continuum creole et linguist i que
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LES CONTINUA CREOLES, LINGUISTIQUES, ET LANGAGIERS
Salikoko S. MufweneUniversit de Chicago
1. Prliminaires
Depuis que DeCamp (1971) nous a sensibiliss la variation linguistique dans les
communauts croles, en loccurrence celle de la Jamaque, la notion de continuum est
gnralement associe celle de changement structurel. Ce dernier concerne plus
particulirement celui qui se produirait graduellement dans le basilecte et ceci au profit
de lacrolecte que de plus en plus de locuteurs tenteraient de parler. Le continuum serait
ainsi le corollaire du mesolecte, qui reprsenterait la zone intermdiaire dans la migration
massive des locuteurs partir des structures basilectales aux structures acrolectales. Il
reprsenterait aussi un mlange, dans des proportions variables, des structures
basilectales et acrolectales, selon quun locuteur matrise assez, ou moins bien, la varit
standard quil cible. Beaucoup de crolistes maintiennent cette position bien que selon
Rickford (1990) la majorit des locuteurs dans les communauts croles parlent des
varits mesolectales.1
1Pour ceux qui ne considrent comme croles que les varits basilectales, lobservation deRickford impliquerait quil y a trs peu de locuteurs du crole dans ces communauts. En
revanche, si on maintient, comme Mufwene (1987), que les basilectes ne sont que des hypothsesde linguistes, construites partir de la totalit de tous les traits qui distinguent les locuteurscroles des locuteurs acrolectaux l o lacrolecte a volu partir de la mme langueeuropenne, on pourrait supposer que tous les croles sont mesolectaux. Mais si lon maintientque les mesolectes reprsentent une volution en cours dans la direction de lacrolecte, partir dubasilecte disparu, les croles ne feraient plus que partie de lhistoire dans les territoires ditscrolophones.
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Le continuum serait ainsi symptomatique de la mort des croles,2dont la forme
idalise serait basilectale, car il serait le produit de la dcrolisation (identifie
comme dbasilectalisation dans Mufwene 2001), processus par lequel le basilecte
mourrait par lrosion structurelle (ce que Bernab 1989 et 1999 appelle dcrolisation
qualitative . Mais depuis (Rickford 1983) certains crolistes conoivent aussi une
dcrolisation quantitative marque par labandon du crole au profit de lacrolecte
au cours dun processus social o, comme lexplique Bernab (sous presse), de moins en
moins denfants apprennent le vernaculaire de leurs parents, bien que le rsultat finit par
produire plus de locuteurs mesolectaux quacrolectaux.
Ces deux conceptions de la dcrolisation sont censes produire la mort du crole
soit par transformation soit par remplacement. Cest ainsi que DeCamp (1971) a aussi
caractris le continuum de post-crole , en supposant quil ferait partie de lvolution
sociolinguistique dont laboutissement serait une situation future dans laquelle les
locuteurs ne parleraient plus que lacrolecte et rien dautre. Toujours selon lui, les
mcanismes sociaux conduisant ce rsultat seraient, entre autres, la scolarisation et la
mobilit socioconomique devenue possible depuis labolition de lesclavage. Cela
permettrait aux anciens esclaves non seulement de parler comme leurs anciens matres,
2Voir Hazal-Massieux (1999) au sujet de la mort des croles, dans le contexte des languesen danger. Je rponds sa perspective dans Mufwene (2005) dans plus ou moins le mme sensque les thses dveloppes ci-dessous.
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grce leurs interactions avec des locuteurs acrolectaux, mais aussi daccder de
meilleurs positions sociales, et donc damliorer leurs conditions de vie.3
Peu de chercheurs ont remarqu que DeCamp na produit aucune preuve historique
soutenant sa thse volutive ; il a en effet tout simplement mis ensemble plusieurs
variantes structurelles synchroniques quil a organises selon un schma implicationnel.
Il a mme oubli de prendre en compte le fait que la plupart des colons et engags
europens des colonies taient des locuteurs de varits langagires populaires, non
acrolectales4. Comme le souligne Chaudenson (1979, 1992, 2001, 2003), cest ces
varits que les populations serviles qui ont dvelopp les croles ont t exposes. Les
conditions de vie coloniales et post-coloniales ne les avaient pas limines. Beaucoup de
de colons europens pauvres et appartenant la classe populaire navaient que ces
varits comme vernaculaires. Leurs descendants ont dailleurs continu sen servir
dans leurs formes plus modernes.
3DeCamp a omis dexpliquer pourquoi, dans ces mmes territoires crolophones, y comprisla Jamaque, beaucoup de descendants de colons et dengags europens, dont les anctrescoloniaux ntaient pas ncessairement des locuteurs de crole, ne parlent pas lacrolecte. Il ne ditpas non plus si leurs varits langagires, quon pourrait caractriser de mesolectale, ont aussiconstitu une volution en direction de lacrolecte. La littrature scientifique suggre tropfacilement, et abusivement, que les varits langagires parles par les Blancs sont toutesacrolectales, prtendant que ceux-ci parlent des varits standard. Comme je lobserve dansMufwene (1987), par rapport langlais noir amricain (que certains linguistes depuis Schuchardt1914 prtendent tre le produit de la dcrolisation), il est tout fait frappant que les Sudistesblancs, qui ont bnfici des changements sociaux depuis plus longtemps que les Noirs, naientpas abandonn leur parler non standard en faveur de langlais standard.
4Ainsi, comme je lexplique dans Mufwene (2005) on ne devrait pas confondre la languede base , souvent identifie incorrectement comme langue lexificatrice (comme si celle-cinavait contribu au crole que par son vocabulaire), avec la varit acrolectale , qui nest riendautre que le dialecte standard dans les communauts langagires non croles. Ci-dessous jesoulverai encore la question de savoir si la variation linguistique dans ces communauts nepourrait pas aussi tre aborde du point de vue du modle crole.
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Nous savons aussi maintenant que la position de DeCamp (1971) tait lie
lidologie de la puret langagire, semblable celle de puret raciale, qui depuis le XIX
sicle traitait comme anormal ou non naturel tout ce qui tait considr mixte ou hybride
(Mufwene 2004). Tout ceci a conduit ce que DeGraff (2003) appelle le mythe de
lexceptionnalisme des croles, selon lequel les croles seraient des aberrations, produits
dvolutions linguistiques anormales associes au contact de populations et produisant
des impurets.
Bien que les crolistes aient toujours voulu valoriser les parlers croles, ils restent
malheureusement encore tributaires de lidologie linguistique du XIX sicle en
supposant que les langues auraient un tat pur, que le vrai crole ne serait que
basilectal, et spar de lacrolecte, et que le mesolecte ne ne serait que le reflet dune
transition associe la dcrolisation . Le continuum crole ou post-crole
serait ainsi une spcificit crole, voire mme une anomalie volutive, car il
reprsenterait une transition vers un autre tat pur. Etant donn que les vernaculaires
croles sont encore considrs comme des volutions encore moins normales, on a ainsi
rarement cherch identifier des continua linguistiques dans des communauts non
croles. En effet, on a mme suppos pendant des annes que le continum tait une
spcificit des communauts crolophones anglophones, car Ferguson (1959) avait
identifi lHati comme tant diglossique, donc apparemment sans continuum.5
5Le changement idologique peut se voir maintenant dans ce que Bernab (sous presse)appelle diglossie homotopique (contrairement la seule diglossie htrotopique reconnuepar Ferguson) qui est typique de la Jamaque et deson continuum crole.
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Cest dans ce contexte que lon peut comprendre les travaux de Bernab (1999, sous
presse), qui, dans son approche colinguistique , continue associer le continuum la
thorie du cycle de vie des croles propose par Robert Hall (1962) et lingalit
des forces parmi les locuteurs. Cette dernire favoriserait cette volution dcrolisante ou
acrolectalisante (si je peux me permettre ce nologisme), les croles tant minors,
comme lobserve Hazal-Massieux (1999). Ainsi donc, Bernab va jusqu prtendre qu
Aujourdhui, pour un jeune colier martiniquais ou guadeloupen la langue franaise
occupe le statut de langue maternelle tout comme le crole (1999 : 182). Cette phase
serait alors intermdiaire et transitionnelle, prsageant dune autre venir o le crole ne
sera plus parl comme vernaculaire. Contrairement ses observations dans Bernab
(1989), notre collgue prvoit ainsi une monoglossie crole [qui] ne touche[rait] gure
que la catgorie des locuteurs de plus de 65 ans . La Martinique (et apparemment aussi
la Guadeloupe) serait ainsi engage dans un processus de francisation linguistique .6
Au regard de ce qui vient dtre dit, il est difficile de ne pas se poser les questions
suivantes : le bilectalisme actuel franais/crole est-il un phnomne nouveau ou ne
reprsente-il quune phase o les Martiniquais et les Guadeloupens deviennent de plus
en plus comptents en franais en raison dun enseignement plus avanc de ce dernier
lcole ? Est-il vrai que les parents parlent de moins en moins crole leurs enfants et
6Il pose aussi correctement la question du genre de franais dont il est question, car celui-ci
serait imbu dinfluences substratiques croles. Si on renonce la thorie de dcrolisation, onpourrait alors se demander aussi, je crois, sil ne sagit pas dun changement normal desstructures du crole, au fur et mesure que ses fonctions ethnographiques augmentent dans lescommunauts langagires en question. Notons que la croissance dune idologie nationaliste dansla plupart de ces territoires saccompagne dune prise de conscience de plus en plus manifeste delidentit crole et de la promotion de sa langue, ce qui implique son usage de plus en plusfrquent dans les domaines officiels et publics, comme lobserve dailleurs Bernab (1989).
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que l acquisition de celui-ci ne se fait plus que par lintermdiaire de groupes de
pairs ? Si le crole ne se transmet plus quhorizontalement, de qui les enfants
transmetteurs (surtout chez les enfants plus privilgis conomiquement) lacquirent-
ils ? Le crole se transmettrait-il maintenant seulement comme un argot dadolescents,
sauf quil se maintient pendant le reste de la vie de ses locuteurs, alors que largot est
souvent abandonn ou transform plusieurs fois pendant la vie de ses locuteurs ? Si le
crole est autant stigmatis que largot dans les communauts langagires concernes,
est-il plus en danger de disparition que celui-ci ? Ou bien la situation suggre-t-elle plutt
un ordre dacquisition dans lequel lacquisition du crole est lgrement retarde tout
simplement parce quelle est bien assure par beaucoup dautres facteurs dans la socit ?
Parlant d acquisition , ne serait-il pas pertinent de revoir si celle-ci sapplique une
population de la mme faon quelle sapplique lindividu ?7
2. Population, acquisition de langue, et continuum linguistique
Jadopte ici la perspective de la gense des populations que jai dveloppe dans
Mufwene (2001, 2005), selon laquelle une langue, loin dtre un organisme, est plutt
interprtable comme une espce, constitue didiolectes, ontogntiquement diffrents les
uns des autres ( des degrs diffrents) et qui se ressemblent (aussi des degrs
7Dans son travail de matrise bas sur des observations non systmatiques de terrain, montudiante Ashley Haywood remarque que les parents parlent souvent leurs enfants en crole,bien quils les dcouragent de rpondre dans le mme vernaculaire. Ils le font souvent quand ils
deviennent passionns ou quand ils parlent dj avec un autre adulte en crole et prfrent ne paschanger de code, ce qui est trs courant. Elle observe aussi que lusage du crole est encorevivace en milieu rural, o, selon Branglidor & Grabot (2001 : 37) vit un peu moins de la moitide la population martiniquaise. Haywood a pass une anne dans une famille en Martinique et estrevenue plus tard, dans le contexte de sa matrise, passer deux mois dans la mme famille, enjuillet et aot 2005, priode pendant laquelle elle a interview certains dentre eux ainsi que leursparents et amis.
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diffrents) cause des influences quils exercent les uns sur les autres. Cette mme
perspective sapplique galement la communaut des locuteurs, qui se comprennent non
pas parce quils utilisent exactement le mme systme mais plutt, force des
habitudes dveloppes au cours de leurs interactions, et grces auxquelles ils ont
dvelopp des stratgies leur permettant dinterprter correctement les noncs les uns
des autres (Mufwene 1989). Mais il y a aussi des moments o les locuteurs ne se
comprennent pas, comme je lexplique ci-dessous.
Un autre point de dpart de la position que je dveloppe dans cet article est une
observation que je reprends de Meillet (1929) et dHagge (1993) selon laquelle ce qui
est traditionnellement identifi comme acquisition de langue est plutt un processus
de (re)construction (selon Mufwene 2001, semblable la recombinaison gntique en
biologie) pendant laquelle lapprenant infre, partir des noncs des locuteurs avec
lesquels il interagit, un systme qui nest pas forcment celui utilis par ceux-ci. Il lui
est seulement semblable en ce sens quil lui permet dinterprter correctement, la plupart
du temps leurs noncs et parce que, leur tour, les autres locuteurs (qui eux aussi
infrent un systme partir de ses propres productions langagires) peuvent aussi
interprter correctement, la plupart du temps, ses noncs lui. Ces accomplissements de
part et dautres constituent ce que les linguistes appellent la communication et cest
sur la base de ceux-ci quils peuvent dterminer si des locuteurs parlent la mme varit
langagire.
Depuis le Cours de linguistique gnrale de Saussure (1916), les linguistes
supposent, sans preuves irrfutables mon avis, que les locuteurs communiquent entre
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eux parce quils partagent le mme systme linguistique. Ils ne se demandent pas si la
notion mme de systme est ncessaire.8 Il faut cependant tenir compte autant des
situations o la communication russit que de celles o elle ne russit pas, mme entre
locuteurs qui interagissent rgulirement, par exemple les membres dune famille ou des
amis.
Les raisons des checs de communication ont faire non seulement avec ce que
Chomsky (1957) appelle performance mais aussi au fait quil ny a aucune raison de
supposer que les idiolectes de diffrents locuteurs ( interprter tout simplement
comme leurs faons individuels de parler, comparables leurs faons individuelles de
marcher, par exemple) sont identiques. Ils ne se dveloppent pas de faon consciente, ne
sont pas bass sur les mmes noncs, ni sur des interactions avec toujours les mmes
locuteurs, ni sur les mmes sujets de conversation. Les idiolectes refltent donc des
histoires communicatives, forcment diffrentes, des locuteurs individuels et ainsi des
habitudes quils ont dveloppes au cours de ces histoires pour communiquer des
informations par des mcanismes vocaux. Il nest nullement ncessaire que les locuteurs
usent exactement de systmes identiques pour changer des informations avec succs.
8Je ne poursuivrai pas cette question ici, bien que lon doive tenir compte du fait que lesstructures attribues des phnomnes tels que la culture et la langue sont prsums par lechercheur et nexistent pas ncessairement dans les objets de nos recherches. Lune des preuves cela est quon peut souvent trouver des structures alternatives qui rendent galement compte dela plupart des aspects de ces phnomnes. Mais, grce la thorie de la complexit, qui tend de
plus en plus remplacer la physique newtonienne aux rgles rgulires unilinaires et rectilignes,on pourrait plutt supposer, de faon plus raliste, que les structures mergent partir desrgularits partielles que lon observe. Les systmes sont alors des objets construits par leschercheurs mais pas ncessairement la ralit elle-mme. Dans une langue, un locuteur qui advelopp sa comptence par lapprentissage sauvage (sans enseignants ni livres, et grce ses interactions avec dautres locuteurs) sappuie, pour communiquer, beaucoup plus sur deshabitudes dveloppes partiellement que sur des rgles linguistiques.
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Tout ce qui est ncessaire est que chaque locuteur soit capable dinterprter correctement
la plupart des noncs des autres, usant de stratgies quil a lui-mme dveloppes et qui
lui paraissent les plus russies.
Cest dans cette variation inter-idiolectale que commence le continuum langagier.
Comme je lexplique dans Mufwene (2001, 2005), les idiolectes dune langue
maintiennent entre eux la relation de ressemblances familiales wittgensteiniennes. Ils
sont tout autant semblables quils diffrent les uns des autres. Les regroupements de
certaines variantes en des lectes hirarchiss selon des critres sociaux, ne refltent que
des perspectives qui intressent les crolistes depuis DeCamp (1971). Dsormais les
linguistes prfrent les faire correspondre une hirarchie socio-conomique, bien que
cela ne soit pas la seule faon de les interprter et que la corrlation entre les
regroupements de lectes et de classes socioconomiques ne soit pas parfaite non plus.
Comme le documentent clairement Lalla & DCosta (1990), il y a, depuis la fin du
XVIII sicle, priode probable de la plupart des croles, des locuteurs issus de couches
favorises qui parlent des varits plus ou moins basilectales, tout comme il y a des
locuteurs au bas de lchelle socioconomique qui parlent des lectes proches de
lacrolecte. Les choses sont donc plus complexes que limage qui nous en est souvent
donne dans la littrature, et sont lies lhistoire sociale et interactive de chaque
locuteur. On noubliera pas que le mesolecte, parl par la trs grande majorit de la
population des territoires crolophones, manifeste le plus de variation inter-idiolectale.
Les tentatives de classer les mesolectes selon le modle implicationnel propos par
DeCamp (1971), partir de donnes synchroniques artificielles et bien choisies, nont
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jamais pu confirmer lhypothse de celui-ci. Par exemple, Romaine (1982) et Winford
(1990) soulvent des questions pertinentes sur les espaces vides dans les grilles que
Bickerton (1973) a dveloppes pour dmontrer une soi-disante corrlation entre le
continuum et la dcrolisation dans le crole anglais de Guyana.
De surcrot, il est peu probable quil y ait eu une volution dbasilectalisante (ce que
Bernab, sous presse, appelle dcrolisation qualitative ) dans lhistoire des croles
antillais (Mufwene 1994).9Lhistoire socioconomique des territoires crolophones
saccorde plus avec la thse de lvolution basilectalisante propose par Chaudenson
(1979, 1992, 2001, 2003) et Mufwene (1996, 2001, 2005). Quoi quil en soit, ltude
documentaire de Lalla & DCosta (1990) sur lvolution du crole jamacain depuis la fin
du XVIII sicle confirme la position dAlleyne (1980), selon laquelle les continua
linguistiques, sociaux (au sein des territoires spcifiques), et gographiques (entre
territoires crolophones) datent des tout dbuts des langues croles, bien quelle infirme
la corrlation du continuum social avec la stratification sociale dans les plantations.
Winford (1997) tire plus ou moins la mme conclusion au sujet de lespace crolophone
du Guyana, observant que ds le dbut de la colonisation de ce territoire par les Anglais,
en 1740, des varits croles importes de lextrieur se sont retrouvs en comptition et
coexistent dsormais naturellement avec la varit acrolectale locale.
9La seule exception documente jusqu prsent pourrait tre lhistoire du crole de laBarbade, qui, selon Rickford & Handler (1994), aurait perdu un basilecte semblable celui de laJamaque. Ledit basilecte aurait t document au XIX sicle. Il aurait pu disparatre par dcrolisation quantitative , car, tant donn une histoire o la disproportion entre populationseuropenne et africaine tait de loin moins forte quailleurs pendant la phase des plantations, laproportion des locuteurs des varits basilectales aurait t trs faible.
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Lexistence du continuum crole ds le dbut des socits de plantation na jamais t
exclue par Chaudenson et Mufwene. Au contraire, ils arguent aussi que les basilectes tels
quon les connat aujourdhui sont des dveloppements tardifs rendus possibles par
limportation toujours grandissante desclaves bossales, par un accroissement de leur
prsence aux XVIII et XIX sicles. Ajout cela le fait quils apprennent de moins en
moins la langue coloniale auprs des esclaves croles (dont beaucoup parlent des varits
considres aujourdhui comme mesolectales) mais auprs dautres bossales acclimats
parce que venus plus tt. Mufwene (1994) montre aussi, dans le contexte du gullah, en
Caroline du Sud et en Georgie (deux Etats des Etats-Unis), que cette volution
basilectalisante semble avoir continu jusquau XX sicle. Cette position saccorde aussi
avec lhypothse de Labov & Harris (1986) et Bailey & Maynor (1987, et plusieurs
tudes de Bailey avec dautres collgues), selon laquelle langlais noir amricain se
distingue davantage de langlais des Blancs amricains de classe populaire (surtout
langlais du sud) par divergence, une notion correspondant peu prs celle de
basilectalisation.
Une question difficile de ne pas prendre en compte, si lon maintient quil y a tout de
mme une dcrolisation qualitative qui sest produite surtout au cours du XX sicle
est la suivante : les locuteurs acrolectaux ont-ils toujours appris correctement le crole, si
celui-ci est incorrectement idalis comme basilectal ? Cest en essayant de rpondre
cette question que Prudent (1981) a propos la notion d interlecte . Semblable celui
de mesolecte , associ la dcrolisation , le concept d interlecte sapplique
aux noncs mlangs dlments basilectaux et acrolectaux produits particulirement
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par des locuteurs acrolectaux. (Voir aussi Valdman 1991 pour une rflexion comparable
sur Hati.) Si ce que Prudent observe peut tre dcrit comme francisation du crole ,
on pourrait aussi considrer dans ce contexte la crolisation [courante] du franais
laquelle Bernab (1999) fait allusion. Comme je le souligne dans Mufwene (1994), lun
des problmes avec lhypothse de dcrolisation qualitative est que, sans si on ne
connat pas lhistoire approprie de la communaut linguistique en question, elle ne
permet pas de distinguer les noncs des locuteurs basilectaux qui ciblent lacrolecte de
ceux des locuteurs acrolectaux qui tentent de parler le basilecte. Et si lon suppose,
comme le suggre lhistoire des territoires crolophones, que le crole a toujours exist
comme continuum de lectes, on peut dire que lhypothse de la dcrolisation ne pourrait
pas faire une distinction claire entre les cas de la crolisation de lacrolecte et ceux de
l acrolectalisation du crole, bien que je commette ici lerreur de suggrer moi aussi
que tout ce qui est identifi comme franais ou anglais dans ces contextes est
ncessairement acrolectal. Tel nest pas le cas du tout.
Il est trs probable que les deux mouvements, acrolectalisation et
basilectalisation , co-existent dans les communauts croles, comme dans toute autre
communaut linguistique o des locuteurs produisent des approximations des lectes des
autres, bien quil y ait videmment quelques locuteurs qui apprennent parfaitement le
lecte de lautre. La ralit serait peut-tre alors celle de communauts dont les
proportions de locuteurs acrolectaux, basilectaux, et mesolectaux fluctuent tout le temps,
sans quon doive craindre que le basilecte disparaisse de la scne. On doit mme se
demander sil est justifi de penser quil ny a que le basilecte qui est menac dans de
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telles situations. Selon mes observations en Jamaque, le basilecte recrute de plus en
plus de locuteurs et, selon Pollard (2000), il y a mme une nouvelle varit basilectale qui
diverge du basilecte traditionnel sans pourtant le remplacer : le dreadtalk des
rastafariens. Plutt que de spculer sur une ventuelle menace qui planerait sur lavenir
de lacrolecte en Jamaque, on aurait tout intrt chercher les facteurs cologiques
favorisant ce type dvolution.
Il est alors vident que les rflexions sur la dcrolisation, ou tout simplement
lvolution linguistique, en Martinique et en Guadeloupe depuis les dbuts du crole
devraient sintresser toutes ces questions. La recherche venir devrait nous fournir de
nombreuses informations utiles ce sujet.
3. Quelques autres rflexions sur le continuum
Les discussions sur le continuum ont le plus souvent port jusqu ce jour, sur les
communauts o le crole et lacrolecte ont volu partir des varits de la mme
langue, peut-tre au mme moment, et certainement sur le mme territoire. Des
recherches fort intressantes depuis les annes 1990 montrent que les choses ne sont pas
aussi simples. Singler (1997) suggre au sujet de langlais des rapatris libriens
( Liberian Settler English , dont les origines amricaines remontent au dbut du XIX
sicle) que, contrairement au modle inspir par DeCamp (1971) sur la Jamaque, son
basilecte ne se situerait pas au bas de lchelle.10Etant cibl par des locuteurs des langues
indignes libriennes (par exemple, le mende) et du Kru Pidgin English, il manifeste,
10Ses observations sappliquent probablement aussi au crole de la Sierra Lone, dont lesorigines sont de la Jamaque, avec des influences de lAmrique du Nord.
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chez diffrents locuteurs, des influences substratiques variables, ce qui produit de
nouveaux lectes qui nvoluent pas du tout dans la direction de lacrolecte local. Si le
basilecte ne doit tre dfini que par rapport la gense du crole et indpendamment de
la population qui le parle prsent et/ou du territoire de son usage, on voit alors ici un
basilecte qui se situe entre lacrolecte et les langues indignes de la rgion. Sil y a une
stratification decampienne qui en merge, elle correspond tout simplement au fait que
dans les anciennes colonies europennes dAfrique les langues indignes ont toujours t
dotes dun statut ethnographique infrieur toute autre varit langagire ayant un lien
avec lEurope, y compris des langues vhiculaires dorigine indigne exploites et/ou
rpandu par les colonisateurs. Dautre part, notons que les vernaculaires indignes ne sont
pas classs ethnographiquement entre eux. En partant de la reprsentation que donne
Singler (1997) de ce continuum librien, les divergences produites par les influences de
ces vernaculaires par rapport au basilecte intermdiaire doivent sorganiser sur le modle
dun faisceau plutt que sur celui unilinaire traditionnel.
Devons-nous alors supposer un continuum semblable celui du Libria dans le cas
des approximations du crole guyanais chez les immigrants rcents qui rejoignent la
classe populaire, y compris les Surinamiens locuteurs de croles base plutt anglaise
(avec des lments portugais et hollandais) ? Ou encore, comment faut-il reprsenter le
continuum lle Maurice, o le crole coexiste avec deux acrolectes, le franais et
langlais, et aussi avec des langues ethniques, notamment des langues indiennes et
chinoises ? Faut-il dfinir le basilecte ici sur le modle propos par Singler ou
autrement ? Serait-il alors plus adquat de partir dune perspective qui, au lieu de dfinir
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le basilecte par rapport lacrolecte, situe, inversement, toutes les autres varits par
rapport au basilecte, cens tre le crole pur ?11
A ces considrations peuvent sajouter les observations de Mufwene (1997) sur le
continuum dans les espaces ethnographiques o sont parls le kituba et le lingala. Servant
aussi de langues vhiculaires, ils contiennent des variations qui voquent la situation de
langlais des rapatris du Libria. Les lexiques, les aspects phonologiques, et quelques
structures grammaticales varient selon les langues ethniques dominantes de la rgion.
Bien quon puisse rendre compte de cette situation en invoquant une dialectalisation
rgionale de la langue, on doit aussi tenir compte des locuteurs non natifs qui continuent
introduire des lments nouveaux qui ne sont pas forcment rejets comme
xenolectaux. De plus, il faut aussi tenir compte dun autre fait important dans les
anciennes colonies dAfrique : alors quil est stigmatisant dintroduire des lments des
langues indignes dans les noncs en langue europenne, linverse, cest--dire
linfluence europenne ( lexception de la prosodie) sur la langue indigne, est
gnralement acceptable. Elle est le signe (distinctif dirait Bourdieu), dune scolarisation
pousse et celui davoir ainsi atteint un niveau social o la langue europenne est
dominante. On peut donc reconnatre des structures non bantu dans le kituba et le lingala
des scolariss. Comme nous le montrent des tudes sur lalternance codique, il nest pas
rare dentendre des noncs censs tre en kituba ou en lingala dont plus de la moiti des
11Je ne suggre pas ceci pour souscrire lidologie des langues pures qui seraient salies or corrompues , pour ainsi dire, par des influences trangres. Je reprends seulementma position depuis Mufwene (1987), selon laquelle le basilecte nest parl par personne et nestquun modle thorique pour situer les lectes des locuteurs sur le continuum qui est projetjusqu lacrolecte, selon la conception traditionnelle du continuum crole.
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mots peuvent tre franais et/ou anglais, surtout quand la communication a lieu entre
personnes scolarises. On pourrait ainsi dire que lidentit langagire se dfinit
idologiquement.
Bien que toutes ces considrations nous invitent repenser la reprsentation du
continuum linguistique, il parat aussi utile de nous demander si, dans les contextes
multilingues, on ne devrait pas aussi parler de continuum langagier . Dans un espace
social de communication donn, il est clair quon peut distinguer les diffrentes langues
qui coexistent, de la mme faon quon peut distinguer les diffrents lectes. Si les langues
sont gntiquement apparentes, il peut y avoir aussi des ressemblances typologiques, au-
del des items lexicaux et des systmes smantiques quelles partagent, qui rend leur
coexistence plus proche de celle des lectes dans les communauts crolophones. Ce que
la recherche sur lalternance codique rend plus vident est quil nest pas du tout rare que
dans le mme discours les langues en question soient mlanges des degrs diffrents,
selon les locuteurs, que lidentification dun nonc comme appartenant une langue ou
une autre ne relve que de lidologie ou lintention du locuteur. Dans ce cas, les
frontires langagires dgages peuvent tre plus relles pour les idologues et les
linguistes que pour les locuteurs eux-mmes. Dans beaucoup de cas, il ne serait mme
pas ncessaire de chercher dfinir un basilecte.
Ces questions nous ramnent, en amont, nous demander quelle est limportance
thorique ou pratique de la notion de basilecte si non que de faciliter une analyse.
Nous faut-il en consquence continuer souscrire lidologie de la langue pure , ou
pourrions-nous tirer davantage profit des faits diachroniques et sociaux des communauts
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crolophones qui tous attestent du caractre normal du continuum linguistique et/ou
langagier, se manifestant de faon variable dans diffrentes communauts linguistiques ?
4. Conclusions
Il ne me parat pas possible de tirer des conclusions gnrales qui soient diffrentes de
celles de la fin de la section prcdente. Il est regrettable que les chercheurs sur les
croles franais ne se soient pas intresss plus tt au continuum crole . Il est vident
que la description des situations dans les territoires crolophones anglais des Carabes na
pas puis toutes les possibilits concevables. Les tudes de Jean Bernab nous donnent
loccasion de rflchir davantage sur le sujet, et de surcrot, dans une perspective
colinguistique. Jai essay dans cet article de situer les locuteurs individuels au centre de
cette rflexion et de rendre plus vidente la variation dans les cologies ethnographiques
des diffrents territoires. Jose esprer que le lecteur prendra srieusement en compte les
considrations thoriques pourvues dans la section 2.
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