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Chapitre 3 - Imparfait et conditionnel francais
Jean-Marie Merle
To cite this version:
Jean-Marie Merle. Chapitre 3 - Imparfait et conditionnel francais. Etude du conditionnelfrancais et de ses traductions en anglais, Ophrys, p. 30-44, 2001, Linguistique contrastive ettraduction, 2-77080-0983-4.
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Submitted on 28 Feb 2012
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CHAPITRE 3*
Imparfait et conditionnel franais
p. 30
J. Damourette et E. Pichon les nomment respectivement toncal (form sur
le latin tunc = alors ) et toncal futur. Ils dfinissent le caractre gnral du toncal en ces termes (1936, t.V, 1738, p. 226) : l'abandon du reprage par rapport au moi-ici-maintenant .
Ce qui correspondrait un reprage en rupture par rapport aux
coordonnes de la situation d'nonciation.
3.1. Reprage en rupture ?
L' abandon du reprage par rapport au moi-ici-maintenant , ou le
reprage en rupture par rapport la situation d'nonciation, vaut pour les
deux types d'emplois dominants de l'imparfait, comme pour les deux emplois
dominants du conditionnel, donns l'un pour modal (parce qu'il n'est pas
temporel : cf. note 29),
(a, ) S'il faisait beau, nous pourrions sortir, l'autre pour temporel :
* Jean-Marie Merle, Universit de Nice Sophia Antipolis, Laboratoire Bases, Corpus, Langage (UMR 7320). Chapitre 3 de
Jean-Marie Merle, 2001, Etude du conditionnel franais et de ses traductions en anglais, Paris / Gap, Ophrys, p. 30-44.
(b) J'ai cru qu'il tait l. ( J'ai cru, un moment donn, qu'il tait l => qu'il tait l : que sa prsence tait valide et observable en coupe).
() J'ai cru qu'il serait l. (J'ai cru, un moment donn, qu'il serait l => un moment donn, j'ai cru sa prsence virtuelle, un autre moment)
On admettra ce reprage en rupture comme faisant partie de l'invariant de
l'imparfait et du conditionnel. Mais la section suivante montrera comment,
la diffrence de celui du pass simple, ce reprage en rupture ne s'opre pas
directement.
L'opposition tunc / nunc, toncal / noncal, en d'autres temps / maintenant pourra donc se faire l'aide de l'imparfait. L'nonciateur prenant en gnral
soin, si son choix se porte sur l'imparfait, de faire entendre et de souligner
qu'il emploie l'imparfait, comme dans l'exemple suivant :
(c) Il va arriver par le train de 8h47 Mais il a bien une voiture, non ? Il avait une voiture, oui. Comment a, avait ? Tu n'es pas au courant ? Il se l'est fait voler la semaine dernire.
p. 31
3.1.1. Reprage par rapport un repre en rupture
On constate cependant que ce reprage en rupture, ou abandon du
reprage par rapport au moi-ici-maintenant , n'interdit nullement de
construire l'aide de l'imparfait une rfrence dont la validit s'applique
encore au prsent. Exemple :
J'ai bien compris que vous tiez capable de rsoudre ce problme.
Il serait absurde de considrer que l'allocutaire n'est plus capable de
rsoudre le problme en question : cette capacit qui lui est prte est en
revanche donne comme observable (en coupe, de lintrieur bornes non
pertinentes, point de vue scant) dans un jeu de coordonnes elles-mmes en
rupture, j'ai bien compris). Le reprage en rupture pos par l'imparfait rsulte donc d'un reprage autre (toncal), par rapport un repre lui-mme en
rupture par rapport aux coordonnes de la situation d'nonciation principale.
C'est en fait ce second reprage (toncal) qui est fondamental et qui rend
intelligible l'emploi de l'imparfait.
Ce second reprage pourra se faire (numration non exhaustive) :
par rapport un repre antrieur (cas particulier du dcalage) la situation d'nonciation (b,c) :
(b) J'ai cru qu'il tait l. (=> ce moment-l).
Conclusion quelques problmes de traduction 3
(c) Il avait une voiture. s'interprte comme : Il fut (*tait) un temps o il avait une voiture 1 ;
par rapport aux coordonnes d'une situation d'nonciation rapporte (origine autre, elle-mme en dcalage, reprage assimilable au cas prcdent)
(ex. d) :
(d) Elle m'a dit qu'il venait. () Elle m'a dit qu'il viendrait.
(repre : situation d'nonciation rapporte Elle m'a dit ) ;
par rapport une situation de perception subjective qui ne concide pas avec la situation d'nonciation principale (e, f) :
(e) Il trouva / vit qu'elle tait belle,
(f) Alors, on avait un gros chagrin... (imparfait hypocoristique, vs Alors... comme a, tu as un gros chagrin... )
p. 32
Remarques
1. L'imparfait hypocoristique implique comme tout imparfait l' abandon
du moi-ici-maintenant , signalant que l'nonciateur opre une rupture par
rapport aux coordonnes de l'nonciation et place un observable (en coupe) dans un plan autre (toncal) que celui des coordonnes-origine (rupture qui, ici, s'applique galement au calcul de la personne). Ce qui favorise tout un
ventail possible d'effets de sens : bienveillance (point de vue autre :
empathie), condescendance (point de vue autre : prise de distance) ou ironie
(point de vue autre : mise en doute).
2. Le conditionnel sera a priori exclu ici, le virtuel ne relevant pas de la perception2. Le conditionnel parat ncessairement plus abstrait (en raison du
morphme virtuel) : de l'imparfait au conditionnel on peut glisser de l'expression de la perception (il y avait donc une erreur ! : observable) celle de la conjecture (il y aurait donc une erreur... : virtuel, vrifier). Par ailleurs l'emploi du conditionnel hypocoristique n'aboutira sans doute pas
aux mmes effets de sens que l'emploi de l'imparfait hypocoristique ;
1 De mme, Il tait une fois une belle princesse qui... n'est pas un zeugme (*Il tait 1) une fois, 2) une belle princesse) : Il y a absence de coordination (Il tait une fois [*et] une belle princesse) et reprage par rapport un repre-circonstant donn (une fois) : il tait une belle princesse qui... , c'est--dire Il tait, une fois [dans un plan autre, toncal], une belle princesse qui... . 2 Il s'agit bien entendu d'une remarque sommaire. Ainsi, J. Guillemin-Flescher tudie l'expression de la perception imaginaire dans la Syntaxe compare du franais et de l'anglais, Paris, Ophrys, 1981 (d. 1988), p. 270-294.
de manire plus abstraite, par rapport une source subjective (a, g, h) : (a, ) S'il faisait beau, nous pourrions sortir. (g) L'instant d'aprs, le train draillait. (ex. emprunt G. Guillaume3) deux interprtations possibles : 1) comme en b (draillement du
train) ; 2) rcriture d'un pass imaginaire (P. Le Goffic,
1986 : 67).
() L'instant d'aprs le train aurait draill. (correspondrait g2 : rcriture d'un pass imaginaire )
( ') L'instant d'aprs le train draillerait. (2 interprtations diffrentes : soit conditionnel de prdestination ; soit conditionnel
ludique, ou thtique4, correspondant la structuration d'un
imaginaire).
(h) J'ai fait un drle de rve cette nuit : je marchais au bord d'une falaise... La falaise devenait un pont de chemin de fer... Un train arrivait... Je sautais dans le vide... (observables en coupe / nonc proche du discours indirect libre : J'ai rv que je marchais... )
p. 33
L'emploi du conditionnel (marcherais, deviendrait, arriverait, sauterais) entrainerait l'interprtation ( ') : conditionnel ludique, ou thtique, (structuration d'un imaginaire). Le segment introducteur n'aurait alors plus
lieu d'tre. Le repre origine serait la subjectivit structurant cet imaginaire.
3.1.2. Toncalit
Les autres emplois du conditionnel, dans des propositions
syntaxiquement indpendantes, ne seront interprtables que si le
cononciateur a lui-mme accs aux donnes (contextuelles ou
situationnelles) qui justifient la localisation toncale des procs, localisation
dans un plan autre, en rupture par rapport celui de l'nonciation principale.
3 G. Guillaume, Langage et science du langage, Paris, Nizet, 1964. 4 Emprunt Michel Maillard, L'impersonnel franais de il a , Autour de l'impersonnel, Grenoble, ELLUG, 1985, p. 63-118. M. Maillard en donne la dfinition suivante : L'adjectif
thtique du grec s signifie primitivement propre poser, fonder, tablir . Une proposition thtique est donc une proposition dont le rle est de poser un thme nouveau [...]. (p. 98). M. Maillard oppose thtique et thmatique : Une proposition thmatique est une proposition qui prdique un thme, pos au pralable [...]
Voir galement l'article de Claude Delmas : Remarques sur le passif impersonnel
anglais - de IT THERE in L'information grammaticale, n62, juin 1994. Remarque : la prdication d'existence (il y a / there is) est nonc (ou prdication) thtique.
Conclusion quelques problmes de traduction 5
Ces donnes sont toujours