueillir sur laberge ; le roseau magique !... Evelyne fixe son corsage le joli roseau d'or... Elledanse prsent divinement... C'est exact... Tous les petits esprits de la fort accourentpour l'admirer... Ah ! elle peut retourner vers la vie !... Elle n'a plus craindre derivale... Adieux reconnaissants, grande motion, touchantes effusions... Evelyne quitteses petits amis pour rejoindre son fianc volage... Elle quitte la clairire sur les"pointes"... Les petits amis de loin lui envoient mille baisers et tous leurs vux debonheur !...

    7e Tableau:

    Encore une fois devant l'auberge...

    Evelyne est tout de mme un peu dsempare avec son "roseau d'or"... Commentretrouver son fianc ?... Elle ne connat pas le chemin... O peut-il tre ?... Ellequestionne... elle cherche... Personne ne sait... Puisqu'il s'agit d'une affaire diabolique,elle va s'informer auprs de Karalik la vieille sorcire, si venimeuse, si mchante...Elle doit savoir elle !... Confiante, Evelyne lui explique... ce qui lui est arriv... Maisqu'elle danse prsent merveille... "Vraiment ?... vraiment ?... fais-moi voir !..."Evelyne danse quelques pas... C'est exact !... Karalik est tonne... Elle ameuteaussitt tous les tziganes de sa tribu... Les femmes et les paysans aussi... ils entourentEvelyne... qu'elle danse ! qu'on l'admire !... Evelyne danse... Le charme est infinimentpuissant... Irrsistible ! Immdiat !... Les hommes sont tous aussitt sduits... Lestziganes surtout... L'un d'eux se dtache du groupe... Il vient danser avec Evelyne...L'effleure... Il est envot... La vieille Karalik, dans la foule pendant ce temps attise la

    jalousie des femmes... "Tu vois !... Tu vois !... Elle possde le "charme" prsent...Le Grand secret de la danse !... Elle va te prendre ton homme !... Dfends-toigitane !..." Elle force un poignard dans la main d'une des pouses, la femme dutzigane qui danse avec Evelyne ce moment... Evelyne ne prend garde... Elle estpoignarde en plein dos... Evelyne s'croule... la foule se disperse... Horrible ! Lecorps d'Evelyne reste en scne... Morte ! Un pinceau de lumire sur le cadavre... Lascne toute noire... Un petit ramoneur s'coule ainsi... en musique douce... Et puisdoucement... l'on voit surgir de l'ombre... un... deux... trois petits esprits de la fort...Trois... quatre... la biche... la gazelle... les elfes..., le feu-follet... le gros hibou...Conciliabule alarm... dsol... pathtique des petits esprits de la fort... Ils arrachent

    le grand couteau de la plaie... Il essaye de ranimer la pauvre Evelyne... Rien faire !...

    Le petit Roi des elfes est plus dsespr que tous les autres petits "esprits" encore... Ildiscute avec le gros hibou... lui le sage de la tribu... Elle est bien morte Evelyne...C'est la faute du "roseau d'or"... Elle dansait trop bien pour une vivante... trop bien...possder un tel charme vous fait trop har des vivants !... Faire natre trop de jalousievous fait tuer trs certainement !... Comment faire ?... Le gros hibou a une ide...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    13/220

    13

    Dans la Lgende il est crit... (dans la lgende de la Fort) que si l'on rpand troisgouttes de Clair de Lune sur le front d'une vierge morte amoureuse, celle-ci peutressusciter l'tat de fe...

    Les gouttes de Lune sont les gouttes de rose nocturne qui se trouvent au rebord decertaines orties..., et qui ont subi le rayonnement de certaines phases de la Lune...

    Hibou connat dans la fort certaine araigne "croisade" qui collectionne dans sa toilecertaines gouttes de ce cru de Lune rarissime....

    Il part la recherche de l'araigne... Danse d'espoir des petits esprits de la fort autourdu cadavre... Hibou revient avec l'araigne qui presse dans les plis de son ventre uneminuscule fiole pleine de "Gouttes de Lune"... Elle verse trois gouttes sur le frontd'Evelyne qui reprend tout doucement connaissance Joie des petits esprits...

    "O suis-je ?... Qui suis-je ?" demande Evelyne.

    "Tu es notre petite fe Evelyne !..."

    "Mais je suis bien vivante ?..."

    "Non... tu ne peux plus retourner parmi les vivants... Tu restes avec nous dsormais...Tu es devenue Fe..."

    "Oh ! Comme je suis lgre !... Lgre comme un souffle... Comme je danse prsent ! Encore mieux !..."

    Danse avec les petits esprits... et l'Araigne aussi... Mais le chagrin treint malgr toutEvelyne... Elle n'a pas oubli tout fait son pote... l'infidle...

    Ses petits amis sont bien navrs... la voyant encore un peu triste... Elle voudrait revoirson pote... Le dlivrer des remords qui doivent prsent l'accabler... Le sauver del'emprise de ces dmones et du Diable... lui donner enfin cette dernire preuved'affection... "Soit !... Bien !... Nous irons le voir tous ensemble ton pote... Tu terendras compte par toi-mme..." lui rpondent les petits esprits... "Emmenons lamchante Karalik aussi... Elle connat tous les chemins du vice... tous les itinrairesdu diable... Elle peut nous tre utile."

    Ils partent la queue leu-leu... Ribambelle des petits esprits, Evelyne et Karalik, travers les taillis, plaines et buissons... la recherche du chteau du diable... Ilspassent devant le grand rideau... dansant la file indienne... Craintes, espigleries...effrois... etc...

    8e Tableau:

    L'intrieur du Chteau du Diable...

    Beaucoup d'or... des flammes... des couleurs trs vives... le petit diable-cocher-matrede ballet, est alors l, chez lui, habill "nature" en dmon vritable... Il prside unetable fabuleusement servie... Fraises normes... poires formidables... poulets commedes bufs... Tous les notables du village sont attabls... Le juge, le notaire, le gnral, le

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    14/220

    14

    mdecin... L'picier aussi, le professeur. Entre chacun de ces damns une danseuse...C'est--dire prsent une vritable dmone... L'orgie bat son plein !... Tout en hautdes marches un norme Lucifer, lui-mme tout en or... mange seul, des mes toutescrues... sa table, avec un couvert tout en or... Les mes ont la forme de crieurs... Illes dchire pleines dents... Il avale des bijoux aussi... Il sucre les curs avec despoudres de diamants... Il boit des larmes... etc... Le Pote est enchan une petite

    table... Il djeune aussi... mais il est enchan... La dmone "premire danseuse"...danse devant lui... pour lui... l'ensorcelle. Mais il ne peut jamais la toucher...l'atteindre. Il essaye... Il est au dsespoir... Lucifer, en haut, se rjouit normment detout ce spectacle infme... Il en veut toujours davantage... Qu'on se divertisse... Ilcommande au petit matre de ballet de faire danser tous ces damns... au fouet. Tousdansent alors comme ils peuvent... chacun dans son genre... Le Juge avec sescondamns... Le Juge bien rubicond, les condamns bien maigres, avec leurs bouletset leurs chanes... leurs femmes qui portent des ranons... Le vieil Avare danse avecles huissiers, avec les emprunteurs ruins... Le Gnral avec les soldats morts laguerre, hves, avec les squelettes et les mutils de la guerre, tout sanglants... LeProfesseur avec ses lves morveux, ses garnements les doigts dans le nez... lesoreilles d'nes... Le gros Souteneur avec ses putains et ses vicieuses et les fillettes...

    L'Epicier avec ses clients vols.... ses faux poids... ses fausses balances... Le Notaireavec les veuves ruines... ses clients escroqus... Le Cur avec les bonnes surs volageset les petits clercs pdrastes... etc.

    A ce moment, Karalik entr'ouvre la porte... elle entre... derrire elle, Evelyne et lespetits esprits de la fort... Surprise des dmons... Lucifer n'est pas content... Ilgronde... Il tonne... Eclairs... Il exige que ces intrus s'expliquent... Evelyne fait minede vouloir dlivrer le pote enchan... "Non ! Non ! Non !... dfend Lucifer...qu'Evelyne danse !..." Les dmones sont jalouses... Karalik montre Luciferqu'Evelyne possde le sortilge des Danses... Le roseau d'or !... Un dmon va le luiarracher...

    Alors Evelyne fait un geste... un seul... Signe magique !... et tout le chteaus'croule !... et toute cette diablerie est disperse... par un formidable ouragan... Nuitprofonde...

    Nous nous retrouvons dans la clairire comme au dbut... Evelyne a dlivr le Pote...ses chanes sont brises... elles sont aux pieds d'Evelyne... Il implore son pardon...Evelyne pardonne. Il la supplie de ne plus jamais le quitter... qu'elle ne s'loigne plus

    jamais... Mais elle ne peut plus demeurer avec lui... Elle est fe prsent... Elleappartient ses petits amis de la fort... Elle n'est plus humaine... Il l'embrasse... Ilveut l'mouvoir... Mais elle demeure insensible... froide aux approches charnelles...Elle n'est plus que songe... esprit... dsir... Elle est devenue fe... Le Pote est du...

    mais toujours amoureux... Pour toujours amoureux... davantage... toujoursdavantage... de son Evelyne devenue fe... Evelyne s'loigne tout doucement,entrane par ses petits amis... Elle disparat... se dissipe... mousselines... de plus enplus paisses vers le fond de la scne... devient de plus en plus irrelle... spirituelle...diaphane... Elle disparat... prise par le flou du dcor... mousselines... Le Pote est seul prsent... La vieille Karalik mue en crapaud ! saute, gigote, accompagneradsormais toujours le gracieux essaim des esprits moqueurs de la fort...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    15/220

    15

    Le Pote sur son rocher... au bord de l'eau... dsol... droule son grand manuscrit... Ilva chanter... il chantera toujours ses amours idales, potiques... impossibles...Toujours... toujours... Rideau.

    * * *

    On peut toujours dire tout ce que l'on veut sur tout ce que l'on vous prsente... Iln'existe pas de critique en soi... C'est une farce la critique en soi. Il existe une critiquebienveillante et puis l'autre, poisoneuse. Tout merde ou tout nougat. Question departialit. Pour moi, je trouve ce divertissement ferique comico-tragique, fort bienvenu. Il me satisfait et j'ai meilleur got. moi tout seul, que toute la critiquepantachiote et culacagneuse runie, j'ai donc dcid, devanant tous commentaires,que mon ballet valait bien mieux, surpassait de loin tous les vieux thmes... tous lesdadas du rpertoire... la cavalerie d'Opra... Gisle... Bagatelles... Petits Riens... lesLacs... Sylvia... Pas de chichis ! pas de mimique !... Examinez encore un peul'agencement de toutes ces merveilles... Regardez de plus prs l'article... C'est dutravail cousu main... absolument authentique... tout s'y enchane... dans l'agrment, lecharme... tourbillonne... se retrouve... Variantes... reprises... tout s'enlace... dans

    l'agrment... s'lance... s'chappe encore... Qui veut danser !...

    D'abord le critique de moi-mme, partir d'aujourd'hui, c'est moi. Et a suffit.Magnifiquement... Il faut que j'organise sans dsemparer ma dfense... Il faut que jedevance les Juifs !... tous les Juifs ! racistes, sournois, borns, frntiques,malfiques... Rien qu'eux... tout pour eux !... Toujours et partout ! J'ai prvenu tout desuite Gutman... Attention Lo !... Tais-toi... Sans commentaires ! Va porter ! Il endemeurait bloui !

    "Jamais ! jamais je n'aurais cru Ferdinand..." Il en restait tout rveur, confondu ! Il l'arelu tout haut deux fois le pome ! Il dcouvrait le pote enfin !... Pote comme M.Galeries ! pote comme M. Barbs !... et Tino Rossi !... Comme M. Dupanloup !... lesmachines sous !... Comme les petits oiseaux !... le chemin de fer de l'Ouest... J'taispote ses yeux !... Nous nous embrassmes... Il a fonc dans les dmarches... Je mecouche.

    Je l'attends comme a un jour... puis deux... trois... dix... Je faisais dj un peu lagueule... Le douzime jour il me revient... gn. "M. Rouch a trouv que c'tait pasmal ton affaire, mais il demande la musique... en mme temps... Il ne veut pasentendre parler d'un ballet, comme a, sans musique !... Un musicien bien en cour..."

    Voil qui compliquait les choses... Bien en cour ? Bien en cour ? Je sursaute... Mais... Mais ce sont les Juifs bien en cour !... Exprime-toi clairement...

    Tu dois aller les voir toi-mme...

    Je n'aime pas beaucoup tirer les cordons, j'ai fait normment la "place", dans bien desendroits Paris, pour placer toutes espces d'articles... Ah ! je n'ai plus beaucoupd'entrain... Enfin foutre ! tans pis ! J'en ferai encore des dmarches ! Je me ferais pilernom de Dieu !.., pour me rapprocher des danseuses... Je suis prt n'importe quoi !...Pour la danse ! Je souffrirai deux, trois morts de suite... Je me voyais dj, il faut que

    j'avoue admirablement plac... Pour tout dire bien crment, je mettais l'Evelyne, ma

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    16/220

    16

    fe... d'une manire ! imaginaire !... j'anticipais !... j'anticipais !... Ah ! ce n'tait qu'untrompeux rve... Quel abme de la coupe aux lvres ! Foutre d'azur !... Courage !Courage ! Gutman soufflait sa trompette... il nasille, quand il s'anime...

    J'ai donc t rendre visite, l'un aprs l'autre, tous les grands musiciens juifs...puisqu'ils tenaient toutes les avenues... Ils furent tous bien fraternels... tout fait

    cordiaux... flatteurs au possible... seulement dans l'instant... occups... surmens... parceci et puis par cela... au fond assez dcourageants... vasifs. Ils me firent millecompliments... Mon pome pouvait se dfendre certes... Mais cependant un peulong !... trop court peut-tre ? trop doux ?... trop dur ?... trop classique ? Enfin tout cequ'on bafouille pour se dbarrasser d'une pelure... d'un foutu fcheux... Je commenais l'avoir sec... En rentrant, mon tour, j'ai dvisag fort curieusement Lo Gutman...Il m'attendait sur le palier.

    Tu ne me judaserais pas, dis donc, par hasard ?... Toi canaille ? comme a tout fait sourcilleux... Tu ne me crosses pas avec des yites ?...

    Ah ! Ferdinand, ce serait bien mal reconnatre...

    Rien faire l'Opra...

    Ecoute j'ai l'ide d'autre chose... (il tait jamais court...)

    Pour l'Exposition ?... la 37 ?... Ils vont donner des ballets ?

    Vrit ?

    Officiel !...

    Des ballets de Paris ?...Je recommence respirer en entendant ces paroles...

    Ah ! a tombe joliment pile, dis-donc, mon Lon... Moi je suis n Courbevoie !...Et puis ensuite grandi sous cloche... dans le Passage Choiseul... (a ne m'a pas rendumeilleur...) Alors tu te rends compte un peu ! si je la connais la capitale ?... C'est pasle Paris de mes vingt ans... C'est bien le Paris de mes six semaines, sans me forcer... Jene suis pas arriv du Cantal pour m'tourdir dans la Grande Roue !... J'avais humtous les glaviots des plus peupls quartiers du centre (ils venaient tous cracher dans lePassage) quand les grands "crivains de Paris" couraient encore derrire leurs oies lapaille au cul... Pour tre de Paris... j'en suis bien !... Je peux mettre tout a en valeur...

    Mon pre est flamand, ma mre est bretonne... Elle s'appelle Guillou, lui Destouches...

    Cache tout a ! cache tout a !... Ne va pas raconter ces horreurs... Tu nous ferais untort norme... Je vais tout te dire Ferdinand. L'Exposition des "Arts et Techniques"c'est l'exposition juive 1937... La grande youstricave 37. Tout le monde qu'on exposeest juif... enfin tout ce qui compte... qui commande... Pas les staffeurs, les jardiniers,les dmnageurs, les terrassiers, les forgerons, les mutils, les gardes aux portes...Non ! les ramasseurs de mgots... les gardiens de latrines enfin... la frime... lesbiscotos... Non ! Mais tout ce qui ordonne... qui tranche... qui palpe... architectes, mon

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    17/220

    17

    pote, grands ingnieurs, contractants, directeurs, tous youtres... parfaitement, demi,quart, de youtres... au pire francs-maons !... Il faut que la France entire vienneadmirer le gnie youtre... se prosterne... saucissonne... juif !... trinque juif ! paye

    juif !... Ce sera l'Exposition la plus chre qu'on aura vue depuis toujours... Il faut quela France s'entrane crever toute pour, par les Juifs... et puis avec enthousiasme ! plein cur... plein pot !...

    Il disait tout a pour de rire Gutman, question de me narguer... de se moquer un peu...Il m'imitait... Berger et Bergre...

    a va... a va !... te force pas... dis-moi seulement ce que tu veux... C'est la dernirechance que je te donne... avant la brouille... la haine au sang...

    Tu vas Ferdinand, qu'il m'indique, me donner alors un vritable boulot, un petitballet... absolument appropri aux fastes de l'Exposition...

    Gigot !... que je fais, Gutman, je te prends au mot, pour le mot... Je te laisse passortir ! Je te le chie pile ! mon pome... entier ! sur le marbre !... Tu pourras livrer de

    suite... (Nous tions dans un caf)

    Garon ! passez l'encre et la plume !...

    J'allais pas encore me cailler... comme j'avais fait pour l'autre ferie... et puis que afinisse en boudin... Je lui bcle l en trois secousses... mon petit projet... j'avais lesujet tout mijot... Je lui file en fouille le manuscrit, tout chaud... et je lui mande :

    Gutman ! Saute ! Mais je te prviens... face de fausse gouine ! Fais attention ! Vapas me revenir encore bredouille !... Tu me fcherais horriblement...

    VOYOU PAUL, BRAVE VIRGINIE

    Ballet-Mime

    Petit Prologue.

    Le rideau reprsente sur toute la hauteur "Paul et Virginie", tableau romantique. Paulet Virginie gambadent gaiement dans un sentier bord de hautes frondaisonstropicales... s'abritant sous une large feuille de bananier. Musique...

    A ce moment, d'un ct de la scne, apparat une trs aimable et frache et mignonnecommre en tutu, baguette frle la main... Elle s'avance jusqu'au milieu de la scnesur les pointes... tout doucement accompagne en sourdine par la musique... Elleprvient trs gentiment les spectateurs... "Certes ! il a couru bien des bruits sur Paul etsur Virginie... La vrit ? oh ! attention !... Tout ne fut pas racont... Ils ne prirent nil'un ni l'autre... ne furent noys qu'un petit peu... au cours du terrible naufrage... Ilsfurent recueillis sur la rive... Vous allez voir juste comment et pourquoi... Sauvs ensomme par miracle... C'est un fait ! toujours enlacs... toujours pris semble-t-il...mais il faudra bien qu'ils se rveillent... Comme il nous tarde de savoir..."

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    18/220

    18

    Sur ces mots... et toujours en musique et sur les pointes, la commre file dans lacoulisse...

    Alors le rideau se lve...

    1er Tableau:

    Un rivage... sable... des herbes... Au loin, des palmiers, des orangers. Mille fleursclatantes. Paysage tropical... Une tribu de sauvages est en pleine clbration d'unefte... tam-tam... musique... danses furieuses... lascives... puis saccades...exaspres... Une sorcire de la tribu, dans un coin, tient une espce de comptoir :gris-gris, fioles, amulettes, poudres, prs du tam-tam... Elle parcourt les rangs... dansla sarabande... femmes, enfants, hommes... tous les ges mls... Elle passe boireaux danseurs... les oblige boire quelques gouttes de son philtre... chaque fois qu'ilsparaissent un peu languissants... puiss... vite elle les requinque avec son breuvage...elle circule... gambade travers les rangs avec sa fiole et ses gris-gris... qu'elle agite...elle surexcite le tam-tam. Elle pousse les femmes vers les hommes... les vierges versles mles... les petites filles... etc... Elle est le dmon de la tribu...

    Pendant que les scnes s'enchevtrent... on voit au loin une petite

    [3] (p. 31-40)

    voile se profiler l'horizon... qui grandit... on entend mugir la tempte... Le vent... Lasarabande des ngres redouble... bacchanale... en mesure avec les rafales... Le navirese rapproche... Il va s'ventrer sur les rcifs... Grand moi chez les sauvages... Ils vontchercher leurs javelots... les haches... prts au pillage... La tribu entire se prcipitevers l'endroit du naufrage... Ils reviennent bientt avec le butin : barils... coffres...paquets divers... et puis deux corps enlacs... qu'ils dposent sur le sable... prs dufeu... Deux corps inanims... Paul et Virginie... toujours enlacs...

    Ces sauvages sont de bons sauvages... ils tentent de ranimer Paul et Virginie... Ils nereviennent pas la vie... La sorcire carte la foule... Elle connat un philtre... Elleleur verse son breuvage... entre les lvres. Paul et Virginie reprennent conscience...peu peu. Paul a bientt compltement retrouv les sens... Virginie est plus lente seremettre... Emoi... angoisse... de Paul... Paul demande encore un peu de ce breuvage...Il est avide... La sorcire elle-mme le met en garde : "Ce breuvage est d'une ardeurextrme..." Il porte aux sens... au dlire ! Paul se lve... Il fait quelques pas sur laplage... Il se sent dj beaucoup mieux. Ses yeux sont merveills... Il ne regarde plusVirginie... plus aussi pris semble-t-il... Mais Virginie se redresse aussi... l'enlace...Elle va mieux... Ils dansent ensemble... La ronde des bons sauvages les entoure... tout

    heureux d'avoir sauv ces amoureux ! Paul veut encore boire de ce breuvage... maisVirginie se mfie... ce breuvage lui fait peur... La faon dont Paul lutine prsent lespetites sauvageonnes ne lui plat qu' moiti... Paul se trouve agac par cette rserve...cette pudibonderie. Virginie boude... Paul lui fait signe qu'elle l'embte... tout endansant, frntique !... Virginie va bouder un peu l'cart... Premire brouille !...Dpit de Virginie lorsque Paul de plus en plus endiabl conduit une farandoleperdue, gnrale, de tous les sauvages et se tient comme un voyou... Il boit largalade le philtre ardent. Encore !... et encore !... Virginie dj ne le reconnat plus...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    19/220

    19

    2e Prologue(mme rideau).

    La mme charmante commre sur les pointes jusqu'au milieu du rideau : elleannonce : "Les absents n'ont pas toujours tort... Il s'en faut ! et de beaucoup !... Vousallez voir que tante Odile pense toujours, mlancolique, sa nice aime, la touchanteVirginie... Elle a lu, bien relu cent fois dj, la bonne tante Odile, chaque page du

    grand roman... du merveilleux rcit tendre et terrible... Mais voici bientt trois annesque le "Saint-Gran" fit naufrage... Cela ne nous rajeunit pas... Tristesse est lourdeaux jeunes gens... et chaque printemps doit fleurir !... Je vous annonce les fianaillesde Mirella, cousine de Virginie, avec le smillant Oscar !... Voici Mirella, mutine,dlicate et tendre, frache rose d'un gracieux destin...-Vous allez voir Mirella, reine du

    jour, dans le salon de tante Odile !... Chez tante Odile ! au Havre !... Juin 1830 ! Vousallez connatre encore une autre grande nouvelle... Je vous laisse deviner... Par lafentre de tante Odile l'on aperoit le Smaphore... Regardez bien !... S'il apparat undrapeau bleu... C'est un navire ! Je vous le dis !... Le navire !... Entre nous ! Chut !...Chut !...

    Et la commre disparat sur les pointes...

    2e Tableau(Le rideau se lve).

    L'on aperoit un salon de l'poque... trs cossu... trs bourgeois... capitons... sofas... unpiano... deux, trois grandes fentres... baies vitres... donnent sur la falaise... leSmaphore... la mer au loin... trs loin... Au dbut de l'acte, tout le monde va et vientdans le salon. Une jeunesse nombreuse... joyeuse.... pleine d'entrain... danses... duos...quadrilles... etc... cotillons... tout ce que l'on voudra de l'poque... (transpos enballet).

    La cousine Mirella (toile) avec Oscar, son fianc... se font mille agaceries... d'autrescouples se forment... s'lancent autour d'eux... bouleversent un peu le salon... On sautepar la fentre... On revient, etc. on gambade mais tout ceci cependant... dans le bonton !... Elgance... souci de finesse... Au piano... deux vieilles filles, tout faitcaricaturales... Elles jouent quatre mains... ( deux pianos, ou piano et pinette sil'on veut...) Les petits ballets se succdent... mais une porte s'ouvre... Les danseursinterrompent leurs bats... Une dame ge fait son entre... fort gracieuse... maisrserve... un peu craintive... efface... Elle rpond trs aimablement... aux rvrencesdes danseuses... Mirella et Oscar l'embrassent... d'autres aussi... On l'entoure... on lacajole... Elle ne veut pas troubler la fte... "Oh ! non !... non ! " Elle fait signe que l'oncontinue... qu'elle Se veut rien interrompre... que tout doit reprendre fort gaiement...

    Mirella veut faire danser tante Odile, un petit tour avec Oscar !... Doucement tante

    Odile rsiste... se drobe... Tante Odile prfre son fauteuil prs de ta fentre... Qu'onla laisse passer... Sous le bras, elle porte son ouvrage de tapisserie... et puis un groslivre... son chien la suit... Le bon Piram, que Virginie aimait tant... On accompagnetante Odile vers son fauteuil... devant sa fentre prfre... Les jeunes couples sereforment... la fte continue... Mirella prouve, cependant ce moment, comme unesorte de malaise... vertige... Un trouble... elle prfre attendre un peu... se reposer...avant l'autre danse... Oscar lui offre son bras... Ils se rapprochent tous les deux detante Odile, la fentre... Tante Odile est encore plonge dans la lecture du beauroman... Mirella... ses genoux... lui demande de lire le livre tout haut... Oscar tout

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    20/220

    20

    prs... charmant groupe... Les danseurs peu peu s'alanguissent... ne dansent plus qu'peine... se rapprochent aussi de tante Odile... Un cercle airs se forme, jeunes gens et

    jeunes filles... la musique devient de plus en plus douce, mlancolique,attendrissante... C'est le rcit de tante Odile... comme un chant... la lumire du jourfaiblit... un peu... C'est le crpuscule... Le rve s'empare de cette gracieuseassistance... Tous les danseurs sur le tapis... sur le plancher... attentifs, mls en

    groupes harmonieux... coutent tante Odile... (la douce musique...)

    Mais, ce moment, l'on frappe... et l'on flanque la porte-brutalement... Sursaut. Unpetit messager, un gamin du port... surgit en dansant... gambade... fait mined'annoncer une grande nouvelle... tout travers le salon... En un instant... tous sontdebout... Il porte un message tante Odile... Grand bouleversement aussitt...Enthousiasme !... Joie de tous !... Par la fentre on regarde au loin... Le drapeau bleudu Smaphore apparat, mont, hiss... Tous dansent ensemble de joie !... Y comprisla tante dans la ronde !... Le petit messager... toute la jeunesse... et Mirella et sonfianc... Farandole !... Tous au port ! Bousculade. On s'habille vite... Manteaux !...capelines !... bonnets !... chichis !... On se prcipite !... Piram aussi vers la porte...bondit, jappe !

    Envol de tous par les portes et les fentres vers- le port... Au plus vite arriv ! Pirambondit de tous cts... (Tout cela en farandole.)

    3e Prologue:

    Le rideau, qui ferme la scne sur le troisime tableau, reprsente une sorte deformidable vhicule, engin genre diligence-autobus-tramway-locomotive... Un plancolor d'norme dimension de cette apocalyptique engin, machine aux rouescolossales... Une diligence fantastique... d'normes moyeux... Une chaudire genremarmite de distillerie... Une chemine haute, immense... l'avant... des pistonscuivrs terribles... toutes espces de balanciers... soupapes... ustensiles inous... et puiscependant quelques coquetteries... Dais, guirlandes,... crdences, un mlange demachinerie et de fanfreluches romantiques... En banderole une inscription : "THEFULMICOACH Transport Lt.".

    (Cet extraordinaire chariot sortira plus tard des coulisses... roulera sur la scnemme... dans un grand accompagnement de musique effrayante... au moment voulude l'intrigue... de tonnerres fulminants.) La mme charmante commre... mmemusique... se glisse doucement sur les pointes vers le milieu de la scne... elle porteun bouquet la main... de bienvenue... "Ouf !.... elle fait mine d'avoir couru... Je n'enpuis plus !... Ah ! Quelle surprise !... Vous avez vu cet moi ?... Qu'on est heureux dese revoir !... Aprs tant d'annes moroses... passes dans les larmes... Je veux tre la

    toute premire les embrasser... Quelle joie !... Quelle joie !..."

    A ce moment, par l'autre ct de la scne... entrent deux... trois... quatre personnages...des ingnieurs de l'poque... pesants... tranchants... discuteurs... redingotes... leursaides portent divers instruments... d'arpentage... des querres... des chevalets... L'undes ingnieurs fait des signes, des calculs sur le sol... La commre va vers lui...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    21/220

    21

    "Monsieur !... Monsieur !... Qu'est-ce que cela ?... Cette norme horreur... dites-moi ?... Quelle pouvante !...Nous attendons Paul, Monsieur, ne savez-vous rien, ?...Virginie ?..."

    L'ingnieur ne rpond pas... Il est plong dans ses calculs... ses assistants mesurent lascne... la mesurent encore... jaugent... estiment... les distances...

    La commre s'affaire... s'effraye... Non vraiment cela !... ne comprend plus rien...Enfin les calculs sont termins... "Elle passera" dclare l'ingnieur fermement... C'estsa conclusion... Les autres rpondent en chur : "Elle passera !"... Effroi de lacommre... Elle regarde encore le rideau, l'abominable monstrueuse mcanique... labaguette lui tombe des mains... Elle s'enfuit... les autres, les ouvriers, ingnieurs, en semoquant la suivent... la scne est dgage...

    Le rideau se lve...

    3e Tableau:

    La scne reprsente les quais d'un port... 1830... trs grande animation... Au fond destavernes... bouges... boutiques... "shipchandlers"... bastringues... portes qui s'ouvrent...se ferment... un bordel... Au coin d'une rue... une pancarte : une flche dsigne laroute : PARIS...

    Enfants... voyous dbraills... marins ivres... quelques bourgeois... des douaniers...

    Tous ces groupes dansent... confusion... cohue... Petits ensembles... trios... infanteriede marine... puis se refondent dans la masse... Successivement aussi d'autres groupestiennent un moment le principal intrt du ballet... La foule semble s'organiser autourde ceux-ci... et puis les groupes se dissolvent encore... Filles galantes... soldats...

    Prostitues en chemise sortent effares du bobinard...Dbardeurs... soldats... poursuivants... marins... marchands de frites... bistrots... etc.Mais voici un groupe de danseurs plus homogne... Des dbardeurs transportant dessacs pesants (genre forts des Halles). Ils avancent la queue leu jeu... vers lapasserelle... ( gauche grimpent au flanc d'un grand navire)... Ils avancent fortpniblement... mais toujours dansant, tanguant, cependant... pesants comme des ours...Ils s'appuient sur de lourdes cannes. Eclate, ce moment mme, au fond du bistrot, lafarandole criarde des pianos mcaniques... La farandole d dbardeurs... Fantaisie...(une danse d'ensemble...) Ils grimpent finalement la passerelle... Ils y parviennentaprs mille efforts et disparaissent dans les cales... La foule retourne son dsordre...La foule est traverse par des passagers qui dbarquent prcds de grosses valises...

    malles, coffres etc... tous les pays... chacun avec son vhicule typique... Un richeAnglais avec son domestique... Un lord en mail-coach... il demande la route de Paris...On la lui montre... Il est content ! Gigue... Il prend la direction de l'criteau : Paris...Toute la foule danse un petit moment avec lui... Les gendarmes essayent de ramenerun peu de calme... Les douaniers sont dbords, sacrent et menacent... Voici unefamille espagnole qui dbarque par l'autre ct du navire... Mre solennelle... filles...Senoras... un grand char--bancs, des mules... La route de Paris !...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    22/220

    22

    Mais voici d'autres dbardeurs... ceux-ci roulant d'normes tonneaux. Danse autourdes tonneaux... autour... entre... sur les tonneaux... Farandole... Voici les "Oiseaux desIles"... Marchand d'oiseaux... avec des cages, et des oiseaux fantastiques... plein lesbras... perchs sur la tte. et des oiseaux (grandeur humaine). Danses... Les filles duport veulent arracher leurs plumes... se les mettre partout... Encore la police doitintervenir... Grande bataille avec les dbardeurs qui protgent les filles Plumes des

    oiseaux... Nuages de plumes... Le commissaire du port... Il est partout la fois... Ilgronde... tempte et les douaniers partout toujours, furetants. Voici des Russes quidbarquent avec leurs traneaux et leurs ours... Danse de l'ours et de la foule... Lesivrognes du port... dansent avec l'ours. on s'amuse fort... Les marchandes de poissonset les voyous du port... autant de farandoles... et d'autres btes fourrures...

    A ce moment, arrive la baleine... une norme... On lui jette des poissons...Elle danse...Elle rend Jonas et les Esquimaux... Elle s'en va aussi vers Paris... Grande rigolade...Voici l'Allemand qui dbarque avec sa famille entire... il demande aussi Paris... ilchevauche un tandem avec sa grosse pouse... Tandem tout primitif et un petit panierderrire pour ses nombreux enfants, cinq ou six... Voici l'Arabe et son harem sur undromadaire... (danse...) Voici le maharadjah avec l'lphant sacr... Danse de

    l'lphant... La foule s'amuse... L'lphant refuse d'aller vers Paris... On le pousse. Ilrsiste... C'est la lutte... Grand brouhaha... La folle mle... Enfin l'lphant sedcide... Il prend la route...

    Mais voici la grande clique des haleuses... du port... dont la grappe arc-boute sur lacorde est prcde par un norme "capitaine du port" congestionn... apoplectique... Ilprodigue... tonitrue ses commandements ses injures... la cadence pour mieux tirer...Ho ! Hiss !... Elles tirent. les haleuses... elles entrent peu peu en scne coupsd'efforts saccads, soudes colles en grappe sur le cble... Immenses efforts... Ellessont vtues de haillons... mgres terribles... et picoleuses... Elles se passent le"rouge" tout en tirant et titubant la "rgalade"... Tout ceci en musique "batelire"...

    Mais l'norme bateau rsiste... Toute la grappe des batelires est par instant, parsursauts, happe hors de scne... vers la coulisse... Alors les autres personnes viennent l'aide... Bientt tous s'y mettent... Dbardeurs... truands... soldats... marins...putains... C'est la grande entr'aide. Toujours en flux et reflux... Victoires et dfaites...Le bateau cependant est le plus fort... finalement... Il entrane tout le monde vers lacoulisse... la scne se vide !... toute cette foule est pompe rebours par le navire !...par un retrait soudain du cble. Quelques personnages reviennent peu peu... desmousses... quelques dbardeurs... une ou deux filles et soldats..

    Mais voici que surgit la troupe joyeuse des amis de Mirella... avec tante Odile etPiram... Ils arrivent au port tout essouffls... Ils rencontrent des passagers juste

    dbarqus... et bien malades... Ces passagers nauseux chavirent, roulent et tanguentencore... allant et venant sur le quai... Ils sont verdtres et dfaits... Ils sortent du malde mer... Mirella les interroge: "Ont-ils vu Paul ? et Virginie ?" Ils ne savent rien dutout !... Ils veulent aller vers Paris... poursuivre leur voyage... On leur montrel'criteau... ils s'en vont par l titubants avec leur mandoline...

    Mais le "capitaine du port" aperoit tante Odile... Ses respects... ses devoirs... Il agitefort sa longue-vue... Puis examine l'horizon... Il annonce... a y est ! Voici lenavire !... La foule se masse tput prs du quai... envahit... encombre tout l'espace...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    23/220

    23

    Joie !... Joie !... toutes les amies de Mirella portent des bouquets de bienvenue lamain), minute mouvante au possible !

    Et voici que gravissent, bondissant quatre quatre les marches du dbarcadre :Virginie !... Paul !... On s'embrasse... on s'treint !... Triomphe !... On se fte... On secajole... Des cadeaux... Tout ce qu'ils rapportent des pays sauvages : tapis... animaux

    tranges... canaris... tout ceci port par des ngres et des ngrillons de la tribu qui lesont accompagns... Et puis la sorcire qui ne les a pas quitts... On s'esclaffe... on

    jubile... Tout cela... trs vivement... danse et musique... Paul va faire danser sesngres... pour la bienvenue... Danses heurtes, saccades, barbares, toutes nouvellespour tante Odile et les autres... Tam-tam. Toute la foule regarde cette scne insolite,un peu inquite... jamais on n'avait vu pareilles danses !... Tante Odile est effare !...Les jeunes filles se blottissent contre leurs cavaliers... La danse sauvage se droulepassionne... sadique... cruelle (avec des sabres et des javelots). Paul jubile !...Virginie, toute blottie contre sa tante, ne semble pas trs ravie par cettedmonstration... Elle explique sa tante qu'elle n'y peut rien... qu'elle est dsarmecontre les extravagances de son Paul. La sorcire de la tribu passe avec le flaconmaudit... Paul saisit son flacon de liqueur ardente... Il boit... il en est tout ranim... Les

    lments les plus louches, les plus voyous de la foule, les escarpes... les matelotsivres, viennent danser avec les ngres... moustills par ce spectacle, se mlent latribu... aux danses impudiques. Tante Odile ne cache plus son indignation... Elle necomprend plus... Les jeunes gens... les jeunes filles... viennent goter aussi cetteliqueur... maudite... Ils l'exigent de la sorcire... Ils perdent alors toute retenue...aussitt avale... leur danse devient extravagante, les classes, les mtiers se mlent...Mlange... chaos... Dbardeurs... bourgeois... police... pucelles... tout est enbullition... tout le port... Mirella abandonne son Oscar, qu'elle trouve trop rservdcidment... dans ses danses... elle treint Paul qui, lui, est un luron bien dessal...Paul ravi... Duo lascif, provocant de Paul et Mirella... Paul trouve que Mirella est tropvtue encore pour danser au nouveau got... Il lui arrache son corsage... sa robe... lavoici presque nue... elle a perdu toute pudeur... La sorcire les fait boire encore...Tante Odile est outre... Elle essaye de raisonner Mirella... Mais la jeunesses'interpose dchane... On retient tante Odile... Virginie sanglote dans les bras de satante... Elle ne peut plus rien pour Paul... Paul est maudit... L'esprit du mal est en lui...Toute la jeunesse... les amis de Mirella tout l'heure, les mmes, chez tante Odile, sifinement, gracieusement rservs et convenables, sont prsent dchans... Ilsarrachent leurs vtements leur tour... contamins... s'enlacent... se mlent auxvoyous... aux prostitues... Ils exigent de la sorcire toujours plus de liqueur...Virginie n'en peut plus... Elle va vers Paul, elle essaye de le sparer de Mirella... de lereprendre... Elle lui fait honte... Paul la repousse... et ses conseils... "Tu m'embtes la fin... J'aime Mirella ! Elle danse ma faon !..." Virginie se redresse sousl'outrage... "Ah ! voici le genre que tu admires ?... Il te faut du lubrique !... de la

    frnsie ! Soit !... Tu vas voir ! ce que moi ! je peux faire ! quand je m'abandonne aufeu !..." Elle va brusquement vers la sorcire, elle se saisit de son grand flacon... lephiltre entier... Elle le porte ses lvres... Une gorge, deux gorges... elle boit tout...Toute la foule est tourne vers Virginie la pudique... prsent narquoise et dfiante...La sorcire veut l'empcher... Rien faire ! Virginie vide tout le flacon... Le dlire lasaisit alors... monte en elle... elle arrache ses vtements et elle danse avec plus deflamme encore, plus de fougue, plus de provocation, de lubricit, que tout l'heureMirella... C'est une furie... une furie dansante... Jamais encore Paul ne l'avait vueainsi... Et cela lui plat, le subjugue... Il quitte dj Mirella et se rapproche de

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    24/220

    24

    Virginie... Il va danser avec elle... Mais Mirella, nargue... se rvolte... La colremonte en elle... l'emporte... elle ne se tient plus... Tout le monde se moque... AlorsMirella bondit vers un marin, lui arrache son pistolet d'abordage, la ceinture, vise ettue Virginie... Virginie s'croule... Epouvante gnrale... On fait cercle autour de lapauvre Virginie... Paul est dsespr... Silence... Toute douce... la musiquedouloureuse...

    Mais voici un boucan norme !... fantastique !... de la droite des coulisses... Un bruitde locomotive... de pistons... de vapeur... de cloches... de trompette... de chanes... deferrailles... tout cela horriblement mlang... Les ingnieurs de tout l'heurerepoussent la foule... se frayent un chemin... Un gamin les prcde... avec un drapeaurouge et une cloche qu'il agite... Qu'on s'carte... qu'on s'carte ! Place !... L'enginterrible... rugissant, soufflant, vrombissant... apparat peu peu sur la scne... C'est le"Fulmicoach", le phnomnal anctre de tous les vhicules automobiles... L'anctre dela locomotive, de l'auto, du tramway, de toute la mcanique fulminante... Enginnorme, fantastique, effrayant... Il a sa musique, genre jazz en lui... La foule se tournevers le monstre... dj la foule ne pense plus Virginie morte... tendue au premierplan...

    Seul Paul est genoux auprs d'elle... pleure... Pauvre tante Odile ne peut supportertant d'motions la fois... elle devient folle... elle se prcipite du quai dans l'eau... Ellese noye...

    La machine infernale avance toujours peu peu... Un homme sur l'avant du chssis,l-haut, joue de la trompette (genre mailcoach), l'motion dans la foule est soncomble... L'enthousiasme aussi... Des vlos entourent le monstre... les cyclistes tirentdu pistolet, une farandole autour du monstre... Faire du bruit !... On aperoit prsenttout cet norme ustensile qui avance tonitruant et majestueux... On fte le monstrevrombissant... on se passionne... Tout au sommet de la chemine le drapeauamricain... L'engin vient d'Amrique... Les touristes amricains vers Paris... Le "Fulmicoach" va disparatre... La foule ne peut s'empcher de suivre le "Fulmicoach"...fascine... l'extraordinaire vhicule... la foule s'engouffre en coulisse... derrire le"Fulmicoach"... Reste Paul seulement, auprs de Virginie... pas longtemps... Des

    jeunes filles, toutes moustilles, effrnes, bondissantes, reviennent sur leurs pas...semoncent, entranent Paul, lui font comprendre qu'il perd son temps !... que la vie estcourte !... qu'il faut aller s'amuser plus loin... toujours plus loin... qu'il faut grimperdans le "Fulmicoach"... qu'il faut boire et oublier... Elles le relvent, l'obligent serelever... boire encore du flacon maudit... oublieux Paul !...

    Il est debout prsent... Il titube... Il ne sait plus... Il suit la foule endiable... Il sedtourne encore un peu... La farandole l'entrane... Il disparat...

    Il ne reste plus sur la scne que Virginie morte... dans une tache de lumire... et puisPiram, le bon chien, seul aussi prsent... le seul ami qui reste... Il se rapproche deVirginie... Il se couche, tout ct d'elle...

    C'est tout. Rideau.

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    25/220

    25

    Gutman est revenu de l'Exposition, quatre jours plus tard... la tte horriblement bassemorveux, de la grimace aux talons Il n'avait remport que des checs

    C'est encore plus juif, Ferdinand, que je l'avais imagin !

    Il m'avouait, dans les sanglots, qu'il avait partout rencontr des Juifs d'un racisme

    effrayant tout bouillonnants de judasme dix par bureau trente par couloir

    C'est tout ce que tu trouves m'apprendre ? dis donc granuleux ? Rien pour lesFranais alors ? Rien pour les enfants du sol ? Rien que des gardeschiots ? desvestiaires ?

    Je l'aurais dsarticul, je lui aurais retourn les yeux (globuleux, juifs).

    J'en aurai jamais des danseuses alors ? J'en aurai jamais ! tu l'avoues. C'est tout pourles youtres ! Gueule donc ! tratre !

    Toutes les mignonnes, Ferdinand, veulent toutes se taper les youtres. Pour elles, lesJuifs, c'est tout l'avenir

    Il dodelinait de la tte comme a, comme un veau sans mre Il secouait ses oreillesimmenses. Il se dlectait de me faire souffrir ! Il tait sadique, forcment...

    Tu veux savoir l'effet que tu me causes ? tu veux savoir ? dis. vampire ?

    Il ne voulait pas que je lui explique. Il a su quand mme

    Je vais te le dire, tiens, je connais un homme, moi, un homme qu'est des plusinstruits un agrg de philosophie ! C'est quelque chose ! Tu sais pas comment il se

    marre ? comment il s'amuse ? Avec des chiens ?Non, il savait pas.

    Il s'en va comme a sur le soir, le long des murailles dans les fortifications Il appelleun clebs de loin, un gros il le

    [4] (p. 41-50)

    rassure, il le caresse d'abord, il le met bien en confiance... et puis il lui tte lesburnes... comme a... tout doucement... le gland... et puis alors il l'astique... Le clebs ilest tout heureux, il se rend, il se donne... il tire la langue... au moment juste qu'il va

    reluire... qu'il est crisp sur la poigne... Alors, tu sais ce qu'il lui fait ?... Il arrache d'uncoup le paquet, comme a, wrack !... d'un grand coup sec !... Eh bien toi ! tiens ! disdonc, ravage ! tu me fais exactement pareil avec tes charades... Tu me fais rentrer ma

    jouissance... Tu m'arraches les couilles... Tu vas voir ce que c'est qu'un pomerentr !... Tu vas m'en dire des garces nouvelles ! Ah ! fine pelure de faux tron ! Ah !tu vas voir l'antismitisme ! Ah ! tu vas voir si je tolre qu'on vienne me tter pour derien !... Ah ! tu vas voir la rvolte !... le rveil des indignes !... Les Irlandais, pendantcent ans, ils se sont relevs toutes les nuits pour trangler cent Anglais qui leur en

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    26/220

    26

    faisaient pas le quart de ce qu'on supporte, nous, des youtres ! Officiel ! Chinois !Officiel !

    * * * * *

    C'est pas d'aujourd'hui, tout compte fait, que je les connais, moi, les Smites. Quand

    j'tais dans les docks Londres, j'en ai vu beaucoup, des youpis. On croquait les ratstous ensemble, c'tait pas des yites bijoutiers, c'tait des malfrins terribles... Ils taientplats comme des limandes. Ils sortaient juste de leurs ghettos, des fonds lettoniens,croates, valaques, roumliques, des fientes de Bessarabie... Tout de suite ils semettaient au gringue, ils avaient a dans le grelot... faire du charme aux bourriques...aux policemen de service... Ils commenaient la sduction, pour se faufiler dans leurPoste... Je parle des docks de "Dundee" pour ceux qui connaissent... o a dbarqueles matires brutes, surtout des filasses et puis aussi la marmelade... Les "Schmout" ilsse fendaient du sourire... Toujours plus prs du policeman... c'tait la devise.. Et puisque je te le flatte... que je l'amadoue... Et que je lui dis qu'il est fort... intelligent !...qu'il est admirable, la brute !... Un cogne c'est toujours Irlandais... a prend toujoursle coup de mirage. C'est fat comme tous les Aryens... a se bombe... Trs vivement il

    est bonnard, le guignol, il se mouille d'une saucisse pour les youtres... la piti... il lesinvite... un coup au pole !... une tasse de th...

    Les Juifs, ils rentrent dans la guitoune, ils sont plus dehors... Dans la truanderie c'esteux qui se placent les premiers... Tout a se passe sous une lance ! des cordes commedes bites ! au bord de la flotte jaune des docks... fondre tous les navires du monde...dans un dcor pour fantmes... dans la bise qui vous coupe les miches... qui vousretourne les ctes...

    Le Juif il est dj planqu, les blancs ils rlent sous les trombes... Ils s'engueulent touscomme des chiens... Ils sont dehors, ils hurlent au vent... Ils ont rien compris... Voicicomme a se passe les dbarcadres... Le bateau s'annonce... il approche du quai... ilaccoste... Le "second" monte la coupe... comme juste les filins viennent auxbornes. Le rafiot cale dans les "fagots"... Tous les frimands sont tasss, une horde enbas... qui la grince je vous garantis... Ils attendent le "nombre"... la grelotte !... Il enfaut cinquante ! qu'il annonce...

    Alors, c'est un tabac froce... les premiers qu'arrivent, oh hiss ! l-haut ! de la borde,sont les bons... ceux qui peuvent foncer, grimper dans l'chelle... Tous les autres, tousceux qui retombent, ils peuvent crever... Ils auront pas le saucisson... le "shilling" et lapinte.

    Y avait pas de piti, je vous assure... C'est au canif que a se rgle... la fin, pour les

    derniers... Un coup dans le fias... Fztt ! tu lches la bride... la grappe s'croule dansl'interstice... entre le bord et la muraille... dans la flotte a s'trangle encore... Ilss'achvent dans les hlices...

    Dans le fond du hangar, l'agent de la puissante compagnie, le "Soumissionnaire", ilattend que a soit prt, que a finisse le tabac, en patientant il casse la crote,posment, sur une caisse la renverse...

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    27/220

    27

    Je le vois toujours, jambon... petits pois... celui qu'on avait... dans une grosse assietteen tain... des petits pois gros comme des prunes... Il quitte pas sa cloche, sa pelisse,sa grosse serviette aux "manifestes"... Il attend que tout se tasse... que le pugilatcesse... il bronchait pas... Il ne pressait jamais les choses. Il se rgalait jusqu'au bout...

    Ready. Mr. Jones ? qu'il interpellait la fin... quand le calme tait rtabli...

    Le Second rpondait :

    Ready Mr. Forms !...

    Les youtres ils parvenaient toujours aprs la bataille rentrer quand mme dans lessoutes... s'infiltrer dans les cales avec les "papiers", avec le cogne de service... Ils semnageaient un petit afur autour des treuils, tenir le frein... a grince... a hurle... etpuis a roule... Et l'Angleterre continue !... Les palans montent et gravitent. Et les pluscons ils sont retombs entre la muraille et le cargo avec une petite lame dans le cul...

    * * * * *

    Parlons un peu d'autre chose...

    Vers la fin de cet t, j'tais encore Saint-Malo... je reprenais, aprs un dur hiver, lesouffle... J'allais rvant, mditant au long des grves. Je revenais, ce jour-l, toutpensif du "Grand-B". Je cheminais lentement l'ombre du rempart, lorsqu'une voix...mon nom clam... me fit tressaillir... une dame me hlait... de trs loin... les jambes son cou... elle fonce... elle arrive... un journal flottant au poing.

    Ah ! dites donc !... venez voir un peu !... Regardez donc mon journal !... comme ilsvous traitent !... Ah ! vous n'avez pas encore lu ?...

    Elle me soulignait le passage du doigt... Ah ! comment ils vous arrangent ! Elle entait toute jubilante... heureuse au possible...

    C'est bien vous Cline ?...

    Mais oui... mais oui... C'est mon nom de frime... mon nom de bataille !... C'est lejournal de qui ?... le journal de quoi ?... que vous avez ?...

    Lisez ! ce qu'ils crivent d'abord !... mais c'est le Journal de Paris ! le journal

    "Journal"... "Rengat !..." qu'ils vous intitulent... Ah ! c'est bien crit noir sur blanc...Rengat !... comme un Andr Gide, qu'ils ont ajout... comme M. Fontenoy et tantd'autres...

    Cingl ! mon sang ne fait qu'un tour ! Je bondis ! Je sursaute !... on m'a trait de millechoses... mais pas encore de rengat !...

    Rengat moi ?... Rengat qui ?... Rengat quoi ?... Rengat rien !... Mais j'ai jamaisreni personne... L'outrage est norme !... Quelle est cette face de fumier qui se

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    28/220

    28

    permet de m'agonir propos du communisme ?... Un nomm Helsey qu'il s'appelle !...Mais je le connais pas !... d'o qu'il a pris des telles insultes ?... D'o qu'il sort, cefielleux tordu ? C'est-il culott cette engeance ?... C'tait bien crit en pleine page etgras caractres... y avait pas du tout se tromper... elle avait raison la dame...

    "L'opinion des rengats n'a, bien sr, aucune importance, les Gides, les Clines, les

    Fontenoys... etc. Ils brlent ce qu'ils ont ador..." Il est souffl, merde, ce cave !... Dequel droit il se permet, ce veau, de salir de la sorte ?... Mais j'ai jamais reni rien dutout ! Mais j'ai jamais ador rien !... O qu'il a vu cela crit ?... Jamais j'ai mont surl'estrade pour gueuler... tous les chos, urbi et orbi : "Moi j'en suis !... moi j'encroque !... j'en avale tout cru !... que je m'en ferais mourir !..." Non ! Non ! Non ! J'ai

    jamais micronis, macronis dans les meetings !... Je vous adore mon Staline ! monLitvinoff ador ! mon Comintern !... Je vous dvore perdument ! Moi j'ai jamais votde ma vie !... Ma carte elle doit y tre encore la Mairie du "deuxime"... J'ai toujourssu et compris que les cons sont la majorit, que c'est donc bien forc qu'ils gagnent !...Pourquoi je me drangerais ds lors? Tout est entendu d'avance... Jamais j'ai sign demanifeste... pour les martyrs de ceci... les torturs de par l... Vous pouvez tre bientranquilles... c'est toujours d'un Juif qu'il s'agit... d'un comit youtre ou maon... Si

    c'tait moi, le "tortur" pauvre simple con d'indigne franais... personne pleureraitsur mon sort... Il circulerait pas de manifeste pour sauver mes os... d'un bout l'autrede la plante... Tout le monde, au contraire, serait content... mes frres de race, lestout premiers... et puis les Juifs tous en chur... "Ah ! qu'ils s'crieraient, dis-donc ! Ilsont eu joliment raison de le faire aux pattes le Ferdinand... C'tait qu'un sale truandvicieux, un sale hystrique emmerdeur... Faut plus jamais qu'il sorte de caisse... cefoutu vocifrant. Et puis qu'il crve au plus vite!..." Voil ce qu'on dirait pour mapomme... le genre de chagrin prouv... Moi je suis bien renseign... alors j'adhre

    jamais rien... ni aux radiscots... ni aux colonels... ni aux doriotants... ni aux "SciencesChristians", ni aux francs-maons ces boys-scouts de l'ombre... ni aux enfants deGarches, ni aux fils de Pantin, rien!... J'adhre moi-mme, tant que je peux... C'estdj bien mal commode par les temps qui courent. Quand on se met avec les Juifs,c'est eux qui revendiquent tout l'avantage, toute la piti, tout le bnfice; c'est leurrace, ils prennent tout, ils rendent rien.

    Mais puisqu'on reparle de ce voyage, puisque le Journal me provoque, il faut bien queje m'explique un peu... que je fournisse quelques dtails. Je suis pas all moi enRussie aux frais de la princesse!... C'est--dire ministre, envoy, plerin, cabot,critique d'art, j'ai tout pay de mes clous... de mon petit pognon bien gagn,intgralement: htel, taxis, voyage, interprte, popote, boustif... Tout!... J'ai dpensune fortune en roubles... pour tout voir mon aise... J 'ai pas hsit devant la dpense...Et puis ce sont les Soviets qui me doivent encore du pognon... Qu'on se le dise!... Sicela intresse des gens. Je leur dois pas un fifrelin!... pas une grce! pas un caf-

    crme!... J'ai douill tout, intgralement, tout beaucoup plus cher que n'importe quel"intourist ... J'ai rien accept. J'ai encore la mentalit d'un ouvrier d'avant guerre...C'est pas mon genre de rler quand je suis en dette quelque part... Mais c'est lecontraire justement... c'est toujours moi le crancier... en bonne et due forme... pourmes droits d'auteur... et pas une traduction de faveur... ne confondons pas!... Ils medoivent toujours 2.000 roubles, la somme est l-bas, sur mon compte leur librairied'Etat!... J'ai pas envoy de tlgramme, moi, en partant, au grand Lpidaure Stalinepour le fliciter, I'treindre, j'ai pas ronfl en train spcial... J'ai voyag comme tout lemonde, tout de mme bien plus librement puisque je payais tout, fur mesure... De

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    29/220

    29

    midi jusqu' minuit, partout je fus accompagn par une interprte (de la police). Je l'aipaye au plein tarif... Elle tait d 'ailleurs bien gentille, elle s'appelait Nathalie, une trs

    jolie blonde par ma foi, ardentes toute vibrante de Communisme, proslytique vousbuter, dans les cas d'urgence... Tout fait srieuse d'ailleurs... allez pas penser deschoses!... et surveille! nom de Dieu!...

    Je crchais l'Htel de l'Europe, deuxime ordre, cafards, scolopendres tous lestages... Je dis pas a pour en faire un drame... bien sr j'ai vu pire... mais tout demme c'tait pas "nickel"... et a cotait rien que la chambre, en quivalence : deuxcent cinquante francs par jour ! Je suis parti aux Soviets, mandat par aucun journal,aucune firme, aucun parti, aucun diteur, aucune police, mes clous intgralement,

    juste pour la curiosit... Qu'on se le rpte !... franc comme l'or !... Nathalie, elle mequittait vers minuit comme a... Alors j'tais libre... Souvent j'ai tir des bordes,aprs son dpart, au petit bonheur... J'ai suivi bien des personnes... dans des curieuxde coins de la ville... Je suis entr chez bien des gens au petit hasard des tages... tousparfaitement inconnus. Je me suis retrouv avec mon plan dans des banlieues pasordinaires... aux petites heures du matin... Personne m'a jamais ramen... Je ne suispas un petit enfant... J'ai une toute petite habitude de toutes les polices du monde... Il

    m'tonnerait qu'on m'ait suivi... Je pourrais causer moi aussi, faire l'observateur, lereporter impartial... je pourrais aussi, en bavardant, faire fusiller vingt personnes...Quand je dis : tout est dgueulasse dans ce pays malfique, on peut me croire sansfacture... (aussi vrai que le Colombiea essuy des petites rafales de mitrailleuses enpassant devant Cronstadt, un beau soir de l't dernier)...

    La misre russe que j'ai bien vue, elle est pas imaginable, asiatique, dostoiewskienne,un enfer moisi, harengs-saurs, concombres et dlation... Le Russe est un gelier-n,un Chinois rat, tortionnaire, le Juif l'encadre parfaitement. Rebut d'Asie, rebutd'Afrique... Ils sont faits pour se marier... C'est le plus bel accouplement qui sera sortides enfers... Je me suis pas gn pour le dire, aprs une semaine de promenades j'avaismon opinion bien faite... Nathalie, elle a essay, c'tait son devoir, de me faire revenirsur mes paroles, de m'endoctriner gentiment... et puis elle s'est mise en colre... quandelle a vu la rsistance... a n'a rien chang du tout... Je l'ai rpt tout le monde, Leningrad, autour de moi, tous les Russes qui m'en parlaient, tous les touristes quec'tait un pays atroce, que a ferait de la peine aux cochons de vivre dans unesemblable fiente... Et puis comme ma Nathalie elle me faisait de l'opposition, qu'elleessayait de me convaincre... Alors je l'ai crit tout le monde sur des cartes postalespour qu'ils voyent bien la poste, puisqu'ils sont tellement curieux, de quel bois je mechauffe... Parce que j'avais rien renier moi !... J'avais pas mettre des mitaines... Jepense comme je veux, comme je peux... tout haut...

    On comprend mon indignation, elle est naturelle, ds qu'on me traite de rengat !...

    J'aime pas a... Cet Helsey il gagne son buf en salissant les gens de bien... Je l'ai dit la personne qui m'avait fait lire cet cho... Qu'est ce qu'il est capable de faire d'autrece plumeux ?... Il dconne aujourd'hui comme a sur le Communisme... Demain ilbavera sur les Douanes... un autre jour sur la Stratosphre. Pourvu qu'il dbloque... ils'en fout... C'est un grelot !... pourvu que a se vende !... C'est toute sa technique...Enfin c'taient les vacances... alors j'avais des loisirs... Je me dis : "Tiens, je vais lesemmerder!" Je saisis ma plume tincelante et j'cris une de ces notes ! au directeur duJournal... qu'tait rectificative... je vous le garantis... J'ai attendu l'insertion... J'airecommenc encore une fois... deux fois... Pas plus de rectification que de beurre en

  • 7/21/2019 BAGATELLES POUR UN MASSACRE

    30/220

    30

    bouteille... C'est la pourriture de la Presse... On vous salit... c'est gratuit... J'aurais puenvoyer l'huissier pour me venger mon honneur !... Il m'aurait dit c'est tant par mot...J'tais encore fait... a vaut combien "Rengat" au prix de l'Honneur ?... Si je tuaisl'Helsey, au pistolet, c'est encore moi qu'irais en caisse... Et puis il existe peut-tre pasle Helsey !... Enfin... de toutes les manires ils ont pas dit la vrit dans le "Journal",

    journal de Paris... Je suis en compte, c'est un fait... Ils me doivent des plates excuses...

    C'est pas tellement agrable des excuses de gens comme a.

    * * * * *

    " Le Seigneur tient ses assises parmi les nations remplies de cadavres, il crase lesttes dans les contres tout autour. "

    (Bible, psaume 110)

    En toute candeur, il me parat bien que tous ceux qui reviennent de Russie ils parlentsurtout pour ne rien dire... Ils rentrent pleins de dtails objectifs inoffensifs, maisvitent l'essentiel, ils n'en parlent jamais du Juif. Le Juif est tabou dans tous les livresqu'on nous prsente. Gide, Citrine, Dorgels Serge, etc. n'en disent mot... Donc ilsbabillent... Ils ont l'air de casser le violon, de bouleverser la vaisselle, ils n'brchentrien du tout. Ils esquissent, ils trichent, ils biaisent devant l'essentiel : le Juif. Ils vont

    jusqu'au bord seulement de la vrit : le Juif. C'est du fignol passe-passe, c'est ducourage la gomme, y a un filet, on peut tomber, on se fracture pas. On se fera peut-tre une entorse... On sort dans les applaudissements... Roulement de tambours !... Onvous pardonnera, soyez srs !...

    La seule chose grave l'heure actuelle, pour un grand homme, savant crivain,cinaste, financier, industriel, politicien (mais alors la chose gravissime) c'est de semettre mal avec les Juifs. Les Juifs sont nos matres ici l-bas, en Russie, enAngleterre, en Amrique, partout !... Faites le clown, l'insurg, l'intrpide