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Entrepreneurs et développement territorial 107 J ean-Claude Hillion, Président de la CCI de Rennes, accueille les élus territoriaux et les chefs d’entreprise de la région venus se joindre aux consulaires et procède à une brève introduction aux travaux de l’après-midi. Nous avons, pendant les deux demi-journées qui viennent de s’écouler, traité de l’interaction entre la dynamique entrepreneuriale et le déve- loppement territorial au moment même où le nouveau gouvernement envisage de conférer aux collectivités territoriales plus de responsabilités et de transférer certaines compétences de l’Etat. En s’inspirant des réflexions et des recommanda- tions formulées en ateliers ou en séances plénières, les présidents de Chambres intervenant à cette table ronde «comment faire de nos territoires des espaces attractifs pour entreprendre ?» vont débattre, notamment, de l’intérêt de coordonner l’expression collective des entrepreneurs, de la nécessité de développer une culture entrepre- neuriale, de l’importance d’une organisation consulaire adaptée aux nouveaux besoins des entre- prises et des col- lectivités territo- riales, et apte à jouer pleinement le rôle d’interface entre entrepreneurs et décideurs politiques. Josselin de Rohan, Président du Conseil régional de Bretagne, nous fera part, in fine, de sa vision du développement territorial. Après le discours de clôture par Jean-François Bernardin, Président de l’ACFCI, je vous donne rendez-vous à l’issue de cette après-midi dans cette école de commerce pour l’inauguration de l’extension de ses locaux, réalisée par la CCI de Rennes avec l’aide des collectivités territoriales et destinée à faire face au fort développement des étudiants que nous recrutons. Olivier DE RINCQUESEN Paulette Picard, sur la question “Quelle expression collective entrepreneuriale ?” vous êtes-vous fait l’écho des relations entre le Medef et les CCI ? Ces relations sont-elles “Je t’aime, moi non plus” ou “Chéri, fais-moi peur” ? Paulette PICARD Lorsque nous nous sommes quittés hier soir, quatre questions se posaient, et d’une façon récurrente la question des relations entre Medef et les CCI. Le groupe a voulu éva- cuer les non-dits et a souhaité s’ex- primer sur ce point. La syn- thèse de ces dis- cussions est la suivante : le Medef, la CGPME, les syndi- cats professionnels sont représentés au sein des CCI pour représenter le monde entrepreneurial. Nous avons deux axes d’action : les actions syndicales Comment faire de nos territoires des espaces attractifs pour entreprendre ?

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J ean-Claude Hillion, Président de la CCI deRennes, accueille les élus territoriaux et les chefs

d’entreprise de la région venus se joindre aux consulaires et procède à une brève introduction aux travaux de l’après-midi.

Nous avons, pendant les deux demi-journées qui viennent de s’écouler, traité de l’interactionentre la dynamique entrepreneuriale et le déve-loppement territorial au moment même où lenouveau gouvernement envisage de conférer auxcollectivités territoriales plus de responsabilitéset de transférer certaines compétences de l’Etat.

En s’inspirant des réflexions et des recommanda-tions formulées en ateliers ou en séances plénières,les présidents de Chambres intervenant à cettetable ronde «comment faire de nos territoires des espaces attractifs pour entreprendre ?» vontdébattre, notamment, de l’intérêt de coordonnerl’expression collective des entrepreneurs, de lanécessité de développer une culture entrepre-neuriale, de l’importance d’uneorganisation consulaireadaptée aux nouveauxbesoins des entre-prises et des col-lectivités territo-riales, et apte àjouer pleinementle rôle d’interfaceentre entrepreneurs etdécideurs politiques.

Josselin de Rohan, Président duConseil régional de Bretagne, nous fera part, in fine, de sa vision du développement territorial.

Après le discours de clôture par Jean-FrançoisBernardin, Président de l’ACFCI, je vous donnerendez-vous à l’issue de cette après-midi danscette école de commerce pour l’inauguration del’extension de ses locaux, réalisée par la CCI deRennes avec l’aide des collectivités territoriales etdestinée à faire face au fort développement desétudiants que nous recrutons.

Olivier DE RINCQUESEN

Paulette Picard, sur la question “Quelle expression collective entrepreneuriale ?”

vous êtes-vous fait l’écho des relations entre le Medef et les CCI ?

Ces relations sont-elles “Je t’aime, moi non plus”ou “Chéri, fais-moi peur” ?

Paulette PICARD

Lorsque nous nous sommes quittés hier soir, quatre questions se posaient, et d’une façon

récurrente la question des relationsentre Medef et les CCI. Le

groupe a voulu éva-cuer les non-dits et

a souhaité s’ex-primer sur cepoint. La syn-thèse de ces dis-

cussions est lasuivante : le Medef,

la CGPME, les syndi-cats professionnels sont

représentés au sein des CCI pourreprésenter le monde entrepreneurial. Nousavons deux axes d’action : les actions syndicales

Comment faire de nos territoires des espaces attractifs pour entreprendre ?

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et la représentation de toutes ces composantes.Une fois que ce consensus a été trouvé, nousavons pu travailler.

Reste que les situations varient d’un départe-ment à l’autre et sont liées aux hommes.

Olivier DE RINCQUESEN

Georges Guilbert, vous qui êtes dans un département de sensibilité de gauche,

comment percevez-vous ce type de débat sur les rôles respectifs du Medef et des CCI ?

Georges GUILBERT,Président de la délégation de Seine-Saint-Denis de la CCI de Paris

C’est exactement le contraireque nous avons essayé deréaliser, dans un départe-ment avec une composantepolitique particulière parrapport aux autres départe-ments puisque le parti com-

muniste était seul majoritaire. Avec les autrescomposantes du monde patronal que sont le Medef, la CGPME et les organisations profes-sionnelles, il a fallu faire attention à travailler sur l’ensemble des dossiers. Il fut un moment où chacun parlait dans son coin et où les chosesn’avançaient pas.

Si l’on veut se faire entendre, le partenariat estimpératif, dans le respect des rôles de chacun, le Medef dans son rôle de syndicat et les CCI

dans leur rôlede représen-tation del ’ e n s e m b l e

des entreprises sur des points qui n’ont stricte-ment rien à voir. Nous essayons à chaque fois de travailler en partenariat. Lorsqu’il s’est agi

de revendiquer contre les 35 heures, ce n’était pasla CCI qui était en première ligne mais le Medef,la CGPME et les organisations professionnelles.Lorsqu’il s’est agi d’obtenir du Conseil régionaldes aides pour accompagner les entreprises à l’export, c’est la CCI qui a pris les devants.

Olivier DE RINCQUESEN

Alain Mustière, trouvez-vous aberrant que l’on continue à se poser la question du partage

du territoire entre le Medef et les CCI ?

Alain MUSTIÈRE,Président du CESR de la CRCI Pays-de-la-Loire

Non, je pense que celadépend des hommes. Je mesouviens d’un secrétaire géné-ral du Medef, à l’époque où celui-ci s’appelait encorel’Union patronale, qui consi-dérait le Medef comme le

politburo de la Chambre de commerce. De tempsen temps, dans la région, je vois encore cette tentation. En Pays-de-la-Loire et spécialement en Loire-Atlantique, le Medef et la CGPME sontdes organismes qui rassemblent l’ensemble desentrepreneurs. Des mandats sont à gérer, dontceux des CCI. A chaque élection, nous essayonsde trouver les meilleurs représentants, les chefsd’entreprise les plus représentatifs, pour que chacun puisse prendre sa place. Les mandatspatronaux sont tellement larges : Tribunaux decommerce, Prud’hommes, Chambres de com-merce, et j’en passe.

Les Chambres de commerce ne sont donc passous contrôle du Medef. Les élus reçoivent unmandat, qu’ils exercent librement pendant ladurée de leur mandat et, au moment du renou-vellement, on discute un peu plus, mais c’est

Pour se faire entendre,le partenariat est impératif

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comme cela que cela doit se passer et, la plupartdu temps, cela se passe ainsi.

Olivier DE RINCQUESEN

Paulette Picard, qu’avez-vous répondu à la question

“que peuvent faire les CCI pour mieux mobiliser les énergies entrepreneuriales ?”

Paulette PICARD

Le débat de ce matin avec Frédéric Grimaud et Gérard Lannelongue nous a interpellés : com-ment capter les énergies des jeunes chefs d’entre-prise qui ont une vision un peu différente dumonde de l’entreprise et des relations salarialesmais aussi qui n’ont pas le temps de donner dutemps aux institutions ? Pour capter ces énergieset ces compétences, nous avons des efforts à faire.

L’atelier a propo-sé, parce que desexpériences sontdéjà menées danscertaines CCI,de créer des clubsd’entrepreneursqui auraient une

mission ponctuelle sur un projet de type filièreou un projet d’aménagement d’un territoire.

En participant àces clubs, les jeu-nes entrepreneursn’auraient pas l’im-

pression d’être enfermés dans un carcan. Cematin, on nous a dit que le Medef, la CGT et lesCCI étaient un peu ringards : c’est certainementvrai. Nous ne devons pas oublier ces jeunes chefsd’entreprise qui feront la France de demain.

A nous d’aller vers eux et de composer une struc-ture dans laquelle ils puissent se sentir bien etdonner leur savoir.

Georges GUILBERT

Comme la Seine-Saint-Denis a eu la chance oula malchance d’être “zonée” objectif II FSE, nousen avons profité pour déposer un dossier, qui aété accepté, pour créer des clubs entreprise toutà fait dans ce domaine. Dans un premier temps,on s’aperçoit que le travail est à l’intérieur duclub, autour de l’échange d’expériences. Puisrapidement, le club s’occupe de ce qui se passeen dehors. C’est un bon vivier pour attirerdemain de jeunes chefs d’entreprise et ainsi amé-liorer les performances du territoire.

Alain MUSTIÈRE

Vous dites : “il faut des jeunes dans les Chambresde commerce”. Mais rappelez-vous quand vousétiez jeunes chefs d’entreprise. On a autre chose à faire, on a un autre langage, on a une autreapproche. J’ai fait le parcours CJD. Je conseilleaux jeunes chefs d’entreprise de parler avec d’autres jeunes, qui ont la même problématique.A nous de nous adresser à ces structures de jeunes, de les utiliser parce que nous en avonsbesoin. Je pense qu’il y a un temps pour tout.D’abord, si on les fait rentrer trop jeunes dans les Chambres de commerce, ils vont aussi sortirtrès jeunes. N’oubliez pas que nos mandats sontlimités.

Christian GAUDUEL

Il est vrai qu’il ne faut pas les faire rentrer tropjeunes. Cela dit, c’est aussi une bonne chose d’avoir quelques jeunes dans une équipe pourrééquilibrer la réflexion. Les mandats dans lesChambres ne doivent pas devenir des sacerdoces

Développer la cultureclub d’entrepreneurs

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ou des mandarinats : ce qui compte, c’est qu’il yait un renouvellement des élus. Il faut que dusang nouveau arrive régulièrement pour apporterdes idées nouvelles.

Paulette PICARD

Parallèlement aux clubs d’entreprise, nous avonsun rôle d’animateur de réseau, et principalementdes réseaux des grandes entreprises face auxPME.

Un exploitant de PME n’a pas le temps et estsouvent complexé par rapport à une grandeentreprise. Ces grandes entreprises comptentdans leur effectif des cadres très dynamiques, quiont besoin de donner un peu de leur savoir et deleur temps. Je crois que l’expérience qui estmenée à Rennes sur ce point est très bénéfique :des cadres mettent leurs compétences et leurssavoirs à disposition des PME afin d’élargir leurvision et d’anticiper sur leur devenir. Dans ledomaine de la sous-traitance particulière, on voitbien que se pose et se posera encore plus demainle problème de la main d’œuvre en France.

Dans notre département, nous avions beaucoupd’entreprises textiles et nous voyons bien ce qu’elles sont devenues. Aujourd’hui, beaucoup de sous-traitants automobiles se demandent s’ilsne vont pas connaître le même sort. La Chambrea là un rôle à jouer : comme cela a été bien dit ce matin, nous devons être un lieu d’échanges, de synergies, de mutualisation des expériences au meilleur niveau.

Rendre attractif un territoire, c’est aussi savoircréer une atmosphère entrepreneuriale. Laréflexion qui nous pousse dans ce sens repose surdeux axes. Quand vous avez un projet collectif, il faut d’abord faire s’exprimer les entreprises. Au niveau de la création d’entreprise, le problèmedemain est d’avoir des jeunes qui sont porteurs,dans leur mental, d’un projet d’entreprise et d’uneferme volonté à le réaliser. Si l’individu n’entrevoitpas mentalement sa réalisation personnelle à travers la création d’une entreprise, les aides à la création d’entreprise seront inefficaces.

Les Chambres ont, là aussi, un rôle à jouer pour,sous une forme pédagogique et ludique, faireconnaître l’entreprise et démystifier la fonctiondu profit auprès des élèves de terminale deslycées. Je compte d’ailleurs organiser un grandjeu des classes de terminale pour leur fairedécouvrir la création d’entreprise car des provi-seurs de lycée sont partants. Les élèves de termi-nale, s’ils n’ont pas d’entrepreneur dans leurenvironnement familial, n’ont jamais côtoyéd’entreprise.

Le monde de l’éducation ne valorise pas l’entre-prise ! Depuis dix ans, nous souffrons d’un défi-

cit d’image auprèsde ces jeunes, quiconsidèrent quefaire du profit à tra-

vers l’entreprise est répréhensible. J’espère mon-ter avec des proviseurs de lycée un concours“Graine d’entreprise”, qui récompensera des projets collectifs. Ces jeunes feront la France de demain.

grandes entreprisesentre

E n cou r a g e r l e s r e l a t i o n s

PMEet

Savoir créerune atmosphère entrepreneuriale

Valoriser l’entrepriseauprès des jeunes

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Olivier DE RINCQUESEN

Jean-Pierre Appert a parlé cette après-midid’une démarche d’ouverture en direction d’interlocuteurs

qui ne sont pas vos interlocuteurs habituels.

Paulette PICARD

Oui, lorsque nous parlions de projets territo-riaux et de structuration de grandes filières, certains ont émis l’idée d’associer dans les grou-pes de réflexion tous les consulaires, les collecti-vités et les syndicats de salariés.

En effet, l’attractivité d’un territoire dépendessentiellement de la compétence et de la diver-sité de ses ressources humaines : pourquoi lessyndicats de salariés n’auraient-ils pas leur mot à dire dans tel ou tel grand projet industriel ?C’est une question. Je n’ai pas de réponse.

Olivier DE RINCQUESEN

Les pratiques inter consulaires existent déjà. En Auvergne, ce genre de réflexion fait sourire.

André MARCON

Je voudrais répondre avant à une autre interro-gation de Paulette Picard sur la création d’entre-prise. Dans une vingtaine de Chambres, a étémis en place un grand concours qui s’appelle“Challenge destination entreprise” et qui connaîtun grand succès auprès des élèves de première carles élèves de terminale sont trop occupés. Grâceaux vertus du réseau, ce concours est à disposi-tion de la Chambre de Châteauroux.

S’agissant des coopérations, il est vrai qu’il fautaller au-delà et utiliser tous les outils qui sont à notre disposition. Dans le Massif Central, lesChambres sont fédérées depuis 1975 dans uneunion qui s’appelle l’Union des CCI du Massifcentral. Depuis 1990, nous avons mis en placeune autre union, l’Union de l’ensemble desChambres consulaires sur les 17 départements.Tout en gardant chacun notre identité, nous pou-vons agir ensemble et, ainsi renforcer la crédibilitéde nos propositions et l’efficacité de nos actions.

Ainsi, en matière d’aménagement du territoire,nous avons créé un outil de lobbying fantastique,avec une gestion déléguée à des chefs de chantierdes compagnies consulaires. Nous bénéficionsd’une grande écoute de la part des pouvoirspublics car nous sommes les seuls à pouvoir tra-vailler en inter-départementalité et en inter-région avec une préoccupation, celle du dévelop-pement économique.

Olivier DE RINCQUESEN

Nous allons maintenant passer avec Christian Gauduel

au deuxième atelier qui a réfléchi sur un projetd’économie territoriale.

Vous avez le droit de répondre à la question des instances :

faut-il une, deux, douze instances ?

Christian GAUDUEL

Deux thèmes majeurs sont ressortis de notre atelier :

les projets doivent être portés par desentrepreneurs ;

Associer les syndicats de salariésaux réflexionssur le développement territorial

Agir ensemble en gardant notre identité

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il faut concevoir des projets globaux duterritoire dans toutes ses dimensions.

Sur le premier thème, l’ensemble des partici-pants de l’atelier ont souligné que les entrepre-neurs devaient porter les projets avec conviction.Les projets ne doivent pas venir de l’institutionmais des entrepreneurs eux-mêmes. A eux dedéfinir les attentes, les besoins, ce qui rend leprojet légitime.

Ensuite, nous nous sommes interrogés sur laméthodologie à mettre en œuvre pour faire abou-tir ces projets. Le partenariat avec les organisationspatronales Medef et CGPME est apparu commeun point clé. Il faut aussi établir un diagnostic,avoir une vision, définir une stratégie au termed’une réflexion collective et prospective. Ces élé-ments plaident en faveur d’une méthodologie encercles concentriques : on commence par réfléchirau sein d’un petit groupe d’entrepreneurs, qui s’élargit progressivement pour avoir la réflexion la plus approfondie possible. Quand et commentassocier les politiques à cette démarche ? Autantde projets, autant de cas particuliers. Bien sou-vent, les politiques rejettent nos projets. Dans les collectivités locales, les politiques sont réticentsà travailler en partenariat avec nous. La preuve enest qu’ils créent des instances politico-écono-miques qui sont des corps intermédiaires pluspolitiques qu’économiques qui ont pour but de nous contourner ou de nous affaiblir.

Le Conseil régional Rhône-Alpes, par exemple, a créé une instance dont la mission initiale étaitd’ouvrir des bureaux à travers le monde pour

servir de relais de la Région. En quelques mois,elle est devenue un organisme d’accompagne-ment des entreprises à l’international, faisantdoublon avec ce que nous faisions dans lesChambres.

Olivier DE RINCQUESEN

Qu’avez-vous fait avec le groupement de promotion export Rhône-Alpes ?

Christian GAUDUEL

La création de cette instance a eu un effet positif :les douze Chambres de la région Rhône-Alpes se sont concertées et ont mis en réseau leurs ser-vices de commerce extérieur. Chaque Chambreapporte son savoir-faire ; certaines sont davantagespécialisées sur un pays, à l’exemple de Grenoblesur le Japon, et font profiter les autres de leursconnaissances. Les élus politiques s’apercevant

que nousnous orga-n i s i o n spour faireface, nous

sommes arrivés à négocier correctement avec eux,à trouver une entente et à établir des complé-mentarités. Nous avons signé un accord au débutde cette année qui précise un partage des rôles : le Conseil régional, par le biais de son instance,

Le projet doit venir des entrepreneurs,non de l’institution

La concurrenceavec les instances régionalesest stimulante

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a des bureaux à l’étranger pour accompagner les entreprises et les CCI s’occupent des relationsde proximité avec les entreprises.

Olivier DE RINCQUESEN

Alain Mustière, dans les Pays de la Loire, vous avez aussi connu la même concurrence !

Alain MUSTIÈRE

Nous réagissons parce que nous sommes mis endanger : c’est la démonstration de nos faiblesses. A la Chambre régionale des Pays de la Loire, nous n’avons pas vécu la même expérience parceque j’ai senti le coup venir. Chaque Chambre desPays-de-la-Loire pensait qu’elle était la meilleuredans l’export et qu’elle n’avait pas besoin de met-tre en commun des moyens pour répondre aux

besoins dese n t r e p r i s e s .Nous sommespartis dans unedémarche derégionalisationet j’ai bien cruque nous n’al-

lions pas y arriver : il aurait mieux valu que lesChambres soient poussées, comme en Rhône-Alpes, par une concurrence du Conseil régional.

Olivier DE RINCQUESEN

En Seine-Saint-Denis, Paris materne tous les projets export et le département

apporte son soutien, ne serait-ce que pour satisfaire sa population indigène.

Georges GUILBERT

Je ne parlerai pas de l’export dans la mesure oùParis a un rôle particulier puisqu’elle possède unservice export très puissant.

Nous vivons le deuxième volet des lois de décen-tralisation. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’essayerde sauvegarder la place que l’histoire a donnéeaux Chambres de commerce, mais de gagner unen o u v e l l eplace pourles Chamb-res dans denombreux domaines. Il nous faut être présentsdans les instances qui se créent, montrer noscompétences, pour obtenir que l’on nous confieun certain nombre de missions.

Un certain nombre de projets doivent se faire enpartenariat : c’est indispensable. Par exemple,nous avons proposé de créer une Ecole de laseconde chance, qui est à la limite de ce que saventfaire les Chambres de commerce. Cette Ecole correspondait à une demande des entreprises etdes jeunes. Nous y sommes allés en partenariatavec le Medef, la CGPME, le Conseil régional,l’ANPE, la Préfecture, l’Education Nationale. Ce partenariat a permis de mener le projet jusqu’au bout. Chaque fois qu’une opportunité se présente, il faut s’en saisir pour être les porte-parole du monde de l’entreprise.

Olivier DE RINCQUESEN

Christian Gauduel, quelle stratégie doiventavoir les Chambres pour développer des projets

économiques territoriaux ?

Christian GAUDUEL

Les entreprises ont besoin d’un bon environne-ment pour espé-rer un développe-ment porteur etpour attirer et

conserver des hommes de qualité. D’où l’impor-tance de ce que nous avons appelé le projet

Le dangernous faitréagir

Gagner une nouvelle placepar notre compétence

Batir un projet globalpour les entreprises

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global du territoire dans toutes ses dimensions. Si les hommes ne trouvent pas un environnementpropice d’habitat, de qualité de vie, de culture, de communication, d’école, d’université, ilsseront tentés de partir, voire ils ne viendront pasdu tout. Michel Dieudonné soulignait d’ailleurscet aspect à propos des entreprises de jouets du Jura.

Olivier DE RINCQUESEN

Vous avez aussi parlé des pays. Il paraît qu’hierNicolas Jacquet n’a pas prononcé ce mot.

Est-ce exact ?

Christian GAUDUEL

Effectivement, on peut se poser des questions sur les intentions du gouvernement à propos despays. En tout cas, nous ressentons dans lesChambres l’impérieuse nécessité de nous situerpar rapport aux pays, aux agglomérations et aux régions, dans le cadre des projets globaux de territoire.

Alain MUSTIÈRE

Je voudrais revenir à ce qu’a dit Paulette Picardau sujet des organisations syndicales. Nous avonsdes instances de rencontre au niveau des organi-sations syndicales. Je suis président du CESR desPays-de-la-Loire depuis un an : c’est la premièrefois que je préside une assemblée où je travailleavec des organisations syndicales. Les discussionsque nous avons dans ce cadre apaisé, de nonnégociation, sont riches. En effet, nous avons encommun le partage des enjeux du territoire.

A propos de ce que vient de dire Christian Gauduel, je suis convaincu que l’on ne peut pasêtre président d’une CCI si, à un moment ou à un autre et surtout en début de mandat, on n’a pas une vision prospective de son territoire. En assemblée à l’ACFCI, il a été dit que laChambre devait établir un plan stratégique. J’aientendu des collègues exprimer des réticences. Je ne suis pas d’accord : cela me paraît le mini-mum vital. Nous devons avoir une vision parta-gée. Dans cette vision, il me paraît importantd’assurer la cohérence des territoires. La visiondu territoire d’un pays ne peut pas s’opposer à la vision du territoire d’un département : la CCIdoit assurer cette cohérence.

Ainsi faut-il avoir une vision du Grand Ouest(Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes), ce à quoi nous ne sommes pas encore suffisam-ment parvenus. Dans les contrats de plan Etat-Région, chaque Chambre a travaillé pour assurerla cohérence de son propre territoire, mais il aurait fallu aller plus loin et se regrouper pourassurer une cohérence interrégionale. Il est anor-mal que nous n’ayons aucun projet interrégional.Il faut impérativement dépasser nos limitesadministratives, car elles ne correspondent pasaux besoins des entreprises.

Nous ne sommes pas là pour donner des leçonsaux politiques, mais pour dire ce que nous pensons. Nous devons dire notre vision des choses avec une telle force qu’ils vont écouter

Porter une vision prospectivedu développement du territoire

Favoriser la cohérencedes approches de développement

S’émanciperdes limites administratives

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et adhérer. Nous devons travailler ensemble et avec notre environnement économique avantde parler aux politiques. Quant à la mise enœuvre des projets, elle ne doit pas être assuréepar nous : il faut trouver les bons acteurs (dépar-tement, agglomération, région). Nous ne devonspas avoir de regret, l’important est que cela se fasse.

Le dernier sujet qui me tient à cœur est l’exempla-rité. Si nous-mêmes nous ne montrons pas l’exem-ple, les choses n’avanceront pas. Si les Chambres

de commerce de Nanteset de Saint-Nazaire n’avaient pas mis tousleurs moyens en com-

mun, la métropole de Nantes-Saint-Nazaire n’au-rait pas vu le jour. Les maires de Nantes et deSaint-Nazaire ne se parlaient pas beaucoup et,quand ils ont vu que nous unissions nos efforts, ils ont été poussés à travailler ensemble.

Olivier DE RINCQUESEN

Nous en venons, avec André Marcon, à la question de l’organisation

consulaire optimale. Vous aviez la chance d’avoir André Sappa,

qui vient du monde syndical, et qui est l’auteur du rapport sur les CCI.

Essayez de traduire la façon quelque peu sarcas-tique avec laquelle André Sappa vous a dit

qu’il vous découvrait ou redécouvrait.

André MARCON

Tant qu’il s’agit de brasser des idées, il est facilede se mettre d’accord, en revanche, quand il fautdire précisément comment s’organiser, les désac-cords se font jour. Dans notre atelier, il y a euplus de questions que de réponses ou d’affirma-tions. La réflexion d’André Sappa était très

pertinente. Il a constaté que les Chambres avaientdes compétences multiples et de nombreuxexemples à faire valoir mais qu’elles étaient malpositionnées et qu’elles communiquaient avecdifficulté.

L’efficacité passe par la stratégie. Quel position-nement stratégique doit-on avoir dans les CCI ?On a toujours dit que les CCI sont à l’écoute età la disposition des entreprises. Mais on a peut-être oublié notre double nature publique-privéeet pris insuffisamment en compte les besoins descollectivités territoriales.

Comment être à l’écoute des collectivités territo-riales ? Le projet local est un bon moyen de le

faire. Or beau-coup de Cham-bres n’ont pasencore de pro-jet stratégique.Ce projet stra-tégique doitêtre partagé par

l’ensemble des élus, mis en place effectivement etassorti d’outils de mesure et de contrôle. Ce pro-jet doit s’inscrire dans une cohérence régionale et nationale.

Sur le projet régional, force est de constater queles CRCI sont très hétérogènes dans leur projetet dans leur fonctionnement. A-t-on la volontépolitique de donner une légitimité aux CRCI ?Deux thèses s’affrontent : certains pensent quecette volonté politique doit venir du niveau

Montrer l’exemple

&Etre à l ’écoutedes entreprises

des collectivités territoriales

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national ; d’autres estiment qu’elle doit venir du local, c’est-à-dire d’une volonté commune des Chambres de s’associer pour créer un outilcommun.

Quelle pertinence d’intervention pour ces Cham-bres régionales ? Plusieurs champs ont été cités :centre de ressources, outil de lobbying, communi-cation partagée, subsidiarité, mutualisation desservices, mise à disposition des compétences, com-pétences déléguées. Sur ce dernier point, les avis nesont pas unanimes : doit-il y avoir des compéten-ces déléguées ? si oui, lesquelles ?

L’adaptation organisationnelle du réseau CCI estune idée qui fait son chemin. Il ne faut pas avoirde schéma type à plaquer sur toutes les régionsdu territoire, mais organiser les CCI à l’intérieurd’une région suivant les partenariats en cause, les compétences déléguées et la volonté desChambres locales d’avancer. Le droit à l’expéri-mentation doit pouvoir être exercé par lesChambres.

Beaucoup ont mis en avant la nécessité d’êtrediscipliné. Quand on décide d’une action à l’unanimité, il faut la mettre en œuvre. Nousavons réfléchi à plusieurs moyens : utiliser desoutils collectifs comme l’intranet consulaire,donner de la souplesse à la tutelle, innover dansle domaine des ressources humaines : formationdes élus, utilisation de la souplesse des CDDpour répondre à la politique de chantiers menée

par les Chambres, mobilité des permanents,rémunération au mérite... C’est pourquoi il fautse poser cette question : dans le cadre de ladécentralisation, quelle sera notre doctrine en cequi concerne l’organisation du réseau national ?

Olivier DE RINCQUESEN

André Sappa pointait du doigt votre déficit de communication.

Que proposez-vous ?

André MARCON

Si nous souffrons d’un déficit de communica-tion, c’est parce que souvent nous ne savons passuffisamment créer des contenus à valeur ajoutéeet parce que nous n’avons pas le réflexe de fairesavoir ce que nous faisons aux autres parce quecela nous paraît naturel.

Georges GUILBERT

La communication a souvent bon dos : elle per-met d’expliquer quasi-ment tous les échecs. Je me méfie beaucoupde cette excuse récur-

rente, qui cache des problèmes plus profonds.

Dans le réseau, les choses bougent, mais les chan-gements ont peut-être besoin d’être accélérés.Elles bougentdans le domainede la communi-cation, mais ilfaut avoir deschoses à commu-niquer. La carteadministrative etla carte consulaire sont des chantiers sur lesquelsles Chambres ont quelque chose à dire, à condi-tion qu’elles se soient mis d’accord entre elles.

Ouvrir le droità l’expérimentation aux Chambres

Dans une France décentralisée,quelle organisation nationalepour les Chambres ?

La communicationà bon dos

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Dans ce domaine, des transformations réelles s’opèrent sur le terrain, mais il faut les accélérer. Si nous ne nous mettons pas au même niveau quenos décideurs, les responsables politiques, nousaurons beaucoup de mal à faire passer nos messa-ges. Ce qui est vrai au niveau régional l’est aussiau niveau national. Il serait temps que le réseau semette d’accord sur ce qu’il attend de l’ACFCI.Aujourd’hui, on utilise tous le même vocabulaire,mais les mots n’ont pas le même sens pour tout le monde.

Alain MUSTIÈRE

A nous entendre, j’ai le sentiment que le problè-me de la communication est un faux problème.Je nous compare volontiers à des musiciens.Nous savons jouer merveilleusement bien surnotre territoire, mais nous sommes incapables dejouer ensemble. Si nous nous mettions à jouerensemble la même partition, ce serait le meilleurmoyen de communication.

Nous savons faire des plans stratégiques et noussavons dire aux autres ce qu’il faut faire. Mais,nous, que faisons-nous ? Quant, à l’ACFCI,après de nombreuses années de discussions, nousnous mettons d’accord sur une orientation àdéfendre auprès du gouvernement, il s’en trouvetoujours un ou deux qui va trouver le PremierMinistre ou le Ministre qui habite à côté de chezlui pour lui dire qu’il n’est pas d’accord avec l’orientation défendue par l’ACFCI. L’effet estdésastreux. Quand nous avons pris une décisionensemble, nous devons la mettre ensemble enpratique.

Dans nos Chambres, nous avons de nombreuxprojets et expérimentations, que nous pouvonsmettre à la disposition des autres membres duréseau, comme vient de le faire André Marconpour le concours Challenge Destination Entre-prise.

C’est très bien, mais les réticences exprimées parcertains pour participer à l’Intranet national péna-lisent tous les efforts de mutualisation. Tant quenos pratiques seront celles-là, nous n’avons pasd’avenir. J’ai de l’espoir, parce que les conditionsme paraissent réunies pour un nouveau départ.

Olivier DE RINCQUESEN

Josselin de Rohan nous a rejoints depuisquelques minutes. Paulette Picard, pourriez-

vous nous rappeler ce que vous avez dit tout àl’heure à propos des relations entre les CCI

et les collectivités territoriales ?

Paulette PICARD

Je disais que nous devions être offensifs face auxnouvelles collectivités qui se mettent en place.Cela veut dire faire des propositions, avec unprojet concret, et avoir une vision de l’avenirpour le territoire. Je disais que le savoir, l’expé-rience de nos jeunes chefs d’entreprise pouvaientnous être précieux car ils avaient une vision del’avenir. Peut-être les CCI ont-elles trop attenduqu’on vienne leur demander l’expertise car ellesétaient sûres de l’avoir. Nous venons de sortird’une période où nous avons été fragilisés : il fautmontrer à la collectivité et aux politiques notreforce, notre expertise et notre volonté de mutua-liser. Ces jeunes entrepreneurs ne se reconnais-

Jouerensemble

la même partitionfavorise la communication

Adoptée ensemble,la décision s’applique ensemble

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sent pas dans les ors dorés des CCI. Il faut savoirs’ouvrir à leurs attentes : ce ne sont pas à eux dese couler dans le moule consulaire mais à nousde nous ouvrir à eux, exactement comme le chefd’entreprise va vers les besoins et les attentes de ses clients.

InterventionJosselin de ROHANPrésident du Conseil régional de Bretagne

Monsieur le Président,Mesdames et Messieursles Présidents, Mesda-mes et Messieurs, per-mettez-moi tout d’a-bord de vous exprimerle plaisir et l’intérêt que

j’éprouve à me trouver parmi vous aujourd’hui àl’occasion de cette Université d’été qui se tient à Rennes pour évoquer la question majeure de l’attractivité des territoires en Bretagne.

Je voudrais vous rassurer tout de suite. Je m’en-tends très bien avec les Présidents des CCI deBretagne. Bien entendu, il arrive que nous ayonsdes points de vue distincts, mais je ne crois pasque nous ayons des points de vue opposés parceque, si tel était le cas, ce ne serait pas pour le biende notre Région. Au contraire, notre souci cons-tant est d’essayer de travailler ensemble dans la même direction car nous avons le mêmeobjectif : le développement de nos régions.

L’attractivité d’un territoire est sa capacité à atti-rer et à retenir des populations, des entreprises,des activités, à susciter des créations d’activités.Elle constitue une priorité centrale pour larégion de Bretagne. Pendant les Trente Glorieu-ses, l’essor des activités régionales s’est appuyéd’une part sur l’importance de la mobilisationpar les acteurs régionaux des soutiens nationauxet européens et d’autre part sur la qualité de la main d’œuvre bretonne. Désormais, il nousfaut distinguer les facteurs contemporains d’attractivité : l’organisation des acteurs locaux,leur aptitude à travailler ensemble, l’environne-ment économique et technique pour les entre-prises, la population et les ressources humaines,la formation, l’emploi, la productivité et la qua-lité de la vie, l’accessibilité et les réseaux de télécommunications et l’image.

Au regard de ces facteurs, deux constats s’impo-sent. Le premier est que les thématiques évoquéescorrespondent à l’ensemble des champs couvertspar la politique régionale. Le second est que la situation de la Bretagne, tout en étant dansl’ensemble favorable, n’en demeure pas moinscontrastée. Enfin, la question de l’attractivitémobilise de plus en plus, outre la région voire le Grand Ouest, les espaces de projet que sont les pays et les intercommunalités.

Trois défis

La préparation du schéma régional d’aménage-ment et de développement du territoire que nousmenons et que nous allons mener ces prochainesannées, nous a conduits à identifier plusieursdéfis. J’en retiendrai trois qui me paraissentimportants.

Le premier est celui de la mondialisation. La mondialisation induit la mobilité et se traduit

L’attractivité, c’est l’attirance,la persévérance, la création

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au plan local par un renforcement inédit de laconcurrence entre les territoires. Elle s’observe

au niveau des ressourceshumaines. Cela entraîneparfois des délocalisations,des fuites de matière grise,

au niveau des entreprises : on observe uneconcentration selon les conditions de produc-tion qui sont offertes par les territoires suivantque l’on dispose d’un meilleur réseau de com-munication ou d’un meilleur habitat et auniveau de capitaux.

Le deuxième défi est posé par les mutations tech-nologiques. Elles vont incontestablement mar-quer les processus de production mais aussi

les rapports sociaux, lesrythmes et les modes detravail et de vie. Ellesnous incitent plus que

jamais à entrer dans cette société de l’intelligence,qui donne la prééminence aux facteurs immaté-riels de production : la formation, l’organisation,la maîtrise de l’information.

Le troisième défi est celui de la démographie et des évolutions sociales. Les projections démo-graphiques laissent entrevoir un vieillissement de la population, un déficit de jeunes et, sur certains créneaux de main d’œuvre, des besoins

non couverts. Ces évolu-tions peuvent avoir desconséquences importan-tes pour nos territoires :

dépeuplement des zones rurales, concentrationurbaine et littorale, mutations sociales, perte decréativité, d’esprit, d’inventivité.

Quatre orientations pour l’action collective

Pour répondre à ces trois défis, le Conseil régionala défini quatre orientations pour l’action collective.

Première orientation, l’ouverture du mondepour que la Bretagne soit une région européenneperformante. Au passage, je voudrais dire que ceque j’entends ici ou là sur la taille pertinented’une grande région européenne me paraît êtreun faux débat. Il y a des petites régions en super-ficie qui sont extrêmement dynamiques et degrandes régions qui ne le sont pas. Ce n’est pas enregroupant artificiellement un certain nombre de collectivitésque l’on créedes synergies,une dynamiqueet un véritable esprit régional. Nous avons desidentités, des traditions, des synergies qui nousrassemblent. Il ne faut pas le faire de manièreartificielle. Cela dit, l’interrégionalité me paraîtune nécessité absolue, notamment pour l’ouestde la Bretagne, faute de quoi on comprend bienqu’un certain nombre d’ensembles qui ne pèsentque 2,9 millions d’habitants face à d’autresensembles qui sont beaucoup plus importants ne sont pas compétitifs. Il y a des regroupementsà opérer dans ce cadre, sans chercher à ouvrir desquerelles de frontières administratives qui, dansce pays, confinent à la querelle théologique.

Les trois autres orientations sont :

la performance de la Bretagne et de sesdifférents secteurs économiques ;

l’équilibre de la région en termes d’orga-nisation et d’aménagement du territoire ;

la qualité de la vie et la solidarité.

J’aurai l’occasion de revenir dans le détail surl’ensemble de ces points dans le cadre de la trèsvaste concertation sur le schéma régional d’amé-nagement du territoire qui prendra place entre

Mondialisation

Mutationstechnologiques

Vieillissementde la population

L’interrégionalité,une nécessité absolue

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la fin de cette année et le début de l’année pro-chaine et à laquelle seront associées au premierchef les chambres consulaires.

Plusieurs thèmes me paraissent importants.

D’abord, l’amélioration des réseaux de commu-nications et en particulier des infrastructures.

Pour la Bretagne, lapriorité en la matièreest le prolongement dela ligne ferroviaire à

grande vitesse du Mans jusqu’à Rennes. Les étu-des d’avant-projet sommaire sont maintenantdéfinitivement engagées et vont durer dix-huitmois. Nous serons extrêmement vigilants sur le respect du calendrier de réalisation de ce chan-tier. Les élus mais aussi les acteurs économiqueset sociaux sont appelés à se mobiliser pour que leprojet Atlantique conserveson rang dans les prioritésgouvernementales. C’estune question à laquelle le Conseil régional seraextrêmement sensible.Nous ne voulons pas êtrerelégués au bout de l’Eu-rope du fait de notrepéninsularité. Nous avonsjustement un besoin vitalet essentiel d’être reliés aux grands réseaux éco-nomiques de l’Europe du Centre. C’est unebataille sur laquelle j’entends mobiliser non seulement les Bretons mais aussi toutes les popu-lations de l’ouest de la France parce qu’il y a un risque que les grandes infrastructures soientétablies à l’est d’une ligne Dunkerque-Hendaye,le grand ouest étant laissé à l’écart.

L’intermodalité est aussi un point auquel noussommes attachés. La Bretagne développe depuis

des années des solutions en matière d’intermoda-lité et de logistique pour permettre à nos territoi-res de s’insérer dans les flux d’échanges productifs.

Enfin, la Bretagne s’est placée en bonne positionpour relever le défi des TIC grâce à l’instaurationd’un réseau à haut débit Mégalis dont le déploie-ment se poursuit. Je voudrais d’ailleurs vous direcombien je me réjouisdu fait que nous ayonspu mener cette opéra-tion en très étroite rela-tion avec la région voisine des Pays-de-la-Loire car je pense que l’interconnexion de nos réseaux et les usages que nous en faisons en commundevraient développer nos capacités respectives.

Pour la performance de la Région, le systèmeéconomique breton doit être mieux intégré

dans la société de l’infor-mation, de la connaissan-ce et des savoirs. Dans cedomaine, trois facteursimportent : la qualité dela formation, la vitalité dela recherche et de l’inno-vation et la performancedes réseaux. Dans ces troissecteurs, la Bretagne a sumaintenir son avance et

se placer favorablement. Il nous faut, encore unefois, nous faire connaître et agir avec les régionsvoisines. C’est tout le sens des nouvelles orienta-tions que nous avons données à la mission derecherche pour le com-merce extérieur de la Bre-tagne mais surtout avec Ouest Atlantique où,grâce à la réorganisation qui est intervenue, Poi-tou-Charentes, la région des Pays-de-la-Loire et

Un besoin vitald’être relié Qualité

de la formation

Performancedes réseaux

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nous-mêmes avons bon espoir de travailler de manière efficace pour la prospection desinvestissements étrangers. Nous avons unegamme de propositions à faire à ceux qui voudraient s’établir dans l’ouest de la France.

Il s’agit de tirer parti au mieux des atouts du territoire et de développer les potentialités locales pour offrir à chacun les mêmes chancesquel que soit son lieu de vie. Certains des équili-bres infrarégionaux peuvent évidemment fragili-ser la cohésion économique et sociale au sein dela région. Pour nous, les enjeux sont les suivants :

trouver pour chaque territoire sa propredynamique de développement, ce que lespays ont vocation à organiser en liaisonavec les communes et les communautésde communes ;

renforcer l’attractivité pour l’accueil desentreprises et de leurs salariés.

La Bretagne dispose d’une avance importantedans l’organisation de son espace en structuresintercommunales et en pays. Nous avons étécités en exemple par le précédent Délégué à l’aménagement du territoire comme une régionqui avait su réfléchir et mettre en œuvre depuislongtemps cette organisation en pays. Le Conseil

régional y a beaucoup contribué et alimente sanscesse la dynamique du territoire. Pour nous, cela s’avère un atout majeur pour l’aménagementrégional et surtout donne la capacité aux diffé-rents territoires d’organiser leur propre stratégiede développement.

Mais tout ceci n’est pas sans risque. L’échec seraitqu’une politique de pays aboutisse à la parcelli-sation, à l’émiettement des énergies, à une visionpicrocholine du développement, à l’organisationde fiefs politiques qui se combattraient entreeux. Je crois beaucoup plus au succès, à l’émula-tion, au dynamisme, à la mobilisation de toutesles énergies sur un territoire et singulièrementd’ailleurs sur les territoires les plus menacés par la désertification. Je crois que cette manièrede voir l’emportera mais il est vrai que c’est un pari. Cependant, en Bretagne, nous avonsl’habitude de relever les défis. C’est pourquoi je suis résolument optimiste pour l’avenir de la région dont j’ai l’honneur de présider leConseil régional.

Le danger de la décentralisation ?l’émiettement !