byzance face à l_islam arabe, viie-xe siècle d_un droit territorial à l_identité par la foi

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Byzance Face à L_Islam Arabe, VIIe-Xe Siècle D_un Droit Territorial à L_identité Par La Foiبيزنطة في مواجهة الاسلام

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    Byzance face l'Islam arabe, VIIe-Xe sicle: D'un droit territorial l'identit par la foi Author(s): Youval Rotman Source: Annales. Histoire, Sciences Sociales, 60e Anne, No. 4 (Jul. - Aug., 2005), pp. 767-788Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/27587647Accessed: 01-07-2015 15:42 UTC

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  • Byzance face ? l'Islam arabe, vue-xe si?cle D'un droit territorial ? l'identit? par la foi

    Youval Rotman

    Au vne si?cle, la carte g?opolitique de l'Empire byzantin change radicalement. Bien

    que Heraklios r?ussisse ? regagner toutes les provinces orientales conquises par l'Empire sassanide au d?but du si?cle, cette victoire s'av?re ?ph?m?re avec l'arri

    v?e des Arabes et la conqu?te, d?finitive cette fois, de la Palestine, la Syrie, l'Egypte, la M?sopotamie et finalement, au tournant du si?cle, de l'Afrique. Byzance se trouve au d?but du VIIIe si?cle r?duite ? un tiers de son territoire et doit ainsi s'adapter ? un nouvel adversaire politique qui le mena?ait d'une d?faite totale

    - une ?ventua lit? tr?s r?elle, comme le montrent les si?ges arabes de Constantinople. Certes, apr?s cette p?riode, Byzance n'est plus confront?e ? une menace arabe qui mette en jeu son existence, m?me si les guerres entre les deux Etats ne cessent pas et

    marquent ainsi la sc?ne g?opolitique orientale tout au long de l'?poque consid?r?e. Dans cette ?tude, nous voudrions examiner les effets de cette nouvelle r?alit?

    politique sur les populations byzantines, que les sources internes tendent souvent ? pr?senter comme des victimes abandonn?es ? la menace des Arabes, passant sous silence les actions de l'Etat byzantin. Or, il importe d'envisager le rapport entre l'individu et l'Etat en la mati?re. Aujourd'hui, on parlerait de citoyennet?,

    mais, depuis le IIIe si?cle, ce terme n'a plus le sens qu'il recouvrait auparavant. La

    Constitutio Antoniniana promulgu?e par Caracalla, qui accorda la citoyennet? romaine ? tous les habitants libres de l'Empire, ne les constituait pas comme Romains,

    mais, bien au contraire, d?pouilla le terme de ? Romains ? de tout sens politique1.

    1 - Adrian Nicholas Sherwin-White, The Roman citizenship, Oxford, The Clarendon

    Press, 1939.

    Annales H SS, juillet-ao?t 2005, nQ4,pp. 767-788.

    767

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  • YOUVAL ROTMAN

    Et peut-on parler de ? citoyennet? ? dans les soci?t?s m?di?vales ? Quoi qu'il en soit, nous voudrions montrer comment le rapport entre l'Etat et ses sujets change dans le monde byzantin ? cause de l'arriv?e d'un nouvel adversaire : l'islam arabe. L'?tude des captifs, des r?fugi?s et des prisonniers de guerre offre la possibilit? d'examiner ce changement. Dans ce cas, le rapport entre l'individu et l'Etat est

    particulier, parce que l'individu sort des limites de son Etat et passe sous l'autorit? de l'adversaire politique. En fait, pour qui cherche ? mettre en relief les change

    ments de l'Empire byzantin face ? l'islam, les ?changes de prisonniers de guerre constituent un th?me id?al. Et cela parce qu'il s'agit d'une innovation diploma tique de Byzance, et que cet usage fonde le sentiment d'une responsabilit? de l'?tat envers l'individu.

    L'?volution du statut du captif Si les ?changes des prisonniers de guerre ?taient habituels dans le monde grec antique, ils sont compl?tement inconnus de la civilisation romaine2. L'usage est r?introduit pour la premi?re fois sur la sc?ne m?di?vale en 769, lorsque les Byzan tins et les Arabes ?changent leurs prisonniers, inaugurant le premier d'une s?rie

    d'?changes entre les deux Etats destin?e ? se poursuivre jusqu'au Xe si?cle. Ce sujet, qui a peu attir? l'attention3, soul?ve trois questions: pourquoi l'?change des prisonniers de guerre est-il absent du monde romain ? Comment cet usage s'imposa-t-il sur la sc?ne byzantine ? Et, enfin, pourquoi s'interrompt-il au Xe si?cle ?

    Nous reviendrons plus loin sur ce dernier point. En ce qui concerne les deux

    premi?res questions, on ne peut expliquer l'une sans r?pondre ? l'autre, et toutes deux ont une seule et m?me raison : le passage de l'?poque romaine ? l'?poque byzantine voit un changement dans la d?finition du statut de prisonnier.

    Par prisonniers de guerre, on entend ? la fois ceux qui ont ?t? pris ? l'ennemi et ceux qui ont ?t? pris par lui. Mais cette distinction est, en fait, moderne. Elle n'existait pas ? l'?poque romaine classique puis imp?riale : la loi romaine attribuait aux uns comme aux autres le statut d'esclave4. Le citoyen romain qui sortait de

    2 - Pierre Ducrey, Guerre et guerriers dans la Gr?ce antique, Paris, Payot, 1985. Pour des

    exceptions o? les Romains exigent la restitution de leurs prisonniers, voir Ibid., p. 242.

    Jerzy Kolendo, ? Les Romains prisonniers de guerre des Barbares aux Ier et IIe si?cles ?, Index. Quaderni camerti di studi romanistici. International survey of Roman law, 15, 1987, pp. 227-234. 3 - Les deux ?tudes fondamentales ? ce sujet sont : Maria Campagnolo-Pothitou, ? Les ?changes de prisonniers entre Byzance et l'Islam aux IXe et Xe si?cles ?, Journal

    of Oriental and African studies, 7, 1995, pp. 1-55; Athina Kolia-Dermitzaki, ?Some remarks on the fate of prisoners of war in Byzantium (9th-10th centuries) ?, in G. Cipollone (dir.), La liberazione dei captivi tra cristianit? e islam. Oltre la crociata e il Ghi?d: tolleranza e servizio umanitario. Atti del Congresso interdisciplinare di studi storici (Roma, 16-19 setiembre 1998), Cit? du Vatican, Archivo Segreto Vaticano, 2000, pp. 583-620. 4 - Institutiones Justiniani [Inst. Just.], I, 3. Le sujet du statut des Romains captur?s est largement abord? par William Warwick Buckland, The Roman law of slavery, Cambridge, Cambridge University Press, [1908] 1970, pp. 291-317. Voir aussi Max K?ser, Das r?mische Privatrecht, Munich, Beck, 1971-1975, vol. 1, pp. 290-291. 768

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  • FACE ? L'ISLAM

    l'Empire sortait aussi des bornes de la loi romaine. C'est seulement par le d?velop pement du tuspostliminii qu'il conservait son statut de ? Romain ? dans les limites de l'Empire m?me s'il les avait franchies5. Cette institution r?glait le cas des citoyens romains qui n'?taient pas de facto sous la potestas de l'Etat romain en d?terminant que celui-ci leur garantissait la conservation de leur statut. En ce qui concerne les prisonniers de guerre, l'Etat qui les capturait avait, selon le droit romain, h potestas sur eux; c'est pourquoi le statut d'esclave leur ?tait attribu?6.

    La qualit? de citoyen romain ?tait ainsi d?finie selon un raisonnement politique international qui reconnaissait ? chaque Etat sa propre potestas, d?sign?e par le terme tus gentium

    - le droit des peuples. La loi romaine ?tait ainsi circonscrite aux bornes de l'Empire. La potestas d'un citoyen sur ses propres biens, sa famille et son corps lui venait de la potestas de la loi romaine. Une fois sous la potestas d'un autre tus civile, le statut que lui avait assign? la potestas de l'Etat romain n'?tait plus en

    vigueur7. Ces d?finitions juridiques valent aussi dans le cas du captif romain. Le

    fait que des ?changes de prisonniers ne soient pas mentionn?s par les historiens romains n'est pas suffisant pour prouver leur absence. Les sp?cialistes du droit romain qui traitent du iuspostliminii mentionnent deux cas c?l?bres : celui d'Attilius

    Regulus et celui des captifs romains d'Hannibal ? Canne8. Le premier ?tait un

    captif romain que les Carthaginois envoy?rent ? Rome proposer une tr?ve. Les Romains refus?rent les conditions et renvoy?rent Attilius Regulus ? Carthage, o? il fut ex?cut?. Dans le cas des captifs de Cannes, les Romains se refus?rent ? leur rachat, dont les Carthaginois leur offraient la possibilit?. Ces deux exemples, qui s'accordent avec la perspective du droit romain, demeurent isol?s. Ils r?v?lent

    cependant un motif moral: la d?faite est per?ue comme honteuse9. Un soldat romain prisonnier de guerre n'a pas combattu jusqu'? la mort, il a pr?f?r? la vie ? la libert?. Du point de vue romain, il a aussi pr?f?r? sa vie ? la libert? de son Etat10.

    S-Digeste [Dig.], XLIX, 15. Maria Floriana Cursi, La struttura del ? Postliminium ? nella repubblica e nelprinc?pato, Naples, Jovene, 1996; Alberto Maffi, Ricerche sut post liminium, Milan, Giuffr?, 1992 ; M. K?ser, Das r?mische Privatrecht, op. cit., vol. 1, p. 291, vol. 2, pp. 129-130. 6 - D?fini ainsi par le ? Droit des peuples ? : Inst. Just., I, 3. Dig., I, 5, 4. Voir supra, n. 4. 7 - Dig., XXVIII, 1, 12

    - ? servus h?res scriptus ab eo, qui in hostium potestate decesserit, liber et h?res erit ?. Voil? en un mot l'explication de la raison pour laquelle un Romain

    captur? par l'ennemi est consid?r? comme esclave : ?tant dans la potestas de l'ennemi, il n'a plus sa propre potestas. Or, selon cette loi du IIIe si?cle, un esclave h?ritier d'une

    personne qui meurt sous la potestas de l'ennemi peut exercer ce droit d'h?ritage si cette personne avait fait son testament auparavant. 8 - M. F. Cursi, La struttura..., op. cit. ; A. Maffi, Ricerche sulpostliminium, op. cit. ; Luigi

    Amirante, Prigionia di guerra. Riscatto e postliminium, Naples, Jovene, 1969-1970 ; Ernst

    Levy, ?Captivus redemptus?, Classical philology, 38/3, 1943, pp. 159-176.

    9 - Les juristes romains le disent explicitement en expliquant pourquoi les armes, contrairement aux chevaux, ne sont pas restitu?es par le tus postliminii {Dig., XLIX, 15, 2). 10-En suivant PIERRE Dockes, La lib?ration m?di?vale, Paris, Flammarion, 1979,

    pp. 10-14. 769

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  • YOUVAL ROTMAN

    La redemptio abhostibus - le rachat ? l'ennemi - existe toutefois dans le monde

    romain, mais presque exclusivement en tant qu'acte priv?11. Ainsi, Dion Cassius raconte comment les Romains captur?s par les Germains furent rachet?s par leurs familles - sans pour autant ?tre autoris?s ? entrer en territoire romain12. En fait,

    un Romain captur? par l'ennemi ?tant consid?r? comme esclave, il perdait tous ses droits de personne libre dans l'Empire. Son mariage ?tait annul? et sa capacit? de disposer de ses biens suspendue13. S'il revenait dans l'Empire, son statut d'ori

    gine lui ?tait restitu? par le iuspostliminii dans sa version du IIIe si?cle. Mais s'il ?tait rachet? par un autre Romain et rentrait dans l'Empire en tant que marchandise, il ne pouvait b?n?ficier du ius postliminii avant de rembourser son acheteur14. Puis

    qu'il n'avait pas la possibilit? de vendre ses biens, il ne lui restait plus qu'une seule option pour regagner son statut d'homme libre, ?tre rachet? ? nouveau, par un membre de sa famille15. L'unit? qui pr?serve le statut de l'individu est donc la famille paternelle (et non le mariage). Ce n'est pas non plus l'Etat. Ammien Marcellin relate bien la demande adress?e par Julien l'Apostat aux Alamans en 359 de resti tuer les soldats romains captur?s ? la guerre, mais cette mention d'un acte public demeure isol?e16. ? la m?me ?poque, le rachat des captifs prend un sens nouveau : la ran?on comme acte de charit?, changement qui, au cours des ive-vie si?cles,

    accompagne le d?veloppement de l'identit? religieuse de l'individu. Ce nouveau sens surgit pour la premi?re fois, comme l'a fait remarquer William Klingshirn,

    11 - E. Levy, ? Captivus redemptus ?, art. cit. ; Maria Virginia Sanna, Nuove ricerche in tema dipostliminium e redemptio ab hostibus, Cagliari, Edizioni AV, ? Biblioteca di studi e

    ricerche di diritto romano e di storia del diritto ?, 2001. 12 - Dion Cassius, LVI, 22, 4 (en suivant J. Kolendo, ? Les Romains prisonniers... ?, art. cit., p. 228). Voir aussi une inscription, probablement du Ier si?cle apr?s J.-C, Supple

    mentum Epigraphicum Graecum [SEG], XXXIX, 1711) qui mentionne un rachat d'une femme captive par son fr?re trente-huit ans apr?s sa capture (Peter Van Minnen, ? Prisoners of war and hostages in Graeco-Roman Egypt ?, Journal of juristic papyrology,

    30, 2000, pp. 155-163). 13

    -Supra, n. 4., Dig, XLIX, 15, 12, 4 et 15, 8. 14 - E. Levy, ?Captivus redemptus?, art. cit. ; L. Amirante, Prigionia di guerra..., op.

    cit. ; A. Maffi, Ricerche sul postliminium, op. cit. ; M. F. CURSI, La struttura..., op. cit. ; Rosa

    Mentxaka, ? Sobre la existencia di un iuspignoris del redentor sobre el cautivo redimido en el derecho romano clasico ?, Revue internationale des droits de TAntiquit?, 3e s?rie, vol. 32,

    1985, pp. 273-337; W. W. Buckland, The Roman law of slavery, op. cit., pp. 304-317 et

    597; M. K?ser, Das r?mische Privatrecht, op. cit., vol. 1, p. 291, et vol. 2, pp. 129-130. 15 -Voir note pr?c?dente, surtout l'article de Rosa Mentxaka. Voir aussi le cas relat? au

    Ve si?cle par l'historien Malchus ? propos du strat?ge Heraklios, captur? par les Goths.

    L'empereur Zenon se propose de le racheter aux Goths, mais demande l'argent ? la

    famille d'Heraklios afin qu'il ne soit pas achet? par quelqu'un d'autre et consid?r? ainsi comme esclave. Malchus, fragment 6.2 (Roger C. Blockley (?d.), The fragmentary classicising historians of the Later Roman Empire. Eunapius, Olympiodorus, Priscus and Malchus, 2 vol., Liverpool, Cairns, 1981-1983); fragment 4 (?dit? dans Lia Raffaella Cresci,

    Maleo di Filadelfia Frammenti, Naples, Bibliopolis, 1982, p. 77). 16 - Ammien Marcellin, XVIII, 2 ; Zosimos, III, 4. Les Quades restituent pourtant une

    partie de leurs captifs romains (Dion Cassius, LXXII, 13, supra, n. 2). 770

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  • FACE ? L'ISLAM

    dans les ?crits de Cyprien, au milieu du IIIe si?cle17. L'id?e est d?velopp?e par Ambroise de Milan ? la fin du IVe si?cle dans son De officiis. Ambroise pr?sente le rachat des chr?tiens aux Barbares comme un devoir religieux de l'Eglise qui, afin de le financer, doit briser et fondre des vases d'or, ? condition qu'ils ne soient pas liturgiques18. Ce devoir revient ? l'?v?que en tant que responsable de la propri?t?

    de son Eglise. Le texte d'Ambroise trouve un ?cho dans la l?gislation imp?riale : une constitution d'Honorius, dat?e de 409, autorise le Romain captur? et rachet? par autrui ? se racheter ? ce dernier. S'il n'en a pas les moyens, il doit travailler

    pendant cinq ans afin de regagner sa libert?19. Le fait que Honorius mentionne les ?v?ques avec les curiales comme les responsables de l'application de la nouvelle constitution renvoie aux consignes d'Ambroise. Ainsi, appara?t une responsabilit? conditionn?e par la religion de l'individu, ce dernier ?tant d?fini comme membre d'une communaut? chr?tienne. Autrement dit, ce sont uniquement les chr?tiens

    qui sont rachet?s par l'?glise. Bien que le christianisme f?t ? cette ?poque la

    religion de l'Empire, cette responsabilit? n'incombait pas ? l'?tat, mais demeurait dans le domaine priv?20. Comme le montre W. Klingshirn pour Arles21, elle est utilis?e par les ?v?ques pour accro?tre leur propri?t? et leur influence.

    Au VIe si?cle, la l?gislation de Justinien favorisa cette nouvelle responsabilit? episcopate envers les chr?tiens captur?s par l'ennemi. Il s'agit de deux Novelles : la premi?re, de 544, autorise l'?glise ? vendre des terres inali?nables pour racheter des captives ; la seconde, de 545, d?l?gue ? l'?v?que la responsabilit? du rachat

    pr?vu dans le testament d'un membre de sa communaut?22. Les papyri de la m?me ?poque t?moignent de cette derni?re pratique. Ainsi un Flau?os Theod?ros consacre-t-il par voie testamentaire une partie de sa propri?t? au rachat des captifs chr?tiens23. Un autre cas est relat? par Procope, o? l'on voit l'?v?que Kandidos

    organiser le rachat de douze mille habitants de Soura24. L'?tat romain ne se consi d?rait donc pas ? cette ?poque comme le responsable des captifs pris aux mains de l'ennemi ; il pr?f?rait d?l?guer cette responsabilit? aux ?v?ques. Par ailleurs, la

    l?gislation de Justinien introduisit un changement dans le statut du captif, en abolissant l'annulation de son mariage25. Cette d?marche ?tait, en fait, le r?sultat de l'institutionnalisation du mariage chr?tien. Contrairement au mariage romain, le mariage chr?tien, indissoluble par d?finition (sauf dans certains cas), obligeait

    17-William Klingshirn, ?Charity and power: Caesarius of Aries and the ransoming of captives in sub-Roman Gaul ?, Journal of Roman studies [JRS], 75, 1985, pp. 183-203. 18 - Ambroise, De officiis, II, XV, 70-71 et XXVIII, 136-143. 19 - Codex Theodosiannus, V, 7, 2 ; Codex Justiniani, VIII, 50, 20. Voir L. Amirante, Prigio

    nia di guerra..., op. cit., p. 253 sqq. 20 - P. Van Minnen, ? Prisoners of war... ?, art. cit.

    21 -W. Klingshirn, ? Charity and power... ?, art. cit.

    22 - Novellae Justiniani [Nov. Just.], 120, 9; 131, 11. 23 - Jean Masp?RO, Papyrus grecs d'?poque byzantine. Catalogue g?n?ral des antiquit?s ?gyp tiennes du mus?e du Caire, Le Caire, Institut fran?ais d'arch?ologie orientale, 1916, III, 67312. 24 - Procope, De bello p?rsico, II, 5.

    25 - Nov. Just., 22, 7. 77J_

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  • YOUVAL ROTMAN

    au maintien du statut libre d'un des deux ?poux m?me s'il ?tait r?duit en esclavage ? la suite d'une guerre. Ainsi, la qualit? chr?tienne du captif l'autorise ? conserver son statut matrimonial et sa position de membre de la communaut? religieuse.

    Mais le rachat ne devient pas pour autant un acte public effectu? par l'?tat. Cela se produit pour la premi?re fois avec l'arriv?e des Arabes sur la sc?ne politique byzantine.

    Jusqu'au VIIe si?cle, l'adversaire principal des Romains est l'Empire sassa nide. Les r?gions orientales de l'Empire romain sont souvent ?prouv?es par la

    guerre et les civils conquis par l'adversaire. Cette situation entra?ne l'?vacuation de villes et de r?gions, parfois aussi la captivit?. Dans un article consacr? aux captifs romains, Samuel Lieu montre que ceux-ci n'?taient pas r?duits en esclavage par les Perses, mais qu'ils se voyaient plut?t utilis?s dans leurs projets de d?placements de population26. Les Perses am?nent par exemple les habitants d'Antioche dans

    l'arri?re-pays perse pour cr?er ? une nouvelle Antioche ?27. Dans le cas mentionn?

    plus haut du rachat des habitants chr?tiens de Soura, l'initiative revint ? Chosroes

    qui n'avait pas l'emploi de ses captifs28. Ainsi, si l'usage d'un rachat public ne se

    d?veloppa pas chez les Romains, c'est que les Perses ne r?duisaient pas leurs

    captifs en esclavage. Cette situation changea quand les Arabes remplac?rent les Perses comme adversaire principal de Byzance.

    Contrairement aux Perses, la r?duction en esclavage des prisonniers de guerre est la r?gle g?n?rale dans le monde arabe. Tandis que les habitants chr?tiens et

    juifs des r?gions conquises par les Arabes au VIIe si?cle deviennent dhimmf-s, le destin des captifs de guerre est diff?rent : ils sont r?duits en esclavage et vendus.

    Toutefois, aucun ?change n'est mentionn? pendant cette p?riode. ? partir du

    premier ?change de 769, qui a lieu sous le r?gne de Constantin V (741-775)29, plus de vingt op?rations de cette nature sont conduites, qui marquent l'activit?

    diplomatique arabo-byzantine entre le VIIIe et le Xe si?cle. Or, ? cette ?poque, un autre changement se produit quant au statut du captif. \JEkloga, publi?e en 741 par L?on III et Constantin V, d?clare qu'une personne libre, captur?e ? la guerre, rachet?e et par la suite r?introduite dans l'Empire comme marchandise, ne sera

    plus consid?r?e comme esclave et ne perdra pas son statut d'homme libre30; elle devait toutefois rembourser son acheteur si elle en avait les moyens. Dans le cas

    26 - Samuel Lieu, ? Captives, refugees and exiles: A study of cross-frontier civilian movements and contacts between Rome and Persia from Valerian to Jovian ?, in P. Freeman et D. Kennedy (dir.), The defence of the Roman and Byzantine East, Oxford, British Archaeological Reports [BAR], 1986, vol. 2, pp. 475-505. 27-Procope, De bello p?rsico, II, 14.

    28-Ibid., II, 5.

    29 - Pour la liste des ?changes voir Arnold Joseph Toynbee, Constantine Porphyrogenitus and his world, Oxford, Oxford University Press, 1973, pp. 390-393, compl?t?e par A. Kolia-Dermitzaki, ? Some remarks... ?, art. cit., pp. 614-620. 30

    -Ekloga, 8, 2. Sur la datation de YEkloga, voir Ludwig Burgmann (?d.), ?cloga. Das Gesetzbuch Leons III. und Konstantinos

    '

    V., Francfort, Lowenklau-Gesellschaft, 1983, pp. 10-12; Nicolaas Van der Wal et Jan H. A. Lokin, Historiae iuris Graeco-Romani delineatio. Les sources du droit byzantin de 300 ? 1453, Groningue, Forsten, 1985, p. 72.

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  • FACE A L'ISLAM

    contraire, elle devait travailler chez lui jusqu'? l'accumulation de la somme n?ces saire, qui n'?tait pas le prix de l'achat, mais celui qui aurait ?t? fix? par les ? auditeurs ?. En d'autres termes, la loi byzantine ne reconnaissait plus la r?duc

    tion en esclavage d'un Byzantin de statut libre par un autre ?tat. Cette l?gislation semble ?tre la continuation de la Novelle de Justinien, qui maintenait le mariage pour le Byzantin en captivit?. Pour ce qui est du statut du prisonnier, cette l?gis lation ouvrait la voie ? son rachat public. Concernant les captifs pris ? l'ennemi, la ? loi militaire ?, un recueil de r?gles de discipline militaire qui remonte ? l'?poque de YEkloga, montre un changement dans leur situation31. La deuxi?me version de cette collection, ?dit?e par E. Korzenszky, contient un paragraphe qui traite du butin : les captifs ne sont pas consid?r?s comme tel, et le strat?ge a l'obligation soit de les garder avec lui, soit de les amener ? l'empereur pour un ?change poten tiel des prisonniers de guerre32. Ce processus juridique remonte au IVe si?cle, soit au moment o? l'individu devient le membre d'une communaut? religieuse. La notion nouvelle de communaut? ?tablit la responsabilit? de celle-ci, qui se mani feste par le devoir de racheter tout captif ? l'ennemi barbare, donc non chr?tien.

    Au VIIIe si?cle, cette responsabilit? devient celle de son ?tat, qui semble avoir

    d?velopp? une identit? fond?e sur la communaut? religieuse. Or, la d?finition de

    l'Empire comme communaut? religieuse n'est pas une id?e qui allait de soi.

    Le d?veloppement de l'identit? religieuse de l'?tat

    Fid?P est le terme arabe qui d?signe la ran?on des captifs. Elle peut ?tre effectu?e soit par ?change de captifs, soit par rachat. Le mot n'est pas utilis? dans le Coran

    pour les musulmans captur?s par l'ennemi, mais pour les prisonniers faits par les musulmans (XLVII, 4-7)33. Le Coran sugg?re une attitude mod?r?e envers les cap tifs, en recommandant de ne pas les tuer. En ce qui concerne les captifs musulmans, le Coran ne dit rien, peut-?tre parce qu'il n'y ?tait pas pr?vu que des musul

    mans pussent ?tre captur?s. En fait, contrairement ? la loi romaine, la loi musulmane ne reconna?t pas la r?duction en esclavage d'un musulman de statut

    libre (par force ou par volont?)34. Contrairement ? la loi romaine, le statut du

    31 -La tradition manuscrite lie cette collection ? VEklogaprivata (le manuel l?gislatif de L?on III). 32 - Leges militares (version B), 48, in Zepos, Jus Graecoromanum, vol. 2, p. 89. Ce recueil peut donc ?tre dat? d'une ?poque o? l'?change des prisonniers de guerre commence

    ? ?tre une pratique consacr?e (voir Pietro Verri, Le leggi penali militari delTimpero bizantino nelTalto medioevo, Rome, Tipograf?a d?lia Scuola ufficiali carabinieri, 1978,

    p. 13 sqq.) ; N. Van der Wal et J. H. A. Lokin, Historiae iuris Graeco-Romani..., op. cit., pp. 73-74. 33 - Roudha Guemara, ? La lib?ration et le rachat des captifs. Une lecture musul

    mane?, in G. Cipollone (dir.), La liberazione dei ? captivi ?..., op. cit., pp. 333-344; M. Campagnolo-Paothitou, ? Les ?changes de prisonniers... ?, art. cit., pp. 8-10; Coran,

    sourate XLVII, 4-10. 34 - Selon \cfikh, la jurisprudence arabe : voir Robert Brunschvig, ? 'Abd ?, Encyclop? die de rislam, vol. 1, 1960, p. 27.

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  • YOUVAL ROTMAN

    musulman libre ne d?pend pas de sa r?sidence en terre d'islam. Il appartient ?

    Vumma, l'ensemble des musulmans, par sa religion. L'islam d?veloppe ainsi une nouvelle conception de la communaut? religieuse qui englobe tous les croyants35. Or, ce d?veloppement se produit ? la m?me ?poque que l'organisation de l'islam en tant qu'entit? politique, comme on peut le remarquer dans la ? Constitution de

    M?dine ?, r?dig?e par Mahomet ? M?dine, qui d?crit le trait? entre les tribus qui allaient composer le noyau du futur Etat islamique. Il nous est parvenu dans deux

    versions, dont la plus ancienne se trouve dans le S?ra d'Ibn Ish?k (premi?re moiti? du VIIIe si?cle)36. D'apr?s Robert Serjeant, le texte donn? par Ibn Ish?k est compos? de huit documents distincts. Le premier (appel? ? A ? par R. Serjeant) commence avec la d?finition de Vumma : ? Par le nom de Dieu le tr?s-mis?ricordieux, le tout

    mis?ricordieux. Voici ce qu'a prescrit le Proph?te Muhammad aux mu>min?~n

    [croyants] et aux muslimi?n [soumis] d'entre les Quraichites et les Yathribites, et ? ceux qui les ont suivis, puis se sont joints ? eux et ont combattu ? leurs c?t?s : ceux l? forment une seule et m?me umma s?par?e de l'humanit?37. ? Bien que ce terme

    englobe les mu^min?n, il ne d?finit pas clairement la composition de ce groupe. R. Serjeant le traduit par ? conf?d?ration th?ocratique ?, tandis que les historiens lui pr?f?rent ? la communaut? des croyants ?. Or, m?me en tant que communaut?

    des croyants, la d?finition des mu>min?~n reste impr?cise. Selon une autre compo sante du texte (le ? document C ? chez Serjeant), les juifs forment une umma ? avec ? (maca) les mu^min?n, ce qui peut vouloir dire qu'ils constituent une partie

    de Vumma des croyants ou, plus simplement, qu'ils composent une autre umma38.

    Quoiqu'il en soit, Vumma devient dans le Coran le mot par lequel est d?sign?e la communaut? des croyants musulmans39. En outre, le sens politique du terme, loin

    35 - Fred M. Donner, Narratives of Islamic origins. The beginnings of Islamic historical

    writing, Princeton, The Darwin Press, 1998, pp. 160-168; Frederick M. Denny, ? Ummah in the Constitution of Medina?, Journal of Near Eastern studies, 36, 1977, pp. 39-47. Le cas des musulmans r?sidants de dar al-harb (ou dar al-kufr) et de leur suj?tion ? la loi islamique devient ainsi un vrai probl?me juridique, surtout ? partir du

    XIIe si?cle (Khaled Abu el Fadl, ? Islamic law and Muslim minorities: The juristic discourse on Muslim minorities from the second/eighth to the eleventh/seventeenth centuries?, Islamic law and society, vol. 1, fase. 2, 1994, pp. 141-187). 36 - Pour l'?tude exhaustive de ce document avec la pr?sentation des diff?rentes ver

    sions, se r?f?rer ? Robert B. Serjeant, ? The Sunnah J?mi'ah, pacts with the Yathrib: Analysis and translation of the documents comprised in the so-called "Constitution of Medina" ?, Bulletin of the school of Oriental and African studies, 41, 1978, pp. 1-42, r?impr. dans Uri Rubin (dir.), The life of Muhammad, Aldeshot-Brookfield, Ashgate Variorum, 1998, p. 8; Id., ? The "Constitution of Medina" ?, The Islamic quarterly, 8, 1964, pp. 3-16.

    37 - Trad. fr. dans Hamidullah, Le Proph?te de l'Islam, sa vie, son uvre, Paris, Librairie

    philosophique J. Vrin, 1979, vol. 1, p. 133. 38-R. B. Serjeant, ?The Sunnah J?mi>ah... ?, art. cit., pp. 26-27 (2a); Uri Rubin, ?The "Constitution of Medina": Some notes?, Studia isl?mica, 62, 1985, pp. 1-23;

    F. M. Denny, ? Ummah in the Constitution of Medina ?, art. cit. 39 - Dans les passages sur M?dine. Voir Frederick M. Denny, ? The meaning o? ummah in the Qur>?n ?, History of religions, 15/1, 1975, pp. 34-70, qui montre le d?veloppement

    chronologique dans l'usage du terme ; Claude Lambelet, ? La constitution de la Umma dans le Coran : quelques r?f?rences coraniques ?, in S. Jargy (dir.), Islam communautaire (al-Umma). Concept et r?alit?s, Gen?ve, ?ditions Labor & Fides, 1984, pp. 9-17. 774

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  • FACE ? L'ISLAM

    de dispara?tre, est institu? par l'historiographie arabe qui transmet la Constitu tion de M?dine. Suliman Bashear montre qu'au VIIe si?cle l'appartenance politique n'?tait pas encore assimil?e ? une identification ethnique des Arabes. La fusion de l'appartenance ? Yumma et de l'identit? ethnique arabe est un processus qui s'est produit aux vne-vilie si?cles40. \Jumma, ou plut?t la cr?ation d'une entit? politico-religieuse, s'est form?e pendant le califat d'Abu Bakr. Ses guerres pour l'unification des tribus de l'Arabie sont pr?sent?es par l'historiographie arabe comme un combat contre l'apostasie (Ridda), et les rebelles sont automatiquement consid?r?s comme apostats41. Le fait que la primaut? politique s'affirme par un

    marqueur d'identit? religieuse explique pourquoi ? cette ?poque les Arabes n'?taient pas pr?ts ? partager leur foi avec les peuples qu'ils avaient conquis42. L'appartenance politique allait donc de pair avec une appartenance religieuse43. Ainsi, d?s l'?poque de cUmar Ier (634-644), le calife se d?signe comme ? ?mir des croyants ? (am?r al-mu^min?n). L'appartenance politique ne d?pend pas alors des bornes g?ographiques, mais de la religion de l'individu. Ce qui constitue cette

    appartenance est la loi islamique qui, contrairement ? la loi byzantine, se cristallise en loi religieuse d?s le d?part44. En fait, dans la ? Constitution de M?dine ?, le

    m?me mot arabe - d?n - d?signe ? la fois la religion et la loi45.

    Quant aux captifs musulmans, la ? Constitution de M?dine ? traite de leur rachat. Les articles 2b-2j r?p?tent, pour chacune des neuf tribus qui constituent Yumma, que la ran?on des captifs de chaque tribu sera vers?e selon la coutume et partag?e entre les croyants46. Le trait? d?finit la communaut? des croyants

    40 - SULIMAN Bashear, Arabs and others in early Islam, Princeton, The Darwin Press, 1997.

    41-Voir la lettre d'Ab? Bakr aux apostats (al-TabarI, Tarikh al-Rusul wa al-Muluk [Annales], I, pp. 1882-1884) et le cas exceptionnel relat? par al-Tabar? sur les deux rebelles cUyaynah b. Hisn et Qurrah b. Hubyra, lesquels sont accus?s d'apostasie. Le premier r?pond qu'il n'a jamais ?t? croyant et embrasse l'islamisme, tandis que le second insiste sur le fait qu'il n'a jamais abandonn? la foi musulmane {Ibid., I, p. 1896).

    42 - Patricia Crone, Slaves on horses. The evolution of the Islamic polity, Cambridge, Cam

    bridge University Press, 1980, chap. 8. Ils le font en Syrie pour assimiler la population indig?ne n'ayant ni identit? politique ni identit? ethnique

    - autrement dit quand il n'y a nulle menace politique (Patricia Crone et Michael Cook, Hagarism. The making of the Islamic world, Cambridge, Cambridge University Press, 1977, chap. 9). 43-P. Crone et M. Cook, Hagarism..., op. cit. Pour un r?sum? voir chap. 12. 44 - D?s les Umayyades, les califes se rattachent ? la famille du Proph?te. Cela leur

    conf?re une l?gitimit? non seulement religieuse, mais aussi politique et juridique (Moshe Sharon, ? The Umayyads as AhlAl-Bayt?, Jerusalem studies in Arabie and Islam, 14, 1991, pp. 115-152).

    45 - Les juifs ont ainsi leur propre dm, que ce texte distingue du d?n musulman. Voir R. B. Serjeant, ?The Sunnah J?mi5ah... ?, art. cit., pp. 26-27 (2a). Cela explique aussi pourquoi le cas des musulmans qui r?sident en dehors du monde musulman pose pro bl?me (voir supra, n. 34). 46 - Ibid., 2b-2j, pp. 16-21, dans la version d'Ibn Ish?k ; par exemple : ? Les Ban? cAuf, comme il est de r?gle chez eux, se cotiseront pour acquitter le prix du sang et paieront, selon l'usage, la ran?on de leur prisonniers en la partageant entre les croyants

    (mu^min?n) ? (trad. fr. dans Hamidullah, Le Proph?te de TIslam..., op. cit., p. 133, corrig?e selon le texte et la traduction donn?s par R. Serjeant qui traduit kist par ? fair sharing ?). 775

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  • YOUVAL ROTMAN

    musulmans en tant qu'entit? politique en faisant du rachat tribal des captifs un acte partag? par Yumma, autrement dit un acte public. Bien que le rachat des captifs ne soit pas mentionn? dans le Coran, on voit qu'il existait comme coutume tribale au VIIe si?cle pour ?tre ensuite assum? par Yumma, quelle que soit sa d?finition ?

    l'?poque47. Les captifs musulmans sont alors consid?r?s comme libres, m?me en

    captivit?. Al-Mascud? affirme que, aux temps des Omeyades, les rachats priv?s existaient bel et bien48. Si les ?changes de prisonniers de guerre ne commenc?rent

    qu'au VIIIe si?cle, dans les deux camps, arabe et byzantin, le rachat priv? pr?c?da le rachat public. Comme le dit al-Mascud?: ? Il n'y a pas eu au temps des Omeyades

    de rachat important et connu dont nous puissions faire mention49. ? La coutume de

    l'?change des captifs se d?veloppa donc en parall?le dans les deux camps. En fait, ni les historiographes grecs ni les historiographes arabes ne pr?cisent qui en prit l'initiative dans le cas des ?changes d?crits ? partir de 769. Nous avons indiqu?

    que ce d?veloppement est li?, du c?t? byzantin, au changement de statut du

    captif, introduit par les empereurs du VIIIe si?cle. C?t? arabe, avec l'av?nement des Abbassides, la d?faite totale de Byzance et la guerre sainte n'?taient plus des objectifs politiques. Apr?s la lev?e du si?ge arabe de Constantinople au cours de l'hiver 717-718, sous le r?gne de L?on III, les Arabes semblent renoncer ? leur objectif de conqu?te compl?te de Byzance50. La priorit? est de s'imposer ? l'int? rieur, et de renforcer l'Empire abbasside. Cette nouvelle situation eut un impact sur les affaires ?trang?res et notamment sur les relations arabo-byzantines. Le rachat des musulmans captur?s ? la guerre devint partie int?grante de cette nou velle diplomatie. Dans la seconde moiti? du VIIIe si?cle, le juriste arabe Shayb?nl formule le droit des peuples musulman, dit Siyar51. Son oeuvre, sous forme de questions-r?ponses, r?gle les affaires entre dar al-isl?m (les territoire de l'islam) et d?ral-harb (tout autre territoire d?sign? comme ? en guerre ? en pr?tant une grande attention aux trait?s de paix et aux captifs52.

    Entre le viif et le Xe si?cle, plus de vingt ?changes de prisonniers sont men tionn?s par les historiens byzantins et arabes. Le nombre des captifs ?chang?s varie de quelques centaines ? quelques milliers d'hommes et de femmes. Plusieurs de ces op?rations ont ?t? effectu?es en Cilicie, sur le pont de la rivi?re Lamos

    47 - Comparer la tribu arabe, une unit? bas?e sur des liens de parent?, ? la famille

    paternelle romaine, toutes deux conservant la notion de libert? de l'individu. 48 - Al-Mascud?, Kit?b al-Tanb?h wa-l-ishr?f (Le Livre de l'avertissement et de la r?vi sion), ?dit? par Michael Jan De Goeje, Biblioteca Geographorum Arabicorum [BGA], vol. 8,

    Leyde, Brill, [1838-1839] 1870-1871, p. 188 (p. 254 dans la traduction de Bernard Carra De Vaux, Le Livre de Tavertissement et de la r?vision, Paris, Imprimerie nationale, 1896). 49-Id., cit? dans M. Campagnolo-Poth?tou, ?Les ?changes de prisonniers...?, art. cit., p. 21. 50 - Clifford E. Bosworth, ? Byzantium and the Arabs: War and peace between two

    world civilizations?, Journal of Oriental and African studies, 3-4, 1991-1992, pp. 1-23, r?impr. dans Id., The Arabs, Byzantium and Iran, Londres, Variorum, 1996, sur le d?clin

    militaire et politique des Omeyades pendant le r?gne de Hish?m (724-743). 51 - Majid Khadduri, The Islamic law of nations. Shayb?n? 's Siyar, Baltimore, The Johns

    Hopkins Press, 1966.

    52 - Sur les captifs comme butin voir Ibid., chap. m. Sur les trait?s de paix, Ibid., chap. v. 776

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  • FACE ? L'ISLAM

    et les historiographes arabes racontent comment les prisonniers des deux parties traversaient un ? un la rivi?re53. Quand le nombre des prisonniers n'?tait pas ?qui valent des deux c?t?s, on compensait parfois la diff?rence par de l'argent ou des esclaves. Ainsi, en 845, le nombre des prisonniers arabes aux mains des Byzantins ?tait tr?s sup?rieur ? celui des Byzantins captifs des Arabes. Alors, pour assurer la

    parit?, le calife al-W?thik ordonna de racheter les esclaves mamelouks vendus ?

    Bagdad et ? Raqqa, et fit sortir lui-m?me les femmes byzantines de son propre harem54. ? ces gestes, on doit ajouter les ran?ons publiques moyennant argent effectu?es pour lib?rer les captifs d?tenus par le parti adverse. Il faut pr?ciser que ceux-ci n'?taient pas n?cessairement des soldats, mais aussi des habitants des

    r?gions conquises, hommes et femmes. Il pouvait s'agir de chr?tiens r?sidant dans les territoires arabes. Ainsi, dans l'?change de 855/856, les Arabes r?cup?r?rent jusqu'aux dhimmt-s chr?tiens captur?s par les Byzantins en ?change des ? sau vages ? (a V?di)55, autrement dit des non-Arabes ou des non-musulmans, que Marius Canard traduit par ? Barbares ?. Maria Campagnolo-Pothitou explique pourtant qu'en dehors de sa signification d'? ?nes sauvages ? ce mot d?signe les ren?gats56. Il est possible que ces captifs aient ?t? des Byzantins convertis ? l'islam, puis forc?s de retourner ? Byzance. Les autorit?s byzantines et arabes semblent ainsi

    d?velopper une nouvelle identit? politique pour leurs sujets. Toutefois, ce dernier cas montre que cette identit? n'?tait pas irr?versible. Se pose donc la question des r?fugi?s.

    Le ph?nom?ne des r?fugi?s n'?tait pas nouveau sur la sc?ne internationale m?di?vale. Dans les trait?s entre Perses et Romains, contrairement ? la question des prisonniers de guerre, celle des r?fugi?s est tr?s d?velopp?e. Un article parti culier leur permet de rentrer dans la contr?e d'o? ils ont fui57, ce qui montre ? quel point le probl?me des r?fugi?s ?tait important, surtout dans les r?gions frontali?res. En fait, les r?fugi?s ?taient consid?r?s comme des d?serteurs du point de vue de l'Etat d'o? ils provenaient. Par cons?quent, ils pouvaient ?tre ch?ti?s s'ils y retournaient. Ces articles garantissaient leur s?curit? tout en assurant ? l'Etat le retour, probablement obligatoire, de ses sujets redevables d'imp?ts. Lors des

    guerres arabo-byzantines, la situation des r?fugi?s prit une forme nouvelle en raison

    justement du facteur religieux : la d?sertion ?tait alors suivie d'une conversion. Un

    53-Le premier ?change mentionn? est celui de 769 relat? par Th?ophane, AM 6261,

    (Theophanes Confessor, Chronographia, ?d. par Carl de Boor, Hildesheim, Leibnitz, [1883-1885] 1963, p. 444). Pour les ?changes suivants, cf. supra, n. 28.

    54-Al-Tabar?, Annales, op. cit., III, p. 1353; voir aussi Ytjsuf Ragib, ?Les esclaves publics aux premiers si?cles de l'Islam ?, in H. Bresc (dir.), Figures de l'esclave au Moyen Age et dans le monde moderne, Paris, L'Harmattan, 1996, pp. 7-30.

    55 - Alexander Alexandrovich Vasiliev, Byzance et les Arabes, Bruxelles, Institut de

    philologie et d'histoire orientales, 1935, vol. 1, pp. 336-337.

    56-M. Campagnolo-Pothitou, ?Les ?changes de prisonniers...?, art. cit., p. 17 et

    n. 94. 57 - Par exemple dans le trait? de 561-562 entre les Romains et les Sassanides (M?nandre le Protecteur, fragment 6.1. sqq., in R. C. Blockley, The history of Menander the Guards

    man. Introductory essay, text, translation andhistoriographical notes, Liverpool, Cairns, 1985. 777_

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  • YOUVAL ROTMAN

    exemple caract?ristique est l'?pop?e de Dig?nis Akritas58. Le p?re du h?ros ?tait un ?mir arabe qui s'?prit d'une captive byzantine issue d'une famille aristocratique. Pour l'?pouser, il d?serta le camp arabe et se convertit au christianisme. Cette

    histoire, qui n'est pas unique, est r?v?latrice de la politique byzantine du Xe si?cle. Dans le De cerimoniis aulae byzantinae, Constantin VII atteste l'usage des captifs arabes prisonniers de l'Etat ? des fins de peuplement59. Selon ce r?cit, ceux-ci ont la possibilit? d'?tre affranchis s'ils sont pr?ts ? se convertir, ? ?pouser des femmes

    byzantines et ? s'installer dans les territoires byzantins. Les trois actes, la conversion au christianisme, le mariage et la lib?ration, transforment les captifs arabes en

    sujets byzantins60. Ainsi, au Xe si?cle, entre dix et douze mille personnes de la tribu des BanO Hab?b trouv?rent refuge en territoire byzantin et devinrent chr?tiens61. Comme l'a not? M. Canard, de tels cas sont av?r?s aussi c?t? arabe62. Parmi les autres ren?gats parvenus ? de hautes fonctions dans la soci?t? arabe, souvent gr?ce ? une carri?re militaire, se trouvent L?on de Tripoli et Damien, gouverneur de

    Tarse63.

    Byzance entre l'islam arabe et les pa?ens des Balkans

    Si Byzance usa de la christianisation pour transformer les Arabes, r?fugi?s ou cap tifs, en Byzantins libres, il n'en alla pas de m?me sur le front des Balkans. En fait, les guerres dans les Balkans, qui continuent pendant toute la p?riode consid?r?e,

    ne procurent pas moins de captifs que celles contre les Arabes : Bulgares, Russes et autres Slaves fournissent quantit? de captifs aux Byzantins. De leur c?t?, ces

    58 - Elizabeth Jeffreys, Digenis Akritis. The Grottaferrata and Escorial versions, Cambridge, Cambridge University Press, 1998. 59 - Constantin Porphyrog?n?te, De cerimoniis aulae byzantinae, II, 49 (p. 695). Mais les captifs cr?tois qui refusent de se convertir sont tortur?s (Theophanes Continnatus

    [Theoph. Cont.],V, 61). 60-Seul le caract?re romanesque de l'histoire de Dig?nis Akritas fait que l'amour de

    l'?mir ? l'?gard de la jeune Byzantine qu'il avait enlev?e est la raison de sa d?sertion et de sa conversion. 61 - Marius Canard, Histoire de la dynastie des Wamdanides de Jaz?ra et de Syrie, Paris, PUF, 1953, pp. 737-739.

    62 -Id., ?Quelques "?-c?t?s" de l'histoire des relations entre Byzance et les Arabes?,

    in Studi orientalistici in onore di Giorgio Levi Delia Vida, Rome, Istituto per l'Oriente, 1956, pp. 98-119, r?impr. dans Id., Byzance et les musulmans du Proche-Orient, Londres,

    Variorum, 1973, XV; Id., ? Deux ?pisodes des relations diplomatiques arabo-byzantines au Xe si?cle?, Bulletin d'?tudes orientales de TInstitut fran?ais de Damas, 13, 1949-1950,

    pp. 51-69, r?impr. dans Id., Byzance et les musulmans du Proche-Orient, op. cit., xil; A. A. Vasiliev, Byzance et les Arabes, op. cit., vol. 1, pp. 196-197 ; R. Guemara,

    ? La lib?ra

    tion et le rachat... ?, art. cit. 63 - Theoph. Cont., VI, 20. L?on de Tripoli est appel? Ras?k al-Ward?m? dans les sources

    arabes. Il est aussi surnomm? Ghul?m Zur?f?. Alexander Vasiliev pense que ce surnom

    indique que L?on avait d'abord ?t? l'esclave d'un nomm? Zur?fa (A. A. Vasiliev, Byzance et les Arabes, op. cit., vol. 2/1, p. 163 et n. 2). Pour Damien (Damy?na en arabe), voir Ibid., vol. II/l, p. 212 sqq. 778

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  • FACE ? L'ISLAM

    derniers se sont souvent trouv?s en captivit?. Toutefois, contrairement ? ce qui se

    passe sur la sc?ne orientale, des ?changes de prisonniers ne sont ici quasiment jamais mentionn?s entre les Byzantins et leur adversaires. Un seul document t?moigne d'un ?change effectu? en 816 entre les Byzantins et les Bulgares: une

    inscription grecque, aujourd'hui conserv?e au mus?e arch?ologique de Sofia64. Cet ?change, post?rieur aux premiers qui s'?taient d?roul?s entre les Arabes et les

    Byzantins, demeure un cas isol?. Bien que ceux-ci demandent parfois la restitution des leurs par la voie diplomatique, l'?change ne se faisait pas contre des prisonniers ou de l'argent65. Contrairement au sort r?serv? aux captifs arabes (ou des territoires arabes), les Byzantins ne conservaient pas leurs prisonniers slaves ou bulgares en vue d'un futur ?change ; ils ?taient parfois employ?s ? des fins militaires. Ainsi

    Justinien II ?tablit-il des captifs slaves en Asie Mineure comme soldats66. Toute fois, la plupart des Slaves captur?s ?taient r?duits en esclavage, comme l'attestent

    l'hagiographie, l'historiographie et les sources juridiques67. Bulgares, Serbes ou Russes ?taient vendus comme esclaves dans l'Empire byzantin, et le nom qui leur ?tait assign? est celui de ? Scythes ?68.

    Ainsi, la politique byzantine dans les Balkans est diff?rente de celle qui ?tait

    pratiqu?e ? l'?gard des Arabes. Dans ce dernier cas, la conversion est l'acte qui transforme les captifs ou les r?fugi?s en Byzantins libres, tandis que, pour les

    captifs slaves, l'acquisition d'une ? nationalit? ? byzantine par la conversion du

    mariage et la lib?ration n'est pas attest?e. En fait, leur conversion ne les rendait

    pas libres, mais les gardait esclaves69. Cette divergence dans l'attitude de Byzance

    64 - Veselin Beseviliev, Dieprotobulgarischen Inschriften, Berlin, Akademie-Verlag, 1963, suivant A. Kolia-Dermitzaki, ? Some remarks... ?, art. cit., p. 607, n. 98. Cette inscrip tion mentionne sp?cifiquement un ?change de prisonniers ? ?me contre ?me ? (psuhin

    anti psuhis). 65 -A. Kolia-Dermitzaki, ? Some remarks... ?, art. cit., pp. 606-612 : voir la description de la mission de L?on Choerosphakt?s, envoy? par L?on VI aux Bulgares pour qu'ils rel?chent leurs prisonniers byzantins, et les nombreuses lettres adress?es ? Sym?on (L?ON Choerosphact?s, Correspondance, ?d. par Georgios T. Kolias, L?on Choerosphact?s,

    magistre, proconsulet patrice, Ath?nes, Verlag der ? Byzantinisch-neugriechischen Jahrb? cher?, 1939, I sqq.); Michael McCormick montre d'apr?s les Vies slavonnes des fr?res

    Constantin-Cyril et M?thode que les saints restituent ? deux reprises des Byzantins captur?s par les Russes et les Slaves (Michael McCormick, Origins of the European economy. Communications and commerce, A. D. 300-900, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, pp. 188 et 190). 66 - Nikephoros [patriarche de Constantinople], Short history, ? 38, ?d. par Cyril Mango,

    Washington, Dumbarton Oaks, 1990, p. 92. Il s'agit l? d'une politique qui remonte ?

    l'Antiquit? tardive ; voir aussi le cas des captifs perses que B?lisaire envoya en Italie

    (Procope, De bello p?rsico, II, 19). 67 - Youval Rotman, Les esclaves et l'esclavage, vie-xie si?cles. De la M?diterran?e antique ?

    la M?diterran?e m?di?vale, Paris, Les Belles Lettres, 2004, chap. 2 et 4.

    68 - Sur le sens g?ographique, culturel et politico-historique plut?t qu'ethnique de ce terme, voir Evelyne Patlagean, ?Nommer les Russes en grec, 1081-1294?, in

    S. W. Swierkosz-Lenart (dir.), Le origini e lo sviluppo della cristianit? slavo-bizantina, Rome, Istituto storico italiano per il Medio Evo, 1992, pp. 123-141. 69 - Y. Rotman, Les esclaves et l'esclavage..., op. cit., chap. 4. 2.

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  • YOUVAL rotman

    ? l'?gard de ses deux adversaires tient ? une diff?rence entre Slaves et Arabes eux-m?mes. L'assimilation des identit?s politique et religieuse que les Arabes instituent aux vile-vnie si?cles fait que pour changer l'une, on devait changer l'autre.

    Autrement dit, alors que la conversion des pa?ens ?tait chose ais?e -

    l'Eglise byzan tine ayant de surcro?t beaucoup d'exp?rience dans ce domaine -, pour convertir un Arabe il fallait lui proposer plus qu'une v?rit? religieuse qu'il connaissait d?j? : il fallait lui offrir un statut d'homme libre. Ce sont ces deux actes qui faisaient de lui un Byzantin.

    Byzance ne traitait donc pas de la m?me mani?re les prisonniers de guerre arabes et slaves. Les premiers ?taient soit gard?s pour un ?change, soit convertis et affranchis, non les seconds. Cette politique r?pondait aussi au traitement des captifs byzantins par l'ennemi. Et c'est ici que l'on per?oit une grande diff?rence dans le comportement des Arabes, compar?s aux autres adversaires politiques de Byzance, les premiers ?tant pr?ts ? convertir leurs prisonniers ? leur foi. Les Byzan tins ?taient donc confront?s pour la premi?re fois ? un rival politique qui mena?ait non seulement de conqu?rir des territoires, mais aussi de convertir les captifs et les r?fugi?s. Certes, il ne s'agissait pas de les transformer en Arabes : ils devenaient esclaves ou ?taient lib?r?s mais, dans les deux cas, ils s'int?graient ? la soci?t? arabe tout en ?tant socialement inf?rieurs. Selon l'institution arabe dite wala>, l'acte de conversion n?cessite la participation d'un musulman, qui re?oit le converti

    dans la communaut? des croyants70. Ce processus int?gre automatiquement le converti dans Vumma, tout en le pla?ant dans un rapport de d?pendance sociale ? l'?gard de la personne qui le convertit. Du point de vue de Byzance, dont le

    marqueur d'identit? est la religion chr?tienne, cela signifie que pour garder en captivit? leur qualit? de Byzantin, les captifs devaient aussi garder leur religion chr?tienne. Dans l'?change de 855/856, par exemple, Byzance r?cup?ra notamment des Byzantins convertis ? l'islam, qui durent peut-?tre revenir ? l'Empire contre leur gr?71. De plus, Byzance rendait aussi ses prisonniers arabes en ?change de reliques et d'ic?nes chr?tiennes. Ces actes la pr?sentaient comme protectrice de la foi chr?tienne vis-?-vis de ses adversaires politiques, mais aussi de ses propres habitants72. Quant au captif, reconna?tre qu'il restait Byzantin ?tait li? au fait qu'il

    70 - Patricia Crone, Roman, provincial and Islamic law. The origins of the Islamic patronate, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, chap. 3. 71 - Cf. supra, n. 55 et 56. 72 - L'exemple le plus connu est celui de la Sainte Face, le mandylion. En 942/943, les

    Byzantins proposent d'?changer leurs prisonniers arabes pour r?cup?rer cette ic?ne, qui se trouvait dans l'?glise d'Edesse : Histoire de Yahia ibn Said d'Antioche, dans Patrolog?a orientalis, t. XVIII, fase. 5, p. 730; Theophanes Confessor, Chronographia, op. cit., AM 6118, p. 327; Evelyne Patlagean, ? L'entr?e de la Sainte Face d'Edesse ? Constanti

    nople en 944 ?, in La religion civique ? l'?poque m?di?vale et moderne (Chr?tient? et Islam), Rome, Ecole fran?aise de Rome, 1995, pp. 21-35, r?impr. dans Id., Figures du pouvoir ?

    Byzance (IXe-XIIe si?cle), Spol?te, Centro italiano di studi sull'alto Medievo, 2001, pp. 37 52 ; Averil Cameron, ? The mandylion and Byzantine iconoclasm ?, in L. H. Kessler et G. Wolf (dir.), The Holy face and the paradox of representation, Villa Spelman Colloquia, 6, Bologne, Nuova Alfa, 1998, pp. 33-54.

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  • FACE ? L'ISLAM

    demeur?t chr?tien. Son rachat ?tait donc essentiel, ce qui n'est pas le cas pour les

    prisonniers des Bulgares ou des Slaves, surtout apr?s la christianisation de ces

    peuples. Il faut ici pr?ter attention ? la terminologie. Tandis que l'on peut utiliser les

    termes ?Arabes?, ?Slaves?, ?Bulgares?, pour d?signer un groupe ethnique, on

    ne trouve pas de d?signation ?quivalente pour les Byzantins. Celui de ? Romains ?, par lequel les Byzantins se nommaient, d?signe une entit? politique. Et celui de ? Grecs ? n'avait pas de valeur ethnique ? cette ?poque73. Ainsi, tandis que les

    voisins de Byzance se constituaient politiquement en groupes ethniques, Byzance conservait les structures de l'Empire romain tardif. Pour d?velopper un marqueur d'identit?, elle eut recours ? la religion, ph?nom?ne d?j? sensible aux ive-vie si?cles. Dans le discours de Chosroes cit? par M?nandre le Protecteur, l'envoy? du roi sassanide explique que les Byzantins ne peuvent pas mener une guerre ? l'int?rieur de son Empire parce qu'ils y trouveraient une population chr?tienne qu'ils ne sauraient combattre74. Pour autant, la pr?sence d'une population chr?tienne dans

    l'Empire sassanide n'a pas emp?ch? les attaques des Byzantins. Or, quand B?lisaire

    captura la ville perse de Sisauranon, en 541, il rel?cha tous les habitants qui ?taient chr?tiens et auparavant ? Romains ? (? Christianoi te kai R?maioi to anekathen ?),

    mais envoya les ? Perses ? ? Constantinople75. Les Byzantins ?taient per?us ici comme des chr?tiens, tandis que les Perses ?taient les non-chr?tiens, ce qui refl?te au VIe si?cle un point de vue uniquement byzantin.

    Le cas de la population chr?tienne de l'Empire sassanide est tr?s significatif. Sebastian Brock montre que m?me si elle connut des pers?cutions, elle n'?tait

    pas per?ue par les autorit?s sassanides comme ennemie76. De plus, les empereurs byzantins ne d?velopp?rent pas une strat?gie politique ou religieuse pour int?grer cette population ? l'Empire. Le marqueur identitaire de l'individu l'attache ainsi ? sa communaut? religieuse et non ? une entit? politique. Ce fait explique aussi

    pourquoi le rachat des captifs ?tait alors men? par les chefs des communaut?s

    religieuses et non par le pouvoir public. Autrement dit, la citoyennet? romaine, qui perdit son sens aux nie-ive si?cles, ne fut pas remplac?e par une identit? qui d?finirait le rapport entre l'individu et son Etat. Si les Byzantins s'identifiaient comme chr?tiens - le christianisme devenu religion de l'Etat -, cela ne fit pas de tous les chr?tiens des Byzantins. Comme le montre S. Brock, l'identit? religieuse ne fut pas le support d'une identit? ? nationale ?. Elle devint une identit? politique avec l'arriv?e des Arabes.

    73 - Contrairement ? l'?poque moderne. Voir aussi Suzanne Said (dir.), Hellenismos.

    Quelques jalons pour une histoire de l'identit? grecque. Actes du colloque de Strasbourg, 25 27 octobre 1989, Leyde, E. J. Brill, 1991. 74 - M?nandre le Protecteur, fragment 16.1 (publi? dans R. C. Blockley, The history of Menander..., op. cit., p. 153). 75 - Procope, De bello p?rsico, II, 19.

    76 - Sebastian P. Brock, ? Christians in the Sasanian empire: A case of divided loyal ties ?, in S. Mews (dir.), Religion and national identity. Papers read at the nineteenth summer

    meeting and the twentieth winter meeting of the Ecclesiastical history society, Oxford, Basil

    Blackwell, 1982, pp. 1-19. m_

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  • YOUVAL ROTMAN

    Peut-on avancer l'id?e oppos?e, ? savoir que les Arabes d?velopp?rent une identit? religieuse pour marquer une identit? politique ind?pendante face aux

    Byzantins chr?tiens et aux Sassanides zoroastriens ? Mais, aux vie-viie si?cles, ni le christianisme ni le zoroastrisme ne constituent une identit? politique77. En tout ?tat de cause, l'av?nement des Arabes introduisit une innovation sur la sc?ne

    politique m?di?vale. Ils r?ussirent, dans les premiers si?cles de leur existence, ? cr?er ? la fois une religion et une entit? politique, et ? leur attacher une identit?

    ethnique. Leur messianisme s'ajoutait ainsi ? leur attachement ? Abraham en tant que peuple78. C'est exactement ce que nous entendons par l'islam arabe. Malgr? la diversit? religieuse, politique et ethnique existant ? l'int?rieur du monde arabe,

    vu de Byzance - et pas seulement de Byzance

    - tous les Arabes ?taient musulmans et tous les musulmans ?taient Arabes79. Contrairement ? l'Empire sassanide, les Arabes ?taient per?us non seulement comme l'ennemi de Byzance, mais aussi comme celui du christianisme.

    Par ailleurs, la conqu?te arabe a priv? Byzance de toutes ses provinces o? la

    majorit? des chr?tiens restait oppos?e au credo du concile de Chalc?doine de 451. Si, avant le VIIe si?cle, la notion d'une unit? religieuse chr?tienne n'existait pas,

    m?me ? l'int?rieur de l'Empire, la conqu?te arabe entra?na paradoxalement une unification de l'Eglise et de l'Etat byzantins. Byzance pouvait se pr?senter d?sor

    mais non seulement comme Etat chr?tien, mais comme Etat d'une foi chr?tienne

    unique. La crise iconoclaste, en tant que combat entre l'autorit? religieuse de l'?tat et celle de l'Eglise, changea le rapport interne entre Etat, religion et ?glise.

    Son ach?vement amena une harmonisation de ces deux autorit?s religieuses. ? l'issue de cette crise, Byzance commen?a ? utiliser son image d'?tat chr?tien dans sa politique balkanique. La conversion au christianisme s'av?ra dans ce cas un instrument politique dont l'?glise byzantine fut le m?dium. Byzance insista sur l'ob?dience au patriarcat de Constantinople des peuples convertis, ce qui n'?tait

    pas le cas pendant l'Antiquit? tardive80. La d?pendance religieuse se traduisit aussi par une soumission politique qui permit ? Byzance d'organiser son ? common wealth ?, selon le mot de Dimitri Obolenski. Or, cette soumission politique que Byzance envisagea n'alla pas sans r?sistance, comme celle des rois bulgares,

    Sym?on puis Boris II et Samuel, qui menaient alors un combat militaire81.

    77 - S. P. Brock, ? Christians in the Sasanian empire... ?, art. cit. 78-P. Crone et M. Cook, Hagarism..., op. cit., chap. 1-5. 79 - On peut alors dire que les Arabes r?ussirent dans leur programme id?ologique. Sur la fondation de l'Islam sous la forme d'un seul ?tat, voir Fred M. Donner, ? The formation of the Islamic state ?, Journal of the American Oriental society, 106, 1986, pp. 283-296. 80-Sur les relations politiques et religieuses de Byzance dans les Balkans aux vme-ixe si?cles, voir Dimitri Obolensky, The Byzantine commonwealth. Eastern Europe, 500-1453, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1971, chap. 3 ; Robert Browning, Byzan tium and Bulgaria. A comparative study across the Early Medieval frontier, Londres, Temple Smith, 1975. 81 -Sur un autre cas de soumission politique ? l'empereur byzantin au Xe si?cle, celui des Serbes, voir la description de Constantin VII (Constantin Porphyrog?n?te, De administrando imperio, 32). 782

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  • FACE A L'ISLAM

    ? ce sujet, il est int?ressant d'examiner les trait?s du Xe si?cle entre les Byzantins et les Russes. Ceux de 911, 914 et 944 sont rapport?s en d?tails par la

    Chronique Laurentienne (chronique dite de Nestor)82. Tous trois sont sign?s ? une ?poque o? la christianisation de la Russie n'?tait pas encore achev?e. Photios, patriarche de Constantinople (858-867 et 877-886) agit d?j? au IXe si?cle pour la christianisation des Russes, une politique qui ne porta ses fruits qu'au si?cle suivant: en 957, la princesse russe Olga fait son voyage ? Constantinople, et 988 est la date officielle de la christianisation de Vladimir83. Les trois trait?s du Xe si?cle, r?v?lateurs de l'?mergence d'un pacte politique, t?moignent d'une christianisation graduelle qui alla de pair, la conversion au christianisme ?tant au c ur de l'influence culturelle de l'Empire byzantin sur ses voisins dans les Balkans et en Europe de l'Est84. Toutefois, le fait qu'une telle influence ne se

    d?veloppa pas avant le IXe si?cle est significatif, m?me si l'?vang?lisation des

    pa?ens est ant?rieure. Il est vrai aussi que, dans les Balkans, Byzance se trouve en

    comp?tition avec l'Occident latin85. Ceci dit, Byzance d?veloppe cette politique apr?s que sa religion fut devenue le marqueur de son identit? politique sur son front oriental. Byzance joua d?s lors le m?me jeu face ? l'islam arabe et ? l'Occident latin. D?sormais, pour pr?tendre ? la qualit? d'empire, il lui fallait avoir le monopole d'une religion: c'est gr?ce au d?veloppement du christianisme orthodoxe que Byzance r?ussit ? s'?tablir comme empire m?di?val. Le fait que le patriarche rem

    plisse ? Byzance une fonction d'Etat fut utilis? alors par les empereurs afin que la soumission religieuse des peuples convertis s'accompagn?t aussi d'une soumission

    politique. Que Byzance ait cherch? ? ?tre le repr?sentant politique du christianisme

    sur la sc?ne g?opolitique s'exprime dans les trait?s pass?s avec les Arabes et les Russes86. Ainsi en est-il dans le trait? d'Alep de 969, dont aucune version grecque n'a malheureusement surv?cu. Ce trait? est conclu apr?s la victoire de Nic?phore II Phocas (963-969) qui reconquiert pour l'Empire byzantin la Cr?te, le sud de l'Asie Mineure, Chypre et le nord de la Syrie. La version arabe est rapport?e

    par Ibn al-cAd?m87. Les clauses ?tablissent la primaut? byzantine dans les r?gions

    82 - Ir?ne Sorlin, ? Les trait?s de Byzance avec la Russie au Xe si?cle ?, Cahiers du

    monde russe et sovi?tique, 2, 3, 1961, pp. 313-360, 2, 4, 1961 et pp. 447-475.

    83 - Andrzej Poppe, ? The political background to the baptism of Rus'. Byzantine Russian relations between 986-989?, Dumbarton Oaks Papers, 30, 1976, pp. 197-244; Constantin Zuckerman, ? Le voyage d'Olga et la premi?re ambassade espagnole ?

    Constantinople ?, Travaux et M?moires, 13, 2000, pp. 647-672. 84 - Voir aussi H?L?NE Ahrweiler, ? Les relations entre les Byzantins et les Russes au

    IXe si?cle ?, Bulletin d'information et de coordination de l'Association internationale des ?tudes

    byzantines, 5, 1971, pp. 44-70, r?impr. dans Id., Byzance. Les pays et les territoires, Londres,

    Variorum, 1976, vu.

    85 - D. Obolensky, The Byzantine commonwealth..., op. cit., pp. 86-96.

    86 - Contrairement ? ce qui se passe dans les Balkans, o? l'arriv?e du christianisme

    occidental menace la primaut? religieuse byzantine, surtout dans le cas des Bulgares dont le roi, Boris II, oscille entre les deux Eglises. 87 - Ibn al-cAdIm, Zubdat al-halab f? ta^rfkh Halab, ?dit? par S. Dahh?n, Damas, Institut

    fran?ais de Damas, 1951, vol. 1, pp. 163-169. Traduction fran?aise donn?e par M. Canard, 783

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  • YOUVAL ROTMAN

    concern?es, li?e ? une soumission politique et militaire de F? ?mir des musul mans ?. Elles traitent entre autres ? des chr?tiens ? (nas?r?), les habitants chr?tiens des r?gions arabes. Le trait? interdit de lever une taxe de capitation sur eux mais autorise des pr?l?vements sur la propri?t? fonci?re88. Les Byzantins sont d?sign?s par le mot r?m, tandis que les Arabes sont appel?s ?les musulmans?. Dans les trait?s russo-byzantins du Xe si?cle, en revanche, les Byzantins sont d?sign?s comme Grecs et chr?tiens alternativement par les Russes, baptis?s ou non, comme dans le trait? de 941. En outre, ces accords r?v?lent un vrai pacte international. Les Russes doivent fournir une aide militaire aux Byzantins et, en ?change, ils

    re?oivent des privil?ges commerciaux -

    par exemple, le droit de commercer libre ment sur les march?s byzantins89. De plus, des articles sp?cifiques traitent de ceux

    qui transgressent la loi (meurtriers ou voleurs), qui ne peuvent plus trouver refuge dans le camp adverse90. De m?me, chaque partie s'engage ? racheter des habitants du camp adverse qui se trouvent captifs ou esclaves dans un troisi?me pays91. Cet article est li? ? l'usage nouveau du rachat des captifs. Ce qui est en passe de devenir une responsabilit? de Byzance devient aussi un devoir pour ses alli?s. Le trait?

    d'Alep n'a pas mis un terme ? la p?riode de conflits entre les Byzantins et les Arabes. De m?me, les trait?s avec les Russes n'ont pas davantage emp?ch? ces derniers d'envahir les territoires byzantins. Cependant, ils laissent entendre que Byzance a r?ussi ? se donner une nouvelle identit? ? la fois politique et religieuse vis-?-vis du monde qui l'environne. Il n'en est que plus ?tonnant de voir que les

    ?changes des prisonniers de guerre s'arr?tent justement ? ce si?cle.

    Limage de soi des Byzantins face aux Arabes

    La guerre entre les Arabes et les Byzantins prit une autre forme aux ixe-xe si?cles

    quand la piraterie s'imposa plus que jamais en M?diterran?e orientale, comme le montrent les sources litt?raires, notamment l'historiographie et l'hagiographie. Les razzias perturb?rent la population byzantine du littoral, surtout ? partir de 826, date ? laquelle des forces arabes r?ussirent ? occuper la Cr?te, qui devint ensuite une base de la piraterie contre les Byzantins jusqu'en 963-969, quand Nic?phore II Phocas reprit l'?le92. Cependant, les forces arabes expuls?es d'Espagne qui occup? rent la Cr?te paraissent ind?pendantes de celles d'Egypte, de Syrie et d'Afrique93.

    Leur strat?gie le d?montre : le but n'?tait pas de conqu?rir le monde byzantin

    Histoire de la dynastie..., op. cit., pp. 831-835, et version latine dans Ex Camaleddini annali bus Halemensibus (dans Excerpta ex historiis Arabum, III). 88-Cinqui?me clause (Ibid., p. 165). 89-1. Sorlin, ? Les trait?s de Byzance... ?, art. cit., pp. 330, 348-349 et 448-449.

    90-Ibid., pp. 333-334. 91

    -Ibid., p. 335.

    92 - H?l?ne Ahrweiler, Byzance et la mer. La marine de guerre, la politique et les Institutions maritimes de Byzance aux VIIe-XVe si?cles, Paris, PUF, 1966, p. 93 sqq. 93 - Vassilios Christides, The conquest of Crete by the Arabs (ca. 824). A turning point in the struggle between Byzantium and Islam, Ath?nes, Akad?mia Ath?n?n, 1984, p. 81 sqq.

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  • FACE ? L'ISLAM

    avec Constantinople comme objectif final, mais pr?cis?ment d'enlever des ressor tissants byzantins pour leur valeur marchande. Ainsi l'esclavage devint-il, aux ixe-xe si?cles, un des faits les plus marquants sur la sc?ne m?diterran?enne arabo

    byzantine, et le souci majeur des Byzantins. Il n'eut pas pour seuls acteurs les Arabes de Cr?te : le sac de Thessalonique, en 904, fut commis par une force

    ?gyptienne .

    Le fait que la guerre changea de forme et que les raids pirates, men?s dans un but priv?, remplac?rent les attaques militaires agit aussi sur le destin des captifs byzantins. Il est alors beaucoup plus difficile de retrouver la trace des Byzantins enlev?s puis vendus comme esclaves dans les pays arabes, surtout parce que ces

    razzias apparaissent ind?pendantes des autorit?s arabes95. C'est ainsi qu'? partir du Xe si?cle la forme du rachat priv? se r?pandit et rempla?a les ?changes publics. Dans VEloge de Nicolas de Myre par M?thode, l'auteur raconte l'attaque de Lesbos

    par les Arabes de Cr?te. Ceux-ci capturent un pr?tre de Mytil?ne et ses trois

    disciples ; Nicolas se rend alors en Cr?te et les lib?re96. Une autre source de la vie du m?me saint - Trois miracles de Nicolas de Myre

    -

    relate comment le fils d'un

    paysan fut captur? par les Arabes de Cr?te ; le saint le rendit ? son p?re97. De

    m?me, dans les R?cits ?difiants de Paul de Monembasie et la Vie de Nil de Rossano, un ?v?que, un m?tropolite ou un moine partent dans les pays arabes ? la recherche des personnes captur?es

    -

    qui sont dans tous ces cas sous leur responsabilit? spiri tuelle - afin de les racheter98. Un autre exemple caract?ristique est celui d'une veuve qui vendit au monast?re d'Iviron un terrain pour 15 nomismata afin de rache ter son fils captur? par les Arabes99. Le rachat se pr?sente ici en tant que recours individuel ; il s'accorde avec l'objectif commercial des pirates et diff?re des ?changes organis?s par le pouvoir imp?rial. La question se pose alors de savoir comment ces

    personnes purent entrer dans les territoires arabes sans risquer de devenir eux-m?mes

    captifs. La r?ponse se trouve dans la logique politique du ius gentium musulman, les

    94 - Le sac de Thessalonique est d?crit par Ioannes Cameniates, De expugnatione Thessa lonicae (surtout 35 sqq.) ; A. A. Vasiliev, Byzance et les Arabes, op. cit., vol. 2/1, p. 166 sqq. ;

    V. Christides, The conquest of Crete..., op. cit., pp. 159-161. 95 - Voir par exemple le cas des Juifs enlev?s par des pirates arabes et mis en vente. Les autorit?s de la ville (probablement Alexandrie) annul?rent alors la vente et donn?rent un d?lai ? la communaut? juive locale pour r?unir le montant de la ran?on. Le cas est relat? dans une lettre conserv?e ? la Geniza du Caire (Jacob Mann, The Jews in Egypt and in Palestine under the Fatimid caliphs, vol. 2, Oxford, Oxford University Press, 1920, supp. 2, pp. 363-365). 96 - Methodios, ?loge de Nicolas de Myre, 42-43, publi? dans Gustav Anrich, Hagios

    Nikolaos der Heilige Nikolaos in der griechischen Kirche, Berlin, Teubner, 1913, pp. 151-182. 97 - Trois miracles de Nicolas de Myre, 8 sqq., Gustav Anrich, Hagios Nikolaos..., op. cit.,

    pp. 183-197. Ces sc?nes qui concernent des actes de piraterie commis par des Arabes

    de Cr?te aident ? dater ces r?cits (Alexander Kazhdan, ? Hagiographical notes ?, Byzantion, 4, 1984, pp. 176-181). 98-Vie de Nil de Rossano, 68-69, ?d. par Germano P. Giovanelli, Grottaferrata, 1972; R?cits de Paul de Monembasie, 8, ?dit? dans John Wortley, Les r?cits ?difiants de Paul,

    ev?que de Monembasie, et d'autres auteurs, Paris, Editions du CNRS, 1987.

    99-Actes dJviron, ?d. par Jacques Lefort, Nicolas Oikonomid?s et Denise Papachrys santhou, Paris, Lethielleux, 1985, vol. 1, doc. 16 (1010). 785

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  • YOUVAL ROTMAN

    Siyar. Les razzias des Arabes ?taient l?gitimement exerc?es dans les territoires de l'ennemi, d?sign?s comme d?ral-harb (territoires ? en guerre ?). Cependant, un habi tant de ces territoires pouvait entrer dans le dar al-isl?m (les territoires de l'islam) sous Y aman, un sauf-conduit qu'il pouvait obtenir d'un musulman100.

    Dans les sources hagiographiques byzantines, la piraterie arabe est la seule

    qui soit signal?e. Pourtant, des razzias organis?es par les Byzantins existaient bel et bien. Ainsi, la marine byzantine lan?a des raids en Syrie, en Palestine et m?me en Egypte. Ibn Hawkal relate, dans sa description de la M?diterran?e, que ? ? notre ?poque, les Byzantins se sont acharn?s ? tenter des descentes sur le littoral de la Syrie et les plages de l'Egypte. Ils pourchassent les navires des riverains sur toutes les c?tes et les capturent partout. Aucun secours, aucune aide n'est procur?e aux musulmans, et personne n'en a cure101 ?. L'objectif des assauts byzantins, exactement comme celui des Arabes, ?tait le rapt des civils, ensuite amen?s ?

    Constantinople o? ils ?taient vendus, ou gard?s dans l'attente d'un ?change. La

    description ? la premi?re personne de H?r?n ibn Yahy?, qui raconte comment il est arriv? ? la cour byzantine en tant que captif enlev? ? Ascalon, t?moigne de cette pratique102. Bien que ce type de r?cit laisse entendre que les captifs de guerre parvenaient jusqu'? la cour du calife ou ? celle de l'empereur, tel n'?tait pas toujours le cas. Al-Mukaddas? d?crit comment, au Xe si?cle, les navires byzantins amenaient

    en Palestine des prisonniers arabes qui ?taient ensuite ?chang?s ou rachet?s. Il nomme les postes (rib?t) o? se d?roul?rent de tels ?changes : Gaza, Mimas, Ascalon, le port de Mahuz Ashdod, Mahuz Yubna, Jaffa et Arsuf (l'ancienne Apollonia)103.

    Dans le miracle du dragon de saint Th?odore Tiron, celui-ci est le chef d'une exp?dition militaire dont le but est d'enlever des ressortissants arabes et de les

    100-M. Khadduri, The Islamic law of nations..., op. cit., pp. 17-18, dans les Siyar de

    Shayb?ni, Ibid., chap. VI. C'est probablement pour cette raison que Nil de Rossano

    s'oppose au voyage du m?tropolite calabrais en Afrique pour racheter des captifs (Vie de Nil de Rossano, op. cit., 68-69).

    101 - Ibn Hawk al, Kit?b S?rat al-ard (Configuration de la Terre), ?d. par Michael Jan De Goeje, BGA, vol. 2, p. 205 (ici dans la traduction fran?aise de Johannes Hendrick Kramers et Gaston Wiet, Beyrouth, D?r Maktabat al-Yah?h, 1964, vol. 1, p. 19). 102

    -Sylloge tacticorum quae olim ?in?dita Leonis T?ctica? dicebatur, ?dit? par Alphonse Dain, Paris, Les Belles Lettres, 1935, ? 50 (en suivant A. Kolia-Dermitzaki, ? Some remarks... ?, art. cit., pp. 585-586); H?r?n ibn Yahy? raconte l'histoire de sa captivit? (entre 880-890 ou entre 912-913) dans un passage cit? dans le Kit?b al-AH?k al-naf?sa d'iBN RUSTA, ?d. par Michael Jan De Goeje, BGA, vol. 7, p. 119 sqq. La traduction du passage d?crivant Constantinople est donn?e dans A. A. Vasiliev, Byzance et les Arabes, op. cit., vol. 2/2, pp. 382-394. La description la plus connue est celle du po?te Abu Fir?s. Ses R?miyy?t (Po?mes byzantins) furent compos?s pendant son emprisonnement ? Constantinople entre 962-966. Voir aussi Liliana Simeonova, ? In the depths of tenth

    century Byzantine ceremonial: The treatment of Arab prisoners of war at imperial banquets?, Byzantine and Modern Greek studies, 22, 1998, pp. 75-104), qui souligne que seuls les prisonniers illustres b?n?ficiaient d'un tel traitement. 103 - Al-MukaddasI, Ahsan al-tak?s?m f?ma^rifatal-ak?l?m (La meilleure r?partition pour la connaissance des provinces), traduction partielle annot?e par Andr? Miquel, Damas, Institut fran?ais d'?tudes arabes, 1963, pp. 209-210.

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  • FACE ? L'ISLAM

    amener ? l'empereur104. Th?odore arrive en Syrie o? il capture quarante hommes, quatre-vingts femmes et cent enfants. Au retour, les hommes sont jet?s en prison et les femmes r?duites en esclavage. La mention de telles razzias fait figure d'exception105. Mais pourquoi les sources byzantines font-elles silence sur leurs razzias ? Cette question s'?claircit ? l'examen de l'image nouvelle du Byzantin captur? par les pirates.

    Des rapts fr?quents d?coule en effet un nouveau type de saintet?. Th?octiste de Lesbos, par exemple, dont la Vie date du d?but du Xe si?cle, fut captur?e par les Arabes de Cr?te, mais r?ussit ? s'?chapper lors d'une escale ? Paros106. Sa saintet? est surtout due ? son enl?vement, comme celle de Joseph l'Hymnographe, dont la Vie (fin du IXe si?cle) d?crit la captivit? et l'emprisonnement en Cr?te, o? il devint le chef spirituel des captifs chr?tiens107. Dans ces cas, la saintet? est li?e soit ? l'?vasion, soit ? la capture par les Arabes. Or, les deux motifs, la souffrance comme destin et les malheurs caus?s par les infid?les musulmans, se m?lent.

    Ainsi, dans la Vie d'Elie le Jeune, la vocation de celui-ci se manifeste ? travers ses enl?vements par les infid?les, la perte de sa libert?, sa vente comme esclave, qui l'am?neront ? remplir le r?le de missionnaire dans les pays musulmans108. Ce th?me

    du chr?tien d?vou? en pays arabe que d?veloppent les hagiographes a une finalit? morale. Un des dangers pour les Byzantins ?tait non seulement le rapt de leurs habitants libres, mais aussi leur conversion ? l'islam. Ainsi, Nikon M?tanoeite (i.e. ? Repentez-vous ?) fit une exp?dition en Cr?te pour ramener des ren?gats ? la foi chr?tienne109. Les hagiographes fournissent aux Byzantins chr?tiens captur?s un

    mod?le exemplaire destin? ? les convaincre que leur malheur, notamment leur ?tat impr?vu d'esclavage, a un but spirituel. L'exemple des saints pouvait les aider ? r?sister ? la conversion ? l'islam. Ainsi la saintet? s'adapte-t-elle ? la situation extr?mement difficile de cette population byzantine. En outre, les auteurs byzantins, historiographes et hagiographes, ne distinguent pas entre les razzias men?es par une arm?e et celles que lancent les pirates dans un but priv?. Dans les deux cas, les

    agresseurs sont des Arabes, d?sign?s comme ? Arabes ?, ? Sarrasins ? ou ? Agar?nes ?.

    Les victimes des assauts arabes, politiques ou priv?s, sont pr?sent?s par les Byzan tins comme des chr?tiens victimes des Arabes, sous la menace de l'islam.

    104-Miracle ?dit? dans Acta Sanctorum, vol. 4, Bruxelles, Soci?t? des Bollandistes,

    pp. 46-48, ? 2. 105-Voir les conseils militaires pour combattre les razzias dans Le Trait? sur la gu?rilla (De velitatione) de l'empereur Nic?phore Phocas (963-969), ?d. par Gilbert Dagron et

    Haralambie Mihaescu, Paris, CNRS ?ditions, 1986, pp. 47-49, 57-73 et 107 {ThreeByzan tine military treatises, ?d. par George Denis, Washington, Dumbarton Oaks, 1985, pp. 160

    162, 168-182 et 214). 106 - Vie de sainte Th?octiste de Lesbos, fans Acta Sanctorum, vol. 4, op. cit., pp. 224-233, ? 15.

    107-Vie de Joseph l'Hymnographe, ? 6 sqq., in Athanasios Papadoloulos-Keameus, Monumenta graeca et latina ad historiam Photii patriarchae pertinentia, vol. 2, Saint

    P?tersbourg, 1901, pp. 1-14.

    108 - Vie d'?lie le Jeune, ? 4 sqq., publi? dans Giuseppe Rossi Taibbi, Vita di Sant'Elia il

    Giovane, Palerme, Istituto Siciliano di Studi Bizantini e Neoellenici, 1962. 109- Vie de Nikon ? M?tanoeite ?, ? 20, publi? dans Denis F. Sullivan, The life of St. Nikon,

    Brookline, Hellenic College Press, 1987. 787

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  • YOUVAL ROTMAN

    Sur l'autre front, les Byzantins affrontaient la m?me menace de razzias exer c?es cette fois par des forces bulgares ou slaves qui pillaient les r?gions de Byzance dans les Balkans110. Mais l?, les Byzantins ne se pr?sentent pas comme les seules victimes et ils ne font pas de leurs malheurs politiques un signe divin, comme sur le front arabe. L'hagiographie du temps, dans les contr?es m?diterran?ennes,

    montre pr?cis?ment qu'?tre victime en raison de son appartenance religieuse est moralement r?mun?rateur. Cette image de soi proc?de d'une pr?sentation politique.

    La transformation du monde antique en monde m?di?val apporte une dimension nouvelle aux d?finitions de la communaut? et de l'individu. La pierre angulaire de cette ?volution est le facteur religieux, qui devient un ?l?ment politique. Exem

    plaire est le cas des captifs -

    prisonniers de guerre, soldats ou habitants civils -

    rachet?s, ?chang?s et rendus ? leur Etat d'origine, ou r?fugi?s chez l'ennemi. Dans tous ces cas, le nouveau concept de la communaut? change la mani?re dont ils sont per?us et trait?s. Ce changement d?bute au IVe si?cle. D'abord, l'individu

    acquiert une identit? religieuse qui le fait membre d'une communaut?. Ensuite, la communaut? religieuse devient responsable de ses membres. Cette responsabilit? perdure m?me en captivit? et ne d?pend pas de bornes g?ographiques. Quand la communaut? religieuse est identifi?e ? l'?tat et que l'adversaire politique est aussi, et pour la premi?re fois, le rival religieux, l'Etat se consid?re comme responsable de la religion et de la libert? de ses sujets. C'est ce qui se produit avec la fonda tion de l'Etat arabe. Cette confrontation avec l'Islam obligea Byzance ? faire du christianisme son marqueur d'identit?. Elle en usa alors davantage sur la sc?ne

    europ?enne, pour s'y imposer comme Empire. L'identit? religieuse byzantine rele vait d'une strat?gie politique. Les changements sur la sc?ne m?di?vale montrent ainsi que m?me une communaut? aussi bien d?finie politiquement que Byzance en avait besoin.

    Youval Rotman Yale University

    110- Vie de Nikon ? M?tanoeite ?, ? 40; Vie de Luc le Jeune, ?? 24 et 32-34, publi? dans Carolyn L. Connor et W. Robert Connor, The life and miracles of Saint Luke ofSteiris, Brookline, Hellenic College Press, 1994.

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    Issue Table of ContentsAnnales, Vol. 60, No. 4 (Jul. - Aug., 2005), pp. 693-895, I-XIFront MatterPolitique de la natureLa nature, les territoires et le politique en Afrique du Sud [pp. 695-717]

    Byzance en ses confinsByzance dans le millnaire mdival [pp. 721-732]L'empreinte de Byzance dans l'Italie normande: Occupation du sol et institutions [pp. 733-765]Byzance face l'Islam arabe, VIIe-Xe sicle: D'un droit territorial l'identit par la foi [pp. 767-788]

    la dcouverte de l'OccidentL'inventaire de l'astronome: Le commerce d'instruments scientifiques au XVIIIe sicle (Angleterre-Chine-Pacifique) [pp. 791-815]Entre deux droits: les Lumires en Angola (1750-v. 1800) [pp. 817-848]

    Religion et politique: Comptes rendusReview: untitled [pp. 851-855]Review: untitled [pp. 855-856]Review: untitled [pp. 856-857]Review: untitled [pp. 857-859]Review: untitled [pp. 859-861]Review: untitled [pp. 861-862]Review: untitled [pp. 862-863]Review: untitled [pp. 863-865]Review: untitled [pp. 865-869]Review: untitled [pp. 869-870]Review: untitled [pp. 870-872]Review: untitled [pp. 872-873]Review: untitled [pp. 873-874]Review: untitled [pp. 874-876]Review: untitled [pp. 876-877]Review: untitled [pp. 877-879]Review: untitled [pp. 879-882]Review: untitled [pp. 882-884]Review: untitled [pp. 884-885]Review: untitled [pp. 885-887]Review: untitled [pp. 887-888]Review: untitled [pp. 888-890]Review: untitled [pp. 890-891]Review: untitled [pp. 891-894]Review: untitled [pp. 894-895]

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