baptistère de saint louis

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Baptistère de saint Louis Le « baptistère de Saint Louis » est l’un des plus grands chefs d’œuvre de l’art islamique. Il constitue une énigme : aucune inscription sur cet objet incontestablement princier n’indique le nom de son destinataire. Le surnom du bassin n’apparaît pas avant la seconde moitié du 18 ème siècle. Il suggère que l’objet fut rapporté en France par Louis IX, mais lorsque celui-ci mourut en 1270 le bassin n’existait pas encore. Ce dernier a servi au baptême des enfants de France, en particulier à celui de Louis XIII à Fontainebleau en 1601. En 1856, le bassin sort du Louvre et sert une ultime fois pour le baptême, à Notre Dame de Paris, du prince impérial Napoléon-Eugène, fils de Napoléon III. Deux écus sur le rebord intérieur, aux armes de France, ont été ajoutés au 19e siècle. L’iconographie apparaît comme une représentation du pouvoir mamluk (Musée du Louvre, Département des arts islamiques) Description Le Baptistère de Saint-Louis est un grand bassin réalisé dans une unique feuille de laiton avec des incrustations en or, d’argent et d’une pâte noire pour les fonds sombres. Selon les publications, ses dimensions varient légèrement: sa hauteur est de 24,4cm. son diamètre maximal est de 50,4cm; Il s’agit d’un élément de la vaisselle de prestige des sultans, ou de grands dignitaires, il contenait sans doute de l’eau parfumée pour les ablutions des convives lors des réceptions. Le fond est d’ailleurs orné de créatures aquatiques. Le bassin porte un décor figuré, à la fois interne et externe, qui se caractérise par une très grande diversité des personnages, dans leurs vêtements, leurs types physiques et leurs postures (soldats, chasse, banquets, cavaliers...). Tous les motifs figurés sont situés sur un fond de rinceaux végétaux, où prennent place divers animaux. Il aurait été fabriqué en Syrie, ou en Egypte, vers 1320/1340.

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Page 1: Baptistère de saint Louis

Baptistère de saint Louis

Le « baptistère de Saint Louis » est l’un des plus grands chefs d’œuvre de l’art islamique. Il constitue une énigme : aucune inscription

sur cet objet incontestablement princier n’indique le nom de son destinataire.

Le surnom du bassin n’apparaît pas avant la seconde moitié du 18ème

siècle. Il suggère que l’objet fut rapporté en France par Louis IX, mais

lorsque celui-ci mourut en 1270 le bassin n’existait pas encore.

Ce dernier a servi au baptême des enfants de France, en particulier à celui de Louis XIII à Fontainebleau en 1601. En 1856, le bassin sort du

Louvre et sert une ultime fois pour le baptême, à Notre Dame de Paris, du prince impérial Napoléon-Eugène, fils de Napoléon III. Deux écus sur

le rebord intérieur, aux armes de France, ont été ajoutés au 19e siècle.

L’iconographie apparaît comme une représentation du pouvoir mamluk

(Musée du Louvre, Département des arts islamiques)

Description

Le Baptistère de Saint-Louis est un grand bassin réalisé dans une unique feuille de laiton avec des incrustations en or, d’argent et d’une pâte

noire pour les fonds sombres.

Selon les publications, ses dimensions varient légèrement:

sa hauteur est de 24,4cm.

son diamètre maximal est de 50,4cm;

Il s’agit d’un élément de la vaisselle de prestige des sultans, ou de grands dignitaires, il contenait sans doute de l’eau parfumée pour les ablutions

des convives lors des réceptions. Le fond est d’ailleurs orné de créatures aquatiques. Le bassin porte un décor figuré, à la fois interne et externe,

qui se caractérise par une très grande diversité des personnages, dans leurs vêtements, leurs types physiques et leurs postures (soldats, chasse,

banquets, cavaliers...). Tous les motifs figurés sont situés sur un fond de rinceaux végétaux, où prennent place divers animaux.

Il aurait été fabriqué en Syrie, ou en Egypte, vers 1320/1340.

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Il convient de remarquer l'abondance de scènes figurées, ce qui n’est pas fréquent dans le monde islamique, ainsi que l’absence d’épigraphie

(écriture).

Histoire

Les conditions de commande et de fabrication de l'objet demeurent encore inconnues, tout comme la date et le contexte de son arrivée en France.

Ce baptistère appartient à une série de bassins d’orfèvrerie réalisés dans l’entourage du 3ème sultan mamelouk (fin 13ème

/ début 14ème

)

Il a sans doute été fabriqué par des dinandiers de Damas (Syrie) à Damas ou en Egypte mais sous contrôle des Mamelouks d’Egypte vers 1320 –

1340.

Le nom du commanditaire ou du destinataire du BSL n’est pas inscrit; par contre figure à 5 reprises (ce qui est rarissime) le nom de l’artisan

(artiste) qui l’a réalisé : Muhammad ibn al-Zayn.

Les rois de Chypre (dynastie des Lusignan) entretenaient d’excellents rapports politiques avec les Mamelouks et participaient aux échanges

commerciaux avec la côte levantine. On pense alors que les rois de Chypre passaient commande auprès des dinandiers de Damas. Ce qui serait –

peut-être le cas pour ce bassin. L’artiste est connu pour un 2ème

petit bassin conservé au Louvre.

Cet objet a été offert à François Ier par les ambassadeurs de Soliman en 1540 lors d’une visite au château de Vincennes. Les Ottomans ont sans

doute pensé qu’il s’agissait d’un objet chrétien (à cause des fleurs de lys) alors que ce motif existait chez les premiers sultans mamelouks.

Cet objet est resté dans la chapelle du château de Vincennes pour servir aux baptêmes. Le premier dauphin pour lequel ce bassin a été utilisé est

le futur Louis XIII en septembre 1606 (1601/1643). Il a été utilisé jusqu’en 1856 pour le baptême du Prince Eugène, fils de Napoléon III.

Le baptistère est entré au Louvre en 1832.

Un objet énigmatique

Ce bassin est énigmatique à plusieurs titres:

La référence à Saint-Louis: elle est liée à une erreur de «lecture» d’une inscription en arabe que l’on a cru être la date (887) ce qui

situerait donc ce bassin bien avant l’avènement de Saint-Louis; certains ont également pensé que cet objet aurait été rapporté des

croisades par Louis IX, mais lorsque celui-ci mourut en 1270 le bassin n’existait pas encore.

Le nom du commanditaire est inconnu

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Huit petits médaillons héraldiques sur la frise du bas (et 2 laissés en réserve) semblent évoquer les rois de Chypre. En effet, à l’origine il y

avait sur ces médaillons des lions rampants – emblème des Lusignan de Chypre- (motif que le monde islamique n’utilise pas) ou des

motifs de clé. Plus tard ces médaillons ont été à nouveau gravés avec des motifs de fleurs de lys.

Les fleurs de lys qui ont étaient gravées ultérieurement sur ces médaillons ne sont pas les fleurs de lys des rois de France mais des motifs

des premiers sultans mamelouks.

La gravure postérieure de ces fleurs de lys semble indiquer qu’il y a eu « confiscation » et changement de propriétaire. Il est également

possible que ce bassin n’était pas terminé lors de ce changement de propriétaire car 2 grands blasons étaient restés vierges. Ils seront

gravés en France en 1821 par des blasons aux armes de France.

Le 14 septembre 1606, il fut utilisé pour le baptême du futur Louis XIII ,

Description détaillée:

À l'extérieur, le décor occupe la partie inférieure de l'objet; il se compose de frises de personnages interrompues par quatre médaillons; cette

frise est elle-même bordée de deux frises d'animaux courant, interrompues par quatre médaillons portant une fleur de lys.

La frise extérieure regroupe:

- 20 personnages à pied:

5 portent une cape attachée sur la poitrine, les cheveux attachés en chignon et un chapeau tripartite à jugulaire, hormis le personnage

central, qui semble nu-tête. Tous sont barbus.

- 6 personnages, trois tournés vers la gauche, trois vers la droite, le personnage central regardant du côté gauche. Les visages ronds,

marqués par une moustache et un bouc et des piquetages sur les joues, pourraient reprendre des canons mongols.

- 4 personnages, vêtus d’une cape fermée sur la poitrine, d’un chapeau tripartite et de chaussures basses. Le personnage le plus à gauche a

les bras derrière le dos, le second tient la laisse d'un guépard, le troisième porte un faucon sur sa main gantée. Le personnage le plus à

droite tient une grue dans la main droite et la laisse d'un chien dans la main gauche.

- 5 personnages arborent de longs manteaux, des bottes marquées de symboles et des épées. Tous ont les cheveux noués et se dirigent vers

la gauche.

- 4 cavaliers dans les médaillons qui présentent tous une activité, un costume et un type physique différent:

- 1 chasseur, qui tue un ours avec une lance. Il porte un chapeau et un manteau à manches longues et serrées.

- 1 cavalier enturbanné qui porte un manteau à manches courtes, ainsi qu'une canne de polo.

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- 1 cavalier chasseur, qui enfonce sa lance dans la gueule ouverte, babines retroussées, d'un dragon.

- 1 cavalier archer : il porte un carquois rempli de quatre flèches et vient d'en décocher une cinquième dans l'épaule d'un lion.

À l'intérieur, le décor se déploie en partie supérieure sous la forme d'un large registre orné de cavaliers, interrompu par quatre médaillons :

deux portant une scène de trône, deux portant des armoiries. De part et d'autre de ce registre principal se déploient des frises d'animaux courant

interrompues par des médaillons à fleur de lys. Sur la lèvre, on observe aussi une frise marquée par un motif ondulé, où semblent prendre place

des oiseaux stylisés. Au bas de ce décor, une arabesque végétale se termine par des lancettes.

Le fond du bassin est également décoré, sur le pourtour, d'une frise de lancettes, et à l'intérieur d'une multitude d'animaux aquatiques.

La faune et la flore

Les motifs animaux sont extrêmement présents dans le Baptistère de Saint-Louis. Ils prennent plusieurs formes:

des frises d'animaux se poursuivant;

des éléments animaux présents dans les scènes narratives, qui participent ou non à la narration;

une composition complexe au fond du bassin, avec une ronde de poissons agrémentée d'autres animaux aquatiques (canards, anguilles,

crabes, grenouilles, crocodile, pélican...)

En dehors de la ronde de poisson, la plupart des animaux appartiennent au monde de la chasse, qu'ils en soient les proies (gazelles,

bouquetins, lièvres, sangliers, lions, ours, renards, loups, guépards, canards, échassiers) ou les auxiliaires (guépards apprivoisés, chiens,

faucons). D'autres sont des montures familières (dromadaires, éléphants, chevaux) ou des créatures imaginaires (griffons, sphinx, licornes,

dragon).

l'ornement végétal semble plus libre, ayant pour but de remplir chaque espace laissé libre d'autres motifs. Les rinceaux sont ponctués de

petites palmes et palmettes divisées en trois parties.

Les inscriptions

Plusieurs inscriptions prennent place sur ce bassin. La plus importante, incrustée en argent, se situe sous la lèvre. Les autres sont cachées dans le

décor, sur différents objets. Toutes sont en calligraphie cursive (naskhi).

Signature principale de Muhammad ibn al-Zayn

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Les blasons

Le Baptistère de saint Louis présente seize médaillons circulaires porteurs de blasons dans les frises animales intérieures et extérieures. Ces

blasons ont été modifiés à une date inconnue et remplacés par une fleur de lys, ce qui a pu faire penser qu'il s'agissait d'une rectification

française; toutefois, il s'agit là d'une fleur de lys de type oriental utilisée aussi bien sous la dynastie Ayyoubide (famille arabe d’origine kurde et

descendante d’Ayyoub 1171/1341) que par la maison des Qalâ’ûn (fin 13ème

)

Il a été identifié un lion rampant vers la droite qui se trouvait à l'origine sur les blasons, ainsi qu’une clé, élément présent sur un linteau du

monastère de Chypre.

La technique de fabrication

La technique de fabrication de cet objet est celle du métal incrusté, encore pratiquée au Caire de nos jours. L'artiste, ou son atelier, met d'abord au

point la forme en martelant le laiton sur une âme de bois, puis en le polissant.

Par la suite, il crée le décor, en divisant la surface du bassin en divisions décoratives (registres, médaillons...) puis en dessinant les figures et les

rinceaux. Les motifs sont ensuite entaillés avec un poinçon, l'artiste ôte une fine couche de la surface du métal, et pointille les bords des cuvettes

pour une meilleure fixation des incrustations. Commence alors le travail des matières précieuses: l'artiste fait pénétrer les feuilles de cuivre,

d'argent et d'or dans les creux en les martelant, en grave les détails. L'étape finale est l'enduction d'une matière noire bitumineuse, qui rehausse

les gravures, souligne les contours et fait contraste avec les métaux précieux.

Cette technique apparaît en terre d'Islam au cours du XIIème siècle, probablement en Iran oriental, avant de se répandre rapidement vers le

monde syrien. Les Ayyoubides, en particulier les artistes de l'«école de Mossoul», dont certains travaillaient à Damas, avaient porté cette

technique à son apogée.

Malgré son bon état de conservation général, le Baptistère de saint Louis a perdu une partie de ses incrustations, soit en raison de l'usure du

temps (ce qui est sans doute le cas pour la ronde de poissons, usée par l'eau), soit par vandalisme, pour récupérer le métal précieux. Ce

phénomène de récupération s'est surtout fait sentir à la fin du XIVème siècle, époque où les métaux monétaires venaient à manquer.

Forme et style

Les bassins à bords évasés existent depuis la période Ayyoubide.

Le style général du bassin s'inscrit dans la continuité des œuvres précédentes.

Les frises d'animaux se poursuivant existent depuis les premiers siècles de l'islam, et à partir du XIIème siècle, les frises où les animaux sont

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d'espèces différentes prédominent dans l'art islamique.

La licorne poursuivant l'éléphant est un thème récurrent de l'art en Islam, qui fait écho à des légendes rapportées par le grand écrivain Al-Jahiz

(776/868) et que l’on retrouve sur des carreaux lustrés au XIII ème siècle en Iran.

Seul le dragon serpentiforme pourrait être une nouveauté arrivée en Égypte avec l'invasion mongole; on en trouve toutefois dans la zone syrienne

dès la période Seljdoukide.

Absence de grande inscription

Mais l'élément qui surprend est l'absence de grande inscription caractéristique de l'art de cette période.

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Autres bassins du Louvre : Bassin au nom du sultan ayyubide al-‘Adil II Abu Bakr

La très longue inscription à la gloire du sultan Ayyubide al-‘Adil II occupe la lèvre du bassin. Cet objet est l’un des plus beaux représentants de l’art du métal incrusté, dont l’une des apogées est représentée par « l’Ecole de Mossoul » au nord de l’Irak, qui essaime en Syrie et en Egypte. Elle est connue par les signatures d’artistes se désignant comme « al-Mawsili », ou « de Mossoul ». Ce type de grand bassin était associé à une aiguière et servait à recevoir l’eau versée pour le rafraichissement des convives, lors de réceptions ou de cérémonies. La signature d’al-Dhaki se trouve au centre de la paroi, dans le bandeau végétal qui détermine la composition du décor extérieur. Trente quadrilobes y abritent des scènes figurant chasseurs, lutteurs, acrobates et danseurs, aux côtés d’animaux. Le décor intérieur diffère de cette composition en vignettes : l’impression première est le foisonnement. En haut de la paroi, quatre scènes de chasses sont représentées sur plusieurs plans. L’artiste a utilisé des raccourcis pour représenter les chevaux, accentuant l’effet de profondeur. L’inscription au nom du sultan incrustée sur la lèvre du bassin, ne reflète en rien la jeunesse du sultan et la précarité de son règne, connues par les chroniques historiques dénonçant sa désinvolture et son incapacité politique. Cette titulature apparaît davantage comme une inscription dynastique, en soutien à la prééminence de la branche cairote de la famille et à l’héritier désigné par al-Kamil. Elle proclame l’unité, la résistance et la protection ayyubides face aux Etats francs d’Orient et face aux Mongols. Les Ayyubides ont alors perdu Jérusalem à l’issue de la signature du traité de Jaffa le 18 février 1229. Bien plus menaçante, l’avancée mongole est aussi inexorable : Bagdad et le Califat abbasside tomberont en 1258.

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Bassin Département des Arts de l'Islam : 1000-1250

Cette œuvre datée et signée, nous renvoie à l’entourage des sultans ayyubides, la dynastie de Saladin. A Damas et Alep, au

milieu du 13e siècle, les artisans du métal poursuivent le développement ornemental en s’inscrivant dans la lignée des

dinandiers de Mossoul.