cahire des territoires 7

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Villes et universités le rayonnement universitaire dans la ville #7 Cahier des territoires PUBLICATION DU PREDAT MIDI-PYRÉNÉES / Janvier 2011 / Séminaire du 04 juin 2010

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Compte rendu journée PREDAT du 4 juin 2010

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Villes et universitésle rayonnement universitaire dans la ville

#7

CahierdesterritoiresPUBLICATION DU PREDAT MIDI-PYRÉNÉES

/ Janvier 2011 / Séminaire du 04 juin 2010

>> AAtteelliieerr 11L’UNIVERSITÉ, UN OUTILD’AMÉNAGEMENT DU TER-RITOIRE MÉTROPOLITAIN0055 // Territorialisation des activités universitaires

Christelle MANIFET

1100 // Lisibilité, synergie entre activités de formation,

de recherche et industrielles

Marie-France BARTHET

1144 // Un centre universitaire dans une ville moyenne

François TAULELLE

et Benoît LACROUX

1188 // Réactions de la salle...

>> AAtteelliieerr 22LES ÉTUDIANTS, LA VILLE, ”LEUR VILLE” ?2211 // Eléments de comparaison

internationale des sociabilités

et des modes de vie étudiants

Séverine CARRAUSSE

2255 // Être étudiant à ToulouseChamseddine NAïB

2288 // Etudier à Albi...Emilie NICOULES

3300 // Le lien “ville-université” dans le Grand Toulouse

Daniel POULOU

3344 // Réactions de la salle...

>> AAtteelliieerr 33ORGANISATION ET VIE D’UNSITE UNIVERSITAIRE : VERSUN MODÈLE DE CAMPUS ÀLA FRANÇAISE ?3377 // Les nouveaux enjeux descampus universitaires français

Jean-Noël LARRÉ

4411 // La forme urbaine

du campus de Rangueil

Christophe SONNENDRUCKER

4455 // Le projet urbain du campus du Mirail

Nicolas GOLOVTCHENKO

5500 // Réactions de la salle...

Sommaire / #7 - Janvier 2011 / Séminaire du 04.06.10

Introduction

L’université de Toulouse le Mirail est heureuse d’accueillir

ce séminaire du PREDAT Midi-Pyrénées, lequel manifeste

d'une part, la capacité de l'université à s'inscrire dans une

relation de service à l'égard de la société civile, et d'autre

part, l'intérêt de cette même société civile, ou en tout les cas

de certaines de ces entités pour cette université.

En revoyant le thème de ce séminaire, je me suis aperçu

que la région Midi-Pyrénées allait être le théâtre en ce mois

de juin de pas moins de trois journées de travail consacrées

à cette question des relations « territoires et universités ».

C’est dire, si le thème intéresse aujourd’hui de nombreuses

personnes, ici et ailleurs. Mais à quoi tient cet intérêt ? Nous

pouvons formuler un certain nombre d'hypothèses.

La première repose sur la « fin d'une époque » et plus

exactement sur la fin d'une certaine conception de

l'université en tant que « territoire hors du territoire ».

A distance, ce caractère d’extra-territorialité est en train de

s'effriter face à l'intérêt que porte le local - les territoires

locaux - à une institution qui est longtemps apparue

comme une entité « pilotée, gouvernée ailleurs ». Ainsi lors-

qu'on était à Toulouse, il était fréquent de penser que

« tout se décidait à Paris » ! Désormais, accompagnant le

mouvement de décentralisation, les universités trouvent un

nouvel intérêt aux yeux des territoires locaux et de plus en

plus souvent ces derniers souhaitent intégrer les pôles uni-

versitaires dans le champ de leurs politiques publiques ; ou

tout au moins s’inscrivent dans leurs préoccupations.

De leur côté, les universités répondent parfois à cette

demande politique et sociale, confirmant un rapproche-

ment de vues bipartites.

L’autre élément qui marque l'intérêt croissant des autori-

tés publiques territoriales pour l'université, réside dans

l'avènement de la fameuse société de la connaissance.

A l’aune de cette révolution, il est clair qu’il serait malvenu

de faire comme si les universités n'existaient pas et ne

jouaient aucun rôle en la matière. Nous assistons donc à

une ré-articulation du local et du global, provoquant un

nouveau regard des territoires à l’égard de l'université ;

celle-ci devient clairement un élément urbain significatif,

participant d’un effet de levier pour la transformation des

territoires. La problématique de l'université de Toulouse le

Mirail est particulièrement saillante en l’état puisqu’il semble

que les destins à la fois, de l'université, de la ville de

Toulouse et de son agglomération sont intimement liés.

Ainsi la revitalisation de cette université n'aura de sens que

si le territoire au sein duquel elle a pris place, il y a une qua-

rantaine d'années, se trouvera en capacité de connaître lui-

même un processus de revitalisation.

La fin d'une époque...Nicolas GOLOVTCHENKO / Vice-président délégué au patrimoine immobilier, Université Toulouse-Le-Mirail

L’université en France cherche à faire

évoluer son image parfois dévalorisée

et sa visibilité dans un système d’études supérieures national et international. Dans le

même temps, les tensions et les luttes qui peuvent encore découler du fait de posséder et

de renforcer cet attribut majeur de vitalité urbaine démontrent tous les jours l’actualité du

rapport entre une ville et son université.

Si l’université en France ne peut pas se reconstruire sur les modèles du Campus à l’anglo

saxonne, les réflexions en cours tendent à montrer que tous, collectivités comme milieu

universitaire, ont pris conscience de l’impérieuse nécessité à réfléchir de nouveau et de

façon concrète les modes de faire et de vivre , dans une perspective d’attractivité allant au

delà des territoires nationaux et européens. Comment alors s’inscrit le rayonnement uni-

versitaire dans la ville de demain ? Comment la ville prend en compte l’organisation des

savoirs, la vie étudiante, les flux et les usages qui sont liés ?

Problématique de la journée

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 03

L’UNIVERSITÉ, UN OUTILD’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIREMÉTROPOLITAIN

Atelier 1 .

A l’heure où les campus

doivent rivaliser au

niveau mondial, la politique de l’Etat ne semble plus au redéploiement de sites sur les

villes moyennes mais au renforcement des grands pôles universitaires. Comment ces

évolutions influent-elles aujourd’hui sur l’espace régional, où de nombreux pôles secon-

daires se sont installés dans les deux dernières décennies pour aujourd’hui se recentrer

sur l’agglomération toulousaine ? Le lien entre enseignement, recherche et pôles

d’activités est de plus en plus mis en évidence comme moteur d’un dynamisme territo-

rial . Les pôles de compétitivité -AgriMip Innovation / Aerospace Valley/ Cancer BioSanté

- dans la métropole toulousaine en est l’illustration. En quoi ces logiques de réseaux

d’acteurs recomposent l’organisation des savoirs et leurs lieux d’implantation ?

Problématique de l’atelier

La question « ville et université » et/ou « uni-

versité et territoire » est embarrassante pour

le chercheur2. Ces expressions devenues

communes dans le champ de l’action

publique territoriale ne sont pas des objets

scientifiques directement accessibles. Elles

peuvent recouvrir des réalités variées et

poser des problèmes de définition. Leur per-

tinence peut faire polémique. L’université est

dite a-territoriale, ce qui est à la fois faux et

vrai. Ces entités « université » et « territoire »

n’ont de cohérence et d’existence que par les

relations en partie spatialisées d’acteurs mar-

qués par leur homogénéité ou, au contraire,

leur hétérogénéité. Les universitaires qui tra-

vaillent à l’université vivent dans la ville où

celle-ci est localisée ou non et vivent et tra-

versent les territoires. Les étudiants viennent

de la région, d’une région limitrophe ou

d’ailleurs en France ou de l’étranger. Les

campus ne peuvent être alimentés qu’en

appui du système urbain, régional, national

et international, que ce soit en matière de

transports, de logements, d’eau, de réseaux

de télécommunications ou encore de servi-

ces. Les interdépendances avec l’environ-

nement sont évidentes. A-territoriale toute-

fois, car l’université n’a pas vocation pre-

mière à construire des territoires et des

frontières. Ces questions de « ville et uni-

versité » et/ou d’« université et territoire »

doivent alors être comprises dans leur

dimension politique. Elles se conçoivent

ainsi et en premier lieu à partir des ambi-

tions politiques qu’elles recouvrent :

• de développement et d’attractivité des villes,

des régions ;

• d’aménagement des territoires ;

• d’innovation technologique et de création

d’emploi ;

• de dynamisme urbain, culturel et social…

Les universités, en tant qu’entités collectives,

ont des relations évidentes et spontanées

avec les villes et les territoires mais le thème

« université et territoire » fait davantage

appel à des relations volontaires, construites

et stratégiques. On espère que les universi-

tés, les universitaires et les étudiants animent

la vie urbaine et locale au-delà des consom-

mations de première nécessité et/ou qu’ils

participent au renouvellement urbain. On

projette que se construisent des synergies

formation-emploi et recherche-innovation

technologique en appui des formations et

des laboratoires. On attend que les activités

universitaires et, en leur sein, les activités

scientifiques assurent la visibilité et

l’attractivité des territoires, qu’elles projettent

des images positives à l’extérieur.

Dès lors, les liens « Ville-université » et/ou

« université et territoire » ne sont jamais éta-

blis une fois pour toutes mais constituent des

processus politiques toujours probléma-

tiques, dédiés d’un côté à la localisation de

ressources universitaires, et de l’autre à la

construction de transversalités, d’échanges

et d’hybridation à partir d’elles-mêmes mais

aussi avec d’autres composantes des villes et

des régions. La multiplication et l’emboî-

tement des échelles de décision et d’action

publique, la multiplication, l’autonomisation

et la responsabilisation des établissements

publics autant que la généralisation de

l’accès aux études universitaires, la diversifi-

cation des attentes d’études, la complexifica-

tion et l’imprévisibilité des pratiques socia-

les... mettent les acteurs engagés dans les

politiques territoriales de l’enseignement

supérieur et de la recherche à l’épreuve

d’une science de l’action territoriale. Dans

ces conditions, comment mettre en place

une politique d’enseignement supérieur et

de recherche à visée territoriale? Sous quelle

gouvernance et quelle organisation? Sur

quelles missions ? Avec qui et à quelles

conditions ? Comment travailler dans des

contextes d’hétérogénéité de pratiques, de

logiques et d’intérêts ?

1.1.Territorialisationdes activités universitairesChristelle MANIFET / Maître de conférence, Université Toulouse-Le-Mirail, CERTOP

Christelle MANIFET estmembre du laboratoireCertop (Centre d’étude etde recherche sur le Travail,les Organisations et le Pouvoir), une UMR associée à l’UniversitéToulouse-Le-Mirail et auCNRS. Elle étudie les dyna-miques de la gouvernanceterritoriale contemporaineà partir de travaux initiauxsur le développement uni-versitaire des villes moyen-nes françaises et d’autres,dans les années 2000, surles politiquesd'aménagement du terri-toire universitaire, notam-ment la mise en oeuvredes PRES (pôle de recher-che et d’enseigne-mentsupérieur)1. Elle s’intéresseégalement aux évolutionsmanagériales des poli-tiques d’enseigne-mentsupérieur et de rechercheet du service public univer-sitaire.

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 05

Il est impossible de répondre de manière satisfaisante et défi-

nitive à ces questions pourtant cruciales pour les acteurs

impliqués dans la gouvernance des villes et des territoires. Il

est cependant possible de chercher à mieux comprendre ces

processus de territorialisation universitaire si l’on tient comp-

te des dynamiques qui les animent, ce qui est l’objet de cette

intervention. En premier lieu, la territorialisation universitaire

n’est pas sans lien avec la territorialisation de l’action

publique et plus largement avec une variation des échelles

de gouvernance3. Deuxièmement, la territorialisation rend

compte de dynamiques sociales spatialisées qui ne sont

qu’en partie des effets de l’offre politique et qui construisent

de la différenciation et des sentiers de dépendance en même

temps que des possibles. Enfin, la territorialisation prend tou-

jours des formes opératoires à la fois comparables entre elles

et singulières, comme l’illustre la politique de constitution

des PRES.

TERRITORIALISATION ET VARIATION DES ÉCHELLES DE GOUVERNANCE

Le replacement du lien « université / territoire » dans l’histoire

des politiques publiques d’enseignement supérieur et de

recherche permet de mieux saisir les enjeux qu’il recouvre.

Dans les années 1980 déjà, la question du soutien à la recher-

che universitaire questionnait l’émergence de systèmes pro-

ductifs locaux. Les préoccupations territoriales rattachées à

l’enseignement supérieur et à la recherche sont une constan-

te. Mais, ce sont les politiques des années 1990 qui ont fait du

territoire, pas seulement un objectif mais, un mode de pro-

duction et d’organisation de l’action publique. On peut dire

qu’elles ont créé une rupture dans les modes de production

de l’action publique universitaire. La croissance des effectifs

étudiants dans les années 1980 ainsi que l’insuffisance et la

dégradation des équipements et services universitaires vont

conduire le gouvernement Rocard et son ministre de

l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Lionel

Jospin, à faire de l’enseignement supérieur une priorité natio-

nale. Face à l’ampleur des besoins, le ministre va entamer des

démarches de rapprochement avec les régions dès 1989 dans

le cadre du schéma post-baccalauréat et finalement les solli-

citer officiellement dans le cadre du lancement du program-

me Université 2000 (U2000). Fortes de cette invitation et au

regard de l’intérêt qu’elles portent à ce secteur, les collectivités

territoriales, les régions mais aussi les départements et les

villes vont s’impliquer de manière inattendue dans ce pro-

gramme. Le Plan U2000 marque ainsi une vraie rupture dans

les modes de planification et de programmation universitaire.

D’une part, il repose sur de nouvelles règles du jeu territorial

que l’on peut résumer par le vocable de « méthodes contrac-

tuelles »4. D’autre part, après ce programme, plus rien ne sera

comme avant. Les règles du jeu instaurées avec lui seront

reconduites et perfectionnées dans le cadre de l’élaboration

des schémas régionaux en 1995 et du Plan Université du troi-

sième millénaire (U3M) en 1999. L’État reste porteur de grands

projets d'aménagement mais prend un rôle d’animateur et de

régulateur de l'action collective. Le rôle des universités et des

collectivités locales s’affirme. Les établissements deviennent

les porte-parole pertinents des milieux universitaires régio-

naux en même temps qu’ils sont mis en situation de face-à-

face avec les collectivités pour la programmation de leurs pro-

jets. Les relations entre élus et universitaires s’accentuent et se

transforment: de liens inter-individuels plutôt informels, on

passe à des relations plus institutionnelles entre collectivités

territoriales et universités. Ces relations sont aujourd’hui quasi

banales et les présidents d’universités comme les porteurs de

projet universitaires ne conçoivent pas leurs politiques ni leurs

projets sans tenir compte, en amont, de leurs partenaires ter-

ritoriaux.

Il va de soi que cette territorialisation des cadres de produc-

tion du service public universitaire contribue largement à la

territorialisation de ce service, à des raisonnements universi-

taires comme politiques plus polycentrés qui embrassent des

objectifs plus transversaux tant au plan de l’enseignement que

de la recherche. Anthony GIDDENS dit que « le lieu est un

espace de rencontre multi-sectorielle permettant de résoud-

re des problèmes de cloisonnement et d'interdépendance »5.

Cette citation traduit bien les enjeux de la gouvernance terri-

toriale et les préoccupations qui animent les acteurs publics

territoriaux, élus et agents administratifs. Depuis 2000 il est

vrai, la variation des échelles de gouvernance trace un portrait

de l’action publique universitaire territoriale un peu différent

(Loi du 18 avril 2006 d'orientation et de programmation pour

la recherche et l'innovation, Loi du 10 août 2007 sur la liberté

et la responsabilité des universités, l’Opération Campus de

2008, le grand emprunt lancé en 2010 équivalant pour la

recherche à environ 11 milliards d’euros). Un nouveau cycle

politique - qu’il conviendra de rationaliser et d’expliquer - est

en marche. A travers ces décisions de grande ampleur pour le

secteur, l’État aménageur, mis en sommeil depuis l’entrée

dans le XXIe siècle, s’est de nouveau manifesté. Il a pu sembler

que ces « nouvelles » politiques d’enseignement supérieur et

de recherche ne reposaient plus sur les territoires. Si la place

donnée par l’État aux collectivités y est réduite –c’est vrai que

l’État a, semble t-il, renoncé à co-agir- la création des PRES et

des RTRA (Réseaux thématiques de recherche avancée)

comme le renforcement de l’autonomie des universités parti-

cipent à poursuivre autrement le processus de territorialisa-

tion engagé dans la décennie 1990.

Cette histoire rapidement tracée montre l’importance des

cycles politiques dans le rapport que les universités et leurs

membres entretiennent avec leur territoire. C’est bien sûr

l’Etat qui participe à imposer son rythme à ces histoires régio-

nales et locales même s’il ne faut pas sous-estimer la force

structurante des sentiers pris dans les périodes précédentes.

Ainsi, les changements de référentiel des politiques nationales

n’ont pas interrompu les relations qui se sont sédimentées

durant les années 1990 entre les dirigeants des universités et

06 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

ceux des collectivités. Ces cycles politiques sont aussi alimen-

tés par une série de facteurs. Les politiques contractuelles des

années 1990 ont pu montrer leurs limites en même temps

que les priorités et les conceptions de la régulation politique

changeaient. Ce sont aussi les problèmes inscrits sur les agen-

das politiques qui évoluent. En caricaturant quelque peu la

réalité, si les décennies 1980 et 1990 étaient marquées par la

généralisation de l’accès aux études universitaires et la néces-

sité de trouver des solutions d’accueil dans les campus et dans

les villes, les années 2000 sont plus marquées par

l'internationalisation des enjeux universitaires. En conséquen-

ce, les frontières nationales qui étaient relativement pertinen-

tes pour comprendre les dynamiques de territorialisation des

années 1990, ne le sont plus tant aujourd’hui pour compren-

dre la nouvelle phase de territorialisation des années 2000.

TERRITORIALISATION ET DYNAMIQUES COLLECTIVES

Nous avons insisté précédemment sur la dimension poli-

tique de la territorialisation universitaire. Bien sûr, celle-ci

dépend plus largement des activités individuelles et collecti-

ves des étudiants et de leurs familles, des professionnels de

l’université et de leur entourage. L’offre politique participe à

façonner ces activités en même temps qu’elle doit « faire

avec ». C’est le cœur de la problématique de l’aménagement

du territoire qui doit tenir compte du fait que les « lieux », les

« territoires » ou encore les « milieux » que l’on cherche à

construire sont aussi des milieux déjà là : « un espace où

il s’est passé des choses et où il se passera encore des cho-

ses »6 ; « le milieu, c’est un certain nombre d’effets qui sont

des effets de masse portant sur tous ceux qui y résident.

C’est un élément à l’intérieur duquel se fait un bouclage cir-

culaire des effets et des causes, puisque ce qui est effet d’un

côté va devenir cause de l’autre. »7.

La perspective historique permet de comprendre ces dyna-

mique de l’« avant » et de l’« après » sans sombrer pour autant

dans une vision déterministe ou fataliste. L’offre politique pro-

cède d’effets plus ou moins forts de « cliquet » sans pour

autant que les implications des décisions passées ou présen-

tes ne puissent être totalement maîtrisées. Les dynamiques de

territorialisation s’inscrivent dans le temps - il y a un avant, il

y a un après, des sentiers de dépendance en même temps

que des cycles politiques- et dans l’espace - il y a des effets de

concentration et de densification, de différenciation et

d’inégalités, de différenciation et de spécialisation.

Les cartes et leur évolution historique sont de ce point de vue

très instructives qui donnent à voir, à la fois, des effets des

politiques passées et des rencontres entre ces politiques et les

pratiques sociales liées. La juxtaposition des cartes des sites

universitaires en France à différentes périodes et depuis l’après

seconde guerre mondiale8 montre que celles-ci résultent

d’interactions complexes entre des décisions politiques et des

options de localisation des professionnels des universités

comme des étudiants. Ces cartes sont le fruit croisé de déci-

sions politiques (nationales & locales), sectorielles (jeu des dis-

ciplines…) et sociales (familles, étudiants).

Si à la carte de localisation des sites, régulièrement mise à jour

par les services de la Direction de la prospective du Ministère9,

est superposée la carte du poids démographique de ces

mêmes sites, il apparaît clairement que les choix et les flux de

populations et d’étudiants peuvent valider et/ou sanctionner

les choix politiques. Logiques d’offre politique et logiques

sociales sont distinctes bien qu’interdépendantes.

D’autres cartes permettent d’appréhender ces effets de diffé-

renciation à l’échelle nationale, qui bien sûr prennent une

autre dimension à l’échelle de l’Europe ou à l’échelle des

régions. Tout dépend du curseur que l’on prend, des priori-

tés politiques que l’on se donne, de la réalité et de l’intensité

des problèmes à traiter. Si l’on poursuit l’observation des car-

tes et que l’on compare, par exemple, la présence étudiante

en région avec la présence des chercheurs (publique et pri-

vée)10, on remarque que les dynamiques de territorialisation

du supérieur ne sont pas semblables à celles de la recherche.

A regarder ces cartes, il apparaît que la différenciation cons-

titue un élément important des processus de territorialisa-

tion. Dans le cadre de logiques d’aménagement des territoi-

res, ces différenciations territoriales de l’enseignement supé-

rieur et de la recherche sont souvent perçues comme des

inégalités, inégalités d’accès aux études supérieures, inégali-

tés de conditions d’étude, inégalités face au développement

> Carte de localisation des sites universitaires.Source : atlas régional du MEN, 2008_09

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 07

d’économies régionales et locales de la connaissance… La

création des sites universitaires en villes moyennes dans les

années 1990 a ainsi ouvert des possibilités aux universités et

aux territoires en même temps qu’elle a pu construire de

nouvelles centralités et périphéries. Pour autant, la qualifica-

tion de situations d’inégalité n’est pas aussi simple qu’il y

parait et implique de tenir compte de plusieurs critères qui

peuvent complexifier, finalement, l’évaluation. Par ailleurs, la

territorialisation alimente également un phénomène de

spécialisation des sites universitaires et des territoires qui

peut paraître de bon augure. Les politiques de territorialisa-

tion universitaire ont contribué à la diversification des situa-

tions et à la production d’identités universitaires qui ne sont

pas sans s’appuyer sur les ressources des territoires en la

matière. Ainsi, entend-on parler de l’université de Lyon ou

de l’université de Bretagne. Le passage en revue de clichés

photographiques de différents sites universitaires permet de

percevoir cette « colorisation locale » des universités11.

TERRITORIALISATION ET INSTITUTIONNALISATION DES PREMIERS PÔLES DE RECHERCHE ET D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (PRES)

La politique de mise en œuvre des PRES peut être considérée

comme une forme opératoire de territorialisation universitai-

re. Il s’agira ici de présenter quelques unes des caractéristiques

du «processus d’institutionnalisation»12 des neuf13 premiers

pôles constitués14.

Au niveau national, les PRES constituent en priorité des dispo-

sitifs dédiés à la mutualisation des moyens et au rassemble-

ment sectoriel avant d’être d’éventuels outils d’hybridation

inter-sectorielles, par exemple dans le cadre de partenariat

recherche-industrie. Ce fût une politique qui eut dans les faits

un certain mal à s’installer. Les orientations ministérielles

n’étaient pas très précises au départ, ni stabilisées et

l’interprétation de la loi15 et du rôle des PRES pouvait varier. Le

rôle d’aménagement du territoire des Pres a ainsi pu être

explicite dans les premiers textes puis s’estomper. Dans la loi,

les PRES sont un moyen pour les établissements de « regrou-

per tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens,

notamment en matière de recherche, afin de conduire

ensemble des projets communs ». Les missions y sont évo-

quées avec une insistance sur la recherche, les écoles docto-

rales et l’international : « la mise en place et la gestion des

équipements partagés entre les membres participants au

pôle, la coordination des activités des écoles doctorales, la

valorisation des activités internationales du pôle et la promo-

tion internationale du pôle ». Dans les projets observés en

2007-08, les priorités sont la visibilité internationale, la coopé-

ration Universités-écoles, la mutualisation, la rationalisation et

la gestion partagée (écoles doctorales…), la rationalisation du

paysage universitaire (fusion ?) et la politique territoriale

(Aménagement du territoire, économie de la connaissance,

intégration urbaine).

De la sorte, si au départ il a pu être question de préoccupa-

tions axées sur le développement économique territorial, les

projets se sont par la suite resserrés sur des logiques plus stric-

tement sectorielles et se sont centrées sur des enjeux de poli-

tiques de site (de recherche et d’enseignement supérieur). A

Toulouse, par exemple, il s’agissait du regroupement des uni-

versités et des écoles d’ingénieurs. Cette restriction à des prio-

rités sectorielles s’explique par les véritables moteurs de ces

regroupements universitaires, à chercher du côté de la

concurrence accrue entre les établissements à l'échelle mon-

diale. En lien à cette pression internationale, on a pu entend-

re que, cette fois -si l’on tient compte du passif des pôles euro-

péens dans les années 1990-, les universités ont été plus

promptes à s’engager dans des politiques de site.

Poser la question des dynamiques de territorialisation de la

politique des PRES revient ensuite à interroger la place des

régions et des agglomérations dans leur mise en place. Si les

collectivités ont indubitablement été des entrepreneurs impor-

tants des politiques conduites dans les années 1990, elles ont

eu un rôle plus indirect dans l’installation des PRES. Ce qui ne

signifie pas qu’elles n’y voient aucun intérêt. Elles ont pu faire

connaître leurs préférences en matière de périmètre territorial

des PRES. Mais globalement, les motivations universitaires fai-

saient corps avec les enjeux des régions et des villes en termes

de visibilité internationale des territoires notamment. C’est

sans doute une des raisons de leur attitude bienveillante mais

à distance. On peut imaginer aussi que Les initiatives passées

menées sur ces enjeux du regroupement et leurs effets miti-

gés ont servi de leçon de prudence aux élus locaux.

> Carte des effectifs des sites universitaires sur le territoire national.Source : atlas régional du MEN, 2008_09

08 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

En revanche, les présidents d’université ont joué un rôle

majeur dans la mise en place des PRES en appui d’un dis-

cours performatif destiné à améliorer les places de chacun

au niveau international. Ce sont eux les réels entrepreneurs

des PRES, notamment grâce à la mobilisation de la CPU. Les

organismes de recherche ont eux, été relativement écartés

de ces premières étapes de regroupement. Ils ont pu avoir

eux-mêmes des positions variées de coopération avec les

universités.

Un troisième et dernier indicateur de territorialisation est le

rôle de coordination que peuvent jouer les PRES, d’abord au

plan intra-sectoriel, ensuite au plan inter-sectoriel. Or, sur ce

dernier aspect, les pôles, en grande partie fondés sur des

préoccupations de visibilité internationale, ont finalement

peu traité les problématiques d’aménagement du territoire

régional et national. Leur création n’a pas non plus été

l’occasion des réflexions sur l’articulation entre politique

économique et politique d’enseignement supérieur de

recherche, comme peuvent l’être les pôles de compétitivité

ou les RTRA. Les plus grandes avancées en matière de coor-

dination ont été du côté des rapprochements entre univer-

sités mais aussi entre universités et écoles.

Pour conclure sur les dynamiques de territorialisation, nous

ne retiendrons que quelques éléments. Premièrement, territo-

rialiser peut se concevoir comme une problématique de pilo-

tage de l’hétérogénéité sociale. La territorialisation des univer-

sités donne lieu à des construits composites fait de couches

de rationalités distinctes et combinées. L’état, les collectivités,

les universités, les acteurs de la vie sociale étudiante, les étu-

diants et les partenaires économiques n’impriment pas de la

même façon les territoires et participent pourtant à construi-

re les territoires universitaires tangibles que l’on connaît

aujourd’hui. Il est clair que cette hétérogénéité sociale crée

des problèmes de coordination ; en même temps, il n'y a pas

d'enjeu de coordination s'il n'y a pas d'hétérogénéité sociale,

les deux vont de pair. Toute la difficulté de la gouvernance ter-

ritoriale est dans sa capacité à favoriser les rencontres sans

annihiler les frontières identitaires, sources de plus-value des

échanges.

Il faut également retenir toute l’importance du temps sédi-

menté dans ces processus sédimentés de territorialisation :

il y a « un avant » et « un après », des sentiers de dépendan-

ce (et d’indépendance). Ainsi, pour la politique des PRES, on

aurait sans doute pu prévoir grossièrement la façon dont

allaient se constituer les PRES et quels allaient être leurs

périmètres. C’est vrai que dans les grandes régions, ce sont

des PRES métropolitains ou des PRES régionaux. Dans les

petites régions, ce sont plutôt des PRES régionaux ou inter

régionaux. Il y a toutefois également l’importance des cycles

politiques qui ne changent pas fondamentalement les équi-

libres et les hiérarchies mais qui restent des facteurs de

mouvement et d’animation de ces processus de territoriali-

sation universitaire.

NOTES1 Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, créés en 2006 par le Pacte de recherche, permettent aux universités, grandes écoles et organismesde recherche, de mettre en cohérence leurs projets, de mutualiser leurs activitéset leurs moyens. En mai 2010, on compte 17 PRES. 2 La réflexion s’axera d’ailleurs plutôt sur le lien « université et territoire » qui n’embrasse pas complètement la problématique « université et ville ». 3 Ce qui en anglais se traduit par le « political rescaling », voir B. Jouve, « Le political rescaling pour théoriser l’État et la compétition territoriale enEurope » in Faure A. et alii.., Action publique et changements d’échelles : lesnouvelles focales du politique, Paris : L’harmattan, 2007, p. 45-55. Voir aussi surce thème : Faure A. et Négrier E. Les politiques publiques à l’épreuve de l’action locale, Paris : L’Harmattan, 2007.4 Gaudin J.-P., Gouverner par contrat, Paris : Presses de Sciences po, 1999.5 Giddens A., La constitution de la société, Paris : Presses universitaires de France,1987.6 Foucault M. Sécurité, territoire, population, Paris : Gallimard, 2004, p. 23.7 Ibid.8 Filatre D. L’université face à ses territoires, (HDR), Université de Toulouse-LeMirail, 1998: 425 p. 9 L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche et en France, n°3, 2009.Disponible sur : [http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid20312/atlas-regional-les-effectifs-d-etudiants.html].10 Ibid. Disponible sur: [http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid50603/l-etat-de-l-enseignement-superieur-et-de-la-recherche-n-3-decembre-2009.html]. 11 Voir notamment les clichés réalisés par Pierre Dubois et rassemblés sur sonblog. Disponibles sur [http://histoireuniversites.blog.lemonde.fr].12 Précision importante si l’on tient compte des échanges qui ont eu lieu lors dece séminaire. En effet, l’enquête dont il s’agit de rendre compte ici a été menéesur les premiers temps de la mise en œuvre des Pres. Les conclusions apportéesqualifient cette étape d’institutionnalisation de ces nouveaux partenariats univer-sitaires mais devraient être révisées s’il s’agissait de qualifier les étapes suivantes,caractérisées plutôt par des enjeux de production d’activités mutualisées. 13 Parmi les neuf PRES constitués, la plupart réunissent des établissements univer-sitaires et des grandes écoles (Paris Est, Universud Paris, Université de Lyon,Université européenne de Bretagne, Université de Bordeaux, Nancy Université,Université de Toulouse). Seuls deux pôles réunissent uniquement des universités(Aix Marseille Université) ou uniquement des grandes écoles (Paris Tech).14 Aust J., Crespy C., Manifet C., Musselin C., Soldano C. (2008), Rapprocher, intég-rer, différencier. Éléments sur la mise en place des PRES, Rapport de recherche,Diact (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire)- CSO-SciencesPo Paris - CERTOP-Toulouse 2 - Paris XIII, mars, 124 p.15 Loi du 18 avril 2006 d'orientation et de programmation pour la recherche etl'innovation.

> Carte des effectifs des chercheurs publics et privés, 2006.Source : atlas régional du MEN, 2008_09

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 09

«Travaillant sur les phénomènes d’inter-

action « homme-machine », j’avais l’habi-

tude de participer à des réseaux nationaux

et internationaux » témoigne Marie-France

BARTHET en introduction. Ainsi en dehors

des relations avec ses homologues greno-

blois, parisiens ou bostoniens, l’intervenan-

te ne collaborait jamais avec « des gens du

territoire ». Pour elle un « territoire », était

tout simplement un lieu où l’on implantait

une université ou un laboratoire, et à l’instar

d’une grande partie des membres universi-

taires, elle vivait sa vie « hors sol - comme

la culture des tomates » ajoute-t-elle !

Pourtant par la suite, sa vision du territoire

va évoluer. Un poste dédié à l’évaluation

nationale des pôles de compétitivité lui a

d’abord été confié à la DATAR, puis, alors

qu’elle « se trouvait très bien où elle était »,

la direction du PRES de Toulouse – sa

région d’origine - lui a été proposé. C’est à

ce titre qu’elle intervient aujourd’hui… avec

son regard de praticienne.

ÉTENDRE L’UNIVERSITÉ…

Les années 80 ont constitué une période

charnière pour les politiques publiques inhé-

rentes à la question universitaire. Comme

bien d’autres, l’université toulousaine a alors

suivi une phase d’extension territoriale com-

mune aux unités d’enseignement supérieur,

liée à l’augmentation conséquente du nomb-

re d’étudiants.

A l’évidence, il devenait alors urgent de dés-

engorger les sites universitaires afin de mieux

gérer un afflux d’étudiants qui ne pouvait être

absorbé en l’état ; c’est d’ailleurs à ce moment

là que furent créées les antennes universitai-

res. « Précisons que le critère de sélection

était alors l’enseignement supérieur et non la

recherche ». C’est un élément qui a toute son

importance lorsqu’on sait que l’un des pro-

blèmes qui colle encore aux sites dits

« secondaires », réside justement dans le fait

que le lobbying des élus est parvenu à intég-

rer la recherche dans cette phase d’extension.

Percevant dans cette opportunité une chan-

ce de développement unique pour leur terri-

toire, les édiles n’ont pas hésité à « monter à

Paris pour avoir leur IUT, leur BTS ou encore

leur école d'ingénieur ». Pourtant lorsqu’elle

était DRRT (en 1998), Marie-France BARTHET

a bien vu que l’une des caractéristiques des

sites secondaires n’était autre que la faiblesse

du développement de la recherche. En fait la

conséquence somme toute normale d’une

offre d'enseignement plutôt axé sur le pre-

mier cycle.

« En opérant de la sorte, on finit par conce-

voir des ensembles universitaires très hétéro-

gènes, proposant un peu de droit, un peu de

langues, un peu d'informatique… bref un peu

de tout » ajoute celle qui est aujourd’hui la

directrice du PRES de Toulouse. Or avec « un

peu de tout », il devient difficile de construire

des synergies de recherche. Chacun sait dés-

ormais que répartir l'enseignement supérieur

est une opération assez facile mais qu’en

revanche répartir la recherche s’avère bien

plus compliqué. Pourquoi ? « Parce qu’il exis-

te un « seuil de bon fonctionnement » pour

un laboratoire universitaire ». C’est notam-

ment le cas dans le domaine des sciences

exactes où les laboratoires affichent des

besoins en équipements importants et sur-

tout coûteux ; dès lors seuls les « gros labora-

toires » (comptant un certain nombre de

chercheurs) peuvent se payer ce matériel.

Au final il faut bien comprendre qu’il existe un

vrai souci relationnel entre enseignement

supérieur et recherche. Et pourtant malgré

ces difficultés, depuis 2004, ce lien dual a été

élargi à un troisième « domaine-partenaire ».

1.2. Lisibilité, synergie entre activités de formation,de recherche et industriellesMarie-France BARTHET / Directrice du PRES Université de Toulouse

C’est un point de vue praticien que propose Marie-France BARTHET à l’assistance. Initialementprofesseur d’universitédans le domaine del’informatique, son par-cours n’aurait jamais dû laconfronter à la questiondu lien entre « universitéet territoires ». Pourtant aufil de sa carrière, son par-cours professionnel l’aconduit à réfléchir surcette question : « la pre-mière fois c’est lorsque j’ai été nommée DRRT(Délégué Régional à laRecherche et la Techno-logie). J’ai alors découvertle mot « territoire ». C'est-à-dire que jusqu’ici,en tant que chercheur eninformatique, ce motn’avait strictement aucunsens. Ce qui avait du sens,c’était les « réseaux »».

10 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

DU DIPTYQUE AU TRIPTYQUE…

C’est l’arrivée des pôles de compétitivité (en 2004) qui a transfor-

mé le diptyque « enseignement supérieur / recherche » en trip-

tyque « enseignement supérieur / recherche / entreprise ».

Toutefois, il faut préciser que lorsqu’on parle « d’enseignement

supérieur et de recherche », il s’agit plutôt, dans le cadre des

pôles de compétitivité, de formation. Cette élargissement fût en

tous les cas primordial : à partir de cette date les territoires ont

été pensés au regard de cette triple synergie.

« La nouvelle philosophie politique, basée sur l'innovation et motivée par la compétitivité économique, a effectivement créé une nouvelle géographie : autrement dit l'innovation a eu besoin d'une territorialisation. »

Deux raisons principales expliquent que l’on ait souhaité

cette synergie des trois composantes. La première c'est

l'innovation - elle-même liée à la forte tension provoquée

par la compétition internationale. Pour faire court, à partir

du moment où il était acté que les territoires entraient en

compétition permanente, la seule façon pour les pays euro-

péens de rester « dans la course », par rapport aux pays émer-

gents, passait par une innovation constante. Dans ces conditions

il était impossible à ces pays de se contenter de posséder un

« bon enseignement supérieur », « une bonne recherche » et

des entreprises « qui fonctionnent bien ». Il était nécessaire de

mettre tous ces domaines en synergie… pour innover toujours

plus et ainsi conserver un train d'avance sur les autres pays.

La deuxième raison (conséquence de la première) n’est autre

que la proximité. La nouvelle philosophie politique, basée

sur l'innovation et motivée par la compétitivité économique,

a effectivement créé une nouvelle géographie : autrement

dit l'innovation a eu besoin d'une territorialisation. Les tra-

vaux de la nouvelle économie géographique le montrent

très clairement. Selon ses instigateurs, diffuser des informa-

tions, par l’intermédiaire des réseaux modernes, n'est plus un

frein ; en revanche produire de nouvelles connaissances, de

nouvelles technologies, nécessite une proximité géogra-

phique des « inov-acteurs ». D’ailleurs si les pôles de com-

pétitivité sont territoriaux — ce ne sont pas des réseaux mais

des pôles — c'est bien parce qu'il est maintenant évident que

chaque fois que l'on souhaite produire des innovations de

rupture, la proximité géographique des acteurs, issus des

divers domaines de notre triptyque (formation, recherche et

entreprise), s’avère indispensable. Et encore, lorsqu’on

évoque la proximité, il est fait allusion à une proximité de

premier degré, à l’échelle de villes comme Albi, Toulouse ou

Tarbes pour Midi-Pyrénées. Le processus d'innovation ne

peut décidemment pas être éparpillée : « le fait d’avoir une

entreprise située à Rodez, un laboratoire à Toulouse et une

unité d'enseignement à Tarbes, ne permettra pas de créer la

synergie suffisante pour innover » explique l’intervenante.

Ce besoin de proximité géographique est essentiel pour la créa-

tion des pôles, sachant qu’une fois ces derniers installés, les

réseaux suivront naturellement. « S'il y a des pôles forts, il y a des

réseaux forts, et de la même façon nous savons que les réseaux

renforcent les pôles et vice-versa ». Reste que le préalable

demeure bien la construction de pôles solides.

Le phénomène de territorialisation est très nouveau puisque

pendant très longtemps, la politique industrielle française

s'est basée sur des filières dont les composantes étaient

totalement déterritorialisées - au même titre que la recher-

che dans l'enseignement supérieur. Dorénavant, c'est très

différent. L’un des objets figurant dans le récent « grand

emprunt » de l’Etat, est un bon exemple de ce changement

de concept : l’Institut de Recherche Technologique – lequel

fait la jonction entre le Ministère de l'industrie et le Ministère

de la recherche - s’appuie sur un cahier de charge dans

lequel il est stipulé que le périmètre d'implantation de l'IRT

doit avoir un rayon de 2 km. N’est-ce pas là un formidable

exemple de la démarche de territorialisation engagée. Pour

Marie-France BARTHET, « c'est même légèrement excessif !?

L’'échelle d'une agglomération marcherait certainement

aussi bien » ! En tous les cas ce besoin de proximité renfor-

ce l’idée que l’innovation suppose que les acteurs se

connaissent davantage, travaillent dans une relation de

confiance, échangent des idées ; la création se cristallisant

dans ce choc de connaissances différentes, de points de

vues différents.

LE FAVORITISME DES GRANDS…

Abordons à présent, les retombées territoriales de ces

concepts. A l'heure actuelle, on constate des retombées ter-

ritoriales assez diverses. En préambule, il faut bien dire que

mélanger la compétition, l’innovation et la synergie avec la

formation, la recherche et l’entreprise… conforte les grands

centres. Dès lors, si dans les années 80, 90 la politique de

l'Etat (par le biais de la DATAR) visait à aménagemer le terri-

toire égalitairement – on répartissait alors au maximum les

diverses entités afin que l'ensemble des territoires continue

de vivre -, aujourd’hui nous sommes entrés dans une phase

qui conforte largement les grands centres ; et ce dans le but

de rester compétitif au niveau international.

C’est tout l’esprit des pôles de compétitivité à vocation mon-

diale - qui s’opposent en quelque sorte à une deuxième

catégorie à ambition plus restreinte. Ces derniers sont large-

ment favorisés. « Dans l’évaluation nationale des pôles de

compétitivités, nous avons pu constater que 70% des crédits

étaient concentrés sur les 6 pôles de compétitivité à ambition

mondiale » précise Marie-France BARTHET. L’explication de

ce favoritisme est simple : ce sont les pôles où se trouvent

les grandes entreprises et les grands laboratoires ; par rico-

chet ce sont ceux qui présentent le plus de projets et, méca-

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 11

niquement, ceux qui ont le plus de chance de rapporter des

succès et la notoriété internationale. Dans ces conditions

nous ne pouvons plus vraiment parler d’aménagement du

territoire égalitaire.

« Les PRES relèvent de la volonté de l'Etatde créer de grands pôles visibles (unequinzaine en France) mais aussi de lavolonté des acteurs locaux tels que lesprésidents d'université. »

Autre élément d’importance concernant les grands centres :

les PRES. Ici aussi, cet outil est une réponse à un classement

international (classement de Shanghaï) prenant en compte

la visibilité internationale, la compétition internationale. Il

s’agit ni plus ni moins de faire en sorte que nos grands cen-

tres soient les plus visibles possibles. Si initialement, cet

objectif concernait uniquement enseignement supérieur et

recherche, ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui.

Les PRES relèvent de la volonté de l'Etat de créer de grands

pôles visibles (une quinzaine en France) mais aussi de la

volonté des acteurs locaux tels que les présidents

d'université. En effet, il est difficile de dire que l'Etat ait vrai-

ment été prescriptif sur cette question là : il a laissé les

acteurs de terrain décider des périmètres des PRES, entraî-

nant de fait une très grande variabilité. Il existe des PRES qui

ne sont que métropolitains – par exemple l’un des derniers

PRES créés, le PRES de Montpellier, n'inclut pas Perpignan. Il

y a également des PRES régionaux comme c’est le cas pour

celui de Toulouse, qui comme son nom ne l'indique pas, est

un PRES régional, réclamé par l’ensemble des présidents

d’universités.

L’une des autres caractéristiques des PRES se matérialise

dans le rapprochement entre universités et écoles

d’ingénieurs. C’est entre autre chose la conséquence d’une

trop grande méfiance de l’Etat vis-à-vis des universités. En

créant des écoles d’ingénieurs pour chacun de ses

Ministères, l’Etat pensait pouvoir mieux contrôler que les

universités, ses différents établissements d’enseignement et

de recherche. Mauvaise piste puisqu’aujourd’hui, on se

retrouve avec pléthore d’écoles d’ingénieurs et d’universités

qui, de plus, s’ignorent ou tout du moins éprouvent des dif-

ficultés à travailler ensemble. Or ces cultures différentes

auraient tout intérêt à mieux communiquer pour

s’apprendre mutuellement. Le projet des PRES contient jus-

tement l’idée d’un renforcement entre universités et écoles

d’ingénieurs. Le PRES de Toulouse, université de Toulouse,

est un bon exemple en la matière : il regroupe toutes les uni-

versités, toutes les écoles d’ingénieurs ; sans compter que le

bureau du PRES est constitué de trois membres issus des

universités et de trois autres issus d’écoles d’ingénieur (6

membres en tout). C’est d’ailleurs un cas unique dans

l’hexagone.

Si les collectivités territoriales n’ont pas immédiatement

adhéré à la logique des PRES, les choses sont en train de

changer. Elles ont réalisé qu’il s’agissait d’un outil formida-

blement efficace et plus encore simplificateur. Pour donner

un exemple de ce pouvoir simplificateur, Marie-France BAR-

THET évoque le cas de la région Midi-Pyrénées qui compte

seize établissements relevant de six ministères de tutelles

différents. « Grâce au PRES, les collectivités n’ont plus à

s’adresser aux six Ministères de tutelle pour piloter une poli-

tique à seize établissements » explique la directrice du PRES.

« Elles s’adressent directement au PRES qui joue le rôle

d’intermédiaire ».

L’efficacité de cet outil est tant et si bien reconnu que l ’appui

des collectivités aux PRES est à présent, acté dans l’ensemble

des régions. Les PRES de Lyon et de Grenoble par exemple

sont financés à 50% par les collectivités locales qui ont parfai-

tement perçu tout l’intérêt d’avoir un organe fédérateur, capa-

ble d’absorber la complexité de l’enseignement supérieur et

de la recherche.

En Midi-Pyrénées, une convention cadre a été signée en 2009

entre le Conseil Régional et le PRES : elle permet de mutuali-

ser un certain nombre d’actions pour l’ensemble des établis-

sements d’enseignement et de recherche mais aussi des

actions concernant certaines universités uniquement. Une

deuxième convention cadre de même type, devrait prochai-

nement voir le jour avec la Communauté urbaine du Grand

Toulouse ; et, dans la logique des choses, il n’est pas exclu qu’il

y ait un jour des conventions équivalentes signées à Albi ou à

Tarbes. De manière plus pragmatique, ces conventions cadres

permettent d’ausculter et de s’intéresser à toutes les facettes

de l’université : la formation, la recherche, mais également la

vie étudiante. Cette dernière est une dimension primordiale

puisqu’elle croise les thèmes prépondérants que sont le loge-

ment, la culture, le transport ou encore l’impact économique..

Autre élément qui conforte la politique des grands centres :

« l’Opération Campus ». Cette démarche aurait pu concerner

tous les sites (grandes villes et les villes moyennes) où pré-

existaient enseignement supérieur et recherche. Dans les faits

ce ne fût rien de tout cela. A contrario, il y a eu une volonté de

concentrer ce nouvel effort sur dix centres en France. Dans le

cas midi-pyrénéen (appelé « opération Toulouse Campus »),

le périmètre s’est limité à Toulouse, écartant dès le début Albi,

Tarbes, Rodez ou encore Castres. Intégrer ces campus satelli-

tes aurait sans aucun doute annihilé les chances du dossier

midi-pyrénéen. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir mené une

réflexion préparatoire à l’échelle du territoire, incluant la ques-

tion du déplacement des étudiants, du logement, des liens

avec le monde économique, des transversalités entre recher-

che et formation. Un exercice qui n’avait jamais été engagé

auparavant et qui rend d’autant plus dommageable ce phéno-

mène de concentration : les villes dites secondaires auraient

pu bénéficier de la synergie entre enseignement supérieur,

recherche, monde économique et vie étudiante.

12 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

Le « Grand emprunt » - dont nous avons déjà parlé - cons-

titue un autre facteur de concentration. Les laboratoires

d’excellence, localisés dans les grands centres, seront une

nouvelle fois les destinataires privilégiés de la distribution -

limitée - des crédits dégagés. Seuls sept à dix centres seront

concernés. Preuve supplémentaire – s’il en fallait une - de la

volonté de l’Etat de conduire la politique des grands centres ;

politique par ailleurs, très cohérente et parfaitement suivie,

avec un calendrier d’initiatives triennal (2004, 2007, 2010).

LES AVANTAGES DES PETITS…

Cette concentration continue pourtant d’interroger. Même

la DATAR se pose (ou tout du moins se posait lorsque Marie-

France BARTHET en faisait partie) la question des autres

sites. « C’est bien beau de conforter les grands sites, mais on

connaît très bien le pouvoir structurant de l’enseignement

supérieur et de la recherche sur les territoires » argue

l’interlocutrice. Reste que d’un point de vue démographique,

la politique de concentration ne semble pas totalement

incongrue. Nous sommes aujourd’hui en phase de stabilisa-

tion, voire de régression, du nombre d’étudiants. Dans ces

conditions comment maintenir et plus encore développer

dans les sites secondaires l’enseignement supérieur, la

recherche et la formation ?

La DATAR a justement lancé, il y a un an et demi, un appel à

projet réservé aux villes moyennes afin de les aider à mieux

se structurer sur différents secteurs. Au final, un grand nom-

bre de dossiers a penché sur le volet de l’enseignement

supérieur et la recherche. Le 24 juin 2010 aura lieu à Tarbes,

une journée de restitution de la DATAR visant à faire le point

sur toutes les expériences en passe d’être conduites sur les

villes moyennes. L’idée de base consiste à reproduire le tra-

vail réalisé sur les grands centres à l’occasion de

« l’Opération Campus »… mais cette fois-ci sur les villes

secondaires. Même objectif : montrer que la formation doit

être connectée à la recherche, qui doit être elle-même

connectée à son environnement économique… C’est le

moyen le plus sûr d’ancrer ce triptyque dans les villes de ce

niveau. Il s’agit également de clarifier le concept de spécia-

lisation (ou qualification). Il faut abandonner l’idée selon

laquelle un site doit être absolument qualifié, spécialisé dans

tous les domaines Au contraire il serait bien mieux d’essayer

de voir quels sont les domaines à développer, sur lesquels il

existe une véritable spécificité, une spécialité qui améliorera

l’attractivité d’un établissement, d’un territoire. C’est peut-

être cela la différenciation.

> Carte des premiers dossiers de l’Opération Campus retenus à l’échelle nationale. Seuls les “grands centres universitaires” sont présents.Source : Ministère de l’enseignement supérieur

et de la recherche / mai. 2008

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 13

EMERGENCE ETDÉVELOPPEMENT DU CENTRE UNIVERSITAIRE

Le dossier de création d’une unité

d’enseignement supérieur à Albi apparaît au

milieu des années 80. Il n’est pas un cas

isolé puisqu’il se positionne dans un

contexte privilégiant la création d’un réseau

constitué à partir d’antennes délocalisées

d’universités de premier plan dans des villes

moyennes. Cette diversification de l’offre

universitaire est le résultat à la fois d’une

poussée des effectifs étudiants mais aussi et

surtout, d’un investissement croissant de la

part des décideurs locaux dans

l’enseignement supérieur. Ces derniers y

voient clairement une occasion d’aménager

le territoire, affichant une grande confiance

dans la capacité d’une université à fixer une

nouvelle population mais aussi à dévelop-

per une dynamique urbaine ou encore à

initier un transfert de technologie.

Durant cette période, la région Midi-

Pyrénées présente un contexte singulier :

elle est la seule région de France à ne

compter qu’une seule ville universitaire

hors IUT. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

en 1988, 94 % des étudiants sont concentrés

sur Toulouse. Forte de ce constat, la ville

d’Albi va se saisir de ce dossier et tenter de

mobiliser divers partenaires pour obtenir

l’implantation de la première antenne uni-

versitaire régionale. Deux facteurs vont

alors jouer en sa faveur : d’abord le classe-

ment du bassin sidérurgique Albi-Carmaux

en pôle de reconversion va constituer un

élément de poids pour capter des ressour-

ces sur le dossier universitaire ; ensuite le

départ du 7ème régiment parachutiste et la

mise à disposition de la caserne à la ville

d’Albi.

La première délocalisation intervient en

1992. Il s’agissait d’un DEUG de droit ouvert

en partenariat avec l’université de

Toulouse1. A partir de cette date, bénéfi-

ciant du soutien des collectivités locales, les

universités vont progressivement implanter

toute une série de DEUG, des DESS et un

IUP. En quelques années, on passe de 250 à

1500 étudiants et à partir de 1997 le projet

prend une autre tournure lorsqu’une forte

mobilisation politique milite pour la créa-

tion d’un « être juridique » à part entière,

défendant ainsi l’idée de créer non pas une

simple antenne mais une université de plein

exercice. Le syndicat mixte pour la cinquiè-

me université, regroupant différentes col-

lectivités midi-pyrénéennes, a fait pression

pour obtenir la création d’un établissement

positionné sur trois départements et repo-

sant sur un axe fort, Albi-Rodez, tout en

intégrant Castres et Figeac. Cet épisode de

lobbying s’est appuyé sur un discours

autour des technologies d’information et de

communication, sensées gommer les

contraintes de territoire.

Il s’agissait d’un projet ambitieux non sans

ambiguïté. Celui-ci arrivait en fin de course

par rapport à la seconde phase de massifi-

cation de l’université. Se posait également

la question de la pertinence du territoire du

nord-est midi-pyrénéen. En réalité les zones

d’implantation de l’université regroupent

des bassins d’emploi qui ont très peu de

liens les uns avec les autres, révélant une

difficulté dans l’articulation d’un projet

d’établissement et d’un projet de territoire

même s’il s’agit davantage d’une difficulté

concernant l’articulation de la carte des for-

mations. En effet, l’implantation des anten-

nes répond davantage à une logique

d’opportunisme plutôt qu’à une carte de

formation raisonnée. Ainsi plusieurs ques-

tions se posent : l’articulation avec les IUT

déjà implantés ou encore l’implantation

1.3. Un centre universitairedans une ville moyenneFrançois TAULELLE / Professeur des Universités en géographie-aménagement, CUFR Jean-François CHAMPOLLION-Albi, et Benoît LACROUX / Responsable de communication, CUFR Jean-François CHAMPOLLION-Albi

Benoît LACROUX etFrançois TAULELLE nousprésentent une étude decas construite autour de « témoignages d’un vécu »,visant à expliquer « lesatouts et les limites d’uncentre universitaire de taillemoyenne » comme celuid’Albi. En creux ils répon-dent à une question : est-ilavantageux ou désavanta-geux d’étudier dans un siteuniversitaire secondaire ?

14 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

d’activités de recherche pérennes sur ces territoires se révè-

le difficile avec des transferts de postes, notamment, qui

avaient été avancés par les universités toulousaines et se

sont révélés assez complexes à gérer.

Au final l’ambition première du projet sera abandonnée mais

aboutira cependant à la création d’un être juridique prenant la

forme d’un établissement public administratif. C’est le statut

actuel l’établissement dénommé « centre universitaire de for-

mation et de recherche Midi-Pyrénées Jean François-

Champollion ». Ce n’est ni une antenne, ni une université de

plein exercice. L’établissement contracte avec l’Etat et reste

dépendant des universités toulousaines pour ce qui est de la

délivrance des diplômes. Par conséquent, il fait preuve d’une

faible autonomie, notamment dans l’habilitation de nouvel-

les formations. C’est également un statut qui induit une

gouvernance assez complexe dans laquelle interviennent de

très nombreux acteurs qui font partie prenante du projet.

Ainsi on peut remarquer que le Conseil d’administration ne

compte pas moins de huit collectivités, trois universités,

deux grandes écoles et quatre IUT.

« [...] l’établissement cherche à faire valoirsa petite taille, sa proximité ou encore sa capacité à mettre en place des actionsciblées pour favoriser la réussite en licence, comme des atouts distinctifs. A coup sûr il s’agit là d’une réelle sourcede valeur ajoutée pour les étudiants. »

Avec 2600 étudiants, le centre universitaire reste aujourd’hui

un établissement assez modeste par son budget - treize

millions d’euros - et par ses ressources humaines. La carte des

formations est directement héritée des trois antennes. Elle est

essentiellement centrée sur le niveau « licence », avec 16

mentions regroupées dans 5 domaines d’études différents. On

retrouve par ailleurs 10 licences professionnelles qui sont arti-

culées, dans la plupart des cas, avec des lycées et un secteur

d’activité ; la dernière en date étant une licence professionnel-

le créée autour de la filière « ovine » dans l’Aveyron. Enfin la

carte est complétée par quelques Masters - qui portent enco-

re l’empreinte des anciens DESS puisqu’ils ne proposent pas le

M1 - et une école d’ingénieur à Castres. Sur le « niveau L »

majoritaire (en référence à la réforme Licence-Master-

Doctorat), l’établissement cherche à faire valoir sa petite taille,

sa proximité ou encore sa capacité à mettre en place des

actions ciblées pour favoriser la réussite en licence, comme

des atouts distinctifs. A coup sûr il s’agit là d’une réelle source

de valeur ajoutée pour les étudiants.

LE CONTEXTE UNIVERSITAIRE NATIONAL AUJOURD’HUI DÉFAVORABLE AUX « PETITS CENTRES UNIVERSITAIRES ».

Comme il l’a été dit ce matin, nous nous trouvons aujourd’hui

dans un contexte défavorable en matière d’enseignement supé-

rieur pour les établissements des villes moyennes. Ceci est lié à

une focalisation de la politique nationale sur les grands pôles

d’excellence. Ce contexte peu favorable est par ailleurs à croiser

avec la singularité et de l’illisibilité du statut de l’établissement.

Qu’est-ce que le CUFR ? Qu’est-ce qu’un EPA ? C’est, à vrai dire,

extrêmement compliqué.

Cependant, il est facile de retourner l’argument et affirmer

que si un grand pôle est conçu avec intelligence, comme la

mise en réseau d’établissements à l’échelle d’une région, en

évitant des doublons éventuels et en choisissant des domai-

nes précis, la présence du CUFR dans le PRES peut apparaît-

re comme une chance. Dans ce cas, il s’agit là, ni plus, ni

moins, que d’un élément important d’une offre régionale de

formation.

En effet, un pôle étriqué et ramassé sur quelques sites de la

métropole constituerait une vision restrictive de l’offre uni-

versitaire régionale, ce qui n’est certainement pas l’ambition

du PRES. Comment peut-on opposer la distance à l’effet de

pôle ? Dans le premier débat de ce séminaire, il a été ques-

tion d’un pôle toulousain dont le rayon des investissements

ne dépasserait pas 2 km ! Dans cette vision, se trouver à 70

> Le Centre universitaire Jean-François Champollion compte aujourd’hui près de 2800 étudiants, tous sites confondus.Source : photo La Dépêche - J.M.L

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 15

km de Toulouse exclut l’intégration de Champollion dans le

pôle alors que 70km constitue parfois la distance-temps de

la desserte du réseau que forment les grandes universités

parisiennes. Comme on le voit, la distance kilométrique est

une notion peu pertinente : n’entend-on nous pas dire que

la Turquie ne fait pas partie de l’Europe… à cause d’un

détroit qui empêche la jonction d’une grande partie de ce

pays à l’Europe, détroit dont la largeur à Istanbul n’est que de

quelques centaines de mètres ?! Il serait donc très domma-

ge de ne pas considérer le pôle à l’échelle de la région, inté-

gré dans un réseau de villes.

ATOUTS ET CONTRAINTES

Nous pouvons également nous interroger, dans le contexte de

la politique universitaire de l’Etat, sur les atouts et les limites de

l’établissement. Le principal atout et à la fois la principale limite

du pôle universitaire J-F Champollion réside dans sa taille.

La campagne actuelle du centre universitaire pour le recrute-

ment des futurs étudiants est d’ailleurs « small is beautifull » !

C'est dire que l’on joue pleinement de cet argument de taille

pour attirer les étudiants. Mais pour quelles raisons ? Au cours de

l’été 2010, un rapport commandité par le Ministère de

l’enseignement supérieur, révélé par Le Nouvel Observateur, a

classé le CUFR Champollion premier établissement de France

pour la réussite en Licence. Même s’il convient de prendre ses

distances par rapport à tout classement, il faut croire que

« l’écosystème albigeois » favoriserait la réussite.

Nous pourrions débattre longuement des causes qui ont fait de

ce centre universitaire le premier s’agissant de la réussite en

licence… Quelles qu’elles soient, ce classement tient compte

d’une particularité incontestée du CUFR : l’établissement a reçu

des points de bonification pour son taux d’élèves boursiers très

supérieur à la moyenne. Les statistiques montrent clairement

que le taux d’accès des élèves d’origine sociale plus modeste,

bénéficiaires de bourses est beaucoup plus élevé que partout

ailleurs (environ 48 % des étudiants). Ce chiffre est en rapport

avec la mission de service public que se fixe ce centre universi-

taire c'est-à-dire la facilitation d’accès aux études supérieures des

lycéens qui ne se dirigeraient pas forcément vers les études

supérieures.

Le critère de la taille fait également référence à la proximité et à

la possibilité d’un vrai fonctionnement collectif, peut-être moins

anonyme que dans une grande structure. Cette qualité va de

pair avec la grande sociabilité que l’on prête aux villes moyennes.

L’engagement fort des étudiants dans les structures associatives

est peut-être un signe de cette sociabilité : environ 10% des étu-

diants sont membres de l’AFEV. C’est encore une fois un record

en France.

La taille c’est aussi une qualité de vie compte tenu des moyens

matériels dont dispose le site. La question du logement est par

exemple plus facile à résoudre dans les villes moyennes. Enfin,

cette taille n’est pas limitative dans l’existence d’une vie culturel-

le de qualité même si elle ne peut pas, bien entendu, égaler le

bouillonnement culturel métropolitain.

Si certains éléments figurent à l’actif du site, d’autres le desser-

vent forcément. Le premier d’entre eux s’échafaude sur l’idée que

les lycéens ne rêvent souvent que d’une chose une fois leur BAC

en poche : étudier dans la métropole régionale ! Il existe en effet,

une vraie fascination pour la grande ville. Dès lors le slogan

« small is beautiful » peut se retourner contre le centre universi-

taire. Pourtant, une fois qu’ils ont choisi le site universitaire de

Champollion et qu’ils vivent à Albi, les étudiants valorisent très

souvent ce critère de petite taille.

Une autre conséquence négative à la taille de l’établissement se

manifeste par une sur-implication des enseignants-chercheurs

dans le collectif. En effet, compte tenu de la petite taille de

l’établissement, les enseignants-chercheurs sont très sollicités

pour offrir de leur temps aux différentes instances. En contrepar-

tie, les enseignants bénéficient tout de même d’une grande

réactivité de l’administration sur toute une série de dossiers.

Le thème de la recherche, est évidement lui aussi fortement cor-

rélé à la taille. Si le site albigeois connaît une montée en puissan-

ce de sa force de recherche - avec notamment l’édification d’un

bâtiment dédié à celle-ci – il faut bien reconnaître que les équi-

pes, physiquement installées sur place, sont rares. Celles ayant

franchi le pas sont essentiellement issues des sciences dures. Le

positionnement des sciences humaines s’explique par

l’appartenance presque systématique des enseignants-cher-

cheurs de ce domaine à des laboratoires toulousains. Singularité

géographique peu étonnante puisqu’en sciences humaines, la

recherche est classiquement un jeu de réseau, ne nécessitant

pas toujours un regroupement identifié dans un même lieu. En

revanche, l’ancrage territorial des enseignants-chercheurs en

sciences humaines n’est pas nul : il se réalise plutôt par une par-

ticipation dans des projets portés par des commanditaires

locaux.

Dans le même temps, le site est conçu comme un lieu

d’expérimentation de grandes questions vues depuis l’échelle

locale. Le Tarn est par exemple un excellent terrain d’application

pour la question des services publics en milieu rural. La question

des villes moyennes, avec l’expérimentation qui a été menée par

la DATAR ou bien encore le développement durable dans les

transports, sont d’autres thématiques qui trouvent une opportu-

nité à être conduites prioritairement en ville moyenne. Les labo-

ratoires de recherche les conçoivent comme tels, sans pour

autant que les chercheurs s’enferment dans des projets trop

locaux.

Un commentaire sur les liens entre CUFR et la ville s’impose.

Si aucune étude fouillée n’existe sur ce thème d’importance,

on peut noter l’attachement très fort des collectivités locales

à l’établissement. Ce lien s’explique d’abord par le finance-

ment qu’octroient ces dernières au centre universitaire.

Même si c’est l’Etat qui finance en très grande proportion

(90% des financements de Champollion proviennent de cré-

16 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

dits Etat), les collectivités locales ne sont pas en reste et

financent un certain nombre de bâtiments. Toutefois leur

implication en termes de marketing territorial, en jouant sur

la carte universitaire est plus conséquent.

Il est par ailleurs intéressant dans les relations entre la ville

et l’université, de voir que les habitants sont sensibilisés à

cette question. Une enquête, réalisée au moment des élec-

tions municipales à Albi, le prouve : à la question « Quelles

sont selon vous les mesures qui doivent être adoptées en

priorité par la prochaine équipe municipale ? » - posée à un

échantillon de 891 habitants - 77% souhaitaient qu’elle

contribue au développement de l’université Jean-François

Champollion. Signe vivace d’un attachement fort de la

population au centre universitaire. On retrouve le même

plébiscite dans les résultats du travail récent de la DATAR -

évoqué par Marie-France BARTHET. Dans son dossier de

demande, la ville d’Albi faisait de l’enseignement supérieur

l’une de ses priorités d’avenir. Loin d’être un hasard, cette

réponse traduit bien l’intérêt des décideurs locaux pour

cette thématique.

EN CONCLUSION...

Nous pouvons dire que la question de l’avenir du centre

Champollion, et plus globalement des universités en ville

moyenne est incertaine. Ni métropoles, ni petites villes, elles

sont dans une position d’entre-deux qui lie le devenir de

l’université au dynamisme de la ville. Si la ville moyenne

périclite, la présence universitaire peut être remise en cause.

Mais avant de penser le pire des scénarios, il faut rappeler les

trois types d’intérêts qui peuvent conforter le développe-

ment de ces universités dites « secondaires ».

• Le premier type d’intérêt, est celui des villes moyennes,

elles-mêmes. Il existe aujourd’hui un véritable lobby de ces

villes moyennes, qui s’affiche notamment dans le manifeste

de la Fédération des maires des villes moyennes.

Celui-ci comprend tout un passage qui présente l’enseignement

supérieur et la recherche comme un élément constitutif de la

vitalité en ville moyenne.

• Vient ensuite, le positionnement très clair de la Région Midi-

Pyrénées. La volonté de jouer la carte de l’offre de formation -

c'est-à-dire d’avoir une offre de formation en réseau sur tout le

territoire en évitant les doublons et en valorisant des Masters

spécialisés sur un certains nombre de sites – est un objectif affi-

ché par l’institution régionale.

• En revanche, le positionnement de l’Etat est beaucoup moins

évident. Si le gouvernement semble donner des indices positifs

sur ce sujet, faisant croire à une certaine détermination - notam-

ment par l’intermédiaire d’expérimentation d’universités de

l’enseignement supérieur en ville moyenne – nous sommes en

droit de nous demander si ces signes de bonne volonté ne sont

pas des supplétifs à une tendance de fond qui va à l’encontre de

la présence des universités en ville moyenne. Le flou qui entou-

re la mission de ce service public peut d’ailleurs interroger sur les

objectifs que l’Etat assigne à ces établissements. Créer, recruter

mais pour quoi faire ?

Pour finir, il faut évoquer une question fondamentale, dont nous

n’avons pas encore parlé, et qui est pourtant déterminante : c’est

la question de la culture. Le triptyque « enseignement, recherche

et culture » est tout simplement un point essentiel pour valori-

ser la présence de ces établissements en ville moyenne.

> Comme en atteste cette “illustration communicante”, la petite taille de l’université constitue un avantage... Source : CUFR

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 17

La polarisation n’est pas si nouvelle que cela... “Premier point, je trouve qu’effecti-

vement, cette idée de polarisation est

intéressante, mais elle concerne surtout

les sciences dures avec leurs gros

besoins en matériel. C’est vrai qu’en

sciences humaines, on se sent un peu

différents parce qu’on n’a pas besoin

d’avoir de grosses machines pour tra-

vailler.

Deuxième point, lorsqu’on observe

l’aménagement du territoire, on s’aper-

çoit que nous avons déjà connu ce phé-

nomène de « polarisation ». En effet, il

existait déjà dans les années 60 lors-

qu’on réalisait de grandes opérations

industrielles qui devaient « irriguer »

l’espace alentours. On a eu aussi les

technopôles : cette idée des années 80

où il fallait diffuser selon une synergie

« chercheurs-enseignants ». Ce sont

donc des choses qui sont connues dans

l’aménagement. Et il est vrai que

l’aménagement réagit aussi selon « la

mode ». Par la suite nous sommes pas-

sés aux systèmes productifs locaux dans

lesquels finalement, ce qui était petit

était bien parce qu’on se trouvait en

phase avec les territoires. Donc il y a des

modes qui reviennent. Dès lors il est un

peu troublant de nous présenter la pola-

risation comme une nouveauté ; en fait

c’est quelque chose qui réapparait

comme une sorte de serpent de mer.

Troisième point, les conséquences et

les limites que vous avez évoquées,

nous les mesurons grâce à un mouve-

ment de fond. En effet l’université n’est

pas la seule à avoir engagé ce mouve-

ment de concentration : c’est égale-

ment le cas des tribunaux, des caser-

nes,… C’est une concentration de toute

une série d’équipements, de services

publics au sein des villes. Dès lors, il est

nécessaire de mettre en perspective la

concentration de l’enseignement supé-

rieur avec d’autres réformes de service

public.

Enfin, quatrième point, il est vrai que l’on

parle beaucoup de compétition, de

compétitivité, de classement de

Shanghaï, néanmoins je pense qu’il ne

faut pas oublier « les humanités » ; c'est-

à-dire finalement, l’université dans sa

vocation généraliste : celui qui consiste

à donner une base, un dénominateur

social et culturel commun, former des

citoyens.”

L’université bon conseil des territoires...“Je rebondis sur ce qui vient d’être dit.Personnellement, je ne fait pas parti du

monde universitaire : je travaille dans

un CAUE - un organisme de conseil aux

collectivités. Or j’ai l’impression que

l’université, en tous les cas à Toulouse,

est tout de même très précieuse pour

un territoire, justement en matière de

conseils, d’études, d’informations... C’est

d’autant plus intéressant qu’il s’agit de

conseils territorialisés ; je veux dire qu’il

n’y a que l’UTM qui peut faire une étude

sur place, avec des étudiants qui sont là

pour une année. Ceci ne va pas tout à

fait avec la logique que vous avez

annoncé ; si on concentre pour écono-

miser, on perdra cette matière grise sur

de nombreux territoires.”

Produire des systèmes productifs de connaissanceascendants.“Ce serait une bonne chose que

d’interroger également la question de la

métropole et de ses relations avec les

villes moyennes. Ce que j’entends à

l’instant dans cet atelier, c’est qu’il exis-

te une politique de fond de polarisation

qui est un petit peu descendante de

l’Etat, avec ces lieux de régulation et son

économie de moyen... Mais il persiste

des lieux de résistance, ressemblant

plutôt au système productif industriel

de l’Italie, qui sont plutôt des systèmes

ascendants. Or j’estime qu’il y a quelque

chose à trouver entre ces deux mouve-

ments car il me semble que dans un

contexte de compétition internationale,

nous avons besoin d’avoir une écono-

mie de la connaissance extrêmement

dynamisée ; or les systèmes descen-

dants ne sont pas les plus efficients qu’il

soit.

Ce qui ce passe sur les territoires des

villes moyennes est drôlement intéres-

sant : il y a de la proximité, de la proxi-

mité d’acteurs,... les étudiants s’y appro-

prient un territoire. Je pense qu’il y a

peut-être là des systèmes d’un autre

niveau à explorer. Je ne sais pas lequel,

je ne sais pas si le PRES est à l’interface

des deux ? Il me semblait que les pôles

de compétitivité avaient essayé de tra-

vailler là-dessus, tout en étant quand

même un système très descendant,

s’accrochant sur l’industrie aéronau-

tique, sur des gros pôles industriels et

pas sur n’importe quoi. Sommes-nous

au carrefour des ces choses là ?

Les diverses interventions proposées lors de cet atelier 1 ont donné lieu à plusieurs réactions dans la salle. Nous avons réalisé une synthèse de ces dernières, organisée par séquences thèmatiques.

réactions dans la salle“

18 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

Y a t-il encore de la place pour les villes

moyennes, notamment sur la question

universitaire ? Et c’est un vrai enjeu pour

la métropole parce que celle-ci devrait

exister aussi en s’appuyant sur ces villes

moyennes. Elle ne peut pas exister toute

seule dans l’agglomération toulousaine.“

Le PRES, système régulateur ?“Je vous ai dit toute à l’heure que le PRESavait signé une convention cadre avec le

Conseil Régional. Dans cette convention

cadre, il y a un « axe » qui concerne

l’aménagement du territoire et il est

notamment question «d’actions » qui

pourraient être engagées sur d’autres

villes universitaires hors Toulouse.

Malheureusement cette idée n’a pas été

décliné dans la convention d’appli-

cation de 2010 ! Espérons que cela sera

chose faite en 2011 et que nous confor-

terons ainsi les sites secondaires qui font

partie du PRES. Nous avons toutefois des

circonstance atténuantes à ce délaisse-

ment :nous avons été absorbés à 100%

par cette « Opération Campus » ; mais

on doit pouvoir mener les deux de front.

En tous les cas je reste persuadée que le

salut des sites universitaires secondaires

passera par le triptyque « formation-

recherche-entreprise » voir le triptyque

« enseignement-recherche-culture ».

Je pense que c’est effectivement une

idée intéressante capable d’aider ces

territoires à créer une synergie ? On l’a

fait au niveau de la métropole, ça veut

dire qu’on peut le faire aux niveaux des

villes moyennes. C’est ici que le PRES

doit jouer un rôle et qu’il souhaite le

jouer : la volonté de ne pas rester cent-

rer uniquement sur la métropole existe

bel et bien.

Pour faire le lien avec les pôles de com-

pétitivité, nous avons en Midi-Pyrénées,

un pôle de compétitive mondial de

dimension très métropolitaine mais le

pôle « agri-innovation » est beaucoup

mieux répartie. D’ailleurs il faut savoir

que les systèmes productifs locaux ont

désormais une suite : la DATAR a inven-

té « les Clusters » qui ne sont rien

d’autres que des systèmes productifs

locaux revisités, présentant un triptyque

« formation-recherche-entreprise » très

fort. En conséquence, je crois qu’il fau-

drait s’appuyer sur cette dynamique là

pour initier une synergie au niveau des

sites hors métropole. On connaît donc

deux phénomènes qui se jouent en

même temps et c’est le moment d’agir,

sinon nous allons arriver à une fossilisa-

tion au niveau de la métropole ; ce qui,

à mon avis est contradictoire avec ce

que l’on peut attendre d’une politique

régionale.”

La recherche... de l’excellence !“Lorsque vous dites « tout est axé sur lacompétition internationale », je m’interr-

oge un peu : faut-il absolument tout axer

sur la compétition entre quelques-uns,

pour quelques-uns ? Au contraire, ne

faudrait-il pas également développer un

concept de la « recherche d’excellence »

- concept appropriable par tous, où

chacun peut trouver sa place - plutôt

qu’une recherche compétitive, pour

laquelle les « petits » viennent, quoi

qu’on en dise, « nourrir les gros » ? Cette

recherche de la compétition élitiste sys-

tématique me semble parfois quelque

peu dangereuse.”

Très chers sites universitaires secondaires !“Le concept de compétitivité est un

constat. Ce n’est pas pour autant

quelque chose que j’approuve. Je ne

l’approuve pas, parce que — et vous

l’avez bien démontré sur le site d’Albi,

mais on pourrait faire la même chose sur

le site de Tarbes — il y a une qualité de

vie et un très bon taux de réussite sur les

sites universitaires de petite taille. Donc, il

faut bien se rendre compte qu’effecti-

vement, il existe une qualité dans ces

sites dits « secondaires », qu’on ne peut

pas retrouver dans les grandes masses.

Ils sont donc complémentaires et il serait

absurde de les laisser tomber.

Nous avons la chance d’avoir des villes

secondaires qui se sont développées et

il faut continuer à les développer parce

que c’est une question d’avenir. C’est

pour cela qu’il est absolument nécessai-

re d’augmenter les synergies entre la

métropole et ces sites secondaires.

A Tarbes par exemple, on a pu dévelop-

per un laboratoire de recherche avec

ALSTOM qui s’est appuyé sur des grands

laboratoires toulousains ; mais, la

recherche a bel et bien été « décentrali-

sée » sur Tarbes. Et du coup, c’est un

des endroits extrêmement productifs au

niveau des brevets. Si on avait fait la

même chose sur Toulouse on ne l’aurait

même pas vu ! Donc, moi je pense au

contraire qu’il y a des choses à faire

pour développer les sites secondaires.

C’est là que le PRES peut jouer un rôle.”

DES TERMES À RETENIR. 1. Polarisation − Au fig. Attraction vers ou autour d'un ou plusieurs pôle(s),sujet(s), thème(s); concentration des efforts, des pensées autour d'un ou plusieurs point(s). 2. Système productif local − (SPL)est un groupement d’entreprises, en majorité des PME/PMI qui mutualisent des moyens et développent des complémentarités sur unterritoire de proximité, pour améliorer leur efficacité économique. 3. Ville moyenne - [extrait de “La notion de "ville moyenne" enFrance, en Espagne et au Royaume-Uni” par Frédéric SANTAMARIA] - "Selon les auteurs, la catégorie "villes moyennes" commence àpartir de 20, 30, ou 50 000 habitants. Elle s'achève à 100 000 ou 200 000 habitants" dans l'agglomération (MICHEL, 1977, p. 642

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 19

LES ÉTUDIANTS, LA VILLE, “LEUR VILLE” ?

Atelier 2 .

S’ils constituent un

public majeur non seule-

ment de la vie universitaire, mais aussi de la vie urbaine, les étudiants entretiennent

cependant des rapports complexes et dynamiques à la ville de leurs études.

En quoi le processus de leur devenir adulte, le temps des études, influence-t-il leur

inscription territoriale, tant d’un point de vue spatial que symbolique ? Comment ceci

peut, pour la collectivité, entrer en résonance, ou pas, avec son projet urbain ?

Problématique de l’atelier

Séverine CARRAUSSE propose ainsi de

faire un rapide tour d’horizon des sites

universitaires étudiés (l’université de

Toulouse II - Le Mirail en France,

l’université de Coimbra au Portugal, et

l’université nationale de Séoul en

Corée du Sud) avant de recentrer ses

propos sur les sociabilités et les modes

de vie des étudiants. L’objectif final vise

à éclairer les principales caractéris-

tiques distinctives de la jeunesse étu-

diante toulousaine et en particulier de

comprendre comment les étudiants

toulousains se distinguent de leurs

homologues européens et asiatiques,

par une construction identitaire

brouillée, ainsi qu’un statut d’étudiant

peu marqué.

TROIS MODÈLES INSTITUTIONNELS

L’université de Toulouse II – Le Mirail

est une université de masse implantée

dans une ZUP des années 60. En effet, si

l’université toulousaine a une histoire

très ancienne, l’université de Toulouse le

Mirail a, elle, une histoire bien plus

récente puisque c’est au début des

années 70 que les lettres et les sciences

humaines s’installent dans le quartier

périphérique du Mirail afin de répondre à

la forte augmentation du nombre

d’étudiants.

L’université de Coimbra est une uni-

versité traditionnelle (et sélective)

créée en 1290 à Coimbra (ville de rési-

dence des rois), elle est transférée à

plusieurs reprises de Lisbonne à

Coimbra (éloigner les étudiants) pour

s’établir définitivement au cœur de la

ville de Coimbra en 1537. C’est donc

une des plus anciennes universités

d’Europe qui a longtemps été la seule

université du Portugal (jusqu’en 1911).

Comme en France, le système portu-

gais de l’enseignement supérieur est

binaire ; sélectives, les universités

sont préférées aux institutions poly-

techniques (politécnicos). À l’instar

d’Oxford et Cambridge, de fortes tra-

ditions académiques perdurent à

Coimbra ; divers rituels académiques

accompagnent l’étudiant tout au long

de son cursus universitaire.

L’université nationale de Séoul est

une université élitiste installée à flanc

de montagne, éloignée du centre

ville. Toutefois les différents quartiers

qui composent la mégapole sont

autant de centres villes satisfaisant les

besoins étudiants. L’université natio-

nale de Séoul tire ses origines de

l’université impériale japonaise fon-

dée durant la colonisation ; nationale-

ment réinvestie dès la fin de la secon-

de guerre mondiale, l’institution uni-

versitaire déménage alors du centre

ville vers son emplacement actuel en

1975. Cette implantation périphérique

est guidée, comme à Coimbra et à

Toulouse, par la volonté d’éloigner les

étudiants. Il s’agit donc de repousser

les risques de contestation étudiante

loin du centre ville, et dans le même

temps de palier à une demande très

forte en termes d’enseignement

supérieur.

Il est important, dans ce dernier

contexte socio-culturel très spéci-

fique, de souligner la ferveur toute

particulière que l’ensemble de la

population voue à l’éducation. En

Corée du Sud, l’examen d’entrée à

Les recherches de SéverineCARRAUSSE explorent lessociabilités étudiantes, surun mode de passage àl’âge adulte de la popula-tion étudiante, et exami-nent notamment...• les dimensions d’insertion,d’intégration à la vie univer-sitaire et à l’institution uni-versitaire ;•mais aussi les dimensionssocio-culturelles qui parti-cipent de l’accès àl’autonomie (probléma-tique du logement et dessociabilités familiales etamicales par exemple) ;• et comment cela s’articuleà des dimensions plus iden-titaires de rapport aux étu-des, aux pairs, à l’avenir et àl’âge adulte, mais aussi à laville.

L’étude présentée en cejour, réalisée à partir d’untravail d’observation parti-cipante sur des temps rela-tivement longs, a étémenée dans trois paysreprésentatifs des principa-les diversités en matière demodèle institutionnel.

2.1.Éléments de comparaison internationale des sociabilitéset modes de vie étudiantsSéverine CARRAUSSE / Doctorante, laboratoire CADIS-EHESS (Paris) - LISST-CIEU (Toulouse II)

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 21

l’université constitue l’objectif de toute une vie : « intégrer

une université prestigieuse, c’est construire une vie meilleu-

re » explique l’intervenante. Plus qu’ailleurs, entrer dans la

meilleure université autorise l’espoir d’un diplôme de valeur,

d’une bonne situation professionnelle et d’un salaire adé-

quat, d’un mariage réussi ; finalement, cette réussite sociale

par des études supérieures parvenues garantit à l’ensemble

d’une famille une existence confortable. C’est dans cette

perspective que les parents financent l’éducation scolaire de

leur enfant, investissant d’importantes sommes dans les

cours privés que proposent de nombreux instituts (hagwon)

sur le temps libre des élèves. « C’est une véritable frénésie de

l’éducation qui motive et pousse à la concurrence

l’ensemble des jeunes Sud-Coréens » appuie Séverine CAR-

RAUSSE. Au-delà de cet investissement pécuniaire direct et

conséquent, nombre de parents n’hésitent pas à fonder leurs

mobilités résidentielles sur la proximité d’une bonne école

ou d’un bon institut privé…

En Corée du sud le « prix social » de l’éducation est fréquem-

ment pris en charge par les mères. Elles renoncent ainsi à

leur propre carrière professionnelle, et gèrent intégralement

les activités éducatives et ludiques de leurs enfants. Elles

s’inscrivent et les insèrent dans différents réseaux sociaux

qui constituent des espaces-ressources : ceux-ci offrent

diverses informations liées à la scolarité des enfants, encou-

ragent la compétition entre les enfants et finalement instau-

rent un contrôle social. Les mères initient également un rap-

port spécifique à la ville, car en guidant la scolarité et les

sociabilités des enfants, ces derniers développent une

connaissance « spécialisée », très scolaire de la ville, ainsi

qu’une connaissance pragmatique des espaces pratiqués

par les diverses communautés, et des manières dont les

réseaux peuvent être abordés et entretenus (les trois princi-

paux réseaux sociaux étant institués selon le lien du sang par

la famille, le lien du sol par la ville d’origine, et le lien de

l’école par les rencontres qui seront déployées dans le cadre

scolaire, en particulier à l’université).

DES RAPPORTS ENTRE VILLE ET ÉTUDIANTS DIFFÉRENCIÉS

La configuration de chaque site universitaire est différente,

ainsi que l’organisation institutionnelle des systèmes univer-

sitaires étudiés. Et, logiquement, il en est de même dans les

rapports qui lient le mode de vie étudiant à la ville : le loge-

ment, les loisirs, le transport, l’activité salariée… Séverine

CARRAUSSE a choisi de s’arrêter plus longuement sur deux

thèmes en particulier : la question de l’ancrage institutionnel

et celle du logement dans le rapport ville / étudiants.

La problématique de l’ancrage institutionnel est cruciale

puisque l’accès à l’université induit des changements, voire

même des ruptures plus ou moins conséquentes, qui

brouillent nombre de repères familiers jusqu’alors établis : «

même si l’étudiant ne fait que changer de lieu scolaire – si

par exemple il réside sur Toulouse et s’inscrit à l’université

du Mirail –, il existe d’autres obstacles » explique Séverine

CARRAUSSE. Ces ruptures concernent la scolarité, le mode de

vie, ou encore le système relationnel et affectif « d’avant

l’université ». Elles constituent toutes des étapes difficiles qui

nécessitent une adaptation.

Or les universités répondent différemment aux difficultés

rencontrées par les étudiants. Ainsi, pour tenter de palier à

ces ruptures, l’accueil institutionnel est très fort dans les uni-

versités sélectives. L’intégration, l’acculturation des étudiants

à un corps, voire à une élite, est particulièrement soutenue.

> Situation des universités étudiées dans leur ville respective.Source : enquête Séverine CARRAUSSE, Les sociabilités étudiantes, 2004-2005

22 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

À Coimbra, l’accueil des étudiants se fait conjointement par

l’institution et par une coutume académique que l’on appelle

‘Praxe’. Il s’agit d’un ensemble de pratiques et de rituels extra-

universitaires qui vont accompagner l’étudiant tout au long

de son cursus, et l’impliquer ainsi dans ses études comme

dans la vie et dans la ville universitaires. La spécificité du site

universitaire (intra-muros) et de ses coutumes étudiantes

participe à l’intégration de l’étudiant à l’institution et à la

ville, et lui confère un attachement très fort à ces deux enti-

tés socio-spatiales.

À l’université nationale de Séoul, les étudiants sont égale-

ment incités à cultiver leurs relations au sein de cette insti-

tution élitiste, et bénéficient de deux supports : d’une part,

les « membership training » (ou ‘MT’) - équivalents aux

« week-ends d’intégration », et d’autre part, les « dongaris »

- des cercles sociaux étudiants, très nombreux sur le cam-

pus. Ces manifestations permettent d’étendre les réseaux

des étudiants en même temps qu’elles ancrent ces derniers

dans l’université et dans la ville, puisqu’il est question à

chaque fois de sortir ou de découvrir de nouvelles zones, de

sortir ensemble et d’aller boire des verres, etc.

La sociabilité des étudiants de l’université de Toulouse II –

Le Mirail est davantage informelle et en appelle aux initiati-

ves individuelles ; leurs activités, plutôt tournées vers la ville

et dispersées, mobilisent davantage la structure urbaine.

« À Toulouse où la quête d’un logementconstitue aussi pour de nombreux étudiants une réelle difficulté, la chambre en cité universitaire (« la piaule ») resteun modèle d’habitat estudiantin encoretrès convoité. »

Concernant la question du llooggeemmeenntt,, une enquête par

questionnaire menée auprès des étudiants (450 individus

par site universitaire) a révélé trois types d’habitat communs

aux trois sites étudiés, mais investis selon des modalités

socio-culturelles spécifiques.

À Séoul il existe une interdépendance familiale très forte.

Presque un étudiant enquêté sur deux vit chez ses parents ;

et hormis les étudiants qui habitent à proximité de

l’université dans de toutes petites chambres étudiantes, les

jeunes Sud-Coréens quittent généralement le cocon familial

lorsqu’est venu le temps de se marier. La « vie chez les

parents » est marquée par les codes sociétaux ; ainsi, en

Corée du Sud, la forte démarcation existant entre « vie pri-

vée / vie publique », « intérieur / extérieur » limite par exem-

ple les invitations dans la maison familiale. Et puisqu’il n’est

pas plus évident de recevoir dans un logement étudiant

exigu, les sociabilités et la vie étudiante s’expérimentent sur-

tout à l’extérieur, dans les divers espaces que compte la

mégapole pour satisfaire les besoins des étudiants ayant trait

aux études ou aux loisirs.

Une forme de logement communautaire en quelques points

comparables à la colocation à la française caractérise

l’habitat conimbricense : les « repúblicas », des maisons

autogérées par une dizaine d’étudiants, avec le soutien de

l’université de Coimbra. Ces repúblicas furent instituées à

l’époque de la fondation de l’université, alors que les loge-

ments étudiants s’avéraient insuffisants ; aujourd’hui, elles

demeurent financièrement intéressantes mais restent peu

sollicitées. Avec l’essor des petites chambres individuelles, la

convivialité et l’« être ensemble » de ce mode d’habiter tra-

ditionnel apparaissent comme des valeurs surtout partagées

dans les rues de la ville.

À Toulouse où la quête d’un logement constitue aussi pour

de nombreux étudiants une réelle difficulté, la chambre en

cité universitaire (« la piaule ») reste un modèle d’habitat

estudiantin encore très convoité ; il s’est adapté aux pra-

tiques de ce public, parallèlement à l’évolution sociale (cité

ou résidence universitaire mixte, chambre pour couple,

appartement dédié à la colocation, etc.), et alors que la solu-

tion du « provisoire » tend parfois à se prolonger.

LES ÉTUDIANTS DE L’UNIVERSITÉ DETOULOUSE II - LE MIRAIL ET LA VILLE :MANIFESTER UNE IDENTITÉ ÉTUDIANTE“DISSÉMINÉE”, ÊTRE JEUNE AVANT TOUT,DEVENIR ADULTE

La relation de l’étudiant à la ville des études est avant tout

fonctionnelle ; en outre, elle se joue surtout dans les socia-

bilités qu’il déploie, pendant le temps de ses études – une

période charnière dans son devenir adulte. L’appropriation

de la ville est ainsi liée à la perception que les étudiants ont

de leurs pratiques (et) de la ville.

Séverine CARRAUSSE oriente sa réflexion sur la relation des

étudiants de l’université de Toulouse II – Le Mirail au territoire.

Ces étudiants se présentent avant tout comme des jeunes : ils

sont étudiants parce qu’ils suivent des études à l’université,

mais la diversité de leurs activités et de leurs conduites festi-

ves, dispersées dans la ville, les caractérise davantage en tant

que jeunes. Et finalement, les étudiants de l’université de

Toulouse II – Le Mirail se sentent étudiants lorsqu’ils partici-

pent à des mobilisations étudiantes et s’approprient des

espaces de l’environnement institutionnel, en temps de grève

notamment. Ainsi, en dehors de ces « temps forts » au sein

des locaux universitaires, la ville de Toulouse constitue le ter-

rain privilégié de la vie étudiante.

Le sentiment d’adhésion identitaire à la ville passe alors par

diverses formes, au-delà de leurs profils, en fonction du

niveau d’intégration de l’étudiant dans la ville des études ;

celui-ci s’inscrit selon trois modalités, intrinsèquement liées :

> une inscription dans le temps ;

> une inscription affective ;

> une inscription par les pratiques et dans les symboles.

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 23

L’inscription dans le temps, ou plutôt dans la durée, renvoie

à l’image qu’ont les étudiants de « vivre la ville » autant que

de « vivre en ville », d’y habiter, de s’y établir – y compris

l’été. En filigrane émerge l’idée de s’inscrire historiquement

dans la ville des études, d’y avoir un passé – souvent en

cours de construction, d’ailleurs, par l’expérience qu’ils font

de la ville des études.

Au-delà d’une simple acculturation ou expérience urbaine,

c’est la dimension affective de ce « vivre (dans) la ville » qui

semble entériner l’identité des étudiants par rapport à la ville

des études – en l’occurrence Toulouse, en fonction d’une

intégration plus ou moins désirée. Les notions de naissance,

de racines, de famille sont alors très fortes, et marquent le

lien à un territoire. L’étudiant peut être plus ou moins atta-

ché à son lieu d’origine, à sa famille, à son cercle amical, quel

qu’il soit ; auquel cas s’en détacher (quitter la ville d’origine

pour la ville des études), ou au contraire la renforcer (culti-

ver la continuité en changeant seulement d’établissement

scolaire, par exemple) marquent inévitablement l’intégration

à la ville de Toulouse. Il peut également manifester une

« émotion du territoire » par l’absence d’intégration, soit que

l’étudiant ne désire pas vivre « dans la grande ville », préfé-

rant le cadre de vie qu’il connaissait jusqu’alors ; soit au

contraire en ne manifestant aucun attachement territorial,

se proclamant plutôt « citoyen du monde ».

Enfin, pour beaucoup d’étudiants, la pratique même de la

ville participe de leur intégration à la ville des études ; cons-

ciemment, par leur expérience de la ville, par les sorties, par

un investissement territorialement (et socialement) marqué,

par la connaissance qu’ils ont ou développent de la ville ou

par l’intérêt qu’ils lui manifestent, l’intégration est en jeu. Elle

est alors souvent vécue par des actions ou des détails sym-

boliques forts (y avoir « son » banquier, « son » médecin, «

son » coiffeur, etc. ; se stabiliser quant au logement,

s’inscrire sur les listes électorales, apposer sur son véhicule

une plaque d’immatriculation au numéro du départe-

ment…). Progressivement, ces pratiques évoluent et font

refléter dans la ville leur devenir adulte. Stratégie et adhésion

identitaires se dessinent ainsi entre l’attractivité pragmatique

d’un territoire et la « sentimentalisation » de ce dernier, qu’il

soit d’ailleurs l’objet d’une implication de l’étudiant ou non...

Mais émotions et évènements importants de la vie, a fortio-

ri alors que les étudiants progressent vers leur autonomie

d’adulte, apparaissent inextricablement dépendant de leur

rapport au territoire.

24 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

> Fréquentation des rues de la ville par les étudiants dans le cadre des sorties –

Étudiants de l’université de Toulouse II – Le MirailSource : enquête Séverine CARRAUSSE, Les sociabilités étudiantes, 2004-2005

Toulouse, c’est bien connu, est une

ville étudiante. Avec à peu près un

habitant sur huit qui est étudiant, la

ville rose est actuellement la quatriè-

me ville universitaire de France. De

fait, elle propose un réseau

d’universités et un pôle de recherche

d’enseignement supérieur qui affiche

un rayonnement national et même

international. Sa grande attractivité

n’est plus démentie : « les étudiants

provenant des régions alentours,

mais aussi de nombreuses universités

étrangères sont relativement nomb-

reux » fait remarquer l’ancien élu étu-

diant du CROUS et du CNOUS pour la

Fédération Promotion et défense des

étudiants. Toulouse est aussi une ville

connue pour son ambiance festive et

sa douceur de vivre. Caractéristique

qui participe également au « pouvoir

recruteur » de la capitale haut-garon-

naise chez les étudiants et plus globa-

lement chez l’ensemble des nou-

veaux venus. Autre vecteur vertueux,

Toulouse est une ville sportive : la

grande majorité des sports sont

représentés par les associations de la

ville et d’un point de vue universitaire,

les équipes locales affichent des pal-

marès tout à fait honorables ; avec

notamment une université champ-

ionne d’Europe de rugby ou encore

une équipe de foot championne de

France universitaire.

UN ÉTUDIANT À TOULOUSE...

C’est par la description de la vie étu-

diante dans son cadre universitaire –

lieu où l’étudiant passe le plus clair de

son temps, que ce soit pour sa forma-

tion mais aussi pour sa vie périscolai-

re – que démarre l’intervention de

Chamsseddine NAÏB. « Lorsqu’on

parle de vie étudiante, on fait tout

d’abord allusion à l’implication des

étudiants dans les universités »

explique ce dernier. C’est plus préci-

sément leur présence dans «les

Conseils» - Conseils d’administration,

Conseil des études et de la vie univer-

sitaire, ou encore Conseil scientifique

pour les doctorants - qui donnent le

« la » de leur premier investissement.

Celui-ci passe évidemment par des

élections qui se tiennent tous les

deux ans, et qui malheureusement

comptabilisent un taux de vote assez

faible - en moyenne autour de 10%. «

Ceci constitue un vrai problème »

renchérie l’intervenant. Cependant,

ce désengagement électoral ne signi-

fie pas pour autant que les étudiants

ne se sentent pas du tout intéressés

par la vie universitaire ; certains

d’entre eux se sentent même réelle-

ment concernés par les orientations

de leurs universités respectives. «

Nous avons pu le constater dans le

cadre du « Plan campus », même si

malheureusement ils ont été très peu

consultés » confie l’interlocuteur.

Ainsi peut-on dire, qu’en général, les

étudiants savent s’investir lorsqu’il est

question de « leur université » et que

leur volonté de faire évoluer ne relève

pas du fantasme institutionnel.

Pourtant cette envie de faire bouger

les choses ne se manifeste pas forcé-

ment dans le domaine de la formation,

mais de manière beaucoup plus large,

dans le dessein de contribuer à la

construction d’une université de quali-

té. Reste qu’à l’heure actuelle, l’étudiant

ne fait pas preuve d’un sentiment

d’appartenance à son université ; ce

qui n’empêche de se sent impliqué

dans sa formation. « Prenez n’importe

quel étudiant – nous dit

Chamsseddine NAIB - et demandez-

lui ce qu’il fait… Il vous répondra « his-

toire de l’art, biologie cellulaire,… »,

mais en revanche ne vous donnera

jamais le nom de son université ».

Chamsseddine NAÏB,ancien élu étudiant, propose ici de dépeindrela vie étudiante toulou-saine, et l’impact qu’ontles étudiants sur la ville,leurs universités, les ser-vices qui peuvent leurêtre fournis,… bref surleurs propres vies.

2.2.Être étudiant à Toulouse...Chamseddine NAÏB / Ancien étudiant élu au CROUS et au CNOUS, membre de la Fédération PDE

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 25

C’est justement cette référence à l’identité de l’établissement

que de nombreuses universités tentent d’instituer par le biais

des BAIP (Bureau d’Aide à l’Insertion Professionnelle). Cette

instance vise à mettre en place - tel que cela existe dans les

universités de Coimbra ou de Séoul - un lien plus étroit entre

les étudiants et l’institution universitaire.

La vie étudiante ne repose pas exclusivement sur la seule

question de la formation. La vie associative a également une

grande importance dans la vitalité de l’université et de la vie

étudiante. « Plus le nombre d’associations est élevé, plus les

étudiants s’investissent dans celles-ci, et plus ils cherchent à

faire bouger leur campus et surtout à le faire vivre » témoi-

gne l’intervenant. C’est ce qui va faire qu’un lieu de forma-

tion va être l’élément déclencheur du lien d’appartenance à

une université. Plusieurs exemples illustrent cette règle : si

on prend l’exemple du Mirail, on a axé plutôt sur des foyers

qui sont plutôt des associations filiéristes, donc un foyer

d’histoire, un foyer de langue. Et prenons un exemple qui est

complètement contraire, l’université Toulouse 3 qui a 54

associations, qui va de l’association de vélo à l’association de

théâtre, avec quelques associations filiéristes à l’intérieur

mais qui ne sont pas la majorité de ces associations.

UNE UNIVERSITÉ, UNE VILLE

Vivre à l’université est une chose, vivre sa vie étudiante est

une autre chose et insinue avant toute chose la fréquentation

d’autres lieux, hors le campus universitaire. Le rapport entre la

ville et les étudiants se réalise presqu’exclusivement autour

des services que la ville propose à l’étudiant. Il est indéniable

que malheureusement, l’étudiant a actuellement très peu

d’impact sur sa ville et surtout qu’il ne s’y attache pas plus ça.

C’est d’abord une question d’identité : l’étudiant se sent tou-

lousain et participe à la vie citoyenne toulousaine lorsqu’il est

issu du berceau toulousain. Pour les « étudiants étrangers »,

en revanche peu nombreux sont ceux qui s’impliqueront et

feront par exemple les démarches pour aller voter — souvent

par désinformation notamment sur les démarches à suivre

pour changer de domiciliation et voter dans sa nouvelle ville.

C’est aussi parce que cette deuxième catégorie d’étudiants

sait que leur « vie à Toulouse » sera sans doute éphémère.

« L’étudiant ne sait évidemment pas de quoi son avenir sera

fait ». C’est ici un problème plus social, qui fait référence au

projet professionnel et plus globalement à l’insertion de jeu-

nes diplômés ne sachant pas où aller. Cette démarche là n’est

pas entreprise. Malgré ses freins à l’appartenance à sa ville uni-

versitaire, il n’en demeure pas moins que les rapports entre la

ville et les étudiants existent… presque contraints et forcés.

Le transport… L’un des principaux rapports qui noue la ville et

les étudiants n’est autre que le transport. A Toulouse, les

transports en commun sont beaucoup plus utilisés par les

étudiants pour se déplacer. Il faut dire qu’un grand nombre

d’entre eux n’habitent pas forcément à proximité immédiate

des universités et dès lors sont de grands consommateurs de

transports en commun … vélib’ toulousain compris. Ce n’est

pas parce que les étudiants empruntent fréquemment les

transports en commun, qu’une politique tarifaire particulière a

été mise en place. « Il est dommage que les étudiants bénéfi-

cient des « tarifs jeunes » et non pas de « tarifs étudiants » »

regrette l’intervenant. En effet, une fois ses 25 ans révolus

(limites du tarif jeune), un étudiant en thèse ou en retard se

verra appliquer un tarif normal. Cette forme d’injustice a déjà

été dénoncée et plaidé par les étudiants auprès de leurs élus.

Malheureusement, jusqu’à l’année dernière, ceux-ci n’avaient

pas beaucoup de poids. Il faut espérer que la création récen-

te, par la nouvelle majorité municipale de Toulouse, du

Conseil de la Vie Etudiante changera certaines choses.

Le logement… Le rapport ville-étudiant se matérialise égale-

ment au niveau du logement ; qu’il soit universitaire ou privé.

Le CROUS Midi-Pyrénées (Centre Régional des Oeuvres

Universitaires et Scolaires) compte près 8700 chambres ;

6600 chambres sont situées à Toulouse. Le reste des étu-

diants (donc l’immense majorité) se trouve dans l’obligation

de trouver leur bonheur (ou tout du moins un toit) dans le

secteur privé. Ces étudiants là, pour se loger, prennent en

compte la distance entre l’université et leur logement mais

aussi – et c’est d’ailleurs le point principal - la présence de

« commodités » autour de leur « lieu de couche » ; qu’il

s’agisse de commodités du quotidien (épicerie, laverie,

magasin de reprographie…) ou de commodités culturelles en

principe moins vitales.

« Les logements des CROUS constituent la seule forme de logement sur laquelle les étudiants peuvent avoir un impact sur la qualité et l’emplacement. »

Les logements des CROUS constituent la seule forme de

logement sur laquelle les étudiants peuvent avoir un impact

sur la qualité et l’emplacement. Ce pouvoir d’intervention

s’explique très administrativement par la présence de sept

représentants étudiants au Conseil d’administration du

CROUS, dont l’un a été élu Vice-président. Au sein du

CROUS, les étudiants peuvent réellement influer sur tous les

paramètres de la construction de logements ; qu’il s’agisse

du choix du lieu, de la mise en place de commodités ou

encore de la taille des chambres. Ces deux dernières doléan-

ces sont les « traductions politiques » des désirs formulés

par l’ensemble des étudiants interrogés. Ils sont une majori-

té à souhaiter des lieux de vie dans ces logements, afin que

ceux-ci ne soient pas qu’une simple chambre pour dormir.

Un logement digne de ce nom doit permettre des échanges

entre les étudiants au sein d’ensembles, qui peuvent tout de

même regrouper 5 à 600 étudiants dans les tripodes de

Rangueil. On sent véritablement que les étudiants se trou-

vent en demande de rencontres et de liens sociaux.

26 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

L’offre du CROUS a par ailleurs cette capacité à fournir plu-

sieurs types de logement qui s’adapte aux besoins et surtout

aux moyens financiers des étudiants. A Toulouse par exem-

ple, le parc de logements va du 9 m² jusqu’au soixante mèt-

res carrés en collocation. Les contraintes budgétaires étant

bien réelles, le premier type est le plus plébiscité par les

étudiants. C’est la raison pour laquelle, ces 9 m² ont connu

une vague de rénovation qui ont tendance à agrandir la sur-

face de vie (on passe de 12 à 13 m²) avec des aménagement

appropriés - des systèmes de lits rétractables notamment.

La culture… L’étudiant toulousain est enfin énormément

demandeur d’évènements, de manifestations culturelles, et il

est vrai que Toulouse est une ville particulièrement bouillon-

nante en la matière. L’offre proposée aux étudiants par

l’intermédiaire des CROUS ou de la mairie est importante

mais globalement les tarifs ne sont pas encore assez

attrayants pour les étudiants. Dans ce domaine là aussi, on

ne prend pas suffisamment en compte la spécificité étu-

diante ; « un jeune et un étudiant sont deux personnes qui

ont une problématique totalement différente » insiste

Chamsseddine NAÏB. A Toulouse comme dans de nombreu-

ses villes de cette taille, le développement culturel s’agite

autour d’un monde associatif très présent, mais qui est mal-

encontreusement quasi-uniquement aidé par les seules uni-

versités - via le FSDIE (Fonds Social de Développement

Initiative Etudiante). Les aides des collectivités locales à des-

tination des associations étudiantes sont le plus souvent

faméliques, si ce n’est lorsqu’il s’agit d’une aide logistique, au

demeurant très utile.

Une caractéristique de la vie étudiante toulousaine s’invite

sur le thème de la vie culturelle. C’est une question qui a

d’ailleurs fait beaucoup parler d’elle, il y a

quelques années : Toulouse a alors été jugée

comme une ville très, trop festive, connue

pour l’ouverture très tardive de ses bars et ses

ambiances nocturnes délurées et bruyantes.

La population étudiante « a très mal vécu » la

réduction des heures d’ouverture et la mise

en place de contrôles un peu plus sévères.

Cet épisode peut être considérer comme

anecdotique mais démontre le faible impact

des étudiants face aux politiques des collecti-

vités locales, dès lors qu’ils ne se réunissent

pas en association ils bénéficient de très peu

d’écoute.

La citoyenneté… La citoyenneté étudiante

est l’un des sujets qui préoccupe le CROUS.

« C’est une citoyenneté globale, basée sur la

ville certes, mais aussi sur les universités où

les étudiants vivent la plupart de leur temps » intervient le

représentant du CROUS. De manière générale, c’est malheu-

reusement une citoyenneté sous-développée, qui connaît

des taux de vote étudiant catastrophiques. « On navigue

autour des 10% pour les Conseils d’université, et on atteint

même des participations qui frôlent les 2, 3% dans certains

Conseils d’UFR » raconte Chamsseddine NAÏB. Pour ce der-

nier la communication est trop souvent mal pensée.

Lorsqu’elle n’est pas absente, elle n’informe pas suffisam-

ment bien les étudiants sur les éléments que peuvent leur

fournir les différents Conseils et toutes les autres institutions

- notamment les collectivités locales : sans parler du calen-

drier électoral qui est tout simplement inconnu, « le fait que

les étudiants ne voient pas quelle est leur relation vis-à-vis

des collectivités ou des conseils, ils se sentent de moins en

moins impliqué ». En définitive, les étudiants peuvent être

demandeurs pour faire bouger leur université, leur ville, mais

l’opacité du système est tel qu’ils ont du mal à s’investir.

EN CONCLUSION...

L’implication étudiante est plutôt faible et pis encore, n’a que

très peu de poids lorsqu’elle est effective. Les masses étu-

diantes n’ont pour ainsi dire aucun moyen efficace pour faire

infléchir les collectivités ou les universités. Encore une fois,

le manque de communication de la part des collectivités

locales vis-à-vis du monde étudiant est flagrant ; le fait que

les institutions locales raisonnent en « jeunes » et non en

« étudiants », alors que ce sont deux populations distinctes,

revient très souvent dans les « revendications étudiantes ». Le

seul moyen de faire passer leur message reste finalement le

milieu associatif et universitaire, avec l’existence de

« conseils » où les associations étudiantes sont assez bien

représentées. Une implication qui au final leur est ouverte…

une fois qu’ils seront diplômés, tant bien même ils restaient

dans la région.

> Chambre étudiante dans la résidence universitaire de Toulouse I - Capitole.Source : photo DDM, Thierry Bordas

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 27

La population Albigeoise, et plus particuliè-

rement celle du centre universitaire de for-

mation et de recherche Jean-François

CHAMPOLLION, n’est pas tout à fait la

même que celle que l’on peut retrouver

dans les grandes universités toulousaine.

Comme l’ont soulignés Benoît LACROUX et

François TAULELLE précédemment, le cent-

re albigeois compte un taux d’élèves bour-

siers supérieur à la moyenne nationale :

43.5 % selon les données administratives du

CUFR. L’autre aspect caractéristique du cen-

tre universitaire concerne l’approche territo-

riale de son recrutement étudiant : « le CUFR

recrute essentiellement dans le départe-

ment du Tarn ou dans ses départements

limitrophes » explicite l’oratrice.

« L’autre aspect caractéristiquedu centre universitaire concer-ne l’approche territoriale deson recrutement étudiant : « leCUFR recrute essentiellementdans le département du Tarnou dans ses départements limi-trophes. »

Le centre universitaire est situé dans une ville

moyenne qui recouvre des avantages cer-

tains par rapport à une grande métropole

régionale telle que Toulouse, qui ne cor-

respond pas forcément aux attentes

d’étudiants satisfaits d’étudier à proximité de

leur domicile. En partant de ce constat, qui

permet d’identifier un public particulier pour

cette ville, Emilie NICOULES a tenté de savoir

« si ces jeunes gens adoptaient les attitudes

identifiés dans la littérature sociologique

comme étant des comportements et modes

de vie étudiants ». Pour cela, la chercheuse

s’est appuyée sur des données statistiques

issues de l’observatoire de la vie étudiante

d’Albi, complétées par une série d’entretiens

passée auprès d’étudiants albigeois.

Trois niveaux de résultats sont présentés

dans son exposé : ils permettent d’éclairer

l’inscription territoriale des étudiants à Albi.

Tout d’abord en observant leur rapport au

logement. 39,6% des étudiants albigeois

déclarent vivre chez leurs parents durant

l’année universitaire. Parmi les décohabi-

tants — c’est-à-dire ceux qui ne vivent pas

chez leurs parents durant l’année universi-

taire et qui habitent un logement indépen-

dant — 67,9% vivent seul, 17.7% vivent en

collocation et 14% vivent en couple. Le

retour chez les parents reste très fréquent

chez les étudiants albigeois. En effet, plus

de la moitié des étudiants y retournent une

à plusieurs fois par semaine. Ainsi, les déco-

habitants adoptent un processus

d’indépendance mais restent très liés au

foyer familial et à la ville d’origine.

Ce lien avec la ville d’origine peut être varié.

Il est lié à soit la famille, à l’emploi, au sport

ou aux liens de sociabilité souvent hérités du

lycée. Cette « double vie » - l’une dans la

ville des études et l’autre dans la ville

d’origine - reste très prononcée surtout

chez les jeunes étudiants de niveau licence,

qui représentent la population majoritaire à

Albi. Dans ces conditions, bien qu’elle soit

souvent synonyme d’étude et de sortie,

l’inscription dans la ville reste alors très

aléatoire d’un étudiant à l’autre.

Le rapport aux déplacements constitue un

deuxième niveau d’analyse. Contrairement

aux grandes villes, bien plus étendues

qu’Albi, le campus et le centre ville sont

relativement proches, puisque les deux lieux

sont séparés d’à peine un peu plus d’un kilo-

mètre. « Lieu d’étude et lieu de résidence des

décohabitants sont par conséquent la plupart

du temps très proches » ajoute Emilie

NICOULES. On comptabilise d’ailleurs autour

de la faculté, de nombreux logements étu-

diants facilitant les déplacements à pied ou à

vélo. Les transports en commun, quant à eux,

sont très peu sollicités par les étudiants.

Pour l’autre catégorie – ceux qui cohabitent

chez leurs parents - la distance est un peu

plus importante puisqu’ils vivent souvent

Emilie NICOULES est étudiante en sociologie(Master 1). Ses travaux universitaires portent sur les étudiants dans lesvilles moyennes etnotamment sur l’exempledu CUFR d’Albi.

2.3.Étudier à Albi...Emilie NICOULES / Etudiante en Master Recherche de sociologie - Université Toulouse-Le-Mirail

28 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

dans les alentours d’Albi. Néanmoins cette distance reste en

général inférieure à cinquante kilomètres. Compte tenu des

réseaux de transport en commun qui sont peu étendus dans

les zones rurales, les cohabitants se déplacent majoritaire-

ment en voiture comme le confirme d’ailleurs les enquêtes

menées par l’observatoire national de la vie étudiante.

« Selon cet outil statistique, plus la taille de la ville est petite,

plus les étudiants utilisent un véhicule personnel pour se

déplacer » cite l’intervenante.

Le rapport des étudiants aux loisirs et aux sorties constituent

un autre thème d’importance. Pour Emilie NICOULES, loin

des pensifs dilettantes, « ces deux éléments de la vie urbai-

ne vont systématiquement de pair avec les modes de vie

des étudiants ». Bien entendu, les « distractions oisives »

sont beaucoup moins riches que dans une ville comme

Toulouse, et pourtant l’offre est jugée suffisante par les étu-

diants : « comparé à la taille de la ville et à ses 4000 étu-

diants, c’est pas mal du tout » témoigne l’interlocutrice.

« Très vite on se rend compte que les cartes dessinées par les étudiants quihabitent Albi depuis un certain temps, au sein probablement d’un logementindépendant, proposent des cartes trèsfournies sur lesquelles ils font apparaîtreun réseau de sorties assez dense. »

Dans cette approche là, on note des inscriptions territoriales

très différentes selon le mode de résidence des étudiants.

Cette conclusion s’appuie sur une étude axée sur

l’élaboration de cartes mentales réalisées par les étudiants

de L3 sociologie du CUFR Champollion.

« Nous avons plus précisément demandé à ces étudiants de

représenter une carte d’Albi avec leurs lieux festifs, les

endroits où ils sortent » explique l’étudiante. Très vite on se

rend compte que les cartes dessinées par les étudiants qui

habitent Albi depuis un certain temps, au sein probablement

d’un logement indépendant, proposent des cartes très four-

nies sur lesquelles ils font apparaître un réseau de sorties

assez dense. Celles représentées par ceux qui n’habitent pas

Albi mais ses environs, est beaucoup plus légère. On peut

supposer que les étudiants qui n’habitent pas à Albi sont

plus souvent chez leurs parents. D’autres différences appa-

raissent : on voit bien notamment que la représentation des

cohabitants est un peu moins centrée sur les sorties et sur-

tout que celle-ci est très marquée par la présence de l’axe

routier principal. En définitive ces cartes des représentations

- en fonction de la géographie du logement - montrent clai-

rement que les étudiants qui ont une vie sur Albi perçoivent

la ville comme leur « lieu d’étude » mais aussi leur « lieu de

sortie et de festivité ». A contrario, les étudiants qui n’habitent

pas Albi, utilisent la ville et la fac comme leur « lieu d’étude »

mais pas comme leur « lieu de vie et de sociabilité ».

> Carte mentale déssinée par une étudiante qui n’habite pas Albi.Source : Emilie NICOULES

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 29

Que Toulouse ne soit pas la seule ville où se

soit installée une affirmation politique forte

autour d’un lien si complexe [le lien ville-uni-

versité] ne surprend pas Daniel POULOU.

Tant et si bien qu’en entendant l’exposé

consacré à des exemples étrangers, il dit

avoir « parfois eu l’impression de reconnaît-

re la pluralité sociologique et culturelle qui

anime le territoire de l’agglomération tou-

lousaine ». Le fonctionnement élitiste de

l’université de Séoul, où les gens se retrou-

vent autour d’une vie culturo-associative foi-

sonnante, lui a par exemple rappelé « cer-

tains territoires toulousains gérés par de

grandes écoles ». C’est encore le lien privilé-

gié de l’université de Coimbra avec son

centre qui lui a fait un peu penser « à celui

qui noue nos étudiants et notre propre cen-

tre ville ». Certes, ce ne sont que des lumiè-

res qui s’allument et surtout pas des analo-

gies directes. Il n’en reste pas moins que

pour l’intervenant, toutes ces questions ne

peuvent faire l’économie d’études sérieuses :

« Ne parle-t-on pas de l’université, lieu de la

recherche par excellence ? Nous avons tout

intérêt à creuser la connaissance sur la

diversité de l’attente et de l’état sociolo-

gique du monde étudiant, du monde de la

recherche et plus largement du monde

universitaire ».

Toutefois, ses interrogations ne l’empêche

pas, lui et surtout la ville de Toulouse,

d’intégrer cette dimension dans la réflexion

urbaine de la ville. C’est pourquoi, il livre un

témoignage sur l’état d’avancement de

l’engagement de la Communauté Urbaine

du Grand Toulouse sur cette dimension.

UNIVERSITÉ ET COLLECTIVITÉ,L’INDISPENSABLE ÉCHANGE

Selon lui, « le lien entre ville et université,

est aujourd’hui suffisamment affirmée poli-

tiquement pour qu’elle fasse l’objet d’un

débat ». D’ailleurs « la machine administra-

tive et technique n’a jamais été autant

avancée pour développer des projets cohé-

rents en la matière ». La maturité des liens

entre les collectivités et le PRES en est la

meilleure preuve. « Personnellement, je tra-

vaille d’ailleurs davantage avec le PRES

qu’avec la plupart de mes autres collègues »

rapporte Daniel POULOU. En tout état de

cause, une chose est claire, une telle évolu-

tion technique n’aurait pu exister sans

l’émergence d’un acteur comme le PRES.

« Ce matin Marie-France BARTHET racontait

qu’au début de sa carrière, elle se considérait

comme un « chercheur hors sol ». Or j’ai

l’impression que l’on trouve nombre

d’étudiants « hors sol » ! » lance l’intervenant.

Il est vrai que finalement ces derniers sont

peu souvent proches de leur université…

Quoi que… on y trouve quelques nuances :

la situation française est loin d’être uniforme.

Par conséquent, encore une fois, il y a néces-

sité à poursuivre l’actualisation et le partage

des connaissances parce qu’il est certain que

les laboratoires possèdent une connaissance

extrêmement plus poussée que celle des ser-

vices de collectivités… qui pourtant structu-

rent de nombreux projets. Mais faut-il enco-

re que cet échange se développe.

LA FABRIQUE TOULOUSAINE...POUR RÉFLÉCHIR COLLECTIVE-MENT À LA RELATION VILLE-UNIVERSITÉ

A Toulouse, la collectivité tente de stimuler

cette interconnexion. « Vous avez certaine-

ment entendu parler du processus

d’élaboration collectif et de partage de

l’information sur le mode de création d’un

projet urbain communal dans un premier

temps, puis à vocation communautaire

dans un second temps » demande Daniel

POULOU à la salle. Il fait référence à « la

2.4. Le lien “ville-université” dans le Grand ToulouseDaniel POULOU / Directeur de projet à la Communauté Urbaine du Grand Toulouse

C’est d’abord dansl’optique d’échanger avec« les autres » que DanielPOULOU a souhaité participer à cette journée. Il faut dire que les inter-rogations sur le sujet ne manquent pas : « la question de l’appro-priation de la ville par les étudiants, commecelle des étudiants par laville, c'est-à-dire cetéchange entre collectivi-tés et étudiants, ne datepas d’hier » confiel’intervenant.

30 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

Fabrique Toulousaine » : une démarche qui a pour vocation

de traduire le projet politique dans les documents de plani-

fication classiques (PLU, PADD, SCOT, PLH...) en tenant

compte des réflexions portées par les documents existants

et plus largement par toutes les autres politiques publiques

qui ne sont pas des exercices directs de planification ; tels

que le projet culturel, le plan Campus, la politique de la

Ville... « Toutes ces questions alimentent les débats (d’abord

entre professionnel - de Février 2009 à Novembre 2009 -

puis avec la population ensuite), qui nourrissent eux mêmes

la démarche conduisant progressivement à un projet urbain

pensé à l’échelle des 25 communes » ajoute l’interlocuteur.

Durant les nombreux débats tenus entre professionnels, la

question de la « ville campus » a souvent été discutée. Ce fût

même le thème d’un atelier animé par des universitaires et

des urbanistes extérieurs à la collectivité. La question princi-

pale était très précise : « comment faire entrer la ville dans

l’université et l’université dans la ville ? ». Initialement intitu-

lé « la ville campus », cet atelier souleva en sus toute une

série de questions sous-jacentes : « est-ce que toute la ville

pouvait être considérée comme la « ville campus » ? » ;

« est-ce que la « ville campus » est vraiment la ville où vivent

les étudiants ? » - sous entendu le centre-ville. D’autres

questions de fond, pré-opérationnelles, se sont également

posées : par exemple « serait-il pertinent de renforcer le

phénomène de concentration centrifuge ? » ; ou encore

« est-ce que les autres dimensions urbaines sont suffisam-

ment considérées (transports, logement, loisirs…) ? ».

A ce sujet c’est d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt que Daniel

POULOU a observé les cartes matérialisant la perception

étudiante de la ville d’Albi. « Il serait intéressant qu’on puis-

se réaliser le même exercice perceptif à l’échelle de

Toulouse, voire à l’échelle des 25 communes de

l’agglomération ». Pour le représentant de la Communauté

urbaine, « cela permettrait de connaître les différents types

d’appropriation du territoire, et ce en fonction des différen-

ces sociologiques de la population étudiante toulousaine ».

En tous les cas, voilà les types de questionnement qui ont

été débattus lors de cet atelier et auxquels les organisateurs

n’ont pu toujours répondre. Il n’en reste pas moins que ce

dispositif a permis d’avancer et que comme le répète Daniel

POULOU, « les chercheurs sont invités à venir présenter

leurs travaux dans le lieu public que constitue la « Fabrique

urbaine », afin de partager et échanger leurs analyses ».

Le débat avec la population fût également très riche. Selon

l’intervenant « le niveau de débat avec les toulousains a

même été généralement d’un excellent niveau, parfois supé-

rieur aux échanges avec les professionnels ». Il y a eu une

prise de parole habitante extrêmement avertie. Toutefois, une

question demeure : « ceux qui se sont exprimés représentent-

ils toute la population » ? Certainement pas. Quoi qu’il en soit,

ils ont participé à élever le niveau de débat, y compris sur la

question du lien ville / étudiants. Une participation souvent

mâtinée d’un esprit constructif quant à la dynamique étu-

diante pour Toulouse. Ce fût aussi, inévitablement, des réac-

tions plus contraires, exprimant un « ras-le-bol » à l’encontre,

notamment, de « certaines places bien trop bruyantes ».

> La Fabrique Toulousaine : un lieu de débat et d’exposition. Source : photos © La Fabrique Toulousaine

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 31

Toute cette phase de questionnement, en prise avec la réali-

té, était indispensable. « Chacun sait bien qu’aujourd’hui, on

ne peut plus faire du projet urbain et de l’aménagement

sans débattre, partager mais aussi accepter de « trancher »

certains choix d’aménagement au regard des avis émis par

la population ».

DES PROJETS UNIVERSITAIRES DANS LE GRAND PROJET D’AMÉNAGEMENT TOULOUSAIN

A l’heure actuelle, les choix qui ont été pris, affirment deux

grandes lignes de force, garantes de l’identification du déve-

loppement toulousain.

La première d’entre elles porte sur la connaissance et

l’économie d’avenir. Centres de développement qui font

écho à l’image de « Toulouse ville créative », au sens très

large, et qui fait notamment le lien entre l’université, les étu-

diants, l’économie mais aussi la culture et la créativité.

< Carte illustrant la concordance du développement urbain et du projet universitaire.

Source : dossier Toulouse Campus déposé

pour approbation définitive / fév. 2010

32 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

La deuxième ligne de force, peut être plus habituelle, porte

sur l’eau et de manière plus large sur les espaces qu’elle

occupe ou qu’elle jouxte, constituant un patrimoine bâti ou

non bâti, créant des usages, des pratiques développées sur

les rives ou dans des endroits davantage marqués par la pré-

sence végétale.

Par la suite, l’évolution de la réflexion visait à chercher une

structuration de tout ce qui fait projet. Pour Daniel POULOU,

« il y a toujours sur un territoire, énormément de choses qui

bougent, qui sont proposées, qui s’aménagent parfois toutes

seules, quasiment sans l’intervention de la collectivité,

quelques fois même a contrario de ce qu’elle souhaite ».

L’idée consistait à proposer une clef d’entrée collective, une

vision commune, ou tout du moins une boîte à outils per-

mettant de mieux organiser les choses.

Quatre premiers projets doivent façonner la ville-campus :

« Axe Garonne » qui est un projet d’aménagement courant

sur 31 kilomètres, à l’échelle communautaire ; le projet

Matabiau avec son rôle de futur centre « Mirail Garonne »

avec une université qui, située au cœur du quartier, doit

absolument servir de liens avec le territoire GPV, mais aussi

avec tous les autres territoires adjacents ; enfin le projet

« Plaine Campus », créé autour des sciences dures sur le

sud-est toulousain, s’appuiera sur l’université Paul Sabatier

et le complexe scientifique de Rangueil existant. Ce dernier

projet est un territoire naturel d’extension sur lequel le Grand

Toulouse travaille en collaboration avec le PRES. Plusieurs

opérations d’urbanisme publiques portées par la Commu-

nauté Urbaine y sont prévues ; dont certaines opérations

d’urbanisme, certains bâtiments - notamment l’espace

Clément Ader - seront portés par le PRES. Preuve que les

deux entités avancent main dans la main.

Bien sûr, ces quatre projets ne seront pas les seuls à se nour-

rir des deux lignes de force évoquées plus haut. D’autres pro-

jets, extrêmement importants pour les quartiers qu’ils vont

restructurer (la Cartoucherie, la rue Alsace-Lorraine, la ligne

Garonne, Niel, et bien d’autres), seront guidés par ces princi-

pes. On peut notamment parler du quartier des sciences qui

doit justement assurer un lien entre les sciences, au sens large

du terme, et la population ; en espérant développer un senti-

ment d’appropriation dans les deux sens. Il est notamment

prévu un lieu d’information capable de faciliter l’appropriation

administrative, voire citoyenne, des étudiants vis-à-vis de la

collectivité et de son territoire. Il y a là l’ambition de répondre

à toutes les questions étudiantes, et à favoriser leur insertion

au sein du territoire du Grand Toulouse. Voilà un projet

d’ambitieux qui n’est pas encore opérationnel mais qui est

lancé sur la base d’un constat probant et symptomatique de

la volonté politique qui anime les différents acteurs de la

question ville / universités à Toulouse : un besoin d’échanges

et de connexions entre les lieux mais aussi entre les différen-

tes catégories de population.

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 33

Les sites universitairessecondaires sont-ils différents ? “L’avantage des sites universitaires

secondaires réside dans le fait qu’ils off-

rent une inter-connaissance, au départ

beaucoup plus importante que celle

développée dans les grandes universités.

Cette inter-connaissance, et les sociabili-

tés qui en découlent, sont facilitées par la

taille de l’université mais également par

la taille des promotions qui restent relati-

vement petites - de l’ordre d’une trentai-

ne d’étudiants en Licence 3. Cela res-

semble un petit peu au Lycée !“

> “Le fait que ces universités présen-tent une petite taille entre dans le critè-

re de choix des étudiants ; surtout par

rapport aux grandes universités qui

paraissent trop impersonnelles et « où

l’on perd tous ses repères ». En effet

beaucoup d’étudiants proviennent de

petites villes ou de villages dans lesquels

l’inter-connaissance est un élément de

sociabilité essentiel. Dans ces condi-

tions, la ville moyenne apparaît comme

une transition avant de se diriger vers la

métropole lorsqu’on visera l’intégration

d’un Master.“

> “ C’est surtout le critère de la proximi-

té — souvent décidé par les parents —

qui joue. Critère qui fait indirectement

référence à la qualité de vie. Mais bien

évidemment le critère premier reste le

coût de la vie étudiante, et notamment

le coût du logement qui constitue la

dépense principale pour les décohabi-

tants. Je ne sais pas ce qui en était pour

d’autres générations, mais pour moi,

l’université représentait l’autonomie —

c'est-à-dire quitter le lieu de résidence

des parents pour aller se fondre dans

une sociologie différente ; mieux enco-

re la liberté ! La vie d’étudiante, c’est

également la construction de sa per-

sonnalité.“

Etudiants et toulousains ?> “Il y a une spécificité propre àl’université de Toulouse Le Mirail. Disons

qu’une des choses qui m’a particulière-

ment marqué lorsqu’on compare cette

université toulousaine aux autres cam-

pus, c’est le fait que l’étudiant de cette

université a une vie plutôt « atomisée » ;

une « vie atomisée » qui, identitairement

parlant, ne lui assure pas son statut

d’étudiant. En effet les étudiants suivent,

certes, des cours à l’université mais c’est

essentiellement dans les temps de mobi-

lisation étudiante qu’ils se sentent vérita-

blement étudiants ; autrement dit, c’est

lorsqu’ils bloquent la présidence de

l’université qu’ils se ressentent étudiants

parce que c’est le seul moment où fina-

lement ils se rencontrent. Ils sont alors «

entre étudiants » et initient une action

qui se fait dans le « cadre estudiantin » ,

dans les locaux mêmes de l’université. La

« prise des locaux » fait alors émerger

quelque chose de nouveau au niveau

identitaire.“

> “ J’ai l’impression que soit « on est

étudiant », soit on est « quelqu’un qui

étudie » ! Pourtant dans notre rapport à

la ville il n’y a pas que cela ; il peut y

avoir le rapport citoyen. Est-ce que je

suis intégré - lorsque je suis étudiant ou

lorsque je suis quelqu’un qui étudie - en

tant que citoyen à la ville dans laquelle

j’habite ?

Est-ce que je dis que « c’est ma ville » ?

Est-ce que j’en suis citoyen ? Est-ce que

j’y vote ?“

> “Dans le cas de Toulouse, on se sentétudiant à partir du moment où l’on

développe un certain nombre

d’activités concrètes et pragmatiques.

Par exemple « mon coiffeur est à

Toulouse », « mon médecin est à

Toulouse », « mon spécialiste est à

Toulouse », « ma plaque est immatricu-

lée 31 » ! Ainsi avec ce genre de démar-

ches d’ordre social ou administratif,

l’étudiant se sent d’avantage toulousain

qu’étudiant.

[…] En venant s’installer à Toulouse, on

embrasse une forme de précarité qui

doit être normalement ponctuelle ;

mais c’est du « ponctuel » qui s’éternise

un petit peu ! C'est-à-dire que lorsqu’un

étudiant loue un logement à Toulouse,

il se dit qu’il va peut-être changer de

lieu d’étude et occupe finalement une

certaine ambivalence ; il reste dès lors

très attaché à sa ville d’origine. Au bout

d’un moment quand bien même les

allers-retours sont moins fréquents

entre ville d’étude et ville d’origine,

l’étudiant affiche encore des difficultés à

se projeter dans l’action citoyenne de sa

ville universitaire : « ça fait longtemps

que je fais mes études à Toulouse, mais

après il me faudra de toute façon trou-

ver un travail qui me poussera sans

doute à partir ; à ce moment là, j’aurais

tout le temps de faire un certain nomb-

re de démarches administratives ». C’est

notamment vrai pour l’inscription aux

listes électorales.“

Les diverses interventions proposées lors de cet atelier 2 ont donné lieu à plusieurs réactions dans la salle. Nous avons réalisé une synthèse de ces dernières, organisée par séquences thèmatiques.

réactions dans la salle“

34 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

>“Spontanément, je pense qu’il y aurait

trois modalités d’appropriation des étu-

diants à la « ville universitaire ». D’abord

par le temps ou plutôt la durée. Il existe

également une appropriation liée à

l’affect ; c'est-à-dire que certains vien-

dront étudier à Toulouse mais conti-

nueront à préférer leurs vertes vallées

de l’Ariège. A l’inverse, d’autres aime-

ront rapidement le dynamisme de cette

ville. Enfin on ne peut écarter la proxi-

mité du lieu d’étude avec sa famille, ses

amis,.... Mais plus globalement, il est dif-

ficile de figer quelque chose à un

moment donné parce que l’étudiant

évolue au fil de son cursus, parce que

ses sociabilités évoluent… ses « sociabi-

lités amicales » ou encore ses « sociabi-

lités amoureuses » vont progressive-

ment s’établir et finalement largement

participer à l’appropriation de la ville.“

Les étudiants, des jeunes à part ?> “Je souhaiterais revenir sur la ques-tion du refus de la mise en place de poli-

tiques destinées aux étudiants stricto

sensu, et sur l’idée de considérer cette

catégorie comme faisant partie inté-

grante de la jeunesse. C’est une préoc-

cupation assez constante notamment

dans les villes qui étaient dirigées par des

équipes socialistes : il s’agissait de ne pas

différencier les étudiants parmi les

populations jeunes, pour justement ne

pas favoriser de vision inégalitaire du

monde des jeunes. Plus largement, je ne

pense pas qu’il y ait autant de distinction

entre jeunes et étudiants ; surtout qu’une

grande majorité des jeunes sont des

étudiants !

Reste qu’il demeure une autre popula-

tion de jeune défavorisée, qui n’est pas

étudiante et qui peut dès lors expliquer la

volonté de parler de catégorie « jeune »

et non pas « étudiante ». Ce qui ne veut

pas dire forcément qu’il n’existe pas de

politiques initiées à destination des étu-

diants. Je crois d’ailleurs que c’est

davantage une question sémantique

qu’une question d’action.“

> “La définition du vocable « jeune »,c’est moins de vingt cinq ans. Nous

avons par conséquent une large palette

de « jeunes » dont « les constituants »

connaissent chacun des problématiques

particulières. C’est notamment le cas des

étudiants qui, bien qu’affichant des pro-

blématiques proches de celles connues

par « les jeunes en général », font état

d’une condition très spécifique : « pro-

blématique de formation », mais égale-

ment difficultés pour subvenir à leurs

besoins.“

> “Quand j’ai dit que « l’étudiant tou-lousain s’identifiait davantage à un

jeune qu’à un étudiant », c’est parce que

concrètement, l’université du Mirail

offre des filières où il y a peu de cours.

Donc, le reste du temps, ils vivent en

général à l’extérieur de l’université ou à

la bibliothèque universitaire. Mais c’est

vrai qu’on se trouve davantage dans

une dissolution de l’identité étudiante.

Je sais que le sentiment d’apparte-

nance à la faculté est différent à

l’université Paul Sabatier ; parce que les

étudiants ont davantage d’heures de

cours. Dès lors, ils investissent un peu

plus dans leur cursus et leurs pratiques

étudiantes sont différentes de celles du

Mirail. […] Il existe vraiment une carac-

téristique propre aux étudiants de

l’université du Mirail. C’est le fait des

campus un petit peu excentrés de la

ville elle-même. Et c’est vrai que dans

certaines filières où il y a beaucoup

d’heures de cours, les étudiants sont

d’abord, intégrés à l’université et dans

un second temps à la ville.“

Les étudiants, acteurs de l’aménagement urbain ? > “ Il y a eu débat autour de la FabriqueToulousaine, sur le processus, sur

l’affirmation du projet urbain avec le

Conseil de la vie étudiante, comme il y a

eu débat avec d’autres instances qui

représentent d’autres thématiques ou

groupements d’intérêts. Maintenant, le

Conseil continue de vivre, et je suppose

qu’il continue à débattre sur le sujet. […]

Il y a plusieurs organes dans le Conseil

de la vie étudiante et ces organes ont

un pouvoir d’interpellation vis-à-vis du

maire. Néanmoins c’est une instance

qui est quand même naissante et donc

je pense qu’il va falloir attendre encore

quelques années avant qu’il ne soit vrai-

ment efficace.“

DES TERMES À RETENIR. 1. Conseil de la vie étudiante − (CVE) Initiée en 2009, la ville [de Toulouse]ne comptait auparavant aucune structure de ce type offrant l’occasion aux étudiants de participer à la vie démocratique locale. L’objectifde ce conseil est de se faire l’écho des paroles étudiantes et de mettre en place une étroite synergie entre élus et étudiants, un réel débatet pour que naissent des propositions de qualité). 2. Fabrique toulousaine − Une démarche participative, animée par les élus,qui croise les visions politiques, techniques et citoyennes et qui en fera la synthèse. Après les professionnels de l’aménagement et del’urbanisme, elle interpelle les toulousains à travers de multiples lieux et espaces de concertation (ateliers, site @, exposition…).

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 35

ORGANISATION ET VIE D’UN SITE UNIVERSITAIRE : VERS UN MODÈLE DE CAMPUS À LA FRANÇAISE ?

Atelier 3 .

L’université est à la fois

un lieu spécialisé, avec

une organisation spécifique, mais peut aussi être vu comme un microcosme de la ville,

intégrant différentes fonctions et espaces urbains.

Entre densité des activités scientifiques et injonction d’ouverture sur la ville, com-

ment se recomposent les sites universitaires ? Entre sécurité et gestion des installations

sur certains sites, espaces d’accueil de fonctions métropolitaines sur d’autres, intégra-

tion possible ou non de plate-forme économique, les sites universitaires s’interrogent

sur leur modèle en même temps qu’ils améliorent leurs bâtiments et réaménagent leurs

espaces d’implantation.

Problématique de l’atelier

A QUOI SERT LE PROJET UNIVERSITAIRE ?

Pour Jean-Noël LARRÉ, le point de départ

de la réflexion de la question universitaire

part de très loin : « comment a-t-on ressen-

ti à un moment donné, la place et le rôle de

l’université au sein du système

d’enseignement et au sein de la société

française ? ». Une petite phrase d’accroche,

empruntée à Alain RENAUD, lance ensuite

le débat : « l’université française est un

bateau ivre ». L’interprétation du directeur

de l’immobilier et de l’aménagement au

PRES de Toulouse est tout aussi lapidaire :

cela lui rappelle « que le moindre écueil

peut la faire chavirer ». Dès lors une profon-

de réforme est nécessaire face à la paralysie

qui frappe cette institution.

Ce qu’il est intéressant de voir c’est qu’en

définitive cette phrase prononcée en 2004,

a largement inspiré en 2009 - c'est-à-dire

hier – Valérie PECRESSE. La Ministre de

l’Education reposait la question sous une

autre forme : « des universités, oui bien sûr.

Mais pourquoi ? Pour qui ? Pour quel projet

de développement économique, social et

culturel ? ». Jean-Noël LARRÉ croit en la

nécessité de ce questionnement de fond,

« pour qu’il se passe quelque chose ». Et

pour ce, il est indispensable d’interroger le

terrain. « Il faut savoir d’où ça vient » dit-il

simplement. Mais ce n’est pas tout, pour

que les choses changent réellement, il faut

surtout une volonté politique, accompa-

gnée de moyens financiers adéquats ;

« sinon on est dans le discours le plus total »

prévient-il. Plus concrètement, la Ministre

propose dans son discours de 2009, une

réponse politique ; une réponse qui va avoir

une influence sur la question du « modèle

de campus ».

Les objectifs de cette politique y sont très

clairement affirmés : « il était urgent de ras-

sembler notre paysage de recherche - c'est-

à-dire 83 universités et 225 écoles - pour lui

donner enfin une visibilité mondiale ».

« C’est dans cet esprit que le Président de la

République a souhaité que notre pays se

dote de campus universitaire digne de ce

nom » poursuit-elle.

Dans les faits, la traduction opérationnelle

de ce discours, annonçant la volonté de

fédérer les universités, porte le nom

d’« Opération campus ».

Pour « fédérer les campus », ont été sélec-

tionnés au niveau national, 12 campus

d’excellence ; 10 se partageront les 5 milliards

d’euros provenant d’une partie de la vente

des actifs de l’Etat en Ile-de-France - les 2 der-

niers étant des campus sélectionnés sur

d’autres sources de financement. Quid des

laisser pour compte ?

« Se sont tenues à Paris, quelques jours

avant ce séminaire du PREDAT, deux jour-

nées organisées par l’AEF » lance le repré-

sentant du PRES. Etait notamment présent

le maire de Bordeaux ; lequel expliquait très

clairement devant l’assemblée, dont de

nombreux conseillers du Ministère, qu’il

considérait l’idée des campus d’excellence

comme une bonne idée. Pour autant il pré-

cisait que ceux qui ne seraient pas retenus

dans cette notion « d’excellence » - notam-

ment dans le cadre du Grand emprunt – ne

devaient pas dramatiser cet échec. Au

contraire, ce ne serait pas grave, les per-

dants auraient travaillé et pourraient tirer

partie de leur investissement. « Il n’en

demeure pas moins qu’il s’agit bien d’un

système sélectif » commente Jean-Noël

LARRÉ.

3.1. Les nouveaux enjeux des campus universitairesfrançaisJean-Noël LARRÉ / Directeur de l’immobilier et de l’aménagement, PRES Université de Toulouse

« Va-t-on vers un modèlede campus à la française ? » ;« s’agit-il d’un problèmeurbanistique ou d’un simpleproblème architectural ? » ;« y-a-t-il, à un momentdonné, des déterminantsqui influencent la réalisa-tion de certaines chosessur le terrain ? ». Voilàquelques unes des ques-tions que se pose d’embléeJean-Noël LARRÉ.

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 37

L’autre sujet d’importance se résume à un vocable

d’actualité : « la visibilité internationale ». La question est

capitale : « nos universités sont-elles visibles au niveau

mondial ? L’université de Toulouse est-elle lisible au plan

mondial ? Est-elle au moins lisible au niveau national ? ». Ces

questions sont importantes parce que l’étudiant est basique.

Quand il se réinscrit d’une année sur l’autre, il regarde les

conditions de la réussite. Or figurent dans ces conditions de

réussite, un certain nombre de paramètres constants.

L’engagement financier est le premier d’entre eux, et sur ce

point « on peut être certain que « l’Opération Campus » va

respecter ses engagements » explique l’intervenant. Il s’agit

de 5 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 4,6 milliards

d’euros correspondant à l’engagement financier du MESR

(Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche)

sur la partie immobilière jusqu’en 2013. Malgré tout l’Etat

semble découvrir que l’investissement immobilier ne suffit

pas : « maintenant il faut se préoccuper de la vie étudiante,

il faut se préoccuper de l’aménagement, il faut s’occuper

d’équipement, et c’est assez intéressant à voir parce qu’on

a presque l’impression de découvrir le fait qu’un système

universitaire est un système complexe, qui s’apparente à des

morceaux de ville au sein d’une ville comme Toulouse »

explique-t-il circonspect. Ainsi par delà l’émergence de

signes architecturaux forts, la création de l’éco-campus –

« thème un peu tarte à la crème » ! - on commence à voir

poindre des inflexions sur le modèle urbain futur.

UN PROJET GLOBAL...

C’est que depuis très peu de temps le Ministère a mis en

place des « ateliers campus » animés par un comité

d’orientation stratégique, réunissant des architectes et des

urbanistes de renom. C’est dans le cadre de ces ateliers que

Bruno FORTIER – urbaniste - et Olivier GALLAND - sociolo-

gue - sont venus à Toulouse. « Leur avis sur notre projet a

été plutôt favorable » confie Jean-Noël LARRÉ.

Le projet toulousain s’inscrit dans une génération de projets

universitaires « de plus en plus complets face à un système

de plus en plus complexe ». L’opération campus toulousaine

s’appuie sur une gouvernance partenariale et une approche

transversale des différents thèmes qui tournent autour de

l’urbanisme, de l’architecture et des ambitions scientifiques

et pédagogiques. Cette gouvernance partenariale s’organise

autour du Comité de pilotage partenarial présidé par le

Préfet, où siègent les représentants des 5 collectivités terri-

toriales, le Ministère, le président du PRES, le bureau du

PRES, les établissements de recherche de type CNRS, INRA

et autres, et le CROUS.

Tous les documents d’orientation – le schéma directeur

immobilier Grand Sud-Est, le schéma directeur immobilier

et aménagement du Mirail, et le schéma directeur du loge-

ment étudiant l’agglomération toulousaine – ont été élabo-

rés, en commun, avec toutes les parties prenantes.

« Cela parait évident et pourtant j’ai déjà vu beaucoup de

projets où tout le système de décision et de communication

était complètement hétérogène ; et à un moment donné ça

produit des choses négatives » complète le directeur de

l’immobilier et de l’aménagement du PRES. Autre point

important dans l’organisation toulousaine : une convention

partenariale de site qui sera signée le 8 juin 2010 par les dif-

férents acteurs. Par ailleurs l’ensemble de l’engagement

financier, y compris celui qui figure dans le volet « pôle

d’activité » du CPER, est validé par les élus.

Bruno FORTIER n’a pas visité que les sites universitaires tou-

lousains ; il a réalisé un « instantané national » après avoir

fait le tour de tous les campus français. Pour résumer le tout,

il a produit un rapport qui met en lumière trois choses

importantes.

« [...] dans les 20 ans qui viennent, nousaurons besoin de 520 millions d’eurospour les travaux d’entretien qui ne sontpour l’instant absolument pas financés. »

Le premier point fait la thèse que, d’une manière générale, le

domaine universitaire constitue un domaine immobilier

assez important ; « cela concerne 1 million de m² sur

Toulouse ». Or ces « morceaux de ville » sont assez peu

intégrés au reste de la ville. La question des transports col-

lectifs est une première explication de cette « mauvaise gref-

fe » : « si des choses ont été faites en la matière, on n’avait

jamais pensé faire passer un transport collectif au milieu

d’un campus » constate l’intervenant. C’est justement le

projet en cours sur « Rangueil ». Au final Bruno FORTIER

parle de « projets immobiliers étroits, réalisé sans réflexion

globale ». C’est aussi l’avis de Jean-Noël LARRÉ. Dès lors le

travail à accomplir, notamment dans le cadre des PPP, est

conséquent. Cela commence en premier lieu par un effort

financier sur la gestion du patrimoine universitaire, jusqu’i-

ci cinquième roue du carrosse. Et Toulouse n’échappe pas à

la règle : « dans les 20 ans qui viennent, nous aurons besoin

de 520 millions d’euros pour les travaux d’entretien qui ne

sont pour l’instant absolument pas financés ». Le PPP pour-

rait être la solution. « Entre un bâtiment en loi MOP, qui

faute de décision de financement ne sera pas entretenu et

un bâtiment réalisé en PPP entretenu de façon quasi quoti-

dienne, il n’y a pas photo » livre l’intervenant. Il faut donc

investir dans l’entretien des bâtiments.

D’ailleurs la forme partenariale imposée par « l’Opération

Campus », construite sur le mode de la dévolution immobi-

lière, va nous obliger à réfléchir sur la durabilité des bâti-

ments. Evolution qui risque de ne pas être toujours facile

pour des présidents d’université à qui « on a annoncé qu’ils

allaient devenir autonomes, à l’intérieur d’un système fédé-

ral de type PRES, et que dans le cadre de la dévolution

immobilière, ils devaient rénover leur université ».

38 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

Plus globalement c’est la philosophie d’aménagement des

campus qui est en train de changer. Alors qu’il y a encore

quelques temps les présidents d’université refusaient en bloc

que leur « sanctuaire universitaire » – malgré des pro-

blèmes d’insécurité – entre dans la domanialité publique,

aujourd’hui ils sont prêts à en discuter. De la même manière,

certains d’entre eux commencent à appréhender

l’aménagement de leur territoire à l’échelle de

l’agglomération. « C’est quand même assez intéressant parce

que ça veut dire que ces idées-là, petit à petit, ont fait leur

chemin, et qu’en interne on arrive effectivement à expliquer

qu’il faut changer les choses et s’ouvrir un peu à la vie » ajou-

te Jean-Noël LARRÉ. Et s’ouvrir à la vie c’est d’abord dynami-

ser une vie étudiante quelque peu atone sur les campus.

Pour le comprendre, le représentant du PRES nous invite à

arpenter le Campus de Rangueil à partir de 17 heures. « Il ne

s’y passe strictement plus rien ». Dès lors ce constat pose une

question : « peut-on réintroduire une ville – une vie urbaine

- sur un secteur de cette échelle » ? Il s’agit bien de dévelop-

per une vie étudiante sur des campus d’une certaine taille ;

chose qui n’est pas évidente sur des surfaces qui font près de

150 ha – c’est le cas de Rangueil qui pose des problèmes bien

différents de ceux que posent les 20 ha de l’INSA. Le problè-

me des logements étudiants fait partie des principaux.

A Toulouse, malgré l’élaboration d’un « schéma directeur du

logement étudiant » il y a quelques mois, les idées reçues sur

le sujet sont encore nombreuses. Pourtant cet outil

d’orientation a permis d’éviter la construction de résidences

étudiantes mal implantées et surtout ne correspondant pas

aux attentes des étudiants. Un questionnaire envoyé à 1500

étudiants, des entretiens semi directifs - ont bien montré

qu'aujourd'hui ils préfèrent de grands appartements en colo-

cation, plutôt que de minuscule logements, du type chamb-

re universitaire de 9 m² - laquelle testé pendant 3 mois par un

sociologue a livré ses limites ! Comme c’est souvent le cas, le

modèle scandinave est peut être le bon exemple à suivre

pour les universités françaises : « une résidence étudiante qui

ne coûte pas plus cher que ce que nous faisons à l'heure

actuelle mais qui répond aux besoins de ses bénéfi-

ciaires ».

Tout ce travail d’adaptation a été mené avec les différents

acteurs du projet « Opération Campus ». Participation on ne

peut plus normale pour Jean-Noël LARRÉ : « Lorsque la

région finance le logement étudiant, désormais elle souhaite

savoir si l'argent public est dépensé au bon endroit, sur le

bon produit ». Une transparence partenariale nécessaire et

surtout efficace puisqu’elle permet d’établir une stratégie glo-

bale à l’échelle de tout le territoire, avec tous les acteurs ; les

universités mais aussi les écoles d’ingénieurs. Ces dernières

ont d’ailleurs pris conscience – grâce aux schémas directeurs

– qu’elles avaient des problématiques à résoudre :« c’est par

exemple une école qui s’est aperçue qu’il manquait 50 % de

locaux de recherche alors qu’une université comptait 150 %

de bâtiments à vocation administrative ». Cette remise à plat

était fondamentale avant d’investir. Elle a donné lieu à des

analyses très pointues : « nous avons même essayé de

comprendre pour quelles raisons certains locaux étaient

occupés à 50% de l'année ! ». Des remises en questions qui

n’ont pas toujours été faciles. Chose bien compréhensible

dans un système où nombre de choses se font « de façon un

peu souterraine ».

> Plan de “l’inscription territoriale à l’échelle de l’agglomération du projet universitaire”.Source : Schéma Directeur Immobilier et d’Aménagement

Grand Sud-Est et Quartier des Sciences - janv.2010

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 39

Mettre le doigt sur les problèmes ne les résolvent pas pour

autant. Aujourd’hui les besoins en gestion dépassent très

largement le coût des équipements.

Aujourd'hui tout les acteurs ont pris conscience de l’enjeu

urbain que représenté l’aménagement de ces morceaux de

ville. « si la profession, globalement le savait, il fallait le faire

admettre aux maîtres d'ouvrage » renchérit l’intervenant.

Pour la première fois, Frédéric BONNET – architecte-urbanis-

te du cabinet OBRAS - a pu dire au président de l'université

Paul SABATIER, « vous devez penser à l'échelle de

l'agglomération, il faut faire entrer la ville dans le campus ».

Si au départ la réaction ne fût pas des plus cordiales, aujour-

d’hui chacun sait que si cette étape n’est pas franchie, il sera

impossible d’influencer le modèle global. Pour autant penser

l’aménagement d’un site universitaire à l’échelle d’une

agglomération ne signifie pas que les universités n’ont plus

leur mot à dire. Au contraire, autonomes, elles sont maîtres

de leur destin financier et ont tout intérêt à exploiter toutes

les potentialités de leur trésor foncier. Ainsi le président de

l’université Paul Sabatier doit pouvoir exploiter ses 150 ha

ajoute Jean-Noël LARRÉ. Dans le cas de l’université scienti-

fique, cette ouverture, matérialisée sous la forme d’une

autorisation d'occupation temporaire octroyée à une per-

sonne privée, pourrait par exemple permettre la construc-

tion d’un bâtiment permettant à l'institution de récupérer de

l'argent mais aussi d’offrir des fonctions urbaines qu'elle ne

possède pas jusqu’alors.

Un point important va porter sur l'évaluation des projets.

« Nous avons élaboré un schéma directeur de l’immobilier

et de l’aménagement ; nous avons discuté avec les architec-

tes et les urbanistes pendant plusieurs mois… mais ces pro-

jets répondent-ils aux besoins, aujourd’hui et surtout dans

quelques années ? » demande Jean-Noël LARRÉ. Ce n'est

pas de la paranoïa. C’est simplement faire en sorte de ne pas

construire et entretenir un patrimoine à côté de la plaque.

Cet objectif passe notamment par le renforcement des mis-

sions d'assistance à maîtrise ouvrage. Pour l’intervenant, « il

est nécessaire d’avoir un back-office au niveau des profes-

sionnels qui permette d'accompagner les projets sur de très

longues durées ». De la même façon qu'il existe une gouver-

nance partenariale, cette prise de recul favoriserait une

réflexion partenariale à long terme, incluant à la fois les déci-

deurs au niveau des aménageurs publics, mais aussi au

niveau de la collectivité publique. « A un moment donné -

conclut l’intervenant - il faut savoir prendre ses responsabi-

lités : il faut agir aujourd’hui même si dans 30 ans, assuré-

ment nous n’aurons pas fait tout à fait ce qu'il fallait faire.

Peu importe, il y a toujours une part de risque... à maîtriser

le plus possible ».

> Exemple de logement étudiant danois présenté dans le Schéma Directeur du Logement Etudiant de l’Agglomération Toulousaine.Source : SDLEAT - Sémaphores

et Latitude étudiante Conseil - déc. 2009

40 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

LA CROISSANCE UNIVERSITAIRE

Un graphique extrait d'un mémoire de maîtri-

se de géographie urbaine, rédigé par un étu-

diant de l’université de Toulouse le Mirail en

1971, permet de montrer l’évolution de la

situation du site de Rangueil, et plus large-

ment des universités toulousaines, « 50 ans

en arrière ». La courbe rouge représentant

l'évolution de la population universitaire est

sans appel : si en 1950, environ 8000 étu-

diants étudiaient à Toulouse, en 1970 leur

nombre frôle les 45 000. En 20 ans, la part des

effectifs universitaires par rapport au reste de

la population urbaine est passée de 2,8% à

10%. Si depuis la population universitaire n’a

guère augmenté (le rapport population uni-

versitaire / population totale est aujourd’hui

de 13 %), le contexte a en revanche sacré-

ment évolué. Cette progression étudiante

exponentielle d’après guerre coïncidait avec

une croissance urbaine importante, la crois-

sance démographique dites baby-boom, une

politique de construction volontariste, des

disponibilités foncières importantes qu’il fal-

lait aménager ou encore une politique scien-

tifique et industrielle forte… Autant de fac-

teurs qui ont conduit les décideurs de

l’époque à déménager la faculté des sciences

– jusqu’alors située sur les allées Jules GUES-

DE, en centre ville - sur Rangueil. « Quarante

ans plus tard, on parle du “quartier des

Sciences”, et on retourne aux allées Jules

Guesde ! » relève le chef de projet du PRES.

Il faut dire que dans les années 60, les

besoins fonciers ont fortement marqué

l'extraterritorialité du campus. « On l'a cons-

truit à l'extérieur ». En tout, ce sont plus de

cent vingt hectares qui ont été aménagés

pour accueillir le campus scientifique.

C’est René EGGER qui fût l'architecte en

chef de ce projet, secondé par C. MONTA-

GNE, E.F. CHABANNE et Y BOUDARD.

« Finalement, on parle toujours de CANDI-

LIS pour le Mirail, pourtant le projet de

EGGER a laissé une trace marquante et ce,

même si elle ne fût pas aussi célèbre que

celle laissée par son confrère » lâche

Christophe SONNENDRUCKER. Le projet

suit en tous les cas les mêmes principes

urbanistiques, propres au mouvement

fonctionnaliste. Il est construit selon la

logique du grand ensemble orthogonal.

C’est quelque chose de très géométrique,

de très académique avec une approche de

type zonage organisée autour de quatre

groupes de bâtiments constitués en fonc-

tion des quatre grandes matières scienti-

fiques (sciences naturelles, physique,

mathématiques et chimie). Le plan est

complété par deux cités universitaires, elles

aussi au style très académique et respectant

« l’imperméabilité des sexes » : la cité uni-

versitaire des garçons fait face à la cité uni-

versitaire des filles.

Le campus, très marqué par les bâtiments

assez monolithiques – « sans qu’ils soient

dépourvus d’une certaine valeur architectu-

rale » précise l’intervenant – n’en est pas

moins agréable. Les espaces de détente et

de loisirs avaient été pensés dès l'origine et

plus globalement les espaces verts étaient

très nombreux : « seuls 10% de l'espace du

plan masse initial n’étaient pas occupés par

des espaces verts ». Toutes les tranches ont

été achevées en 1967. L’école de chimie,

voisine fût réceptionnée la même année ;

suivie en 1968 par l’INSA avec le bâtiment

d’enseignement géotechnique, l’IUT de

Rangueil en 1969. En 1970, le CNRS, le LAAS,

l’Ecole nationale de l’administration civile

(l’ENAC) sont construits en parallèle, et

viennent élargir la zone du campus de

l’autre côté du canal. Cette unité de

l’Université de Toulouse devient alors

l’Université Paul Sabatier.

3.2. La forme urbaine du campus RangueilChristophe SONNENDRUCKER / Chef de projet, PRES Université de Toulouse

C’est finalement en solitai-re, sans Frédéric BONNET(architecte-urbaniste encharge de la coordinationgénérale du projet), que Christophe SONNENDRUCKER a présenté les principesd’aménagement du cam-pus de Rangueil. Ce dernier est plus particu-lièrement revenu sur cequ’il appelle le « coeur dusujet », c'est-à-dire l'originedu campus et la manièredont sa forme urbaine amuté, s'adaptant au fur et àmesure des décennies, augré des stratégies. « Celledes lendemains de guerreoù il fallait construire lescampus universitaires fran-çais dans le contexte d’unepolitique de reconstructionà tout va ; celle des années90, avec ses plans direc-teurs intitulés « université2000 » ; et maintenant,l’«Opération Campus »enfin, dont nous avonsdéjà largement parlé ».

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 41

LE TEMPS DE LA MATURITÉ URBAINE

« Pendant vingt ans, cet espace a très bien vécu » explique

Christophe SONNENDRUCKER. Ce n’est qu’à partir des

années 1990 que l’État émet le souhait de transformer cet

espace universitaire « en quelque chose de plus structuré,

de plus humain aussi ». Cette volonté de réaménagement

s’apparente également à une reprise en main réglementaire :

le campus universitaire est alors réintégré au POS de

Toulouse. C’est à ce moment là que l’idée de réaliser un

schéma directeur du quartier – alors appelé « le quartier

universitaire de Rangueil » - née. Confiée à Frédéric

BONNET, cette mission a pour objectif, sur les 12 prochaines

années et sur plus de 300 hectares, de préserver la structu-

re du campus tout en encadrant son évolution. Les grands

thèmes génériques qui ont animé le travail des années 90

sur le campus sont divers. D’abord, « tisser le quartier univer-

sitaire avec de nouveaux liens » énumère l’intervenant urba-

niste. « Il s’agissait de créer un véritable réseau de nouveaux

liens : véhicules, piétons, transports en commun ». Dans les

faits, les dispositions du schéma doteront le quartier d’une

véritable infrastructure de liaison entre ses différentes parties

et le reste de l’agglomération. « On était déjà à la recherche

d’un lien avec le reste de la ville » fait remarquer Christophe

SONNENDRUCKER.

« Rendre l’espace public fondateur » constituait le deuxième

axe de travail. A l’avenir, le nouveau paysage de Rangueil -

avec ses allées, ses mas, ses squares et ses cours - sera le

support de l’identité territoriale. « Nous étions à ce moment-

là, à la recherche d’une identité s’appuyant sur la revalorisa-

tion et la requalification des espaces dans lesquels

s’inscrivent les bâtiments » commente l’intervenant.

La question de la circulation et du stationnement étaient

également pointées du doigt. Il s’agissait « de mieux gérer

les accès, de réorganiser le stationnement en vaste cours, de

créer des ensembles paysagers incorporant le stationne-

ment, les pistes cyclables, les cheminements piétons,

d’installer de nouveaux éclairages, de recomposer la logique

de la circulation et la manière de se garer à Rangueil ».

Enfin, l’amélioration générale du cadre de vie était envisagée :

« il est prévu de réaménager les vastes étendues, jusqu’alors

mal déterminées, comme de véritables lieux d’intégration de

la vie étudiante au quotidien. Des mails et les squares

devaient prendre place dans les secteurs stratégiques afin

de conforter les activités limitrophes déjà existantes ». Par

ailleurs, « l’orthogonalité d’origine devait être renforcée afin

de faciliter le repérage pour les piétons et les cyclistes ».

Au final cette phase de réorganisation a fait appel à une véri-

table logique de projet urbain axée sur la revalorisation

d’une entité urbaine existante ; c'est-à-dire conforter son

maillage, créer des points capables de devenir des lieux de

rencontre, améliorer le plan de circulation ou encore recher-

cher une certaine densité. « Reste que l’on était tout de

même dans une logique visant à répondre à des besoins

immédiats, tout en essayant de les organiser et de les

transposer dans les règlements d’urbanisme » tempère

l’intervenant.

> Plan d’évolution du campus de Rangueil (au-dessus) et photo des premiers bâtiments de l’université Paul Sabatier (à droite).Sources : Power Point de présentation de C. SONNENDRUCKER

42 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

L’OPÉRATION TOULOUSE CAMPUS

L’Opération Toulouse Campus validée en 2009 a d’autres

ambitions. « Derrière ce « nouveau plan », il y a une straté-

gie qui ne consiste pas uniquement à améliorer l’état des

bâtiments » explique le représentant du PRES toulousain. On

parle de « campus d’excellence », « d’améliorer de lisibilité

internationale » et « de répondre aux défis de l’innovation ».

Par « innovation », on entend la construction ou la rénova-

tion de laboratoires, de bâtiments d’enseignement et de

recherche en informatique, en mathématiques, en phy-

siques, en matériaux… « Tout ceci dans une certaine proxi-

mité » ajoute Christophe SONNENDRUCKER en faisant allu-

sion à l’intervention matinale de Marie-France BARTHET.

Durant celle-ci, la directrice du PRES de l’Université de

Toulouse avait alors mentionné le cas de l’Institut de la

recherche et de la technologie (IRT) dont le rayon géogra-

phique ne dépasserait pas les 2 km et ce afin que « le monde

économique et le monde scientifique puissent travailler

ensemble d’une manière cohérente et réactive ».

Désormais c’est bien cette logique de proximité mais aussi

d’adaptation qui prévaut… tout en utilisant la forme urbaine

initiale qui était celle de René EGGER en 1960. Christophe

SONNENDRUCKER parle « d’une intégration globale : inté-

gration à la ville mais aussi intégration au monde écono-

mique - tant dans un sens que dans l’autre ». En effet l’effort

n’est pas à produire dans un seul sens, les étudiants doivent

également mettre la même implication à s’approprier le

monde économique et à s’y adapter du mieux possible.

« Le Rangueil d’aujourd’hui » est cet agglomérat de bâti-

ments issus de différentes époques, dédiés à différents

domaines scientifiques : le groupe « Sciences naturelles », le

groupe « Physique », « Mathématiques », « Chimie »,

« Médecine » mais aussi des écoles à part entière telles que

l’INSA, l’Enseignement Supaero, la Faculté pharmaceutique

et la Faculté de chirurgie dentaire. Toute cette diversification

universitaire et géographique qui peu à peu a considérable-

ment élargi l’échelle de territoire : « on n’est plus sur

l’Université Paul Sabatier, on n’est presque plus sur Rangueil,

on est réellement sur un territoire que l’on appelle Grand

Sud-Est, plaine commune ou vallée de sciences ». Le poids

de ce complexe scientifique est d’ailleurs considérable :

« c’est un site aussi important qu’une ville moyenne comme

Cahors, Périgueux, ou Tarbes ; c'est-à-dire entre de 20 000

et 40 000 habitants. C’est un campus qui est équivalent à

toute la surface du centre ville de Toulouse ».

« Le poids de ce complexe scientifique[Grand sud-est] est d’ailleurs considérable :“c’est un site aussi important qu’une villemoyenne comme Cahors, Périgueux, ouTarbes ; c'est-à-dire entre de 20 000 et 40 000 habitants. C’est un campus qui est équivalent à toute la surface du centreville de Toulouse”.»

C’est aussi un site qui s’inscrit dans une métropole d’un

million d’habitants connectée à d’autres pôles urbains. La

notion de connexion a d’ailleurs été largement mise en

avant par le travail de Frédéric BONNET. En effet, dans le

cadre du projet campus, le schéma directeur immobilier

d’aménagement a bien mis en évidence ces notions de

réseaux et de sites interconnectés. Ce sont d’abord des

connexions classiques avec une maille constituée de pistes

cyclables, de cheminements piétons et autres voiries auto-

mobiles. Ce sont aussi de nouveaux modes d’interconnexion

qui peuvent être imaginés, comme par exemple « utiliser le

canal avec un « navibus » permettant d’accéder au centre ville

ou profiter d’un téléporté pour mettre en relation le

Cancéropôle avec le CHU de Rangueil ». C’est enfin mieux

utiliser le métro depuis que la ligne B dessert le campus en

2007. Un seul regret : que celui-ci contourne le campus sans

le pénétrer. « Il existe bien la station de la faculté des phar-

macies et celle de Paul Sabatier, mais toutes deux contour-

nent le campus ». Toutefois une petite révolution est en

route : la LMSE (Liaison multi-modale sud-est), ligne de

transport commun en site propre va être inaugurée en 2011-

2012. « Son deuxième tronçon entrera dans le campus » se

réjouit l’interlocuteur « et cette fois-ci, la ville ose entrer dans

cette « forteresse » qu’est Rangueil ! ».

Opération Toulouse Campus, c’est un réseau de sites inter-

connectés mais aussi une « ville parc » qui se déploie autour

du canal de Midi qui redevient un élément structurant. Le

> Plan illustrant l’inscription territoriale du projet Rangueil à l’échelle du Grand Toulouse.Source : Schéma Directeur Immobilier et d’Aménagement

Grand Sud-Est et Quartier des Sciences - janv.2010

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 43

choix de cette « figure d’appui » – terme utilisé par Frédéric

BONNET – conforte la stratégie d’ouverture du complexe

scientifique. « A un moment donné – explique le chef de

projet – il a fallu choisir : le scénario de l’île, c’est-à-dire lais-

ser l’université dans sa forteresse, en densifiant ses franges

pour que les commerces, les services mais aussi le monde

des entreprises économiques puissent s’en approcher ; ou

bien le scénario de la densification interne, c’est à dire tra-

vailler sur l’orthogonalité de la trame initiale, en la structu-

rant autour du canal qui devient le nouveau centre de gra-

vité ? ». Cette alternative retenue, il a été question de trou-

ver d’autres manières de franchir un canal jusqu’à la traver-

sé par un seul pont ; franchir le canal et relier d’une maniè-

re intelligente l’UPS, l’INSA et plus largement encore

l’Aerospace Campus.

Cette voie d’eau pourrait alors créer un axe est-ouest dont

l’extrémité serait le bâtiment de l’administration, dans l’axe

du château de Bellevue. Support de la représentation insti-

tutionnelle, cet axe-là pourrait être aménagé pour accueillir

les institutions principales du campus. Un deuxième axe,

nord-sud, serait quant à lui le support des liens entre

l’université et les entreprises. Traversant le campus depuis

métro de la Faculté des pharmacies jusqu’au terminus de

Ramonville, il passera par le cœur de l’Université. « Si l’on

superpose l’ensemble de ces figures d’appui – explique

l’interlocuteur - nous avons bien un nouveau socle qui

s’appuie sur la forme urbaine initiale ». Bien entendu celui-

ci prend toutefois une autre valeur en devenant le support

de nouveaux principes d’aménagement, tels que les chemi-

nements piétons et cyclables associés à certaines continui-

tés paysagères. « On renforce des perspectives. On structu-

re ces liens pour créer des îlots ». Notion d’îlot qui était déjà

évoquée en 1990 dans le schéma directeur : preuve que l’on

revient toujours à des fondamentaux. Le temps passe et

l’îlot-rue, avec ses alignements, reste un support pour la

constructibilité et la densification, mais aussi pour la circula-

tion et le paysage. Il permet d’éviter une juxtaposition de

bâtiments sans cohérence, à l’image de ceux que l’on a lais-

sé construire ces derniers temps : « des bâtiments non ali-

gnés, qui cohabitent sans vraies règles ».

Ainsi derrière l’Opération Campus, nous voyons bien qu’il

existe une volonté de s’appuyer sur une forme urbaine

initiale - pour qu’elle s’adapte à une dynamique conjonctu-

relle marquée par l’innovation - et l’ambition de densifier

intelligemment en respectant le principe d’alignement, la

trame, les perspectives, mais aussi et surtout des espaces

verts qui constituent l’atout numéro un de ce campus…

anciennement campus de Rangueil.

> Principes d’aménagement du concept de “ville parc”.Source : schéma Directeur Immobilier et d’Aménagement

Grand Sud-Est et Quartier des Sciences - janv.2010

44 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

Très rapidement l’universitaire pose une

question : « pourquoi avoir reconstruit une

université au Mirail, sachant qu’on aurait pu

profiter du « blast » de 2001 pour déména-

ger ? ». Cette solution fût en effet proposée

par la municipalité précédente mais c’est

finalement la municipalité actuelle, avec le

soutien de la Ministre de l’enseignement

supérieure actuelle et du Président de

l’université, qui a décidé de rester sur place

et d’essayer plutôt de revitaliser le site exis-

tant. Une fois « cette ligne politique forte »

décidée, c’est en septembre 2009 que le

Conseil d’administration de l’université du

Mirail vote un schéma directeur qui selon

Nicolas GOLOVTCHENKO, affiche « des

principes par principe » sans les décliner

véritablement, et surtout en esquivant la

question des liens entre l’université et la

ville. « A croire qu’il s’agissait d’une logique

incantatoire » ajoute l’intervenant.

UN NOUVEAU SCHÉMA URBAIN

En y regardant de plus près, il s’agit « d’un

schéma organisationnel habituel », construit à

partir des composantes pédagogiques autour

desquelles se greffent les éléments de la vie

étudiante - avec notamment des services, des

espaces d’activité, de circulation, des loge-

ments… Or comme le précise très vite

l’universitaire, ce schéma directeur est aujour-

d’hui obsolète ; « il n’est plus d’actualité ». Il y

a sept ou huit mois, il a même été dépassé. Il

faut dire que tel qu’il était pensé, il ne permet-

tait pas à l’université de se dégager d’un cer-

tain carcan géographique matérialisé par la

rocade, le rond-point giratoire de La Cépière

et un quartier pavillonnaire. « Le campus est

emprisonné au milieu, avec très peu

d’échappatoire » résume l’intervenant. La

révision du schéma, doit justement permettre

de spatialiser des principes d’interdépendance

et d’interaction « ville-université ».

L’étude de réaménagement – sur laquelle

sera fondé le nouveau schéma directeur - a

été confiée aux bureaux d’études URBANE et

ARPP. La première innovation proposée

prend corps dans la réaffirmation des entrées

de l’université. Le nouveau schéma

d’aménagement propose en premier lieu de

spécialiser une entrée. Il s’agit plus expressé-

ment de l’entrée existante dans le prolonge-

ment de la station de métro ; « accès princi-

palement piéton » ajoute Nicolas GOLOVT-

CHENKO, rappelant la volonté d’aménager

un éco-campus axé autour d’une forte

dimension « déplacements doux ». « Ceci

impliquait de signaler que cette entrée était

réservée aux piétons et interdite aux véhicu-

les » poursuit-il. Toutefois il n’était pas ques-

tion d’éluder la question de l’accessibilité

automobile ; question on ne peut plus capi-

tale pour une université au recrutement

régional : « il suffit d’observer le taux

d’occupation des parkings de l’université

pour s’apercevoir que le nombre d’étudiants

rejoignant leurs cours en voiture est encore

important ».

Dès lors, l’ensemble des acteurs – et plus par-

ticulièrement la mairie de Toulouse – a plai-

dé pour une meilleure prise en compte de

l’automobile et notamment la création

d’aires de stationnement aux quatre points

cardinaux, de telle sorte à faciliter l’accès par

la rocade. « En créant un parking et surtout

une connexion vers le rond point de La

Cépière, on élimine l’appréhension d’un

espace fermé. Avec une seule entrée –

essentiellement raccordée au métro - nom-

breux étaient ceux qui avaient l’impression

de se trouver dans un cul-de-sac, loin de

tout ».

S’il s’agit de faciliter l’accessibilité à

l’université, le réaménagement vise, dans le

même temps, à accentuer la visibilité du

campus : « en effet à l’heure actuelle lors-

qu’on circule sur la rocade en voiture, qu’on

3.3. Le projet urbain du campus du MirailNicolas GOLOVTCHENKO / Sociologue, Vice-président délégué au patrimoine immobilier, Université Toulouse-Le-Mirail

Nicolas GOLOVTCHENKOa exposé le projet ducampus de la deuxièmegrande université toulou-saine - après Rangueil.C’est à travers deuxdimensions qu’il l’a fait :la dimension urbanis-tique dans un premiertemps et la dimensionsociale dans un secondtemps... avec en questionde fond : comment ouvrirle campus sur la ville ?

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 45

accompagne des amis pour leur montrer l’université, on a

très souvent tendance à dépasser l’université sans s’en ren-

dre compte ». Et pourtant, même si elle n’a pas la taille de

Rangueil, ses 22 hectares occupent un large espace.

Selon Nicolas GOLOVTCHENKO « cette discrétion involon-

taire tient essentiellement à la qualité de l’architecture,

basse et noyée dans le paysage ». Aujourd’hui il est question

de renforcer cette visibilité depuis la rocade ; « concevoir

une sorte de vitrine sur la rocade ». Pour ce, les urbanistes

ont conseillé aux responsables de l’université de créer un

vrai quartier avec ses fonctionnalités au nord du campus ;

autrement dit, donner une dimension urbaine à ce parvis

nord. Il y a une volonté « d’arrêter de laisser croire qu’il s’agit

d’une zone, d’un espace délaissé ». Aussi existe-t-il un inves-

tissement dans le vocabulaire, dans le choix, dans la topony-

mie et la qualité de traitement de l’architecture mais égale-

ment de l’aménagement des espaces publics. « Ce qui par-

ticipe grandement de l’urbanité » indique l’universitaire.

Ce dessein implique, primo, une réflexion forte sur « les

espaces entre les bâtiments » et secundo un engagement

financier significatif. Jusqu’à présent, les Contrats de Plan

État-Région ne permettaient pas d’engager de financements

sur les espaces publics. « Nous avons eu un exemple récent

avec la Fabrique culturelle dont le financement s’arrêtait en

pied d’immeuble ; résultat, pendant un an, entre ce pied

d’immeuble et le reste de l’espace universitaire, on avait un

sol recouvert des gravillons » témoigne le sociologue. Au

final il a fallu que l’université prenne sur ses fonds propres

pour aplanir le terrain et le rendre simplement accessible

aux personnes à mobilité réduite.

Plus largement, « l’université du Mirail a l’ambition de faire

ville » rappelle Nicolas GOLOVTCHENKO. Si les responsables

de Rangueil ont longtemps entretenu une image de « cam-

pus forteresse », replié sur lui-même - redoutant l’entrée du

métro dans ses tréfonds - au Mirail l’idée de « laisser entrer

la ville » fût plus facilement acceptée. Cette invitation récla-

me néanmoins des transformations, car « ici aussi on a

l’impression que les bâtiments ont été posés au gré des

opportunités financières, des contrats de plans Etat-Régions

et des grands plans universités 2000 ». Selon le représentant

de l’université de Toulouse 2, le bâtiment qui accueille cette

journée d’échanges en est l’exemple : « posé au milieu d’un

parking, il offre un magnifique panorama sur des voitures »

ironise-t-il. Or d’aucuns ne contredira que cette organisation

ne peut correspondre à l’image que l’on peut avoir aujourd’hui

d’une ville de qualité. Il est donc nécessaire de faire mieux. «

Mais comment faire ville ? » interroge l’universitaire.

VIVE L’UNIVERSITÉ OUVERTE !

Ce projet de dimension sociale passe donc en premier lieu par

la restructuration de la forme urbaine et plus précisément de la

forme architecturale des bâtiments. Jusqu’à présent s’est instal-

lée, au gré des opportunités, ce que l’on appelle une façade

urbaine sud, mais « désormais, les bâtiments qui la composent

ont vocation à être ouverts davantage sur la ville » prévient

l’intervenant. Ils présentent des formes architecturales particu-

lières et notamment des hauteurs de bâtiments qui contri-

buent à les distinguer et même « à construire une identité par

rapport à ce que l’on trouve derrière ». Leur somme constitue

aujourd’hui une espèce de front situé en vis-à-vis d’un quartier

pavillonnaire, séparé par une vraie clôture. L’ambition

d’urbanité se trouve d’ailleurs ici : diluer les frontières.

46 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

> L’université de Toulouse le Mirail, située en ZUP, a commencé sa mue urbaine et architecturale Source : non renseignée

Les allées de l’université constituent une rue privée - « comme

dans une copropriété en quelque sorte » - et cette configura-

tion n’est pas très intéressante d’un point de vue urbain. Par

conséquent, à terme, le projet ambitionne de rétrocéder cet

espace privé au domaine public ; de telle manière que la fron-

tière recule en limite de bâtiments. Apparemment, cette sug-

gestion apparaît comme une pièce importante de l’ambition

visant à créer une nouvelle urbanité sur le site. Or, si l’on sou-

haite organiser des relations spatialisées entre cette façade et

le quartier de La Reynerie, « cela implique que la réhabilitation

de l’université s’accompagne d’une revitalisation du quartier

tout entier ». En effet pour Nicolas GOLOVTCHENKO, cela

n’aurait pas grand sens, qu’une fois sorti de la station de métro,

les usagers arrivent comme c’est le cas aujourd’hui, dans un

espace illisible, où l’on se repère difficilement et dans lequel on

ne se sent pas forcément très à l’aise. « Il est nécessaire que le

niveau architectural et urbain du quartier soit équivalent à

celui qu’atteindra l’université. ». Car une chose est sûre : le

campus sera confortable et agréable à vivre.

L’école d’architecture devrait déménager de son emplacement

actuel jusque dans le campus, à côté de laquelle viendra

s’installer « l’université ouverte ». On va y trouver les nouvelles

formes de service d’enseignement à distance et « l’université à

tous les âges de la vie » - un bâtiment dont les fonctions sont

appelées à accueillir des publics différents. « Toutefois - fait

remarquer l’universitaire - si l’université ouverte sera une uni-

versité qui s’adressera à distance à des étudiants du Monde

entier (à Nouméa, en Guyane, en Russie, en Afrique du Sud…),

on peut imaginer qu’elle se tournera également vers le quar-

tier et qu’elle pensera à offrir des services dans l’immédiate

proximité sans utiliser les outils numériques ! »

Ce pourrait par exemple être le cas du nouveau restaurant

universitaire qui remplacera celui qui existe aujourd’hui. « En

l’ouvrant le week-end aux jeunes du quartier, ces derniers

pourraient le fréquenter plutôt que d’aller au Quick ! ». C’est

en tous les cas une piste plausible dans la mesure où le

CROUS est capable de réformer son offre. D’autant plus que

le restaurant universitaire est situé en façade sud, donc a

priori, dans le domaine public.

Cette idée d’ouvrir les équipements universitaires – et plus

globalement l’université - à l’ensemble de la population

s’applique également aux équipements sportifs localisés au

centre du campus, « de telle sorte qu’on ira à l’université

pour faire du sport ». L’université pourrait même accueillir

des clubs sportifs : c’est notamment l’exemple de l’Académie

de boxe Christophe TIOZZO à Bellefontaine. Cette structure

privée compte 400 jeunes boxeurs qui « ne sont pas fran-

chement intéressés par l’idée de pratiquer les lettres ancien-

nes mais qui en revanche seraient heureux d’accéder aux

équipements qui ne se trouvent que dans cette université »

explique Nicolas GOLOVTCHENKO. Aussi est-il prévu de

localiser l’équipement sportif capable d’accueillir cette acti-

vité de pugilat sur le campus. « Pour peu qu’on y mette les

moyens, on peut imaginer qu’avec ce type d’expérience les

jeunes trouveront un autre intérêt à fréquenter cette univer-

sité, transformant ainsi le regard qu’ils ont sur elle ». On peut

même escompter des effets leviers à partir de la mise en

place de ces dispositifs. « Evidemment cela implique de

changer également les mentalités universitaires et notam-

ment de changer l’image que nous, universitaires, pouvons

avoir du campus : un espace privilégié, hors la ville, hors du

temps ».

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 47

> A l’avenir, les équipements sportifs de l’université pourraient être utilisés par des jeunes habitants du quartier.Source : Université de Toulouse /J.P.G.

Les velléités d’ouverture prévoient également la création de

lieux de convivialité et de débat comme les cafés Géo ou les

cafés Science, tels qu’ils existent en centre-ville et plus

récemment à Balma, Auzeville et Tournefeuille, etc. « L’idée

serait de faire revenir la population toulousaine dans le

campus, l’accueillir dans de bonnes conditions notamment

avec un bistrot et un café Géo qui soit localisé sur le cam-

pus ». Chose possible avec le métro qui met l’université à dix

minutes de la place Esquirol. « C’est vraiment tout proche –

se réjouit l’intervenant - encore faut-il que lorsqu’on arrive,

on découvre un espace qui ressemble à quelque chose ! ».

Déjà édifié, le bâtiment de la Fabrique culturelle affiche

d’ores et déjà l’ambition d’être ouvert sur la ville et particu-

lièrement sur le quartier ; « la programmation intéresse

directement les habitants du quartier ». Elle se fait aussi – et

surtout - en direction des étudiants avec l’idée de les capter

et de les maintenir sur le campus en leur offrant quelque

chose d’intéressant à faire entre midi et deux heures tout en

grignotant leur sandwich.

Si l’université fait des efforts pour ouvrir son campus aux

non étudiants, et accueillir en son sein des activités qui,

aujourd’hui, se déroulent dans le quartier, est-elle capable

de projeter des équipements en dehors du campus, dans le

quartier même et ainsi participer à la vie du quartier ?

L’UNIVERSITÉ EN VILLE ?

Selon Nicolas GOMOVTCHENKO, il existe dans cette univer-

sité, un contexte historique et médiatique qui tourne autour

d’un discours - sur les relations entre l’université et la ville –

qu’il caractérise de « convenu ». Cette université aurait ainsi

la réputation d’un lieu tourné vers son quartier. De fait,

entend-t-on régulièrement certains acteurs universitaires

faire état de cette tradition, « de cette mission au sens mes-

sianique, qu’aurait l’université envers les habitants des quar-

tiers sensibles particulièrement ». Il se trouve que lorsqu’on

regarde objectivement les choses, on peut constater que

depuis plus de vingt ans beaucoup de choses ont été dites,

mais peu ont été réalisées.

Sans parler d’équipements, très peu de dispositifs manifes-

tent la présence de l’université hors de ces murs. « On va

trouver quelques expérimentations socioculturelles portées

par certains universitaires ici et là, mais globalement peu de

projets universitaires se concrétisent sur le quartier, alimen-

tant une certaine déception des habitants à son égard ». Et

les habitants ne sont pas les seuls à attendre davantage de

l’institution universitaire : la ville croit à la capacité de

l’université à exercer un effet de levier sur le quartier du

Mirail. « On voit bien que les deux espaces sont interdépen-

dants et que si l’un se relève, il risque d’entraîner l’autre ». De

la même manière, si un seul des deux était réhabilité, cela

aurait un impact négatif sur l’espace choyé.

Penser cette capacité à se projeter hors les murs passe éga-

lement par une transformation de l’offre universitaire ; « et

transformer l’offre universitaire signifie pour les universitai-

res, se penser autrement » lance l’intervenant, avant

d’ajouter « c’est notamment penser son rôle social, sa

responsabilité citoyenne à l’égard de la société civile.

Ce n’est pas simplement se faire plaisir, c’est rendre un ser-

vice, apporter quelque chose de mesurable ». La première

idée qui surgi fût une crèche qui accueillerait les enfants de

professeurs mais aussi d’étudiants et d’habitants du quartier.

48 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

> La fabrique culturelle affiche l’ambition d’être ouverte sur le quartier, sur la ville. Source : Université de Toulouse

Malheureusement une grande partie des personnels n’y était

pas vraiment favorable. « Il faut avouer, confesse

l’universitaire, que les enseignants chercheurs appartien-

nent à des catégories sociales qui, a priori, ne sont pas tou-

jours enclins à la mixité sociale ». Et ce qui est vrai pour la

crèche l’est bien évidemment pour l’école, le collège et le

lycée ; « les classes moyennes supérieures intellectuelles

ont des stratégies pour leurs enfants qui sont éminemment

sélectives. Rares sont les collègues qui se disent spontané-

ment “je vais tenter l’expérience de la mixité scolaire et sco-

lariser mon enfant à Bagatelle” ».

« Enfin de manière plus large mieux intégrer l’université dans la vie du quar-tier passe d’abord par la réinstallation des étudiants sur le quartier, or le Schémadirecteur du logement étudiant - produitpar le PRES toulousain au mois de janvier2010 - fait certes état d’une offre quanti-tative suffisante mais qualitativement gravement déficitaire. »

Il n’en reste pas moins que les projets d’ouverture existent.

Celui de la maison de l’image en est un. « Ce pourrait être

un lieu de production, un lieu de diffusion, un lieu d’accueil

autour des métiers de l’image » explique l’orateur. Et les

conditions de départ semblent réuni pour favoriser le succès :

l’université possède une école supérieure d’audiovisuel

délocalisée rue du Taur en centre ville et qui a véritablement

des compétences à transmettre ; mais « encore faut-il que

les collègues fonctionnent autrement. L’idée de se localiser

dans un quartier dont on parle, ce n’est pas la même chose

que d’aller travailler en centre-ville ! ». Un autre projet vise à

créer une espèce de « parcours des châteaux » - le château

du Mirail, le château du Barry situé à La Reynerie… - qui

deviendraient des lieux de mémoire ou des résidences

d’artistes. L’université est très attentive à la question du trai-

tement de la mémoire. Il y a là la possibilité d’enrôler les per-

sonnels dans ce projet qui semble mobilisateur, mais assez

déstabilisant du point de vue des identités professionnelles.

Autre idée initialement portée par l’université et qui com-

mence à être repris par le portage technique et financier du

Grand Toulouse, c’est l’Institut de la Ville. Il s’agit d’imaginer

une intégration des différentes instances travaillant autour du

thème de la Ville dans un institut fédérateur - dont il reste à

déterminer la forme juridique. Hélas, au regret de Nicolas

GOLOVTCHENKO, l’Institut de la Ville localisé au Mirail ne fait

pas l’unanimité : « on s’entend dire : ça va stigmatiser

l’Institut et renvoyer l’idée qu’il est spécialisé sur les quartiers

sensibles ». D’autres ambitions plus socio-culturelles se font

jour autour d’un réseau associatif étudiant particulièrement

riche. L’une des idées vise – avec le concours de la DIVE

(Division de la vie étudiante) - à développer du théâtre hors

les murs, une résidence d’artistes, et plus généralement

d’exporter un certain nombre de savoir-faire que possède

l’université dans le domaine des arts plastiques et des arts de

la mise en scène notamment.

Par ailleurs deux autres équipements ont vocation à s’ouvrir

sur la ville. C’est d’abord la Maison de l’archéologie : un bel

exemple d’hybridation public-privé puisque l’université doit

accueillir une unité de formation de recherche en archéolo-

gie privée. C’est un bâtiment qui a vocation à devenir un

espace scénographique, un espace de diffusion, « un espa-

ce ouvert aux toulousains et aux toulousaines, pas simple-

ment aux habitants du quartier ».

Le deuxième projet est porté par la psychologie. Inspirée par

le modèle nordique et nord américain, il est envisagé d’ouvrir

une clinique de consultation psychologique qui sera à la fois

une école d’application pour les étudiants titulaires de Master

en psychologie et un lieu de consultation pour les patholo-

gies relevant du champ de l’enfance en souffrance. « Encore

une fois, ce n’est pas qu’un bâtiment. D’ailleurs je ne sais pas

quelle forme aura celui-ci et cela m’intéresse peu. Ce qui

m’intéresse, c’est que les fonctions soient pensées et locali-

sées sur le campus et connues à l’extérieur du campus ».

Enfin de manière plus large mieux intégrer l’université dans

la vie du quartier passe d’abord par la réinstallation des étu-

diants sur le quartier, or le Schéma directeur du logement

étudiant - produit par le PRES toulousain au mois de janvier

2010 - fait certes état d’une offre quantitative suffisante mais

qualitativement gravement déficitaire. Par ailleurs celui-ci ne

crée aucun lien entre la population étudiante et la vie du

quartier. Il se trouve que depuis quelques temps, l’université

travaille avec l’AFEV sur un projet qui consiste à réfléchir à un

mode de logement solidaire. D’origine belge, ce dispositif

mobilise un accompagnement autour des étudiants - « qui

seraient volontaires et prévenus de l’endroit où ils vont

atterrir » - et qui, en contrepartie leur demande un investis-

sement dans la vie du quartier. Une façon de faire du Mirail

un quartier avec davantage de mixité.

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 49

50 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités

Les sites universitaires : des morceaux de ville...> “Quand on parle d’université, on sou-haite que ce soit un « morceau de ville »,

mais nous avons tout de même cons-

cience qu'on ne va pas faire une ville qui

fonctionne 365 jours par an, 24h/24h.

Ce qu'on veut plus simplement, c'est

faire prendre conscience à « la collecti-

vité universitaire » qu'elle gère un mor-

ceau de ville et qu'elle ne peut pas

continuer à aménager son domaine

sans observer ce qui se passe autour. De

la même façon, nous voulons faire

comprendre aux élus, qu'on ne peut

avoir une ville qui se développe parallè-

lement à l'université sans qu'il n’y ait à

un moment donné d’interconnexion.”

> “Quand on emploi le terme « mor-

ceau de ville », c'est pour que les

acteurs appréhendent mieux l'échelle

des enjeux qui s’y jouent. Il y a d’ailleurs

une comparaison que je reprends tou-

jours parce qu'elle est percutante pour

les gens : « Rangueil c'est la taille d’une

ville comme Périgueux ».”

... interconnectés...> “Aujourd'hui, une étape a été franchie,c'est que quand on parle de « sites », il

faut bien comprendre que ces sites for-

ment un système d’interconnexion.

Pourtant les différents sites qui compo-

sent le grand sud-est comptent une

multitude de gens qui s'ignorent

presque d'un côté à l'autre de la rue. J’ai

vu, il y a encore 8 jours, deux DGS qui se

sont rencontrés et ont fait le constat

qu’ils travaillaient depuis 5 ans l'un face

à l'autre sans jamais avoir franchi la rue

qui séparait leur établissement, sans

jamais avoir parlé de problèmes com-

muns entre deux écoles agissant dans

un même domaine de compétences

proche. Aussi, la première chose qu’il

était important de faire par l'inter-

médiaire du Schéma directeur d'amé-

nagement, consistait déjà à expliquer

aux acteurs de l’enseignement supé-

rieur exerçant dans une même zone de

Toulouse, qu'il existe tout un tas d’inter-

connexions entre eux. C'était le premier

travail à faire. Par la suite, une fois cette

première étape franchie, nous pourrons

oeuvrer à d’autres échelles du territoire ?

Je crois qu’il faut d’abord commencer

par asseoir le b.a.-ba.”

... intergouvernés...> “Christelle MANIFET disait ce matin

pour caractériser les relations entre uni-

versité et PRES : « ce sont les universités

qui impulsent les dynamiques du PRES

et le PRES n’est pas autonome ». Dans le

domaine de la reconstruction, nous

avons fait le choix avec le PRES, ici à

l’université de Mirail, de travailler en

coopération ; alors même que les lignes

budgétaires sont différentes. La coopé-

ration, c’est quoi ? C’est d’abord consi-

dérer qu’a priori, nos intérêts sont com-

patibles et non pas divergents.

Deuxièmement que nous avons intérêt

à dialoguer le plus possible ; enfin que

nous gagnerons à mutualiser nos affai-

res et nos efforts.

Cela se traduit par des moments de

réflexion commune. Ainsi j’invite régu-

lièrement Christophe SONNENDRUC-

KER - chef de projet PRES - à assister au

Conseil d’administration, et à participer

à l’élaboration du projet. Dés lors, il le

connaît et peut le juger au nom du

PRES. De la même, le PRES compte dans

son équipe un chef de projet spécialiste

du développement durable. Ce dernier

est régulièrement consulté et associé à

cette question pour laquelle l’université

n’a pas les mêmes compétences. Nous

avons les mêmes relations privilégiées

avec Jean-Noël LARRE - directeur

immobilier du PRES – avec lequel je dia-

logue quasiment tous les jours, sans

compter les relations que nous avons

avec les autorités publiques que ce soit

au niveau local ou au niveau ministériel.

Notre réflexion porte sur les principes

de coopération, sur des questions tech-

niques, des questions architecturales,

des questions d’aménagement, des

questions de développement durable

mais aussi sur les questions stratégiques

et organisationnelles.”

... vivants...> “Il faut se donner la possibilitéd’accueillir des entreprises sur les cam-

pus parce que c’est dans la logique des

choses. Et qui dit « accueillir les entre-

prises », dit aussi « apporter de la vie ».

Ce qui signifie faire vivre cet espace au-

delà de 18 heures, 19 heures, 20 heures.

On peut se contenter de ne parler que

de « la vie étudiante », il faut également

envisager « la vie des entreprises », de «

la vie économique » tout court. Nous

sommes donc à la recherche d’une cer-

taine mixité qui va répondre à la fois aux

besoins pédagogiques et scientifiques

du monde universitaire, et aux besoins

économiques mais aussi de sociaux et

sociétaux des entreprises qui pourraient

s’installer. Il n’y a qu’en France où l’on

s’interroge sur la place des entreprises

sur les campus ; que ce soit aux Etats-

Les diverses interventions proposées lors de cet atelier 3 ont donné lieu à plusieurs réactions dans la salle. Nous avons réalisé une synthèse de ces dernières, organisée par séquences thèmatiques.

réactions dans la salle“

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 51

Unis, au Canada, en Norvège ou ailleurs,

vous avez des campus qui sont totale-

ment mixtes et qui sont de véritables

quartiers.”

... mutualisés ... > “Le PRES travaille également à la

localisation d’équipements mutualisa-

bles entre les universités. Pour autant ils

ne se trouveront ni à Rangueil, ni dans

le quartier Est, ni ici au Mirail, mais en

centre ville. C’est-à-dire que la mutuali-

sation ne se fera ni sur l’un ni sur l’autre

mais sur un lieu tiers.”

> “La mutualisation porte beaucoup

sur les services aux étudiants pour leurs

démarches administratives, financières,

ou encore celles consistant à trouver un

logement. Ce qui va être mutualisé sur

les allées Jules Guesde, outre le fait qu’il

soit le futur siège du PRES, ce sont les

services pour que les étudiants puissent

avoir toute une palette de services sur

place et leur éviter ainsi qu’ils aillent

courir au CROUS. Même la préfecture va

délocaliser un service au siège du PRES

– sur les allées Jules Guesde - pour

pouvoir traiter les passeports, les visas,

les cartes de séjour pour les étudiants

étrangers.”

... mais peu ouverts ?> “Vous dites que le campus est « un

morceau de ville ». C’est vrai, mais seu-

lement 50% du temps. Parce qu’un

campus, c'est fermé. Je ne sais pas à

Toulouse à quelle heure ferment les

campus universitaires, mais à Bordeaux

III, les bâtiments sont fermés avec des

cadenas dès 19h ; à la limite il y a une

petite exception pour les labos qui sont

ouverts jusqu'à 20h30, et encore il faut

avoir le badge après 17h30 ! Le campus

n'est pas non plus ouvert le samedi et le

dimanche et durant les vacances scolai-

res c’est presque fermé tout le temps.

En gros, une université c'est ouvert 50%

du temps de l'année. C’est donc un

morceau de ville à mi-temps – et sou-

vent de sacrés morceaux vu leur super-

ficie (260 hectares à Bordeaux soit

l’équivalent du centre-ville) ! Dans ces

conditions, ne pourrait-on pas réviser

cette temporalité urbaine et faire en

sorte que ces espaces profitent plus

longuement et plus largement à

l’ensemble des habitants ?”

> “Je reprends le terme d’« Université

ouverte » parce que vous comprenez

bien qu’il est très sympathique lors-

qu’on est élu d’une collectivité territo-

riale de venir inaugurer un bâtiment qui

se nomme « Université ouverte ». C’est

extrêmement valorisant ; idem pour les

personnels qui y travaillent. Toutefois

maintenant que l’on a trouvé ce slogan,

il s’agit de le faire vivre et de ne pas

décevoir les attentes de ceux qui croient

encore aux mots car si elle est ouverte,

il est nécessaire qu’elle soit réellement

ouverte ; de la même façon il faut que la

fabrique culturelle soit réellement une

fabrique culturelle.”

> “Je vous ai remis en mémoire le

Schéma directeur de septembre 2009

qui ne pense pas l’accessibilité ; mais il

faut dire qu’il y avait une difficulté

psychologique à penser l’accessibilité

de cette université [celle de Toulouse le

Mirail]. En effet, l’an dernier, les universi-

taires ont été gravement traumatisés

par l’occupation de cette faculté et par

l’impossibilité justement de se sentir

chez soi. Donc, quand on leur parle

aujourd’hui d’ouverture, leurs premiers

réflexes consistent à dire : « ne parlez

pas de ça. Nous voudrions simplement

travailler tranquillement. » On voit bien

que la question de l’ouverture de

l’université n’est pas aisée. C’est délicat

à négocier et cela nécessite de solides

arguments.”

> “Moi, je viens ici [sur le campus du

Mirail] le week-end, de temps en temps.

Il faut venir le samedi parce que tous les

étudiants s’en vont, les profs aussi et

donc ne sont visibles que ceux qui sont

relativement invisibles pendant la

semaine. On s’aperçoit alors que ce

campus là, le samedi, est un campus qui

est effectivement traversé par des

populations qui habitent le quartier. Ils

prennent le métro et plutôt que

d’emprunter un réseau routier peu

agréable pour les piétons, ils traversent

le campus. On a un parc, vous l’avez vu

tout à l’heure, c’est hyper agréable.”

> “Lorsque vous dites que l’universitédu Mirail était une université qui tour-

nait le dos à la ville - ce qui est vrai -, il

ne faut pas oublier qu’elle regardait

aussi la ville nouvelle que constituait le

Grand Mirail. Il faut se replacer dans le

contexte : à l’époque, le projet avait

conçu dans cette perspective de ville

nouvelle.”

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités NOTES

Découvrez l’intégralité de la collection “Cahier des territoires” n° 1 “La rénovation urbaine en Midi-Pyrénées”n° 2 “Dialogue entre chercheurs et praticiens de l’urbain”n° 3 “Les mobilités”n° 4 “Les risques naturels et industriels dans la ville”n° 5 “La crise du logement est-elle durable ?”

n° 6 “Le commerce et la ville”

www.apump.org

Cahier des territoires # 7 / Villes et universités NOTES

Cahierdesterritoires # 7VILLES ET UNIVERSITÉS : le rayonnement universitaire dans la villeLes synthèses ont été réalisées à partir d’enregistrements audio //

Directrice de publication : Anne PÉRÉ (APUMP) // Secrétariat de rédaction : Pascale ROSSARD (APUMP) //

Rédaction, conception éditoriale et graphique : Dominique PASTRE - échocité ([email protected]) //

Imprimé à Toulouse par Imprimerie LECHA en janvier 2011 //

ISSN 1967-0494

Revue financée par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire (MEEDDAT)

Revue publiée par le Pôle régional d’Echanges sur le Développement et l’Aménagement des Territoires en Midi-Pyrénées (PREDAT)

L’animation du PREDAT Midi-Pyrénées est assurée parl’association des professionnels de l’urbanisme de Midi-Pyrénées (APUMP)(5, rue Saint-Pantaléon - 31000 Toulouse / 05 62 27 24 12 / [email protected] / www.apump.org)

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