comportement du sable dans le domaine des petites et...

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C HAPITRE 1. P REAMBULE A LETUDE EXPERIMENTALE 1.1. Les « petites » déformations dans les sols ............................................ 6 1.1.1. Classification des différents domaines de déformation 6 a) Domaine des très petites déformations (0<ε<10 -5 ) 7 b) Domaine des petites déformations (10 -5 <ε<10 -4 ) 7 c) Domaine des moyennes déformations (10 -4 <ε<10 -3 ) 7 d) Domaine des grandes déformations (ε>10 -3 ) 7 1.1.2. Les petites déformations en pratique 8 1.2. Les sollicitations dans les sols ............................................................. 12 1.2.1. Classification des essais de laboratoire 12 a) Essais homogènes 12 b) Dimension de la sollicitation 12 c) Rotation des axes principaux 13 d) Essais statiques et dynamiques 13 e) Amplitude des sollicitations 13 1.2.2. Les sollicitations avec rotation d’axes 14 1.3. Conclusion ............................................................................................ 16

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C HAPITRE 1.

PREAM BULE A L’ETUDE EXPERIM EN TALE

1.1. Les « petites » déformations dans les sols ............................................ 6 1.1.1. Classification des différents domaines de déformation 6

a) Domaine des très petites déformations (0<ε<10-5) 7 b) Domaine des petites déformations (10-5<ε<10-4) 7 c) Domaine des moyennes déformations (10-4<ε<10-3) 7 d) Domaine des grandes déformations (ε>10-3) 7

1.1.2. Les petites déformations en pratique 8

1.2. Les sollicitations dans les sols ............................................................. 12 1.2.1. Classification des essais de laboratoire 12

a) Essais homogènes 12 b) Dimension de la sollicitation 12 c) Rotation des axes principaux 13 d) Essais statiques et dynamiques 13 e) Amplitude des sollicitations 13

1.2.2. Les sollicitations avec rotation d’axes 14

1.3. Conclusion ............................................................................................ 16

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE

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1. Préambule à l’étude expérimentale

Avant de s’intéresser au comportement du sable d’Hostun dans le domaine des petites déformations, il est important de replacer cette étude dans le cadre plus vaste de la mécanique des sols. Celle-ci s’attache à décrire le comportement d’un grande variété de matériaux, dans une gamme étendue de déformations.

Le comportement des sols est fortement non linéaire et varie en fonction du niveau de déformation. Tatsuoka et Shibuya [1991] illustrent la possibilité de qualifier le comportement des géomatériaux (argile, sable, roche tendre, roche dure) en fonction du niveau de déformation (Figure 1.1). D’un point de vue qualitatif, tous les matériaux montrent les mêmes types de comportements successifs, « élastiques », « élasto-plastiques » jusqu’à la « rupture par cisaillement ». D’un point de vue quantitatif, il existe cependant d’importantes différences entre chaque matériau, notamment les seuils de déformation délimitant chacun des domaines. Les expériences utilisées pour explorer le comportement des matériaux diffèrent en fonction des niveaux de déformations et des phénomènes à observer. Elles sont brièvement décrites sur la figure 1.1.

FIGURE 1.1 : Comportement des géomatériaux en fonction du niveau de déformation [Tatsuoka et Shibuya, 1991]

Au cours de cette étude, les aspects spécifiques du comportement des sables dans le domaine des petites déformations sont abordés. Ce domaine du comportement des sols est étudié depuis peu, et reste encore relativement mal connu alors que les cas pratiques présentés par la suite illustrent l’intérêt pour la géotechnique d’une meilleure connaissance de ce domaine. Un autre aspect original de l’étude concerne les sollicitations envisagées au cours de l’étude, qui induisent des rotations d’axes principaux. Seuls quelques appareils de laboratoire, dont fait partie celui utilisé pour cette étude, sont capables de reproduire ce phénomène omniprésent dans les sols sous les ouvrages comme le montrent les exemples cités par la suite.

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.1. LES « PETITES » DEFORMATIONS DANS LES SOLS

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1.1. Les « petites » déformations dans les sols

Ce paragraphe précise la notion des domaines de déformation, dont dépend fortement le comportement des sols. Une fois les caractéristiques du domaine des « petites » déformations exposées, l’intérêt d’étudier ce domaine est abordé au travers d’exemples de cas pratiques.

1.1.1. Classification des différents domaines de déformation

Le comportement des sols, et donc du sable, dépend fortement de l’amplitude des sollicitations et des déformations qu’ils subissent. Les domaines de comportement peuvent être définis en fonction des sollicitations ou des contraintes. Jardine [1991] décrit trois zones dans l’espace des contraintes pour représenter les différents comportements des sols avant rupture (Figure 1.2). Ces zones sont centrées autour d’un état d’équilibre du matériau (défini par un état de contrainte stable, et des déformations stables). Les surfaces qui définissent ces zones, et dépendent de l’amplitude des sollicitations (donc de l’amplitude des déformations), se déplacent en même temps que l’état d’équilibre selon les chargements subis par le sol.

FIGURE 1.2 : Définition des zones mobiles marquant les différents comportements : linéaire élastique (Zone 1), recouvrable (Zone 2) et plastique (Zone 3) [Jardine, 1991]

D’autres représentations pour décrire les différents domaines de comportement existent. Dans le cas des sables, il est possible de différencier les comportements observés à partir des niveaux de déformations (à l’instar de Tatsuoka et Shibuya [1991] pour les géomatériaux). Une classification en quatre domaines selon le niveau des déformations peut être établie [Di Benedetto, 1991] : domaine des très petites déformations domaine des petites déformations domaine des moyennes déformations domaine des grandes déformations

Cette classification est détaillée dans les paragraphes suivants.

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.1. LES « PETITES » DEFORMATIONS DANS LES SOLS

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a) Domaine des très petites déformations (0<ε<10-5)

Ce domaine se caractérise par l’existence d’un comportement quasi élastique linéaire pour des cycles d’amplitude inférieure à 10-5 m/m. Le comportement n’est pas totalement élastique linéaire en raison d’un amortissement non nul. En effet, l’application d’une sollicitation cyclique de très faible amplitude entraîne, comme réponse, des boucles d’hystérésis très fermées, mais d’aires non nulles. Dans le cas d’un comportement élastique linéaire, la réponse attendue est un segment de droite. L’amortissement qui correspond à l’aire de ces boucles hystérétiques, est relativement faible (inférieur à 1%) et constant dans ce domaine. Les rigidités mesurées peuvent néanmoins être considérées constantes pour ce domaine de déformations.

b) Domaine des petites déformations (10-5<ε<10-4)

Ce domaine est aussi appelé « hystérétique stabilisé ». Le comportement du sable est hystérétique jusqu’à un niveau de déformation d’environ 10-4 m/m. Les boucles des cycles contrainte-déformation sont en effet nettement plus ouvertes. Cependant, ces boucles se stabilisent, c’est-à-dire qu’elles adoptent la même forme quel que soit le nombre de cycles. La rigidité décroît avec le niveau de déformation. L’amortissement augmente avec la déformation. Les variations de ces paramètres ne dépassent cependant pas 10%.

c) Domaine des moyennes déformations (10-4<ε<10-3)

Dans ce domaine aussi nommé « hystérétique non stabilisé », la forme des boucles hystérétiques évolue avec le nombre de cycles, ce qui signifie que le sable ne se retrouve pas dans le même état de contrainte-déformation après chaque cycle : il y a apparition de déformations irréversibles. On constate alors une accumulation de déformation volumique en conditions drainées et une augmentation de la pression interstitielle en conditions non drainées. C’est pour cette raison que la limite hystérétique est aussi appelée limite volumétrique. L’augmentation de la pression interstitielle peut alors mener jusqu'à la liquéfaction du sable, phénomène très important en mécanique des sols. Les rigidités chutent jusqu'à 25% de leur valeur maximale et l’amortissement augmente rapidement.

d) Domaine des grandes déformations (ε>10-3)

Le comportement dans ce domaine est caractérisé par des déformations irréversibles très marquées et par des effets visqueux prédominants. Le coefficient d’amortissement se stabilise et tend vers une valeur maximale. Les rigidités sont très faibles par rapport à celles du domaine des très petites déformations. Ce domaine s’étend des déformations supérieures à 10-3 m/m jusqu’à la rupture pour les sables.

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.1. LES « PETITES » DEFORMATIONS DANS LES SOLS

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1.1.2. Les petites déformations en pratique

En géotechnique, le dimensionnement des ouvrages requiert parfois une connaissance très précise des déplacements ainsi que des déformations du sol. Dans de très nombreux cas pratiques, le niveau des déformations mises en jeu ne dépasse pas 10-3 m/m. Quelques exemples illustrent, dans ce paragraphe, l’intérêt, pour la géotechnique, de la connaissance du comportement des sols à ces faibles niveaux de déformations. Burland [1989] cite plusieurs exemples tirés de son expérience impliquant de très faibles déformations induites par des sollicitations quasi-statiques. Ainsi, des essais de chargement à grande échelle ont été menés sur le site envisagé pour la construction d’un accélérateur nucléaire, dont le sol est constitué de craie. La figure 1.3 montre les déformations mesurées à différentes profondeurs en fonction des chargements appliqués en surface. L’amplitude des déformations ne dépasse pas 10-4 m/m dans ce cas là.

FIGURE 1.3 : Relations entre les déformations mesurées en différents points et les chargements appliqués (charge – décharge – recharge) en surface, sur le site d’un accélérateur nucléaire [Burland, 1989]

Burland [1989] donne l’exemple d’un deuxième cas pratique pour lequel les déformations restent faibles, lors du creusement d’un tunnel à Londres, dans un sol argileux. La Figure 1.4 présente les tassements maximaux mesurés à différentes profondeurs, transformés en déformation verticale. Il faut noter que les déformations ne dépassent 10-3 m/m que dans la limite d’un diamètre du tube au dessus du tunnel. Dans le reste du massif, les déformations sont inférieures à 5.10-4 m/m.

Jardine et Potts [1988] étudient le comportement d’une fondation sur pieux en traction en mer du Nord. La figure 1.5 présente les résultats d’un calcul d’éléments finis pour un pieu unique, installé dans des couches d’argiles raides et de sables denses. Une analyse non linéaire a été développée à l’aide d’essais de laboratoire de grande qualité. La comparaison avec les données recueillies in situ a permis de montrer que la prédiction des mouvements du terrain était précise. La figure 1.5 montre les contours de l’invariant des déformations (nommé E, équivalent à 3 fois la déformation axiale mesurée pour un essai triaxial non drainé) qui se développe le long du pieu de 60 m, pour un chargement en tension équivalent à un facteur de sécurité (FOS) de 2.

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.1. LES « PETITES » DEFORMATIONS DANS LES SOLS

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FIGURE 1.4 : Répartition des déplacements et des déformations verticales au dessus d’un tunnel lors de son creusement dans de l’argile de Londres [Burland, 1989]

FIGURE 1.5 : Mouvements du massif à proximité d’un pieu en traction pour un chargement correspondant à un facteur de sécurité (FOS) de 2 [Jardine et Potts, 1988]

Dans la zone proche autour du pieu, qui contribue à 90% des mouvements en tête de pieu, l’invariant de déformation ne dépasse pas 0,002 m/m et descend jusqu’à 10-4 m/m (ce qui représente, pour un essai triaxial, une déformation axiale comprise entre 1,2.10-3 m/m et 6.10-5 m/m).

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.1. LES « PETITES » DEFORMATIONS DANS LES SOLS

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Koseki et al [2001] répertorient de nombreux cas d’ouvrages construits au Japon, pour lesquels des essais en laboratoire ont été réalisés. Ces essais effectués, pour la plupart, sur des appareils triaxiaux de précision visaient la détermination de la rigidité des sols pour des déformations de quelques 10-5 m/m. Ces résultats sont ensuite utilisés dans les codes de calcul pour prévoir les déformations du sol.

Dans le cas de la construction des tours du parc Amenity à Osaka, se posait le problème du dimensionnement des pieux de fondation et plus particulièrement de la profondeur à atteindre. Les résultats d’essais triaxiaux sur les argiles constituant le sol ont permis de déterminer les rigidités pour des déformations inférieures à 10-5 m/m, confirmant les résultats obtenus par des études sismiques sur le terrain (Figure 1.6). Les rigidités suffisamment élevées ont permis de limiter la profondeur des pieux à 37 m, alors que la couche sous les argiles se situe entre 40 m et 60 m de profondeur. L’auteur précise qu’en se fondant sur des sondages géotechniques classiques, les rigidités déterminées ne sont pas suffisantes pour supporter les pieux.

FIGURE 1.6 : Modules d’Young en fonction du niveau de déformation, déterminés par analyse inverse pour différents lieux et pour différentes conditions (soulèvement, tassement) [Koseki et al, 2001]

Ces exemples montrent que sous des charges de service, il faut s’attendre à ce qu’une grande partie de sol, en dessous ou à proximité d’un ouvrage subisse des déformations inférieures à 10-3 m/m. Ce niveau de déformations n’est dépassé que localement. Afin d’envisager de pouvoir prédire les mouvements de sol, il est donc indispensable de disposer de mesures fiables de déformations inférieures à quelques 10-4 m/m.

Les très faibles déformations sont également intéressantes pour aborder le problème des sollicitations dynamiques dans les sols, qui sont le plus souvent de faibles amplitudes. La résolution de ce type de problème implique de connaître la réponse des sols à des sollicitations cycliques de faibles amplitudes. Les applications peuvent être nombreuses : outre les sollicitations sismiques, les vibrations induites par le trafic routier, ou la houle pour des ouvrages maritimes... Différentes techniques d’exploration sismique font, par ailleurs, partie des méthodes d’investigation du comportement des sols. Elles consistent à provoquer des chocs pour observer la

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.1. LES « PETITES » DEFORMATIONS DANS LES SOLS

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propagation des ondes au travers des différentes couches de sols. L’analyse inverse appliquée aux mesures pour l’interprétation des résultats nécessite de connaître le comportement du sol pour des faibles déformations.

D’autres nombreux exemples existent dans la littérature concernant des fondations superficielles, des pieux, des soutènements ou des tunnels dans divers types de sols, et montrent l’importance d’une bonne connaissance du comportement des sols pour des faibles déformations : Jardine [1994], Hight et Higgins[1994], Tatsuoka et Kohata [1994], Tatsuoka et al [1995a], Tatsuoka et al [1999], Cavallaro et al [2001], Koseki et al [2001].

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.2 LES SOLLICITATIONS DANS LES SOLS

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1.2. Les sollicitations dans les sols

Afin de définir le comportement des sols, il faut bien sûr connaître les déformations subies mais aussi les sollicitations qui en sont à l’origine. Le but des essais de laboratoire est de reproduire les sollicitations complexes qui existent en réalité. Une classification de ces essais, basée sur le type de sollicitation qu’ils reproduisent, est possible. Cette classification fait l’objet du premier paragraphe. Ensuite, le problème de la rotation des axes dans les sols est introduit.

1.2.1. Classification des essais de laboratoire

Plusieurs domaines de déformations peuvent être définis pour décrire le comportement des sols. Cette notion repose évidemment sur les moyens d’observation de ce comportement. Ainsi, le domaine des petites déformations n’a vraiment pu être observé que lorsque la mesure des déformations est devenue suffisamment précise. L’observation et même la modélisation du comportement des sols dépend fortement du type d’essai de laboratoire utilisé. Devant la diversité des appareillages existants, il est impossible de dresser une liste exhaustive de ces essais. Néanmoins, certaines caractéristiques des sollicitations qui sont appliquées au cours des essais peuvent être utilisées comme critères de classification, tels que : l’homogénéité de l’essai, le nombre de degrés de liberté de la sollicitation, l’existence de la rotation d’axes principaux, la vitesse de la sollicitation ou son niveau d’amplitude.

a) Essais homogènes

Un essai est considéré homogène si les champs de déformation et de contrainte sont les mêmes en tout point du milieu étudié. Cette notion est importante puisqu’elle permet de réaliser des mesures à l’extérieur du milieu pour déterminer les valeurs de ces champs au sein du milieu. La plupart des essais rhéologiques sont donc conçus afin de pouvoir étudier des champs de contraintes et de déformations les plus homogènes possibe. Néanmoins, cette hypothèse est plus ou moins contrariée dans la pratique et dépend de plusieurs facteurs : géométrie et préparation de l’éprouvette, frettage qui crée des efforts parasites... Certains essais utilisés en laboratoire demeurent cependant non-homogènes. C’est le cas pour l’essai de cisaillement direct à la boîte de Casagrande ou les essais sur modèles réduits en centrifugeuse.

b) Dimension de la sollicitation

Les tenseurs symétriques de contraintes et de déformations sont définis par douze termes indépendants σij et εij. Appliquer une sollicitation revient à fixer six paramètres indépendants, un pour chaque couple (σij, εij). Déterminer la réponse correspondant à cette sollicitation revient à mesurer les six autres paramètres non choisis. La dimension de la sollicitation est définie comme le nombre de paramètres indépendants qui peuvent être contrôlés. Ainsi, un essai de traction-compression simple ou un essai œdométrique sont de dimension 1 (seule la contrainte axiale est

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.2 LES SOLLICITATIONS DANS LES SOLS

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contrôlée). Un essai triaxial de révolution (où les contraintes verticales et horizontales sont contrôlées) est de dimension 2. Pour un essai de torsion, compression, confinement, tel que le « T4CStaDy », la dimension est 3. Les appareillages mettant en oeuvre des sollicitations de dimension supérieure sont rares et un essai de dimension 6 reste techniquement quasi-impossible à réaliser.

c) Rotation des axes principaux

Lorsque les directions principales des tenseurs de contraintes cessent de coïncider avec les mêmes axes matériels, la sollicitation comporte une rotation des axes principaux de contraintes et/ou de déformations. Rappelons que les directions principales de contraintes, respectivement de déformations, forment une base dans laquelle le tenseur de contraintes, respectivement de déformations, est diagonal.

La rotation des axes principaux de contraintes est un phénomène courant dans les sols. Des appareils spécifiques doivent être mis au point pour mieux cerner ce type de comportement. Les appareils de torsion sur éprouvette cylindrique creuse, tels que celui utilisé pour la présente étude font partie de cette catégorie. L’intérêt de l’étude des rotations d’axes est abordée par la suite au travers de quelques exemples pratiques.

d) Essais statiques et dynamiques

Cette distinction entre les essais quasi-statiques et dynamiques repose sur la vitesse de sollicitation imposée. Si la vitesse est suffisamment faible, de sorte que les effets d’inertie puissent être négligés, l’essai est considéré comme quasi-statique. Pour un essai dynamique, l’accélération devient un facteur important. Pour préciser cette notion, Di Benedetto et Tatsuoka [1997] proposent de comparer une longueur caractéristique de l’éprouvette testée (hauteur, largeur...) à la longueur d’onde de la sollicitation : pour les essais quasi-statiques, la longueur d’onde est bien supérieure à la longueur caractéristique alors qu’elle est très inférieure dans le cas des essais de propagation. Lorsque les deux longueurs sont comparables, les essais sont définis comme résonnants.

e) Amplitude des sollicitations

Les essais se distinguent aussi par l’amplitude des sollicitations et le niveau de déformation qu’ils permettent d’atteindre. Les appareillages d’essais classiques de mécaniques des sols permettent d’accéder au comportement des sols pour des déformations supérieures à 10-3 m/m. Grâce à certaines solutions techniques relativement récentes, il est possible aujourd’hui de mesurer des déformations inférieures à 10-5 m/m sur des appareils triaxiaux ou autres, dits « de précision ».

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.2 LES SOLLICITATIONS DANS LES SOLS

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1.2.2. Les sollicitations avec rotation d’axes

Les rotations des axes principaux de contraintes peuvent se rencontrer à l’état naturel dans les sols lors d’un séisme par exemple, ou comme le montre la figure 1.7, pour les fonds marins sous l’action de la houle, étudiés par Ishihara et Towhata [1982]. Les réorientations des directions principales sont par contre omniprésentes lors des travaux dans les sols (battage de pieux, tunnels…), notamment à proximité des interfaces sol-structure.

FIGURE 1.7 : Evolution de l’état des contraintes dans le sol sous-marin due aux vagues en surface [Ishihara et Towhata, 1982]

Lorsqu’une surcharge est appliquée sur un sol (fondation superficielle, surcharges routières...), les directions principales des contraintes varient de manière continue dans le massif, au fur et à mesure que la charge augmente. Jardine et Smith [1991] présentent la rotation des axes principaux de contraintes dans un massif au cours de la construction d’un remblai. Ce remblai est construit en plusieurs étapes, avec une première couche de 3 mètres, suivie d’un pause puis des couches successives de 0,5 mètre entrecoupées de pauses, jusqu’à atteindre une hauteur finale de 7 mètres. La figure 1.8 présente une simulation numérique réalisée à partir d’un modèle de Cam-Clay modifié et d’un code d’éléments finis.

a) b)

FIGURE 1.8 : Simulation numérique de la rotation des axes principaux de contraintes dans un massif au cours de la construction d’un remblais par étape : a) position des points 1 à 5, b) angle de rotation α en ces

points en fonction de l’avancement de la construction du remblais [Jardine et Smith, 1991]

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.2 LES SOLLICITATIONS DANS LES SOLS

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Zdravkovic et al [2002] étudient le comportement d’un talus sur argile tendre en utilisant un calcul d’éléments finis fondés sur un modèle anisotrope. La conception classique d’un talus considère généralement le sol comme un matériau isotrope. L’auteur montre que cette dernière hypothèse conduit soit à sous-estimer, soit à sur-évaluer la hauteur de rupture du talus, en raison de la non prise en compte de la rotation des contraintes dans le massif et le talus. Lorsque le sol est anisotrope comme dans le cas des argiles tendres, la résistance mobilisée réelle est très différente de celle évaluée avec l’hypothèse d’isotropie du fait même de la rotation des contraintes le long de la surface de rupture (Figure 1.9).

FIGURE 1.9 : Inclinaison de la contrainte principale majeure le long de la surface de rupture [Zdravkovic et al, 2002]

La figure 1.10 [Jardine, 1994] présente les données d’une étude menée par Hight & Higgins [1994]. Il s’agit d’une excavation dans de l’argile et du gravier au centre de Londres, avec un mur souple de soutènement. Sur cette figure sont représentées les courbes d’isovaleurs de l’angle α, marquant l’orientation de la contrainte principale majeure avec la verticale. Il convient de remarquer combien l’état des contraintes prédit est différent de l’état de contrainte supposé par la théorie de poussée/butée des terres au repos.

FIGURE 1.10 : Inclinaison de la contrainte principale majeure par rapport à la verticale à proximité d’une excavation dans l’argile de Londres [Jardine, 1994]

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1. PREAMBULE A L’ETUDE EXPERIMENTALE 1.3 CONCLUSION

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1.3. Conclusion

Les travaux de génie civil imposent une grande variété de contraintes dans les sols sur lesquels ils sont situés. Plusieurs exemples ont été proposés afin de montrer l’existence d’importantes rotations d’axes (contraintes et déformations) dans les sols. Pour reproduire ce type de sollicitations complexes en laboratoire, des appareils de torsion-compression sur cylindre creux ont notamment été développés durant les deux dernières décennies. L’appareil « T4CStaDy » utilisé lors de cette étude fait partie de cette catégorie d’appareils. Il se distingue en outre par la précision de ses systèmes de mesures qui permettent d’accéder à des niveaux de déformations de l’ordre de quelques 10-6 m/m. Cette caractéristique de l’appareil a permis l’étude du comportement du sol dans le domaine des très petites jusqu’au moyennes déformations. Dans la plupart des problèmes de fondations traités en pratique, les niveaux de déformations dans les massifs ne dépassent pas 10-3 m/m. Les quelques exemples cités tendent à le prouver.

L’étude présentée par la suite, réalisée à l’aide de l’appareil « T4CStaDy » doit donc permettre de mieux comprendre le comportement des sols des petites aux moyennes déformations sous des sollicitations complexes.