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ESH – Chapitre 1 – Les acteurs et les grandes fonctions économiques – CPGE ECE1 Camille Vernet – 2019-2020 1 Chapitre 1 – Les acteurs et les grandes fonctions économiques Programme Objectifs : Il s’agira ici d’étudier le cadre général des activités économiques. Commentaires : L’étude des problèmes économiques suppose une bonne connaissance des acteurs qui interagissent au sein d’une économie. On étudiera les caractéristiques des principaux acteurs (ménages, entreprises, pouvoirs publics) ainsi que les grandes opérations (production, répartition primaire et redistribution, consommation et épargne, investissement et échanges extérieurs). Cette approche, nécessairement synthétique, sera développée dans les éléments de comptabilité nationale traités dans le programme de l’enseignement d’économie approfondie. Bibliographie : Jacques Généreux, Economie politique 1. Concepts de base et comptabilité nationale, collection Les Fondamentaux, Hachette Supérieur, 2012 (6 ème édition) Jean-Paul Piriou, Jacques Bournay, Vincent Biausque, La comptabilité nationale, Grands Repères, La Découverte, 2019 Michael Burda et Charles Wyplosz , Macroéconomie à l’échelle européenne, De Boeck, 4 ième édition, 2006 N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1 ère année, Studyrama, 2018 (chapitre 1) -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Introduction – La comptabilité nationale, un cadre conceptuel pour l’analyse macroéconomique Document 1 – Savoir distinguer la démarche microéconomique et la démarche macroéconomique Les économistes étudient l’économie selon deux perspectives différentes. L’analyse détaillée des décisions des entreprises et des ménages, ainsi que celle des prix et de la production dans des secteurs particuliers s’appelle la microéconomie. La microéconomie s’intéresse au comportement des unités de base de l’économie – entreprises, ménages et individus (micro signifiant « petit » en Grec). L’objectif est d’étudier comment ces unités de base prennent des décisions (…). A l’inverse, la macroéconomie (du terme grec macro qui signifie « grand ») s’intéresse au comportement de l’économie dans son ensemble. Elle étudie notamment le comportement de grands agrégats tels que les taux de chômage, l’inflation, la croissance économique et la balance commerciale. Ces indicateurs agrégés ne renseignent en rien sur ce que fait une entreprise ou un ménage particulier. Ils informent sur ce qui se passent globalement, ou en moyenne. (…) Il est important de se souvenir, quand on étudie des questions macroéconomiques, que le comportement de l’économie dans son ensemble dépend des décisions prises par des millions de ménages et d’entreprises ainsi que des décisions de l’État. La microéconomie et la macroéconomie ne sont rien de plus que deux façons d’appréhender la même réalité. La microéconomie étudie l’économie de bas en haut, la macroéconomie de haut en bas. Joseph Stiglitz, Principes d’économie moderne, coll. Ouvertures économiques, De Boeck, 2007 (3 ème édition) Document 2 – La comptabilité nationale à l’aune de l’histoire économique L’idée d’une comptabilité nationale des richesses remonte aux physiocrates, économistes pour lesquels la terre est la seule source de richesse. Ainsi, au 17 ème et tout au long du 18 ème siècle, dans un contexte d’affirmation de la souveraineté de l’État, les économistes ont à cœur de conseiller le Prince (le Roi) dans sa prise de décisions et, pour ce faire, ont besoin de connaître les richesses disponibles dans le royaume, pouvant être utilisées. En France, l’étude de François Quesnay, intitulée Le Tableau économique, reste dans l’histoire économique comme l’une des premières représentations de l’économie sous la forme d’un circuit, représentation réalisée à partir de l’étude des dépenses de propriétaires fonciers. Quesnay construit alors un schéma (sous forme de zigzags) qui retrace les flux de revenus entre les classes sociales et leur enchaînement dynamique au cours de plusieurs périodes. (…) Les paysans constituent la classe productive alors que les artisans qui ne font que transformer les produits de la terre, constituent la classe stérile. La classe productive crée la richesse. Elle verse une rente à la

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ESH – Chapitre 1 – Les acteurs et les grandes fonctions économiques – CPGE ECE1 Camille Vernet – 2019-2020 1

Chapitre 1 – Les acteurs et les grandes fonctions économiques

Programme Objectifs : Il s’agira ici d’étudier le cadre général des activités économiques. Commentaires : L’étude des problèmes économiques suppose une bonne connaissance des acteurs qui interagissent au sein d’une économie. On étudiera les caractéristiques des principaux acteurs (ménages, entreprises, pouvoirs publics) ainsi que les grandes opérations (production, répartition primaire et redistribution, consommation et épargne, investissement et échanges extérieurs). Cette approche, nécessairement synthétique, sera développée dans les éléments de comptabilité nationale traités dans le programme de l’enseignement d’économie approfondie.

Bibliographie : • Jacques Généreux, Economie politique 1. Concepts de base et comptabilité nationale, collection Les

Fondamentaux, Hachette Supérieur, 2012 (6ème édition) • Jean-Paul Piriou, Jacques Bournay, Vincent Biausque, La comptabilité nationale, Grands Repères, La

Découverte, 2019 • Michael Burda et Charles Wyplosz , Macroéconomie à l’échelle européenne, De Boeck, 4ième édition, 2006 • N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain

ECE 1ère année, Studyrama, 2018 (chapitre 1)

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Introduction – La comptabilité nationale, un cadre conceptuel pour l’analyse macroéconomique

Document 1 – Savoir distinguer la démarche microéconomique et la démarche macroéconomique Les économistes étudient l’économie selon deux perspectives différentes. L’analyse détaillée des décisions des entreprises et des ménages, ainsi que celle des prix et de la production dans des secteurs particuliers s’appelle la microéconomie. La microéconomie s’intéresse au comportement des unités de base de l’économie – entreprises, ménages et individus (micro signifiant « petit » en Grec). L’objectif est d’étudier comment ces unités de base prennent des décisions (…). A l’inverse, la macroéconomie (du terme grec macro qui signifie « grand ») s’intéresse au comportement de l’économie dans son ensemble. Elle étudie notamment le comportement de grands agrégats tels que les taux de chômage, l’inflation, la croissance économique et la balance commerciale. Ces indicateurs agrégés ne renseignent en rien sur ce que fait une entreprise ou un ménage particulier. Ils informent sur ce qui se passent globalement, ou en moyenne. (…) Il est important de se souvenir, quand on étudie des questions macroéconomiques, que le comportement de l’économie dans son ensemble dépend des décisions prises par des millions de ménages et d’entreprises ainsi que des décisions de l’État. La microéconomie et la macroéconomie ne sont rien de plus que deux façons d’appréhender la même réalité. La microéconomie étudie l’économie de bas en haut, la macroéconomie de haut en bas.

Joseph Stiglitz, Principes d’économie moderne, coll. Ouvertures économiques, De Boeck, 2007 (3ème édition)

Document 2 – La comptabilité nationale à l’aune de l’histoire économique L’idée d’une comptabilité nationale des richesses remonte aux physiocrates, économistes pour lesquels la terre est la seule source de richesse. Ainsi, au 17ème et tout au long du 18ème siècle, dans un contexte d’affirmation de la souveraineté de l’État, les économistes ont à cœur de conseiller le Prince (le Roi) dans sa prise de décisions et, pour ce faire, ont besoin de connaître les richesses disponibles dans le royaume, pouvant être utilisées. En France, l’étude de François Quesnay, intitulée Le Tableau économique, reste dans l’histoire économique comme l’une des premières représentations de l’économie sous la forme d’un circuit, représentation réalisée à partir de l’étude des dépenses de propriétaires fonciers. Quesnay construit alors un schéma (sous forme de zigzags) qui retrace les flux de revenus entre les classes sociales et leur enchaînement dynamique au cours de plusieurs périodes. (…) Les paysans constituent la classe productive alors que les artisans qui ne font que transformer les produits de la terre, constituent la classe stérile. La classe productive crée la richesse. Elle verse une rente à la

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classe des propriétaires fonciers et achètent des biens manufacturés à la classe stérile. La classe des propriétaires dépense la rente, qui constitue son revenu, en achats de produits alimentaires à la classe productive et de biens manufacturés à la classe stérile. La classe stérile à son tour va dépenser son revenu sous forme de biens alimentaires ou manufacturés, et ainsi de suite. Ainsi donc la richesse circule entre les diverses classes sociales (…), les dépenses des uns constituent le revenu des autres (…). (…) Déjà se dessinent les temps forts de l’économie : « les avances » (ce que nous nommons aujourd’hui le capital circulant et le capital fixe) donnent naissance à la production. Celle-ci est ensuite vendue et le produit de la vente permet le paiement de « la rente », la consommation et la reconstitution des avances. (…) Si les termes ont changé (on ne parle plus de rente aujourd’hui mais d’excédent brut d’exploitation), les mécanismes de raisonnement économique ne se sont modifiés qu’à la marge en l’espace de trois siècles. Il faut attendre les années 1930 pour voir renaître la préoccupation des décideurs politiques d’établir des comptes nationaux relatifs à la production, à la distribution et à l’utilisation des richesses. Éclipsées par les apports des économistes classiques (à la fin du 18ème siècle) et néoclassiques (tout au long du 19ème siècle) qui envisagent le système économique d’abord et avant tout selon les mécanismes de marché, certaines conceptions des physiocrates sont mises en sommeil pendant près d’un siècle et demi : l’organisation économique est pensée à travers des mécanismes de marchés autorégulateurs (à cet égard, Smith utilise la métaphore de la main invisible) et la puissance publique n’a pas à mener de politique économique (notamment par le biais de la réallocation des richesses, autrement dit une nouvelle redistribution des richesses après une première redistribution par les mécanismes de marché) puisque des ajustements sont censés s’établir d’eux-mêmes par les lois naturelles du marché. La crise économique des années 1930, qui a touché les économies industrielles, met à mal les conclusions d’ajustement automatique des économies. De même, les destructions occasionnées au cours de la Seconde Guerre mondiale et les problèmes économiques hérités de cette dernière nécessitent, pour leur résolution, d’établir des comptes de richesses dans différents secteurs économiques. C’est dans ce contexte que les écrits de John Maynard Keynes trouvent un écho. Dans son ouvrage de 1936, intitulé Théorie générale de l’emploi de l’intérêt et de la monnaie, ce dernier renoue avec une approche « circuitiste » de l’économie : la production naît de la distribution des revenus qui permet à son tour une dépense, donc un achat de biens ou services, condition pour que la production soit écoulée. L’intervention de l’État dans l’économie est de nouveau légitimée en montrant que l’activité économique peut être stimulée par des dépenses publiques en prenant des mesures de redistribution des richesses en faveur des plus démunis, non pour des raisons de justice sociale mais parce que ces derniers ont la plus forte capacité à consommer (Keynes parle de propension à consommer) donc à activer la machine économique. Ces quelques éléments d’histoire économique doivent permettre de comprendre le contexte dans lequel s’inscrit le système de comptabilité nationale tel que nous le connaissons actuellement. Pour mener à bien leur intervention économique, les pouvoirs publics ont besoin de quantifier les richesses nationales : produit national, revenu national, consommation privée des ménages, consommation des administrations publiques, investissements, importations et exportations sont autant de grandeurs économiques (les comptables nationaux parlent d’agrégats) utiles à leur compréhension. (…) Les comptes nationaux deviennent l’instrument indispensable à la politique économique.

Sandrine Roque, Comprendre la comptabilité nationale, Educagri éditions, 2015 (2ème édition)

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La comptabilité nationale à l’aune de l’histoire de la pensée économique 1757-1777 De la fin du 18ème siècle

aux années 1930 Des années 1930 jusqu’à

la fin des trente glorieuses

Pensée(s) économique(s) dominante(s)

Physiocratie École classique puis néoclassique

École keynésienne

Approche microéconomique ou

macroéconomique

Approche macroéconomique

(circuitiste)

Approche microéconomique

Approche macroéconomique

(circuitiste)

Rôle de l’État

Minimal (Vincent de Gournay : « Laissez faire, laissez passer. Le monde

va de lui-même. »)

Minimal : marché autorégulateur (sauf en

cas de quelques défaillances du marché

répertoriées)

Intervention économique de l’État

dans le cadre d’un équilibre de sous-emploi

Préoccupations politiques et

économiques : incidence sur la

comptabilité nationale

Comprendre le fonctionnement global de

l’activité économique à travers la notion de circuit

économique pour conseiller les

responsables politiques Représenter la circulation

de la richesse entre les classes sociales

(production-revenu-dépense)

Prémices de la comptabilité nationale

Nécessité de laisser les marchés jouer leur rôle

autorégulateur : la politique économique

n’est pas nécessaire, elle est même considérée comme étant nocive. Conséquence : aucun besoin d’agrégat pour

guider l’action publique => pas de développement

de la comptabilité nationale.

Crise des années 1930 qui semble contredire

l’hypothèse d’autorégulation des marchés. Volonté de

lutter contre le chômage et relancer la croissance économique => politique

économique qui nécessite des agrégats

Document 3 – La comptabilité nationale : un modèle descriptif de la réalité La plupart des problèmes économiques (chômage, inflation, déficit extérieur, développement, récession…) sont macroéconomiques, c’est-à-dire qu’ils n’ont de signification et d’importance qu’appréhendés au niveau de l’économie nationale ou mondiale. Mais les phénomènes économiques sont toujours la résultante de millions de décisions microéconomiques prises par les individus, en tant que consommateur, chef d’entreprise, représentant syndical, ministre, etc. Pour appréhender au plan global (national ou international) des phénomènes résultant de millions de choix microéconomiques, il faut d’abord procéder à une opération d’agrégation qui consiste à regrouper dans des grandeurs globales et économiquement significatives la multitude des opérations microéconomiques. Ainsi, on regroupe les multitudes de décideurs en seulement quelques catégories d’agents économiques : les ménages, les entreprises, les administrations, par exemple. De même on regroupe les millions d’opérations en catégories homogènes (opérations sur les biens et les services, opérations de répartition du revenu, opérations financières), à l’intérieur desquelles il faut définir clairement les opérations élémentaires (production investissement, consommation, etc). Ce travail de définition et d’agrégation est réalisé par la comptabilité nationale, qui enregistre ou estime la valeur des opérations économiques effectuées par les agents économiques. Elle cherche ensuite à présenter l’information collectée dans un cadre comptable qui reflète au mieux la logique du fonctionnement d’une économie moderne. (…) La comptabilité nationale offre une vision remarquable de l’articulation des opérations économiques et des relations entre les différents acteurs de l’économie.

Jacques Généreux, Economie politique Concepts de base et comptabilité nationale, coll. Les fondamentaux, Hachette, 2012

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ESH – Chapitre 1 – Les acteurs et les grandes fonctions économiques – CPGE ECE1 Camille Vernet – 2019-2020 4

Document 4 – Les agents économiques : approche microéconomique et approche macroéconomique On entend par « agent économique » un individu ou un groupe d’individus constituant un centre de décision économique indépendant. Chaque individu et chaque organisation composant une société est donc un « agent économique ». Toutefois, l’analyse économique regroupe tous ces centres de décision en quelques catégories seulement, selon leurs activités économiques principales. Cette attitude correspond d’abord à une simplification abstraite mais nécessaire. Le discours théorique ne peut considérer simultanément des millions de centres de décisions autonomes. Il doit faire comme s’il n’existait que quatre ou cinq types d’agents différents, et considérer que tous les individus composant chacune de ces grandes catégories ont un comportement identique. De plus, la réalisation des comptes de la Nation rend nécessaire le regroupement des milliards d’opérations économiques individuelles réalisées dans l’année dans des catégories économiquement significatives et relativement simples à manier. (…) Dans la réalité, en effet, tout le monde ne fait pas tout. Il existe une certaine division du travail entre les agents. Dans une économie développée, la plupart des agents ne produisent pas eux-mêmes les biens ou les services nécessaires à la satisfaction de leurs besoins. Ils ont tendance à se spécialiser dans les productions pour lesquelles ils sont les plus efficaces. Grâce aux revenus acquis dans leurs activités respectives, ils obtiennent ensuite les autres biens. Dans leur activité productive, certains agents louent leur force de travail, d’autres apportent leur fortune, certains jouent le rôle d’entrepreneur. Il existe aussi une division du travail assez marquée entre secteurs d’activité. Il en va ainsi en particulier entre les services financiers et les autres productions. De même certains services sont fournis gratuitement et d’autres sont vendus. Ainsi, dans le monde réel, la plupart des individus appartiennent à des groupes relativement distincts quant à la nature de leur activité.

Jacques Généreux, Introduction à l’économie, Seuil, 2001

Document 5 – Comptabilité nationale et circuit économique Le circuit est une représentation macroéconomique de la réalité ; il ne prétend pas refléter l’ensemble des activités de chaque agent, mais seulement des résultantes par catégories d’agents. Par exemple, les entreprises s’achètent et se vendent beaucoup les unes aux autres, ce qui a comme contrepartie d’importants flux monétaires, mais la macroéconomie considère souvent l’ensemble des entreprises comme un tout et ne s’attache pas à l’étude des flux internes à leur catégorie, bien que pour chaque chef d’entreprise (niveau microéconomique) il s’agisse là de quelque chose de très important. En quelque sorte, on retient des achats de machines ou de produits intermédiaires de l’entreprise A à l’entreprise B le fait que A n’utilise pas les services de ces seuls salariés, mais aussi ceux des salariés de ses fournisseurs, et on renonce d’analyser dans le cadre du circuit les rapports complexes qui existent entre A et B, lesquels intéressent la microéconomie. Le paradigme du circuit peut se décliner en de multiples versions, des plus schématiques aux plus complexes. La plus élémentaire fait abstraction des administrations publiques et des intermédiaires monétaires et financiers. Ne restent en présence que les entreprises non financières et les ménages : les premières produisent à l’aide du travail des seconds, à qui elles fournissent les biens et services qu’elles produisent, (…). Le circuit se limite alors à deux flux réels, des ménages vers les entreprises (travail) et des entreprises vers les ménages (biens et services) et deux flux monétaires (…) des entreprises vers les ménages (salaires) et des ménages vers les entreprises (paiement des achats réalisés).

Ivan Samson et alii, Leçons d’économie contemporaine, 2ième édition, Sirey, 2009

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ESH – Chapitre 1 – Les acteurs et les grandes fonctions économiques – CPGE ECE1 Camille Vernet – 2019-2020 5

Document 6 – Un circuit économique simple

Document 7 – Un circuit économique plus complexe

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Plan du cours :

1 – Les acteurs économiques 2 – La production 3 – La répartition des revenus 4 – L’utilisation des revenus

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1 – Les acteurs économiques

Document 8 – La classification des acteurs économiques collectifs par la comptabilité nationale Les comptes de la nation regroupent les agents en six secteurs institutionnels : les ménages, les sociétés non financières, les sociétés financières, les administrations publiques, les institutions sans but lucratif au service des ménages et le reste du monde. Les ménages Le ménage est constitué par tout individu ou tout groupe d’individus vivant sous le même toit. (…) Les fonctions économiques principales des ménages consistent à fournir des facteurs de production (force de travail et capitaux) aux autres agents, et à utiliser les revenus de ces facteurs pour la consommation et l’épargne. (…) Cette catégorie est la seule qui concerne tous les membres d’une société. Toute personne constitue ou appartient à un ménage, quelles que soient par ailleurs ses autres fonctions (banquier, entrepreneur, chef de l’Etat, …). Les sociétés non financières (SNF) Les sociétés non financières regroupent toutes les organisations dont l’activité principale consiste à produire des biens ou des services non financiers marchands. Les biens sont des produits matériels. Les services sont des produits immatériels. (….) Les sociétés financières (SF) Les institutions financières regroupent les organisations qui produisent des services financiers et d’assurance. Elles comprennent les banques et les autres établissements de crédit, les caisses d’épargne, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, la banque centrale et le Trésor public. Les services financiers consistent à assurer l’émission, la collecte, la circulation et les échanges des différents instruments de paiement, de placement et de financement. La fonction principale des institutions financières consiste donc à assurer le financement de l’économie, ce qui recouvre en fait trois fonctions : un rôle d’intermédiaire entre les agents disposant de capacités de financement et les agents ayant des besoins de financement ; un rôle de transformation de l’épargne des ménages, souvent disponible à court terme, en ressources disponibles à long terme pour les entreprises ; un rôle de création de la monnaie nécessaire au fonctionnement de l’économie. Les administrations publiques (APU) Les administrations publiques regroupent toutes les organisations dont l’activité principale consiste à produire des services non marchands ou à redistribuer le revenu et les richesses nationales. Les administrations publiques sont principalement financées par des prélèvements obligatoires (taxes, impôts et cotisations sociales). Elles comprennent les administrations centrales (État), les administrations de sécurité sociale et les administrations locales (commune, département, région). (…) Les institutions sans but lucratif de service aux ménages (ISBLSM) (…) Il s’agit des organisations privées dont la fonction principale consiste à fournir des services non marchands aux ménages et qui sont pour l’essentiel financées par des dons et des cotisations volontaires. Concrètement, cela recouvre une grande partie des associations, les églises, les partis politiques et les syndicats. Le reste du monde : un agent fictif Enfin, pour retracer l’ensemble des opérations des agents économiques d’un pays avec l’étranger, on imagine un agent « reste du monde ». Cet agent regroupe en fait les ménages, les entreprises, les administrations et les institutions financières non-résidents qui effectuent des opérations avec des agents résidents. Un agent est considéré comme résident s’il exerce une activité sur le territoire national pendant au moins un an.

Jacques Généreux, Introduction à l’économie, 4ième édition, Seuil, 2001

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1.1 – Les ménages

Document 9 – Définir les ménages Chaque individu vivant seul ou chaque groupe d’individus habitant un même domicile constitue un ménage. Il ne faut pas assimiler la notion de ménage à celle foyer fiscal ni à celle de famille. Un foyer fiscal intègre l’ensemble des personnes dont les ressources font l’objet d’une seule déclaration de revenus. Il peut donc y avoir plusieurs foyers fiscaux dans un même ménage. Par exemple, un couple vivant en concubinage constitue bien un ménage mais effectuera deux déclarations de revenus. Une famille représente l’ensemble des personnes qui sont unies par des liens de parenté. Lorsqu’un enfant quitte le foyer familial pour s’installer professionnellement dans une autre région, cet enfant constitue un nouveau ménage distinct de celui de ses parents. Les notions de ménage et de famille ne se recoupent donc pas. Les fonctions économiques principales des ménages consistent à fournir des facteurs de production (travail et capital) et à utiliser les revenus tirés de ces facteurs pour consommer ou épargner. Cette catégorie est la seule qui concerne tous les membres d’une société́. En effet, toute personne constitue ou appartient à un ménage, quelles que soient par ailleurs ses autres fonctions (entrepreneur, fonctionnaire, banquier, assureur, etc.). Les comptables nationaux distinguent les ménages collectifs des ménages ordinaires. Les ménages collectifs se composent de toutes les personnes habitant dans un logement collectif. Il faut penser ici par exemple aux populations vivant dans des maisons de retraite ou dans des foyers de travailleurs. Même si les fonctions principales des ménages consistent à consommer et à fournir les facteurs de production aux organisations productives, une partie d’entre eux produisent directement des biens et des services destinés à être vendus sur un marché : ce sont les entrepreneurs individuels. Leurs revenus sont qualifiés de mixtes dans le sens où ils rétribuent l’apport conjoint du capital et de la force de travail. N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère

année, Studyrama, 2018

1.2 – Les entreprises

Document 10 – Définir les entreprises Une entreprise est une unité institutionnelle qui fait l’acquisition sur le marché de facteurs de production (capital et travail) qu’elle combine en vue de produire des biens ou des services, destinés à satisfaire une demande solvable exprimée sur le marché. L’entreprise se distingue ainsi des autres organisations productives par le caractère marchand de sa production. N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère

année, Studyrama, 2018

Document 11 – Deux grands types d’entreprise : les sociétés non financières et les sociétés financières La comptabilité nationale distingue deux grands types d’entreprise : les sociétés non financières (SNF) et les sociétés financières (SF). Les sociétés financières regroupent toutes les entreprises qui produisent des services financiers (banque centrale, banques commerciales et autres intermédiaires financiers non bancaires) ou d’assurance. La fonction principale des sociétés financières consiste à assurer le financement de l’économie en jouant le rôle d’intermédiaire entre les agents à capacité de financement et les agents à besoin de financement, en transformant l’épargne de court terme des ménages en crédits de long terme pour les entreprises et en créant de la monnaie. Les sociétés financières sont moins importantes par le poids de leur valeur ajoutée dans le PIB (4,4 % en France en 2014) que par l’ampleur de l’intermédiation financière qu’elles effectuent (leur bilan représentant cinq fois le PIB français en 2010). Les sociétés non financières regroupent toutes les entreprises produisant des biens ou des services non financiers, à l’exception des entrepreneurs individuels qui sont comptabilisés parmi les ménages. En 2014, en France, la valeur ajoutée réalisée par les sociétés non financières représente 50 % du PIB. N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère

année, Studyrama, 2018

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Document 12 – Les entreprises : une diversité de statuts Les entreprises peuvent être distinguées en fonction de leur statut juridique. Les entre- prises individuelles se distinguent des sociétés. Dans les premières, une même personne assure la direction de l’entreprise, l’apport des capitaux (et donc la propriété́ de l’entre- prise) et l’activité productive. Dans le cas d’une société́, le capital est reparti entre plusieurs personnes (morales ou physiques). On distingue les sociétés de personnes (sociétés en nom collectif par exemple), dans lesquelles la responsabilité́ des associés est totale, des sociétés de capitaux, dans lesquelles la responsabilité́ des associés est limitée à leurs apports. Les trois principaux types de société de capitaux sont la société́ à responsabilité́ limitée (SARL), la société anonyme (SA) et la société anonyme simplifiée (SAS). N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère

année, Studyrama, 2018

Document 13 – Distinguer les entreprises selon la nature de leur contrôle Il est également possible de distinguer les entreprises selon la nature du contrôle qui y est exercé. Dans les sociétés par actions, le contrôle est défini par la détention de plus de la moitié des droits de vote. Si une entreprise est contrôlée par une administration publique, on parle d’entreprise publique. Si elle est contrôlée par un acteur économique non-résident, on parle d’entreprise sous contrôle étranger. Enfin, si l’entreprise n’est ni contrôlée par une administration publique, ni contrôlée par un acteur économique non-résident, on parle d’entreprise privée nationale. N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère

année, Studyrama, 2018

Document 14 – La diversité des objectifs des entreprises Les entreprises cherchent à réaliser des profits. Le profit correspond à la différence entre les recettes et les coûts de production. Dans le cas des entreprises privées à but lucratif, une partie de ces profits est versée aux propriétaires de l’entreprise, par l’intermédiaire de dividendes. L’entreprise ne peut donc plus utiliser ces profits versés, pour investir ou épargner, par exemple. Lorsque le propriétaire de l’entreprise est l’État, il s’agit d’une entreprise publique. C’est donc l’État qui perçoit ici une partie des profits. Il existe aussi des entreprises privées à but non lucratif : il s’agit des organisations marchandes du secteur de l’économie sociale et solidaire. Ces organisations peuvent être des coopératives ouvrières (l’entreprise appartient à ses salariés), des mutuelles, qui mènent des actions dans le domaine de la prévoyance et de la solidarité en faveur de leurs membres (les membres d’une mutuelle sont des adhérents qui versent une cotisation), ou des fondations (elles sont créées par des donateurs et interviennent pour accomplir une œuvre d’intérêt général). Lorsque ces entreprises à but non lucratif réalisent des profits, elles les réinvestissent dans les projets de l’entreprise ; dit autrement, les profits réalisés ne sont pas distribués aux actionnaires de l’entreprise, ils sont conservés dans l’entreprise afin de réaliser l’objet de l’entreprise. N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère

année, Studyrama, 2018

Document 15 – Les différentes catégories d’entreprises selon leur taille (catégorisation Insee) En 2008, l’Insee a défini quatre catégories d’entreprise en croisant des critères de taille portant sur les effectifs, le chiffre d’affaires et la taille du bilan :

• les microentreprises sont des entreprises qui, d’une part occupent moins de 10 personnes, d’autre part ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros ;

• les petites et moyennes entreprises (PME) sont des entreprises qui, d’une part, occupent moins de 250 personnes, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ;

• les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont des entreprises qui n’appartiennent pas à la catégorie des PME et qui, d’une part, occupent moins de 5 000 personnes, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros.

• Les grandes entreprises sont des entreprises qui ne sont pas classées dans les catégories précédentes. N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain

ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Page 9: Cette approche, nécessairement synthétique, sera ... · Joseph Stiglitz, Principes d’économie moderne, coll. Ouvertures économiques, De Boeck, 2007 (3ème édition) Document

ESH – Chapitre 1 – Les acteurs et les grandes fonctions économiques – CPGE ECE1 Camille Vernet – 2019-2020 9

Document 15 – Les caractéristiques des entreprises françaises selon leur taille en 2015

1.3 – Les administrations

Document 16 – Définir les administrations Une administration est une organisation productive qui produit des services non marchands, c’est-à-dire des services qui sont proposés à titre gratuit ou quasi gratuit. Jadis, la comptabilité nationale distinguait les administrations privées (associations) des administrations publiques. Cette distinction ne tient plus aujourd’hui. La comptabilité nationale parle aujourd’hui d’institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) pour désigner les associations.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

1.3.1 – Les administrations publiques

Document 17 – Les pouvoirs publics Les pouvoirs publics désignent l’ensemble des administrations publiques, à savoir les organisations dont la fonction principale est de produire des services non marchands et/ou d’effectuer des opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales. Elles ont pour ressources principales les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales). Trois formes d’administrations publiques sont à distinguer :

• L’administration publique centrale est formée de l’État et d’organismes divers d’administration centrale qui en dépendent comme les universités, le CNRS, Météo France, la BNF, l’AMF, etc. ;

• L’administration publique locale regroupe les collectivités locales (régions, départements, communes) et les organismes divers d’administration locale qui en dépendent comme les chambres de commerce et d’industrie, la Safer, les centres communaux d’action sociale, etc. ;

• L’administration publique de Sécurité́ sociale intègre toutes les unités qui distribuent des prestations sociales à partir des cotisations sociales obligatoires (régime d’assurance sociale) ainsi que les organismes auxquels ces unités procurent leurs ressources principales (hôpitaux publics).

Dans The Theory of Public Finance (1959), Richard Musgrave dresse une typologie des fonctions économiques des pouvoirs publics :

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• La première fonction des pouvoirs publics consiste à orienter l’affectation des ressources rares vers certains usages économiques plutôt que vers d’autres. Ils assurent cette fonction d’allocation des ressources en prenant en charge la production de certains biens, en règlementant mais aussi en générant des incitations à travers des taxes ou des subventions ;

• La deuxième fonction des pouvoirs publics consiste à modifier la répartition des revenus. Ils peuvent d’une part influer sur la répartition des revenus primaires à travers la mise en œuvre d’un salaire minimum par exemple et d’autre part organiser la redistribution des revenus en prélevant des impôts et des cotisations sociales, et en reversant des revenus de transfert ;

• La troisième et dernière fonction des pouvoirs publics consiste à stabiliser l’activité économique en jouant sur la demande globale pour rapprocher la croissance effective de la croissance potentielle.

L’importance économique des administrations publiques repose sur l’ampleur de leur valeur ajoutée (16,9 % du PIB français en 2014) mais aussi sur celles des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques qui représentent respectivement 44,7 et 55,5 % du PIB français en 2015 selon le projet de loi de finance pour 2017. Depuis les années 1960, les dépenses publiques occupent un poids de plus en plus important dans le PIB (55,5 % en 2015 contre 35 % en 1960). L’économiste allemand Adolphe Wagner avait avancé dès la fin du 19ème siècle que le progrès économique s’accompagnerait d’une hausse du poids des dépenses publiques dans le PIB (loi de Wagner) en raison du développement de nouveaux besoins pour l’économie (infrastructures et réglementation par exemple) et de l’importance croissante accordée par la population à l’éducation, la culture, les loisirs ou bien encore la santé. Depuis les années 1960, l’élargissement et l’universalisation de la protection sociale engendre une forte hausse des dépenses publiques de Sécurité́ sociale. Cette hausse est amplifiée par le vieillissement de la population. L’émergence d’un chômage de masse et la hausse de la dette publique ont également accru la part dans le PIB des dépenses liées au traitement du chômage, au soutien de l’emploi et aux intérêts de la dette (en 2015, les intérêts de la dette représentent 3,9 % des dépenses publiques). Le taux de prélèvements obligatoires a augmenté en parallèle (hausse de 10 points entre 1965 et 2015).

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Document 18 – Poids des prélèvements obligatoires (en % du PIB =taux de PO) de 1960 à 2016 en France

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Document 19 – Principales dépenses par APU en 2016 en France

1.3.2 – Les associations = institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM)

Document 20 – Les institutions sans but lucratif au service des ménages Les associations sont dénommées institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) par la comptabilité nationale. Ce sont des organisations qui produisent des services non marchands au bénéfice des ménages (partis politiques, syndicats, associations de consommateurs, associations sportives, etc.). Elles se distinguent des administrations publiques parce qu’elles ne sont pas contrôlées par une unité publique. Ces ISBLSM ont pour ressources les contributions volontaires des ménages ainsi que des subventions publiques.

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Schéma de synthèse : La diversité des organisations productives

Organisations productives

Services non marchands

Administrations publiques

ISBLSM

Biens ou services marchands

Entreprises privées

Entreprises de l’ESS Ex : les mutuelles

Entreprise à but lucratif

Ex : Apple

Entreprises publiques Ex : SNCF

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1.4 – Le reste du monde

Document 21 – Définir l’économie nationale : le critère de résidence Pour circonscrire les contours d’une économie nationale, la comptabilité nationale ne recourt ni à un critère juridique (la nationalité́ des unités prises en compte), ni à un critère géographique (la présence des unités sur le territoire). Elle recourt au critère de résidence. L’économie nationale comprend donc l’ensemble des acteurs économiques résidents, c’est-à-dire des acteurs qui effectuent des opérations économiques pendant un an ou plus sur le territoire économique. Ainsi, un travailleur immigré appartient à l’économie nationale alors qu’un Français travaillant à l’étranger n’en fait pas partie.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Document 22 – Le reste du monde Aujourd’hui, l’ouverture commerciale et financière a multiplié les relations économiques et financières entre des acteurs économiques qui ne résident pas sur le même territoire. Pour prendre en compte ces relations économiques et financières internationales, la comptabilité́ nationale a forgé l’acteur économique « reste du monde » qui regroupe tous les acteurs ne résidant pas sur le territoire national.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Synthèse – Les agents économiques : fonctions et ressources principales

Acteurs économiques

Fonctions principales

Ressources principales

Ménages Consommation (et production pour les entrepreneurs individuels)

Revenus d’activité (salaires et revenus mixtes des entrepreneurs individuel) et revenus du patrimoine

Sociétés non financières

Production de biens et services marchands non financiers

Vente de la production

Sociétés financières

Production de services marchands d’intermédiation financière

Vente de la production

Administrations publiques

Production de services non marchands et opérations de redistribution des richesses ou du revenu national

Prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales)

ISBLSM Production de services non marchands à destination des ménages

Contributions volontaires des ménages et subventions publiques

Reste du monde Permet d’enregistrer les relations entre les unités institutionnelles résidentes et les unités institutionnelles non résidentes

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2 – La production

2.1 – La délimitation de la production dans la comptabilité nationale

Document 23 – La production, une affaire de convention Le système de comptabilité nationale intègre dans la production toutes les activités économiques socialement organisées (c’est-à-dire des activités légales et déclarées) consistant à créer des biens et des services s’échangeant habituellement sur le marché ou obtenus à partir de facteurs de production s’échangeant sur le marché. La comptabilité nationale a décidé que certaines activités relèvent de la sphère de la production (le travail déclaré par exemple) alors que d’autres n’en relèvent pas (le travail domestique par exemple). Dans les comptes français actuels, on ne tient pas compte du trafic de drogue, ni du proxénétisme, mais il y a des estimations sur le premier point dans les comptes de la Colombie, et sur le second point dans les comptes des Pays-Bas. Ces différents exemples mettent en exergue le caractère conventionnel de la définition de la production.

Document 24 – Production marchande, production pour emploi final propre (PEFP) et autre production non marchande Dans le système actuel (de comptabilité nationale), la production est définie comme l’activité (socialement organisée) qui « combine des ressources en main d’œuvre, capital et biens et services pour fabriquer des biens ou fournir des services » (c’est la production du point de vue du producteur) et comme le résultat de cette activité (c’est la production du point de vue des produits). Dans le premier cas, la définition n’acquiert un sens que si on la précise en examinant les trois types qui constituent la production : production marchande (PM), production pour emploi final propre (PEFP), autre production non marchande (ANPM). Production marchande Toujours évaluée au prix de base (prix de vente – TVA + subventions), c’est « la production écoulée ou destinée à être écoulée sur le marché » : produits vendus à un prix économiquement significatif (c’est à dire couvrant plus de 50 % des coûts de production, le prix pouvant être un péage, une redevance ou un droit) ou entrant dans les stocks du producteur (on fait comme s’il se les vendait à lui-même ; les produits en cours de fabrication font partie des stocks), ou cédés contre rémunération en nature, ou livré à un autre établissement de la même société pour sa consommation intermédiaire. La production souterraine, au noir, non déclarée notamment pour éviter impôts et cotisations sociales est prise en compte par les comptables nationaux (évidemment à partir de sources indirectes). Le système de comptabilité nationale de l’ONU prévoit même l’évaluation des activités illégales (production et consommation interdites par la loi) mais le système européen des comptes a décidé de ne pas obtempérer. Production pour emploi final propre Représentant 6,2 % de la production totale en 2010, c’est une production destinée à la consommation finale ou à la FBCF de l’agent producteur : 86 % sont imputables aux ménages. Elle recouvre la production de « services de logement » réalisée par les ménages qui occupent le logement dont ils sont propriétaires (lorsque le propriétaire loue à un tiers, la production de services de logement est mesurée par les loyers effectifs et fait partie de la production marchande). Cette production des propriétaires occupants est mesurée par les loyers imputés (appelés jadis loyers fictifs), évalués en référence à ceux pratiqués sur le marché pour des loyers équivalents : ces revenus gonflent à la fois le revenu des ménages et leur consommation. On peut s’étonner d’une telle convention, mais elle renvoie à l’idée que la mesure de la production doit être indépendante du statut juridique de l’occupant : il ne faut pas que le PIB baisse lorsque la proportion des propriétaires de leur logement augmente. Les ménages ont aussi un PEFP lorsqu’ils emploient du personnel domestique salarié. Les ménages (et non pas le personnel, car dans la comptabilité nationale, c’est toujours l’employeur qui produit, pas le salarié) produisent alors des services (évalués par la somme des salaires versés) qui sont directement utilisés sans passage sur le marché comme dépense de consommation des ménages. Du coup, le PIB baisse lorsque Monsieur épouse sa femme de ménage, ou Madame son chauffeur. La PEFP des ménages comprend enfin leur production agricole autoconsommée (potagers…). La PEFP des sociétés et des administrations est inférieure à 1% de leur production. Autre production non marchande

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12 % de la production totale. Elle est définie comme la production qui est « fournie à d’autres unités soit gratuitement, soit à un prix économiquement non significatif ». L’appellation repose sur le fait que la PEFP n’est pas véritablement marchande. Les services non marchands recouvrent des services qui ne peuvent pas être vendus sur le marché parce qu’ils sont indivisibles (défense, police, éclairage public…) et des services qui ne sont pas vendus (ou à un prix très faible) par volonté politique et/ou parce qu’ils sont à l’origine d’externalités positives (éducation, vaccination…). Par similitude avec le secteur marchand dans lequel le niveau des ventes est fixé par le producteur comme la somme des coûts et d’une marge de profit, on évalue ces services non marchands par la somme de leurs coûts de production : rémunérations des salariés, (fonctionnaires…), produits utilisés comme consommations intermédiaires pour produire ces services, impôt sur la production et montant de l’amortissement pour usure du matériel et des bâtiments, mais sans marge de profit.

Jean-Paul Piriou, Jacques Bournay, La comptabilité nationale, Grands Repères, La Découverte, 2012

2.2 – La valeur ajoutée brute et le PIB permettent de mesurer le produit global de la nation

Document 25 – La valeur ajoutée brute comme mesure de la contribution d’un agent à la production Les agents produisent des biens et services en consommant d’autres biens et services : les consommations intermédiaires. Si l’on veut la contribution propre d’un agent à la production nationale, il faut donc déduire de la valeur de sa production la valeur des consommations intermédiaires (qu’il n’a pas produites). (…) Quand on mesure le produit de la nation, il faut cumuler, non pas les productions, mais les valeurs ajoutées des différents agents. Le produit intérieur total d’un pays est donc la somme des valeurs ajoutées.

Jacques Généreux, Economie politique 1. Concepts de base et comptabilité nationale, collection Les Fondamentaux, Hachette Supérieur, 2012 (6ème édition)

Document 26 – Valeur ajoutée brute, Produit Intérieur Brut : pourquoi brut ? La mesure effective des valeurs ajoutées est imparfaite parce qu’on ne peut mesurer précisément toutes les consommations intermédiaires. En effet, on ne sait bien mesurer que la consommation des biens et services qui disparaissent rapidement dans le processus de production (par exemple le caoutchouc pour la fabrication des pneumatiques). En revanche, il est difficile de mesurer précisément la consommation des machines, des outils, des installations techniques, des bâtiments, c’est-à-dire, en un mot, du capital, dont l’usure est étalée dans le temps. Or, il s’agit bien là d’une consommation intermédiaire : les machines et les outils s’usent, les bâtiments se détériorent, etc. ; le capital est détruit dans le processus de production, mais, au lieu de l’être instantanément ou presque comme les matières premières, par exemple, il l’est progressivement et lentement dans le temps. La comptabilité privée enregistre d’ailleurs cette consommation du capital en calculant l’amortissement. Mais l’amortissement comptable des entreprises répond à des exigences fiscales ou de gestion qui ne correspondent pas vraiment à celles des comptables de la nation, qui souhaiteraient mesurer la consommation réelle du capital (un amortissement économique). Les comptables de la nation calculent bien un amortissement économique : la consommation de capital fixe. Le système SEC 95 mis en application à partir de 1999 prévoit la publication de comptes avec des valeurs ajoutées nettes, et donc le calcul d’un produit intérieur net. Mais on considère cette consommation de capital fixe comme une approximation imparfaite, car on ne dispose pas encore d’une comptabilité nationale du stock de capital suffisamment précise pour calculer un amortissement économique vraiment fiable. Aussi persiste-t-on à utiliser principalement le PIB.

Jacques Généreux, Economie politique 1. Concepts de base et comptabilité nationale, collection Les Fondamentaux, Hachette Supérieur, 2012 (6ème édition)

Document 27 – Trois manières de calculer le PIB Le PIB est calculé pour une zone géographique donnée (…). Il est également calculé pour un certain intervalle de temps, généralement l’année ou le trimestre, car le PIB est une variable de flux, de même nature que le débit d’un fleuve au cours d’une période. En revanche, les variables de stock, à l’image de la quantité d’eau retenue par un barrage, sont toujours définies à un moment particulier. Le PIB d’un pays mesure l’activité productive en recensant les ventes finales de biens et services (autrement dit les emplois). Voici donc une première définition du PIB. On parle de ventes finales, c’est-à-dire de ventes de biens et services faites aux consommateurs ou aux administrations qui en sont les derniers utilisateurs. (…) Les ventes intermédiaires portent sur des biens et services acquis pour produire d’autres biens et services. Un

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exemple est la vente de farine à une boulangerie. Les ventes intermédiaires sont exclues du calcul du PIB afin d’éviter tout double comptage. Il faut donc bien distinguer le PIB du chiffre d’affaires total ou des ventes totales d’une économie. Notre seconde définition du PIB indique que chaque vente finale d’un bien ou d’un service constitue l’étape ultime qui valide tous les efforts qui ont contribué à le produire et à le mettre à disposition de l’acheteur. Elle synthétise une chaîne d’activités économiques dont chacune est perçue comme une valeur ajoutée. La valeur ajoutée résulte de la transformation par les entreprises de matières premières et de produits semi-finis en produits vendables sur le marché. La valeur ajoutée créée par une entreprise correspond à la différence entre ses ventes totales (son chiffre d’affaires), et le coût d’acquisition de ses matières premières et autres biens et services intermédiaires. Si l’entreprise produit des biens intermédiaires, ses ventes seront des coûts de production pour ses clients. La valeur ajoutée créée ne sera comptabilisée qu’une seule fois, au niveau des producteurs de biens intermédiaires. Par contre, lorsqu’un consommateur final acquiert un bien ou un service, le prix qu’il paye comprend la totalité de la valeur ajoutée à toutes les étapes du processus de production. Le PIB est la somme de tous les revenus perçus au sein d’une zone géographique donnée par les agents économiques, résidents ou non. Le fait que toute dépense d’un agent constitue un revenu pour un autre assure la cohérence entre la troisième et la première définition du PIB.

Michael Burda et Charles Wyplosz , Macroéconomie à l’échelle européenne, De Boeck, 4ième édition, 2006

2.3 – Les limites du PIB pour mesurer le bien-être

Document 28 – Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi En février 2008, Nicolas Sarkozy, président de la République française, a demandé à Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi de mettre en place une commission pour réfléchir sur la mesure des performances économiques et du progrès social. Le rapport de cette commission, rendu public en 2009, détaille les limites de l’agrégat PIB pour mesurer le bien-être. Ce rapport fait ressortir trois axes pour réfléchir sur cette question : l’axe du bien-être matériel, l’axe de la qualité de vie et l’axe de la soutenabilité.́ Tout d’abord le PIB mesure mal le bien-être matériel. Le PIB mesure mal la production de richesse puisqu’il ne prend pas en compte le bénévolat ou le travail domestique, et parce qu’il sous-estime la valeur de la production non marchande en l’évaluant à partir du coût des facteurs de production mobilisés pour l’assurer. En outre, le bien-être matériel dépend davantage du revenu que de la production. Une hausse du PIB par habitant peut très bien se traduire par une stagnation ou même une diminution du revenu national brut par habitant lorsqu’une partie significative des richesses produites donne lieu à des transferts de revenus vers l’étranger. Enfin, le PIB par habitant est une moyenne qui cache des inégalités dans la distribution des richesses, qui sont défavorables au bien-être de tous. Ensuite, le PIB mesure mal les dimensions qualitatives du bien-être, c’est-à-dire la qualité de vie. D’une part le PIB ne permet pas de saisir un certain nombre de dimensions objectives de la qualité de vie (santé, éducation, activités personnelles, participation à la vie politique, liens sociaux, conditions environnementales, niveau d’insécurité́ physique et économique). D’autre part, Richard Easterlin, dans « Does economic growth improve the human lot? » (1974), a constaté une absence de corrélation entre croissance du PIB par tête et évolution du bonheur subjectivement déclaré́ par les individus (dimension subjective de la qualité de vie). Passé un certain niveau de développement, les aspects monétaires du niveau de vie semblent perdre de l’importance par rapport aux autres dimensions de la qualité de vie. Enfin, le PIB ne rend pas compte de la soutenabilité́ du bien-être. Parce que c’est un indicateur brut, le PIB ne comptabilise pas l’usure des différents capitaux à la source de notre bien-être (capital physique, capital humain, capital social). Il n’est donc pas à même de nous renseigner sur la soutenabilité économique de notre bien-être. Par ailleurs, le PIB ne prenant pas en compte les dégradations environnementales, il ne nous permet pas de savoir si nous consommons les ressources naturelles renouvelables à un rythme plus rapide que celui de leur régénération. Il ne nous renseigne pas non plus sur la dégradation des éléments environnementaux non substituables (climat et biodiversité).

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

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3 – La répartition des revenus

Document 29 – Comment définir les revenus ? Selon John Hicks, le revenu d’une personne ou d’une collectivité sur une période donnée « est égal à la valeur de ce qu’elle peut consommer au maximum tout en restant aussi riche à la fin de la période qu’elle l’était au début. »

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

3.1 – La répartition primaire des revenus

Document 30 – Le partage de la valeur ajoutée entre les AE ayant contribué à la production Des revenus sont distribués aux différents acteurs économiques ayant contribué à la création de richesses en fournissant les facteurs de production :

• Les salariés, qui fournissent le facteur travail, perçoivent un salaire direct et un salaire indirect sous forme de cotisations sociales qui financent le système de protection sociale ;

• Les apporteurs de capitaux perçoivent l’excédent brut d’exploitation sous forme de dividendes ou d’intérêts ;

• Les pouvoirs publics perçoivent des impôts sur la production. N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain

ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Document 31 – EBE et taux de marge L’excédent brut d’exploitation (EBE) est un indicateur de profit qui représente la partie de la valeur ajoutée revenant à l’entreprise après rémunération des salariés, paiement des impôts sur la production et perception des subventions d’exploitation. Il est qualifié de brut parce que l’amortissement du capital n’est pas retranché. Il permet de payer les dividendes aux actionnaires, les intérêts aux créanciers, l’impôt sur les sociétés. Le solde correspond à l’épargne brute de l’entreprise. Le taux de marge est le ratio qui mesure la part de l’EBE dans la valeur ajoutée.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Document 32 – Les problèmes que posent une répartition déséquilibrée de la VA entre travail et capital Sur le long terme, le partage de la valeur ajoutée entre capital et travail est étonnamment stable à hauteur d’un tiers pour le capital et de deux tiers pour le travail. Lorsque cette répartition se déséquilibre trop en faveur de l’un ou de l’autre facteur, la croissance est affectée négativement. Par exemple, dans Économie politique des capitalismes (2015), Robert Boyer montre que la Grande Dépression des années 1930 s’explique par l’insuffisance des salaires pour absorber une production de masse. Cet écueil sera évité après la Seconde Guerre mondiale avec l’institutionnalisation d’un rapport salarial fordiste qui permet l’émergence d’une consommation de masse capable d’absorber la production de masse. De façon symétrique, la forte augmentation de la part des salaires dans la valeur ajoutée durant les années 1970 en France a contribué à déprimer la croissance parce que la dégradation du taux de marge a empêché les entreprises d’investir suffisamment pour renouveler et moderniser leur appareil productif. Entre 2008 et 2013, le taux de marge des entreprises françaises a fortement baissé, passant de 33,1 % à 29,9 %. Selon Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen (Changer de modèle, 2014), la faiblesse du taux de marge des entreprises françaises relativement à leurs concurrents internationaux empêche l’économie française de réaliser les investissements nécessaires pour remonter en gamme, restaurer sa compétitivité́ et donc générer davantage de croissance économique. C’est cette volonté́ de restaurer les marges des entreprises françaises qui a motivé la mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité́ et l’emploi (CICE) en transférant une partie du financement de la protection sociale vers la TVA. Depuis, le taux de marge est reparti à la hausse, l’EBE représentant 32,1 % de la valeur ajoutée au premier trimestre 2016, la baisse des prix de l’énergie étant certainement une des raisons principales de cette embellie.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

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Document 33 – Le partage de la VA depuis 1950 en Europe et aux Etats-Unis

Sophie Piton & Antoine Vatan, « Le partage de la valeur ajoutée : un problème capital » dans CEPII,

L’économie mondiale 2019, Coll. Repères, La Découverte, 2018

Document 34 – L’importance de l’intra-partage Dans Le Partage des fruits de la croissance (rapport du CAE, 2009), Gilbert Cette, Jacques Delpla et Arnaud Sylvain soulignent qu’il est essentiel de s’intéresser également à l’intrapartage des salaires ainsi qu’à l’intrapartage des profits. Un taux de marge élevé ne se traduit pas forcement par de fortes capacités d’investissement parce que l’EBE peut être absorbé en grande partie par les apporteurs de capitaux que sont les créanciers ou les actionnaires. Entre 1980 et 2009, la part des dividendes dans l’EBE a fortement augmenté, passant de 8 % à 18 %. Ces profits distribués aux actionnaires ne sont pas investis et ne permettent donc pas à l’entreprise d’améliorer ses performances de long terme. Dominique Plihon, dans Le Nouveau Capitalisme (2009), explique cette évolution par le développement d’un capitalisme actionnarial dans lequel les exigences de rendement des actionnaires sont très élevées. Ces trente dernières années, les inégalités salariales se sont fortement développées. Camille Landais, dans « Les hauts revenus en France (1998-2006). Une explosion des inégalités ? » (2007), montre que les 0,01 % des salariés les mieux payés voient leur salaire augmenter trois fois plus vite que le centile supérieur et quinze fois plus vite que les 90 % des salariés les moins bien payés. Thomas Piketty, dans Le Capital au 21ème siècle (2013), montre que ce phénomène est encore plus accentué aux États-Unis. Joseph Stiglitz, dans Le Prix de l’inégalité ́(2012), considère que le développement de ces inégalités salariales a été le terreau dans lequel s’est développée la crise des subprimes, le crédit étant devenu le seul moyen de soutenir le niveau de vie des ménages dont le pouvoir d’achat a stagné.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Document 35 – Partage de la valeur ajoutée et accroissement des inégalités La déformation du partage de la valeur ajoutée n’est pas sans lien avec la montée des inégalités, largement documentée par les travaux de Thomas Piketty. Elle serait sans effet sur la répartition des revenus si cette perte de rémunération directe et indirecte du travail (salaires et cotisations) était compensée par une augmentation

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des revenus du capital attribués à l’ensemble des travailleurs (intéressement et détention d’actions, par exemple). Le rapport d’Oxfam et l’article de William Lazonick laissent penser que ce n’est pas le cas. Or la croissance des inégalités, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe, s’explique majoritairement par les revenus du capital. Bien qu’il existe une forte inégalité au sein des revenus du travail (Oxfam dénonce d’ailleurs la forte augmentation des inégalités de revenus à l’intérieur même des entreprises du CAC 40), celle-ci n’explique qu’une faible part des inégalités de revenus. Aux États-Unis, depuis le début des années 2000, les revenus du capital ont augmenté́ 22 fois plus rapidement que les revenus du travail. Or le capital est majoritairement détenu par les plus riches : le top 1 % tire la moitié de son revenu total du capital, le top 0,1 % en tire 80 %, alors que, pour la majorité des Américains (les 90 % les moins riches), les revenus du capital représentent moins d’un quart de l’ensemble de leurs revenus. Les ordres de grandeur sont similaires en France et dans les autres pays européens. La croissance des revenus du capital renforce à son tour les inégalités de patrimoines, en permettant une accumulation plus rapide du patrimoine des ménages les plus aisés. Au total, la déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment du travail participe aux inégalités, en bénéficiant à ceux dont les revenus financiers contribuent fortement à la croissance de leur patrimoine, et en érodant les revenus des ménages dont les revenus proviennent essentiellement du travail. En 2017, le prix Nobel Angus Deaton et sa co-autrice Anne Case révélaient une augmentation inquiétante des « morts par désespoir » — morts par suicide, alcool et drogue — parmi les Américains blancs en milieu de vie, tendance qu’ils attribuent à la dégradation sans précèdent de leurs conditions sociales et économiques. C’est dans ce contexte de « requiem pour le rêve américain » que le sujet du partage de la valeur ajoutée, longtemps absent des discussions académiques, ressurgit. Au-delà de sa dimension économique, la question est lourde d’enjeux sociaux et politiques. L’explication privilégiée n’est pas neutre du tout. Les implications ne sont, en effet, pas les mêmes selon que l’on attribue la déformation du partage de la valeur ajoutée à des changements technologiques ou à l’augmentation des profits. Postuler que cette déformation provient essentiellement de l’accumulation de nouvelles formes de capital immatériel pose la question des effets inégalitaires de l’innovation, source pourtant importante de croissance économique. Pointer le rôle de l’automatisation et du remplacement du travail par les machines invite à réfléchir à l’avenir du travail. En revanche, considérer que cette déformation provient d’un accroissement de la concentration et des rentes qui en résultent ou bien d’une gouvernance centrée sur la maximisation de valeur pour les actionnaires invite à une remise en cause plus profonde, celle du capitalisme financiarisé.

Sophie Piton & Antoine Vatan, « Le partage de la valeur ajoutée : un problème capital » dans CEPII, L’économie mondiale 2019, Coll. Repères, La Découverte, 2018

3.2 – La répartition secondaire des revenus

Document 36 – La redistribution La répartition primaire de la valeur ajoutée débouche sur un partage inégalitaire des revenus. En fonction de la conception de la justice sociale qu’ils retiennent, les pouvoirs publics peuvent décider de corriger à la marge ou bien de façon importante les inégalités de revenus produites par le marché́. Bruno Amable montre, dans Les Cinq Capitalismes. Diversité́ des systèmes économiques et sociaux dans la mondialisation (2005), que les capitalismes social-démocrate et européen continental tolèrent beaucoup moins les inégalités produites par le marché́ que le capitalisme anglo-saxon. Cela se traduit par un degré́ de redistribution beaucoup plus faible dans les pays anglo-saxons que dans les pays d’Europe continentale ou d’Europe du Nord. C’est la redistribution des revenus opérée par les pouvoirs publics qui permet de lutter contre les inégalités de revenus primaires. Elle consiste d’une part à prélever des cotisations sociales et des impôts et d’autre part à verser des prestations sociales en espèces (pensions de retraite, allocations familiales, allocations chômage, etc.). Cette redistribution est qualifiée de verticale si elle vise à réduire les inégalités de revenus entre les ménages à hauts revenus et les ménages à bas revenus. On parle de redistribution horizontale lorsqu’elle vise à réduire les inégalités entre des ménages différemment exposés à la réalisation d’un risque social. La redistribution ne passe pas seulement par les prestations sociales, elle passe également par des transferts sociaux en nature qui prennent la forme de prestations sociales en nature (remboursement des dépenses

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engagées dans les médicaments et les soins), et de transferts de biens et services non marchands individuels (santé et éducation).

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Document 37 – Le revenu disponible brut des ménages Les revenus primaires des ménages se composent de leurs revenus d’activité et de leurs revenus du patrimoine. Pour obtenir leur revenu disponible brut, c’est-à-dire le revenu qui est disponible pour consommer ou épargner, il faut retrancher les cotisations sociales et les impôts directs que les ménages versent aux administrations publiques et ajouter les prestations sociales en espèces qu’ils perçoivent. Le document qui suit met en évidence que la redistribution monétaire contribue à réduire les inégalités en augmentant de 68,8 % le niveau de vie des 20 % des Français les plus modestes et en réduisant de 18,9 % le niveau de vie des 20 % des Français les plus aisés.

Les ménages bénéficient également de transferts sociaux en nature qui contribuent à diminuer les inégalités. Élise Amar, Magali Beffy, François Marical et Émilie Raynaud, dans France. Portrait social (Édition 2008), montrent que les services publics de santé, d’éducation et de logement contribuent deux fois plus que les transferts monétaires à la réduction des inégalités de niveau de vie. Le calcul d’un agrégat supplémentaire de revenu qui intègre l’effet de ces transferts sociaux en nature est alors précieux. C’est le rôle que joue le revenu disponible brut ajusté.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Document 38 – Quelques définitions à retenir Revenus d’activité́ : ils comprennent les revenus salariaux super-bruts (salaire net + cotisations sociales salariales + cotisations sociales patronales) et les revenus mixtes (revenu qui rémunère l’apport conjoint de travail et de capital des entrepreneurs individuels). Revenus du patrimoine : ils correspondent aux revenus que perçoit le propriétaire d’un actif financier ou d’un actif corporel non produit en échange de sa mise à la disposition d’un autre agent économique. Ils comprennent les intérêts (rémunérations versées aux créanciers pour rémunérer le service de prêts de fonds), les dividendes (rémunérations versées aux actionnaires) et les plus-values (gains réalisés lorsqu’un actif est vendu à un prix supérieur à son prix d’achat). Revenus primaires : ce sont les revenus directement liés à une participation au processus de production en fournissant soit le facteur travail, soit le facteur capital, soit les deux. Revenu disponible brut des ménages : c’est le montant monétaire dont disposent les ménages pour épargner ou consommer. Il correspond aux revenus primaires auxquels on ajoute les prestations sociales en espèces (allocation chômage, pension de retraite, allocations familiales, etc.) et auxquels on retranche les impôts directs

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(impôt sur le revenu, taxe foncière, taxe d’habitation, etc.), les cotisations sociales ainsi que les contributions sociales (CSG, CRDS, etc.). Revenu disponible brut ajusté : revenu disponible brut des ménages augmenté des transferts sociaux en nature qui correspondent aux prestations sociales en nature (remboursement des médicaments) mais aussi aux transferts de biens et services non marchands individuels opérés par les administrations publiques (dépenses publiques de santé, de culture, de logement, d’éducation, etc.) et les ISBLSM.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

4 – L’utilisation des revenus

4.1 – La consommation

Document 39 – Définir la consommation Consommer consiste à détruire ou transformer des biens et services en vue de satisfaire un besoin ou de produire d’autres biens et services. Il faut donc distinguer la consommation finale et la consommation intermédiaire. La consommation finale consiste à utiliser des biens et des services à leur stade final de production en vue de satisfaire les besoins des individus. La consommation intermédiaire consiste quant à elle à utiliser des biens ou des services qui sont détruits ou transformés dans le processus de production en vue de créer d’autres biens et services.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Document 40 – Consommation finale et consommation effective des ménages La consommation finale des ménages comprend toutes les dépenses effectivement réalisées par les ménages résidents pour acquérir des biens et des services destinés à la satisfaction de leurs besoins (y compris les loyers fictifs des ménages disposant de leur propre logement). Toutefois, la consommation des ménages ne se limite pas à leurs dépenses de consommation finale. Ils bénéficient également de certains transferts sociaux en nature de la part des ISBLSM mais surtout des APU. C’est pour rendre compte de ces transferts sociaux en nature que la comptabilité nationale a conçu l’agrégat consommation effective des ménages qui se calcule comme suit : dépenses de consommation finale des ménages + transferts sociaux en nature dont bénéficient les ménages. Les transferts sociaux en nature tiennent une place importante dans la consommation des ménages puisqu’en 2014 la consommation effective des ménages est 33 % plus élevée que leurs dépenses de consommation finale.

D’après N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

Document 41 – Consommation finale et consommation effective des APU Les administrations publiques réalisent des dépenses de consommation finale à chaque fois qu’elles utilisent leurs ressources pour offrir à la population à titre gratuit ou quasi gratuit des services de santé ou d’éducation, pour rembourser les dépenses de santé (dépenses de consommation finale individuelle des APU) ou bien encore en fournissant des services bénéficiant à toute la société comme la justice, la défense, la sécurité, l’administration générale, etc. (dépenses de consommation finale collective). La consommation finale des APU s’obtient en faisant la somme des dépenses de consommation finale individuelle et collective. La consommation effective des APU retient seulement la consommation finale collective

Document 42 – Consommation effective et revenu ajusté des APU et des ménages

RDB des ménages Épargne brute des ménages RDBA des ménages CF des ménages Consomation effective

des ménages RDB des APU

CF individuelle des APU

CF collective des APU Consommation effective des APU RDBA des APU

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4.2 – L’épargne

Document 43 – Qu’est-ce que l’épargne ? L’épargne correspond à la partie du revenu disponible brut d’un agent économique qui n’a pas fait l’objet de dépenses de consommation finale. Tous les agents économiques peuvent épargner, c’est même la seule utilisation possible du revenu disponible brut des entreprises.

Document 44 – L’épargne des ménages français Le taux d’épargne des ménages français a fortement augmenté entre 1950 et 1975 (l’épargne des ménages passant de 16,1 à 22,3 % de leur revenu disponible brut). Après 1975, le taux d’épargne des ménages diminue fortement en France pour atteindre son minimum historique en 1987 (12 %). Revenu dans la première moitié des années 1990 à un niveau de 15 %, le taux d’épargne des ménages français s’est par la suite stabilisé : en 2015, il s’élève à 14,5 %. Le taux d’épargne des ménages français est relativement proche de celui de ses principaux voisins européens (Allemagne ou Italie) mais beaucoup plus élevé que ceux constatés dans les pays anglo-saxons (en 2014, 4 % aux États-Unis et 3,3 % au Royaume-Uni). Les ménages utilisent une partie de leur épargne pour investir dans le logement. En 2015, le taux d’épargne non financière des ménages s’élevait à 9 %. La partie résiduelle correspond à l’épargne financière, c’est-à-dire la capacité de financement des ménages. Elle permet de financer les agents à besoin de financement que sont les entreprises et les administrations publiques. En 2015, le taux d’épargne financière des ménages s’élève à 5,5 % de leur RDB.

N. Danglade, M. Sarzier, C. Vernet-Habasque, Économie, sociologie et histoire du monde contemporain ECE 1ère année, Studyrama, 2018

4.3 – L’investissement

Document 45 – L’investissement comme détour de production « On réussit mieux en produisant les biens d’usage par des moyens détournés qu’en les produisant

directement » Eugen von Böhm-Bawerk, Théorie positive du capital, 1889

En analysant l’accumulation du capital comme un détour de production (…), Bôhm-Bawerk montre qu’il est pertinent de détourner les facteurs originels que sont les ressources naturelles et le travail de la production des biens de consommation, pour les affecter à la production de biens de production, qui augmenteront à terme l’efficacité de la production des biens de consommation. Il utilise pour cela une célèbre parabole : un petit paysan a la possibilité d’aller tous les matins boire, dans une source éloignée de sa maison, l’eau qu’il désire en la recueillant avec ses mains. C’est une solution immédiate mais très limitée cependant. Il a plus intérêt à détourner une partie de ce temps quotidien pour réaliser un seau qui lui permettra de ramener un volume d’eau plus important pour satisfaire ses besoins et encore plus d’intérêt à prendre du temps pour construire une canalisation amenant l’eau en quantité illimitée devant sa maison. Ainsi « par la voie indirecte on obtient plus de produit avec la même quantité de travail ou le même produit avec moins de travail, mais cette supériorité se manifeste aussi sous cette forme que certains biens d’usage ne peuvent être produits que par un moyen indirect qui est tellement supérieur, que souvent lui seul mène au but ».

Jean-Pierre Biasutti, Laurent Braquet, Les citations économiques pour comprendre le monde aujourd’hui, Bréal, 2011

Document 45 – La mesure de l’investissement par la comptabilité nationale : la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) L’investissement se définit économiquement comme un flux qui permet d’accroître ou de renouveler un stock de capital. La comptabilité nationale française mesure l’investissement à travers la FBCF (formation brute de capital fixe). Cet agrégat représente l’acquisition de biens durables destinés à être utilisés de manière répétée et continue dans le processus de production pendant au moins un an. Il est qualifié de brut parce que l’amortissement (la consommation de capital fixe dans le langage de la comptabilité nationale) n’est pas déduit. L’investissement peut prendre une forme matérielle (voiture, bâtiment, machine, etc.) ou immatérielle (recherche et développement, formation, logiciels, etc.). Jusqu’à 2014, l’investissement immatériel était très mal pris en compte dans la FBCF puisque cet agrégat enregistrait seulement les logiciels. À partir de 2014, la recherche et développement est prise en compte dans la FBCF. C’est un réel progrès parce que les

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investissements immatériels de recherche et développement, en améliorant le capital technologique, contribuent à accroître le potentiel de croissance (Paul Romer, « Endogenous technical change », 1990). L’investissement est au cœur du processus de croissance économique : a) en augmentant les capacités de production ; b) en influençant le rythme du progrès technique ; c) en permettant la diffusion du progrès technique dans la combinaison productive.

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Document 46 – Les déterminants de l’investissement Dans la théorie microéconomique, le producteur cherche à maximiser son profit. Il va donc sélectionner, parmi les combinaisons productives lui permettant d’atteindre le niveau de production qu’il souhaite, la combinaison productive qui sera la moins onéreuse. Une baisse du coût relatif du capital, du fait de l’augmentation du taux de salaire sur le marché du travail par exemple, se traduira, toutes choses étant égales par ailleurs, par un surcroît d’investissement, rendu nécessaire par l’adoption d’une combinaison plus intensive en capital. L’investissement est également déterminé́ par les profits, ceux déjà réalisés et ceux qui sont anticipés. D’une part, les profits accumulés dans le passé permettent de financer plus facilement les nouveaux investissements. D’autre part, les entrepreneurs comparent le rendement anticipé de leur investissement (le profit anticipé) avec le coût de cet investissement (le taux d’intérêt). S’ils anticipent de faibles profits, de nombreux investissements ne seront pas réalisés parce qu’ils coûteraient davantage à l’entrepreneur que ce qu’ils lui rapporteraient. Enfin, l’investissement dépend aussi de la demande qui est anticipée par les entrepreneurs. Si les entrepreneurs anticipent une hausse de la demande et qu’il n’y a pas de capacités de production excédentaires, ils vont procéder à des investissements afin de répondre à cette demande. Au contraire, si les entrepreneurs considèrent que les perspectives de demande ne sont pas bonnes, ils n’investissent pas.

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4.4 – Intégrer les relations avec le reste du monde

4.4.1 – L’équilibre emplois-ressources en économie ouverte

Document 47 – La détermination de l’équation de l’équilibre emplois-ressources en économie ouverte Les quantités disponibles d’un produit ne peuvent provenir que de la production (P) et des importations (M). La production et les importations constituent les ressources en produit. Les utilisations du produit, qui sont appelées « emplois », sont variées. On retiendra de manière simplifiée la consommation intermédiaire (CI), la consommation finale (CF), l’investissement (I) et les exportations (X). L’équilibre emplois-ressources peut donc se formuler de la manière suivante :

P + M = CI + CF + I + X Puisque P – CI = PIB PIB + M = CF + FBCF + X

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4.4.2 – Les utilisations principales de l’équation de l’équilibre emplois-ressources

Document 48 – Analyser la situation de financement de la Nation en économie ouverte Un réagencement rapide de l’équation de l’équilibre emplois-ressources permet de faire apparaître le solde commercial (X – M) :

PIB = CF + I + (X – M) Les économistes parlent d’excédent commercial lorsque la valeur des exportations est supérieure aux importations, de déficit commercial dans la situation inverse et enfin d’équilibre commercial lorsque la valeur des exportations est équivalente à celle des importations. Le solde commercial d’un pays permet de déterminer si le pays est en besoin de financement ou en capacité́ de financement. Pour le démontrer, il faut d’abord rappeler que le PIB, en tant que revenu national, est soit consommé (CF), soit épargné́ (S).

PIB = CF + S Puisque le PIB est aussi un indicateur de produit dont l’équation correspond à l’équilibre emplois-ressources, il est possible d’écrire que :

CF + S = CF + I + (X – M) (S – I) = (X – M)

Un pays qui connaît un déficit commercial est donc en besoin de financement (S < I). Il doit compenser ce déficit commercial par l’entrée de capitaux. Cela peut prendre deux formes principales : de l’endettement ou la vente d’actifs réels (des actifs fonciers ou immobiliers mais aussi des firmes). Dans L’industrie française décroche-t-elle ? (2013), Pierre-Noël Giraud et Thierry Weil rappellent que la globalisation financière, qui permet une large circulation internationale des capitaux, rend les déficits commerciaux supportables pour un temps, mais pas indéfiniment. Si un pays s’endette pour financer un déficit commercial, il faudra tôt ou tard qu’il rembourse en générant des excédents commerciaux.

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Document 49 – Analyser la conjoncture économique, c’est-à-dire la dynamique de la demande