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Coopération: vues et visions

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Coopération: vues et visions

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Table des matières

IntroductionJean-Jacques de Dardel p. 3

Risques, crises, ruptures: une nouvelle donnePatrick Lagadec p. 4

Adaptation des structures de sécurité aux menaces contemporainesTheodor H. Winkler p. 8

Ressources nationales et coopération entre civils et militairesPeter Foot p. 11

Coopération militaire dans le cadre d’une stratégie de prévention et de stabilisationAndreas Wenger p. 15

La sécurité du cyberespace: un défi internationalRichard V. Houska p. 19

Sécurité nucléaire: coordination et coopération internationalesDenis Flory p. 23

Le rôle de la coopération dans l’éradication des mines antipersonnelMartin Dahinden p. 27

Réévaluation de l’action conjointe dans la lutte transnationale contre le terrorismeDoron Zimmermann p. 31

Le Centre de Politique de Sécurité Internationale (CPSI) est l'instance principalement compétente au sein du Départementfédéral des affaires étrangères (DFAE) pour tous les aspects de politique étrangère ayant trait aux questions de sécurité.En coopération avec les services concernés du DFAE et en étroite collaboration avec le DDPS et les autres départementsconcernés, il assure la cohérence de la politique de sécurité de la Suisse par rapport à la politique étrangère dans sonensemble.

Directement subordonné au Secrétaire d'Etat du DFAE, le Centre comprend les trois sections suivantes: la section Sécuritéinternationale (SSI), la section Maîtrise des armements et désarmement (SMAD) et la section Opérations multilatérales desécurité internationale (SOMS).

Centre de Politique de Sécurité Internationale (CPSI)Monbijoustr. 20CH-3003 Berne, [email protected]/securite_internationale

CPSI

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Introduction

Jean-Jacques de Dardel

CPSI

Chère lectrice, cher lecteur,

Notre environnement stratégique et humain évolue rapidement et notre sociétéglobalisée nous place toujours plus en interaction avec des situations nouvelles.Les problèmes eux-mêmes tendent à se combiner et à s’entrelacer, pour constituerdes risques complexes dont l’importance et les conséquences deviennent diffici-lement prévisibles. A cela s’ajoutent des antagonismes qui prennent des dimen-sions planétaires, mus par des logiques souvent mal comprises, où la culture etl’Histoire ont une importance parfois sous-estimée.

La Suisse n’est pas simplement spectatrice de ces évolutions souvent dramatiques, qui s’accélèrent parsaccades. Quelle que soit la nature des réponses que les uns ou les autres veulent apporter aux risquescontemporains, aucune composante de notre pays ne peut être dissociée du contexte international. Lavariété des problèmes, leurs multiples facettes et leurs ramifications sauvages interdisent la mise enplace de solutions uniques, calibrées selon un seul système de mesure. Non seulement les problèmesexigent des réponses à la fois multilatérales et multidimensionnelles, mais les solutions doivent avoir lacapacité d’évoluer afin d’accompagner le développement des problèmes.

Il ne suffit donc pas de construire et d’entretenir des réseaux, il faut les faire évoluer. C’est la partie laplus délicate de la coopération, mais la plus essentielle aussi, car certains risques – à l’instar du ter-rorisme – tendent à se transformer plus rapidement que les contre-mesures et les réponses qui leur sontapportées. Les interactions entre partenaires doivent donc être vivaces, dynamiques et transparentes.Elles ne peuvent s’embarrasser de préjugés et doivent être ouvertes à des regards nouveaux. Elles doi-vent se fonder sur une attitude, un penchant et un instinct de coopération et d’adaptation, et non plusseulement sacrifier aux nécessités de prises de participation et d’influence d’intervenants extérieurs.

Paradoxalement, alors que la stabilité de l’environnement stratégique requiert des moyens matérielsd’autant plus importants que le phénomène d’obsolescence n’aura jamais autant pesé sur les structu-res et le matériel, des contraintes budgétaires toujours plus rigoureuses tendent à en limiter le déploie-ment. Il devient dès lors primordial de créer et d’exploiter des synergies entre partenaires. Outre l’in-dispensable maillage international des systèmes sécuritaires pour faire face aux menaces complexes,ces synergies doivent aussi contribuer à la faisabilité de solutions complexes.

Cette brochure, consacrée à la coopération internationale en matière de gestion des risques, se veutsimultanément être l’une des passerelles pour l’échange de vues sur des questions sécuritaires et l’illus-tration d’une volonté commune de parvenir à des résultats concrets et positifs. Elle rassemble desréflexions inspiratrices quant à la substance et à la détermination de faire face ensemble aux mena-ces et risques contemporains.

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Jean-Jacques de Dardel

L’ambassadeur Jean-Jacques de Dardel estle chef du Centre de politique de sécuritéinternationale du Département fédéral suis-se des affaires étrangères.A compter de l’été 2004, il prendra la direc-tion de la Division politique I, qui a la char-ge des questions concernant l’Europe, leConseil de l’Europe et l’OSCE.Jusqu’en 2000, il a été le représentant per-sonnel du président de la Confédérationsuisse auprès de l’Organisation internatio-nale de la francophonie. De1981 à 1996, il a été en poste à Vien-ne, Washington, Canberra et Paris, ainsiqu’à Berne.Il est titulaire d’un doctorat es sciences poli-tiques de l’Institut universitaire des Hautesétudes internationales de Genève ainsi qued’une licence en économie de l’Universitéde Genève.On lui doit plusieurs ouvrages et articles surla politique étrangère et la politique desécurité, la coopération au développementet l’art contemporain.

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11 Septembre 2001: la rupture des règles du jeu.La rupture la plus spectaculaire dans l’univers desrisques, mais ce n’est pas la seule. La conjugai-son d’une affection pulmonaire grave et de l’a-viation mondiale, capable de transporter le SRASd’un point du globe à un autre en quelques heu-res, et les paradigmes de la santé publique sontà redéfinir dans le monde entier. Un incident tech-nique – «un événement de 9-10 secondes» – quise produit dans un réseau vital, et c’est un quartde l’Amérique du Nord qui est plongé dans lenoir; même scénario quelques semaines plus tarden Italie. Une vache folle et, en 24 heures, le mar-ché américain de la viande vacille.

Et maintenant, 11 mars 2004: Madrid. Il ne sepasse pas une semaine sans qu’une crise totale-ment imprévisible s’inscrive à notre agenda.Choc terrible: nous étions si sûrs de nos modèlesd’analyse des risques, si fiers de nos outils de ges-tion des crises.

Les modèles

Les modèles que nous avons utilisés pour réglerles crises internationales et pour nous mettre à l’a-bri d’un holocauste nucléaire – dans feu le XXème

siècle – sont probablement dépassés. Coral Bell1nous avertissait dès 1978:

«Notre erreur et notre malheur viennent de ce quela réflexion académique sur la gestion des crisesa démarré avec la crise des missiles de Cuba en1962. […] On a eu un peu l’impression d’assis-ter à un bras de fer entre deux adversaires. […]L’épisode ressemblait à s’y méprendre à une par-tie d’échecs diplomatiques. […] Or, s’il fallaitprendre un jeu comme modèle de crise, ce n’estpas les échecs qui conviennent, mais une partiede poker dans un saloon d’un Far West sans foini loi, avec cinq ou six joueurs qui sont tousarmés; il s’agit d’être prêt à appuyer sur lagâchette et non plus d’abattre ses atouts diplo-matiques pour savoir qui va remporter la mise».

L’avertissement prend tout son sens actuellement.La scène mondiale est dominée par le diagnosticsans équivoque d’une commission présidentielleaméricaine en 1997:

«Notre défense nationale, notre prospérité éco-nomique et notre qualité de vie ont longtempsdépendu des services essentiels qui sont les piliersde notre société. À l’âge de l’information, il nousfaudra reconsidérer ces infrastructures vitales –énergie, banque et finance, transports, servicesde santé et télécommunications.

Risques, crises, ruptures: une nouvelle donne

Patrick Lagadec

«Rappelez-vous le fameux tableau des catégories de Kant, qui essaye de résumerles notions fondamentales de la science classique: il est symptomatique que lesnotions d’interaction et d’organisation n’aient été que des bouche-trous ou ne soientmême pas apparues.»

Ludwig von Bertalanffy, Théorie générale des systèmes

C’est dès 1990 que l’esquisse d’une analyse des risques pour le système politiquesuisse a été développée. L’évolution des connaissances et de l’informatiquepermettait de tenter une approche scientifique de l’ensemble des risques, dansl’optique de la politique de sécurité. Un projet interdépartemental débutait, quiallait se conclure en 1998 par un projet de brochure mort-née, essentiellement enraison de difficultés de communication entre experts et responsables du niveaupolitique.

Dans le contexte géopolitique d’un XXème siècle s’achevant, il s’agissait d’unetentative de quantifier les risques en fonction de catégories et de scénarios1. Quatreindicateurs étaient utilisés pour ces évaluations: la dimension économique, lenombre des victimes, l’étendue du phénomène et le nombre de jours de privationdes droits démocratiques. Des projections ont ainsi donné un panorama des risquespour la Suisse, les plus vraisemblables se situant dans le long terme et les plusimpulsifs, à brève échéance.

L’effondrement de nombreuses certitudes et l’émergence de phénomènesnouveaux, la complexité croissante de la société occidentale, liée audéveloppement des techniques et à l’accélération des processus ont imposé leconstat d’une difficulté de composer avec les nouveaux risques et vulnérabilités.L’approche réductionniste avait montré ses limites: l’ère des analyses systémiquesétait arrivée.

«Ce n’est pas en perfectionnant la bougie que l’on a découvert l’électricité.»Louis Schorderet, psychosociologue Suisse

Le fonctionnement de l’Etat fédéral suisse, selon le mode de la démocratie directe,est très coûteux en temps, comme en attestent la genèse d’une loi ou le traitementd’un référendum. En ce début de XXIème siècle, alors que des quantités énormesd’informations circulent à la vitesse de la lumière, cette lenteur induite par lesystème tend à imposer le principe de la réactivité au détriment de l’anticipation.

Par ailleurs, la communication a ceci de paradoxal qu’elle est un élément essentielà la société mais que, simultanément, les grandes causes ont besoin de silence. Lemoment est tout aussi déterminent qu’il est patent que l’intérêt de l’Etat n’est paséquivalent à la somme des intérêts individuels. Ainsi, dans leurs actionsquotidiennes et sous les feux des médias, les autorités sont-elles à la recherche d’unpermanent équilibre entre sur- et sous-réaction: dans la gestion des risques, lefacteur le plus versatile est le facteur humain.

La gestion des risques dans le processus suisse de prise de décision

Patrick Lagadec

Dr. Patrick Lagadec est directeur de recher-che à l’Ecole polytechnique de Paris. On luidoit la théorie des risques technologiquesmajeurs (1979).

Il s’est spécialisé dans la prévention et la ges-tion des crises. Actuellement, il élargit sondomaine d’expertise et s’occupe de la gou-vernance des organisations et des systèmescomplexes face à des crises globales et à deschangements de paradigmes en matière desûreté, de sécurité et de maintenance.

Dr. Lagadec a publié un grand nombre d’ou-vrages sur les aspects opérationnels et théo-riques du défi que représente la crise globale.

1 Note de l’éditeur: Dr. Coral Bell est actuellement chargée de recherche au «Strategic and Defence Studies Centre» de l’Université Nationale Australienne.

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La rapide prolifération et l’intégration des télé-communications et des systèmes informatiquesont connecté entre elles les infrastructures en unréseau complexe d’interdépendances. Ces inter-connexions ont créé des enchevêtrements de vul-nérabilités qui, combinés avec la pléiade desmenaces émergentes, créent un risque sans pré-cédent pour la nation».2

Plutôt que d’essayer de détruire physiquementcertains éléments de l’infrastructure d’un réseau,les terroristes peuvent chercher à utiliser commeune arme l’énorme capacité de diffusion de nosréseaux.3 Les terroristes du 11 septembre n’ontpas cherché à détruire un avion ou un aéroport.Ils ont utilisé le réseau de l’aviation commercialepour attaquer des cibles civiles extérieures au sys-tème (tous les avions courant et faisant courir desrisques potentiels, la FAA fut obligée d’ordonnerla fermeture de tout le réseau commercial). Demême, les menaces à l’anthrax n’étaient (appa-remment) pas dirigées contre l’US Postal, l’opéra-teur postal américain, mais les attaquants avaient

la certitude que leurs lettres seraient distribuées etils ont profité de cet effet de réseau.

En résumé, nous assistons à un glissement de nosvulnérabilités qui passent de «la destruction mas-sive à la désagrégation massive».

Les outils

Les outils que nous avons forgés pour gérer lescrises managériales sont aujourd’hui dépassés.Tout particulièrement après l’incident de ThreeMile Island en 1979, des règles efficaces, desguides et des check-lists de toute nature ont étédéveloppés. Certains cas sont bien connus, tell’épisode de la contamination criminelle du Tyle-nol auquel a été confronté Johnson and Johnsondans les années 80. Mais la partie est terminée:«Ci-gît la crise [conventionnelle]». Nous avonsaujourd’hui de très nombreuses réponses… pourcrises d’hier, mais les questions d’aujourd’hui ontchangé radicalement. La nouvelle constellationdes défis est composée d’événements non con-ventionnels qui, loin d’être de simples incidentsponctuels, reflètent des turbulences globales, desrisques en temps réel et des effets domino horséchelle; nous sommes plongés dans un nouveaucontexte mondial fait d’interdépendances vitales,d’ignorance scientifique et de pertes potentiellesexcédant les capacités des assurances. Et, lastbut not least, la «communication de crise» setransforme en «communication en crise», quandla couverture médiatique instantanée, la dramati-sation des émotions et le manque de substanceviennent dramatiser la crise.

Algérie 2003 (Photo DDPS)

2 President’s Commission on Critical Infrastructure Protec-tion, Critical Foundations, Protecting America’s Infras-tructures, Washington D.C., 1998, p. ix.

3 Erwann Michel-Kerjan, de la Wharton School, a, le premier, établi cette distinc-tion essentielle. Erwann Michel-Kerjan: «New Challenges in Critical Infrastructures: A US Perspec-tive», Journal of Contingen-cies and Crisis Management, édition spéciale: «Anthrax and Beyond» (P. Lagadec rédacteur invité), Volume 11, Numéro 3, Septembre 2003, p. 132-141 (p. 133).

La gestion des risques repose sur une triple démarche: analyse de la situation,analyse des vulnérabilités et analyse des risques. La première repose sur des faits,la deuxième se concentre sur les failles du système et la troisième élabore desprojections. Comme les maillons d’une chaîne, elles s’imbriquent les unes dans lesautres et constituent autant d’éléments de la conduite, à chaque niveau deresponsabilité. L’analyse de la situation et l’analyse des risques procèdent d’uneapproche phénoménologique, alors que l’analyse des vulnérabilités est deconception structuraliste, focalisée sur les failles du système.

Gérer les risques, c’est savoir anticiper. Mais c’est tout d’abord savoir maîtriser lescrises et les ruptures, lorsque les repères font défaut; c’est une phase dans laquelleles responsables sont limités à la réactivité. C’est ensuite garantir la pérennité dusystème par une analyse globale des risques, par des contrôles et des adaptationset par la prévention de risques spécifiques. Enfin, la projection anticipatrice n’estpossible que si le système est cohérent, ce qui permet alors d’attribuer lesressources de manière optimale.

La gestion des risques ne livre pas de prévisions, pas plus qu’elle ne remplace lechoix politique, stratégique ou technique: son intégration dans le processus deconduite, à tous les niveaux de responsabilités, vise à permettre à tous lesdécideurs de se prononcer en disposant de tous les éléments qui pourront guiderleur choix, qu’il s’agisse des avis d’experts, de modélisations mathématiques ou detout autre moyen approprié.

Depuis des lustres, le principe de milice a permis de développer un tronc communpour la conduite des affaires. L’expérience acquise au sein des exécutifscommunaux, cantonaux et fédéraux ainsi que le cursus militaire fournissent unsavoir souvent basé sur l’empirisme. L’administration et les hautes écoles –notamment les Ecoles polytechniques fédérales, perfectionnent constamment laméthodologie et délivrent des analyses toujours plus pointues. La communicationentre les experts et les divers responsables constitue alors le nœud du problème:les autorités, même si une certaine incertitude demeure, devront décider. Souvent,elles s’inspireront du principe de précaution mais en aucun cas elles ne pourront sesoustraire à leurs responsabilités.

«La vérité est que vous savez toujours ce qu’il faut faire. Ce qui est difficile, c’est dele faire.»

Général H. N. Schwarzkopf

1 «Risikoprofil Schweiz», Office central de la défense, 1998

Manhattan, 11 septembre 2001 (Photo Space Imaging)

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On ne saurait sous-estimer l’importance prise dé-sormais par les réseaux. Ils sont devenus pluscomplexes et plus vulnérables, par suite des pri-vatisations, de l’échelle des économies et de laglobalisation. C’est, par exemple, ce qui a para-lysé l’aéroport de Paris les 4 et 5 janvier 2003(chaque compagnie aérienne a ses propres con-tractuels pour le dégivrage et ces sous-traitantsn’étaient pas préparés à réagir à des situationsnon conventionnelles; certaines lignes aériennesn’ont personne ou presque qui soit capable degérer des situations de crise). Les réseaux vitauxdeviennent de plus en plus dépendants les unsdes autres; une anicroche dans l’un peut amenerune cascade de défaillances majeures dans lesautres.

Phénomène de rupture

En résumé, nous sommes désormais confrontés àun phénomène de rupture. Et le temps presse.Car une dangereuse dynamique tend à se ren-forcer après chaque événement: désarroi desresponsables (experts, cadres, gouvernements)d’un côté; défiance du public de l’autre. Ce quirenforce l’assurance et la détermination desauteurs des crimes, à qui on ouvre ainsi, enquelque sorte, un large champ d’action.

Il est urgent de revoir nos paradigmes et nosapproches stratégiques. La discontinuité et la sur-prise, l’ambiguïté et l’ignorance n’ont pas encoretrouvé place dans la plupart des modèles demanagement.

Or, leur place est centrale. Nous devons cesserde prétendre qu’«il n’y a rien de nouveau sous lesoleil» (Ecclésiaste 1:8-10). Nous avions l’habitu-de d’avoir des réponses techniques, mais seulesles réponses techniques ne suffisent plus. Nousdevons nous tourner vers le questionnement etvers un processus de mise en commun systéma-tique. Le refus des questions et la rétention de l’in-formation rendent les problèmes insolubles. Lepoint crucial est d’avoir le courage d’identifier etde regarder en face les défis émergents. Rappe-lons-nous la leçon de base du rapport officield’enquête après le fiasco de l’ESB au Royaume-Uni.

«Une vaste majorité des ceux qui étaient impli-qués dans la réponse du pays à l’ESB avaient l’in-time conviction que la santé de l’homme n’étaitpas menacée. Au plus profond d’eux-mêmes, ilscroyaient que c’était impossible».

Hiroshima, 6 août 1945(Photo Children of the Manhattan Project)

Toulouse, 21 septembre 2001 (Photo AZF sdis gers)

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Il est urgent de lancer des initiatives déterminées.L’entraînement des dirigeants à la surprise globa-le et l’«empowerment» des citoyens sont les clefspour des avancées significatives sur le terrain.

Un exemple: après les alertes à l’anthrax de2001 aux Etats-Unis, et les fausses alertes qui sesont multipliées en Europe et ailleurs, j’ai suggéréaux opérateurs postaux de lancer une opérationinternationale de «debriefing». Des représentantsd’une trentaine d’opérateurs postaux, parmi les-quels celui des Etats-Unis, sont venus à Paris ennovembre 2002 pour partager leurs expérienceset pour établir des capacités opérationnelles com-munes en cas de crise grave. Un mois plus tard,c’était chose faite, et bien faite4.

Pour l’épisode du SRAS, qui impliquait beaucoupplus d’intervenants que l’Organisation Mondialede la Santé (OMS) et la Chine, on aurait dû lan-cer une initiative analogue. J’ai essayé, j’aiéchoué: aucun intérêt réel. Mais, avec la globali-sation croissante des activités sociales et écono-miques qui conduit à un accroissement des inter-dépendances, nous ne jouons plus aux échecs.Les réponses collectives doivent être fortes, inven-tives et ajustées à la mesure du nouveau jeu.

Néanmoins, la mobilisation progresse. Une Euro-pean Crisis Management Academy a été crééeen avril 2000 à Stockholm. Le mouvement s’estpoursuivi avec la Crisis Management ConferenceUE/US qui s’est tenue l’été dernier au Centre deconférences de Minnowbrook, sous l’impulsionde l’Université de Syracuse (NY).

A une époque où un vent de mort semble se leversur la planète, nous ne devons laisser passeraucune occasion de créer des dynamiques posi-tives, écouter, inventer avec d’autres, suggérer,expérimenter, apprendre les uns des autres. Ettoujours dans des perspectives vastes, «hors-cadre». Hegel disait: «À réalité inconcevable,concepts inconcevables»; je préférerais dire: «dy-namiques inconcevables».

Je n’ignore pas que c’est dur pour les cultures tra-ditionnelles. Ralph Stacey est clair: «Au moins90% des manuels de management stratégiquesont consacrés à la partie relativement aisée dumanagement: le fonctionnement de la machineorganisationnelle avec le moins de surprises pos-sible. Or, la vraie tâche de la gouvernance con-siste à gérer les exceptions, faire face à l’impré-visible, au choc des contre-cultures, et même à entirer partie; il s’agit de traiter de l’instabilité, del’irrégularité, de la différence et du désordre.»5

Les Canons d’août 6 dont parle Barbara Tuchmandans Le Secret de la Grande Guerre ont écrasél’Europe en 1914; aujourd’hui, les Avions de sep-tembre, les Trains de mars et les autres vagues deruptures émergentes imposent un nouveau terrainstratégique. Cela fait près de trente ans que je tra-vaille sur la gouvernance stratégique de ces ques-tions: les enjeux actuels ont une portée historique.Le principe est clair: «L’échec est hors de ques-tion» – nous avons la responsabilité collective detransformer les ruptures globales émergentes enopportunités globales émergentes. La feuille deroute est claire: les défis inconcevables appellentdes réponses inconcevables auparavant. L’impé-ratif immédiat est clair: se mettre au travail sansplus attendre.

Liens utiles:

European Crisis Management Academywww.ecm-academy.nl

Ecole polytechnique de Pariswww.polytechnique.fr

4 «Anthrax and Beyond», (rédacteur invité: Patrick Lagadec) Journal of Contingencies and Crisis Management, Volume 11 N° 3, 2003

5 Strategic Management & Organizational Dynamics, Pitman, London, 1996 (p. XIX-XX).

6 Barbara Tuchman (1962), The Guns of August, Toronto: Bantam, publié en français sous le titre: Août 14,Les Presses de la Cité, 1962.

Chernobyl, avril 1986 (Photo UK Energy Department)

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Adaptation des structures de sécurité aux menaces contemporaines

La sécurité internationale est entrée dans unephase de profondes mutations. Le point de départse situe à la fin de la guerre froide, cette périodede bipolarité rigide, mais stable, entre les puis-sances en présence. Les attaques du 11 septem-bre 2001 et la guerre des Etats-Unis contre l’Irakont encore accéléré le processus. Ce nouveaucontexte va nécessairement entraîner une réformetout aussi profonde du domaine de la sécurité etva rendre encore plus impératif le principe d’unebonne gouvernance de la sécurité.

Loin d’avoir mis un terme à l’Histoire, la fin de laguerre froide a provoqué son retour vengeur.Dans l’Europe du Sud-Est, dans le Caucase, etailleurs, c’est dans le sang que l’on a tenté deredessiner les frontières. Le nationalisme et lefondamentalisme religieux se sont renforcés. EnAfrique, des pays ont chancelé ou se sont effon-drés, tandis que des pans entiers du continentmenaçaient de sombrer dans des conflits endé-miques. Les termes terribles de purification eth-nique et de génocide ont refait surface dans levocabulaire politique. En Europe, certes, lesvieilles lignes de partition se sont écroulées – laréunification se faisant par l’élargissement desinstitutions euro-atlantiques, ce continent fait espé-

rer aujourd’hui la création d’une zone de stabili-té, de paix et de droit – néanmoins, sur unebonne partie du pourtour européen, le nombredes réfugiés a explosé et la sécurité des person-nes a reculé. Même s’il n’a pas déclenché de«choc des civilisations», le 11 septembre a mis enévidence de façon tragique la vulnérabilité inhé-rente à un monde interdépendant ainsi que lamondialisation du terrorisme. La décision de l’OTAN de riposter en recourant à l’article V del’Alliance, pour la première fois de son histoire, asouligné le fait qu’un seuil important venait d’êtrefranchi. Un nouveau Rubicon allait être franchi, lejour où les Etats-Unis ont décidé d’attaquer l’Iraket de diriger leur stratégie vers des attaques pré-ventives. Et ceci avec ou sans résolution del’ONU et sans égard pour l’impact inévitable auniveau international et au niveau des relationstransatlantiques.

Nouvel environnement sécuritaire

S’il est encore trop tôt pour faire le point sur tou-tes les implications de cette mutation du contextede la sécurité, plusieurs observations sont d’oreset déjà possibles:

Dans le monde des traités de Westphalie, l’Etat nation était tenu pour le pilier incontesté del’ordre international et, par voie de consé-quence, la défense du territoire était considérée comme la première des tâches des forcesarmées. Ce monde a disparu, faisant place àune réalité beaucoup plus complexe, où lamondialisation concerne non seulement l’éco-nomie, mais aussi la sécurité.

Theodor H. Winkler

En vertu du fédéralisme et d’un règlement complexe des compétences en matièrede sécurité entre les cantons et la Confédération, on ne saurait parler d’un«système de sécurité» suisse. De manière simplifiée, la sécurité extérieure du paysest une tâche fédérale, dont la diplomatie et l’armée sont les instrumentsprincipaux. La dernière réforme de l’armée l’a confirmé: par la suppression desformations cantonales, avec Armée XXI, les compétences des cantons en matièremilitaire se limitent à des aspects administratifs. Quant à la sécurité intérieure, lescantons étant souverains en matière de police, la Confédération n’intervient que siun ou plusieurs cantons demandent assistance, afin d’attribuer des renforts depolice (engagements intercantonaux de police) ou, si nécessaire, des élémentsmilitaires engagés en appui.

Ce mode opératoire a donné satisfaction jusqu’ici. Lorsqu’il s’est agi du dispositif desécurité autour du sommet du G8 à Evian en juin 2003, les limites de cettecoordination ont cependant été atteintes. L’événement impliquait trois cantons etcomportait une dimension internationale (collaboration avec la France etl’Allemagne). Tous les acteurs du «système de sécurité» sont conscients des lacunesde cette coordination, où un enchevêtrement de compétences limite la capacité dedécider et d’agir rapidement en cas de crise aiguë. Les événements de grandeampleur (type G8) démontrent l’insuffisance de cette collaboration entrepartenaires, soucieux de conserver leurs privilèges, et le manque d’unité dedoctrine dans l’engagement des moyens. Quant aux ressources, on admetgénéralement que la Suisse manque de policiers. Le recours à l’armée à titresubsidiaire – économiquement intéressant à première vue – permet de comblerces lacunes, mais cette solution pourrait exiger des aménagements profonds à longterme.

Les conditions-cadres actuelles (en particulier les ressources financières et enpersonnel, les limites posées par le système de milice) et certaines évolutionsrécentes (nouvelle appréciation de la menace terroriste, baisse de la menaceconventionnelle et de la défense territoriale, frontière floue entre sécuritéintérieure et extérieure, etc.) montrent que des adaptations sont nécessaires.Armée XXI a pris en compte quelques aspects importants: accent sur la qualité aulieu de la quantité (baisse des effectifs, amélioration de l’équipement); flexibilitédes moyens (brigades remplaçant les corps d’armée et les divisions, modularité);interopérabilité et coopération nationale et internationale accrue. L’équation étaitla suivante: compte tenu des ressources en diminution, il fallait conserver lescompétences nécessaires pour faire face à une menace militaire conventionnelledevenue hypothétique, mais restant possible à l’avenir, tout en répondant plusefficacement aux missions exigées hic et nunc (engagements subsidiaires et depromotion de la paix).

Restent des questions fondamentales concernant les besoins croissants decoordination et de conduite dans des situations extraordinaires, et la nécessitéd’augmenter encore l’offre de sécurité avec des ressources limitées, aussi bien pourla sécurité intérieure que pour les opérations de promotion de la paix.

Les adaptations du «système de sécurité» suisse

Theodor Winkler

L’ambassadeur Theodor Winkler est le direc-teur du Centre pour le contrôle démocra-tique des forces armées de Genève (DCAF)et il représente le Département de la défen-se, de la protection de la population et dessports (DDPS) auprès des Centres de Genè-ve, l’International Security Network (ISN)et la Maison de la Paix.

Il a publié plusieurs ouvrages sur le contrô-le des armements, la prolifération nucléaireet les questions de sécurité internationale; ilest également auteur de nombreux articlessur la sécurité internationale.

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On continue d’avoir besoin d’une défense militaire – dans certaines parties du monde, laguerre interétatique n’est pas à exclure – maisaujourd’hui il faut y adjoindre une capacité deréaction rapide et les moyens de parer auxnouvelles menaces globales, allant de la crimi-nalité internationale organisée au piratage, enpassant par Al Quaida.

L’ennemi de l’intérieur se substitue de plus en plus souvent à l’ennemi de l’extérieur. La forme la plus répandue du conflit armé n’est plus la guerre traditionnelle, mais les dissensions et les conflits internes. Il n’est plus possible de faire une distinction claire entre sécurité intérieure etsécurité extérieure. Parallèlement, la frontièreentre crime organisé et faction armée intérieureest devenue floue dans de nombreux pays. Le«seigneur de la guerre» est de retour. Sou-vent, c’est un chef d’entreprise qui fait cyni-quement le commerce d’êtres humains, de stupéfiants, de diamants, de bois tropicaux oud’armes. Il en a résulté une tendance à la pro-longation indéfinie des conflits et à une inapti-tude croissante à conclure la paix.

Le monopole d’Etat de la force légitime estcontesté. Il a fait faillite dans les Etats dits endésagrégation (toutes les Somalies du monde).Il s’est perverti dans les Etats autoritaires où, lanuit, une partie de l’appareil de sécurité setransforme en «escadrons de la mort». Il est auxabois dans les Etats post-totalitaires, où des institutions jeunes et vulnérables sont confron-tées à un appareil de sécurité hérité du passé

et qui n’a pas subi de réformes. Il est court-cir-cuité par la multiplication rapide des agencesprivées de sécurité et des sociétés militaires pri-vées (SMP). Aujourd’hui, les quelque 100’000gardes privés de sécurité qui opèrent en Israëlconstituent le premier secteur économique du pays. De même, dans l’Irak occupé, les SMP –fortes de plus de 10’000 hommes – forment lecontingent militaire le plus important après lesforces américaines.

Les règles et les principes régissant l’usage de la force, que les membres fondateurs des Nations Unies avaient adoptés à l’unanimité, ont été remis en question, à moins qu’ils n’aient tout simplement été balayés. Confrontés à un défi fondamental, les USA ont tourné le dos à l’article 51 de la Charte. L’âge d’or du multila-téralisme de la seconde moitié du 20e siècle risque donc d’arriver à son terme. Et ceci au moment où la sécurité doit relever des défis mondialisés et complexes, qui exigent non pas l’affaiblissement de la coopération internatio-nale mais son renforcement.

Au niveau national, le contrôle démocratiquede la sécurité par la société civile et par le Parlement reste insuffisant dans de nombreuxpays post-totalitaires. Quand ils existent, lesmécanismes de contrôle tendent à se concen-trer sur les différents aspects de la sécurité (forces armées, forces paramilitaires, police,gardes-frontière, services de renseignement etde la sécurité du territoire, autres formationsarmées), mais ne sont pas en mesure de

Afghanistan, 2003(Photo US Army)

Les autorités politiques sont conscientes de ces problèmes et plusieurs interventionsparlementaires les ont évoqués. Au-delà de la mise en oeuvre des réformesacceptées par le peuple (réforme de l’armée et de la protection de la population),l’ère des grandes réformes, tous les 20 ou 30 ans (Armée 61, Armée 95, ArméeXXI), est vraisemblablement révolue. Des aménagements ponctuels à intervallesplus rapprochés devront être envisagés.

Cette nécessité de penser l’avenir à moyen et long terme, tout en prenantrapidement les décisions exigées par la confrontation immédiate avec le réel (enlangage militaire: «voir loin, commander court»), concerne aussi bien la sécurité dela population au quotidien et la lutte contre le terrorisme que la politique et lastratégie: position de la Suisse dans une architecture euro-atlantique de sécurité endéveloppement (y compris la composante policière: système de Schengen);évaluation du système de milice et de l’obligation de servir dans un contexte socio-économique de moins en moins stimulant pour les citoyens; professionnalisationaccrue des moyens militaires dans la plupart des pays pertinents pour la Suisse;remaniements structurels et des responsabilités au niveau fédéral (création d’undépartement fédéral de la sécurité?). Autant de questions à évaluer et à réglerdans un tempo en accélération continue.

Une seule assurance dans ce film mouvementé: les certitudes d’hier sont sujettes àexamen et ne seront probablement pas celles de demain, n’en déplaise aux tenantsd’un certain folklore. Ces réflexions sont souvent source de malentendus:contrairement à ce que les médias propagent, ce que l’on pense, questionne,planifie, n’est pas toujours ce qui se réalisera, surtout dans un système politiqueaussi complexe que le nôtre. Il reste que l’appréciation continue de la situation, deslacunes du «système» et des mesures à prendre pour assurer la sécurité du paysest une tâche permanente des autorités politiques et de l’administration. Une foisles décisions prises, et soumises au verdict du peuple si nécessaire, elles sont misesen œuvre en respectant la volonté du législateur et du souverain.

Philippe WeltiAmbassadeur, Chef de la Direction de la politique de sécurité,

Département de la défense, de la protection de la population et des sportswww.vbs-ddps.ch/internet/sicherheitspolitik/fr/home.html

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couvrir le tout comme un ensemble. Les SMP échappent en grande partie aux formes tradi-tionnelles du contrôle démocratique et parle-mentaire. Ceci est particulièrement inquiétant au moment où la lutte contre le terrorisme chan-ge de cap et délaisse la protection des droits de la personne au profit du besoin de sécurité de la collectivité.

Réforme du secteur de la sécurité

En conséquence, la réforme de la sécurité et soncontrôle par la société civile et par le Parlementsont devenus un préalable incontournable nonseulement de la paix et de la stabilité, mais aussidu développement1 à l’instar de la bonne gou-vernance de la sécurité qui est devenue un pré-alable de la sécurité des personnes.

La sécurité n’est plus du ressort exclusif des forcesarmées. Elle ne se définit plus essentiellement entermes militaires. Pour faire face au nouveauspectre des menaces, il est indispensable d’avoirune coopération étroite et efficace entre toutes lescomposantes des appareils de sécurité.

Dans les Etats totalitaires, la sécurité relève de«poches de pouvoir» rivaux, peu disposés à col-laborer entre eux et qui forment non pas «un Etatdans l’Etat», mais en fait «des Etats dans desEtats», facilement neutralisés par le dictateurselon la vieille formule «diviser pour régner».

Dans les démocraties, la sécurité doit se conce-voir comme une série de vases communicants, oùchaque unité dépend de l’autre. La loi doit pré-voir pour chacune des composantes – des forcesarmées jusqu’aux agents de la circulation – unemission bien spécifique, unique et clairement défi-nie, faisant partie d’une stratégie générale de lasécurité nationale qui aura été adoptée par legouvernement et par le Parlement, après un largedébat public, en pleine transparence politique.Chacune des composantes doit être responsablede la mission qui lui a été assignée, mais elle doitaussi être comptable de ses actes devant le gou-vernement, le parlement et la société civile. Celaexige un accomplissement de la mission en plei-ne transparence. Cette transparence est le préa-lable du contrôle efficace par la société civile etle Parlement et conditionne le bon fonctionnementde la société civile et donc de la démocratie. A cet égard, les leçons qui ont été tirées en Euro-pe centrale et orientale sont également valablespour la reconstruction des appareils de sécuritésur les ruines laissées par les dictatures (Irak,Afghanistan).

Le contexte de la sécurité requiert aujourd’hui uneétroite collaboration au niveau national, maisaussi au niveau international. L’interopérabilité nepeut plus se définir en termes exclusivement mili-

taires; une étroite collaboration est égalementrequise dans les forces de police, chez les gar-des-frontière et les agences de renseignements.Cela implique la possibilité de coopérer par delàles frontières institutionnelles. Par voie de consé-quence, il devient encore plus nécessaire de ren-forcer le contrôle parlementaire.

Enfin, au niveau international, on a besoin defixer des normes et des critères communs. La cri-minalité internationale et le terrorisme ne peuventêtre combattus que si les services chargés de l’ap-plication de la loi mettent leurs informations encommun et s’ils sont en mesure de coopérer; lesfrontières ne peuvent être sûres que si les gardes-frontière des deux pays contigus suivent lesmêmes procédures. On ne réussira à contenir lesconflits que si, au lieu de se contenter de traiterles symptômes, on prend le mal à la racine. Endéfinitive, la sécurité ne peut se construire que surla base d’une large coopération internationale,ancrée dans le droit international.

Face à ces différentes tendances, la Suisse acréé, en automne 2000, le «Geneva Centre forthe Democratic Control of Armed Forces»(DCAF). Cette fondation internationale – 45 gou-vernements de la région euro-atlantique etd’Afrique figurent parmi ses membres – a pourmission de recueillir et de systématiser les leçonstirées de la réforme et de la bonne gouvernancedémocratique de la sécurité. De plus, par desprojets montés sur le terrain, le Centre met lesconnaissances acquises à disposition des paysen voie de démocratisation. Le DCAF concentreactuellement son action sur l’Europe orientale etl’Europe du Sud-Est, mais des projets ont aussidémarré en Afrique et dans d’autres parties dumonde. Le DCAF offre son assistance aux gou-vernements qui sont en train de réformer leurappareil de sécurité (formulation d’une stratégienationale de sécurité; documentation et législa-tion sur le sujet; réforme des ministères; intégra-tion et réforme des diverses composantes du sys-tème de sécurité); aux parlements (brochures,séminaires, renforcement du personnel de sécuri-té, organisation d’audits internationaux) et à lasociété civile («empowerment», propriété locale).Le DCAF est aussi très actif dans la promotion denormes et de critères internationaux communsconcernant son domaine d’activité.

Lien utile:

Centre pour le contrôle démocratique des forcesarméeswww.dcaf.ch

Drône Ranger(Photo DDPS)

1 cf. Programme de dévelop-pement des Nations Unies, rapport sur le développement humain 2002, chapitre 4.

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Ressources nationales et coopération entre civilset militaires

Les attentats de Madrid en mars 2004 ont beauavoir été terribles, peu d’Européens sont prêts àpenser que leur pays devrait privilégier les dépen-ses pour la sécurité et la défense en temps depaix. Rien de surprenant à cela. Dans les Etatsdémocratiques, il y a toujours une sorte de com-pétition entre le budget de la sécurité et de ladéfense et les autres dépenses de l’Etat. En tempsde paix, comme en temps de guerre d’ailleurs, lecoût de la défense nationale pose un problèmeéconomique à une société libre: ce qui est dépen-sé pour le militaire est perdu pour des investisse-ments politiquement plus profitables. Même di-lemme pour les services de renseignement, lapolice, les gardes-frontières et les forces paramili-taires, ces partenaires naturels et onéreux des for-ces armées, unis pour la sécurité nationale.

Un compromis budgétaire

Cependant, à l’aube du XXIème siècle, il existe unclivage gênant au cœur de la planification à longterme de la sécurité d’entités politiques pacifiqueset en plein essor économique. La communautépolitique sait pertinemment que la sécurité estbien autre chose que ce qui sort de la gueule descanons, et pourtant la réponse instinctive dessociétés développées aux problèmes de sécuritéest encore bien souvent de présumer que celaregarde les militaires et leurs partenaires. Et quiplus est, – même dans les jours d’incertitude quenous traversons – les démocraties voudraient quela sécurité soit assurée sans qu’il soit porté préju-dice à la prospérité du temps de paix.

En fait, la sécurité de l’Etat est un problème qui vaplus loin que le simple budget militaire, et celadepuis bien avant la fin de la guerre froide. Onpeut en croire Georges Clémenceau: «La guerreest une affaire trop sérieuse pour qu’on la confieà des militaires». Les dépenses affectées à lasécurité ne peuvent pas être la chasse gardée desgalonnés et autres responsables du budget de lasécurité.

Pour les gouvernements, le problème a toujoursété le même: évaluer les risques et établir les prio-rités budgétaires en conséquence. Tout, absolu-ment tout, contribue ou porte atteinte à la sécuri-té de l’Etat. L’«Etat sécuritaire» façon Etats-Unis,est une formule possible; le modèle scandinavede la «défense totale» en est une autre. Il existe

encore d’autres options, impliquant des équilibressubtils, parfois hasardeux, entre avantages éco-nomiques à long terme et force militaire à courtterme. Les exemples ne manquent pas. La Finlan-de a connu la prospérité pendant cinquante ans,mais au prix de l’autonomie de sa politique exté-rieure. A la même époque, l’Islande faisait payerà un autre le privilège d’utiliser ses aéroports, etoffrait ainsi à ses contribuables la gratuité de sasécurité. La Grande-Bretagne s’est probablementsur-assurée militairement, au détriment de sacompétitivité économique pendant une grandepartie de la guerre froide. Mesurant leur opposi-tion en termes uniquement économiques, laGrèce et la Turquie ont payé trop cher l’appareilmilitaire que chacune a mis en place contre l’au-tre. La plupart des nouveaux membres de l’OTANvoient leur adhésion comme un moyen de s’offrirune défense à bon compte et attachent plus d’im-portance à la prospérité induite par l’UE qu’auxcharges et responsabilités de l’alliance militaire.

Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que la sécuritéd’une nation passe pour être le produit d’un com-promis entre des priorités budgétaires intérieureset son choix de positionnement international. Lespays ont pu donner des réponses variées aucours du temps, selon leurs priorités intérieures etinternationales. Mais il y a une sorte de schémas-type qui reste identique – un certain équilibreentre ce que Franklin Delano Roosevelt appelait«être libéré du besoin (économique)» et «être libé-ré de la peur», le premier l’emportant générale-ment sur le second. Une question se pose aujour-d’hui: les différents équilibres définis sur le plannational sont-ils la meilleure façon de relever lesdéfis actuels? Autre question: vu la portée de cesdéfis, la gamme des options n’est-elle pas troplimitée?

Il est peut-être surprenant de remarquer que lesproblèmes de base restent ceux qu’avait relevésFranklin Roosevelt – incontestablement le plusgrand chef d’Etat du XXème siècle dans la paix etdans la guerre – dans le discours des «Quatrelibertés» qu’il a prononcé devant le Congrès le 6janvier 1941, onze mois avant l’entrée en guerredes Etats-Unis.1

«Dans les jours futurs, que nous cherchons à ren-dre sûrs, nous attendons avec espoir un mondefondé sur quatre libertés essentielles. La premièreest la liberté de parole et d’expression – partoutdans le monde. La deuxième est la liberté pourchacun d’adorer Dieu comme il le veut – partoutdans le monde. La troisième consiste à être libérédu besoin – ce qui sur le plan mondial supposedes accords économiques pour que chaquenation assure à ses habitants une vie saine etpacifique – partout dans le monde. La quatrièmeconsiste à être libéré de la peur ce qui, sur le planmondial, signifie une réduction des armements

Peter Foot

1 Toutes les citations sont de source gouvernementale US, Congressional Record, 1941, Vol. 87, Pt. I.

Peter Foot

Dr. Peter Foot est vice-doyen des étudesacadémiques du Département des étudesde défense au King’s College, Londres.

Ses travaux de recherche sont en relationavec la formation militaire. Depuis 1998, ilest membre fondateur du secrétariat duPartnership for Peace (PfP) Consortium ofDefense Academies and Security StudiesInstitutes et président du comité de rédac-tion du Consortium.

Il intervient à titre de conseiller auprès duCentre de politique de sécurité de Genève(GCSP), du Collège des forces arméescanadiennes et de l’Université d’Irlande deMaynooth.

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si poussée et si vaste à l’échelle planétaire qu’au-cune nation ne soit en mesure de commettre unacte d’agression physique contre un voisin – oùque ce soit dans le monde.»

Le monde que Roosevelt envisageait pour notreépoque, était donc «l’exacte antithèse du préten-du nouvel ordre de tyrannie» que les terroristes,dictateurs et autres «cherchent à créer en faisantéclater leurs bombes».

Défis et craintes

Manifestement, chacune des libertés nous inter-pelle de différentes façons aujourd’hui. La démo-cratie est peut-être diverse dans ses formes et loind’être parfaite, son fonctionnement n’est pas avé-ré par le seul fait qu’elle est acceptée, mais iln’existe pas de meilleur modèle de légitimité poli-tique. Le soutien que nous apportons aux régimesqui ne reconnaissent pas la liberté de parole meten question notre propre attachement à cetteliberté. Dans de nombreuses nations plurieth-niques européennes, la liberté de religion n’offrepas d’alternative – sans parler de cette Europelaïque qui ne tient souvent aucun compte des exi-gences du salut personnel. Pendant quelquesdécennies, l’Europe occidentale s’est libérée desdifficultés économiques avec grand profit, maiscette libération est loin d’être éternelle. Nousdépendons tellement de choses aussi diversesque la stabilité du bas prix de l’énergie, l’absen-ce de protectionnisme, l’intégrité des entreprisesou l’amélioration de l’équilibre budgétaire: or,aucun de ces éléments ne peut être assuré. Fina-lement, que craignons-nous le plus aujourd’hui?

La réactualisation des soucis de Roosevelt à pro-pos de la prolifération des armes?

Une nouvelle guerre qui embraserait toute l’Euro-pe? Ou, n’avons-nous pas d’autres craintes pluspressantes que les invasions de l’ancien temps,perpétrées par des puissances hostiles? Par exem-ple, les modifications liées au vieillissement de lapopulation (à quoi s’ajoute dans certains paysl’effondrement des retraites), les contaminationshumaines et agricoles, une catastrophe écolo-gique ou la menace du terrorisme? Autrement dit,nombre de nos peurs engagent la responsabilitéde multiples organismes, dont presque aucunn’est militaire. Certains sont gouvernementauxmais beaucoup appartiennent au secteur privé ourelèvent des deux. ▲

(Photo DDPS)

Depuis la fin de la guerre froide, les opérations militaires s’inscrivent dans uncontexte politique et civil élargi, mettant en jeu de nouvelles influences où secombinent des facteurs politiques, voire économiques et sociaux, susceptibles dedéclencher une crise ou issus d’un conflit.

Il est indispensable d’adopter une approche globale de ces facteurs ainsi que de larestauration des infrastructures et des institutions civiles si l’on veut créer desconditions stables et sûres, en brisant le cercle de la violence et en réduisant lanécessité du recours aux forces armées.

Dans ce nouveau contexte de sécurité, le maintien de la paix est l’une descomposantes parmi d’autres de la gestion des crises dans des zones où lesinfrastructures et les institutions civiles ne fonctionnent plus. Le maintien de l’ordre,le soutien aux élections, l’observation du respect des droits humains, larestructuration de l’administration civile et judiciaire, le désarmement et ladémobilisation des combattants, voire l’aide au retour des réfugiés, sont lesnouveaux défis que doivent relever les forces armées ainsi que les organisationsinternationales et non gouvernementales.

La coopération civilo-militaire (CIMIC) vise à accroître la cohérence des réponsesciviles et militaires aux crises ou au risque de crises, et à améliorer la coordinationet la coopération entre le commandement militaire et les populations civiles –dont les autorités nationales et locales, mais aussi les organisations et agencesinternationales, nationales et non gouvernementales soutenant la mission.

SWISSCOY (Kosovo)En 1999, lorsque la SWISSCOY a été déployée au Kosovo, la CIMIC se concentraitsur la reconstruction de bâtiments scolaires: deux ont été réparés avec US Aid,CRS/Caritas US. Par la suite, la SWISSCOY a été l’un des premiers contingents àpasser du bâtiment aux travaux publics, avec la construction de ponts. Unecoopération féconde et efficace s’est instaurée entre elle et la Direction dudéveloppement et de la coopération suisse (DDC). En combinant leurs savoir-fairerespectifs, elles ont construit 23 ponts et passerelles, utilisés par les populationslocales comme les forces armées.

Initialement, la CIMIC soutenait les organisations internationales, les ONG et lapopulation locale. Plus tard, des centres de CIMIC ont été créés pour coordonner etsoutenir les activités d’organisations internationales et d’ONG, sans avoir eux-mêmes d’activités humanitaires ou économiques.

La plupart des activités relevant de la CIMIC s’inscrivaient à l’origine dans un cadrenational, sans harmonisation avec d’autres activités. Cela les rendait moinsefficaces, et entravait les échanges d’informations, d’une importance vitale dans lamise en place d’un environnement sûr. En nouant des contacts étroits avec lapopulation locale, les centres de CIMIC ont nettement contribué à réduire les risquesde violence.

La coopération civile-militaire suisse dans les Balkans

(Photo DDPS)

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Le problème prend tout son relief quand on consi-dère la protection des infrastructures vitales. Lanourriture et l’eau, l’approvisionnement en éner-gie, les transports et les systèmes, les institutionsfinancières, la sécurité publique et une constanteconfiance dans les structures gouvernementales,tout dans les sociétés libres peut être à la mercid’attaques et de destructions. Dans la plupart despays européens, on a tendance à considérer cespréoccupations comme n’étant rien d’autre queles divagations d’une poignée de paranoïaquesou, prenant ses désirs pour des réalités, on pré-fère ne pas y penser. Il suffit pourtant de poser leproblème pour en voir l’enjeu: ce qui, pendantune bonne moitié de la guerre froide, était tenupour nécessaire en matière de défense civile etde planification nationale d’urgence s’est engrande partie effondré.

Privatisation de la sécurité

Certains éléments seront récupérables, mais lessociétés qui ont délégué d’importantes responsa-bilités au secteur privé auront particulièrementfort à faire. Les sociétés privées, surtout si ce sontdes multinationales, ne sont pas là pour protégerl’intérêt national, et elles sont dans leur droit, –que le commerce se situe sur le plan national ouinternational – puisque leur raison d’être est l’en-richissement de leurs actionnaires. Quelles quesoient les contributions qui sont attendues du sec-teur privé, il faudra quand même qu’elles soientpayées, par des impôts ou par des empruntspublics.

Le terrorisme a aussi subtilement sapé le rôle desforces armées dans nos sociétés. Il fut un tempsoù la chose militaire avait un statut exceptionnel,fondé sur l’acceptation d’une responsabilité per-sonnelle illimitée – c’est-à-dire jusqu’à la mort –dans la défense des intérêts nationaux. Le 11 sep-tembre a montré toute l’importance que peuventprendre les autres services publics, à qui ondemande de sacrifier leur vie à un bien supérieur.Les attentats de Madrid ont montré que les mena-ces qui pesaient sur les habitants de la capitaleespagnole relevaient de la responsabilité de ladirection et du personnel des chemins de fer, dela police et des paramilitaires.

Parmi les victimes des conflits actuels, le nombredes civils dépasse de beaucoup celui des militai-res de carrière. Depuis les attentats de Madrid,l’Europe se montre disposée à partager les ren-seignements et les informations qui peuvent servirà contrer le terrorisme ou les autres dangersmenaçant l’ordre public.

▲PerspectivesLa sécurité, la stabilité économique et sociale mais aussi le développement sontinséparables car ils dépendent les uns des autres; les forces armées, lesorganismes civils et les agences doivent donc tendre en partenaires à des butscommuns. Il faut ainsi que les forces armées et les organisations civiles parviennentà travailler convenablement ensemble, en liaison avec les forces arméesmultinationales.

Une bonne CIMIC doit favoriser la compréhension et resserrer les interactions entreles forces armées ainsi que les organisations et les pouvoirs civils à pied d’œuvre,de sorte que le pays soit moins contraint de s’en remettre à la présence de forcesmilitaires de soutien à la paix.

Ce n’est pas une politique militaire à courte vue: la présence de forces armées viseà promouvoir le développement des structures civiles. La composante militaire estsimplement un élément d’un cadre multifonctionnel et multi-organisationnel derèglement d’une crise complexe; si elle doit initialement prendre en charge desactivités normalement assurées par des organismes civils, cela ne saurait êtrequ’un expédient à court terme.

En général, la composante militaire ne possède pas les ressources ni lescompétences pour s’occuper de développement à long terme, qui doit être mis enoeuvre par ceux qui en disposent. Il faut donc que les activités militairesdébouchent aussi rapidement que possible sur le transfert de responsabilité auxorganismes civils compétents, de sorte que l’armée puisse se concentrer sur lasécurité. La CIMIC doit permettre aux responsables civils et militaires de mieuxdéfinir les priorités et la répartition des activités, et de les mener à bien dans laperspective d’un retrait aussi précoce que possible des troupes armées et d’unretour à la normale.

Briefing des pilotes lors du G8(Photo DDPS)

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C’est évidemment très bien, mais loin d’être suffi-sant, si l’on vise à une certaine efficacité. Lesorganismes de renseignement, qui d’instinctrecherchent le secret, ont à décider jusqu’où ilfaut qu’ils adoptent une dimension transnationa-le, et dans quelle mesure ils acceptent de parta-ger l’information, l’analyse et les prévisions avecdes organismes non gouvernementaux. Peut-onmettre fin aussi facilement au vieux monopole del’information qui distillait l’information parcimo-nieusement même au sein des organismes gou-vernementaux? Beaucoup en doutent. Il est deve-nu encore plus difficile d’accepter l’idée d’uneréforme fondamentale, au vu des défaillances durenseignement à propos des armes de destructionmassive en Irak. Et il se passera encore un certaintemps avant de voir progresser la liberté de l’in-formation.

Peggy Noonan, qui à une certaine époque écri-vit les discours de Ronald Reagan, avait remar-qué juste avant le 11 septembre:

«Il y a des choses qui vont nous prendre dutemps. Nous devons pousser les milieux gouver-nementaux à faire face à la terrible réalité. Ilssavent que cela pourrait arriver demain, mais ilsn’y ont pas attaché d’importance parce qu’Ar-mageddon n’est pas une circonscription électora-le. Nous devrions exiger davantage de nos servi-ces de renseignement extérieur et de nossystèmes de défense. Nous devrions demander ànos autorités – à l’échelon local, à l’échelon del’Etat et à l’échelon fédéral – de prendre plus ausérieux la défense civile et la gestion des situa-tions de crise.2»

Aujourd’hui, la circonscription électorale d’Arma-geddon existe – les attentats de Madrid l’ontcréée en Europe. Reste à savoir comment les élec-teurs vont réagir. La communauté politique voit lestâches qui l’attendent, mais sa vitesse de réactionsemble insuffisante. Les changements institution-nels sont toujours plus lents à venir que les idéesqui finissent par introduire de force le change-ment. Les ressources nationales et la coopérationentre civils et militaires ne suffisent qu’à moitié. Lanécessité de redéfinir le sens de la sécurité, quis’est substituée au discours stratégique profes-sionnel depuis 1991, a fini par être saisie cheznous. C’est précisément sa place.

2 Peggy Noonan, ‘Stay God’s Hand’, première publication dans Forbes ASAP, 30 novembre 1998. Texte intégral sur http://209.157.64.200/focus/f-news/549652/posts

(Photo DDPS)(Photo DDPS)

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Coopération militaire dans le cadre d’une stratégie de prévention et de stabilisation

Un an après le début de la guerre en Irak, les aviscontinuent de diverger sur la façon de faire faceaux formes d’insécurité que nous devons à lamondialisation et ces divergences paraissenthypothéquer lourdement la création d’un ordrepolitique solide dans l’Irak d’après-guerre, la sta-bilisation des structures au Proche- et au Moyen-Orient ainsi que la lutte contre le terrorisme mon-dial et la prolifération des armes de destructionmassive. Cependant, c’est le futur rôle des capa-cités militaires dans le cadre d’une vaste stratégiede prévention et de stabilisation qui aura le plusdivisé l’opinion internationale pendant les débatssur l’Irak.

Avec les attentats de New York et de Washing-ton, les défis asymétriques – tels les groupes ter-roristes équipés d’armes de destruction massive –sont devenus un facteur déterminant pour la struc-ture des relations internationales.

Les Etats-Unis, n’étant plus disposés à rester dansune attitude d’expectative politique face à laquestion irakienne, ont accentué leur pressionpour que le changement de régime se fasse parles armes.

De leur côté, les Européens ne contestaient pasfondamentalement la possibilité de désarmer l’I-rak par des moyens militaires en cas de nécessi-té, mais ils n’étaient pas favorables à ce que lesaspects militaires soient au centre de la stratégieinternationale contre le terrorisme. A l’avenir, lesdébats sur les limites et les possibilités de lacoopération militaire face aux menaces asymé-triques vont se poursuivre autour de quatre pro-blématiques: le droit international; les objectifsstratégiques; l’élargissement et la complémentari-té des capacités militaires; la mise en place d’unprocessus de transformation militaire.

La force légitime devant les menacesasymétriques

Les événements du 11 septembre 2001 ont ou-vert un débat très nourri sur les règles et les orga-nisations qui, à titre exceptionnel et malgré l’in-terdiction générale de l’usage de la force,légitiment la menace et le recours à la force.

Les défis asymétriques lancés par des acteurs nonétatiques posent aux Etats une question difficile,car ce sont les dispositions actuelles du droit inter-national qui sont censées réglementer l’usage dela force par les Etats. Or, Etat directement concer-né et puissance mondiale dominante, les Etats-Unis ont semblé pencher pour une doctrine depréemption unilatérale que l’on s’est accordé unpeu partout à trouver insuffisante pour justifierune intervention militaire.

Certes, la nouvelle stratégie de sécurité des Etats-Unis envisageait l’option préemptive exclusive-ment dans l’optique d’une riposte à une doublemenace: le rayon d’action mondial des terroristeset les Etats voyous comme l’Irak et la Corée duNord. Mais du fait de la nécessité d’adapter leconcept de «menace immédiate» à ces risquesnouveaux, la théorie a fait tomber la frontièreentre guerre de préemption et guerre de préven-tion.

Les actions menées contre l’Afghanistan dans lecadre de l’ONU ont montré clairement que lacontroverse portait bien moins sur le droit à l’au-todéfense contre des acteurs non étatiques quesur la préemption comme option possible contredes acteurs étatiques. La présentation de la stra-tégie de sécurité à l’occasion du débat sur l’Iraka conduit à une réflexion plus large sur le droitinternational et la politique. En Irak, il ne s’agis-sait pas de prendre des mesures de préventioncontre un danger immédiat qui aurait menacé lesEtats-Unis.

Depuis lors, les Etats-Unis s’emploient à relativiserla portée de l’option préemptive, en valorisant lerôle toujours central de l’ONU, de l’OTAN et desautres alliances.

Face à ces menaces d’un type nouveau, l’enga-gement des forces armées doit être compriscomme faisant partie de la «défense», prise dansune acception plus large, l’écho international sefaisant toujours plus fort sur le sujet. L’Union euro-péenne et l’OTAN ont besoin que leur stratégieinclue l’option politique de l’action préventive.

Cela suppose toutefois la volonté politique deporter le débat dans un cadre multilatéral afin dedéfinir les conditions – imminence et vraisem-blance de la menace, proportionnalité desmoyens – nécessaires à l’engagement des forcesarmées. Au moment où la politique internationa-le connaît une transformation fondamentale enraison des menaces asymétriques, il est inévitablede procéder à une adaptation prudente desrègles internationales en vue de rendre une légi-timité à la force.

Andreas Wenger

Andreas Wenger

Dr. Andreas Wenger est professeur adjointde politique de sécurité suisse et internatio-nale à l’Ecole polytechnique fédérale deZurich (EPFZ).

Il dirige le Centre des études de sécurité, quifait partie de l’EPFZ et il est directeur deprojet à l’International Relations and Secu-rity Network (ISN), réseau pour les expertsde la politique.

Ses principaux domaines d’intérêt sont lesrelations transatlantiques, la politique étran-gère ainsi que la politique de sécurité desEtats-Unis et de la Russie, l’architecture desécurité européenne et le futur projet de poli-tique étrangère et de sécurité de la Suisse. ▲

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Le cadre stratégique: élargissement ducontenu et extension géographique desmenaces

Cependant, les fortes divergences de vues quipartagent la communauté internationale au sujetde la guerre et de la paix en Irak reflétaient aussiles controverses sur les causes et les effets desmenaces asymétriques et des risques.

Le «multilatéralisme efficace» vue comme la ripos-te européenne à la tendance unilatéraliste améri-cain suppose la définition d’un cadre stratégiquecommun, en particulier en ce qui concerne lesobjectifs et la portée géographique des forcesd’intervention multinationales en temps de crise.L’engagement militaire mondial des Etats-Unis etdes Européens ressemble actuellement à unpatchwork traduisant en premier lieu les déci-sions nationales en période de crise, mais il nefait pas apparaître de stratégie de sécurité cohé-rente au Proche- et au Moyen-Orient.

Parallèlement, on a assisté à un rapprochementdes points de vue américain et européen en cequi concerne l’analyse des menaces. Du fait desmenaces asymétriques, le spectre des risquesconcernant l’espace euro-atlantique s’est considé-rablement élargi aussi bien dans son contenu quedans son extension géographique. En matière decontenu, les stratégies de politique de sécurité etles moyens se recentrent sur les dangers liés auterrorisme mondial, à la prolifération des armesde destruction massive et à la connexion entre ladésintégration des Etats et le crime organisé.

D’où l’importance accrue que prend le défi lancéaux Etats par des réseaux non étatiques qui, dufait de la mondialisation, profitent de la nouvelleperméabilité des frontières pour instrumentaliserles Etats faibles.

Géographiquement, l’attention se déplace et,après les conflits ethniques des Balkans à l’Asieen passant par l’Asie centrale et le Caucase, lazone la plus instable du monde se situe mainte-nant dans la région du Proche- et du Moyen-Orient, au sens large du terme.

Les structures sociales et économiques, la poli-tique de l’ordre posent des problèmes fondamen-taux qui viennent s’ajouter à la désintégration desEtats, à la prolifération des moyens de destructionmassive, au terrorisme islamiste et aux régimesautoritaires, pour former un mélange des plusexplosif.

L’influence qu’on peut exercer de l’extérieur sur lerèglement des problèmes structurels du mondearabe est limitée. Etant donné qu’il va devoirvivre pendant des années avec les produits d’ex-portation extrémistes de la modernisation arabe,l’Occident devrait prévoir un cadre commun pourdévelopper ses initiatives politiques concernant larégion. ▲

La participation de militaires suisses à l’aide en cas de catastrophe à l’étranger estdevenue la règle. Les occasions n’ont malheureusement pas manqué. Le systèmeest rôdé. Les conditions des interventions de ce type sont clairement définies. C’estd’abord la Constitution fédérale qui dispose que tout engagement de militairessuisses sur sol étranger ne peut se faire que sur la base du volontariat. Ce sont aussiles dispositions de l’Ordonnance du Conseil fédéral sur l’aide en cas de catastropheà l’étranger (OACata du 24.10.01) qui en fixent le cadre. Il en résulte que lesmilitaires ne sont pas engagés en tant que tels ou en tant que membres d’uneformation militaire constituée, mais se trouvent intégrés à titre individuel etvolontaire aux équipes de la Chaîne suisse de sauvetage.

L’aide dans le secteur frontalierIl existe pourtant une autre possibilité d’aide militaire au-delà des frontièressuisses, méconnue parce que jamais mise en œuvre jusqu’à aujourd’hui: l’aidemilitaire en cas de catastrophe dans les régions frontalières. Les dispositions réglantles interventions de ce type diffèrent sensiblement de celles évoquéesprécédemment. Par régions frontalières, on entend les subdivisions administrativesou politiques des pays voisins (départements français, Länder allemands etautrichiens, provinces italiennes et Principauté du Liechtenstein), touchantdirectement les frontières suisses. Il s’agit donc d’une aide «de proximité». Uneparticularité de l’intervention transfrontalière est qu’elle peut concerner desformations militaires entières, en dehors de l’exigence du volontariat. Lesmodalités pratiques et juridiques sont définies dans des accords internationaux quela Suisse a signés avec chacun de ses voisins. Il va de soi que ces interventions

doivent répondre à une requête de la part de l’Etat concerné et que celui-ci donneexpressément son accord quant à la présence militaire. La conduite del’engagement doit naturellement respecter aussi le principe de la subsidiarité.Notons encore que les troupes suisses intervenantes en de tels cas doivent avoir laformation technique correspondant aux tâches à accomplir et qu’elles ne doiventpas être armées.

Bien que les circonstances n’aient pas imposé de telles interventions jusqu’àprésent, l’expérience pratique ne manque pas tout à fait. Il y a quelques années,la nécessité de développer et d’entraîner la collaboration à l’échelon régional estapparue. Il ne faut pas perdre de vue que si la collaboration transfrontalière estune pratique courante pour les services d’incendie et de secours civils (la catas-trophe du Tunnel du Mont-Blanc en est l’illustration), il n’en est pas de même deleur renforcement éventuel par des moyens militaires lourds et encore moinslorsque ceux-ci proviennent d’un pays voisin!

Les exercices franco-suisses et leurs enseignementsDans cette optique furent réalisés deux exercices franco-suisses dénommés«LEMAN», de loin les plus importants du genre par les moyens mis en œuvre. En1997, «LEMAN 1» voyait l’engagement effectif d’un bataillon des troupes desauvetage suisses sur le territoire du département français de Haute-Savoie. En1999, «LEMAN 2» permettait d’exercer la réciprocité, c’est à dire l’intervention demoyens militaires français sur territoire suisse. Les deux exercices visaient la mêmefinalité: régler l’engagement potentiel de moyens militaires pour le renforcementd’un dispositif civil déployé dans une région sinistrée située hors frontière.

Opérations militaires transfrontalières en cas de catastrophe

Exercice Léman, exercice conjoint entre la France et la Suisse (Photo DDPS)

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Des capacités militaires élargies: les civilset les militaires se complètent

La sécurité par l’intégration et la sécurité par lastabilisation et l’association demeurent la based’un ordre de paix stable pour l’espace européenélargi – en particulier à l’Est, dans les Balkans etdans l’espace méditerranéen. Du fait de son élar-gissement, l’Europe est de plus en plus proche derégions instables. Cela signifie donc, en clair,que l’Europe doit faire de plus en plus front com-mun avec ses partenaires transatlantiques pourfaire face aux risques qui ont leur origine hors deson voisinage immédiat.

Dans de telles circonstances, les Etats-Unis aussibien que les Européens doivent se doter d’unestratégie qui mette en corrélation la prévention, lagestion des crises, la stabilisation et la recons-truction.

La complexité et la dynamique des nouveauxrisques exigent une approche stratégique quifasse plus souvent appel à l’intervention complé-mentaire des instruments civils et militaires, très tôtet à des fins préventives.

Les moyens civils, à eux seuls, ne sont pas dis-suasifs. Et les moyens militaires ne peuvent pasrégler un conflit et soutenir la transformationsociale et politique d’un pays sans la coopérationdes civils. Ce n’est que dans le cadre d’une stra-tégie globale cohérente que les forces de l’OTANet de l’Union européenne déploient toute leur effi-cacité et leur complémentarité. Ce n’est que surcette base que le partenariat entre les Etats-Uniset les Etats européens peut se renforcer et servirde cadre de coopération entre Etats égaux endroit et partageant les mêmes valeurs et lesmêmes intérêts. Au cours de l’année écoulée, lesEtats-Unis ont appris qu’il ne sert à rien de gagnerune guerre si l’issue victorieuse de l’action mili-taire ne donne pas de solutions politiques solides.Le fait que le terrorisme mondial constitue un dan-ger réel est une information à prendre au sérieuxau même titre que la constatation selon laquellela lutte contre ce danger ne passe pas en premierlieu par l’engagement des armées.

Opération Alba, Kosovo 1999 (Photo DDPS)

Il fallait donc faire travailler ensemble des militaires suisses et français, Etats-majors et formations et confronter les méthodes et procédures. Il fallait exercer lacoopération opérationnelle dans tous les domaines, jusqu’aux petits échelons. Dansles deux cas, le scénario impliquait la mise en place de structures de conduitecommunes, la coordination de l’engagement des formations pour la recherche et lesauvetage de victimes, le traitement médical initial, les évacuations sanitaires parmoyens aériens et donc la sécurité dans la troisième dimension et aussi la mise àdisposition de moyens logistiques.

Les exercices «LEMAN I et II» furent réellement novateurs et apportèrent denombreux enseignements quant aux processus d’intervention et à la collaborationsur le terrain dans le domaine de l’aide en cas de catastrophe. Ils permirent auxpartenaires potentiels d’apprendre à travailler ensemble. Ils permirent de trouverles solutions adéquates aux problèmes d’interopérabilité et confirmèrent la néces-sité d’une mise aux normes internationales des structures et des procédures deconduite de l’armée suisse. Ils apportèrent de très précieux enseignements quant àla compatibilité des procédures d’intervention et des matériels. Mais ces deuxexercices eurent d’autres retombées positives en facilitant la collaboration franco-suisse ultérieure. Les contacts établis entre les partenaires militaires se prolon-gèrent en effet durablement. La parfaite collaboration militaire internationale quimarqua l’engagement subsidiaire de sûreté lors du Sommet d’Evian (G8) en 2003,en reste la meilleure démonstration.

Cela confirme une fois de plus que si un engagement d’envergure reste largementconditionné par les structures existantes et les préparatifs réalisés, son succès doittout aux personnes et à leur capacité de collaborer sur le terrain. Ceci est toutparticulièrement valable pour l’aide en cas de catastrophe, là où justement lesstructures ne sont pas toujours en mesure de fonctionner.

En conclusion, la politique de sécurité suisse se résume par la formule: «la sécuritépar la coopération». L’armée y joue un rôle multiple et son potentiel d’interventionen cas de catastrophe majeure au-delà des frontières en constitue un élémentsignificatif. Il convient de le connaître et de le développer encore.

Commandant de corpsLuc Fellay

Chef des Forces TerrestresDépartement de la défense, de la protection de la population et des sports

Gondo, octobre 2000 (Photo DDPS)

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Parfois, il peut être utile – comme ce fut le cas enAfghanistan – de recourir aux armes pour luttercontre le terrorisme mondial. Mais il ne faut pasque ce soit – comme en Irak – au prix de lacoopération internationale, qui est indispensablepour venir à bout des causes politiques, écono-miques et sociales du terrorisme. Les Européensont vu qu’il leur faut reconsidérer le rôle desmoyens militaires dans le cadre d’une stratégieproactive et énergique de prévention et de stabi-lisation. Pour que l’option militaire soit un dernierrecours, il faut que les Européens accélèrentsérieusement la transformation de leurs forcesarmées pour mettre sur pied des unités plus peti-tes, plus légères et plus mobiles.

Transformation des forces armées par desinstitutions de sécurité

Le point de départ de la transformation militaireest la prise de conscience politique que lagamme des tâches des forces armées moderness’est élargie parallèlement à l’élargissement de lagamme des risques. Les deux tendances détermi-nantes sont le déplacement des priorités – la réac-tion à des crises l’emportant maintenant sur ladéfense du territoire – et une professionnalisationcroissante des forces armées. Comme les nouvel-les menaces proviennent de régions très éloi-gnées, la défense du territoire est une tâche géo-graphiquement toujours plus difficile à cerner. Lestâches structurellement déterminantes des forcesarmées modernes sont de plus en plus des inter-ventions internationales de stabilisation, dans lecadre de la prévention des conflits et de la réso-lution des crises, ainsi que des opérations de lutteinterne contre le terrorisme.

Du fait des nouveaux risques, c’est l’aptitude àune coopération internationale qui garantira lacapacité militaire. Pour des raison financières ettechnologiques, le processus de transformation,qui comporte des innovations techniques et orga-nisationnelles, ne peut être mené à bien dans l’en-vironnement européen que dans un cadre inter-national. De ce fait, la transformation est devenueune tâche prioritaire des institutions de sécuritéeuropéennes. Outre une politique de «Force inte-gration» qui vise au maintien de l’efficience, despossibilités d’action et de la cohésion politiquecompte tenu de l’élargissement, c’est une poli-tique de «Force transformation» qui devient deplus en plus d’actualité. La capacité de coopéra-tion de l’Europe avec les Etats-Unis, la collabora-tion internationale, les achats en commun et larépartition des rôles passent au premier plan. Al’avenir, les institutions de sécurité et les interven-tions de stabilisation verront grandir leur impor-tance et leur impact par rapport aux capacitésmilitaires qui auront été engagées.

Elargissement du dialogue européen ettransatlantique sur la sécurité

Une année après le début de la guerre en Irak,une chose est claire: ce n’est pas en faisant cava-lier seul ni en utilisant unilatéralement des moyensmilitaires que l’on pourra relever les défis asymé-triques lancés par le terrorisme mondial ou mettreau pas les Etats autoritaires. Seule une politiqued’action résolue contre les dangers du XXIèmesiècle peut permettre une réglementation multila-térale des conflits.

Ce qu’il faut donc maintenant, c’est un granddébat sur les changements à apporter à la coopé-ration militaire, dans le cadre d’une vaste straté-gie de prévention et de stabilisation et dans l’op-tique des principes du droit international; il fautaussi fixer des objectifs stratégiques, établir desinteractions avec les moyens civils et instaurer desprocessus de transformation militaire. Il s’agit làd’une nécessité, qui se situe aux niveaux euro-péen, transatlantique et mondial.

Lien utile:

Centre des études de sécuritéwww.fsk.ethz.ch

Tremblement de terre en Algérie, 2003(Photo DDPS)

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La sécurité du cyberespace: un défi international

En matière de sécurité nationale et internationale,la préoccupation majeure du monde post 9/11est de gagner la guerre internationale contre leterrorisme et plus spécialement de se prémunircontre les attentats massifs. On s’accorde aujour-d’hui à penser que la coopération internationaleest devenue une nécessité et la plupart desnations échangent activement leurs informationset travaillent sur une base de coopération pourdébusquer, capturer et arrêter les terroristes.

Néanmoins, malgré les énormes investissementsconsentis pour la lutte contre le terrorisme, nosinfrastructures critiques reposant sur les technolo-gies de l’information, restent toutes très vulnéra-bles et dépendent d’ordinateurs qui ne sont ni nepeuvent être sûrs, puisqu’ils utilisent le modèleactuel de sécurité réactive.

Un potentiel d’améliorations

La question qui se pose est donc de savoir com-ment améliorer la sécurité du cyberespace.

On s’est beaucoup interrogé et on continue àbeaucoup discuter pour trouver une réponse. Cer-tes, la science et la technologie ont aujourd’huides solutions de sécurité satisfaisantes, mais parsouci de ne pas mettre en difficulté les transac-tions commerciales ou par méconnaissance de lagravité des menaces, nous laissons fonctionnerdes plateformes informatiques commerciales etdes produits de sécurité qui ne garantissent pasla confidentialité.

Pour avoir une idée de l’incommensurable man-que de sécurité dont est victime le cyberespaceaujourd’hui, il suffit de se reporter au résumé d’unrécent séminaire d’informatique qui a eu lieu aulaboratoire de physique appliquée de JohnHopkins en janvier 2002.

«La science de la sécurité de l’information possè-de une richesse étonnante de solutions et d’outilscapables de résoudre les problèmes épineux parsélection et incrémentation. Par contre, les appli-cations de la science, ce que le public en sait etce qu’il en comprend sont d’une pauvreté lamen-table. Néanmoins, nous sommes toujours plusdépendants des technologies de l’information.L’Internet est un exemple des menaces d’agres-sions bien préparées et bien coordonnées qui seprofilent avec une insistance croissante.

En résumé, la sécurité informatique est scientifi-quement forte, mais elle souffre d’un inadmissiblemanque de produits.»

Ainsi, il existe une technologie de sécurité effica-ce, qui fournit ce qu’il est convenu d’appeler unesécurité vérifiable, mais jusqu’à maintenant, ni legouvernement ni le monde des affaires n’exigentqu’elle soit mise en œuvre.

La plupart du temps, ce que nous comprenons dela sécurité informatique et ce que nous en voyons,nous le tenons, malheureusement, non pas dessciences de l’information mais des médias – his-toires d’agressions ou d’intrusions dans les systè-mes du gouvernement, sites dégradés, invasionsde codes malicieux sous forme de vers et de virusqui envahissent l’Internet, qui peuvent même l’in-fecter et perturber notre propre système.

Ces piratages ainsi que l’apparition et la prolifé-ration des codes malicieux compromettent sérieu-sement la cybersécurité, et exigeraient des mesu-res efficaces. C’est un secteur où la coopérationinternationale a contribué à imposer l’applicationde la loi et, ce genre de coopération étant recon-nue comme mutuellement bénéfique, elle mérited’être élargie.

Notre expérience constante des déficits de sécu-rité sur Internet illustre également la réelle vulné-rabilité des nos systèmes – ils ne sont pas sécuri-sables, même contre les attaques des amateurs,les seuls ou presque dont nous entendions parler.

Et pourtant, dès lors que nous réussissons à sur-monter une attaque, grâce au correcteur du four-nisseur, d’ailleurs souvent téléchargé par Internet,nous nous croyons à l’abri, jusqu’à la prochaineattaque. Cela tient à notre modèle de sécurité,qui est réactif. Tout va bien tant qu’il ne se passerien d’anormal.

Sécurité réactive ou préventive

L’infrastructure de notre cyberespace, régie par la«sécurité réactive», doit sa survie au présupposéqu’elle survivra à toutes les attaques et qu’elle enréchappera toujours. L’attitude est d’une naïvetécontestable, mais jusqu’à présent, on continue des’en tenir au statu quo, qui reste d’un prix abor-dable.

Cela explique en partie pourquoi nous en som-mes restés à la sécurité réactive, pourquoi le cybe-respace n’est pas sécurisé et pourquoi il est parti-culièrement à la merci de l’attaque subversived’un agresseur professionnel contre un amateur.

De plus, la sécurité réactive est tout à fait compati-ble avec le commerce des produits de sécurisationde l’information, qui sont tous subordonnés auxplateformes les plus répandues actuellement.

Richard V. Houska

Richard V. Houska

Dr. Richard Houska, spécialiste des systè-mes informatiques et de la sécurité des ren-seignements, est professeur adjoint auGeorgia Institute of Technology, où il ensei-gne sur les services de renseignements; sondomaine de recherche actuel concerne lasécurité vérifiable, liée à la protection desinfrastructures vitales.

Il travaille depuis plus de 25 ans pour legouvernement des Etats-Unis, notamment àdes postes de responsabilité dans la mari-ne, l’armée de l’air et les services de ren-seignements.

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Cette subordination a donné lieu à un concept dedéfense appelée stratifiée (ou de défense en pro-fondeur), qui est en fait un patchwork de logicielsostensiblement destinés à élever le niveau de sé-curité informatique en s’en prenant aux faillesconnues et aux vulnérabilités des logiciels du sys-tème. Mais étant donné que les logiciels des ap-plications sont tous sous la dépendance du systè-me d’exploitation, même le meilleur des produitsne peut pas protéger le système contre les atta-ques subversives d’un agresseur professionnel.

Pour atteindre un bon niveau de cybersécurité, ilnous faut adopter un modèle de sécurité préven-tive et non plus réactive. Cela nécessitera lerecours à des systèmes «de confiance»- dont lasécurité soit vérifiable, et donc capables de con-trer efficacement les attaques subversives desagresseurs professionnels. Ils devraient être con-çus de façon à être absolument à l’abri de toutcode non-autorisé.

Si le cyberespace est particulièrement vulnérableà la menace d’un agresseur professionnel, c’estqu’il n’existe aucun moyen fiable de déterminer siun système a été subverti par l’introduction d’unartifice tel qu’un cheval de Troie.

De plus, l’introduction de ces codes malicieuxpeut se produire à n’importe quel moment ducycle de vie, ce ne sont donc pas les occasionsqui manquent, et aucun système n’est à l’abri dece type d’attaque, sauf ceux dont la sécurité estvérifiable. A noter également qu’il ne suffit pasd’un examen minutieux du code source pourdéceler et mettre fin à ce genre d’attaque et iln’existe aujourd’hui aucune technologie, absolu-ment aucune, qui puisse à coup sûr déceler laprésence d’un code malicieux.

Très peu de professionnels des technologies del’information se rendent compte que ce type d’at-taque est relativement facile à développer et àmettre en œuvre et certains affichent même uncertain scepticisme; il suffit cependant de quel-ques lignes de code parmi des millions et le tourest joué.

Sécurité vérifiable

Les normes de sécurité informatique introduitespar l’Administration américaine utilisent les ter-mes A1 ou EAL7 pour représenter un système àsécurité vérifiable. Par le passé, le Départementde la défense américain a développé et déployéquelques-uns de ces systèmes pour des applica-tions très sensibles. Ces systèmes sont conçus,développés et testés dès le départ pour garantirqu’il ne puisse être exécuté aucune fonction non-autorisée. ▲

(Photo d’top)

Les rumeurs qui courent autour du terme plutôt flou de cybersécurité enflentchaque fois qu’apparaît un nouveau virus, une attaque frauduleuse, un nouveaucercle de pédophiles ou des scénarios mettant en scène une brigade de pirates qui,armés d’un ordinateur portable, débranchent le système de sécurité d’une centralenucléaire.

Délits, phénomènes naturels et erreurs humaines, tout est mis dans le même sac,ce que l’on appelle communément les menaces dans le cyberespace. Or, ce n’estpas avec ces approximations et ces confusions que l’on peut mettre sur pied unestratégie solide pour rendre l’espace cybernétique un petit peu plus sûr.

La portée mondiale d’Internet exige une approche internationale. Cependant, lepirate, le fraudeur, l’administrateur de système un peu dépassé et le cyberterroriste– une espèce qui ne s’est pas encore manifestée – restent des entités physiqueslocalisables par leur connexion Internet, quelque part sur notre planète. Et alorsque presque toutes les organisations internationales, mettent la cybersécurité, lacybermenace et la cybercriminalité à leur ordre du jour, le gros du travail sedéroule au niveau national et couvre tous les domaines utiles. C’est pourquoi il fautune approche heuristique qui aborde les differentes facettes de la cybersécurité,notamment le renforcement de la sécurité nationale de l’information et unestratégie efficace pour la prévention et la répression des délits dans le cyberespace.

En Suisse, plusieurs mesures ont été prises tendant à une approche intégrée. Cesont principalement la création du Service national de coordination de la luttecontre la criminalité sur Internet (SCOCI) et la mise sur pied de la Centraled’enregistrement et d’analyse pour la sûreté de l’information (MELANI), quifonctionnent en étroite coopération au niveau de l’analyse.

SCOCILe Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet(SCOCI) a démarré en janvier 2003. L’objectif était de mettre sur pied une petiteéquipe efficace ayant pour tâche la coordination du traitement des délits commissur Internet dans les 26 cantons qui composent la Confédération. Cette coordinationétait nécessaire du fait de l’absence d’un service fédéral d’investigation.

Le service de coordination apporte un soutien à la Confédération et aux Cantonsdans trois domaines:

Monitoring: Recherches sur Internet afin de déceler les infractions etpremier traitement des soupçons signalés par le public.

Clearing: Examen du contenu pénal des messages qui ont été signalés,coordination avec les procédures en cours et transmission des dossiers aux instances de poursuite pénale compétentes en Suisse ou à l’étranger.

Analysis: Analyse de la criminalité sur Internet en Suisse, analyserégulière de la situation en Suisse, description des techniques et des procédésdélictueux au niveau mondial, avec statistiques et tendances.

En service depuis une année, le SCOCI est maintenant devenu le point de contactunique pour le secteur public et le secteur privé où sont signalés les soupçonsd’infractions via Internet. Plus de 6000 cas ont été signalés en 2003, et unecentaine des cas annoncés par le public ou détectés par l’équipe de monitoring ontété transmis aux autorités de poursuite pénale des différents cantons.

Cybersécurité: une approche suisse

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Récemment, il a été proposé des architecturesinformatiques nouvelles, à sécurité vérifiable,alliant la technologie antérieure du Départementde la défense, sécurisée par le A1, à faible clien-tèle, et une technologie informatique fonctionnantà partir d’un serveur. Même si la viabilité com-merciale n’est pas prouvée, cette technologiepeut être efficacement mise en œuvre dans unebonne partie des infrastructures sensibles, quidépendant aujourd’hui d’une technologie vulné-rable et peu sécurisée. Plusieurs unités non-gou-vernementales investiguent actuellement cettetechnologie. On peut à titre d’exemple, consulterhttp://www.aesec.com

Ainsi, un bon niveau de sécurité requiert un mo-dèle de sécurité préventive, à même de fournirune réelle confidentialité aux plateformes actuel-les; voyant où nous en sommes aujourd’hui, ceserait un véritable défi pour le grand commerceinternational de parvenir à ce niveau, car unenvironnement informatique à sécurité vérifiableexige la présence sur le marché des plateformesinformatiques très sûres – c’est-à-dire que la sécu-rité vérifiable apporte son appui à un modèle deproduit commercialement viable. Pour en arriverlà, il nous faut aussi beaucoup plus de profes-sionnels qui soient au courant de la sécurité pré-ventive et qui aient une solide expérience de tra-vail sur les problèmes de sécurité ducyberespace, à commencer par ceux que nousrencontrons aujourd’hui dans notre environne-ment de sécurité réactive.

Si le marché privé ne veut pas investir pour amé-liorer la sécurité informatique, il faudra peut-êtrequ’une réglementation tienne lieu de motivation.Dans ce cas, il faudra prévoir des accords inter-nationaux très judicieux. Pour que les Etats accep-tent de travailler ensemble sur ce problème, il fautqu’ils soient capables de s’entendre sur la mena-ce subversive que représente l’agresseur profes-sionnel.

Point d’une extrême importance, il faut que lesnations acceptent d’échanger leurs informationsoffensives et défensives, ce qui est en soi un défi,les capacités opérationnelles offensives des Etats(guerre de l’information) étant souvent considé-rées comme très sensibles. On pourrait avoirbesoin d’une sorte de terrain neutre, où tous lesparticipants auraient accès à toute l’information.

Une façon d’amener les Etats à accepter de tra-vailler ensemble efficacement, serait la créationd’un parrainage national et de concours de jeuxde simulation, guerres de l’information virtuellesauxquels participeraient les meilleures universitéstechnologiques. Les universités sont, de par leurnature même, des milieux «ouverts», en matièred’échanges de l’information. ▲

Infrastructures critiques(Photo Centre for Security Studies, ETH)

MELANI En octobre 2003, le Conseil fédéral a donné son feu vert à la création d’un organede coordination, qui faisait cruellement défaut dans le programme suisse deprotection des infrastructures critiques de l’information (Critical InformationInfrastructure Protection CIIP). Cette décision a permis d’aller de l’avant avec lamise sur pied de la Centrale d’enregistrement et d’analyse pour la sûreté del’information, connue sous le nom de MELANI (Melde- und AnalysestelleInformationssicherung). Les prestations fournies par MELANI sont de plusieursordres:

Prévention: Une longue observation des procédés et de la technologie utiliséslors des incidents permet à MELANI de monter des stratégies pour réduire les risques de pannes dans les systèmes d’information et de communication, afin de parer à des situations de crise. Pour avoir une bonne vue d’ensemble, MELANI s’assure la collaboration de partenaires en Suisse et à l’étranger, tels que les fabricants et opérateurs de technologies informatiques et les équipes CERT (Computer Emergency Response Teams).

Détection précoce: MELANI est une centrale d’analyse qui surveille lesmenaces liées, par exemple, à la vulnérabilité des modèles courants dematériels et de logiciels. Cependant, la détection précoce ne relève pasuniquement de la technique. Il faut constamment mettre en balance lesdangers potentiels et les situations à risque que les services derenseignements ont identifiés. Le défi-clé reste d’arriver à unedétection précoce adéquate.

Limitation des répercussions en cas de crise: l’Etat-major spécial sûreté del’information, dit SONIA, chargé de la gestion des crises graves, ne peutremplir sa mission que s’il peut tabler sur des informations fiables sur l’étatactuel de la situation durant la période de crise. MELANI joue alors un rôleimportant comme service d’analyse et centre de compétence de SONIA.

Réduction des causes des crises: Il faut enfin analyser les problèmestechniques et trouver des solutions adéquates. En tant qu’organisationprofessionnelle spécialisée, MELANI dispose de la capacité technique néces-saire, d’un réseau de contacts dans le secteur privé et dans le secteur publicet des équipes d’urgence CERT.

En tant que point de contact unique, MELANI sert de plaque tournante où lesorganisations mentionnées ci-dessus échangent les informations utiles surl’infrastructure vitale. Les résultats des recherches et les mesures générales deprévention peuvent aussi être transmises au public via MELANI.

Le SCOCI et MELANI sont deux partenaires clairement définis que la Suisse met àdisposition au niveau international pour la résolution d’une gamme étendue deproblèmes, allant de la criminalité à la cybersécurité en passant par la sécurité del’information. Cependant, ces services ne se conçoivent pas sans une coordinationnationale efficace, car la lutte contre les actes délictueux et la réparation deserreurs se font à la source – c’est-à-dire au niveau local.

Urs von Daeniken, ChefMarc Henauer, Analyste

Service de l’analyse et de la préventionOffice fédéral de la police (Suisse)

Pour en savoir plus: www.cybercrime.admin.ch/f/index.htm

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N’oublions pas quedans l’espace physi-que de la guerreréelle, les simulacresde guerre internatio-nale ont été pendantdes années un desexercices de basede l’OTAN. Et jouerà la guerre dans un

cyberespace virtuel, ce ne serait pas absolumentnouveau, il y a eu des précédents aux Etats-Unis.Cela fait des années que les écoles militaires,soutenues par l’Agence de la Sécurité Nationale(National Security Agency, NSA) et les autrescomposantes du Département de la Défense s’yadonnent. De plus, en raison du succès duprogramme, on examine actuellement la possi-bilité d’y associer d’autres universités publiques etprivées.

Mais, quels que soient les moyens mis en place,assurer un bon niveau de sécurité basée sur unmodèle de sécurité préventive demandera unemodification profonde de nos façons de penser lasécurité des systèmes informatiques. Ce ne serapossible qu’avec la participation de la commu-nauté internationale incluant les milieux gouver-nementaux et les milieux économiques et à laseule condition que les participants aient la volon-té de mettre en place une stratégie efficace. Jus-qu’à maintenant, on parle d’action, mais on n’a-git pas. Personne ne semblant prêt à faire lepremier pas, il faudra peut-être une réglementa-tion gouvernementale pour mettre en branle leprocessus.

De plus, l’histoire a montré que les grands chan-gements qui mettent fin à des statu quo se pro-duisent généralement après coup – c’est-à-dire àla suite d’une catastrophe mondiale. Les contre-exemples sont rares, mais la condition indispen-sable pour que le changement ait lieu, c’est tou-jours un leadership vigoureux, une largeparticipation internationale et la volonté d’agiravant que d’avoir à subir.

Lien utile:

Sam Nunn School of International Affairs,Georgia Institute of Technologywww.inta.gatech.edu

(Photo Centre for Security Studies, ETH)

Flux du trafic Internet (Photo ADVIZOR Solutions, Inc.)(Photo d’top)

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Sécurité nucléaire: coordination et coopération internationales

Les médias sont remplis d’articles abordant lespréoccupations exprimées aux quatre coins dumonde au sujet de la prolifération des armesnucléaires et du risque que des terroristes «pas-sent au nucléaire». Ces préoccupations condui-sent à un fait inéluctable: l’énergie nucléaire nepeut aujourd’hui exister sans des contrôles inter-nationaux crédibles et une sécurité efficace, letout répondant à un triple défi.

Un triple défi

ProliférationLe premier défi associé à l’utilisation de l’énergienucléaire, défi de nature internationale, concernele risque de prolifération des armes nucléaires. L’i-dée d’un contrôle international a vu le jour dansun discours prononcé en 1953 déjà par le Prési-dent Eisenhower sur «l’atome pour la paix». L’ex-traordinaire pouvoir destructeur de la bombe ato-mique appelait une réponse qui ne pouvait êtreapportée au niveau d’un Etat individuel.

L’Agence internationale de l’énergie atomique(AIEA) sise à Vienne a mis au point dans le cadredu Traité sur la non-prolifération des armes nu-cléaires (TNP), une série d’accords de garantieavec les Etats, afin d’assurer à la communautéinternationale que l’énergie nucléaire était pro-duite et utilisée à des fins pacifiques. Depuis, denombreuses organisations ont été créées pourdéfinir et mettre en oeuvre des garanties. L’Euro-pe, par exemple, a fondé en 1969 l’Associationeuropéenne de recherche et de développementen matière de garanties (European SafeguardsResearch and Development Association – ESAR-DA), qui a pour objectif principal d’aider lesinstances de contrôle à améliorer et augmenterl’efficacité des systèmes et des mesures, ainsiqu’à explorer des pistes de développement et demise en œuvre de nouvelles techniques. Elle viseégalement à jouer un rôle éducatif et à toucher legrand public.

En Europe, l’ESARDA est un forum où tous les spé-cialistes intéressés se rencontrent et échangentdes expériences, des techniques ou leurs difficul-tés à mettre en œuvre les garanties. Depuis1996, elle est associée à son homologue outre-Atlantique (l’Institute for Nuclear Material Mana-gement) et a organisé régulièrement des ateliersconsacrés à la science et à la technologie moder-ne au service des garanties, publiant des rap-ports approfondis sur le sujet, essentiels à la cré-dibilité, l’efficacité et l’efficience des garantiesdans le monde entier.

Protection physiqueParallèlement au souci de la prolifération par lesEtats, le risque que des matières nucléaires puis-sent tomber entre de «mauvaises» mains a éga-lement été identifié comme un défi majeur. Leprincipal objectif de la sécurité nucléaire a dèslors été d’empêcher l’accession d’un groupe non-étatique à une quantité suffisante de matières nu-cléaires pour pouvoir construire un engin explosifrudimentaire.

Cet aspect de la sécurité des matières nucléairesa connu un regain d’intérêt au début des années90, avec la chute de l’Union soviétique. Dessoupçons concernant le manque de sécurité desinstallations nucléaires ont fait la une des jour-naux, notamment en 1994, avec la découvertede plusieurs cas de trafic illicite de matièresnucléaires. Il en a résulté, partout dans le monde,la mise sur pied de programmes de coopérationvisant à apporter l’expertise, les moyens finan-ciers et l’assistance matérielle nécessaires là oùles points faibles étaient identifiés.

Par opposition aux garanties internationales, laquestion de savoir si les questions de protectionphysique devaient être traitées directement par lacommunauté internationale ou par les Etats, a tou-jours amené la réponse claire et invariable: laresponsabilité de la réalisation et du fonctionne-ment d’un système de protection physique estentièrement du ressort des Etats eux-mêmes.

De fait, les conséquences potentielles pour un Etatde la non-prise en charge de ses responsabilitéstoucheraient probablement son propre territoireen premier: destructions et victimes, éventuelle-ment associées à des répercussions similaires au-delà de ses frontières. En d’autres termes, l’Etat ala responsabilité première et un intérêt essentiel àun régime de protection physique efficace.Cependant, les autres Etats ont également intérêtà savoir que cette responsabilité est pleinementassumée.

Denis Flory

Denis Flory

Dr. Denis Flory, expert nucléaire, est conseil-ler spécial auprès du directeur général del’Institut de radioprotection et de sûreténucléaire (IRSN) en France.

Il est entré à l’Institut en 1994 où il a diri-gé le Département de sécurité des matièresradioactives de 1995 à 2003.

Il s’est occupé de protection et de sécuriténucléaire: ancien président de l’Associationeuropéenne de recherche et de développe-ment en matière de garanties (EuropeanSafeguards Research and DevelopmentAssociation – ESARDA), il est membre duStanding Advisory Group on SafeguardsImplementation (SAGSI) de l’AIEA.

Il a également présidé différents comités del’AIEA sur la protection physique des matiè-res et des installations nucléaires.

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Sur la scène internationale, ces préoccupationsont débouché sur la rédaction de recommanda-tions adoptées sous les auspices de l’AIEA, lepoint de départ datant de 1972 et de la Circulai-re d’information 225 (INFCIRC/225) sur la Pro-tection physique des matières nucléaires, réguliè-rement mise à jour depuis.

De plus, les vues et les conseils d’experts interna-tionaux en matière de protection physique ont étémis à la disposition des Etats qui en exprimaientle vœu par le Service consultatif international surla protection physique (IPPAS), mis en place parl’AIEA à la suite des problèmes de trafic illicitedes années 90.

SabotagePuis le 11 septembre est arrivé.Bien que les attaques terroristes de septembre2001 n’aient pas eu de caractère nucléaire, ellesont considérablement impressionné la commu-nauté responsable de la sécurité nucléaire à tra-vers le monde. L’importance des éléments tradi-tionnels de la protection contre le vol de matièresnucléaires est passée au second plan, derrière lesabotage, et la sécurité des matières radioactivesa été remise en cause. Le 11 septembre n’a pour-tant pas tout changé: la menace potentielle desabotage des installations nucléaires avait déjàété envisagée longtemps auparavant. En 1998,des experts revisitant les recommandations sur laprotection physique des matières nucléairesavaient mis davantage l’accent sur la protectiondes installations nucléaires contre le sabotagedans la 4e révision de l’INFCIRC/225.

En 1999, dans cette même perspective, desexperts réunis pour discuter de la nécessité deréviser la Convention sur la protection physiquedes matières nucléaires (CPPMN, adoptée anmars 1980) ont abouti en 2001, à des recom-mandations spécifiant qu’un amendement à laConvention devrait couvrir la protection desinstallations nucléaires contre le sabotage.

En mars 2003, ces recommandations ont été tra-duites dans une proposition figurant dans le rap-port du groupe d’experts chargé de rédiger unamendement à la CPPMN.

Aujourd’hui, l’évolution concerne principalementle nouvel accent mis par les gouvernements et lepublic sur la menace potentielle de disséminationdélibérée de matières radioactives, à travers levol de matières radioactives et leur dispersion, aumoyen d’explosifs, ou par le sabotage d’installa-tions nucléaires.

De nouvelles réponses s’imposent

Passer de l’assistance…A la différence des garanties, il n’existe aucunepierre angulaire ni instrument contraignant telque le TNP dans le domaine de la sécuriténucléaire. Le texte qui s’en rapproche le plus estla CPPMN.

(Photo Axpo)

Obligations internationalesA la fin des années 70, en ratifiant le Traité sur la Non-prolifération Nucléaire(TNP) et l’accord relatif à l’application des garanties (Accord des garanties), laSuisse s’est engagée à confier à l’Agence internationale de l’énergie atomique(AIEA) le contrôle de tous les stocks de matières nucléaires se trouvant sur son sol.Le Protocole Additionnel à l’Accord bilatéral des garanties a été signé en 2000. LaSuisse devrait le ratifier à l’automne 2004, après l’élaboration des bases légalesnécessaires à sa mise en œuvre. La Convention sur la Protection Physique desMatières Nucléaires (CPPNM) a été ratifiée par la Suisse début 1987. Ces dernièresannées, des représentants de la Suisse ont activement participé aux négociationsrelatives à la préparation d’une révision de ladite Convention ainsi qu’à la révisiondu document INFCIRC-225 de l’AIEA (protection physique des matières etinstallations nucléaires).

Missions et mesures dans le cadre du contrôle nucléaireEn vertu de l’Accord des garanties qu’elle a conclu avec l’AIEA, la Suisse estresponsable, en tant qu’Etat soumis à un contrôle, de la gestion d’un système decomptabilité et de contrôle des matières nucléaires présentes dans toutes sesinstallations nucléaires. L’AIEA vérifie ce système en inspectant la comptabilité et lestock de matières nucléaires ainsi qu’en comparant les déclarations de la Suisseconcernant ses installations avec les valeurs réelles. La fréquence de ces inspectionsdépend de la nature et de la quantité de matières nucléaires présentes dansl’installation et de l’estimation du potentiel de danger en cas de détournement dematières nucléaires en vue de fabriquer des armes nucléaires.

Ces dernières années, l’AIEA a effectué chaque année entre 80 et 100 inspectionsen Suisse.

Représentant la Suisse en tant que partenaire contractuel, l’Office fédéral del’énergie (OFEN) est chargé de la préparation et de la coordination des inspections,mais aussi du contrôle des informations et communications transmises à l’AIEA. Enqualité d’organe suisse de comptabilité et de contrôle, l’OFEN a pour tâche de gérerla comptabilité du pays et de s’assurer que les exploitants d’installations nucléairesrespectent les obligations de la Suisse à l’égard de l’AIEA. Il veille à l’accès desinspecteurs aux installations et fait en sorte que les inspections garanties dans lecadre de l’accord puissent être effectuées sans entrave.

La ratification du Protocole additionnel entraînera une augmentation du volume detravail lié aux contrôles des matières nucléaires: des informations supplémentairesdevront être transmises à l’AIEA; des contrôles pourront être effectués partout enSuisse (mesures des doses, prélèvement d’échantillons de l’environnement); lesindustries qui fabriquent des produits sensibles aux termes de l’accord de non-prolifération seront désormais soumises aux inspections; l’importation etl’exportation de marchandises correspondantes devront enfin être signalées àl’AIEA. Lorsque les nouveautés contenues dans le Protocole Additionnel auront étéentièrement mises en œuvre et que l’AIEA aura vérifié les données fournies par laSuisse et aura confirmé leur exactitude ainsi que leur exhaustivité – ce qui prendraquelques années – la charge de travail liée aux inspections devrait diminuer.

Contrôle des matières nucléaires et protection des installations

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Au mois d’octobre 1999, dans la perspective del’évaluation d’une réviser de la CPPMN, un«groupe des cinq» (Royaume-Uni, France, Alle-magne, Belgique et Suède) écrivait:

[…] avant de pouvoir discuter proprement de lanécessité de réviser la Convention, il faut:

disposer d’un inventaire des différentes activités de soutien et d’assistance de l’Agence [AIEA] dans le domaine de la protection physique. Ces activités complètent les dispositions légales de la Convention et jouent un rôle clé dans la défense de ses objectifs. Elles sont très utiles à la stimula-tion des améliorations pratiques de la protection physique. […]

Trois ans et demi plus tard, le projet d’amende-ment de la CPPNM contient plusieurs idées nou-velles, mais aussi:

[5. Un Etat partie peut consulter et coopérer, le cas échéant, avec d’autres Etats parties, direc-tement ou par l’intermédiaire de l’Agence inter-nationale de l’énergie atomique et d’autres organisations internationales pertinentes, en vue d’obtenir leur avis sur la conception, l’entretien et l’amélioration de son système national de protec-tion physique des matières nucléaires dans son usage national, son stockage/entreposage et son transport et de ses installations nucléaires.]

Le chemin a été long et difficile et il n’est pasencore terminé. La prise de conscience de l’exis-tence d’un besoin de sécurité homogène, quandune faiblesse locale constitue une menace globa-le, a conduit à une proposition d’amendementéquilibrée de la CPPMN, aujourd’hui sur la tabledes Etats Parties. L’approche choisie reposeessentiellement sur une série de douze principesfondamentaux, qui nécessiteront encore le travailde spécialistes pour livrer pleinement leur force etleurs fruits.

Dans l’intervalle, les pays les plus avancés dansle domaine de la sécurité nucléaire ont mis leurexpertise à la disposition de la communautéinternationale, soit directement, à l’occasion decontacts bilatéraux, soit par l’intermédiaire del’AIEA, en particulier dans l’élaboration d’unesérie complète d’ateliers spécifiques (menace deréférence, identification de zones vitales, métho-dologie pour les menaces internes, …). Cesapproches permettent de respecter les différencesculturelles existant entre les différents Etats, toutcomme la confidentialité nécessaire des mesuresde sécurité spécifiques appliquées aux installa-tions nucléaires.

▲La protection des installations nucléaires contre le sabotageUne grande importance est accordée à la protection des installations nucléairessuisses contre le sabotage. Toutes les installations sont dotées de mesures deprotection liées à la construction, à la technique, à l’organisation, au personnel età l’administration: plusieurs degrés de sécurité, dont la capacité de résistance vacroissant de l’extérieur vers l’intérieur, sont assurés pour parer à d’éventuelssabotages. Des règlements sur les autorisations d’accès ainsi que des contrôles depersonnes et de biens viennent compléter ces mesures. Les grandes installationsnucléaires disposent d’un service de sécurité armé qui, en cas de problème,collabore étroitement avec la police cantonale et est aidé par cette dernière.

Les exigences en matière de sécurité sont définies par les autorités. Celles-citiennent compte de la situation internationale en termes de terrorisme etd’extrémismes violents, des menaces spécifiques en Suisse et du potentiel dedanger des objets à protéger. L’évaluation des menaces et des effets potentiels surla sécurité des centrales nucléaires est effectuée par un groupe de travail qui, placésous la houlette de l’OFEN, comprend des représentants de la Division principale dela Sécurité des Installations Nucléaires (DSN), de l’Office fédéral de la police et duRenseignement stratégique.

A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les mesures de protection descentrales nucléaires suisses ont été immédiatement renforcées, en particulier dansle domaine de l’organisation. L’ensemble des mesures de sécurité existantes sur leplan architectural et technique continue d’être considéré comme pertinent. Al’échelle internationale, les installations nucléaires suisses présentaient etprésentent toujours un degré de protection élevé. La DSN a demandé aux

exploitants de réaliser une analyse approfondie de la sécurité des centralesnucléaires suisses en cas d’attentat au moyen d’un détournement d’avion. L’étudea pris en considération tous les avions de ligne aujourd’hui affrétés à travers lemonde, leur poids, la quantité de carburant, la vitesse d’impact et d’autresparamètres de vol et a évalué les effets d’une telle attaque sur l’intégrité et lastabilité structurelles des éléments de construction des centrales nucléairesimportants sur le plan de la sécurité. Il en ressort une protection quasimentoptimale pour les centrales les plus récentes. Pour les installations plus anciennes,les résultats démontrent un degré de protection également élevé grâce auxsystèmes d’urgence installés ultérieurement pour parer aux attentats au moyend’un détournement d’avion.

Depuis fin 2001, l’OFEN participe, au sein d’un groupe de pays européens, à unéchange périodique d’informations sur les questions de sécurité. Les principauxsujets débattus sont l’évaluation générale de la situation et les mesures prises par lesdifférents pays pour la protection d’installations nucléaires contre le sabotage. Cesdernières années, des experts suisses ont participé, dans le cadre du Serviceconsultatif international pour la protection physique, à des missions de consultationde l’AIEA sur la protection contre le sabotage en Europe de l’Est et au Proche-Orient.Ils ont ainsi soutenu les efforts déployés en vue d’assurer, partout dans le monde,un degré de protection élevé des installations nucléaires contre le sabotage.

Beat WielandResponsable de la section Energie nucléaire

Office fédéral de l’énergie (Suisse)www.suisse-energie.ch

La sécurité nécessite des inspections(Photo Axpo)

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… à une étroite coopérationLes organismes de réglementation de la sécuriténucléaire doivent affronter, au jour le jour, desproblèmes pratiques. Ils sont sans cesse confron-tés à de nouvelles questions, qui peuvent êtreliées au renseignement ou être de nature tech-nique. Un exemple évident est donné par la résis-tance des centrales nucléaires à l’impact desavions, ou par la disponibilité des armes moder-nes et leur effet sur les installations et les systèmesde transport.

Le domaine de la sûreté nucléaire est riched’exemples où l’expérience d’un pays concernantune vulnérabilité spécifique quelconque a étémise à la disposition de toute l’industrie nucléaireà travers des conférences internationales. Pourtraduire cette situation dans le domaine de lasécurité nucléaire, sans faciliter les actes mal-veillants, il n’existe qu’un seul mot-clé: la confian-ce. C’est une chose qui ne peut qu’émaner depréoccupations communes et d’une vision parta-gée.

Un des résultats inattendus du long processus derévision de la CPPMN – qui reste encore àconclure – a été de réunir un noyau d’organismesde régulation, à partir du «groupe des cinq» évo-qué plus haut. Au départ, l’objectif était seule-ment de coordonner et d’orienter les négociationssur une CPPMN révisée. Mais aujourd’hui que cenoyau est augmenté des trois organismes derégulation de la Suisse, de l’Espagne et de la Fin-lande, le programme couvre tout l’éventail desactivités de sécurité et se projette dans l’avenir.

Ces activités de sécurité devront faire œuvre depionnier et poser les nouveaux fondements de lasécurité des sources radioactives. Trois grandesconférences internationales ont déjà été consa-crées à ce sujet, mais le travail de réglementationprend du temps. Les expériences réunies dans lamise en place de systèmes de protection physiquedes matières nucléaires sont une bonne base dedépart, mais il faut garder à l’esprit les différen-ces de risque et la nécessité de trouver un équili-bre entre ingérence, praticabilité et utilité pour lasociété.

Au cours des dix dernières années, le souci de laprotection physique des matières et installationsnucléaires a été de plus en plus partagé par lesexperts et les organismes de réglementation dumonde entier. C’est probablement une des rai-sons pour lesquelles la réponse donnée dans ledomaine nucléaire, consécutive aux attaques du11 septembre 2001, a plutôt bien résisté auregard critique du public. Développer la coordi-nation régionale et internationale, coordinationancrée dans une culture commune de la sécurité,est le moyen d’augmenter encore la confiance dece même public.

Liens utiles:

Institut de Radioprotection et sûreté nucléairewww.irsn.org

Organisation du Traité d’interdiction Complè-te des Essais nucléaireswww.ctbto.org

International Atomic Energy Organisationwww.iaeo.org

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(Photo Axpo)

Vulnérabilité des transports (Photo Axpo)

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Les mines terrestres et les munitions non exploséesont un terrible impact humanitaire sur les popula-tions civiles pendant les conflits armés et après.Dans un effort sans précédent de coopération,des pays, des organisations internationales etnon gouvernementales ont commencé vers le mi-lieu des années 90 à s’attaquer à ce problème età lui chercher des solutions. Les principaux résul-tats en ont été la Convention de 1997 sur l’inter-diction des mines antipersonnel, le renforcementdes instruments existants du droit international,mais surtout des campagnes concrètes de démi-nage et d’assistance aux victimes. Ce succès uni-que en son genre est souvent perçu comme unmodèle pour d’autres domaines de l’action huma-nitaire.

Les mines terrestres ont fait leur apparition au XXesiècle dans les arsenaux de la plupart des forcesarmées et occupaient jusqu’à tout récemment uneplace importante dans la guerre et la planifica-tion militaire. Mais elles posent un problème hu-manitaire particulièrement grave dans la mesureoù elles restent actives longtemps après la fin deshostilités, continuant ainsi à tuer et à mutiler descivils.

Si les effets tragiques des mines terrestres étaientconnus depuis longtemps, ce n’est que dans lesannées 90 que le grand public en a pris cons-cience, surtout en raison de l’expérience directequ’en ont faite les membres des missions d’aidependant et après les conflits armés d’Afghanistanet du Cambodge. On s’est alors accordé à recon-naître qu’il convenait de prendre des mesures surl’utilisation des mines antipersonnel, mais aussisur le déminage et l’assistance aux victimes.

Les tentatives de renforcement des instrumentsexistants du droit international ont débouché surdes règles plus strictes, sans toutefois parvenir àimposer une interdiction totale des mines anti-personnel. C’est pourquoi a été lancé le proces-sus généralement dit «d’Ottawa», en dehors ducadre multilatéral en place.

Un groupe de pays particulièrement engagés, leCICR et une coalition d’organisations non gou-vernementales ont tenté par de nouvelles voiesd’obtenir une interdiction totale. Négociée en untemps record (moins d’un an), la Convention aété ouverte à la signature à Ottawa à la fin del’année 1997. Le processus d’Ottawa a bénéficiéd’une conjoncture favorable, comme le déclin dela défense aérienne dans la doctrine militaireaprès la fin de la guerre froide. Les pays les plusengagés ont alors apporté leur contribution à lastabilité en envoyant des forces de soutien auxopérations de paix, ou se sont impliqués dansdes interventions humanitaires. Dans les deuxcas, les mines antipersonnel constituaient ungrave danger menaçant leurs propres troupes.

Centrage sur la coopération internationale

Le succès de la Convention n’était pas acquisd’emblée. À l’heure actuelle, elle réunit 140 Etatsparties. S’il est vrai que des pays d’un poids nota-ble comme les Etats-Unis, la Russie ou la Chine laboudent toujours, l’utilisation des mines antiper-sonnel est aujourd’hui couverte d’opprobre:l’interdiction a donc provoqué un changement,même chez ceux à qui elle ne s’applique pas juri-diquement.

La production de mines antipersonnel dans lemonde a considérablement diminué, et leur com-merce se résume à présent à un trafic illicite detrès faible volume et à des transactions non recon-nues. Des millions de mines stockées chez desEtats parties ou non ont été détruites. Le nombredes accidents qui leur sont dus a nettement recu-lé. La communauté internationale travaille actuel-lement à délimiter et à déminer les zones dange-reuses. Même le problème très délicat del’utilisation des mines antipersonnel par des fac-tions armées ou des acteurs non étatiques a étéabordé, en particulier à la suite d’une initiative del’organisation non gouvernementale suisse«Appel de Genève». Les mines terrestres n’encontinuent pas moins de poser un énorme pro-blème dans quelque 70 pays; elles feraient jus-qu’à 20 000 victimes chaque année. Leur inter-diction complète n’était qu’un début.

Le rôle de la coopération dans l’éradication desmines antipersonnel

Martin Dahinden

Martin Dahinden

L’ambassadeur Martin Dahinden est le di-recteur du Centre international de déminagehumanitaire de Genève (GICHD).

Avant de prendre ses fonctions en 2000, ila été chef adjoint de la mission suisseauprès de l’OTAN à Bruxelles.

Au Département des affaires étrangères, il adirigé la section OSCE, où il s’occupait dudésarmement et des problèmes nucléaires.

Il est entré dans les services diplomatiquessuisses en 1986 et a été en poste à Genè-ve, Paris, Lagos et New York.

La sensibilisation, premier élément de la sécurité (Photo GICHD)

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Pour parvenir à les éradiquer, il a été essentield’entretenir l’élan initial, une fois la Conventionentrée en vigueur. C’est pourquoi les Etats partiesse réunissent chaque année; un processus dit«intersessionnel» fournit le cadre nécessaire à laréflexion sur la mise en œuvre de la Convention.Il amène des pays, des organisations internatio-nales et non gouvernementales à travailler enétroite coopération. En 2001, les Etats parties ontchargé le Centre international de déminagehumanitaire de Genève de créer une structureappelée à organiser et à soutenir ces efforts entreleurs réunions.

La coopération concrète dans l’actionantimines

L’action antimines, qui couvre la sensibilisationaux risques (apprendre aux gens à vivre dans unenvironnement miné), le déminage à des finshumanitaires, l’assistance aux victimes, la destruc-tion des stocks et les activités de plaidoyer enfaveur de l’interdiction des mines terrestres anti-personnel, a beaucoup évolué ces dix dernièresannées. On constate d’abord un effort considé-rable de professionnalisation.

Dans les premiers temps, on se contentait souventd’adapter sans grande finesse un savoir militairegagné sur le champ de bataille ou dans l’éduca-tion à la sécurité, en se concentrant sur lesquestions techniques au détriment des aspectshumains. L’apport de connaissances issues d’aut-res domaines et celui de personnes possédantune expérience différente ont notablement amé-lioré l’efficacité de l’action antimines. Ce chan-gement a été énergiquement soutenu par les inter-actions étroites entre les personnes associées à lalutte contre les mines antipersonnel.

Différents acteurs interviennent conjointement auniveau opérationnel: des forces multinationales,des agences nationales, des organisations inter-nationales comme les Nations unies ou le CICR,des organisations non gouvernementales et desentreprises commerciales. La coopération ne vapas de soi, compte tenu des différences entre mis-sions et cultures de toutes ces entités, mais elle estabsolument indispensable.La gestion de l’infor-mation et les standards internationaux de l’actionantimines se sont révélés précieux dans le bondéroulement de cette coopération.

La vision d’un monde exempt de mines terrestres La Suisse souhaite un monde débarrassé de la menace des mines terrestres – unevision fondée sur son désir d’améliorer la sécurité humaine. Dans ce but, ellecherche à ce que la Convention d’Ottawa atteigne l’universalité, et s’efforce d’aiderles pays affectés à résoudre le problème par leurs propres moyens. Car elle veutque sa contribution soit durable, transparente et cohérente.

La réalisation de nos objectifs politiques et opérationnelsLa Suisse souhaite renforcé le rôle de Genève de pôle international de l’actionantimines, et qu’elle accueille ainsi des rencontres comme les conférences des Etatsparties à la Convention d’Ottawa et les réunions organisées dans le cadre de laConvention sur certaines armes conventionnelles (CCW). Elle soutient également leCentre international de déminage humanitaire de Genève (GICHD), qui amaintenant acquis une réputation internationale et fait figure d’acteurincontournable dans la campagne d’éradication des mines terrestres dans lemonde.

La priorité absolue de la Suisse est d’obtenir qu’un maximum de pays ratifie laConvention d’Ottawa, de façon qu’elle acquière un caractère universel. Mais lesEtats signataires ne parviendront pas à eux seuls à garantir l’application pleine etuniverselle de ce texte. C’est pourquoi la Suisse cherche aussi à associer à ce traitéles acteurs armés non étatiques. Elle soutient en parallèle des initiatives allant dansce sens, comme l’Appel de Genève.

Elle s’emploie par ailleurs à ce que l’action antimines soit prise en compte etintégrée dans toutes les activités des Nations unies. C’est pour cette raison qu’elle

assume la présidence du Mine Action Support Group (MASG) pour une période dedeux ans. Enfin, elle est membre du Réseau sécurité humaine, qui s’efforce de fairede l’action antimines un outil central dans l’amélioration de la sécurité humaine.

Au niveau opérationnel, les priorités de la Suisse sont les suivantes:

affecter dans les années à venir des ressources humaines et financières àl’élimination des mines antipersonnel;

mettre à profit les activités antimines pour promouvoir la paix de façon àgarantir à l’humanité un environnement plus sûr;

créer des capacités nationales dans des pays affectés par le problème desmines, de façon à leur permettre de mener une action autonome et durablesur le long terme.

Les statistiques ne disent pas toutLa Suisse consacre quelque 12 millions de dollars par an à des programmesd’action antimines. Ce chiffre devrait se maintenir à ce niveau ces prochainesannées. Mais il ne contient pas les fonds destinés à l’assistance aux victimes. Dansce domaine, la Suisse adopte une approche globale: lorsqu’elle subventionne desinstallations médicales ou des programmes sociaux bénéficiant à des victimes demines, elle ne spécifie pas le type de victimes qu’elle entend aider. Les fonds vontdonc à tous les patients, à tous les bénéficiaires des programmes sociaux enquestion.

Par ses contributions actuelles, la Suisse se situe dans le groupe des dix premiersdonateurs de l’action antimines. Mais elle ne dispose pas de la ventilation des fonds

Stratégie 2004 - 2007 de la Suisse en matière d’action antimines

A la recherche des mines terrestres(Photo GICHD)

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L’information joue un rôle crucial dans toute acti-vité humaine. On se décide et on agit sur la basede ce que l’on sait ou croit savoir. C’est pourquoiil est essentiel, dans tous les domaines de l’actionantimines, de disposer d’une information préciseen temps utile. Dans des situations d’urgence,comme à la suite de la crise du Kosovo, l’infor-mation servait à prévenir les réfugiés des dangerset à répartir les ressources d’une façon qui pré-serve un maximum de vies humaines, mais éga-lement efficiente.

Il est primordial que l’information disponible puis-se être partagée et s’enrichisse de renseigne-ments d’autres sources. La gestion de l’informa-tion demeure indispensable après la phase decrise, lorsqu’un travail durable, de longue halei-ne, prend le relais.

Comme dans la coopération au développement,les responsables de la planification et de la réali-sation des campagnes ont besoin de savoir com-ment tirer le meilleur parti possible de ressourceslimitées. Aujourd’hui, on possède des connais-sances socio-économiques ainsi qu’un outil infor-matique (IMSMA) qui facilite la gestion de l’infor-mation au niveau de la collecte, de l’analyse etde la diffusion des données; tout cela est fournipar le Centre international de déminage humani-taire de Genève (CIDHG).

Les campagnes de déminage humanitaire étaienttrès différentes il y a dix ans. Le travail fourni alorss’est révélé peu satisfaisant, et les méthodesemployées dangereuses voire inefficaces. LesNations unies ont à présent publié, en liaisonavec le CIDHG, leurs standards internationaux del’action antimines, qui fondent les formations, lescontrats et la conception des campagnes. Il vasans dire qu’elles ont considérablement accru lescapacités de coopération et l’interopérabilitéentre organisations. Les technologies employéesdans l’action antimines se sont améliorées, maispas encore suffisamment.

On s’accorde en général à reconnaître que lesprogrès viendront plutôt d’une meilleure utilisationdes méthodes existantes que de nouvelles tech-nologies d’avant-garde. Un modeste effort derecherche appliquée peut parfaitement faireavancer le déminage humanitaire.

Les voies de l’avenir

La première Conférence d’examen de la Conven-tion sur l’interdiction des mines antipersonnel setiendra à la fin de l’année 2004, soit cinq ansaprès l’entrée en vigueur de ce traité. Elle aurapour tâche de dresser le bilan des résultatsatteints et de décider des actions à entreprendrepour l’avenir. Malgré les progrès notables effec-tués à ce jour, les défis restent colossaux: dansbien des pays, les populations continueront pen-dant plus d’une génération à souffrir des effetsdes mines terrestres.

qu’elle verse aux organisations internationales quand elle ne précise pasexactement l’emploi qu’elle entend voir faire de ses ressources. C’est par exemplele cas des soutiens qu’elle verse au Comité international de la Croix-Rouge ou auProgramme alimentaire mondial, tous deux pourtant très actifs dans l’assistanceaux victimes de mines et l’éducation aux risques des mines.

Les acteurs suisses de la lutte contre les minesAu sein du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) et du départementfédéral de la Défense, de la Protection de la population et des Sports (DDPS),diverses entités s’associent à l’action antimines sur le plan opérationnel commepolitique. Elles coordonnent étroitement leurs activités, recherchent les effets desynergie et contribuent de plusieurs autres façons à l’action antimines.

Le DFAE finance des campagnes de déminage, des stratégies nationales etrégionales d’éducation aux risques des mines ainsi que leur mise en œuvre, desprojets d’assistance aux victimes de mines, de même que des projets de plaidoyercomme l’initiative Landmine Monitor, des conférences d’universalisation et leprogramme de parrainage. Elle prend aussi en charge 46 % des frais defonctionnement du GICHD.

Le DDPS entretient un pool d’experts qui détache jusqu’à dix personnes par an(logisticiens, coordinateurs, informaticiens ou formateurs sur des périodes pouvantatteindre un an), au profit de programmes de l’ONU et d’ONG. De plus, il fournitdu matériel de déminage, comme le système SM-EOD, mis au point en Suisse, quipermet de neutraliser des munitions explosives ou des mines sans contact physique.

Nos principes de financementLa Suisse travaille à long terme avec toutes sortes d’organisations réalisant desprojets dont les objectifs coïncident avec les siens et appliquant les mêmes critèresqu’elle. Elle accorde une grande importance à la qualité de l’organisation, à unstrict centrage sur les besoins locaux et à une excellente intégration. Elle tient parailleurs énormément à la coordination avec les administrations nationales etlocales. En fin de compte, elle veut que son aide permette à ces populations de setirer d’affaire par elles-mêmes.

La Suisse soutient des projets de déminage dans des pays où elle réalise déjà desprogrammes d’aide humanitaire et où elle intervient dans la transformation d’unconflit vers la reconstruction d’une société civile. Elle est actuellement présentedans plus d’une douzaine de pays. De cette façon elle exploite les effets desynergie et aborde la sécurité humaine dans sa globalité. Pour s’impliquer dans unprojet de déminage, elle exige que le pays concerné ait ratifié la Conventiond’Ottawa.

L’aide aux victimes fait exception à cette règle: la Suisse l’offre quelle que soit laposition politique du gouvernement. Mais ne disposant que de ressources limitées,elle est bien forcée de se concentrer sur les pays les plus affectés par les mines etles munitions non explosées. Elle retient les projets qui lui semblent les plusefficaces et les plus efficients, tout en tenant compte de leur ancrage local. Enfin,elle les sélectionne aussi au regard de leur compatibilité avec ses engagementsmultilatéraux.

■Peter Maurer,

Ambassadeur, Chef de la Division politique IV, sécurité humaineDépartement fédéral des affaires étrangères de Suisse

www.eda.admin.ch/dp4

(Photo Jorge Aramburu/UNMEE/PIO)

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Il est important qu’à cette occasion, les Etats par-ties et les autres acteurs concernés renouvellentles engagements contractés à la signature de laConvention. Seul un effort concerté et soutenupermettra de libérer le monde de la menace desmines terrestres. Dans les années qui viennent, ilconviendra de mieux intégrer l’action antiminesdans le contexte plus large du développement.

Ce point est déjà en discussion depuis quelquetemps; en cas de succès, l’action antimines endeviendra mieux prévisible à long terme. Lespays affectés par le problème des mines n’assu-ment pas suffisamment le contrôle des campa-gnes sur leur territoire. La situation postconflic-tuelle complexe qui règne chez beaucoup d’entreeux rend le transfert des responsabilités particu-lièrement difficile, mais la réussite à long terme endépend. Les pays donateurs et d’autres interve-nants étrangers, dont les ONG, doivent mettrel’accent sur le contrôle national et le renforcementdes capacités locales. Cela dit, le soutien – etnotamment les transferts de savoir-faire et de res-sources – conserveront leur rôle.

La professionnalisation de l’action antimines n’enest qu’à ses débuts. Les ressources disponiblesétant limitées et risquant même de décroître, il estimportant de déminer d’une façon plus efficiente.À l’avenir, des machines, de meilleures méthodesde déminage manuel et le recours à des chienspermettront de réduire les postes de coûts les pluslourds des campagnes de déminage.

Ces innovations maintiendront les besoins derecherche opérationnelle et de formation à unhaut niveau. Le problème des mines terrestres estresté très présent à l’esprit du grand public cesdix dernières années, ce qui a aidé à maintenirl’action antimines à l’ordre du jour politique et àréunir de ressources. Mais il va devenir plus mal-aisé, dans les années qui viennent, d’entretenircet élan, sachant que la nouveauté l’emporte sou-vent sur l’importance dans les médias.

Bien des survivants d’accidents dus à des minesterrestres vivent dans des conditions très difficiles.Ils n’ont fréquemment plus de vie professionnelle,ni même sociale, et sont privés de médicaments.Il faut que les victimes parviennent à se fairemieux entendre ces prochaines années. La luttecontre les mines antipersonnel n’atteindra sesobjectifs que moyennant un large effort decoopération entre donneurs, pays affectés, orga-nisations internationales, etc. Mais la victoire està portée de main.

Lien utile:

Centre International de Déminage Humanitaire, Genèvewww.gichd.ch

La signature de la Convention d’Ottawa, 1997 (Photo GICHD)Un démineur au travail(Photo GICHD)

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Réévaluation de l’action conjointe dans la luttetransnationale contre le terrorisme

Le titre de cet article aurait dû inclure le mot«coopération», que l’auteur a jugé avoir de bon-nes raisons d’omettre à dessein. La notion decoopération est en effet tout à la fois surfaite etsous-estimée dans le contexte de la lutte que liv-rent les puissances occidentales au terrorisme, dechaque côté de l’Atlantique, même si cette pro-blématique est mieux perceptible en Europequ’aux Etats-Unis. Une affirmation que le lecteurpourra juger sans doute paradoxale.

Approche différente de la lutte contre leterrorisme

En revanche, les nets écarts entre les politiquesantiterroristes et contre-terroristes adoptées parl’Europe continentale, la Grande-Bretagne et lesEtats-Unis – dans la mesure où les politiquesexhaustives se trouvent à l’extremité Continentalde ce spectre – montrent bien à quel point lespays sont historiquement divisés, confrontés à desimpératifs différents et souvent contradictoiresdans la lutte contre le terrorisme. Il arrive que lesexigences des organes supranationaux menantcette lutte aillent à l’encontre d’intérêts nationaux;la politique adoptée par le pays A en ce quiconcerne le groupe X peut ne pas coïncider avecle programme régional du pays B; et un mouve-ment de violence politique peut tout à fait menerdes actions terroristes pour le compte d’un pays.La liste des points de friction possibles est illimi-tée. Mais la nécessité de mettre en commun lesressources pour lutter activement et promptementcontre le fléau du terrorisme est évidente et pri-mordiale. Après avoir esquissé ce dilemme déjàancien, retournons à notre affirmation précéden-te: la coopération internationale dans la luttecontre le terrorisme est à la fois surfaite et sous-estimée, mais pour de mauvaises raisons.

Cette importance exagérée accordée à la coopé-ration internationale est intimement liée à deuxidées souvent soutenues de ce côté de l’Atlan-tique: la première est qu’il devrait exister en Euro-pe un cadre ordonné dans lequel s’inscrirait lacoopération entre Etats dans la lutte contre le ter-rorisme; et la seconde que la conduite des paysdans ce processus de coopération et pendant lamise en œuvre de ses résultats devrait être assu-jettie à des normes et à des régimes, juridiquesou autres.

Cette approche normative se manifeste par uninstitutionnalisme dont les principes portent enco-re la marque intellectuelle du funeste Idéalismewilsonien dont ils sont issus. Le pénultième avatarde cet institutionnalisme en Europe est l’Unioneuropéenne, ce mastodonte bureaucratique.

Inadéquations institutionnelles

Voulant accroître leurs forces par la concentrationet l’optimiser par l’intégration des capacités, lestenants de cette approche institutionnelle sous-entendent que malgré sa longueur, le processusd’intégration des ressources de lutte contre le ter-rorisme aboutira au but souhaité, à savoir laconstitution d’un arsenal complet d’instrumentscontre-terroristes. À première vue, la formule sem-ble bonne en soi. Mais un examen plus soigneuxrévèle rapidement que dans le sillage du traité deMaastricht, l’approche institutionnaliste pratiquéepar Bruxelles après la ratification du traité (1ernovembre 1993) s’est centrée sur le processusplutôt que sur ses résultats vérifiables. Cet ordrede priorité, qu’il ait été choisi à dessein ou parinadvertance, est extrêmement problématique caril engendre – pour ne pas dire encourage – labureaucratisation et le formalisme parallèle quenécessite la consolidation des processus. En cequi concerne le contre-terrorisme, l’une commel’autre sont des obstacles majeurs: le jugement del’histoire récente est impitoyable.

Ce qui est au cœur du problème, ce sont l’im-portance excessive accordée aux processus et lefait que l’infrastructure bureaucratique qu’ilsnécessitent dans de nombreux domaines d’activi-té de l’UE, dont le contre-terrorisme, n’est ni déli-bérée ni involontaire, mais inhérente. En fin decompte, onze ans après l’Union, l’objectif sou-haitable de la multiplication des forces dans ledomaine du contre-terrorisme reste lointain àcause de l’intégration européenne. La meilleurefaçon d’aborder la question peu évidente desavoir pourquoi l’UE a tant de mal à prendre sesrepères dans la lutte contre le terrorisme, mêmeaprès l’impact catalytique des attentats du 11septembre 2001, est de s’appuyer sur deuxexemples: l’échec du groupe TREVI (Terrorisme,Radicalisme, Extrémisme et Violence Internationa-le) et l’avènement du mandat d’arrêt commun.

Doron Zimmermann

Doron Zimmermann

Dr. Doron Zimmermann est Senior Resear-cher au Center for Security Studies, à l’Eco-le polytechnique fédérale de Zurich, où ildirige le projet Political Violence Move-ments, une recherche universitaire sur leterrorisme national et international.

Après avoir achevé son Ph.D. à l’Universitéde Cambridge sur les débuts de l’histoirepolitique moderne de la Grande-Bretagne, ila dirigé les travaux pour la réalisation d’undocumentaire sur les peuples Rom en Euro-pe orientale.

Il est entré à l’EPFZ en 1999 et il est l’au-teur de nombreuses publications sur lesrelations internationales et le terrorisme.

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Institutions européennes

Le groupe TREVI a été formé en 1975-76 dans lebut d’exploiter les ressources à l’échelon inter-gouvernemental, surtout celles des services derenseignement, dans la lutte contre un terrorismeinternational naissant mais déjà en essor. Avec unmandat initialement limité au terrorisme et à lasécurité interne, il a connu un tel succès que sonchamp d’activité a été étendu au crime organiséet à l’immigration illicite. Compte tenu de la mon-tée de la piraterie aérienne à motivation politiqueet de la multiplication des détournements d’a-vions à la fin des années 70 et après, les minist-res de divers pays européens se sont réunis pouraborder ensemble et coordonner des mesures delutte contre la menace du terrorisme, pour faciliterles échanges d’informations, pour partager leurexpérience et pour promouvoir la formation.

Mais le mode de fonctionnement du groupeTREVI laissait peut-être beaucoup à désirer en ter-mes de transparence de ses procédures, et pource qui est de la clarté avec laquelle il rendaitcompte de ses activités. On lui a fait de nomb-reux reproches, dont celui d’être un forum bancalde ministres sans clair mandat, et l’on a craintqu’il n’agisse en franc-tireur, ne serait-ce qu’enraison de son goût du secret et de son appétitd’informations, soigneusement entretenu par sesmembres à tout moment. Sa composition fonc-tionnelle et ses méthodes pragmatiques étaientindubitablement peu compatibles avec les grandsidéaux du lobby supranationaliste britannique etd’Europe continentale, qui souhaitait à tout prix

l’intégration économique de l’Europe et de sesinstitutions. Qui plus est, ses résultats parlaient unlangage clair: le groupe TREVI était en premièreligne de la lutte transfrontalière contre le terroris-me à un moment où, devant une menace qui ren-dait une telle perspective inadmissible, la majori-té de l’establishment européen en matière desécurité nationale s’accrochait à la distinction ma-nichéenne entre sécurité intérieure et extérieure.

Sur le plan opérationnel, l’activité intergouverne-mentale du groupe TREVI représentait un modèled’efficacité, pour ne pas dire une référence poli-tiquement acceptable de ce que l’UE essaieaujourd’hui d’obtenir avec Europol. La différenceentre les deux, et le sort du premier, illustre bienles méfaits de l’inertie institutionnelle. La missiondu groupe TREVI exprimait la volonté politique decoopération de ses membres au cas par cas touten reflétant le contexte sécuritaire qui rendaitcette collaboration nécessaire. Le groupe a cesséde fonctionner en 1992, quand son intégrationdans le troisième pilier de l’UE (justice et affairesintérieures) lui a ôté sa principale qualité deforum ministériel souple et ad hoc du contre-ter-rorisme. C’est l’institutionnalisation qui a eu rai-son du potentiel du groupe TREVI.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont souligné une double nécessité: renforcerla collaboration interne à l’échelle de la Suisse, mais aussi et surtout la coopérationpolicière internationale. Consciente de l’importance capitale que revêt lacoopération internationale dans la lutte contre le terrorisme, la Suisse y participeactivement dans les limites de ses possibilités juridiques. Elle recourt au canald’Interpol pour diffuser des informations policières, des demandes d’assistance etdes requêtes d’entraide judiciaire. L’Office fédéral de la police a posté descorrespondants dans différents pays européens et aux Etats-Unis afin de faciliterles poursuites pénales. La coopération s’est particulièrement intensifiée avec lesEtats-Unis à la suite de la signature d’un accord spécial.

Stopper les flux financiers servant à financer le terrorismeLa Suisse a soutenu d’emblée les efforts déployés par les Etats-Unis pour luttercontre le terrorisme. Elle reprend par exemple les «listes Bush», qui sont publiéesdepuis les attentats du 11 septembre et se fondent sur un décret présidentiel du 24septembre 2001. Elle a ordonné le gel immédiat de tous les avoirs des personnesou organisations figurant sur ces listes et interdit toute transaction avec elles. Lesorganes de surveillance transmettent les «listes Bush» aux intermédiairesfinanciers suisses (Commission fédérale de banques, Autorité de contrôle enmatière de lutte contre le blanchiment d’argent) en les rendant attentifs à leurdevoir de diligence. Cette procédure a déclenché plus de cent informations poursoupçon fondé au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent(Money Laundering Reporting Office Switzerland, MROS). Le MROS a transmistoutes les communications au Ministère public de la Confédération, qui a ouvertplusieurs enquêtes pénales et bloqué des comptes pour un montant total supérieur

à 24 millions de francs. L’efficacité de cette procédure d’information atteste le hautdegré de développement de la législation suisse en matière de lutte contre leblanchiment d’argent. Il convient de souligner en particulier la grande qualité desinformations transmises par les banques.

Operative Working ArrangementVu la complexité des enquêtes dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, uneétroite collaboration internationale s’est imposée d’emblée, notamment par laconclusion, le 4 septembre 2002, d’un accord entre la Suisse et les Etats-Unis(Operative Working Arrangement). Ce texte prévoit notamment l’échanged’informations et de collaborateurs du secteur opérationnel, sans formalismeexcessif mais dans le respect des règles régissant l’entraide judiciaireinternationale. En outre, fin octobre 2002, le Ministère public de la Confédérationa mis sur pied une conférence informelle qui a réuni des procureurs de haut niveauet des spécialistes de la police de dix pays européens et des Etats-Unis autour duthème des enquêtes internationales et de questions liées à l’entraide judiciaire. Laconférence avait aussi pour objectif de mettre en relation les différentes procéduresd’enquête conduites à l’échelle nationale.

Procédure d’entraide judiciaireLes instruments usuels de l’entraide judiciaire internationale se sont pour l’essentielrévélés adaptés à la lutte contre le terrorisme. Il n’a pas fallu plus de deux jours àla Suisse pour répondre à la première requête d’entraide judiciaire des Etats-Unisen la matière. Même les documents bancaires en relation avec la procédureintentée contre le chef de la Benevolence International Foundation (BIF) aux Etats-Unis ont fini par être transmis aux Américains, après dix mois de procédure

Lutte contre le terrorisme: la Suisse et la coopération transatlantique

Le Pentagone, 11 septembre 2001(Photo US Department of Defense)

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(Photo American Red Cross)

Europol, en revanche, est tout à fait une structureinstitutionnalisée comme les aime l’UE, soumise àtoutes les contraintes d’un appareil très lourd etpénalisée par sa bureaucratie; son mandat estpour l’instant plus transparent que celui du grou-pe TREVI et, malgré son étroitesse, fait l’objet denombreux débats entre les membres de l’UE, quine peuvent toujours pas se résoudre à lui confé-rer les pouvoirs dont il a besoin pour accomplirsa mission. Le mandat nouvellement défini et trèscirconscrit du bureau du «coordinateur antiterro-risme» de l’UE – que l’on considère déjà commeun canard boiteux – semble prendre le mêmecap. La regrettable disparition du groupe TREVIamène à se demander comment jouer contre leterrorisme des prétendus avantages de la coopé-ration supranationale – et de l’intégration descapacités – tant vantés par l’UE et ses institutions.Après tout, l’asymétrie est complète entre uneorganisation supranationale et ses institutionsbureaucratiques et centrées sur les processusd’une part, et des acteurs infraétatiques, tels queles mouvements de violence politique, avec leursstructures organisationnelles informelles et leurdynamisme de l’autre.

Le second exemple est bref mais révélateur. Lesmembres de l’UE envisageaient un mandat d’ar-rêt commun pour l’ensemble du territoire de l’U-nion depuis bien avant le 11 septembre, defaçon à pallier, voire neutraliser les querellesissues de longues procédures d’extradition don-nant lieu à des litiges entre membres de l’UE.

Harmonisation des procédures

Officiellement, le mandat d’arrêt a finalement étéaccepté par une majorité de pays, alors qu’ilavait même été mis en veilleuse, parce que dehauts responsables gouvernementaux se sontengagés à le soutenir à la suite des attentats du11 septembre 2001. Mais les pendules sem-blent avoir été remises à l’heure lors d’une récen-te conférence donnée à la Paul H. Nitze Schoolof Advanced International Studies de Washing-ton. L’auditoire a ainsi pris connaissance d’uneversion complètement différente de l’histoire: si lemandat d’arrêt commun a finalement été adopté,c’est à la suite d’intenses pressions diplomatiquesexercées par les Etats-Unis après les attentats du11 septembre. Sortant de la bouche de RichardFalkenrath, l’aide du président G. W. Bush, cetteremarque était difficile à évacuer comme une sim-ple fanfaronnade politique. Mais si l’on réfléchitsoigneusement, on est conduit à penser que lecentrage institutionnel sur le processus l’avait em-porté une fois encore sur la recherche des résul-tats, et que les organismes de l’UE avaient conti-nué à ne se préoccuper que d’eux-mêmes dansles années qui avaient précédé les attentats. ▲

▲conclue par un recours devant le Tribunal fédéral. Les difficultés procéduralesrencontrées dans les cas d’entraide judiciaire sont de nature générale et n’ont rienà voir avec la lutte contre le terrorisme en particulier.

Le Patriot ActEn adoptant le Patriot Act, les Etats-Unis se sont dotés d’une loi-cadre généralecontre le terrorisme qui a certains effets extraterritoriaux, en particulier dans lesecteur financier. Elle confère aux autorités judiciaires américaines le droit potentielde contourner la voie officielle de la procédure d’entraide judiciaire régulière pouragir directement en territoire étranger. Les dispositions du Patriot Act ne sont pasdirigées contre la place financière suisse, qui dispose d’un dispositif anti-blanchiment dont l’efficacité est internationalement reconnue. Par ailleurs, commementionné plus haut, les autorités de poursuite en matière pénale disposent enSuisse comme aux Etats-Unis des instruments nécessaires à un échanged’informations efficace. A ce jour, les Etats-Unis n’ont pas encore fait usage desnouvelles dispositions, dont ils déclarent au demeurant ne vouloir user qu’avec laplus grande circonspection. Enfin, il convient de préciser que le Patriot Act n’est pasà sens unique, en ce qu’il permet aussi d’améliorer l’entraide judiciaire de la partdes Etats-Unis. Cette possibilité n’a pas non plus été exploitée concrètementjusqu’ici.

Respect du droit La Suisse défend le point de vue selon lequel la lutte internationale contre leterrorisme doit être conduite dans le respect du droit international. Elle s’engagepar exemple sous l’égide de l’ONU pour que la procédure internationale desanction contre les terroristes présumés et les personnes qui les soutiennent se

fonde sur une base respectueuse des droits fondamentaux et plus transparente. Laliste des personnes visées par des sanctions a été considérablement rallongée surl’initiative des Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre. De plus, lespersonnes ou organisations qui figurent sur ces listes onusiennes ne disposent pasdu droit d’être entendues, qu’il s’agisse de la procédure d’inscription sur la liste oude radiation (delisting), ce qui est choquant eu égard aux graves conséquencespersonnelles et financières qu’entraîne le simple fait de figurer sur une liste de cetype. De son côté, la Suisse met en œuvre les sanctions de l’ONU sans restriction:hors Etats-Unis, c’est en Suisse, et de loin, que les fonds les plus importants – 34millions de francs au total – ont été bloqués au titre des sanctions de l’ONU. Notrepays a en outre ratifié les douze conventions de l’ONU contre le terrorisme.

La pratique prouve qu’une coopération étroite et efficace est tout à fait possible enappliquant les réglementations en vigueur et qu’une approche pragmatiquepermet de trouver des solutions constructives dans certains domaines, comme lemontre l’Operative Working Agreement. En cas de divergences de vues, lesenceintes multilatérales comme l’ONU ou des contacts bilatéraux se révèlent utilespour déboucher sur des compromis praticables.

Urs von Daeniken, ChefAdrian Bürki, Analyste

Service d’Analyse et de Prévention Office fédéral de la Police (Suisse)

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Ce sont le choc du 11 septembre et les démar-ches réitérées des Etats-Unis demandant à l’UE des’attaquer au terrorisme avec tous les moyensdont elle disposait qui ont finalement sorti l’Unionde l’impasse. Si cette analyse est juste pour lemandat d’arrêt commun, on peut en conclure queles rares innovations tangibles du troisième pilierde l’UE ne sont pas le fait de l’Union, mais lerésultat direct du 11 septembre, de pressionsdiplomatiques extérieures intenses et de la réac-tion de l’UE à ces deux facteurs. Quoi que l’oninfère de cet épisode en ce qui concerne la dispo-sition de l’UE et sa capacité à lutter efficacementcontre le terrorisme (par opposition à celles deses membres), on peut tout à fait y voir une mani-festation de son inertie institutionnelle inhérentementionnée précédemment.

Quand on sait que le point de départ de la mena-ce terroriste, le mouvement de violence politique,est extrêmement dynamique et opère dans unenvironnement informel, sans s’embarrasser derègles, la volonté doctrinaire de l’UE de s’ap-puyer sur des institutions étroitement réglementéeset imbriquées les unes dans les autres pour luttercontre le terrorisme augure mal de l’avenir. Nousavons dit que nous jugions la coopération inter-nationale sous-estimée: quelques explications,pour conclure, sur ce point. Nous nous fondonssur des exemples pragmatiques et «fonctionnels»de collaborations bilatérales et multilatérales quiont eu des effets d’entraînement favorables surdes domaines politiques apparentés.

La coopération franco-espagnole contre le grou-pe séparatiste basque n’a pas abouti sur des dis-cussions plus élargies sur la façon idéale de luttercontre le terrorisme en Europe ou ailleurs: elle estnée de la perméabilité d’une frontière commune,permettant à l’ETA d’échapper aux forces de l’or-dre. Les demandes répétées d’assistance soumi-ses par l’Espagne à la France et la prise de cons-cience progressive chez cette dernière du faitqu’elle ne pouvait pas laisser l’ETA utiliser son ter-ritoire pour monter des opérations en Espagne –du fait des tensions que cela suscitait dans sesrelations avec son voisin méridional et du risquede se heurter à une inaction similaire si le pro-blème se présentait chez elle – sont à l’origine decette coopération transfrontalière. Les opérationsfranco-espagnoles contre l’ETA figurent parmi lesplus réussies de l’histoire du contre-terrorisme eu-ropéen. Bien d’autres exemples, notamment l’ac-cord anglo-irlandais de 1985 et d’autres disposi-tifs bilatéraux et multilatéraux de lutte contre laviolence politique et le terrorisme, montrent à quelpoint il peut être fécond de s’atteler à un but com-mun, au cas par cas, pour autant que l’entreprisepromette de déboucher sur des avantages con-crets et réciproques.

En fin de compte, ce n’est pas en créant desorganismes spécialisés au sein d’une institutionmultilatérale et formalisée de type supranationa-le, que l’on parvient à lutter contre le terrorismepar la coopération internationale.

Cette approche institutionnelle est surestimée etn’a guère donné de résultats tangibles jusqu’àprésent; il ne semble pas non plus qu’elle devraitse révéler plus performante dans un avenir pro-che. L’efficacité de la lutte contre le terrorismeimplique toutefois des partenariats internationauxviablement opérables, comme TREVI. Mais atten-tion, dans ce contexte, «opérable» a été par lepassé synonyme d’«informel».

Or la lutte contre le terrorisme ne saurait attendre.Nous avons tous été témoins des attentats du 11mars à Madrid, cette année. Le bon sens deman-de que l’on affecte les moyens disponibles à cequi peut être fait maintenant, pour des raisonsimmédiatement évidentes pour les parties concer-nées, sans compter sur des promesses qui, dansl’état actuel des choses et pour des raisons prop-res à la nature même de l’UE, ne pourront seréaliser que dans un avenir lointain dans lemeilleur des cas.

Peut-être le moment est-il venu de revoir notrejugement sur les formules éprouvées de coopéra-tion internationale, malgré leurs tares et la fragili-té de leur contingence liés aux impératifs fonc-tionnels mais pragmatiques des situations qui lesont suscitées. Et arrêter d’investir des ressourcesdont nous avons un besoin urgent dans le rêvetentant d’un organisme contre-terroriste idéal,centralisé, paneuropéen. Plutôt que de nousdemander comment parvenir au but d’un seulbond hypothétique, procédons laborieusement, àpetits pas, pour arriver là où nous voulons aubout d’une longue marche.

Lien utile:

International Relations and Security Networkwww.isn.ethz.ch

(Photo Centre for Security Studies, ETH)

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Pour en savoir plus

Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)www.dfae.admin.ch

Centre de Politique de Sécurité Internationale (CPSI) du DFAEwww.eda.admin.ch/securite_internationale

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS)www.ddps.ch

Département fédéral de justice et policewww.ejpd.admin.ch/f/index.php

Geneva Centre for Security Policywww.gcsp.ch

Geneva International Centre for Humanitarian Deminingwww.gichd.ch

Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forceswww.dcaf.ch

International Relations and Security Network (ISN)www.isn.ethz.ch

Partenariat pour la Paix (PpP)www.nato.int/issues/pfp/index-fr.htm

Conseil de Partenariat euro-atlantiquewww.nato.int/issues/eapc/index-fr.htm

Partenariat pour la Paix (PpP)Swiss Homepage (disponible en allemand) www.pfp.ethz.ch

PfP-Consortium of Defence Academies and Security Study Instituteswww.pfpconsortium.org

European Crisis Management Academywww.ecm-academy.nl

Radiation Protection and Nuclear Safety Institutewww.irsn.org

Comprehensive Nuclear-Test-Ban Treaty Organisationwww.ctbto.org

International Atomic Energy Organisationwww.iaeo.org

ImpressumEditeurs:Jacques Baud ([email protected]) · Christina Walton ([email protected])

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Page de couverture:Photo: Jacques Baud · Atelier Gerhard Blättler - 3005 Berne · Getty Images

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7.2004 500 860118667

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Publication du Centre de Politique de Sécurité Internationale du DFAEwww.eda.admin.ch/securite_internationale