contribution améliorer le contrôle interne

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ADA Dialogue, numéro 32, juin 2003 page i Sommaire Editorial ....................................................................................... iii Contributions Améliorer le contrôle interne (Anita Campion, MicroFinance Network) ................................................ 5 Au-delà des performances économiques : microfinance et généralisation du marché en Afrique de l’Ouest (Eveline Baumann, IRD-Centre Ile de France) ...................................... 13 KAFO JIGINEW : analyse d’une expérience de crédit d’équipement au sein d’une institution de micro finance paysanne (Marc Mees, SOS Faim) ........................................................................ 31 Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P.) (Mbaye Diouf, CNCA-Sénégal) ............................................................. 45 Algérie : passer du Microcrédit à la microfinance pérenne (Yves Fournier, IRAM) .......................................................................... 55 Livres………………………………………………………… ............ 63

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Page 1: Contribution Améliorer le contrôle interne

ADA Dialogue, numéro 32, juin 2003

page i

Sommaire

Editorial .......................................................................................iii

Contributions

Améliorer le contrôle interne •

(Anita Campion, MicroFinance Network) ................................................5

• Au-delà des performances économiques : microfinance et généralisation du marché en Afrique de l’Ouest

(Eveline Baumann, IRD-Centre Ile de France) ...................................... 13

KAFO JIGINEW : analyse d’une expérience de crédit d’équipement au sein d’une institution de micro finance paysanne

(Marc Mees, SOS Faim) ........................................................................ 31

Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P.)

(Mbaye Diouf, CNCA-Sénégal)............................................................. 45

Algérie : passer du Microcrédit à la microfinance pérenne

(Yves Fournier, IRAM).......................................................................... 55

Livres………………………………………………………… ............ 63

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IALOGUE

Editorial Chers lecteurs,

Ce numéro ne traite pas d’une thématique particulière comme nous avons l’habitude de le faire dans « Dialogue ». Il comporte cinq contributions spécifiques que ADA souhaite diffuser largement, en Afrique en particulier. Ces articles portent sur : une technique qui est de plus en plus reconnue comme un outil indispensable pour le développement des institutions – le contrôle interne, une recherche en cours analysant l’impact de la microfinance sur les rapports sociaux, un produit financier spécifique – le crédit équipement, une réflexion sur le régime fiscal des IMF en Afrique de l’Ouest et du Centre et un aperçu des premiers développements de l’industrie dans un pays du Maghreb – l’Algérie. Le contrôle interne est un aspect crucial dans le développement d’une IMF. Afin de permettre à un plus grand nombre d’IMF de se renforcer dans ce domaine, ADA a récemment contribué à la traduction en français du guide « Améliorer le contrôle interne » édité par Microfinance Network et dont les conclusions et recommandations sont reprises dans ce numéro du Dialogue. La recherche en cours sur l’impact de la microfinance sur les rapports sociaux montre comment de nouvelles normes sociales sont véhiculées par la microfinance et quel est leur impact social et relationnel sur les individus. L’auteur s’interroge sur les progrès spectaculaires de la microfinance en Afrique de l’Ouest mais en allant au-delà des critères habituels retenus pour mesurer les performances de ces institutions. En effet, c’est en tant que fait social global que la microfinance doit être abordée. Il faut donc aller au-delà de l’analyse des performances économiques et examiner comment « cet excellent outil de lutte contre la pauvreté » participe également à la généralisation et à l’acceptation du marché même dans les zones les plus reculées et vis-à-vis de populations peu habituées à ce nouveau type de rationalité économique venant des pays du Nord. Dans ce sens, la microfinance ne participe-t-elle pas elle aussi au mouvement de la mondialisation ? La question du crédit à moyen et long terme permettant des investissements demeure dans les faits un besoin encore peu couvert par les IMF étant donné sa complexité. L’analyse de l’expérience menée au Mali depuis 1992 au sein de Kafo Jiginew grâce à une ligne de crédit spécifique fournie par SOS Faim nous permet d’en cerner certains éléments, en termes d’impact socio-économique notamment.

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En quoi la mise en place d’un régime fiscal incitatif pour les IMF se justifie-t-il, du moins au cours de leur période de démarrage? Cette réflexion est assortie de nombreux exemples chiffrés qui montrent dans les faits comment les IMF sont assujetties à l’impôt et pourquoi selon l’auteur des systèmes de dérogation sont à mettre en place si on veut que ces institutions se pérennisent rapidement. Les premiers pas de l’Algérie pour mettre en place une industrie performante en microfinance illustrent assez bien toutes les difficultés que doivent surmonter des pays en transition récente vers une économie de marché, doublé en plus dans le cas de l’Algérie d’un isolement assez net dû au terrorisme. C’est toute une question de mentalité qu’il faut changer au niveau de l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus. Axel de Ville et Luc Vandeweerd ADA

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Contribution

Améliorer le contrôle interne*

Anita Campion, MicroFinance Network

*Cet article est tiré du document Améliorer le contrôle interne. Guide pratique à l’usage des institutions de microfinance. Guide technique n°1. A.Campion. MFN/GTZ. Il reprend en intégralité les conclusions et recommandations que pose l’auteur sur le contrôle interne.

A l’heure où un nombre croissant d’institutions de microfinance se développent et se transforment en institutions financières formelles, le besoin en systèmes de contrôle interne se fait de plus en plus sentir. Si chaque IMF est dotée d’un profil de risque et d’une structure opérationnelle qui lui est propre, les conclusions et recommandations générales présentées dans ce chapitre sont toutefois valables pour le secteur de la microfinance dans son ensemble.

Conclusions Les recherches qui ont servi à l’élaboration de ce guide ont fait ressortir quelques enseignements clés qui s’appliquent à l’ensemble du secteur :

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Les IMF doivent lier le contrôle interne à la gestion des risques. Par le passé, la plupart des organisations considéraient le contrôle interne comme une composante annexe, distincte des opérations, et le confondaient souvent avec l’audit interne. Les dirigeants voyaient dans le contrôle interne un outil servant à détecter les erreurs et les cas de fraude après leur réalisation, plutôt qu’un outil permettant d’anticiper les problèmes potentiels et de prévenir les pertes financières de manière proactive. Le cadre de gestion des risques présente une nouvelle approche du contrôle interne, supérieure car intégrée à tous les niveaux de l’institution. Le processus itératif de gestion des risques implique le conseil d’administration et les dirigeants dans le processus d’identification et d’évaluation des risques, ainsi que dans l’élaboration de politiques, procédures et systèmes opérationnels sains. Ensuite, les mécanismes de contrôle interne testent et évaluent la capacité de l’IMF à réduire le risque. La mise en œuvre et l’amélioration de ces politiques, procédures et systèmes impliquent le personnel opérationnel dans le processus de contrôle interne, ce qui permet à l’institution d’avoir un retour sur sa capacité de gestion des risques sans nuire au service client ni causer de difficultés opérationnelles. Le conseil d’administration et la direction sont informés des résultats de l’évaluation et y répondent comme il se doit, poursuivant ainsi le processus continu d’évaluation des risques et de mise en œuvre des contrôles.

Les IMF manquent d’informations sur la fraude. L’approche du contrôle interne par la gestion des risques est une approche holistique dans la mesure où elle considère l’ensemble des principaux risques auxquels les IMF sont confrontées, comme le risque de crédit, d’illiquidité, de taux d’intérêt, de transaction ou de fraude. Le secteur de la microfinance a déjà produit beaucoup de guides ou manuels de bonnes pratiques sur la réduction du risque de crédit et la gestion des IMF. Le Manuel de microfinance : une perspective institutionnelle et financière, de Joanna Ledgerwood, et l’ouvrage de Robert Christen intitulé Banking Services for the Poor : Managing for Financial Success, sont particulièrement connus pour leurs principes de bonne gestion des IMF. Ces publications, ainsi que d’autres, donnent de bons conseils sur la manière de gérer le risque de crédit, sur les principes d’une gestion saine de la trésorerie et sur la fixation des taux d’intérêt. De nombreuses IMF ont utilisé ces outils pour appuyer leurs propres expériences et connaissances et ont ainsi développé des stratégies de microfinance performantes1. Cependant, les guides de bonnes pratiques existants traitent rarement des moyens de réduire le risque de fraude dans

1 La section Bibliographie et suggestions de lecture figurant à la fin de ce document propose une

liste de documents traitant du contrôle interne.

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les IMF. Les dirigeants d’IMF ayant toujours été réticents à divulguer les cas de fraude dans leur institution, la question de la prévention de la fraude a jusqu’à présent été peu traitée.

En général, les contrôles mis en place par les IMF pour se protéger de la fraude sont limités. Le manque de discussion sur la fraude dans les IMF a eu pour effet de minimiser l’importance de la fraude et n’a pas encouragé les IMF à développer des systèmes de contrôle interne efficaces en terme de contrôle du risque de fraude. En outre, certains pensent que le caractère altruiste des personnes engagées dans la prestation de services de microfinance met les IMF à l’abri de la fraude. Malheureusement, l’expérience montre que ce n’est pas le cas. La fraude pouvant concerner tous les niveaux d’opération, le risque de fraude augmente lorsque l’IMF se développe et accroît la décentralisation de ses activités. Les dirigeants et membres du conseil d’administration doivent accepter la réalité de la fraude et la traiter de manière proactive au sein de l’institution.

Le secteur doit faire son apprentissage sur les contrôles liés à l’épargne. Cette publication présente la plupart des contrôles internes couramment utilisés par les IMF pour réduire le risque. Cependant, la majorité des IMF sont aujourd’hui des institutions de crédit. Lorsqu’il y aura davantage d’IMF mobilisant l’épargne, leur expérience permettra de tirer plus d’enseignements sur les moyens de réduire les risques liés à la mobilisation et à la gestion de l’épargne des clients. Par ailleurs le secteur de la microfinance doit s’efforcer de tirer les enseignements des coopératives d’épargne et de crédit, qui ont une longue expérience de la mobilisation des petits dépôts d’épargne. Même si les coopératives d’épargne et de crédit sont uniques dans la mesure où elles reposent sur leurs membres, elles ont sans aucun doute tiré des leçons en matière de gestion des risques et de contrôle interne qui pourraient être pertinentes pour d’autres types d’IMF.

Recommandations Les recommandations qui suivent mettent en évidence le rôle que les IMF, les agences d’assistance technique, les bailleurs de fonds, les réseaux d’opérateurs et les instances de réglementation peuvent jouer pour contribuer à l’amélioration du contrôle interne des IMF à l’avenir. L’ordre dans lequel ces différents rôles sont abordés reflète le niveau d’implication des différents acteurs dans le développement de contrôles internes efficaces et leur capacité à détecter les problèmes de contrôle à temps. Les instances de réglementation jouent le rôle le plus mineur vis-à-vis du système de contrôle interne de l’IMF. Etant donné qu’elles n’examinent habituellement

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l’activité des institutions qu’une fois par an, le degré d’évaluation des opérations est obligatoirement limité. C’est pourquoi les IMF réglementées doivent considérer les missions de supervision et les rapports des instances de réglementation comme la dernière source d’identification des risques et de suggestions d’amélioration des contrôles.

Expériences des IMF. Les IMF doivent se montrer plus volontaires pour discuter de la fraude, partager leurs expériences et apprendre de l’expérience des autres. Le secteur de la microfinance dans son ensemble a tout à gagner de l’amélioration des contrôles internes et du partage d’expériences d’un nombre accru d’IMF dans ce domaine. L’augmentation des pratiques de crédit individuel dans les IMF montre par exemple la capacité du secteur à trouver et à partager des méthodes innovantes de réduction des risques. En outre, le secteur ne pourra attirer plus d’investisseurs privés que lorsqu’il aura démontré sa capacité à réduire efficacement les principales expositions au risque. Les recommandations qui suivent sont destinées à aider les IMF à améliorer leurs systèmes de contrôle interne.

Institutionnaliser le processus de gestion des risques. Le mode de gestion des institutions de microfinance a souvent traité le contrôle interne et les audits internes de façon distincte des opérations, en ne considérant que leur capacité à découvrir des erreurs ou mauvaises pratiques passées. L’approche par la gestion des risques se veut plus intégrée et met en lumière la capacité du contrôle interne à prévenir les pertes et à favoriser l’efficacité. Pour être efficaces, les IMF doivent institutionnaliser le concept de gestion du risque dans leur culture et leur environnement organisationnels. Le conseil d’administration et la direction ont pour rôle essentiel d’effacer les a priori négatifs du personnel vis-à-vis du contrôle interne et de l’audit interne en expliquant à celui-ci tous les bénéfices que l’institution peut retirer de leur mise en œuvre efficace. En développant des mécanismes de contrôle ayant un effet incitatif et non dissuasif, la direction peut créer un environnement de contrôle positif, dans lequel tous les employés ont un intérêt à améliorer le système de contrôle interne. Un système de primes fondé sur les performances, une organisation en centres de profit, une culture mettant l’accent sur la résolution des problèmes et non sur la sanction sont autant de mesures susceptibles de renforcer un environnement de contrôle positif et d’aider à surmonter d’anciennes attitudes négatives à l’égard du contrôle interne.

Garantir l’implication active du conseil d’administration dans le contrôle interne. Les IMF qui se préoccupent du contrôle interne délèguent souvent cette responsabilité à la direction. Par exemple, dans de

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nombreuses IMF, le département d’audit interne ne rend compte qu’à la direction, et non directement au conseil d’administration. Sans un degré d’indépendance suffisant, les auditeurs internes ne peuvent pas réaliser un examen objectif de l’ensemble des opérations de l’IMF. Si le département d’audit interne n’est responsable que devant la direction, le conseil d’administration de l’IMF peut ne pas recevoir une évaluation approfondie des contrôles internes au-delà du niveau opérationnel de terrain ou il peut recevoir des informations dont le degré d’objectivité par rapport à la direction n’est pas satisfaisant. Néanmoins, tous les départements d’audit interne n’ont pas l’expertise professionnelle requise pour rendre compte directement au conseil d’administration et certains peuvent avoir besoin des cadres dirigeants pour consolider les rapports et présenter les conclusions au conseil d’administration. Pour que le processus de contrôle interne soit efficace, les membres du conseil doivent cependant jouer un rôle actif dans l’examen des rapports de contrôle interne et s’assurer que la direction réagit rapidement et de la bonne manière aux problèmes de contrôle.

Intégrer les visites aux clients dans le processus d’évaluation. Toutes les IMF qui souhaitent vérifier l’efficacité de leurs contrôles internes doivent intégrer des visites aux clients dans leur processus d’évaluation. Si les audits traditionnels peuvent effectivement permettre de détecter beaucoup d’erreurs dans le système, ils échouent souvent dans la détection de la fraude. En rendant personnellement visite à ses clients, l’IMF peut vérifier que les données portées sur les registres reflètent bien la réalité et réduire les occurrences et l’impact de la fraude, protégeant ainsi la réputation de l’institution et sa santé financière. Plus le pourcentage de clients visités est important, moins le risque de perte financière due à des prêts fantômes, des pots de vin ou collusions est élevé. Dans l’idéal, les IMF devraient envoyer une personne autre que l’agent de crédit rendre visite à la majorité de ses clients au moins une fois par an.

Assistance technique. Les IMF peuvent bénéficier de l’aide de consultants externes pour mettre en place leurs systèmes de contrôle interne ou y apporter des améliorations. Il est souvent plus facile pour un tiers impartial d’identifier des lacunes dans le système de contrôle interne que pour le personnel opérationnel d’évaluer son efficacité de manière objective. C’est pour cette raison que la BRI et d’autres IMF ont fait appel à des cabinets d’audit professionnels pour élaborer leurs normes d’audit internes. Une évaluation du contrôle interne doit permettre de déterminer les contrôles appropriés et les vérifications du système qui doivent être réalisées par le personnel opérationnel ou le personnel d’audit de l’IMF dans le futur.

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Rôle des bailleurs de fonds. Les bailleurs de fonds doivent insister auprès de l’IMF pour qu’elle soit dotée d’un mécanisme de contrôle interne adapté à son niveau de développement. Les bailleurs de fonds doivent encourager les IMF à mettre au point un manuel opérationnel et à prévoir des visites aux clients dans le cadre de leurs opérations courantes. Ils doivent faciliter le développement de mécanismes de contrôle interne en finançant par exemple l’évaluation des risques initiale et la mise en œuvre des contrôles internes, mais doivent éviter de créer une dépendance pour ce qui est du financement opérationnel courant. Par exemple, les bailleurs peuvent fournir un appui pour le développement initial des manuels de contrôle opérationnels à la condition que l’IMF s’engage à enrichir et mettre à jour les manuels régulièrement. En outre, les bailleurs de fonds peuvent appuyer les efforts d’innovation des IMF en matière de réduction des risques : création de nouveaux produits, comme la microassurance, ou d’outils de contrôle opérationnel, tel qu’un logiciel d’audit interne. En outre, les bailleurs doivent dissuader les IMF de se reposer sur les audits de bailleurs pour identifier les problèmes de contrôle étant donné que ceux-ci, comme les autres audits externes, ne sont pas suffisamment fréquents, ni aussi approfondis qu’un audit interne.

Réseaux d’opérateurs. Les réseaux d’opérateurs de microfinance peuvent promouvoir et encourager la discussion sur les moyens d’amélioration des contrôles internes. Les réseaux peuvent faciliter l’harmonisation des normes et principes d’efficacité du contrôle interne et encourager leur mise en œuvre dans les IMF de leur zone d’influence, c'est-à-dire de leur pays ou région d’activité. Les réseaux peuvent superviser la mise en œuvre de contrôles internes de qualité et éventuellement développer un processus de certification permettant aux IMF l’ayant suivi, d’être reconnues pour la qualité de leur gestion des risques. Ces types de normes, principes ou certifications sont particulièrement utiles pour améliorer la confiance des épargnants et investisseurs dans les pays dans lesquels les autorités de réglementation n’exercent pas une supervision efficace.

Exigences réglementaires. Les instances de réglementation doivent se familiariser avec la microfinance et dans la mesure du possible ajuster leurs exigences à la nature spécifique des activités de microfinance. Les autorités de réglementation peuvent raisonnablement exiger des IMF qu’elles aient au moins un auditeur interne ou un responsable de la gestion des risques pour superviser l’efficacité de leur système de contrôle interne. Cependant, demander chaque année un audit de tous les clients fait peser une charge bien plus lourde sur une institution de microfinance que sur une institution financière traditionnelle, car le portefeuille d’une IMF se compose de

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nombreux petits prêts à court terme. Les autorités de réglementation doivent donner des recommandations claires sur la façon dont une institution de microfinance récemment agréée doit satisfaire aux exigences de contrôle interne et laisser un laps de temps raisonnable à l’IMF pour mettre en œuvre les changements nécessaires. En outre, elles doivent compiler et utiliser les données historiques et d’autres outils pour évaluer la santé des institutions de microfinance.

Les ultimes tests de l’efficacité des systèmes de contrôle interne de l’IMF sont le temps et l’intérêt des investisseurs. Malheureusement, certaines IMF subiront encore de sérieuses pertes avant de découvrir les faiblesses inhérentes à leurs systèmes de contrôle interne. Les IMF qui se satisfont trop facilement de l’existant et partent du principe que ce qui fonctionne bien aujourd’hui fonctionnera bien demain s’exposent particulièrement à des pertes financières imprévisibles. Les IMF qui appliquent les principes de gestion des risques et mettent en œuvre un processus itératif efficace auront les moyens d’identifier et de traiter les expositions au risque et passeront le test du temps. Les IMF qui démontrent leur capacité à gérer et à réduire le risque seront plus à même de dégager des bénéfices conséquents, ce qui est l’objectif premier des investisseurs privés. En outre, les institutions qui mettent en œuvre des systèmes de contrôle interne efficaces contribuant au processus de gestion des risques seront plus efficaces dans l’accomplissement de leur mission sociale de prestation de services financiers aux segments à faibles revenus sur le long terme. Par ailleurs, les IMF qui mobilisent l’épargne des clients peuvent appliquer des stratégies de gestion des risques garantissant la protection des actifs de leurs clients, ce qui constitue la première préoccupation des autorités de réglementation financières. L’absence de contrôles internes efficaces est l’un des derniers obstacles au développement d’un secteur de la microfinance pérenne ; les IMF, les prestataires d’assistance technique, les bailleurs de fonds, les réseaux de praticiens et les autorités de réglementation ont tous un rôle à jouer pour lever cet obstacle.

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Au-delà des performances économiques : microfinance et généralisation du marché en Afrique de l’Ouest

Eveline Baumann - IRD (Institut de recherche pour le développement), Centre Ile de France

Bailleurs de fonds, décideurs nationaux, populations bénéficiaires de petits prêts, voire de nombreux observateurs semblent unanimes : les progrès enregistrés, au cours des quinze dernières années, par la micro-finance en Afrique subsaharienne, sont spectaculaires. On a pris l’habitude de mesurer les performances des institutions de la micro-finance (IMF) en termes de structures agréées, de guichets ouverts, de prêts distribués, de taux de remboursement et de populations sensibilisées. Ainsi, dans l’UMOA (Union monétaire ouest-africaine) — huit pays ouest-africains avec une population totale de 68 millions de personnes — le taux de pénétration des IMF est désormais de l’ordre de 22 %2. Mais la prolifération des expériences, est-elle vraiment une preuve de réussite ?

2 Les pays de la zone UMOA sont les suivants : Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau,

Mali, Niger, Sénégal et Togo. Source des données chiffrées : BCEAO, BOAD, UEMOA, 2002. Voir également PA-SMEC, 2000. Le taux de pénétration définit le rapport entre nombre de bénéficiaires et population cible exprimée en terme de familles de six membres. Nous ne disposons pas de données équivalentes pour la Mauritanie dont il sera également question ici et où la micro-finance est encore une réalité relativement récente.

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Au-delà des performances économiques : microfinance et généralisation du marché en Afrique de l’Ouest

Alors que la micro-finance est présentée comme le moyen privilégié de lutte contre la pauvreté et comme l’instrument indispensable à l’émergence de l’entrepreneuriat, la poursuite de ce double objectif se heurte à un certain nombre d’obstacles et les réalisations restent souvent en deçà des espérances. En tout cas, elles sont bien en deçà de ce que pourrait laisser supposer la progression numérique des expériences, et tout porte à croire que l’on s’achemine vers une bipartition3. D’un côté, il y aurait des expériences chargées d’une mission sociale, expériences qui sont peu viables et, de l’autre côté, des institutions quasiment pré-bancaires qui sont susceptibles d’atteindre l’équilibre financier et de favoriser l’émergence d’un véritable entrepreneuriat. De ce point de vue, la micro-finance continuera à correspondre à une formule que l’on peut qualifier de “ politiquement correcte ” : ceux qui souhaitent œuvrer pour plus de justice sociale y trouveront autant leur compte que ceux qui appellent de leurs vœux la “ culture d’entreprise ” supposée indispensable au décollage des économies peu développées.

Or, si son impact économique est difficilement mesurable, dans le contexte actuel de globalisation, c’est en tant que fait social total que la micro-finance fait sens. En effet, le véritable enjeu réside dans sa contribution à la généralisation et à l’acceptation du marché et des logiques qui le caractérisent. À ce titre, toutes les expériences contribuent, à des degrés divers, à la transformation des représentations du matériel et à l’évolution des rapports sociaux. Par le biais des rationalités qui la sous-tendent, la micro-finance contribue à l’introduction et à l’enracinement progressif de normes qui renvoient autant à l’économique qu’au politique et au social, normes qui sont largement déterminées par les pays du Nord et qui peuvent effectivement entrer en synergie avec l’habitus local. Incitant la société à faire “ peau neuve ”, ces répercussions s’inscrivent dans la durée et s’opposent aux projections quantitatives qui, elles, privilégient généralement le court terme4.

3 Voir, entre autres, Buckley, 1997 ; Doligez, 2002 ; Gentil, 2002 ; Hollis & Sweetman, 1998 ;

Mosley & Hulme, 1998. Pour la bipartition, voir Murdoch, 2000. 4 Pour une version plus détaillée de ce texte, voir Baumann, 2003b. L’argumentation s’appuie sur

des données collectées dans le cadre de l’équipe AUF “ La micro-finance entre lutte contre la pauvreté et développement de l’entrepreneuriat ” lors de missions au Sénégal, au Mali, au Burkina et en Mauritanie. Les connaissances du terrain sénégalais ont été surtout acquises grâce à un séjour de longue durée (1994-1998) et de missions ponctuelles (IRD, UR “ Travail et Mondialisation ”). Je remercie mes interlocuteurs de leur disponibilité à mon égard. Mes remerciements vont tout particulièrement au personnel de la Cellule AT-CPEC et du PA-SMEC de Dakar.

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Contribution

Au-delà des performances économiques : microfinance et généralisation du marché en Afrique de l’Ouest

Nous verrons dans un premier temps que l’arrivée des “ vibrations du marché ” jusque dans des zones reculées, est soumise à certaines conditions macro-sociales qui renvoient à la séparation des différents champs des activités humaines et au passage de la communauté à la société au sens de Max Weber. Par la suite, nous nous interrogerons sur l’émergence d’acteurs responsables qui composent cette “ société des individus ” en gestation. Enfin, seront présentées les nouvelles normes ainsi véhiculées. Et nous conclurons sur les risques de fragilisation de la micro-finance face aux nombreuses sollicitations qu’elle suscite.

Conditions préalables à l’émergence du marché La séparation des champs Le marché ne peut se développer de manière satisfaisante que s’il y a tout d’abord séparation des champs propres aux activités humaines5. Qu’entendons-nous par là ? Il s’agit d’un processus historique qui donne lieu non seulement à la mise en place de domaines spécifiques et à leur autonomisation réciproque, domaines tels que le juridique, le politique, l’économique, le religieux, mais aussi à la division du travail — la médecine, l’administration, les techniques diverses, etc. — et à la stabilisation progressive de celle-ci. Chaque champ se dote petit à petit d’une rationalité propre qui se traduit, entre autres, par un discours spécifique : le discours du juriste, du médecin, du chef d’entreprise, etc. Il s’ensuit la différenciation des légitimités, qu’elles concernent les valeurs ou les finalités. Ainsi, il sera légitime pour un médecin de faire passer la santé de ses patients avant des considérations économiques, comme il sera légitime pour un chef d’entreprise de privilégier son unité de production en dépit de pressions familiales l’invitant avec une insistance plus ou moins grande à accomplir des gestes de solidarité. Si les différents champs s’articulent — le chef d’entreprise est aussi père de famille, l’avocat ou l’homme politique pratique aussi une religion —, il y a toujours une hiérarchisation des valeurs selon les situations.

5 Les paragraphes qui suivent se réfèrent à un travail collectif mené depuis le début des années

quatre-vingt-dix sur des questions d’individualisation et d’émergence d’une société civile dans les villes africaines. Cf. Leimdorfer & Marie, 2003 ; Marie et al., 1997. Merci à F. Leimdorfer (CNRS, Université Versailles - St. Quentin en Yvelines) pour ses commentaires constructifs.

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Contribution

Au-delà des performances économiques : microfinance et généralisation du marché en Afrique de l’Ouest

Pour ce qui est, en Afrique sub-saharienne, de la différenciation des champs, elle souffre encore de nombreuses lacunes. En témoigne l'appropriation privée de richesses nationales par une infime couche de privilégiés proches du pouvoir, voire directement impliqués dans les affaires de l'État. De plus, cette appropriation privée ne fait pas nécessairement l'objet de réprobation et elle n'est que très partiellement sanctionnée, malgré l'existence de corpus juridiques appropriés6. La séparation du politique et du religieux pose, elle aussi, régulièrement problème7. Quant à la division du travail, elle se heurte à la pluriactivité des agents économiques, pluriactivité liée à l’impératif de répartition des risques. Pour ce qui est de l’élite des pays subsahariens, la présence d’agences internationales sur le territoire national et la perspective de faire carrière à l’étranger rend les discours plus complexes : tel haut fonctionnaire impliqué dans la consultance pour un bailleur de fonds transnational, parle-t-il en tant qu’expert international ou en tant que représentant de son administration ?

Cela étant, des résistances se font entendre contre des pratiques jugées désormais inacceptables par des groupes de plus en plus nombreux et une certaine conscience citoyenne est en train d’émerger. En nous limitant au Sénégal, on s’aperçoit que lors des élections présidentielles de mars 2000 qui devaient mettre fin à quarante ans de régime qualifié de socialiste, les jeunes sont allés jusqu’à huer les chefs religieux s’apprêtant à donner des consignes de vote (Diop, Diouf, Diaw, 2000 ; Mbodji, 2002). Les émissions interactives diffusées par les radios libres font recette et la presse privée se fait le porte-parole des laissés-pour-compte. Les jeunes n’hésitent plus à mettre publiquement devant ses responsabilités un chef de l’État qui leur “ doit ” son élection. Alors que le discours emprunté aux institutions internationales est aux relations de genres et à la promotion de l’entrepreneuriat féminin, les femmes sont, elles aussi, conscientes de leur pouvoir et se mettent au devant de la scène publique. Leurs prises de paroles et revendications s’inscrivent directement dans la bonne gouvernance tant valorisée par ailleurs, formule qui renvoie justement non seulement à la séparation des champs du religieux, du politique, de l’économique et du juridique, mais aussi à la nécessité de sanctions en cas de non-respect de certaines règles présentées comme universelles.

6 On peut rappeler les lenteurs dans le jugement des anciens potentats du régime Moussa Traoré

au Mali et, au Sénégal, les retards dans la publication des résultats de l’audit relatif à la gestion des sociétés nationales sous l’ère de l’ancien président Abdou Diouf.

7 Par exemple lorsqu’au Sénégal, le premier acte public posé par le président de la République élu en 2000 consiste à prêter allégeance au plus haut dignitaire de la confrérie musulmane des mourides.

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Contribution

Au-delà des performances économiques : microfinance et généralisation du marché en Afrique de l’Ouest

Ces prises de paroles et les manifestations d’émancipation qui les accompagnent sont autant de conditions qui doivent être réunies pour que le marché au sens néo-libéral puisse se développer. La micro-finance, elle, se nourrit de cette nouvelle constellation.

De la communauté à la société et nouvelles prises de parole Si l’on entend par marché un type déterminé d’organisation des échanges entre les agents économiques, organisation qui suppose la propriété privée, alors la généralisation du marché — tel qu’il est actuellement promu par les politiques économiques des pays dépendants — appelle la monnaie. Celle-ci permet d’abandonner progressivement le troc et d’accélérer les transactions qui revêtent progressivement une forme “ indirecte ” (Weber, 1995) tout en élargissant leurs dimensions spatiales. Mais la monnaie stimule aussi la division du travail et contribue par là à la complexification des relations économiques. Et enfin, elle fabrique la modernité, en ce sens qu’elle contribue à libérer les acteurs de certaines obligations sociales (Simmel, 1991). Autrement dit, la transition d’une économie domestique basée sur le troc à une économie largement monétarisée — avec toutes les modalités de coexistence et d’enchevêtrement des deux systèmes que cela peut impliquer — s’inscrit dans des évolutions plus globales, celles qui acheminent la communauté vers une société d’interactions plus anonymes et soumises à des régulations écrites, de nature administrative et juridique.

La micro-finance, avec les règles écrites qu’elle s’est données8, participe non seulement à la transition de la communauté (Gemeinschaft) à la société (Gesellschaft) au sens de Weber, elle favorise aussi les prises de parole nouvelles telles que nous venons de les évoquer, caractéristiques de la société civile. Les textes en question définissent les droits et devoirs des usagers, précisent les responsabilités du législateur ou, dit autrement, permettent la contractualisation des relations entre les différentes parties prenantes. Pour exister légalement, l’institution et ses membres doivent se conformer à ces textes et respecter les règles prudentielles édictées par les autorités bancaires. À travers la Commission bancaire et les Cellules d’appui — généralement rattachées au ministère de l’Économie — les autorités veillent à l’application de la loi et élaborent — en collaboration

8 Tous les pays de l’UMOA ont adopté une loi-cadre spécifique (Lelart, 1996). Dans la suite,

l’argumentation s’appuiera sur la loi votée au Sénégal (Loi n° 95-03 du 5 janvier 1995 portant réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d'épargne et de crédit (Journal officiel du 21 janvier 1995). Pour la Mauritanie : Loi n° 98-008 du 28 janvier 1998 portant la réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne-crédit qui s’inspire de la loi-cadre de l’UMOA.

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avec les organisations des professionnels9, les représentants des IMF et les bailleurs — les politiques nationales de la micro-finance. Procurant une légitimité aux activités d’intermédiation financière, le cadre juridique contribue à la construction et au renforcement de liens de confiance, indispensables à la pérennité du système. Les acteurs de la micro-finance, par le biais de leurs représentants, se posent ainsi en interlocuteurs des décideurs nationaux et transnationaux. Au même titre que les ONG, les fondations, les ASC (associations sportives et culturelles) et les GIE (groupements d’intérêt économique) — dont les activités sont également réglées par des textes spécifiques —, les institutions de la micro-finance s’inscrivent dans cette évolution qui va vers l’émergence de structures sociétales, au détriment des structures communautaires. Les autorités savent qu’ils doivent compter avec ces institutions et leurs porte-parole : la démocratie du marché est à ce prix-là.

Les évolutions macro-sociales trouvent leur pendant au niveau individuel : les acteurs se libèrent de leurs appartenances d’origine et construisent des liens plus fonctionnels favorables aux décisions centrées sur l’individu et ses projets.

La société et l’individu Prises de distance et liens fonctionnels L’avènement du marché en tant qu’institution sociale suppose que les acteurs mettent à distance leurs appartenances communautaires et le statut conféré par la naissance ; il suppose aussi que ces mêmes acteurs raisonnent en tant qu’individus et en leur nom propre. Ce n’est donc plus leur appartenance à tel lignage, à telle ethnie, à telle religion qui est censée les animer en priorité, ce n’est pas non plus leur statut d’homme ou de femme, d’aîné ou de cadet, d’homme libre ou casté, d’autochtone ou d’allochtone qui détermine leurs actes. Ce qui prime, ce sont leurs qualités en tant qu’êtres humains, leurs compétences acquises grâce à l’éducation et la formation professionnelle, des éléments qui renvoient autant au capital humain que social. La micro-finance favorise cette évolution.

9 Alors que le Mali, le Burkina et le Niger se sont dotés d’une association de professionnels de la

micro-finance, leurs collègues sénégalais semblent bien moins dynamiques, malgré un paysage d’IMF particulièrement riche. En Mauritanie, où le phénomène de la micro-finance est encore relativement jeune, l’APROMI a pu participer activement à l’élaboration de la législation relative à la micro-finance.

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Les mutuelles d'épargne et de crédit se constituent sur la base de liens communs entre les membres bénéficiaires, ces liens étant conférés par “ l'identité de profession, d'employeur, du lieu de résidence, d'association ou d'objectif ” (art. 20). Si l'expression “ identité d'objectif ” peut donner lieu à des interprétations diverses tout en présentant un gage de souplesse, les relations qu'entretiennent les membres sont en premier lieu de nature fonctionnelle. Autrement dit, même si des éléments renvoyant à l’affectivité et à la “ tradition ” (affektuell, traditional selon Weber) — caractéristiques clés de la communauté — peuvent intervenir, les liens qui unissent les membres d’une institution de la micro-finance répondent avant tout à une rationalité des valeurs et des finalités (wertrational, zweckrational), rationalité qui est le propre des sociétés modernes. Cela signifie que les appartenances communautaires sont amenées à s’effacer devant des appartenances liées à un métier déterminé, à une catégorie socio-professionnelle, à un milieu social, à la fréquentation de tel établissement scolaire ou de tel lieu de convivialité.

Bien entendu, la distanciation par rapport aux appartenances ethniques peut connaître des résistances et se réaliser à des degrés variables. Ainsi, en zone rurale, il arrive que la quasi-totalité des habitants d’un village et appartenant à une même ethnie fassent partie d’une mutuelle d’épargne et de crédit. Bien que, par ce biais, il y ait introduction de règles s’inspirant de principes égalitaires, le mode de fonctionnement de l’institution peut rester largement déterminé par les hiérarchies préexistantes. De même, l’affectivité continue à jouer un rôle fondamental lorsque des femmes d’un même quartier se regroupent pour mettre en commun leur épargne. Enfin, quant à certaines sociétés fortement structurées par classes, on observe que la micro-finance ne contribue que très modestement à l’ouverture des métiers traditionnellement réservés à des personnes castées, comme ceci est le cas de la pêche en Mauritanie. Ici, la distanciation peut se heurter à des freins que seules pourront affaiblir, à moyen terme, des circonstances socio-économiques particulières telles que des mouvements migratoires importants ou la raréfaction drastique d’autres opportunités de création de revenus.

Dans les villes par contre, caractérisées par le brassage des populations et une plus grande division professionnelle du travail, cette même distanciation est patente et le statut conféré par la naissance y perd de son poids. On peut évoquer l’exemple des grandes villes de Mauritanie, pays où, en dépit des discours officiels, persistent des déséquilibres en termes d’équité entre hommes et femmes d’une part, entre personnes de statuts prétendument supérieur et inférieur d’autre part. Il est vrai que les négro-africains majoritaires et les Maures minoritaires évoluent dans des sphères

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relativement séparées. Or, d’après nos interlocuteurs, les associations de micro-crédit rendraient plus perméables les frontières entre les deux groupes, ceux-ci arrivant petit à petit, à “ travailler ensemble ”. On remarquera également que, dans un pays comme le Sénégal où la confrérie islamique des mourides joue un rôle primordial dans le commerce, aucune IMF reconnue ne fait, ne serait-ce qu’implicitement, référence à l’islam. Par contre, ce sont des critères professionnels qui sont mis en avant, comme l’appartenance à un syndicat de commerçants (“ Mutuelle d’épargne et de crédit de l’UNACOIS ”), syndicat majoritairement constitué de fidèles du mouridisme. Le regroupement en fonction de critères professionnels est l’apanage des grandes agglomérations, et c’est en milieu urbain que l’on trouve des institutions telles que la “ Caisse d’épargne et de crédit des travailleurs de l’Université Cheikh Anta Diop ” (Sénégal) ou la “ Caisse d’épargne et de crédit des artisans de Saint-Louis ” (Sénégal).

L’individualisation des décisions On notera également que l’adhésion aux IMF est “ libre et volontaire ” (art. 11) et représente de ce fait a priori un acte posé en dehors de toute contrainte, acte qui équivaut reconnaissance des principes mutualistes et qui s’accompagne du paiement de droits d’adhésion. Alors que des groupes peuvent demander leur adhésion en tant que tels, dans la majorité des cas, cet acte est le fait d’un individu. Celui-ci engage sa responsabilité, ce qui représente un pas décisif vers la réalisation d’un projet personnel et suppose la séparation des sphères communautaire et domestique d’une part, économique et professionnelle d’autre part. On y reviendra.

Si certains prêts sont octroyés à tout un groupe supposé exercer une activité économique collective, d’autres sont destinés, à tour de rôle, aux membres d’un petit groupe qui se porte solidairement garant du remboursement. Ces formules simplifient l’instruction du dossier et permettent la réduction des coûts de transaction, mais elles peuvent aussi correspondre, de la part des initiateurs d’un projet de micro-finance, à une surévaluation quelque peu naïve des pratiques communautaires des sociétés subsahariennes. En effet, sur le terrain, les opérateurs sont souvent pris de court par la forte demande de prêts individuels. De nombreux acteurs aspirent à davantage d’autonomie par rapport aux autres membres composant le groupe de solidarité et dont l’insolvabilité risque de retarder la réalisation de leur projet personnel. Ils souhaitent que leur dossier soit traité exclusivement en fonction de leurs besoins propres et demandent à présenter des garanties correspondantes.

Cela étant, là aussi, il convient de nuancer et de tenir compte des délais nécessaires pour faire accepter les nouveaux rapports sociaux. Alors que les

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micro-crédits sont présentés comme des outils permettant aux femmes de prendre leur autonomie par rapport au milieu familial et leur conjoint, leur liberté d’action est souvent toute relative : il arrive fréquemment que les femmes sollicitent un prêt à la suite de fortes pressions de leur famille proche ou de leur mari, et que ce soit ce dernier qui utilise les fonds pour ses propres besoins, laissant à son (ses) épouse(s) le soin de respecter les délais de remboursement10. Il s’agit là d’un conflit de rationalités et de légitimités, “ classique ” dans une société en mutation. Pour que l’activité économique et l’accès au crédit des femmes soient considérés comme légitimes, il est indispensable que les normes sous-tendant cette légitimité soient acceptées par un grand nombre des intéressé(e)s. Cette évolution ne peut se faire que progressivement.

Dans les sociétés subsahariennes, le processus d’individualisation est ralenti par des facteurs à la fois culturels et matériels. En effet, ces sociétés se reproduisent en tenant compte des rapports de force qui leur sont propres et toute atteinte à ces rapports de force risque d’être vécue comme une agression par ceux qui détiennent le pouvoir. Les obligations réciproques, les dons, contre-dons et autres manifestations de la solidarité font partie intégrante du système social. La solidarité — envers la parentèle tout d’abord, mais aussi envers les membres de l'ethnie, voire du village — est pensée comme l'une des valeurs fondamentales. Toute déviation par rapport à cet idéal est fortement dénigrée et peut être sanctionnée, au besoin par le recours à la sorcellerie. C’est particulièrement en temps de crise, que la solidarité familiale représente une nécessité matérielle et qu’elle est, en quelque sorte, la “ sécurité sociale ” des laissés-pour-compte qui permet d'amortir ne serait-ce qu'une partie des tensions sociales. De ce fait, elle peut être présentée comme un handicap à la réalisation d’un projet personnel. Mais la solidarité peut aussi bien être un impératif économique et faire partie intégrante de la stratégie entrepreneuriale de tel ou tel groupe qui s’appuie sur des proximités dues à l’appartenance à une religion, à une ethnie ou à une caste. Ceci est le cas de groupes amenés à se déplacer ainsi que de métiers spécifiques tels que ceux liés aux certains éléments comme l’eau, le feu, le bois. On pense, entre autres, aux forgerons et bijoutiers, aux pêcheurs bozo ou somono du Mali, aux commerçants mourides originaires du Sénégal11. Or, les liens de solidarité se reconfigurent dans certains cas, tout comme ils s’effritent dans d’autres et se heurtent à des stratégies 10 Voilà ce qui incite à relativiser le succès des IMF du type Grameen Bank où la micro-finance

peut aller jusqu’à provoquer le durcissement des relations de genre. Cf. Kabeer, 2001 et Guérin, 2000.

11 Tout comme on pourrait penser aux Auvergnats de Paris, à la diaspora chinoise, à la communauté juive.

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d’évitement et de contournement (Baumann, 2003b). La micro-finance, elle, contribue à l’évolution des solidarités, en donnant la priorité à la finalité économique des investissements, finalité dont bénéficie de plus en plus la famille restreinte, voire l’entreprise individuelle.

L’essor des échanges marchands impulsés par la micro-finance est porteur d’évolutions lourdes de conséquences non seulement pour les individus et les relations qu’ils entretiennent entre eux, mais aussi pour leur inscription dans le monde de l’économie. Ces évolutions renvoient à l’articulation entre l’économique et le social, entre sphères publique et privée, au rapport au temps et à la gestion du risque.

Nouvelles normes, nouvelles pratiques Rapports de force et prééminence de l’économique Les micro-crédits permettent aux individus de se libérer des relations clientélistes et des liens de dépendance qui les unissent à leurs bailleurs habituels, qu’il s’agisse de connaissances ou de membres de la famille, de garde-monnaie ou d’usuriers. Ces relations se caractérisent par une étroite imbrication entre l’économique et le social. La micro-finance, elle, crée des liens d’une nature différente, fonctionnels et déterminés essentiellement par des motifs économiques. Autrement dit, la forte imbrication entre considérations économiques et sociales — le “ embeddedness ” de Karl Polanyi — fait place à l’autonomisation de l’économie par rapport à l’environnement social.

Cette tendance se manifeste dans les rapports entre les institutions de la micro-finance et leurs clients. En effet, les rapports entre les agents et les bénéficiaires d’un prêt se distinguent par une certaine fonctionnalité où des considérations d’ordre familial ou ethnique n’ont, a priori, plus de place. Alors que les preneurs de crédit sont jugés essentiellement sur leurs capacités d’honorer leurs engagements, les agents des IMF, eux, bénéficient d’un intéressement au résultat de l’institution. Lors du recouvrement des créances, ils sont censés faire fi de toute considération personnelle et peuvent aller jusqu’à confisquer les biens mis en gage, au cas où le simple recours à la menace ne produirait pas l’effet escompté.

La priorité accordée à des impératifs économiques caractérise aussi l’utilisation même des fonds distribués et, partant, la gestion des micro-entreprises appuyées. Une gestion orthodoxe des affaires bannit, en principe, les dépenses de prestige ou celles s’inscrivant dans le domaine du

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religieux tels que, dans les sociétés musulmanes, les baptêmes ou les cérémonies liées au pèlerinage à La Mecque. Cette caractéristique oppose les IMF aux associations dites traditionnelles du type tontine. Les finalités de ces regroupements et celles des institutions de la micro-finance ne sont pas tout à fait les mêmes. Les premiers répondent autant à des considérations sociales qu’économiques et la convivialité joue un rôle central ; la fréquente tenue des réunions au domicile d’un des membres en est l’expression. La forte présence d’éléments renvoyant à la sphère du privé peut, bien entendu, présenter un handicap de taille lorsqu’il s’agit de régler des conflits. Il en est autrement des IMF qui — sans renoncer entièrement à l’aspect convivial, élément indispensable à la construction de liens de confiance — répondent, elles, quasi exclusivement à des besoins économiques.

Le “ désenchâssement ” de l’économique par rapport au social, lié au type de relations qui s’installent entre les institutions et leurs clients, va de pair avec la séparation entre sphères privée et publique au niveau comptable, ces deux sphères étant entendues ici comme les domaines relevant de la vie familiale du preneur de prêt d’une part, de son activité professionnelle d’autre part. On sait que généralement, les micro-entrepreneurs ne font pas de distinction entre la trésorerie de leur unité et le budget domestique. Dès le stade du montage d’un dossier, les “ micro-financiers ” partent de cette réalité pour amener leurs clients à séparer la trésorerie de leur micro-entreprise et le budget domestique. Il s’ensuit une plus grande fiabilité du diagnostic par rapport à la santé de l’entreprise et une meilleure maîtrise des risques encourus par l’institution.

Mais l’impact de la micro-finance sur les rapports sociaux va encore plus loin. Si elle permet aux acteurs de se libérer de liens dits traditionnels, elle favorise aussi la redéfinition des rôles qui leur sont attribués. Cela est particulièrement frappant pour les femmes. On sait qu’en Afrique sub-saharienne, l’usage de la monnaie peut être largement déterminé par le genre de celui/celle qui la détient et qu’il y a souvent cloisonnement sexué des dépenses domestiques, c’est-à-dire répartition des charges de la maisonnée entre les conjoints selon un schéma relativement précis. Cet usage sexué de la monnaie s’accompagne d’une division du travail conséquente12. Un projet de micro-finance qui s’adresse en priorité aux femmes contribue ainsi à l’évolution des pratiques monétaires et donne lieu

12 Ainsi, le mari est censé pourvoir à l’acquisition des denrées alimentaires. Mais les femmes se

plaignent que les hommes sont de moins en moins en mesure de remplir cette obligation, ce qui amène les premières à pratiquer une activité économique, notamment commerciale. Pour une étude approfondie de cette question, voir Guérin, 2000.

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à la ré-allocation du pouvoir économique au sein des familles. C’est avant tout dans les zones rurales, d’habitude moins exposées aux influences exogènes que les grandes agglomérations, que les répercussions des IMF sur les rapports sociaux sont particulièrement manifestes et que grâce à ces institutions, la modernité peut se frayer un chemin, en remodelant, entre autres, la division du travail en fonction du genre. Les propos de tel responsable d’une ONG confirment ce constat :

“…l'impact socio–économique, […] ça permet à certaines femmes dans des villages, où, j'étais témoin qui n'ont jamais, jamais, jamais, la majorité d'elles n'ont jamais eu à recevoir d'un seul coup, un billet de 5 000 francs ou 10 000 francs13.[…] Les rares fois qu’elles ont vu ça, c’est avec leurs maris, mais elles n’ont jamais reçu un montant aussi élevé d’un seul coup. ” (SLC, Dakar, 7.5.2002).

La manipulation du numéraire par les femmes doit donc être appréhendée par rapport à l’utilisation qu’en font habituellement les hommes. Grâce à la monnaie, les femmes — individuellement ou en regroupant leurs ressources monétaires — peuvent accéder à des biens qui, avant, leur étaient inaccessibles, car réservés aux hommes. À titre d’exemple, les femmes bénéficiaires de la Nissa-Banque en Mauritanie se réunissent pour acquérir des animaux qui seront ensuite abattus et dont la viande sera vendue au détail. Traditionnellement, cette activité relevait du domaine des hommes.

Projection dans le temps et gestion des risques La représentation du temps est, elle aussi, au cœur des évolutions accélérées, voire engendrées par la micro-finance. Grâce aux micro-crédits, le rapport au temps se modifie. Il gagne en complexité et devient plus structuré, amenant les bénéficiaires à devoir et pouvoir se projeter dans l’avenir.

L’introduction d’un taux d’intérêt joue, à ce titre, un rôle central. Pour les dépôts simples, assimilables aux comptes courants, il n’y a généralement pas de rémunération : alors que le client d’une IMF sait son épargne en sécurité, il accepte, en guise de contrepartie, que l’institution travaille avec les fonds déposés, pratique qui rappelle celle des garde-monnaie qui, traditionnellement, utilisent les dépôts de leurs clients comme fonds de roulement pour leur commerce. Les taux d’intérêt débiteurs, par contre, varient en fonction des produits proposés, et la limite supérieure correspond généralement au double du taux d’usure. Le coût d’un crédit étant fonction

13 Soit 7,26 ou 15,24 €.

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du temps, celui-ci acquiert de la valeur. Cette articulation entre coût du crédit et délais de remboursement représente une nouveauté par rapport à la rémunération des prêts telle qu’elle est connue en milieu africain : la rémunération de l’argent prêté est pensée en termes de marge bénéficiaire, par nature indépendante de la durée (Baumann, 1998). Par les taux débiteurs pratiqués par les IMF, “ le temps, c’est de l’argent ” ; ce temps devient précieux et ne doit pas être gaspillé. La valorisation du temps consacré au métier en est la conséquence logique, et avec elle la valorisation de l’activité économique elle-même. Inévitablement, un regard différent se portera progressivement aussi sur le non-travail.

Le rapport au temps devient aussi plus complexe, et cette évolution est avant tout imputable à la pluralité des produits financiers, chacun répondant à des objectifs économiques précis et énoncés par contrat, chacun aussi imposant aux contractants des règles qui lui sont propres et dont le non-respect est censé être sanctionné. Ces règles varient selon le type de dépôt, elles diffèrent selon qu’il s’agit d’un dépôt visant la sécurisation des économies, de l’épargne accumulée pour la création d’entreprise, des économies destinées à un stage de perfectionnement ou à la scolarité des descendants. Autant de formules qui peuvent comporter des droits à un emprunt susceptible de financer un fonds de roulement, un investissement immobilier, l’acquisition d’outils de production ou un investissement en formation.

Les différents produits d’épargne et de crédit impliquent le respect d’échéances qui, à moins de concerner explicitement le secteur agricole ou halieutique, sont de moins en moins rythmées par les saisons ou les cycles de la vie, mais s’appuient davantage sur le calendrier civil. La régularité est aussi au cœur des pratiques lorsqu’une personne s’adonnant à une activité foraine décide de prendre un crédit pour installer son commerce dans une boutique, installation qui permet au nouveau boutiquier d’établir les échanges dans la durée et de devenir par là un agent plus actif de l’économie de marché.

De ce fait, la micro-finance contribue à la maîtrise des aléas liés au temps. Elle permet de se prémunir contre les fluctuations des prix du marché, d’égaliser par là les rythmes de la production et de la consommation, les rendre plus réguliers. Autrement dit, le temps abstrait des sociétés industrialisées, avec sa nature linéaire, jouera petit à petit un rôle plus important, au détriment du temps concret caractérisé par une nature cyclique (Kimmerle, 1998).

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Conclusion À un moment où les sociétés de l’Afrique subsaharienne sont exposées à des transformations profondes, la micro-finance arrive à point nommé. Les systèmes de redistribution “ traditionnels ” qui assignaient un rôle central à l’appareil de l’État sont en crise. Cette crise n’est pas seulement vécue telle de manière subjective, elle correspond aussi à une réalité objective. En effet, les programmes d’ajustement structurel ont amené les États au sud du Sahara à promouvoir une gestion plus rationnelle et transparente de leurs affaires et à supprimer des structures distributrices de prébendes ayant permis pendant de longues années l’entretien d’une clientèle nombreuse. Depuis les années quatre-vingt-dix, l’État de nombreux pays n’est plus le premier employeur, tout comme il ne dispose plus des ressources matérielles et symboliques d’autrefois. Cette situation porte atteinte à sa crédibilité, l’amène à redéfinir ses prérogatives et à repérer de nouvelles niches rentières susceptibles d’entretenir sa clientèle et de reproduire les élites du pays. Mais cette remise en question de l’État représente aussi une chance pour l’émergence d’une société civile, et les IFM en sont les manifestations concrètes. Ces institutions véhiculent de nouvelles normes qui consistent à favoriser la séparation des champs privé et public, à promouvoir des rapports individualisés avec l’État, à faire émerger des acteurs responsables ayant un rapport au temps compatible avec l’économie néo-libérale, des acteurs prêts à prendre des risques. Pour que ces acteurs puissent mieux assumer ces risques qui renvoient autant à la sphère domestique qu’au monde de la micro-entreprise, les IMF proposent de plus en plus des produits de l’assurance, produits qui représentent le prolongement quasiment naturel de l’intermédiation financière14.

Si les bailleurs de fonds ont incité les pays subsahariens à assainir leur gestion économique, c’est pour que ceux-ci deviennent davantage attractifs aux yeux des investisseurs étrangers et pour qu’ils jouent un rôle plus actif dans une économie globalisée. Or, on sait que la globalisation va de pair avec des phénomènes d’exclusion qui, dans un contexte de crise des systèmes de redistribution traditionnels, amènent les populations à se prendre en charge. Tout comme d’autres institutions — telles que les ONG, les GIE (Groupements d’intérêt économique), les ASC (Associations sportives et culturelles) —, les institutions de la micro-finance s’inscrivent dans ce processus de globalisation et les normes véhiculées par elles y contribuent. Déchargeant l’État de certaines attributions, elles sont censées

14 Cf. www.ilo.org/public/english/employment/finance/, www.ilo.org/public/english/socsec/pol et

www.microfinancegateway.org/microinsurance.

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apporter une réponse active aux phénomènes d’exclusion. Pour cela, elles s’adressent directement aux bailleurs étrangers. Ceux-ci repèrent de nouveaux interlocuteurs dans le milieu associatif, entourent de beaucoup d’attention les intellectuels, promeuvent des formations supérieures élaborées dans les pays du Nord. Dans ce dispositif, les bureaux d’études et consultants internationaux jouent un rôle central. Désormais, c’est par le biais des dispositifs financés par l’aide décentralisée que passe la redistribution, tout en entretenant l’illusion que les problèmes de pauvreté peuvent être résolus par des techniques financières (Servet, 2002).

Les bénéficiaires des projets de la micro-finance, eux, sont preneurs des évolutions liées à la globalisation, à condition qu’elles soient compatibles avec leurs aspirations. Par contre, dans les cas où elles paraîtraient humainement difficiles à accepter, ils leur opposent des résistances. Ils se défendent contre le gommage des particularités, contournent les normes présentées comme universelles, composent avec elles si le besoin s’en fait sentir. En dehors de tous les résultats chiffrables et chiffrés, c’est sans doute par sa capacité de répondre à certains desiderata des intéressés en tant qu’individus que la micro-finance contribue le plus au mieux-aller des populations.

Cela étant, les IMF ne resteront opérationnelles et crédibles qu’à condition de sauvegarder le capital de confiance dont elles bénéficient et d’être en mesure de trouver un dénominateur commun entre des stratégies divergentes qui animent les différents acteurs que sont les bailleurs, les autorités nationales, les opérateurs de terrain, les responsables d’ONG, les facilitateurs, les élus des instances représentatives et enfin les usagers des IMF. Les institutions de la micro-finance représentent des enjeux politiques de taille, elles donnent lieu à des pratiques néo-patrimoniales et à la création de situations rentières qui risquent d’être tout aussi préjudiciables que celles qu’ont connues les systèmes étatiques à la veille des plans d’ajustement structurel. Les facteurs de fragilisation potentielle sont donc nombreux.

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ADA Dialogue, numéro 32, juin 2003

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Contribution

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ADA Dialogue, numéro 32, juin 2003

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Contribution

KAFO JIGINEW : analyse d’une expérience de crédit d’équipement au sein d’une institution de micro finance paysanne

Marc Mees, SOS Faim

Cet article est tiré de l’étude suivante :Impact socio-économique des prêts d’équipement. L’expérience du réseau Kafo Jiginew au Mali. Etude réalisée à la demande de SOS Faim. Denis Pommier, IRAM (Institut de recherches et d’applications des méthodes de développement), novembre 2002.

La question du crédit à moyen terme Quand on interroge les organisations représentatives des producteurs et paysans sur les contraintes qu’elles rencontrent au niveau du financement des exploitations familiales, la problématique du crédit à moyen et long terme permettant les investissements revient régulièrement en bonne place.

Confirmation en a encore été donnée dans le cadre de l’atelier organisé à Ouagadougou en janvier 2003 à l’initiative de SOS Faim. Pendant une semaine, des organisations paysannes, des institutions de micro finance et des banques agricoles ont dialogué, échangé sur leurs difficultés et sur les pistes de collaborations, sur leurs complémentarités et les synergies à mettre en œuvre.

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KAFO JIGINEW : analyse d’une expérience de crédit d’équipement au sein d’une institution de micro finance paysanne

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La nécessité de mettre des ressources longues à la disposition des institutions financières pour permettre des investissements dans les exploitations familiales a été mise en avant dans la déclaration finale15 de l’atelier qui a réuni des représentants de quatre pays sahéliens (Burkina Faso, Mali, Niger et Sénégal).

Le crédit par et pour les paysans L’une des plus importantes entités mutualistes de crédit d’Afrique de l’Ouest, KAFO JIGINEW, a participé à cet atelier. KAFO JIGINEW présente la particularité d’être une banque créée à l’initiative des paysans et qui leur appartient.

Dans le cas de KAFO JIGINEW, parler de dialogue difficile entre organisations paysannes et institutions de micro finance relève donc du paradoxe. Peut-être est-ce pour cette raison qu’un produit tel que le crédit d’équipement y a été mis en place depuis plus de 10 ans.

Une étude d’impact récente menée par l’IRAM16 à la demande de SOS Faim a porté sur cette expérience.

L’objectif premier de ce travail était de déboucher sur des propositions viables d’amélioration du crédit à moyen terme au sein du réseau.

En fonction du temps et des ressources disponibles, la méthode de travail a comporté trois étapes essentielles :

- Une analyse documentaire ;

- Une analyse plus détaillée de 8 caisses octroyant du crédit à moyen terme. Ces 8 caisses représentent un tiers du volume des crédits moyen terme. A cette occasion, des entretiens ont également été menés avec le personnel du réseau, avec les élus et avec des sociétaires ;

- Un entretien plus fouillé avec 36 sociétaires représentant la diversité de ceux qui accèdent au crédit à moyen terme.

Les principaux enseignements de ce travail sont présentés ci-dessous.

15 Ce document est disponible sur le site de SOS Faim Luxembourg : www.sosfaim.org 16 IRAM : Institut de recherches et d’applications des méthodes de développement. Ce travail a

été confié à Denis Pommier et a très largement inspiré ce document.

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La progression globale du réseau KAFO JIGINEW Le réseau de caisses d’épargne et de crédit KAFO JIGINEW au Sud Mali a fait l’objet d’une présentation dans le numéro 4 de « ZOOM Micro finance »17.

Depuis, et jusqu’à la réalisation de l’étude sur le crédit à moyen terme, le réseau a progressé de la manière suivante :

31/12/2000 31/10/2002 Evolution Nombre de caisses 113 126 +11,5% Nombre de points de services 8 12 + 50,0% Nombre de sociétaires 96.740 140.705 +45,4% Pourcentage de femmes 23% 27% +17,4% Montant des parts sociales (€) 670.000 1.040.000 +55,2% Part sociale par sociétaire (€) 6,92 7,39 +6,8% Montant des dépôts (€) 5.950.000 10.360.000 +74,1% Dépôt moyen par sociétaire (€) 61,5 73,6 +19,7% Encours net de crédits (€) 5.950.000 13.990.000 +135,1% Nombre de crédits octroyés sur l’année

36.301 73.414 +102,2%

Montant moyen des crédits (€) 163,9 190,6 +16,3% Encours moyen par sociétaire (€) 61,5 99,4 +61,6% Nombre de prêts/nombre de sociétaires

37,5% 52,2% +39,2%

Taux de remboursement 92,0% 97,6% Pour KAFO JIGINEW, le crédit d’équipement lancé en 1992 représente un volume cumulé d’octrois de 2,23 millions d’€ répartis entre 6.600 opérations. Le montant moyen des crédits octroyés est donc de 338,2 €. Ce chiffre est du même ordre de grandeur que le produit interne brut annuel moyen par habitant du Mali. Dans le cas du crédit d’équipement, le comité de crédit prend des décisions sur base de critères assez sévères, étant donné que la demande est largement supérieure aux ressources disponibles. Les principaux critères employés sont : l’existence d’un réel besoin couvert par

17 Disponible auprès de SOS Faim ou sur le site www.sosfaim.be

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le crédit ; l’honnêteté et le dynamisme du sociétaire; ses revenus; ses antécédents en terme de remboursement de crédit.

Malgré des ressources toujours limitées, la tendance générale depuis 10 années est néanmoins à la croissance du crédit à moyen terme. A la fin de l’année 2001, il représentait 15% du volume des crédits et les prévisions pour les cinq années futures laissaient présager une augmentation jusqu’à un niveau de 20 à 25% de l’encours des crédits.

Cette importance croissante dans le portefeuille de KAFO JIGINEW n’est possible que grâce à l’existence de ressources longues, parmi lesquelles le capital social du réseau. Il est cependant intéressant de noter que l’encours de crédit moyen terme représentait 140% du capital social à la fin de l’année 2001. Ce rapport met en évidence la nécessité de trouver par ailleurs d’autres types de ressources longues pour faire de l’investissement.

Une évolution importante du volume et du nombre de crédits d’équipement a ainsi été rendue possible à partir de 1998 grâce au concours apporté par SOS Faim avec la coopération belge (apport d’une ligne de financement de 413 millions CFA18 en 5 ans). Les deux graphiques ci-dessous témoignent de la tendance générale à la hausse du nombre et du montant des crédits à moyen terme depuis 1996.

Nombre de crédits d'équipement

0

400

800

1 200

1 600

2 000

1996 1997 1998 1999 2000 2001

18 Environ 630.000 EURO

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Volume des octrois (en €)

0

400 000

800 000

1 200 000

1996 1997 1998 1999 2000 2001

Années

Le taux de remboursement du crédit d’équipement Malgré des conditions avantageuses (1,5% par mois sur le capital restant dû réparti sur 36 mois), le crédit d’équipement se comporte relativement moins bien que le crédit de campagne. En 2000, le niveau des remboursements a même atteint le plancher de 84% en raison de la crise du coton19. En 2002, la situation a pu être redressée grâce à la bonne campagne 2001 (forte production et prix offert plus élevé) : le pourcentage est remonté au-dessus de 90%. Ces difficultés de remboursement traduisent généralement une situation de surendettement des agriculteurs. Et ceux-ci privilégient l’accès au crédit de campagne qu’ils remboursent en premier.

Le taux de perte plus élevé observé sur ce type de crédit a évidemment une implication sur sa rentabilité : son rendement net annuel peut être estimé à 4% seulement, ce qui est sensiblement plus bas que le crédit de campagne.

A qui va le crédit d’équipement ? L’étude a reconstitué ces informations sur base d’un échantillon de 824 crédits en cours en novembre 2002. Trois tendances très lourdes se dégagent de ces données :

98,5% des prêts sont allés à des hommes chefs d’exploitation;

19 En raison du prix d’achat du coton peu élevé offert par la Compagnie Malienne des Textiles, de

nombreux agriculteurs ont fait la « grève » des semis.

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86% des crédits concernent des agriculteurs et éleveurs;

Le montant moyen présente une grande disparité entre l’agriculteur (350 €) et d’autres catégories socio – professionnelles comme les artisans et les commerçants (de 1.750 € à 3.140 €).

Par conséquent, si 95% des prêts sont allés aux caisses rurales du réseau, ils ne représentent que 76% des montants octroyés tandis que les crédits urbains représentent 24% du volume pour seulement 5% des opérations.

Les enquêtes menées en zone rurale ont mis en évidence 4 grands types de situations :

Les agriculteurs remplacent des bœufs ou des équipements suite à une décapitalisation (mort, vol, mauvais état de l’outil, revente) ;

Des agriculteurs bien équipés augmentent leur capacité de travail (passage de 1 à 2 voire 3 attelages) ;

D’autres s’équipent pour la première fois ou complètent un attelage. Il s’agit souvent de nouveaux responsables d’exploitations qui résultent de l’éclatement des exploitations traditionnelles ;

Finalement, quelques agriculteurs investissent en dehors de la sphère agricole, par exemple dans le logement ou le commerce.

L’essentiel de la demande agricole se concentre sur les bœufs de labour (94%), puis les équipements de travail au sol (charrues, semoirs) avec 4% et enfin les charrettes avec 1,6%. Seuls deux agriculteurs sur 700 ont utilisé leur crédit pour mettre un système d’irrigation en place.

En zone urbaine, les catégories les plus importantes sont le logement au sens large (terrain, construction, amélioration et équipement d’habitat) et certains équipements collectifs à vocation sociale ou productive (dispensaire, magasin de stockage).

Enfin, les activités de commerce et de services se développent également sous l’impulsion de commerçants, artisans et de salariés qui diversifient leur source de revenus (restaurants, cabines de téléphone, …) ou augmentent leur capacité d’intervention sur le marché (cas du commerce du riz ou de la vente de vaisselle en plastique) par une augmentation de leur fond de roulement. Ce secteur peu important numériquement concentre néanmoins 9% du portefeuille.

Socio - économiquement, le groupe des fonctionnaires et salariés est un groupe relativement homogène avec des revenus intermédiaires par rapport à ceux plus élevés des commerçants et artisans et ceux plus bas des

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agriculteurs. La catégorie des agriculteurs est sans aucun doute la moins homogène : certains peuvent se permettre de s’endetter de 3 à 5 millions de CFA20 pour l’achat d’un tracteur d’occasion mais la plupart ne dépassent pas 200.000 CFA.

Le profil type du client du crédit d’équipement est donc celui d’un homme de 30 à 50 ans, agriculteur vivrier et producteur de coton, qui travaille dur dans son champ et a de bons antécédents avec KAFO JIGINEW.

Analyse de l’impact économique, social et institutionnel Au niveau économique, deux approches complémentaires (méso économique et microéconomique) sont possibles pour considérer l’impact sur les activités, sur le niveau de vie, sur l’épargne et sur l’adoption de nouvelles techniques agricoles.

La faible couverture des besoins en équipement (moins de 7.000 opérations en 10 ans) fait que l’impact méso économique (au niveau de l’ensemble de la région du Mali Sud) est bien moindre que celle du crédit de campagne

Les effets de ces opérations sont d’autant plus difficiles à mesurer que d’autres variables, comme la pluviométrie et le prix mondial du coton déterminent brutalement et de façon très significative les revenus et la capacité d’épargne des ruraux, à la hausse ou à la baisse dans une fourchette de l’ordre de 40% ces dernières années.

Cependant, dans le cas de deux caisses rurales de BELECO et SEYLA, l’impact a été localement très significatif et positif, en appuyant dans le premier cas la relance de la production après une année difficile et dans l’autre cas, une recomposition sociale autour de la caisse après une crise de confiance. Dans ces deux situations, le moyen terme avec son différé de remboursement est donc apparu comme un mécanisme bien adapté pour absorber les crises. Les effets au niveau microéconomique peuvent quant à eux être très différents d’une exploitation à une autre en fonction de l’utilisation du prêt, de l’évolution familiale et de celle du contexte de l’activité.

L’enquête révèle cependant que : 20 Un € vaut 655,957 CFA

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- 80% des sociétaires ont créé des capacités de production nouvelles grâce au crédit moyen terme (bœufs, charrettes, poste à souder, outils) ;

- tous les agriculteurs ont investi pour produire dans leurs champs. En particulier, la demande pour les bœufs de labour est liée à la fois à l’existence d’épidémies ou de vols et à l’éclatement de nombreuses exploitations traditionnelles qui pousse chacun à se doter de son propre attelage pour ne pas dépendre d’autres personnes pour labourer son champ. Cette demande est d’autant plus forte que la saison des pluies est brève (comme en 2002).

Les effets et les limites des investissements réalisés par les paysans :

Avec l’achat d’un ou de deux bœufs, la surface labourée est augmentée ; le labour est réalisé en temps opportun ; les rendements tendent à augmenter ; les obligations vis-à-vis des voisins ou parents diminuent. Par contre, la pression foncière peut être accrûe et le résultat reste dépendant de différents facteurs comme la pluviométrie, la mise en place opportune des intrants, le niveau de prix du coton. L’achat d’une charrette libère partiellement la femme du travail de portage de l’eau et du bois, mais un ou deux animaux sont nécessaires à son utilisation.

Selon l’enquête, deux tiers des agriculteurs affirment avoir des revenus en progression grâce à l’équipement acquis. L’autre tiers se trouve dans la situation inverse, pour des raisons assez diverses : décès ou maladies, pluviométrie déficiente, accès trop tardif au crédit, chute du prix du coton, inondations en 1999, …

Près de 70% des agriculteurs interrogés en étaient à leur premier prêt, alors que la moitié des commerçants, salariés ou fonctionnaires rencontrés avaient déjà eu accès à 3, 4 voire 5 crédits d’équipement, ce qui montre bien la volonté des caisses urbaines d’accompagner la croissance de ces entreprises21 et de diminuer ainsi leurs coûts de sélection et les risques inhérents aux nouveaux clients mal connus.

21 Le potentiel de croissance de ces entreprises est sans doute plus important que celui des

exploitations familiales rurales.

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De manière générale, le crédit moyen terme apparaît peu utilisé pour développer de nouvelles techniques. Il sert plutôt à renforcer des dynamiques existantes alors que l’offre de technologies adaptées au milieu semble largement insuffisante.

L’impact social

Malgré la difficulté de mesurer cet impact sur base d’une enquête limitée, différents éléments émergent à ce niveau :

- dans un cas sur huit environ, le crédit d’équipement permet de diminuer le temps et la pénibilité du travail des femmes, notamment pour le transport du bois de feu ou de l’eau. Dans de rares cas, le crédit permet d’augmenter l’autonomie économique des femmes (petits élevages par exemple). En contrepoint, on peut s’interroger sur les effets de l’augmentation des surfaces labourées et par conséquent la lourdeur des travaux champêtres sur la vie des femmes rurales ;

- les agriculteurs qui n’ont pas connu de problèmes de remboursement mettent tous en avant une certaine amélioration de leurs conditions de vie, notablement au niveau de leur logement et de l’éducation des enfants. La faible pénétration des crédits d’équipement limite cependant les impacts de cette stratégie dans la région où l’exode rural continue à se poursuivre ;

- on note également un impact psychologique. Le crédit moyen terme est relativement rare tout en étant avantageux financièrement. La sélection est donc assez stricte. Le prestige social des sociétaires sélectionnés en est accrû. A l’inverse, les impayés sont vécus généralement comme des échecs dans un contexte où la pression sociale reste forte. Le risque de perdre l’accès au crédit de campagne est également un incitant à bien rembourser.

L’impact institutionnel

Le crédit d’équipement a aussi des effets sur KAFO JIGINEW au niveau local et au niveau de la fédération.

Comme le disait un sociétaire, « l’accès au crédit moyen terme, c’est sérieux ! ». Cela veut dire que KAFO est en bonne santé, solide et confiant dans l’avenir. Pour la caisse qui offre ce service, cela signifie une nouvelle étape de croissance mais aussi une augmentation des risques, en particulier dans les caisses urbaines.

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L’ouverture du crédit d’équipement ne commence pas avant trois ou quatre ans d’existence de la caisse, quand elle est autonome financièrement ou presque. Le montant de l’enveloppe mise à disposition dépend des ressources stables collectées. Comme le produit est attractif (coût et durée), il favorise objectivement la collecte de ressources longues, plus difficiles à réunir en milieu rural.

La mise en place de crédits d’équipement qui réussissent a dès lors trois effets sur les caisses qui le pratiquent :

- leurs performances économiques et financières s’améliorent ;

- le nombre de sociétaires augmente ;

- le prestige de la caisse est rehaussé. Mais avec la durée des prêts, les risques également augmentent dans un contexte d’insécurité et de menaces telles que le démantèlement ou la privatisation de la Compagnie Malienne des Textiles (CMDT), le comportement incontrôlé du coton sur le marché mondial et la dégradation de l’environnement.

Les principaux enseignements d’une expérience de 10 années au sein de Kafo Jiginew L’étude conclut au fait que l’expérience de KAFO JIGINEW après 10 ans de crédit d’équipement est pertinente pour toutes les institutions financières travaillant dans le monde rural. La capacité du réseau à s’adapter à une demande diversifiée est à mettre en évidence. Cependant, l’environnement économique et social dans lequel évolue le réseau reste précaire et il s’est détérioré en 2002 à cause notamment de la baisse de 10% du prix du coton mais aussi des mauvaises récoltes dans les zones les plus sèches. La guerre en Côte d’Ivoire, la situation complexe de la Compagnie Malienne des Textiles en voie de privatisation et les difficultés du Syndicat des Cotonniers et Vivriers (SYCOV) dans le service des intrants agricoles n’ont pas arrangé les choses.

Le réseau a également des faiblesses internes : une très grande dépendance vis-à-vis du coton, une difficulté d’apprécier les risques globaux des clients

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débiteurs liée à l’absence d’une centrale de risques, l’insuffisance numérique du personnel de contrôle interne.

L’impact économique et social du crédit d’équipement est positif dans une grande majorité des cas, au niveau local et des familles ayant eu accès au crédit.

Il est par contre diffus au niveau méso économique en raison de sa faible ampleur par rapport à l’économie de la région. Le public touché est essentiellement composé de paysans, producteurs de coton dont la demande s’est concentrée sur l’acquisition des bœufs de labour indispensables à la pratique de la culture attelée recommandée par la Compagnie Malienne des Textiles.

Cette demande a été en grande partie motivée par la décapitalisation des exploitations qui avaient perdu ou revendu leurs animaux de trait en 2000 (suite à la grève des semis des surfaces de coton liée à un conflit sur le prix offert à la récolte) dans la région de Fana. Dans ce cas, le crédit d’équipement correspondait clairement à un besoin et a permis de relancer la production, assurant par la même occasion la viabilité des remboursements.

Il convient néanmoins de s’interroger sur la pertinence économique de financer de plus en plus de commerces, de services urbains et de logements avec l’outil à moyen terme. En effet, ces opérations ont différents effets : la concentration des risques sur quelques caisses urbaines, mais aussi un impact économique probablement moindre que les investissements directs dans le monde rural. A ce sujet, il est certainement important que KAFO JIGINEW approfondisse l’identification de crédits alliant les innovations techniques et sociales et la génération de valeur ajoutée : on peut penser notamment au financement des cultures vivrières essentielles, du coton biologique, du karité organique ou encore de systèmes d’irrigation locaux (en liaison avec la problématique de la maîtrise de l’eau au niveau régional).

Une autre piste à creuser est certainement l’adaptation des produits financiers aux besoins des femmes. Celles-ci bénéficient d’une ligne de crédit spécifique (Programme Crédit Individuel aux Femmes) pour l’achat d’équipements mais cela ne représente qu’environ 1000 prêts en 2002 pour un montant de 96.000 €, soit des prêts de 96 € en moyenne. Dans certaines caisses, ces lignes spécifiques destinées aux femmes sociétaires les excluent de facto des autres lignes de financement à moyen terme. Or le sociétariat féminin a progressé de manière significative suite à différentes initiatives telles que le crédit épargne – éducation qui a touché près de 30.000 femmes.

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Cette approche est stratégique pour KAFO dans la mesure où cela positionne l’institution non seulement comme une « banque qui fait des affaires » mais aussi et surtout comme une institution qui contribue dans le bon sens à la transformation économique et sociale de sa région d’origine.

La question du poids des crédits urbains au niveau des opérations à moyen terme pose également – indirectement – la question du centre de gravité du réseau. KAFO JIGINEW réalise en effet de plus en plus d’efforts orientés vers les caisses urbaines et la transformation planifiée de la caisse centrale en institution bancaire risque de renforcer cette tendance tout en modifiant profondément les rapports de force en défaveur des élus du réseau qui viennent des villages.

Une autre difficulté rencontrée est certes celle de la déperdition de l’information au sein du réseau : les données existant au niveau des caisses locales et permettant de déterminer le profil des clients du crédit d’équipement ne sont pas analysées et synthétisées de manière à définir une politique d’investissements garantissant un impact économique croissant. La mise en place d’un dispositif de suivi – évaluation avec une participation des sociétaires et des élus est recommandée, de façon à prendre de bonnes décisions, basées sur un consensus large.

Et quelques conclusions plus générales Sur base de cette expérience significative menée au sein de KAFO JIGINEW, trois éléments de débats nous apparaissent intéressants à relever :

La question du risque : la durée plus importante des crédits d’équipement implique-t-elle bien un facteur de risque plus important pour l’institution de microfinance, dans la mesure où la menace de changement défavorable du contexte est plus forte ?

Une politique massive de crédit à moyen terme est plus difficile à mettre en œuvre en raison de la rareté des ressources, des montants moyens plus importants et de la plus faible rotation de ceux-ci. Un impact moins visible au niveau méso économique constitue-t-il un frein à la diffusion de cet outil ?

Quelle stratégie mettre en œuvre au niveau des institutions de micro finance pour permettre qu’un produit tel que le crédit d’équipement aille de pair avec une dynamique de changement économique et social et d’innovations technologiques ?

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Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P.)

Mbaye Diouf, CNCA-Sénégal

L’importance grandissante de la micro-finance Le secteur d’intervention des S.F.P. (la collecte de la petite épargne et la distribution de micro crédits ou opération de micro finance) revêt un caractère prioritaire dans la promotion du développement économique et social de nos pays respectifs. En effet, bien que difficile à évaluer avec exactitude, il est d’une évidence notoire que la demande de financement est relativement importante en Afrique de l’Ouest et du Centre et alors que, l’offre de services financiers n’y est pas aussi importante.

La faiblesse de cette offre par rapport aux besoins procède d’un certain nombre de facteurs dont :

Les difficultés pour les populations à remplir les conditions administratives et financières (forme juridique, fournitures d’états financiers définitifs et prévisionnels fiables, apport personnel en numéraires, chiffre d’affaires à

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Contribution

Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

considérer, etc..) constitutives de la politique de crédit des banques ;

La lourdeur des garanties habituellement exigées à l’appui des dossiers de financement bancaire ;

La solvabilité fortement limitée par une imparfaite prise en compte de la question relative à la commercialisation ( marchés étroits, compétitivité pas toujours avérée par rapport aux produits importés, exportations difficiles du fait des fortes barrières à l’entrée dans d’autres marchés, etc.…) ;

La distribution géographique des principaux offreurs de financements ne favorise pas l’accessibilité physique de leurs services. En effet, alors que la population totale dans la zone UEMOA est estimée à 68,4 millions, seuls 595 guichets permanents et 08 guichets périodiques (ces guichets permanents comme périodiques sont installés pour l’essentiel dans les grands centres urbains) y ont été recensés par les autorités de la BCEAO22.

Par ailleurs, malgré la prédominance des populations considérées comme économiquement faibles notamment celles rurales23, leur accès aux services financiers surtout en ce qui concerne le financement de leurs activités, est encore très limité en ce sens que les activités traditionnellement développées en milieu rural (agriculture, sylviculture et pêche) n’ont reçu que 4,7% des financements distribués en fin 200024.

L’apport des opérateurs de la micro finance communément appelés « systèmes financiers décentralisés », même s’il est supérieur à celui des établissements financiers25 , est encore très timide et correspond à moins de 4% du total des financements consentis. Ces établissements ont fait l’objet en Afrique de l’Ouest d’une réglementation spécifique dite ‘’PARMEC’’ que ses concepteurs ont voulu souple et habilitante. Cette réglementation spécifique a été adoptée dans les différents Etats membres de l’UMOA sous forme de lois nationales entre 1994 (Mali) et 1997 (Bénin et Guinée Bissau).

Heureusement, ce taux, à l’image du nombre de SFD et de leur taux de pénétration, suit un trend haussier qu’il convient de consolider aux fins d’une meilleure couverture des besoins financiers. 22 Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest. 23 Le rapport de la Banque Mondiale sur le développement dans le monde 2000/2001 et le

Rapport mondial du PNUD sur le développement humain 2000 révèlent que les populations rurales correspondent à environ 67,25 % de la population totale des pays membres de l’UMOA.

24 Source = Notes d’Information Statistiques (NIS) de la BCEAO. 25 Environ 103 milliards contre 85,7 milliards pour les établissements financiers.

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Contribution

Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

Pourtant, le caractère prioritaire de la promotion du développement est sans cesse réaffirmé dans toutes les déclarations de politique économique et sociale des différents pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. D’ailleurs, l’un des ‘’considérants‘’ de la version du 21 novembre 2001 du projet de Règlement CEMAC26 relatif aux Etablissements de Micro - Finance (EMF) stipule «que l’évolution et la croissance des structures de microfinance dans la sous-région de l’Afrique Centrale, rendues possibles grâce à l’existence des besoins spécifiques en matière bancaire et financière non-satisfaits, militent en faveur de la mise en place d’un cadre régissant les activités des structures de microfinance pour sécuriser l’épargne et favoriser le financement des initiatives économiques de base ».

Recherche de l’efficacité L’exécution correcte des opérations usuelles des S.F.P. requiert des biens et services importants dont la plupart ne sont pas généralement produits ou fabriqués sur place. Ils font plutôt l’objet d’importation et même les services offerts localement nécessitent des formalités à la fois complexes et coûteuses. Ces biens que sont : les véhicules, les engins à deux roues, les ordinateurs et périphériques, les coffres, etc.. acquièrent, de plus en plus la qualité de « biens nécessaires » à une bonne mise en œuvre de l’objet social des S.F.P.. Ce caractère nécessaire tient à certains facteurs dont :

a) l’impératif de suivi rapproché des emprunteurs et de leurs exploitations ;

b) la quête de l’épargne au niveau de ceux qui la détiennent et qui se déplaceraient difficilement vers les sièges de S.F.P. pour une domiciliation ;

c) l’impératif de sécuriser les dépôts par la mise en place d’outils et moyens contre les sinistres divers (incendies ou autres calamités, vols et agressions) ;

d) le besoin de sécuriser des opérations comptables et bancaires par le biais d’un système informatique fiable.

En ce qui concerne les formalités, on peut noter celles relatives à l’enregistrement des actes de constitution ou modification, considéré comme obligatoire par des textes d’ordre législatif ou réglementaire en vigueur dans certains pays. C’est le cas du Code Général des Impôts de la République du Sénégal. 26 Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale.

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Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

Le souci de l’équilibre financier S’agissant de finances en général, et plus particulièrement de la micro finance, l’équilibre des comptes est un gage de viabilité. C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles l’article 51 de la loi ‘’PARMEC’’ le rend obligatoire en édictant des normes précises y relatives, tandis qu’en zone CEMAC, l’avant projet de texte précité répertorie au niveau de son article 14 ‘’la préservation de l’équilibre financier’’ parmi les prérogatives obligatoirement assumées.

Or, le régime fiscal de droit commun en vigueur dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre permet difficilement la réalisation de cet équilibre au niveau des S.F.P. en création et/ou en croissance. Il est compréhensible qu’avec l’instauration progressive des marchés uniques de l’UEMOA ou de la CEMAC, certaines compétences fiscales ont été transférées par les Etats au profit des Conseils de Ministres. Cependant, il reste que de notre point de vue, les dispositions fiscales relèveront en premier lieu de la souveraineté desdits Etats.

Pourtant, les banques ‘’anciennement appelées ‘’de développement’’27 dont les S.F.P. viennent, à maints égards, compléter les actions, ont eu, grâce à des lois nationales spécifiques (c’est le cas de la loi sénégalaise n° 74-32 du 18 juillet 1974 publiée dans le J.O.R.S. du 26 août 1974), à bénéficier de régime fiscal particulier. En application des dispositions de cette loi, une institution financière de développement avait la possibilité de signer une convention d’établissement avec l’Etat. Cette convention portait d’une part, exemption de droits et taxes et, d’autre part, stabilisation pendant la durée nécessaire au bon démarrage et au développement, des obligations fiscales et douanières auxquelles l’institution partie prenante à la convention était assujettie.

Nous convenons dores et déjà que le contexte est différent en ce sens qu’au travers des politiques de libéralisation économique adoptées depuis les années 1990, les Etats s’interdisent toutes pratiques anticoncurrentielles. Cependant, comme toutes les règles de droit, celles qui organisent cette libéralisation économique admettent des exceptions qui procèdent généralement de dispositions législatives et réglementaires spécifiques.

Le texte des articles 30 et 31 du chapitre III intitulé « Incitations fiscales » de la réglementation PARMEC précitée, repris par la loi

27 Avant l’avènement de la loi bancaire de 1975 qui a consacré l’universalité de la banque en

zone UMOA.

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Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

sénégalaise n° 95-03 du 05 janvier 1995, nous semble à la fois incomplet et susceptible d’être interprété de façon « trop » restrictive (nous ne perdons pas de vue qu’en matière fiscale la règle consiste en une interprétation restrictive) de la part de nos administrations fiscales. En effet, contrairement aux dispositions de la loi sénégalaise n° 74-32 précitée, le texte des articles 30 et 31 ne donne aucune indication sur les conditions et modalités du régime d’exemption.

Par ailleurs, en réponse à une demande d’exonération de droits et taxes d’entrée sur un lot de motos, véhicules automobiles et de pièces détachées pour ordinateur destiné à une SFP, le Ministère Sénégalais chargé des impôts et taxes avait affirmé son impossibilité d’accéder à la demande de la structure mutualiste.

Fondements des assouplissements L’examen des différents documents élaborés en 1991 et portant « étude de faisabilité d’un bureau de mutualisation des activités de crédit et d’épargne », a révélé ce qui suit :

Buts poursuivis dans l’étude recherche de conditions de respect des normes de sécurité en matière financière ;

dotation en équipement et matériel devant assurer une bonne exécution des opérations en garantissant la fiabilité du système d’information mais aussi, une performance du système comptable ;

fonctionnalité des locaux.

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Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

Budget minimum (en CFA) hors impôts des trois (3) premières années

Rubriques Année 1 Année 2 Année 3 Investissements : 5.900.000F Néant Néant

Aménag/Installation 2.000.000 F Néant Néant

Moto/Informatique 3.000.000 F Néant Néant

Coffre fort 500.000 F Néant Néant

Mobilier 400.000 F Néant Néant Fonctionnement : 1.679.000 F 1.679.000 F 1.679.000 F

Salaires/gérant 600.000 F 600.000 F 600.000 F

Administration28 1.079.000 F 1.079.000 F 1.079.000 F Charges Financières : 378.500 F 717.750 F 1.571.250 F

Intérêts dus29** 350.000 F 675.000 F 1.500.000 F

Agios et autres 28.500 F 42.750 F 71.250 F Produits financiers : 1.049.988 F 2.024.902 F 4.499.736 F

Intérêts s attendus 874.990 F 1.687.418 F 3.749.780 F

Frais de dossier 174.998 F 337.484 F 749.956 F

Du tableau ci-avant, on retient que sur les trois ans, le total des investissements s’établissait à 13.604.500.

Avec la dévaluation intervenue en janvier 1994, ce total passe à 19.046.300 F en raison du renchérissement des coûts estimés par certains analystes à 40 % au moins.

A l’inverse, le cumul des produits financiers à comptabiliser peut être moins important que initialement prévu, du fait de la baisse continuelle des taux d’intérêts (T.I. et, surtout ceux débiteurs) en zone U.E.M.O.A. depuis juin-juillet 1994. En effet :

d’une part, le Taux Moyen Mensuel du Marché Monétaire ou T4M (qui justifie en grande partie le niveau du Taux dit « de Base Bancaire » est

28 Il s’agit de tous frais de fonctionnement quotidien (eau, électricité, téléphone, entretiens divers,

loyers...). 29 Concerne la rémunération prévue sur les placements financiers dont la SFP est débitrice.

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Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

passé depuis cette période de => 9 % à <= à 5 %).

d’autre part, le Taux dit « de l’Usure » qui est fixé par les autorités monétaires est passé de => 25 % (1993) pour s’établir à 12 % (entre 1995 et 1997) avant de repasser à 27% (pour les institutions financières non bancaires) et à 18%30 pour les banques. Pour rester compétitifs par rapport aux banques, les SFP sont « presque obligées » d’appliquer des taux débiteurs qui avoisinent 15% l’an.

Eu égard à tout ce qui précède, les préoccupations, fondées principalement sur le souci d’aménager au profit des S.F.P. un régime fiscal de démarrage/croissance aux fins de parvenir à leur pleine et entière participation à l’œuvre de développement économique et social, portent sur les points ci-après :

Impôts Directs

L’impôt sur les revenus de sociétés et autres personnes morales

En vertu de l’article 5-8 de la section II du Titre I du Livre I du C.G.I.-Sénégal, et eu égard à leur nature d’organismes sans but lucratif, la plupart des S.F.P. sont normalement affranchies au Sénégal.

L’impôt minimum forfaitaire sur les personnes morales

Il n’est dû que si les résultats de l’exercice ne permettent pas une perception de l’Impôt sur les Sociétés (IS) supra c’est à dire s’il y a perte. A ce titre, il obéit au même régime d’exemption au profit des S.F.P.

La Contribution forfaitaire à la charge des employeurs (C.F.E.)

Assiette de la C.F.E.

M.S.A.M.G. et Sup. Taux de la C.F.E.

Charge fiscale effective

Tous traitements et salaires versés par le contribuable.

(50.000 F x 2) x 12

= 1.200.000 F

3 %

36.000 F

Lire : Masse Salariale Annuelle Minimale du Gérant et de son Suppléant.

30 Décision prise par le Conseil des Ministres de l’Union Monétaire de l’Ouest Africain en sa

séance du 27 mars 1997.

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Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

Une exemption totale ou même partielle pour les trois premières années seulement permettrait à la S.F.P. de conforter ses ressources financières d’au moins 108.000 F si le contribuable (à savoir la S.F.P. bénéficiaire de l’exonération) n’a que le strict minimum de personnel salarié.

Impôts Indirects

La taxe sur la valeur ajoutée

Elle est due au Sénégal sur les livraisons matérielles et juridiques de biens meubles corporels ou travaux immobiliers mais aussi, sur les prestations de services telle que la maintenance du matériel informatique, les prestations payantes en matière d’animation, de sensibilisation et de formation.

Ainsi, pour les travaux d’aménagement de siège de S.F.P. (y compris l’installation ou la construction de coffre) et les frais d’administration (voir définition supra), la taxe relative est égale à 20 % du prix dit « Hors Taxes (H.T.) ».

Les véhicules et motocyclettes nécessaires à une bonne exécution des opérations de collecte de l’épargne et de sensibilisation/information/suivi des sociétaires et/ou usagers ainsi que de leurs exploitations, objets de crédits consentis par les S.F.P., sont soumis pour leur acquisition, au taux dit « majoré » fixé à 30 % du prix « H.T. ».

Le matériel informatique (ordinateurs, imprimantes, onduleurs, etc..) dont la présence contribue à l’avènement d’un système de gestion plus fiable est également assujetti à ce taux de 30 %.

Tableau portant quelques indications sur la charge de cet impôt

Rubriques Montant dép. en H.T.

Taux applicable

Montant de la T.V.A.

Aménagement/Installation 2.000.000 F 20 % 400.000 F Mobilier/coffre 900.000 F 20 % 180.000 F Motocyclette/Informatique 3.000.000 F 30 % 900.000 F Administration 3.237.000 F 20 % 647.400 F

Formation 700.000 F 20 % 140.000 F TOTAUX 9.837.000 F --- 2.267.400 F

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Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

De ce tableau, on retient au moins l’importance de la charge fiscale par rapport au prix H.T. (plus de 23,04 % de taxes)31.

Une situation d’exemption temporaire (par exemple sur 3 ans ) permettrait de renforcer les capacités d’intervention de la structure bénéficiaire pour au moins 2.267.400 F (deux millions deux cent soixante sept mille quatre cent francs CFA).

La Taxe sur les Opérations Bancaires : (T.O.B.)

Applicable aux intérêts, agios, commissions et à toutes autres rémunérations perçues par les banques, elle correspond à 17 % du montant perçu par le prestataire, en l’occurrence, la banque.

Dans une note précédemment publiée32, nous avions relevé le caractère répétitif et élevé des montants versés par les S.F.P. aux banques au titre de ces intérêts, agios, commissions, etc… ; ces montants étant dus à l’occasion des refinancements, avances de trésorerie mais aussi par suite de l’application de la règle dite « des dates de valeur ».

L’article 351 bis § 1 prévoit une exonération de la taxe si les opérations ci-dessus sont effectuées entre banques ou entre banques et établissements financiers.

Dans la mesure où, les activités et le statut des S.F.P. sont très proches voire identiques à ceux des institutions bénéficiaires de cette exemption, l’extension aux relations banques/S.F.P., du champ d’application de cet article 351 bis § 1 précité est à rechercher.

Autres Impôts

Enregistrement

Normalement, en vertu des dispositions de l’article 749 C.G.I., le caractère mutualiste emporte exemption des droits dus sur l’enregistrement des actes, sauf les actes qui portent transmission de propriété, d’usufruit ou de jouissance de biens meubles ou immeubles. Les baux d’immeubles et de biens matériels sont partie intégrante de cette catégorie d’actes exclus du champ d’application de l’article précité.

31 Avec la mise en application depuis 2002 du TEC en zone UEMOA, cette charge est légèrement

moins importante. 32‘’ Coopération entre banques et SFP : une nécessité’’ In Bulletin trimestriel ADA n° 8 (4/96)-

novembre 1996 pages 29 à 35.

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Contribution à la réflexion pour l’avènement d’un régime fiscal de promotion des structures de financement de proximité (S.F.P)

Cependant, nombre de S.F.P. sont locataires d’immeubles pour y abriter leur siège. A ce titre, elles sont astreintes à l’obligation de payer en sus du loyer convenu, des droits d’enregistrement de 5 % au moins.

Aussi, assurer une promotion du mouvement des S.F.P. peut passer à notre avis, par l’introduction d’une exemption comparable à celle prévue à l’article 724 et qui concerne « la formalité de l’enregistrement de tous actes ou transmissions passés pour les besoins… ».

Timbres des quittances

Le rôle primordial des S.F.P. est la collecte de la petite épargne et l’octroi de crédits souvent de faibles montants au profit des sociétaires.

Les reçus constatant des dépôts d’argent en espèces sont frappés d’un droit de timbre des quittances. Compte tenu de la faiblesse relative du montant de chaque opération de versement au niveau d’une S.F.P., (admission en principe de versement même égal à 1.000 F), une exemption du paiement du droit de timbre de 200 F (cf article 777 § 2 du livre III du C.G.I.) favorisera une meilleure collecte de cette petite épargne. Etant entendu que, celle-ci joue un rôle prépondérant dans l’économie de la zone concernée.

Taxes sur les véhicules

a) la Taxe Annuelle sur les véhicules à moteur communément appelée « VIGNETTE » dont le montant moyen en fonction de la puissance fiscale est de 36.000 F (pour les voitures) et 9.000 F pour les motocyclettes.

b) la Taxe Spéciale sur les voitures particulières des personnes morales dont le montant également moyen est de 100.000 F/an.

Il est établi que même si certaines des taxes ci-dessus ne s’appliquent pas aux S.F.P., un régime d’exonération sur cinq (05) ans participerait, à notre avis de la recherche de conditions de « viabilisation » de ces institutions.

Les bases d’une viabilité financière de ces institutions étant ainsi jetées, il pourra être escompté pour nos Etats respectifs, des possibilités de collecter plus d’impôts à la fin du régime de promotion. Cela nous semble d’autant plus envisageable que les spécialistes de la fiscalité conseillent la modération dans la fixation des impôts pour en assurer la pérennité de la perception. Trop d’impôts disent-ils ?...

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Contribution

Algérie : passer du Microcrédit à la microfinance pérenne*

Yves Fournier, IRAM**

* Cet article est inspiré d’une étude réalisée pour le compte de la Communauté Européenne (CE) en 2002 et intitulée « Appui au Développement Socio-économique Local du Nord Est de l’ Algérie ». ** IRAM : Institut de Recherches et d’Applications de Méthodes de développement – 49, rue de la Glacière – 75013 Paris - France.

Le contexte algérien Le contexte algérien de ces dix dernières années a été marqué par un ensemble de facteurs contraignants qui produisent des changements et qui ont un impact important dans les domaines social et économique.

Le terrorisme en recul partout permet à l’Algérie de s’ouvrir. Le terrorisme qui a fortement marqué la période 1990 – 2000 se traduisant notamment par un isolement de l’Algérie, est en net recul partout dans le pays depuis plusieurs années. La principale conséquence est le retour de l’Algérie sur la scène internationale. L’activité économique repart, les

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Algérie : passer du Microcrédit à la microfinance pérenne

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investisseurs économiques reviennent en Algérie. Le désir d’ouverture des populations à l’extérieur est grand, notamment chez les jeunes.

L’ajustement structurel et la transition vers une économie de marché. Cet ajustement structurel et la transition d’une économie socialiste vers une économie de marché ouverte a entraîné des conséquences sociales difficiles pour la population (suppression des subventions, détérioration du niveau de vie, croissance importante du chômage et accroissement de la pauvreté). Le taux de chômage est important, il serait supérieur à 30 % (moyenne nationale), avec de forte variations régionales33. Le taux le plus élevé semble concerner les jeunes diplômés sortant de l’Université avec 70 % de chômeurs.

Une conséquence directe : le traitement social de la pauvreté. En conséquence, des actions de traitement social de la pauvreté ont été développées dans le cadre d’un programme dénommé « filet social » (allocation forfaitaire de solidarité, indemnité pour activités d’intérêt général, emploi salarié d’initiative locale, cellules de proximité, Tup-himo34, diverses autres indemnités). Sans remettre en cause l’intérêt de ces actions, il faut cependant constater qu’elles maintiennent les bénéficiaires dans une situation de dépendance et de pauvreté.

Le microcrédit est devenu un outil privilégié de traitement de la pauvreté. Dans ce contexte, le microcrédit occupe une place de choix et diversifie les moyens de lutte contre la pauvreté. L’ADS gère plusieurs projets de microcrédit dans le cadre du “ filet social ”35 (sur ressources de l’Etat)36.

33 A titre indicatif, dans les 3 communes du nord-est de l’Algérie visitées au cours de la

mission, les données recueillies indiquaient des taux de chômage allant de 48 % (Chéchar) à 70 % (Ouled Driss) et 75 % (Ouled Yahia).

34 Tup-Himo : Travaux d’Utilité Publique à Haute Intensité de Main d’œuvre.

35 L’ADS (Agence de Développement Social) a traité 80.000 dossiers de demande de microcrédit via les Délégués à l’Emploi des Wilayas (DEW) et 20.000 dossiers ont été l’objet de décisions de conformité notifiées en vue d’un financement par la BNA (Banque Nationale de l’Algérie). Sur ces 20.000 dossiers présentés, 9.000 dossiers ont été acceptés par les agences bancaires (11,25 %), et 2.450 dossiers ont abouti aux prêts, ce qui représente 27,22 % des dossiers déposés auprès de la BNA, soit 3,6 % de la demande globale formulée auprès des DEW (source : ADS - avant-projet de

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Algérie : passer du Microcrédit à la microfinance pérenne

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Ce microcrédit s’adresse aux personnes sans emploi et vise le développement du travail indépendant, du travail à domicile, les métiers de l’artisanat et des autres services37.

L’expérience du microcrédit fait apparaître des obstacles à son développement L’introduction du microcrédit en Algérie est récente. Les obstacles qui sont présentés pour la réalisation du microcrédit sont en lien direct avec son introduction récente depuis 4 ans (1999). Il s’agit donc d’une étape dans une évolution qui reste à faire pour consolider l’outil du microcrédit comme moyen de développement économique des populations non bancarisées et pauvres.

Les dispositifs de microcrédit existants sont peu accessibles et obéissent à une logique de distribution, sans accompagnement.

Les dispositifs existants (ADS, ANSEJ38, FNRDA39 etc) apparaissent, selon l’expérience acquise, peu accessibles en raison souvent d’importants délais de traitement des dossiers (procédures lourdes, longues, privilèges accordés à quelques-uns) et d’un manque d’intérêt du banquier (cas de la BNA) qui octroie sous convention avec l’ADS le microcrédit.

De plus, ces dispositifs ne sont pas adaptés et ne pas donnent de place à une préparation des populations bénéficiaires à gérer leur microcrédit (faible niveau d’information initiale, pas d’accompagnement après l’obtention).

décret exécutif portant création et fixant les statuts du Fonds National de Microcrédit, 2002).

36 Le microcrédit a été engagé par l’ADS dans le cadre du « filet social », par une collaboration avec la BNA qui octroie les prêts, mais s’est refusée à faire des prêts à l’agriculture qui représentent les demandes les plus nombreuses. L’ADS a passé ensuite une convention avec El Khalifa Bank pour la réalisation de microcrédit au secteur agro-pastoral.

37 Les montants du microcrédit sont compris entre 50.000 & 350.000 DA pour une durée de 12 à 60 mois. A l’époque de l’étude le taux de change était de 70 DA pour 1 Euro.

38 ANSEJ : Agence Nationale de Soutien à l’Emploi des Jeunes. 39 FNRDA : Fonds National de Régulation et de Développement Agricole.

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Contribution

Algérie : passer du Microcrédit à la microfinance pérenne Cela ne fait que renforcer une perception des bénéficiaires par rapport à un argent de l’Etat qui leur est dû sans obligation de remboursement40.

1° DEM

Le promoteurDirecteur de (Caisse Natioconfectionnede leur projet

2° ETABd’éligibilité).

L’examen deconformité. CDEW, sur la

3° TRA

Les candidatsBANK). Cell

- Dé

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4° SOUS

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40 Des tau

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LES MODALITES DE L’ACCES AU MICROCREDIT

ANDE.

(demandeur) d’un projet de micro-activité dépose sa demande auprès du l’Emploi de la Wilaya (DEW) ou auprès des services locaux de la CNAC nale d’Assurance Chômage). Ces services aident les postulants à

r leur dossier, un questionnaire d’étude technico-économique synthétique doit être rempli.

LISSEMENT DE L’ATTESTATION DE CONFORMITE (ou décision

s dossiers de demande donne lieu à la délivrance des attestations de es deux opérations (examen, attestation) sont du ressort des Directeurs de

base d’un cahier des charges entre l’ADS et les DEW.

ITEMENT DES DEMANDES PAR LES BANQUES.

déposent leur demande auprès de l’une des banques (BNA, KHALIFA e-ci doit être accompagnée de/du :

ossier administratif minimum (notamment questionnaire technico-conomique). a (les) facture(s) proforma de l’équipement. ’attestation de conformité délivrée par le DEW. eçu de souscription auprès du fonds de garantie (voir ci-après).

CRIPTION AU FONDS DE GARANTIE.

s sont tenus de verser 1% du coût de leur projet comme souscription auntie ou droit d’adhésion, puis ensuite 1 % de prime annuelle de risque. Il reçu de souscription exigé par la banque

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x de remboursement de l’ordre de 20 ou 50 % sont souvent cités. L’association qui obtiendrait le meilleur résultat dans la gestion du microcrédit atteint un remboursement de 85 %. En mai 2002, l’ADS annonçait un taux d’impayés sur le du portefeuille de microcrédit BNA de 47 % (depuis 1999).

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Algérie : passer du Microcrédit à la microfinance pérenne

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5° BONIFICATION DU TAUX D’INTERET.

Le taux d’intérêt est bonifié par l’Etat. Le promoteur ne paie que le taux de 2 % l’an. L’ADS vise les états de décaissement des microcrédits par les banques et les transmet au Trésor Public pour paiement.

6° CONVENTIONS.

Les deux banques (BNA, KHALIFA BANK) sont liées à l’ADS et au Fonds deGarantie par des conventions. Le Fonds de Garantie des Risques découlant desMicrocrédits (FGRMC) est domicilié auprès de la CNAC. Ce fonds est constitué deressources provenant, dans une large mesure, de l'apport du Trésor Public, de l'apport encapital de la CNAC, des cotisations des banques, des cotisations des adhérents.

7° BENEFICIAIRES (ou emprunteurs)

Le microcrédit est ouvert à toutes les formes, à tous les types d’activités et à toutes les catégories de populations pauvres, dans la limite des seuils de financement fixés. Leseuil minimal est de 50.000 DA (640 dollars US) et le seuil maximal est de 350.000 DA(4.400 dollars US).

Le microcrédit est orienté vers :

- Les populations défavorisées. - Le secteur informel qui souhaite être structuré. - Le travail à domicile, pour les femmes notamment, et le travail indépendant. - Les petits métiers, l’artisanat des biens et les services.

- Les activités productives et commerciales.

Les bénéficiaires, ou emprunteurs sont :

- Les populations démunies.

- Les chômeurs (femmes, jeunes, paysans).

- Les artisans.

- Les travailleurs (euses) à domicile.

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Algérie : passer du Microcrédit à la microfinance pérenne

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Le microcrédit s’inscrit dans une logique de service public. La stratégie du microcrédit s’inscrit dans une logique de service public et seules les administrations (ADS, ANSEJ, FNRDA, etc.) le réalisent avec le concours des banques. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les bénéficiaires ne remboursent pas, car leur perception repose sur le sentiment que cet argent de l’Etat leur est dû. S’ajoute à cela le fait que les logiques administratives et centralisatrices sont contraires à des approches adaptées d’institutions de microcrédit proches socialement et géographiquement des bénéficiaires. Ces approches sont pourtant nécessaires à la participation des populations, à la prise en compte de leurs besoins et contraintes ainsi que pour rompre avec la logique d’assistance des politiques publiques actuelles.

La présence dans les mentalités des bénéficiaires d’une logique d’assistance est en grande partie liée aux politiques antérieures et à la politique actuelle de traitement social de la pauvreté.

La compréhension du microcrédit est celle d’une aide avec la perception d’un argent de l’Etat que l’on peut ne pas rembourser. Les réflexes des populations sont encore très liés à la période de l’économie socialiste planifiée. La transition vers l’économie de marché a ensuite généré un chômage important et l’attente par les populations de solutions venant de l’Etat. Cela induit une mentalité d’assistance qui bien entendu ne favorise pas le développement de l’entreprenariat et la prise d’initiatives.

Le poids important de la subvention dans le microcrédit. Dans le filet social, les taux d’intérêt du microcrédit ADS sont bonifiés pour un coût final au bénéficiaire à 2 % l’an. Le FNRDA mélange quant à lui subvention et crédit dans le financement de projets agropastoraux, lesquels sont soutenus pour une part comprise entre 50 et 75 % du montant par la subvention et le solde par le microcrédit ; ce dernier étant toujours au taux bonifié de 3 % l’an.

Obligation de passer par les banques en raison de la loi sur la monnaie et le crédit. La loi sur la monnaie et le crédit ne permet pas à d’autres opérateurs que les banques et établissements financiers de consentir des crédits. La capacité des banques à réaliser une grande masse de microcrédit relève de l’impossibilité et le système actuel montrera très vite ses limites en raison de la faible capacité de traitement des dossiers de microcrédit et de la lenteur des procédures.

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Faible intérêt des banques envers le microcrédit et refus de financer le secteur de la production agricole pour le cas d’une banque. Les banques ne sont pas organisées pour faire face à la gestion d’une grande masse de microcrédit. Les conventions entre l’ADS et les banques prévoient une rémunération prenant en compte les 2 % payés par le bénéficiaire ainsi qu’une bonification à la charge du trésor public représentant la différence entre ce taux et le taux du marché bancaire41. Le taux global du microcrédit pris en référence qui a été de 10 % l’an, est sans doute bien inférieur au coût réel de gestion. Cela ne fait pas du microcrédit un marché attractif pour les banques. Enfin, le refus de la BNA de financer le secteur agro-pastoral a laissé une demande importante non satisfaite42.

Les bénéficiaires ont des difficultés à remplir les conditions d’accès au microcrédit. Le bénéficiaire d’un microcrédit doit constituer 10 % d’apport personnel, 1% de droit d’adhésion et 1% de prime annuelle de risque au fonds de garantie. Les catégories de populations pauvres ne disposent généralement pas d’une épargne pour libérer les 10 % d’apport personnel et sont obligées de recourir à des parents et amis, ce qui génère ainsi un endettement informel. Cela entraîne sans doute l’exclusion des plus pauvres.

L’absence de garanties de la part des catégories sociales pauvres de la population. Cette absence de garanties est palliée actuellement par un fonds de garantie national43 qui assure la couverture de 80 % du risque correspondant au principal du prêt, avec une contribution des bénéficiaires des prêts de 1 % du montant du prêt en droit d’adhésion et d’une prime annuelle de risque de 1% au fonds de garantie. Il n’y a pas eu de recherche de formes non

41 Soit sur 10 %, 2 % sont payés par l’emprunteur et le solde (8 %) représente la

bonification à la charge de l’Etat. Le taux du crédit sur la marché bancaire ayant diminué, il est actuellement de l’ordre de 8 %, la part de la bonification se réduit donc également.

42 Cela pourrait être aussi le cas pour d’autres banques.

43 Ce fonds de garantie a été institué par le décret exécutif n° 99-44 du 13.02.1999. Il est domicilié auprès de la Caisse Nationale d’Assurance Chômage (CNAC).

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conventionnelles de garanties pouvant être fournies par les bénéficiaires et impliquant leur prise de responsabilité dans le microcrédit.

Un fond de garantie national aux procédures inadaptées. De l’avis des banques, le fonds de garantie est considéré comme trop rigide dans ses procédures. Il comporte une modalité inadaptée, celle du paiement par les bénéficiaires d’une prime de risque annuelle de 1 % qui n’est pas réalisée par ces bénéficiaires après l’obtention du microcrédit, ce qui devrait entraîner la perte de la garantie du fonds pour les banques44.

La lenteur dans la mise en œuvre des procédures du microcrédit par les banques. L’expérience avec la BNA montre des délais importants entre le dépôt d’une demande et la décision allant de 3 mois à plus d’un an. Les dossiers de demande de microcrédit instruits par les agences de la BNA sont transmis à la succursale de la BNA souvent éloignée, avant de redescendre à l’agence pour notification de la décision. La BNA vient de geler tout octroi de nouveaux microcrédits après avoir constaté que le taux de non remboursement atteignait 47 % au 31.12.200145.

Les procédures longues, coûteuses et aux résultats incertains s’il faut recouvrir le crédit en impayés par la voie judiciaire. Les banques rencontrent des difficultés qui affectent leur taux de recouvrement des crédits, les procédures judiciaires sont longues, coûteuses et incertaines quand au résultat. Cela exclut donc la possibilité de recouvrement du microcrédit impayé par cette voie ; celle-ci devenant dissuasive, compte tenu des faibles montants du microcrédit et des faibles revenus générés par les bas taux d’intérêts qui ne permettraient pas de couvrir les frais de procédures judiciaires.

L’absence d’institutions de microfinance pour l’instant, suite à l’inexistence d’une législation spécifique. La loi sur la monnaie et le crédit ne permet pas d’établir des Institutions de Microfinance spécialisées dans la gestion du microcrédit et, de manière plus

44 Cependant, il semble que les Banques et le Fonds de Garantie ont convenu de

maintenir la garantie malgré le non paiement de la prime de risque.

45 Selon l’ADS.

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générale, des services financiers aux populations non bancarisées. Des projets de création d’institutions de ce type existent46, et une demande officielle a été déposée47, mais elle est pour l’instant restée sans suite de la part des autorités.

L’ADS a été sollicitée pour faire des propositions concernant la création d’une institution publique de microfinance et a déposé un avant-projet48. Le constat montre que l’on ne peut aujourd’hui donner une perspective à l’évolution du microcrédit dans la durée qui puisse répondre à l’ampleur de la demande.

Il n’y a pas de vision d’une gestion privée du microcrédit. En dehors des banques, dont on voit bien les limites de l’intervention telles que notamment leur incapacité à gérer une grande masse de microcrédit non rentable pour elles, il n’y a pas d’expérience d’approche privée du microcrédit. L’Algérie paraît isolée dans la sous-région par rapport aux évolutions du microcrédit et de la microfinance dans les pays voisins. L’acquisition d’une connaissance des expériences des pays voisins en matière de microfinance est un obstacle à lever.

Les actions à la base sont centralisées et la société civile peu structurée. De manière générale, on note une forte centralisation des lieux de décision au niveau public national et aux niveaux des instances publiques des Wilayas. Les actions menées à la base ont relativement peu d’autonomie. De ce fait, la société civile, et en particulier au niveau rural, est peu

46 Les associations TOUIZA (Alger) & AFAD (Annaba) sont porteuses de tels projets.

47 Par l’association TOUIZA.

48 ADS - Avant-projet de décret exécutif portant création et fixant les statuts du Fonds National de Microcrédit. Cet avant-projet proposant un FNMC (Fonds National de Micro Crédit) résout seulement une partie de la question avec la création d’un fond susceptible de faire du refinancement d’institutions de microcrédit (fournisseur de ressources), mais pas la question d’un cadre réglementaire spécifique permettant de créer les institutions de microfinance. De plus, il paraît souhaitable d’éviter des institutions de microfinance publiques mais plutôt de viser des institutions privées, proches des populations, capables d’être à leur écoute et d’adapter socialement et financièrement une offre de services répondant à leurs besoins (microcrédit et épargne).

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organisée : les groupements et associations, sont peu nombreux et ne semblent pas faire partie des habitudes des ruraux49.

Tout au plus note-t-on l’existence de groupes d’entraide ponctuels pour la réalisation de certains travaux (récolte). L’individualisme semble prévaloir et il est parfois constaté l’existence d’un réflexe spontané de réticence assimilant les propositions de création d’associations aux villages socialistes et coopératives étatiques qui ont disparu.

Les filières de production apparaissent peu structurées. En conséquence, les producteurs sont rarement organisés autour de filières très structurées. Certains bénéficient parfois, comme à Souk Ahras, de coopératives agricoles qui agissent très localement, pour les producteurs les plus dynamiques.

Mais les services autour d’une même activité sont rarement intégrés. Les fonctions “ amont ” comme l’approvisionnement en matières premières ou en intrants agricoles, restent peu nombreuses : les producteurs n’ont pas les moyens, ni souvent l’information, pour y accéder dès que l’on quitte les lieux d’approvisionnement de la daïra (sous-préfecture) ou de la wilaya (préfecture). Il en est de même pour les fonctions “ aval ” liées à la transformation, à l’emballage, à la connaissance des marchés, aux transports, aux conditions de vente etc…

En guise de conclusion sur ce diagnostic. Ces constats révèlent une série de contraintes et difficultés qui sont riches d’enseignements pour réfléchir aux évolutions nécessaires.

La tenue d’un séminaire national sur le microcrédit a permis d’ouvrir une réflexion sur l’avenir. Ce séminaire organisé par l’ADS en décembre 2002 avait pour intitulé « Micro crédit : l’expérience algérienne et perspectives ». Il a rassemblé des institutions publiques et privées d’Algérie, des experts, des représentants

49 S’il existe parfois des associations dans les communes, ce sont des associations qui

ont généralement pour orientation la culture, la religion ou l’action à caractère politique au moment des élections.

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d’Institutions de microfinance venus des pays voisins (Egypte, Maroc, Tunisie) et d’Europe, des bailleurs de fonds, etc.

Une évaluation du microcrédit50 avait été faite par l’ADS pour en mettre les résultats à disposition des participants à ce séminaire51. Il se dégage de cette évaluation les enseignements suivants :

1. Les bénéficiaires du microcrédit sont d’abord des sans emplois (36 %), des salariés (21 %), des petits entrepreneurs « à leur compte » (17 %) et une catégorie « autres » (26 %).

2. Les bénéficiaires résident en milieu rural (51 %) et en milieu urbain (49 %).

3. Les activités créées concernent le secteur agropastoral (56 %), les petits métiers (26 %), et enfin les biens et services (18 %).

4. La création d’emploi soutenue par le microcrédit est comprise entre 1 et 2 emplois (85%) et entre 3 et 5 emplois (15 %).

5. L’apport personnel (10 % du montant du microcrédit) est jugé largement inaccessible (77 %) et est rarement estimé comme accessible (23 %).

L’ADS conclut cette évaluation en constatant que l’accompagnement des bénéficiaires de microcrédit est insuffisamment assuré, mais aussi que des solutions sont en cours d’identification. Le suivi des projets est également analysé comme étant mal assuré par les banques et l’administration. Enfin, il est relevé que le problème principal est celui « de l’interprétation et de la perception par les bénéficiaires du microcrédit…; pour la quasi majorité il s’agit de dons que l’Etat leur fait, et ils ne sont pas tenus de rembourser » !...

Les conclusions de ce séminaire international qui a permis de mesurer les contraintes et difficultés du microcrédit, des échanges d’expériences avec les IMF des pays voisins, devraient déboucher sur de nouvelles actions en direction notamment de l’établissement d’Institutions de Microfinance.

50 ADS – Evaluation de l’expérience Algérienne. 2002, nd, np.

51 L’évaluation à porté sur 1.017 bénéficiaires de microcrédit, 69 agences de la BNA, 33 agences de la KHALIFA BANK, 47 Délégués à l’Emploi des Wilayas, 45 délégués FGRMC.

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Un enjeu important : Comment passer du microcrédit à la microfinance pérenne L’évaluation du microcrédit par l’ADS révèle l’intérêt de créer une IMF. L’évaluation du microcrédit réalisée par l’ADS a également révélé la nécessité de la création d’une IMF. Les deux Banques sous convention dans l’octroi du microcrédit, la BNA et KHALIFA BANK, montrent que la création d’une IMF est fondée sur les raisons suivantes :

KHALIFA BANK BNA Désignation

Nombre % Nombre %

Financement 3 9 % 11 16 %

Information-formation-communication

5 15 % 11 16 %

Suivi des dossiers de microcrédit

9 27 % 19 28 %

Accompagnement 2 6 % 13 19 %

Garanties 0 0 % 1 1 %

Pas de réponse 14 42 % 14 20 %

Total 33 100 % 69 100 %

Avec 28 % des réponses pour la BNA et 27 % pour Khalifa Bank, la première justification de la création d’une IMF est le suivi des dossiers de microcrédit, viennent ensuite l’information – formation – communication avec respectivement 16 % (BNA) et 15 % (Khalifa Bank), puis l’accompagnement des bénéficiaires avec 19 % (BNA) et 6 % (Khalifa bank) 52.

52 Si les résultats sur certains critères sont différents entre les deux banques, il est

possible que cela soit influencé par le fait que l’expérience de la KHALIFA BANK est récente ; son activité de microcrédit a démarré au début de l’année 2002.

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Les écueils à éviter pour passer du microcrédit à la microfinance. Le microcrédit est aujourd’hui l’affaire des institutions publiques, les initiatives privées n’existent pas. Il faut donc repenser la stratégie pour passer du microcrédit à la microfinance en considérant que :

1. La centralisation des interventions de microcrédit est contraire à l’objectif de création d’Institutions de Microfinance pérennes. Ces institutions doivent naître à la base pour être à l’écoute des populations non bancarisées et donc proches d’elles, afin d’identifier les besoins de services financiers adaptés aux différentes catégories sociales.

2. La redéfinition du rôle de l’Etat et des institutions publiques qui réalisent le microcrédit doit être menée pour rompre avec une perception négative du rôle de ces institutions par les bénéficiaires.

3. La recherche de l’innovation doit servir à identifier les modalités de gestion adaptées du microcrédit (accompagnement et formation des emprunteurs, garanties, prise de responsabilité des emprunteurs, etc), répondant aux besoins des populations concernées

4. L’expérimentation par des opérations tests d’institutions de microfinance permettra ensuite d’évoluer vers un modèle algérien.

5. L’exclusion de la bonification des taux d’intérêt ne permet pas de s’engager dans la création d’IMF pérennes.

Les axes de travail pour évoluer du microcrédit vers la création d’IMF. Si l’Algérie doit s’orienter vers la création d’institutions de microfinance (IMF), cela implique une série de choix stratégiques qui partent de l’observation des contraintes révélées par l’expérience du microcrédit pour évoluer.

1. La création d’IMF doit être une activité du secteur privé. Pour rompre avec les perceptions perverses du microcrédit lié à l’Etat et aux institutions publiques qui réalisent le microcrédit, il faut faire le choix délibéré de remettre l’action de microcrédit et de la création des IMF au secteur privé (associations, ONG, bureaux d’études etc, qui veulent se spécialiser dans cette activité).

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2. Le rôle de l’Etat doit changer de nature et se situer au niveau de la politique, de la réglementation et du contrôle de l’activité de microfinance.

Toutes les expériences de microcrédit et de microfinance conduites par les Etats et administrations ont été des échecs. Il faut donc en tirer les conséquences et redéfinir le rôle de l’Etat.

L’Etat a un rôle de facilitateur (accès aux ressources financières) et de régulateur (politique, réglementation, contrôle de l’activité).

3. L’acquisition des expériences d’IMF des pays voisins est une nécessité pour soutenir une stratégie de création en Algérie.

Il faut toujours commencer par s’imprégner des expériences d’IMF réalisées dans les autres pays (le Maroc, la Tunisie etc…) pour observer et comprendre, analyser et capitaliser les enseignements en matière de développement des IMF. La connaissance acquise auprès des autres peut ensuite être valorisée par les acteurs du secteur privé algérien en soutenant leur réflexion puis la définition d’une stratégie de l’action.

4. La formation de ressources humaines algériennes est une condition préalable à la création d’IMF.

La formation de ressources humaines est une condition de la création d’IMF en Algérie. Tout comme pour une banque, la microfinance est une affaire de professionnels qui en font leur métier.

5. La banque centrale doit permettre la conduite d’opérations tests de création d’institutions de microfinance par le secteur privé.

Des associations du secteur privé sont aujourd’hui porteuses en Algérie de projets de création d’IMF. Il faut maintenant leur donner les moyens et les autorisations nécessaires pour exercer une telle activité par des opérations tests. Cela peut se faire par l’octroi du bénéfice d’un dispositif dérogatoire par rapport à la loi sur la monnaie et le crédit, accompagné de l’obligation de rendre compte de leur activité en respectant quelques directives de bonne gestion qui sont à établir (liberté des taux d’intérêt, plan comptable simplifié, respect de quelques ratios prudentiels, production d’états financiers, etc).

6. La définition d’une réglementation spécifique au secteur des IMF en Algérie interviendra après qu’une expérience pertinente ait été accumulée.

La définition d’une réglementation du secteur de la microfinance en Algérie ne peut précéder l’action de création d’IMF, au risque de fermer les

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possibilités de l’innovation dans ce nouveau secteur d’activité. La réglementation accompagne plutôt le développement des institutions nouvelles et procède de l’observation des résultats obtenus pour en définir le contenu réglementaire.

En conclusion L’Algérie a connu ces dernières années le développement d’actions de microcrédit qui ont permis d’acquérir une expérience, d’en tirer les enseignements pour ensuite progresser. Il faut maintenant envisager la création d’institutions spécialisées de microfinance (IMF) de manière à rendre permanente l’offre de services financiers adaptés aux populations non bancarisées, démunies ou pauvres.

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Livres

Making insurance work for Micro-finance Institutions. A technical guide for Microfinance Insti-tutions. C.F.Churchill/D.Liber/ M.J.McCord/J.Roth. ILO. 2003. 246 p. Ce manuel guide les gestionnaires d’IMF à travers le processus d’octroi de produits d’assurance de base, en interne ou en partenariat avec une compagnie d’assurance spécialisée. L’assurance est un moyen parmi d’autres qui permet aux ménages à faibles revenus et aux IMF de gérer leurs risques. Ce manuel aide à déterminer s’il est approprié pour une IMF d’offrir des produits d’assurance, le type de produits d’assurance à octroyer, et à travers quelle structure institu-tionnelle. Une grande partie de ce manuel se penche sur quatre aspects : a) les principes de base de l’activité de micro-assurance, comprenant la conception de produits rentables, les conditions de l’assurance, le prix et le contrôle; b) la conception de cinq polices d’assurance de base à court terme liées

au crédit sur une base volontaire ou obligatoire; c) l’externalisation de certaines responsabilités vers une compagnie d’assurance ou vers des consultants spécialisés; d) la gestion financière et l’intégration opéra-tionnelle d’activités d’assurance dans une IMF. Alors que les ménages à faibles revenus ont de nombreux besoins et sont vulnérables, ce manuel se limite aux produits d’assurance-vie et –in-validité parce qu’ils répondent à un besoin important tout en étant moins difficile à offrir pour une IMF. L’octroi de produits d’assurance est en effet un processus complexe qui comprend des risques. Ce manuel est aussi pour les organisations qui souhaitent offrir d’autres types d’assurance, tels que par exemple la santé ou la propriété. En effet, il donne des conseils utiles sur la conception, la négociation et la gestion d’une relation avec une compagnie d’assurance. Alors qu’il est possible pour une IMF d’offrir seule ou avec l’appui technique d’experts, des produits d’assurance de base, il est recommandé que

l’octroi de produits plus complexes se fasse en partenariat avec un assureur spécialisé. Beyond micro-credit. Putting development back into micro-finance. T.Fischer/M.S.Spiram. 2002.390 p. Cet ouvrage donne une analyse détaillée du secteur de la microfinance en Inde et explore comment la notion de développement peut être ramenée vers la microfinance. Par des exemples, il illustre comment des services de microfinance peuvent contribuer à divers objectifs de développement, tels que l’offre d’une sécurité économique et sociale, l’amélioration des conditions de vie, la mise en place de services d’intermédiation finan-cière de base et le changement en général au niveau de la société.

Cette analyse couvre la grande diversité des pratiques de microfinance en Inde, ses innovations et ses caractéristiques organisationnelles. Ainsi, il examine le mouvement des groupes d’entre-aide (SHG) en Inde, et compare ceux-ci aux

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groupes issus de la Grameen Bank au Bangladesh.

En même temps, cet ouvrage jette un regard critique sur la perfor-mance financière et or-ganisationnelle de la microfinance, ainsi que sur les résultats en matière de dévelop-pement.

Trust through trans-parency. Applicability of consumer protec-tion self-regulation to microfinance.

P.McAllister. The SEEP Network. 2003. 24p. Beaucoup a été écrit sur le tort que la microfinance peut causer aux clients de la microfinance. Un moyen pour les institutions de microfinance de se protéger contre ses critiques est la mise en place d’un processus d’auto-régulation qui garantisse une publicité plus transparente des pratiques. L’auto-régula-tion est un élément de la protection des clients sur lequel les IMF ont le plus de contrôle.

Au cours de son histoire, la microfinance n’a pas ou peu été réglementée. Les torts causés par certaines IMF de

renommée à leurs clients poussent certains gouvernements à réglementer davantage le secteur afin de protéger les clients. Ainsi, certains gouvernements ont introduit des plafonds en matière de taux d’intérêts et des limites de taille de prêt. Mais ces mesures protectrices aboutissent à rendre les crédits plus chers et de restreindre le secteur.

Cette note technique examine comment l’auto-régulation non-pruden-tielle a permis à d’autres secteurs, et plus parti-culièrement le secteur financier des Etats-Unis, de gagner la confiance des clients, tout en évitant une réglementation trop lourde et coûteuse.

De manière générale, un consommateur préférera utiliser les services d’une IMF dans laquelle il a confiance. En parallèle, les gouvernements acceptent plus facilement l’auto-régulation d’un secteur auquel ils font confiance.

En conclusion, ce document encourage les IMF à s’engager dans le processus de l’auto-régulation pour protéger les droits de leurs clients. Cette approche se justifie en effet d’un point de vue moral, et d’autre part

c’est dans l’intérêt du secteur.

The paradox of savings mobilization in microfinance : Why microfinance institu-tions in Bolivia have virtually ignored savings. H.Miller. SEFIR. 2003. 37p. La mobilisation de l’épargne a de nombreux avantages pour une IMF. Ainsi, l’épargne est une source de financement durable, lorsque les fonds des donateurs diminuent et que les prêts concessionnels sont plus difficiles à trouver. En outre, la mobilisation de l’épargne permet d’augmenter la fidélisation des clients en créant une relation de confiance réciproque. Le niveau de risque étant élevé, elle implique également une plus grande discipline de la part de l’institution.

Malgré ces retombées positives, les IMF réglementées en Bolivie se lancent que très lentement dans la mobilisation de l’épargne. Elles demeurent donc large-ment dépendantes des fonds des donateurs qui leur octroient des

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ressources à des taux concessionnels.

Ce document pose la question suivante : pour-quoi les IMF en Bolivie ne mobilisent-elles pas plus l’épargne ?

L’auteur identifie trois principales raisons. Tout d’abord, l’abondance de fonds ‘simples’ des bailleurs de fonds ont un effet dissuasif dans la mesure où l’épargne est une source de financement plus coûteuse et risquée. D’autre part, les IMF n’ont pas cultivé une image de solvabilité et de confiance. Finalement, l’environnement régle-mentaire en Bolivie freine la mobilisation de l’épargne auprès des pauvres et dans les zones rurales.

Ce document explique les obstacles qui freinent la mobilisation de l’épargne des quatre principales IMF réglementées en Bolivie – BancoSol, Caja Los Andes, FIE et Prodem. Alors que ce document se concentre sur le secteur de la microfinance en Bolivie, les leçons à tirer sont applicables à la plupart des IMF qui mobilisent l’épargne.