chapitre 5 Économie de l'incertain : les bases

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Chapitre 5 Économie de l’Incertain : Les bases "In this world, nothing is certain but death and taxes." (Ben- jamin Franklin) "But the question is, punk, do you feel lucky today?" (Clint Eastwood, dans Dirty Harry ) Oshala 5.1 Les bases Nous supposerons dans ce chapitre que les agents économiques connaissent la distribution des variables aléatoires auxquelles ils font face. Cette hy- pothèse est aujourd’hui mise en doute par de nouveaux modèles de déci- sion en situations d’incertitude, où l’on ne supposera plus que les individus connaissent les vrais distributions des variables aléatoires, mais basent leurs décisions sur des perceptions subjectives. Nous esquisserons certaines des possibilités qu’offrent ses nouveaux modèle au Chapitre suivant. 5.1.1 Qu’est ce que le risque dans les sociétés tradi- tionnelles? Albert Einstein, dans l’une de ces citations les plus mémorables, a dit que "Dieu ne joue pas aux dés". Si Dieu ne joue pas aux dés, mécanique quantique à part, les paysans dans le paysans en développement jouent aux dés tous les jours. 201

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Page 1: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

Chapitre 5

Économie de l’Incertain : Lesbases

"In this world, nothing is certain but death and taxes." (Ben-jamin Franklin)

"But the question is, punk, do you feel lucky today ?" (ClintEastwood, dans Dirty Harry)

Oshala

5.1 Les bases

Nous supposerons dans ce chapitre que les agents économiques connaissentla distribution des variables aléatoires auxquelles ils font face. Cette hy-pothèse est aujourd’hui mise en doute par de nouveaux modèles de déci-sion en situations d’incertitude, où l’on ne supposera plus que les individusconnaissent les vrais distributions des variables aléatoires, mais basent leursdécisions sur des perceptions subjectives. Nous esquisserons certaines despossibilités qu’offrent ses nouveaux modèle au Chapitre suivant.

5.1.1 Qu’est ce que le risque dans les sociétés tradi-tionnelles ?

Albert Einstein, dans l’une de ces citations les plus mémorables, a ditque "Dieu ne joue pas aux dés". Si Dieu ne joue pas aux dés, mécaniquequantique à part, les paysans dans le paysans en développement jouent auxdés tous les jours.

201

Page 2: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

202 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Alderman et Paxson 1992, Besley 1995, Carter 1997, Horowitz 1995,Townsend 1995, Deaton 1992b

5.1.2 L’hypothèse de l’espérance de l’utilité

De nombreux exemples en économie de l’incertain sont formulés en termesd’un monde comportant deux états de la nature. Si l’état de la nature où lavariable aléatoire prend la valeur x1 se réalise avec probabilité p et celle où lavariable aléatoire prend la valeur x2 se réalise donc avec la probabilité 1− p,l’espérance de l’utilité de l’individu est donnée par

E [U ] = pU(x1) + (1− p)U(x2).

Le cas de deux états de la nature étant trop restrictif dans de nombreuxcontextes, on travaillera souvent avec une caractérisation comportant n �3 états de la nature. Plus formellement, nous parlerons d’une loterie P ={p1, x1; ...; pn, xn} constituée de n réalisations (x1, ..., xn), avec probabilitésassociées (p1, ..., pn) où pj � 0 et

∑j=nj=1 pj = 1. L’espérance de l’utilité du

consommateur est donnée par

E [U ] =

j=n∑

j=1

pjU(xj).

Une troisième possibilité est de décrire les réalisations de la variable aléa-toire avec une densité probabiliste continue. Soit x la variable aléatoire dis-tribuée selon la densité f(x) sur l’intervalle [x, x]. La densité est une fonctionqui satisfait deux propriétés. Premièrement, f(x) ∈ [0, 1]. Deuxièmement,∫ xxf(x)dx = 1 (ce ne sont que les conditions, sous forme continue, qui cor-

respondent aux conditions données ci-dessus pour une densité discrète). Ondénotera généralement les densités par des lettres minuscules, et leur densitécumulative associée (aussi appelée fonction de répartition), qui n’est autreque la primitive de la densité, par la lettre majuscule correspondante. End’autres termes : F (x) =

∫f(x)dx. L’espérance de l’utilité dans ce cas s’écrit

E [U ] =

∫ x

x

U(x)f(x)dx.

5.2 Aversion au risque

Considérons un paysan qui a le choix entre un revenu sûr de W et lerevenu sûr de W plus une loterie où il gagnera x avec probabilité p et y (en

Page 3: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.2. AVERSION AU RISQUE 203

l’occurrence, un gain négatif) avec probabilité 1− p. Pour une valeur donnéedu gain x et de la probabilité p, nous voulons trouver la valeur de y telle quele paysan soit indifférent entre le revenu sûr plus la loterie et le revenu sûrW tout court. La relation d’indifférence en question est évidemment donnéepar la forme implicite suivante :

pU (W + x) + (1− p)U (W + y)− U(W ) = 0, (5.1)

où les deux premiers termes constituent l’espérance de l’utilité du paysan etle dernier terme représente son utilité sous le revenu sûr. L’ensemble des x ety qui satisfont cette équation constituent l’ensemble des loteries (pour unevaleur donnée de p) que le paysan acceptera comme étant équivalentes aurevenu sûr W . Posons la relation désirée comme étant la fonction y = y(x, p)et différencions implicitement (Recette 7) l’équation (5.1). Nous obtenonsalors :

dy(x, p)

dx= − pU ′ (W + x)

(1− p)U ′ (W + y(x))(5.2)

ce qui, évalué à x = 0, y = 0, c’est-à-dire pour une loterie de très faiblesdimensions, nous donne :

[dy(x, p)

dx

]

x=0y=0

= − p

1− p.

Considérons maintenant la dérivée seconde de (5.1) par rapport à x, en noussouvenant que y est une fonction de x (en d’autres termes, nous prenons ladérivée première de (5.2) par rapport à x) :

d

dx

(dy(x, p)

dx

)= − d

dx

(pU ′ (W + x)

(1− p)U ′ (W + y(x))

)

= −

[pU ′′ (W + x) (1− p)U ′ (W + y(x))

−pU ′ (W + x) (1− p)U ′′ (W + y(x)) dy(x,p)dx

]

((1− p)U ′ (W + y(x)))2

Nous pouvons alors substituer à partir de l’équation 5.2 :

d

dx

(dy(x, p)

dx

)= −

pU ′′ (W + x) (1− p)U ′ (W + y(x))

+

(pU ′ (W + x) (1− p)U ′′ (W + y(x))

× pU ′(W+x)(1−p)U ′(W+y(x))

)

× 1

((1− p)U ′ (W + y(x)))2,

Page 4: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

204 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

ce qui se simplifie en

d

dx

(dy(x, p)

dx

)= − p

(1− p)

U ′′ (W + x)

U ′ (W + y(x))

− p2

(1− p)2

(U ′ (W + x)

U ′ (W + y(x))

)2 U ′′ (W + y(x))

U ′ (W + y(x)).

En évaluant encore une fois cette expression près de l’origine, nous obtenons[d

dx

(dy(x, p)

dx

)]

x=0y=0

=

(−U

′′ (W )

U ′ (W )

)p

(1− p)2. (5.3)

L’équation (5.3) se révélera capitale pour ce qui a trait à l’analyse de l’aver-sion au risque des agents, et nous y reviendrons ci-dessous. Un exempleconcret de ce que nous venons de démontrer est donné par la fonction d’uti-lité négative exponentielle, dont nous étudierons par la suite les propriétés.Pour la fonction d’utilité négative exponentielle, on peut trouver la solutionà l’équation (5.1) explicitement, donnant :

y = θ−1 [ln (1− p)− ln (1− p exp {−θx})] .

La dérivée première par rapport à x est alors donnée immédiatement, pardifférenciation directe, par :

dy(x, p)

dx= − p exp {−θx}

1− p exp {−θx} ,

tandis que la dérivée seconde par rapport à x est donnée par :

d

dx

(dy(x, p)

dx

)= − d

dx

(p exp {−θx}

1− p exp {−θx}

)=

p exp {−θx}(1− p exp {−θx})2

θ.

Évaluée à x = 0, nous obtenons alors :[d

dx

(dy(x, p)

dx

)]

x=0y=0

=p

(1− p)2θ.

Nous pouvons représenter graphiquement ceci pour différentes valeurs du co-efficient d’aversion absolue au risque. Sur l’axe horizontal, nous représentonsdifférentes valeurs de x comprises entre 0 et 1, alors que sur l’axe verticalnous représentons la valeur de y correspondant à x donnée par l’équation(5.1). La valeur de p est fixée à 1

2. Dans la Figure 5.1, nous représentons la

Page 5: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.2. AVERSION AU RISQUE 205

fonction y = y(x, θ, p) pour six valeurs différentes du coefficient d’aversionabsolue au risque θ.

0.2 0.4 0.6 0.8 1x

-1

-0.8

-0.6

-0.4

-0.2

y

F��. 5.1 — y comme fonction de x pour la fonction d’utilité U = exp {−θW}pour θ = 3, 2, 1, 1

2, 110, 1100

(p = 12)

On remarquera, au fur et à mesure que la valeur de θ augmente, que lescourbes y = y(x, θ, p) se déplacent vers le haut. Ceci traduit le fait que laperte y que l’agent économique est prêt à supporter avec probabilité 1−p afind’accéder à un gain donné x avec probabilité p est une fonction décroissantedu coefficient d’aversion absolue au risque θ. Dans la Figure 5.2, nous fixonsθ = 1 et nous calculons la valeur de y en faisant varier la probabilité pd’obtenir x.

0.20.4

0.6

0.8p

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

x

-2

-1

0

y

0.20.4

0.6

0.8p

F��. 5.2 — y comme fonction de x pour différentes valeurs de p (θ = 1)

Page 6: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

206 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Nous pouvons également effectuer le même travail avec la forme paramé-trique suivante pour la fonction d’utilité :

U(W ) =W 1−γ

1− γ.

Notons immédiatement que les deux premières dérivées de cette fonctiond’utilité sont données par :

U ′(W ) = W−γ, U ′′(W ) = −γW−γ−1,

et que nous pouvons donc définir l’expression suivante

−WU ′′(W )

U ′(W )= γ

que nous appellerons le “coefficient d’aversion relative au risque”. Dans lecas de la fonction d’utilité en question, ce coefficient est constant et égal à γ.

Posons maintenant la relation d’indifférence comme avant :

p(W + x)1−γ

1− γ+ (1− p)

(W + y)1−γ

1− γ− W 1−γ

1− γ= 0.

Nous pouvons évidemment solutionner cette équation pour y :

y(x, p) =

(1

1− p

) 11−γ (

W 1−γ − p (W + x)1−γ) 11−γ −W. (5.4)

Vous remarquerez que, contrairement à la fonction exponentielle, la richesseinitiale de l’individu ne disparaît pas de cette expression. Dans le graphiquequi suit, vous remarquerez que, pour une valeur de x donnée, un individu avecune richesse W plus grande sera disposé à accepter une perte y plus grande.La Figure 5.3 illustre donc bien une aversion pour le risque décroissante avecla richesse.

00.2

0.40.6

0.81 x

2 4 6 8 10

W

-0.8

-0.6

-0.4

-0.2

0

y

00.2

0.40.6

0.81 x

2 4 6 8 10

W

F��. 5.3 — y comme fonction de x pour différentes valeurs deW (p = 12, γ = 2)

Page 7: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.2. AVERSION AU RISQUE 207

En dérivant l’équation (5.4) par rapport à x, nous obtenons

dy(x, p)

dx= −

(1

1− p

) 11−γ

p (W + x)−γ(W 1−γ − p (W + x)1−γ

) γ1−γ ,

ce qui, évalué à x = 0, nous donne bien sûr :

dy(x, p)

dx

∣∣∣∣x=0

= − p

1− p.

Dérivons maintenant une deuxième fois par rapport à x. Nous obtenons :

d

dx

(dy(x, p)

dx

)=

(1

1− p

) 11−γ

pγ(W 1−γ − p (W + x)1−γ

) γ1−γ (W + x)−γ−1

×[1 + p

(W 1−γ − p (W + x)1−γ

)−1(W + x)1−γ

]

ce qui, évalué à x = 0 nous donne :[d

dx

(dy(x, p)

dx

)]

x=0

=p

(1− p)2γW−1.

On remarquera finalement que

−U′′(W )

U ′(W )= γW−1.

Vous remarquerez que nous n’avons imposé aucune restriction sur le para-mètre γ, qui peut être plus grand ou plus petit que un (il peut très bienêtre négatif...vous pourrez vérifier que la fonction d’utilité reste croissante etconcave).

5.2.1 Aversion au risque et formes paramétriques. Dessolutions à des équations différentielles

Soit une variable aléatoire avec y ∼ f(y) sur l’intervalle [0, y]. Nous défi-nissons le coefficient d’aversion absolu au risque d’Arrow et de Pratt commeétant :

A(y) = −U′′(y)

U ′(y).

On se souviendra que cette expression constituait l’un des éléments de l’équa-tion (5.3). En différenciant cette expression par rapport à y nous obtenons

Page 8: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

208 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

les conditions sur la fonction d’utilité qui nous disent si l’aversion absolue aurisque est croissante, décroissante, ou constante :

∂A(y)

∂y=

∂y

(−U

′′(y)

U ′(y)

)= −U

′′′(y)U ′(y)− U ′′(y)U ′′(y)

[U ′(y)]2=

(U ′′(y)

U ′(y)

)2−U

′′′(y)

U ′(y)

ce qui se résume en∂A(y)

∂y= (A(y))2 − U ′′′(y)

U ′(y). (5.5)

Quelle type de fonction d’utilité aura la propriété que le coefficient d’aversionabsolue au risque est constant ? Pour le savoir, considérons tout simplementl’équation différentielle suivante :

−U′′(y)

U ′(y)= A.

La solution générale à cette équation différentielle est bien sur donnée par :

U(y) = −exp {−Ay−C2}A

+ C1,

où C1 et C2 sont deux constantes arbitraires. En choisissant la solution avecC1 = C2 = 0 on obtient la forme fonctionnelle communément utilisée, où l’onnéglige souvent le A qui se trouve au dénominateur. Nous pouvons égalementdéfinir le coefficient d’aversion relative au risque de Arrow-Pratt :

γ = −yU′′(y)

U ′(y).

Considérons comme avant, cette dernière expression comme étant une équa-tion différentielle. La solution est donnée par :

U(y) =y1−γ

1− γC1 + C2,

où C1 et C2 sont deux constantes arbitraires. Généralement, on choisira C1 =1, C2 = 0. Souvent, on utilisera la forme

U(y) =y1−γ − 11− γ

,

car elle a la propriété utile que

limγ→1

y1−γ − 11− γ

= ln y.

Page 9: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.2. AVERSION AU RISQUE 209

5.2.2 Résultats empiriques. Aversion au risque des pay-sans dans les PED

Que savons nous, du point de vue empirique, des valeurs prisent par cescoefficients pour les paysans dans les pays en développement ? Binswangeret Sillers 1983 recensent la littérature sur le sujet et trouvent des coefficientd’aversion absolue au risque de l’ordre de XX pour la

Rosenzweig et Wolpin 1993, pour un échantillon de paysans indiens, es-timent que la valeur du coefficient d’aversion relative au risque et de l’ordrede XX, avec un écart-type de XX.

Wiens 1976, Moscardi et DeJanvry 1977, Dillon et Scandizzo 1978, Binswanger1980, Antle 1987, Saha, Shumway, et Talpaz 1994, Bar-Shira, Just, et Zilberman1997

5.2.3 Les producteurs et le risque

Considérons un paysan dont les revenus y proviennent en partie de pro-fits Π(p,w) issus d’une activité agricole. Plus formellement, supposons quey = a + Π(p,w) où a est un revenu sûr. Considérons ensuite une situationentièrement statique où la consommation du paysan est égale à son revenu :c = y = a + Π(p,w). La question qui se pose est de savoir si l’utilité estconcave ou convexe dans le prix p. L’utilité du paysan s’écrit

U (c(a, p,w)) = U (a+Π(p,w)) .

Nous nous intéressons à la dérivée seconde par rapport à p. En prenant ladérivée première,

∂U (a+Π(p,w))

∂p= U ′ (a+Π(p,w))

∂Π(p,w)

∂p= U ′ (a+Π(p,w)) q∗(p,w),

où la deuxième égalité suit du Lemme de Hotelling (Chapitre 2). Prenantla dérivée seconde donne

∂2U (a+Π(p,w))

∂p2= U ′′ (a+Π(p,w)) [q∗(p,w)]2+U ′ (a+Π(p,w))

∂q∗(p,w)

∂p.

Sous quelles conditions aurons-nous une dérivée seconde négative ? En réécri-vant l’expression précédente, on obtient la condition :

−U′′ (a+Π(p,w))

U ′ (a+Π(p,w))>

∂q∗(p,w)∂p

[q∗(p,w)]2.

Page 10: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

210 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

En définissant l’élasticité prix de l’offre ηqp(p,w) =∂q∗(p,w)∂p

pq∗(p,w)

, on obtient :

A (a+Π(p,w)) >ηqp(p,w)

pq∗(p,w). (5.6)

5.3 Économie de l’assurance

Bien que l’exemple avec deux états de la nature de la section précédentesoit utile à des fins pédagogiques, il est préférable de s’habituer de travailleravec des variables aléatoires dont les réalisations sont plus complexe. Dansla section qui suit, nous travaillerons avec une densité discrète. Lorsque nousaborderons la dominance stochastique de second ordre, nous passerons à unespécification continue.

5.3.1 La prime de risque et l’aversion au risque

Considérons une loterie P = {p1, tε1; ...; pn, tεn} constituée de n réalisa-tions tε1, ..., tεn, avec probabilités associées (p1, ..., pn) où

∑j=nj=1 pj = 1 et

t > 0. L’espérance de la loterie sera supposée nulle : E[ε] =∑j=nj=1 pjεj = 0,

alors que sa variance sera donnée par

σ2 [ε] =

j=n∑

j=1

pj (εj −E [ε])2 =

j=n∑

j=1

pjε2j .

L’espérance de l’utilité du consommateur est donnée par

E [U ] =

j=n∑

j=1

pjU(W + tεj).

La prime de risque est alors implicitement définie par π(t; .) tel que

j=n∑

j=1

pjU(W + tεj)− U(W − π(t; .)) = 0.

Considérons les deux premières dérivées de cette expression par rapport à t :

j=n∑

j=1

pjεjU′(W + tεj) + π′(t; .)U ′(W − π(t; .)) = 0,

Page 11: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.3. ÉCONOMIE DE L’ASSURANCE 211

j=n∑

j=1

pjε2jU

′′(W + tεj) + π′′(t; .)U ′(W − π(t; .))− [π′(t; .)]2 U ′(W − π(t; .)) = 0.

Prenons maintenant les limites de ces trois dernières expressions lorsque t→0, ce qui en mots correspond à considérer une loterie de “faibles” dimensions.On obtient

j=n∑

j=1

pjU(W )− U(W − π(0; .)) = 0,

j=n∑

j=1

pjεjU′(W ) + π′(0; .)U ′(W − π(0; .)) = 0,

j=n∑

j=1

pjε2jU

′′(W ) + π′′(0; .)U ′(W − π(0; .))− [π′(0; .)]2 U ′(W − π(0; .)) = 0.

Comme la première expression peut se réécrire

U(W )

j=n∑

j=1

pj

︸ ︷︷ ︸=1

− U(W − π(0; .)) = 0

il suit que π(0; .) = 0. La deuxième expression peut se réécrire comme

U ′(W )

j=n∑

j=1

pjεj

︸ ︷︷ ︸=0

+ π′(0; .)U ′(W − π(0; .)︸ ︷︷ ︸=0

) = 0

d’où l’on déduit que π′(0; .) = 0. Finalement, la troisième expression peut seréécrire

U ′′(W )

j=n∑

j=1

pjε2j

︸ ︷︷ ︸σ2[ε]

+ π′′(0; .)U ′(W − π(0; .)︸ ︷︷ ︸=0

)− [π′(0; .)]︸ ︷︷ ︸=0

2U ′(W − π(0; .)︸ ︷︷ ︸

=0

) = 0

d’où l’on déduit :

π′′(0; .) = −U′′(W )

U ′(W )σ2 [ε] .

Par une expansion MacLaurin de second ordre (Recette 1), nous pouvonsécrire :

π (t; .) ≈ π (0; .) + tπ′ (0; .) +t2

2π′′ (0; .)

Page 12: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

212 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

d’où l’expression

π (t; .) ≈t2

2

(−U

′′(W )

U ′(W )

)σ2 [ε] =

t2

2A(W )σ2 [ε] .

On voit donc clairement que la prime d’assurance π (t; .) est bien croissantedans le coefficient d’aversion absolue au risque de Arrow et Pratt, car

∂π (t; .)

∂A(W )=

t2

2σ2 [ε] > 0.

De même, la prime est croissante dans la variance de ε, car

∂π (t; .)

∂σ2 [ε]=

t2

2A(W ) > 0.

Nous approfondirons cette relation entre le degré d’incertitude de la loterieet la prime de risque en utilisant le concept de la dominance stochastique desecond ordre, plus tard dans le chapitre. Finalement, notons que la relationentre la prime d’assurance et la richesse initiale W est ambiguë. En effet, enprenant la dérivée, on remarquera que

∂π (t; .)

∂W=

t2

2A′(W )σ2 [ε]

dont le signe dépend du signe de

A′(W ) = (A(W ))2 −(U ′′′(W )

U ′(W )

)

(voir équation (5.5)).

La prime de risque avec une fonction d’utilité négative-exponentielle

Considérez un paysan dont la fonction d’utilité est donnée par la formenégative-exponentielle. Nous supposerons que le revenu agricole du paysanest donné par la variable aléatoire w ∼ N(µ, σ2) et que le paysan disposeégalement d’un revenu fixe A. La somme des deux revenus est donc donnéepar A+ w. L’utilité du paysan peut donc être écrite :

U(y) = − exp {−θy} = − exp {−θ(A+ w)} ,

et l’espérance de son utilité est donnée par (Recette 14) :

E[U(y)] = − exp{−θ

(A+ µ− θσ2

2

)}. (5.7)

Page 13: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.3. ÉCONOMIE DE L’ASSURANCE 213

Nous allons considérer un contrat d’assurance qui garantira au paysan unrevenu certain égal à la moyenne de son revenu. Ce type de contrat pourraitêtre mis en oeuvre, par exemple, par un office de commercialisation des pro-duits agricoles. La prime payée par le paysan sera donnée par la constante π.L’utilité du paysan qui souscrit à ce contrat d’assurance est donc donné par

U(E[y − π]) = − exp {−θ (A+ µ−π)} . (5.8)

Afin de calculer la prime équitable du point de vue actuariel, nous posonsl’égalité entre les équations (5.7) et (5.8). En calculant la solution en π, nousobtenons alors

π =θσ2

2.

Le choix technologique avec une utilité négative-exponentielle

Considérons deux technologies, la première “moderne” représentée par lavariable aléatoire y ∼ N(µy, σ

2y) tandis que la deuxième, “traditionnelle” est

représentée par la variable aléatoire y ∼ N(µy, σ2y). Nous supposerons que

le rendement moyen de la technologie moderne est supérieur à celui de latechnologie traditionnelle, c’est à dire µy > µy;d’autre part, la variance durendement de la technologie moderne est supérieure à celui de la technologietraditionnelle, ou σ2y > σ2y. Un paysan, dont la fonction d’utilité est négativeexponentielle, qui n’adopte pas la technologie moderne est un paysan pourlequel l’inégalité suivante tient (en utilisant la Recette 14) :

E[U(y)

]= − exp

{−θµy +

θ2

2σ2y

}

> − exp{−θµy +

θ2

2σ2y

}= E [U(y)] ,

ce qui équivaut à

θ > 2

(µy − µy

σ2y − σ2y

)

= θ∗.

En mots, ceci veut dire qu’un paysan avec une aversion au risque supérieurà θ∗ n’adoptera pas la technologie moderne.

Kurosaki 1995

Les offices de stabilisation des prix

Il est commun dans beaucoup de pays en développement que le secteuragricole.

Page 14: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

214 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

There is a substantial literature concerning this issue, largely centeredon the Latin American experience (Arrau and Claessens, 1992, Basch andEngel, 1993, Engel and Meller, 1993, Hausman, Powell and Rigobòn, 1992),although Newberry et Stiglitz 1981 continues to remain the basic theoreticalreference.

Suppose that the output of a primary commodity is equal to 1 + σ withprobability 1

2and 1 − σ with probability 1

2. The decisionmaker’s utility is

assumed to be a function of sales and we assume that the purpose of thebuffer stock is to stabilize sales around mean output, which here is equal to1. When output is equal to 1 + σ, σ units of output are added to storage,as long as total storage capacity has not been exhausted. When output isequal to 1− σ, σ units of output are removed from storage, as long as theyare available. Let K denote the storage capacity (assumed to be an integer),expressed in “standard storage units” equal to σ. Then, given that there areK + 1 possible values of the stock in storage (0 to K “standard” units),Newberry et Stiglitz 1981 showed that the probability distribution of theamount of units in storage is given by the uniform distribution with densityequal to 1

K+1. Output will be stabilized at 1 with probability K

K+1, whereas

storage capacity will be exceeded with probability K2(K+1)

; finally, there will

be no units in storage available for stabilization with probability K2(K+1)

.Under conventional EU axiomatics, expected utility with a buffer stock

is given by :

UBS =K

K + 1u (1) +

1

2 (K + 1)(u (1 + σ) + u (1− σ))

=2Ku (1) + (u (1 + σ) + u (1− σ))

2 (K + 1)

Without a buffer stock, expected utility is given by :

UNBS =1

2(u (1 + σ) + u (1− σ)) =

(K + 1) (u (1 + σ) + u (1− σ))

2 (K + 1)

and the difference between the two is thus :

∆U = UBS − UNBS = K2u (1)− (u (1 + σ) + u (1− σ))

2 (K + 1)

A second-order Taylor expansion then yields :

∆U = −u′′ (1)Kσ2

2 (K + 1)

Aizenman 1998,Arrau et Claessens 1992, Voir les articles dans Engel etMeller 1993, Newberry et Stiglitz 1981

Page 15: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.4. SÉLECTION ADVERSE ET RISQUE MORAL 215

5.4 Sélection adverse et risque moral

5.4.1 Équilibre séparateur et équilibre“pooling”

Considérons un exemple très simple où le revenu du consommateur peutprendre deux valeurs, w − A avec probabilité q et w avec probabilité 1 − q.La variable A représentera un accident ou une perte que le consommateurpourra subir avec probabilité q. Pour un consommateur dont les préférencessont représentées par la fonction d’utilité U(.), l’espérance de son utilité, enl’absence d’un marché d’assurance, est donné par :

E [U(.)] = qU(w −A) + (1− q)U(w).

Supposons maintenant qu’il existe un marché où le consommateur peut ache-ter un contrat d’assurance. Ce contrat est constitué de deux composantes.D’une part le consommateur choisira le montant assuré, dénoté par S, qui luisera versé lorsque son revenu est égal à w−A (rien ne lui sera versé lorsqueson revenu est égal à w). D’autre part, le consommateur paiera un prix ppar unité du montant assuré. Le paiement total qu’il fera à la compagnied’assurance, quelque soit la réalisation de l’état de la nature est donc pS. Lerevenu espéré du consommateur lorsqu’il achète un contrat d’assurance avecmontant assuré S et prix unitaire p est donc donné par :

E [U(.)] = qU(w − A+ S − pS) + (1− q)U(w − pS).

La CPO qui définit le choix optimal de S est alors donnée par

∂E [U(.)]

∂S= q(1− p)U ′(w − A+ (1− p)S∗)− p(1− q)U ′(w − pS∗) = 0.

Considérons maintenant le côté de l’assureur. Si celui-ci fait face à un en-semble de client identiques caractérisés par la discussion précédente, le mon-tant espéré de ses paiements par client sera égal à qS, tandis que le montantde ses recettes par client sera donné par pS. Son profit espéré par client seraalors donné par

E [Π] = pS − qS = (p− q)S.

Supposons pour l’instant que le marché des assureurs est concurrentiel. Unassureur devra alors réaliser une espérance des profits nulle E [Π] = 0, ce quiimplique qu’il fixera un prix unitaire tel que

p = q.

Graphiquement, que se passe-t-il au point où le consommateur est parfai-tement assuré et l’assureur réalise une espérance de profits nuls ? Afin de

Page 16: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

216 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

trouver la pente de la courbe d’indifférence du consommateur, prenons la dé-rivée implicite dy/dx (Recette 7) de la définition de l’espérance de l’utilitédu consommateur de EU(.) = qU(x) + (1− q)U(y). On obtient :

dy

dx= −

∂∂y(qU(x) + (1− q)U(y))

∂∂x(qU(x) + (1− q)U(y))

= −(1− q)U ′(y)

qU ′(x).

Sur la ligne de 45 degrés, x = y, et le pente de la tangente à la courbed’indifférence est donc donnée par :

−(1− q)

q.

Dans la représentation graphique, cette propriété implique que tous les pointssur la droite qui relie le point initial du consommateur, avec pente égaleà−(1−q)/q sont des équilibres potentiels, dans la mesure où les profits espérésde l’assureur sont nuls. En dessous de cette droite, les profits espérés sontnégatifs, au dessus positifs. Ces propos sont illustrés à la Figure 5.4.

w

w A−

w qA−

(1 )pente =

q

q

−−

F��. 5.4 — Un type de consommateur : optimum de premier rang avec assu-rance parfaite

Lorsque les profits espérés de l’assureur sont nuls, la CPO qui défini im-plicitement la demande d’assurance du consommateur est donnée par

q(1− q) [U ′(w −A+ S∗ − qS∗)− U ′(w − qS∗)] = 0,

Page 17: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.4. SÉLECTION ADVERSE ET RISQUE MORAL 217

ce qui implique une assurance parfaite :

S∗ = A.

Du point de vue graphique, l’équilibre se trouve sur la première bissectrice(la droite avec pente égale à 1, qui passe par l’origine).

5.4.2 Le problème de sélection adverse sur le marchéde l’assurance

Supposons maintenant qu’il y a deux types de consommateurs, avec desprobabilités différentes d’avoir un accident : qH > qL. Soit λ la proportiond’agents de type H et 1− λ la proportion de type L. Dans la représentationgraphique de la Figure 5.5, ceci implique que la pente de la tangente auxcourbes d’indifférence des consommateurs de typeH est plus petite (en valeurabsolue) que pour les agents de type L à n’importe quel point du graphique.

w

w A−

HU

LU

Hw q A− Lw q A−

(1 )pente =

L

L

q

q

−−

(1 )pente =

H

H

q

q

−−

F��. 5.5 — Optimum de premier rang avec deux consommateurs de typesconnus : assurance parfaite dans les deux cas

Si l’assureur connaît les types des consommateurs, l’optimum de premierrang serait constitué par deux contrats du type examiné précédemment. En

Page 18: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

218 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

d’autres termes, les deux types de consommateurs seraient parfaitement as-surés, et les consommateurs de type H paieraient un prix unitaire égal à qH ,tandis que les consommateurs de type L paieraient un prix unitaire de qL.La logique découle de l’expression

EU i(.) = qiU(w −A) + (1− qi)U(w), i = H,L,

suivie de la même logique que ci-dessus, avec l’assureur réalisant une espé-rance profits nuls avec chaque type de client. L’optimum de premier rang estillustré à la Figure 5.5. Lorsque l’assureur ne connaît pas le type d’agent au-quel il fait face, par contre, la situation est bien plus compliquée. En général,deux types de contrats d’assurance peuvent exister : les contrats "pooling",et les contrats "séparateurs".

Equilibre en pooling

Dans ce cas, le contrat d’assurance est donné par (p, Spooling). L’espérancedu profit de l’assureur est donné par :

EΠ = pS −(λqH + (1− λ)qL

)S,

et la condition de zéro espérance de profits implique donc que :

p = λqH + (1− λ)qL.

Du point de vue graphique, ceci implique que tous les équilibres potentielsse trouvent sur la droite qui passe par la situation initiale du consommateur,avec une pente égale à la somme pondérée des pentes des droites de chaqueconsommateur, et où les pondérations correspondent tout simplement auxproportions des deux types de consommateurs dans la population.

Page 19: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.4. SÉLECTION ADVERSE ET RISQUE MORAL 219

w

w A−

HU

LU

1w pS− %

2w pS− %

( )1 (1 )(1 )pente=

(1 )

H L

H L

q qp

p q q

λ λλ λ

− + −−− = −+ −

%

%

F��. 5.6 — Deux types de consommateurs, sélection adverse : Absence d’équi-libre "pooling"

Considérons un point quelconque sur la droite avec pente

−1− p

p= −1−

(λqH + (1− λ)qL

)

λqH + (1− λ)qL,

entre le point initial et la ligne de 45 degrés dans la Figure 5.6. Nous dé-noterons ce contrat par (p, S1). Le problème avec ce contrat est le suivant :considérons un autre point sur cette même droite, mais plus proche du pointinitial du consommateur. Dénotons ce contrat par (p, S2), où S2 < S1. Ecri-vons maintenant les utilités des deux types de consommateurs. Avec le pre-mier contrat, nous avons :

EUH(p, S1) = qHU(w − A+ (1− p)S1) + (1− qH)U(w − pS1);EUL(p, S1) = qLU(w −A+ (1− p)S1) + (1− qL)U(w − pS1).

Avec le deuxième :

EUH(p, S2) = qHU(w − A+ (1− p)S2) + (1− qH)U(w − pS2);EUL(p, S2) = qLU(w −A+ (1− p)S2) + (1− qL)U(w − pS2).

Le problème avec le contrat (p, S1) est qu’un assureur qui offre (p, S1) perdratous ses clients de type L (ceux qui fournissent un profit strictement positif)

Page 20: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

220 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

si son concurrent offre (p, S2). Afin de le prouver, nous démontrerons queEUL(p, S2) > EUL(p, S1). Ecrivons donc la négation de cette inégalité :

(1− qL)(U(w − pS2)− U(w − pS1)

)︸ ︷︷ ︸

>0 parce que pS2<pS1

< qL(U(w − A+ (1− p)S1)− U(w −A+ (1− p)S2)

)︸ ︷︷ ︸

>0 parce que (1−p)S2>(1−p)S1

.

Une expansion Taylor de premier ordre (Recette 1) nous donne :

U(w +∆) ≈ U(w) + ∆U ′(w).

Pour les quatre éléments dans l’inégalité précédente, nous pourrons doncécrire (pour i = 1, 2) :

U(w − pSi) ≈ U(w)− pSiU ′(w);U(w − A+ (1− p)Si) ≈ U(w)− (A− (1− p)Si)U ′(w).

En substituant dans l’inégalité, on obtient alors :

(1− qL) (U(w)− pS2U ′(w)− (U(w)− pS1U ′(w)))

< qL(

U(w)− (A− (1− p)S1)U ′(w)− (U(w)− (A− (1− p)S2)U ′(w))

)

ce qui se simplifie en :

(1− qL)(pS1 − pS2

)< qL

((1− p)S1 − (1− p)S2

),

ou bien :p < qL.

Ceci constitue évidemment une contradiction, car c’est le contraire qui tient(la définition même de p implique que p > qL) ; il suit que EUL(p, S2) >EUL(p, S1). De la même façon, on démontre aisément que

EUH(p, S2) < EUH(p, S1).

En mots, tous les consommateurs de type L préféreront le contrat (p, S2)au contrat (p, S1), et le contraire sera vrai pour les consommateurs de typeH. La conséquence est que l’assureur qui proposera le contrat (p, S1) per-dra tous ses clients de type L et fera face à des profits négatifs car seulsles consommateurs de type H lui resteront comme clientèle. Par contre, l’as-sureur qui offre (p, S2) s’accaparera tous les consommateurs de type L etbénéficiera de profits positifs car elle aura éliminé tous les clients de typeH. Cette configuration est, évidemment, instable, dans la mesure où le pro-cessus concurrentiel pourra se répéter indéfiniment, jusqu’à ce que l’on seretrouve dans le situation initiale avec le consommateur dépourvu de touteforme d’assurance. Ceci démontre qu’un contrat de type "pooling" n’est pasenvisageable en la présence de sélection adverse.

Page 21: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.4. SÉLECTION ADVERSE ET RISQUE MORAL 221

Equilibre séparateur

Dans le cadre d’un équilibre séparateur, l’assureur offre deux contrats,destinés aux deux types de consommateurs. Nous dénoterons ces deux contratspar (pL, SL) et (pH , SH). Le contrat séparateur en présence de sélection ad-verse donne un optimum de second rang. Nous allons maintenant voir pour-quoi.

Lorsque l’assureur ne connaît pas les types des consommateurs, est-ilpossible de mettre en oeuvre l’optimum de premier rang ? La réponse estévidemment non, ce qui apparaît clairement du point de vue graphique dansla Figure 5.7.

w

w A−

HU

LU

Hw q A− Lw q A−

H HU U>%

F��. 5.7 — Deux types de consommateurs, sélection adverse : Absence d’équi-libre "séparateur" qui soit un optimum de premier rang

Dans le graphique, les consommateurs de type H préféreront le contratdestiné aux consommateurs de type L parce que, en choisissant ce contrat,il pourront atteindre une courbe d’indifférence plus élevée que s’ils choisis-saient le contrat destiné à leur propre type. Les consommateurs de type Lchoisiront également le contrat de type L. Il suit que cette configuration nepeut certainement pas constituer un équilibre séparateur.

La caractéristique clef d’un équilibre séparateur est que chaque type deconsommateur ne choisisse pas le contrat destiné à l’autre type. Si les deuxconsommateurs choisissaient le contrat qui leur était destiné, leur bien-êtres

Page 22: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

222 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

respectifs seraient donnés par :

EUL(pL, S1) = qLU(w − A+ (1− pL)SL

)+ (1− qL)U

(w − pLSL

),

EUH(pH , SH) = qHU(w − A+ (1− pH)SH

)+ (1− qH)U

(w − pHSH

).

On appellera "contrainte de compatibilité des incitations" les restrictionsqui garantissent que chaque agent choisisse le contrat qui lui est destiné.Explicitement, celles-ci sont données par :

EUL(pL, S1) = qLU(w − A+ (1− pL)SL

)+ (1− qL)U

(w − pLSL

)

� qLU(w − A+ (1− pH)SH

)+ (1− qL)U

(w − pHSH

)

= EUL(pH , SH) (CIL);EUH(pH , SH) = qHU

(w − A+ (1− pH)SH

)+ (1− qH)U

(w − pHSH

)

� qHU(w − A+ (1− pL)SL

)+ (1− qH)U

(w − pLSL

)

= EUH(pL, SL) (CIH).

Considérons deux contrats de la forme :

(pH , SH) = (qH , A),(pL, SH) = (qL, SL∗), SL∗ < A.

Si le contrat destiné aux consommateurs de type H est (qH , A), il sera im-portant de garantir que le contrat destiné aux consommateurs de type L nesoit pas préféré par les consommateurs de type H au contrat (qH , A). Plusexplicitement, il faudra que

EUH(qH , A) = qHU(w −A+ (1− qH)A

)+ (1− qH)U

(w − qHA

)

� qHU(w −A+ (1− qL)SL∗

)+ (1− qH)U

(w − qLSL∗

)

= EUH(qL, SL∗) (CIH)

ou bien

qHU(w − A+ (1− qH)A

)+ (1− qH)U

(w − qHA

)

� qHU(w − A+ (1− qL)SL∗

)+ (1− qH)U

(w − qLSL∗

),

se qui se réécrit comme :

U(w − qHA

)� qHU

(w −A+ (1− qL)SL∗

)+ (1− qH)U

(w − qLSL∗

).

En mots, cette inégalité indique que le bien-être des consommateurs de typeH lorsqu’ils choisissent l’assurance parfaite au prix qH par unité assuréedevra être égal à leur bien-être s’ils choisissent le contrat (qL, SL∗) destinéaux consommateurs de type L. Dans la Figure 5.8, l’inégalité correspond à

Page 23: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.4. SÉLECTION ADVERSE ET RISQUE MORAL 223

la courbe d’indifférence qui passe par le point d’assurance parfaite pour lesconsommateurs de type H.

w

w A−

HU

Hw q A− L Lw q S ∗−

F��. 5.8 — Deux types de consommateurs, sélection adverse : équilibre sépa-rateur qui est un optimum de second rang

Afin d’aller plus loin du point de vue algébrique, prenons une expansionTaylor de second ordre (Recette 1) : U(w + ∆) ≈ U(w) + ∆U ′(w) −0.5∆2U ′′(w)) de toutes les expressions précédentes (une expansion de premierordre ne suffit pas dans la mesure où le résultat dépend de la convexité descourbes d’indifférence) :

U(w −A+ (1− qL)SL∗

)≈ U(w)−

(A− (1− qL)SL∗

)U ′(w)

+12

(A− (1− qL)SL∗

)2U ′′(w);

U(w − qLSL∗

)≈ U(w)− qLSL∗U ′(w) + 1

2

(qLSL∗

)2U ′′(w);

U(w − qHA

)≈ U(w)− qHAU ′(w) + 1

2

(qHA

)2U ′′(w).

Par substitution, on obtient :

U(w)− qHAU ′(w) + 12

(qHA

)2U ′′(w)

� qH[U(w)−

(A− (1− qL)SL∗

)U ′(w)

+12

(A− (1− qL)SL∗

)2U ′′(w)

]

+(1− qH)[U(w)− qLSL∗U ′(w) + 1

2

(qLSL∗

)2U ′′(w)

],

Page 24: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

224 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

ce qui se résume en :

1

2

[ (qHA

)2 − qH(A− (1− qL)SL∗

)2

−qH(qLSL∗

)2 −(qLSL∗

)2

]U ′′(w)

U ′(w)

�[qH − qL

]SL∗.

La solution positive en SL∗ de cette équation de second ordre est la valeurde SL∗ pour le contrat destiné aux consommateurs de type L.

La conséquence de la sélection adverse dans le marché de l’assurance estdonc le suivant : les individus de type H sont parfaitement assurés, et paientqH pour chaque unité assurée. Parallèlement, les individus de type L nepeuvent pas s’assurer parfaitement, ne sont assurés que partiellement, maispaient un taux par unité inférieur, égal à qL. Il y a donc une déviation parrapport à l’optimum de premier rang, causée par la présence des individusde type H, que l’assureur ne peut pas identifier.

5.4.3 Le risque moral

Dans le cas du risque moral, c’est une action du consommateur, que l’as-sureur ne peut pas observer, qui affecte sa probabilité d’accident. Nous sup-poserons que cet "effort” e possède les propriétés suivantes :

q = q(e), q′ < 0, q′′ > 0, lime→0

q(e) = q, lime→+∞

q(e) = 0.

Il est clair que cet effort comporte un coût pour le consommateur, que nousmodéliserons de la façon la plus simple possible comme :

ce, c > 0,

où le coût de l’effort est exprimé en unités d’utilité. Avec l’assurance l’espé-rance de l’utilité du consommateur est donné par :

EU(.) = q(e)U(w − A+ S − pS) + (1− q(e))U(w − pS)− ce.

Lorsque l’assureur peut observer e, c’est comme s’il pouvait en choisir lavaleur (nous verrons une formalisation semblable lorsque nous traiterons lathéorie des contrats au Chapitre 8). La condition de zéro espérance de profitsest toujours donnée par :

EΠ = q(e)S − pS = 0.

Page 25: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.4. SÉLECTION ADVERSE ET RISQUE MORAL 225

L’assureur va donc choisir le niveau de e le plus élevé qui soit compatibleavec la rationalité individuelle du consommateur, ce qui veut dire qu’il fixerae tel que :

q(e∗∗)U(w −A+ (1− p)S) + (1− q(e∗∗))U(w − pS)− ce∗∗

≥ max{e}

q(e)U(w −A) + (1− q(e))U(w)− ce,

où le côté droit de l’inégalité est le niveau d’utilité que le consommateurobtiendrait sans assurance (et, évidemment, lorsque c’est lui qui choisit leniveau de e). La CPO qui définit implicitement le niveau optimal de elorsque le consommateur n’a pas d’assurance est donné par :

q′(e0)U(w − A)− q′(e0)U(w)− c = 0,

ce qui implique que

e0 = q′−1(

c

U(w − A)− U(w)

).

Il suit que l’assureur fixe e et p en conformité avec les deux équations :

EΠ = q(e∗∗)S − pS = 0,

q(e∗∗)U(w −A+ (1− p)S) + (1− q(e∗∗))U(w − pS)− ce∗∗

− (q(e0)U(w − A) + (1− q(e0))U(w)− ce0) = 0.

La première condition implique que le niveau d’assurance choisi par le consom-mateur est donné par la solution au problème :

max{S}

q(e∗∗)U(w − A+ (1− q(e∗∗))S) + (1− q(e∗∗))U(w − q(e∗∗)S)− ce∗∗,

dont la CPO correspondante est :

q(e∗∗)(1− q(e∗∗))U ′(w −A+ (1− q(e∗∗))S∗∗)−(1− q(e∗∗))q(e∗∗)U ′(w − q(e∗∗)S∗∗) = 0.

Ceci implique (lorsque le consommateur ne choisit pas e) que :

S∗∗ = A.

Il suit que le niveau d’effort choisi par l’assureur sera défini implicitementpar :

U(w − q(e∗∗)A)− ce∗∗ −(q(e0)U(w −A) + (1− q(e0))U(w)− ce0

)= 0.

Page 26: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

226 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Lorsque l’assureur ne peut pas observer e, par contre, c’est le consommateurqui choisi son niveau.

En optimisant par rapport à (S, e), on obtient les deux CPO :

∂EU(.)∂S

= q(e∗)(1− p)U ′(w − A+ (1− p)S∗)− p(1− q(e∗))U ′(w − pS∗) = 0;∂EU(.)∂e

= q′(e∗)U(w − A+ (1− p)S∗)− q′(e∗)U(w − pS∗)− c = 0..

w

w A−

(0)w q A−

( )w q e A∗∗−

(1 ( ))pente=

( )q e

q e

∗∗

∗∗

−− (1 (0))

pente=(0)

q

q

−−

F��. 5.9 — Risque moral : Choix d’un niveau d’effort "anti-risque" sous-optimal, et niveau de revenu inférieur à celui sous l’optimum de premierrang

La condition de zéro espérance de profits, encore une fois, implique queq(e∗) = p. Substituant dans la première condition donne alors :

S∗ = A.

Une substitution dans la deuxième condition nous donne :

∂EU(.)

∂e= q′(e∗)U(w − q(e∗)A)− q′(e∗)U(w − q(e∗)A)− c,

ce qui implique∂EU(.)

∂e= −c < 0.

Page 27: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.5. LES “CITRONS” D’AKERLOF 227

Il clair que n’importe quelle valeur de e∗ mène à une relation négative entrele niveau de e et le bien-être du consommateur. Il sera donc optimal pour luide choisir le niveau minimal de e, soit e∗ = 0. Il en découle que

q(e∗) = q(0) = q.

La conséquence du risque moral sur le marché de l’assurance est donc la sui-vante : le niveau d’effort du consommateur pour réduire le risque d’accidentsera inférieur au niveau optimal e∗∗. Dans l’exemple présenté ici, on arriveà une situation où, en présence de risque moral, le consommateur choisitun niveau d’effort nul. Il suit que le risque moral entraîne une déviation parrapport à l’optimum social. En termes concrets, les consommateurs sont par-faitement assurés dans les deux cas (avec et sans risque moral), mais commeillustré à la Figure 5.9, le niveau de consommation w − q(0)A qu’obtientle consommateur dans les deux états de la nature est inférieur à celui qu’ilobtiendrait en absence de risque moral (w − q(e∗∗)A).

5.5 Les “citrons” d’Akerlof

Pourquoi les marchés dans les PED fonctionnent-ils moins bien que dansles pays riches ? Pourquoi sont-ils moins “épais” ? Pourquoi, parfois, disparaissent-ils complètement ? Une possibilité est que le degré d’asymétrie d’informationy est très élevé, peut-être à cause du manque de réglementation qui existe,par contre, dans les pays riches. Le modèle sous-jacent, celui des "citrons"d’Akerlof

5.5.1 Un modèle général

Soit θ ∈ [0, θ] la qualité “objective” du produit et p son prix. L’utilité duvendeur est décrite par la fonction d’utilité suivante UV = UV (θd, p) avecUVp > 0,UVθ > 0, et avec d = 1 si le vendeur garde le produit et d = 0 s’ille vend. Si le vendeur garde le produit en sa possession (et donc ne le vendpas), nous écrirons son utilité comme :

UV = UV (θ, 0).

S’il vend le produit, par contre, nous écrirons :

UV = UV (0, p).

La valeur pour l’acheteur est de UA = UA(θ, p), avec UAp < 0 et UAθ > 0.Nous supposerons également que, si la transaction n’a pas lieu, l’utilité de

Page 28: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

228 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

l’acheteur est donnée par : UA(0, 0) = 0. Évidemment, pour qu’il existe desgains potentiels à l’échange, nous supposerons que :

∃ p > 0 tel que UA(θ, p) � UA(0, 0), UV (0, p) � UA(θ, 0) .

C’est-à-dire, qu’en situation d’information parfaite (où la qualité du produitserait connue par l’acheteur), il existe un prix strictement positif pour leproduit tel que l’acheteur a intérêt à acheter et le vendeur a intérêt à vendre.

La qualité du produit est, bien sur, connue par le vendeur. L’acheteur, parcontre, ne connaît pas la qualité du produit mais sait que celle-ci est décritepar une distribution probabiliste f(θ) sur l’intervalle [0, θ]. L’acheteur connaîtaussi les préférences du vendeur.

On pourrait croire que l’espérance de l’utilité de l’acheteur est simplementdonné par l’expression suivante :

E[UA(θ, p)

]=

∫ θ

0

UA(θ, p)f(θ)dθ,

ce qui représente l’espérance inconditionnelle de l’utilité de l’acheteur, oùnous intégrons sur l’ensemble du support de la densité f(θ). Le problème est,si le vendeur met le produit sur le marché, que la borne d’intégration n’estplus θ. Pourquoi ? Parce que l’acheteur sait très bien que le vendeur ne seséparera du produit que lorsque son utilité en vendant est supérieure à sonutilité en gardant le produit, ce qui revient à l’inégalité suivante :

UV (0, p) � UV (θ, 0).

Si nous dénotons par UV −1(.) (UV −1(.) :U → θ) l’inverse partielle, par rap-port au premier argument de UV (., .), de la fonction d’utilité du vendeur,cette inégalité revient à :

UV −1(UV (0, p)

)� UV −1

(UV (θ, 0)

)= θ,

où il semble raisonnable de supposer que

UV −1(UV (0, p)

)= θ∗(p) ≤ θ.

La borne supérieure d’intégration du problème de l’acheteur est donc donnéepar θ∗(p). Réécrivons la toute première inégalité comme une égalité (lorsquenous remplaçons θ par la valeur “limite” θ∗ = θ∗(p) = UV −1

(UV (0, p)

)) :

UV (0, p)− UV (θ∗, 0) = 0.

Appliquons maintenant le Théorème fondamental de la statique comparée(Recette 7) afin trouver la relation qui existe entre la borne supérieure

Page 29: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.5. LES “CITRONS” D’AKERLOF 229

sur la qualité du produit conforme avec la décision du vendeur de vendre leproduit et le prix de celui-ci :

dθ∗

dp= −

∂∂p

(UV (0, p)− UV (θ∗, 0)

)

∂∂θ∗

(UV (0, p)− UV (θ∗, 0)),

ce qui peut se réécrire comme :

dθ∗

dp= −

UVp (0, p)

−UVθ (θ∗, 0)=

UVp (0, p)

UVθ (θ∗, 0)

> 0.

L’implication de cette dérivée est claire : la borne supérieure sur la qualitédu produit, lorsque celui-ci est mis sur le marché par le vendeur, est unefonction croissante du prix. Il suit qu’un prix élevé signale un produit dehaute qualité, tandis qu’un prix faible signale un produit de faible qualitéou, en d’autres termes, que l’espérance de la qualité du produit, conditionnelsur le fait que celui-ci soit mis sur le marché, est une fonction croissantedu prix. Ceci découle directement de l’expression qui nous donne la valeurespérée de la qualité du produit (conditionnel sur le fait que celui-ci est misen vente) :

E [θ| θ � θ∗(p)] =

∫ θ∗(p)

0

θf(θ)dθ.

En intégrant par partie, nous obtenons :

E [θ| θ ≤ θ∗(p)] = [θF (θ)]θ∗(p)0 −

∫ θ∗(p)

0

F (θ)dθ = θ∗(p)F (θ∗(p))−∫ θ∗(p)

0

F (θ)dθ.

Différentions maintenant par rapport au prix. Nous obtenons :

∂E [θ| θ ≤ θ∗(p)]

∂p=

∂p

(

θ∗(p)F (θ∗(p))−∫ θ∗(p)

0

F (θ)dθ

)

.

La règle de Leibnitz nous permet d’écrire

∂p

(∫ θ∗(p)

0

F (θ)dθ

)

=dθ∗(p)

dpF (θ∗(p)) =

UVp (0, p)

UVθ (θ∗, 0)

F (θ∗(p)).

Il suit que :

∂E [θ| θ ≤ θ∗(p)]

∂p

=UVp (0, p)

UVθ (θ∗, 0)

︸ ︷︷ ︸dθ∗(p)dp

F (θ∗(p)) + θ∗(p)f(θ∗(p))UVp (0, p)

UVθ (θ∗, 0)

︸ ︷︷ ︸dθ∗(p)dp

−UVp (0, p)

UVθ (θ∗, 0)

︸ ︷︷ ︸dθ∗(p)dp

F (θ∗(p)),

Page 30: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

230 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

et que nous pouvons donc écrire :

∂E [θ| θ ≤ θ∗(p)]

∂p= θ∗(p)f(θ∗(p))

UVp (0, p)

UVθ (θ∗, 0)

> 0.

Donc l’espérance de la qualité du produit lorsque celui-ci est mis sur le marchéest une fonction croissante de son prix.

Étudions maintenant les conditions qui pourraient garantir qu’un échangeaura lieu. Deux conditions devront être satisfaites :

(i)E[UA(θ, p)

]=

∫ θ∗(p)

0

UA(θ, p)f(θ)dθ � UA(0, 0) = 0;

(ii)UV (0, p) � UV (θ, 0).

La première condition nous dit que l’espérance de l’utilité de l’acheteur(conditionnelle sur le fait que le produit est mis en vente) lorsqu’il achètedevra être supérieure à son utilité lorsqu’il n’achète pas. La deuxième condi-tion nous dit que l’utilité du vendeur lorsqu’il vend devra être supérieure àson utilité lorsqu’il ne vend pas.

Définissons les deux variables suivantes : soit pV (θ) la valeur minimale duprix qui inciterait le vendeur à vendre ; soit pA la valeur maximale du prixcompatible avec un achat de la part de l’acheteur potentiel. Ces deux valeurscritiques du prix du produit sont évidemment définies implicitement par lesdeux équations suivantes :

E[UA

(θ, pA

)]=

∫ θ∗(pA)

0

UA(θ, pA

)f(θ)dθ = UA(0, 0) = UA;

UV(0, pV

)− UV (θ, 0) = 0.

Remarquons que le prix pV (θ) est une fonction croissante de la qualité θdu produit car, par une application directe du Théorème fondamental de lastatique comparée (Recette 7) :

dpV

dθ= −

∂∂θ

(UV

(0, pV

)− UV (θ, 0)

)

∂∂pV

(UV

(0, pV

)− UV (θ, 0)

) = −−UVθ (θ, 0)

UVp (θ, 0)> 0.

Pouvons-nous garantir que pA ≥ pV (θ), ce qui impliquerait qu’il existe unintervalle non vide de prix tels que l’échange aura lieu ? La réponse, évidem-ment, est “non”, et si pA < pV (θ) aucune transaction n’aura lieu malgré notrehypothèse de départ de gains potentiels à l’échange en situation d’informa-tion complète. Remarquons que la “mesure” de l’intervalle des valeurs de laqualité du produit compatible avec l’échange est donnée par

max[0, pA − pV (θ)

]

Page 31: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.5. LES “CITRONS” D’AKERLOF 231

et qued

(pA − pV (θ)

)= −U

Vθ (θ, 0)

UVp (θ, 0)< 0.

Il suit qu’il est parfaitement possible qu’il existe une valeur critique de laqualité du produit, que nous dénoterons par θ∗∗, tel que, ∀θ ∈ [θ∗∗, θ], l’in-tervalle de prix compatibles avec l’échange est donné par l’ensemble nul. Enrésumé, nous aurons un marché pour des biens dont la qualité appartientà l’intervalle [0, θ∗∗], tandis que pour des biens dont la qualité est compriseentre θ∗∗ et θ, aucune transaction ne sera possible.

5.5.2 Exemple paramétrique des citrons d’Akerlof

Afin de fixer les idées, prenons un exemple paramétrique concret. SoitUV = vθd+p, UA = aθd−p, et supposons que θ est distribuée selon la densitéuniforme sur l’intervalle [0, 2]. Nous appellerons aθ les “gains” de l’acheteurlorsqu’il achète le produit. Notre hypothèse sur l’existence de gains potentielsà l’échange correspond à la restriction suivante sur les paramètres :

UV (0, p)︸ ︷︷ ︸p

≥ UV (θ, 0)︸ ︷︷ ︸vθ

⇔ p � vθ

UA (θ, p)︸ ︷︷ ︸aθ−p

≥ UA(0, 0)︸ ︷︷ ︸UA

⇔ p � aθ

ce qui correspond à la condition a ≥ v (nous imposerons une condition plusforte, purement technique : a > 2v, qui est plus que compatible avec desgains à l’échange). Nous obtenons donc immédiatement pV = vθ. Nous allonsmaintenant calculer la valeur de pA. Pour commencer, nous devons trouverla valeur “limite” θ∗(p). Comme cette valeur est définie implicitement par lacondition UV (0, p) − UV (θ∗, 0) = 0, nous obtenons immédiatement θ∗(p) =v−1p. Nous pouvons maintenant évaluer l’intégrale en question. L’espérancedes gains de l’acheteur sont donnés par :

∫ v−1p

0

aθdθ

2=[a4θ2]v−1p

0=

a

4v2p2.

Pour que l’acheteur soit indifférent entre acheter et ne pas acheter, nouspouvons alors définir la valeur pA qui satisfait l’égalité :

a

4v2(pA)2 − pA =

( a

4v2pA − 1

)pA = 0.

Page 32: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

232 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

La valeur critique du prix pour l’acheteur est donc donnée (en écartant lasolution nulle qui provient simplement de la paramétrisation du problème)par :

pA =4v2

a.

Il suit que, pour les produits dont la qualité est telle que pV > pA, il n’existepas de prix compatible avec l’échange. Cette condition nous donne :

pV = vθ >4v2

a= pA,

ce qui implique qu’il n’y aura pas de marché pour les produits dont la qualitéest supérieure à :

θ∗∗ =4v

a.

(Notre condition technique garantit que θ∗∗< 2)La morale de l’histoire estclaire. Pour des produits dont la qualité est comprise entre 0 et θ∗∗, il yaura un marché, tandis que pour des produits dont la qualité est compriseentre θ∗∗ et 2, le marché disparaîtra. Le problème d’asymétrie d’informationa pour conséquence donc de limiter les échanges à un marché de biens defaible qualité.

5.6 Les paysans et la diversification du risque

De nombreux problèmes auxquels sont confrontes les paysans dans lespays en développement correspondent, techniquement à un problème de choixde portefeuille. Considérons un ménage paysan qui opère dans une zone agro-climatique où deux cultures différentes sont possibles. Nous normaliserons leprix de chaque culture à 1 et nous supposerons que les rendements par hectaredes deux cultures, dénotés par x1 et x2, peuvent être représentées par une dis-tribution normale bivariée. Nous écrirons (x1, x2) ∼ N (µ1, µ2, σ

21, σ

22, ρ). Sup-

posons que les préférences du paysan soient de la forme négative-exponentielle

U(.) = − exp {− (c1(x1 + d1) + c2(x2 + d2) + d3)} .

Le paysan dispose d’une surface cultivable totale de T hectares qu’il doitallouer entre une surface T sous la culture 1 et T − T sous la culture 2. L’es-pérance de l’utilité du paysan dans ce cas est donné par la double intégralesuivante :

Page 33: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.6. LES PAYSANS ET LA DIVERSIFICATION DU RISQUE 233

E[U(.)] = −∫ +∞−∞

∫ +∞−∞ exp {− (c1(x1 + d1) + c2(x2 + d2) + d3)} f (x1, x2) dx2dx1

= − 1

2πσ1σ2√1−ρ2

×∫ +∞−∞

∫ +∞−∞

exp {− (c1(x1 + d1) + c2(x2 + d2) + d3)}

exp

− 12(1−ρ2)

(x1−µ1σ1

)2

−2ρ(x1−µ1σ1

)(x2−µ2σ2

)

+(x2−µ2σ2

)2

dx2dx1

En appliquant la Recette 15, on remarque donc que l’espérance de l’utilitédu paysan est donnée par :

E[U(.)] = − exp{−(

c1 (µ1 + d1) + c2 (µ2 + d2) + d3

− c21σ21+2ρc1c2σ1σ2+c

22σ

22

2

)}.

ce qui nous donne

E[U(.)] = − exp{−(

µ1T + µ2(T − T )

−σ21T2+2ρσ1σ2T (T−T )+σ22(T−T )2

2

)}

Nous pouvons évidemment simplifier la fonction objectif en prenant unetransformationmonotone croissante. En prenant moins le logarithme de moinsl’espérance de l’utilité, on obtient alors la fonction objective :

− ln (−E[U(.)]) = µ1T + µ2(T − T )

−σ21T

2 + 2ρσ1σ2T (T − T ) + σ22(T − T )2

2

Considérons maintenant la condition de premier ordre qui correspond à lamaximisation de cette fonction par rapport à la surface T :

µ1 − µ2 −2σ21T + 2ρσ1σ2(T − 2T )− 2σ22(T − T )

2= 0.

Ceci implique que

T ∗ =µ1 − µ2 + (σ

22 − ρσ1σ2) T

σ21 − 2ρσ1σ2 + σ22,

T − T ∗ =µ2 − µ1 + (σ

21 − ρσ1σ2) T

σ21 − 2ρσ1σ2 + σ22

Page 34: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

234 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

[− ln (−E[U(.)])]T=T = µ1T − σ212T 2

[− ln (−E[U(.)])]T=0 = µ2T − σ222T 2

∂T∗

∂ρ= ∂

∂ρ

(µ1−µ2+(σ22−ρσ1σ2)T

σ21−2ρσ1σ2+σ22

)

= 2σ1σ2

T(σ21−2ρσ1σ2+σ22)2

[(µ1T − σ21

2T 2)−(µ2T − σ22

2T 2)]

Plusieurs cas de figure se présentent, dépendant des relations qui relient lesmoyennes de la distribution, les variances de la distribution, ainsi que lacorrélation entre les deux variables aléatoires.

Ex 1 : µ1 = µ2 = µ, σ1 = σ2 = σ, ρ ∈ [−1, 1]T ∗ = T

2, ∀ ρ

Ex 2 : µ1 > µ2 = µ, σ1 = σ2 = σ, ρ ∈ [−1, 1]T ∗ = µ1−µ2

2(1−ρ)σ2 +T2> T

2

ρ > 1−(µ1−µ2σ2T

)⇒ T ∗ = T

Ex 3 : µ1 = µ2 = µ, σ1 < σ2, ρ ∈ [−1, 1]⇒ σ21 − 2ρσ1σ2 + σ22 > 0, σ22 − ρσ1σ2 > 0

T ∗ =σ22−ρσ1σ2

σ21−2ρσ1σ2+σ22T > T

2, ∀ ρ

ρ > σ1σ2⇒ T ∗ = T

5.7 Le Théorème Fondamental du Risque

Le Théorème fondamental du risque de Rothschild et Stiglitz Rothschildet Stiglitz 1970 est l’un des outils les plus puissants de l’économie de l’in-certain. Comme nous le verrons au chapitre 14, il est également intimementlié au concept de la dominance Lorenz. Son intérêt est double : première-ment, il permet de caractériser le changement dans le comportement dans denombreuses expressions couramment rencontrées en économie de l’incertainpar rapport au degré de risque de l’environnement. Deuxièmement, il permetde comprendre comment de nombreux phénomènes reliés aux modèles avecagents hétérogènes varient lorsque cette hétérogénéité change. La deuxièmedéclaration peut paraître étrange dans la mesure où le lien entre représen-tation de l’incertitude et représentation de l’hétérogénéité interindividuellen’est peut-être pas évidente de prime abord. La correspondance le devient,par contre, lorsque l’on réalise que l’outil de base, dans les deux cas, est ladensité probabiliste : tout outil technique servant à l’analyse du premier peutdonc être appliqué au deuxième et vice versa.

L’énoncé du théorème est le suivant :

Page 35: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.7. LE THÉORÈME FONDAMENTAL DU RISQUE 235

Théorème fondamental du risque (Rothschild et Stiglitz, 1970) :Considérons une augmentation dans le risque dans le sens de Rothschild etStiglitz (1970) (Recette 19) :

(i)∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx = 0, (ii)∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx � 0, y ∈ [y, y],

et soit une expression de la forme :

Q =

∫ y

y

q(y)f(y, ρ)dy.

Alors :signe [Qρ] = signe [q′′(y)] .�

La démonstration procède comme suit. Considérons une expression de la

forme :

Q =

∫ y

y

q(y)f(y, ρ)dy.

En différenciant par rapport au paramètre d’accroissement dans le risque deRothschild et Stiglitz (Recette 11), nous obtenons

Qρ =∂

∂ρ

(∫ y

y

q(y)f(y, ρ)dy

)

=

∫ y

y

q(y)fρ(y, ρ)dy.

Intégrant par parties, nous obtenons :

Qρ = [q(y)Fρ(y, ρ)]yy −

∫ y

y

q′(y)Fρ(y, ρ)dy.

En évaluant cette expression, on obtient

Qρ = q(y)Fρ(y, ρ)︸ ︷︷ ︸=0

−q(y)Fρ(y, ρ)︸ ︷︷ ︸=0

−∫ y

y

q′(y)Fρ(y, ρ)dy,

où les éléments qui s’annulent proviennent du fait que

F (y, ρ) = 1− F (0, ρ) = 1, ∀ρ,

dont il découle queFρ(y, ρ) = Fρ(0, ρ) = 0.

Page 36: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

236 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Ceci implique que

Qρ = −∫ y

y

q′(y)Fρ(y, ρ)dy.

Une application de la Règle de la Recette 12 nous permet d’écrire :

Fρ(y, ρ) =∂

∂y

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)

.

En intégrant par parties, il suit que nous pouvons écrire :

Qρ = −[

q′(y)

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)]y

y

+

∫ y

y

q′′(y)

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)

dy.

L’évaluation de cette expression donne

Qρ = −q′(y)(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=0

+q′(y)

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=0

+

∫ y

y

q′′(y)

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)

dy,

où la première expression à droite de l’égalité s’annule par la première condi-tion intégrale. Il suit que

Qρ =

∫ y

y

q′′(y)

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)

dy. (5.9)

Comme la deuxième condition intégrale nous dit que∫ yyFρ(x, ρ)dx � 0, il

suit que le signe de Qρ et donné par la signe de q′′(y).1

1Notons que les conditions complémentaires suivantes sont nécessaires pour établir ladernière ligne de la démonstration : ∃ A,B ∈ R+ tel que

limy→y

q′(y) < A, limy→y

q′(y) < B.

Si ces conditions n’étaient pas satisfaites, il se pourrait que le terme[

q′(y)

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)]y

y

ne s’annule pas, et que nous aurions, par exemple, le produit de zéro et de plus l’infini (ceserait le cas, par exemple, si lim

y→y

q′(y) = +∞).

Page 37: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.7. LE THÉORÈME FONDAMENTAL DU RISQUE 237

5.7.1 Application 1. Espérance de l’utilité

L’application la plus évidente de ce Théorème relève de l’évaluation del’espérance de l’utilité d’un agent économique, et le changement dans cette es-pérance lorsque le risque de la distribution qui décrit son revenu, par exemple,augmente. Dans ce cas, la fonction q(.) n’est autre que la fonction d’utilitéU(.) de l’agent, y représente son revenu, et f(y, ρ) la distribution probabilistede son revenu. Nous pouvons alors écrire l’espérance de l’utilité de l’agentcomme :

E[U(y)] =

∫ y

y

U(y)f(y, ρ)dy.

Comme nous supposons habituellement que l’agent est riscophobe et queU ′′(.) � 0, il suit, par une application immédiate du Théorème, que l’es-pérance de l’utilité de l’agent diminue lorsque la distribution de son revenudevient plus risquée (c.-à-d., lorsque augmente ρ) :

signe

[∂E[U(y)]

∂ρ

]= signe

[∂

∂ρ

(∫ y

y

U(y)f(y, ρ)dy

)]

= signe [U ′′(.)] .

En mot, ce résultat nous dit que si un agent économique riscophobe a le choixentre deux distributions dont les moyennes sont égales, il préférera toujoursla distribution dont le risque, dans le sens de Rothschild et Stiglitz, est pluspetit.

5.7.2 Application 2. Allocation du revenu entre un ac-tif risqué et un actif non-risqué

Considérons le cas d’un consommateur qui doit allouer son revenu Wentre deux actifs dont le prix unitaire est de 1. Le premier actif, que noussupposerons non-risqué, donne un rendement r constant. Le deuxième actifdonne un rendement aléatoire y distribué selon la densité f(y, ρ) sur l’inter-valle [y, y]. L’agent économique en question doit allouer son revenu entre lesdeux actifs de telle sorte qu’il maximise l’espérance de son utilité. Si l’agentalloue une somme α à l’actif risqué, son revenu à la deuxième période seradonné par αy, tandis que la part de son revenu allouée à l’actif non-risqué(W − α) lui donnera (W − α)r. Du point de vue algébrique son problèmed’optimisation revient alors à choisir la partie optimale α de son revenu qu’ilallouera à l’actif risqué. Nous pouvons alors écrire son problème d’optimisa-tion comme suit :

max{α}

∫ y

y

U(αy + (W − α)r)f(y, ρ)dy.

Page 38: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

238 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

En ré-arrangeant les termes dans cette dernière expression nous pouvons alorsécrire le problème comme :

max{α}

∫ y

y

U (α(y − r) + rW ) f(y, ρ)dy.

La CPO qui défini implicitement l’investissement optimal dans l’actif risqué,dénoté par α∗, est évidemment donnée par :

∫ y

y

(y − r)U ′ (α∗(y − r) + rW ) f(y, ρ)dy = 0.

Nous supposerons que nous avons une solution intérieure (α ∈ (0, 1)), ce quisera assuré par la condition :

∫ y

y

yf(y, ρ)dy > r,

ce qui veut dire que l’espérance du rendement de l’actif risqué est strictementsupérieur au rendement de l’actif non-risqué. Remarquons que nous suppo-serons également que l’agent ne peut pas allouer une “somme négative” àl’actif risqué (concept de “short-sell”).

La question que nous posons maintenant est de savoir comment l’allo-cation optimale de l’agent changera lorsque la distribution de l’actif risquésubit un étalement à moyenne constante. En termes algébriques, nous voulonsdonc évaluer le signe de l’expression dα∗/dρ .Par une application directe duThéorème fondamental de la statique comparée (Recette 7), nous pouvonsécrire :

dα∗

dρ= −

∂∂ρ

(∫ yy(y − r)U ′ (α∗(y − r) + rW ) f(y, ρ)dy

)

∂∂α∗

(∫ yy(y − r)U ′ (α∗(y − r) + rW ) f(y, ρ)dy

) .

Comme nous avons supposé une solution intérieure, le dénominateur re-présente la CSO et sera donc négatif. Il suit que le signe de dα∗/dρ est donnépar le signe du numérateur. Par une application directe du Théorème fonda-mental du risque de Rothschild et Stiglitz, nous savons donc que :

signe

[dα∗

]= signe

[∂2

∂y2((y − r)U ′ (α∗(y − r) + rW ))

],

car (y−r)U ′ (α∗(y − r) + rW ) représente la fonction q(y) du Théorème. Nousdifférentions donc notre numérateur deux fois par rapport à la variable aléa-toire y :

∂y((y − r)U ′ (α∗(y − r) + rW ))

= U ′ (α∗(y − r) + rW ) + α∗(y − r)U ′′ (α∗(y − r) + rW )

Page 39: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.7. LE THÉORÈME FONDAMENTAL DU RISQUE 239

∂2

∂y2((y − r)U ′ (α∗(y − r) + rW ))

= α∗(

2U ′′ (α∗(y − r) + rW )+α∗(y − r)U ′′′ (α∗(y − r) + rW )

)

ce qui implique que

signe

[dα∗

]= signe [α∗ (2U ′′(.) + α∗(y − r)U ′′′(.))] .

Remarquons que la dérivée du coefficient d’aversion absolue au risque parrapport à la richesse est donnée par :

∂W

(−U

′′ (α∗(y − r) + rW )

U ′ (α∗(y − r) + rW )

)= −rU

′′′(.)U ′(.)− U ′′(.)U ′′(.)

[U ′(.)]2

= r

((U ′′(.)

U ′(.)

)2− U ′′′(.)

U ′(.)

)

.

5.7.3 Application 3. La prime de risque

Rappelons que la prime de risque est définie implicitement par la valeurp qui satisfait l’égalité suivante :

∫ y

y

U(y)f(y, ρ)dy = U

(∫ y

y

yf(y, ρ)dy − π

)

= U (µ− π) .

Par le Théorème fondamental de la statique comparée (Recette 7), nouspouvons écrire :

dp

dρ= −

∂∂ρ

(∫ yyU(y)f(y, ρ)dy − U (µ− π)

)

∂∂p

(∫ yyU(y)f(y, ρ)dy − U (µ− π)

) .

Une application directe du Théorème fondamental du risque de Rothschildet Stiglitz nous permet d’écrire, pour le numérateur :

∂ρ

(∫ y

y

U(y)f(y, ρ)dy − U (µ− π)

)

=∂

∂ρ

(∫ y

y

U(y)f(y, ρ)dy

)

� 0,

car la fonction d’utilité est supposée concave, tandis que pour le dénomina-teur

∂p

(∫ y

y

U(y)f(y, ρ)dy − U (µ− π)

)

= U ′ (µ− π) > 0.

Page 40: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

240 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Il suit, comme le numérateur est négatif et le dénominateur est positif (etnous avons un “-” devant le tout) que :

dρ� 0.

Pour un consommateur riscophobe, ce résultat semble éminemment raison-nable du point de vue intuitif : plus le risque est élevé et plus grande sera laprime que l’agent sera disposé à payer afin de se protéger contre le risque enquestion.

Nous avions déjà vu un exemple paramétrique de ce phénomène à lasection 5.3.1, où, pour une fonction d’utilité négative exponentielle et unevariable aléatoire dont la densité était donnée par la normale, nous avionstrouvé une prime de risque égale à π = θσ2/2. Attention, cependant, à iden-tifier une augmentation dans le risque avec une augmentation de la variance :nous verrons que la correspondance n’est pas parfaite à la section 5.9.2.

5.7.4 Fonction d’offre et incertitude

Sandmo 1971, Fafchamps 1992, Finkelshtain et Chalfant 1991, Saha 1994,Sadoulet et DeJanvry 1995, Chapitre 5.

5.7.5 Attention aux bornes d’intégration

Une erreur commune dans l’application du Théorème fondamental durisque concerne les bornes d’intégration. Remarquez que le Théorème s’ap-plique à des expressions de la forme Q =

∫ yyq(y)f(y, ρ)dy. Par contre, on

fera parfois face à des expressions de la forme

Q =

∫ z

y

q(y)f(y, ρ)dy, (5.10)

où z ∈ [y, y). Dans ces cas, le Théorème ne tient plus. Afin de voir pourquoi,intégrons par parties l’équation (5.10). On obtient :

Q = [q(y)F (y, ρ)]zy−∫ z

y

q′(y)F (y, ρ)dy

= q(z)F (z, ρ)− q(y)F (y, ρ)︸ ︷︷ ︸

=0

−∫ z

y

q′(y)F (y, ρ)dy,

Page 41: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.7. LE THÉORÈME FONDAMENTAL DU RISQUE 241

et donc

Q = q(z)F (z, ρ)−∫ z

y

q′(y)F (y, ρ)dy.

En intégrant par parties à nouveau, on obtient

Q = q(z)F (z, ρ)−

[

q′(y)

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)]z

y

−∫ z

y

q′′(y)

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)

dy

,

ce qui donne

Q = q(z)F (z, ρ)− q′(z)

(∫ z

y

F (x, ρ)dx

)

+q′(y)

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=0

+

∫ z

y

q′′(y)

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)

dy,

et finalement

Q = q(z)F (z, ρ)− q′(z)

(∫ z

y

F (x, ρ)dx

)

+

∫ z

y

q′′(y)

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)

dy.

Prenons maintenant la dérivée par rapport à ρ. Par la Règle de Leibnitz(Recette 11) :

Qρ =

[

q(z)F ρ(z, ρ)− q′(z)

(∫ z

y

Fρ(x, ρ)dx

)]

+

∫ z

y

q′′(y)

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)

dy.

Par rapport à l’expression obtenu dans l’équation (5.9) deux différences ap-paraissent. Premièrement, le terme entre crochets est nouveau. Dans la dé-monstration du Théorème, ce terme disparaissait car, avec z = y,

Fρ(y, ρ) = 0 et∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx = 0.

Deuxièmement, la borne supérieure dans la deuxième intégrale est z et nonplus y. Cette différence dans la borne supérieure d’intégration (les mêmesremarques s’appliquent à la borne inférieure) peut avoir des conséquences

Page 42: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

242 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

importantes. A titre d’exemple, considérons notre illustration habituelle entermes de la fonction d’utilité négative-exponentielle et la distribution nor-male. Par la Recette 14, nous savons que

E [U(x)] =

∫ +∞

−∞[− exp {−x}] 1√

2πσexp

{

−(x− µ)2

2σ2

}

dx

= − exp{−µ+σ

2

2

}

Par contre, si la borne supérieure d’intégration n’est plus +∞ mais z, onobtient :

E [U(x) | x � z] =

∫ z

−∞[− exp {−x}] 1√

2πσexp

{

−(x− µ)2

2σ2

}

dx(5.11)

= − exp{−µ+σ

2

2

}[1 + erf

(z − µ+ σ2√

)]. (5.12)

En prenant les dérivées par rapport à σ, on obtient

∂E [U(x)]

∂σ= −σ exp

{−µ+ σ2

2

}� 0

tandis que

∂E [U(x) | x � z]

∂σ= − 1√

πexp

{−µ+ σ2

2

−(z−µ+σ2√

)2}[√

2−(z − µ+ σ2√

)]

−σ2exp

{−µ+ σ2

2

}[1 + erf

(z − µ+ σ2√

)],

dont le signe est indéterminé à cause du terme√2− z−µ+σ2√

2σ.

5.8 Représentations du risque

Différence entre les deux représentations de l’incertitude : impact d’uneaugmentation dans le risque sur l’effort optimal d’un agent.

5.8.1 Représentation par densité paramétrisée

Supposons que y ∼ f(y, e, ρ) avec y ∈ [y, y]. Le problème d’optimisationd’un agent est donné par

max{e}

E [U(y)] = max{e}

∫ y

y

U(y)f(y, e, ρ)dy − ω(e).

Page 43: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.8. REPRÉSENTATIONS DU RISQUE 243

La CPO qui défini implicitement le niveau d’effort optimal est donnée par∫ y

y

U(y)fe(y, e∗, ρ)dy − ω′(e∗).

En intégrant par parties, cette CPO devient

[U(y)Fe(y, e∗, ρ)]yy −

∫ y

y

U ′(y)Fe(y, e∗, ρ)dy − ω′(e∗) = 0.

Comme F (y, e∗, ρ) = 1− F (y, e∗, ρ) = 1 ∀ e, Fe(y, e∗, ρ) = Fe(y, e∗, ρ) = 0. Il

suit que la CPO peut se réécrire :

−∫ y

y

U ′(y)Fe(y, e∗, ρ)dy − ω′(e∗) = 0.

Par différenciation implicite (Recette 7) on obtient alors

de∗

dρ=

∫ yyU ′(y)Feρ(y, e

∗, ρ)dy∫ y

y

U(y)fee(θ, e∗, ρ)dy − ω′′(e∗)

︸ ︷︷ ︸CSO<0

,

dont le signe dépend de celui de Feρ(y, e∗, ρ). Prenons notre exemple avec ladensité normale, où nous savons que

F (y, e, ρ) = F (y, e, σ) =1

2erf

[x− µ√2σ

].

On a donc

Feσ(y, e, σ) =σ2 − (x− µ)2√

2πσ4exp

{

−(x− µ)2

2σ2

}

,

dont le signe est indéterminé.

5.8.2 Représentation “classique”

θ ∼ g(θ, ρ) avec θ ∈ [θ, θ], et soit la fonction de production y = k(θ, e),avec ke(θ, e) > 0, kee(θ, e) < 0, kθ(θ, e) > 0. Le problème d’optimisation del’agent est donné par

max{e}

E [U(y)] = max{e}

∫ y

y

U(k(θ, e))g(θ, ρ)dθ − ω(e).

Page 44: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

244 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Le choix optimal de l’effort est donné par∫ y

y

U ′(k(θ, e∗))ke(θ, e∗)g(θ, ρ)dθ − ω′(e∗) = 0.

Par différenciation implicite (Recette 7) on obtient :

de∗

dρ= −

∫ yyU ′(k(θ, e∗))ke(θ, e

∗)gρ(θ, ρ)dθ∫ y

y

[U ′′(k(θ, e∗)) [ke(θ, e

∗)]2 + U ′(k(θ, e∗))kee(θ, e∗)]g(θ, ρ)dθ − ω′′(e∗)

︸ ︷︷ ︸CSO<0

Théorème de la transformation d’une variable aléatoire

5.9 Risque et variance

Il est courant en microéconomie de l’incertain de confondre risque etvariance, car la seconde apparaît comme une illustration facile de la première.Cette correspondance est moins que parfaite, cependant, et il faudra faire trèsattention à la différence entre les deux.

5.9.1 Un étalement à moyenne constante augmente tou-jours la variance

Considérons une augmentation dans le risque dans le sens de Rothschildet Stiglitz 1970, définie par les deux conditions intégrales habituelles :

(i)∫ y

y

Fρ(y, ρ)dy = 0, (ii)∫ x

y

Fρ(y, ρ)dy � 0,∀x ∈[y, y

].

Rappelons que la condition (i) garantit la constance de la moyenne (voirChapitre 2, discussion suivant la Recette 19). La variance est définie par

σ2 =

∫ y

y

(y − µ)2f(y, ρ)dy.

En intégrant par parties, on peut écrire

σ2 =[(y − µ)2F (y, ρ)

]yy− 2

∫ y

y

(y − µ)F (y, ρ)dy

= (y − µ)2 − 2∫ y

y

(y − µ)F (y, ρ)dy.

Page 45: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.9. RISQUE ET VARIANCE 245

Intégrons à nouveau par parties, en utilisant laRecette 12(F (y) = d

dy

(∫ yyF (x, ρ)dx

)):

σ2 = (y−µ)2−2

[

(y − µ)

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)]y

y

−∫ y

y

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)

dy

.

En évaluant, on obtient (en se souvenant, voir chapitre 2, discussion suite àla Recette 19, que µ = y −

∫ yyF (x, ρ)dx) :

σ2 = (y− µ)2 − 2

(y − µ)

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=y−µ

− (y − µ)

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=0

−∫ yy

(∫ yyF (x, ρ)dx

)dy

.

et donc

σ2(ρ) = 2

∫ y

y

(∫ y

y

F (x, ρ)dx

)

dy − (y − µ)2. (5.13)

Prenons maintenant la dérivée par rapport à ρ :

dσ2(ρ)

dρ= 2

∫ y

y

(∫ y

y

Fρ(x, ρ)dx

)

︸ ︷︷ ︸�0

dy,

où le signe de∫ yyFρ(x, ρ)dx provient de la deuxième condition intégrale. Il

suit que :dσ2(ρ)

dρ= 2

∫ y

y

∫ y

y

Fρ(x, ρ)dxdy � 0, (5.14)

et qu’une augmentation dans le risque dans le sens de Rothschild et Stiglitzaugmentera toujours la variance de la variable aléatoire.

5.9.2 Une augmentation dans la variance n’augmentepas nécessairement le risque de la distribution

Le contraire n’est pas vrai, c.-à-d., une augmentation dans la variancen’implique pas nécessairement une augmentation dans le risque dans le sensde Rothschild et Stiglitz. Un contre-exemple est facile à construire. Considé-rons une situation où la moyenne reste constante, soit

∫ y

y

Fρ(y, ρ)dy = 0.

Page 46: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

246 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Soit m ∈ (y, z), z � y, avec∫ myFρ(y, ρ)dy < 0 et

∫ zmFρ(y, ρ)dy � 0. Alors

nous pouvons réécrire la dérivée de la variance par rapport au paramètred’accroissement dans le risque comme :

dσ2(ρ)

dρ= 2

∫ y

y

(∫ z

y

Fρ(x, ρ)dx

)

dy

= 2

∫ y

y

(∫ m

y

Fρ(x, ρ)dx+

∫ z

m

Fρ(x, ρ)dx

)

dy.

Il suit que dσ2(ρ)dρ

� 0 implique simplement que∫ myFρ(x, ρ)dx �

∫ zmFρ(x, ρ)dx,

et nous avons ∫ m

y

Fρ(x, ρ)dx < 0, m ∈ [y, y],

ce qui est incompatible avec la deuxième condition intégrale qui définit unaccroissement dans le risque dans le sens de Rothschild et Stiglitz.

5.10 Étalement à moyenne et variance constantes

5.10.1 Constance de la variance

Nous allons maintenant paramétriser la densité de la variable aléatoire yde telle sort qu’une augmentation dans le paramètre en question ne changeni la moyenne, ni la variance, mais change ce que l’on appelle le “downsiderisk”. Dénotons le paramètre en question par δ et la famille de densité quisont ainsi paramétrisées par f(y, δ). La constance de la moyenne sera, commepour le cas de la dominance stochastique de second ordre, garantie par

∫ y

y

Fδ(y, δ)dy = 0.

Considérons maintenant l’expression pour la variance de la variable aléatoireque nous avons dérivée à l’équation (5.13), et où nous prenons soins de rem-placer le ρpar δ.

σ2 (δ) = 2

∫ y

y

(∫ y

y

F (x,δ)dx

)

dy − (y − µ)2.

Par la même procédure que précédemment, nous pouvons calculer la dérivéede la variance par rapport à δ (voir équation (5.14)) :

dσ2(δ)

dδ= 2

∫ y

y

∫ y

y

Fρ(x,δ)dxdy.

Page 47: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.11. THÉORÈME FONDAMENTAL DU “DOWNSIDE RISK” 247

Il est alors évident que la variance sera invariante par rapport à un change-ment dans δ lorsque ∫ y

y

∫ y

y

Fρ(x,δ)dxdy = 0. (5.15)

Nous pouvons maintenant présenter la définition de la dominance stochas-tique de troisième ordre. La dominance stochastique de troisième ordre estdéfinie par les trois conditions intégrales suivantes :

Définition (Etalement à moyenne et à variance constantes) :Un étalement à moyenne et à variance constantes est défini par les troisconditions intégrales suivantes :

(i)∫ y

y

Fδ(x, δ)dx = 0 (moyenne constante) ;

(ii)∫ y

y

∫ y

y

Fρ(x,δ)dxdy = 0 ((i) et (ii)⇒ variance constante) ;

(iii)∫ z

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy � 0, ∀ z ∈ [y, y].�

La première condition assure que la moyenne de la distribution reste in-changée suite à l’augmentation dans le paramètre δ. La deuxième condition,combinée avec la première, assure que la variance reste inchangée. La troi-sième condition définit une augmentation dans le “downside risk”.2

5.11 Théorème fondamental du “downside risk”

Comme pour le Théorème fondamental du risque de Rothschild et Stiglitz,la dominance stochastique de troisième ordre donne un résultat très utilepour un nombre important d’applications en microéconomie. Considéronsune expression de la forme :

Q =

∫ y

y

q(z)f(z, δ)dz,

2On peut évidemment définir des étalements où les trois, quatre, cinq (ou plus) premiersmoments sont invariants. Le nombre de conditions sera égale au degré de dominancestochastique et le nombre d’intégrales dans la dernière condition sera égale au degré dedominance stochastique moins un.

Page 48: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

248 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

où δ représente le paramètre d’accroissement dans le “downside risk” deMenezes, Geiss, et Tressler 1980.

Théorème (Menezes, Geiss et Tressler, 1980) :

signe [Qδ] = signe [−q′′′(z)] .�

La démonstration est semblable à celle du Théorème fondamental du risquede Rothschild et Stiglitz, sauf que nous ferons face à des intégrations par par-ties supplémentaires. La dérivée par rapport au paramètre d’accroissementdans le “downside risk” de Menezes, Geiss et Tressler est donné, en intégrantpar parties, par :

Qδ =∂Q

∂δ=

∫ y

y

q(z)f δ(z, δ)dx = [q(z)Fδ(z, δ)]yy

︸ ︷︷ ︸=0

−∫ y

y

q′(z)Fδ(z, δ)dz,

où l’expression entre crochets est nulle car 1 − F (y, δ) = F (0, δ) = 0 ∀δ,impliquant que

Fδ(y, δ) = Fδ(0, δ) = 0.

Ceci mène à une première expression intermédiaire pour Qδ :

Qδ = −∫ y

y

q′(z)Fδ(z, δ)dz.

Remarquons maintenant, par la Recette 12, que nous pouvons écrire :

Fδ(z, δ) =∂

∂z

(∫ z

y

Fδ(x, δ)dx

)

.

En intégrant par parties, nous pouvons alors écrire :

Qδ = −[

q′(z)

(∫ z

y

Fδ(x, δ)dx

)]y

y

+

∫ y

y

q′′(z)

(∫ z

y

Fδ(x, δ)dx

)

dz,

ce qui, en évaluant, donne

Qδ = −q′(y)(∫ y

y

Fδ(x, δ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=0

+ q′(y)

(∫ y

y

Fδ(x, δ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=0

+

∫ y

y

q′′(z)

(∫ z

y

Fδ(x, δ)dx

)

dz,

Page 49: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.11. THÉORÈME FONDAMENTAL DU “DOWNSIDE RISK” 249

où nous avons utilisé la première condition intégrale pour annuler le premierterme à droite de l’égalité. Ceci nous permet d’écrire :

Qδ =

∫ y

y

q′′(z)

(∫ z

y

Fδ(x, δ)dx

)

dz.

Une seconde application de la Recette 12 nous permet d’écrire :3

∫ z

y

Fδ(z, δ)dz =∂

∂z

(∫ z

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy

)

En intégrant une dernière fois par partie, nous obtenons :

Qδ =

[

q′′(z)

∫ z

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy

]y

y

−∫ y

y

q′′′(z)

(∫ z

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy

)

dz.

L’évaluation de cette expression donne :

Qδ = q′′(y)

(∫ y

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy

)

︸ ︷︷ ︸=0

− q′′(y)

(∫ y

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy

)

︸ ︷︷ ︸=0

−∫ y

y

q′′′(z)

(∫ z

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy

)

dz,

où le premier terme à droite de l’égalité s’annule par la deuxième conditionintégrale. Ceci qui nous permet d’écrire :

Qδ = −∫ y

y

q′′′(z)

(∫ z

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy

)

dz.

3Nous pouvons vérifier l’exactitude de l’expression qui suit en faisant directement ladifférentiation :

∂z

(∫ z

y

∫ y

y

Fδ(x, δ)dxdy

)

=∂z

∂z︸︷︷︸=1

(∫ z

y

Fδ(x, δ)dx

)

−∂y

∂z︸︷︷︸=0

(∫ y

y

Fδ(x, δ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=0

+

∫ z

y

∂z

(∫ y

y

Fδ(x, δ)dx

)

︸ ︷︷ ︸=0

dy

Page 50: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

250 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Comme la double intégrale∫ zy

∫ yyFδ(x, δ)dxdy est positive ou nulle par la

condition (iii), il suit que le signe de l’expression est donné par le signe de−q′′′(z).

Il est intéressant de remarquer que le signe de cette expression est indé-pendante du signe de la seconde (ainsi que de la première) dérivée de q(z). Sinous prenons l’exemple concret de l’aversion au risque d’un paysan, et dansce cas la fonction q(z) représente tout simplement sa fonction d’utilité, lerésultat tient que le paysan soit riscophobe ou riscophile. En fait, le résultattiendrait même si la fonction d’utilité du paysan était décroissante en z !

Qu’en est-il au niveau empirique pour les paysans dans les pays en déve-loppement ? Sur la base des chiffres que nous avons présenté ci-dessus concer-nant la mesure des paramètres des fonctions d’utilité des paysans....

5.11.1 Epargne de précaution

L’épargne de précaution offre une excellent illustration des applicationsdu Théorème fondamental du downside risk en action, mais également del’application du Théorème fondamental du risque de Rothschild et Stiglitz.Considérons le problème d’optimisation suivant

max{s}

U(k − s) + β

∫ y

y

U(y +Rs)f(y, ρ, δ)dy,

où k est le revenu de première période, s est son épargne de première pé-riode, et y est le revenu de second période supposé distribué selon la densitéf(y, ρ, δ).

−U ′(k − s∗) + βR

∫ y

y

U ′(y +Rs∗)f(y, ρ, δ)dy = 0.

Augmentation dans le risque de Rothschild et Stiglitz

ds∗

dρ= −

βR∫ yyU ′(y +Rs∗)fρ(y, ρ, δ)dy

U ′′(x− s∗) + βR2∫ y

y

U ′′(y +Rs∗)f(y, ρ, δ)dy

︸ ︷︷ ︸CSO<0

Page 51: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.11. THÉORÈME FONDAMENTAL DU “DOWNSIDE RISK” 251

∫ y

y

U ′(y +Rs∗)fρ(y, ρ, δ)dy = [U ′(y +Rs∗)Fρ(y, ρ, δ)]y

y︸ ︷︷ ︸

=0

−∫ y

y

U ′′(y +Rs∗)Fρ(y, ρ, δ)dy

∫ y

y

U ′(y +Rs∗)fρ(y, ρ, δ)dy = −∫ y

y

U ′′(y +Rs∗)Fρ(y, ρ, δ)dy

∫ y

y

U ′(y +Rs∗)fρ(y, ρ, δ)dy = −[

U ′′(y +Rs∗)

(∫ y

y

Fρ(z, ρ, δ)dz

)]y

y︸ ︷︷ ︸

=0

+

∫ y

y

U ′′′(y +Rs∗)

(∫ y

y

Fρ(z, ρ, δ)dz

)

dy

∫ y

y

U ′(y +Rs∗)fρ(y, ρ, δ)dy =

∫ y

y

U ′′′(y +Rs∗)

(∫ y

y

Fρ(z, ρ, δ)dz

)

︸ ︷︷ ︸�0

dy

signe

[ds∗

]= signe [U ′′′(y +Rs∗)] = signe

[∂2

∂y2U ′(y +Rs∗)

]

Downside risk

ds∗

dδ= −

βR∫ yyU ′(y +Rs∗)fδ(y, ρ, δ)dy

U ′′(x− s∗) + βR2∫ y

y

U ′′(y +Rs∗)f(y, ρ, δ)dy

︸ ︷︷ ︸CSO<0

∫ y

y

U ′(y +Rs∗)fδ(y, ρ, δ)dy =

∫ y

y

U ′′′(y +Rs∗)

(∫ y

y

Fδ(z, ρ, δ)dz

)

dy

∫ y

y

Fδ(z, ρ, δ)dz =∂

∂y

(∫ y

y

∫ x

y

Fδ(z, ρ, δ)dzdx

)

∫ y

y

U ′(y +Rs∗)fδ(y, ρ, δ)dy =

∫ y

y

U ′′′(y +Rs∗)

(∫ y

y

Fδ(z, ρ, δ)dz

)

dy

Page 52: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

252 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

∫ y

y

U ′(y +Rs∗)fδ(y, ρ, δ)dy =

[

U ′′′(y +Rs∗)

(∫ y

y

∫ x

y

Fδ(z, ρ, δ)dzdx

)]y

y︸ ︷︷ ︸

=0

−∫ y

y

U ′′′′(y +Rs∗)

(∫ y

y

∫ x

y

Fδ(z, ρ, δ)dzdx

)

dy

∫ y

y

U ′(y+Rs∗)fδ(y, ρ, δ)dy = −∫ y

y

U ′′′′(y+Rs∗)

(∫ y

y

∫ x

y

Fδ(z, ρ, δ)dzdx

)

︸ ︷︷ ︸�0

dy

signe

[ds∗

]= signe [−U ′′′′(y +Rs∗)] = signe

[− ∂3

∂y3U ′(y +Rs∗)

].

Le lecteur trouvera deux exercices en fin de chapitre où il s’agira d’étudierl’effet du downside risk sur (i) la prime de risque et (ii) le choix de porte-feuille (ces problèmes ressemble à ce que nous avons fait pour le risque à laRothschild et Stiglitz dans les sections XX.X et XX.X.

5.12 Lectures suggérées

Pour le Théorème fondamental du risque de Rothschild-Stiglitz, il estencore trés utile de consulter l’article original (Rothschild et Stiglitz 1970).Pour l’aversion au risque des paysans, l’article de Binswanger et Siller (Binswangeret Sillers 1983) est, malgré ses vingt ans d’age, toujours un classique.

5.13 Exercices

Exercice 1. Considérez la fonction d’utilité quadratique U(π) = π− θπ2

et supposez que les variables aléatoires sont les mêmes que dans le texte.Quels seront les paysans qui adopterons la nouvelle technologie ? Quel res-triction faut-il imposer pour que votre raisonnement soit correct ?

Exercice 2. Un paysan a besoin d’une quantité aléatoire x d’un facteurde production ; x est distribué f(x) sur l’intervalle [0,+∞). Le paysan achèteune quantité x1 au coût x1 avant de savoir la réalisation de x. Après avoirappris la valeur de x, le paysan achète une quantité supplémentaire du facteurde production x − x1, au coût (x − x1)

2, si x − x1 > 0. Si x − x1 � 0, alorsle paysan n’en achète pas plus (le paysan ne peut pas revendre un excès dufacteur). Le paysan vise à minimiser l’espérance mathématique de la sommedes deux coûts. Supposez qu’il existe une famille de distributions f(x, ρ),

Page 53: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.13. EXERCICES 253

paramétrisées par ρ Nous écrirons donc f(x, ρ). Un accroissement dans ρreprésente un étalement à moyenne constante de la distribution f(x, ρ).

(i) Pour x1 fixe, montrez qu’un étalement à moyenne constante dans ladistribution de x affecte négativement le bien-être du paysan (pas de calculnécessaire, faites un dessin).

(ii) Votre réponse dans (i) change-t-elle si x1 est choisi de façon optimale ?Pourquoi ?

(iii) Soit x∗1 le choix optimal de x1. Calculez dx∗1/dρ.Exercice 3. Considérez la situation d’un agriculteur qui considère s’il

devrait participer au marché du travail. S’il ne participe pas, son utilité estdonnée par 0. S’il choisit de participer, son utilité est donnée par

W (y, l; θ) = u(y)− v(l; θ) = wl − θl2

2,

où y est le revenu réel du paysan, w est le salaire réel du paysan, l estle nombre d’heures de travail du paysan, et θ paramétrise chaque paysan ;θg est distribué sur l’intervalle [0,+∞) selon la densité f(θ, ρ), ρ étant leparamètre d’accroissement du risque de Rothschild-Stiglitz. Considérez unesolution interne au problème d’optimisation du paysan (les solutions de coinsne nous concernent pas).

(i) Écrivez la fonction d’offre du travail pour un paysan,ls = ls(w; θ).(ii) Écrivez l’équation qui défini le type de paysan limite, θ∗, qui est juste

indifférent entre participer au marché du travail et ne pas participer.(iii) Écrivez la fonction d’offre de travail agrégée, Ls(.) (attention à la

borne supérieure d’intégration).Supposez maintenant qu’il existe une fonction de demande agrégée pour

la main-d’oeuvre donnée par Ld = Ld(w), et nous avons ∂∂wLd(w) < 0.

(iv) Écrivez l’équation qui définit le salaire d’équilibre, w∗.(v) Étudiez l’effet sur le salaire d’équilibre d’un étalement à moyenne

constante dans la distribution f(θ, ρ) (c’est à dire, dw∗/dρ).Exercice 4. Des paysans dans un PED contemplent de produire une nou-

velle variété de blé dont la production comporte des coûts fixes de produc-tion K lorsque la quantité produite, q, est strictement positive. Les paysanssont hétérogènes et sont paramétrisés par leur fonction de coûts variables,C(q, θ), où l’hétérogénéité θ est distribuée selon la densité f(θ, ρ) sur l’in-tervalle [θ, θ] ; ρ est le paramètre d’accroissement du risque de Rothschild etStiglitz. Les paysans opèrent dans un milieu compétitif où ils prennent le prixdu marché pour la nouvelle variété de blé, p, comme exogène. Vous suppo-serez que la fonction C(q, θ) est continûment différenciable et inversible, etque Cq > 0, Cqq > 0, Cθ > 0, Cθθ < 0. Les paysans maximisent leur profit,π = pq − C(q, θ).

Page 54: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

254 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

(i) Caractérisez la solution au problème d’optimisation d’un paysan quidéciderait de produire la nouvelle variété de blé.

(ii) Écrivez la définition du paysan “limite” qui est juste indifférent entreproduire la nouvelle variété de blé et ne pas la produire (vous supposerez queson profit lorsqu’il ne la produit pas est normalisé à zéro).

(iii) Montrez que la proportion de paysans qui décident de produire lanouvelle variété est croissante en .

(iv) Écrivez l’offre agrégée pour la nouvelle variété de blé.Supposez que la demande agrégée pour la nouvelle variété de blé est

donnée par D(p), Dp < 0.(v) Écrivez l’équation qui définit de façon implicite le prix d’équilibre, p∗,

dans le marché pour la nouvelle variété de blé.Considérez un étalement à moyenne constante dans l’hétérogénéité des

paysans, c’est à dire un augmentation dans ρ.(vi) Calculez l’expression pour l’effet de cet étalement à moyenne constant

sur le prix d’équilibre dans le marché du blé, dp∗/dρ.(vii) Démontrez que le signe de dp∗/dρ dépend du signe de ∂3π∗(p,θ)

∂q∂θ2.

Exercice 5. Supposez que la technologie de production du secteur agri-cole dans un PED peut être décrite par la fonction de production

q =

∫ θ

θ

θαf(θ, ρ)dθ,

où q est l’output, les intrants de chaque type de main d’œuvre (il y en aun continuum) sont indexés par θ, α > 1 est un paramètre, et le paramètreρ représente un “accroissement du risque” de la densité probabiliste f(θ, ρ)dans le sens de Rothschild et Stiglitz. Afin de simplifier le problème, noussupposerons que les profits du paysan sont donnés par

π =

∫ θ

θ

(θα − ω) f(θ, ρ)dθ − φ,

où φ représente les coûts fixes, et ω représente le salaire (commun) de chaqueunité de main d’œuvre. Les coûts fixes sont distribués à travers la populationde paysans selon la densité g(φ) (avec cumulativeG(φ)) sur l’intervalle

[φ, φ

].

L’unique décision auquel fait face le paysan est celui de produire ou non.Souvenez-vous aussi de la Recette 11.

(i) Écrivez l’expression pour la valeur critique de φ, que nous appelleronsφ∗, tel qu’un paysan est juste indifférent entre produire et ne pas produire.

(ii) Écrivez l’expression pour la production agricole agrégée.

Page 55: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.13. EXERCICES 255

Supposez maintenant que les paysans sont confrontés à une nouvelle tech-nologie agricole qui, techniquement, peut être décrite par une augmentationdans ρ.

(iii) Montrez que les paysans préfèrent la nouvelle technologie à l’ancienne.(iv) Écrivez et trouvez le signe de l’expression qui donne l’effet de l’adop-

tion de cette nouvelle technologie sur la production agricole agrégée.Exercice 6. Le gouvernement d’un PED considère d’introduire une nou-

velle technologie agricole dont la fonction de coûts moyens est donnée par

c(q)

q=

q

2λ−δ +

F

q

où q est l’output, où F représente les coûts fixes associés à l’adoption de lanouvelle technologie, où λ est la quantité de terre possédée par le paysan,et δ est un paramètre avec δ ∈ [0,+∞). Le fait que les coûts de productionsont une fonction décroissante de la propriété foncière du paysan découled’imperfections dans le marché du crédit qui réduisent les coûts associés aucrédit pour les paysans qui possèdent plus de terre et donc de collatéral.Supposez que le prix auquel est vendu le produit agricole est normalisé à 1.

(i) Posez le problème de maximisation des profits, et solutionnez pour lavaleur optimale de q que vous dénoterez par q∗.

Supposez que la propriété foncière est répartie de façon hétérogène parmiles paysans. Pour être plus précis, supposez que la propriété foncière estdistribuée g(λ) sur l’intervalle [0, λ]. La cumulative de g(λ) est donnée parG(λ).

(ii) Montrez qu’il existe une valeur critique de λ, que nous appelleronsλ∗, tel que le profit d’un paysan qui possède λ∗ hectares de terre est nul.

(iii) Supposez qu’un paysan adoptera la nouvelle technologie si sont profitest positif ou nul. Écrivez l’expression (très simple) qui donne la proportiondes paysans qui adopterons la nouvelle technologie (soyez précis). Illustrezvotre réponse graphiquement.

Supposez maintenant que le gouvernement décide d’intervenir dans le sec-teur agricole et subventionne les coûts fixes des paysans tel que tous décidentd’utiliser la nouvelle technologie.

Sur les 100 paysans de cette économie, 80 possèdent 0, 25 hectares (ha)et 20 possèdent 4 ha. Le gouvernement contemple une réforme agraire qui sepassera comme suit : les 20 paysans qui possèdent 4 ha se verront confisquer1 ha chaque. La superficie confisquée sera alors redistribuée équitablemententre les 80 paysans qui possèdent 0, 25 ha (c.-à-d., ils recevront 0, 25 hachacun). Remarquez que la taille moyenne d’une propriété, c.-à-d. 1 ha, nechangera pas.

Page 56: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

256 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

(iv) Quel est l’effet de cette réforme agraire sur la production agrégée ?Montrez qu’il y a trois cas à discuter, dépendant de la valeur de δ.

Quel principe général relié aux étalements à moyenne constante venez-vous d’utiliser ? Soyez concis.

Exercice 7. Considérez un paysan dont la vie dure deux périodes et dontla fonction d’utilité est donnée par la forme additive séparable

U(c1, c2) = u(c1) + δu(c2)

où u(.) est strictement croissant et strictement concave, et où δ dénote le tauxd’escompte psychologique. Le paysan dispose d’un revenu y à la premièrepériode, épargne s à la première période, et vit de cette épargne durant ladeuxième période. Les contraintes budgétaires sont donc données par y =c1 + s et c2 = sR , où le rendement sur l’épargne est donné par la variablealéatoire R, distribuée selon la densité f(R, ρ) sur l’intervalle [R, R] ; ρ dénotele paramètre d’accroissement dans le risque de Rothschild-Stiglitz. Dans cequi suit, vous utiliserez la notation suivante : s∗ = épargne optimale, U∗ =utilité du paysan à l’optimum.

(i) Trouvez la condition telle que l’épargne optimale du paysan est unefonction croissante du risque de la distribution f(R, ρ).

(ii) Calculez l’impact d’un accroissement dans le risque de la distributionf(R, ρ) sur l’utilité du paysan à l’optimum.

Exercice 8. Considérez un village dans un PED où la fonction de produc-tion agricole est donnée par q = θ

√eT , où e est l’effort fourni par l’exploitant,

T est la surface de terre cultivée et θ est une variable aléatoire distribuée selonla loi normale avec moyenne un et variance σ2. Les préférences des indivi-dus dans le village peuvent toutes être représentées par une fonction d’utiliténégative exponentielle de la forme :

U = − exp{−y + e

2

},

où y représente le revenu. Considérez un contrat où le paysan paiera aupropriétaire un loyer fixe égal à r par hectare. Le revenu du paysan est doncdonné par y = q − rT . Ceci n’est pas un problème du type principal-agent.

(i) Posez le problème d’optimisation du paysan qui ne possède pas deterre et qui choisit de façon optimale e et T . Solutionnez explicitement ceproblème ; vous dénoterez vos solutions par e1 et TD.

(ii) Posez le problème d’optimisation du propriétaire foncier qui disposed’une dotation de terre de taille T et qui décide de cultiver une surface T −Tlui-même et de donner T en location. Solutionnez explicitement ce problèmeen dénotant la solution par e2 et T − TS.

Page 57: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.13. EXERCICES 257

Considérez maintenant l’équilibre général de cette économie. Il y a Mpropriétaires fonciers qui détiennent chacun T unités de terre, et N paysansdont la dotation en terre est nulle. La dotation agrégée de terre est doncdonnée par Λ = MT , tandis que la population totale est donnée par P =M +N .

(iii) Solutionnez pour le taux de location d’équilibre, que vous dénoterezpar r∗.

(iv) Calculez l’effet sur la production agricole agrégée (Q) d’une augmen-tation dans la variance de θ, ainsi que d’une augmentation dans la dotationagrégée de terre.

Exercice 9. Soit w le salaire d’un paysan, où w est une variable aléatoire,w ∼ f(w, ρ), avec w ∈ [0, w], où fest la densité et ρ est le paramètre d’ac-croissement dans le risque de Rothschild et Stiglitz. Le problème auquel faitface le paysan se passe sur deux périodes. Le paysan ne recevra son salairequ’en deuxième période, et devra donc emprunter un montant B en premièrepériode pour financer sa consommation. La fonction d’utilité du paysan estdonnée par la forme paramétrique suivante :

U (c1, c2; γ, β) =1

1− γ(c1)

1−γ + β1

1− γ(θ + c2)

1−γ , γ > 0, γ �= 1,

et où β et θ sont des paramètres. Le problème du paysan est de maximiser l’es-pérance de son utilité assujettie aux deux contraintes budgétaires suivantes,où r représente le taux d’intérêt (qui est supposé exogène) :

max{c1,c2}

E [U (c1, c2; γ, β, θ, ρ)]

s.c. c1 = B

c2 = w − (1 + r)B

Attention ! Ceci n’est pas un problème de contrainte de crédit. Dans ce quisuit, vous supposerez que le paramètre θ est suffisamment grand pour que

θ + w − (1 + r)B∗ > 0, ∀ w, B∗, r.

(i) Posez soigneusement le problème d’optimisation du paysan.(ii ) Carac-térisez l’emprunt optimal du paysan. Dans ce qui suit, ce choix optimalsera dénoté par B∗(w, r, γ, β, θ, ρ). Remarquez que les valeurs optimales desconsommations en première et en seconde périodes pourront également êtreécrites

c∗1(w, r, γ, β, θ, ρ), c∗2(w, r, γ, β, θ, ρ).

(iii) Montrez qu’une augmentation dans ρ (c.-à-d. qu’un étalement à moyenneconstante dans la distribution du salaire du paysan) diminuera l’emprunt

Page 58: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

258 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

optimal du paysan.(iv) Trouvez le signe de

dE [U (c∗1(.), c∗2(.); γ, β, θ, ρ)]

.(v) Facultatif.. ! Supposez maintenant que θ = 0. Répondez aux questions(i) à (iv).

Exercice 10. Considérez un paysan dont l’output peut être représentépar une variable aléatoire y, distribuée selon la densité probabiliste f(y, x, ρ)sur l’intervalle [0, y]. La variable x représente l’input, tandis que ρ représentele paramètre d’accroissement dans le risque de Rothschild et Stiglitz. Voussupposerez que Fx(y, x, ρ) < 0 (dominance stochastique de premier ordre),Fxx(y, x, ρ) > 0, où F (y, x, ρ) représente la densité cumulative. Vous suppo-serez également que Fxρ(y, x, ρ) > 0. Le problème d’optimisation du paysanest très simple et sa solution est définie par

x∗ = argmax{x}

E[Π],

où E[.] représente l’espérance mathématique, et où Π = py − c(x), avec ple prix de l’output et c(x) le coût de l’input. Vous supposerez que c′(x) >0, c′′(x) > 0. Prouvez que dx∗/dρ < 0.

Considérez maintenant une spécification un peu différente où l’output seratoujours représenté par la variable aléatoire y, mais cette fois-ci distribuéeselon la densité probabiliste sur l’intervalle [0, y]. Vous supposerez

Fµ(y, µ, ρ) < 0, Fµµ(y, µ, ρ) > 0, Fµρ(y, µ, ρ) < 0;

en outre, µ est bien la valeur moyenne de la variable aléatoire y, c.-à-d. :

µ ≡∫ y

0

yf(y, µ, ρ)dy.

La fonction objectif du paysan est donnée maintenant par Π = py− c(y), oùvous supposerez

c(0) = 0, c′(y) > 0, c′′(y) > 0.

Le problème d’optimisation du paysan est celui de choisir la valeur moyennede l’output qui maximisera l’espérance de son profit :

µ∗ = argmax{µ}

E[Π].

Prouvez que dµ∗/dρ < 0 (vous supposerez que la CSO tient strictement).

Page 59: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.13. EXERCICES 259

Exercice 11. De nombreux programmes de stabilisation des prix ont étémis en place dans le domaine agricole dans les pays en développement pourtenter de réduire l’incertitude à laquelle font face les paysans. Cette questionvous aidera à comprendre si ces initiatives sont raisonnables ou non.

Considérez un paysan dont la technologie de production est décrite parla fonction de coût

C(q), C ′(q) > 0, C ′′(q) > 0,

où q représente l’output. Le paysan fait face à un prix de l’output qui estreprésenté par la variable aléatoire p, distribuée selon la densité f(p, ρ) sur[0, p] ; ρ représente le paramètre d’accroissement dans le risque de Rothschild-Stiglitz. Le paysan maximise sont profit (π = pq−C(q)), et choisit la quantitéproduite après la réalisation de la variable aléatoire p. Vous dénoterez lafonction d’offre par q∗(p) et la fonction de profit par π∗(p)

L’impact de la mise en place d’un programme de stabilisation sera dediminuer ρ.

Supposez que le paysan est neutre au risque. Écrivez l’espérance de l’uti-lité ex ante du paysan (c.-à-d., avant la réalisation de p) en sachant qu’ilchoisira de façon optimale q après la réalisation de p. Montrez que le paysansera contre la mise en place d’un programme de stabilisation. Donnez uneinterprétation de ce résultat en termes de l’un des résultats standards de lathéorie du producteur.

Supposez maintenant que le paysan est riscophobe, avec fonction d’uti-lité :

U(π), U ′(π) > 0, U ′′(π) < 0.

Montrez que le paysan sera en faveur du programme de stabilisation si soncoefficient d’aversion absolue au risque satisfait l’inégalité suivante :

−U′′(π)

U ′(π)>

∂q∗(p)/∂p

[q∗(p)]2.

Donnez une interprétation intuitive de ce résultat.Exercice 12. Considérez un paysan qui est neutre au risque et qui

doit emprunter un montant D afin de financer les intrants nécessaires àsa production. Son output est décrit par une variable aléatoire θ distri-buée selon la densité probabiliste f(θ,D, ρ) sur [0, θ] où ρ est le paramètred’accroissement dans le risque de Rothschild et Stiglitz, et où nous posonsFD(θ,D, ρ) < 0 (F (θ,D, ρ) représente la fonction de répartition, soit la pri-mitive de f(θ,D, ρ)). Les profits du paysan sont donnés par π = θ−(1+ i)D,où i représente le taux d’intérêt sur l’emprunt. Lorsque π ≥ 0, le paysan estcapable de rembourser son prêt, alors que lorsque π < 0, le paysan est en état

Page 60: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

260 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

de banqueroute et ne peut pas rembourser (il garde l’output qu’il a produit).L’espérance des profit du paysan s’écrit :

Eπ =

∫ θ

θ∗(θ − (1 + i)D)f(θ,D, ρ)dθ +

∫ θ∗

0

θf(θ,D, ρ)dθ,

où θ∗ = (1 + i)D représente la valeur “limite” de la réalisation de θ. (Vousaurez besoin, pour les questions (i) et (ii), de la Règle de Leibnitz, de la diffé-renciation implicite, de l’intégration par parties, et des conditions intégralesqui définissent un étalement à moyenne constante.)

Caractérisez l’emprunt optimal du paysan, que vous dénoterez par D∗ =D∗(1 + i, ρ).

(ii) Étudiez l’impact sur D∗(1 + i, ρ)d’un accroissement dans le risquede f(θ,D, ρ) (c.-à-d., calculez dD∗(1 + i, ρ)/dρ), et donnez la condition quipermet de déterminer son signe.

Le marché du crédit dans le pays en question est fortement réglementé,et le gouvernement fixe un taux d’intérêt 1 + i. L’espérance des profits Π duprêteur est donnée par

EΠ =

∫ θ

θ∗((1 + i)− (1 + r))D∗(1 + i, ρ)f(θ,D, ρ)dθ,

où 1 + r est le coût d’opportunité du capital pour le prêteur.Étudiez l’impact d’un accroissement dans le risque de f(θ,D, ρ) sur EΠ.Supposez maintenant que le gouvernement décide de libéraliser le marché

du crédit, et que le prêteur se trouve en situation de monopole vis à vis del’emprunteur, avec pleine liberté de choisir le taux d’intérêt qui maximiseEΠ.

Étudiez l’impact d’un accroissement dans le risque de f(θ,D, ρ) sur EΠ.

5.14 Esquisses de réponses aux exercices

Exercice 5.2. Le plus difficile, c’est de bien écrire la fonction objectif,qui se présente comme suit :

E[C(.)] = x1 +

∫ +∞

x1

(x− x1)2 f(x, ρ)dx.

(i) La dérivée que vous cherchez est la suivante :

∂E[C(.)]

∂ρ=

∂ρ

(x1 +

∫ +∞

x1

(x− x1)2 f(x, ρ)dx

)

=

∫ +∞

x1

(x− x1)2 fρ(x, ρ)dx,

Page 61: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.14. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 261

pour x1 fixe. En intégrant par parties, vous obtenez

∫ +∞

x1

(x− x1)2 fρ(x, ρ)dx =

[(x− x1)

2 Fρ(x, ρ)]+∞x1︸ ︷︷ ︸

=0

−∫ +∞

x1

2 (x− x1)Fρ(x, ρ)dx

= −∫ +∞

x1

2 (x− x1)Fρ(x, ρ)dx.

En intégrant une deuxième fois par parties, vous obtenez :

∂E[C(.)]

∂ρ= −

∫ +∞

x1

2 (x− x1)Fρ(x, ρ)dx

= −[2 (x− x1)

∫ x

0

Fρ(z, ρ)dz

]+∞

x1︸ ︷︷ ︸=0

+ 2

∫ +∞

x1

(∫ x

0

Fρ(z, ρ)dz

)dx,

ce qui nous donne :

∂E[C(.)]

∂ρ= 2

∫ +∞

x1

(∫ x

0

Fρ(z, ρ)dz

)

︸ ︷︷ ︸� 0

dx ≥ 0.

Donc une augmentation dans le risque de la distribution de x augmente bienl’espérance du coût du producteur.

(ii) Non, rien ne change. La raison est simple : le Théorème de l’Enveloppe.(iii) Le choix optimal de x1 est caractérisé implicitement par la solution

au problème suivant :

min{x1}

x1 +

∫ +∞

x1

(x− x1)2 f(x, ρ)dx.

La CPO correspondante est :

1−∫ +∞

x∗1

2 (x− x∗1) f(x, ρ)dx = 0,

où x∗1 dénote la valeur optimale de x1. La dérivée que nous cherchons est

dx∗1dρ

= −∂∂ρ

(1−

∫ +∞x∗1

2 (x− x∗1) f(x, ρ)dx)

∂x∗1

(

1−∫ +∞

x∗1

2 (x− x∗1) f(x, ρ)dx

)

︸ ︷︷ ︸CSO>0

.

Page 62: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

262 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Il suit que

signe

[dx∗1dρ

]= signe

[

− ∂

∂ρ

(

1−∫ +∞

x∗1

2 (x− x∗1) f(x, ρ)dx

)]

.

Prenons la dérivée :∫ +∞

x∗1

2 (x− x∗1) fρ(x, ρ)dx = [2 (x− x∗1)Fρ(x, ρ)]+∞x∗1︸ ︷︷ ︸

=0

− 2∫ +∞

x∗1

Fρ(x, ρ)dx

= −2∫ +∞

x∗1

Fρ(x, ρ)dx.

La deuxième condition intégrale de la définition de la dominance stochastiquede second ordre est

∫ x′

0

Fρ(x, ρ)dx ≥ 0 ∀x′ ∈ [0,+∞).

Nous pouvons réécrire cette expression comme∫ +∞

0

Fρ(x, ρ)dx−∫ +∞

x′Fρ(x, ρ)dx ≥ 0.

Mais la première condition intégrale est∫ +∞0

Fρ(x, ρ)dx = 0. Donc

∫ +∞

x′Fρ(x, ρ)dx � 0

et il suit que

−2∫ +∞

x∗1

Fρ(x, ρ)dx � 0.

Exercice 5.3. (i) Le solution au problème du paysan est :

ls(w, θ) = wθ−1 = argmax{l}

(wl − θ

l2

2

).

La fonction objectif, évaluée à l’optimum, est égale à :

w2

2θ.

Comme cette expression est toujours positive ou nulle ∀θ ∈ [0,+∞), tousles paysans choisiront de participer au marché du travail.

Page 63: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.14. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 263

(iii)

Ls(.) =

∫ +∞

0

ls(w, θ)f(θ, ρ)dθ = w

∫ +∞

0

θ−1f(θ, ρ)dθ.

(iv)

Ld(w∗)− w∗∫ +∞

0

θ−1f(θ, ρ)dθ = 0.

Notez que θ−1 est une fonction convexe de θ car

∂2

∂θ2(θ−1

)=

∂θ

(∂

∂θ

(θ−1

))=

∂θ

(−θ−2

)= 2θ−3 ≥ 0.

Par Rothschild et Stiglitz, il suit que ∂Ls(.)/∂ρ � 0.(v)

dw∗

dρ= −

ddρ

(Ld(w∗)− w∗

∫ +∞0

θ−1f(θ, ρ)dθ)

ddw∗

(Ld(w∗)− w∗

∫ +∞0

θ−1f(θ, ρ)dθ)

=

�0︷ ︸︸ ︷d

(w∗

∫ +∞

0

θ−1f(θ, ρ)dθ

)

d

dw∗

(Ld(w∗)− w∗

∫ +∞

0

θ−1f(θ, ρ)dθ

)

︸ ︷︷ ︸<0

� 0.

Exercice 5.4. (i) La solution au problème d’optimisation est

q∗(p, θ) = argmax{q}

π = argmax{q}

pq − C(q, θ)

où la valeur optimale est définie implicitement par la CPO :

p− Cq(q∗, θ) = 0.

(ii) Le profit à l’optimum :π∗(p, θ) = pq∗(p, θ) − C(q∗(p, θ), θ) − K. Lepaysan limite est donc caractérisé par la valeur θ∗ telle que

π∗(p, θ∗) = pq∗(p, θ∗)− C(q∗(p, θ∗), θ∗)−K = 0.

(iii) Proportion des paysans qui décident de produire la nouvelle variété :∫ θ∗0f(θ, ρ)dθ = F (θ∗, ρ). Il s’agit donc de calculer

dF (θ∗, ρ)

dp= f(θ∗, ρ)

dθ∗

dp.

Page 64: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

264 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Par différenciation implicite de l’expression de la partie (ii) :

dθ∗

dp= −

∂∂p(pq∗(p, θ∗)− C(q∗(p, θ∗), θ∗)−K)

∂∂θ∗

(pq∗(p, θ∗)− C(q∗(p, θ∗), θ∗)−K)

=q∗(p, θ∗)

Cθ(q∗(p, θ∗), θ∗)

= −π∗q(p, θ

∗)

π∗θ(p, θ∗)� 0.

(iv)

Q =

∫ θ∗(p)

0

q∗(p, θ)f(θ, ρ)dθ.

(v)

D(p∗)−∫ θ∗(p∗)

0

q∗(p∗, θ)f(θ, ρ)dθ = 0.

(vi) Par différenciation implicite de l’équation précédente :

dp∗

dρ= −

∂∂ρ

(D(p∗)−

∫ θ∗(p∗)0

q∗(p∗, θ)f(θ, ρ)dθ)

∂∂p∗

(D(p∗)−

∫ θ∗(p∗)0

q∗(p∗, θ)f(θ, ρ)dθ) .

Pour le dénominateur, établir le signe est simple :

∂p∗

(

D(p∗)−∫ θ∗(p∗)

0

q∗(p∗, θ)f(θ, ρ)dθ

)

= Dp(p∗)

︸ ︷︷ ︸<0

− ∂θ∗(p∗)

∂p∗︸ ︷︷ ︸�0

q∗(p∗, θ∗(p∗))f(θ∗(p∗), ρ)−∫ θ∗(p∗)

0

∂q∗(p∗, θ)

∂p∗︸ ︷︷ ︸�0

f(θ, ρ)dθ < 0;

pour le numérateur, les choses sont moins claires. Intégrons par parties deuxfois l’offre agrégée :∫ θ∗(p∗)

0

q∗(p∗, θ)f(θ, ρ)dθ = q∗(p∗, θ∗(p∗))F (θ∗(p∗), ρ)−∫ θ∗(p∗)

0

∂q∗(p∗, θ)

∂θF (θ, ρ)dθ

= q∗(p∗, θ∗(p∗))F (θ∗(p∗), ρ)

−∂q∗(p∗, θ∗(p∗))

∂θ

(∫ θ∗(p∗)

0

F (z, ρ)dz

)

+

∫ θ∗(p∗)

0

∂2q∗(p∗, θ)

∂θ2

(∫ θ

0

F (z, ρ)dz

)dθ.

Page 65: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.14. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 265

La dérivée par rapport à ρ est alors donnée par :

∂ρ

(∫ θ∗(p∗)

0

q∗(p∗, θ)f(θ, ρ)dθ

)

= q∗(p∗, θ∗(p∗))Fρ(θ∗(p∗), ρ)

︸ ︷︷ ︸?

−∂q∗(p∗, θ∗(p∗))

∂θ

(∫ θ∗(p∗)

0

Fρ(z, ρ)dz

)

︸ ︷︷ ︸�0

+

∫ θ∗(p∗)

0

∂2q∗(p∗, θ)

∂θ2

(∫ θ

0

Fρ(z, ρ)dz

)

︸ ︷︷ ︸�0

dθ.

Le signe de cette expression sera déterminé par deux choses : ∂q∗(p∗,θ)∂θ

et ,ainsi que par leur grandeur relative (notez que Fρ(θ

∗(p∗), ρ) peut être positifou négatif, dépendant de la valeur de θ∗(p∗) par rapport à la valeur moyennede θ). En faisant le calcul, on a (par différenciation implicite de la CPO en(i)) :

∂q∗(p∗, θ)

∂θ= −

∂∂θ(p− Cq(q

∗, θ))∂∂q∗

(p− Cq(q∗, θ))

= −Cqθ(q∗, θ)

Cqq(q∗, θ);

∂2q∗(p∗, θ)

∂θ2= − ∂

∂θ

(Cqθ(q

∗, θ)

Cqq(q∗, θ)

)

= −Cqθθ(q∗, θ)Cqq(q

∗, θ)− Cqθ(q∗, θ)Cqqθ(q

∗, θ)

[Cqq(q∗, θ)]2 ,

dont les éléments Cqθθ(q∗, θ)et Cqqθ(q∗, θ) correspondent effectivement à desdérivées tierces de la fonction de profit.

Exercice 5.5. (i)

φ∗ =

∫ θ

θ

(θα − ω) f(θ, ρ)dθ.

(ii)

Q =

∫ φ∗

φ

(∫ θ

θ

θαf(θ, ρ)dθ

)

g(φ)dφ.

Page 66: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

266 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

(iii)∂π

∂ρ=

∂ρ

(∫ θ

θ

(θα − ω) f(θ, ρ)dθ

)

� 0

car θα − ω convexe en θ, par Rothschild-Stiglitz.(iv)

∂Q

∂ρ=

∂ρ

[∫ φ∗

φ

(∫ θ

θ

θαf(θ, ρ)dθ

)

g(φ)dφ

]

=∂φ∗

∂ρ︸︷︷︸�0

(∫ θ

θ

θαf(θ, ρ)dθ

)

g(φ∗) +

∫ φ∗

φ

(∫ θ

θ

θαfρ(θ, ρ)dθ

)

︸ ︷︷ ︸�0

g(φ)dφ ≥ 0,

où ∂φ∗

∂ρ= ∂π

∂ρ� 0 par la réponse à la partie (iii) et

∫ θθθαfρ(θ, ρ)dθ � 0 par

Rothschild-Stiglitz.Exercice 5.6. (i) La solution au problème d’optimisation est donnée par :

q∗ = λδ = argmax{q}

q − c(q) = argmax{q}

q − q2

2λ−δ − F.

La valeur critique est définie implicitement par :

q∗ − q∗2

2λ∗−δ − F =

λ∗δ

2− F = 0,

ce qui implique λ∗ = (2F )1/δ.

∫ λ

λ∗g(λ)dλ = 1−G(λ∗) = 1−G((2F )1/δ).

Avant la réforme, l’output agrégé est :

Q = 100[(0.25)δ0.8 + (4)δ0.2

].

Après,Q = 100

[(0.5)δ0.8 + (3)δ0.2

].

Tout dépend de la valeur de δ et il y a trois cas à considérer

δ ∈ (0, 1), δ = 1, δ ∈ (1,+∞).

Vous pouvez le vérifier numériquement.

Page 67: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.14. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 267

(v) Si tout le monde produit, l’output agrégé est donné par

Q =

∫ λ

0

λδg(λ, ρ)dλ.

Par Rothschild-Stiglitz, ∂Q/∂ρ dépend de

∂2(λδ)/∂λ2 = δ(δ − 1)λδ−2.

Exercice 5.7. (i) L’espérance de l’utilité du paysan est donnée par :

E[U(c1, c2)] = u(y − s) + δ

∫ R

R

u(sR)f(R, ρ)dR.

La CPO qui caractérise l’épargne optimale est alors donnée par :

−u′(y − s∗) + δ

∫ R

R

Ru′(s∗R)f(R, ρ)dR = 0.

La dérivée que nous cherchons est :

ds∗

dρ= −

∂∂ρ

(−u′(y − s∗) + δ

∫ RRRu′(s∗R)f(R, ρ)dR

)

∂s∗

(

−u′(y − s∗) + δ

∫ R

R

Ru′(s∗R)f(R, ρ)dR

)

︸ ︷︷ ︸CSO <0

.

On a donc

signe

[ds∗

]= signe

[∂

∂ρ

(

−u′(y − s∗) + δ

∫ R

R

Ru′(s∗R)f(R, ρ)dR

)]

.

Or, nous pouvons écrire :

∂ρ

(

−u′(y − s∗) + δ

∫ R

R

Ru′(s∗R)f(R, ρ)dR

)

= δ∂

∂ρ

(∫ R

R

Ru′(s∗R)f(R, ρ)dR

)

.

Par Rothschild-Stiglitz, nous savons que

signe

[∂

∂ρ

(∫ R

R

Ru′(s∗R)f(R, ρ)dR

)]

= signe

[∂2

∂R2(Ru′(s∗R))

].

Page 68: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

268 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

En faisant le calcul :

∂2

∂R2(Ru′(s∗R)) =

∂R(u′(s∗R) + s∗Ru′′(s∗R))

= s∗ (2u′′(s∗R) + s∗Ru′′′(s∗R)) .

Il suit que

signe

[ds∗

]= signe [2u′′(s∗R) + s∗Ru′′′(s∗R)] .

A l’optimum, la fonction objectif du paysan est donnée par :

E[U(c∗1, c∗2)] = u(y − s∗(ρ)) + δ

∫ R

R

u(s∗(ρ)R)f(R, ρ)dR.

Par le Théorème de l’Enveloppe, nous pouvons écrire :

ddρ

(u(y − s∗(ρ)) + δ

∫ RRu(s∗(ρ)R)f(R, ρ)dR

)

= ∂∂ρ

(u(y − s∗(ρ)) + δ

∫ RRu(s∗(ρ)R)f(R, ρ)dR

)

= δ∫ RRu(s∗(ρ)R)fρ(R, ρ)dR.

Par Rothschild-Stiglitz,

signe

(∫ R

R

u(s∗(ρ)R)fρ(R, ρ)dR

)

= signe

(∂2

∂R2u(s∗(ρ)R)

)< 0.

Exercice 5.8. (i) L’utilité d’un paysan sans terre est :

U(.) = − exp{−(θ√eT − rT

)+e

2

}.

Par la propriété habituelle d’une fonction d’utilité exponentielle et d’unevariable aléatoire normale, nous pouvons alors écrire la fonction objectif dece type de paysan comme :

E[U(.)] = − exp{−E

[θ√eT − rT

]+1

2var

[θ√eT − rT

]+e

2

}

= − exp{−(√

eT − rT)+ eT

σ2

2+e

2

},

ou encore :

− ln [−E[U(.)]] =√eT − rT − eT

σ2

2− e

2.

Page 69: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.14. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 269

Les CPOs qui caractérisent la demande optimale de terre et le niveau optimalde l’effort sont donc :

T :

√e

2√T− r − e

σ2

2= 0; e :

√T

2√e− T

σ2

2− 1

2= 0.

Ces deux équations nous permettent alors d’écrire :√e√T= 2r + eσ2

√e√T= 1

Tσ2+1

e = 1σ2(Tσ2+1)

− 2rσ2

T = 1σ2

(√12r− 1

)

Exercice 5.9. (i)

max{B}

1

1− γB1−γ + β

1

1− γ

∫ w

0

(θ + w − (1 + r)B)1−γf(w, ρ)dw.

Faites attention à la condition qui vous est donnée dans l’énoncé (elle estlà pour vous épargner toute une série d’ennuis) : sans cette condition, il sepourrait très bien, pour une réalisation de w très faible, que le paysan ne soitpas en mesure de rembourser le prêt (car θ+w− (1+ r)B < 0). Dans ce cas,le problème va se transformer dans une question concernant les contraintesde crédit. C’est ce que vous verrez, si vous avez encore du souffle, à la partie(v).

(ii)

CPO : B∗−γ − β(1 + r)

∫ w

0

(θ + w − (1 + r)B∗)−γf(w, ρ)dw = 0.

La dérivée que vous cherchez est donnée par :

dB∗

dρ= −

∂∂ρ

(B∗−γ − β(1 + r)

∫ w0(θ + w − (1 + r)B∗)−γf(w, ρ)dw

)

∂B∗

(B∗−γ − β(1 + r)

∫ w

0

(θ + w − (1 + r)B∗)−γf(w, ρ)dw

)

︸ ︷︷ ︸CSO<0

,

et donc nous savons que :

signe

[dB∗

]= signe

[∂

∂ρ

(−∫ w

0

(θ + w − (1 + r)B∗)−γf(w, ρ)dw

)].

Page 70: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

270 CHAPITRE 5. ÉCONOMIE DE L’INCERTAIN : LES BASES

Par Rothschild-Stiglitz, nous savons que le signe du côté droit de cette der-nière expression est donné par le signe de

∂2

∂w2[− (θ + w − (1 + r)B∗)−γ

]= −γ(γ + 1) (θ + w − (1 + r)B∗)−γ−2 < 0.

Exercice 5.10. La fonction objectif du paysan est :

E[Π] =

∫ y

0

(py − c(x)) f(y, x, ρ)dy = p

(y −

∫ y

0

F (y, x, ρ)dy

)− c(x).

Donc la CPO est :

−p∫ y

0

Fx(y, x∗, ρ)dy − c′(x∗) = 0.

Par différenciation implicite :

dx∗

dρ= − −p

∫ y0Fxρ(y, x

∗, ρ)dy

−p∫ y0Fxx(y, x∗, ρ)dy − c′′(x∗)

,

et donc

signe [dx∗/dρ] = signe

[−p

∫ y

0

Fxρ(y, x∗, ρ)dy

]

= signe [−Fxρ(y, x∗, ρ)] < 0.

Exercice 5.11. La fonction objectif du paysan est :

E[Π] =

∫ y

0

(py − c(y)) f(y, µ, ρ)dy

= pµ−([c(y)F (y, µ, ρ)]y0 −

∫ y

0

c′(y)F (y, µ, ρ)dy

),

ce qui revient à :

E[Π] = pµ+

∫ y

0

c′(y)F (y, µ, ρ)dy − c(y).

La CPO est donc :

p+

∫ y

0

c′(y)Fµ(y, µ∗, ρ)dy = 0,

Page 71: Chapitre 5 Économie de l'Incertain : Les bases

5.14. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 271

ce qui implique que

dµ∗

dρ= −

∫ y0c′(y)Fµρ(y, µ

∗, ρ)dy∫ y

0

c′(y)Fµµ(y, µ∗, ρ)dy

︸ ︷︷ ︸CSO<0

.

Il suit que :signe [dµ∗/dρ] = signe [Fµρ(y, µ, ρ)] < 0.