conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 plan du cours...

52
Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation Daniel FAULX Notes de cours 2012 Université de Liège 2009-2010 Unité d’Apprentissage et de Formation continue des Adultes Département Education et Formation

Upload: others

Post on 29-May-2020

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation

Daniel FAULX

Notes de cours

2012

Université de Liège 2009-2010

Unité d’Apprentissage et de Formation continue des Adultes Département Education et Formation

Page 2: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

2

Page 3: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

3

Table des matières

Notes de cours ........................................................................................................................... 1 Table des matières ...................................................................................................................... 3

Plan du cours .............................................................................................................................. 4

1. Objet du cours ................................................................................................................. 5 2. Le design global .............................................................................................................. 8 3. Analyse des besoins et de la demande ............................................................................ 9

3.1. Les limites de la notion de besoin de formation ........................................................ 10 3.2. La différence entre besoin, demande et commande .................................................. 11

Des questions à se poser pour analyser la demande (Noyé et Piveteau, p. 15) ................ 12

Qui demande ? (quelles sont les personnes et les groupes impliqués) ............................. 12

A propos de quoi ? (à propos de quelle catégorie de phénomènes) ................................. 12

Quoi ? (quels sont les actes demandés, quels sont les résultats attendus ?) ..................... 12

A qui ? (pourquoi moi ?) .................................................................................................. 12 Sous l’action de quels facteurs ? (antériorité de la demande, contexte)........................... 12

3.3. L’analyse de la demande et l’ingénierie de formation ............................................. 12

3.4. La place des compétences ......................................................................................... 14 3.5. La notion de projet .................................................................................................... 17

4. Définition des objectifs ................................................................................................. 18 5. La construction du dispositif pédagogique ....................................................................... 23 6. Questions particulières de choix de dispositifs ................................................................ 24

6.1. Le démarrage d’une session de formation ................................................................. 27 6.2. La fin de la session .................................................................................................... 30

7. La gestion du dispositif de formation ............................................................................... 31 7.1. La théorie des incidents critiques .............................................................................. 31

8. L’évaluation ..................................................................................................................... 36

8.1. Pourquoi évaluer ? ..................................................................................................... 37 8.2. Pour qui évaluer ? ...................................................................................................... 37 8.3. Evaluer quoi ? ............................................................................................................ 38 8.5. Comment évaluer ? .................................................................................................... 44 8.6. Comment se positionner en tant qu’évaluateur ? ...................................................... 44 8.7. Conclusion ................................................................................................................. 46

9. Gestion d’un projet de formation ..................................................................................... 46 9.1. La cartographie des acteurs ....................................................................................... 47 9.2. Forces centrifuges et centripètes ............................................................................... 47 9.3. Actions de convergence ............................................................................................ 48 9.4. Tableau de bord ......................................................................................................... 48

10. Références bibliographiques .......................................................................................... 49

Page 4: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

4

Plan du cours

1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques 2. Le design général de la construction d’un dispositif de formation ou de a à z 3. Demande, commande, besoin, activité, compétences, projet, … ou qui veut quoi pour

qui et avec qui ? 4. La définition des objectifs ou où voulons-nous en venir ? 5. Séminaire d’analyse de la demande 6. Les choix de techniques et de méthodes ou tous les chemins mènent-ils à Rome ? 7. La gestion des incidents critiques ou prévoir l’imprévu 8. Les questions déontologiques ou le moment des choix 9. L’évaluation du dispositif ou boucler la boucle 10. Le gestion du projet ou il y a-t-il un pilote dans l’avion

Page 5: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

5

Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation

1. Objet du cours

Ce cours fait suite au cours de méthodologie en formation des adultes, qui aborde et décrit l’ensemble des méthodologies de formation des adultes : formation en groupe, communauté de pratiques, supervision, coaching, auto-formation, alternance, formation à distance, … (pour plus d’informations, voir notes du cours de méthodologie de la formation des adultes). Le cours de conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation centre son propos sur la modalité la plus connue et parmi les plus répandues des pratiques de formations des adultes : la session de formation en groupe. Cela étant, si cette méthodologie de formation constituera le cœur des démarches abordées dans le cadre de ce cours, celles-ci pourront s’élargir vers d’autres modalités telles que les communautés de pratiques, les réseaux, le coaching, etc. Le but de ce cours est donc de sensibiliser à la problématique de :

� la conception d’une session de formation, ce qui comprend l’analyse de la demande et des besoins, la construction ou la négociation des objectifs, l’analyse de la situation de l’apprenant, le choix d’une posture de formation, l’élaboration d’un programme, la conception ou l’adaptation de séquences de formation, la création du matériel, …

� la gestion de la session de formation, et notamment la gestion des incidents critiques, les questions de déontologie, l’accompagnement du programme, …

� l’évaluation de la session de formation, et notamment les critères de qualité de la formation, les méthodes d’évaluation, les questions de transfert sur le terrain.

Plus précisément, les objectifs du cours sont d’amener les étudiants à être davantage capables de :

� réaliser l'analyse de la demande d'une action de formation � comprendre les enjeux des analyses de besoins, de la demande et de la commande � concevoir un programme de formation dans ses différentes dimensions (trame

générale, objectifs, situations pédagogiques, modalités d'évaluation) � développer leur créativité relative à la construction d'un dispositif de formation � développer leur capacité d'analyse relative à la construction d'un dispositif de

formation � anticiper et de faire face aux incidents critiques � prendre en compte les différentes dimensions d'un programme de formation :

personnelles, pédagogiques, sociales, groupales, éthiques et déontologiques � prendre en compte le contexte d’une formation � faire face à des questions ou des dilemmes pédagogiques en situation � prendre en compte la diversité des modes d'usages personnels des actions de formation � prendre en compte la diversité des modes d'usages sociaux des actions de formation � défendre un programme de formation auprès d'un commanditaire

Le cours s'applique à différents contextes de formation : les formations en organisations marchandes et non marchandes, les actions destinées aux personnes en recherche d'emploi, le

Page 6: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

6

domaine de la citoyenneté, le secteur socio-culturel et celui de l'éducation permamente, le développement personnel, le domaine de l’action politique. Le cours est structuré de la manière suivante : - une première séance introductive sur la pratique de l'analyse de la demand - un séminaire de deux jours au cours duquel des professionnels viennent en tant que commanditaires demander le développement d'un dispositif de formation par les étudiants (voir travaux pratiques) - un ensemble de séances de cours et la mise à disposition de ressources destinées à permettre aux étudiants de répondre à cette commande - un ensemble de séance d’accompagnement réalisé par l’enseignant et son équipe pour aider les groupes à déployer leur projet - des séances d’intervision entre les groupes - un examen en présence du commanditaire au cours duquel les étudiants présentent le dispositif construit aux différents professionnels Les principes méthodologiques du cours sont les suivants :

� Une alternance entre des exposés théoriques et des situations d’apprentissages variées. La participation des étudiants, dans un cas comme dans l’autre, sera sollicitée.

� La participation à un séminaire d’analyse de la demande, en lien avec les objectifs du cours et ses modalités d’évaluation.

� L’isomorphisme : tant que faire se peut, le cours permettra aux étudiants de découvrir les différentes méthodes de formation d’adultes via l’enseignement, mais également via la mise en œuvre de différents dispositifs d’apprentissage. C’est l’occasion de découvrir intellectuellement mais aussi dans l’action les postures de formation d’adulte. Chaque exercice ou situation pédagogique pourra donner lieu à un double apprentissage :

o ce que cette situation a appris à chacun (premier niveau, identique à celui recherché pour des participants à une formation) ;

o ce que cette situation apprend sur la formation des adultes du point de vue méthodologique, mais aussi idéologique, technique, éthique (niveau méta).

� Partant de la conviction selon laquelle le sens est un élément crucial de

l’apprentissage, une tâche porteuse de sens sera proposée. Elle vise à avoir du sens pour les trois partenaires de la relation (enseignant, commanditaire, étudiants). Elle vise à structurer l’apprentissage.

Cette tâche constitue le fil conducteur en situation réelle :

� lors de la permière séance, 6 ou 7 (selon les années) groupes pluridisciplinaires sont constitués

� Ils recueillent une commande réelle lors du séminaire d’analyse de la demande � Ses membres coopérent tout au long de l’année pour y répondre � Le cours constitue une ressource pour cette tâche

o Séquence collectives de travail au cours o Exemplification

Page 7: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

7

� Le travail effectué autour de cette commande constitue la base de l’évaluation Concernant l’évaluation :

� Les étudiants seront évalués sur base d’une proposition de méthodologie pédagogique qu’ils auront construite en fonction d’une des thématiques définies par un des commanditaires. Ceci inclut que les étudiants élaborent un programme de formation, l’ensemble des outils et méthodes nécessaires, une prévision des incidents critiques, une indication sur la manière de conduire le dispositif.

� Les commandes peuvent être de plusieurs sources : soutien à la parentalité (TM),

sensibilisation aux violences au travail (SV), formation des étudiants pour le projet de premier bac (DF), créativité (PC), comportement citoyen (NC), formation métiers horéca (NH), gestion de l’agressivité des patients (IM), formation des barmans (NH), formation des pizzaiolos (NH), développement personnel en couple (PC), accueil empathique du donneur de sang (CD), change management (MH), communication politique (IM), droits des femmes (GB), …

� Les critères de qualité sont les suivants

o la manière dont l'analyse de la demande a été prise en compte o la pertinence des démarches complémentaires d'analyse de la demande o la conception générale des finalités du dispositif o le caractère écologique du dispositif o la prise en compte des dimensions personnelles, groupales et organisationnelles

dans le dispositif o le lien entre le desgn général du dispositif et ses différentes composantes o la qualité des situations pédagogiques sur le plan matériel, didactique

pédagogique, psychologique, cognitif et organisationnel et groupal o l'anticipation des incidents critiques o la conception de supports d'évaluation pertinents et efficaces

Les commanditaires en 2007-2008 Pascal Coffani, formateur indépendant Sophie Delvaux, Ulg Noémie Henry, epicuris Emmanuelle Horion, mutualités socialistes Tiber Manfredini, formateur indépendant, Ulg IsabelleMoreau, hôpital Pelzer La Tourelle Les commanditaires en 2008-2009 Pierre Arnoldy, directeur du cdgai Pascal Coffani, formateur indépendant Sophie Delvaux, cdgai Noémie Henry, epicuris Emmanuelle Horion, mutualités socialistes Christelle Maillart et Agnès Sadzot, Ulg

Page 8: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

8

Les commanditaires en 2009-2010 Pascal Coffani, formateur indépendant Anne-Laure Delvaux, Success management Cedric Danse, Université de Liège Gilles Fossion, Université de Paix Noémie Henry, Epicuris Emmanuelle Horion, mutualités socialistes Les commanditaires en 2010-2011 Marino Carnevale, psychologue, psychothérapeute et animateur Annick Toussaint et Tamara Bosseloirs, Psytoyens Pascal Coffani, formateur indépendant Cédric Danse, Ulg IFA PME Delphine Polson : aide à la jeunesse Les commanditaires en 2011-2012 Pascal Coffani, formateur indépendant Noémie Henry, Epicuris Emmanuelle Horion, Solidaris Isabelle Moreau : formatrice indépendante Patricia Houbar, enseignante pour adulte et formatrice à l’IFA PME Géraldine Burlet, La Teignouse Les commanditaires en 2012-2013 Gilles Fossion, Université de Paix Marino Carnevale, Planning « le 37 » Noémie Henry, Epicuris Emmanuelle Horion, Solidaris Amélie Gratia, Alias Isabelle Moreau, formatrice

2. Le design global

De manière générale, le développement d’une action de formation passe par plusieurs étapes. Le schéma de Piveteau et Noyé donne une bonne idée de la marche à suivre.

1) Analyse de la situation des personnes concernées 2) Définition des objectifs 3) Construction d’outils d’évaluation 4) Choix des stratégies de formation 5) Réalisation des supports pédagogiques 6) Détermination des plannings 7) Déroulement de l’action 8) Evaluation et suivi

Page 9: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

9

Dans ce schéma, toutefois, l’accent a été mis essentiellement sur les tâches de conception (1 à 6), qui sont les plus prévisibles. Les étapes 7 et 8 peuvent donc recouvrir des réalités assez complexes et variées. Globalement, ce schéma reprend les principales étapes d’une démarche d’ingénierie de formation (Bourgeois, 1993) : description d’un poste, listage des capacités souhaitées, définition des contenus de formation, détermination des modalités d’organisation, mise en œuvre pédagogique, évaluation de la formation. On peut aussi parler d’ingénierie pédagogique, qui selon Carré, Clénet, D’Halluin et Poisson (1999) comprend 5 étapes :

1) le diagnostic i. définition des objectifs ou des modalités d’évaluation, résultats

attendus, compétences visées ii. analyse du public, de ses caractéristiques socio)économiques,

culturelles, de ses motivations iii. ressources et contraintes du projet, budget, locaux, environnement etc.

2) le design (conception et formalisation du projet pédagogique) i. définition des objectifs en termes spécifiques relevant des acquis en

situation pédagogique. Les qualités des objectifs pédagogiques : être univoques, décrire un résultat observable, être accompagné des conditions d’observation et du niveau d’exigence.

ii. L’aménagement du dispositif iii. Les méthodes et techniques iv. Les outils et supports

3) La construction : identification et préparation des supports et outils 4) La conduite : animation et suivi de l’action pédagogique (à la fois avec les

participants et les acteurs de l’environnement : commanditaire, responsables hiérarchiques, responsables logistiques ou financiers, …)

5) L’évaluation : l’appréciation du dispositif pédagogique Pour éviter de tomber dans un clivage illusoire entre conception, gestion et évaluation, il faut insister sur le fait que la conception n’est pas une étape mais une fonction, c’est-à-dire que la conception est une activité que l’on trouve tout au long du processus (Leclercq, 2007). On pourrait dire de même de l’évaluation.

3. Analyse des besoins et de la demande

La première étape est traditionnellement celle de l’analyse du besoin. On parle aussi d’analyse de la demande, des attentes, … On peut se référer à un schéma général, celui de l’évolution d’une situation à un autre.

Page 10: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

10

La demande est généralement formulée avec une dominante correspondant à un de ces trois pôles. Pour la situation actuelle ou problème, on peut parler de pushings factors, c’est-à-dire des éléments qui poussent à fuir une situation donnée, ressentie comme insatisfaisante. Le pôle de la situation future recouvre les pulling factors, ou ce qui attire une personne ou un groupe. Enfin, le pôle des moyens est la définition de l’action de formation par le biais de la méthode. Les personnes formulent alors un souhait en terme de « nous voulons une formation sur… ». Ce schéma constitue une première manière d’approcher l’analyse de la demande. Comme le soulignent Roegiers, Wouters & Gérard (1992), la perception d’un besoin est toujours subjective. Il s’agit d’une construction mentale à trois niveaux : le besoin comme problème (c’est la représentation de la situation actuelle), le besoin comme souhait (c’est la représentation de la situation attendue), et le besoin comme action à mener (c’est la représentation des perspectives d’action). Un projet de formation peut ainsi être considéré comme un projet de changement, la formation étant un moyen de transformer une situation de départ jugée problématique. On n’oubliera pas que l’analyse de la demande est un processus continu qui ne s’arrête pas à la conception « avant coup ». Tout au long de la conduite de l’action de formation, il y a lieu de s’interroger sur les demandes et besoins des participants et de leur entourage. Il s’agit alors d’être vigilant aux différents signaux, verbaux ou comportementaux, relatifs à ces demandes, à ces besoins, lesquels peuvent être individuels ou collectifs, de nature psychologique, sociale, organisationnelle, … Retour sur cette problématique dans le chapitre 8, consacré à l’évaluation.

3.1. Les limites de la notion de besoin de formation D’emblée, on peut se figurer à quel point la notion de « besoin de formation » peut être porteuse d’illusions. Quels sont nos besoins de formation en matière de dynamique des fluides ? Autrement dit, comment une personne pourrait-elle exprimer le besoin de quelque chose dont elle ignore l’existence ? (Allouche-Benayoun & Pariat). C’est pourquoi l’analyse des besoins peut souvent se révéler être une bonne intention qui cache cependant le fait que la négociation des besoins de formation est asymétrique : le formateur sait et détient le pouvoir, le formé ne sait pas.

Situation actuelle Situation « problème »

Situation future Situation « idéale »

Moyens

Page 11: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

11

Comme le rappelle Le Boterf (2002, p. 339), les besoins de formation n’existent pas en soi. Ils constituent des écarts qu’il faut identifier et analyser par rapport aux situations concrètes ou aux référentiels qui sont à leur origine (dysfonctionnements, projets, évolution des métiers et des emplois, évolutions culturelles, …). Il y a donc un problème fondamental conceptuel à la notion de besoin de formation. Par ailleurs, nous allons voir que le besoin de formation se décline sous bien des aspects : besoins cognitifs, sociaux, stratégiques, psychologiques etc. Enfin, le besoin n’est jamais observable directement. Il est le fruit d’une construction sociale de la part des personnes « bénéficiaires », de la part des commanditaires, de la part des formateurs, le tout dans le contexte d’une définition des problèmes sociaux communément décrits dans l’environnement politique, idéologique, historique. Ce qui ne signifie pas pour autant que rien ne soit négociable.

3.2. La différence entre besoin, demande et commande Par ailleurs, il y a lieu de distinguer le besoin, la demande, le désir, … Les apports des psychosociologues sur cette question sont intéressants à prendre en compte (Michelot, 2002). Ainsi, le concept d’approche collaborative montre que le praticien ne cherche pas seulement à s’enquérir de l’accord des personnes concernées, mais qu’il accueille également chaque demande qui lui est faite comme singulière, porteuse de sens, expression de difficultés et de souffrances mais aussi de désir. Aussi, il tente de formuler une réponse qui n’annule pas mais, au contraire, soutient la demande. Le besoin renvoie à un manque, à une carence. Il est réputé « objectif », le même pour tous. La demande, par contre, est supposée relative puisqu’elle s’adresse à un autre. Elle s’inscrit donc dans une relation. Ainsi, l’analyse des besoins présuppose une position d’expertise, alors qu’une analyse de la demande, qui ne peut être connue, nécessite une écoute de bout en bout du sujet. L’analyse de la demande invite donc le sujet à ne pas se satisfaire de ses propres représentations et à adopter une posture de découverte. Illustration : une formation à l’analyse transactionnelle pour mes enseignants Selon cet auteur, la demande d’ingénierie peut être plus ou moins précise. L’analyse de la demande consiste alors à répondre aux questions suivantes :

- à quels problèmes cherche à répondre la demande qui est formulée ? Qu’est-ce qui la motive ou la justifie

- qui formule la demande ? De qui est-elle l’expression ? De quels rapports de force, de pouvoir ou de négociation est-elle la résultante

- à quel type de dispositif est-il fait appel dans la demande ? permet-il de répondre aux problèmes posés ? A-t-il des chances d’être viable ?

- de quel types de problèmes de conception s’agit-il - de quelles contraintes faut-il tenir compte ?

On peut également utiliser des grilles de questionnement comme celles qui suivent.

Page 12: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

12

Des questions à se poser pour analyser la demande (Noyé et Piveteau, p. 15) Deux questions à se poser : peut-il le faire ? veut-il le faire ? D’autres questions à se poser : Qui exprime la demande ? Est-ce pour lui-même ou pour d’autres ? Quelle est sa représentativité ? Qui est le commanditaire ? La demande est-elle précise ou floue ? Porte-t-elle sur le résultat à atteindre ou sur les moyens à mettre en œuvre ? Est-elle justifiée et fondée sur un diagnostic de la situation ? Est-elle réaliste ? Quels sont les différents acteurs concernés par cette action ? Quelle concertation et quelles validations prévoir avant de faire des choix ? La formation est-elle la réponse la plus appropriée ? Doit-on mener des actions complémentaires ? Ce projet est-il cohérent avec d’autres actions en cours ou envisagées ? Avec Dubost (2002), on peut aussi formuler ces cinq questions :

Qui demande ? (quelles sont les personnes et les groupes impliqués)

A propos de quoi ? (à propos de quelle catégorie de phénomènes)

Quoi ? (quels sont les actes demandés, quels sont les résultats attendus ?)

A qui ? (pourquoi moi ?)

Sous l’action de quels facteurs ? (antériorité de la demande, contexte)

3.3. L’analyse de la demande et l’ingénierie de formation : prendre en compte le contexte Les personnes concernées doivent être considérées comme des agents du processus d’ingénierie, l’analyse de la demande ne peut se faire sans elles. Il faut ensuite estimer

- Les marges de manœuvre. On doit donc faire une analyse de contexte. - L’analyse des coûts et des implications - L’identification des conditions nécessaires au suivi et au développement des projets

envisagés - La pluralité des demandes des différents acteurs.

Page 13: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

13

Finalement, Noyé et Pivetau confirment que l’analyse des besoins de formation est souvent une quête difficile, et que l’on peut aborder la question sous l’angle de : que doit faire le titulaire de l’emploi (ou de la fonction sociale) étudié ? Que doit-il organiser, exécuter, contrôler ? Quelles méthodes, quels outils doit-il maîtriser ? Quelle connaissance doit-il avoir de son environnement ? Autrement dit, que doit-il savoir faire après l’apprentissage ? L’analyse peut s’appuyer sur

- l’analyse du travail (par entretien avec celui qui organise la formation, avec le responsable hiérarchique, l’observation directe du travail, la construction d’un tableau de compétences avec ceux qui réalisent le travail, l’analyse des résultats et des incidents critiques, l’expérimentation du travail, …)

- l’analyse des besoins pour un projet - l’analyse de la performance : quelle sont les résultats professionnels attendus, les

normes de production sont-elles connues, acceptées, respectées ? Quel est l’écart entre la performance actuelle et la performance souhaitée ? Quelles sont les personnes impliquées dans le processus ? Quelles sont les causes des faiblesses de performance ?

La commande est la relation institutionnalisée par la demande du client. Enfin, les principes de l’ingénierie de formation chez Le Boterf (1999, p. 339) sont intéressants à prendre en compte dès le démarrage d’une action de formation.

- les besoins de formation n’existent pas en soi - les problèmes d’évaluation ne peuvent être résolus correctement que s’ils sont pris en

compte directement dès la conception de l’action de formation - toute formation repose sur l’élaboration d’un cahier des charges (objectifs,

organisation, progression, évaluation) - les décisions de formation doivent être non seulement pertinentes et cohérentes mais

également prises en temps opportun. - on ne peut intéresser la hiérarchie que si elle est impliquée dès la phase initiale

d’identification d’analyse et des besoins de formation. Barbier (2009) en tire les questions suivantes :

� Pourquoi choisir la formation ?

� Quels problèmes peut-elle contribuer à résoudre ?

� Quelle part y tiennent les compétences ?

� Quels sont les acteurs concernés ?

� Quels objectifs atteindre ?

� Qui former ? Pourquoi ? Dans quel ordre ?

� Combien de personnes ?

� Où en sont-elles actuellement ?

� Où veut-on les conduire ?

� Dans quelle logique de compétence ?

Page 14: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

14

� Quelles sont les échéances à respecter ?

� Quels sont les contraintes de rythme et de positionnement ?

� Dans quel système va se placer l’action ou le dispositif envisagé ?

� Comment former ?

� Avec quelles méthodes et moyens ?

� Quel système mettre en place pour suivre conduire, garantir la qualité de l’opération ?

� Quels acteurs impliquer, pourquoi, comment ?

� Comment saura-t-on que l’on a réussi ?

� Que faire ensuite (reconnaissance, validation, organisation, transfert) pour inscrire la

formation dans une logique d’investissement individuel ?

Enfin, il y a lieu également de s’interroger sur le système de transfert, avec des questions et préocuppations de ce type : Quelles sont les attentes en terme de besoin de transfert sur le terrain :

� Comment désirez-vous que les apprenants appliquent sur le lieu de travail ce qu’ils vont acquérir durant la formation » ?

Quel est le potentiel de transfert :

� Quels sont les facteurs individuels (confiance en soi, contrôle, capacités individuelles, personnalité, expérience, motivation à transférer, …) et contextuels (ressources, contraintes, soutiens des collègues et des supérieurs, moyens techniques, opportunités d’application, culture du transfert et de l’innovation, …) qui vont conditionner le transfert ? De quelle manière vont-ils agir ?

Quel est le transfert attendu :

� Horizontal ou vertical ? � Associatif ou réflexif ? � Proximal ou distal ?

Favoriser le transfert

� Comment impliquer les apprenants dans la démarche de transfert ?

3.4. La place des compétences

Depuis une quinzaine d’années, le concept de compétence est devenu incontournable en psychologie du travail (Delobbe, 2003) ainsi qu’en éducation et en gestion (Foucher & Leduc, 2003) ou encore dans le monde de la formation des adultes (Bellier, 1999). De nombreux ouvrages publiés au cours de la dernière décennie attestent de cet engouement (Le Boterf, 1994, 2006 ; Aubret, Gilbert & Pigreye, 2002 ; Leplat, 2000 ; Zafiran, 2001 ; Foucher & Leduc, 2001; Levy-Leboyer, 1996).

Page 15: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

15

Le succès de la notion est tel qu’il génère et nécessite une intense activité de (re)définition (Stroobandts, 1999 ; Carignan & Van de Sande, 2007 ; Boumane, Talbi & Tahon, 2006). En étudiant de manière globale la question, Bellier (1999) a montré qu’au delà de la diversité des définitions proposées, on pouvait dégager quatre idées clés (la compétence permet d’agir, la compétence est contextuelle, la compétence comprend des rubriques différentes de capacités, la compétence est le fruit de l’intégration de ces différentes capacités), ce qui l’amène à proposer la métadéfinition suivante : la compétence permet d’agir ou de résoudre des problèmes professionnels de manière satisfaisante dans un contexte particulier en mobilisant diverses capacités de manière intégrée (p. 226). Plus récemment, grâce à une analyse de la littérature, Boumane, Talbi et Tahon (2006) ont dégagé 5 grandes caractéristiques des compétences : (1) la compétence est une construction qui associe de manière combinatoire des ressources personnelles et des ressources de l’environnement, (2) la compétence est de nature contingente puisqu’elle est liée à l’action dans un contexte donné, (3) la compétence est un processus mais aussi une disposition à agir, (4) la compétence est finalisée en tant que liée à une mission, (5) la compétence suppose une reconnaissance sociale. Ils en tirent une définition proche de la précédente, avec une insistance sur la dimension contextuelle : la compétence est la capacité d’une personne (acteur) à agir et réagir avec la pertinence requise pour réaliser une activité dans une situation de travail. L’acteur est au cœur d’un processus qui consiste à sélectionner, combiner et mobiliser ses connaissances, son savoir-faire, ses aptitudes et comportements d’une part, et des ressources de l’environnement d’autre part, en vue d’accomplir une mission définie par l’entreprise. De manière plus synthétique, on peut dire que la compétence constitue « un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficace de ressources internes et externes» (Tardif, 2006). Dans le même esprit, pour Parmentier et Paquay (2002, p. 4), la compétence est « un ensemble de ressources cognitives, affectives, conatives, motrices ( …) pour faire face à une famille de situations problèmes ». Cela amène à la notion de reconnaissance de la compétence à travers la mise en action des ressources. Ainsi, pour Le Boterf (2007), « être reconnu comme compétent, c’est mettre en œuvre des pratiques professionnelles pertinentes par rapport au prescrit d’un poste de travail ». Il distingue trois composantes de la compétence : le savoir agir, le vouloir agir et le pouvoir agir. Pour Gilbert (2003), dans la diversité des usages et des postures épistémologiques, on peut distinguer quatre usages de la notion de compétence dans quatre champs différents : dans le champ de l’évaluation des personnes (déterminer ce que sait faire une personne), dans celui de l’étude de l’activité (caractériser les compétences mises en œuvre dans des activités bien définies), dans celui de l’orientation professionnelle (aider les personnes à identifier leurs compétences) et enfin dans celui, plus général, de l’analyse des relations individu-organisation. La compétence étant multidimensionnelle (Well-Fassina & Pastré, 2004), il est utile de voir quelles sont les grandes catégories de ressources qui la sous-tendent. Pour décrire les ressources cognitives qui sont à la source de la compétence, Perrenoud (2000) s’appuie sur trois familles : (1) des savoirs : - des savoirs déclaratifs, des modèles de la réalité ; - des savoirs procéduraux (savoir comment faire), méthodes, techniques ; - des savoirs conditionnels (savoir quand intervenir de telle ou telle manière) ; - des informations, des " savoirs locaux ". (2) des capacités :

Page 16: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

16

- des habiletés, des savoir-faire (" savoir y faire ") - des schèmes de perception, de pensée, de jugement, d’évaluation. (3) d’autres ressources, qui ont une dimension normative : - des attitudes ; - des valeurs, des normes, des règles intériorisées ; - un certain rapport au savoir, à l’action, à l’autre, au pouvoir. Depuis la fin des années 80, l’ingénierie de formation se voit remplacée peu à peu par la notion plus large d’ingénierie des compétences (Le Boterf, p. 343),. Cela est dû à l’évolution du contexte socio économique tant du point de vue des organisations (nécessité de rentabilité, nécessité de développement de la ressource humaine, accélération des changements, évolutions socio-techniques), que du point de vue des individus (contexte économique où l’emploi est incertain, développement de la notion d’employabilité). Passer à la notion de compétence remet en cause la triade savoir, savoir-faire, savoir-être. En effet, lorsqu’on l’applique à l’ingénierie des compétences, le risque est d’avoir un morcellement de la compétence en une multitude de petites compétences éclatées. Le Boterf prône une approche combinatoire de la compétence :

- il n’y a pas une seule façon d’être compétent, la compétence ne se réduit pas à un seul comportement observable

- distinguer la compétence des compétences. C’est-à-dire qu’une personne compétente (qui dispose de la compétence) est une personne qui est capable de construire à temps des compétences pertinentes pour gérer des situations professionnelles de plus en plus complexes

L’action compétente est alors vue comme la résultante d’un savoir agir, d’un vouloir agir et d’un pouvoir agir. Savoir agir peut être développé par :

- la formation, qui enrichira l’équipement en savoirs et savoir-faire - l’entraînement - la mise en place de boucles d’apprentissages - la construction de représentations opératoires - le passage en situations professionnalisantes

Le vouloir agir sera encouragé par

- une image de soi congruente et positive - un contexte de reconnaissance - un contexte incitatif

Le pouvoir agir

- une organisation du travail compatible avec la création des compétences - un contexte facilitateur, qui fournira les moyens appropriés à la création de

compétences - des attributions qui reconnaîtront la marge de liberté et l’initiative nécessaires à la

création de compétences - des réseaux qui élargiront l’équipement des ressources.

Page 17: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

17

Leclercq (1987) distingue 4 types de compétences qui répondent à des besoins de formation à long terme des personnes :

- les compétences spécifiques (savoirs et savoir-faire disciplinaires) : ils se rapportent à des domaines précis et sont en général peu transférables d’un domaine à l’autre (ex. faits historiques) ;

- les compétences démultiplicatrices (savoir-faire techniques généraux) : ils permettent d’acquérir plus de compétences spécifiques en cas de besoin (ex. savoir lire) ;

- les compétences stratégiques (résoudre des problèmes, s’adapter) : se connaître soi-même, analyser une situation problématique et adopter une réponse adéquate, disposer de méthodes de travail, etc. ;

- les compétences dynamiques (savoir-être, vouloir, désirer, détester) : ce type de compétences correspond à la motivation de la personne, à la façon dont elle entre en relation avec le monde extérieur et avec elle-même.

D’un point de vue plus critique, des auteurs relèvent que le passage de la notion de qualification à celle de compétence est révélatrice de l’affaiblissement du holisme et du renforcement de l’individualisme dans les société post-modernes (Nizet & Bourgeois, 2003) voire de l’éviction du collectif et de l’isolement de l’individu (Stroobants, 1993) et s’intègre ainsi dans une individualisation de l’évaluation des pratiques (Shwartz, 1995), menaçant les identités collectives (Courpasson & Livian, 1991). L’hégémonie (Arnaud & Lauriol, 2003) du concept de compétence n’est donc pas sans poser problème. Selon les auteurs précités, le modèle de la compétence non seulement se heurte à des difficultés technico-organisationnelles de mise en œuvre, mais est également porteur de mutations potentiellement déstabilisatrices pour les organisations, les équipes et les individus, en mettant à mal les collectifs de travail et en débouchant notamment sur de la précarité-flexibilité.Plus spécifiquement, les démarches de formalisation du travail et de la compétence ne sont pas sans risques, pouvant contribuer à redonner du pouvoir à la prescription, à la standardisation, à voire à l’imposition du déni du réel au mépris de l’invention du travailleur dans l’activité (Dilly & Vermelle 2005).

3.5. La notion de projet Un dispositif de formation est d’abord un projet relatif à autrui. Relatif peut d’ailleurs être remplacé par « pour », « sur », « avec », voire « contre » (Leclercq, 2007). D’autre part, le fait qu’une personne « entre » en formation est généralement liée à un projet, une trajectoire personnelle ou socioprofessionnelle (Bourgeois). Selon Boutinet (1999, 2007), les projets peuvent être

- liés aux âges de la vie - des projets d’objet - des projets d’action - des projets organisationnels - des projets de société - des projets de couple - des proejts d’événement.

Page 18: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

18

On peut y distinguer des dimensions attestataires ou contestataires. La formation devra prendrer en compte trois niveaux de projet Le PIF : projet individuel de formation du participant Le PAF : projet d’action de formation, qui est le projet du formateur Le POF : projet organisationnel de formation, qui constitue le projet de l’organisation qui mandate l’action. Ceci n’est toutefois pas sans poser des questions sur nos sociétés qui ont fait de la notion de projet une notion presque universelle, alors qu’elle fut longtemps réservée à des domaines et des catégories sociales appartenant à l’élite technique et intelllectuelle. Il importe donc de s’interroger sur le sens que peut revêtir le projet pour différents acteurs sociaux, et notamment des personnes dont on exige qu’elles se « mettent en projet » alors qu’elles ne sont pas dans les conditions sociales ou psychologiques pour le faire.

4. Définition des objectifs

Définir des objectifs à la formation est une étape cruciale. Martin et Savary proposent une démarche en trois temps (p. 180)

1. Prendre en compte les participants 2. Dégager les idées clés du contenu 3. Définir les objectifs pédagogiques

1. Prendre en compte les participants On peut considérer la formation comme un chemin, une démarche de changement. Les questions portent donc sur le point de départ des participants (leur état initial), leur culture (Martin et Savary, p. 185). Ces auteurs recommandent de se pencher plus particulièrement sur : les motivations et les attentes, les pratiques et les acquis dans le domaine concerné, les représentations du sujet traité. Les motivations concernent les stratégies des personnes, pourquoi elle sont là, quel type d’implication elles peuvent y mettre. Certaines motivations sont plus avouables ou valorisables que d’autres, qui relèvent davantage d’enjeux cachés. Cela dit, ces motivations ne sont pas définies une fois pour toutes, elles peuvent évoluer. Exercice : pourquoi suis-je ici. Distinction entre enjeux et objectifs. La formation comme réponse stratégique. Réflexion : le cas des formations sous contrainte et les stratégies pour y remédier.

Page 19: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

19

2. Les attentes concernant le contenu et la manière d’aborder celui-ci. Les pratiques et les acquis se déclinent de deux manières :

- les acquis conceptuels - les acquis expérientiels

Leurs représentations du sujet ont trois caractéristiques :

- elles sont inconscientes, puisque pour la personne, c’est la réalité - elles ne sont pas directement observables - elle comporte des aspects partagés par d’autres membres du groupe social

On peut ajouter l’univers social et mental des personnes. En effet, une formation constitue une occasion de représentation sociale, une mise en scène de soi, d’autant plus si la pédagogie est active et sollicite la participation. Une erreur fréquente consiste à considérer les personnes comme « asexuées » du point de vue social. Or, elles sont porteuses d’une identité : homme-femme, appartenance sociale, professionnelle, régionale etc. Analyse de cas (1)sur les représentations et identités : le tour du monde et les demandeurs d’emploi. Analyse de cas (2) le séminaire de gestion des situations scolaires difficiles. Le cas des enseignants en formation. Réflexion: pourquoi les enseignants sont-ils un public particulièrement difficile pour les formateurs d’adultes ? Conditionnement lié à leur propre histoire scolaire, enjeux de pouvoir (l’enseignant est celui qui sait), formation insuffisante à ce type de pratique, investissement important pour pouvoir mettre en place les dispositifs dans un contexte qui ne soutient pas ce genre de pratiques, théories implicites et rapport au savoir (Bourgeois, p.34). De manière générale, on peut donc dire que les participants à une formation viennent avec une constellation de motivations et d’attentes qui peuvent être très diverses et sont multiples, collectivement comme individuellement : identitaires, techniques, stratégiques, relationnelles, psychologiques, intellectuelles, défensives, conjoncturelles, opportunistes. Elles peuvent se trouver à long terme ou à court terme. Elles co-existent avec les attentes d’autres membres du système : encadrement, responsables politiques, public, collègues, … Or, la manière d’apprendre est étroitement conditionnée au contexte. Durant la formation, un certain nombre de facteurs vont entrer en ligne de compte (Bourgeois, p. 76) :

- liés à l’apprenant variables physiologiques (vue, santé, stress). Les deux derniers perturbent l’apprentissage, d’où la nécessité de pouvoir les canaliser variables socio-affectives.

Page 20: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

20

L’estime de soi, notamment, joue un rôle important. Ainsi, si l’individu a une bonne estime de lui, il pourra plus facilement prendre des risques et apprendre. D’autre part, si ce qu’il apprend va dans le sens de renforcer son image de lui-même, il apprendra mieux. motivation variables cognitives Niveau d’acquisition cognitive. Styles cognitifs. Mémoire

- liées à l’environnement socio-culturel valeur accordée à la formation dans le milieu (exemple, le compagnonnage) l’apprentissage étant un changement de représentations, il constitue un certain risque, surtout si ce sont des représentations centrales pour l’individu. Les différences culturelles d’acceptation du conflit conditionne la possibilité de mettre en place le conflit socio cognitif

- liées à la situation d’apprentissage la personne de l’enseignant la maîtrise de l’enseignant 3. Définir les objectifs pédagogiques Selon Strauven (1996), définir clairement les objectifs de formation, c’est disposer d’un outil de communication indispensable entre le formateur et le formé. Ils doivent être opérationnels, c’est-à-dire que les deux parties doivent pouvoir identifier sans équivoque : les performances et/ou comportements à acquérir, la procédure d’évaluation, et le processus d’apprentissage. De manière générale, et ceci élargit les possibilités de formulation des objectifs par rapport à une définition strictement opérationnelle, plusieurs types d’objectifs peuvent être décrits (Raynal & Rieunier, 2007) :

- Les objectifs comportementaux définissent ce que l’apprenant saura faire, en termes de comportements observables

- Les objectifs d’expression définissent des transformations d’attitudes ou de représentations qui ne réfèrent pas nécessairement à un comportement précis, ils relèvent de l’expérience vécue, de la prise de conscience

- Les objectifs d’intégration visent une compétence ou un ensemble de compétences s’exerçant sur une situation, nécéssitant l’intégration de tous les savoir et savoir-faire fondamentaux et développant des savoir-être et savoirs-devenir orientés vers les finalités choisies par le système éducatif

- Les objectifs de maîtrise désignent des acquisitions de connaissance et de compréhension

- Les objectifs de transert, par opposition, désignent des applications, généralement décontextualisées, d’objectifs de maîtrise

- Les objectifs obstacles désignent les obstacles à dépasser pour effectuer un saut cognitif ou conceptuel

Page 21: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

21

- Les objectifs opérationnels décrivent le comportements observable de l’apprenant, le produit attendu, les conditions de réalisation, les critères de performance

Quoi qu’il en soit la première qualité d’un objectif est sa pertinence, c’est-à-dire sa cohérence par rapport :

- aux finalités de la formation - aux objectifs terminaux d’intégration - au public - au temps attribué à la formation - aux moyens disponibles - etc.

L’analyse en arbre des objectifs de Le Xuan (1965), telle que décrite par Leclercq, Donnay et De Bal (1977) décompose un objectif général de formation en une série d’objectifs de plus en plus précis exprimés sous forme de comportements observables. Illustration. La question à se poser dès le départ est la suivante : Qu’est-ce que l’apprenant sera capable de faire avec le WOCCQ ? On répondra à cette question (intention générale) en terme d’objectifs (en utilisant une taxonomie, comme par exemple celle de Bloom), qui seront à leur tour exprimés en termes comportementaux. Ce sont ces comportements qui constitueront à la fois les éléments observables des objectifs de l’enseignement et les réponses des apprenants lors de leur évaluation (Leclercq et al., 1977). Aussi, à la question Qu’est-ce que l’apprenant sera capable de faire avec le WOCCQ (intention générale) ? doit être formulée une double réponse :

a) pour les « accompagnateurs », la réponse sera « Initier dans leur milieu de travail un projet de diagnostic des risques psychosociaux à l’aide du WOCCQ », et jouer ainsi pleinement leur rôle de proposition et d’avis ;

b) pour les « experts », la réponse sera « Accompagner un projet de diagnostic des risques psychosociaux à l’aide du WOCCQ et analyser les résultats », et jouer ainsi pleinement leur rôle de conseil et d’analyse.

Les figures 2 et 3 présentent, pour chaque groupe, l’analyse en arbre des objectifs. Nous y subdivisons l’intention générale en trois types d’objectifs (d’après Strauven, 1996) :

- les objectifs terminaux1 qui désignent des performances significatives et fonctionnelles (prêtes à l’emploi, correspondant à des activités effectives). Ils correspondront aux différents modules de chaque formation ;

- les objectifs comportementaux qui désignent des activités mentales correspondant à des processus intellectuels et à des attitudes. Leur formulation se fait généralement à l’aide de verbes ;

1 Nous préférons la notion d’objectifs terminaux à celle d’objectifs généraux car ceux-ci ne désignent « que » des grandes orientations, tandis que les objectifs terminaux sont plus orientés vers la pratique.

Page 22: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

22

- les objectifs opérationnels seront utilisés pour clarifier (opérationnaliser) davantage certains objectifs comportementaux, mais aussi pour livrer des indicateurs de mesure de la réalisation de l’objectif (Pocztar, 1979). De Landsheere (1979) identifie cinq composantes d’une définition opérationnelle des objectifs : qui produira le comportement, quel sera le produit de ce comportement, quel comportement observable démontrera que l’objectif est atteint, dans quelles conditions doit-il avoir lieu, et quels critères permettront de vérifier que le produit est satisfaisant. L’opérationnalisation des objectifs que nous proposons pour l’instant reste toutefois perfectible.

Au-delà de cette classification en arbre, il nous paraît essentiel de distinguer différents niveaux dans les objectifs, en se référant à une taxonomie. L’intérêt d’une taxonomie est de rationaliser et clarifier les objectifs et, par conséquent, d’orienter efficacement le scénario pédagogique et le processus d’évaluation. Nous nous réfèrerons librement à la taxonomie des objectifs cognitifs de Bloom (1969), revue par V. et G. De Landsheere (1984). En effet, il y a toujours une part d’interprétation dans la classification des objectifs concrets dans une grille définie a priori. Un même objectif pourrait, selon le contexte de formation, faire référence à plusieurs catégories. Dans nos tableaux :

- les objectifs en jaune correspondent à la rubrique « Connaissance » ; - les objectifs en orange correspondent à la rubrique « Compréhension » ; - les objectifs en vert correspondent à la rubrique « Application » ; - les objectifs en rouge correspondent à la rubrique « Analyse ».

Figure 2 : Analyse en arbre des objectifs pour le groupe « Accompagnateurs »

Figure 3 : Analyse en arbre des objectifs pour le groupe « Experts »

1.1. Décrire l'argument législatif1.2. Décrire l'argument coût du stress1.3. Décrire l'argument de l'intervention1.4 Décrire les faux arguments2.1. Définir ce qu'est le stress2.2. Décrire les questionnaires2.3. Expliquer des résultats

2.4. Expliquer la démarche d'accompagnement

3.1. Clarifier son rôle de personne relais

2. Justifier l'apport du WOCCQ dans cette problématique

Groupe "accompagnateurs"

Opérationnalisation : l'apprenant sera capable1. Susciter l’intérêt pour cette problématique en général

Initier dans son milieu de travail un projet de diagnostic des risques psychosociaux à l’aide du WOCCQObjectifs terminaux Objectifs comportementaux

Initier une démarche participative (*)3.2.

Etre porteur du projet au sein de son milieu de travail 3. d'analyser la demande de diagnostic, d'identifier les ressources disponibles (temps, personnes, budget).

de proposer aux personnes directement intéressées par la problématique les experts avec lesquels travailler, une estimation du coût d'un diagnostic et les grandes étapes du planning.

de commenter des exemples de résultats : mettre en évidence les groupes à risque, hiérarchiser les résultats en fonction des critères présentés dans les notes de cours.de proposer aux personnes directement intéressées par la problématique des variables indépendantes, des modalités de distribution des questionnaires, un plan de communication, un mode de feed-back des résultats plausibles pour son milieu de travail, ainsi que les garanties à prendre par rapport à la confidentialité.

Page 23: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

23

5. La construction du dispositif pédagogique

Après avoir fait les grands choix macro-méthodologiques (voir cours de méthodologie de la formation des adultes), vient le moment de sélectionner les situations pédagogiques. Cette sélection se fait en fonction de plusieurs paramètres :

� les objectifs de la formation ; � les caractéristiques des acteurs et plus particulièrement des participants ; � les ressources matérielles � les ressources humaines � les compétences du formateur � le nombre de participants � la durée de la formation � les outils disponibles et les outils à créer

Plusieurs objectifs peuvent être poursuivis à travers les situations pédagogiques. Certains de ces objectifs sont liés à l’apprentissage lui-même, d’autre à la dynamique du groupe ou de l’équipe de travail, d’autres encore à la dynamique individuelle. On peut ainsi mettre en place des situations pédagogiques

� pour illustrer ou faire prendre conscience d’un concept opératoire avec un lien direct

(exemple : mini jeux de rôles et illustrations vidéos pour les axiomes ; exercice des

inférences) ;

� pour illustrer ou faire prendre conscience d’un concept opératoire avec un lien indirect

(exemple : exercice des dates pour prise de conscience des concepts de la créativité) ;

� pour faire prendre conscience d’un concept opératoire via une expérience sensible

(exemple : exercice de reformulation ; exercices de sensibilisation à la sécurité

alimentaire) ;

� pour faire acquérir une habileté physique, sociale ou intellectuelle (exemple :

entraînement situationnel ; simulations) ;

� pour faciliter un apprentissage expérientiel de réalités complexes (exemple : business

games, œuf, kapla) ;

� pour faciliter un apprentissage intellectuel de réalités complexes (exemple : études de

cas ; découvertes de milieux par interviews)

� pour préparer la dynamique du groupe (exemple : épices, outdoors meetings ; tibi

tibiti) ;

� pour préparer la dynamique individuelle (exemple : sens-sens, sens-rime) ;

� pour faciliter une réflexion sur soi (exemple : Offman, questionnaires d’auto-

évaluation) ;

� pour faciliter la transmission de feedbacks individuels ou groupaux (exemple :

feedback corner, échangeur) ;

� pour faire découvrir des contextes sociaux (exemple : immersion) ;

� pour s’entraîner (exemple : exercices d’entretien) ;

Page 24: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

24

� pour recevoir du feedback et tester (exemple : jeux de rôles et mises en situations) ;

� pour objectiver une situation (exemple : carte des émotions, crash on the moon ; rôles)

� pour faciliter le transfert sur le terrain (contrats personnels, projets, exercices

d’anticipation et de projection)

� pour exercer un rappel sur le terrain (exemple : lettre à soi-même)

Pour opérer les choix, il est utile de se poser les questions suivantes : � Faire émerger les représentations Quelles sont les représentations qu’il est intéressant de faire émerger ? � Préparer la dynamique groupale Quelle dynamique groupale faut-il stimuler ? � Préparer la dynamique individuelle Quelle dynamique individuelle faut-il stimuler chez les participants (avt, pdt, après) ? � Concepts opératoires Quels sont les concepts opératoires essentiels la formation doit-elle faire découvrir, révéler ? � Habileté physique, sociale ou intellectuelle Quelles habiletés veux-t-on faire acquérir, exercer, entraîner, révéler ? � Réalités complexes A quels processus complexes veut-on sensibiliser le public ? � Réflexion sur soi Quelle réflexion sur soi stimuler chez les participants ? � Contextes sociaux A quels contextes sociaux sensibiliser, préparer ? � Techniques Quelles techniques faire découvrir, comprendre, appréhender ? � Transfert Quelles modalités de transfert activer ? En outre, si choisir les situations pédagogiques est une chose, construire un programme en est une autre. En effet, l’ordre des séquences, leur importance relative, la manière dont elles s’enchaînent, la place des interruptions, la répartition des actes de formation sont autant de questions qui font passer d’une logique de juxtaposition de séquences à la véritable construction d’une ingénierie pédagogique.

6. Questions particulières de choix de dispositifs et dilemmes pédagogiques

On peut considérer un dispositif de formation comme une articulation de plusieurs sous-dispositifs : des dispositifs de démarrage, des dispositifs d’évaluation, … Souvent, des dilemmes se posent : comment commencer par quelle séquence ? pourquoi choisir une situation pédagogique plutôt qu’une autre ? Qu’est-ce qui serait le pus adapté compte-tenu du contexte et du public ? 6.1. Un modèle pour penser : les quatre logiques 6.1.1. Macro, méso et micro dispositif

Page 25: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

25

Comment élaborer un programme de formation fondé sur différentes situations pédagogiques en groupe ? C’est là une question complexe d’ingénierie pédagogique, et chaque formateur s’accordera à dire que la réponse ne réside pas uniquement dans une succession d’exercices structurés, si pertinents soient-ils. Certes, le choix de situations adéquates est un élément fondamental. Mais la question est plus large. En effet, si l’on considère, de manière générale, qu’un dispositif de formation est composé d’une multitude de sous-dispositifs ou de micro-dispositifs (Leclercq, 2007), alors les « situations » constituent autant de micro-dispositifs qui s’intègrent dans un dispositif plus large, « session », qui elle-même peut s’intégrer dans un dispositif encore plus large qui comprend d’autres démarches liées à l’ingénierie pédagogique telles que l’analyse des besoins et de la demande, les interviews individuelles, la sélection des participants, l’évaluation de la formation, et d’autres dispositifs de formation coordonnés avec la session, par exemple le coaching, le tutorat, la communauté de pratique, l’e-learning2 etc. Afin de préciser notre terminologie, nous considérerons que les situations constituent des micro-dispositifs, que la session constitue un méso-dispositif, et que l’ensemble des actions pédagogiques et formatives, y compris la session de groupe, constitue le macro-dispositif. Précisons d’emblée que celle-ci peut être plus ou moins longue (de quelques heures à plusieurs jours), et que la place qu’elle occupe dans le macro-dispositif est variable : elle peut en constituer l’élément principal autour duquel gravitent des actions périphériques (exemples : une session de trois jours précédée d’un entretien préliminaire, une succession de plusieurs sessions de plusieurs jours ponctuée par un entretien d’évolution personnelle), ou, à l’opposé, n’être qu’un élément périphérique au sein d’un dispositif dominé par d’autres modes d’apprentissages (exemples : une réunion mensuelle basée sur une expérience structurée servant à faire le point sur un stage à temps plein dans le cadre d’une démarche professionnalisante, un séminaire au milieu d’un cursus universitaire théorique). 6.1.2. Quatre logiques pour fonder le raisonnement Construire la session de groupe nécessite un choix soigneusement réfléchi à deux niveaux : la sélection des situations et leur agencement. Nous avons retenu quatre logiques qui sont incontournables à nos yeux, et qui devront présider à la conception de la session de formation, étant entendu que la conception n’est pas une fonction qui a cours uniquement avant la mise en place du dispositif, mais tout au long de celui-ci (Leclercq, 2007), et qui est donc susceptible d’être remise en question en permanence et modifiée en fonction des différents événements survenant dans le déroulement du dispositif. a) la logique pédagogico-didactique : l’agencement se réfléchit ici en fonction des nécessités pédagogiques. Il s’agit donc de voir comment faire se succéder les expériences afin d’assurer l’apprentissage. La logique pourra, selon les cas, se situer dans une dynamique de progression (démarche analytique qui propose d’aller du plus simple au plus complexe) ou dans une approche globaliste (partir de la complexité et décortiquer ensuite).

2 Ces derniers éléments constituent donc d’autres actions directes d’éducation ou de formation menées conjointement à la session

Page 26: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

26

Il nous faut préciser ici qu’au niveau du micro-dispositif, une « expérience structurée » est généralement globaliste en ce sens qu’elle propose aux apprenants de se plonger dans une réalité complexe pour commencer, l’analyse venant par la suite. Au niveau du méso-dispositif, cependant, la logique pourra être à la fois globaliste, mais aussi analytique, et relever de la Pédagogie par les Objectifs, en proposant aux apprenant de découvrir une chose à la fois, de la plus simple à la plus complexe, par une progressivité soigneusement calculée (Leclercq, 2008). A titre d’exemple, une session sur la communication interpersonnelle peut proposer d’abord des mises en situations complexes, puis progressivement des exercices qui visent à permettre l’identification de composantes de communications plus précises (logique globaliste), ou au contraire, proposer d’abord de mini-situations afin de faire découvrir des principes de base de la communication puis aller progressivement vers des situations de prises de décision ou de négociation qui nécessite la mise en place de compétences complexes. Dans le deuxième cas, la posture sera hybride : globaliste sur le micro dispositif, progressive sur le méso-dispositif. Tous ces choix devront tenir compte des caractéristiques pédagogiques de l’action de formation et notamment : les objectifs de la session, les ressources matérielles et humaines dont on peut disposer, le nombre de participants, la durée de la formation, les outils disponibles et les outils à créer, les antécédents à l’action de formation, le contenu de la formation. b) la logique motivationnelle : la succession et le choix des situations doivent être également réfléchis en fonction de la dynamique individuelle et des caractéristiques des apprenants. Comment les encourager et les motiver à entrer dans le processus formatif ? La réponse devra être modulée en prenant en compte notamment leurs caractéristiques physiologiques, leurs caractéristiques psychologiques, leurs caractéristiques sociales, leurs motivations, leurs besoins ou encore leurs attentes. En effet, si la situation pédagogique nécessite la participation de l’apprenant, celle-ci ne sera possible que si elle prend en compte de manière adéquate son mode de fonctionnement, son état d’esprit, ses processus émotionnels et cognitifs ou encore sa motivation. Ce n’est qu’à ces conditions que celui-ci pourra développer un usage effectif du dispositif de formation. De manière générale, il s’agira de mettre en place une succession situations favorisant un usage actif du dispositif par l’apprenant. On peut à ce niveau faire les propositions suivantes : varier la forme et la nature des expériences proposées, veiller à adapter le rythme des activités aux contraintes et caractéristiques des participants, équilibrer les expériences les plus déconcertantes avec des périodes plus conventionnelles, tenir compte des différents styles des apprenants, ménager des périodes de repos (physique mais aussi psychologique ou social), varier le lien entre les expériences et la réalité sociale et professionnelle des participants afin que soit rappelée la question du transfert sans que pour autant elle ne prenne toute la place, etc. c) la logique socio-identitaire : une démarche de formation met également en jeu un processus de transformation sociale et identitaire pour les personnes, et les engage dans un processus de changement plus ou moins profond à ce niveau. Certains définissent d’ailleurs la formation à partir de cette notion d’acquisition de rôle social. Ainsi, pour de Ketele (1989), la formation est un processus d’apprentissage systématique en vue de l’exercice d’un rôle.

Page 27: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

27

En effet, la formation se situe toujours dans un rapport social au sein duquel un acteur social a conçu un processus de changement à destination d’un autre (Leclercq, 2007). Les expériences structurées proposées par le formateur auront donc inévitablement une résonance au niveau de l’identité sociale. Certaines seront adaptées ou pas à l’identité actuelle ou future des personnes, adaptée ou non à leur contexte social et culturel etc. L’enchaînement des expériences devra donc également tenir compte de cette dimension identitaire. Parmi les facteurs qui conditionnent la dimension sociale de la formation, on peut citer les enjeux organisationnels de la formation (qualification, promotion, …), les enjeux économiques de la formation, les enjeux psychosociaux de la formation (reconnaissance, récompense, sanction, …), la demande, la commande (qui demande quoi pour qui ? ). d) la logique groupale : la prise en compte de la dynamique du groupe constitue également un élément clé de la succession des expériences structurées. Comme le dit poétiquement Mucchielli (2006, p. 81) : telle l’énergie brute du torrent (…), l’énergie du groupe doit être captée pour devenir motrice de la formation. Sans nul doute, une connaissance en dynamique groupale est nécessaire pour appréhender cette dimension. Ainsi, il est fondamental qu’une situation pédagogique tienne compte des stades d’évolution ou de maturité du groupe tels qu’ils ont été décrits par exemple par Saint-Arnaud (1978), ou Tuckman (1965). Ainsi, de manière explicite, certaines expériences servent à fonder le lien groupal ou au contraire à préparer la dissolution de celui-ci. Plus généralement, les différentes expériences nécessitent plus ou moins, selon les cas, de confiance entre les membres du groupe, de réseaux de communications établis, de capacité d’élaboration, d’affinités, etc. Les fantasmes groupaux à l’œuvre sont également importants à considérer : la manière dont le groupe scénarise et imagine sa vie conditionne son entrée, ou le cas échant son refus d’entrer, dans certains dispositifs, lui permet ou non de se développer etc. On peut également citer les normes groupales, les phénomènes de leadership, la structure des rôles dans le groupe, la communication groupale, les mécanismes de prise de décision, les phénomènes identitaires. La question qui se pose au formateur, par rapport à cette logique est : de quelle dynamique ai-je besoin pour mener à bien mon micro dispositif, mais aussi mon méso et mon macro dispositif. Lors de la conception initiale comme lors des interventions de modification de la trame en cours de processus, le formateur sera donc amené à éclairer et définir ses choix relatifs à la mise en place des situations pédagogiques à la lumière de ces quatre logiques, à laquelle il devra ajouter une cinquième : sa propre position. En effet, les compétences dont dispose le formateur, son expérience dans le domaine ou relativement au contexte et au public, sa capacité à élucider certains types d’expériences plutôt que d’autres, sa capacité à manier certains matériels plutôt que d’autres ou encore le réseau qu’il peut mobiliser interviennent également dans le choix tant des expériences que de leur agencement au cours de la session. Huit exemples sont fournis dans le cours oral de réflexions sur des dilemmes pédagogiques par un raisonnement fondé sur les quatre logiques.

6.2. Le démarrage d’une session de formation (voir aussi Faulx & Delvaux, 2007)

Le démarrage d’une session de formation constitue un moment crucial et dont on peut estimer qu’il aura un impact fort sur la suite du travail mené avec un groupe.

Page 28: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

28

Pour Noyé et Piveteau (2002), le début d’une session est un moment particulièrement délicat, et si le démarrage se fait mal, c’est l’ensemble de la formation qui va en souffrir. Selon Delhez (1999), les premiers moments sont critiques en un double sens : ils témoignent d’une crise et ils sont annonciateurs de ce qu’il va se passer par la suite. De même, Karolewicz (1998), dans son ouvrage consacré à la pédagogie expérientielle, estime que la prise de contact lors d’une formation constitue un des moments les plus importants, et ajoute que si le formateur n’accorde pas de temps à cette phase, il connaît alors de nombreuses difficultés pour créer la confiance et mobiliser les participants sur une pédagogie par l’action qui nécessite un véritable engagement. L’enjeu pour le formateur est donc de mettre en place les conditions adéquates pour créer un climat psychosociologique favorable au bon démarrage de la session (De Ketele & al., 1995). A défaut, les auteurs estiment généralement qu’il n’est pas possible d’entamer un travail formatif en groupe. Ainsi, si la connaissance et la reconnaissance mutuelles ne sont pas suffisantes, il est impossible de demander au groupe, par exemple, de se prononcer sur une méthode ou de poser des choix, l’animateur ne recueillant à ce moment qu’une collection de choix individuels (Martin & Savary, 1998). En outre, la création d’un climat favorable est utile pour les individus, d’une part en mettant les participants à l’aise et en les réconfortant (Milenkowa et Stojkovski, 2007), d’autre part en facilitant la prise de risque (Pfeiffer & Jones, 1982). Ceci est d’autant plus crucial que les recherches démontrent qu’une bonne image de soi et une situation favorable à la prise de risque sont deux éléments qui favorisent généralement l’apprentissage (Undurraga, 1996). Le démarrage d’une session vise donc plusieurs gammes d’objectifs : créer de la confiance, faciliter l’implication, générer de la motivation, activer les connaissances ou représentations présentes chez les apprenants, créer du lien social entre les participants, … 6.1.1. Démarrer une session : schématisation de trois postures possibles a) Exercices médiateurs entre les présentations personnelles des participants Il existe de nombreux exercices et situations proposant des situations de présentation ou d’accueil (De Péretti, 1991 ; Hostie, 1974). Ils ont généralement pour objectif principal de permettre aux participants de faire connaissance, mais sont dépourvus d’un contenu signifiant : leur objectif est relationnel, et leur utilisation n’est pas guidée par les objectifs de la session. C’est ce que Milenkowa et Stojkovski (2007) appellent les exercices « brise glace ». De tels dispositifs pédagogiques sont conçus pour agir sur les relations interpersonnelles ou sur le climat groupal et servent de premier lien entre les participants. Ils apparaissent donc comme des médiateurs de la rencontre interpersonnelle et groupale.

Participant b Participant a

Dispositif pédagogique

Page 29: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

29

FIGURE 1 : exercice de présentation Ces manières de démarrer une session souffrent toutefois de quelques inconvénients. D’abord, une certaine lassitude peut s’installer quant à la répétition de situations de présentation classiques et souvent utilisées (De Perretti, 1991). Ces tours de tables s’avèrent souvent décevants, les participants s’en tenant aux aspects les plus basiques de la présentation tels que le nom, le fonction professionnelle et l’âge, par exemple. En outre, le fait de revivre de multiples fois la même situation, si elle génère un désinvestissement lié à l’effet de répétition, ne prémunit pas pour autant les participants des angoisses et inquiétudes inhérentes à la formation d’un nouveau groupe (Delhez, 1999). Les deux effets conjugués du manque de stimulation et de l’anxiété viennent ainsi aggraver les hésitations qui teintent inévitablement les premiers contacts d’un groupe (Pfeiffer & Jones, 1982). Or, dans la logique de l’échange réciproque, un des présupposés fondamentaux en formation des adultes (Barbier, 2007), on donne en fonction de ce que l’on reçoit. L’échange ainsi appauvri amène les participants à attendre l’étape suivante pour entrer dans la construction effective de la relation groupale et interpersonnelle. La création du climat favorable est reportée à plus tard… b) Exercices ou dispositifs médiateurs entre les représentations des participants Parallèlement à ces pratiques, les formateurs recourent régulièrement, lors du démarrage d’une session, à un ensemble de techniques d’animation ou exercices structurés destinés à faciliter l’expression des représentations, des attentes ou des craintes des participants. Les techniques métaplan, le Philips 6 X 6, les tours de table des attentes sont parmi les plus connus. Ces démarches sont également très importantes : l’expression des représentations constitue un élément fondamental des méthodes de formation d’inspiration psychosociale (Jobert, 2003), et souvent conseillé pour commencer une session (Karolewicz, 1998). Dans ce cas, l’exercice sert de médiateur entre les représentations des participants. FIGURE 2 : dispositif centré sur les représentations On gardera toutefois à l’esprit que les véritables attentes ou représentations profondes sont souvent inconscientes ou confuses, ce qui restreint les possibilités d’utilisation de ce type d’exercice à des conditions très particulières (Delhez, 1999). c) Exercices médiateurs entre les présentations personnelles et les représentations Enfin, il existe un ensemble d’exercices structurés et de techniques d’animation qui poursuivent conjointement des objectifs liés à la présentation des participants et à l’échange

Représentation x Représentation y

Dispositif de démarrage

Page 30: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

30

des représentations. Ces dispositifs tentent donc d’opérer une liaison entre un objectif relationnel (faire connaissance, instaurer une dynamique de partage interpersonnel, faciliter la prise de risque) et un objectif de contenu (sensibiliser sur une thématique particulière, faciliter la prise de conscience de certains mécanismes, faciliter l’expression de résistances quant à certaines thématiques ou expériences). Ils sont moins courants dans la littérature, toutefois, on en trouve quelques-uns dans Pfeiffer et Jones (1982) ou chez Delhez (1989). La situation ainsi créée peut dès lors être considérée comme un médiateur qui opère trois types de liaisons. Tout comme les deux dispositifs précédents, de telles expériences structurées opèrent comme objets médiateurs d’une part entre les participants, et d’autre part entre les représentations. Elles génèrent également un troisième type de lien qui consiste en une médiation entre la présentation des personnes et leurs représentations du sujet, puisque les participants sont amenés à se présenter d’une manière qui a « quelque chose à voir » avec le contenu. Tout le défi du formateur sera de trouver ce point de liaison entre rencontre des personnes et de leurs représentations sur le sujet. Exemples : formation au travail en équipe, formation à la communication pour inspecteurs, … FIGURE 3 : exercice structuré médiateur entre les représentations et les personnes

6.2. La fin de la session Terminer une session de formation constitue un autre moment important. De plus en plus souvent, des questionnaires d’évaluation sont soumis aux participants. L’évaluation de la session constitue effectivement une tâche cruciale, et qui a pris de plus en plus d’importance aujourd’hui pour les formateurs. Toutefois, terminer une session de formation suppose aussi permettre aux participants de boucler l’expérience formative. C’est également un moment au cours duquel les transferts sur le terrain peuvent être envisagés. En effet, comme le montre Bourgeois (p.30), pour qu’il y ait transfert, il faut que celui-ci se prépare durant l’apprentissage.Enfin, les processus individuels et groupaux tels que le deuil du groupe par

Représentation x Représentation y

Participant b Participant a

Dispositif de démarrage

Page 31: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

31

exemple, doivent être pris en compte. A ce titre, divers exercices existent pour faciliter ces différentes démarches. Tout comme pour les exercices de démarrage, ils peuvent être liés au contenu de la session. On peut aussi les articuler l’après formation, afin de faciliter le transfert par diverses techniques qui opèrent un pont entre l’action de formation et l’activité de terrain.

7. La gestion du dispositif de formation

Comme le dit G. Leclercq (2007), la conception se poursuit dans l’usage. Cette idée exprime bien que le dispositif n’est pas conçu une fois pour toutes avant l’action de formation. Au contraire, la conception continue de s’exprimer tout au long du déroulement de l’action. Le dispositif n’est pas statique, il est au contraire évolutif, notamment dans une logique de co-construction avec les usagers. Cela signifie également que les usagers reconfigurent également le dispositif, en participant à la fonction de conception. Cette idée est très présente dans les approches socio-constructivistes, ainsi que l’affirme Montandon (2002, p. 12), Avec le modèle transmissif, c’est de cours magistral qu’il s’agit, la notion de dispositif n’a pas lieu d’être. Avec le modèle comportementaliste, issu d’une conception behavioriste de l’apprentissage, le dispositif prend une acception technique, d’instrument d’exécution au service d’objectifs définis préalablement, indépendamment des acteurs qui l’utiliseront comme outil d’acquisitions graduelles de connaissances. Le modèle socio-constructiviste d’une pédagogie des groupes interactive refuse de faire du dispositif un simple objet technique, un simple outil, neutre, institué et statique, en postulant que les acteurs, et les objectifs qu’ils se donnent font partie intégrante du dispositif ; c’est récuser une conception technique au profit d’une conception systémique. C’est dénoncer une conception techniciste, réductionniste, qui décompose, cloisonne les différentes étapes des apprentissages sans envisager les rétroactions, le poids des interactions entre les apprenants et la tâche, et les ajustements inévitables qui s’ensuivent si les enseignants tiennent compte du feed-back que leur renvoient ces interactions. Selon cet auteur, les apprenants sont engagés dans une démarche de construction de leur savoir, notamment par l’espace de liberté qui se crée autour des consignes, car « tout est dans l’interprétation ». Pour Jacquinot (2004), le dispositif est un « concept de l’entre-deux », entre sujet et objet, entre liberté et déterminisme à travers les logiques d’usage.

La théorie des incidents critiques et les questions déontologiques sont deux bonnes manières d’aborder cette activité continue de conception qui se joue avec les usagers et les concepteurs.

7.1. La théorie des incidents critiques Le concept d’incident critique est utilisé aujourd’hui dans de nombreux domaines : ergonomie, aéronautique, architecture, médecine, domaine militaire, gestion des ressources humaines, et bien sûr en éducation (Kennedy & Wyrick, 1995 ; Loiselle, St-Louis, & Dupuy-Walker, 1998; Nott & Wellington, 1996). La théorie des incidents critiques est applicable aussi bien à des contextes de groupe qu’à des contextes individuels. L’incident critique peut se manifester au niveau personnel, interpersonnel, groupal, organisationnel. L’extrait d’une interview de formateur suivant va nous permettre de positionner le débat autour de l’incident critique. Nous ce qu’on entend par incident critique au sein de la

Page 32: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

32

formation, c’est des choses auxquelles on avait absolument pas pensé mais qu’il faut gérer sur place et qui souvent peut poser problème à long terme. Pour d’autres formateurs, l’incident critique peut être simplement quelque chose d’imprévu point. Le débat est lancé entre une vision « normative » de l’incident critique (ce qui dérange) et une vision « événementielle » (ce qui est imprévu).

Dans la première vision, l’incident critique est considéré comme un événement négatif, assimilé à une transgression, subie par le professeur, porteur de conflit, perturbant l’apprentissage et auquel il faut apporter une régulation afin de repositionner le dispositif initialement prévu. Ainsi, Légault propose la définition suivante de l’incident critique: "le formateur devra considérer comme critique, toute situation ou tout comportement qui dérange l'apprentissage des formés ou du formateur" et explique: "qu'il faut absolument bien interpréter la situation et distinguer entre une situation qui dérange l'enseignement et/ou l'apprentissage et une autre qui dérange l'ego, l'orgueil du formateur. Une mauvaise interprétation de la situation contribuera à créer inutilement un conflit." (1993, p. 15) Selon Feirreira (1995, p. 355), l’incident est ''1. Ce qui « incide », arrive, survient; 2. (...) 3. Circonstance accidentelle; épisode.", tandis que critique signifie "4. Grave, dangereux. 5. Embarrassant, difficile, dangereux." Ainsi, incident critique signifie "une circonstance accidentelle embarrassante, difficile et dangereuse." Pour Gordon,

"un incident critique est tout événement qui peut remettre en question la relation formateur/formés et, s'il n'est pas géré, engendrer un conflit plus grave. Entrer en conflit signifie que deux éléments contraires ou opposés s'affrontent, luttent, se heurtent. Entrer en conflit avec quelqu'un veut dire qu'on lui exprime son opposition, qu'on entre en lutte avec lui. Un seul et même motif engendre le conflit: un des deux opposants signifie à l'autre: "ce que vous faites (ou ne faites pas) m'empêche de vivre agréablement et de satisfaire mes besoins."(1982, p. 243-247)

Les définitions qui suivent relèvent plutôt de la deuxième conception. Simon (1993, p. 50) comprend qu'incident critique

"est toute situation, action, parole ou comportement des participants qui a pour effet de modifier peu ou prou la dynamique du groupe. Il y a un incident critique à chaque fois que le groupe a changé d'orientation. L'animateur (ou le professeur) y fait face par une intervention. Il n'est donc pas l'auteur du changement en cours, mais il peut par son intervention, proposer une direction à suivre."

Pour Cohen et Schmidt (1976, p. 114) :

"un incident critique est une situation à laquelle le professeur est confronté quand un ou plusieurs membres de la classe attendent de lui une opinion, une décision ou une action implicite ou explicite. Ce peut encore être une conversation, un conflit entre des élèves, un événement qui survient, une période de silence ou une attente ou une demande qui se manifeste à l'égard du professeur. La propriété essentielle

Page 33: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

33

d'un incident critique est que le professeur le juge assez important pour envisager consciemment et explicitement d'agir d'une façon particulière, supposé avoir un effet déterminant sur le groupe."

Flanagan (1954, p. 166) définit ainsi l'incident critique:

"Par incident on comprend toute l'activité humaine observable, assez complète, pour qu'à travers elle on puisse faire des inductions ou des prévisions sur l'individu qui réalise l'action. Pour être critique, un incident doit avoir lieu dans une telle situation où la fin ou l'intention de l'action semble assez clair à l'observateur et que les conséquences de l'action soient évidentes".

On voit ici que l’approche est plutôt phénoménologique : l’incident critique est « quelque chose » qui se produit, une « événement » au sens de rupture de la trame habituelle des faits. L’apport de l’approche instrumentale (Rabardel) sur ce point est intéressante à mentionner. Les tenants de cette approche se sont interrogés sur le mode d’utilisation d’un artefact, par exemple une machine ou un dispositif de formation. Ils se rendent compte que les personnes ne les utilisent généralement pas comme prévu. A partir de ce constat (les usagers n’utilisent pas le dispositif comme prévu), on voit une première manière d’aborder les choses : considérer qu’il s’agit d’un détournement. Il faudrait alors réguler ou rectifier et ramener au bon usage du dispositif de formation ou d’enseignement. Deuxième manière de voir les choses, on considère que les usagers inventent des usages, et que les systèmes doivent être ouverts pour permettre leur évolution. On peut notamment signaler le concept de «catachrèse », qui désigne l’invention de nouveaux usages par les utilisateurs (Falzon, 2005). Les tenants de l’approche instrumentale proposent également la notion de « genèse instrumentale », c’est-à-dire que, en se plaçant du point de vue du sujet, on voit comment le sujet génère un usage particulier. Ceci a des implications sur la manière dont on voit la régulation d’un dispositif de formation. A ce sujet, Philippe Astier pose les questions suivantes, adaptées aux situations de formation : plutôt que de se situer dans une approche forcément régulative (qui voudrait que l’on replace les personnes « dans les clous ») quels sont les éléments intouchables du dispositif ? Qu’est-ce qui peut être utilisé d’une manière pas nécessairement prévue par les concepteurs ? Ceci débouche sur la conception d’un dispositif comme une base d’usage multiple, tout comme il signale que les objectifs de formation sont systématiquement l’objet d’une réappropriation par les apprenants. On se trouve alors proche de ce que Falzon (2005) désigne comme une approche développementale – constructiviste de la conception : « La conception est alors vue comme un processus d’apprentissage mutuel des concepteurs et d’utilisateurs précoces : les premiers découvrent les contraintes d’usage, les seconds transforment leurs pratiques ». Avec une approche non normative, on pourrait alors considérer que, de manière générale, les incidents critiques recouvrent les caractéristiques suivantes :

Page 34: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

34

Imprévu

rupture par rapport à la trame habituelle de l’entretien

déstabilisant

suscitant des émotions et une gestion au niveau relationnel

nécessitant une réaction

à la fois sur le contenu et la relation

constituant un tournant

La manière de le gérer va déterminer la suite

dépendant du contexte et des personnes

il n’existe pas d’incident critique en soi

porteur de sens il constitue la cristallisation des rapports dans l’entretien à ce moment-là

généralement répétitif

il se produit plusieurs fois sous des formes différentes

pas nécessairement spectaculaire

sous forme métaphorique ou allégorique, souvent inconsciente

On peut ajouter que l’incident critique :

� n’est pas nécessairement un événement négatif. Il est, en outre, une occasion de progresser dans l’entretien, de définir de nouveau rapport.

� aide à prendre conscience des processus sous-jacents qui se jouent à ce moment. � peut venir soit du formateur (rire, « gaffe », …), soit du formé (agression, demande de

clarification, larmes, refus, …). � est donc un acte de communication généralement inconscient ou préconscient. Il

n’arrive donc pas « par hasard ». L’hypothèse est donc qu’ils sont toujours signifiants. � donne « plusieurs chances », c’est-à-dire que si l’incident critique n’est pas géré

comme il l’aurait souhaité, celui-ci se présente plusieurs fois jusqu’à ce que le formateur le décode

� est un phénomène présent en situation de formation, mais aussi en entretien, en animation de groupe, en intervention, … Il est un révélateur (un analyseur) qui permet de débusquer les tensions à l’œuvre dans un système. Il est présent dans toutes les relations humaines et leur donnent l’occasion de se transformer, de se développer (exemples : adolescence est faite d’incident critique qui amènent parents et enfants à redéfinir des nouveaux rapports de pouvoir et de communication, disputes dans les couples, etc.).

Analyse de cas (1) sur la question du méta dispositif : taisez-vous, on fait silence Analyse de cas (2) sur l’inconscient du formateur : les mâles du groupe Analyse de cas (3) Colonster et l’oppression du peuple Analyse de cas (4) Vous, vous êtes payés

Page 35: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

35

Analyse de cas (5) Recherche désespérément des ouvriers agricoles Analyse de cas (6) Une pomme pour deux Analyse de cas (7) Cachez ce visage Les questions suivantes permettent d’appréhender et d’interpréter un incident critique.

� Quel est l’incident critique ? � En quoi est-ce un incident critique ? � Quel en est le sens ? � Quel objectif pour le gérer ? � Quelle stratégie a été utilisée ? � Quel impact ? � Quelles autres stratégies possibles?

Sur le plan de la formation du formateur et de l’amélioration continue des dispositifs, ceci est porteur d’implication dans la mesure où les incidents critiques constituent une occasion de progrès et de formation non négligeable. Ainsi, dans le champ de l’apprentissage humain, le mot expérience recouvre deux acceptions (Karolewicz, 1998) : (1) l’expérience que l’on a « acquise », constituée d’un ensemble de savoirs, comportements, capacités, croyances, représentations, peurs, … accumulés au fil des années ; (2) l’expérience que l’on « vit », et qui résulte du fait d’expériencier, intentionnellement ou non, un changement, et à partir de laquelle on pourra éventuellement élaborer un travail réflexif afin d’en stimuler le potentiel d’apprentissage. Entendu selon ce deuxième sens, on peut dire que les formateurs et les enseignants font régulièrement « l’expérience » de l’inattendu, du déconcertant, du déroutant parfois, lorsqu’ils mènent leurs actions et que ce qu’ils avaient anticipé ne se concrétise pas dans la réalité. Cela peut être le fait des apprenants, qui ne se comportent pas comme prévu, mais aussi d’autres usagers du dispositif de formation : managers, responsables hiérarchiques, commanditaires de formation,… Ces situations, que nous regrouperons sous le terme générique d’incidents critiques, comportent un potentiel d’apprentissage indéniable et constituent des occasions précieuses de (re)penser l’ingénierie de formation, pour autant que l’on développe des ressources conceptuelles et méthodologiques qui viennent soutenir la capacité à « penser l’impensé » (Faulx & Leclercq, 2009). 7.2. Ethique et formation

La pratique de la formation d’adultes soulève également des questions morales, déontologiques et éthiques. La question éthique implique de s’interroger sur la question du pouvoir dans la relation pédagogique et la transmission du savoir ; à s’interroger sur son rôle et sa volonté de puissance. Il s’agit de se situer, de savoir qui on est, ce qu’on transmet et au nom de qui ou de quoi on le fait. L’environnement actuel oblige à repenser les valeurs de la formation, dans un champ ou l’économie domine. Les enjeux et les logiques économiques s’imposent aux acteurs de l’éducation qui y étaient plutôt étrangers (Lenoir, 1998). Le fait que l’on soit passé de l’éducation populaire (années 60-70) à l’éducation tout au long de la vie a changé la donne. Derrière ce terme, on entend le plus souvent formation professionnelle. Dans un environnement concurrentiel, la formation se doit d’être rentable (Mosconi, 1998).

Page 36: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

36

La question que l’on peut se poser, dans une logique d’interrogation éthique, est quel maître et quels intérêts suis-je en train de servir. Une telle réflexion éthique est étroitement liée à la réflexion identitaire : derrière les choix éthiques se nichent des choix identitaires. (Lenoir, 1998). Les problèmes éthiques apparaîtront lorsque l’on hésitera, lorsque l’on se demandera : que dois-je faire ? - pragmatiquement : on s’interroge sur la conformité de l’action au but que l’on s’était

fixé et sur l’adéquation des moyens - éthiquement : on s’interroge sur la nature du bien à poursuivre - moralement : on s’interroge sur la justice (Mosconi, 1998). Or, l’activité de formation d’adulte est en perpétuelle tension éthique entre l’idéal pédagogique et l’exigence du contexte, entre le désir de faire partager et la possibilité institutionnelle d’offrir. Enfin, entre la volonté et la résistance des apprenants (Lenoir, 1998). Dapouey voit quatre risques pour la personne en formation. Tout d’abord, le fait que la formation soit conçue comme une série d’épreuves à réussir pour préserver sa place. Illustration vidéo : riens du tout. Ensuite, le fait que le formateur veuille agir sur la personne, notamment sur des dimensions les plus intimes. Quelles sont alors les limites et les légitimités ? Troisièmement, la formation professionnelle peut être utilisée, paradoxalement ; comme préparation au non- travail. Enfin, le risque de professionnels peu formés ou peu ayant des intentions confuses.

Analyse de cas (2) sur un problème déontologique : ne dites pas que je vous l’ai dit

8. L’évaluation

La question de l’évaluation des formations est devenue aujourd’hui centrale en formation des adultes, en particulier pour les formations en contexte professionnel. L’évolution sociale, économique ou encore idéologique de nos sociétés ayant fait de la formation un enjeu de la performance des organisations (Lenoir, 1998 ; Dominicé, 1994), cele-ci tend de plus en plus à être considérée comme un investissement (Palazzeschi, 1999). Il est dès lors assez logique que la question de l’évaluation se pose. Par ailleurs, l’évolution des pratiques professionnelles des formateurs suppose également que ceux-ci soient en mesure de se poser des questions sur la qualité de leurs dispositifs, ce qui confère une autre nécessité de l’évaluation : celle de l’amélioration continue des formations et de la professionnalisation de ses acteurs. De manière générale, évaluer signifie mettre en place une procédure de récolte de données réfléchie, qui permet d’obtenir des résultats fiables et interprétables dans un objectif précis. Comme toute procédure de recherche, celle-ci implique des choix : Quel est l’objectif visé ou pourquoi évaluer ? A qui s’adresse l’évaluation ou pour qui évaluer ? Qu’est-ce qu’on évalue ? Comment évalue-t-on ? Comment se positionner en tant qu’évaluateur ?

Page 37: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

37

8.1. Pourquoi évaluer ? Stufflebeam, Madaus & Kellaghan (2000) distinguent une vingtaine d’approches de l’évaluation, qui toutes drainent leurs propres présupposés idéologiques et épistémologiques. Certaines sont descriptives et cherchent à interpréter le fonctionnement d’un programme de formation (comment et pourquoi ça marche – ou pas) ; d’autres ambitionnent au contraire de mesurer et de prédire le succès, le fonctionnement d’un dispositif de formation. Certaines sont orientées vers la prise de décision, tandis que d’autres revêtent un caractère davantage expérimental. D’autres continuums sont également envisagés : réductionnisme vs holisme, production de connaissances vs production d’expérience, etc. On peut ainsi décider d’évaluer pour produire de la connaissance, pour améliorer le dispositif, pour évaluer le rapport coût/bénéfice, pour justifier, pour critiquer, pour récompenser, etc. Toujours selon Stufflebeam & al. (2000), les approches tournées vers l’amélioration, et plus particulièrement vers la prise de décision, sont des approches à privilégier. Il s’agit en quelque sorte du prolongement de tout un courant qui, depuis les années ’70, propose une approche pragmatique de l’évaluation : les résultats d’une évaluation doivent être utiles et servir aux prises de décision en vue d’adapter et d’améliorer le dispositif de formation. Selon Guttendag (1977, p. 59), l’évaluation vise à savoir comment procurer une information utile aux décisions qui peuvent être prises par des groupes hétérogènes, à propos de services humains à adapter, à propos de ce qui doit être changé ou arrêté. Dans le même esprit, Patton (1978, p. 24) indique que les résultats de l’évaluation doivent avoir un effet immédiat concret et observable sur des décisions et activités du programme (de formation). Stufflebeam & Shinkfield (1984) se sont plus spécifiquement penchés sur les processus de décision. Ils envisagent 4 grands types de décisions qui peuvent être influencées par les résultats d’une évaluation : la planification, la structuration, l’application, et la révision. Ils en tirent un modèle pour l’évaluation : le CIPP Model (Context – Input – Process – Product). � Voir article de Stufflebeam (2000) dans le dossier de lecture, en particulier le tableau 1, p. 302.

8.2. Pour qui évaluer ? Excepté dans un contexte expérimental pur, l’évaluateur intervient à la demande d’un ou plusieurs intervenants du dispositif de formation :

- le formateur/animateur, qui souhaite par exemple bénéficier d’un regard extérieur sur sa pratique ou son dispositif, ou encore obtenir une certification ;

- le gestionnaire du projet, qui souhaite par exemple mesurer l’efficacité du programme de formation qu’il a mis en place ;

- le commanditaire, qui souhaite par exemple s’assurer l’adéquation de la rencontre entre les besoins, les objectifs et les résultats ;

- le bailleur de fonds, qui souhaite par exemple s’assurer de la rentabilité de son financement

- … L’outil « cartographie des acteurs » présenté dans le chapitre 9 de ce syllabus peut-être utile pour identifier les différents intervenants susceptibles d’être intéressés par (ou impliqués dans) une évaluation, en fonction de leurs objectifs et attentes.

Page 38: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

38

8.3. Evaluer quoi ? Un projet de formation des adultes ne se résume pas à une séquence de formation. De nombreux acteurs (et pas seulement le formateur et les apprenants) interagissent pour lui donner vie. Ces acteurs évoluent dans un environnement particulier, poursuivent des objectifs divers, et opèrent des choix stratégiques pour les atteindre. De plus, les attentes de ces acteurs peuvent varier au fil du temps. Aussi, nous préconisons d’avoir une véritable vision systémique d’un projet de formation. Nous allons distinguer plusieurs éléments sur lesquels peut porter l’évaluation. 8.3.1. L’environnement (contexte) du projet Tout projet de formation s’inscrit dans un environnement qui le contraint, lui offre des ressources, des circonstances favorisantes ou défavorisantes. On peut distinguer plusieurs niveaux de l’environnement :

- le micro-système : là où le projet se développe concrètement - le macro-système : environnement global dans lequel prend place le projet - le méso-système : acteurs plus éloignés qui peuvent intervenir comme facteurs

facilitant et/ou bloquant un processus de formation - le péri (ou exo)-système : éléments qui n’intègrent pas directement le projet, mais qui

peuvent l’influencer. L’évaluation peut ainsi porter sur l’analyse de cet environnement, à savoir les interactions entre ces différents niveaux, les contraintes imposées par chacun de ces niveaux sur le projet de formation. Cet aspect sera plus longuement abordé dans les cours « Analyse des systèmes et des politiques en matière de formation d’adultes » et « Analyse des contextes de formations d’adultes ». 8.3.2. La problématique Lorsqu’un projet de formation est initié, c’est, en général, en vue de répondre à un « problème » posé. Ce « problème » constitue la justification explicite du projet. Les besoins de formation sont multiples, et peuvent être macro ou micro sociaux (ex. : réduire le chômage, lutter contre l’illettrisme, diminuer le nombre d’accidents de travail dans une entreprise, etc.). Ces besoins sont tantôt clairement exprimés dans des documents officiels, tantôt exprimés de manière implicite. Comme on peut l’imaginer, plusieurs options sont possibles pour répondre à un besoin de formation, qui toutes drainent des enjeux, des références et des idéologies différentes selon les personnes qui les proposent (voir notamment chapitre 9). Comme le soulignent Roegiers, Wouters & Gérard (1992), la perception d’un besoin est toujours subjective. Il s’agit d’une construction mentale à trois niveaux : le besoin comme problème (c’est la représentation de la situation actuelle), le besoin comme souhait (c’est la représentation de la situation attendue), et le besoin comme action à mener (c’est la représentation des perspectives d’action). Un projet de formation peut ainsi être considéré comme un projet de changement, la formation étant un moyen de transformer une situation de départ jugée problématique.

Page 39: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

39

Aussi, l’évaluation peut porter sur l’analyse critique et comparative des problèmes, souhaits et actions envisagées, en tentant de faire émerger les stratégies et enjeux des différents acteurs concernés.

Page 40: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

40

Outil 1: La figure 1 propose une façon de visualiser les composantes d’un système de formation, sur base du modèle systémique de l’innovation adapté des travaux successifs de Depover et Strebelle (1997), Strebelle, Depover, Stylianidou, & Dimitracopoulou (2003), et de Daele, Houart, et Charlier (2000). Dans ce modèle, on distingue des intrants (inputs), des extrants (outputs), et un processus de transformation. On peut y faire correspondre les trois niveaux de représentation du besoin de Roegiers et al. (1992) mentionnés précédemment. Les intrants sont en quelque sorte les caractéristiques initiales de la situation de départ (qui correspondent à la représentation du besoin comme problème) ; les extrants sont les finalités attendues du système (qui correspondent à la représentation du besoin comme souhait). Entre les deux se déroule le processus de transformation des intrants en extrants (la « boîte noire », qui correspond à la représentation du besoin comme action à mener).

Micro

-

système

Méso

-

système

Macro

-

système

Péri

-

système

INTRANTS

Micro-système Méso-système Macro-système Péri-système

EXTRANTS

PROCESSUS D’INNOVATION

Page 41: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

41

Figure 1. Visualisation d’un système de formation. D’après : Depover et Strebelle (1997), Strebelle, Depover, Stylianidou, & Dimitracopoulou (2003), et Daele, Houart, et Charlier (2000). Illustration : représentation du système de formation e-WOCCQ. 8. 3.3. Les objectifs La question : « le projet de formation a-t-il atteint ses objectifs ? » est probablement la question la plus évidente que l’on peut se poser dans le cadre d’une évaluation. Y apporter une réponse est loin d’être aisé, et ce pour plusieurs raisons : les objectifs sont multiples et de nature diverses ; ils peuvent être explicites ou latents ; pour un même projet de formation, ils diffèrent selon les acteurs (formateur, participants, commanditaire, etc.) ; ils évoluent en cours de projet, pour s’adapter à la dynamique de formation. Aussi, Sensi (1990) propose de mettre en évidence les relations et/ou les tensions existant entre les besoins, les objectifs et les résultats, sachant que, en pratique, ces trois dimensions ne se rejoignent bien souvent que partiellement (Fig. **).

Figure ** : relations entre besoins, objectifs et résultats (d’après Sensi, 1990).

Illustration (Sensi, 1990) : Dans un projet de formation de jeunes enseignants chômeurs à la rédaction de scénarios de films éducatifs, les besoins sociaux affirmés étaient les suivants : 1) le chômage des jeunes enseignants, 2) le développement de la formation permanente par la télévision, et 3) le besoin en émissions éducatives qui tiennent compte de la spécificité du média télévisuel et qui sortent du didactisme de la télévision scolaire. Les objectifs officiels étaient : 1) former des jeunes enseignants chômeurs à la pédagogie des moyens audio-visuels, à l’écriture de scénarios, aux NTIC, à la problématique de la téléformation par le câble, et 2) 2/3 des enseignants formés doivent trouver un emploi dans les 6 mois qui suivent la formation. Les résultats ont été : 1) 10 jeunes enseignants capables de rédiger individuellement un scénario de film éducatif, 2) aucun d’entre eux n’a été engagé dans un organisme de téléformation car il n’en n’existe pas, et 3) aucun scénario n’a pu être concrétisé faute de moyens. Si l’on s’en tient à ces considérations explicites, les 3 ensembles ne se recouvrent pas. Si la priorité est placée sur l’emploi à court terme, il s’agit d’un échec. Par contre, si l’apport d’un « plus » dans le CV et la pratique de futurs enseignants est considéré comme important, alors on pourra parler de réussite.

8.3.4. Le design pédagogique L’évaluateur peut observer les actions, options, choix qui ont donné vie à un « service de formation », autrement dit évaluer le design pédagogique. Il peut s’agir des méthodes et

Page 42: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

42

techniques de formation, des outils, de la durée, de l’environnement physique. Voici quelques outil et grilles de lecture.

a. La triple concordance Toute situation d’apprentissage devrait idéalement respecter le principe de la triple concordance (Tyler, 1950) entre :

- les objectifs de formation et les méthodes d’apprentissage - les objectifs de formation et les conditions d’évaluation - les conditions d’évaluation et les méthodes d’apprentissage.

Cette question étant abordée dans plusieurs cours de pédagogie figurant au programme, nous ne la développerons pas ici.

Illustration : cours d’histoire sur la vie de Napoléon

b. Pertinence des méthodologies et techniques de formation Il existe diverses techniques et méthodologies de formation (cf. cours de « Méthodologie de la formation des adultes ») : sessions de groupe, formation en alternance, tutorat, communautés de pratiques, etc. Toutes répondent à des principes méthodologiques et pratiques propres (ex. : principes pour le coaching collectif selon Louart) et doivent être choisies en fonction de l’objectif de formation visé. Un autre axe d’évaluation consiste donc à observer l’application des principes de formation utilisé et leur pertinence par rapport aux objectifs.

c. L’isomorphisme

On peut également aborder l’évaluation d’une situation de formation à partir du principe d’isomorphisme, en particulier dans le cadre d’une formation d’adultes où il faut transmettre une connaissance non seulement intellectuelle, mais aussi expériencée. Il s’agit alors de vérifier l’adéquation entre les concepts et techniques enseignés et la méthode de formation utilisée.

d. Décrire et évaluer l’innovation L’innovation est souvent annoncée quand apparaît un nouveau service ou produit sur le marché. La formation n’échappe pas à cette tendance, notamment lorsqu’elle fait appel aux NTIC. Il peut être intéressant de la décrire, d’une part, et de l’évaluer, d’autre part. Pour décrire un service de formation innovant, la représentation que proposent Gallouj et Weinstein (1997) d’un service peut être intéressante. Un service (par exemple de formation) est le résultat d’un ensemble de caractéristiques ou de compétences mises en correspondance : compétences du prestataire (ex. le formateur), compétences du bénéficiaire (ex. le participant), caractéristiques techniques matérielles et immatérielles (ex. supports de formation, les techniques et méthodes de formation). Innover, c’est ainsi modifier un ou plusieurs éléments des différents pôles, par exemple : passer du présentiel à l’e-learning, modifier les ressorts d’apprentissage par l’introduction d’une nouvelle technique (ex. le jeu),

Page 43: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

43

etc. Il existe différentes façon d’innover (innovation radicale, innovation de recombinaison, etc.). Ces différentes formes sont décrites par Gallouj (2003).

Figure **: Représentation d’un service comme un ensemble de caractéristiques et de compétences (Gallouj & Weinstein 1997) La notion de plus-value (Perrin, 2004) est quant à elle utile pour évaluer une innovation. En effet, comme tout changement, l’innovation est génératrice de coûts et de bénéfices qu’il convient de mettre en vis-à-vis pour présumer son l’efficacité et de sa plus-value (Bonamy & Charlier, 2003). La valeur d’un service peut s’exprimer sous forme d’un rapport coûts/bénéfices. Dès lors, innover consiste à construire les deux faces d’un nouveau produit (service) afin que la valeur soit plus importante que celle de produits/services déjà disponibles (Perrin, 2004, p. 51). Deux solutions sont possibles : augmenter le poids de la face fonction/valeur, ou diminuer celui de la face artefact/coût. Les bénéfices et coûts peuvent être de natures diverses : financiers, temporels, techniques, cognitifs, sociaux. Illustration : coûts et bénéfices de l’e-WOCCQ 8.3.5. Les acteurs L’évaluation peut porter sur les acteurs de la formation, c’est-à-dire les participants et/ou le formateur, l’animateur : quels sont les comportements des personnes, comment se déroulent les relations entre les personnes, comment l’animation est-elle assurée, etc. Par exemple, on peut analyser la posture du formateur, à l’aide de grilles telles que celle de Martin & Savary (1996) ou Leclerc (1999). Ces grilles ont été développées dans le cadre du cours de « Méthodologie de la formation des adultes ». On peut également procéder à une analyse du comportement ou de l’activité du formateur dans certaines situations. Ainsi, on peut par exemple étudier la manière dont il gère les incidents critiques ou la façon dont il interagit avec les apprenants, parfois à son insu. Illustration : analyse des professeurs de natation par Saury & Gal Petifeux (2003). 8.3.6. Les résultats Les 4 niveaux de Kirkpatrick (1998, 2007) sont un standard de l’évaluation des formations. Il préconise d’évaluer :

- Niveau 1 : la réaction des participants, via des questionnaires de satisfaction. Certains auteurs proposent de distinguer 3 dimensions de la satisfaction (Warr & Bunce, 1995 ; Warr, Allan & Birdi, 1999) : l’amusement (ex. « La formation était amusante »), la difficulté (ex. « J’ai trouvé ce cours difficile à suivre ») et l’utilité (ex. « Ce cours était en lien direct avec mes besoins professionnels »).

Page 44: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

44

- Niveau 2 : l’apprentissage réalisé en fin de parcours de formation. Il existe plusieurs façons de mesurer cet aspect : échelles de mesure auto-rapportée (ex. « J’ai le sentiment d’avoir développé mes compétences grâce à cette formation »), pré-test/post-test, comparaison avec un groupe contrôle.

- Niveau 3 : les comportements, ou ce que l’on appelle plus globalement le transfert

des acquis de formation. Aujourd’hui, cette dimension est particulièrement prisée dans la mesure où l’on exige une certaine rentabilité des activités. Or, il est maintenant connu que seul un faible pourcentage (entre 10 et 15%) des compétences acquises sont réellement transférées sur le terrain. En général, on préconise de vérifier le transfert sur le terrain 6 à 8 semaines après la formation. Il n’est pas toujours aisé de mesurer cette dimension. Plusieurs pistes sont envisageables : on peut recourir à des échelles de mesure auto-rapportée générales (ex. : « J’ai pu appliquer ce que j’ai appris dans mon travail »), construire des référentiels de compétences ou de comportements où le participant doit indiquer la fréquence à laquelle il a adopté chaque compétence/ comportement, réaliser des interviews croisées du participant et de son entourage, etc.

- Niveau 4 : les résultats finaux, le ROI – Return On Investment (ex. : suite à une

formation à la gestion du stress, est-ce que le niveau de stress des salariés a baissé ou pas).

� Voir article de Kirkpatrick (2007) dans le dossier de lecture, en particulier le schéma de planification d’une évaluation, p. 11.

8.5. Comment évaluer ? Après avoir déterminé l’objet (évaluer quoi ?), le destinataire (évaluer pour qui ?) et l’objectif (évaluer pourquoi ?) de l’évaluation, il s’agit de mettre en place une méthode de collecte de données, comme pour n’importe quelle recherche. Ces méthodes, abordées dans le cours de « Questions de recherche en formation des adultes », peuvent être :

- des questionnaires - des interviews - des observations - des analyses de documents - des analyses de traces - des analyses d’activité - …

8.6. Comment se positionner en tant qu’évaluateur ? L’évaluateur peut être externe au projet de formation ou interne (l’auto-évaluation étant une figure particulière). La position de l’évaluateur, mais aussi sa renommée, son statut, etc. peuvent avoir des implications en termes de :

- légitimité aux yeux des différents acteurs

Page 45: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

45

- choix des méthodes et du déroulement de l’évaluation (ex. : pour des raisons de temps, de ressources, d’expertise).

Comme le souligne Sensi (1990, pp. 39-40), le poids de la proposition de l’évaluateur est fonction de sa situation sociale, de ses enjeux, de ses atouts, des risques qu’il encourt. Le choix d’un évaluateur n’est jamais innocent, il doit être capable d’un bon diagnostic de sa position, et, en tout cas, il doit savoir pourquoi il est là. Voici deux illustrations, tirées de Sensi (1990), qui montrent à quel point la position de l’évaluateur est importante pour une réelle négociation entre la demande du « client » et la proposition de l’évaluateur.

Illustration a (Sensi, 1990) : Dans le cadre d’un programme européen, un projet était évalué pas un des plus grands spécialistes de l’évaluation. Le spécialiste et ses collaborateurs avaient été choisis par les commanditaires européens. Le contrat permettait de payer un membre de l’équipe mais la survie de l’évaluateur de renommée mondiale n’en dépendant pas puisque son traitement était assuré par l’Université dans laquelle il professait. Sans aucun doute ce spécialiste se situait dans une position de force incomparable lors de la négociation du contrat. Son poids scientifique engendrait une acceptation immédiate de son modèle de travail. Bien qu’exogène, l’évaluation était aussi acceptée par les acteurs du projet qui se sentaient valorisés par la renommée de leur évaluateur. Illustration b (Sensi, 1990) : Un institut de formation avait décidé de choisir parmi ses membres l’évaluateur de certaines formations mises en place. Le plus jeune des pédagogues fut désigné à l’unanimité par l’équipe. Celui-ci, renforcé par ce choix, proposa à ses collègues un plan de travail très structuré, très précis. La discussion de ce plan ne se fit cependant pas dans un climat réel de négociation. Il s’agissait plutôt d’une séance où « le petit jeune » montrait aux autres comment il avait bien travaillé. Le plan fut accepté avec félicitations. Plus tard, après avoir rencontré pas mal de difficultés pour recueillir les informations dont il avait besoin, on lui reprocha qu’il ne suffisait pas « d’être fort en théorie, que le terrain était quand même fort différent de ce qu’on apprenant à l’Université et qu’il aurait du demander l’avis des plus expérimentés ... ».

Par ailleurs, il n’est pas rare que l’évaluateur se heurte à des difficultés liées aux différences de conception de l’évaluation et d’attentes vis-à-vis de celle-ci de la part des différents acteurs mentionnées précédemment (Stufflebeam et al., 2000). Aussi est-il important pour l’évaluateur non seulement de les identifier, mais également de fixer un cadre de travail commun à tous les acteurs concernés : compréhension commune de l’objet de l’évaluation, de l’approche envisagée, de la méthode utilisée, des résultats attendus, du rôle et de la déontologie de l’évaluateur, des limites de l’évaluation. En somme, il s’agit d’initier une démarche participative (ou du moins intégratrice des différents points de vue) et écologique, c’est-à-dire qui respecte l’environnement (matériel, humain, institutionnel, etc.). Selon Sensi (1990), un bon évaluateur doit être capable de :

- négocier (un cadre d’intervention) - recueillir des informations utiles - analyser et interpréter ces informations avec humilité (précautions méthodologiques,

question de la validité de l’analyse, reconnaissance de la part de subjectivité de

Page 46: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

46

l’évaluateur) et éthique. Concernant ce dernier point, House (1980, cité par Sensi, 1990) insiste sur 4 règles fondamentales :

o l’égalité : tout individu doit être traité de façon égale par rapport aux autres o l’autonomie : personne n’a le droit d’imposer aux autres sa volonté par la force o l’impartialité : toutes les tendances et opinions doivent être entendues et

représentées o la réciprocité : les intérêts individuels doivent être dépassés afin d’établir des

obligations mutuelles. - communiquer : le bon message, au bon moment, à la bonne personne.

8.7. Conclusion Ce chapitre avait pour objectif de baliser une procédure d’évaluation d’un projet de formation à partir de 5 grandes questions : Pourquoi évaluer ? Pour qui évaluer ? Evaluer quoi ? Comment évaluer ? Comment se positionner en tant qu’évaluateur ? Il n’a pas la prétention d’être exhaustif ; d’autres méthodes et outils d’évaluation restent à explorer. Comme nous avons pu le voir, évaluer un dispositif de formation ne s’improvise pas. La procédure peut être plus ou moins lourde, nécessiter plus ou moins de ressources (temps, outils, expertise), revêtir un enjeu stratégique plus ou moins important. Pour toutes ces raisons, il est indispensable de penser l’évaluation dès les prémices du projet, afin de lui attribuer les moyens adéquats et réalistes, mais aussi de lui conférer une légitimité partagée par tous les acteurs.

9. Gestion d’un projet de formation

Les chapitres précédents fournissent des informations sur différents aspects de la conception et de l’évaluation d’un dispositif de formation. Pour terminer ce syllabus, nous aimerions souligner l’importance d’intégrer ces différents éléments dans une démarche de gestion globale d’un projet de formation. Ce chapitre peut plus particulièrement intéresser les personnes qui se destinent à la gestion de projet. Comme nous avons pu le constater, un projet de formation fait écho à des besoins plus ou moins exprimés et/ou plus ou moins objectivables, et concerne de nombreux acteurs aux enjeux divers. Par ailleurs, un programme de formation est « vivant » : il peut évoluer de telle sorte que le « produit final » est parfois très différent du projet de départ. C’est la raison pour laquelle l’accompagnement de projets de formation figés dans des conventions peut s’avérer problématique. Pour soutenir cette vision globale d’un projet de formation, nous proposons de partir de l’approche dite « de la traduction » (Akrich, Callon, Latour, 2006). Le principe de base de cette approche est qu’elle cherche à intégrer non seulement des éléments du contexte, mais également les attentes, les intérêts et enjeux des acteurs concernés, en vue de les mobiliser autour d’un projet fédérateur et partagé. Elle est régulièrement sollicitée dans le domaine du management de projet. Elle nous semble appropriée en matière de gestion de projet de formation pour les raisons suivantes : il s’agit d’une approche participative, respectueuse des

Page 47: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

47

différentes parties participant au projet, et qui permet d’intégrer la notion d’évolution du projet.

9.1. La cartographie des acteurs Pour concevoir et gérer un projet de formation, il est utile de prendre en compte l’ensemble des acteurs concernés par l’action de formation (et pas uniquement le formateur et les personnes formées), en vue de dresser une véritable cartographique des acteurs. Une telle approche permettra d’obtenir une vision d’ensemble des besoins, objectifs et attentes liés à un projet de formation (et non plus uniquement à une séquence de formation), mais aussi de tenir compte des relations entre les acteurs, des contraintes, des ressources, des circonstances favorisantes ou défavorisantes liées à ces différents acteurs. Rorive et Rocher (2003) proposent d’identifier, pour chaque acteur :

- les objectifs/buts poursuivis de façon explicite ; - les enjeux, c’est-à-dire ce qu’ils perçoivent comme risques (pertes) ou opportunités

(gains) dans le projet. Contrairement aux objectifs, les enjeux sont implicites et demandent à être découverts ;

- les atouts ou les contraintes dont peuvent se prévaloir les différents acteurs pour défendre leurs intérêts ou contre lesquelles ils doivent se prémunir. Les atouts s’apparentent aux éléments favorables, forces ou sources de pouvoir, sur lesquels les acteurs peuvent s’appuyer pour atteindre leurs buts, diminuer leurs pertes ou augmenter leurs gains. En revanche, les contraintes sont les éléments défavorables, faiblesses, manques ou lacunes avec lesquels les acteurs doivent composer pour atteindre leurs buts ;

- les alliances ou les oppositions qu’ils peuvent nouer ou au contraire subir ; - les temporalités dans lesquelles ils se trouvent, c’est-à-dire le délai dans lequel

s’inscrit la poursuite des objectifs particuliers.

9.2. Forces centrifuges et centripètes Il est alors possible de proposer une représentation graphique de la cartographie des acteurs dans ce que Rorive et Rocher (2003) appellent une étoile de convergence :

- les points de convergence sont les éléments (objectifs, enjeux, intérêts) sur lesquels les différentes personnes se rapprochent les unes des autres et du projet. Ils permettent de définir la base (effet centripète) sur laquelle le projet peut démarrer ;

- les points de divergence sont les éléments (souvent les enjeux et intérêts) qui éloignent les acteurs les uns des autres et du projet. Il s’agit de forces centrifuges qu’il faut prendre en considération pour anticiper les freins ou obstacles au projet.

Les auteurs insistent sur :

- le caractère nécessairement « dépersonnalisé » de l’identification des groupes d’intérêt et de leur positionnement : aucun acteur ne doit être désigné nommément ou même individuellement ;

Page 48: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

48

- l’importance de faire valider cet outil par les acteurs concernés.

[insérer graphique étoile de convergence] Légende :

- Les points d’interaction avec les éléments physiques sont indiqués par un signal de couleur.

- Les flèches indiquent si les intérêts des différents groupes divergent ou convergent avec ceux du projet.

Illustration : cartographie de l’e-WOCCQ

9.3. Actions de convergence Une fois validée l’étoile de convergence, la tâche du gestionnaire de projet consiste à faire converger les intérêts et objectifs des différents acteurs, autour de ce que l’on pourrait nommer le PPCD (plus petit commun dénominateur). Toujours selon Rorive et Rocher (2003), l’objectif commun doit respecter les critères suivants:

- Créateur de sens: rassembler et susciter l’adhésion de tous les acteurs ; - Pertinent: permettre d’initier les changements attendus ; - Cohérent : supporter la réalisation et la mise en œuvre du e-projet ; - Réaliste: tenir compte des opportunités et contraintes de contexte.

Illustration : 3 cas de figure selon Lisein, Dalon & Desmecht (2006)

9.4. Tableau de bord Dans une perspective pragmatique de l’évaluation, il faut pouvoir recueillir des indicateurs d’avancement tout au long du projet de formation, afin de prendre des décisions concernant d’éventuelles mesures correctives le plus rapidement possible. Conçu comme un outil de pilotage et d’aide à la décision regroupant une sélection d’indicateurs (Fernandez, 2004), le tableau de bord est un outil intéressant à déployer. Il doit proposer 3 types d’indicateurs (Mallet, 2006) :

- des indicateurs d’alerte : qui signalent un état anormal du système et nécessitent une intervention à court terme ;

- des indicateurs d’équilibration : qui permettent de faire un constat sur l’état du système et assurent de l’avancement vers l’objectif ;

- des indicateurs d’anticipation : qui permettent d’avoir une vision plus large pouvant induire des changements de stratégie et d’objectif.

La construction d’un tableau de bord est jalonnée par 5 étapes décrites par Mallet (2006) : la constitution du groupe de travail, la définition négociée des objectifs des mesures, la construction des indicateurs, et la construction du tableau de bord.

Page 49: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

49

� Voir article de Mallet (2006) dans le dossier de lecture, en particulier le point 3.

10. Références bibliographiques

Akrich, M. , Callon, M. & Latour, B. (2006). Sociologie de la traduction. Textes fondateurs. Paris : Mines Paris. Anzieu, D. (1988). Le groupe et l’inconscient : l’imaginaire groupal. Paris : Dunod. Barbier, R. (2007). Une philosophie de la formation des adultes. Document électronique : www.barbier-rd.nom.fr/philoformationAdultes.PDF. Consulté le 26 septembre 2007. Bonamy, J. & Charlier, B. (2003). Un dispositif efficace ? In Charlier, B. & Peraya, D. (Eds.). Technologie et innovation en pédagogie : Dispositifs innovants de formation pour l’enseignement supérieur (pp. 181-195). Bruxelles : De Boeck. Carré, P., Clénet, J., D’Halluin, C. & Poisson, D. (1999). Ingénierie pédagogique et formations ouvertes. In P. Carré et P. Caspar, Traité des Sciences et techniques de la formation, pp. 379-400. Paris : Dunod. Cohen, A . M. & Smith, R.D.. The critical incident in growth groups. California: University

Associates, 1976.

Daele, A., Houart, M., & Charlier, B. (2000). Internet en classe ? Comment accompagner les enseignants ? Le point sur la recherche en éducation, 18, 47-57. De Ketele J.-M., Chastrette, M., Cros, D., Mettelin, P. & Thomas, J. (1995). Guide du formateur. 2ème étdition, 6ème tirage. Bruxelles : De Boeck. De Peretti, A. (1991). Organiser des formations. Paris : Hachette. De Visscher P., Baiwir J. , Delhez R. (1979 – 2004) . Une méthodologie de construction d’exercices structurés. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 64, pp. 57-70. De Visscher, P. (2001). La dynamique des groupes d’hier à aujourd’hui. Paris : P.U.F. Delhez, R. (1989). La carte de vœux, exercice structuré en dynamiques des groupes. Les Cahiers de Psychologie Sociale, 37, p. 31 Delhez, R. (1999). Réflexions sur une pratique de l’animation. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 43-44, pp. 35-185. Depover, C. & Strebelle, A. (1997). Un modèle et une stratégie d’intervention en matière d’intégration des TIC dans le processus éducatif. In Pochon, L.-O. & Blanchet, A. (Eds.), L’ordinateur à l’école: De l’introduction à l’intégration (pp. 73-98). Neuchâtel : Institut de Recherche et de Documentation Pédagogique. Devos, C. & Dumay, X. (2006). Les facteurs qui influencent le transfert : une revue de la literature. Savoir, n° 12, pp. 11-46. Falzon, P. (2005). Ergonomie, conception et développement. Conférence introductive, 40ème Congrès de la SELF, Saint-Denis, La Réunion, 21-23 septembre Faulx, D., & Petit, L. (In press). La formation en organisation : mise en perspective des approches psychosociologiques et ergonomiques. Relations Industrielles / Industrial Relations (RI/IR). Faulx, D., & Coffani, P. (2007). Les sens de la présentation. Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 75-76, 161-162. Faulx, D., & Delvaux, S. (2007). Démarrer une session de formation : réflexions et propositions dans une perspective d’animatique des groupes. Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 75-76, 157-160.

Page 50: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

50

Faulx, D., Delvaux, S., & Coffani, P. (2007). La rencontre des objets. Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 75-76, 165-166. Faulx, D., & Peters, S. (2007). Questions de transmission. Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale , 75-76, 163-164. Fernandez, A. (2004). Les nouveaux tableaux de bord des managers. Paris : Editions d’Organisation. Flanagan, J (1954). La technique de l'incident critique. Revue de Psychologie Appliquée IV, n.2.

Gallouj, F. & Weinstein, O. (1997). Innovation in services. Research Policy, 2, 537-556.

Gallouj, F. (2003). L’innovation dans une économie de services. In Mustar, P. & Penan, H. (eds.). Encyclopédie de l’innovation. Paris : Economica. Gordon, T. (1982) Enseignants efficaces, enseigner et être soi-même. Montréal: Ed. du jour

Guttendag, M. (1977). Evaluation and society. Evaluation Studies, 2. Hadji, C. (1989). L’évaluation, règles du jeu. Paris : ESF. Hostie, R. (1974). Session de Sensibilisation aux relations humaines. Paris : EPI Jobert, G. (2003). Formation. In J. Barus-Michel, E. Enriquez & A. Lévy (Eds.), Vocabulaire de Psychosociologie (pp. 353-359). Ramonville Saint Agne : Erès. Kaës, R. et al. (1979). Crise, rupture et dépassement. Analyse transitionnelle en psychanalyse groupale et individuelle. Paris : Dunod. Karolewicz, F. (1998). L’expérience. Un potentiel pour apprendre. Paris : L’Harmattan. Kirkpatrick, D.L. (1998). Evaluating Training Programs: The Four Levels. San Francisco, CA : Berrett-Koehler Publishers. Kirkpatrick, D.L. (2007). The Four Levels of Evaluation. Tips, Tools, and Intelligence for Trainers. ASTD Press, 0701. Le Boterf, G. (1999). De l’ingénierie de formation à l’ingénierie des compétences : quelles démarches ? Quels acteurs ? Quelles évolutions. In P. Carré et P. Caspar, Traité des Sciences et techniques de la formation, pp. 335-353. Paris : Dunod. Leclercq, G. (1999). La communication et la relation pédagogique. In Carré, P. & Caspar, P. Traité des sciences et techniques de la formation (pp. 419-436). Paris : Dunod. Leclercq, G. (2007). Alternance et écriture. Education Permanente, n° 173, pp. 95-108. Legault, Jean-Pierre. La gestion disciplinaire de la classe. Ed. Les éditions logiques, 1993. Lisein, O., Dalon, G., & Desmecht, J. (2006, Novembre). Intervenir dans la conduite d’e-projets subventionnés : enjeux croisés et responsabilités des parties prenantes. Communication présentée lors du Colloque Intervenir dans le monde du travail : la responsabilité sociale d’un centre de recherche en sciences humaines, Liège, Belgique. Mallet, C. (2006, Novembre). Innovation et mesure de l’appropriation des outils de gestion : proposition d’une démarche de construction d’un tableau de bord. Communication présentée lors du Colloque En route vers Lisbonne. Martin, J.-P., & Savary, E. (1999). Intervenir en formation. Lyon : Chronique Sociale Martin, J.-P., & Savary, E. (1999). Intervenir en formation. Lyon : Chronique Sociale Milenkowa, S. & Stojkovski, Z. (2007). Manuel de formation des formateurs. Document électronique : www.moroccodemocracy.org/pdf/Training of Trainers Manual-FR.pdf, consulté le 26 sept. 2007 Missenard, A. (1982). Du narcissisme dans les groupes. In R. Kaës et al, Le travail psychanalytique dans les groupes. 2. Les voies de l’élaboration. Paris : Dunod. Montendon, C. (2002). Approche systémique des dispositifs pédagogiques. Paris, LHarmattan. Mucchielli, R. (2007). Le travail en équipe. Clés pour une meilleure efficacité collective. Paris : ESF Noyé, D. & Piveteau, J. (2002). Guide pratique du formateur. Paris : Insep Consulting.

Page 51: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

51

Patton, M. Q. (1978). Utilization focused evaluation. Beverly Hills : Sage. Perrin, J. (2004). La valeur d’un produit ou d’un service, comme résultat d’une construction sociale initiée ou constatée au sein du processus de conception. In Caelen, J. (sous la dir.). Le consommateur au cœur de l’innovation (pp. 43-62). Paris : CNRS Editions. Pfeiffer, W., & Jones, E. J. (1982). Le répertoire de l’animateur de groupe. Volume 1. Développement personnel. Rabardel, P. & Pastré, P. (2005). Modèles du sujet pour la conception. Dialectiques l’activité développement. Toulouse : Octarès. Roegiers, X., Wouters, P. & Gérard, F.-M. (1992). Du concept d’analyse de besoins en formation à sa mise en oeuvre. Formation et Technologies – Revue européenne des Saint-Arnaud, Y. (1978). Les petits groupes, participation et communication. Montréal : Presses Universitaires. Saury, J. & Gal-Petifaux, N. (2003). L’organisation temporelle et spatiale de l’activité : le cas des entraîneurs sportifs et des enseignants d’éducation physique. Recherche et Formation, n° 42, pp. 21-35. Savoie, A., Brunet, L. (2000). Les équipes de travail: champ d'intervention privilégié pour les psychologues, in J.-L. Bernaud et C. Lemoine (Eds), Traité de psychologie du travail et des organisations (pp. 171-203). Paris: Dunod Sensi, D. (1990). Evaluer les projets d’innovation en éducation. Bruxelles : Labor. Simon, N. (1993). L'animation: une profession de choix. Étude des motivations d'un animateur quant au choix de sens interventions. Mémoire de licence en psychologie. Université de Liège Strebelle, A., Depover, C., Stylianidou, F., & Dimitracopoulou, A. (in press). Modellingspace : The setting up of human networks as vital part of the design and implementation of a technology supported learning environment. In Constantinou, C. (Ed.), Computer Based Learning in Sciences : Proceedings of Sixth International Conference CBLIS. Stufflebeam, D. L., Madaus, G. F., Kellaghan, T. (2000). Evaluation models: viewpoints on educational and human services evaluation. Boston, Dordrecht, London: Kluwer. Stufflebeam, D. L., Shinkfield, A. J. (1984). Systematic evaluation: a self-instructional guide to theory and practice. Boston, Dordrecht, London: Kluwer. Tuckman, B. W. (1965). Developmental sequence in small groups. Psychological Bulletin, 63, pp. 384-399. Undurraga, C. (1996). Un cadre pour appréhender l’apprentissage des adultes en formation. In E. Bourgeois (Ed.), L’adulte en formation (pp. 73-83). Paris : De Boeck & Larcier. Warr, P. & Bunce, D. (1995). Trainee characteristics and the outcomes of open learning. Personnel Psychology, 48, 347-376. Warr, P., Allan, C. & Birdi, K. (1999). Predicting three levels of training outcome. Journal of Occupational and Organizational Psychology, 72(3), 351-375.

Page 52: Conception, gestion et évaluation des dispositifs de formation · 2012-10-26 · 4 Plan du cours 1. Présentation générale : objectifs et sujet du cours, principes pédagogiques

52

DOSSIER DE LECTURE Article 1 : Stufflebeam, D. L. (2000). The CIPP Model for Evaluation. In Stufflebeam, D. L., Madaus, G. F., Kellaghan, T. (2000). Evaluation models: viewpoints on educational and human services evaluation (pp. 279-317). Boston, Dordrecht, London: Kluwer. Article 2 : Kirkpatrick, D.L. (2007). The Four Levels of Evaluation. Tips, Tools, and Intelligence for Trainers. ASTD Press, 0701. Article 3 : Mallet, C. (2006, Novembre). Innovation et mesure de l’appropriation des outils de gestion : proposition d’une démarche de construction d’un tableau de bord. Communication présentée lors du Colloque En route vers Lisbonne. Article 4 : Faulx, D., & Petit, L. (In press). La formation en organisation : mise en perspective des approches psychosociologiques et ergonomiques. Relations Industrielles / Industrial Relations (RI/IR).