cagnat armee romaine afrique

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L’ARMÉE ROMAINE D’AFRIQUE ET L’OCCUPATION MILITAIRE DE L’AFRIQUE SOUS LES EMPEREURS PAR René [Louis Victor] CAGNAT Parties I et II. Imprimerie nationale : E. Leroux 1913

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  • LARME ROMAINE DAFRIQUEET

    LOCCUPATION MILITAIRE DE LAFRIQUE

    SOUS LES EMPEREURS

    PAR

    Ren [Louis Victor] CAGNATParties I et II.

    Imprimerie nationale : E. Leroux 1913

  • Livre numris en mode texte par :Alain Spenatto.

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  • PRFACE.

    Le volume en tte duquel fi gurent ces quelques lignes de pr-face ne pourrait pas tre une rimpression pure et simple de ce-lui qui a paru sous le mme titre en 1892, tant depuis cette po-que les dcouvertes et les travaux drudition se sont multiplis. Ainsi, pour citer seulement quelques exemples caractristiques, on a fouill mthodiquement le camp de Lambse, que lon stait jusqualors content de piller pour en extraire des pierres, dans le Sud tunisien, les offi ciers des Affaires indignes ont explor un grand nombre de postes militaires le long de lantique limes de la Tripolitaine ; M. von Domaszewski, reprenant une partie des questions abordes par moi dans le livre II, a donn des ludes trs fouilles sur la religion de larme romaine et lorganisation des cadres doffi ciers et de sous-offi ciers ; M. Pallu de Lessert a publi ses Fastes des provinces africaines, et lAcadmie de Berlin une Prosopographia Imperii romani. Jai donc t oblig de modifi er beaucoup de dtails, den ajouter beaucoup dautres : le lecteur sen rendra compte aisment. Par contre, jai supprim toutes les listes de gouverneurs, doffi ciers, de principales, de soldats, que javais insres dans la premire dition. Pour les gouverneurs et les offi ciers, je viens den dire la raison : on trouvera maintenant leurs noms dans des livres spciaux, que je naurais pu que co-pier ; pour les sous-offi ciers et les soldats, jai pens quon pouvait encore se servir des listes anciennes et sy reporter : les lacunes ne sont ni assez considrables, ni assez graves pour quil mait paru ncessaire dencombrer le prsent volume de ces additions. Jai apport aussi quelques changements lillustration ; l, pareillement, jai d tenir compte des fouilles rcentes, renoncer certaines vues actuellement renouveles, certains plans mainte-nant inexacts, et les remplacer par des reprsentations conformes ltat prsent de nos connaissances.

    Janvier 1912.

  • INTRODUCTION.

    En lan 146 avant Jsus-Christ, Carthage tombait, aprs une dfense acharne, aux mains de Scipion milien ; la ville tait pille, puis livre aux fl ammes ; un vaisseau charg de butin prcieux fai-sait voile vers lItalie et remontait le Tibre(1). Le peuple pouvait se livrer lallgresse et le vainqueur monter au Capitole : Rome venait de supprimer sa rivale. Mais il ne suffi sait point davoir an-nihil la puissance punique, il fallait lempcher de se relever ou de passer en dautres mains, il fallait, suivant la forte expression de Mommsen(2), garder le cadavre : telle tait la consquence invita-ble de la victoire. Comment allait-on procder ? Les commissaires envoys en Afrique par le Snat eurent rsoudre cette question dlicate. A vrai dire, ce ntait pas la premire fois que lon envisa-geait Rome une pareille ventualit. On sen tait dj mu la fi n de la deuxime guerre punique, et si lon navait pas ananti Carthage ce moment, cest que lon avait recul devant la prise de possession du pays. Que ferons-nous, disait en plein Snat un des orateurs qui y prirent la parole cette occasion(3) ? Adjoin-drons-nous le territoire carthaginois au domaine public ? Mais les revenus que nous en tirerons seront absorbs par lentretien des garnisons que nous serons obligs dy laisser en permanence ; car il faudra de grandes forces pour contenir tant de peuples sauvages, devenus ainsi nos voisins. tablirons-nous des colonies au sein de cette Numidie si peuple ? Mais, ou bien elles seront dtruites par les Barbares, ou, si elles parviennent les subjuguer, elles aspire-ront lindpendance. Mieux vaut donc laisser vivre Carthage. ____________________ (1) App., Pun., 132 et suiv. (2) Rom. Geschichte, V, p. 623 (t. XI, p. 255 de notre traduction). (3) Appian., Pun., 61.

  • VI INTRODUCTION.

    Ce raisonnement tait bon alors. En dtruisant Carthage, Scipion trancha la question : il ny avait plus dsormais hsiter ; il fallait, de toute ncessit, occuper lAfrique ; on pouvait seule-ment tenter de diminuer les risques de loccupation. On rduisit en province le territoire carthaginois ; on se garda pourtant de savan-cer trop loin dans lintrieur des terres, prcisment pour ne pas se heurter aux nations barbares qui y taient tablies : une ligne trace de Thabraca (Tabarca) Thenae (Henchir-Tina) marqua la limite occidentale et mridionale du territoire romain. Au del, le pays fut abandonn Massinissa, lalli de la Rpublique contre Carthage(1). En apparence, le Snat rcompensait ainsi les services passs de ce prince ; en fait, il lui en imposait un nouveau, qui tait dpargner Rome des contacts dangereux et le soin de dfendre ses frontires africaines. Ds le dbut de la conqute, il appliquait cette maxime qui, toujours et partout, inspira sa politique colo-niale : il faisait des rois de la contre, comme dit Tacite, des ins-truments de servitude(2). Sauf le territoire de Carthage, le reste de lAfrique, ce qui devait tre plus tard la Numidie et la Maurtanie, ntait donc encore que pays de protectorat. La situation devait rester la mme pendant cent ans. La province dAfrique fut spare matriellement du royau-me voisin par un foss que Scipion fi t creuser(3), lexemple de ce____________________ (1) Strab., XVII, 3, 15 : , , , ; Sall., Jug., 19 : Bello Jugurthino pleraque ex punicis oppida el fi nis Carthaginiensium quos novissime habuerant po-pulus romanus per magistratus administrabat ; Gaetulorum magna pars et Numidia usque ad fl umen Mulucham sub Jugurtha erant. Mauris omnibus rex Bocchus imperitabat, praeter nomen cetera ignarus populi romani. (2) Tac., Agric., 14 : Vetere ac jampridem recepta populi romani consuetudine ut haheret instrumenta servitutis et reges. Aussi les troupes que les rois de Numidie devaient entretenir taient-elles trs importantes. Strabon (XVII, 3, 13) nous apprend que Micipsa pouvait mettre sur pied 20,000 hommes et 10,000 chevaux. (3) Plin., Hist. nat., V, 25 (dit. Jan) Ea pars quam Africam appella-vimus dividitur in duas provincias, veterem et novam, discretas fossa inter Africanum sequentem et reges Thenas usque perducta.

  • INTRODUCTION. VII

    quavaient fait avant lui les Carthaginois(1), la limite du territoire romain. La direction de ce foss de frontire a t tudie avec soin depuis quelques annee(2), et lon est arriv en dterminer le trac avec quelque approximation. Ce nest point le lieu dentrer ici dans le dtail cet gard ; le fait seul est retenir. Il est intressant de voir les Romains, ds le dbut de leur tablissement en Afrique, tablir ainsi un limes autour de la rgion dont ils se rservaient la posses-sion : cest un systme quils emploieront jusqu la fi n de lEmpire. Sans doute, ce foss primitif tait un obstacle destin marquer la limite du sol romain plutt quun retranchement militaire, et navait rien de commun avec celui que lon creusa plus tard dans les diff-rentes provinces, en Bretagne, en Germanie et mme en Afrique, et que lon borda de forteresses ; mais le dernier naquit du premier : car on ne put videmment laisser longtemps le foss de Scipion sans surveillance, sous peine de le voir violer chaque jour. A la suite de la bataille de Thapsus, Csar tendit les limites de lAfrique romaine en y englobant la Numidie(3). A quelles consid-rations obit-il quand il se rsolut la cration de cette Afrique nou-velle, comme on disait alors ? Faut-il faire de cette mesure le rsultat dune politique voulue, grande et librale, et dire, avec certains his-toriens(4), que civiliser et latiniser lAfrique compta dsormais parmi les soucis du gouvernement romain ? Ou bien Csar comprit-il seule-ment que le moment tait venu de supprimer, autant quon le pouvait,____________________ (1) Phlegon. Tralliani fragm., 47 ( d. Mller : Fragm. historic. graec., III, p. 622) ; App., Punic., 54. Sur les fosses puniques, voir Tissot, Gogra-phie compare de la province romaine dAfrique, I, p. 532 et suiv. (2) Cf. Tissot, op. cit., II, p. 3 et suiv. ; R. Cagnat, Comptes rendus de lAcad. des Inscr., 1894, p. 43 et suiv. ; St. Gsell, Rec. de mmoires publis au XIVe Congrs des Orientalistes, p. 349 et suiv. ; L. Poinssot, Comptes ren-dus de lAcadmie des Inscr., 1907, p. 466 et suiv. ; de Pachtere, ibid., 1910, p. 315 et suiv. (3) De bell. Afric., 97 : Ex regno provincia facta, atque ibi Crispo Sallustio proconsule cum imperio relicto, ipse Zama egressus Uticam se re-cepit. Cf. Dio, XLIII, 9 ; Appian., Bell. civ., II, 100 . (4) Cf. Mommsen, Rm. Geschichte, V, p. 624 (t. XI, p. 256 de notre traduction).

  • VIII INTRODUCTION.

    ces rois allis qui, au lieu de se contenter de dfendre la provin-ce africaine contre les ennemis du dehors, prenaient parti dans les querelles intimes de la Rpublique ? Cest ce que lhistoire peut diffi cilement dmler. Il ne serait pas tonnant pourtant que, dans cette circonstance, le souvenir de Juba et de ses lphants et t dun certain poids dans la dtermination du vainqueur de Thapsus(1). Quoi quil en soit, partir de lanne 46 avant Jsus-Christ, Rome entra directement en contact avec les tribus insoumises du Sud. Dsormais, la partie du pays quelle regardait comme sienne stendit, du moins en thorie, depuis le cours infrieur de lAm-sagas (Oued-el-Kbir) jusquau pied de lAurs, lOuest, jusqu Capsa (Gafsa) et Tacapas (Gabs), au Sud ; le territoire de Cirta, cd Sittius, forma quelque temps une enclave dans la Numidie(2). Les auteurs ne signalent plus ds lors, avant les grandes rformes territoriales dAuguste, que des changements passagers et sans im-portance. Pour garder ce territoire, restreint dabord, plus tendu ensuite, Rome fut oblige dy entretenir un corps doccupation. Elle procda en Afrique comme ailleurs : tous les ans, le Snat mettait la dis-position du gouverneur les forces ncessaires la dfense du pays, avec largent destin les alimenter. On nenvoyait pas, cela va de soi, chaque anne des lgions nouvelles ; on y laissait celles qui te-naient dj la campagne, en comblant les vides que faisaient les ma-ladies, la guerre ou le dpart de ceux qui avaient achev leur temps de service(3). En outre, les chefs de corps compltaient leurs armes avec des auxiliaires quils levaient dans la province mme et quils____________________ (1) Tissot (Gogr. compare de lAfrique, p. 23) dit trs justement, mon sens : Lappui que le parti pompien avait trouv en Afrique dcida Csar modifi er la situation politique que Rome avait respecte pendant un sicle. (2) Appian., Bell. civ., IV, 54. Cf. Mela, I, 7,3 ; Plin., Hist. nat., V, 22. (3) Mommsen, Staatsrecht, III, p. 1071et suiv. Cf. Willems, le Snat de la Rpublique romaine, p. 622 et suiv. ; et p. 646 ; Madvig, ltat romain (traduction franaise), III, p. 65 et suiv. Ainsi, lors de la guerre de Jugur-tha, larme romaine retourne en hiver dans la province (Sall., Jug., 39, 44), mais on la complte par des leves faites en Italie (27,43, 84).

  • INTRODUCTION. IX

    demandaient surtout aux villes libres : ils leur faisaient ainsi payer leur autonomie(1). Dans les circonstances diffi ciles, et lAfrique eut traver-ser sous la Rpublique des crises frquentes et terribles, quand on avait combattre un roi de Numidie soulev, comme Jugurtha, ou les paves dun parti vaincu en Europe, mais non encore abattu, comme les troupes de Marius ou celles de Pompe, le nombre des soldats engags pouvait tre considrable, surtout lorsquil sy joi-gnait des secours fournis par un Bocchus, un Hiarbas ou un Juba. Les historiens nous ont transmis quelques chiffres, qui donneront une ide de limportance des armes africaines en pareil cas. Quand Pompe fut envoy par Sylla contre Domitius Ahenobarbus, il arriva avec six lgions entires ; son ennemi avait, de son ct, des forces imposantes(2). Csar en amena avec lui le mme nombre, lorsquil vint combattre le parti pompien, et, en outre, 2,000 cavaliers(3) ; il ne tarda pas recevoir de Sicile des renforts qui doublrent leffec-tif de ses troupes, sans compter lappoint que Sittius et Bocchus lui apportrent(4) ; ses adversaires disposaient dun chiffre de soldats suprieur encore. Labienus, dans le rcit de la guerre dAfrique qui nous a t conserv, aurait eu douze lgions, augmentes de cava-liers germains, gaulois et africain(5), ainsi que des auxiliaires fournis____________________ (1) Willems, op. cit., p. 638. Cest ainsi quAttius Varus, qui stait rfugi presque seul en Afrique, put se constituer une arme de deux lgions, parce quil savait comment on en usait pour y lever des soldats : nominum et locorum notitia et usu ejus provinciae nactus aditus ad ea conanda, quod paucis ante annis ex praetura eam provinciam obtinuerat. (Caes., De bell. civ., I, 31.) (2) Plutarch., Pomp., II : , t , . (3) De bell. Afric., 2. (4) Ibid., 33, 44, 53. Cf. Stoffel, Hist. de Jules Csar, II, p. 283. (5) De bell. Afric., 19 : Quod triennio in Africa (Labienus) suos mili-tes consuetudine retentos, fi deles sibi jam effecisset ; maxima autem auxilia haberet Numidarum equitum levisque armaturae. Praeterea ex fuga proelio-que Pompeiano Labienus, quos secum a Brundisio transportaverat, equites

  • X INTRODUCTION.

    par Juba, qui sont valus, dans un autre passage du mme ouvra-ge(1), quatre lgions, un nombre considrable de cavaliers et une grande quantit dirrguliers. Appien attribue Scipion huit l-gions, 20,000 cavaliers et des auxiliaires(2) ; Juba, 30,000 fantas-sins, 20,000 chevaux et bon nombre darchers(3). Il est vrai quil prsente ce total de soldats non pas comme un chiffre offi ciel, mais comme celui que lon attribuait Scipion dans le camp de Csar ; mais, quelque exagr quon veuille le considrer, il nen reste pas moins certain que larme des Pompiens tait trs puissante. Plus tard, quand Lpide, aprs la bataille de Philippes, vint prendre pos-session de lAfrique occupe par Sextius, il tait accompagn de six lgions d Antoine, quil grossit ensuite par un recrutement local(4). Il est certain quen temps ordinaire on nentretenait pas en Afri-que un nombre de soldats aussi important : larme du pays se rduisait un effectif normal beaucoup plus faible, duquel malheureusement____________________Germanos Gallosque, ibique postea ex hybridis libertinis servisque conscrip-serat, armaverat, equoque uti frenato condocuerat. Praeterea regia auxilia, elephantes CXX, equitatusque innumerabilis ; deinde legiones conscriptae ex cujusque modi generis amplius XII milibus. Le texte de ce passage a donn lieu de nombreuses observations. M. Wlffl in (C. Asini Polionis de belle Africo, p. 33 et 34), reprenant une opinion de Juste Lipse, le regarde comme entirement interpol. Il se demande (p. 34, notes) sil ne faut pas considrer milibus comme une faute pour militibus. Il est sage de ne pas faire fonds sur ce texte. (1) Ibid., I. Au chapitre 48, on lit que Juba, laissant une partie de ses troupes pour tenir tte Sittius, vint soutenir Scipion cum III legionibus, equitibusque frenatis DCCC, Numidis sine frenis, peditibusque levis arma-turae grandi numero, elephantisque XXX. (2) Lauteur du De bello Africo (ch. I) donne 10 lgions Scipion ; cf. le ch. 20. (3) App., Bell. civ., II, 96 : ( ) , , , . (4) App., ibid., V, 53 : ... ... , . Velleius Paterculus dit, dautre part (II, 80) : Acciverat gerens contra Pom-peium bellum ex Africa Caesar Lepidum cum XII semiplenis legionibus.

  • INTRODUCTION. XI

    les auteurs ne parlent pas souvent ; car les troupes qui ne prennent pas part des vnements remarquables nattirent gure lattention des historiens. Orose seul y a fait allusion dans un passage de ses Histoires(1). Il raconte que, lors de la peste dont lAfrique souffrit en 125 avant Jsus-Christ, la suite dune invasion de sauterelles et dune disette qui en fut la consquence, 30,000 soldats prirent Utique ; et il ajoute que ce rassemblement de jeunes hommes tait recrut pour assurer la garde de la province tout entire. Ce chiffre ne laisse pas que dtre fort lev, et il le parat dautant plus, au premier abord, que, ainsi que nous ltablirons dans ce travail, lar-me rgulire de Numidie, lpoque impriale, tait loin dtre aussi nombreuse. Mais il faut songer que les Romains venaient peine de prendre pied en Afrique en 125, et que, au dbut de toute conqute, le vainqueur doit entretenir des forces imposantes dans le pays soumis, sil vent que la victoire y porte des fruits dura-bles ; cest cette priode de loccupation que les demi-mesures sont surtout dangereuses. Au reste, sous la Rpublique, les auteurs ne regardaient point 30,000 hommes, composs pour la moiti de citoyens romains, pour lautre moiti dallis, comme une grosse arme ; ctait l leffectif habituel, cette poque, des provinces pacifi es, ou plutt peu prs soumises(2), et lAfrique tait consi-dre comme telle(3). On aimerait savoir si le chiffre donn par Orose fut aug-ment dans la suite, surtout lorsque, aprs la victoire de Thapsus et lextension de la province romaine qui en fuit la suite, on eut d-fendre le territoire contre les invasions du Sud ; mais je nai trouv____________________ (1) Oros., V, II, 4 : Apud ipsam vero Uticam civitatem triginta milia militum quae ad praesidium totius Africae ordinata fuerant, extincta atque abrasa sunt. Quae clades tam repentina ac tam violenta institit ut tunc apud Uticam sub una die per unam portam ex illis junioribus plus quam mille quingentos mortuos datos fuisse narretur. (2) Cest ainsi que Cicron avait avec lui, en Cilicie, 12,000 lgion-naires, 2,500 cavaliers et un effectif peu prs gal dallis fournis par le roi Dejotarus (Ad Attic., V, 18, 2). Cf. Willems, le Snat de la Rpublique romaine, p. 646, note 4. (3) Cf. ibid., note 2.

  • XII INTRODUCTION.

    nulle part de renseignements ce sujet. Je ne saurais dire davantage suivant quels principes les soldats taient rpartis dans ltendue des rgions soumises, si les lgions, par exemple, taient disper-ses sur plusieurs points, ou si elles taient concentres dans une ou deux villes de la cte ou de lintrieur, la garde des endroits exposs ou mal pacifi s tant confi e aux auxiliaires. Sur tous ces dtails, qui auraient pour nous un grand intrt, on consulterait en vain les auteurs ; on ne pourrait les demander qu des inscriptions ; or lon nen a encore recueilli quune ou deux en Afrique qui remontent lpoque rpublicaine, et elles nont point rapport larme. On voit cependant assez clairement que les vtrans taient appels jouer un certain rle dans la dfense du territoire. Il suffi t, pour sen convaincre, de remarquer que les deux seules colonies mariennes connues jusquici, Uci Majus(1) et Thibaris(2), sont prci-sment situes la frontire de lAfrique et de la Numidie, non loin de ce foss trac par Scipion en 146, qui formait encore la limite de la province lpoque de Marius ; ce nest assurment pas l leffet du hasard ; et ces points ont d tre choisis parce quils taient alors dexcellentes positions militaires(3). De mme, lorsque Csar quitta lAfrique aprs Thapsus, il licencia ses vtrans, au dire de Dion Cassius(4), cest--dire, suivant toute vraisemblance, quil leur donna des terres dans le pays ; il nest pas douteux, sil en fut ainsi, quil les ait tablis de prfrence dans des rgions o ils pouvaient tre utiles ltat. Peut-tre est-ce de la sorte quil colonisa(5), du moins en partie,____________________ (1) Colonia Mariana Augusta Alexandriana Uchitanorum Majorum (C. I. L., VIII, p. 1487 ; A. Merlin et L. Poinssot, Les inscriptions dUchi Majus, nos 32, 40, 42, 44, 49, 53). On sait que Marius avait tabli ses v-trans dans le pays (Aur. Vict., De vir. ill., 73 : L. Appuleius Saturninus... ut gratiam Marianorum militum pararet legem tulit ut veteranis centena agri jugera in Africa dividerentur ). Cf. De bell. Afric., 35, 56. (2) Ann. pigr., 1902, 48. (3) Uci Majus occupait une situation trs forte, sur un plateau mi-cte du Djebel-Gorra. Cl. Tissot, Gogr. de lAfrique, p. 537 et suiv., et A. Merlin et L. Poinssot, op. cit., p. 16 et suiv. (4) Dio, XLIII, 14. (5) On peut regarder, daprs M. Kubitschek, comme colonies de C-sar les villes qui, portant le titre de Julia, sont inscrites dans une des tribus

  • INTRODUCTION. XIII

    les villes importantes de la cte(1), ainsi que celles de la valle de la Medjerda et des rgions voisines, qui gardaient les communications entre Carthage et Cirta, comme Simitthu(2). En tout cas, la colonie quil envoya relever Carthage tait en partie compose de vtrans(3). Il est naturel de supposer qu cette poque les villes et les villages de la province taient pour la plupart fortifi s, aussi bien sur le bord de la mer que dans lintrieur des terres, la cte ntant gure plus sre que le reste du pays. Dun ct, en effet, on avait redouter la piraterie qui ne disparut jamais compltement de la Mditerrane, mme aprs la chasse que Pompe donna aux corsai-res ; de lautre, on tait oblig de se tenir en garde contre les atta-ques des insoumis ou contre celles des armes ennemies lorsquon stait prononc, de gr ou de force, pour un des partis qui se dis-putaient, sur la terre dAfrique, la prsance Rome. Et, en fait, les auteurs ou mme les inscriptions nous ont gard ce sujet des renseignements prcis. Par exemple, le continuateur anonyme de Csar cite quelques-unes des places fortes qui, vers le milieu du 1er sicle avant Jsus-Christ, couvraient le littoral Clupea (Klibia), Neapolis (Nabel)(4), Hadrumetum(Souse)(5), Leptis Parva (Lamta)(6)____________________Horatia, Cornelia et Quirina. Pour celles qui sont inscrites dans la tribu Ar-nensis, on doit conserver des doutes (Imperium romanum tributim discriptum, p. 138). La question est, dailleurs, trs diffi cile rsoudre. Sur les coloniae Juliae dAfrique et leur attribution Csar ou a Auguste, voir E. Kornemann dans le Philologus, LX, p. 415 et suiv., et dans la Realencyclopdie de Pauly-Wissowa, IV, col. 533 ; et W. Barthel, Zur Gesehichte der rm. Stdte in Africa (1904), p. 29 et suiv. (1) Col. Jul. Curubi (tribu Arnensis) : C. I. L., 980. Cf. plus bas, p. XVIII, note 2 : col. Jul. Neapolis (tribu Arnensis) : C. I. L., VIII, 968 ; Clupea : Cf. Eph. epigr., II, p. 113. (2) Col. Jul. Numidica Simitthu (tribu Quirina) : C. I. L., VIII, 14612 et 22197. (3) Strab., XVII, 3, 15 : . Cf. Plutarch., Caes., 57 : . (4) De bell. Afric., 2. (5) Ibid., 3 et 5. (6) Ibid., 7 et 29.

  • XIV INTRODUCTION.

    et mentionne, sans les nommer, dautres postes fortifi s qui schelonnaient sur la cte entre Nabel et Monastir(1). Nous savons dautre part, par une inscription(2), quen 709 de Rome les duumvirs de Curubi (Kourba) fi rent ou plutt refi rent entirement en pierres de taille le mur de la ville, qui avait eu souffrir, sans doute, dans la guerre entre les Csariens et les Pompiens. Entre 706 et 708, il avait dj fallu y excuter des rparations, relever des tours, percer des poternes, creuser les fosss(3). Un autre texte pigraphique, de la mme poque peu prs, nous apprend quil existait sur le terri-toire de Carthage quatre-vingt-trois castella(4) ; ces postes fortifi s formaient videmment tout autour de la capitale, et des distances diffrentes, une ceinture dfensive. Cest ainsi que lon protgeait alors toutes les cits importan-tes : on avait soin de jeter dans le pays, du ct o pouvait venir le danger, des fortins avancs assez nombreux et assez solides pour le conjurer. Nous en avons la preuve pour Sicca Veneria. Au nord du Kef, la route qui donnait accs dans la valle de la Medjerda tait barre, un passage naturellement diffi cile, par le castellum de Nebbeur (Henchir-Sidi-Merzoug), localit qui portait encore ce titre sous lEmpire(5), tandis que la voie qui menait vers Carthage passait au pied de celui dUcubi (Henchir-Kaoussat), tablissement fortifi devenu postrieurement une ville assez fl orissante(6). Ce systme fut, de mme, appliqu par Sittius dans le territoire quil reut de la reconnaissance de Csar ; sur les diffrents chemins qui____________________ (1) De bell. Afric., 2 et 6. (2) C. I. L. VIII, 977 : C. Caesare linp(eratore) co(n)s(ule) II [II] ; L. Pomponius L. I(ibertus) Malc[io] duovir murum oppidi totum ex saxo qua-drato aedifi c(andum) coer(avit). (3) Ibid., 24099 : P. Attius P. f. Vaarus Ieg. pro pr., C. Considius C. f. Longus Ieg. pro pr. murum, turres, posteicuus, fossam faciundum coer(averunt). (4) C. I. L., X, 6104 M. Caelius, M. I(ibertus), Phileros, accens(us)T. Sexti(i) imp(eratoris) in Africa, Carthag(ine) aed(ilis), praef(ectus) j(ure) d(icundo) vectig(alibusque) quinq(uennalibus) Iocand(is) in castell(is) LXXXIII. (5) C. I. L., VIII, 15721, 15722 et 15726. (6) Ibid., 15669.

  • INTRODUCTION. XV

    conduisaient Cirta slevaient une srie de castella dont les noms ont t retrouvs : Subzuar(1), Arsacal(2), Mastar(3), Sigus(4) et dautres encore. Il ny avait pas, en effet, dautre procd pour as-surer aux grandes villes la scurit dont elles avaient besoin ou, du moins, pour leur donner le temps, au moment du pril, de se mettre sur la dfensive. Aussi, aprs lavoir abandonn pendant les trois premiers sicles, o toute la surveillance se porta la frontire, on y revint aprs Constantin et surtout aprs Justinien. Il ntait pas alors de ville africaine dont les abords lointains ou immdiats ne fussent protgs par de petites enceintes souvent improvises. Tous ceux qui ont visit les ruines dAlgrie et de Tunisie ont t frapps de cette particularit. En somme, on connat fort mal encore la faon dont la pro-vince dAfrique tait occupe sous la Rpublique. Arrivera-t-on ja-mais sen faire une ide plus nette ? On ne peut gure lesprer ; car il nest pas probable quon trouve beaucoup dinscriptions de cette poque, ni que le sol, tant de fois remani depuis vingt sicles, permette jamais aux chercheurs de saisir des traces certaines des camps ou des forteresses qui sy levaient alors.

    La premire mesure que prit Octavien, aprs la bataille dActium, fut de rendre la Numidie au fi ls de Juba 1er(5). Sil agit ainsi, ce nest videmment pas quil entendt restreindre les possessions romaines en Afrique, ou renoncer des droits acquis, mais seulement pour se dcharger momentanment du soin de la dfense et de la garde des frontires mridionales. Le contact direct du territoire romain avec celui des Gtules navait sans doute pas t sans entraner certains chocs ; aprs avoir fait appel leur concours pour les opposer Juba(6)____________________ (1) C. I. L., VIII, 19216. Cf. Rec. de Constantine, XII (1868), p. 398. (2) C. I. L., 6041. Cf. Rec. de Constantine, loc. cit., p. 80. (3) C. I. L., VIII, 6356. Cf. Rec. de Constantine, IV (1858-1859), p. 156. (4) C. I. L., VIII, 19121. (5) Dio, LI, 15 : , . (6) De bell. Afric., 55.

  • XVI INTRODUCTION.

    et leur avoir appris ce quils savaient, du reste attaquer la Numidie, il avait bien fallu rprimer leurs incursions ; il fallait sur-tout exercer ds lors, de ce ct, une surveillance active. Octavien, qui navait point encore le loisir de soccuper de lorganisation des provinces, prfra attendre quelques annes avant de rgler dfi ni-tivement la situation de lAfrique, et rserver jusque-l ses troupes pour tenir tte dautres diffi cults. Le fi ls de Juba fut charg de lintrim. lev en Italie, il apportait dans le pays des habitudes romaines et un esprit de soumission absolue ; on pouvait lui confi er sans crainte les destines de la Numidie. Le proconsul dAfrique tait l, dailleurs, pour le rappeler au devoir et lui prter main-forte, au besoin(1).

    Mais les choses devaient forcment se rgulariser quelques annes plus tard, lorsquOctavien, qui venait de recevoir, avec limperium, le titre dAuguste, crut le moment venu de dposer le pouvoir exceptionnel reipublicae constituendae qui lui avait t ac-cord prcdemment et procda la rorganisation administrative du monde romain. Il avait ce moment sous son autorit toutes les provinces(2) ; il les rendit au Snat pour les partager immdiatement avec lui (27 ans avant Jsus-Christ). Les provinces armes , celles qui, exposes aux attaques des ennemis, avaient besoin dtre gardes par des troupes perma-nentes, devinrent le lot de lempereur, investi du commandement suprme de toutes les armes. Le Snat eut pour sa part les provin-ces pacifi es.

    LAfrique ne pouvait gure tre comprise dans cette dernire catgorie, puisquelle tait dj et allait bientt devenir davantage encore une rgion frontire. Et pourtant elle chut en partage au Snat et forma, comme la province dAsie, qui tait dans une situation toute____________________ (1) Il semble, en effet, quil ait eu soutenir le roi dans sa lutte contre les ennemis du Sud. Les Fastes triomphaux signalent, en 726, le triomphe de L. Autronius Paetus ex Africa . On na pas gard dautre souvenir du fait que cette sche mention. (2) Cf. Mommsen, Res gestae Divi Augusti (d. 1883), p. 147.

  • INTRODUCTION. XVII

    diffrente, un gouvernement proconsulaire. Les considrations qui dictrent cette mesure exceptionnelle ont t sans doute multiples ; mais si lon se rappelle que lAfrique, au temps mme dAuguste, fournissait Rome les deux tiers de sa consommation de bl(1), on comprendra aisment quil ne fallait pas laisser entre les mains du prince, en lui livrant cette province, la possibilit daffamer la capitale par caprice ou par ambition. Auguste lui-mme, qui tenait essentiellement ne pas se donner les dehors dun despote, dut tre le premier le reconnatre et le proclamer. Cependant le pays tait loin dtre soumis : aux populations de lintrieur encore demi indomptes et toujours prtes remuer se joignaient les Barbares du dehors, contre lesquels il ntait pas de dfense naturelle au Sud, et qui trouvaient dans le dsert, en cas de dfaite, un refuge impntrable o ils pouvaient reprendre de nouvelles forces. Il fut donc ncessaire dy tablir une arme per-manente sous les ordres du proconsul, anomalie qui ne se retrouve dans aucune autre partie de lEmpire. Le proconsul dAfrique est le seul qui, disposant de forces imposantes, ne tienne pas son pouvoir de lempereur, mais du peuple(2).

    Presque aussitt (25 ans avant Jsus-Christ) et pour compl-ter cette mesure, Auguste reprit la Numidie au roi Juba et lannexa la Proconsulaire, autour de laquelle elle est appele dsormais former une ceinture militaire. Cest ainsi quelle sera considre pendant tout lEmpire, mais surtout au dbut : on soccupera de dfendre et de garder solidement la Numidie pour couvrir lAfrique propre et les colons qui y deviendront de jour en jour plus nom-breux. Quant la Maurtanie, Auguste ne prit pas sur lui immdiate-ment le fardeau de loccuper militairement. Il la donna au roi Juba II, en compensation de la Numidie, avec les honneurs de la royaut et les____________________ (1) Josphe (Bell. Jud., II, 16, 4) value la quantit de bl fourni an-nuellement par lAfrique 40 millions de modius. (2) M. Mommsen suppose que le proconsul prtorien de Cyrnaque a eu aussi, pendant quelque temps, la mme prrogative. Cf. Res gestae Divi Augusti, p. 170.

  • XVIII INTRODUCTION.

    charges quelle entranait. Cest Juba qui dut protger dornavant le pays contre les attaques du dehors et les rvoltes de lintrieur(1). Lourde tche laquelle il put suffi re grand peine ! Sous son fi ls seulement, la Maurtanie sera rduite en province romaine, ce qui entranera pour lempereur la ncessit de dfendre lui-mme le territoire.

    Ds lors, le nord de lAfrique sera occup entirement par les armes de lEmpire. La prise de possession de la Maurtanie est la dernire consquence de la destruction de Carthage. Rome chercha sy soustraire aussi longtemps quelle le put ; mais il lui fallut bien enfi n la subir aprs deux sicles. Cest larme rpandue sur cette immense tendue de terrain lpoque impriale, ce sont les moyens employs par les Romains pour la protger et la tenir en paix, que je me suis propos dtudier dans ce travail. Il y a longtemps que ce sujet a appel lattention des archologues africains : les uns ont cherch dans les auteurs et dans les inscriptions des renseignements sur les troupes tablies dans le pays ou disperses sur la frontire ; les autres ont relev, sur le terrain, la trace des camps, des forteresses, des voies militaires, de tout ce qui tmoignait ou tmoigne encore de lactivit et de lner-gie dployes par les troupes impriales. Mais on na pas encore essay de runir en un seul ouvrage tous les renseignements crits sur les pierres ou parpills sur le sol de lAfrique du Nord. Il ma paru que le moment tait venu de tenter une pareille entreprise, le nombre des textes et des faits sur lesquels on peut raisonner tant dj considrable pour lAfrique seule, et lorganisation de larme romaine tant, dautre part, assez connue pour que lon puisse r-soudre par analogie les diffi cults dont les documents africains ne donnent point la clef. Pour mener bonne fi n mon essai, non seu-lement jai consult les auteurs, trop rares malheureusement, qui ont fait allusion lhistoire militaire de lEmpire pendant les quatre premiers sicles de notre re, et les recueils pigraphiques, mais____________________ (1) Tac., Ann., IV, 5 (dans lnumration des forces militaires de lEm-pire) : Mauros Juba rex acceperat, donum populi romani.

  • INTRODUCTION. XIX

    aussi jai dpouill un grand nombre douvrages o je croyais pou-voir trouver des renseignements sur ltat des ruines romaines en Algrie, surtout au moment de la conqute. De plus, jai t mme, dans mes explorations, dtudier sur place quelques-uns des camps ou des fortins que jaurai loccasion de dcrire ; pour les points que je nai pu visiter ou lorsque mes relevs mont paru dfectueux, jai trouv parmi les archologues africains, toutes les fois que je les ai interrogs, lobligeance la plus grande et le concours le plus empress. Je me ferai dailleurs un devoir de leur exprimer ma gra-titude, dans ce travail, toutes les fois que jaurai citer des faits dont je leur suis redevable. Jai arrt mon tude linvasion des Vandales, parce que cet vnement marque le dbut dune re toute nouvelle, et que le mode doccupation militaire inaugur cette poque, et surtout aprs la conqute de lAfrique par Justinien, na rien de commun avec celui quon suivait aux premiers sicles. Il y a, dans cette p-riode postrieure de la dfense de lAfrique, les lments dune tude absolument distincte, pour laquelle les documents abondent, mergeant encore de tous cts la surface du sol(1). Je nai pas la prtention davoir puis le sujet : bien des d-tails restent incertains, quune tude plus pntrante ou des trou-vailles futures permettront de fi xer ; jespre pourtant avoir trac un cadre gnral assez complet, pour que les dcouvertes que lavenir nous rserve y trouvent tout naturellement leur place.____________________ (1) Cest ce qua fait M. Diehl dans son travail remarquable, LAfrique byzantine.

  • BIBLIOGRAPHIE(1).

    Archives des Missions scientifi ques et littraires.Annuaire et Recueil de la Socit archologique de Constantine.H. AUCAPITAINE. Les Confi ns militaires de la Grande-Kabylie sous la domination turque. Paris, 1857, in-18.A. BERBRUGGER. poques militaires de la Grande-Kabylie. Alger, 1857, in-12.G. BOISSIRE. LAlgrie romaine. Paris, 1883 (2e dition), in-12.Bulletin archologique du Comit des travaux historiques, annes 1885 et suiv. Bulletin de Correspondance africaine.Bulletin des Antiquits africaines.Bulletin trimestriel de Gographie et dArchologie de la Socit dOran.L. CANTABELLI. Legio I Liberatrix ; Macriana. (Bullettino della Com-missione archeologica comunale di Roma, 1886, p. 117 et suiv.)E. CAT. Essai sur la province romaine de Maurtanie Csarienne. Paris, 1891, in-8.DE CAUSSADE. Notice sur les traces de loccupation romaine dans la province dAlger. (Mmoires de la Socit archologique de lOrlanais, 1851, p. 234 et suiv.)Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions et Belles-Lettres.Corpus inscriptionum latinarum, t. VIII, Berlin, 1881, in-f. Supplments 1891-1904.A. DELAMARE. Recherches sur lancienne ville de Lambse. (Mmoi-res de la Socit des Antiquaires de France, 2e srie, t. I, p. 30 et suiv.)VON DOMASZEWSKI. Die Rangordnung des rmischen Heeres. Bonn, 1908, in 8. (Bonner Jarbcher, CXVII.)

    (1) On ne trouvera indiques dans cette bibliographie que les ouvrages les plus importants que jai consults. Les autres seront cits dans les notes chaque fois que loc-casion se prsentera.

  • XXII BIBLIOGRAPHIE.

    VON DOMASZEWSKI. Die principia des rm. Lagers. (Neue Heidel-

    berger Jahrbcher, IX, 1899, p. 148 et suiv.)

    Die principia und armantentaria des Lagers von Lambaesis. (Korrespon-

    denzblatt der Westdeutschen Zeitschrift, XXI, 1902, p. 21 et suiv.)

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    surtout I, p. 75 et suiv.

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    Docteur GUYON. Voyage dAlger aux Ziban. Alger, 1852, in-8.

    G. HENZEN. Intorno all opera del sig. Lon Renier sulle iscrizioni dell

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    et suiv.)

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    brck, 1881, in-8, p. 90-189.

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    Csarienne. (Voir Archives des Missions scientif ques et littraires, 3e srie,

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    travaux historiques, 1889 1891.)

    E. MASQUEBAY. De Aurasio monte, 1886, in-8.

  • BIBLIOGRAPHIE. XXIII

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    1886, 1888.)

    TH. MOMMSEN. Rmische Geschichte, t. V, p. 629 et suiv. (t. XI, 250

    et suiv. de la traduction franaise). Berlin, 1885, in-8.

    Das Rmische Militrwesen seit Diocletian. (Gesammelte Schriften, t.

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    AZEMA DE MONTGRAVIER. Observations sur les antiquits militaires

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    tudes historiques (dans les Projets de colonisation de De la Moriciere et

    Bedeau. Paris, 1847, in-8).

    tudes dhistoire et darchologie sur linvasion de lAfrique septentrio-

    nale par les Romains. (Mmoires de la Socit archologique du Midi de la

    France, 1860, p. 302 et suiv.)

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    maine. (Voir Rec. de la Socit archologique de Constantine, 1889.)

    Les gouverneurs de Maurtanie. (V oir Bullet. des Antiquits afric., 1885.)

    Fastes des provinces africaines. Paris, 2 vol. in-4, 1896-1901.

    Les Briques lgionnaires. Contribution la gographie militaire de lAfrique

    romaine. (Voir Revue de lAfrique franaise, 1888.)

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    Socit de Constantine, 1874)

    L. RENIER. Rapports de missions. (Voir Archives des missions scientif -

    ques et littraires, 1re srie, t. II [1851].)

    Recueil de la Socit archologique de Constantine. (Voir Annuaire.)

    Revue africaine.

    CH. TISSOT. Gographie compare de la province romaine dAfrique.

    Paris, 2 vol. in-4, 1884-1888. (Atlas par M. Salomon Reinach.)

    Recherches sur la gographie compare de la Maurtanie Tingitane. (M-

    moires prsents par divers savants lAcadmie des Inscriptions et Belles-

    Lettres, 1re srie, t. IX, p. 139 et suiv.)

  • XXIV BIBLIOGRAPHIE.

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    jura. Paris,

    1868, in-8.

    G. WILMANNS. Die Rmische Lagerstadt Africas (dans les Commenta-

    tiones in honorem Mommseni, Berlin, 1877, p. 190 et suiv.), traduit en fran-

    ais par H. Thdenat sous le titre : tude sur le camp et la ville de Lambse.

    (Voir Bulletin des Antiquits africaines, 1884.)

  • LIVRE PREMIER

    LES GUERRES DAFRIQUE SOUS LEMPIRE

  • 3

    LARME ROMAINE DAFRIQUEET

    LOCCUPATION MILITAIRE DE LAFRIQUESOUS LES EMPEREURS

    _____________________________________________________

    LIVRE PREMIER.LES GUERRES DAFRIQUE SOUS LEMPIRE.

    ___________

    CHAPITRE PREMIER.

    DEPUIS LE COMMENCEMENT DU RGNE DAUGUSTE JUSQU LA FINDU RGNE DHADRIEN.

    On a peu de dtails prcis sur les guerres qui marqurent le rgne dAuguste en Afrique ; nous avons pourtant conser-v, pour cette poque, le souvenir de soulvements parmi les peuplades habitant au sud de la province ; ils semblent avoir eu plus dimportance que les historiens ne leur en attribuent. Cest Dion Cassius qui nous parle le plus longuement de ces mouvements ; encore ny consacre-t-il que quelques lignes. Il sexprime ainsi : Les Gtules, irrits contre le roi Juba et se refusant subir leur tour le joug des Romains, se rvol-trent contre lui, ravagrent le territoire voisin de leurs pays et turent plusieurs des gnraux qui leur furent opposs ; en un mot, leur puissance saccrut un point tel que leur soumis-sion valut Cornelius Cossus les ornements du triomphe et un surnom(1). ____________________ (1) Dio, LV, 28.

  • 4 ARME ROMAINE DAFRIQUE.

    Il rsulte de ce passage de Dion que la cause de la guerre fut prcisment la prise de la Numidie par les Romains et le don fait Juba de la Maurtanie, et que les peuples soulevs furent les Gtules. Sous ce nom, on comprenait lensemble de toutes les populations de mme race occupant les hauts plateaux et les contres sahariennes, au sud de la Maurtanie, de la Numidie et mme de la province dAfrique propre(1). Lloignement o elles vivaient des habitants du Tell, les dif-fi cults que leur pays offrait des expditions, et plus encore leur nature rude et ombrageuse, leur ont toujours permis de rester dans une indpendance peu prs complte lgard de lEmpire romain. Descendants directs, dit Tissot(2), des aborignes du Sahara, les Gtules forment une catgorie dis-tincte dans lethnographie africaine. Tandis que les Libyens de la zone maritime sont plus ou moins pntrs par les l-ments trangers qui stablissent successivement en Afrique, les Gtules, par leur position gographique, chappent ces infl uences extrieures et ne se croisent gure quavec les races sahariennes. Aussi voyons-nous se produire entre les branches issues dune mme souche, ds les premires pages de leur histoire, une opposition qui saccentue de sicle en sicle, mesure que le dveloppement de lune contraste da-vantage avec limmobilit de lautre, et qui ne seffacera en partie que lorsque, spare par linvasion arabe et surtout par lislamisme du monde europen, auquel elle devait sa civili-sation relative, la rgion du littoral retombera dans la barbarie do lautre nest jamais sortie. ____________________ (1) Vivien de Saint-Martin, Le Nord de lAfrique dans lantiquit grec-que et romaine, p. 128 ; Ragot, Le Sahara de la province de Constantine (Re-cueil de la Socit archologique de Constantine, XVI, 1873 - 187, p. 126 et suiv.) ; Tissot, Gographie compare de la province romaine dAfrique, I, p. 447 ; La Blanchre, De rege Juba, regis Jubae fi lio, Paris, 1883, ch. III. (2) Tissot, Gogr. compare de lAfrique, I, p. 447.

  • GUERRES DAFRIQUE SOUS LEMPIRE. 5

    Dans quelle partie de la Gtulie commena le mouve-ment ? Cest ce que les auteurs ne nous ont pas indiqu dune faon prcise, mais ce quil nest pas impossible pourtant de conjecturer : le passage de Dion Cassius que nous avons rap-port plus haut prouve quil dut prendre naissance dans les contres o les Gtules taient directement en contact avec les Romains et le roi Juba, cest--dire au sud-ouest de la Numi-die, dans le Hodna, et au midi de la Maurtanie. On verra plus loin que lagitation ne tarda pas se propager vers lEst. Que les Gtules se soient soulevs de leur plein gr et par haine du roi Juba, vassal de Rome, ou quils aient t excits la rvolte par des mcontents, partis de la Maurta-nie lavnement du nouveau souverain, qui auraient essay dexploiter dans leur intrt personnel lhumeur indomptable de ces barbares, toujours est-il que Rome prouva de ce ct de cruels embarras. Les autres crivains qui nous ont parl de cette guerre nous apprennent que les Gtules entranrent bientt avec eux les Musulames(1). Il est assez diffi cile de dire au juste quel tait, surtout ce moment, le pays occup par les Musulamii ou Misulani(2) : on na, ce sujet, que des ren-seignements dune poque postrieure et dont plusieurs sem-blent contradictoires au premier abord(3). Nanmoins nous admettons ici, avec M. Toutain(4), dont les conclusions ont t confi rmes par des dcouvertes ultrieures, quils occupaient les hauts plateaux qui stendent aux environs de Tbessa, de-puis Guelma et Khamissa, au Nord, jusquau del de Thala, ____________________ (1) Florus, IV, 12, .40 ; Oros., VI, 21. (2) Tissot hsite identifi er ces deux noms de peuples (Geographie compare de lAfrique, I, p. 453). (3) Plin., Hist. nat. (d. Ian), V, 4,30 ; Ptolem., IV, 3, 24; Tac., Ann., II, 52 ; Tab. de Peutinger (d. Miller), II, 5 et III, I ; C. I. VIII, 270 et 10667 ; Ann, pigr., 1898, 39 ; 1907, 19 et 20. (4) Mm. de la Soc. Des Antiq. de France, LVII, p. 271 et suiv.

  • 6 ARME ROMAINE DAFRIQUE.

    lOuest (1). Tout le pays au midi de la Maurtanie et de la Nu-midie tait donc soulev ; et les rebelles menaaient non pas seulement les tats du roi Juba, que Rome lui laissait le soin de dfendre, mais mme les possessions de lEmpire. Aussi les Romains nhsitrent pas envoyer des troupes contre eux ; et comme leffervescence des tribus souleves augmen-tait avec limpunit, la direction des oprations fut confi e des gnraux expriments. Le premier dont le nom nous ait t conserv est le pro-consul L. Sempronius Atratinus. On ne sait rien de la faon dont il mena la guerre ; on a gard seulement le souvenir du triomphe quil reut la suite de ses succs(2), succs plus brillants sans doute que dcisifs, car son successeur, L. Cor-nelius Balbus, fut oblig de se mettre en campagne ds son entre en fonctions. Mais ce nest pas contre les Gtules eux-mmes, quil sentait peut-tre abattus pour quelque temps, ou quil laissait ses gnraux le soin de contenir, que semble stre port leffort de ses armes. Il est probable que les Ga-ramantes avaient fait cause commune avec les Gtules. On croit que les Garamantes formaient deux groupes de popula-tions distinctes, dont lun occupait le Fezzan et avait Garama pour capitale, et lautre, beaucoup plus nombreux, habitait la rgion des Syrtes(3). En gagnant le pays des Garamantes, la rvolte devenait plus redoutable encore, puisquelle embras-sait ds lors tout le sud des possessions africaines de Rome.____________________ (1) Cf. sur la situation de cette peuplade : Wilmanns, Eph. epigr, II, p. 278 ; Tissot, Gogr. compare de lAfrique, I, p. 455 ; Mommsen, Rm. Geschichte, V, p. 634, note 2 (XI, p. 270, note 1 de notre traduction). (2) C. I. L., I 2, p, 50 (an. 733). (3) Vivien de Saint-Martin, Le Nord de lAfrique, p. 50 et suiv. Cet auteur est mme plus prcis encore ; il pense que les Garamantes de la rgion littorale devaient tre cantonns vers les montagnes qui dominent la Syrte, peut-tre dans le Oudi Cadma, immdiatement au-dessous des monts Gharin, trois ou quatre journes au sud de Tripoli

  • GUERRES DAFRIQUE SOUS LEMPIRE. 7

    Aussi Cornelius Balbus rsolut-il de frapper un grand coup de ce ct. Il marcha contre les Garamantes, soit seul, soit en combinant ses mouvements avec ceux du proconsul de Crte et de Cyrnaque, P. Sulpicius Quirinius(1), sempara dun grand nombre de villes dont lnumration nous est don-ne par Pline lAncien(2) et rpandit au loin la terreur du nom romain. Les honneurs du triomphe furent la rcompense de cette heureuse expdition(3). La pointe hardie faite par Cornelius Balbus ramena-t-elle le calme dans toute lAfrique ? On ne saurait gure ladmettre, en prsence des textes auxquels nous avons fait allusion plus haut et surtout du passage prcis de Dion ; cet historien, en effet, prsente les victoires de Cossus dont nous allons parler comme ayant mis fi n la guerre commence lors de lavne-ment de Juba ; et le tmoignage des autres auteurs, sans tre aussi formel, permet daccepter cette assertion. Il est probable que, pendant toute cette priode, les peuplades des Gtules et des Musulames qui, au dire dOrose, navaient dautre tactique que de se rpandre en bandes dsordonnes de tous les cts(4) et contre lesquels il ny avait pas de guerre possible, hormis de leur donner la chasse comme des animaux, revenaient chaque anne sur le territoire romain, mettant tout au pillage pour se retirer au bout de quelque temps devant des forces su-prieures et se rfugier dans le dsert, o lon ne pouvait gu-re les poursuivre. De semblables incursions qui constituaient____________________ (1) Florus, IV, 12, 41 : Latius victoria patet. Marmaridas atque Ga-ramantas Quirinio (Augustus) subigendos dedit. Potuit et ille redire Marma-ricus ; sed modestior in una aestimanda victoria fuit. Cf. Mommsen, Res gestae Divi Augusti (d. 1883), p. 170 et 171. (2) Plin., Hist. nat., V, 5 : Omnia armis romanis superata et a Corne-lio Balbo triumphata. (3) C. I. L., I 2, p. 50 (an. 735). (4) Oros., VI, 24 : Musulamios et Gaetutos latins vagantes coer-cuit

  • 8 ARME ROMAINE DAFRIQUE.

    un tat de guerre permanent ne prtaient cependant pas des faits darmes importants ; cest ce qui expliquerait que les tex-tes ne fassent aucune allusion lhistoire militaire de lAfri-que pendant les vingt dernires annes du 1er sicle avant J.-C. Peut-tre, pourtant, faut-il placer cette date la mort des gnraux romains laquelle Dion Cassius fait allusion. Pour le dbut de lre chrtienne, au contraire, nous pos-sdons des tmoignages prcis : en lan 3, le proconsul L. Passienus Rufus reut les ornements du triomphe et le titre dImperator la suite de succs remports en Afrique(1). Enfi n, en lan 6, le proconsul Cn. Cornelius Cn. f. L. n. Lentulus Cossus(2) parvint mettre fi n la terrible agitation qui secouait la province depuis plus de trente ans(3). Aussi lui accorda-t-on le titre dImperator et le surnom de Gaetulicus(4). Le roi Juba, qui avait t lauxiliaire des Romains pendant toute cette lutte et dont les troupes avaient aid Rome tenir tte lennemi sur une frontire trs tendue, reut lui aussi, cette occasion, les ornements du triomphe, qui fi gurent, ____________________ (1) Nous en avons pour preuve non seulement un passage de Velleius Paterculus (II, 16 ): Quem honorem (ornamenta triumphalia) ante paucos annos Passienus et Cossus... in Africa meruerant , mais encore une inscrip-tion dAfrique on lit : lunoni Liviae Augusti sacrum, L. Passieno Rufo imperatore Africarn obtinente , etc. (C. I. L., VIII, 16456) ; et des monnaies frappes sous le proconsulat du personnage, qui portent au revers la lgende : L PAS ... RVFVS IMP . ( Mller, Numismatique de lAfrique ancienne, suppl., p. 44). (2) Mommsen, Rm. Geschichte, V, p. 630, note 1 (XI, p. 265, note 1, de notre traduction), distingue ce proconsul du L. Cornelius, consul en 722. (3) Oros., VI, 21 : In Africa Musulamios et Gaetulos latius vagantes Cossus, dux Caesaris, artatis fi nibus, coercuit atque romanis limitibus abs-tinere metu coegit. Florus, IV, 12, 40 : Sub meridiano tumultuatum ma-gis quam bellatum. Musulanos atque Gaetulos, accolas Syrtium, Cosso duce compescuit. Vell. Paterculus, loc. cit. (4) Vell. Paterc., loc. cit. : Sed Cossus victoriae testimonium etiam in cognomen fi lii tulit . Florus, loc. cit. : Unde illi Gaetulici nomen.

  • GUERRES DAFRIQUE SOUS LEMPIRE. 9

    ct de la Victoire, sur les monnaies de ce prince frappes cette anne-l(1). De tout ce qui vient dtre dit il rsulte que, pendant la plus grande partie du rgne dAuguste, lAfrique fut conti-nuellement expose aux incursions des Barbares ; que si les gnraux romains y remportrent dimportants succs, leurs victoires furent parfois balances par des revers ; et que la paix y fut rtablie seulement au prix de grands efforts. Les huit dernires annes dAuguste semblent, au contraire, avoir t exemptes de tout souci du ct des pro-vinces africaines. Ds les premires annes de Tibre, les populations du Sud se soulevrent de nouveau. Le chef de linsurrection, nous dit Tacite(2), tait un Numide nomm Tacfarinas, qui avait autrefois servi comme auxiliaire dans les troupes romaines et qui avait ensuite dsert. Cet aventurier rassembla dabord quelques bandes de brigands et de vagabonds quil menait au pillage ; puis il parvint leur donner une sorte dorganisation militaire, en former une infanterie et une cavalerie rgulires(3). Bientt, de chef de bandits, il devint gnral dune nombreuse arme :____________________ (1) Mller, Numismatique de lAfrique ancienne, III, n 70. Cf. 65, 67 ; L. Dieudonn, Rev. numism., 1908, p. 354, nos 30 33. Voir aussi La Blanchre, De rege Juba, p. 27 (2) Tac., Ann., II, 52. Aurelius Victor, (Epit. XI, 4) dit seulement, propos de cette guerre : Gaetulorum (Tiberius) latrocinia repressit. (3) Tac., loc. cit. : per vexilla et turinas componere . Le vexillum est ltendard de la turma, dans la cavalerie. Dans les troupes dinfanterie, on ne trouve de vexilla que lorsque des fractions de troupes sont envoyes en dtachement et formes temporairement en petits corps ; en ce cas, elles ont pour enseigne un vexillum. Cf. Mommsen, Eph. epigr., IV, p. 370, et von Domaszewski, Die Fahnen im rm. Heere, p. 24 et suiv. ; cf. p. 76 et suiv. Le rapprochement des deux mots dans le passage de Tacite laisse supposer, sils doivent tre pris dans leur sens strict, que Tacfarinas organisa la fois des groupes de fantassins trop peu nombreux pour mriter le nom de cohortes, et des pelotons de cavalerie plus importants.

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    les Musulames prirent les armes sous son impulsion et entra-nrent les tribus maures qui touchaient leur pays. Celles-ci avaient pour chef Mazippa. Nous avons dit plus haut que les Musulames habitaient la rgion avoisinant lAurs, vers le nord-ouest ; la Numidie et une partie au moins de la Maur-tanie taient donc en feu. Les deux chefs, continue Tacite, se partagent larme : Tacfarinas garde llite des soldats, tous ceux qui taient arms la romaine, pour les rompre la dis-cipline et les habituer au commandement ; Mazippa, avec les troupes lgres, porte dans les possessions de lEmpire le fer et la fl amme. Comme toutes les rvoltes qui ne sont pas touffes ds le dbut, le mouvement provoqu par Tacfarinas al-lait bientt prendre de grandes proportions. Dj les Cini-thiens, nation assez considrable, faisaient cause commune avec lui. Or les Cinithiens, suivant Plotme(1), habitaient les bords de la petite Syrte(2) ; par consquent, aprs stre tendu louest vers la Maurtanie, le mouvement avait gagn tout le sud de la province dAfrique. Et ce ntaient plus, comme sous Auguste, les habitants du Sahara ou de la partie des hauts plateaux voisine du dsert qui se portaient la guerre : linsurrection triomphait dans les pays mme qui, nominalement du moins, taient soumis la domina-tion romaine. Il fallait, sans perdre de temps, faire face au danger qui menaait la province. Furius Camillus, proconsul dAfrique, forme un corps expditionnaire avec la lgion IIIe Auguste et les auxiliaires disponibles, et marche a lennemi : il navait quune poigne dhommes en comparaison de la multitude de Numides et de Maures quil fallait combattre. Ce que le____________________ (1) Ptolem., IV, 3, 22, 27. Cf. Plin., Hist. Nat., V, 4, 30. (2) Cf. Tissot, Gogr. compare de lAfrique, I, p. 453.

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    gnral apprhendait le plus tait que la crainte ne pousst les rebelles luder le combat. Il nen fut rien pourtant Tacfari-nas accepta la bataille(1) ; les Numides furent compltement dfaits(2). Tibre se hta dannoncer ce succs au Snat, avec force loges pour le vainqueur, qui lon dcerna les orne-ments du triomphe(3). Ces vnements se passaient en lanne 17. Juba II avait, de son ct, pris part la guerre soit per-sonnellement, soit par les contingents quil avait fournis larme du proconsul(4). Tacfarinas vaincu stait retir dans le dsert o il rparait ses forces en attendant loccasion. On pouvait, Rome, croire sa soumission ; en ralit, il prparait une nouvelle attaque. Elle se produisit en lanne 20(5) ; comme la premire fois, et suivant lternelle tactique des nomades africains, il procda dabord par de simples incursions dans la campagne, par des pointes dont la rapidit mme assurait le succs. Puis il sen-hardit, saccagea des bourgades, razziant tout ce quil trouvait et faisant parfois mme de grosses prises. On nessayait pas de le poursuivre, ou, si lon y songeait, on nen avait pas les moyens. Dailleurs ce ntaient l que des escarmouches sur la frontire ; les Romains ne croyaient pas encore devoir intervenir. Pour-tant il leur fallut bientt reconnatre dans ces incursions rapides le prlude doprations plus srieuses. Une cohorte, soit une cohorte dtache de la lgion dAfrique, soit une cohorte de____________________ (1) La lgion tait au centre ; les troupes lgres et deux divisions de cavalerie auxiliaire formaient les ailes : ctait la disposition rglementaire de combat. (2) Tac., Ann., II, 52 : Fusi Numidae, multosque post annos Furio no-mini partum decus militiae ; nam post illum recuperatorem urbis, fi liumque ejus Camillum, penes alias familias imperatoria laus fuerat. (3) Tac., loc. cit. (4) Ses monnaies portent, cette anne-l, une Victoire au revers (Mller, Nu-mism. de lAfrique ancienne, III, n 69). Cf. La Blanchre, De rege Juba, p. 72. (5) Tac., Ann., III, 20.

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    citoyens romains(1), occupait un fortin lev prs du fl euve Pagida, que certains ont identifi tort avec loued Tazzout de Lambse(2). La garnison tait sous les ordres dun com-mandant nomm Decrius, militaire plein dnergie et dex-prience, qui regardait comme un affront dtre ainsi assig par des Barbares. Il exhorte sa troupe offrir le combat en rase campagne aux Numides, et la range en bataille devant le camp. Ds le premier choc, la cohorte plie. Decrius se jette au milieu des traits et des fuyards et, arrtant les porte-ensei-gnes, leur reproche de tourner le dos des dserteurs et des brigands indisciplins, eux, des soldats romains. En mme temps, couvert de blessures, un il crev, il retourne len-nemi et continue de se battre avec intrpidit jusqu ce que, abandonn des siens, il tombe mort sur la place. Malgr le courage du commandant, le fortin fut pris, et le succs dut encore ajouter laudace de Tacfarinas et des siens.____________________ (1) Les soldats de cette cohorte taient assurment des citoyens ro-mains, puisque, comme on le verra la page suivante, ils taient passibles de la bastonnade, non des verges (cf. Mommsen, Eph. epigr. VII, p. 465).0n a trouv dans une des ncropoles de Hadra deux pitaphes, qui remontent aux premiers temps de lEmpire, relatives des soldats dune cohorte XV, ct dpitaphes contemporaines de lgionnaires (C. I. L., VIII, 23252, 23255). (2) Pour ceux qui admettent la synonymie du Pagida et du ruisseau qui coule Lambse, le fait rsulterait (Ragot, Rec. de la Soc. de Constantine, XVI, 1873-1874 p. 165 et 164, daprs Guyon ; Tissot, Gogr. compare de lAfrique, I, p. 54) dun passage de Ruinart (Acta primorum martyrum, d. 1713, p. 223 et seq.). On a cru y lire que les martyrs Jacques et Marien fu-rent envoys au gouverneur de la province qui tait Lambse, quils furent condamns ds le lendemain de leur arrive et que lexcution eut lieu dans une valle travers laquelle coule le Pagida ; or les dtails donns par Ruinart sur cette valle sappliqueraient parfaitement la valle de loued Tazzout, qui passe Lambse. Mais la mention du Pagida ne se rencontre pas dans Ruinart. M. Salomon Reinach a consacr rfuter lhypothse du docteur Guyon une Note instructive (Tissot, Gogr. compare de lAfrique, II, p. 786). Mommsen (Rm. Geschichte, V, p. 634, note I, et tome XI, p. 270, note 1, de notre traduc-tion) dclare avec raison la position du Pagida tout fait incertaine.

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    Quand le proconsul L. Apronius (18-21 aprs J.-C.) fut instruit de cet chec, il comprit que le moment tait venu dentrer lui-mme en campagne(1). On fi t venir de Pannonie la lgion IXe Hispana(2) pour soutenir la IIIe Augusta. Puis, afi n deffacer par un acte de rigueur la fcheuse impression que la panique de la cohorte aurait pu laisser parmi les troupes, il infl igea celle-ci une punition exemplaire et laquelle on navait recours que dans les cas les plus graves. A lexemple de Csar, dAntoine, dAuguste mme, qui avaient d quel-quefois en venir cette extrmit(3), il fi t dcimer les coupables ; ceux que le sort avait dsigns prirent sous le bton. Puis, ayant par ce trait de svrit relev le moral des soldats, il en-voya des colonnes contre les rebelles. Ceux-ci, qui espraient sans doute enlever successivement les camps tablis le long des frontires avec autant de facilit quils lavaient fait pour celui du Pagida, avaient investi la place de Thala. Il y avait en Afrique deux villes de ce nom. Lune tait situe lendroit on slve aujourdhui le village du mme nom, quelques kilo-mtres de Hadra, non loin de la frontire tunisienne(4), on a dcouvert dans ce village des inscriptions militaires, certaine-ment antrieures lpoque des Flaviens(5), qui permettent de supposer quil y avait sur ce point une garnison tablie dans la premire moiti du 1er sicle ; lautre, dont lemplacement na pas encore t dtermin(6), se trouvait quelque part au sud____________________ (1) Tac., Ann., III, 21. (2) Tac., Ann., III, 9 ; cf. IV, 5. (3) Dio, XLI, 35 ; XLIX, 27, 38 ; Frontin, Stratag., IV, I, 37 ; Suet., Aug., (4) Cl. C. I. L., VIII, p. 69. (5) Ibid., n 502, 503, 504, 23296. (6) Cf. C. I. L., VIII, p. 28 et 1174. La Thala de M. Pellissier (Rev. archol., 1847, p. 399), avec les gommiers qui lentourent, na pas t re-trouve par les explorateurs qui lont cherche depuis (Tour du monde, 1875, 1er semestre, p. 310). M. Chevarrier place cette ville 20 kilomtres plus au sud et lidentifi e avec Henchir-Feguira-Alima, au sortir de la plaine de Segui

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    dans la direction de Gafsa ou de Gabs. Il est probable que cest contre la premire que se porta leffort de Tacfarinas. Un dtachement de vtrans, au nombre de cinq cents seule-ment, dfi t les troupes ennemies et les fora de lever le sige. Dans ce combat, dit Tacite(1), Helvius Rufus, simple soldat, mrita les distinctions accordes ceux qui ont sauv un ci-toyen : Apronius lui donna des dcorations exceptionnelles pour un soldat, un collier (torques) et une lance dhonneur (hasta) (2) ; Tibre y ajouta une couronne civique que le pro-consul, quoiquil en et le droit, navait pas voulu prendre sur lui daccorder. Autant le gnral stait montr svre punir la cohorte qui avait lch pied devant lennemi, autant, pour soutenir la confi ance des troupes, il tenait rcompenser les traits de courage qui se produisaient. Nous retrouverions un souvenir de ces faits, sil faut en croire de Saulcy(3), sur un sesterce de bronze portant au droit le nom de C. Gallius C. f Lupercus, triumvir montaire, et au

    revers les mots ob civis servatos dans une couronne de chne ; sur chaque face, on voit de plus la contremarque APRON.____________________(Archives des missions scientifi ques, 3e srie, V, p. 245) ; M. Dupaty de Clam lui assigne lemplacement de Henchir-Cherchara, dans le Bled-Thala (Rev. de gogr., 1889, p. 346 et suiv. ; cf. p. 437 et suiv.). (1) Tac., Ann., III, 21. (2) Les simples soldats ne recevaient pas dhabitude de hasta ; il fallait au moins tre centurion pour y avoir droit (Marquardt, Staatsverwaltung, II [2e dit.], p.579 et note 2. Il en est de mme de la couronne. (3) Rev. archol., 1878 (XXXVI), p. 176 et suiv.

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    Cette pice serait une monnaie contremarque par le gn-ral L. Apronius pour la solde de ses troupes, et le choix du type serait en relation avec les rcompenses accordes Hel-vius Rufus. Si la seconde de ces hypothses doit tre regar-de comme inadmissible, la premire, au contraire, parat trs vraisemblable. On sait en effet que, au moins au 1er sicle, on laissa aux gnraux la permission dappliquer sur des mon-naies dj frappes une contremarque leur nom, destine donner temporairement ces monnaies une valeur de n-cessit.(1). Ce qui ajoute encore la vraisemblance de cette opinion, cest quon a trouv en Afrique mme, Carthage, dans lun des cimetires des affranchis et esclaves impriaux attachs au bureau du procurateur, le plus ancien, une mon-naie de bronze identique(2). Les Numides, de leur ct, taient abattus par leur chec ; de plus, malgr la demi-ducation militaire quils avaient re-ue de leur chef, ils ntaient pas faits pour assiger des pla-ces. Tacfarinas le comprit et changea sa faon dagir ; il porta la guerre sur plusieurs points la fois, dispersant son arme par petits corps, qui se drobaient devant les Romains quand ils taient presss de trop prs, pour revenir la charge ds que ceux-ci staient retirs ; ctait renouveler lancienne tactique de Jugurtha, la seule qui convnt des Numides en-core mal disciplins. Tant quil suivit ce plan, il se joua des ennemis, qui se consumaient en vaines poursuites. Mais bien-tt il se trouva embarrass du riche butin quil avait fait, et se vit oblig de sassujettir des campements fi xes : il tait____________________ (1) Fr. Lenormant, La monnaie dans lantiquit, II, p. 363 ; E. Babe-lon, Trait des monnaies grecques et romaines, I, p. 649 ; (2) Jai pris ce renseignement dans une note du R. P. Delattre (Papiers Renier, dossier L, liasse 18). Il a bien voulu me dire que cette pice avait t vole en 1881 avec la plus grande partie de la collection numismatique du muse de Carthage.

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    alors dans les plaines voisines de la mer qui stendent au sud de la Tunisie(1). Ds lors, larme romaine retrouvait sa sup-riorit. Le fi ls du proconsul L. Apronius Caesanius, qui avait suivi son pre en Afrique soit comme tribun lgionnaire, soit comme offi cier dordonnance (contubernalis), se mit la tte dune colonne volante compose de cavalerie, de cohortes auxiliaires et de dtachements lgionnaires quon avait for-ms des hommes les plus agiles ; il surprit lennemi, latta-qua et remporta sur lui un tel succs, que Tacfarinas, pour la deuxime fois, se vit contraint de se rfugier en toute hte dans le dsert, o il tait certain de ne pas tre poursuivi. En rcom-pense, L. Apronius, le pre, obtint les ornements du triomphe ; on lui dcerna mme une statue o il tait reprsent couronn de laurier(2). Quant au fi ls, qui navait pas encore lge lgal pour exercer une magistrature, il fut honor dun sacerdoce, le septemvirat epulonum(3). Ce dtail nous a t conserv par une curieuse inscription relative a ce personnage : cest un monu-ment consacr par L. Apronius Caesanius Vnus Erycine, o il clbre en vers la victoire remporte par lui. On y lit(4) :

    [L. Apronius L. f. Caesia]nus VII vir[epulonu]m Veneri Erucinae [d(onum)] d(at).

    ____________________ (1) Tac., Ann., III, 21 : postquam defl exit ad maritimos lotos . (2) Tac., Ann., IV, 23, dit en parlant de Camille, comme dApronius et de Blaesus : Nam priores duces ubi impetrando triumphalium insigni suffi cere res suas crediderant, hostem omittebant ; jamque tres laureatae in urbe statuae. (3) De son ct, Juba II, dont les troupes ntaient sans doute pas res-tes inactives pendant ces oprations, taisait fi gurer cette anne-l une Vic-toire au revers de ses monnaies. (Mller, Numism. de lAfrique ancienne, III, n 76, 78. Cf. p. 123 et La Blanchre, De rege Juba, loc. cit.) (4) C. I. L., X, 7257. On voit par ces vers que L. Apronius Caesanius consacra la desse, outre la premire prtexte quil avait endosse cousine septemvir (II), limage de son pre avec les armes quil portait dans le com-bat contre Tacfarinas (III) ; et que le pre et le fi ls runis lui offrirent une statue de Tibre. Cf. le commentaire de Mommsen la suite de linscription, et Eph. epigr., II, p. 264 et suiv.

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    I. [A patre hic missus Libyae procon]sule bella [Prospera dum pugnat, cecidit Maurus]ius hostis.

    II Felicem gladium [tibi qui patrisque dicavit] Aproni effi giem, [natus belli duce], duxque(1) Hic idem fuit ; hic j[usto] certamine vi]ctor Praetextae positae [causa, pariterque re]sumptae, Septemvir puer han[c genitor quam rite r]o[g]a[r]at, Caesar quam dedera[t, vestem tibi, sancta, rel]i[q]ui[t].

    III. Divor[um] Mut[ua] Filius Aproni, majo[r quam nomine factis], Guetalas gentes q[uod dedit ipse fugae] Effi giem cari genitor[is, diva, locavit], Aeneadum alma paren[s, praemia justa, tibi]

    Armaque quae gessit : scuto [per volnera fracto] Quanta patet virtus ! ens[is ab hoste rubet] Caedibus attritus, consummatque [husta tropaeum] Qua cecidit [f]os[s]u[s] barbar[us ora ferus].

    IV. Quo nihil est utrique magis vener[abile signum], Hoc tibi sacrarunt fi lius atqu[e pater]. Caesaris effi giem posuit p[ar cura duorum] : Certavit pietas, su[mma in utroque fuit]. [Curante] L. Apronio [L. l(iberto)].

    Cependant la guerre tait loin dtre termine. L. Apro-nius ne prit peut-tre pas les prcautions ncessaires pour em-pcher le retour des agressions. Toujours est-il que, en lanne 21, Tacfarinas faisait une nouvelle apparition la tte de troupes fraches dans les pays soumis la domination romaine. Il en____________________ (1) Bcheler (Carmina epigraphica, II, 1525) restitue, pour ces trois derniers vers : [Dum miscet Numidis prosternitur imp]ius hostis. Felicem gladium [tibi qui sacramque dicavit] Aproni effi giem, [miles bonus, o dea] duxque, etc.

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    tait mme venu, dit Tacite, un tel excs dinsolence, quil osa envoyer des dputs Tibre pour lui signifi er quil et lui cder de bonne grce des terres lui et son arme, sans quoi il le menaait dune guerre interminable. Cette demande jette un grand jour sur les causes qui poussaient les Musulames et, sans doute, plus dune autre tribu voisine de la province romaine entreprendre la lutte contre lEmpire ; ils ne faisaient pas la guerre pour reconqurir ou dfendre leur indpendance ; ce ntaient point non plus des hordes insoumises qui se refusaient tout compromis avec Rome ; ils entendaient seulement ne pas tre exclus jamais par les nouveaux matres du pays des plaines fertiles o ils avaient coutume de revenir chaque anne, une certaine saison, cher-cher leur nourriture et celle de leurs troupeaux ; ils taient mme tout prts stablir dans la province, sy installer en permanence labri des armes romaines : cest dailleurs ce qui arriva dans la suite. Mais Tibre ne pouvait accepter la proposition quelque peu arrogante de son ennemi, et, sil voulait rester fi dle la maxime romaine, il ne devait point traiter avec lui avant den tre victorieux. Aussi sindigna-t-il de laudace de Tacfarinas : Il rougissait pour lui-mme et pour le peuple romain, nous dit Tacite, de ce quun d-serteur, un brigand, ost le traiter dgal gal. Q. Junius Blaesus, qui venait dtre nomm proconsul, reut lordre dagir avec vigueur : il pouvait essayer de gagner la masse des rebelles, en offrant leur grce tous ceux qui mettraient bas les armes, mais il fallait quil sempart de leur chef, quelque prix que ce ft(1). Le rsultat de cette politique ne se fi t pas attendre : la promesse de lamnistie enleva Tac-farinas un grand nombre de ses soldats(2). Quand Blaesus____________________ (1) Tac., Ann, III, 35 et 73. (2) Ibid, 74.

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    vit son ennemi ainsi affaibli, il employa pour le combattre la tactique mme quil avait apprise de lui. Tacfarinas, en effet, sentant ses troupes incapables de rsister larme romaine, mais excellentes pour le pillage, avait eu soin de les disperser en petites bandes qui faisaient dans le pays de subites incur-sions, puis se retiraient en vitant le combat, de sorte que, pendant que les Romains se portaient contre lune dentre el-les, une autre faisait son apparition sur un point oppos de la frontire. De son ct, le proconsul forma trois corps qui prirent trois routes diffrentes. A gauche, Cornelius Scipion, lgat de la lgion IXe Hispana, avec cette lgion(1), dfendait le territoire de Leptis et se tenait prt couper aux ennemis la retraite chez leurs voisins les Garamantes ; le fi ls de Blaesus, droite, couvrait le pays des Cirtsiens ; au centre, le gnral, avec des troupes dlite, ayant pour base doprations The-veste (Tbessa), quartier gnral de la lgion IIIe Auguste(2), disposait dans tous les lieux avantageux des fortins et des postes. Il formait ainsi, comme on le voit, une longue et puis-sante ligne de dfense.

    De la sorte, lennemi tait tenu en chec de toutes parts et si bien enserr, que, de quelque ct quil se tournt, il trouvait toujours un dtachement de Romains en face ou sur les fl ancs. On arriva par cette mthode lui tuer beaucoup de monde. Alors Blaesus, poussant plus loin son systme, partagea cha-que corps en plusieurs troupes et mit la tte de chacune del-les des centurions dune valeur prouve ; il garnit toute la____________________ (1) Tac., Ann., III, 74 Tres incessus, totidem agmina parantur ; ex quis Cornelius Scipio legatus praefuit, qua praedatio in Leptinos et suffugia Garamantum. Cf. C. I. L., V, .4329 : P. Cornelio Len[tulo] Scipioni legato Ti. Caesaris Aug. leg. VIIII Hispan. (2) Cf. Mommsen, C. I. L., VIII, p. 860, et ce qui sera dit plus bas du camp de Theveste.

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    frontire de postes avancs. Quant la Maurtanie, on voit, par le silence mme de Tacite, que le soin de la couvrir tait laiss Juba. La campagne dt termine sans grands enga-gements et lennemi repouss de tous les cts, Blaesus neut garde, comme lavaient fait ses prdcesseurs, de retirer son arme et de la faire hiverner dans lancienne province (Africa vetus) ; au contraire, il construisit des camps retranchs tout le long de la Frontire, les fi t occuper par des soldats arms la lgre et habitus au dsert, et put ainsi, malgr la saison, poursuivre Tacfarinas de campement en campement. On par-vint mme capturer son frre ; aprs quoi, le gnral sem-barqua et vint Rome recevoir le titre dImperator(1) avec les ornements du triomphe, qui ne lui furent accords, parat-il, quen considration de Sjan, son neveu(2). Ce dpart avait lieu trop tt pour la scurit de la province. Wilmanns a suppos(3) que le succs de Blaesus ne fut pas aussi complet que Tacite se plat le dire et, que, pour dtacher de la cause de Tacfarinas une partie de ses soldats, le proconsul avait t oblig de leur faire des concessions de ter-res dans la province. Cest ainsi que ceux des Musulames dont le territoire stendait aux environs du saltus Beguensis, entre Hadra et Sbitla(4), auraient t danciens partisans de Tacfa-rinas. On aurait donc t contraint de leur accorder ce quils demandaient par la bouche de leur chef au dbut de la cam-pagne, et ce qui leur avait t dabord refus. Cest pour cela que Tibre naurait pas jug Blaesus digne du triomphe ; mais____________________ (1) Tac., Ann., III, 74. (2) Ibid., 72 : Neque multo post Caesar cum Junium BIaesum, pro-consulem Africae, triumphi insignibus attolleret, dare id se dixit honori Se-jani, cujus ille avunculus erat. Cf. Velleius, II, 125 : (Blaesus) ornamenta triumphalia cum appellatione imperatoria meruit. (3) Eph. epigr., II, p. 276 et suiv. (4) C. I. L., VIII, 270

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    Tacite naurait pas compris la cause vritable de la mauvaise humeur du prince. Je ne saurais, pour ma part, admettre lhypothse de Wilmanns. Si, comme il a t dit plus haut, le pays o se trouvait le saltus Beguensis faisait partie du territoire de par-cours des Musulames, ce nest pas Blaesus qui les y fi xa ; ils y taient tablis depuis longtemps. Mais, en supposant mme que Wilmanns ait raison sur ce point, est-il certain que le proconsul ait agi en cela contrairement aux intentions de lempereur ? Navait-il pas lautorisation daccorder lam-nistie ceux qui poseraient les armes, et cette amnistie nen-tranait-elle pas presque forcment avec elle le droit de sta-blir dans la province Ntait-ce mme pas une grande habilet disoler ainsi au milieu dune contre pacifi e une fraction importante dun peuple remuant, dont on pouvait tirer dexcellents contin-gents auxiliaires(1) ? Si Tibre, en accordant Blaesus les honneurs du triomphe, dclara quil le faisait seulement par gard pour Sjan, cest que Blaesus navait accompli que la moiti des instructions quil avait reues. Il lui avait ordonn de semparer de Tacfarinas, quelque prix que ce ft, et Tac-farinas tait encore la tte des rebelles. On allait bientt sen apercevoir. Un vnement inattendu et une imprudence du gouver-nement romain vinrent rallumer la guerre. Le roi Juba II, le fi dle alli de Rome, qui dans toutes les luttes prcdentes avait contenu les Maures et dlivr lEmpire du soin de surveiller la partie occidentale de lAfrique romai-ne, venait de mourir, et le trne tait chu son fi ls Ptolme(2).____________________ (1) C. I. L., VIII, 4879 : C. Cornelius C. f. Papir. Flaccus, praef. Co-hor. I. Musulam (2) Tac., Ann., IV, 23.

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    Celui-ci navait aucune des qualits de Juba ; ds le dbut de son rgne, les affranchis staient empars du pouvoir, ne laissant leur souverain que lapparence de la royaut. Aus-sitt les Maures mcontents se soulevrent et sunirent Tac-farinas. En mme temps, par une fcheuse concidence, Tibre donnait lordre la lgion IXe. Hispana de quitter lAfrique et de regagner ses anciens quartiers de Pannonie. P. Cornelius Dolabella, le nouveau proconsul (23-24), comprenait bien combien cette mesure tait dplorable, mais il nosait pas re-tenir la lgion, craignant plus de dsobir au prince, nous dit Tacite, que daffronter les hasards des combats. Tacfarinas se hta de tirer parti de cette faute(1) : il r-pandit de tous cts le bruit que lEmpire tait dchir par dautres guerres et que, pour y faire face et sauver ltat, il avait fallu dgarnir lAfrique. On le crut, et le nombre de ses partisans sen augmenta. La situation tait critique. Tous les Numides qui ntaient pas tenus en respect par des garnisons romaines staient levs la voix de Tacfarinas ; les indigents, les sditieux de la pro-vince staient joints eux. Le roi des Garamantes mme, sans se mler directement la lutte avec son arme, avait envoy des troupes lgres qui faisaient nombre. Enfi n les Maures rvolts formaient une multitude puissante, prte toutes les audaces. Le sud de lAfrique romaine tait donc soulev de-puis les colonnes dHercule jusqu la grande Syrte. Fier dun tel accroissement de forces et esprant, sans doute, intimider les Romains par son audace, Tacfarinas vint mettre le sige de-vant une ville que Tacite nomme Tubuscum. Cet ethnique tant inconnu, le mot semble bien altr. Comment faut-il le corri-ger ? Dans la premire dition de ce livre, javais propos dy____________________ (1) Tac., Ann., IV, 24.

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    reconnatre la ville de Tupusuctu, cit dont les ruines existent encore dans la valle du Nasavath (Oued-Sahel), une quin-zaine de kilomtres au sud-ouest de Bougie. M. Toutain(1) a combattu cette opinion, et propos la correction Thubursicum, ce qui palographiquement est prfrable. Il sagit, suivant lui, de Thubursicum Numidarum, aujourdhui Khamissa, aux sources de la Medjerda. La question ne saurait tre rsolue dune faon certaine. Quoi quil en soit, heureusement pour les armes romaines, la place put rsister aux premires at-taques de Tac-farinas, ce qui donna Dolabella le temps de marcher son secours avec les troupes dont il pouvait dis-poser. Quand les Numides apprirent quil savanait contre eux, sachant bien quils ne pourraient soutenir le choc de lin-fanterie romaine, ils se htrent de lever le sige et allrent camper prs dun chteau demi ruin et brl jadis par eux-mmes, nomm Auzia, au milieu dpaisses forts o ils se croyaient en sret (2). On lidentifi e dhabitude avec Aumale, ce qui nest pas hors de doute. Dolabella ne se presse pas de les poursuivre. Il com-mence par fortifi er les postes quil juge avantageux de ce ct, puis, afi n de ne pas tre pris revers, il sassure la fi -dlit des Musulames, en faisant trancher la tte des chefs les plus infl uents, qui commenaient remuer. Enfi n, suivant en cela lexemple de son prdcesseur, il renonce former de ses troupes un seul corps darme et rpartit ses soldats en quatre colonnes, dont les auxiliaires fournis par Ptol-me, sous la conduite de chefs indignes, devaient appuyer les mouvements ; lui-mme dirige lensemble des oprations. Alors, pour frapper un coup dcisif, il gagne Auzia marches forces, surprend lennemi et le taille en pices. Tacfarinas____________________ (1) Mm. De la Soc. des Antiquaires, LVII, p. 280. (2) Tac., Ann., IV, 25.

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    tombe bless mortellement pendant la bataille. La guerre tait termine (an 24)(1). Ainsi prit fi n, par la mort de son chef, la lutte la plus srieuse que les Romains aient eu soutenir en Afrique de-puis Jugurtha. Elle avait dur sept annes conscutives (17-24). De tous les proconsuls qui avaient combattu Tacfarinas, Dolabella tait peut-tre le seul qui ft vraiment digne des ornements du triomphe : ce fut le seul auquel cet honneur fut refus(2). On a vu dans cette injustice, avec raison, ce semble, une premire atteinte porte par la jalousie de lempereur aux prrogatives du proconsul. La dfaite de Tacfarinas eut, pour lextension de la puis-sance romaine en Afrique, une consquence importante dont Tacite ne parle point, et que nous ne connaissons que depuis peu. Jusqu cette poque, les territoires situs au sud de la voie romaine de Theveste Tacapas par Capsa taient rests indpendants ; loccupation ne stendait pas sur les rgions dsertiques, voisines des chotts, o Tacfarinas vaincu trouvait chaque anne se rfugier et rparer ses forces. La tactique constante quil suivit et les ressources quil rencontra dans ces contres daccs diffi cile ouvrirent les yeux des autori-ts romaines : elles virent le danger quil y avait ne point avoir en mains de pareils territoires et prirent des mesures en consquence. M. le Commandant Donau a dcouvert rcemment, dans le pays qui stend immdiatement au nord du Chott-el-Fedjed et____________________ (1) Sur cette guerre voir aussi Cantarelli, Tacfarinata (Atene e Roma, 1901), p. 3 et suiv. (2) Tac., Ann., IV, 26 : Dolabellae petenti abnuit triumphalia Tibe-rius, Sejano tribuens, ne Blaesi avunculi ejus laus obsolesceret. La victoire fut en effet si complte, que les Garamantes envoyrent des dputs Rome pour implorer leur pardon (Tac., ibid.).

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    que lon nomme le Chareb, comme aussi entre le Chott-Teba-ga et le Djebel-Tebaga, toute une srie de bornes limitatives portant des chiffres et des indications prcises(1) ; elles nous enseignent quen lan 29/30, sous le troisime proconsulat de Vibius Marsus et par les soins de la lgion IIIe Auguste, lem-pereur fi t dresser le cadastre du terrain, conformment un plan bien arrt, le decumanus qui servit de base cette op-ration passant quelque distance au sud de Gabs(2). Il faut en conclure qu la fi n de la guerre de Tacfarinas ces contres furent annexes aux possessions romaines et, comme telles, rduites ltat dagri vectigales ; do la ncessit den fai-re le recensement afi n dtablir nettement le tribut quelles devaient payer annuellement. Les bornes dcouvertes par le commandant Donau sont le signe matriel de la mainmise sur le pays ; elles nous montrent quel fut de ce ct lpilogue de la guerre si longue et si diffi cile, soutenue par les troupes de lEmpire contre les bandes de Tacfarinas. Du ct de lOuest, au contraire, rien ne fut modifi . Les oprations termines, le jeune roi Ptolme reut une ambas-sade du Snat, qui, suivant un antique usage, lui apporta les prsents de Rome, le bton divoire et la toge brode, en le saluant des titres de roi, ami et alli du peuple romain (fi n de lt ou automne de lan 24)(3). On avait encore besoin de lui pour dfendre la frontire occidentale des possessions romai-nes contre la turbulence des Maures. La fi n du principat de Tibre et celui de Caligula ne furent____________________ (1) C. I. L. VIII, 22786. (2) Sur tout ceci cf. Toutain, Le cadastre de lAfrique romaine (Mm. prsents par divers savants lAcad. des Inscr.), XII, P. 341 et suiv. ; Bar-thel, Wochenschrift fr klass. Philologie, 1909, p. 1257 et suiv, et Rmische Limitation in der Provinz Africa, 1911, p. 60 et suiv.. (3) Cf. pour cette date ce que jai crit, propos dune monnaie de Ptolme nouvellement dcouverte Afl ou, dans le Bulletin archologique du Comit des travaux historiques, 1889, p. 390.

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    marqus par aucun nouveau soulvement. Du moins, ni les historiens, ni les textes pigraphiques ne nous en ont gard le souvenir. Mais, sous Caligula, il se passa deux vnements de la plus haute importance pour lhistoire militaire de lAfrique romaine. En 37 aprs J.-C., lempereur enleva au proconsul le commandement de larme dAfrique et le confi a un lgat indpendant de ce proconsul pour les choses militaires, sur lequel il comptait exercer une infl uence plus directe et quil nommait lui-mme. Cest l un fait tellement connu, quil est inutile dy insister : il est rapport par Tacite et Dion Cas-sius(1). Les deux historiens, cherchant le motif qui a pu inspi-rer cette mesure, avancent que la crainte seule fi t agir Caligu-la : il redoutait, disent-ils, que quelque proconsul dAfrique, sappuyant sur larme quil commandait, ne se prt rver un empire indpendant et ne tentt quelque coup daudace. Il et, du mme coup, arrt les envois de bl de lAfrique et affam Rome. Il faut le reconnatre, cette crainte navait rien que de trs fond, et Caligula nest pas si fou que le dit Tacite davoir pris des prcautions contre un vnement qui et t gros de consquences. Il ne faisait, au reste, que reprendre en cela la politique dAuguste et corriger une anomalie qui navait plus de raison dtre. Nous avons dj dit que, dans toute ltendue de lEmpire, Auguste avait eu soin de garder pour lui toutes____________________ (1) Tac., Hist., IV, 48 : C. Caesar turbidus animi et M. Silanum obtinentem Africain metuens, ablatam proconsuli legionem misso in eam rem legato tradidit ; aequatus inter duos benefi ciorum numerus, et mixtis utriusque mandatis discordia quaesita auctaque pravo certamine. Dio, DIX, 20 : (L. Piso) , , .

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    les provinces expose