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Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles Sociétés de cour en Europe, XVI e -XIX e siècle - European Court Societies, 16th to 19th Centuries Le promeneur de Versailles Les visages d’Alexandre Farnèse, de l’héritier du duché de Parme au défenseur de la foi Alessandro Farnese’s Faces: From the Heir of the Duchy of Parma to the Defender of the Faith Diane H. Bodart Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/crcv/14759 ISSN : 1958-9271 Éditeur Centre de recherche du château de Versailles Ce document vous est offert par Columbia University Libraries Référence électronique Diane H. Bodart, « Les visages d’Alexandre Farnèse, de l’héritier du duché de Parme au défenseur de la foi », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne], Le promeneur de Versailles, mis en ligne le 03 avril 2018, consulté le 05 avril 2018. URL : http://journals.openedition.org/crcv/14759 Ce document a été généré automatiquement le 5 avril 2018. Le Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modication 4.0 International.

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Bulletin du Centre de recherche du châteaude VersaillesSociétés de cour en Europe, XVIe-XIXe siècle - EuropeanCourt Societies, 16th to 19th Centuries Le promeneur de Versailles

Les visages d’Alexandre Farnèse, de l’héritier duduché de Parme au défenseur de la foiAlessandro Farnese’s Faces: From the Heir of the Duchy of Parma to the Defenderof the Faith

Diane H. Bodart

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/crcv/14759ISSN : 1958-9271

ÉditeurCentre de recherche du château de Versailles

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Référence électroniqueDiane H. Bodart, « Les visages d’Alexandre Farnèse, de l’héritier du duché de Parme au défenseur de lafoi », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne], Le promeneur de Versailles, misen ligne le 03 avril 2018, consulté le 05 avril 2018. URL : http://journals.openedition.org/crcv/14759

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Les visages d’Alexandre Farnèse, del’héritier du duché de Parme audéfenseur de la foiAlessandro Farnese’s Faces: From the Heir of the Duchy of Parma to the Defender

of the Faith

Diane H. Bodart

Prince, qui fut toujours aimé des peuples, avec

lesquels il conversa, révéré des étrangers et craint

des ennemis, il sera de même admiré par la

postérité et proposé comme exemple de valeur et

de prudence militaires, en aucune partie inférieur

à ses anciens prédécesseurs romains. C’est donc à

raison que sur le Capitole de Rome, par la statue et

encore plus par les mérites, il triomphe de

l’immortalité de son nom1.

1 En ces termes s’achève la brève biographie d’Alexandre Farnèse qui accompagne son

portrait gravé dans la réédition du début du XVIIe siècle des Ritratti di capitani illustri,

ouvrage à grand succès publié à l’origine par Aliprando Capriolo en 1596 et sans cesse

augmenté et mis à jour pendant un demi-siècle2. À l’instar de tous les portraits littéraires

posthumes du duc de Parme, ce texte le présente comme l’incarnation du parfait

capitaine, œuvrant pour la paix et la défense de la foi catholique3. Son entière carrière

militaire, au service du roi d’Espagne Philippe II, est une lutte sans merci contre les

ennemis de la Sainte Église de Rome, les Turcs infidèles à Lépante, les calvinistes

« rebelles à Dieu » dans les Pays-Bas, les huguenots hérétiques en France. L’exploit inouï

de la prise d’Anvers en 1585, « entreprise jugée jusqu’alors insurmontable, digne de nul

autre que d’un Alexandre », condense en lui seul l’héroïsme de sa geste. Mais la bravoure

guerrière du duc de Parme s’accompagne de surcroît d’une parfaite maîtrise de la

« prudence civile », ce comportement éthique qui fonda son succès politique comme

gouverneur général des Pays-Bas4. Enfin, l’honneur d’un monument scelle ce parcours

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vertueux. Déjà dans l’editio princeps, Capriolo ne manquait pas de signaler les statues

érigées à la mort des capitaines, car cet honneur, qui les élevait à la dignité de modèles

pour la postérité, constituait la preuve ultime de leur valeur exemplaire. La longue

tradition de cette forme de célébration est rappelée par les sculptures funéraires, taillées

dans la pierre ou peintes en trompe-l’œil, de Giovanni Acuto dans la cathédrale de

Florence, de Roberto Malatesta dans la basilique Saint-Pierre à Rome, de Niccolò Orsini

dans l’église des Santi Giovanni e Paolo à Venise. Le développement moderne de la

statuaire honorifique est en revanche mentionné par les colosses équestres de bronze de

Gattamelata et de Colleoni érigés sur des places à Padoue et à Venise, et par la statue en

pied d’Andrea Doria dressée à Gênes5. Bientôt ajoutée à la lignée de ces illustres

précédents, dans les rééditions de l’ouvrage, la statue du duc de Parme se distingue

toutefois par l’excellence de son emplacement : le Capitole romain (fig. 1). En ce lieu où la

Rome antique célébrait dans le marbre et le bronze les généraux militaires qui avaient,

par leurs conquêtes, contribué à sa grandeur, la Rome moderne réactualisait les gloires de

son passé par l’hommage rendu à son fils héroïque, Alexandre Farnèse, Romain par sa

naissance, qui avait incessamment combattu au service de sa patrie dans le bien plus

noble but d’en défendre la religion6.

Fig. 1 : Ippolito Buzzi, Alexandre Farnèse, 1593, marbre, env. 205 cm. Rome, Palazzo deiConservatori, Sala dei Capitani.

© Hendrik Ziegler

2 La Ville éternelle avait en fait orchestré sur son Capitole une apothéose, sans véritable

précédent moderne, de ce « catholicae fidei acerrimus propugnator7 ». Lors de ses funérailles

solennelles dans l’église de l’Aracœli, en avril 1593, elle lui avait d’abord érigé au faîte

d’un catafalque, orné des représentations de ses victoires, une statue équestre le figurant

comme nouvel Alexandre. Ce parallèle avec le souverain macédonien était désormais de

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l’ordre du topos dans la célébration du duc de Parme, mais il se doublait ici d’une autre

référence contribuant à l’inscrire dans la lignée des illustres exempla de l’Antiquité. La

sculpture était en effet décrite comme exécutée « a guisa di quella di Campidoglio8 », c’est-à-

dire que sa typologie équestre faisait écho au colosse de bronze du Marc Aurèle qui

trônait, depuis 1538, juste à l’extérieur de l’église, au sein de la nouvelle place du Capitole

dessinée par Michel-Ange. Ce premier monument éphémère, connu par une gravure de

Giovanni Maggi, fut suivi peu après de la sculpture citée dans les Ritratti di capitani illustri,

de dimensions plus modestes, mais taillée dans le marbre éternel, en reconnaissance des «

servitij fatti alla Republica Christiana9 ». Suivant le même principe de glorification all’antica,

l’œuvre, commandée par le conseil capitolin à Ippolito Buzzi, intégrait une tête réalisée

ex novo au corps héroïque d’une statue antique de Jules César. Érigée dès 1593 dans la salle

d’audience du palais des Conservateurs, bientôt rebaptisée Sala dei Capitani, elle allait

inaugurer un cycle statuaire commémorant les défenseurs de l’Église : deux ans plus tard,

une sculpture du vainqueur de Lépante Marcantonio Colonna, mort depuis 1584, fut

dressée à ses côtés, suivie de cinq autres dans les décennies suivantes, également

constituées à partir de marbres antiques10. Alexandre Farnèse devenait ainsi sur le

Capitole la pierre fondatrice de l’édifice triomphal célébrant le rayonnement de la foi

catholique par l’œuvre de ses héros militaires. Mais le duc de Parme allait bientôt

recevoir l’honneur de la statuaire également de la part de ses héritiers. Le cardinal

Odoardo Farnese commanda en 1594 à Simone Moschino une sculpture all’antica de son

père, couronné par une Victoire et foulant les personnifications de l’Escaut et des

Flandres (Reggia di Caserta), qu’il destinait au grand salon de sa résidence, le palais

Farnèse à Rome11. Le marbre, achevé en 1598, fut diffusé par une gravure de Francesco

Villamena datée de 1600. Son fils aîné et successeur au duché de Parme, Ranuccio Farnese,

lui consacra en revanche un colosse équestre, portant sur son socle un bas-relief figurant

la prise d’Anvers, qu’il fit ériger par Francesco Mochi sur la place principale de Plaisance,

au côté de son propre monument équestre (1612-1623)12. Ces statues s’inscrivaient dans

un vaste programme de célébration dynastique et politique qui visait, par l’exaltation de

l’héroïsme chrétien d’Alexandre Farnèse, à magnifier la grandeur et la souveraineté de sa

famille, tout en effaçant le discrédit que le désaccord avec Philippe II avait jeté sur les

dernières années de son gouvernement des Pays-Bas. Dans la même période, ses enfants

eurent également soin de fixer le récit de sa geste exemplaire par l’écrit comme par

l’image, une entreprise commémorative couronnée par le projet d’un cycle de fresques

d’Annibale Carracci dans le grand salon du palais romain de la famille, demeuré

cependant lettre morte13.

3 Les trois statues posthumes d’Alexandre Farnèse fixent ainsi, pour les générations à venir,

son image de parfait capitaine, dans sa double connotation militaire et religieuse,

identifiable tant par l’iconographie héroïque que par la ressemblance de ses traits. À vrai

dire, dans ces sculptures, le duc de Parme présente un visage d’une morphologie assez

variable, d’autant plus que Simone Moschino choisit de le soumettre à un évident

processus d’idéalisation afin de le conformer aux critères de représentation all’antica.

Certains traits caractéristiques rendent toutefois sa physionomie immédiatement

reconnaissable : une structure faciale longue et maigre au menton pointu, une barbe

courte et de belles moustaches retroussées, un nez aquilin et un large front, une

chevelure relevée, enfin des sourcils contractés dessinant une expression tendue et

déterminée. Ces éléments, qui codifient désormais, tel un masque, l’identité glorieuse du

duc de Parme, sont bien sûr fondés sur des modèles précédents, garantissant la

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ressemblance car réalisés en sa présence et de son vivant. Mais cette image véritable

relevait nécessairement en partie d’une construction imaginaire, pour deux raisons

essentielles. En premier lieu, si la ressemblance du portrait est fondée sur l’exactitude de

la représentation d’une physionomie individuelle, son évaluation est déterminée par la

connaissance personnelle du modèle. Lorsque ce lien vient à manquer, les critères

d’appréciation du portrait dépendent aussi bien d’un « effet de ressemblance », une

caractérisation des traits par des détails minutieusement rendus, que de la similitude

entre l’œuvre et les images les plus connues de son modèle. Le portrait le plus diffusé

d’un personnage célèbre devient ainsi sa vera effigie, parce qu’il contribue à la

construction de sa physionomie dans l’imaginaire collectif et définit par conséquent la

charte de ressemblance qui garantira l’identification de ses représentations14. Le visage

posthume et statuaire d’Alexandre Farnèse est bien évidemment en partie le fruit de ce

processus, d’autant plus que le duc de Parme avait vécu loin de sa famille et de l’Italie

pendant les dernières décennies de son existence, et que la physionomie de sa maturité

n’y était connue que par l’intermédiaire des images. Compte tenu du contexte culturel de

l’époque, une deuxième donnée est à prendre en compte dans cette construction

figurative d’une identité. En effet, dans les théories artistiques comme dans la pratique du

portrait15, la ressemblance fut progressivement comprise au cours du XVIe siècle dans une

double acception, concernant la représentation aussi bien de l’individu physique,

identifiable par ses traits distinctifs, que du personnage social, reconnaissable par

l’expression des vertus convenant à son rang. D’après Giovanni Paolo Lomazzo, le plus

excellent des portraits, conforme aux règles de l’art, est celui qui rend en « des formes

naturelles à l’œil », donc par les caractéristiques du visage individuel, l’« idea » générale

du personnage que l’artiste forme dans son esprit16. Ainsi, le portrait d’un empereur

devra être empreint de majesté, celui d’une femme de beauté, et celui d’un capitaine,

comme il est tentant d’ajouter, de qualités héroïques telles que la force ou le courage.

Loin d’être une simple reproduction ressemblante, le portrait est l’aboutissement d’une

véritable construction de la ressemblance, dont l’enjeu est de donner une identité

particulière à une figure sociale exemplaire, d’associer le nom d’Alexandre Farnèse au

corps idéal du parfait capitaine. Dans cette perspective, il s’agira alors d’interroger

l’élaboration de l’image du duc de Parme tout au long de sa carrière, afin de mieux saisir

sa configuration ultime, léguée à la postérité.

L’héritier, l’otage et l’homme de guerre

4 Le corpus iconographique d’Alexandre Farnèse présente d’emblée une étonnante

particularité : les portraits réalisés de son vivant se concentrent pour l’essentiel sur deux

périodes relativement courtes, situées aux pôles extrêmes de sa vie17. La chronologie du

premier groupe d’œuvres, constitué avant tout de tableaux, est comprise dans une

décennie qui s’ouvre avec le départ du jeune Alexandre pour la cour de Philippe II en 1556

et se referme avec son retour à Parme en 1566, peu après avoir épousé à Bruxelles Marie

d’Aviz. À quelques rares exceptions près, la plupart des autres représentations connues,

non seulement des tableaux mais aussi des gravures et des médailles, montrent le duc de

Parme portant le collier de la Toison d’or, qu’il reçut officiellement après la prise

d’Anvers, et sont donc datées entre 1585 et sa mort en 1592. Le nombre de portraits de

jeunesse rend compte des espoirs que sa figure d’unique héritier représentait pour la

maison Farnèse, dont la souveraineté sur le duché de Parme et de Plaisance était encore

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mal assise. Il s’explique en outre par son long séjour forcé à la cour de Philippe II, auquel

sa famille dut se plier à la suite du traité de Gand pour assurer le roi d’Espagne de son

allégeance. Peu avant le départ du jeune prince de Parme, Girolamo Mazzola Bedoli

peignit ainsi pour sa mère Marguerite d’Autriche un somptueux portrait qui le figure âgé

de dix-onze ans (fig. 2)18.

Fig. 2 : Girolamo Mazzola Bedoli, Alexandre Farnèse, vers 1556, huile sur toile, 149,7 × 117 cm.Parme, Galleria Nazionale, inv. no 1470.

© Galleria Nazionale di Parma

5 De façon fort significative, l’œuvre est une véritable paraphrase d’un portrait allégorique

magnifiant l’étendue du pouvoir de l’empereur Charles Quint, dont Marguerite était la

fille illégitime, réalisé en 1529-1530 à Bologne par Parmigianino19, cousin par alliance et

maître de Mazzola Bedoli. L’enfant, déjà armé en tout point et tenant un bâton de

commandement, est assis sur le globe terrestre, symbole de souveraineté, qu’un petit

Hercule offrait à son grand-père dans le tableau de Parmigianino. La femme ailée à la robe

légère, interprétée par Vasari comme la Renommée, qui tendait à l’empereur un rameau

d’olivier de la paix et la palme de la victoire, se transforme en une personnification de

Parme aussi martiale qu’une Bellone. Agenouillée aux pieds de l’héritier, qu’elle enlace et

couve d’un regard amoureux, elle lui apporte, outre la palme, le blason de son duché.

Enfin, à l’arrière-plan, sous la forme d’une statuette de bronze doré, la Renommée

annonce de ses trompettes un destin glorieux. Par rapport à cette rhétorique triomphale,

le portrait peint par Anthonis Mor en 1557 à Bruxelles (fig. 3)20, où Alexandre était arrivé

accompagné par sa mère Marguerite pour entrer à la cour de Philippe II, apparaît d’une

sobriété tranchée.

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Fig. 3 : Anthonis Mor, Alexandre Farnèse, 1557, huile sur toile, 153 × 95 cm. Parme, GalleriaNazionale.

© Galleria Nazionale di Parma

6 Le jeune prince, vêtu d’un splendide habit d’or couvert d’un mantelet noir doublé de

fourrure, est figuré en pied sur fond neutre. Réalisé sous le contrôle du roi d’Espagne, et

par son portraitiste attitré21, le tableau conformait l’image de l’héritier aux codes de

représentation de la cour des Habsbourg, la rendant en tout point semblable aux portraits

datés des mêmes années de son cousin don Carlos ou de son oncle don Juan22, en

compagnie desquels il allait parfaire son éducation en Espagne. Destinée à Parme, la toile

d’Anthonis Mor présentait Alexandre non plus comme successeur du duché, mais comme

membre de la cour de Philippe II, ratifiant visuellement sa qualité d’otage politique. Dans

les années suivantes, ce modèle fut progressivement adapté pour témoigner de la

croissance de l’adolescent, désormais en Espagne, et compenser par l’image son absence

de la cour de Parme. En 1561, Mor peignit un second portrait, fort semblable au premier si

ce n’est que le prince est figuré en armure et que ses traits apparaissent légèrement plus

marqués (Dallas, Meadows Museum). L’œuvre fut diffusée par des répliques à mi-corps de

dimensions plus réduites, dont l’une, attribuée à Alonso Sánchez Coello, parvint

anciennement à Plaisance (Parme, Galleria Nazionale)23. Suivant le même principe, une

version en habit de cour blanc et or, réalisée peu après, fut déclinée par les portraitistes

au service de Philippe II, dont Sofonisba Anguissola, en des formats en pied et à mi-corps

(New York, collection privée ; Dublin, National Gallery)24. Un exemplaire destiné à la cour

de Parme servit immédiatement de modèle à Taddeo Zuccari pour son décor de fresques

dynastiques réalisé en 1562-1563 dans la salle des Fastes des Farnèse à Caprarola25. La

succession de ces portraits espagnols prit inévitablement fin avec le départ d’Alexandre

Farnèse pour Bruxelles, en vue de son mariage avec Marie de Portugal. Une médaille de

Jacques Jonghelinck, commémorant les noces, offre la première image du prince adulte

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portant une barbe naissante26. Son arrivée à Parme l’année suivante donna sans doute lieu

à une réactualisation de ses portraits : si aucune œuvre de cette date n’est conservée, les

inventaires Farnèse mentionnent un tableau le figurant « quand il rentra d’Espagne27 ».

7 Rendu à son duché et à sa famille, Alexandre ne semble pas s’être particulièrement soucié

dans les vingt années suivantes de la représentation de sa propre personne. Seuls de rares

portraits de facture modeste, répondant aux exigences de l’alliance familiale avec la

couronne de Portugal, témoignent de ses traits à son retour en Italie28. Or le prince

s’éloigna à nouveau de Parme dès 1570, pour s’engager auprès de don Juan sur le théâtre

des principales batailles de la monarchie catholique, d’abord en Méditerranée puis, à

partir de 1577, dans les Pays-Bas d’où il ne revint jamais. La distance ne fut cette fois pas

compensée par une succession attentive de portraits. Alexandre, désormais adulte et

maître de son image, semble avoir négligé sa représentation en peinture au profit de

l’exaltation de son corps par le faste des armures, commandant aux plus illustres

armuriers milanais de somptueuses garnitures ornées de figures mythologiques et de

motifs de grotesques en acier repoussé29. Un précieux indice à ce propos est apporté, au

début de son gouvernement sur les Pays-Bas, par les résultats de la mission du comte

Jacques-Annibal de Hohenems, chargé par son seigneur l’archiduc Ferdinand II de Tyrol

d’obtenir, pour la collection que celui-ci entreprenait alors de réunir dans son château

d’Ambras, une armure et un portrait de feu don Juan d’Autriche ainsi que de son

successeur Alexandre Farnèse30. En janvier 1579, Hohenems informait l’archiduc

Ferdinand que le prince de Parme, engagé dans une offensive contre Maastricht, était

disposé à lui céder son armure de combat, mais que, celle-ci ne comportant que quelques

pièces fonctionnelles, il souhaitait lui envoyer également « ainen schönen, prechtigen

harnisch » conservée à Namur, sans doute la somptueuse garniture ornée d’un riche décor

en acier repoussé, argenté et doré, attribuée à l’armurier milanais Lucio Piccinino (fig. 4)31.

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Fig. 4 : Lucio Piccinino, Garniture Farnèse, vers 1577-1578. Vienne, Kunsthistorisches Museum,Hofjagd- und Rüstkammer, HJRK A 1153.

Voir la notice de l’œuvre sur le site Kunsthistorisches Museum.

© KHM-Museumsverband

8 Le portrait soulevait en revanche plus de difficultés, car Alexandre Farnèse ne laissait

jamais représenter ses traits. L’archiduc Ferdinand ne devait d’ailleurs pas ignorer cette

aversion, puisqu’il avait donné l’ordre à son envoyé de faire réaliser secrètement le

portrait, en lui fournissant une feuille de papier au format souhaité. Toutefois, Hohenems

put éviter ce stratagème : s’étant entretenu directement à ce sujet avec le prince de

Parme, ce dernier avait accepté de faire une exception pour son illustre cousin et

d’accorder une séance de pose dès que possible, aucun peintre ne se trouvant alors à

Maastricht. Le portrait destiné à l’archiduc Ferdinand, connu par un modeste panneau et

par une copie miniature de la série iconographique d’Ambras (fig. 5), ne fut qu’une

représentation essentielle de sa physionomie de profil32.

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Fig. 5 : Anonyme, Alexandre Farnèse, vers 1579, huile sur papier marouflé, 13,5 × 10 cm. Vienne,Kunsthistorisches Museum, Gemäldegalerie, GG 5061.

© KHM-Museumsverband

9 L’absence de portraits d’Alexandre Farnèse en ces années semble ainsi relever d’une

véritable résistance qui toucha apparemment toute forme de représentation de sa

personne. Dans la même période, le prince s’obstinait en effet à opposer un refus poli aux

différents hommes de lettres lui proposant d’écrire le récit de sa geste33.

10 À cette date, ce déni de l’image n’est pas sans faire écho aux stricts préceptes, véhiculés à

ce sujet par la culture post-tridentine, qui devaient bientôt être codifiés, en 1582, par le

traité du cardinal Gabriele Paleotti. Dans ses chapitres consacrés au portrait, celui-ci

criait gare au péché d’orgueil que comportait, in nuce, toute représentation que l’on

faisait réaliser de soi-même34. De par ses anciennes origines fondées sur la volonté

d’honorer et de conserver la mémoire d’un personnage illustre, le portrait exprimait

a priori un « je ne sais quoi d’honneur et de réputation ». Commander son portrait relevait

par conséquent de la vanité, car on contribuait à son propre éloge en s’attribuant

inévitablement les qualités d’une « personne honorée, vertueuse et belle ». Seules les

personnes saintes ou se distinguant « per grado et eccellenza di virtù » faisaient exception à

la règle, leur dignité et valeur exemplaire justifiant l’honneur de la représentation de

leurs traits. Alexandre Farnèse considérait peut-être qu’il n’avait pas encore accompli

d’exploit suffisamment remarquable pour mériter de laisser son image à la postérité. Mais

il avait surtout de solides raisons pour vouloir se préserver de tout soupçon de péché

d’orgueil. En effet, la réputation de l’un de ses proches prédécesseurs au gouvernement

des Pays-Bas, le duc d’Albe Fernando Álvarez de Toledo, en avait été durablement ternie.

11 Les sources adverses ou partisanes sont à ce sujet parfaitement concordantes : brillant

homme de guerre, le duc d’Albe avait entièrement manqué de « prudence civile », et il

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s’attira la haine de la population, plus que par toute autre exaction, en s’érigeant une

statue à lui-même dans la citadelle d’Anvers en 157135. Réalisée par Jacques Jonghelinck

avec le bronze des canons pris à Louis de Nassau lors de la bataille de Jemmingen, l’œuvre

le figurait en armure, tendant sa main droite vers la ville en geste de pacification et

foulant à ses pieds l’hydre de la révolte. Si l’intention du duc d’Albe était de célébrer

l’accomplissement de sa mission de parfait capitaine, assurant par les armes la paix et la

défense de la religion, il obtint en retour des blâmes aussi sévères qu’unanimes. Les

Flamands perçurent le monument comme une marque de leur infamie, fixant

quotidiennement dans le bronze leur « éternelle servitude36 ». La cour d’Espagne y vit en

revanche le signe d’un orgueil démesuré car la seule statue que le duc d’Albe aurait pu

légitimement ériger était celle de son roi37. Au contraire, il avait usurpé cet honneur pour

dresser un trophée à ses propres victoires. Philippe II fit retirer le bronze dès 1574, trop

tard déjà : sa reproduction gravée par Philippe Galle en diffusait l’image dans l’Europe

entière, tandis que la plupart des ouvrages historiques de l’époque mentionnaient le

méfait. L’« oultrageuse et plus que superbe statue » fut assurément le plus célèbre

monument public de son temps et son triste souvenir allait perdurer dans la mémoire

collective38.

12 Compte tenu de cet héritage, le désintérêt manifeste d’Alexandre Farnèse pour le portrait

et l’éloge littéraire s’inscrivait à l’évidence en réaction à l’excès de représentation commis

par le duc d’Albe. Extrêmement attentif à sa réputation, comme en témoigne sa

correspondance, le prince de Parme soigna toujours de près son image de fidèle serviteur

du roi d’Espagne et de capitaine juste et clément envers ses ennemis39. Son refus de toute

forme de glorification de sa personne participait de cette construction politique avisée, et

contribuait à accroître, ainsi qu’à justifier, sa renommée vertueuse, uniquement fondée

sur le rayonnement de sa geste militaire et de son bon gouvernement. Il n’acceptait de

revêtir un corps héroïque que par le médium de ses magnifiques armures, attribut

légitime de sa fonction militaire, qui avaient en soi force d’allocution guerrière40. Paolo

Rinaldi rapporte ainsi, dans son Liber relationum, qu’à la simple apparition du prince à

cheval, « armé et richement paré », ses soldats s’enflammaient « d’un courage si

belliqueux qu’ils ne désiraient rien d’autre que d’être à ses côtés pour combattre les

ennemis41 ».

Gouverneur des Pays-Bas, duc de Parme et dePlaisance, héros catholique

13 Deux tableaux récemment apparus sur le marché de l’art, une miniature sur cuivre

(9,8 x 7,3 cm ; Plaisance, Biffi Arte) et un grand portrait d’apparat daté de 1581 (Rome,

collection Arcuti Fine Art, fig. 6), dérivant du même modèle et attribués à Jean de Saive42,

montrent que deux ans après avoir reçu la requête de portrait de l’archiduc Ferdinand de

Tyrol, Alexandre Farnèse prit soin de fixer son image en différents formats, pour les

besoins de la cour de Bruxelles et les envois entre familles alliées.

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Fig. 6 : Jean de Saive (attr.), Alexandre Farnèse, 1581, huile sur toile, 204,5 × 109 cm. Rome,collection Arcuti Fine art.

© Arcuti Fine Art

14 Il faut dire qu’en 1581, après deux ans de tensions avec Philippe II qui lui avait retiré le

gouvernement politique des Pays-Bas au profit de sa mère Marguerite d’Autriche et laissé

uniquement le commandement militaire, Alexandre était parvenu à obtenir du roi la

confirmation définitive de sa charge de gouverneur et l’octroi du titre de chevalier de la

Toison d’or in pectore. Les portraits de 1581 affirment donc son image de gouverneur et

capitaine général des Pays-Bas, associant les éléments militaires de la cuirasse richement

ouvragée, du ruban rouge et du bâton de commandement à l’iconographie du portrait de

cour, dont le cadre agrémenté d’une tenture, d’une colonne et d’une table recouverte de

velours – dans la version en pied – montre le prince comme s’il recevait en « audience

publique43 ». Ces tableaux dévoilent enfin de face le visage de sa maturité qui se distingue

par un large front légèrement froncé et couronné d’une chevelure relevée, par des

moustaches généreuses et un menton à la barbe pointue. À ce modèle, décliné avec des

variantes en plusieurs versions, sera ajouté le collier de la Toison d’or à partir de 1586

(château d’Ooidonck ; Florence, Museo Stibbert ; Parme, Galleria Nazionale, fig. 7)44, date

à laquelle la nomination d’Alexandre fut rendue officielle.

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Fig. 7 : Jean de Saive, Alexandre Farnèse, 1586-1590, huile sur toile, 203 × 108 cm. Parme, GalleriaNazionale.

Domaine public - Wikimedia

15 Cette actualisation advint parfois directement sur des tableaux peints avant cette date,

comme c’est le cas d’un portrait à mi-corps conservé au Royal Armouries Museum de

Leeds, qui figure le prince revêtu d’une somptueuse armure très proche de la garniture

réalisée pour lui par Lucio Piccinino : au-dessus des ornements à grotesque en acier

repoussé et doré, apparaît en transparence le collier de la Toison d’or, peint

postérieurement par une main plus maladroite. De façon étonnante, ce portrait figurant

Alexandre Farnèse portant une armure qui pourrait être la sienne, est en fait une reprise

méticuleuse d’un modèle élaboré en 1574 à Rome par Scipione Pulzone pour Jacopo

Boncompagni (collection particulière), fils naturel du pape Grégoire XIII et capitaine de

l’Église45. L’absence de documentation sur la version Farnèse, encore anonyme mais d’une

qualité appréciable et d’une chronologie située entre 1581 et 1586, ne permet pas à

l’heure actuelle de préciser les modalités de transposition d’un tableau à l’autre.

16 La réticence d’Alexandre Farnèse envers les images allait définitivement être brisée avec

éclat en 1586, au lendemain de la prise d’Anvers et de sa succession au duché de Parme46.

Par son titre de duc et son exploit militaire, il accédait enfin pleinement à la catégorie de

personne se distinguant « par la dignité et l’excellence des vertus », méritant, aux dires

de Paleotti, l’honneur du portrait. Il ne s’agissait d’ailleurs pas d’une simple appréciation

personnelle, susceptible de vanité : la grandeur de la victoire anversoise avait été

officiellement reconnue par le pape Sixte Quint, qui le récompensa du titre de gonfalonier

de la Sainte Église de Rome, et par le roi Philippe II, qui le remercia en lui restituant la

citadelle de Plaisance. Alexandre avait d’ailleurs eu soin de mettre en scène publiquement

la reconnaissance de son souverain. Au terme du siège d’Anvers et afin de rendre « plus

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mémorable » cette « entreprise si difficile et de si grand bénéfice pour son roi47 », il se fit

conférer en grande pompe le collier de la Toison d’or dont il était secrètement chevalier

depuis 158148. Toutes les données justifiant, d’un point de vue éthique, la glorification par

l’image étaient ainsi réunies. Et le duc de Parme sut faire un usage prudent de ce droit à la

représentation : si son entrée triomphale dans la ville soumise fut célébrée par une

sculpture le figurant comme nouvel Alexandre, érigée au faîte d’une colonne rostrale par

la communauté génoise49, la statue était éphémère, dépourvue de signes infamants pour

la population et n’usurpant en rien les honneurs réservés au roi. Il choisit par ailleurs de

laisser trace de sa victoire non pas en d’imposants et inamovibles monuments de bronze,

mais en des œuvres reproductibles aussi discrètes que mobiles : deux médailles par

Jonghelinck qui le présentent, selon les canons numismatiques, en buste et de profil, deux

gravures allégoriques par les frères Otto et Gijsbert Van Veen, qui mettent en scène sa

figure dans des dispositifs d’une rhétorique ambitieuse (fig. 8 et 9).

17 L’érudition raffinée de ces estampes développe le topos du parallèle avec l’Antiquité pour

construire la figure héroïque d’Alexandre Farnèse comme defensor fidei. L’une des

gravures s’empare de la comparaison, des plus exploitées, avec l’illustre homonyme

Alexandre le Grand (fig. 8)50.

Fig. 8 : Gijsbert van Veen, d’après Otto van Veen, Alexandre Farnèse comme nouvel Alexandre, 1586,estampe, 44,4 34 cm, Amsterdam, Rijksmuseum, Rijksprentenkabinet, RP-P-1909-4567.

Voir la notice de l’œuvre sur le site du Rijksmuseum.

Domaine public

18 À l’instar du souverain macédonien, dans son portrait peint par Apelle et décrit par Pline

l’Ancien et Plutarque, le duc de Parme est représenté brandissant le foudre. La référence

de cet attribut insolite, se substituant à l’habituel bâton de commandement, est non

seulement expliquée en toutes lettres par l’inscription51, mais aussi visuellement illustrée

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dans l’ornement du cadre ovale du portrait. À son faîte apparaît en effet la figure

d’Alexandre le Grand, empoignant l’attribut de Jupiter et enlaçant de ses jambes

l’encolure de Bucéphale. Les autres éléments du décor précisent la connotation

triomphale de cette iconographie : des personnifications des nations soumises, soutenues

par des génies de la Victoire reposant à leur tour sur des sphynx, supplient et rendent

hommage à l’ancien conquérant52. Le foudre établit ainsi un parallèle entre la puissance

de feu des deux vainqueurs, tandis que deux médaillons présentent en pendant leurs

exploits respectifs, l’ancienne prise de Tyr et la moderne prise d’Anvers53. L’équation se

résout toutefois, dans l’inscription, en faveur du héros moderne : « tu es égal par le nom à

Alexandre, supérieur par ta geste ». La primauté d’Alexandre Farnèse repose sur la valeur

militaire des ennemis vaincus mais aussi sur la noblesse de sa cause : « il soumit à lui les

Perses et les Indiens inaptes à la guerre, toi, c’est à Dieu que tu as soumis les Belges et les

Celtes au cœur martial ». L’évocation du tempérament guerrier des peuples de la Gaule et,

entre tous, des Belges, renvoie à l’appréciation bien connue formulée par Jules César dans

son De bello gallico, qui avait plus tard inspiré à Michel Eytzinger son célèbre Leo Belgicus,

une carte des dix-sept provinces en forme de lion dessinée et gravée par Frans Hogenberg54. Mais c’est avant tout la finalité de la mission du duc de Parme, dépourvue d’ambition

de conquête de nouveaux territoires et entièrement consacrée à la défense de la foi, qui

fonde son dépassement de l’exemplum du souverain macédonien. De son bouclier portant

ses armoiries, Alexandre Farnèse protège la Religion, personnifiée sous la forme d’une

statuette. L’ambiguïté sémantique de l’incorporation du blason, à savoir de l’identité

héraldique, sur l’arme défensive, est entretenue par l’inscription du cartouche, dont la

conclusion joue sur le double sens du mot latin « Parma », à la fois Parme et bouclier :

« la religion est à l’abri de ta Parme / de ton bouclier ». Le jeu de mots est repris dans la

phrase gravée sur le pourtour du bouclier : « Religion, loi, population, la foudroyante

Parme de Farnèse / le foudroyant bouclier farnésien, vous protégera avec l’aide de Jésus-

Christ55. » Le bouclier est ainsi non seulement une extension de la puissance du duc de

Parme, mais aussi, par son association au foudre, une métaphore de l’action offensive et

défensive de son corps guerrier et héroïque. Le nouvel Alexandre est à la fois un foudre de

guerre et le bouclier de la foi. La connotation religieuse de son action militaire victorieuse

lui assure une position prédominante parmi les gloires de l’Olympe « porteur d’étoiles »,

ce ciel étoilé qui scintille à l’arrière-plan de son portrait et dont il est l’astre majeur.

19 La deuxième gravure des frères Van Veen, semblable par ses procédés de construction

sémantique, présente Alexandre Farnèse au sein d’une composition allégorique (fig. 9)56.

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Fig. 9 : Gijsbert van Veen, d’après Otto van Veen, Alexandre Farnèse comme nouvel Hercule, 1586,estampe, 36 × 23,6 cm. Londres, British Museum, 1857,0214.413.

Voir la notice de l’œuvre sur le site du British Museum.

© The Trustees of the British Museum - CC BY-NC-SA 4.0

20 Le duc de Parme, figuré en armure d’après le même modèle que l’estampe précédente,

renonce de nouveau au bâton de commandement pour brandir cette fois une massue, tel

Hercule à la croisée des chemins. Du héros mythologique, il emprunte aussi la peau de

lion posée sur son épaule. La Religion l’attire à lui pour lui indiquer, de sa croix, la voie

escarpée qui mène au temple de la vertu, par lequel on accède au temple suprême de

l’honneur57. La puissance aveuglante du foudre laisse ici place à l’effet pétrifiant de la tête

de Méduse qui orne son bouclier58 : l’arme offensive est directement intégrée à

l’instrument de défense, à la « Parma » de Farnèse, son corps bouclier qui protège, par

l’attaque, de sa force invincible la foi. Sur son passage, les vices de l’Invidia, de l’Impietas et

de la Vis Inimica se transforment en statues de marbre et se renversent à terre comme des

idoles déchues, dont les membres brisés ne peuvent plus atteindre la palme de la victoire.

Cet arbre puissant arbore les armoiries du duc de Parme, ainsi que les dessins de ses

innombrables victoires, parmi lesquels la vue de la prise d’Anvers apparaît en position

prédominante. Par la référence aux exempla de l’Antiquité déployée dans leur langage

allégorique ainsi que dans leurs longs éloges latins, les deux tailles-douces construisent

l’image du duc de Parme comme parfait capitaine, dont la valeur militaire et

l’engagement au service de la foi sont témoignés par la victoire anversoise. La

glorification d’Alexandre Farnèse est justifiée non seulement par les références à sa

souveraineté sur Parme et à la délivrance d’Anvers, mais aussi par la présence de l’insigne

de gonfalonier de l’Église au sein de ses armoiries et du collier de la Toison d’or autour de

son cou ou de son blason. La légitimité de la représentation est ainsi fondée sur la

reconnaissance de la dignité du prince et de la valeur de son combat par ses souverains

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spirituel et temporel. Si ces images triomphales n’entachent pas le respect dû au pape et

au roi d’Espagne, elles ménagent également l’ennemi vaincu, dont l’identité est

prudemment tue dans la planche figurant le duc de Parme comme nouvel Alexandre et

dissimulée sous la forme d’allégories générales des vices dans celle le présentant comme

nouvel Hercule. Quelques années plus tôt, dans l’hydre de la statue du duc d’Albe,

connotée par de multiples attributs, le peuple et la noblesse des Pays-Bas avaient en

revanche précisément reconnu leur image infamante59 : encore une fois, l’exemple négatif

de ce monument de triste mémoire servait d’enseignement.

21 Jouant du langage allégorique et de l’éloge pour construire l’image éloquente du parfait

capitaine, les estampes des frères Van Veen sont assurément les représentations les plus

ambitieuses d’Alexandre Farnèse réalisées de son vivant. Mais elles révèlent aussi le

nouveau visage du duc de Parme héros de la prise d’Anvers. Tirées d’un modèle peint sur

le vif par Otto Van Veen60, elles dessinent les caractères de sa physionomie qui

détermineront désormais, grâce à l’ample diffusion de ces planches, la définition de sa

ressemblance et l’identification de ses traits. Voici donc apparaître, au sein du large front

couronné d’une chevelure flamboyante, la tension prononcée du froncement des sourcils

qui souligne un regard perçant. L’expression sévère traduit la détermination de l’homme

de guerre et ce regard saisissant semble prolonger l’effet aveuglant du foudre et le

pouvoir pétrifiant de la tête de la Gorgone. Le médium graphique de la gravure se prête

tout particulièrement à cette construction expressive, permettant de creuser de façon

incisive la double ride verticale provoquée par la contraction des sourcils. Ce détail

semble avoir été à l’origine plus atténué dans le modèle du portrait peint sur le vif par

Otto Van Veen, connu uniquement par une réplique autographe en buste (Bruxelles,

musées royaux des Beaux-Arts) et dont Roger de Piles mentionne une version en pied61. Il

est en revanche précisé avec insistance dans une petite peinture sur cuivre, attribuée à

Otto Van Veen, qui développe avec des variantes le modèle de la gravure figurant le duc

de Parme comme nouvel Alexandre (Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art,

fig. 10).

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Fig. 10 : Otto van Veen, Alexandre Farnèse comme nouvel Alexandre, vers 1586, huile sur cuivre,20,32 × 12,7 cm. Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art.

Voir la notice de l’œuvre sur le site du Los Angeles County Museum of Art.

Domaine public

22 En fait, dans les portraits du duc de Parme réalisés entre 1586 et 1592, l’année de sa mort,

le front froncé n’est pas un trait indissociable de sa physionomie, mais une note

expressive propre aux représentations exaltant sa geste militaire et son rôle de defensor

fidei. Ces rides prononcées caractérisent ainsi le portrait dessiné et gravé par Jan Wierix

pour le frontispice du traité La quadratura del cerchio de Fabrizio Mordente, dédié au duc

de Parme et publié en 1591 par Philippe Galle à Anvers (fig. 11)62.

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Fig. 11 : Jan Wierix, Alexandre Farnèse, frontispice du traité sur la quadrature du cercle de FabrizioMordente, 1591, estampe. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes.

© Diane Bodart

23 Si, dans l’imposant édifice architectural, qui encadre l’image d’Alexandre Farnèse, deux

statues personnifiant la Géométrie et l’Arithmétique rappellent l’argument scientifique

du texte, le mythe de Persée et d’Andromède représenté dans la partie supérieure de la

planche célèbre en revanche les qualités du parfait capitaine. Le paysage marin, horizon

du drame ancien, se transforme en effet à l’arrière-plan en une vue fluviale du siège

d’Anvers, identifiable par le célèbre pont de barques sur l’Escaut. De même que Persée

délivra la princesse enchaînée de la menace du féroce monstre aquatique, le duc de Parme

a délivré Anvers de l’étreinte non moins redoutable de l’hydre de l’hérésie. Le jeu de

condensation s’opère encore une fois autour du bouclier / Parma pour signifier la force

invincible du héros moderne : Persée brandit, au lieu de l’habituelle tête de Gorgone, un

bouclier d’égal pouvoir frappé des armoiries d’Alexandre qui pétrifie, de ses puissants

rayons, la bête hideuse63. En revanche, dans les portraits d’apparat, peints pour les

besoins des cours de Bruxelles et de Parme, la tension du front s’estompe, même dans le

tableau s’ouvrant sur la vue du siège d’Anvers signé par Jean de Saive avant 1590 (Parme,

Galleria Nazionale, voir fig. 7)64. L’expression plus sereine est ici le fruit d’une

conformation de la représentation aux codes figuratifs du portrait de cour, répondant à la

fonction de ces œuvres destinées à célébrer davantage la souveraineté du duc de Parme

que ses vertus d’homme de guerre65.

24 La postérité allait toutefois retenir d’Alexandre Farnèse sa physionomie guerrière, qui

convenait davantage pour transmettre en image son immense renommée de parfait

capitaine. Les gravures qui, déjà de son vivant, avaient associé son visage à une

expression déterminée, jouèrent un rôle clé dans ce processus. Les estampes des frères

Les visages d’Alexandre Farnèse, de l’héritier du duché de Parme au défenseur...

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Van Veen s’imposèrent rapidement après la mort du duc de Parme comme le principal

modèle de référence : réduites au format de simple portrait en buste, privées de leur

apparat allégorique, elles connurent une immense diffusion, par d’innombrables

répliques et variantes, de la main de graveurs affirmés, tel Peter de Jode, ou plus souvent

anonymes, conçues comme planches séparées, incluses dans des séries d’estampes ou

illustrant des ouvrages historiques66. Pour répondre à la demande grandissante du

marché, suscitée par la célébrité du duc de Parme, d’autres portraits gravés virent

également le jour, tels que la planche anonyme incluse dans la réédition augmentée du

Novus… de Leone Belgico de Michel Eytzinger en 1596, ou les tailles-douces éditées par

Dominicus Custos, Crispijn de Passe et Harmen Jansz Muller vers 1600 (fig. 12)67.

Fig. 12 : Crispijn de Passe, Alexandre Farnèse, vers 1600, estampe, 27,7 × 20,4 cm. Rome, IstitutoNazionale per la Grafica.

Domaine public

25 Si l’agencement des traits caractéristiques du duc de Parme donne lieu à des solutions

morphologiques légèrement variables, son front est systématiquement marqué de rides

verticales, à l’intensité nuancée. Ainsi décontextualisée, l’expression faciale à l’origine

associée à la geste militaire d’Alexandre Farnèse, devient après sa mort un signe distinctif

permettant d’identifier ses traits. Elle apparaît également dans ses représentations

picturales posthumes. Dans le singulier Banquet des Habsbourg (Poznań, Narodowe

Muzeum, vers 1598-1599), célébration allégorique des noces des archiducs Albert et

Isabelle réunissant autour d’une même table trois générations de Habsbourg, servies par

l’ensemble des gouverneurs des Pays-Bas en fonction sous le règne de Philippe II,

Alexandre Farnèse est reconnaissable dans le personnage au large front profondément

froncé, apportant une confiserie emblématique au premier plan à gauche68. Et c’est cette

physionomie marquée par l’exercice militaire qui fut enfin retenue pour glorifier la figure

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du duc de Parme comme defensor fidei dans les statues de marbre et de bronze, dont il

avait prudemment laissé le soin à la postérité de juger s’il en méritait l’honneur.

Le nuage dans le front

26 Le masque guerrier d’Alexandre Farnèse, qui donnait à l’idéal du parfait capitaine un

visage et une identité, était d’autant plus éloquent qu’il portait en lui la figure du lion. Le

large front carré aux sourcils froncés dénotait en effet la physiognomonie léonine (fig. 13

), telle qu’elle avait été définie dans le traité Physiognomica anciennement attribué à

Aristote, et qui d’après Plutarque avait distingué les traits d’Alexandre le Grand69.

Fig. 13 : Physiognomonie léonine, dans Giambattista Della Porta, De Humane Physiognomonia, 1586.Paris, Bibliothèque Mazarine.

Domaine public

27 Les principes de la physiognomonie, cette science qui prétendait décrypter le caractère

des hommes par les ressemblances animales inscrites sur leur visage, avaient

profondément pénétré la culture de la Renaissance70. S’ils étaient rarement appliqués à la

lettre, on en retenait surtout l’équation entre la régularité des traits et la vertu, et entre

les difformités faciales et les vices. On en avait aussi déduit la possibilité de construire

l’expression d’un personnage social à partir d’une physionomie individuelle. Certaines

correspondances animales allaient connaître un vif succès et s’imposer comme une

référence linguistique commune, en particulier le nez aquilin et le front léonin. Or,

d’après les physiognomonistes, le froncement prononcé des sourcils qui caractérise ce

front léonin dessine une dépression, une cavité marquée d’une ombre évoquant un nuage,

sicut nubes ainsi que le suggérait déjà le pseudo-Aristote. Ce nuage est le siège de l’audace,

la plus flagrante des vertus guerrières, nécessaire à tout coup d’éclat qui, de par sa nature

Les visages d’Alexandre Farnèse, de l’héritier du duché de Parme au défenseur...

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impromptue, détermine souvent la victoire. Dans sa forme la plus accentuée, ce trait est

communément associé à l’éclat incontrôlé de la force, avec toutes ses nuances négatives

relatives à la violence, la férocité, la colère. Ainsi Hans Burgkmair, dans sa série des sept

péchés capitaux gravée sur bois en 1510, donne à la Colère l’aspect d’une redoutable figure

martiale à l’effrayant visage léonin, dont la contraction des sourcils est répétée par le

motif de la tête de lion ornant le casque, tandis qu’un lion rugissant enlace ses jambes71.

Le paragraphe consacré à la frons nubilosa par Giambattista Della Porta dans son célèbre

traité De humana physiognomonia, publié en 1586, est par conséquent illustré par le portrait

du plus effroyable tyran de l’époque médiévale, le Padouan Ezzelino da Romano72. Le

front nuageux n’était que l’un des éléments de la physiognomonie léonine, et le prince

capitaine se devait de le contrôler, d’en atténuer la cavité ombragée, en compensant son

audace, susceptible des pires excès, par les vertus complémentaires du lion, d’une part la

force et le courage, de l’autre la magnanimité et la clémence. Les talents guerriers étaient

ainsi tempérés par les qualités politiques. Les idées que diffusait l’ouvrage de Della Porta

étaient pour la plupart déjà largement sédimentées dans la culture de l’époque. « Il a la

terreur entre les sourcils » : l’Arétin s’était inspiré de ces principes pour décrire dès 1537

la ride profonde caractérisant le visage de Francesco Maria della Rovere, duc d’Urbin à la

glorieuse carrière militaire, dans son portrait peint par Titien (Florence, Uffizi,

1536-1538). Et il nuançait immédiatement l’appréciation en précisant que le prince avait

« le courage dans les yeux et la fierté dans le front, / dans l’espace duquel siègent

l’honneur et le conseil73 ».

28 Certes, le détail et la complexité des préceptes énoncés dans les traités rendaient la

lecture physiognomonique des visages en large partie arbitraire, et l’on procédait

volontiers à l’interprétation des traits des hommes illustres en fonction des éléments de

leur caractère qui avaient contribué à leur renommée74. Le duc d’Albe devait en faire

largement les frais. Les éléments identitaires de sa physionomie étaient déterminés d’une

part par sa très longue barbe, de l’autre par de profondes rides verticales qui avaient

marqué son front au cours de sa carrière militaire prolongée jusqu’à un âge vénérable.

Jacques Jonghelinck sut magnifier ces traits caractéristiques en creusant entre ses

sourcils une formidable expression léonine, faite de deux lignes circulaires en

parenthèses inversées, dans son buste de bronze encore conservé (New York, Frick

Collection)75, une dérivation sans doute proche de la statue anversoise de triste mémoire.

Ces rides, qui allaient connoter le visage du duc d’Albe dans toutes les gravures

posthumes, se multiplièrent au fil des reproductions des images, jusqu’à dessiner sur son

front des vagues sans cesse plus tourmentées. Dans le traité de physiognomonie de

Samuel Fuchs, Metoposcopia & ophtalmoscopia, publié à Strasbourg en 1615, ce front aussi

trouble qu’un nuage chargé d’orage devenait enfin l’emblème par excellence de la frons

nubilosa, pur signe d’audace, porteur dans ses tourbillons de tous les excès de violence et

de cruauté iniques (fig. 14)76.

Les visages d’Alexandre Farnèse, de l’héritier du duché de Parme au défenseur...

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Fig. 14 : Le duc d’Albe – “Frons nubilosa”, dans Samuel Fuchs, Metoposcopia & Ophtalmologia, 1615.Paris, Bibliothèque Mazarine.

Domaine public

29 Le portrait du duc d’Albe se substituait ainsi à l’image terrifiante d’Ezzelino da Romano

pour réactualiser la physionomie du tyran. Par comparaison, l’expression guerrière

d’Alexandre Farnèse apparaît bien plus modérée : les deux rides qui marquent son front,

dans les portraits réalisés de son vivant comme dans leurs dérivations posthumes, ne

dessinent que l’ombre d’un léger nuage, sans jamais noircir son visage d’une véritable

dépression orageuse. Dans cette mesure, il est possible de relever la reconnaissance de sa

bravoure guerrière, tempérée pas à pas par la « prudence civile » de ses qualités

politiques.

30 De son front léonin, aussi vaillant qu’avisé, le duc de Parme combattait pour la paix et le

respect de la religion dans les provinces du Leo Belgicus (fig. 15), de ce « Lion » dont il

était le « gouverneur au nom du roi Philippe », ainsi que le mentionne l’en-tête de chaque

page du chapitre consacré aux années de sa fonction dans l’ouvrage de Michel Eytzinger

consacré à l’histoire des Pays-Bas77. Simple coïncidence ?

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Fig. 15 : Frans Hogenberg, Leo Belgicus, dans Michel Eytzinger, De Leone Belgico, 1586, Rome,Biblioteca Nazionale Centrale.

Domaine public - Wikimedia

31 Elle est trop rare pour ne pas inspirer un commentaire. Au XVIe siècle, ce front léonin

avait déjà distingué les monuments publics de héros défenseurs des libertés civiques de

républiques dont l’emblème n’était autre qu’un lion78. Sur la place de la Seigneurie à

Florence, où une statue du Marzocco, le lion symbole de la ville, trônait devant le Palazzo

Vecchio, le colosse du David de Michel-Ange menaçait, depuis 1504, de son front froncé

tout possible ennemi extérieur. De même à Venise, le Neptune de Jacopo Sansovino, qui

veillait à l’entrée du Palais ducal en compagnie de Mars sur la Scala dei Giganti, où il avait

été érigé en 1567, intégrait dans la cavité de son front le nuage du lion de saint Marc, dont

les statues dominaient à l’entrée du palais sur la Porta della Carta ainsi qu’au faîte d’une

des colonnes sur la Piazzetta adjacente. Les Médicis s’approprièrent l’expression héroïque

évoquant l’animal tutélaire de Florence pour affirmer, dans un souci de continuité, la

restauration de leur pouvoir sur la ville. Les monuments qu’ils commandèrent pour la

place de la Seigneurie, l’Hercule et Cacus de Baccio Bandinelli et le Neptune de Bartolomeo

Ammannati, reprennent en leur visage la mimique léonine du David de Michel-Ange.

Benvenuto Cellini allait par ailleurs directement associer ce caractère léonin à l’image de

Cosme Ier, dans son buste en bronze (Florence, Bargello). Dans cette perspective, la

physionomie léonine attribuée à Alexandre Farnèse après sa victoire anversoise pourrait

suggérer une incorporation des dix-sept provinces léonines des Pays-Bas, telles que les

avait configurées dans sa célèbre carte Michel Eytzinger, non seulement en

reconnaissance de leurs vertus martiales, mais aussi parce que onze d’entre elles

portaient le lion dans leur blason. L’image héroïque du duc de Parme se dressait pour les

défendre d’un ennemi qui n’était plus extérieur, mais les menaçait en leur propre cœur :

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le sourd danger de l’hérésie qui mettait en péril leur unité politique ainsi que leur

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NOTES

1. « Principe, che come da popoli, co’ quali conversò, fu sempre amato, da stranieri riverito, da nemici

temuto, così sarà da’ posteri ammirato, e proposto per essempio di valore, e prudenza militare, a’ suoi

Romani antichi in nessuna parte inferiore. Ond’a ragione in Roma sù’l Campidoglio con la statua, ma più co’

i meriti, trionfa all’immortalità del suo nome » ; Totti 1635, p. 259 ; Roscio 1646, p. 342.

2. Si l’ editio princeps n’inclut pas la biographie d’Alexandre Farnèse, l’auteur, conscient des

lacunes de son ouvrage, explique dans sa préface qu’il a été pris de court par le temps et annonce

Les visages d’Alexandre Farnèse, de l’héritier du duché de Parme au défenseur...

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la publication prochaine d’un second volume ; Capriolo 1596. Parmi les rééditions, voir en

particulier Totti 1635 ; Roscio 1646.

3. Pour la définition de l’idéal du parfait capitaine au cours du XVIe siècle, voir Fantoni 2001a, et

plus particulièrement Fantoni 2001b, Frigo 2001; pour sa transposition en image, voir Bodart

(Diane) 2011b.

4. Totti 1635, p. 259 ; Roscio 1646, p. 342.

5. Capriolo 1596, p. 34vo, 52ro, 63ro, 66ro, 72vo, 103ro-vo. Pour ces monuments équestres et, plus en

général, pour la célébration statuaire des condottieri, voir entre autres Janson 1974, Erben 1996,

Oy-Marra 2001, p. 351-354, Lemée 2012, II, p. 180-184 et 322-326 (H. Ch. Lange). Pour les

vicissitudes de la statue en pied d’Andrea Doria et sa version définitive par Giovanni Angelo

Montorsoli, érigée en 1540 devant le Palazzo Pubblico de Gênes, voir Polleross 2001a.

6. Cette idée est explicitement développée au moment de l’érection de la statue, voir Sforza 1594.

« Romani antiquo more in Capitolio militarem statuam posuerunt », est-il précisé dans la brève

biographie qui accompagne le portrait gravé d’Alexandre Farnèse dans l’Atrium heroicum de

Dominique Custos ; Custos 1600.

7. Ainsi que le définissait l’épigraphe placée sur son catafalque le jour de ses funérailles

romaines. Pour l’organisation et le déroulement de ces cérémonies commémoratives, voir Bodart

(Didier) 1965.

8. D’après Cesare Magalotti, auteur d’une relation des funérailles, voir Bodart (Didier) 1965,

p. 124-125.

9. Selon la décision du conseil capitolin des 15 et 16 novembre 1593, voir Bodart (Didier) 1965,

p. 127-128, no 3. L’expression est reprise dans l’inscription sur le piédestal, Borboni 1661,

p. 293-298.

10. Seelig 1976, p. 170. La statue de Marcantonio Colonna est également citée dans les rééditions

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dans cette salle, voir Lemée 2012, II, p. 268-271 (F. Dölle), avec bibliographie.

11. Leuschner 1999 ; Narciso 2014.

12. L’entreprise de Mochi remplaçait un projet de Malosso qui prévoyait à l’origine d’ériger des

statues en pied des deux princes sur des colonnes honorifiques, celle d’Alexandre foulant l’hydre

de l’hérésie ; voir Ceschi Lavagetto 1986 ; Ceschi Lavagetto 1992 ; Gazzola 2013.

13. Sabbadini 2001 ; Nori 1978 ; Parma Armani 1982 ; Nappi 1993. Pour l’iconographie postérieure

d’Alexandre Farnèse, voir Nappi 1988.

14. Pour la construction de la ressemblance, voir Bodart 2011a, p. 93-144, avec bibliographie.

15. Voir entre autres Pommier 1998 ; Preimesberger, Baader et Suthor 1999.

16. Lomazzo 1844, II, p. 366-383 ; voir Bodart 2006a.

17. Kelly 1937, p. 391-392.

18. Fornari Schianchi 1998, p. 68, no 188. L’identification d’un portrait d’enfant, conservé à

l’ambassade d’Espagne de Paris, comme une œuvre de Girolamo Mazzola Bedoli figurant

Alexandre Farnèse vers 1555, n’est pas sans soulever des doutes, du fait des traits relativement

génériques de la physionomie et de l’absence de signes identitaires ; Kusche 2003, p. 212.

19. De cette œuvre, décrite par Vasari, on conserve un dessin préparatoire (New York, Morgan

Library) et un tableau (New York, Rosenberg & Stiebel) dont la qualité inégale n’a pas été sans

soulever des problèmes d’attribution ; Fornari Schianchi et Ferino-Pagden 2003, p. 226-227, no

2.2.23 ; Bodart 2011a, p. 56-60.

20. Fornari Schianchi 1998, p. 127-128, no 274 ; Woodall 2007, p. 393-397.

21. Bertini 2004.

22. Breuer-Hermann 1990.

23. Fornari Schianchi 1998, p. 128, no 275 ; Kusche 2003, p. 135-137 et 211-212.

24. Gregori 1994, p. 228-241 ; Kusche 2003, p. 135 et 209-212.

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Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles , Le promeneur de Versailles

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25. Bertini 1993, p. 54-55. Pour la collection de portraits de Marguerite d’Autriche, voir Pérez de

Tudela 2005.

26. Meijer 1988, p. 161-162 ; Smolderen 1996, p. 266-267, no 43. Alexandre Farnèse apparaît

également, mais imberbe, dans les dessins illustrant les cérémonies de ses noces à Bruxelles

(Varsovie, bibliothèque de l’Université) ; Bertini 1997a.

27. « Un altro [quadro] in tela senza cornice con il Pr.pe Alessandro in piedi, quando tornò di Spagna »,

cité dans l’inventaire du palais Farnèse à Rome en 1653 ; Bertini 1987, p. 207, no 3.

28. Un modeste portrait d’Alexandre, d’origine italienne, qui porte une inscription précisant son

nom, est conservé au Museo d’Arte Antigua de Lisbonne : la représentation au verso de l’héritier

Ranuccio en bas âge permet de le dater vers 1571 ; Bertini et Jordan Gschwend 1999, fig. 1, 3. En

revanche, la proposition de reconnaître dans un portrait anonyme de jeune homme, appartenant

au même musée, une représentation d’Alexandre datant de l’époque de ses fiançailles avec Marie

de Portugal demeure moins certaine ; Gregori 1994, p. 228-241 ; Kusche 2003, p. 212-213.

29. Boccia 1995, p. 458-470 pour les notices du catalogue ; Pinti 1997.

30. Lettre de Jacques-Annibal de Hohenems à l’archiduc Ferdinand II de Tyrol, « im Lager Meern

ain stund von Mastrich », du 11 janvier 1579 ; un sommaire détaillé de ce document non publié est

cité par Kenner 1893, p. 45-46, et p. CLXXVI-CLVII, no 10779, dans le registre des sources à la fin du

même volume, et commenté par Kelly 1937, p. 391-392.

31. Godoy et Leydi 2003, p. 478-482.

32. Kelly 1937, p. 396-397, no VIII ; Scheicher 1977, p. 128-129, no 337 ; Seipel 2002, p. 78-79, no 32.9.

33. D’après le récit de Paolo Rinaldi dans son Liber relationum, fo 251vo, cité par Van der Essen

1960, p. 225.

34. Paleotti 1961, p. 332-336.

35. La biographie du duc d’Albe par Giovanni Botero, présentée en opposition spéculaire à celle

d’Alexandre Farnèse, est à ce propos fort significative ; Botero 1607, p. 60-118. Pour l’historique

de la statue et de sa réception, voir Becker 1971 ; Smolderen 1971 ; Smolderen 1980 ; Hansel 1995 ;

Smolderen 1996, p. 117-144 ; Lemée 2012, II, p. 133-137 (T. Trussowa).

36. Parmi les descriptions les plus éloquentes en ce sens, voir Thou 1659, III, p. 323-325 ; Strada

1639, p. 342-342.

37. Smolderen 1971, p. 41-50.

38. Plus d’un siècle plus tard, elle est citée comme l’exemple par excellence du mauvais usage des

monuments dans le traité consacré par François Lemée à la statuaire publique ; Lemée 2012, I,

p. 157, 158, 228, 295, 457.

39. Van der Essen 1933-1937, II, p. 25-41.

40. Quondam 2003, p. 71-114.

41. Cité par Van der Essen 1933-1937, II, p. 29, no 21.

42. Lattuada 2014 ; Lattuada 2016.

43. Selon la définition donnée par Zabaleta 1972, p. 54-55 ; voir Bodart 2011, p. 319-320.

44. Mousset et De Jonge 2007, p. 375-376, no 34 ; Lattuada 2014, p. 24-29, nos 1-3.

45. Vannugli 1991; Vannugli 2013; Park 2014, p. 22-32.

46. Meijer 1988, p. 161-162 et 176-177 ; Smolderen 1996, p. 350-356, nos 97-99.

47. Campana 1595, p. 65.

48. Bertini 1997b, p. 278-279.

49. Eytzinger 1588, p. 388 ; Van Meteren 1623, p. 240vo ; Smolderen 1996, p. 149-151. La mémoire

de ce monument est conservée au revers de l’une des médailles d’Alexandre Farnèse réalisées par

Jacques Jonghelinck pour célébrer la prise d’Anvers ; Smolderen 1996, p. 350-351, no 97.

50. Hollstein 1949-2010, XXXII, p. 149, n o 18. Sur le topos de la représentation du souverain

comme Alexandre le Grand ou Hercule, qui connut une fortune particulière sous Louis XIV, voir

entre autres Sabatier 1999, p. 241-430 ; Sabatier 2000 ; Polleross 2001b.

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51. « Pictor Alexandro Magno dat fulmen Apelles, / Progeniem credi dum studet esse Iovis. / Nomine

Alexandro tu par, re maior es haec te, / Farnesi, fulmen, verius arma decent. / Ille sibi / imbelles Persas,

Indosque subegit, / Belgas tu, et Celtas, Martia corda, Deo. / Tollet ad astriferum / belli te fulmen

Olympum, / Relligio Parmae tegmine tuta tuae. »

52. Müller Hofstede 1962, p. 187-188.

53. Le parallèle entre les deux sièges est également proposé dans différentes versions des

médailles de Jonghelinck ; Smolderen 1996, p. 350-357, nos 97-99.

54. Ainsi que l’explique l’auteur dans la préface du Novus... de Leone Belgico ; Eytzinger 1588, p. 3.

Pour les différentes éditions de la carte et de l’ouvrage, dont l’editio princeps du premier volume

date de 1583, et celle du second en 1586, voir Van der Heijden 1990, p. 16-19 ; Nappi 1993,

p. 312-335.

55. « Relligio, Lex, Grex, treis, vos Farnesia Iesu Christi fulminea Parma tuetur ope. » Je tiens à remercier

Catherine Saliou qui a attiré mon attention sur le jeu de mots construit autour de « Parma ».

56. Hollstein 1949-2010, XXXII, p. 150, no 19.

57. Comme dans la gravure précédente, la signification de la composition est précisée par une

longue inscription : « CUR, ó ALEXANDER, tibi DUX PARMENSIS, at huius / Orbis & alterius dignior imperio ? /

HERCULIS armatur nodosa dextera CLAVA ? / HERCULEAS humerus sustinet EXVVIAS ? / HERCULEO nisu nostri

quia temporis, armis, / Intrepidique animi robore, monstra domo. / Cur PARMAM tibi laeva tenet ? (non

quamlibet ; at quae / Saxifica anguicomae Phorcidos gerit.) / SERPENTINA regens ANIMI PRUDENTIA ROBUR, /

Quâ sine nil ANIMI ROBUR, et ARMA valent, / INVIDIAMque, HOSTESq., meam ad lapidescere PARMAM, / Exsortes

animi, consiliique facit. / Quae tibi DUX INDEX, SUSTENTATRIXq. Cohaeret / Scandenti acclivem Nympha

animosa viam? / RELLIGIO humana est sine qua PRUDENTIA inanis, / Quâ sine nil ANIMI ROBUR, et ARMA

valent. / I bone VIRTUTIS tibi, post VIRTUTIS HONORIS, / Porta quibus gemini unica, TEMPLA patent. / PARMA

dabit PALMAM, poterunt quam sternere nullo / INVIDIA, IMPIETAS, VIS INIMICA, die. »

58. Le motif du bouclier à tête de Gorgone connut un remarquable succès au XVIe siècle,

notamment grâce à l’œuvre des armuriers milanais, et Charles Quint en conservait au moins un

exemplaire dans son armurerie ; Pyhrr et Godoy 1998, p. 177-179.

59. Smolderen 1971, p. 15-41.

60. La gravure figurant le duc de Parme comme nouvel Alexandre est signée « Otho et Gisbertus

Venii f.res finx. et f. », associant le travail de conception et de réalisation des deux frères. Celle le

présentant comme nouvel Hercule dissocie en revanche leurs tâches : « Otho Venius fingebat ping.

Gisbertus fr. sculp. ». La mention d’un modèle peint a été mise en relation avec une esquisse, peinte

à chiaroscuro à l’huile, qui présente un état préliminaire de la composition (Turin, Biblioteca

Reale) ; Sciolla 1974, p. 184, no 231. Entré au service d’Alexandre Farnèse comme peintre de cour

en 1585, Otto Van Veen avait sans doute réalisé un portrait sur le vif précédant ces estampes,

connu par des répliques autographes ; Meijer 1988, p. 177-178.

61. Piles 1715, p. 380. Pour le portrait en buste, voir Meijer 1988, p. 177-178 ; Rodríguez Salgado

1988, p. 129, no 7.3.

62. Mordente 1591 ; Hollstein 1949-2010, LXVIII (The Wierix Family. Part X), p. 50-51, no 2132. Ce

portrait est sans doute inspiré du même modèle qui servit à la représentation d’Alexandre

Farnèse dans la série de portraits miniatures célébrant l’union des maisons d’Aviz et Farnèse

(Parme, Galleria Nazionale), daté entre 1586 et 1591 ; Fornari Schianchi 1998, p. 205-210, no 368.

63. Le bouclier porte l’inscription suivante : « Tu ne cede malis / sed contra audentior ito. »

64. La Toison d’or 1962, p. 206, n o 165 ; Fornari Schianchi 1998, p. 128-139, no 276 ; Bertini et

Cadoppi 2006, p. 185-190.

65. La même distinction différencie le portrait militaire de Philippe II à Saint-Quentin, par

Anthonis Mor, des autres portraits de cour du roi ; voir Bodart 2006b, p. 289-292.

66. Voir par exemple Eremundus 1619, p. 265 ; Van Meteren 1623, fo 175vo ; Totti 1635, p. 257.

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67. Eytzinger 1596, p. 473vo-474ro. Custos réalisa une version en buste pour son recueil Atrium

heroicum et une en pied pour l’ouvrage illustrant l’ Armamentarium heroicum de l’archiduc

Ferdinand de Tyrol ; Custos 1600 ; Schrenk von Notzing 1601. Crispijn de Passe et Harmen Jansz

Muller donnèrent deux versions inversées du même modèle ; Hollstein 1949-2010, XV, p. 235, no

722 ; Luijten et Schukman 1999, p. 214-215, no 112.

68. Kusche 2003, p. 445-446 ; Bodart 2014. Voir aussi le portrait en buste conservé à Plaisance,

Musei di Palazzo Farnese ; Fiori 1999, p. 38.

69. Meller 1963, p. 58-59.

70. Gauricus 1969, p. 115-127 ; Baltrušaitis 1983 ; Courtine et Haroche 1994.

71. Bartsch 1980, p. 62, no 58-II ; Schade 2001, p. 338.

72. Della Porta 1586, p. 60.

73. Aretino 1960, p. 279-280, sonnet accompagnant la lettre à Veronica Gambara du 7 novembre

1537 ; Bolzoni 2008, p. 44-51 et 168-177.

74. Voir les exercices physiognomoniques entrepris par Paolo Giovio sur sa collection de

portraits d’hommes illustres ; Casini 2004, p. 144-147 ; Agosti 2008, p. 81-82.

75. Smolderen 1996, p. 147-148.

76. Fuchs 1615, p. 52.

77. « Alexandro Farnesio Leonem Philippi Regis nomine Gubernante » ; Eytzinger 1588, p. 259-426. Si la

même formule est adaptée aux noms des précédents gouverneurs des Pays-Bas dans les

précédents chapitres, il faut remarquer que presque la moitié de l’ouvrage est consacrée aux

années du gouvernement d’Alexandre Farnèse, présentées dans l’index des noms de personnes

comme une période correspondant à l’idée de « Pax ». En revanche, le duc d’Albe est associé à la

Guerre, Requesens à la Pauvreté et Don Juan d’Autriche au Deuil ; Eytzinger 1588, p. 5.

78. Meller 1963, p. 66-69.

RÉSUMÉS

La figure exemplaire d’Alexandre Farnèse, duc de Parme et de Plaisance, gouverneur des Pays-

Bas et général militaire de grand génie au service de Philippe II, fut célébrée après sa mort par

une série de monuments qui le glorifient comme défenseur de la foi catholique. Dans ces statues,

le visage du prince se distingue par un large front aux sourcils froncés, une chevelure

flamboyante, une fière moustache et une barbe pointue. L’étude s’attache à retracer la

construction de cette physionomie guerrière du vivant du prince. Mis à part les portraits de

jeunesse, quand il était héritier du duché de Parme puis otage politique à la cour de Philippe II,

l’essentiel des portraits d’Alexandre Farnèse se concentrent après 1585, date à laquelle il prit

avec éclat Anvers, devint duc de Parme et reçut officiellement le collier de la Toison d’or. Après

les excès de représentation commis par le duc d’Albe, qui s’était lui-même glorifié d’une statue,

Alexandre Farnèse fit preuve d’une grande prudence et attendit d’avoir accompli un exploit

suffisamment digne pour diffuser son image triomphale de foudre de guerre et défenseur de la

foi. C’est à ce moment qu’apparaît en ses portraits ce caractéristique front froncé, porteur du

nuage propre à la physiognomonie léonine, tel un masque de guerre qui n’est pas sans évoquer le

Leo Belgicus, la cartographie léonine des dix-sept provinces des Pays-Bas.

The exemplary figure of c, Duke of Parma and Piacenza, governor of the Low Countries and

among the most brilliant generals in the service of Philip II, was celebrated after his death with a

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series of monuments that glorified him as defender of the Catholic faith. In these statues the face

of the prince presents a characteristic broad forehead with frowning brows, flamboyant hair, a

proud moustache and a pointed beard. The study attempts to trace the construction of this

warlike physiognomy during the lifetime of the prince. Apart from the portraits of his youth,

when he was heir to the Duchy of Parma and political hostage at the court of Philip II, most of the

portraits of Alessandro Farnese are dated after 1585. In that year he famously took the city of

Antwerp, became Duke of Parma and received the collar of the Golden Fleece. After the excess of

representation committed by the Duke of Alba, who arrogantly erected a statue to himself,

Alessandro Farnese acted with great prudence and waited for an accomplishment sufficiently

worthy to diffuse his triumphant image. At this exact moment, the particular frowned forehead

appears in his portraits: the tension between the brows creates the shadow of a cloud,

characteristic of the leonine physiognomy, a mask of war that suggests a parallel with Leo Belgicus

, the leonine mapping of the seventeen provinces of the Low Countries.

INDEX

Mots-clés : Alexandre Farnèse, Philippe II d’Espagne, Pays-Bas, portrait officiel, représentation,

glorification

Keywords : Philippe II, Philip II of Spain, the Low Countries, official portrait, representation,

glorification

AUTEUR

DIANE H. BODART

Diane H. Bodart, docteur en histoire de l’art (Paris, École des hautes études en sciences sociales,

2003), maître de conférences à l’université de Poitiers, est actuellement David Rosand Assistant

Professor of Italian Renaissance Art History à Columbia University. Auteur de Tiziano e Federico II

Gonzaga (Rome, Bulzoni, 1998) et de Pouvoirs du portrait sous les Habsbourg d’Espagne (Paris, Comité

des travaux historiques et scientifiques / Institut national d’histoire de l’art, 2011), elle a publié

de nombreuses études sur la représentation du pouvoir et sur les relations entre art et politique.

Diane H. Bodart (PhD, EHESS, Paris, 2003), assistant professor, Université de Poitiers, is currently

David Rosand Assistant Professor of Italian Renaissance Art History at Columbia University. The

author of Tiziano e Federico II Gonzaga (Rome, Bulzoni, 1998) and Pouvoirs du portrait sous les

Habsbourg d’Espagne (Paris, CTHS-INHA, 2011), she has published several essays on the

representation of power and the relation between art and politics. [email protected]

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