comment favoriser l’integration des salaries a … · ces différents aspects constitueront le...
TRANSCRIPT
COMMENT FAVORISER L’INTEGRATION DES
SALARIES A L’ETRANGER
Mémoire professionnel
Cycle Master Professionnel I
Responsable Gestion des
Ressources Humaines
2012
Clémentine DESTOMBES
COMMENT FAVORISER L’INTEGRATION DES SALARIES A L’ETRANGER
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
I. LE DEVOIR DE PROTECTION DE L’EMPLOYEUR A L’EGARD DES SALARIES EXPATRIES ........................................................................................................................................... 5
A. Dispositions générales ................................................................................................................. 5
1. Les réglementations supranationales ....................................................................................... 8 2. Les réglementations nationales................................................................................................ 9 3. L’obligation de moyen, et de tout prévoir ............................................................................. 10
B. Le Devoir de Protection appliqué par les entreprises ................................................................ 12 C. Préconisations dans l’application du devoir de protection ....................................................... 19
II. LE CHALLENGE DE L’ENVIRONNEMENT MULTICULTUREL ..................................... 23
A. Les enjeux du contexte interculturel .......................................................................................... 23 1. La culture, définition ............................................................................................................. 24
2. L’Entreprise multiculturelle et le management interculturel ................................................. 27 3. La préparation interculturelle comme nécessité .................................................................... 32
B. La préparation interculturelle au sein des entreprises ............................................................... 34 1. Le complément de la formation santé/sécurité ...................................................................... 36 2. Une demi-journée de sensibilisation en groupe ..................................................................... 36 3. Deux jours de formation individuelle ou en famille .............................................................. 37
C. La formation interculturelle, une étape nécessaire et non exhaustive ....................................... 38 III. L’ACCOMPAGNEMENT DU CONJOINT D’EXPATRIE .................................................... 41
A. La place de la famille dans l’expatriation .................................................................................. 41 1. Les facteurs de motivation pour la famille accompagnante .................................................. 42 2. Les inquiétudes et désillusions de l’aspect personnel et affectif ........................................... 42 3. Une décision professionnelle ................................................................................................. 43 4. Le risque de l’interculturel .................................................................................................... 45 5. La minorité d’hommes accompagnants ................................................................................. 46
B. En pratique dans les entreprises ................................................................................................ 46 1. Participation aux formations linguistique et interculturelle................................................... 47 2. Un accompagnement individualisé ........................................................................................ 47
C. Le succès de l’accompagnement du conjoint d’expatrié ........................................................... 49 IV. CAS PRATIQUE ...................................................................................................................... 51
CONCLUSION ..................................................................................................................................... 57
ANNEXES ........................................................................................................................................... .59 I. SOURCES DOCUMENTAIRES ............................................................................................. A1 II. ENQUÊTE................................................................................................................................ A2
A. Questionnaire à destination des entreprises rencontrées en face à face
B. Trame de l’entretien avec Madame LORRAIN
C. Sondage soumis a 20 entreprises, auquel 6 ont répondu
1
INTRODUCTION
La Mondialisation et l’expatriation
Avec l’arrivée de la mondialisation, nous avons constaté un nombre croissant
d’entreprises expatriant de plus en plus de salariés à l’étranger. Cette tendance est
particulièrement importante depuis une quinzaine d’années.
En effet, la mondialisation a bousculé le rythme des entreprises : elle a, de manière générale,
intensifié et accéléré les échanges économiques, financiers et culturels à l’échelle mondiale.
Les entreprises ont imposé leur présence à l’étranger, adoptant ainsi le nom de
« transnationales », voire « multinationales » selon la part de chiffre d’affaire réalisée à
l’étranger.
C’est dans ce contexte de développement rapide que l’expatriation, même si elle
existait déjà dans les entreprises, a connu une accélération flagrante.
On constate par ailleurs une évolution importante du nombre de français à l’étranger qui, de
850 000 en 1995, a nettement augmenté pour passer à 1 594 303 en début d’année 20121.
Ces chiffres concernent la population globale de français à l’étranger, pour raisons
professionnelles ou autre. Dans le cas de ce mémoire, l’étude portera exclusivement sur les
salariés dont le contrat est suspendu mais pas rompu, pour la durée d’une mission à l'étranger
de 3 ans minimum, en dehors de leur pays d'emploi habituel, indépendamment du type de
contrat appliqué.
Alors qu’il s’agissait encore de cas isolés il y a 15 ans, les expatriés sont désormais une
population significative au sein des grandes et moyennes entreprises.
Envoyés en mission pour des évolutions de carrières, pour compenser un manque de main
d’œuvre ou de compétences sur place, ou encore pour représenter la marque et l’autorité de
l’entreprise sur place, les expatriés sont de véritables ambassadeurs de leur entreprise dans le
pays d’accueil.
Alors qu’à l’origine, les contrats d’expatriations étaient préparés au cas par cas sans véritables
limites budgétaires, l’expansion progressive de ces flux de salariés a poussé les entreprises à
une discipline d’optimisation des coûts.
1 Note d’évolution de la population française inscrite au 31/12/2011, publiée par le ministère des affaire étrangères et européennes le 16 janvier 2012 - http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Note_evolution_inscrits_2011_cle8fe5b1.pdf
2
Au sein des directions des Ressources Humaines et à l’intention de ces populations
spécifiques se sont élaborées des politiques de mobilité pour cadrer et organiser leur gestion :
les barèmes de rémunérations et d’avantages sociaux s’élaborent, et les packages
d’expatriation, mieux définis sont basés sur des critères précis, tout en restant attractifs pour
les salariés.
Les entreprises cherchent à devancer leurs concurrents, ce qui nécessite le départ rapide des
salariés expatriés et qu’ils soient le plus tôt possible opérationnels sur les lieux.
L’importance de la préparation
L’expatriation réussie ou échouée a, pour le salarié, des conséquences certaines sur le
déroulement de sa carrière, voire de sa vie. Aucune expérience professionnelle à l’étranger
n’est neutre. Il ne s’agit pas de tourisme mais bien de l’immersion dans une collectivité
nationale et régionale inconnue avec de grandes responsabilités vis à vis des employés de
l’entreprise et des partenaires extérieurs.
Une telle expérience ne peut être considérée comme à la légère : de manière inopinée ou
prévue l’identité de l’intéressé peut être remise en question.
C’est pourquoi, l’employeur qui l’envoie en mission doit tout mettre en œuvre pour garantir
sa préparation afin de faciliter son adaptation au nouveau contexte de vie et de travail.
Qu’il soit géographique, sanitaire et sécuritaire, culturel ou professionnel.
Ces différents aspects constitueront le premier contact du salarié avec son nouvel
environnement de travail mais aussi de vie.
Préparer le salarié à son expatriation limitera les probabilités d’un échec et rentabilisera
l’investissement fait sur sa personne par l’entreprise.
C’est certainement la raison pour laquelle j’ai choisi, dans ce mémoire, de m’intéresser
à la préparation de l’intégration du salarié futur expatrié dans son pays d’accueil. Dans ma
démarche de recherches j'ai voulu dépasser mes représentations et avoir une réelle
connaissance du sujet pour savoir de quelle façon, et pourquoi, l’accompagnement de
l’entreprise est essentiel dans l’intégration du salarié expatrié. Au même titre que le salarié
entrant dans une entreprise dont il ne connaît pas l’organisation ou les habitudes, un expatrié
nécessite d’être accompagné à son début d’expatriation.
3
Le thème de ce mémoire
Je suis donc partie de la problématique :
« Comment favoriser l’intégration d’un salarié à l’étranger »
Nous aborderons trois thèmes qui, à condition d’être réfléchis et maîtrisés par l’employeur,
favoriseront son intégration et par conséquent la réussite de sa mission.
- Le devoir de protection de l’employeur vis-à-vis des salariés expatriés
- La préparation du salarié au contexte interculturel
- L’accompagnement du conjoint d’expatrié.
Ces trois points me semblent essentiels en ce qui concerne le bien-être du salarié, favorisant
ainsi sa performance sur son poste et, par conséquent, la réussite de la mission d’expatriation.
Tel que nous l’avons souligné plus haut, l’expatriation n’est pas l’apanage des grandes
entreprises puisqu’elle concerne également les moyennes entreprises.
J’ai cependant fait le choix de définir un champ d’application à ce mémoire professionnel, en
le limitant aux grandes entreprises.
Le nombre et la variété de leurs cas d’expatriation rendent significative leur expérience.
C’est d’ailleurs dans ce cadre que j’ai orienté mes recherches, notamment dans ma démarche
auprès des entreprises elles-mêmes, lorsque j’ai rencontré des responsables de Mobilité
Internationales des entreprises Lafarge, Total et Axa. Ces entretiens seront appelés dans le
développement sous forme de notes de bas de page.
D’autre part, mes recherches ont pu être alimentées par de nombreux ouvrages publiés depuis
quelques années au sujet de l’expatriation, et particulièrement l’aspect du management
interculturel.
C’est grâce à ces apports que j’ai développé ce mémoire, pour justifier et encourager
l’accompagnement de l’intégration de l’expatrié dans son nouvel environnement de travail.
Pour chacun des trois thèmes énoncés plus haut je propose de justifier leur nécessité, et
d’analyser la manière dont ils sont appliqués en entreprise. Suivront un point de vue
personnel sur ces pratiques et, éventuellement, des préconisations pour les perfectionner.
Enfin, à travers un cas fictif d’expatriation je m’efforcerai d’illustrer et de justifier mes
préconisations.
4
5
I. LE DEVOIR DE PROTECTION DE L’EMPLOYEUR A L’EGARD DES SALARIES EXPATRIES
A. DISPOSITIONS GENERALES
La bonne connaissance des risques et des dangers propres au pays qui l’accueille est
importante pour la préparation et l’intégration d’un salarié à l’étranger.
Le sentiment de sécurité permet au salarié, ainsi qu’à ses membres accompagnants, de se
sentir à l’aise dans leur nouvel environnement, et de pouvoir y évoluer sans crainte, ou du
moins en toute conscience des précautions à prendre afin d’éviter toute mise en danger de leur
santé physique ou morale.
Ce bien-être au travail des salariés expatriés leur permet de mieux s’intégrer dans leur
environnement de travail et de mieux s’adapter à leur pays d’accueil.
La répartition du devoir de protection
Plus qu’une notion de confort pour le salarié, cette sécurité est un devoir fondamental
de la part de l’employeur : le Devoir de Protection (aussi appelé Duty of care).
« Le concept juridique de Devoir de Protection présume que les personnes physiques et les
organisations ont des obligations légales leur imposant d’agir envers autrui avec prudence et
vigilance afin d’éviter tout risque de dommages prévisibles.
Les employeurs ont une responsabilité et une obligation tant morale que légale à l’égard de la
santé, sûreté et sécurité de leurs employés.»1
Ce devoir est réparti auprès de quatre fonctions de l’entreprise :
- Les Ressources Humaines
- Le Senior Management
- Le Risk Management
- Le service de Sûreté/Sécurité
D’autres instances sont également concernées : responsables/partenaires médicaux,
compagnies des assurances, juristes…
1« Le Devoir de Protection des employeurs à l’égard des expatriés », Lisbeth Claus, International SOS, 2009
6
Cette pluralité des acteurs impliqués dans la conception et la mise en œuvre du Devoir
de Protection fragmente la responsabilité et générer des conflits d’intérêt : les impératifs de
l’un pouvant aller à l’encontre de ceux de l’autre : par exemple, les exigences de
Sûreté/Sécurité peuvent introduire des coûts non prévus financièrement. L’entreprise peut être
contrainte, sans jamais négliger sa responsabilité, à trouver des compromis entre protection
des salariés et maîtrise des coûts.
Le Devoir de Protection doit être appliqué avec d’autant plus d’attention lorsqu’il s’agit des
salariés quittant temporairement le territoire national.
Un salarié en mission à l’étranger, peut-être confronté à des risques nombreux et très divers
que l’entreprise se doit de dénombrer d’autant plus précisément que sa responsabilité pourra
être mise en cause.
Les risques
Les risques peuvent être :
- de caractère politique et humain (bouleversement politique, guerre dans le pays d’accueil,
taux de criminalité évident, terrorisme, enlèvement, attentats…),
- de caractère environnemental (isolement rural, qualité de l’air, déracinement linguistique…),
- de caractère naturel (ouragans, inondations, tsunami, séismes, conditions climatiques
extrêmes…),
- de caractère sanitaire (maladies infectieuses, maladies pandémiques, urgences médicales,
difficulté d’accès aux soins…).
Il peut s’agir aussi :
- d’accident au sens plus large du terme (accident de voiture, catastrophe aérienne…),
- d’infraction à la loi du pays accueillant (détention illicite de produit interdit dans le pays
d’accueil, non-conformité aux règles concernant l’immigration).
Cette liste, non exhaustive, permet de prendre conscience du caractère complexe de la mise en
œuvre du Devoir de Protection assigné à l’employeur qui se trouve contraint de prévoir le pire
scénario.
Dans ces conditions, les employeurs ont un Devoir de Protection encore plus marqué
que ce qu’il est commun d’appliquer pour les salariés locaux, que ce soit de nature juridique,
économique ou morale.
7
La pluralité des sources de droit
Du point de vue juridique, l’expatriation d’un salarié rend la définition du Devoir de
Protection de l’employeur plus complexe, du fait de la pluralité des sources de droit
s’appliquant.
En effet, cela peut mener à des conflits de lois, où employeurs et employés ne sont pas
toujours au clair sur la loi à respecter. S’agit-il de la législation nationale du pays d’origine ?
D’accueil ?...
Il peut arriver qu’employeurs et employés ne soient d’accord sur ce point, chaque partie
faisant valoir ses droits en choisissant la réglementation qui lui est favorable !
Certaines indications peuvent aider à déterminer les pays dont la loi s’applique, mais aucune
règle n’est précisément définie.
Parmi les indices qui peuvent être pris en compte, on peut citer le pays où l’accident a
effectivement eu lieu, le pays dans lequel l’employé exerce ses principales responsabilités, la
durée d’expatriation du salarié dans le pays d’accueil, l’endroit où a été signé son contrat,
celui où se trouve le siège social de l’entreprise l’employant…
Généralement, les entreprises doivent, en premier lieu, se plier aux législations
nationales des pays dans lesquelles elles envoient leurs salariés.
Cependant, il n’est pas rare que certains pays émergents ou en développement n’aient pas
encore de législation spécifique en termes de Devoir de Protection de l’employeur. Le concept
de Devoir de Protection de l’employeur reste effectivement occidental1. Ces situations ne
dispensent pas pour autant l’employeur de tout Devoir de Protection, puisqu’il peut lui être
reproché de ne pas l’avoir appliqué au vu de la réglementation active dans le pays d’origine
du salarié.
Il est donc plus prudent que l’entreprise se réfère aux législations tant du pays d’origine que
du pays d’accueil.
Enfin, il faut tenir compte des réglementations supranationales telles que les conventions de
l’Organisation Internationale du Travail (OIT ou ILO en anglais), et des directives de l’Union
Européenne.
1 « Etude comparative internationale sur le Devoir de Protection et Gestion du Risque Voyage » International SOS, 2011
8
1. Les réglementations supranationales L'OIT a adopté plus de quarante conventions et recommandations sur la sécurité et la santé au
travail ainsi que plus de quarante recueils de directives pratiques, comprenant quatre
principales catégories1:
• Les principes directeurs des actions
• La protection dans des secteurs donnés d’activité économique
• La protection contre les risques spécifiques
• Les mesures de protection.
Elle a d’autre part appelé ses membres à signer la convention sur le cadre promotionnel pour
la sécurité et la santé au travail, pour faire valoir des conditions de travail plus sûres et de
réduire le nombre de maladies du travail, accidents du travail et décès liés au travail2.
Néanmoins, cette convention ne prévoit pas de dispositions particulières dans le cas des
salariés expatriés.
De son côté, la législation de l’Union Européenne est plus précise en matière de
Devoir de Protection des salariés expatriés.
Tout d’abord elle impose aux employeurs des Etats membres le devoir de garantir la santé et
la sécurité des salariés, tout en responsabilisant également les salariés eux-mêmes qui doivent
être vigilants vis-à-vis de leur propre sécurité.3
Cette directive a été adoptée par la suite par les Etats membres à leur échelle nationale, et peut
être appliquée de manière différente d’un Etat à un autre.
En complément, l’Union Européenne prévoit une directive sur le détachement des travailleurs
au sein de l’UE4.
De plus, en réponse aux conflits de loi pouvant exister, l’Union Européenne prévoit la
réglementation concernant la compétence judiciaire5 qui peut être soit choisie par un accord
mutuel entre employeur et employé, soit imposée en l’absence de choix contractuel.
1 Référence sur le site de l’OIT : http://www.ilo.org/global/topics/safety-and-health-at-work/lang--fr/index.htm 2 C 187 Convention concernant le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006 (date d’entrée en vigueur 20.02.2009) http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convdf.pl?C18 3 Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 4 Directive 96/71/CE, UE 1408/71 5Convention CE de 1980 et Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000
9
2. Les réglementations nationales
Concernant le Devoir de Protection selon le droit national, comme nous l’avons dit
plus haut, il découle des directives européennes pour les Etats membres, et diffère d’un pays à
un autre en s’appliquant en fonction de la législation du pays.
Afin d’en donner une illustration, nous prendrons pour exemple le cas de la France, où trois
sources de lois se distinguent :
• le Code du Travail, définissant le Devoir de Protection de l’employeur,
• le Code de la Sécurité Sociale, précisant les conditions d’indemnisation des
travailleurs et définit l’accident du travail,
• le Code Pénal, prévoyant les sanctions applicables en cas de manquement au Devoir
de Protection de l’employeur.
Source de loi Article Synthèse
Code du Travail
L 4121-1
L 230-2
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la
sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs à
travers différentes mesures : éviter les risques, évaluer les risques
qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source,
adapter le travail à l’Homme.
L 4741-1
Le non-respect des articles prévoyant le Devoir de Protection de
l’employeur peut entraîner des poursuites pénales (amende, mais
aussi jusqu’à emprisonnement)
Code de la sécurité sociale
L 411-1
et 2
Définit l’accident du travail comme étant dû au fait ou à
l’occasion du travail, sans limite de mission ou de lieu
d’exécution, et selon certains critères en ce qui concerne un
accident survenu sur le trajet domicile habituel-travail ou travail-
lieu de restauration habituel
L 452-1
et suiv.
Définissent les conditions d’indemnisations du travailleur dans le
cas d’un accident dû à la faute inexcusable de l’employeur.
Code Pénal 121-1 et
suiv.
Définissent la responsabilité pénale de l’employeur en cas de
manquement intentionnel ou non-intentionnel au Devoir de
Protection ayant causé une blessure ou un préjudice corporel au
travailleur. (sanctions énoncées dans les articles 223-1 et 223-2)
10
La lecture de ce tableau permet de constater que la législation française est cohérente
avec les réglementations supranationales de l’OIT et de l’Union Européenne, tout en précisant
davantage le champ d’application du Devoir de Protection de l’employeur, ainsi que les
dispositions en cas de manquement à ce devoir.
Plusieurs exemples comme la France peuvent être pris parmi les pays européens et, plus
globalement, les pays industrialisés.
Si d’un pays à l’autre les textes diffèrent, tous respectent les règles supranationales.
La jurisprudence apporte d’utiles précisions aux textes législatifs puisqu’elle désigne
l’ensemble des décisions de justice relatives à une question juridique donnée, actualisant la loi
au fur et à mesure des évènements juridiques.
Bien que les Conventions Collectives ne prennent pas en compte le cas spécifique des
missions à l’étranger elles peuvent néanmoins contenir tous les éléments généraux qui leurs
sont applicables.
3. L’obligation de moyen, et de tout prévoir
De l’ensemble de ces réglementations il ressort que le Devoir de Protection implique
une obligation de résultat, mais aussi une obligation de moyen. Ainsi, en plus des mesures
permettant d’éliminer les risques (maladies, situations précises à risques,…) auxquels les
salariés peuvent être confrontés, l’employeur doit également mettre en œuvre des mesures de
prévention strictes pour protéger le salarié des risques raisonnablement prévisibles.
Par ailleurs, si informer le salarié des risques qu’il encourt va de soi, il est essentiel
qu’il comprenne que relève de sa propre responsabilité les gestes et comportements
préconisés pour sa sécurité.
Le Devoir de Protection est particulièrement complexe pour l’employeur qui doit
s’assurer d’avoir en quelques sortes « tout prévu ». Que ce soit en termes de législation
(quelle législation est applicable dans le cas d’une expatriation d’un pays A à un pays B ?) ou
en termes de mesures de prévention où sa responsabilité ne sera pas appelée uniquement sur
des actions commises, mais également omises.
11
Les conséquences des manquements
En cas de manquement à ce devoir, les risques encourus par l’employeur sont
généralement des dommages et intérêts, des amendes, et peuvent aller jusqu’à
l’emprisonnement (en cas de récidives par exemple), mais pas uniquement.
Mais les pénalités prévues dans le cadre législatif ne sont pas les seules conséquences qui
rejaillissent sur l’entreprise.
Si la réussite d’une expatriation n’est généralement pas rapportée sur la place publique, la
condamnation d’une entreprise pour manquement au Devoir de Protection a, elle, des
répercussions dramatiques sur sa marque employeur, sur le capital confiance de son propre
personnel, et sert d’exemple à ne pas suivre pour les autres entreprises.
Nous pouvons illustrer un manquement au Devoir de Protection avec le cas d’une salariée de
la société Sanofi Pasteur, agressée pendant une mission d’expatriation en Côte d’Ivoire.
Elle avait pourtant, à plusieurs reprises, fait la demande d’être rapatriée en France en raison
du danger résultant d’une situation politique très perturbée, qui compromettait gravement la
sécurité des ressortissants français en expatriation dans ce pays. Mais son employeur n’avait
pas répondu favorablement à ses demandes, bafouant ainsi le Devoir de Protection.
La demande de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur par la salariée a été
rejetée à plusieurs reprises, puisqu’il s’agissait du cas particulier d’une agression ayant lieu
lors de la vie privée de la salariée et non pendant son temps de travail.
Cependant, sa présence en Côte d’Ivoire relevant de son contrat d’expatriation, la société
Sanofi Pasteur a été tenue responsable de manquement au Devoir de Protection de cette
salariée. En effet, le lien de subordination existant entre employé et employeur prend une
autre dimension dans le cas de l’expatriation, où le simple fait d’être dans le pays d’accueil est
reconnu comme un contexte de travail.
Cette condamnation a flétri l’image de la société Sanofi Pasteur, et, illustre la difficulté
de définir le champ d’application du Devoir de Protection dans le cas de salariés expatriés, et
la complexité de la prévention des risques pouvant avoir lieu dans les pays d’expatriation.
12
B. LE DEVOIR DE PROTECTION APPLIQUE PAR LES ENTREPRISES
Suivant les dispositions légales, les entreprises adaptent leurs pratiques afin de
répondre au mieux aux exigences de protection des salariés expatriés.
Dans les faits, il s’agit souvent d’une préparation progressive et par étapes de l’employé aux
conditions de travail de son futur pays d’accueil.
Le Devoir de Protection implique idéalement un modèle comprenant trois phases : la
planification (évaluation des risques spécifiques à l’entreprise, planification de manière
stratégique et élaboration de politiques et procédures), l’action (gestion de la mobilité
internationale, communication/éducation/formation, localisation et information) et le contrôle
(audits réguliers et déploiement d’axes de progrès)1.
Dans le cadre de ce mémoire je me suis particulièrement intéressée à la partie concernant la
gestion de la mobilité internationale et la phase de préparation et d’intégration des salariés à
l’étranger.
Comme en témoignent les entreprises que j’ai pu rencontrer lors de mes entretiens de
recherche, les différentes dimensions de préparation, information, prévention, formation
doivent être prises en compte afin de verrouiller au maximum les conditions de sécurité du
futur expatrié, et ainsi éviter tout risque.
On constate par ailleurs que chaque entreprise a une perception différente des pays
qu’elle considère « à risque ». Selon les secteurs d’activités, les risques et menaces sont
perçus différemment (exemple : les expatriés ayant des missions dans les secteurs des
énergies et ressources naturelles ne seront pas confrontés aux mêmes risques que des expatriés
d’ONG)2. La prévention de ces risques sera donc forcément variable d’une entreprise à une
autre, même si les étapes de prévention auprès des futurs expatriés restent sensiblement les
mêmes.
1 « Etude comparative Internationale du Devoir de Protection et Gestion du Risque Voyage » International SOS 2011 page 9 2 Béatrice Ogée, Directeur Général France International SOS, lors de la conférence « Devoir de Protection et gestion du Risque Voyage » du 13 mars 2012
13
La visite médicale
Tout d’abord, comme pour une prise de poste régulière, le salarié doit se soumettre à
une visite médicale. En revanche, dans le cas d’une expatriation, des examens
supplémentaires sont nécessaires.
La visite médicale se fait en fonction des critères énoncés par la description de poste envoyée
par le pays d’accueil, mais également des conditions particulières inhérentes au pays
d’accueil : par exemple un salarié partant en Equateur doit pouvoir supporter les conditions de
travail en haute altitude.
Ce contrôle médical peut mettre en cause ou annuler le départ en expatriation : en cas
d’inaptitude aux conditions physiques qu’impose le poste, une solution peut être recherchée
pour améliorer telle ou telle variable, afin de rendre l’expatriation possible, comme cela se fait
pour une prise de poste local.
Cependant, dans le cas où le salarié n’aurait pas l’accord du médecin du travail pour prendre
le poste proposé, malgré les aménagements faits ou les efforts réalisés tant par l’employeur
que l’employé, l’expatriation ne pourrait pas être possible, pour des raisons de sécurité.1
La majorité des départs se faisant en couple ou en famille2, chaque membre de celle-ci doit se
soumettre au contrôle médical qui certifiera ou non l’aptitude de chacun à accompagner
l’expatrié dans son pays d’accueil.
Ce rendez-vous médical est également l’occasion de faire les premières recommandations en
termes d’hygiène et sécurité sanitaire liées à la vie sur place : vaccination, médicamentation,
protection solaire, protection des voies respiratoires. Il est souvent imposé comme condition
au départ : pas de bilan médical, pas de départ.3
Cependant il arrive encore que des salariés et leurs familles partent en expatriation
sans avoir effectué cette visite médicale4. Par manque de temps ou d’organisation, ils ne
feront ce contrôle médical qu’une fois arrivés dans leur pays d’accueil, au risque de se rendre
compte sur place que des critères médicaux n’attestent pas de leur aptitude à travailler dans
les conditions du nouveau poste et/ou du nouveau pays d’accueil.
1 Entretien avec Soledad ATTALLI BONHEUR, Directrice Mobilité Internationale de LAFARGE, le 9.05.2012 2 Sondage effectué auprès de 6 entreprises 3 Entretien avec Maud RAEDERSDORFF, gestionnaire d’expatriation chez AXA, le 22.05.2012 4 Entretien avec Catherine GUICHARD, gestionnaire d’expatriation chez Total, le 23.04.2012
14
L’information sur les risques du pays
Comme le risque ne se limite pas uniquement aux conditions d’adaptation sanitaires de
l’employé et de sa famille, beaucoup d’autres informations sont également nécessaires à la
bonne préparation des futurs expatriés.
Le salarié et ses membres accompagnants reçoivent d’abord des informations sur les
différents prestataires de services en lien avec leur sécurité (rôle de l’assurance médicale, de
la mutuelle, des organismes de rapatriement, comment conduire dans le pays d’accueil, rappel
des risques inhérents au pays d’accueil).
Cette informations peut avoir un côté sensible dans le cas d’un litige ultérieur. L’information
était-elle suffisante, et décharge-t-elle l’entreprise de sa responsabilité dans le cas d’un
accident d’un salarié expatrié n’en ayant pas suivi les directives ? Malgré cette démarche, il
peut être reproché à l’entreprise de ne pas avoir pris de mesures supplémentaires pour vérifier
la bonne application et utilisation du salarié des informations lui ayant été fournies avant son
départ.
Ensuite, quand le pays d’origine le permet, une formation plus concrète est dispensée aux
futurs expatriés afin de les préparer à la sécurité dans le pays d’accueil. Il s’agit la plupart du
temps d’une présentation des menaces existant dans le pays d’accueil, du comportement à
adopter au quotidien, de la présentation des services d’urgence du pays, des gestes ou
attitudes à adopter en cas de dangers imminents.
De nombreux organismes de formation (tels que Net Expat, Itinéraires Interculturels,
Berlitz,…) ou des prestataires indépendants experts en sécurité et sûreté des pays d’accueil le
proposent, avec une variété de programmes abordant ce sujet. Cela permet à l’entreprise de
fournir au salarié une formation ciblée sur le pays de destination grâce aux connaissances
actualisées et précises des prestataires (les formateurs sont de préférence originaires du pays
d’accueil ou témoignent d’une longue expérience dans ce même pays, avec un lien toujours
d’actualité)1.
1 Entretien avec Nathalie Lorrain, Directrice d’Itinéraires Interculturels le 30.03.2012
15
Il n’est pas facile d’avoir une personne en interne chargée de cette formation spécifique à
chaque pays concerné par l’expatriation. Il est essentiel d’avoir une bonne évaluation des
risques du pays d’accueil pour transmettre une information actualisée et une formation
adaptée.
Selon les entreprises, ce module de formation est imposé, recommandé, ou simplement
proposé. Les retours sur ces formations sont généralement positifs1. Même si des aspects de la
formations peuvent, dans certains cas, inquiéter les futurs expatriés et leurs conjoints du fait
de la présentation de risques des pays d’accueil (exemple : les enlèvements fréquents au
Mexique), ceux-ci se disent rassurés d’avoir été avertis, prévenus et préparés.2
Mais dans de nombreux cas, cette formation ne peut être faite avant le départ, par manque
d’outils ou organismes dans le pays d’origine, ou également par manque de temps : le salarié
est attendu rapidement dans son pays d’accueil, l’expatriation s’est montée presque dans
l’urgence et il ne reste plus de temps pour une telle préparation avant le départ3. La formation
à la sécurité est donc dans ces cas à la charge de l’unité d’accueil.
L’absence d’une telle préparation peut être préjudiciable à l’intégration du salarié à
l’étranger. Une formation en amont permet de gagner en temps mais également de « préparer
le terrain ». Prendre connaissance, avant le départ, des différents risques, évite une
représentation exagérée des menaces qui, bien définies et expliquées, peuvent être
relativisées.
A l’arrivée dans le pays d’accueil, c’est alors au responsable RH du site d’organiser
l’ensemble de la formation, ou de fournir les informations complémentaires au salarié afin
d’assurer la préparation aux conditions du pays d’accueil.
Si un organisme de formation compétent existe dans le pays d’accueil, il offre la meilleure
solution pour favoriser l’adaptation du salarié aux nouvelles règles de sécurité du pays.
1 Synthèse des trois entretiens réalisés avec Total, Lafarge et Axa 2 Entretien avec Maud RAEDERSORFF, gestionnaire d’expatriation chez Axa, le 22.05.2012 3 Entretien avec Soledad ATTALLI BONHEUR, directrice de Mobilité Internationale Lafarge, le 9.05.2012
16
Comme c’est le cas lors de la formation proposée en amont lorsque c’est possible, elle est
dispensée par une personne directement liée au pays d’accueil, et donc idéalement informée
sur les risques et menaces lui étant spécifiques.
Quand de tels organismes ne sont pas disponibles sur place, d’autres options sont encore
possibles. Il peut s’agir d’une brochure qui, dans le cas où les informations qu’elle contient
n’auraient pu être transmises autrement, permettrait néanmoins de pallier ce qui n’aurait pas
été présenté à l’expatrié en terme de sécurité (exemple : « conduire au Nigéria »)1.
Par la suite, les responsables RH et responsables Santé/Sécurité sont les interlocuteurs
prioritaires des expatriés pour toute question de sécurité liée au travail ou au pays.
La difficulté de satisfaire aux obligations
Ces différentes étapes de préparation au nouvel environnement de travail de l’expatrié
relèvent d’une volonté des entreprises de prévoir un maximum de sécurité pour leurs salariés,
afin de minimiser tout risque potentiel.
Elles visent à couvrir tout ce qui incombe au Devoir de Protection de l’employeur lors de la
préparation d’une expatriation et son commencement, mais également à sensibiliser l’employé
à sa propre responsabilité. (Rappelons que, liée au Devoir de Protection de l’employeur se
trouve l’obligation de loyauté du salarié inhérent au contrat de travail, lui imposant également
de ne pas commettre des agissements relevant de la justice pénale.)
Dans les faits, il est difficile pour l’employeur d’être « irréprochable » dans sa garantie de la
sécurité de ses salariés expatriés.
Si les entreprises tendent à mettre en place et améliorer les différentes étapes de préparation,
la pratique ne correspond pas toujours à la théorie.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer les difficultés à satisfaire aux obligations.
Comme nous l’avons présenté dans les dispositions générales, les acteurs et décisionnaires du
Devoir de Protection sont multiples. Cela entraîne une fragmentation de la responsabilité, et
1 Entretien avec Catherine GUICHARD, gestionnaire d’expatriation chez TOTAL, le 23/04/2012
17
ainsi un ralentissement ou une désorganisation dans la mise en place du plan de gestion des
risques et des mesures qui en découlent.
D’autre part, la définition des risques eux-mêmes n’est parfois pas assez juste, peut-être en
raison des personnes les définissant : la perspective des risques locaux n’est pas forcément
exacte lorsqu’elle est faite à distance, ou par des professionnels n’étant pas experts soit en la
définition des risques, soit de ce pays.
Par ailleurs, cette définition des risques n’est pas toujours mise à jour alors qu’un profil de
risque peut évoluer rapidement, notamment du fait de la multitude de critères à prendre en
compte.
Enfin, le Devoir de Protection étant un concept relativement récent, il existe un
nombre limité de publications à ce sujet, particulièrement dans le cadre de l’expatriation. Ce
caractère récent peut également expliquer la sous-estimation par l’employé de son devoir de
loyauté et de sa responsabilité dans la garantie de sa sécurité.
Des études comparatives permettent aux entreprises d’être informées des pratiques des
concurrents et parfois de s’en inspirer, mais il n’existe pas précisément de « guide des bonnes
pratiques ». L’expérience permet chaque jour d’améliorer et de réajuster ces pratiques.
Notons aussi que, dans cette volonté d’amélioration, chaque décisionnaire, parmi lesquels les
responsables RH et de Mobilité Internationale, peuvent proposer de nouvelles mesures.
Cependant celles-ci peuvent s’avérer onéreuses et aller à l’encontre de politiques de réduction
des coûts.
Les couts impliqués par la prévention comprennent en effet :
• le coût de l’élaboration d’un plan de gestion des risques,
• le coût de la formation prodiguée par les services RH et de Santé/Sécurité des entités
d’origine et d’accueil,
• le coût de la couverture d’assurance,
• le coût des prestataires externes (incluant les prestataires de formation)
Le bon fonctionnement d’une gestion de risques se traduisant par une absence de sinistres, les
contrôleurs pourront être tenté de conclure à son inutilité, et à en réduire les moyens.
Le niveau actuel des entreprises
Si les entreprises interviewées dans
attentives aux problèmes liés à la gestion des risques, des études comparatives (notamment
celle effectuée par International SOS auprès de 628 entreprises réparties à travers le monde ou
celle de Mercer auprès de 220 entreprises) témoignent du retard de certaines entreprises à
mettre en place de telles mesures
Même si elles ont conscience du Devoir de Protection, celles
réaction que dans la prévention
International Assignments Survey –
Tel que l’illustre International SOS, il existe un continuum du Devoir de Protection
Un effort reste donc à faire sur la prévention
lorsque l’accident se produit mais
1 « Etude comparative Internationale sur le Devoir de Protection et la Gestion du Risque VoyageSOS, 2011
Le niveau actuel des entreprises
Si les entreprises interviewées dans le cadre de ce mémoire sont sensibilisées et très
attentives aux problèmes liés à la gestion des risques, des études comparatives (notamment
celle effectuée par International SOS auprès de 628 entreprises réparties à travers le monde ou
près de 220 entreprises) témoignent du retard de certaines entreprises à
mettre en place de telles mesures
Même si elles ont conscience du Devoir de Protection, celles-ci seraient plutôt dans la
réaction que dans la prévention :
Mercer – 2010 – Sondage effectué auprès de 220 entreprises dans le monde
Tel que l’illustre International SOS, il existe un continuum du Devoir de Protection
donc à faire sur la prévention afin de ne pas être obligé de r
lorsque l’accident se produit mais plutôt de le prévoir et de connaître les moyens de l’éviter.
Etude comparative Internationale sur le Devoir de Protection et la Gestion du Risque Voyage
18
le cadre de ce mémoire sont sensibilisées et très
attentives aux problèmes liés à la gestion des risques, des études comparatives (notamment
celle effectuée par International SOS auprès de 628 entreprises réparties à travers le monde ou
près de 220 entreprises) témoignent du retard de certaines entreprises à
ci seraient plutôt dans la
Sondage effectué auprès de 220 entreprises dans le monde
Tel que l’illustre International SOS, il existe un continuum du Devoir de Protection1 :
afin de ne pas être obligé de réagir seulement
de le prévoir et de connaître les moyens de l’éviter.
Etude comparative Internationale sur le Devoir de Protection et la Gestion du Risque Voyage » International
19
C. PRECONISATIONS DANS L’APPLICATION DU DEVOIR DE
PROTECTION
Malgré la responsabilité fragmentée entre différents acteurs dans l’application du
Devoir de Protection de l’employeur, le service des Ressources Humaines et celui de la
Mobilité Internationale jouent un rôle essentiel dans la préparation du salarié expatrié aux
risques encourus dans son futur pays d’accueil. Les entreprises d’aujourd’hui l’ont
compris qui mettent l’accent sur l’anticipation et la prévention.
Le processus commence par une évaluation des risques en local. Il est effectivement
reconnu que leur définition est plus fiable si elle est faite en local, car cela permet d’en avoir
une perception plus exacte et ainsi de couvrir toute éventualité. L’identification des dangers
garantissant une meilleure préparation aux dangers, cette phase est primordiale. Tous les
préparatifs de l’expatriation vont être basés sur ces évaluations pour prévoir et garantir la
sécurité des salariés expatriés. Elle n’est pas forcément oubliée par les entreprises, mais ces
dernières n’ont pas toujours l’assurance d’avoir des évaluations précises si elles sont faites
depuis les sièges d’entreprises, bien loin de la réalité de terrain des pays dans lesquelles sont
envoyés leurs expatriés. Elles peuvent entre autre se renseigner auprès du Ministère des
Affaires Etrangères qui tient à jour des dossiers pays de conseil aux voyageurs, concernant
notamment les risques naturels, sanitaires, technologiques et humains.1
Pour aller plus loin dans l’évaluation des risques, le responsable RH du pays d’accueil
joue un rôle essentiel dans la définition des risques inhérents au poste de l’expatrié .
La rédaction de la fiche détaillée du poste destiné au salarié expatrié est de sa compétence :
outre la définition des fonctions et missions liées à ce poste il précise les conditions physiques
et environnementales de l’endroit où se trouve l‘entreprise.
Le service de Santé/Sécurité apportera les précisions indispensables à la compréhension des
critères à examiner lors du contrôle médical. Plus les descriptions sont précises, et plus la
prévention des risques peut être faite spécifiquement pour le poste de travail concerné.
S’en suit alors la visite médicale préliminaire à l’expatriation. Celle-ci doit
impérativement être obligatoire et antérieure au départ du salarié et des personnes qui
l’accompagneront dans le nouveau pays d’accueil. Une entreprise qui autoriserait un salarié à 1 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays/#tous_pays
20
partir en expatriation avant le contrôle médical mettrait en péril sa responsabilité
d’employeur. Une éventuelle inaptitude doit absolument être décelée avant le départ. Il y va
de la santé de l’employé dont l’employeur est responsable face à la loi.
D’autre part, si elle est décelée avant que le départ n’ait effectivement lieu, cela évitera que
des coûts soient engendrés du fait du début du travail et de la résidence de l’expatrié et de sa
famille dans le pays d’accueil.
Une formation préparatoire aux risques existant dans le pays ainsi qu’au
comportement à adopter est essentielle et doit être, dans l’idéal, dispensée par un
professionnel du pays d’accueil, afin de garantir l’exactitude des informations apportées. Elle
aide le salarié à se faire une meilleure idée de l’endroit dans lequel il se rend, et évite de sa
part des comportements à risque ou des attitudes inadaptées. Tel que nous l’avons présenté
dans les dispositions générales, les risques ne se limitent pas aux conditions
environnementales ou sanitaires. Il peut s’agir de manquements aux lois locales parce que le
salarié les ignore.
Bien que les conditions de chaque pays ne le permettent pas systématiquement, il est
indispensable de prévoir cette formation à chaque fois qu’elle est possible, et de prévoir la
mise en place d’un « substitut » (e-learning, information papier, tutorat avec une personne
étant déjà partie en expatriation dans le pays de destination…) lorsque personne au sein de
l’entreprise ni aucun organisme de formation n’est en mesure de dispenser une telle
formation. Prévenir ces risques c’est éviter tout dommage pour le salarié, les complications
juridiques sur place, la perte de temps de travail effectif du salarié, la dégradation de l’image
de l’entreprise véhiculée par son « ambassadeur » dans le pays d’accueil.
Une formation à la santé et la sécurité sur le lieu d’expatriation doit être imposée
dès l’arrivée du salarié par le service de Santé/Sécurité. Les gestes de sécurité ne sont ni les
mêmes d’un pays à un autre, ni d’un établissement à un autre, ni d’un poste à un autre.
Le but est de familiariser l’expatrié avec son nouvel environnement de travail, mais aussi de
rappeler ce qui a pu être abordé lors de la première formation aux risques du pays.
Enfin, la responsabilisation de tous est essentielle, et ne doit pas être uniquement
ponctuelle au moment de la préparation de l’expatriation.
21
Un moyen de stimuler salariés et managers à la vigilance et de les sensibiliser aux retombées
négatives d’accidents qui auraient pu être évités, consisterait à inclure l’amélioration des
conditions de sécurité comme critère dans le calcul de l’intéressement. Il n’est pas rare, en
effet, que les responsables du respect des consignes de sécurité au quotidien n’exercent pas
suffisamment leur autorité. En faire un élément de rémunération peut être un facteur motivant
pour chacun, et un rappel efficace.
Si les mesures de prévention sont déjà en place dans les entreprises, bien souvent elles ne sont
pas obligatoires ou ne sont pas assez contrôlées. L’accident ou le décès d’un salarié, sont
imputables à l’entreprise si celle-ci ne peut fournir les preuves attestant qu’elle a mis en place
des mesures de protection.
Il incombe donc aux différents acteurs de prendre ces différentes étapes très au sérieux, de
contrôler leur réalisation, et d’être en mesure de pouvoir apporter les preuves qu’elles ont bien
été suivies par le salarié (en prévoyant par exemple de faire signer un document par chaque
expatrié, attestant la réception des informations, l’organisation de cette formation et la
présence des salariés à celle-ci). Bien qu’il s’agisse de mesures à la fois élémentaires et
fondamentales, certaines entreprises rechignent à les mettre en œuvre en raison de leur coût.
Pourtant, Maître David JONIN, avocat au cabinet Gide Loyrette Nouel, remarque que« l’écart
des coûts constatés en présence et l’absence de prévention est de l’ordre de 1 à 20, voire de 1
à 200. Si le pire arrive, les coûts pour l’employeur sont donc sans commune mesure avec celui
des mesures de prévention préalables à l’envoi de salariés à l’étranger ».
22
Les bénéfices de la prévention sont nettement plus intéressants que l’économie faite sur la
prévention qui perd alors tout crédit lorsqu’un accident arrive :
Composantes du coût
Mépris du Devoir de Protection
Dommage à la victime (c’est-à-dire perte
de la vie, préjudice, perte de bénéfice)
Dépenses médicales, évacuation,
rapatriement
Indemnités de maladie de l’employé
Détournement de ressources (financières et
humaines)
Ressources humaines consacrées à la
situation par l’encadrement supérieur
Dommage matériel et financier
Perte d‘exploitation, immobilisation,
fermeture de site
Contentieux en droit du travail
Dommages et intérêts résultant de la mise
en jeu de la responsabilité
Amendes et sanctions au titre des lois
applicables
Augmentation des primes d’assurances en
conséquence de l’incident
Conséquences sur le moral et perte de
productivité
Perte d’employés potentiels dont le
recrutement devient impossible
Remplacement des employés qui quittent
la société (recrutement et accueil)
Possibilité de dépôt de bilan
Perte intangible (réputation, image de
marque, clientèle, etc.)
Coûts de prévention
Elaboration d’un plan de gestion de risque
Conformité et formation
Couverture d’assurance
Prestataires extérieurs
Composantes du bénéfice
Maintien du bien-être de l’employé (santé,
sécurité et sûreté, qualité de vie)
Main d’œuvre mieux formée et mieux
préparée.
Coûts d’incidents importants évités
Primes plus importantes pour les cadres et
de participation des salariés aux bénéfices
(le cas échéant)
Réduction des primes d’assurance si des
mesures de gestion de risque appropriées
sont mises en place
Meilleure conformité juridique
Absence de contentieux judiciaire
Meilleure capacité à attirer et conserver les
employés
Meilleure capacité à attirer les clients et les
investisseurs
Meilleure réputation de Responsabilité
Sociale de l’Entreprise
Productivité améliorée
Meilleur moral des salariés
Meilleure réputation, meilleure image de
l’entreprise en tant qu’employeur
23
II. LE CHALLENGE DE L’ENVIRONNEMENT MULTICULTUREL
A. LES ENJEUX DU CONTEXTE INTERCULTUREL
Tel que nous le décrivions dans l’introduction, la mondialisation a bousculé les
échanges entre pays, et augmenté les probabilités de rencontres entre les Hommes en
réduisant les distances physiques existant entre eux. De nouveaux pays se sont ouverts à
l’expatriation et les destinations ont évolué avec le temps, chaque pays représentant un défi
différent pour l’expatrié qui se trouve envoyé loin, non seulement de son pays, mais
également de sa culture.
Il lui est demandé de s’adapter à un nouveau mode de culture qui construira son quotidien,
sera présent dans sa vie privée et, surtout, dans sa vie professionnelle.
Ce défi est demandé chaque année à des milliers d’expatriés quittant leur pays pour
s’habituer à un autre. Un défi parfois minimisé par la pensée commune qui admet que les
différences culturelles s’estompent avec l’impact grandissant des médias, et que des variables
comme les produits, la technologie et le marché jouent un rôle bien plus essentiel que la
culture. Comme si la mondialisation, en réduisant les distances, réduisait aussi les différences
culturelles.
L’exemple le plus courant pris pour illustrer cette pensée d’uniformisation est
l’internationalisation de Coca-Cola ou McDonald’s.
Cependant, il faut se méfier de l’amalgame fait entre ce en quoi consistent ces marques de
produits et ce qu’elles représentent aux yeux de chacun dans chaque culture. Le McDonald’s
de Moscou aura une image d’un certain standing, alors que le McDonald’s de New York City
aura l’image d’un fast-food tout à fait banal. 1
Le développement des marchés à l’étranger n’a pas pour effet d’effacer les cultures qui sont
ancrées bien plus profondément au sein des sociétés et de chaque individu.
1 « L’Entreprise Multiculturelle » F. Trompenaars et C. Hampden-Turner, 2008
24
1. La culture, définition
La culture a fait l’objet d’un nombre impressionnant de définition. Nous avons retenu
celle de l’anthropologue britannique Edward B. Tylor qui, en 1871, est le premier à la
considérer comme un fait universel concernant toutes les sociétés quel que soit leur
développement : "Ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, les arts, la
morale, les lois, les coutumes, ainsi que les autres capacités et habitudes acquises par
l’Homme en tant que membre d’une société".
Les tribus amazoniennes les plus éloignées de la civilisation qui est la notre relèvent, comme
le parisien le plus « branché », de cette définition. C’est pourquoi nous la jugeons pertinente
pour notre travail : les employés missionnés ne sont-ils pas, aujourd’hui, susceptibles d’être
envoyés au Sri Lanka, en Russie où aux Etats Unis….
Par ailleurs on notera que cette définition est présentée comme une dynamique en perpétuels
mouvements puisque l’ensemble des éléments qui la constituent est constamment enrichi.
Geert Hofstede, quant à lui, explique que si l’esprit est le matériel informatique (hardware), la
culture est le logiciel (software).1
A vrai dire, la culture est un système de règles sociales ancrée grâce à des valeurs
profondes. Elle structure nos sociétés et leur donnant à chacune une vision subjective et
différente du monde.2
C’est pourquoi il est difficile de penser que l’évolution seule des marchés ait pu annuler la
marque des cultures dans chaque société.
S’il n’existe pas de définition précise universelle de la culture, particulièrement la culture
nationale, les experts se servent d’images, un iceberg avec deux parties, visible et invisible, et
un oignon avec plusieurs couches3 (voir ci-dessous) pour définir la culture.
1 « Culture and Organizations, Software of the Mind » Geert Hofstede, 2010 (third edition) 2 « Le management interculturel – Gérer la dimension multiculturelle de l’entreprise et ses implications », Virginia Drumond, 2010 3 « L’Entreprise multiculturelle » F. Trompenaars et C. Hampden-Turner, 2008
Cette première illustration paraît pertinente dans la mesure où l’on considère cet immense
bloc erratique dans le temps : il circule au gré des courants, il est soumis aux saisons (fonte
suivie d’une nouvelle glaciation) et aux chocs. Sa partie immergée comme son sommet visible
se transforme. En imaginant que ce schéma figure un employé missionné à l’étranger nous
retiendrons volontiers que tout ce qui a trait à la vie quotidienne lui sera immédiatement
accessible s’il y porte une grande attention.
La métaphore de l’oignon, reprend la distinction entre le visible et le caché mais en
introduisant un élément intermédiaire. S’agissant de ce légume image de la personne
immergée dans un pays qui lui est étranger l’ép
lui de l’auto-analyse pour tenter de comprendre les raisons inconscientes d’agissements
néfastes vis à vis de ses relations professionnelles et personnelles.
Cette première illustration paraît pertinente dans la mesure où l’on considère cet immense
: il circule au gré des courants, il est soumis aux saisons (fonte
iation) et aux chocs. Sa partie immergée comme son sommet visible
. En imaginant que ce schéma figure un employé missionné à l’étranger nous
retiendrons volontiers que tout ce qui a trait à la vie quotidienne lui sera immédiatement
s’il y porte une grande attention.
La métaphore de l’oignon, reprend la distinction entre le visible et le caché mais en
introduisant un élément intermédiaire. S’agissant de ce légume image de la personne
immergée dans un pays qui lui est étranger l’épluchage permet d’évoquer la nécessité pour
analyse pour tenter de comprendre les raisons inconscientes d’agissements
néfastes vis à vis de ses relations professionnelles et personnelles.
25
Cette première illustration paraît pertinente dans la mesure où l’on considère cet immense
: il circule au gré des courants, il est soumis aux saisons (fonte
iation) et aux chocs. Sa partie immergée comme son sommet visible
. En imaginant que ce schéma figure un employé missionné à l’étranger nous
retiendrons volontiers que tout ce qui a trait à la vie quotidienne lui sera immédiatement
La métaphore de l’oignon, reprend la distinction entre le visible et le caché mais en
introduisant un élément intermédiaire. S’agissant de ce légume image de la personne
luchage permet d’évoquer la nécessité pour
analyse pour tenter de comprendre les raisons inconscientes d’agissements
26
Grâce à ces illustrations, nous comprenons que la partie invisible de l’iceberg ou le
cœur de l’oignon sont les parties les plus compliquées et les plus longues à connaître
puisqu’elles appartiennent à l’inconscient. C’est cette culture profonde qui peut d’autant plus
être source de malentendus ou de malaises entre individus de cultures différentes.
En effet, comportement « normal »pour lui peut entraîner crispations, voire blessures pour
l’autre et inversement. Dans ce type de circonstances il est important qu’il soit convaincu
qu’aucune culture n’est supérieure à une autre. Il se trouve sur la «carte d’un
monde »particulier habité par une société humaine qui n’est pas la sienne, forgée par son
histoire, ses savoirs, ses croyances, ses capacités et habitudes
En partant de ces divergences de point de vue, nous pouvons confirmer qu’il ne peut y
avoir de culture meilleure qu’une autre. Il s’agit de « cartes du monde » propres à chacun, de
points de vue différents, de manière de vivre et d’agir différentes, sans pour autant qu’une
culture ne prédomine sur l’autre.
Accepter une culture différente, c’est aussi s’intéresser à l’autre, être curieux et prendre
conscience de son identité profonde. C’est accompagner la mondialisation dans son ouverture
des frontières avec une ouverture plus intellectuelle.
27
2. L’Entreprise multiculturelle et le management interculturel
La diversité culturelle au sein de l’Entreprise n’est pas nouvelle.
Elle a toujours existé, mais sous différentes formes. Effectivement, nous avons présenté
précédemment le premier niveau de culture le plus connu sous un angle national/régional,
mais elle existe à différents autres niveaux. Au niveau organisationnel avec la culture
d’entreprise, mais aussi la culture de fonction particulière, de métier.
Dans ces dernières, les individus se créent des référentiels communs pour mener à une
identité professionnelle, se sentir unis et pouvoir travailler ensemble dans un objectif
commun.
Nous avons proposé une définition très universaliste de la culture. Chacun sait
qu’existent des cultures nationales, régionales... C’est au sein de celles-ci que l’entreprise
élabore sa propre culture comme une matrice où se nouent les relations et se construisent des
comportements dont la spécificité est liée aux instruments dont l’homme se sert, aux produits
qu’il fabrique. La culture d’entreprise s’exprime au travers des métiers à tous les niveaux et
de son organisation fonctionnelle.
Or, ajoutés à cette diversité déjà présente aux seins des entreprises, les mouvements
internationaux de salariés s’accentuent et les équipes du monde entier s’en trouvent toujours
plus diversifiées, mêlant toujours les différentes cultures de métier, mais également les
différentes cultures nationales.
Les managers le ressentent bien, et expriment de plus en plus le besoin de développer des
compétences interculturelles qu’ils pourraient mettre en avant dans l’exercice de leur travail,
afin de devenir acteurs d’un style de management interculturel.1 Ils doivent en permanence
tenir compte des différentes visions des choses de leur équipe, que ce soit lié à leur culture
d’origine nationale ou lié à la culture de l’organisation qui les emploie.
Indéniablement la gestion de l’Humain en général, dans toute sa diversité ne correspond pas
toujours aux standards de gestion auxquels ils sont formés initialement, et un mode de
management peut être bon pour une population comme il peut échouer avec une autre.
En effet, en raison de différents éléments qui constituent la culture, les pratiques
professionnelles et modes de gestion varient d’une société à une autre, d’une culture à une
1« Le management interculturel – Gérer la dimension multiculturelle de l’entreprise et ses implications », Virginia Drumond, 2010
28
autre. Ainsi les managers d’aujourd’hui sont inévitablement orientés par leurs bases de
jugements de valeurs et les mentalités inculquées par leur culture.
Plusieurs éléments en témoignent :
- le contexte religieux peut donner un sens à la relation à l’argent ou la perception du
temps et de l’autorité. En effet, une société à forte empreinte protestante comme les
Etats Unis d’Amérique n’aura pas de honte à créer de la richesse et parler de salaire
puisque cela représente le fruit d’un travail discipliné et honnête qui, in fine,
rapprocherait de Dieu. A l’inverse, dans une société à dominante catholique comme la
France (qui, même si elle est laïque, ressent encore les effets d’une ancienne doctrine
religieuse encore profondément présente) le rapport à l’argent est encore lié à un
certain malaise puisque la mentalité catholique condamne l’accumulation de richesse
et l’attachement à l’argent.
- Les formes d’expression et de langage verbal et non verbal peuvent entraîner une
façon de communiquer particulière. Qu’il s’agisse plutôt d’habitudes de langage écrit
avec une mesure particulière des mots utilisés, ou de langage oral avec de longues
conversations et des expressions non verbales lourdes de sens. Les problèmes de
communication restent d’ailleurs la principale pierre d’achoppement dans la
compréhension mutuelle entre les personnes de différentes cultures. Prenons
l’exemple d’une communication entre un manager allemand et un salarié français : le
contexte culturel du manager allemand lui demande d’être direct, neutre, objectif, de
ne pas transgresser « la sobriété factuelle ». Or cela peut être interprété comme de la
brutalité voire de l’impolitesse pour le salarié français dont le contexte culturel est
plutôt habitué à un style indirect.
- L’éducation influence les relations hiérarchiques et les rapports entre générations.
- Le bagage technologique et artistique d’une culture oriente son acceptation de la
nouveauté : une culture à forte tradition littéraire aura une plus grande résistance à
l’évolution des moyens de communication et aux innovations technologiques quand,
au contraire, une culture plus orale sera plus ouverte aux nouveautés et moins stressée
par le changement.
- Les systèmes sociaux et politiques peuvent également avoir un impact sur les modes
de production. Par exemple, si une entreprise existe dans un système économique où
la richesse est inégalement distribuée et dans un système politique dictatorial, cela se
fera ressentir sur ses critères de valorisation des ressources et sur son organisation de
29
la force de production.1 Nous trouverons d’ailleurs une divergence entre le système
européen basé sur le fordisme où une production de masse entraîne une réduction du
prix unitaire du produit, et le système africain plus artisanal, où l’augmentation de la
production n’entraîne pas de « prix de gros ».
Toutes ces empreintes de culture sur le mode de travail prouvent qu’il serait difficile d’en
imposer un qui se voudrait « universel ».
Cela nous prouve également que chaque environnement de travail est différent en fonction de
la culture prédominante de l’endroit où il se trouve, et qu’il fait appel à des capacités
d’adaptation pour quiconque voudrait s’y habituer et y évoluer, tout en ayant l’empreinte
d’une autre culture.
Nous comprenons donc qu’il n’est pas naturel pour un expatrié de trouver ses marques dans
un environnement qui n’est pas le sien, avec des habitudes et des façons de travailler
différentes de celles auxquelles il a toujours été confronté.
Non seulement cela n’est pas naturel, mais sans préparation, un salarié expatrié peut être
troublé par ces différences, sans les comprendre. Il peut également être choqué par ces façons
de penser ou agir différemment, en les percevant comme des impolitesses, des affronts, du
manque de transparence ou d’honnêteté.
De ce fait, le risque est de tomber dans les pièges d’une situation interculturelle mal anticipée.
Ceux-ci varient2 :
Les stéréotypes qui sont un mécanisme de défense naturelle. Comme une caricature de
l’Autre qui ne partagerait pas les mêmes aspects de culture, elle est formée de ses
caractéristiques physiques ou comportementales qui sembleraient « hors norme ». Ou du
moins, hors de « notre » norme. Chaque société n’est pas toujours consciente des stéréotypes
qu’elle inspire aux autres et ne s’y reconnait pas nécessairement.
Les stéréotypes font généralement surface dans les débuts de l’expatriation. Puis le regard est
réajusté, une base de valeurs communes est construite (sur le travail ou quoi que ce soit
d’autre qui permette de se trouver des points communs). Une meilleure communication peut
alors s’installer, les stéréotypes ne sont plus dangereux mais deviennent plutôt drôles, et font
place aux premiers stades d’une relation durable.
1 et 2 « Le management interculturel – Gérer la dimension multiculturelle de l’entreprise et ses implications », Virginia Drumond, 2010
30
Les discours des différences, particulièrement s’il s’agit de mettre en avant des aspects
inconfortables, des choses perçues comme inappropriées ou menaçantes.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, les individus ont besoin de se trouver des
points communs, mais il est également constructif de percevoir les différences comme des
options, des nouveaux regards et la source de nouvelles idées.
Tout en prenant garde à ne pas insister sur ces différences à l’excès, pour éviter l’effet de
ségrégation tel que cela peut parfois être le cas lors de la mise en place de systèmes de
« discrimination positive ».
Vouloir masquer les différences en créant une homogénéité artificielle et en voulant
précipiter la création de base de valeurs communes. Certes, cette dernière est nécessaire, mais
sa création prend du temps, et doit également passer par la reconnaissance des altérités de
l’Autre, sans quoi celui-ci peut avoir la sensation qu’on ne s’intéresse pas à lui, à ce qu’il est,
et qu’on veut effacer sa culture en l’écrasant au profit d’une autre artificielle.
Ne reconnaître que les altérités absolues et ignorer les altérités relatives. Ce phénomène peut
d’ailleurs être lié au piège des stéréotypes.
- Nous parlons d’altérité absolue dans les cas où l’altérité semble évidente. Par exemple
la France et la Chine : ces pays semblent radicalement opposés, et un Français se
préparera donc mieux à se retrouver dans un environnement inconnu. Il s’attendra plus
à un contexte de choc culturel.
- Le cas de l’altérité relative est différent. Les individus ne s’imaginent pas que le pays
dans lequel ils se rendent est fondamentalement opposé au leur. Au contraire, ils
s’attendent à de nombreuses similitudes. L’exemple du Royaume Unis avec les Etats
Unis d’Amérique est très parlant : les Anglais sont convaincus d’avoir les mêmes
fondements que les USA et, basés sur leurs stéréotypes, ils s’attendent à une fausse
base commune et n’appréhendent pas la situation d’un choc culturel. C’est d’ailleurs
dans ces cas-là qu’il est le plus important. Les Etats Unis d’Amérique sont d’ailleurs,
avec l’Italie, deux pays dans lesquels les chocs culturels sont les plus fréquents pour
les expatriés français.1
Ces différents pièges mènent généralement à un choc culturel : sorte de panne de la
communication. Si les individus peuvent parler plusieurs langues, ils n’ont pas forcément la
capacité de communiquer en plusieurs cultures sans y avoir été préparés.
1 Entretien avec Nathalie LORRAIN, directrice d’Itinéraires Interculturels, le 30.03.2012
31
Cette situation peut être particulièrement inconfortable et mener à deux types de
comportements susceptibles d’empirer la situation1 :
- Mal à l’aise face à cette situation, l’individu prend ses distances, comme dans une
politesse excessive, gelant son implication dans la relation et, dans le cas d’une
entreprise, dans son travail
- Catastrophé, l’individu peut faire appel à ce qu’il appréhende comme une recette
miracle : un coaching tardif sur des sujets variables (psychologie, interculturel,
financier, juridique…)
Dans les deux cas, le désengagement peut entraîner de la méfiance de la part de l’entourage
sentant cette distance et cet évitement permanent.
Lors de l’envoi d’un salarié en expatriation dans un pays étranger, l’entreprise attend
de lui qu’il prenne ses marques rapidement, et soit efficace dès que possible.
Il est, certes, expatrié, mais il reste avant tout un salarié de l’entreprise auquel on a confié une
mission professionnelle, et on attend de lui qu’il soit performant sur son poste tel qu’il l’a
prouvé sur ses postes précédents.
Or dans le cas d’un choc culturel, le salarié risque de prendre des distances dans son travail, et
envers ses collègues avec qui il n’arrive pas à communiquer ou dont il ne comprend pas les
agissements.
Sa motivation sera directement impactée et, de ce fait, l’efficacité qu’on attend de lui sera
largement altérée et il ne pourra être aussi performant qu’il l’était lorsqu’il évoluait dans le
contexte de sa propre culture partagée par ses collègues et partenaires professionnels.
C’est justement pour éviter cette panne de motivation et de productivité qu’il est dans l’intérêt
de l’entreprise de prévoir une préparation du salarié à son nouvel environnement culturel.
1 « Le management interculturel – Gérer la dimension multiculturelle de l’entreprise et ses implications », Virginia Drumond, 2010
32
3. La préparation interculturelle comme nécessité QUELS SONT, SELON VOUS, LES DEFIS LES PLUS IMPORTANTS POUR REUSSIR SON INTEGRATION ET SON EXPATRIATION ? Défis proposés Défis les plus cités Comprendre la culture du pays 75% Multiplier les contacts sociaux avec les locaux 65%
Apprendre ou se perfectionner dans la langue du pays 58%
Eviter les préjugés 57%
Vous investir dans votre mission professionnelle 56%
Visiter le pays 54%
(Sondage réalisé auprès de 404 expatriés)1
Un exemple maintenant bien connu d’échec de compréhension culturelle est le cas de
la tentative de fusion Renault-Volvo. Dans cette situation, les différences culturelles ont été
tellement peu considérées et mal gérées que la fusion a fini sur un échec. Les deux directions
nationales n’avaient pas pris en compte la dimension nationale et les valeurs de chaque pays
comme un enjeu aussi significatif que les enjeux financiers et industriels. « Là où il aurait
fallu des hommes particulièrement souples et ouverts pour trouver des solutions ne violant la
culture ni de l’un ni de l’autre, il semble que l’on ait eu affaire à des équipes enfermées dans
leur ghetto culturel et ne cherchant pas à se comprendre. »2 Cette méprise du contexte culturel
aura entraîné des tensions et des répercussions financières considérables sur les deux
entreprises, dont la fusion aura été un échec en 1993.
En améliorant l’adage « A Rome, il faut faire comme les Romains », les Japonais, eux
proposent, « A Rome, comprenez le comportement des Romains et devenez en conséquences
un Japonais encore plus complet ».3
C’est en quelques sortes ce que propose la préparation interculturelle. Considérer davantage la
manière dont les individus et les organisations définissent leur environnement pour pouvoir
être capable de comprendre pourquoi ils agissent de cette façon.
1 Observatoire de l’expatriation, Berlitz Consulting, Livre blanc 2011 2. Extrait de « Profession cadre international. Tirer profit des différences culturelles dans les négociations » GRANGE, Jean-Marie, 1997 cité sur http://www.revue-signes.info/document.php?id=248
3 « L’Entreprise Multiculturelle » F. Trompenaars et C. Hampden-Turner, 2008
33
Mais en plus de s’intéresser et s’ouvrir à la culture de ceux qui nous sont étrangers, il est aussi
question de prendre conscience de sa propre culture, de son propre comportement.
Cela fait appel à une capacité de remise en cause des croyances, des valeurs et des
comportements qui nous définissent, mais également à une certaine sensibilité et ouverture
d’esprit.
Il n’est pas toujours agréable de s’entendre dire que nos vies sont d’une certaine façon
« conditionnées » par l’empreinte de notre culture.
La problématique implique donc une certaine restructuration de notre regard, sur nous-mêmes
puis sur l’Autre.1
Par ailleurs, le fait de reconnaître la différence de l’Autre incite à avoir une attitude plus
humble et évite un comportement défensif tel que nous l’avons abordé plus haut.
Dans la précédente partie concernant le Devoir de Protection de l’employeur, nous
soulevions la question de l’anticipation des risques ainsi que la prévention de tout danger pour
l’expatrié. Le parallèle peut être fait dans le cas de la préparation interculturelle dans le sens
où le contexte interculturel peut représenter un risque pour l’expatrié qui n’arriverait pas à
s’adapter à son nouvel environnement.
D’autre part cela représente aussi un risque pour l’employeur qui, dans le cas d’un choc
culturel ou d’une inadaptation du salarié à son nouveau pays d’accueil, ne verrait pas le retour
sur investissement attendu de cette expatriation, car le malaise ressenti dans son
environnement influera sur l’efficacité de sa mission dans son nouvel environnement, le
salarié deviendrait inefficace dans ses missions.
Il relève alors du rôle de l’employeur de donner les outils nécessaires au futur expatrié pour
pouvoir mieux appréhender la culture de son futur pays d’accueil, en comprendre les bases, et
être ouvert à un monde qui n’est pas le sien mais auquel il est invité à s’habituer pour ensuite
en faire partie.
Le retour sur investissement serait alors plus évident : une préparation à la différence
culturelle pour réduire le temps d’adaptation, éviter les pièges de l’interculturel, et ainsi
optimiser l’efficacité rapide du salarié sur son poste
1 « Le management interculturel – Gérer la dimension multiculturelle de l’entreprise et ses implications », Virginia Drummond, 2010
34
B. LA PREPARATION INTERCULTURELLE AU SEIN DES ENTREPRISES
Principales raisons d’échec d’expatriation1
Lors d’une récente étude, la société CARTUS a évalué les principales raisons d’échec
d’expatriation, où l’inadaptation de l’expatrié au pays d’accueil se trouve en deuxième
position, juste après l’inadaptation de la famille au pays d’accueil (que nous développerons
dans la partie suivante).
En effet, l’expérience des premiers cas d’expatriation a témoigné de la difficulté que
représente l’adaptation d’un expatrié dans son nouveau pays d’accueil. C’est pourquoi, avec
le temps, le besoin de préparer les salariés s’est fait peu à peu ressentir.
Or lors de leurs entretiens avec les responsables RH, les futurs expatriés peuvent aborder les
détails de leur contrat, de leur futur poste et des enjeux de leur expatriation, mais les détails
concernant le pays d’accueil et plus particulièrement sa culture ne sont pas approfondis.
Non pas par manque d’intérêt, mais plutôt car les responsables RH peuvent difficilement se
positionner en experts de ces derniers points par manque de spécialisation.
Les organismes de formation interculturelle ont simultanément commencé à fleurir pour
proposer aux entreprises des préparations à l’expatriation pour les salariés qu’elles envoient à
l’étranger. Si les formations interculturelles n’étaient pas très en vogue il y a 15 ans, elles
n’ont fait que croître depuis une dizaine d’années pour devenir presque monnaie courante au
sein des entreprises envoyant régulièrement des salariés en expatriation.2 Il est courant que
celles-ci comparent leurs pratiques avec leurs concurrents pour s’aligner ou les surpasser,
mais cet intérêt grandissant pour ce type de formation s’explique aussi par le fait que les
expatriés de différentes entreprises parlent souvent entre eux et comparent les avantages leur
1 Global Mobility Policy & Practices Survey, Cartus, 2010 2 Témoignage de Nathalie LORRAIN, directrice d’Itinéraires Interculturels, le 30.03.2012
étant accordés. Lorsqu’une formation interculturelle est proposée dans une entreprise mais
n’est pas prévue dans la leur, ils peuvent en faire la demande et rapporter ainsi un nouveau
besoin auprès de leur entreprise qui, au fur et à mesure des demand
avec ces éléments.1
Les formations ne sont pas toujours organisées de façon homogène au sein d’un même
groupe, mais il existe une vraie conscience de l’intérêt pour l’expatriation d’organiser une
préparation au contexte interculturel.
Etude réalisé par Price Waterhouse Coope
Si la formation peut être réalisée par les services internes de l’entreprise, force est de
constater qu’elle a plus d’impact et est mieux adaptée lorsqu’elle
du pays dans lequel se rend le salarié.
Faute de temps ? De moyens en interne
aujourd’hui en grande majorité les services de prestataires extérieurs pour préparer leurs
futurs expatriés. Régulièrement elles mettent d’ailleurs en place une charte des points qu’elles
souhaitent être abordés lors de l’accompagnement, qu’elles soumettent ensuite aux
organismes choisis pour l’organiser.
1 Témoignage de Nathalie LORRAIN, directrice d’Itinéraires Interculturels, entretien du 30.03.20122 Global Assignment Policy Survey, Price Waterhouse Cooper3 Entretien avec Soledad ATTALLI BONHEUR, directrice de Mobilité International
étant accordés. Lorsqu’une formation interculturelle est proposée dans une entreprise mais
n’est pas prévue dans la leur, ils peuvent en faire la demande et rapporter ainsi un nouveau
besoin auprès de leur entreprise qui, au fur et à mesure des demandes, complètera sa politique
Les formations ne sont pas toujours organisées de façon homogène au sein d’un même
groupe, mais il existe une vraie conscience de l’intérêt pour l’expatriation d’organiser une
culturel.
e Waterhouse Coopers auprès de 436 entreprises dans le monde
Si la formation peut être réalisée par les services internes de l’entreprise, force est de
constater qu’elle a plus d’impact et est mieux adaptée lorsqu’elle est dispensée par un expert
du pays dans lequel se rend le salarié.
? De moyens en interne ? D’expertise ? Les entreprises choisissent
aujourd’hui en grande majorité les services de prestataires extérieurs pour préparer leurs
s. Régulièrement elles mettent d’ailleurs en place une charte des points qu’elles
souhaitent être abordés lors de l’accompagnement, qu’elles soumettent ensuite aux
organismes choisis pour l’organiser.3
Témoignage de Nathalie LORRAIN, directrice d’Itinéraires Interculturels, entretien du 30.03.2012Global Assignment Policy Survey, Price Waterhouse Coopers, 2011 Entretien avec Soledad ATTALLI BONHEUR, directrice de Mobilité Internationale Lafarge, le 9.05.2012
35
étant accordés. Lorsqu’une formation interculturelle est proposée dans une entreprise mais
n’est pas prévue dans la leur, ils peuvent en faire la demande et rapporter ainsi un nouveau
es, complètera sa politique
Les formations ne sont pas toujours organisées de façon homogène au sein d’un même
groupe, mais il existe une vraie conscience de l’intérêt pour l’expatriation d’organiser une
auprès de 436 entreprises dans le monde2
Si la formation peut être réalisée par les services internes de l’entreprise, force est de
est dispensée par un expert
? Les entreprises choisissent
aujourd’hui en grande majorité les services de prestataires extérieurs pour préparer leurs
s. Régulièrement elles mettent d’ailleurs en place une charte des points qu’elles
souhaitent être abordés lors de l’accompagnement, qu’elles soumettent ensuite aux
Témoignage de Nathalie LORRAIN, directrice d’Itinéraires Interculturels, entretien du 30.03.2012
e Lafarge, le 9.05.2012
36
Ces préparations se font la plupart du temps sous forme de formation interculturelle.
La formation linguistique allant jusqu’à plusieurs dizaines d’heures est quasi systématique
puisqu’elle est indispensable pour pouvoir communiquer avec les autres partenaires de
l’entreprise sur place (que ce soit en anglais ou dans la langue locale lorsque l’anglais n’est
pas assez généralisé), mais la formation interculturelle, elle, n’est pas toujours aussi
approfondie.
1. Le complément de la formation santé/sécurité Il peut s’agir, dans une approche simplifiée, d’une sensibilisation aux aspects culturels
du pays d’accueil à l’occasion de la formation de prévention santé/sécurité1.
Lors de la présentation des risques spécifiques du pays, un lien peut être fait avec ses aspects
culturels particuliers. Même s’il ne s’agit que de survoler les traits principaux de la culture qui
peuvent être reliés à des risques potentiels pour l’expatrié, cela permet d’en avoir une
première approche et de se préparer au plus flagrant.
2. Une demi-journée de sensibilisation en groupe Sous une autre approche, les récents impatriés (dans le pays depuis maximum 1 mois)
sont invités à participer à une journée d’intégration dont la matinée sera consacrée aux cotés
administratifs et fiscaux de l’expatriation ainsi qu’à l’introduction de l’établissement, et
l’après-midi à la culture du pays d’accueil, tel que cela se fait en France chez Axa ou Total.2
Dans ce cas, les impatriés sont reçus en groupe, avec leurs conjoints lorsque c’est possible, et
abordent ensemble l’Histoire du pays d’accueil, son système politique et social, son type de
management, les particularités de méthodes de travail…
Cela représente alors une occasion pour les impatriés d’échanger entre eux sur leurs
expériences interculturelles, sur leurs impressions concernant la culture du pays qui les
accueille.
Ce temps de parole est généralement bienvenu pour les impatriés qui, hors d’un contexte de
travail, en profitent pour partager les moments amusants mais aussi difficiles qu’ils ont pu
passer dans ce contexte interculturel.
Tous les membres du groupe ont dans ce cas ce même point en commun : ils sont tous
étrangers dans un pays qui n’est pas le leur, et témoignent de leur confrontation avec une
nouvelle même culture.
1 Entretien avec Maud RAEDERSDORFF, gestionnaire d’expatriation chez Axa, 22.05.2012 2 Entretien avec Catherine GUICHARD, gestionnaire d’expatriation chez Total le 23.04.2012, et entretien avec Maud RAEDERSDORFF, gestionnaire d’expatriation chez Axa le 22.05.2012
37
3. Deux jours de formation individuelle ou en famille Cependant cette approche peut paraître parfois un peu tardive, puisqu’elle arrive alors
que le salarié a déjà vécu dans le pays d’accueil, et ne reçoit cette formation qu’après avoir été
confronté seul au contexte interculturel de son nouveau travail.
C’est pourquoi il existe encore d’autres approches comme la formation sous forme de
séminaire de 2 jours, proposés par de nombreux organismes spécialisés dans la formation
interculturelle. Elle s’adresse à l’expatrié et son/sa conjoint(e), ainsi que leurs enfants
adolescents lorsque la demande en est faite.
Plus personnalisés, ces séminaires sont également plus longs et permettent
- d’approfondir la réflexion sur le projet d’expatriation partagé par le salarié avec sa
famille,
- évaluer les bases interculturelles des participants pour en déceler leur capacité
d’adaptation dans une autre culture,
- effectuer une sorte de « décodage » du pays d’accueil en termes de culture générale
comme le propose les formations plus courtes, pour aller de plus en plus dans le détail
jusqu’aux comportements individuels,
- et enfin d’aborder le phénomène de choc culturel : le nommer, l’expliquer et
apprendre à l’éviter.
Dans certains cas, les organismes proposent également de compléter la formation avec un
module sur les risques du pays, préparant ainsi à la santé et sécurité sur le lieu d’expatriation.
De manière générale, toutes les personnes interrogées lors de mon travail de recherche
pour ce mémoire attestent que la formation, quelle que soit la façon dont elle est dispensée,
est dans la très grande majorité bien reçue par les expatriés.
Même si parfois quelques résistances sont émises par les futurs expatriés.
En effet, si la majorité d’entre eux attendent cette formation avec intérêt, quelques salariés
pensent qu’elle n’est pas utile. Soit par peur de se remettre en question, soit dû au fait qu’ils
sont déjà partis en expatriation dans d’autres pays qu’ils estiment « à culture plus difficile » et
qu’ils estiment ne pas avoir besoin de préparation particulière pour des cultures qu’ils voient
comme « plus faciles ». On en revient alors au concept d’altérité absolue et altérité relative
abordé plus haut. La formation peut être l’occasion d’expliquer les risques de ce concept, et
de redéfinir les pièges de l’interculturel.
38
C. LA FORMATION INTERCULTURELLE, UNE ETAPE NECESSAIRE ET
NON EXHAUSTIVE
Tout individu s’exprime avec des codes, pouvant être verbaux ou non verbaux. Ces
codes varient d'une culture à l'autre (entre un Indien et un Anglais, entre un comptable et un
commercial, entre une banque et un opérateur de télécommunication).
Ces différences sont sources de non-dits, de malentendus et régulièrement de conflits. Elles
nuisent à l'efficacité opérationnelle et au bien-être des salariés. C'est un sujet bien réel, de plus
en plus présent dans les entreprises et organisations envoyant des salariés à l’étranger.
Le phénomène est amplifié par l'internationalisation, et le progrès des technologies de
l'information, sans l'adaptation des personnes, est aujourd'hui une des principales sources de
conflits, de souffrance et de perte de temps des grandes organisations.
Les entreprises en sont conscientes, et c’est pourquoi elles prennent progressivement
conscience de l’impact de l’interculturel sur l’efficacité de leurs expatriés.
Alors qu’elles investissent beaucoup de temps et d’argent en misant sur une mission
d’expatriation, le coût d’un échec est de taille, et les statistiques montrent généralement le lien
avec l’inadaptation de l’expatrié à la culture de son pays d’accueil.
Afin de palier ce genre d’évènement, des réponses ont été apportées, généralement sous forme
de formation culturelle.
Or si celle-ci est un premier pas vers l’accompagnement du salarié dans son parcours
interculturel, elle n’est pas toujours adaptée, ou ne représente qu’une première approche
quand une préparation plus en profondeur est nécessaire.
Tel que cela a été présenté dans la première partie, afin d’éviter les coûts relatifs aux
échecs d’expatriation, les entreprises doivent miser sur l’anticipation et la prévention.
Anticiper c’est évaluer la capacité d’adaptation du salarié que l’on souhaite envoyer.
S’agit-il d’une première expatriation ? D’une première expérience longue à l’étranger ? Est-ce
la première confrontation à une autre culture que la sienne ? Quelle est sa capacité de remise
en question et d’ouverture à l’autre ? Ces différentes interrogations permettront de mettre en
évidence des points de faiblesse, des axes d’amélioration ou des bases à renforcer.
En fonction des réponses à ces questions, un mode d’accompagnement peut être envisagé afin
de rentrer dans la phase de prévention.
39
La formation interculturelle s’impose effectivement comme élément incontournable
dans l’accompagnement des futurs expatriés. Elle permet d’aborder les points importants
constituant la culture du pays d’accueil, les différences managériales et les modes de vie des
autochtones. Elle se positionne comme élément clé, première étape introduisant le concept
d’environnement interculturel.
(En matière d’organisation, elle peut d’ailleurs être mise en lien avec la formation à la santé et
la sécurité, puisque plusieurs organismes proposent d’intégrer les deux types de formations
dans leurs séminaires.)
En revanche, un indien partant au Mexique n’aura pas la même réflexion au départ qu’un
espagnol, ni un manager senior célibataire et un jeune ingénieur père de famille.
Il s’agit d’une préparation personnelle, voire familiale, et le suivi ne peut se faire dans un
groupe où les prédispositions personnelles ne pourraient être mises en avant et où le projet
d’expatriation ne pourrait qu’être survolé.
Du temps et de l’attention sont nécessaires pour accompagner les futurs expatriés, et une
formation de deux jours est un minimum pour pouvoir aborder les différents points préparant
au contexte interculturel.
C’est un investissement de la part de l’entreprise, qui en verra le retour quand son
collaborateur trouvera plus facilement ses marques sur son lieu de travail, mettre à profit ses
enseignements, saura être performant dans un contexte auquel il aura été préparé et répondra
favorablement aux attentes de sa mission.
Malgré la réticence de certains expatriés au départ, cette formation est profitable à
tous : les surprises des altérités relatives sont évitées, la familiarisation avec le pays de
destination est mise en route ou renforcée, et le projet d’expatriation est confirmé.
Même si le salarié a déjà réalisé d’autres missions d’expatriation et qu’il comprend déjà les
enjeux du contexte interculturel, il pourra alors profiter de cette formation pour s’ouvrir aux
détails d’une autre culture ou compléter des éléments qu’il aurait déjà abordés dans le passé.
En revanche, dans le cas d’une première mission d’expatriation d’un salarié pour
lequel les concepts de l’interculturels serait encore inconnus, cette formation, bien
qu’individuelle et plus complète, pourrait s’avérer limitée. Parfois, aborder les éléments
constituants des enjeux de l’interculturel n’est pas suffisant et un travail plus personnel peut
être un atout.
Sur les méthodes de communications interculturelles, le management interculturel, les
prédispositions à s’adapter à un nouveau pays, l’ouverture personnelle…
40
Le coaching culturel pourrait répondre à ces attentes, dans un accompagnement
professionnel, opérationnel ou encore dans un accompagnement personnel au changement.
Enfin, lorsqu’une fragilité est décelée chez un futur expatrié, que ce soit par son
manager direct, son responsable RH ou encore l’organisme de formation interculturelle, un
renfort particulier peut être proposé à l’aide d’un mentoring.
En d’autres termes : proposer au futur expatrié un mentor, généralement choisi dans l’effectif
des postes seniors, ayant lui aussi connu le contexte de l’expatriation, ayant de l’expérience et
pouvant être un soutien auprès du nouvel expatrié tout au long de sa mission.
Ses conseils pourront être avisés et son partage d’expérience pourra éviter au « mentoré » de
s’enfoncer dans une situation de conflit ou de malaise dans son nouvel environnement.
Cela lui donnera l’assurance d’être soutenu par une personne de confiance et expérimentée.
Quant à la sensibilisation courte et la participation à un groupe de discussion lors
d’une demi-journée dans le mois suivant l’arrivée d’un salarié, cela peut être un soutien et
participer à l’intégration des salariés tout en les présentant à d’autres expatriés vivant le même
style d’expérience qu’eux, mais elle ne saurait être une réponse complète face aux besoins
d’initiation à un environnement de travail interculturel. Elle peut néanmoins introduire l’idée
d’échange, de discussion entre pairs, comme un exutoire pour ceux qui sentent un malaise
s’installer dans leur travail.
Ces différents modes d’accompagnement ont un coût, mais lorsqu’ils sont utilisés à
bon escient, en corrélation avec les besoins des futurs expatriés, ils permettent d’anticiper et
prévenir leurs malaises. L’accompagnement mis en place par l’entreprise est notamment un
moyen de rassurer le salarié en lui prouvant l’investissement fait pour le soutenir et
l’encourager dans sa mission. Ces coûts seront vite rentabilisés lorsque le salarié envoyé en
mission sera rapidement intégré dans son équipe, se montrera performant, et prouvera sa
motivation et son efficacité sur son poste sans perdre de temps.
III. L’ACCOMPAGNEMENT DU CONJOINT D’EXPATRIE
A. LA PLACE DE LA FAMILLE DANS L’EXPAT
Etude réalisé
Si une large majorité d’expatriés part en mission à l’étranger accompagnée de sa
famille, cela ne signifie pas que tout se passe à chaque fois facilement.
Comme nous le montrait le tableau récapitulatif de la page 32, la première raison d’échec
d’expatriation est liée à l’incapacité de la famille à s’adapter au pays d’accueil.
D’autre part il est important de noter que la famille est également la première ra
d’expatriation2. En effet, le projet d’expatriation prend la dimension d’un projet familial
lorsqu’il implique la mobilité du conjoint et des enfants du salarié concerné.
Cela implique des questionnements à une échelle plus large que celle e
concentrée sur le salarié. Le succès de l’expatriation ne relève plus uniquement de
l’intégration du salarié, mais également de celle des membres de sa famille l’accompagnant.
L’expatrié a, lui, des objectifs tout tracés par l’entreprise qui l
accomplir durant la période d’expatriation.
La famille en revanche détermine ses objectifs et ses attentes plus indépendamment, et il n’est
pas toujours évident de construire quelque chose de personnel lorsqu’on est en position de
« suiveur ». Ce choix n’est pas évident à faire, mais plusieurs éléments jouent en la faveur de
cette décision d’accompagnement de la part de la famille. Dans le développement de cette
partie, nous nous intéresserons dans la plupart des cas au statut du co
généralement décisif dans la réussite de l’expatriation.
1 et 2 International Assignment Survey, Mercer, 2010
Statut familial des expatriés en mission "traditionnelle" (3 à 5
ans), toutes régions du monde confondues
L’ACCOMPAGNEMENT DU CONJOINT D’EXPATRIE
FAMILLE DANS L’EXPATRIATION
Etude réalisée par Mercer auprès de 220 entreprises dans le monde1
Si une large majorité d’expatriés part en mission à l’étranger accompagnée de sa
famille, cela ne signifie pas que tout se passe à chaque fois facilement.
omme nous le montrait le tableau récapitulatif de la page 32, la première raison d’échec
d’expatriation est liée à l’incapacité de la famille à s’adapter au pays d’accueil.
D’autre part il est important de noter que la famille est également la première ra
. En effet, le projet d’expatriation prend la dimension d’un projet familial
lorsqu’il implique la mobilité du conjoint et des enfants du salarié concerné.
Cela implique des questionnements à une échelle plus large que celle e
concentrée sur le salarié. Le succès de l’expatriation ne relève plus uniquement de
l’intégration du salarié, mais également de celle des membres de sa famille l’accompagnant.
L’expatrié a, lui, des objectifs tout tracés par l’entreprise qui lui assigne une mission à
accomplir durant la période d’expatriation.
La famille en revanche détermine ses objectifs et ses attentes plus indépendamment, et il n’est
pas toujours évident de construire quelque chose de personnel lorsqu’on est en position de
». Ce choix n’est pas évident à faire, mais plusieurs éléments jouent en la faveur de
cette décision d’accompagnement de la part de la famille. Dans le développement de cette
partie, nous nous intéresserons dans la plupart des cas au statut du co
généralement décisif dans la réussite de l’expatriation.
International Assignment Survey, Mercer, 2010
8% 8%
83%
1%
Statut familial des expatriés en mission "traditionnelle" (3 à 5
ans), toutes régions du monde confondues
Célibataire
Marrié, sans
enfant
Marié avec
enfant(s)
41
L’ACCOMPAGNEMENT DU CONJOINT D’EXPATRIE
Si une large majorité d’expatriés part en mission à l’étranger accompagnée de sa
omme nous le montrait le tableau récapitulatif de la page 32, la première raison d’échec
d’expatriation est liée à l’incapacité de la famille à s’adapter au pays d’accueil.
D’autre part il est important de noter que la famille est également la première raison de refus
. En effet, le projet d’expatriation prend la dimension d’un projet familial
lorsqu’il implique la mobilité du conjoint et des enfants du salarié concerné.
Cela implique des questionnements à une échelle plus large que celle exclusivement
concentrée sur le salarié. Le succès de l’expatriation ne relève plus uniquement de
l’intégration du salarié, mais également de celle des membres de sa famille l’accompagnant.
ui assigne une mission à
La famille en revanche détermine ses objectifs et ses attentes plus indépendamment, et il n’est
pas toujours évident de construire quelque chose de personnel lorsqu’on est en position de
». Ce choix n’est pas évident à faire, mais plusieurs éléments jouent en la faveur de
cette décision d’accompagnement de la part de la famille. Dans le développement de cette
partie, nous nous intéresserons dans la plupart des cas au statut du conjoint d’expatrié,
Statut familial des expatriés en mission "traditionnelle" (3 à 5
Célibataire
Marrié, sans
enfant
Marié avec
enfant(s)
42
1. Les facteurs de motivation pour la famille accompagnante QUELS SONT LES CRITERES FAVORISANT LA DECISION D’ACCOMPAGNEMENT POUR LES CONJOINTS D’EXPATRIES ? Avantages perçus de l’expatriation Avantages les plus cités L’enrichissement personnel 91%
Le changement de vie 84%
L’expérience de couple 75%
Découvrir de nouveaux pays 71%
Un meilleur niveau de vie 64%
Le renforcement de la cellule familiale 56%
(Sondage réalisé auprès de 198 conjoints d’expatriés)1
Cette étude nous permet de mettre en avant le fait que les facteurs de motivation des
conjoints d’expatriés sont majoritairement d’ordre affectif. « Cet attrait pour une vie
temporaire à l’étranger est sous-tendu par un intérêt clairement exprimé pour le changement
et la découverte avec, en filigrane, un enrichissement profitable »2.
Cet intérêt marqué pour le changement et la nouveauté permet une certaine réceptivité à la
différence une fois sur place, pouvant être un atout face au contexte interculturel.
Les différents facteurs de motivation cités dans le tableau témoignent d’un enthousiasme des
conjoints pour l’expatriation, ce qui pourra être une force dans l’adaptation dans le pays
d’accueil. Cependant, il n’en demeure pas moins que sur le terrain les conjoints font face à
des difficultés d’intégration et à des désillusions.
2. Les inquiétudes et désillusions de l’aspect personnel et affectif
Malgré l’enthousiasme avéré des conjoints lors du départ pour l’expatriation, des
inquiétudes existent, et certains points qui n’avaient pas été appréhendés sont difficiles à
surmonter. Il est important de noter que ces différents points sont d’autant plus marquants
pour la famille accompagnante puisqu’elle n’est pas directement liée au motif de
l’expatriation. Sa vie sur place est moins certaine que celle de l’expatrié qui y va avec une
mission précise et un travail qui l’attend sur place.
1 et 2 Panorama de l’expatriation au féminin, Expat communication, avril 2011
43
La famille, elle, le suit par choix ou parfois pour dépit, et cette décision entraîne alors des
sacrifices qui ne sont pas toujours mesurés avant le départ, ou des désillusions sur des points
appréhendés comme des motivations mais qui s’avèrent plus difficiles. Parmi eux :
- La coupure avec le réseau amical qui est un soutien quotidien dans le pays d’origine,
et dont la présence n’est plus aussi évidente dans le pays d’accueil. La création de
liens étant plus difficile dans le pays d’accueil, un réseau amical sera plus dur et plus
long à mettre en place.
- La séparation avec la famille au sens large : tout comme le réseau amical, la famille
représente un soutien dont l’absence se fait sentir lors du départ à l’étranger. D’autre
part, la vulnérabilité de certains membres de la famille (parents âgés, personnes
handicapées, enfants débutant dans la vie autonome) peut être source d’inquiétude.
Sans compter que l’expatriation peut être perçue comme un geste égoïste de la part des
membres de la famille élargie qui vit cette séparation comme un abandon ou une fuite.
- La réalité sur place différente de la lune de miel espérée. Certains expatriés disent
même « Le couple en expatriation, ça passe ou ça casse ». Plusieurs raisons à cela :
o Des couples se trouvent vulnérables dans certains pays du fait de leurs rythmes
de vie qui changent, et parfois de l’image différente des couples ou du statut de
la femme dans le pays d’accueil
o En raison de son activité, le conjoint expatrié peut être très sollicité par
l’entreprise, entraînant des voyages, des dîners avec des clients, et de la fatigue
telle que la vie familiale est affectée
o La vie commune est désynchronisée en raison d’un écart entre la vie
professionnelle de l’expatrié et la vie au domicile du conjoint lorsqu’il n’a pas
d’activité professionnelle
3. Une décision professionnelle
Nous avons citées les différentes inquiétudes et désillusions pouvant survenir lors
d’une expatriation. En dehors de l’aspect émotif et personnel, une des inquiétudes les plus
importantes peut être celle concernant la carrière professionnelle du conjoint d’expatrié.
Quand il n’est pas possible de trouver un travail dans le pays d’accueil, il fait le choix de la
faire passer au second plan ou de la mettre entre parenthèses durant le temps de l’expatriation.
Mais dans tous les cas, il est extrêmement rare qu’une rupture avec le poste précédent
l’expatriation ne soit pas nécessaire.
Ce choix peut avoir des retombées considérables sur la vie de la famille à l’étranger.
44
La vie professionnelle prend une place non négligeable dans la vie de chaque individu.
La façon dont elle est gérée pour le conjoint d’expatrié est un point décisif dans le succès du
bien-être du conjoint durant la période d’expatriation. Tel que nous le présentions
précédemment, les enjeux affectifs sont primordiaux dans le choix d’accompagner le conjoint
d’expatrié, de telle façon qu’ils prennent le pas sur les enjeux professionnels.
Alors que dans notre société les deux membres d’un couple sont majoritairement actifs, cette
gestion de double carrière est mise à mal lors de la décision de suivre son conjoint expatrié.
Cette dernière nécessite alors une rupture temporaire ou définitive avec le cadre professionnel
avant son départ à l’étranger.
« Le choix d’être conjoint accompagnateur amène à renoncer temporairement à son
investissement professionnel ou du moins à le reléguer au second plan. Ne partant pas pour
des raisons professionnelles à l’étranger mais pour des raisons affectives et familiales, le
conjoint effectue alors une rupture importante avec son rythme et son cadre de vie habituels :
il sort de la norme. »1
D’autant que si le salarié est expatrié du fait d’une ascension en termes de carrière, la même
chose est possible pour son conjoint, et la rupture s’avère d’autant plus dure à réaliser.
Quelle que soit sa forme (démission légitime, congé sans solde, congé parental), la rupture
appelle à différentes réactions.
Dans certains cas il peut s’agir d’un soulagement et d’un enthousiasme à s’ouvrir à
quelque chose de nouveaux, mais bien souvent, cela est lié à un sentiment de perte.
C’est l’identité même du conjoint qui est touchée par ce changement : il a perdu sa vie
professionnelle au profit de celle de son conjoint expatrié, et le décalage professionnel
s’installe peu à peu.
La place de chacun est à réajuster, et le conjoint accompagnateur cherche la sienne.
Si celle du conjoint expatrié est facilitée par les relations sociales et structurées de
l’entreprise, le conjoint accompagnateur part de zéro et doit se montrer volontaire pour se
créer un réseau et redessiner un nouveau cadre de vie dans lequel il peut se sentir évoluer
selon ses attentes et son profil.
D’autre part, cette situation de couple où seule une personne travaille peut également soulever
la question de la dépendance financière qui est vécue de manière différente par chacun, plus
ou moins facilement.
1 Panorama de l’expatriation au féminin, Expat communication, avril 2011
45
Dans certains cas, le conjoint souhaite rester actif et trouver un nouveau travail dans le
pays d’accueil.
Cette démarche est tout à fait réalisable, mais possède certaines limites :
- Le permis de travail n’est pas toujours aisé à obtenir
- La langue peut être une barrière
- Les conjoints candidats peuvent témoigner d’une haute qualification (parfois
surqualification) mais d’un manque d’expérience locale
- L’absence de réseau local freine la recherche
- Rares sont les offres d’emploi destinées aux étrangers
- Les normes changent d’un pays à un autre : le CV, les entretiens, les négociations ne
sont pas les mêmes selon les codes du pays
Ces éléments ne sont pas toujours envisagés par les couples ou familles s’apprêtant à
partir en expatriation, et les retombées d’une telle décision peuvent s’avérer dangereuse dans
le déroulement de l’expatriation.
4. Le risque de l’interculturel
Les membres de la famille de l’expatrié, lorsqu’ils l’accompagnent, sont sujets aux
mêmes risques culturels que ceux présentés dans la partie II : Le challenge de l’entreprise
multiculturelle.
Le contexte interculturel n’est pas forcément professionnel, mais du fait de leur présence dans
le nouveau pays d’accueil, le conjoint et les enfants peuvent être amenés à subir des chocs
culturels équivalents à ceux de l’expatrié.
Une préparation, au même titre que celle dispensée aux expatriés, s’avère nécessaire et permet
d’anticiper de la même façon les risques de l’interculturel.
L’expérience de l’expatriation est effectivement anticipée comme une expérience
familiale, mais au-delà de ça chaque membre va individuellement évoluer dans un pays qui
n’est pas le sien, dans une culture qui n’est pas la sienne, et le cocon familial ne sera pas
toujours imperturbable que ce qui est prévu au départ.
46
5. La minorité d’hommes accompagnants
Alors que 69% des expatriés sont des hommes, il reste 31% de femmes expatriées,
avec la probabilité d’être elles-mêmes accompagnées par leur conjoint.
La question de l’accompagnement en tant que conjoint d’expatriée soulève les mêmes
questions abordées précédemment, mais à cela s’ajoute une notion particulière pour les
hommes.
En effet, une nuance est à prévoir sur le ressenti que les hommes peuvent avoir concernant
leur rupture professionnelle.
Telle que le pointait Alain VERSTANDIG lors de la conférence « Accompagnement du
conjoint d’expatrié »1, les mœurs d’aujourd’hui n’ont pas encore intégré l’idée d’égalité
professionnelle parfaite entre hommes et femmes. Par conséquente le fait pour un homme
d’être inactif et d’être « homme au foyer » peut être psychologiquement plus impactant que
pour une femme. D’un point de vue social également, il est moins communément admis qu’un
homme sacrifie sa carrière pour sa conjointe que l’inverse.
Pour cette raison, les hommes s’inquiètent très tôt des possibilités professionnelles pour eux
dans le pays d’accueil, et si rupture il y a avec leur poste d’origine, ils sont une majorité à
vouloir en trouver un autre dans le pays d’accueil. Suivre oui, mais activement.
B. EN PRATIQUE DANS LES ENTREPRISES
Les précédents éléments prouvent que, si l’entreprise s’est toujours tenue à distance de
la sphère privée de ses salariés, dans le cas de l’expatriation le contraire est nécessaire afin
d’encourager la réussite de la mission d’expatriation. Les membres de la famille de l’expatrié
l’accompagnant dans le pays d’accueil nécessitent, au même titre que l’expatrié lui-même, un
suivi particulier de la part de l’entreprise pour soutenir le projet de mobilité qui prend une
dimension familiale.
Les conjoints d’expatriés sont d’ailleurs de plus en plus reconnus. Alors qu’une limite pouvait
se faire sentir dans le passé, quant au statut précis du conjoint (époux, concubin, compagnon),
désormais cela n’est plus pris en considération lors de la prise en charge des personnes
accompagnant l’expatrié.
Les conjoints sont d’ailleurs pleinement considérés lors de l’organisation du premier
voyage de découverte, préliminaire à l’expatriation. Un court séjour dans le futur pays
1 Alain VERSTANDIG, président du groupe Net Expat, Salon Mondissimo le 13.03.2012
47
d’accueil permet à l’expatrié comme à son conjoint de découvrir l’environnement qui serait le
leur durant plusieurs années.
Comme une mesure de précaution, ce voyage permet de replacer l’enthousiasme des futurs
expatriés dans une idée plus juste et de pleine conscience des enjeux que représente
l’expatriation.
Mes différentes recherches menées grâce aux entretiens avec de professionnels, un
sondage, et la lecture de rapport de prestataires de mobilité internationale (ECA International,
PwC, Mercer), montrent toute qu’un effort est fait de la part des entreprises pour réfléchir à
une prise en charge du conjoint d’expatrié dans son intégration dans le pays d’accueil.
Toutefois, si cela fait maintenant partie des pratiques courantes, ces dernières ne sont pas pour
autant identiques d’une entreprise à une autre.
L’accompagnement du conjoint peut se faire de différentes façons.
1. Participation aux formations linguistique et interculturelle
Lorsqu’une formation interculturelle est offerte à un salarié expatrié, son conjoint est
généralement convié. Le projet d’expatriation ayant une dimension familiale, cela permet
d’inclure le conjoint dans cette réflexion, mais aussi et surtout le préparer aux risques qu’il
encourra de la même façon que l’expatrié.
Cette formation peut, à la demande, être ouverte aux adolescents selon les discussions entre le
responsable RH et la famille.1
En effet, l’adolescent est dans une période de construction d’identité qui peut être impactée
par un changement de culture. Plus tout à fait un enfant et proche de l’âge adulte, il peut être
réceptif aux concepts qui seront abordés durant la formation.
2. Un accompagnement individualisé
Pour aller plus loin dans la préparation, en supplément de la formation interculturelle,
de plus en plus d’entreprises proposent un suivi personnalisé du conjoint d’expatrié.
Une façon de valoriser son projet aussi, et de cibler les points sur lesquels il est nécessaire
d’apporter un soutien tout particulier.
Chaque conjoint ne part pas en expatriation avec le même projet.
1 Entretiens avec Soledad ATTALLI BONHEUR et Nathalie LORRAIN
48
Certains souhaitent travailler dans une entreprise locale ou en indépendant, d’autres
souhaitent s’investir dans des missions d’ordre plus caritative, et enfin certain ne souhaitent
pas travailler.
La préparation n’aura donc pas les mêmes objectifs.
Un nombre croissant d’entreprises créent un partenariat avec des organismes de formation
interculturelle qui proposent également un suivi personnalisé du conjoint afin de mieux
comprendre les besoins et d’y répondre efficacement.
Ces derniers proposent généralement des accompagnements pouvant varier dans leur
programme ou leur durée. Ces éléments sont à adapter.1
Une évaluation des objectifs de vie durant l’expatriation et une sélection des différentes
options d’intégration permettent d’orienter le conjoint vers un accompagnement adapté.
- Encadrement à la recherche d’emploi
o Construction d’un plan professionnel réaliste en fonction du pays d’accueil
o Aide à la rédaction du CV et de la lettre de motivation en fonction des critères
locaux
o Formation spécifique aux techniques de recherche d’emploi et d’entretiens de
recrutement
- Soutien aux indépendants
o Elaboration d’un business plan réaliste
o Assistance spécifique dans les choix
o Formation aux considérations légales
- Soutien dans l’intégration sociale de conjoints ne souhaitant pas travailler
o Elaboration d’un plan d’intégration en fonction des intérêts personnels et des
objectifs de vie dans le pays d’accueil
o Développement d’un réseau valable
o Sélection de clubs et/ou associations en fonction des intérêts personnels
A ces accompagnements s’ajoute parfois l’inscription à un réseau de conjoints d’expatriés en
ligne2, afin de pouvoir échanger avec d’autres personnes concernées par le même type
d’expérience.
1 Synthèse faite à partir de l’étude des programmes des organismes Berlitz, Itinéraires Interculturels, Akteos et Net Expat 2 Programme Net Expat
49
Dans un souci d’équité et d’adaptation, une des pratiques courantes des entreprises est de
mettre à disposition du conjoint un budget qui pourra être utilisé pour mettre en place
l’accompagnement le plus adapté.1
Ce budget peut toutefois être utilisé pour d’autres raisons : des retours plus fréquents dans le
pays d’origine, un maintien des cotisations sociales dans le pays d’origine, de la formation
professionnelle…
Ce budget sera confié au DRH de l’unité d’origine ou d’accueil qui, en concertation
avec le conjoint, le gèrera en fonction du projet.
C. LE SUCCES DE L’ACCOMPAGNEMENT DU CONJOINT D’EXPATRIE
Tel qu’en témoignent les différentes études sur l’expatriation, lors d’une expatriation
la famille représente un soutien indéniable pour l’expatrié, mais également un risque de mise
en échec de la mission.
Dans le cas de l’expatriation il est donc plus prudent pour l’entreprise de jouer un rôle
exceptionnel dans la vie personnel de son salarié en organisant une prise en charge du
conjoint pour que l’expatriation soit une expérience enrichissante pour toute la famille et que
l’expatrié lui-même soit plus serein, confiant et performant.
Ce procédé inclut donc le conjoint dans le processus et lui donne toute sa place dans le projet.
Afin d’intégrer le conjoint au processus de préparation à l’expatriation, le premier pas
et de le faire participer à toutes les étapes qui pourraient de près ou de loin le concerner.
Cela commence par la participation au voyage de découverte avant l’expatriation pour qu’il
puisse envisager son projet personnel sur des critères réalistes.
Pour cela, un entretien avec le responsable RH de l’unité d’accueil permettrait de mieux
cibler ce projet et de définir les étapes nécessaires à sa préparation.
Cette étape implique que le responsable RH ait une conversation plutôt personnelle avec le
conjoint pour prévoir les détails de sa vie sur place et être sûr que le projet prévu est en
adéquation avec la personnalité du conjoint.
1 Entretien avec Lafarge et Axa, et « International Assignments Survey », Mercer, 2010
50
Il n’est pas forcément utile que le conjoint participe aux étapes de présentation du poste et de
l’entreprise du salarié expatrié, mais il est important qu’il participe aux différentes
formations linguistiques et interculturelles auxquelles sera inscrit l’expatrié.
La visite médicale, au même titre que pour l’expatrié, est un incontournable de la
préparation, et aucun membre de la famille ne peut accompagner l’expatrié sans s’être soumis
à un contrôle médical.
Peu importe le projet du conjoint, qu’il soit personnel ou professionnel, le contexte sera le
même et cette préparation à son futur environnement est incontournable.
Au même titre, la formation à la sécurité dans le pays d’accueil et les informations d’ordre
général sur le pays d’accueil le concernent.
Suite à l’entretien avec le responsable RH de l’unité d’accueil, un suivi individualisé
pourra être planifié avec un organisme extérieur.
Le choix des entreprises de proposer un budget semble être une solution intéressante dans la
mesure où elle laisse le choix au conjoint de construire un projet plus individualisé, tout en
évitant les variations financières du cas par cas.
Les organismes spécialisés seront ensuite à même de proposer un accompagnement
personnalisé grâce à la variété des programmes qu’ils proposent, et de l’expérience de leur
consultants.
La prise en charge globale du conjoint représente un coût limité puisqu’il s’agit
surtout d’organisation.
Le principal objectif résidant dans le fait de penser au conjoint. Penser à l’intégrer dans les
différentes étapes de préparation traditionnelle, penser à le considérer dans les étapes de
préparation.
Les organismes de formation interculturelle proposent généralement des tarifs de formation
« individuelle » pour une à deux personne. La formation d’un salarié seul ou en couple
coutera donc le même prix.
La différence budgétaire résidera donc essentiellement dans la somme allouée au suivi
individuel du projet du conjoint.
51
IV. CAS PRATIQUE
Cette dernière partie a pour but d’illustrer les trois points d’accompagnement présentés
précédemment, en les mettant en pratique avec le cas fictif d’expatriation d’un employé du
siège de la société EXPAT à Paris, Monsieur Paul DUPONT.
Les coûts proposés concernent uniquement le parcours d’intégration que nous avons présenté
dans les parties précédentes, dans le cas d’un départ de France.
La société française EXPAT aura besoin d’un nouveau directeur financier pour son unité de
Shanghai d’ici les 4 prochains mois.
1. Le recensement des risques locaux
Le siège d’EXPAT actualise et diffuse au sein de son groupe les données sur les
risques à Shanghai grâce aux informations du Ministère des Affaires Etrangères et de son
prestataire Ackerman possédant une équipe d’experts se déplaçant sur place, et capable
d’évaluer précisément les risques en Chine.
Ces informations seront utilisées par les services de Ressources Humaines pour préparer
l’expatriation des futurs expatriés en Chine.
Responsabilité : Consolidation et diffusion des informations par le Service de Santé et
Sécurité du groupe EXPAT.
Coût : 3 000 € par an pour les services d’Ackerman.
2. La préparation du poste
Le service de Ressources Humaines de Shanghai assure la création d’une fiche
détaillée du poste de directeur financier.
Celle-ci contient les éléments généraux comme la description de la fonction, les principales
missions, le niveau de hiérarchie, les qualifications nécessaires, mais aussi la description
détaillée des attendus physiques. Ils concernent l’activité sur le poste, mais également
l’environnement dans lequel elle s’exécute, à savoir l’établissement en lui-même ainsi que les
conditions de la ville (altitude, pollution, climat).
Responsabilité : Service RH de l’unité d’accueil.
Coût : aucun coût direct
52
3. Sélection du profil adapté
Monsieur DUPONT a fait preuve d’engagement depuis son arrivée dans le service
financier du siège d’EXPAT en 2005. Le poste lui est proposé afin d’encourager sa carrière.
Il confirme son intérêt pour le poste, et exprime son souhait de partir en expatriation avec sa
femme et son fils.
Lorsque le package d’expatriation est réalisé et que l’expatriation a été approuvée par la
direction, un entretien est fixé avec le DRH de Paris (unité d’origine) pour recevoir Monsieur
DUPONT et son épouse dans le but d’aborder les différents points de préparation de leur
départ et vie sur place.
Responsabilité : Service des Ressources Humaines
Coût : aucun coût direct.
4. Information et construction des projets mutuels
Monsieur DUPONT est reçu avec sa femme par le DRH de Paris.
Ce dernier souhaite vérifier avec eux qu’ils sont conscients des enjeux que représente
l’expatriation, que le projet est partagé par les personnes accompagnant l’expatriés, et que le
couple semble répondre aux critères d’adaptabilité à l’expatriation (entente du couple,
ouverture à une autre culture, attitude responsable…)
Cet entretien est aussi l’occasion de leur remettre la documentation sur l’expatriation, les
détails sur la conduite de véhicule en Chine, les informations sur les assurances et les
conditions de prise en charge des risques et du rapatriement si nécessaire.
Pour adapter l’accompagnement qui en découlera, le DRH évalue avec le futur
expatrié son « profil interculturel ». Il s’agit d’une première expatriation ainsi que d’une
première expérience à l’étranger pour Monsieur DUPONT.
Il explique ensuite à Madame DUPONT qu’un budget de 7 000 € est prévu pour chaque
conjoint d’expatrié dans le but de les soutenir dans leurs objectifs individuel. Madame
DUPONT exprime son souhait de poursuivre une activité professionnelle à Shanghai ainsi
que ses craintes de se retrouver seule sur place, sans réseau.
Responsabilité : Directeur des Ressources Humaines
Coût : aucun coût direct.
53
5. Voyage de découverte
Monsieur et Madame DUPONT ont confirmé leur souhait d’expatriation. Ils
effectuent un court séjour de découverte à Shanghai pour se faire une idée plus juste des
conditions sur place, et pour réfléchir à la définition plus précise de leurs besoins, notamment
en ce qui concerne leur formation interculturelle et, dans le cas de Madame DUPONT, en ce
qui concerne son projet professionnel.
Responsabilité : DRH des unités d’accueil et d’origine, service voyage
Coût : 2 500€ (2 billets d’avion, l’hôtel et la vie sur place)
6. Contrôle médical
Suite à la description du poste faite par l’unité de Shanghai et basé sur les critères
spécifiques de la Chine, Monsieur DUPONT et sa famille effectuent un contrôle médical.
Leur rendez-vous est pris avec un médecin agréé par le service Santé et Sécurité du groupe
Expat, et le contrôle se fait en fonction des critères édités par le groupe EXPAT.
Responsabilité : Le service Santé et Sécurité propose un professionnel de santé à la famille
DUPONT. Le contrôle médical est fait avec un prestataire externe.
Coût : 500 € par personne
7. La formation interculturelle et la sensibilisation aux risques de la Chine
Suite à la validation du départ de la famille par le médecin, une formation
interculturelle est organisée pour Monsieur DUPONT et son épouse avec l’organisme
Itinéraires Interculturels. Suite à leur demande, leur fils Pierre, âgé de 17 ans, participe
également à cette formation.
Un formateur d’origine chinoise les reçoit pendant 2 jours pour les préparer au contexte
culturel chinois.
Une sensibilisation aux risques de la Chine est ajoutée en fin de programme.
Responsabilité : planification faite par le service RH, formation dispensée par le prestataire
externe.
Coût : 4 500 € pour les deux jours de formation pour le couple et leur enfant
54
8. Mise en place d’un mentoring pour Monsieur DUPONT
Suite à l’entretien de Monsieur DUPONT avec le DRH, un mentoring lui est proposé
pour le soutenir durant son expatriation. Monsieur UNTEL, Directeur des Achats en
Indonésie depuis 4, ayant déjà été expatrié plusieurs fois, est pressenti comme mentor
potentiel. Il s’était d’ailleurs lui-même proposé pour ce genre d’accompagnement. Des
vidéoconférences sont proposées à raison d’une fois tous les mois pour les 6 premiers mois, et
une fois tous les trimestres pour le reste de l’expatriation.
Responsabilité : mise en place par le DRH, suivi par Monsieur UNTEL
Coût : aucun cout direct.
9. Mise en place de l’accompagnement de Madame DUPONT
Après évaluation des possibilités offertes par le budget de 7 000 €, Madame DUPONT
construit son projet avec l’aide du DRH qui l’aide à le confirmer ou l’améliorer. Elle va
bénéficier de 6 heures d’encadrement avant le départ et de 12 heures d’encadrement en Chine
à la recherche d’emploi. Cet accompagnement sera dispensé par l’organisme Net Expat qui
propose, en plus, l’inscription à un réseau en ligne d’expatriés et conjoints d’expatriés.
Enfin, afin de répondre à la crainte de Madame DUPONT d’être seule dans le pays d’accueil,
l’inscription à un club social est prévue.
Responsabilité : Le DRH de Paris oriente Madame DUPONT et organise l’accompagnement
de Net Expat en collaboration avec le DRH de Shanghai. Net Expat fournit les deux
accompagnements prévus. Le DRH de Shanghai organise l’inscription au club.
Coût : 4 725 € pour l’accompagnement de Net Expat (1 575 € d’encadrement avant le départ,
3 150€ d’encadrement à la recherche d’emploi)
Le réseau en ligne est accessible à tous les expatriés de l’entreprise pour 5 000 € par an.
Coût d’inscription au club social. Le reste du budget pourra permettre de répondre à d’autres
besoins décelés sur place.
10. Intégration sur place
Une fois arrivés sur place, Monsieur et Madame DUPONT sont reçus par le DRH de
Shanghai pour les informer sur les différents aspects de leur vie sur place (recherche de
logement, aide dans les démarches administratives, liste de prestataires de santé francophones
ou anglophones…)
55
Une formation à la santé et sécurité sur son nouveau lieu de travail est prévue pour Monsieur
DUPONT.
Une session d’intégration est prévue pour Monsieur et Madame DUPONT et les autres
expatriés arrivés à Shanghai dans le mois précédant ou suivant leur arrivée. C’est l’occasion
de rencontrer de nouvelles personnes et d’échanger avec eux sur l’expérience de
l’expatriation. Elle est organisée à l’aide d’un consultant extérieur qui intervient comme une
personne neutre à l’entreprise.
Responsabilité : Le service RH planifie la formation santé/sécurité pour les expatriés arrivant
avec le service de santé/sécurité et planifie la session d’intégration.
Coût : Coût de l’atelier de groupe pour l’intégration des nouveaux arrivants par un prestataire
extérieur : 2 000 €, soit environ 200 € par personne
Etape Responsabilité Coût
Recensement des risques locaux - Service Santé/Sécurité - Prestataire extérieur
3 000 €
Préparation du poste - RH pays d’accueil - € Sélection du profil - RH - € Information et construction des projets mutuels
- RH - €
Voyage de découverte - RH pays d’accueil - RH pays d’origine
2 500 €
Contrôle médical - RH pays d’origine - Service santé/sécurité
1 500 €
Formation interculturelle et sensibilisation aux risques de la Chine
- RH pays d’origine - Prestataire extérieur
4 500 €
Mise en place d’un mentoring pour Monsieur DUPONT
- RH pays d’origine - Mentor
- €
Mise en place de l’accompagnement de Madame DUPONT
- RH pays d’origine - RH pays d’accueil - Prestataire extérieur
7 000 €
Intégration sur place - RH pays d’accueil - Prestataire extérieur
200 €
Coût total
18 700 €
Le coût total de l’accompagnement de la famille DUPONT s’élèvera donc à 18 700 €
Il met en place des étapes simples et réalisables afin de prévoir tout risque d’échec
d’expatriation, et de permettre à Monsieur DUPONT et sa famille de partir en expatriation
dans de bonnes conditions de bien-être, de confiance et d’enthousiasme.
La réalisation des missions de Monsieur DUPONT est encouragée par le fait que
chaque membre de sa famille et lui-même soit bien préparé et intégré à son pays d’accueil.
56
57
CONCLUSION
L’expatriation d’un salarié est un investissement important pour son entreprise : que ce
soit par les montants dépensés ou par l’importance des missions à accomplir, les enjeux sont
très importants. Mais en plus des critères professionnels, la bonne intégration du salarié à
l’environnement social et culturel, et l’adaptation de sa famille à la vie locale vont être des
facteurs de succès prépondérants
La responsabilité de l’entreprise sera alors beaucoup plus large que pour ses autres salariés.
Son premier devoir sera de préparer sa sécurité. Par une démarche rigoureuse, mais sans
difficultés techniques importantes, beaucoup d’entreprises satisfont à ce devoir de protection.
L’excellence se trouvera dans la planification efficace, et dans le contrôle de l’efficacité.
Bien préparer l’expatrié aux chocs culturels qui l’attendent sera le deuxième objectif.
Il est plus complexe, car la variété des pays et des situations est grande, et les ressources
disponibles (information, formations) pour l’atteindre plus limitées.
En intégrant la famille dans cette démarche, les entreprises augmentent
significativement leurs chances de succès, mais aussi le coût de la préparation de cette
expatriation.
L’ensemble de ces dépenses est à considérer comme une assurance contre l’échec.
On peut aussi rapprocher cette démarche de la théorie des besoins du psychologue Abraham
Masslow, et constater que l’entreprise cherche à aider l’expatrié à satisfaire des besoins de
niveau croissant :
- Physiologiques, bien sûr.
- Sécurité, fragilisé lors d’une expatriation.
- Appartenance, remis profondément en cause.
Cette implication de l’entreprise serait sans doute considérée comme exagérément
intrusive par la plupart des salariés français.
L’expatriation est un tel atout pour les entreprises internationales d’aujourd’hui, que
l’ensemble de ces considérations devient incontournable, et se doit d’être proportionnel à
l’enjeu.
58
59
ANNEXES
I. SOURCES DOCUMENTAIRES ................................................................................................ 1 II. ENQUÊTE................................................................................................................................... 4
Rencontres et sondage ......................................................................................................................... 4
A. Questionnaire à destination des entreprises rencontrées en face à face ....................................... 5 B. Trame de l’entretien avec Madame LORRAIN .......................................................................... 7 C. Sondage soumis a 20 entreprises, auquel 6 ont répondu ............................................................. 8
1
I. SOURCES DOCUMENTAIRES
Bibliographie
L’Entreprise Multiculturelle, F. Trompenaars et C. Hampden-Turner, 2008
Le management interculturel – Gérer la dimension multiculturelle de l’entreprise et ses
implications, Virginia Drumond, 2010
L’expatriation, Jean-Luc CERDIN, 2002
Observatoire de l’expatriation, Livre Blanc 2011, Berlitz Consulting
Le devoir de protection des employeurs à l’égard des expatriés, de leurs personnes à charge et
des voyageurs d’affaire, White Paper International SOS, Lisbeth CLAUS, 2009
Panorama de l’expatriation au féminin (conjointes, collaboratrices), les enjeux professionnels,
personnels et affectifs de l’expatriation, Expat Communication, 2011
Etudes comparatives
Devoir de protection et gestion du risque voyage : Etude comparative, White Paper
International SOS, Lisbeth CLAUS, 2011
Global Assignment Policy survey, Price Waterhouse Coopers, 2011
International Assignments Survey, Mercer, 2010
Global Mobility Policy & Practices Survey, Cartus, 2010
2
Articles de presse
« Asegurar que el hijo de un director expatriado se adapte es prioritario », David Martinez, El
economista, 29 octobre 2008
« Dificil para empleados mexicanos adaptarse a directivos extranjeros », Agencia Mexicana
de Noticias NOTIMEX, 4 juillet 2007
« Las 20 respuestas para expatriar bien, la expatriacion en las multinacionales españolas »,
Augusto COSTHANZO, El Mundo, 25 juillet 2010
« Former les salariés aux dangers de l’étranger », Muriel Jasor, Les Echos, 29 octobre 2009
« « Effective intercultural training » Developing essential skills for a global future »,
Singapore Government News, 7 septembre 2011
Conférences
Conférence CARTUS sur les différences culturelles de l’Asie, Salon Mondissimo, Paris, 14
mars 2012
Conférence NET EXPAT sur l’accompagnement du conjoint d’expatrié, Salon Mondissimo,
Paris, 14 mars 2012
Petit déjeuner International SOS sur le Devoir de Protection de l’Employeur, Paris, 13 mars
2012
3
Sites internet
http://www.revue-signes.info/document.php?id=248
L’interculturel et les pièges des interactions en milieu professionnel
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Note_evolution_inscrits_2011_cle8fe5b1.pdf
Note sur l’évolution de la population française à l’étranger
http://www.risques.gouv.fr/page-d-accueil/info-prevention/article/la-securite-des-francais-a-l
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays/#tous_pays
Sites gouvernementaux sur la sécurité des français à l’étranger
http://ilo.org
Site de l’Organisme International du Travail
http://www.revue-signes.info/document.php?id=248
L’interculturel et les pièges des interactions en milieu professionnel, rédigé par Nina Ivanciu,
Professeur des universités.
Autres
Newsletters d’organismes de formation interculturelle
Brochures de programmes de formation interculturelle ou présentation des organismes Net
Expat, Berlitz, Itinéraires Interculturels, Akteos, Terre Neuve, Expat communication
4
II. ENQUÊTE
RENCONTRES ET SONDAGE
- Rencontre avec Madame Nathalie LORRAIN, directrice associée de l’organisme de
formation Itinéraires Interculturels le 30 mars 2012
- Rencontre avec Madame Catherine GUICHARD, gestionnaire d’expatriation et Mademoiselle Magali MUR, alternante au service de mobilité internationale, TOTAL, le 23 avril 2012
- Rencontre avec Madame Soledad ATTALLI-BONHEUR, directrice du service de Mobilité Internationale, LAFARGE, le 9 mai 2012
- Entretien téléphonique avec Madame Maud RAEDERSDORFF, gestionnaire de Mobilité Internationale des expatriés français et impatriés en France, AXA, le 22 mai 2012
- Réalisation d’un sondage soumis à 20 entreprises auquel ont répondu 6 entreprises (GDF SUEZ, CFAO, RATP, Areva, Total, Lafarge)
5
A. QUESTIONNAIRE A DESTINATION DES ENTREPRISES
RENCONTREES EN FACE A FACE
Nombre d’expatriés dans l’entreprise ? Destinations principales d’expatriation ? Départ : seul / en couple / en famille
I. DEVOIR DE PROTECTION DE L’EMPLOYEUR
• Existe-t-il une formation à la santé/sécurité et à la sûreté, particulière à l’expatriation, dispensée aux expatriés avant leur départ ?
• En quoi consiste cette formation ? (population vise + programme + planification)
• Comment est-elle généralement reçue par les expatriés ?
• Est-ce possible que des expatriés refusent d’assister à la formation ?
• Quel est votre rôle dans l’entreprise face au devoir de protection de l’employeur à l’égard des salariés expatriés ?
• Existe-t-il un soutien/un suivi des expatriés, concernant leur sécurité, durant leur expatriation le pays d’accueil ?
• Exemples de situations dans lesquelles des expatriés de votre entreprise ont été en danger dans le pays d’accueil?
II. PREPARATION DU SALARIE EXPATRIE AU CONTEXTE INTERCULTUREL
• Existe-t-il une préparation interculturelle dispensée aux expatriés ?
• En quoi consiste cette préparation ? (population visée + programme + planification)
• Comment est-elle généralement reçue par les expatriés? (avant et après la formation)
• Est-ce possible que des expatriés refusent d’assister à la préparation ?
• Arrive-t-il que des expatriés partent en expatriation sans avoir reçu de formation interculturelle ? Conséquences ?
• Comment votre entreprise réagit-elle dans le cas d’un choc culturel durant la mission d’un expatrié ?
6
III. ACCOMPAGNEMENT DU CONJOINT/DE LA FAMILLE D’EXPATRIE
• La formation interculturelle s’adresse-t-elle aux membres de la famille de l’expatrié ?
• Existe-t-il un mode d’accompagnement particulier pour la famille de l’expatrié, différente de celui de l’expatrié ?
• Comment s’articule l’accompagnement du conjoint d’expatrié ?
• D’après vous, quelles peuvent-être les conséquences d’une absence d’accompagnement du conjoint d’expatrié ?
QUESTION CONCLUSION
Dans le cas d’échecs d’expatriation, quelles sont les raisons rapportées par l’expatrié ?
� Choc culturel � Echec d’adaptation de la famille au pays d’accueil � Projet d’expatriation non partagé par la famille � Echec d’intégration de l’expatrié dans l’équipe locale � Sentiment d’insécurité du salarié et/ou sa famille dans le pays d’accueil � Autre
Quelles mesures d’accompagnement supplémentaires souhaiteriez-vous mettre en place ?
7
B. TRAME DE L’ENTRETIEN AVEC MADAME LORRAIN
1. La formation interculturelle : qu’est-ce qui la rend nécessaire dans une expatriation ?
2. Nécessaire ou indispensable ?
3. Quels sont les risques pour un salarié/l’entreprise si la formation n’est pas prévue dans l’expatriation ?
4. Dans l’idéal, comment doit-elle être prévue ? (avant le départ ? après ? nombre d’heures en fonction de la destination ?)
5. En pratique, les entreprises sont-elles sensibles à l’importance de cette formation ?
6. Facilitent-elles sa planification ?
7. Les formations sont-elles bien reçues/appréciées par les salariés expatriés ?
8. Arrive-t-il qu’ils la refusent ? Pourquoi ? Quel est le positionnement de l’organisme/l’entreprise face à ce refus ?
8
C. SONDAGE SOUMIS A 20 ENTREPRISES, AUQUEL 6 ONT REPONDU