commentaire littéral de la somme théologique - rp thomas pègues (tome 11)
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T^AN
COMMENTAIRE FRANAIS LITTERAL
SOMAIE THOLOGIQUESAINT THOMAS D'AQUIN
Droits de traduction ei de
reproduction rservs
pourCopyrigtli
tous pays.
by uolakd Piuvat,
I92.
R.
P.
Thomas PGUES, 0.MATREEN"
P.
THOLOGIES
MEMBRE ne l'acadmie ROMAINE DE
A
1
N T-T
H O M A S-D A Q C'
I
N
PROFESSEUR DE SAI>T THOMAS AU COLLGE ANGLIQUE (rOME)
COMMENTAIRE FRANAIS LITTRALDE LA
SOMME THOLOGIQUESAINT THOMAS D'AQUIN
XI
LA PRUDENCE ET LA JUSTICE
(Saint Jean Daniascne.
TOULOUSE EDOUARD PRIVATLIBRAIRE DITELK
PARIS
PIERRE TQUILIBRAIRE-KUITEUR!a,
li,
KLE DES AKTS.
lA-
HUE BONAPAKTE, 82.
192
MHIL OBSTAT
:
Fr.
Ceslas
PABAN-SECOND,
Des Frres-Prcheurs,Mailrc en Sacre Thologie.
Fr.
Edouard HUGON.SacreThologie.
Des Frres-Prcheurs.Mailre
en
IMPRIMATUR
Fr.
Albertls LEPIDI, 0.
P.
S.
P.
A. Magisler.
AUG
- 3 1953
AVAXT-PROPOS:^
f
Le
prcsoiitla:
volume de
notre11
Commentairecomprend-
continue
l'expos dela
Sernnda-Secund.
les traits;
dela
Prudence:
de
la
question \la
la
question 5G
et
de
Justice
de
la
question 07
question 79.la
De
ces deux traits, celui de
Prudence11
offre l'intrt
trs spcial d'tre fort
peu connu.
est
cependant d'une
importance extrme.
On
n'aura pas de peine s'en con-
vaincre en lisant, dans leur ordre lumineux, les questions
que
lui
consacre saint Thomas. C'est, par excellence,qu'il
le
trait
du gouvernement,
s'agisse
de se g-ouverner
soi-mme ou de gouvernerQuant autrait
les autres.il
de
la Justice,
serait superflu
de s'attar-
der en marquer l'importance. Tout est mditer dans cetrait,
o sont
fixes les rgles
de morale qui prsident aux
rapports des
hommes entreles(q.
eux. jNous attirerons plus spcia-
lement l'attention surpeine de mortart.I,
questions de l'homicide et de
la
G2J,
du
droit
de proprit(q.
(q.
66,lira
2),
du prtle
intrt et
de l'usurelesla
78).
On
aussi
avec
plus grandse
profit
questions
relatives
aux pches quidansle
commettent contrela vie et
justice par paroles
cours ordinaire de
non pas seulement dans
l'acte solennel qu'est le
jugement. Dans toutes ces quessi
tions
si
multiples et
diverses on
retrouvera
le
souci
constant de maintenir
trs
haut
les droitstel article,
imprescriptibles
de
la saine
morale. Et parfois
qui ne semble
Miltraiter
AVA^T-PROPOS.
que d'un point de
dtail
dans lensernble d'uneapparence,projetteles
question
peu transcendante en
clarts les plus vives et les plus
opportunes sur des sujetsles
d'ordre politiquesoit
oii
se
jouent
destines des peuples,soit
l'intrieur
d'une
mmela
nation,
l'extrieur
entre les diverses nations ou les diAers peuples.rons,saint
Nous
cite-
commeThomas
exemple, dansse
question 66,
l'article 8,
o
demandela
si la
rapine peut se faire sansl'article 3;
pch; ou, encore, dansla
question 68,
ou dans
question 69,C'est
l'article A;
dans
la
question 70,
l'article 2.
du
reste
chaque instant quela
les rflexions nais-
sent (T'elles-mmes Elles
lecture de ces pages lumineuses.
feront ternellement les dlices de tout esprit que
passionnent,justice.
dans
l'ordre
de
la
morale,
la
vrit et la
Ironie,
29 juin
1
91
(i.
eu
la
fte
des sainls apties t^ierie
et
l^aiil.
LA SOMME THOLOGIQUESECONDE PARTIESECONDE SECTION
QUESTION XLVIIDELA.
PRUDENCE EN ELLE-MME
Nous avons considr jusqu'ici, dans notre tudechoses de la morale,les trois
dtaille des
grandes vertus de
foi,
d'esprance
thologales poret de charit. C'tait le triple trait des vertus elle-mme tant sur les actes par lesquels nous atteignons en
notre
dernire surnaturelle. Nous devons passer maintenant qui nous l'tude des vertus dont les actes portent sur ce ordonne cette fin surnaturelle titre de moyen. Saint Thomasfin
nous a dj prvenus que toutes ces vertus se ramnent aux Aussi quatre vertus cardinales dont la premire est la prudence.bien,
nous marquant la suite de notre tude, Consquemrnent, aprs les s'exprime, ici, en ces termes sujet vertus thologales, nous devons considrer d'abord, aule
saint Docteur,
:
des vertus cardinales, ce qui a trait sujet,
la
prudence. Et, cela
nous traiterons mme (q. ^']), secondement, de:
premirement, de
prudence en
elle-
ses parties (q. /jS-oi) ,
car
au nous verrons qu'en effet il y aura lieu de parler de parties cardivertus sujet de cette vertu comme au sujet des autresnales;
troisimement, du don qui lui correspond
(q. 52);i
\I.
La Prudence
et la Justice.
2
SOMME THEOLOGIQUE,(q. 53-55);
quatrimement, des vices opposstrouvons
cinquimement,
des prceptes qui se rattachent tout cela (q. 56).ici
Nous
re-
l'ordre indiqu au dbut de la
Secunda-Secandle
pour toutdtail.
ce qui a trait
chacune des vertus tudies dans
Au
sujet de la
prudence tudie en elle-mme, saint Thomascette question
nous annonce que
comprendra
seize articles
:
1
Si la
prudence
est
dans
la
volont ou dans la raison?
2
A supposer
3
45
67
la raison, si elle est dans la raison pratique seulement ou aussi dans la raison spculative? Si elle a de connatre le particulier et le singulier? Si elle est une vertu ? Si elle est une vertu spciale? Si elle marque la fin aux vertus morales? Si elle tablit en elles le milieu de la vertu ?
qu'elle soit
dans
8 Si l'acte
9 Si la sollicitude
io Si laIl" Si la
du prcepte est son acte propre? ou la vigilance appartient prudence s'tend au gouvernement deprudence qui porte sur prudenceestle
la
la
prudence? multitude?la
bien propre est
mme
en
espce que celle qui s'tend au bien12 Si la
commun?
dans
les sujets
ou seulement en ceux qui
commandent?iS''
Si elle se
14" Si elle se
i5 Sii6 Si
trouve dans les mchants? trouve en tous ceux qui sont bons? elle est en nous par nature? eUe se perd par l'oubli?
Dela
ces seize articles, les trois premiers traitentoii elle se
du
sujet de
prudence, en ceux
trouve; les deux suivants, de
sa nature; les articles 6 et 7, de son objet; les articles 8 et 9,
de son acte;i3, i4,
les articles
10 et 11, de ses espces; les articles 12,elle sefin.
de ceux en quil'article
trouve; l'article i5, de son ori-
gine;
16,
de sa
Le nombre de ces articles
et
aussi les termes dans lesquels saint
Thomas nous
les a
annoncsla
nous font dj pressentir l'importance exceptionnelle deen verronsle dtail.
question actuelle. Elle clatera d'elle-mme, mesure que nous
Venons
tout de suite l'article premier.
QUESTION XLVII.
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MEME.
Article Premier.Si la
prudence est dans la facult qui connat ou dans la facult affective?
Trois objections veulent prouver que
la
prudence
n'est
point dans la facult de connatre, mais dans la facult affective . dit,
La premire en appelle
saint
Augustin:
,
qui
dans son livre desest
Murs de
l glise (ch. xv)
La pru-
dence
CamoLir qui choisit avec sagacit ce qui
l'aide et rejette
ce qui lai fait obstacle. Or, l'amour n'est point dans la facult de
connatre, mais dans
la
facult affective.
Donc
la
prudence
est
dans
la facult affective .
Laet
seconde objection appuie sur
le texte
qui vient d'tre citil
dclare quela
comme onla
le voit
par celte dfinition,sagacit.
appartient
prudence de
choisir avec
Or,
le
choix ou l'lection est un acte de
facult
apptitive,commeilat vuplushaut(Ip., q.83;art. 3; l''-2"', facult de q. i3, art. i). Donc la prudence n'est point dans la La troisime obconnatre, mais dans la facult apptitive .
jection citeart. 2,
le texte,
dj connu, d'
Aristote
(cf. /''-2''S q. 21,
ad
5""'),
qui
dit.
au sixime livre deles
l'f/ii^ue (ch. v, n. 7;l'art, celuile
de
S.
Th.,le
le. 4),
que danset
choses de
qui pche,
voulantles
faire, est prfrer: tandis que c'estla
contraire dans
choses deil
prudence
des vertus. Or, les vertus morales,la partie affective;
dont
est parl
en cet endroit, sont dans
et l'art,
au
contraire, est
dans
la raison.
Donc
la
prudenceAugustin:
est
plutt dans la partie affective que dans la raison .
L'argument sed contraqui dit,
est
un
texte de saint
,
au
livre des Quatre-vingt-trois questions (q. lxi)
Lade
prudence
est la
connaissance des choses qu'il faut rechercher.
et
celles qu'il
Jaut fuir
Audore
corps de qui
l'article,
saint
Thomas
se rfre saint Isi-
dit,
au livre des tymologies dans
(livre X, la lettre P)
:
Le prudent
,
en latin prudens,le
est ainsi appel
comme pour
marquer
qu'il voit bien ,
texte porro videns;
c'est
qu'en
4
SOMME THEOLOGIQUE.il
e^et
est
perspicace
et
voit Vissiiela
des choses douteuses. Or,
poursuit saint Thomas,apptitive,
vision" relve,
non deIl
la
facult
mais dela
la facult
de connatre.
s'ensuit manifes la facult
tement queconnatre.celle-ci
prudence appartient directementpas toutefois la facult
de
Non
d'ordre sensible; car
ne connat que ce qui
est prsent et
tombe sous
les
sens
;
tandis que dans l'acte de la prudence est incluse la
connaissance du futur.
D'autre part, connatre les choses
futures l'aide des choses prsentes ou passes, ce qui appartient laeffet,
prudence,
est le
propre de
la
raison;
:
cet acte,
en
implique une certaine comparaison Il
et la raison seule
peut comparer.
demeure donc que
la
prudence
est
propre-
ment dans la raison . Vad primum fait observer quehaut(I
commeq.9,
il
a1),
tla
dit plus
p.,
q. 82, art.
4;
^"-2"^
art.
volont
meut
leurs
actesle
respectifs
toutesla
les
autres puissances.apptitive20, art.il
Et parce que
premier acte de
facult(I
esti;
l'amour, ainsi qu'il a t dit plus hautic-2'^e,
p., q.4),
q. 24, alis 20,
art.
i,
2,
3; q.
27, art.
s'ensuit
quedela
la
prudence
est
appele l'amour, non par
mode
d'appel l'acte
lation essentielle, maisla
pour autant que l'amour meutles
prudence. Aussi bien, saint Augustin ajoute ensuite queest
prudence
Vaniour qui discerne bien
choses qui nous
aident tendre vers Dieu de celles qui peuvent treobstacle. Et
pour nous unla
l'amour.
est dit discerner, selon qu'il
meut
raison
discerner
L'ad secundum explique que
le
prudent considre
les
choses
qui sont loin en tant qu'elles sont ordonnes aider ou em-
pcher
les
choses qui doivent se faire prsentement. Par o
l'on voit
que
les
choses que la prudence considre sont or-
donnes d'autres chosessujet des choses qui sont
comme
leur fin. D'autre part, la fin,
au
ordonnes
on
a le conseilest
qui est dansl'apptit.
la raison, et l'lection
ou
le
choix qui
dans
De
ces
deux choses-l,:
le
conseil appartient davaneffet,
tage en propre la prudencelivre de Vthique (ch. v, n.S.
Aristote dit, en
au sixime
1;
ch. vli, n. 6; ch. ix, n. 7; deest de
Th.,
le. 4, 6,
8),
que
le
prudent
bon
conseil.
Mais,
QLESTION XLVII.
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MEME.le
5la
parce que
l'lectionle
prsuppose
conseil,
car elle est
recherche de ce que
conseil a d'abord tabli,ii,
commede
il
est ditS.
au troisime livre de V thique (ch.le. 6),
n. 16, 17;
Th.,
cause de celatitre
l'acte
de choisir peut aussi tre attribule
la
prudence
de consquence, pour autant que par
conseil elle dirige l'lection
oule
le
choix
.
Vadsiste
tertium dclare que
mrite de la prudence ne con-
point dans la seule considration, mais dans l'application
l'acte qui est la fin de la raison pratique. Et voil
pourquoi
si
un dfaut
se
produit sur ce point,
il
est le
plus contraire
la
prudence; car de
en toute chose,endroit (n.
mme que de mme lepourla
la fin est ce qu'il
y a de meilleur
dfaut qui porte sur sa fin est cecela qu'Aristole ajoute,n'est
qu'il y a de pire. C'est8),:
aula
mmeraison,
queelle
prudence
pas seulement avec
commequi se
l'art
comprend, en.
effet,
l'application l'acte,
fait
par
la
volont
La prudence
est
dans
la
raison
commela
dans son
sujet,
maiseffet,
en prsupposant une motion de
volont. Elle
dit,
en
essentiellement, l'application de certains principes quelqueacte qui doit tre fait
ou omis
:
la
comparaison ou l'ordre desou omisest le
principes l'acte devant tre
fait
propre de
la
raison; l'implication d'acte faire ou omettre est celui de la
volont.
Si la
prudence appartient
essentiellement
la
raison, est-ce seulement la raison pratique,tient-elle aussi la raison spculative? C'est ce
ou bien apparque nous allons
considrer l'article qui
suit.
ArticleSi la
11.
prudence appartient seulement la raison pratique ou aussi la raison spculative?
Trois objections veulent prouver quetient pas
u
la
prudence n'apparla
seulement .
la
raison pratique, mais aussi est
raison
spculative
La premire
un
texte
du
livre des
Pro
.
6verbes, ch.est la
SOMME THOLOGIQUE.x(v.
28),
oil
il
est dit
:
La sagesse pour C hommedela
prudence. Or, la sagesse consiste principalement clans la
contemplation. Donc
en
est
de
mme
prudence
.
La seconde objection s'autorise de saint Ambroise , qui La prudence dit, au premier livre des Devoirs (ch. xxiv) vaque la recherche du vrcd et cause le dsir d'une science plus:
pleine. Or,
cela appartient la raisonla
spculative.
Donc.
la
prudence consiste aussi danstroisime objectionfait
raison spculativel'art et la
n.
La
observer que
prudence sont
placs par Aristole dans la
mme
puissance de l'me,(ch.i,
commei;
onde
le voit
aule.
livrei,
VI de Vthique
n. 5; ch.
vi,
S.
Th.,il
5).
Or, l'art n'est pas seulement d'ordre pra-
tique,
est
aussi spculatif,la
comme on
le
voit
pour
les arts
libraux.lative .
Donc
prudence aussi doit
tre et pratique et spcu-
L'argument sed contra en appelle la dfinition donne par Aristote , qui dit, au livre VI de Vthique (ch. v, n. 4;S.
de
Th.,
le. k),
que
la
prudencela raison
est la raison droite des ac-
tions.
Or, ceci n'appartient qu' lan'est
raison pratique..a
Doncseloni;
la
prudence
que dansau
pratique
AuS.
corps de
l'article, saint
Thomas rpond queVI de Vthique (ch.
le
tmoignageTh.,le.
d' Aristotek),il
livre
v, n.
de
appartient
f homme prudent de
pouvoir
bien conseiller. Or, le conseil porte sur ce qui doit tre fait par
nous en vue d'une
fin
obtenir.
D'autre part,
la
raison desfin est la
choses qui doivent tre faites en vue d'une certaineraison pratique. D'oiiil
suit
que manifestement.il
la
prudenceplus haut
ne consiste
que dans
la
raison pratique
Vad primum(q.
rappelle quela sagesse
commelail
a t dit
45, art.
i),
considre
cause qui est la plus
leve au sens pur et simple. D'o
suit
que
la
considration
de
la
cause la plus leve en chaque genre donn appartient
la sagesse
dans ce genre-l.la
Et,
prcisment, dansla fin
le
genre desqui
actes
humains,
cause
la
plus leve est
communela
s'tend toute la vie
humaine.que
C'est cette fin
que
prudence
a en vue. Aristote dit, en effet,n. 2;
au livre VI de Vthique, ch. v,celui qui raisonne bien
de
S.
Th.,
le.
li),
comme
QUESTION XLVII.
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MEME.particulire, telle
7
par rapport une
fin
que
la victoire
par
exemple,
est dit
prudent, non d'uneest ici
faonles
pure
et
simple,
mais en ce genre donn, quide
choses de
la
guerre
;
mmesuit de
celui qui raisonne bien en
vue de tout ce qui conset simple.la
titue le bien vivre est ditIl
prudent d'une faon purela
l
manifestement que
prudencecause
est
sagesse
dans l'ordre des choses humaines; mais non
la sagesse
au sensbien
purce
et
simple, qui ne porte que sursens.or, Et,
la
la
plus leve dansle
mme;
en
effet,
la
prudence ne vise quele
humainest:
l'hommele
n'est
point
meilleur de tout ce qui
affirmer
contraire serait tomber dans l'erreur positi-
viste,
qui a voulu faire de l'homme, considr du moins en
socit, le bienla le
suprme; d'o
il
suivraitle livre
que
la
politique est
reine des sciences. Aussi bien,texte cit,
des Proverbes, dans
la sagesse
pour ihoinme
l'homme,simple
marque intentionnellement que la prudence est ou dans les choses qui regardent non la sagesse pure et simple . La sagesse pure etqui considre Dieu cause premireet
est celle
dernire
de toutes choses.h'ad secundum dit que saint Ambroise etaussi
Cicron
(dans sa Rhtorique, livre
II,
ch. lui) prennent le
mol prudenceconnaissance
dans un sens plus large
et lui font signifier toute
humaine,
soit spculative, soit pratique.
Onla
peut dire aussi,
ajoute saint
Thomas, que
l'acte
mmeet,
de
raison spculative,
selon qu'il est volontaire,
tombe sous
l'lection et le conseil,l'or-
en ce qui
estla
de son exercice;
par suite, tombe sous
dination de
prudence. Mais, du ct de son espce, en tantil
qu'il se rfre l'objet, qui est le vrai ncessaire,
ne tombe
ni sous
le
conseil ni sous
la
prudence
.
Il
n'y a pas s'en-
qurir
si
l'on doit adhrer
aux
vrits ncessaires d'ordre sps'il
culatif;
mais on peut s'enqurir
y a lieu de vaquer leurtel
contemplation ou leur tude, entelle
temps, en
tel lieu,
de
manire, dans
tel
but, et
le reste,
dans l'ordre de
la
pra-
tique.
Vad
tertkim dclare que
((
toute application de la droite rai-
son une chose
faire appartient l'art.la
Mais
la
prudence
n'appartient que l'application de
droite raison
aux choses
8
SOMME THEOLOGIQUE.les
qui relvent du conseil. Or, ces choses-l sont celles ovoies qui conduisent la fin
ne sont point dtermines d'uneau livreIII
maniren. 8; de
fixe, ainsi qu'il est dit
de l'thique (ch. m,la
S.
Th., le.
7, 8).
Par cela donc que
raison sp-
culative fait certaines choses, telles
que
le
syllogisme, la pro-
position et autres choses de ce genre, o l'on procde selon
des voies et des rgles fixescela,
et
dtermines, cause de
on peut y trouverc'est ce
la
raison d'art, mais
non
la
raison
de prudence. Etspculatifs,
qui explique qu'il peut y avoir des arts(Cf.,
mais non une prudence spculative.3,
sur
ces arts
spculatifs, V^-S"^, q. 67, art.
ad
5""*).
On pourra
avoir,
mme:
dans l'ordre des choses de
la
morale, une scienceestla
spculative; mais
une prudence spculativeestla
chose qui r-
pugnehic et
car la prudence est, par dfinition,
dterminationconnais-
nunc de ce qui
de soi indtermin;
et toute
sance spculative est
vue de ce qui
est
en soi dtermin,
indpendamment deque des'y
la raison
dule
sujet, laquelle n'a
pour
officele
conformer,
soit
en
recevant d'un autre, soit en
dcouvrant par son
effort. Cf. ce
que nous avons dj
dit, ce
sujet, dans notre tome VIII, page 70 et suivantes.
La prudence
est essentiellement d'ordre
pratique;
ellela
n'a
rien de la connaissance spculative. Sa fin n'est pointce qui est, mais la
vue de
dtermination de ce qui sans
indtermin, dans l'ordre de l'action pure.nouvelle question se pose:
demeure Aussitt uneelle la
devons-nous en conclure quesingulier oule
prudence a de connatre
le
particulier?
Ce va
tre l'objet de l'article suivant.
Article
III.
Si la prudence a de connatre le singulier?
Trois objections veulent prouver que la prudence ne connat point le singulier.
Le premier argu de ce que1).
la
prudence
est
dans
la
raison, ainsi qu'il a t dit (art.
Or,
QUESTION XLVII.la
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MEME.
Q
raison a pour objet l'universel,
comme.
il
est dit
au premier
livre des Physiques (ch. v,^n. 9; de S. Tii., le.
10).
Donc
la
prudence ne connat que l'universeldit
La seconde objectioninfinies.la
que
les choses particulires
ou singulires sont
Or, l'infini ne peut tre compris par la raison.
Doncle
pru-
dence, qui est une raison droite, n'a point pour objetlier .
singu-
La
troisime objection
fait
observer que
les
choses
particulires sont
connues paril
les sens.
Or, la prudence n'esteffet,
pas dans
les sens;
en
est
beaucoup, en
qui ont leurs
sens extrieurs trs perspicaces et qui n'ont pas de prudence.
Donc
la
prudence ne porte point sur.
les
choses particulires
ou singuliresaulalui
L'argument sed contralivre
est le
mot
d'
Aristote
,
qui 6),
dit,
YI de l'thique
(ch. vu, n. 7; de S. Th.,
le
que
prudence
na
point seulement l'universel pour objet, mais quille
faut aussi connatre
singulier .
Au
corps de
l'article, saint
Thomaso*""),
rappelle que
comme
il
a t dit plus
hautla
(art.
i,
ad
la
prudence appartient
non seulement
considration de
la
raison mais encore l'ap-
plication l'acte qui est la fin de la raison pratique. Or, nul
ne peut appliquers'il
comme
il
convient une chose une autre,deux, savoir celle qu'il faut appli-
ne
les
connat toutes
les
quer
et celle
qui doit se faire l'application. D'autre part, lesle
oprations portent sur
singulier.
Il
faudra donc quela
le
pru-
dent connaisse
et les
principes universels deles actions sela
raison et les.
choses particulires o
trouvent
L'ad primuni rpond que
raison porte d'abord et princielle
palement sur l'universel; maisles
peut aussi appliquerfait
les
raisons universelles aux choses particulires, ce qui
que
conclusions des syllogismes ne sont point seulement uni-
verselles
mais aussi particulires; car l'intelligence par unela
certaine rflexion s'tend livre III decette
matire,
commeles
il
est dit
au
CAmela
(ch. iv, n.
7; de S. Th., le. 8).la raison,i.
Cf. sur
connaissance du singulier par
explications
donnes dans
Premire Partie,accorde qu'en
q. 81, art.
Uad secundum
effet l'infinit
des choses sin-
gulires ne peut pas tre comprise par la raison
humaine;
et
lO
SOMME THEOLOGIQUE.,
de l vient que nos prvoyances sont incertainesdit
comme
il
est
au
livre de la Sagesse, ch.
ix (v.
lA). Toutefois, par l'exp-
rience, les choses singulires infinies sont
ramenes quelqueset
unes d'ordrenaissance
fini
qui arrivent la
le
plus souventy.
dont
la
con-
suffit
prudence humainela
Dans
l'ordreil
pratique, nous n'avons pas besoin desufft
certitude absolue;
de
la
certitude morale qui est base sur la frquence des
choses qui arrivent parmi lestrs
hommes;dela
et cette cerlitude
rend
fermeen
le
jugement ou
l'actela
prudence, toujours juste
et lgitime
dans Tordre de
moralit, bien que la dtermina-
tion
soi
puisse se trouver,
absolument parlant, errone
ou
fausse.tertiiini
Vadlivre
dit qu'
au tmoignage d'ristole, dans son;
VI de Vthique
(ch. vni, n. 9le
de
S.
Th.,
le.
7),
la
prufait
dence ne consiste point dansconnatrelales sensibles
sens extrieur qui nousle
propres, mais dans
sens intrieur que l'effet de juger l'on peroit .
mmoire et l'exprience perfectionnent promplement des choses particulires que
Celes
sens intrieur est celui que nous appelons la cogitative et qui
rpond, dans l'homme, l'estimative ou l'instinct dans
animaux.c(
Cf.
I
p.,
q.
78,
art.
h.
Saint
Thomas
ajoute que
cependant,
la
prudence
n'est
point dans ce sens intrieurest
commeou
dans son sujet principal. Elle
principalement dans
la raison; et c'est
par une sorte d'application qu'elle parvient
qu'elle s'tend ce sens intrieur .
Nous savons maintenant o la prudence se trouvie comme en son sujet. Il nous reste examiner ce qu'elle est; savoir: D'abord, si elle est une vertu? si elle est une vertu spciale!'
si elle
est
une
vertu. C'est l'objet de l'article suivant.
Article IV.Si la
prudence est une vertu? la
Trois objections veulent prouver que
prudence saint
n'est pas,
une vertu
.
La premire cite un
mot de
Augustin
QUESTION XLVII.quila
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MEME.xiii),
tl
dit,
au livre
I
du Libre arbitre (ch.il
que
la
prudence
est
science des choses qu
faut chercher oule
viter. Or, la science se
divise contre la vertu,(ch. VI, n. 4).
comme onprudenceil
voit dans les Prdicaments
Donc
la
n'est pas
une vertu
.
La
seconde objection dit qu'Or,il
n'est point de vertu de la vertu.le dit
est
une vertu de(cli.
l'art,
commeS.Il
Aristote au livre4).
VI
de thique
v, n. 7;
de
Th.,
le.
De par
ailleurs,
dans
l'art est la
prudence.,
est dit,
en
effet,
au second livreciseler toute
des Paraliponines ch.sculptureet
11
(v.
i4),que Hirani savait
trouver avec prudence tout ce qui est ncessaire pourla
un ouvrage. Donc
prudence
n'est pas
une vertu
w.
La
troisime objection dclare qu' aucune vertu ne peut
manxxiii
quer de mesure. Or,quoi(v.il
la
prudence peutprudence.
tre sans
mesure; sansch.
serait dit
vainement auta
livre des Proverbes,
4)
:
Mets une mesure .
Donc
la
prudence
n'est
pas une vertu
L'argument sed contra apportegoire,
l'autorit
de
saint Gr-
qui, au second livre des Morales (ch. xlix,dit
ou
xxvii,
ou xxxvi),
que
la
prudence,
la
temprance,
la
force et la
justice sont quatre verlus .
Au corps de l'article, saint Thomas nous expose nouveau un point de doctrine fort dlicat, dj signal dans le trait des vertus, a Comme il a t dit plus haut, quand il s'agissaitdes vertus en gnral {l''-2"% q. 55, art. 3; q. 56,est ce qui rend bonle
art. i),
laverlu
sujet en qui elle se trouve et fait que son
acte est tjon. Or, le bien peut se dire d'une
double manire
:
d'abord, matriellement, pour cela
mmela
qui est bon; secon-
dement, d'une manire formelle, selonD'autre part,apptitive.Il
raison
mme
de bien.
le
bien, en tant que
tel,
est l'objet
de la facultla
suit de l
que
s'il
est
des habitus qui causent
rectitude dans la considration de la raison sans impliquer
un
rapport la
la rectitude
de l'apptit, ces habitus auront moins de
raison de vertu,
comme ordonnant
au bien d'une faon
matrielle, c'est--dire ce qui est bienla
ou bon, mais non sousla recti-
raison de bien et de bont; ces autres habitus, au contraire,la
auront davantage de
raison de vertu, qui porteront surle
tude de l'apptit, parce qu'ils regardent
bien non seulement
12
SOMME THEOLOGIQUE.
d'une faon matrielle, mais aussi formellement, c'est--direce qui est bien sous sa raison de bien. Or, prcisment, appartient la
prudence, ainsi qu'il a t dit
(art. i,;
ad
S"""; art.
3),
l'application de la raison droite l'action
chose qui ne se
fait
point sans que Tapptit soit droit.n'a pas
Il
suit de l
que
la
prudence
seulement
la
raison de vertu qu'ont les autres vertusla
intellectuelles,les
mais qu'elle a aussi
raison de vertu qu'ont
vertus morales, au
nombre
desquelles on la range d'ail-
leurs . Cf. sur cette diffrence dans la raison de vertu, ce quia t dit plus haut, /"-^''^ q. 56, art. 3; q. 07, art. i; art.4-
Vaddroit,
primuni rpond quele
a
saint
Augustin prend, en
cet en-
mot
science
dans un sens large pour toute raisonle texte
droite
.
Vad secandamqu'il est
explique admirablement
d'Aristote et
celui des Paraliponines
que
citait l'objection.
Si Aristote dit
une vertu poureffet
l'art, c'est(cf.
parce que lart n'implique/j);
point
la rectitude
de l'apptit
i^-S^^ q. 67, art.
et voil
pourquoi, cetil
doit avoir la
que l'homme use avec droiture de son art, vertu, qui cause la rectitude de l'apptit. Quant:
la prudence, elle n'intervient pas dans les choses de lartsoit soit
parce queparce que));
l'art estl'art
ordonn
quelque
fin
particulire;
a
des
moyens dtermins qui conduisent
la fin
la
prudence, au contraire,
comme
il
a t dit, a
pour
objet de dterminer ce qui est indtermin, et regarde,
non
pas une
fin particulire,
mais
la fin
commune
de toute
la vie
humaine.le
Toutefois
,
ajoute saintil
Thomas pour
expliquer
mot des Paraliponines,lesIl est,
est ditl'art,
de quelqu'un qu'il agit avec
prudence dansmilitude.
choses deeffet,
en raison d'une certaine
si-
en
des arts,
011,
cause de l'incertitude ou
de l'indtermination desle
moyens par
lesquels
onla
atteint la fin,
conseil est ncessaire,
comme
dans lart de
mdecineau
et
dans
celui de la navigation, (ch.
ainsi qu'il
est dit
livre 111
de lhique
m,que
n. 8; de S. Th., leon 7).
Vad comme
terliam ditsi la
ce
mot du sage ne
doit pas s'entendre
mais parce que selon
prudence elle-mme devait recevoir une mesure; la prudence on doit fixer la mesure
toutes les autres choses .
On
pourrait dire aussi qu'il ne
QUESTION XL VII.s'agit point,
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MME.dela
l3
dans ce
texte,
prudence au sens pur
et
simdes
ple,
mais d'une certaine prudence, qui regarde
la gestion
biens temporels et des richesses.
La prudence entendue en son sens purqu'elle vise la
et
simple
et
selon
bonne gestion de
tout l'agir
humain,la
est
une
vertu au sens parfait de ce mol; car elle implique
rectitude
de
l'apptit, cest--dire
un rapport au bientel est
sous sa raison de
bien.
Mais
est-elle
une vertu spciale?
C'est ce qu'il
nousqui
faut maintenant considrer; etsuit.
l'objet
de
l'article
Article V.Si la
prudence est une vertu spciale?
Trois objections veulent prouver que
u
la
prudence((
n'est pas
une vertula
spciale
.
La premire dit qu'
aucune vertu
spciale n'est mise dans la dfinition gnrale de la vertu. Or,
prudence
est
mise dans
la dfinition
gnrale de la vertu. La
vertu, en effet, est dfinie, au second livre de VtJiiqae (ch. vi,n. i5; de S. Th., le. 7),
un habitas
lectij existant
au milieu des,
choses quele
la
raison dtermine par rapport nous
selon
que
sage
le
dterminera. D'autre part, la droite raison
s'entend
selon la prudence,(ch.XIII,
commeS.
il
est dit11).
au
livrela
YI de Ythiqueprudencen'est
n. 4;
de
Th.,.
le.
Donc
pas une vertu spcialequ' Aristotedit,
La seconde objection rappelle(n. 7),les
au livre VI de Ythiquela fin; et lail
que
la
vertu
morale fait bien raliser
prudence,est des
choses ordon-
nes la fm. Or, en toute vertu,
choses raliser en
vue deEt,
la fin.
Donc
la
prudence
se retrouve.
en toute vertu.
par suite,
elle n'est
pas une vertu spciale
La troisimeest,
objection dclare que toute vertu spciale a un objet spcial.Or, la prudence n'a pas d'objet spcial; elle
en
effet,
la
raison droite des choses de l'action,
comme
il
est dit
au
livre
VI
l4
SOMME THEOLOGIQUE.v, n.li;
deVfhiqae (ch.
de
S.
Th.,
le.
4);
et les
choses den'est
laction sont tous
les actes.
des vertus.
Donc
la
prudence
pas une vertu spciale
L' argument sed contra
se
contente de faire observer qu'
elle
rentre dans la division et dans ledit,
nombre:
des vertus; car
il
est
au
live de la Sagesse, ch. vin (v. 7)
Elle (la Sagesse) en-
seigne la sobrit et la prudence, la justice et la Jorce .
Au
corps de
l'article, saint
Thomas
part de ce principe, que
les actes
et les
habitus tirent leur espce des objets, ainsi
qu'il ressort de ce qui a t dit plus^"-2"^, q. I, art. 3; q.
haut
(I p.,
q.
77, art. 3;
18, art. 2
;
q, 54, art. 2). Il est
donc nbon,
cessaire
que l'habitus auquel rpond un objet
spcial, distincts'il
des autres, soit lui-mmesera
un habitus
spcial; et
est
il
une vertu
spciale. D'autre part, l'objet est dit spcial,
non
en raison de sa considration matrielle, mais plutt selon saraison formelle,
comme on54,art.2,
le voit
par ce qui a t dit pluscar une seule et mme tombe sous l'acte de divers
hautchose
(Z"-*?*''',
q.
ad
/""");
')
,
matriellement considre,
habitus, etverses:
mme
de diverses puissances, selon ses raisons di-
c'est ainsi
qu'une
mme pommeet
touibera sous l'acte
de
la
vue en tant que coloreIl
sous l'acte du got en tant que
savoureuse.
est d'ailleurs certain qu'
sit d'objet sera
requise pour diversifier
une plus grande diverla puissance que pourpouvant coexister dans{l'*-2'^',
diversifier l'habitus, plusieurs habitus
une
mme puissance,
ainsi qu'il a t dit plus hautla diversit
q. 54,
art. i).
Par consquent,
de raison de l'objet qui di-
versifie la
puissance diversifiera plus forte raison l'habitus.
>ous dirons donc, audansla
sujet de la prudence, que, se trouvanti,
raison, ainsi qu'il a t dit (art.,
2), elle se diversifie
des autres vertus intellectuelles
non selon une
diversit for
melle d'objet qui diversifieversit
les
puissances, mais,
selon la di-
matrielle des objets
qui rentrent tous sous une
mmepre de
raison formelle gnrale spcifiant la puissance. Toutes
ces vertus, en effet, ontla raison.
pour objet
le vrai,
qui est l'objet pro-
Mais
la sagesse, la
science et l'intelligence
ont pour objetdence,le
le vrai
ncessaire; lart, au contraire, et la prule
vrai contingent; seulement, l'art
considre dans
QUESTION XLVII.les
et
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MEME.
10
Choses qui se font
rieure,
comme
la
qui consistent en une matire extde ce maison, le couteau, et autres choses
considre dans les choses de genre; tandis que la prudence le au sujet mme qui agit, ainsi l'action et qui appartiennent art. 4). Pour ce qui est qu'il a t dit plus haut (^-2-, q. 5;, s'en distingue selon la raison des vertus morales, la prudence savoir l'objet propre de formelle qui distingue les puissances et l'objet propre de prudence l'intelligence o se trouve la vertu morale ; bien que, nous l'apptit, o se trouve la certain rapport la raison de l'avons vu, la prudence vise un qu'elle est ordonne faire que bien objet de l'apptit, en tant;
:
l'action de
l'homme
soit droite,
par o, d'ailleurs, la prudence
se rattache en
quelque sorte aux vertus morales. que la prudence manifeste, conclut saint Thomas,
- H est doncest
une vertu
autres vertus . spciale, distincte de toutes les observer que celte dfinition
de la vertu en gnral, mais par Aristote, n'est point donne dfinition de cette vertu, il tait de la vertu morale et. dans la vertu intellectuelle qui communique propos que ft mise la;
Vad primum
fait
>>
marque
avec elle dans la
mme
matire, savoir la prudenceintellectuelles, dit
,
laquelle,
en
effet,
seule
parmi
les vertus
un rapport
objet propre des vertus qui sont essentiel la raison de bien, mme que le sujet de la vertu morale
dans l'apptit; car, de la vertu participe la raison, de mme est quelque chose qui qu'elle participe la vertu morale a raison de vertu en tant que son acte est rgle par , c'est--dire en tantintellectuellela raison, ce
qui est
le
propre de
la
prudence.
raison prouve que la pruseciindam rpond que cette en toutes. Mais elle ne sufdence aide toutes les vertus et agit une vertu spciale. la prudence n'est pas fit pas montrer que qu'en un mme genre se effet rien n'empche
Vad
C'est qu'en
dans action en quelque manire trouve une espce qui a son le soleil intlue en genre; comme toutes les espces du mme
quelque sorte dans tous les corps . Uad terliam dit que les choses de
l'actio.i
constituent
la
qu'elles sont objet de la raison, matire de la prudence, selon maElles sont, au contraire, c'est--dire sous la raison de vrai.
l6
SOMME THOLOGIQUE.de l'apptit,
tire des vertus morales, selon qu'elles sont objet
c'est--dire sous la raison
de bien
.
Nous avons vu comment
la raison de vrai dans la prudence implique essentiellement
un rapport la raison de bien, cause de l'ensemble de l'agir humain command par cette raison-l ce qui fait que la pru;
dence
se distingue des autres vertus intellectuelles et se
rappro-
che elle-mme de l'ordre des vertus morales.La prudence est une vertn, au sens parfait du mot; car
elle;
impliqueet elle
la
rectitude morale
du
sujet en qui elle se trouve
est
une vertu
spciale; car son
objet est distinct de
celui des autres vertus.
Mais quel est bien son rle, l'endroitl'effet
des vertus morales. A-t-elle pour objet de leur assigner leur fin? ou, simplement, de leur frayer la voie
de l'atteindre?
D'abord,
le
premier point. C'est
l'objet de l'article
qui
suit.
Article VI.Si la
prudence marque leur
fin
aux vertus morales?
Cet article
et l'article
suivant devront tre lus avec un soin
extrme. La doctrine en est dlicate et d'une importance souveraine pour l'intelligence du vrai rle de la prudence dans
l'conomie de
l'acte
moral vertueux.la
Trois objections veulent prouver que leur fin
prudence marquefacult
aux vertus moralessemble quela
.
La
premire dit que la prula
dence tant dansapptitive,rale ceil
la raison et la
vertu morale dans
que
la raison est
fin la facult apptitive.
mol'apptit. Or, la raison marque sa Donc la prudence marque leur finprudence doittre la vertufait
aux vertus morales
.
La seconde objection
observer
que
l'homme
s'lve au-dessus des tres irrationnelsreste,il
par sa
raison;
mais quant au
communiquela
avec eux. Lesraison ce queest la
autres parties de
l'homme seront donc
l'homme
est
aux cratures irraisonnables. Or, l'homme
QUESTION XLVII.fin
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MEME.
I7
des cratures irraisonnables,
comme
il
est dit
au premiertoutes
livre des Politiques (ch.les
autres parties dans
m, n. 7; de S. Th., le. 6). Donc l'homme sont ordonnes laprudence(art.
raison
commes'ensuit
leur fin. D'autre part, la
est la raison droite
des choses de l'action, ainsi qu'il a t dit
2;
art. 3). Il
que toutes
les
choses de l'action sont ordonnes lafin.
prudence
comme
leur
C'est
donc bien.
elle
qui marque
leur fin toutes les vertus morales
La troisime objectionl'art,
dclare que le propre de la vertu, ou de
ou de
la
puis-
sance qui a pour objet la fin est de
commander auxet
vertus oula fin.
auxla
arts qui
ont pour objet
les
choses ordonnes
Or,
prudence dispose des autres vertus moraleselle leur
leur
comdit,
mande. Doncaula
marque leur
fin ,
L'argument sed conlra en appelle livre
AristoteS.
,
qui lo),la
VI de l'thique (ch.
xii, n. 6;
de
Th.,;
le.
quepru-
vertu morale rend droite l'intention de la finelle
quant il
dence,
rectijie ce qui
va cette intention.fin
Donc
n'appar-
tient pas la
prudence de marquer leurl'article, saintle
aux vertus morales,cette fin .
mais seulement de disposer ce qui qui conduit
Au
corps de
Thomas rpond quehumain. Or,la
la fin
des
vertus morales est
vrai bien
le vrai
bienle
de l'me humaine consiste tre selondit saintle.
raison,
comme
Denys, au chapitreIl
iv des
Noms
divins (de S. Th.,
22).
s'ensuitla
que
les fins
des vertus morales doivent
prexister dans
raison. D'autre part, de
mme
que dans
la
raison spculative se trouvent certaines choses qui sont natu-
rellement connues, formant l'objet de
l'habitus intellectuel
qui s'appelle l'intelligence, etd'autres choses qui sont connues l'aide des premires, savoir les conclusions, sur lesquelles
porte la science
;
de
mme, dans
la raison pratique, prexistent
certaines choses titre de principes naturellement connus,lesquelles choses sont les fins des vertus morales, parcefin est
que
la
dans l'ordre de l'action ce quela
le
principe est dans l'or-
dre deart. 7,
spculation,2"'";
comme
il
a t
vu plus haut
(q.
28,
ad
/^-S"^, q. 67, art. 4), et
d'autres choses qui sont
dans
la
raison pratique par
mode de
conclusions, lesquelles
sont tout ce qui est ordonn la\I.
fin,
quoi nous parvenonsa
La Prudence
et la Justice.
10
SOMME THEOLOGIQUE.fins
en partant des
elles-mmes. Ce sont ces choses-l qui for-
menttion.
l'objet de la
prudence; laquelle applique
les
principes
universels aux conclusions particulires dans l'ordre de l'acIl
s'ensuit qu'il n'appartient pas la
prudence de marquerles
leur fin aux vertus morales,
mais seulement de disposer.
choses qui sont ordonnes la finL'ad primuni prcise d'un
chs au corps deleur fin, c'estil
l'article.
mot un des points Ce qui marque aux
essentiels tou-
vertus morales
la
raison naturelle, appele syndrse,la
comme
il
a t
vu dans
Premire Partie
(q. 79, art. 12);
:
c'est l'ha-
bitus des premiers principes
d'ordre moral
mais non:
la
prudence, pourla
la
raison dj dite (au corps de l'article)
car
prudence;
n'est
pas
l'habitus des principes,
dans l'ordre
moral
elle est,
au contraire, l'habitus des conclusions.
Et,
par
l,
remarque
saint
Thomas,
la
seconde objection se
trouve rsolue.
L'ad tertiam complte encore toute cette admirable doctrine.
La
fin
n'appartient pas aux vertus morales,tablissaient cette fin;
comme
si elles-
mmesfin
mais parce qu'elles tendent :
la
marque par
la raison naturelle
elles
sont une inclina-
tion de l'apptit dans le sens de l'obtention de cette fin.
EnEt
quoi, d'ailleurs, elles sont aides par
la
prudence, qui leurfin.
prpareil
la voie,
disposantla
les
choses qui conduisent laest plus
suit de l
que
prudence
noble que
les
vertus
mo-
rales et qu'elle les
meut
;
comme
ce qui est de la raison est
plus noble que ce qui est de l'apptit, ayant par rapport luila
raison
du principe qui meut enla
spcifiant. D'autre part, la
syndrse meut
prudence,
comme l'intelligenceque dans l'ordresyndrse, puisla
des principes
meut
la science.
D'o
il
suit
[dela
noblesse ou
de dignit on aura d'abordenfin les vertus morales.
prudence,
et
La prudence n'a point pour objet de marquer aux vertus
morales leurprudence,
fin
;
ceci est le propre de la syndrse;
quant
la
elle intervient
pour dterminerfin.
le
mode
d'agir qui
permettra d'atteindre cette
Mais qu'est-ce dire? Devonsprudence de trouverle
nous en conclure
qu'il appartient la
QUESTION XLVII.
DE LA PRUDENCE EN ELLE-MEME.fait,
19
milieu de
la vertu,
ou ce qui, de'i),
lue d'aprs
:
Lhoinine,s'est roniel
tait
dans r honneur, n'a pas su comprendreetil
il
par aux btes sans raison,
leur est devenu semblable;:
celte autre des Pr,
l'i).
Et par
fait
remarquer saint Thomas,
se
trouve exclue
l'erreur de certains
hommes, qui
disent (pie les chtiments;
corporels ne peuvent se faire licitenuMit
lesquels,
pour appuyer
32^
SOMME THOLOGIQUE.il
leur erreur, apportent le texte o
est dit
:
Ta ne tueras poini
{Exode,
cil.
XX, i3). Us citent aussi qu'il est dit
que
le
Seigneur
rpondit aux serviteurs qui voulaient arracher l'ivraie du milieu(S,
du froment
:
Laisse: crotre l'une et l'autre Jusqu' la moissonv. 3o). lales mchants du monde, comme il est dit lenlever les mchants du milieu des
Mathieu, ch. xin,
Or, l'ivraie dsigne
;
et la
moisson dsigne11
fin
mme.
n'y a
donc pasla
hons, en leur donnant
mort.est
Ils
apportent aussi cettese
rai-
son que l'homme, tant qu'ilen mieux.Il
en ce monde, peut
changerlui
ne faut donc point l'enlever du monde, en;
don.
nant
la
mort
mais
le
conserver pour
qu'il fasse pnitence
Voil bien, excellemment rsumes,faites,
les
principales objections,
de tout temps,
et
renouveles de nos jours, contre la
peine de mort.Saint
Thomas rpondqu'on
:
Ces choses-l sont vaines:
et:
ne m-
ritent pasl des
s'y attache
Haec auleni frivola sunts'il
Ce sont:
argumentsil
frivoles.
Car:
est dit
dansPar
la loi
Tu ne
tueras point,
est ajout aprs
Tu nev.
laisseras point vivre les18).oiiil
auteurs de malfices {Exode, ch. xxii,
est
donn
entendre que ce qui est dfendu,cela
c'est la
mise
mort de
l'homme injustement. EtSeigneur
mme:
ressort des parolesdit,
duIl
dans l'vangile.
Aprs avoir
en
eft'et
:
Vous
avez entendu qu'il a t dit aux anciens
Tu ne tueras
point.
ajoute
:
Mais moi Je vous
dis,
que quiconque se met en colre
contre son frre est passible du Jugement (S. Matthieu, ch. v,V. 21, 22);
par o
il
donne
entendre que cette mise mortla colre,
est
dfendue, qui procde dezle de la justice.
nonque
celle
qui procde
dule
le
De mme,
ce
dit le
Seigneur
:
Laissez-les crotre l'une et l'autre Jusqu' la moisson,
commentle
il
faut entendre, onl'ivraie,
voit par ce qui suit
:
De peur qu'enelle
arrachant(S.
vous n'arrachiez aussi avecv. 29).
fromentestles
Matthieu, ch. xin,interditel
La mise mort des mchants
donc
o
ellele
ne peut se faire sans pril pourplus souvent
bons; chose qui arrive
quandles
les
mchants nen'entra-
sont pas encore assez distingus des bons par des pchs manifestes,
ou quand
il
y
a
craindre que
mchants
nent aprs eux beaucoup do bons.
Quant
la raison,
que
QUESTION LXIV.les
DE LHOMICIDE.vie.
320elle
mchants, tant qu'ils sont en
peuvent s'amender,le pril
nempche
point qu'ils ne puissent justement tre mis mort.
C'est qu'en effet, dclare saint
Thomas,
qui rsulte de
leur vie est chose plus grande et plus certaine que
le bien qu'on peut attendre de leur amendement. D'ailleurs, ajoute avec infiniment de sagesse le saint Docteur, ils ont, larticle de la
mort,
la
facult de se convertir
Dieu par
la
pnitence
;
et s'ils
sont ce point obstins, que
mme
l'articleil
de
la
mort, leur
cur ne revienne
pas de sa malice,.
est assez croire qu'ils
n'en reviendront jamais
Cette dernire rflexion de saintles
Thomas coupeet
court l'une des difficultsles
plus spcieusesla
qui sembleraient
plus raisonnables contre
peine de
mort.et elle
vrai dire cependant, elle n'estla
qu'une fausse apparence;si
ne rsiste point
raison
si
solide et
saine que vient
de formuler notre saint Docteur.
Ainsi donc
la
plus saine raison proclame queils
les
hommes
mchants, quand, par leurs crimes,la
deviennent un pril pour
socit et
socit,
que leur disparition doit tourner au bien de cette peuvent lgitimement tre enlevs du milieu d'elle et
mis mort.
Mais qui donc pourra lgitimement leurla
infli-
ger cette peine? Est-ce n'importe qui dans
socit;
et,;
par
exemple, une personne prive quelconquefaut-il,
le
peut-elle
ou
de toute ncessit, que ce soit
la
socit elle-mme,
ou
une personne publique agissant en son n(jus devons maintenant examiner; et telqui suit.
nomP
C'est
ce
que
est l'objet
de larticle
\rticleSi tuer
m.
un homme pcheur
est
permis une personne prive ?
I
rois objections veulentest
prouver que
tuer>.
un
homme
pfail
(beur
permis
une personne privelaloi
La
premire
observer quen'est
dans
divine, rien de ce qui est illicitej.-),
command.
Or, dans l'Exode, ch. xxxii (v.
Mose
326
SOMME THOLOGIQUE.:
ordonna
Que
c/iacan lue son parent, son pre, son ami,
pour
le
pch du veau
doril
qu'ils avaient i'ondu.
Donc,
mme
aux.
personnes prives,
est
permis de tuer l'homme pcheurS L ACTE DE JUGER..
f,^407
la
peine
La seconde objection redit quele
le
jugementla peitie
humain
doit imiter
jugement//
divin. Or, Dieu remetla niorl
ceux qui se repentent; car
ne veut point(v.
du pcheur,ch. xxxiii,
commeV.
il
est dit
dans zchiel, ch. wiiipeine
23;
cf.
Il)
Donc l'hommeil
aussi qui est juge peut celui qui sela.
repent remettre licitementdclare qu' esl
La troisime objectionfaire
permis
chacun de
ce qui profitela
quelqu'un et ne nuit
personne. Or, absoudre de
peinele
un coupable
profite celui-ci et ne nuit personne.la
Donc.
juge peut licitement absoudre de
peine un coupabletexte
L'argument sed contra apporte un doubleture.
de l'cri-
Il
est dit,
dans
le
Dealrononie
,
ch. xiii (v. 8, 9),:
de
celui qui persuade de servir les dieux trangers
Que
ton il;
ne
lui
pardonne pas pourtue-le.
lui
Jaire misricorde etil
le
cacherle
mais
immdialement
Et de l'homicide12,
est ditet ta
dans
Deut-
ronome, ch. xix (vv,piti .
i3)
:
//
mourra,
n'en auras point
Au
corps
dele
l'article,
saint
Thomas
fait
observer
que
comme onle
voit par ce qui a t dit (art. 2, 3),
pour se
ce qui
regarderer
point qui nous occupe, deux choses sont consid-
au
sujet
du juge
:
la
premire
est;
que
le
juge a
pronon-
cer entre l'accusateur et l'accus
la
seconde, qu'il ne porte
point
la
sentence du jugement de sa propre autorit mais en
vertu et au
nom
de
la
puissance publique. C'est donc pourle
une double raison quelibrer
juge
est
empch d'absoudre
ou de
le
coupable de
la
peine
,
qu'il a mrite. D'abord,
du ct de l'accusateur , c'est--dire ici le plaignant, dont le droit demande quelquefois que le coupable soit puni; parexemple, en raison de quelque injure commise contrelui:
la
remise de cette peine n'est point au pouvoir de quelque juge
que cedroit.la
soit;
car tout juge est tenu de rendre chacun son
D'une autre manire,lui
chose publique quiles
empch, du ct de donne son pouvoir et dont le bienle
juge
est
veut quey a
malfaiteurs soient punis. Toutefois, de ce chef,les
il
une diffrence entrele
juges infrieurs et
le
juge suprme,
ou
prince, qui
la
puissance publique dans sa plnitude seeffet,
trouve commise. Le juge infrieur, en
n'a pas
le
pouvoir
438
SOMME THOLOGIQUE.la
d'absoudre dele((
peine
le
coupable contrairement aux
lois
que
suprieur a poses. Aussi bien, sur cette parole du Christ
en saint Jean, ch. xix
(v.
ii):
:
Ta n'aurais contre moi aucun(trait
pouvoir, etc., saint Augustin dit
CXVI, sur
saint Jean)le
:
Dieu avait donn h Pitate unde Csar afinl'accus.qu'ille
tel
pouvoir qui ft sousloisible
pouvoir
ne
lui
Jt pas entirement
d'absoudre
Mais
prince, qui a plein pouvoir dans la rpublifaire remise,il
que,
si
celui qui a subi l'injure veut enle
pourra
licitement absoudre
coupuble, quand
verra que ce n'est
point nuisible
l'utilit
publiquele
.
la
Ainsi donc, une des
deux raisons
sufft
pour quese
juge
soit li et n'ait
pointle
le
droit de faire remise de la peine. Et ce n'est
que dansremise
jugeexi-
suprme que peutge part,lel'effet
trouver ralise
double conditioncette:
de rendre possible ou
licite
d'une
que
l'intress qui a droit consente; et d'autre part,
que
bien
commun
ne
s'y
oppose point.
L'ad prinium rpond que
la
misricorde du juge a sa placela libert
dans
les
choses qui sont laisses il
du juge, dansx,
les-
quelles
est
d'un
homme bonMais dans
qu'il
tende diminuer
les peines,
commeS.
Aristotele.
le dit
au livre V de l'thique (ch.les
n. 8;
de
Th.,
i6).
choses qui sont dterminesil
d'aprs la loi divine ou humaine,faire
ne
lui appartient pas
de
misricorde
.d
L'ad secundum dclare que
Dieu a
le
pouvoir suprme de
juger
et c'est
Lui qu'appartient tout ce qui se fait de,
mal
contre quelqu'unsont lss,
en
telle sorte
que
le
premier dont
les droits
quand on
lse le droit de qui
que ce
soit, c'est Lui.
De
l
vient qu'il lui est loisible de remettre la peine; alors
surtout que la peine est due au pch principalementqu'il est contre Lui. Toutefois,lesIl
du
fait
ne remet
la
peine que selon
convenances de
sa bont, laquelle est la racine de toutes
les lois .
L'ad lertium dit que
le
juge,
s'il
remettait
la peirie
d'une
faon dsordonne, nuirait d'abord lalaquelleil
communaut, pourafin
est
bon que
les
mfaits soient punis,
qu'on
vite les pchs; et voil pourquoi, dans \e Deutronome, ch. xiii(v. Il),
aprs
la
mention de
la
peine du sducteur,
il
est ajout
:
Q. LXVII.
DE l'injustice DU JUGE DANS l'aCTE DE JUGER.la crainte, etIl
/jSg
AJn que tout Isral, rapprenant, soit dans
que nulnuirait
ne fasse dsormais, en aucune manire, chose semblable.
aussi la personne qui l'injure a t faite, laquelle reoit
compensation, par une certaine restitution de son honneur,clans la peine de celui qui l'a injurie .
Tout jugedansla
est
une
sorte de justice vivante, qui a
pour
office,
socit,
de rendre, au
nom mme
de
la socit
qu'il
reprsente, son droit ls quiconque recourt son autorit.Il
suit de
l
qu'un juge ne peut juger que ceux qui sont de sonle libell
ressort; et
que dans
de sa sentencetelles
il
ne peut
se
baser
(jue sur les
donnes du procs
que
les parties les;
expo-
sent et les tablissent juridiquement devant luid'ailleurs
ne pouvant
jamais intervenir quejustice:
si
l'une des parties se plaint etalors,
demandelementble,
mais devant toujours,
rendre intgrale
cette justice, sans fausse
misricorde enverslui
coupa-
quelque peine
qu'il ait
prononcer contre
au
nom du
droit fix par Dieu
ou par
les
hommes. Agir contrairement
ces points essentiels serait
commettre une
injustice flagrantela
dans
l'acte
mme
qui est destin par excellence rendre
justice.
Aprs avoir examin ce qui a
trait l'injustice,
dans
l'acte
du jugement, du ct du juge qui juge, nous devons examiner ce qui a trait l'injustice, dans ce mme acte du jugement,
du
ct de l'accusateur qui accuse. C'est l'objet de la question
suivante.
QUESTION LXVIIIDE CE QUI TOUCHE A L'ACCUSATION INJUSTE
Cette question1
comprend quatreest
articles
:
Si
ri)omme
a"
Si l'accusation doit tre faite
tenu d'accuser? par crit?
3 4
CommentDe
l'accusation est vicieuse.
quelle manire ceux qui accusent
mal doivent
tre punis.
L'accusation dont
il
s'agit ici est
un
acte public, officiel en
quelque sortedela
et
qui
fait
partie intgrante, essentielle
mme,
procdure du jugement, acte propre de
cette vertu sociale
qu'est la justice. Saintncessit,
Thomas
s'enquiert, son sujet, de sa
du mode dont il doit se faire, de ce qui le vicie, de la peine qu'il entrane pour celui qui le fait d'une manire Voyons d'abord, l'article premier, sa ncessit. injuste.
Article Premier.Si
l'homme est tenu d'accuser?
Trois objections veulent prouver que
^
l'homme
n'est point
tenu d'accuser
.
La premiredun
dit
que
nul n'est excus de
l'accomplissementcar djil
prcepte divin en raison duil
pch;
tirerait de son pch un avantage. Or,
en est quiles
pour leur pch sont rendus inhabiles
accuser;et
comme
excommunis,ss de
les
perdus de rputation
ceux qui sont accu-
crimes exceptionnels, avant qu'ils aient t dmontrs(cf.
innocents
can.
Dejininius,
cause
iv,
q. i;
cause
vi,
q.
i).
Q. LXVIII.
DE CE QUI TOUCHE A l'aCCUSATION INJUSTE.n'est point tenu,
44 1
Donc l'hommed'accuser)>.
en vertu d'un prcepte divin, toule obli-
La seconde objpction dclare quela charit,i,
gation dpend detre
quid'oii
est la finil
du prcepte (i" Ep-
Timothe, ch.:
v, 5)
;
est dit,
aux Romains, ch.
xiii
(v. 8)
Ne devezautres.
rien personne, sinon que vous vous aimiez lesla
uns
les
Or, ce qui est deet
charit,sujets et
l'hommeaux
le
doit
tous,
aux grandsgrands,il
aux
petits,
aux
prlats. Puis
donc quepetits les(il.
les sujets
ne doivent pas accuseril
les prlats,
ni les
comme
est
prouv en plusieurs chapitres,tenu d'accuser, parfait
q. 7),
semble que nul.
n'est
mode
d'obligation
La troisime objectionla
observer que
nul n'est tenu d'agir contre
fidlit qu'il doit
son ami
;
car nul ne doit faire autrui ce qu'il ne voudrait pas qu'onluifit
lui-mme. Or, accuser quelqu'unIl
est parfoiseffet,
contreles
la
fidlit
qu'on doit son ami.:
est dit,
en
dans
Pro-
verbes, ch. XI (v. i3)les
Celui qui
marche frauduleusementest fidle
rvle
choses caches
;
mais celui qui
cache ce quajcdt son.
ami.
Donc l'hommeil
n'est point tenu d'accuserest
L'argument sed contra
un
texte
du
Lvitique, ch.
v
(v. i),
o
est dit
:
Si quelqu'un a pch, alors qu ayant entendu la
voix de celui qui l'adjure,
comme
tmoin de ce quil a vu lui-mmeil
ou quil
scdt, s'il
ne l'indique pas,
portera son iniquitrappelle que ail
.il
Au
corps de
l'article, saint
Thomasad
comme
a t dit plus
haut
(q. 67, art. 2,
2"'"),
y a cette diffrence
entre la dnonciation et l'accusation, que dans la dnonciation
on
se
propose l'amendement du
frre, tandis
que dans l'accules pei-
sation
on poursuit
la
punition du crime. D'autre part,
nes de la vie prsente ne sont point recherches pour elles-
n'est point ici le
mmes,, ou sous leur seule raison de peines, temps dernier de la rtributionet selon qu'ellesla
parce que ce
;
mais en tant
que mdicinalesdele
confrent soit l'amendementla
personne qui pche,la
soit
au bien de dans
rpublique dont:
repos est procur par
punition de ceux qui pchentla
de
ces
deux
fins, la
premirela
est vise
dnonciation', ainsi
qu'il
a t dit; etIl
seconde appartient proprement l'accu-
sation.
suit de lla
que
s'il
s'agit
d'un crime qui tourne auest
dtriment de
rpublique,
l'homme
tenu l'accusation,
4^2
SOMME THOLOGIQUE.
pourvu seulement qu'il soit mme de faire la preuve, ce qui est du devoir de l'accusateur. Tel serait, par exemple, le pchquisoitirait la
ruine de
la
multitudeMaissi le
soit
dans l'ordre corporeln'est point tel qu'il
dans Tordre
spirituel.
pchsi
rejaillisse
sur la multitude, ou encore
l'on
ne peut pas admil'ac-
nistrer la
preuve suffisante, on n'est point tenu d'intentercar nul n'est tenud.
cusation
;
ce qu'il ne peut point paracheverserait souligneret
de
la
manire voulue
Tout
dans ce lu
mineuxtion
article, si plein
de sagesse
de bon sens
:
commen-
cer par la
remarque qui le termine; et sans ngliger l'observadu dbut, sur la nature des peines en cette vie. Nous yle
voyons galementsocit l'endroit
souci que doit avoir tout membre de la du bien de cetle socit au point qu'on:
devient soi-mme criminel,
si,
pouvant par son interventionle faire.
empcher
le
mal qui
s'y
rpand, on nglige deil
Uad
prirnum dclare qu'le
n'y a point d'inconvnient ce
que paraufait
pch quelqu'unles
soit
rendu impuissant l'endroit
des choses que
hommesla
sont tenus d'accomplir;
comme
de mriter
vie ternelle, et au fait de recevoir les
sacrements deait
l'glise.
Et
il
ne suit pas de
l
que l'homme entrs grave,
quelque avantage; mais bien plutt tre en dfaut par rap
port
ce qu'on est tenu de faire estles actesd.
une peine
parce que
vertueux sont de certaines perfections pourencore,quelle
l'homme
Ici
lumineuse doctrine;
et
comme
elle rtablit la
sage apprciation des choses. Se mettreles actes
dans l'impuissance d'accomplir
des vertus est pourle pire
l'homme, considr danschtiments sur
sa vraie
nature d'homme,
des
cette terre. il
Vad
secundiim explique qu'ils
est
dfendu aux sujets d'ac-
cuser leurs prlats, quandl'amour deet la charit,
cherchent, non point guids parvie
mais par leur perversit, diffamer leur
la
ruiner (appendice de Gratien, auq. -);
canon Suntest
nonnulli,
cause
II,
ou encore
si
les sujets
qui veulent accuser sont
eux-mmesq. 7.
char^s de quelque crime,s'ils
comme
il
marqu,il
II,
Sans quoi,
sont de par ailleurs aptes accuser,
estm.
permis aux
sujets, agissant
par charit, d'accuser leurs prlats
L'ad tertium prsente une distinction du plus haut intrt
Q. LXVIII.
DE CE QUr TOUCHE A l'aCCUSATION INJUSTE.
/|43
pourdans
la
parfaite intelligence de l'honntet et de la droiture
la socit.
Rvler des secrets en vue du nnal dela fidlit
la
per-
sonnesi
estles
contrervle
qu'on doit ses amis;
u
mais non
on
pour
le
bien
commun,commun.;
qui doit toujours tre ne peut accepterD'ailleurs,
prfr au bien priv. Et voil pourquoi on
aucunsaint
secret contre
le
bien
ajoute
Thomas,
ce qui peut tre
prouv par des tmoins qui fontet
foi n'est
point totalement secret
donc
il
n'y a pas, dans
ce cas, parler de violation de secret au sens propre.
Toutstrict
homme
qui vit dans une socit,
s'il
se
trouve en prle
sence d'un mal qui atteint cette socit elle-mme, a
devoir
de dfrer au juge l'auteur de ce mal pour qu'il en soit:
fait justice
il
n'est libr de cette obligation
que
s'il
est
dans
l'impossibilit d'tablir juridiquement la vrit
du
fait.
Mais;
comment
doit-il
procder dans l'accomplissement de ce devoir
est-ce par crit qu'il doit prsenter
son accusation? C'est ce
que nous allons examiner
l'article qui suit.
Article ILS'il
est ncessaire
que l'accusation
se fasse par crit ?
Trois objections veulent prouver qu'
a il
n'est point ncessaire
que l'accusationque((
se fasse
par crit
.
La premire observela
l'criture a t invente
pour subvenir
mmoirefait
desle
hommesprsent.
en ce qui est du pass. Or, l'accusation se
dans
Donc:
l'accusation
n'a pas besoinil
d'crit .II, q.
La
seconde objection argu de ce qu'
est dit,
8 (canontre
Per
scripta)
Nul ne peut accuser
s'il est
absent, ni
non plus
accus. Or, l'criture
semble avoir pour
utilit
de signifier quelle
que chose
ceux qui sont absents,
comme on
voit par
saint Augustin au livre
X
de
la Trinit (ch. i).
Donc, dans l'accude per-
sation, l'criture n'est point
ncessaire; alors surtout que le
canon
dit
que on ne
doit accepter
par
crit l'accusation
444sonnele.
SOMME THOLOGIQLE.
La troisime objectionest
fait
remarquer que
crime de quelqu'unparla
manifest par l'accusation, dela
comme mmenonII,
il l'est
dnonciation. Or, dans
dnonciation, l'criturel'est
n'est point ncessaire. Donc.il
semble quelle nece qu'
pas
plus dans l'accusation
.
L'argument sed contra en appelleq. 8
il
est dit,
(canon Accusatoram)
:
Les personnes des accusateurs sans.
crit ne doivent
jamais tre reuesl'article, saintla
Au
corps de
Thomas
se rfre
d'abord la3.
doctrine marque dansqu'il a t dit,
question prcdente, articleles
Ainsi
quand, dans
causes criminelles, on procde
par
mode d'accusation,quele
l'accusateur est constitu partie, en telle
sorte
juge
se trouve constitu
au milieu, entre l'accusa-
teur et celui qui est accus, pour l'examen de la justice. Or,
dans
cet
examen,
il
faut,
autant qu'il est possible, procder
selon la certitude. D'autre part, tantse disent
oralement tombent facilement dele
donn que les choses qui la mmoire, il nesi
pourrait pas tre certain pouret
juge quelles choses ont t ditesil
comment
elles l'ont t,
quand
doit porter la sentence,il
tout cela n'tait rdig par crit. Et voil pourquoi
a t
raisonnablement institu que l'accusation,autres choses qui se font danscrit .le
comme
aussi les
jugement,
serait rdige
par
Uad
priniuni insiste sur cette raison
du corps de
l'article. 11
est difficile, dit-il, de retenir
chacune des paroles, en raison dele
leur multitude et de leur varit;
signe en est que plusieurs,les
entendant
les
mmes
paroles,
s'ils
sont interrogs, ne
raptrs
porteront point semblablement,court. Et pourtant,le
mme
aprsles
un temps
une
petite difterence
dans
paroles change
sens.
Aussi bien,
mme
si
la
sentence du juge doit tre
promulgue dans un temps trs court, il est expdient toutefois, pour la certitude du jugement, que l'accusation soit rdige par critet.
On aura remarqu, dansl'article, la
cet
ad primuni
dans
le
corps de
raison foncire donne par saint
Thomas pour
nionlrci' l'utilit de l'criture; et
comment
c'est
toujours elle qu'il faut recourir,
quand on veut avoir quelqued'enseignement ou devrit.
chose de prcis
et
de
fixe
en
fait
Q. LXVIII.
DE CE QUI TOUCHE A l'aCCUSATION INJUSTE.
f\[\\)
Uadou de
seciindum rpond que
l'criture n'est pasla
seulement
ncessaire en raison de l'absence dela
personne qui s'exprime
personne pour qui l'on s'exprime, mais aussi en raisonEt voil pourquoi, lorsque le canon dit qu'on ne doitil
de l'loignement du temps, ainsi qu'il a t dit (au corps del'article).
accepter par crit l accusation de personne,
faut l'entendre d'un;
absent qui enverrait son accusation par crit
mais cela n'exclut:
pas que,
s'il
est prsent, l'criture
ne
soit ncessaire
c'est
par crit qu'il doit, lui prsent, faire son accusation.\J ad tertiam ditla
que
celui qui
dnonce ne s'oblige pas s'il
faire
preuve; aussi bien
n'est-il
pas punic'est
est
dans l'impossila
bilil
de faire cette preuve. Et
pour cela que dansil
dnon-
ciation l'criture n'est pas ncessaire; mais
sufft
que celui
qui dnonce
le fasse
de vive voix l'glise, laquelle d'officefrre.
procde
l'amendement dule trait
Cf. ce qui a t dit plusla
haut, dans
de
la charit,
au sujet de
correction fra-
ternelle, q. 33.
L'accusation tant un acte juridique, qui engage devant
le
tribunal la responsabilit de celui qui accuse, oblig de faire la
preuve de son accusation, enfaireil
telle sorte
que
s'il
ne peut pas
la
il
devra subir une peine,
comme nouset
le
verrons bientt,
s'ensuit
que pour ter tout douteil
toute discussion au sujet
de cet acte,ensuite lessi elle
doit se faire par crit.
Saint Thomasla
examinesavoir:
modes dont l'accusation peut devenir injuste;telle
devient
par
la
calomnie, par
prvarication, par
la
tergiversation. Cet
examen va
faire l'objet de l'article qui suit.
Article
III.
Si l'accusation est rendue injuste par la calomnie,
par
la
prvarication et par
la
tergiversation?
La lecture
mme
de l'arHcle nous prcisera
le
sens de ces
diverses expressions.
Trois objections veulent prouver quela
l'accusation n'est pas
rendue injuste par
calomnie, par
la
,
446prvaricationetil
SOiMME THOLOGlQU.
par
la tergiversation .
La premire observeun
que
comme
est dit, II,
q.
3 (canon Si qiiem pnituerit)
calomnier,
cest imputer de Jaux crimes. Or, quelquefois
homme
laquelle ignorance excuse.
impute un autre un faux crime par ignorance du fait, Donc il semble que l'accusation n'est.
pas toujours rendue injuste, parce qu'elle est calomnieuse
La seconde
objection note qu'c'est
il
est dit,
au
mmeil
endroit,
que prvariquer,pas que ceci soit
cachercar
les
crimes vrais. Or,n'est pas
ne semble
illicite;
l'homme
tenu de dcoui;
vrir tous les crimes, ainsi qu'il a t dit plus haut (art.art. 7).
q. 33,
Donc
il
semble que l'accusation.
n'est pas
rendue injustela
par
la
prvarication
La troisime objection puise
mme source et fait remarquer que comme il est dit, toujours mme endroit, tergiverser, c^ est d'une Jaon universelle se dsisterde l'accusation. Or, ceci peut se faire sans injustice.effet,11
est dit,
en
au
mmeet
endroit
:
Si quelqu'un a du regret d'avoir fait une
accusation
de l'avoir crite, en choses criminelles, au sujet desi
ce qu'il ne peut pas prouver,
l'accus innocent veut convenirl'autre.
avec
lui,
ils
peuvent s'absoudre l'unla
Donc.
l'accusation
n'est pas
rendue injuste par
tergiversationil
L'argument sed contra oppose qu''
est dit
encore au
mmeils
endroit
,
d'une faon expresse
:
La
tmrit des accusateursils
se dcouvre d'une triple manire; car ou
calomnient, ou
pr-
variquent, ou
ils
tergiversent .
Ausationest
corps de
l'article, saint
Thomas
revient
un
des points
de doctrine qui;
et c'est
que,
commande tout dans cette question de l'accu comme il a t dit (art. 1), l'accusation
ordonne au bien
commun
poursuivi dans
la
connaissance
du crime. D'autre part, nul ne faon injuste pour promouvoirque dans l'accusationtitre.
doit nuire quelqu'un d'unele
bien
commun.
Il
suit de l
le
pch peut se produire un double
D'abord, du
fait
qu'on agit injustement contre quelqu'un,c'est ce
en
lui
imputant de faux crimes;
qu'on appelle calomle
nier. Ensuite,
du
ct de la rpublique dont
bien est recher-
ch principalement dans l'accusation, quand l'on empche
malicieusement
la
punition du pch. Et ceci, de nouveau, se:
produit d'une double manire
soit
en usant de fraude dans
Q. LXVIII.
DE CE QUI TOUCHE A l'aCCUSATION INJUSTE.le
4^7pr-
l'accusation; et c'est ce qu'on appelle prvariqaer; carvaricateur est celui qui, pareil au flon (enlatin
varicator),
aide la partie adverse, trahissant sa propre cause (canon Si
quem
pnitaerit)
;
soit
en
se dsistant:
totalement de l'accusation; ce
qui s'appelle tergiverseravait
en
se dsistant,
en
effet,
de ce qu'on
commenc, on semble tourner le dos (en latin tergum vertere) l'afl'aire dj engage. Dans ce corps d'article aux explications si nettes, si lumineuses, il est un principe mis
par saintpassage;
Thomas
qu'ilil
importe souverainement de signaler auest
savoir qu
n
Jamais permis qui que ce
soit
de compro-
mettre une injustice l'endroit d'un particulier,
mme pourl'tat,
mouvoir
le
bien
commun.
Il
n'est
donc pas
vrai
que
plus
forte raison qu'un tat parmi toug les autres tats, soit la raison suprme ou l'unique raison de tout droit parmi les hommes. Chaque tat a ses droits qui doivent demeurer sacrs au regard
de n'importe quel autre tat
:
il
ne pourra
les
perdre qu'en
raison de quelque injustice ou de quelque faute commise, selon
que nous l'avons
fait
remarquer dans
la
question de
la
guerre.
De mme,
l'intrieur de
chaque
tat, les divers corps
qui
le
constituent, les familles, les individus
eux-mmes ont des
droits
qui leur sont propres, distincts essentiellement des droits del'tat
en tant que
tel,
et
que
celui-ci a le devoir
imprieux del'intrt
respecter toujours. Ce qu'on estl'tat,
convenu d'appelerla
de
oula
l'intrt
d'un tat, ne pourra jamais
justifier,
aux
yeux de
saine raison et de la vraie morale,si:
violation d'un
droit quelconque,
minime
soil-il,
et
de quelque sujet qu'il
puisse tre questiontat.
individu, famille, groupe social, ou autreest
La doctrine contraire, quila
celle
du Contrat
social,et,
engendre, au sein des nations,
plus intolrable tyrannie,
d'une nation aux autres, ces actes d'atroce barbarie qui devien-
nent l'horreur du genre humain.
Vad primumlui,
dclare que
l'homme ne
doit procder
l'accusation qu'au sujet des choses
absolument certaines pour
o l'ignorance du,
fait
ne peut point trouver place.
m
D'ailleursjection,
ajoute saint
ce n'est point celui qui
Thomas, expliquant un mot de l'obimpose un autre un faux
crime, qui est dit calomnier, mais seulement celui qui
^48parla
SOMME THOLOGIQUE.malice se porte une accusation fausse.Il
arrive, end'esprit,
effet,
parfois,
qu'on procde l'accusation par lgretde
en ce sens que quelqu'un croit trop facilement ce qu'il a entendu;et ceci estaitla
tmrit. Quelquefois c'est par erreur,
sans qu'il yser.
faute de sa part,
que quelqu'un
est
m
accu-
Toutes ces choses sont discerner selonafinqu'il
la
prudence ducelui-l a
juge,
ne s'chappe pas
dclarer que
calomni qui
s'est
port l'accusation par lgret d'esprit ouw.
en raison d'une erreur non coupable
Vadtion:
quiconque cache des crimes vrais, quinire frauduleuse
mme, que c ce n'est point commet la prvaricamais seulement quand un accusateur cache d'une masecLindam explique, dece qui a trait l'accusation qu'il avance,
s'entendant avec l'accus,les
dissimulant
les
preuves qui sont.
siennes et
admettant de fausses excuses
11
s'agit,
on
le
voit,
d'un acte de flonie survenant au cours
mme du
procs
dj engag.
Vadser,
tertiam dit, galement,
que
a
tergiverser consiste se
dsister de l'accusation, laissant totalement la volont d'accu-
non d'une faon quelconque, mais contrairementOr,il
l'ordre
de
la justice.
arrive que quelqu'un se dsiste de l'accu-
sation d'une faon ordonne et sans qu'il y ait vice, d'une
double manire. D'abord,
si
au cours
mme
de l'accusation,si,
on reconnat
tre faux ce qui est l'objet de l'accusation, et
d'un consentement gal, l'accusateur et l'accus se tiennent
pouroffice
satisfaits l'un et l'autre.
de veiller au bien
Ou bien si commun, but.
le
prince, qui a pour
vritable de l'accusa-
tion, abolit celte accusation
Ce dernier cas ne s'applique
qu' l'accusation qui vise
uniquementla
en
mme
temps
le
droit de quelquele
commun et non particulier; car mme lele
bien
prince ne peut arrter