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Copyright©2011ChelseaFineTitreoriginalanglais:AnewCopyright©2016ÉditionsAdAInc.pourlatraductionfrançaiseCettepublicationestpubliéeenaccordavecFirefallPublishing,Phoenix,AZTousdroitsréservés.Aucunepartiedecelivrenepeutêtrereproduitesousquelqueformequecesoitsanslapermissionécritedel’éditeur,saufdanslecasd’unecritiquelittéraire.Éditeur:FrançoisDoucetTraduction:SophieBeaume(CPRL)Révisionlinguistique:FémininplurielCorrectiond’épreuves:NancyCoulombeConceptiondelacouverture:MatthieuFortin,MathieuC.DandurandPhotodelacouverture:©ThinkstockMiseenpages:SébastienMichaudISBNpapier978-2-89767-431-1ISBNPDFnumérique978-2-89767-432-8ISBNePub978-2-89767-433-5Premièreimpression:2016Dépôtlégal:2016BibliothèqueetArchivesnationalesduQuébecBibliothèqueetArchivesCanadaÉditionsAdAInc.1385,boul.Lionel-BouletVarennes(Québec)J3X1P7,CanadaTéléphone:450929-0296Télécopieur:[email protected]:ÉditionsAdAInc.France:D.G.DiffusionZ.I.desBogues31750Escalquens—FranceTéléphone:05.61.00.09.99Suisse:Transat—23.42.77.40Belgique:D.G.Diffusion—05.61.00.09.99ImpriméauCanada

ParticipationdelaSODEC.Nousreconnaissonsl’aidefinancièredugouvernementduCanadaparl’entremiseduFondsdulivreduCanada(FLC)pournosactivitésd’édition.GouvernementduQuébec—Programmedecréditd’impôtpourl’éditiondelivres—GestionSODEC.CatalogageavantpublicationdeBibliothèqueetArchivesnationalesduQuébecetBibliothèqueetArchivesCanadaFine,Chelsea,1982-[Anew.Français]Réveil(LesArcherd’Avalon;tome1)Traductionde:Anew.Pourlesjeunesde13ansetplus.ISBN978-2-89767-431-1I.Beaume,Sophie,1968-.II.Titre.III.Titre:Anew.Français.

PZ23.F56Re2016j813’.6C2016-941149-4

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«Celivrem’aenchantée.Original.Haletant.Bouleversant…detouteslesfaçonspossibles.»—UtopYa

«Amusant,romantiqueetremplid’émotion,Réveilestunexcellentdépartpourcettesérie.Lespersonnagessontpleinsdevieetintéressants,l’intrigueestrempliedesecretsetlespagesnesetournentpasassezvite!»

—Amarilys(Goodreadsreview)

«ChelseaFineatotalementincendiémoncœuravecsontriangleamoureuxetsonscénarioétonnammentoriginaux.Pourmoi,elleaunefaçonuniquededonnervieàcettehistoireavecdeslarmes,desrires,unefabuleusehistoired’amouretunscénarioprofondetintense.»

—IHeartYABooks

«Envoilàuntriangleamoureuxincroyableetcompliqué!ChelseaFinesaitàcoupsûrcommentjouersurlacordesensible.Àlafin,j’aicrié:“Oh,non!Ahhhhh!Ilmefautabsolumentletomesuivant.MAIN-TE-NANT.”»

—Melissa(Goodreadsreview)

«Réveilest unehistoire d’amourparanormale complètement originale.Le concept de ce roman est innovant et fascinant, etChelseaFinemènemagnifiquement l’intrigue. Je vous ferais bien le résumé de l’histoire, mais cela vous priverait de tout le plaisir. À la place, je vaissimplement vous donner quelquesmots clés pour stimuler votre imagination : sorcière, jalousie, triangle amoureux,malédiction, deux frèressexy,laplushilarantedesmeilleuresamiesetimmortalité.»

—Reading,EatingandDreaming(Amazonreview)

«Réveil.Que puis-je dire de ce roman ?Oh, oui, J’ADORECELIVRE !ChelseaFine a tout simplement enflammémon cœur avec cetriangle amoureux et ce scénario incroyablement originaux… Réveil renouvelle assurément le triangle amoureux des romans d’amourparanormaux.Jevous recommandechaudementde lireRéveilet jesupplieChelseaFined’écrire lasuite,Égarement, leplusvitepossible.Aveccesuspenseàlafin,l’attentevaêtreinsupportable!»

—IHeartYABooks(Amazonreview)

«Réveilestbeaucoupdechoses:unehistoired’amour,untriangleamoureux,unmystèresurnaturel,unecoursepourbriserunemalédiction…ettoutesceschosessedéroulentdanslavieethorsdelavied’unefillededix-septansquiessaiejustedevivreunevienormale…J’aiaiméce livre. D’un côté, il correspond assurément au genre de roman d’amour et de fiction paranormale pour ados, mais d’un autre, il estcomplètementdifférentdecequ’ontrouveencemoment.Ilestassezfamilierpours’yassocier,maisassezdifférentpourfairesamarque.»

—CameronDodd(Goodreadsreview)

«J’aivraimentététransportéeparlepremierlivredeChelseaFine,Sophie&Carter,etj’aiattendusondeuxièmeavecimpatience.JeN’aiPAS été déçue ! Ce livre, Réveil, est drôle et nous amène dans un tout nouvel endroit. Il nous présente toute une nouvelle galerie depersonnages.Aprèsquelqueschapitres,cespersonnagesdeviennentdéjàcommedesamis…Réveilcouvrebeaucoupdeterritoireauquelnouspouvonsnousassocier.Suspense…Grrr!Maintenantnousattendonsencoreleprochain…Bontravail,ChelseaFine.J’aitrèshâteautomedeux.

—DJMurphy(AmazonandGoodreadsReviews)

«Unmerveilleuxlivre.Incroyable!J’aiaimél’idéedel’intrigue.Elleestoriginaleetunique.J’aiaimélespersonnages.Lerythmedel’histoireétaitparfait,etlafin,prometteuse!Beaucoupdestyleetunhumourenlevant!Justeparfait!Àlireabsolument!»

—HalynaHurdish(GoodreadsReview)

« Les immortels les plus sexy arrivés sur les étagères ! Qu’il est rafraîchissant de lire un roman paranormal qui s’éloigne de lamode «vampire/zombie» !Après seulement quelques chapitres, j’ai plongédans l’histoire.Mes émotions étaient en accord avec les personnages.QuandScarletétait triste, j’étaisauborddes larmes.QuandTristanétait furieux, j’avais les jouesrouges.QuandGabrielétaitamoureux, jepouvaissentirmonestomacsenouer.Celivrevoussaisitetvoustientenhaleinejusqu’àlatoutedernièrepage.»

—KieleLauterbach(Goodreadsreview)

«ChelseaFine l’arefait !Sophie&Carter, sonpremier roman,étaitgénialetChelseaa faitmonter lesenjeuxavecRéveil : Les Archerd’Avalon.DansRéveil,Chelseaacréédespersonnagesquisontmystérieux,pleinsd’esprit,sarcastiquesetnormaux…toutenmêmetemps.Ilssontcedontlesrêvesdesadossontfaits.»

—Erin(AmazonReview)

Réveilestfantastique:unmélangedeparanormal,d’histoired’amour,decomédieetunemagnifiquenarration!L’histoired’amourmêléedeparanormalestlivréedanslamêmeveinecontemporainequeSophie&Carter,cequirendlalecturesavoureuseetfacile.JerecommandechaudementRéveiletjesuisimpatientedelirelasuitedesArcherd’Avalon.

—Blauterb(Amazonreview)

«J’étaisvraimenttrèsinquiètedelirecelivre!J’avaisbesoind’unepetitepausedesromansparanormauxtypiquesdel’YA.Cettehistoirenem’apasdéçue!LapauvreScarletestsiconfuseetcesdeuxdélicieuxArchernelaluirendentpasplusfacile!HA!MonchoixpersonnelseraitdechoisirTristan(etsessupertatouages),maismalheureusement,nousdevronsattendrepourvoircequiarriveraaveccestrois-là!Leprochaintomedelasérie,Échec,serapubliéenété2012.CherchezaussiSophie&CarterdeChelseaFine.»

—TheAutumnreview

Celivreestdédicacéàmasœur,Cameron,quim’aaidéeàrendrecerêve,etcettehistoire,réel.Mercidet’êtresisouventcouchéetardetlevéetôt,etd’avoircruenmonlivreavantqu’ilaitune

fin…ouuneintrigue.Jetesuissireconnaissantepourtasincéritépendantlespremièresébauchesetpour avoir ri avecmoi dans la bibliothèque jusqu’à ce que j’en pleure. Tu as étéma plus grandepartisane tout au long de ma vie et je ne te remercierai jamais assez pour ton aide et tesencouragementssanslimites.Jet’aime,jet’aime,j’aimetonaudace!

Prologue

Elleseréveillalevisagecontrelaterrefroideethumide.Lespremiersrayonsdusoleilprojetaientunedoucelueursurlesol,etquelquepartàproximité,unoiseausemitàchanter.L’aube.Elleseredressalentementpours’asseoiretregardaautourd’elle,désorientée.«Oùsuis-je?»Degrandsarbresetdesarbustessauvagesl’entouraient.Ellesetrouvaitdansuneforêt.Uneforêtdéserteetinconnue.Elle se leva prudemment et se tourna, à la recherche de quelque chose qui pourrait l’aider à

comprendreoùelleétait.Ellescrutalesenvirons,maisrienneluiétaitfamilier.Riennedéclenchaitdesouvenirquiexpliqueraitpourquoielleavaitdormiseuledanslesbois.Riennedéclenchaitdesouvenirquiexpliqueraitcommentelleétaitarrivéelà.Riennedéclenchaitdesouvenir…Paslemoindre.Sa respiration devint plus rapide alors qu’elle tentait de se souvenir. Elle regarda désespérément

autourd’elle.Seslongscheveuxnoirssebalançaientautourdesatêtealorsqu’elletournaitenrond.Elle baissa les yeux vers ses habits et plissa le front, perplexe. Elle ne se souvenait pas de s’être

habillée.Ellecommençaàpaniquer.Davantage d’oiseaux chantaient à ce moment-là, et le soleil levant cédait la place à une pluie de

lumièrequiilluminaittoutdevantelle.Elle ne pouvait pas se rappeler la nuit précédente, ni la nuit d’avant, ni celle avant cela…Elle ne

pouvaitsesouvenirderien.Pasdesafamille,pasdesonpassé.Rien.Ellefouilladanssoncerveauàlarecherchedequelquechose,unequelconqueinformation.Ellepressa

sesdoigtssursestempespendantqu’ellepensait,priantpourquequelquechoseluirevienne,maissessouvenirssemblaientperdus.Volésmême.Commes’ilsavaientétéextirpésdesatêteavecuneprécisionhorsducommun,nelaissantrienquedu

vide.Elleétaitterrifiée.Ellefermalesyeuxetessayadepenser.Ildevaityavoirquelquechosedanslevide;quelquechose

danssatêtequipourrait luiramenerunsouvenir.Ellefouilladésespérémentdanssonesprit jusqu’àcequ’enfin…Clic.

Cachée loin à l’arrière de son cerveau se trouvait une bribe de connaissance.Elle voletait çà et làcommeuncolibri, la taquinant en lui faisantmiroiterdes réponses tandisqu’elle lapourchassait.Elleréussitenfinàlasaisir.Sesyeuxs’écarquillèrentsousl’effetdedeuxrévélations.Elles’appelaitScarletJacobsetelleavaitquinzeans.Misàpartcela,ellenesesouvenaitderien.

1

Deuxansplustard…

Pourlaplupartdesgens,latroisièmefindesemainedejuinnereprésentaitqu’unepériodedetroisjoursenété.Maispourleshabitantsd’Avalon,enGéorgie,elleétaitassociéeauFestivaldesbaisers.Pendanttrois nuits, les habitants se rassemblaient au centre-ville pour le divertissement, la nourriture…et lesbaisers.Beaucoup,beaucoupdebaisers.C’étaitlatraditiondesaluersonvoisin—outoutautreinconnuqu’onrencontrait—avecunbaiser.

Parfois,cesbaisersétaientunebiserapideetchastesurlajoue,etd’autresfois,uneétreintepassionnéeboucheouverte.Dansuncascommedans l’autre, ilétaitdifficiledepasserunesoiréeauFestivaldesbaiserssanssefairebécoter.CequiexpliquaitpourquoiScarletvoulaitrentrerchezelle.Ellesetenaitaumilieudecechaosdebaiserssurlaplacedel’hôteldevilleàattendrequeHeather,sa

meilleureamie—etautoproclaméeconsultanteenmode—sepointe.Scarlet jetaunœilauxfestivitésde lasoiréeautourd’elle.Deskiosquesdebaisers,desateliersde

baisers,desconcoursdebaisers…Danstoutelaville,lafêtebattaitsonplein.C’étaitcommeunréveillonduNouvelAn,maisàlaplacedugui,leshabitantsaccrochaientdesétoiles

enpapierau-dessusdeleursportes.Etaulieud’uneseulesoiréeavecduchampagneetdesconfettis,ilyavaittouteunefindesemaineavecdesdéfiléset,ehbien…desconfettis.Scarletsoupiratandisquelesoleilcommençaitàsecoucher.Heatherétaitenretard,cequin’étaitpas

une surprise,maisScarlet n’aimait pas rester seuleparmiune foulede citoyens avidesdebaisers.Sacrainted’êtreembrasséeparuneâmecharitables’accentuaitchaqueseconde.Elle donna un coup de pied dans le trottoir avec sa basket éraflée pour tenter de se donner l’air

indifférente.Tandisquelamusiquecommençaitàjouerauloin,ellesuivitdesesyeuxbleuslesdessinsfamiliersqu’elleavaitfaitsàl’encresurleboutetlescôtésdeseschaussures.Scarletavaittendanceàgriffonner.Elledessinaitsursesbras,sesjambesetn’importequelleserviette

surlaquelleellepouvaitmettrelamain.Maissurtout,elledessinaitsurseschaussures.Etelledessinaitunechoseenparticulier:unsymbolecirculaireavecunepointedeflècheaucentre.C’étaitleseulsouvenir—ouplutôtimage—quesonespritbriséavaitréussiàretrouverdepuisson«

grandréveil»danslesboisilyadeuxans.Il traversaitsoncerveau,etallaitetvenaitdanssesrêvessansrelâche.Scarletregardasespieds,oùelleavaitdessinélemystérieuxsymboledesdizainesdefois.Ilétaitévidentqu’ilvoulaitdirequelquechose.

IlétaitévidentquesiScarletavaitétécapablededéterrerl’imagedanslesdécombresdesonamnésie,cedevaitêtrepouruneraison.Maiscequ’ellevoulaitdire,Scarletneparvenaitpasàs’ensouvenir.Cequiétaitl’histoiredesavie.Sa poitrine se serra tandis qu’elle repensait aux vingt-sept derniers mois. Le jour où elle s’était

réveilléedanslaforêtenpériphéried’Avalonavaitétélejourlepluseffrayantdesavie.Aucunepeurnepouvaitsecompareràlapeurdel’inconnu.Surtoutquandl’inconnu,c’étaitelle.Les jours qui avaient suivi son réveil étaient encore flous. Scarlet se souvenait d’hôpitaux, de

travailleurssociauxetderapportsdepolice,maispasclairement.Sonpremiersouvenirnetétaitceluidujouroùelleavaitrencontrésafuturetutrice,LauraWalker.Lauraétaitunejeunefemmed’affairesséduisante,quiavaitréussiàobtenirlagardedeScarlet,malgré

les nombreux obstacles judiciaires associés aux mineurs abandonnés. Elle avait recueilli Scarlet, luiavaitdonnéunemaisonetavaitessayédeluirendrelavieaussinormalequepossible.Maisnormaleétaitplusfacileàdirequ’àfaire.Ne pas savoir de quoi était constitué son passé, c’était comme courir dans un labyrinthe les yeux

bandés.VoilàcommentScarletsesentait.Aveugleetperdue,àcourirdansunlabyrintheobscursansdirection,sansbut.Pendantdesmois,Scarletavaitétéhantéepardescauchemarsetdespenséesquidéfilaient.Elleétait

unepersonnedisparuequinemanquaitàpersonne,unfaitquiravageaitimpitoyablementsatoutenouvellevie.Desquestionssansréponseslatourmentaienttandisquelapeurseglissaitdanschaqueporedesonêtreetnarguaitsonâme.MaisLauras’étaitmontréecompatissante,bienveillanteetpleined’espoir.ElleavaitencouragéScarletànepasrenonceràsonpassé,persuadéequ’elleretrouveraitunjourla

mémoire.Lauraavait réussià luiapporter soutienetcompréhensionsans la traitercommeunepoupéecasséequiavaitbesoind’êtreréparée.SansLauraetHeather,Scarletseraitprobablementdevenuefolle.Lauraavaitétésonpointderepère.HeatheravaitempêchéScarletdesombrerdans ladépressionetdepleurer toutes les larmesdeson

corpstouslesjours.SansHeather,Scarletn’auraitprobablementétéqu’uneépavepathétiquequireniflaittoujours.MaisHeatherrefusaitdelaisserScarletsemorfondreetellelasortaitconstammentdulitpourqu’elle

entredanslemonderéel.Elleessayaitdefaireensortequ’elleaitdu«plaisir»etdu«bonheur».C’étaitagaçant.MaisScarletl’aimaitpourça.Heathers’étaitdonnécommemissiondes’assurerqueScarletprennepleinementpartà lavie.Voilà

pourquoiScarletparticipaitàcefichuFestivaldesbaisers.Elle«participaitàlavie».

EtoùétaitHeather?Elleétaitenretard.Scarlet regarda sans enthousiasme passer le défilé dans la rue principale.Un char orné de grandes

lèvres en papier mâché roulait en faisant de la publicité pour toute une gamme de rouges à lèvresaromatiséspendantquedescouples—etdesinconnus—s’embrassaienteffrontémentpartoutdanslaruesousdesétoilessuspendues.Scarlethaussalessourcilsetsecoualatête.Latraditiondesbaisersétaitétrange.«Bonjour,jesuisuninconnu.Etmaintenant,jevaisvousembrasser.Smack,smack.»Euh,nonmerci.Scarlet leva les yeux et remarqua trois étoiles en papier, qui flottaient au-dessus d’elle depuis la

branched’unarbre.Leshabitantsd’Avalondevenaientlégèrementfousdesétoilespendantlefestival.Ilsenaccrochaient

partoutoùc’étaitpossible.Auxarbres,auxportes…surleslignesàhautetension.Scarletquittarapidementsapositionquiincitaitauxbaiserspourrejoindreunendroitsansétoilessur

le trottoir.Elleregarda lespassantssesaluernonchalammentavecunbaisersur laboucheavantdeseséparer.Commesiéchangerunbaiseravecsoncoiffeuretsoncaissierdebanquen’avaitabsolumentriende

bizarre.Tandisqu’elleregardaitlaplacedel’hôteldeville,ellefutattiréeparquelquechose.Ouplutôt,quelqu’un.Del’autrecôtédelarue,au-delàdelaparadeetduchaos,setenaitungarçonvêtud’unT-shirtetd’une

casquettedebaseballnoire.Lacasquetteétaitrabattuesursesyeux,cequiempêchaitScarletdevoirsonvisage,maisellepouvait

sentirqu’illaregardait.Attentivement.Délibérément.Effrontément.IlpenchalatêtesurlecôtéetquelquechosedeprofondémentancrédansScarletsemitàremuer.L’agitationcommençadanslecreuxdesonestomac,sepropageadanssapoitrineets’enroulaautourde

soncœur;lecomprimantjusqu’àcequesarespirationfaiblisse.Soncœurs’emballatandisqu’ellelefixaitplusattentivement.Àlafaçondontilétaitvêtu,Scarletsupposaqu’ilavaitsonâge,environdix-septans,sinonquelques

annéesdeplus.Desmèchesdecheveuxnoirsressortaientdesacasquette,maisl’obscuritéempêchaitdevoirnettementsonvisage.Unemâchoirecarréeetdeslèvrescharnues,voilàlesseulstraitsqueScarletpouvaitdistinguer.Quelquechoseenluisemblaitfamilier.Àlafoisdangereuxetrassurantet…familier.LecœurdeScarlets’emballa.Quiétait-il?

Elleplissa le front sous l’effetd’uneprofonde réflexionquandHeatherapparut soudainementàcôtéd’elle,horsd’haleine.Ellesepliaendeux.HabituéeaucôtéthéâtraldeHeather,Scarletjetaàpeineuncoupd’œilàsameilleureamieavantde

leverdenouveaulesyeux.Elleespéraitjeterundernierregardaugarçonennoir.Maisilavaitdisparu.LesbattementsducœurdeScarlets’apaisèrenttandisquecedernierselibérait.—Ouf!Heatherseredressa.Sescheveuxblondsétaientplaquéssousunbandeauroseassortiàsachemiserose

etchaussuresroses.Elleportaitunejupecourteenjeansettoutunassortimentdebraceletsbrillants.Mêmeensueurethaletante,Heatheravaitl’airparfaite.Scarlet regarda sa propre tenue, des shorts et une chemise verte trop grande, et sut queHeather ne

seraitpascontente.Heatherprenaitlamodeausérieux.Scarlet,non.Heatherinspiraetdit:—Fluffy,lechienférocedeMmeAllen,m’apourchasséetoutlelongdePineStreetpouressayerde

medéchirerenlambeauxavecsescrocscoupantscommedesrasoirs.Jemesuisenfuiedejustesse.Scarletfronçalefront.—Fluffyn’estpasunChihuahua?Lesouffletoujourscourt,Heatherdit:—Oui.UnChihuahuapossédéparlediableetdévoreurd’humains.Scarletopina.—Biensûr.Commeellereprenaitsonsouffle,HeatherregardaScarletdehautenbas,oubliantmanifestementson

expériencedemortimminenteaveclaracedechienlapluspetiteaumonde.—Lachemiseverteample,Scarlet!Vraiment?Scarletrouladesyeux.—C’estleFestivaldesbaisers…pasleFestivaldelamode.—Ehbien,Dieumerci.Parcequetuteferaisjeterhorsd’Avalonsousleshuées.Heatherpassaunemainsursescheveuxbrillants.—Jeparlesérieusement.Tudisposesd’unplacarddelatailled’unchâteaupleindejolieschemisesde

labonnetaille…ettuaschoisiunhautgenreparachutepourleFestivaldesbaisers?Jenet’aidoncrienappris?— J’ai appris à ne pas approcher de Fluffy à moins de vouloir être dévorée vivante par le chien

démoniaquevenudesEnfers.—Jeteledis,j’aifaillimourir!—Jesuissûrequetun’espaspasséeloin.

Scarlet sourit et regardadenouveaupasser laparade.Lesoleil avaitplongéderrière lesmontagnesenvironnantes,striantlecieldescouleursdélavéesducrépuscule.Lesréverbèress’allumèrentpeuàpeuetlesminusculeslumièresblancheséparpilléesdanslavillesemirentàbriller,contrastantaveclanuitquitombait.Lespectacleétaitpittoresque.Delamusique,deslumièresscintillantesdansleciel,desruespavéeset

descollinesgazonnées…Onauraitditunecartepostale.—Alors,quidevrions-nousembrasserenpremier?Heatherplissaseslèvresexagérémentmaquilléesetbrillantes.—Euh…Tupeuxembrasserquituveux.Jesuisiciseulementpourlerince-bouchegratuit,ditScarlet

tandisqu’ellecommençaitàdescendrelarueprincipale,Heatheràcôtéd’elle.LescadeauxdufestivalétaientlesseuleschosesqueScarletappréciaitdel’événement:ledentifrice

gratuit,lespastillesàlamenthegratuites,lebaumeàlèvresgratuit…C’étaitcommedéambulerdansunepublicitépourlabouche.—Peuimporte.Heather rejeta ses cheveuxblonds sur son épaule avec le genrede culot que seules les jolies filles

possèdent.—Tuesiciparcequetuesmarranteetquetuaimesvraiment,vraimentembrasser.J’ensuiscertaine.—Ha,ditScarlet.Jesuiscertaineden’avoirjamaisaiméembrasserd’inconnus.Heathersouritd’unairtaquinetdonnaunpetitcoupdansl’épauledeScarlet.—Oh,maisc’estlabeautédel’amnésie.Tunesaispasvraimentcequetuaimes,alorsjesuislàpour

t’aideràtesouvenir.Scarletrouladesyeux.—Toinonplustunesaispascequej’aime.—Exact.Maisjeteconnais—ou,dumoins,letoiquiexistedepuiscesdeuxdernièresannées—et

cettefilleestsupercooletelleaimeprobablementembrasserdesinconnus.Scarletsecoualatête.—J’endoute.Heatherinsista:—Tuverras,Scarlet.Nousallonstetrouveruninconnusexyavecdedélicieuseslèvres.Deslèvresd’inconnu?Beurk.—Pourleslèvres,j’aitoutcequ’ilfaut.J’ailesmiennes,merci.Elles passèrent devant un kiosque de fortune qui faisait la publicité de nettoyages dentaires en

profondeurgratuits.Unhommechauveenblouseblanchesetenaitàcôtéd’unfauteuildedentiste.S’ilyavaiteudeséclaboussuresdepeinturerougepartout,onauraitditunescènedefilmd’horreur.Bien sûr lesnettoyages enprofondeur étaientgratuits.Quiallait payerun typedans la ruepour

fouillerdanssabouche?

LesgarçonsqueScarletreconnutdel’écolelesabordèrentavecdessourires.LeurattentionseportaitprincipalementsurHeather.Etpourquoienserait-ilautrement?Heatherressemblaitàunegommeàmâchergéanteetsexy.Scarlet,àl’opposé,ressemblaitàunpoisgéant.Heather, séductrice et joviale comme toujours, accueillit chaquegarçonavecunebise sur les joues.

Desbisesintimes,sitantestqu’unetellechoseexiste.EllelaissaàHeatherlesoindefairelesbisesindécentessurlajoue.Malheureusement,aprèslesbaiserséchangésavecHeather,lesgarçonss’avancèrentpourdonneraussi

àScarletunebisesurchaquejoue.Elleessayadefairecommesiembrasserdesinconnusdel’écoleétaitparfaitementnormal.Maisçanel’étaitpas.C’étaitun tâtonnementgênantde têtes inclinéesetdenezquisecognentqui laissaitScarletdesplus

perplexesetdégoûtées.LeFestivaldesbaisers:lapire–idée–detouslestemps.Après le départ des garçons, Scarlet se pressa d’essuyer ses joues tandis queHeather soupirait de

bonheur.—Tun’aimesvraimentpasleFestivaldesbaisers?Scarletmanquades’étouffer.—Non,vraimentpas.Jetrouvequec’estétrange.Etpleindemaladiesbuccalespotentielles.—Oui,mais on peut embrasser des types commeAaron, ditHeather, qui regardait un des garçons

s’éloigner.Scarlet plissa le nez. Heather avait essayé de caser Scarlet avec Aaron à quelques reprises l’an

dernier,avectoujoursdesrésultatsdésastreux.HeatheressayaittoujoursdecaserScarlet.—Iln’estpasmongenre,ditScarlet.—Quiest tongenre,hein?Jecontinueàessayerde tebrancheraveccesmecscanonet sexy,et tu

continuesàlesignorer.Turatesdefabuleusesoccasions,Scarlet.—Tu veux dire commeAaron là-bas ? Le type qui a commencé notre premier rendez-vous enme

demandantquelâgeavaitmamèresexy?Ouais,c’étaitvraimentuneoccasionenor.—Poursadéfense,tamèreestsexyetonluidonnevingtans.—C’estparcequeLauran’estpasmamère.C’estmatutriceetelleaseulement trenteans.Maisce

n’estpasleproblème.Leproblème,c’estquejeneveuxrencontrerpersonnemaintenant.—Peuimporte,ditHeather.— Non, sérieusement, soupira Scarlet. Toute cette histoire d’amnésie rend les rencontres juste…

bizarres.Etjenemesenspascapabled’yfairefacemaintenant.Nijamais.UnmomentpassatandisqueHeatherregardaitpensivementScarlet.

—Jecomprendsquetuaiespeurdetelieràd’autrespersonnes.C’estjustequejeneveuxpasquetuteservesde tonpassémystérieuxcommed’uneexcusepournepasvivre tavie, tucomprends?Tunepeuxpasjusteexister,Scarlet.Tudoisvivre.Scarletinclinalentementlatêtedevantlesparolesdesonamieavantdesoupirer.—Tuasraison.Enrèglegénérale,Heathern’étaitquemodeetséduction.Maisdetempsàautre,ellesurprenaitScarlet

endisantquelquechosequiavaitl’airintelligent.EtsiScarletaimaitsoncôtéexcentriqueetsasoifinsatiabledegarçons,elleétaitreconnaissantepour

lacapacitédesonamieàpasserdelaFantasqueHeatheràlaSageHeatherquandc’étaitnécessaire.—Maisçaneveutpasdirequejedoiverencontrerquelqu’unetm’yattacher.Heatherhochalatête.—Oui,çan’aaucunsensquetut’impliquesavecunquelconqueinconnu.—Exactement.Pasd’attaches,pasdepression.—Jesuistoutàfaitd’accord.HeatherhaussalessourcilsetallongealebraspourmontrerleparcFreemontenpleinmilieud’Avalon.—Heureusement, tuesarrivéeaubonendroit.Deskiosquesavecpleindegarçons sexyqu’onpeut

embrassersansaucunecomplication.Scarletcessad’avancerethaussalessourcils.Le parc gazonné était bordé de douzaines de kiosques de baisers. Des lumières scintillantes se

balançaiententrelesgrandsarbres,créantuncielétoiléau-dessusdestablesdebaisersrougesetrosesendessous.Desgensfaisaientlaqueueàchaquekiosque.Ilssemettaientdurougeàlèvresetduparfumtandisqu’ilssepréparaientpourleursbaisersachetables.Derrièreleskiosquessetrouvaitungrandpavillonblancoùsetenaitungroupedemusiciens.Tandis

qu’unechansond’amourjouait,descouplesentremêlaientleurscorpsetsuivaientlamélodie.Leparcétaitbondédecouplesquis’embrassaientderrièrelesarbresetquis’enlaçaientsurlesbancs

publics.Etilyavaitdesétoilesenpapierpartout:danslesarbres,surlesol,au-dessusdesgens,danslabouchedesgens…C’étaitcommelejourdelaSaint-Valentin.N’importequoi!Scarletregardaleskiosquesdebaisers,secoualatêteetsourit.—Horsdequestion!Tupeuxfairetonéchangedesalive,maismoi,jeresteici.Jen’aiaucuneenvie

depayerquelqu’unpourqu’ilaillemecollersalanguedanslagorge.—Ilsnet’embrasserontpasaveclalangue,ditHeatherensouriant.Àmoinsquetuveuillesqu’ilsle

fassent.EllehaussadenouveaulessourcilsetréussitàfairerirelégèrementScarlet.—Jevaisquandmêmepassermontour.Heatherfitlamoue.

—Allez,s’ilteplaît!Scarletsecoualatête.—Non.Heatherfitdenouveaulamoue,maisScarletrefusadecapituler.—T’espasmarrante.Heatherselissalescheveuxetsesbraceletstintèrentgaiement.—Jesupposequejevaisdoncdevoiryallersanstoi.—Jesuppose.—Maisjustepourquetusaches…HeatherpointaScarletdesondoigtparfaitementmanucuréetpritsavoixlaplusautoritaire.— Je réussirai à te faire embrasser—et je dis bien « embrasser »—un garçon sexy cette fin de

semaine.Çaarriveraettuaimerasça.Tandisqu’ellepivotaitetsedirigeaitversleskiosques,Scarletsouritetluicria:—Bonnechance!LaseuleréponsedeHeatherfutunreversdelamain.Scarletregardasonamies’éloigneretrestaseuledanslamaréedegensquis’embrassaient.Elleprit

uneprofonderespiration.Lesoleilavaitcomplètementdisparuducieletleparcétaitàprésentrecouvertd’unedoucenoirceurquitranchaitaveclesnombreusesguirlandeslumineuses.Lachaleurcollantedel’étésecramponnaitencoreàl’airdusoirtandisqueScarletparcouraitleparc

desyeux.Legroupesouslechapiteaupassad’unechansonentraînanteàuneballade.Une fois encore, son regard se porta sur l’inconnu au T-shirt noir et elle ressentit le même

chambardementqu’auparavantnaîtredanssapoitrine.Cettefois,l’inconnuétaitplusloinetsonregardétaitrivésurlesfestivitésplutôtquesurScarlet,lui

laissantunmomentpourl’observerdiscrètement.Levisagetoujourscachéparl’obscurité,ilsetenaitlàavecassurance,salargepoitrinebombéeetses

bras croisés dessus. Des mèches de cheveux noirs bouclaient légèrement autour de son cou dans lachaleurestivale…luirappelant…quelquechose.Qu’est-cequec’était?Ellesentitunsouvenirenellecommenceràprendreforme.Étoufféetemprisonné,illuttaitpourselibérer.Peut-êtrequesiellecontinuaitàobserverl’inconnu,il

feraitsurface…IlseretournabrusquementdansladirectiondeScarlet,etbienqu’ellenepouvaitpaslesvoir,elleétait

certainequesesyeuxétaientfixéssurlessiens.Elles’efforçadelevoirplusclairement.Quelque chose dans ce garçon lui était assurément familier. Comme si le souvenir captif en elle le

concernait,luispécifiquement.

Le cœur de Scarlet s’emballa tandis que son esprit commençait à s’exalter. Pendant un instant—pendant une merveilleuse fraction de seconde —, elle se sentit comme si elle était sur le point dedébloquerlesouvenir,ceprécieuxtrésorperduetenterréquelquepartdansl’abîmedesonesprit.Ellelaissasoncerveaus’agiter,parcourantsonâmeàlarecherchedequelquechoseàsaisir.Ilétaitlà.Ellelesavait.Ellepouvaitlesentir.Ilcherchaitàs’assembler…pourdevenirpresqueunepenséecomplète…Siprès…siprès…presquelà…—Unbaiserouunsort?demandaunevoixguilleretteprèsdeScarlet,interrompantsaquêteintérieure.D’uncoup,lesouvenirtombadenouveaudansl’oubli.Scarletmarmonnaintérieurement:«Siprès.»—Aimerais-tuunKissPop1?demandalavoix.Scarlet regardadebiais etvitune femme rondeavecun regardgentil etdes joues rosespousserun

chariot.Ellebranditunesucetteglacéeenformedebouche.ScarletcommençaitvraimentàdétesterleFestivaldesbaisers.—Euh,nonmerci.Elleessayad’avoirl’airsympathiquemalgrésafrustrationcauséeparl’interruption.Unefoislafemme

partie avec son chariot, Scarlet regarda de nouveau vers l’inconnu. Elle espérait que le voir feraitrenaîtresonderniersouvenircommeparmagie.Ilsetenaitauloin,levisageencoreperdudanslanoirceursoussacasquette.Lesouvenirrejaillitdesprofondeursdesoncerveauetsespenséess’emballèrentàsapoursuite.«Allez,jesaisquetueslà.»Legarçonennoirrestaimmobile.Scarlet avança d’un pas. Peut-être qu’elle devrait marcher vers lui. Peut-être qu’elle devrait se

présenteràluietvoirs’ilsavaitquelquechoseàsonsujet.Ellefitquelquespasdeplus.Peut-êtrequesielles’approchaitsuffisammentpourvoirclairementson

visage…—Tuparssitôt?demandaunevoixmasculinederrièreelle.Scarletsefigea.Lavoixdanssondosluiétaitfamilière.Évocatrice.Presqueparfaite.Cen’étaitpaslavoixdequelqu’unqu’elleavaitrencontrédepuissonréveilàAvalon.C’étaitunevoixdupassé.Unevoixqu’elleconnaissait.«Quesepasse-t-ilcesoir?Pourquoitoutmesemble-t-ilsoudainsifamilier?»Scarletlaissasonregards’attardersurlegarçonennoirpendantuninstantavantdepivoterpourvoir

lepropriétairede lavoix familière,convaincuequ’unevaguede souvenirsallait seprécipiterdans satête.

Maisnon.Iln’yeutnisouvenirfulgurantniilluminationsoudaine.Iln’yeutaucunereconnaissanceinstantanéeniaucunprofondsoulagement.Ilyavaittoutefoisuntypevraimentbeau,quisetenaitdevantelle.Probablementlapersonnelaplus

attirantequ’ellen’avaitjamaisvue.Avec son T-shirt bleu et son sourire désarmant, il semblait être un peu plus âgé que Scarlet. Ses

cheveux noirs, sesmâchoires carrées et ses yeux d’un brun soutenu complétaient parfaitement la peaubronzéequienveloppaitsoncorpsmusclé.Illuisouriait.Attendait.Elleclignadesyeuxàquelquesreprises.—Quoi?Sonsourires’approfondit,révélantdeuxadorablesfossettestandisqu’ilfaisaitunpasverselle.—Ondiraitquetuétaissurlepointdepartir.Scarlet jeta unœil vers l’endroit où le garçon ennoir s’était trouvé,mais une fois deplus, il avait

disparu.—Ah.Ellesecoualatête,ramenantsonespritàlaconversation.—Non,je…jenepartaispas.—Ehbien,danscecas,ditlebeaugarçonenluitendantlamain,jem’appelleGabriel.Nouveauau

Festivaldesbaisersetadeptedestéléréalités.J’aimeleslonguespromenadessurlaplageetjedétestemeréveilleravantmidi.Scarletsourit,àlafoisreconnaissanteetdéçuequ’ilaitchoisidelasalueravecunepoignéedemainà

laplaced’unbaiser.«Qu’est-cequej’aiquicloche?»Elleluiserralamain.—Jem’appelleScarlet.ContreleFestivaldesbaisersetferventebuveusedecafé.J’aimedessineret

jenesuispasmatinalenonplus.—Jet’aimedéjà,ditGabrieltandisqu’ilsseserraientlamain.LamaindeGabrielétaitfroideetsèchedanslachaleurdecettesoiréed’étéalorsqu’illuiprésentait

sesjoues.Elleydéposaseslèvresetlesembrassa,repensantsoudainàsachemiseverteetample.Ilsmirentfinàleurpoignéedemain,etGabrielenfonçasesmainsdanslespochesdudevantdeses

jeansparfaitementajustés.—Commeça,tun’espasuneadeptedufestival?demanda-t-ilavecdesétincellesdanslesyeux.Trop

degarçonsàrepousser?—Euhnon.Cenesontpasles«garçons»quimeposentproblème.C’esttoutelaville.Toutlemonde

esttellement…

Scarletessayadepenseràunmotplusagréablequedingue.Gabriell’interrompit:—Heureux?Excité?—Oui.C’estsibizarre,ditScarlet.Jesuisvenuel’annéedernièreet j’ai jurédene jamaisrevenir.

Maismameilleureamiem’aeffrontémentsuppliéedeveniretj’aicédé.Etmaintenant,jesuisentouréepar—Scarletmontralafouledansleparc—touscesgrosbêtasmaladesd’amour.Gabrielsemitàrire.—Ouais,jedétestelesgrosbêtasmaladesd’amour.Ilssontsiheureuxetennuyeuxetagréables…Ils

essaienttoujoursd’êtregentilsetamicaux.Illevalesyeux.—C’estsiagaçant.Scarletsourit.—Tais-toi.—Alors,pourquoias-tu jurédene jamais revenir?Est-ceàcausedu type, ledentiste?Parceque

c’esttoutàfaitcompréhensible.—Tul’asvuaussi?Ilesteffrayant,non?Scarlet sourit intérieurement. Quelque chose dans le fait de parler de ce type la faisait se sentir

joyeuse.Revigorée.SansmentionnerquelavoixdeGabrielétaitdivine.—Vraiment.Gabrielfeignitdefrissonner.Ellerépondit:—Non,enfait,jenevoulaispasrevenirparcequel’annéedernière,j’airegardélesjeuxderelaisde

baisersetj’aipresquevomi.Voilàpourquoij’aiessayétrèsfortderesteràlamaisoncesoir.—Etquandtudis«trèsfort»,tufaisallusionàtonmanquetotaldedéterminationquandtuascédéàta

meilleureamie,c’estça?Scarlethochalatête.—Exactement.Gabrielrit.—Jet’aimebien,Scarlet…?Ill’invitaàluidonnersonnomdefamille.—Jacobs.Bienqu’elleétaituneparfaiteinconnue,Gabriellafaisaitsesentirensécurité,etétrangement,Scarlet

luifaisaitinstinctivementconfiance.Cequiétaitprobablementstupide.Maisellenepouvaitpass’enempêcher.Quelquechoseàproposdeluilafaisaitsesentir…normale.Etçatombaitbien,carScarletvoulaitsesentirnormale.

—ScarletJacobs,dit-ilenyréfléchissantbien.J’aimebien.—Ettoi,c’est…?demanda-t-elle.Gabrielsouritlentement,attendantunpeucommes’ildécidaitquoirépondre.—Archer,dit-ilenlaregardantattentivement.GabrielArcher.Scarletinclinalatêtesurlecôté,espérantquelenomluirappellequelquechosedelamêmefaçonque

l’avaitfaitsavoixmusicale.Maisnon.—Alors,dit-ilalorsqu’ilregardaitautourdeluienfeignantd’êtresérieux.Oùsetrouvetameilleure

amie, ta complice ? Je tiens à la féliciter pour t’avoir embobinée afin que tu participes à cet absurdefestivaldel’amouretdubonheur.Scarlet sourit toutenmontrantdudoigt l’endroitoùHeather faisait la filedevant l’undesnombreux

kiosquesdebaisers.—Ah,dit-ilenhochantlatête.Elleressembleàungrosbêtamaladed’amour.Ellesembleheureuse.Scarletsourit.Heather étaitheureuse. Heureuse, pétillante et excitée pour tout. Et belle à la manière de laMiss

Americaquetouteslesfillesenvient.Ellen’avaitriendeScarlet.Heatherétaitbruyante,extravertie,caléeenmode,ettrèsfille.Scarlet,elle,étaitcalme,sarcastique,pasintéresséeparlesbijoux,ethabilléecommeungarçon.Maisleuramitiérésistait.Aussi différentes qu’elles fussent, Scarlet se sentait plus liée à Heather qu’à n’importe qui d’autre

qu’elleavaitrencontrédepuissonréveilàAvalon.ParcequeHeatheravaitacceptéScarlet,sonamnésieettoutlereste.Elless’étaientrencontréesvoilàdeuxétésaucentrecommercial,quelquessemainesavantledébutde

ladeuxièmeannée.LauraavaitemmenéScarletpouracheterunenouvellegarde-robe—parcequelanuitqueScarletavaitpasséedanslesboisnevenaitpasvraimentavecunearmoirepleinedevêtements—etavaitlaisséScarlets’occuperdechoisirsespropreshabits.Heather,quifaisaitlesboutiquesnonloin,avaitvuScarletlorgnerunepairedejeanspeuflatteurset

étaitimmédiatementintervenuedanslaviedeScarletcommesonacheteusepersonnelle.Peudetempsaprès,ellesétaientdevenuesdesamiesproches.LorsqueScarletavaitparlédesonamnésieàHeatherlapremièrefois,Heatheravaitétésaisie.Pasdanslegenre«MonDieu,tuesvraimentbizarre»,maisdanslegenre«MonDieu,onsecroirait

dansunfilm».ElleavaitpassédesmoisàparlersansarrêtdetrouverlesparentsdeScarlet.Elleavaitcommencépar

créerun fonds«QuiestScarlet Jacobs?»et à lui fairepasserdes testsd’ADNpourvoir siScarletvenaitd’uneautreplanète.Celaavaitétégênant.

Gentildelapartd’uneamieautoritaireettenace,maisgênant.Heatherpensaitquec’était«cool»queScarletn’aitpasdepassé.ElleétaitconvaincuequeScarlet

avaitétéuneespionnepourlegouvernementetqu’onluiavaiteffacélamémoireafind’assurerlasécuritédumonde.ParcequeHeatheravaitlesensdudrame.MaisilavaitétéplusfacilepourScarletdeseprêteraujeudelathéorieridiculedugouvernementde

Heatherquedes’apitoyersursonsort.Heatheravaitétéunedistractionbienvenue.D’unecertainemanière,elleavaitsauvélaviedeScarlet.Oudumoins,sonbien-êtreémotionnel.Elle

avaitdonnéàScarletdequoirireetuneamitiéenlaquellecroire.ElleavaitdonnéespoiràScarlet.Elleétaitpleined’entrainetd’optimisme.Parfois,elleétaitagaçante,maislaplupartdutemps,Scarlet

avait besoin de ça. Elle attachait une grande valeur au rôle de Heather dans sa vie et la respectaitbeaucoup.Mêmesi,àcemomentmême,Heatherpayaitpourembrasserungarçon.—Oui,continuaScarlettandisqu’elleregardaitHeatherappliquerplusdebrillantàlèvresaukiosque

desbaisers.Elleestassurémentheureuse.Unmoment de silence resta suspendu entre eux. Elle traîna les pieds, ne sachant pas trop comment

continuerlaconversation.—Donc,c’esttonpremierFestivaldesbaisers?Gabrielpassaunemaindanssescheveuxnoirs.—Oui.—Àquoipenses-tu?Scarletsouritethaussaunsourcil.—Honnêtement?Illuiadressaunsourireencoinethaussalesépaules.—Jepensequec’est…charmant.—Charmant?Cen’étaitpaslemotqueScarletauraitchoisi.Ilhochalatête.—Oui,c’est…Jenesaispas…agréable.Toutlemondeestsympaetauneattitudepositive.Lesgens

dansentetrient.C’est…rafraîchissant.Parfois,lemondeestunendroitfroid,maisici…c’estagréable.C’estchaleureux.Ilsourittandisqu’ilparcouraitleparcdesyeux.Scarletplissalefront.—Jesupposequeoui…Elle regarda parmi les couples heureux à proximité. Ils se chuchotaient à l’oreille, s’embrassaient

malicieusement sous les étoiles en papier ou encore partageaient des sucettes glacées en forme de

bouche.Deslumièresscintillaientau-dessusdesdanseurstandisquedeschansonsd’amourflottaientdanslesairs.C’étaitplutôtmignonfinalement.—Jesupposequetuasraison.C’estplutôt…agréable.Toutcetamouretcejeudeséduction.Scarletregardadenouveauautourd’elleetrepérauncoupleâgéquisenourrissaitréciproquementde

chocolats.Elle se pencha vers la droite et effleura accidentellement le bras de Gabriel. Ses sens furent tout

bouleversés à son contact. Scarlet rougit et se replaça immédiatement de sorte qu’il y ait de l’espaceentreeux.IlsregardèrentlafouleduparcsansseparlerpendantqueScarletattendaitquelachaleurquil’avait

envahies’apaise.Gabriels’éclaircitlagorge.—Limonadedesamoureuxgratuite!Unefemmequiportaitunerobed’étérosepassadevanteuxavecunplateaudelimonaderose.Elleleurentenditunverreets’enalla.Gabrielregardalegobelet,puisadressaunautresourireencoinàScarlet.—Tuveuxqu’onsepromèneensemble?Scarlethésita.Sesyeuxsemblaienttaquins.—Jeprometsdeteprotégerdudentistederue.Scarletsemorditleslèvrespouressayerdes’empêcherdesourire.Avait-ellevraimentlebéguinpouruncompletinconnu?Oui,c’étaitlecas.—Biensûr,dit-elle.Pendantuneminute,ilssebaladèrentensilence.—Alors,parle-moide toi,Scarlet,ditGabriel. Jeconnaisdéjà tonamourpour lecaféet lagrasse

matinée—cequiterendsuper,d’ailleurs—,maisquoid’autre?Elleinspiraprofondément,enpensantparoùcommencer.«Ehbien,ilyadeuxans,j’aiétéabandonnéedansuneforêtàl’extérieurdelaville,puisplacéechez

cettejoliefemmenomméeLaura,quim’adonnéunemaisonpourquejepuisseavoirunevienormaleetalleraulycée.Oh,etjesuisamnésique.Unevieordinaire,quoi!Oui,çan’étaitprobablementpaslameilleurefaçondegarderGabriel.Àlaplace,Scarletdécidad’y

alleravecdesfaitsanodins.—Ehbien,jeparleespagnol,dit-elle.Undesraresavantagesd’êtreamnésique,c’étaitquedetempsàautre,Scarletpouvaitredécouvrirun

talentcaché.Commel’espagnol.

Elleavaitdécouvertqu’elleparlaitcettelanguel’andernier.—C’estchouette,dit-ilenbuvantsalimonade.—Sinon,continuaScarlet,jeseraienterminaleaulycéed’Avaloncetteannée.Etj’aimelaglace.Et

toi?QuiestGabrielArcher?Ilrit.—Ehbien,tel’expliquerpourraitmeprendretoutelanuit.Laréponsecourte?Jeviensd’emménager

ici.Avant,j’étaisàNewYork.J’adorecettelimonaderose.Ilpritunegorgée.—Etjen’aimepaslesserpents.Scarlethochalatête.—Maisj’aimecefestival.Scarlethochalatête.—Exact,àcausedetoutcetamour,cetteattitudepositiveetcesgrosbêtas.Ilsourit.—Entreautres.Scarletsouritetgardalesyeuxrivéssurseschaussuresdessinéestandisqu’ilsmarchaient.Ilsmarchèrent lentementversunarrêt, et soudain,Scarlet futpleinementconscientedu faitqu’ils se

tenaientprèsl’undel’autre.Ellelevalesyeuxetvitdesétoilesdepapiersuspenduesàl’arbreau-dessusd’eux.Quelquechosedesemblableàlapaniques’emparad’elle.PourquoilaGéorgieavait-elleautantd’arbres?Lesétoilesenpapierétaientpartout.Soncœursemitàs’accéléreràlapenséedeGabrielquil’embrassait.Lamoitiéd’ellevoulaitqu’ille

fasse,maisl’autremoitié—lasained’esprit,lalogique,la«tun’aimespasembrasserdesinconnus»—voulaitfuirleparcetbrûlertouslesarbresdelaGéorgie.Qu’est-cequiclochaitchezelle?Ellenevalaitpasmieuxquetousceshabitantsfousdebaisers.Sesyeuxtombèrentdesétoilesjusqu’àlabouchedeGabrieletremontèrentrapidementverssesyeux.Gabrielremarqualesétoilesetpenchalatête.—Penses-tuqu’ilestbizarred’embrasserquelqu’unqu’onconnaîtàpeine?«Non,c’estparfaitementnormaletçanousdonneuneexcusefantastiquepourlefaire.Embrasse-moi!

»—Vraimentbizarre,dit-elleenvoulantimmédiatementsegifler.Ilacquiesçalentement.—Moiaussi.LecœurdeScarletseserralégèrement.Gabrielsouritlargement.

—Jesupposequej’aimaintenantunebonneraisond’apprendreàteconnaître,non?Scarletplissalesyeux.—Quiditquejetelaisseraim’embrassermêmesituapprendsàmeconnaître?Ilhochalatêteavecunsourire.—Défiaccepté.—Jesuisrevenuuuuue!HeatherseprécipitaversScarlet,complètementinconscientedeGabriel.—Je suisvenue, j’ai embrassé, j’ai triomphé.Occupons-nousmaintenantde te trouverunmec sexy

avecunebouchesavoureuse.ElletenditlebrasversScarlet,vitGabrieletsefigea.Ellerestabouchebéeunbonmomenttandisqu’ellelefixait.—Ou…ElleregardaGabrieleffrontémentdehautenbas.—Onpourraitrestericietparleràcecharmantgentleman.HeathertournavitelatêteetlançaàScarletunregardquivoulaitdire«OMG2,quiestcettebombe?».Scarletseraclalagorge.—Heather,voiciGabriel.Gabriel,Heather.HeatherrevêtitsonplusbeausourireetsetournaversGabriel.—Tiens,bonjour,Gabriel.Raviedeterencontrer.Gabrielditavecungrandsourire:—Moidemême,Heather.—Es-tunouveauàAvalon?J’aivécuicitoutemavieetjenepensepast’avoirdéjàvuauparavant.Je

suissûrequejem’ensouviendrais.Elleauraitaussibienfaitdebattredescilsvutoutelaséductionquiémanaitd’elle.Scarletrouladesyeux.—Oui.Jesuisnouveauenville.GabrielsouritpolimenttandisquesesyeuxbrunsdérivaientversScarlet.—Ehbien,alors,bienvenueàAvalon.EtbienvenueauFestivaldesbaisers.HeathersemitsurlapointedespiedsetembrassaGabrielsurlesjoues.—Merci,ditGabrielenluirendantlesbaisersaussigracieusementqu’illesreçut.— Aimerais-tu te joindre à nous pendant que nous allons voir la course de relais des baisers ?

demandaHeather, qui se frottait lesmains comme si les gens en sueur qui s’embrassaient entre deuxsprintsn’étaientpasdégoûtants.Gabrielhésita.—Tudevraisvenir,ditScarlet.Jepourraisvomir.Çaseraamusant.QuelquechoseenGabrielétait…chouette.Ellevoulaitqu’ilrestedanslesparagesetqu’ellecontinue

àparlerdesavoixfamilière.

Ilsourit.—Mêmesij’adoreraisteregardervomir,jenepeuxpas.Jedoisyaller.Scarlethochalatêteetessayadegardersonsourirepournepasmontrersadéception.Heatherdit:—Seras-tuicidemainsoir?—Euh…GabrielregardaScarlet,clignadesyeuxetdit:—Oui.Oui,j’yserai.—Fantastique!Nousvousverronsdemainalors.Heatherl’embrassadenouveausurlesjouespourluidireaurevoir.—Cefutunplaisirdeterencontrer,Heather,ditGabriel.IlregardaScarletuninstantetsourit.—Aurevoir,ScarletJacobs.—Aurevoir,dit-elleavecautantdedésinvolturequepossible,mêmesielleavaitenviedecrier:«Ne

parspas!Tumefaismesentirnormale!»GabrielsouritunedernièrefoisavantqueHeathersetourneversScarlet,laboucheàmoitiébéante.—OMG,Scarlet,«whattheheck»?Heatherparlaitenmessagestextes.IlavaitfallulongtempsàScarletpours’yhabituer—surtoutparce

queScarletavaitdûapprendrelejargondestextosafindedéchiffrerlesconversationsavecHeather.Biensûr,Scarlets’étaitréveilléedanslesboisenconnaissantparfaitementl’espagnol…mais«LOL»

?Rien.—Queveux-tudire?demandaScarletenravalantlesouvenirdesalimonaderosedansunsoupir.Gabrielétaitparti,etaveclui,lesentimentdenormalité,dontScarletavaitpubrièvementprofiter.—Euh…Allo?UngarçonsexydiscuteavectoiauFestivaldesbaisers?Oùl’as-tudéniché?—Déniché?Cen’estpasuncadeaudansuneboîtedecéréales,Heather.—Non,maisoh!Commeçaseraitgénial!OnouvreuneboîtedeTrixetpaf!Onenressortungarçon

sexy!Jemangerais tellementplusdecéréales. Il estmagnifique ! Jeveuxdire,commeunmagnifiquedieugrec!Commentl’as-turencontré?—Ils’estsimplementapprochéetacommencéàmeparlerpendantquej’attendaisquetuenfinisses

avecleskiosquesdebaisers.Commentças’estpasséaufait?—Çavalaitchaquesou,ditHeatherenrejetantsescheveuxenarrière.Dis-m’enplussurceGabriel.Ellespassèrentdevantunkiosquedepastillesàlamenthe.—Ils’appelleGabrielArcher.IlvientdeNewYork.Etiln’aimepaslesserpents.Heatherhaussalessourcilsetattenditautrechose.—C’esttout?C’esttoutcequetuassu?—Ehbien,àpeuprès.Cen’étaitpasuninterrogatoire.Nousavonsjuste…parlé.—Vousêtes-vousembrassés?

—Non,ditScarlet.—C’estnul.—Jesais.—Demain,ditHeather.Demain,jevaism’assurerquevousvousembrassiez.Etjem’occuperaiaussi

detatenue.Onnepeutclairementpastefaireconfiancepourt’habillerseule.Scarletbaissalesyeuxverssachemiseverteetditnaïvement:—Quoi?Tun’aimespasmachemiseverte?—Cen’estpasunechemise,c’estunrideau.Turessemblesàdesrideauxmochesdesannées70.Mais

net’inquiètepas!Demain,jevaism’assurerquetuaiesl’airéblouissante.Maintenant…Heathercommençaparluiadresserunsourireencoin.—…allonsvoirlesadultescouriretsepasserlesrelaisdesalive.Merveilleux.C’estpartipourlesvomissements!Scarletfeignitunhaut-le-cœur,maissuivitquandmêmesonamieàtraverslafoule.Quelque chose lors de sa rencontre avecGabriel avait mis Scarlet demeilleure humeur. Elle était

presquesurlepointdeneplusdétesterlefestival.Presque.Aumomentoùellesquittèrent leparcgazonné,Scarletaperçutdenouveausonmystérieuxgarçonen

noir.Ilétaitplusloincettefois,maiselledevinaitqu’illaregardaittoujours.LecœurdeScarletsemitdenouveauàbattrelachamade.Sonesprits’éveillaencoreunefoisdevantl’espoird’unsouvenirretrouvé.Elle ralentit le pas pour le regarder plus clairement,mais un groupe de gens passa devant elle, lui

bloquantlavue.Quandlafoulefutdissipée,ilétaitintrouvable.Scarlets’efforçadeparcourir leparcduregardaussi loinqu’elle lepouvait,maisne trouvarien. Il

avaitétélàunmomentdonnéetavaitdisparulemomentsuivant.Toutcommesamémoire.

1.N.d.T.:rougeàlèvresenformedecrayon.2.N.d.T.:Mispour«OhmyGod»(MonDieu!).

2

La douleur familière se réintroduisit progressivement dans les veines deTristan alors qu’il quittait lefestivalenvoiture.Qu’ilquittaitScarlet.Auxprisesavecladouleurchroniquedontilsouffraitensonabsence,iltirasurlecoldesonT-shirt

noir.Cesoiravaitétéunaccident:voirScarlet…lasentirsiprochedelui.S’ilavaitsuqu’elleseraitàla

fête,iln’yseraitjamaisallé.Ils’étaitpresquehabituéàladouleurquiravageaitsoncorpsensonabsence;ilavaitpresqueapprisà

vivreaveccemal.Maiscettesoiréeavaitdétruittoutespoirqu’ilavaitdeconnaîtrelapaixsanselle.TristansefrictionnalanuquetoutenregardantdesesyeuxvertslarouteobscuredeGéorgiedevantlui.Ilyalongtemps,ilavaitétécondamnéàunsentimentdedésespoir.Undésespoircontinu,implacable.Il avait émergé de son cœur il y a deux ans, puis s’en était pris à son âme et lui avait asséché les

entraillesavecunsentimentdebesoin.Unbesoinsiimpossible,sidévorantqu’ilnepouvaitpaslenier.Etilnepouvaitpaslefairetaire.Lesondesonâme,quiréclamaitScarlet,étaitassourdissant.Ilyadeuxans,lessommationsavaientcommencécommeunmurmure:doux,légeretdiscret.Maisaufildutemps,ils’étaitintensifiéencri:desrâlementsavidesquirésonnaientsansrépitdanssa

poitrine.C’étaitlebruitducœurdeScarlet,vivantetéveillé,battantrégulièrementdanssapoitrineetrésonnant

danslesien.Lehantant.Commeunappel.Unedemandeimpitoyabledelatrouver—d’êtreavecelle.Ilavaitessayéd’ignorercetteforcesurnaturelle.Ilavaitessayédefeindrequesonâmenehurlaitpasà

causedelaséparation.Ilavaitrésistéaucripendantdesannées.Etilavaitfaillilerendrefou.LecriducœurdeScarletquil’appelait,lesuppliait.Commeill’avaittoujoursfait.Etilavaitcraquéetavaitrépondu.Commeillefaisaittoujours.IlétaitvenuàAvalon.Assezprèspoursoulagerlafièvre.Assezprèspourcalmersoncœurhurlant.Maisassezéloignépourpréserversasantémentale.Jusqu’àcesoir-là.

SaproximitéaccidentelleavecScarletaufestivalavaitadoucisontourment,maisl’avaitremplid’undésirqu’ilnepouvaitpassatisfaire.Ildevaitseteniràl’écart.Loin.Tristan fonça dans les bois épais en périphérie d’Avalon et se dirigea vers le grand chalet qu’il

partageaitavecsonfrère.AprèsavoirvuGabrielparleràScarletcesoir-là,Tristanétaitfurieux.Iltournadansl’alléeduchaletetsegara.Juranttoutbas,ilsortitdelavoitureetentra.Lechaletétaitérigésurhuithectaresdeforêtetavaitunétageprincipal,unsous-soletunétageenhaut.

Le rez-de-chaussée se composait d’une cuisine, d’un salon, d’une pièce de détente et d’un bureau.Lepremierétageetlesous-solavaientunagencementidentique:chacunavecunsalon,unesuiteparentaleetunechambred’amis.LepremierétageappartenaitàGabrieletlesous-sol,àTristan.Ilsn’aimaientpasvivreensemble,maisc’étaitnécessaire.Pourl’instant.Tristans’étiralecou.Maintenant qu’il était à des kilomètres de Scarlet, sa douleur physique s’intensifiait : le souvenir

constantqu’ilétait,etseraittoujours,sanselle.Aprèsavoirclaquélaportederrièrelui,Tristantrouvasonfrèredanslesalon.—Àquoias-tupensé?Gabriel,quiétaitàlarecherchedelatélécommandesouslescoussinsducanapé,levalesyeuxvers

sonfrère.—Dequoiparles-tu?—TuasparléàScarletcesoir!Tutemoquesdemoi?Tristanessayadesecalmer,maisilétaittropanxieuxpourbaisserleton.—Quoi,tum’espionnesmaintenant?Gabrielseremitàchercher.—C’estlouche.—Tuasfichuleplanenl’air,Gabe.Tristanbraquasesyeuxvertssursonfrère.—Tuasacceptédenepaslarencontreravantquelamalédictionsoitrompue.Lamalédictionest-elle

rompue?Non.Ilsemitàarpenterlesalon,lapeuretlanervositésemêlantàl’intérieurdelui.Voilàqueçarecommençait.Ladouleur…lafêlure…lamort…C’étaitledébutdelafin.

Gabrielrouladesyeux.—Ouais,ehbien,jenemesentaispasd’attendreencoredesannéespendantquetuessayaisderompre

lamalédiction.Tonplan—quiestcomplètementpourri,detoutefaçon—nefonctionnepas.—Monplann’estpaspourri.Ilestnécessaire.Etilfonctionnera.Abandonnantsarecherchedelatélécommande,Gabrielseleva.—Tonplanestcomplètementpourri.Tuessaiesdetuerquelqu’un.Tristanarrêtademarcher.—J’essaiedesauverlaviedeScarlet.Nousn’avonspasd’autrechoix.—Si,ilyaunautremoyen.Tristanrouladesyeux.—Nousn’avonspasletempsdecouriraprèsunelégende,Gabe.Àcausedelamalédiction,Scarletva

mourir.Ildéglutit,tempérantl’émotionquerevêtaitsavoix.—Monplanestleseulmoyendelasauver.Gabriellevasesmainsenl’air.—Tonplanconsisteàtuerquelqu’un.—Cen’estpascommesijetuaisungentilagneau.—Ehbien,commentpourrais-jelesavoir?Gabrielhaussalesépaules.—Tunet’espasvraimentmontrécommunicatifsurl’identitédetavictime.Toutcequejesais,c’est

quetuchassesunegentillevieilledame.Tristanrouladenouveaudesyeuxetcroisasesbrassursapoitrine.—Jenetuepaslesvieillesdames.—C’estunmeurtre.—Cen’estpasunmeurtre.JeparlesimplementdeprendreuneviepourqueScarletpuissegarderla

sienne.Ditcommeça,çasemblaitmal.MaisTristanferaittoutpoursauverScarlet.N’importequoi.—Ouais,ehbien…çanerendpaslachosemoinsimmorale.Gabrielseremitàlarecherchedelatélécommandetandisquelesilencetombaitentreeux.Tristansoufflaetdécroisasesbras.Ilavaitbesoindeplusdetempspourexécutersonplanetbriserlamalédiction.EtilavaitbesoinqueGabrielresteloindeScarlet.Tristansefrictionnalanuque.—Tuasétéimprudentcesoir,Gabe.Scarletauraitpuserappelerquitues.Elleauraitpuserappeler

quijesuis.

—Çan’apasétélecas.Gabrielhaussalesépaules.—Maisellelefera.Le cœur de Tristan se mit à battre de peur. Si Scarlet se souvenait de lui… si elle venait à le

chercher…Non,ilnepouvaitpaslaissercelaseproduire.—Tunedoispaslarevoir,ditTristanenespérantqueGabrielaccepte.Ilnelefitpas.—Ouais,exact.Gabrieltrouvalatélécommandeetlaposasurunetablebasse.—J’aiattendudeuxanspour«rencontrer»Scarlet.Jenevaispasdisparaîtredesaviemaintenant.Tristanprituneprofonderespiration.—S’ilteplaît?Était-ceàcelaqu’ilavaitétéréduit?Àsupplier?Avait-ilsipeurqueScarletsesouviennedelui?Lebruitdel’horlogesurlemurrésonnadanslesilence.Tic…tac…tic…Oui.Ilavaitpeur.—Non,ditGabrielensecouantlatête.J’aibesoind’elle,Tristan.—Moiaussi,Gabe.Maistunem’aspasvuluicouriraprès.—Mais…jel’aime,ditGabrielentournantsespaumesverslecield’unairimpuissant.Tristansoupirafortement.IlnevoulaitpascroirequeGabrielaimaitScarlet.IlcroyaitplutôtquecequeGabrielressentaitpour

Scarletn’étaitqu’unpetitbéguin.Maisilétaitplusavisé.Cequinefaisaitquerendresontourmentplusprofond.Tristansecoualatête.—Siturestesdanssavie,ellesesouviendradetout.—Etalors?—Etalors?Gabe!Scarletnepeutpassavoirpourmoi…nimerencontrer.C’esttroprisqué.Gabrielrouladesyeux.—Ellenevapasterencontrer.Arrêted’êtresidramatique.Etcessedemesuivrepartoutenville.Ça

faitbizarre.—Jenetesuispas,ditTristan.Jedevaisrencontrerunclientàlafêteetilsetrouvequejet’aivu.Gabrielhaussalessourcils.—Un«client»?Nevoudrais-tupasdireun«tueuràgages»?Tristanneréponditpas.

Il savait que Gabriel n’approuvait pas sesméthodes, mais il n’avait pas le temps de chercher desmoyensmoinsmacabrespourbriserlamalédiction.Scarletallaitmourir.Ildevaitsedépêcher.—Quelestleproblème?Gabrielagitalesmainsd’unairsarcastique.—LegrandméchantTristannepeutpascommettredemeurtretoutseul?Gabrielsecoualatêteetplissalesyeux.—Tuespitoyable.Tristanregardaleplafond,frustré.—Jecomprendsquetuaiesundilemmemoralavecmonplan,maisn’agispasdemanièresivertueuse.IlregardaGabrieletajouta:—Jefaisjustecequetun’espasassezcourageuxpourfairetoi-même.Gabrielfitunegrimacededégoût.—Lemeurtreneterendpascourageux,Tristan.Ilterenddésespéré.Tristanserenfrogna.«Jesuisdésespéré.»Ilavaitdésespérémentbesoind’êtreàl’abridelatourmentequidéchiraitsonâmejouraprèsjour,à

prierpourScarlet.Ilavaitdésespérémentbesoindepaix.Gabrielsecoualatête.—Tuesdésespéréettuessanscœur.Tristanritdoucement,soncœurtouchéparl’ironiedesparolesdeGabriel.—Siseulement!Peut-êtrequesiTristann’avaitpasdecœur,ladouleuretlanostalgiequil’empoisonnaientneseraient

pastoutàfaitaussiinsupportables.Peut-êtreques’iln’avaitpasdecœur,ilpourraitdormirlanuit.MaisTristanavaituncœur.Uncœurquibattaitàcemoment-làdedouleur.ParcequeScarletétaitloin.Gabrielsecoualatête.—Peuimporte.Vas-yetmetsàexécutiontonplandiabolique.Maisnet’attendspasàcequejet’aide.Tristantorditseslèvres—Jamaisjenem’yattendrais.—Etnet’attendspasàcequejemeretiredelaviedeScarlet.Tristancessademarcheretcroisalesbras.—Quevas-tufaire,alors?Luimentir?—Jenesaispas.Maisjetrouverai.Disàtoncœurmalveillantdesedétendre.LevisagedeTristansecrispa.

Gabrielnesavait rienàproposducœurdeTristan,malveillantoupas.C’était lameilleure—et lapire—partiedeleurrelation.Tristansecoualatête.—Peu importe ce que tu fais, surtout ne la laisse pas savoir que tu as un frère. Je ne veux pas la

rencontrer.Gabrielhaussalesépaules.—Trèsbien.Ilallumalatélévisionets’assit.Tristansetournaetsedirigeaverslacuisine.GabrielverraitScarlet.Luiparlerait.L’aimerait…Çaarriverait.Tristannepourraitpasl’empêcher.Et,s’ilsesouciaitvraimentdeScarlet,ilnedevaitpasl’arrêter.Maiscelanerendaitpaslapenséedelessavoirréunismoinsdéchirante.Tristanregardafixementlesoltandisqu’unepartiedesoncœursebrisait.Soncœurbienréel,bienvivant.Ainsicommencel’histoire.

3

Lesamediaprès-midisuivant,Scarletsetenaitenculotteetsoutien-gorgedevantlemiroirdesasalledebain à se faireunegrimace tandisqueHeather farfouillait dans sonplacard.Heather avait demandé àScarletde«nepasbouger»jusqu’àcequ’elletrouvelatenueparfaite.Maisc’étaitilyadixminutes.—Tusaisquec’est leFestivaldesbaisers,pas leFestivaldunu,n’est-cepas?Jedoisporterdes

habits,Heather.Malgrélesoleilestivalquifiltraitparlafenêtredesachambre,Scarletfrissonnait.LavoixdeHeatherluiparvintfeutréedederrièrelesnombreuxhabitsqueLauraavaitachetésàScarlet

quandellel’avaitrecueillieautoutdébut.—Gardetonpantalon!Jevaisessayerdecréerunchef-d’œuvre!—Jeseraisplusqu’heureusedegardermonpantalon,mais,oh,c’estvrai,jeneporteaucunpantalon!LesyeuxparfaitementfardésdeHeatheretseslèvresbrillantesémergèrentdelapenderiedeScarlet.—Veux-tuavoirl’airsensationnelleouveux-turessembleràdesrideaux?—Jeveuxavoirchaud.Trouve-moiaumoinsunpeignoir,uneparka,unmanteaudevisonoun’importe

quoi.—Oh,chérie,jeneseraispassurprisedetrouverunmanteaudevisonici.Mêmequejeneseraispas

surprisedetrouverunvisonentierici.UnmomentdesilencepassatandisqueHeatherregardaitdanslesprofondeursduplacardridiculement

surdimensionnédeScarlet.Satêtedépassadenouveau.—Qu’est-cequ’unvisonde toute façon ?C’est commeune créature des bois ou quelque chose du

genre?ScarletlançaunregardimpatientàHeather.—Jen’ensaisabsolumentrien,maisjesupposequ’unvisonpourraitchoisirunetenuebienplusvite

quetoi.Heatherdisparutdenouveaudanslamaréedevêtementsetmarmonna:—J’endoute.Tuasplusdevêtementsquemoi.Ettoutmonsalairemesertuniquementàsubvenirà

meshabitudesd’achat.Heather travaillait auMillhouse, un salon de coiffure du coin, et se faisait une séance de «Allons

acheterdavantaged’habitsàHeather»chaquejourdepaie.Scarlet frissonna de nouveau et décida de s’attaquer elle-même à sa penderie et de trouver ses

vêtements.Elleavançaen trottinantvers laporteàdeuxbattantsde sonplacardet rentra littéralementdansHeather.—Hé!Retourneàtonmiroir!Heatheravaitlesmainspleinesdechemises,deshorts,deceinturesetd’un…maillotdebain?

ScarletexaminalebutindeHeather.—Jenevaispasporterdemaillotdebain.—Détends-toi.C’estpourmoi.Jetel’emprunte.—Ah,fitScarletenhochantlatête.Compris.—Ça,ditHeatherentendantàScarletunepairedeshortsenjeansetunT-shirtdélavébleupâle,c’est

pourtoi.J’aichoisibleupouralleravectesyeux.Tuasdesyeuxd’enfer.OK,lestylequ’onauracesoirseramignonetdécontracté.Scarletsourit.—Parfait.Tupeuxrentrercheztoi.Jesaiscommenttrouverdu«mignonetdécontracté».—Non,ditHeatherensecouantlatête.Non,tunesaispas.Tucroisquetupeuxfairedansle«mignon

etdécontracté»,maisjet’aivueessayeretçaajustefiniparfaire…Heathertapotasonmentonavecsononglebrillant.—Paresseux.Scarletmaugréa.—Jenem’habillepascommeuneparesseuse.Hier,j’aipassédixminutesàchoisirmeshabits.—Hiertuportaisunechemiseample.Scarletfronçaleslèvres.—C’estvrai!Heatherrouladesyeux.—C’estpourçaquejedevraisêtreicichaquefoisquetudoist’habiller.Jeveuxdiretouslesmatins,

septjourssursept.Mêmesiunjourtunevasnullepart,jedevraisquandmêmesupervisertatenue.Scalerrittandisqu’elleenfilaitsesshortsconfortablesetsonT-shirtdécontracté.—OK,tuferasça.Heathers’affairadanslachambredeScarletàinstallerunespaceoùellepourraitmaquillersonamie.—Allez,assieds-toi.Nousavonsvingtminutespourterendreéblouissantepourledieugrec.—Jet’enprie,Gabrielneseraprobablementpaslà.Maiselleespéraittellementqu’ilysoit.Ellevoulaitréentendresavoix.—Ehbien,alors,jevaism’occuperdetefairebellepourn’importequelautredieugrecquipourrait

engagerlaconversationavectoipendantquej’embrasseraidesgarçons.Maintenant,assieds-toietsoissage.Scarletseprêtaaujeuets’assitenfacedeHeather,quiétaitmunied’unpinceaudemaquillage,d’une

palettedepoudresdetoutessortesetd’uneattitudepragmatique.Scarletessayadenepastousseroudereniflerlapoudretandisquesonamieenappliquaitsurtoutsonvisage,cequiluichatouillaitlenez.—Alors,ditHeather,quipassadelapoudreàl’ombreàpaupières,DonJuannet’adonnéaucundétail

sursaviehiersoir.Parconséquent,notreobjectifdecesoir,c’estdedécouvrirquiilest.Scarlet essaya de ne pas fermer les paupières quand Heather y donna de petits coups avec de

minusculespoilsdepinceau.

Heathercontinua:—NousdevonsconnaîtrelevraiGabriel…Tuasditquec’étaitquoisonnomdefamille?—Archer.—GabrielArcher?Heatherrouladesyeux.—Bonsang,mêmesonnomestsexy!ElledéplaçasamainversleslèvresdeScarletetsemitàluiordonnerdefairedeschosescomme«

DisAhhh»,«Faisuncercleavectabouche»et«Nesourispas».—SiGabrielArchersepointeauFestivaldesbaiserscesoir,j’aitouteunelistedequestionspourlui.

Àcommencerpar«As-tuunfrère?».Scarletrouladesyeux.—Tuessifolledesgarçons.—Etfièredel’être!HeatherterminaleslèvresdeScarletetsemitàébouriffersescheveuxnoirs.Quelquesminutesetbeaucoupdetiraillementsplustard,Heatheravaitfini.— Voilà ! Tu es magnifique. Tu es bien habillée et tu ne ressembles pas à un rideau. Mission

accomplie.Scarletseregardadanslemiroir.Lemaquillageétaitunpeutropchargé,maissescheveuxetsatenue

étaient…mignons.—Merci,Heather.—Quandtuveux,réponditHeather.Etquandjedis«quandtuveux»,cequejeveuxdire,c’esttoutle

temps.Commetouslesjours.Scarletsecoualatête.—Peuimporte,allons-y.Lesfillessedirigèrentverslecentre-villejusteaumomentoùlanuittombait.

4

Le deuxième soir du festival, Gabriel se tenait aux abords du parc à regarder Scarlet et Heatherapprocherdela«marchedesbaisers».La«marchedesbaisers»étaitenfaitunjeugéantdechaisesmusicales,maissansleschaises.Commela«marchedugâteau3»,maisàlaplacedugâteau,legagnantrecevaitdesbaisersgratuitsauxkiosquesdebaisers.Super!Bienqueleshabitantsd’Avalonétaientsympathiquesetsincères,Gabrieln’étaitpasparticulièrement

fou de la ville en tant que telle. C’était un endroit simple, pittoresque et tranquille, avec un taux decriminalitébasetuntauxdeparticipationauxévénementslocauxélevé—biensûr!—,maisc’étaitpetit.Gabrielpréféraitlesgrossesvilles,bruyantesetilluminées.Pasparcequ’ilavaitungoûtpourlechaos,

maisparcequ’ilavaitparcourulemondeetquelavietranquillen’étaitpassontruc.ScarletJacobs,toutefois,étaitsontruc.Grâceàlafouleinfiniequipassaitdevantlui,Gabrielfutcapablederegarderlesfillesàla«marche

desbaisers»pendantuneminutesansêtrerepéré.Heather,quiressemblaitàunepoupéeBarbiedesannées1950avecsescheveuxblondsenqueuede

chevaletsapairedeshortsminusculesrougesmoulants,semblaitdésireusedejouer;tandisqueScarletcroisaitlesbrasetsetenaitsurlecôté.LaScarlethabituelle.Sitêtue.Avec un sourire, Gabriel inspira et l’examina.Même après toutes ces années, elle continuait à lui

couperlesouffle.Était-ilunincorrigibleromantique?Peut-être.Illaissasonespritvagabonderjusqu’àunsouvenirquidataitdelongtemps,quandilétaitconstamment

entourédesonrireetdesagaieté.Uneépoqueoùelleletaquinaitetpassaitsesmainsdanssescheveux.Unemeilleureépoquequemaintenant.ScarletetTristanétaientaffectésparlamalédiction,maislamalédictionelle-mêmeétaitdirigéecontre

Gabriel.Ilétaitcondamnéàvivresansamour.Ilnepourraitjamaisaimerouêtreaiméparquelqu’und’autrequeScarlet.Cequineseraitpassimal

siellen’avaitpasétécondamnéeàmourir.Enfait,aimerScarletpourlerestedesaviefaisaitpenserauparadis.Siseulementilpouvaitlagardervivante…Lamalédictiondevaitêtrerompue.Bientôt.LeplandeTristanfonctionnerait-il?Probablementpas.

MaisGabrielallait-ilfaireobstacleàTristan?Non.Parcequ’auplusprofonddelui,Gabrielétaitreconnaissantdumanqued’humanitédeTristan.Situer

quelqu’unàlaplacedeScarletpouvaitvraimentdéfairelamalédiction,alorsGabrielétaitheureuxqueTristann’aitaucunscrupuleàprendreunevieinnocente.Gabriel,lui,avaitdesscrupules.Alors,pasdemeurtrepourlui.Il regarda Scarlet se mordre la lèvre tandis qu’elle regardait le parc autour d’elle. Elle était

incroyable.Faillible,attendrissanteet…ravissante.Toutenelleétaitfragileetparfait.IlavançadanslechampdevisiondeScarletetattenditqu’ellelevoie.Quandellecroisasonregard,

ellesourit.Elleétaitmagnifique.Ilsourittandisqu’ils’approchaitd’elle.—Salut.—Salut.Sesyeuxbleusétincelaient.—Jesuisheureusequetusoisvenu.—Moiaussi.Ilregardaversl’endroitoùHeatherdiscutaitaveclejugedela«marchedesbaisers».—Quesepasse-t-ilparlà-bas?— Ils ne veulent pas laisser Heather jouer parce que le jeu a déjà commencé. Elle essaie de

l’amadouer.—Mmh.Heathervintlesrejoindreaupasdecourse.—Ehbien!dit-elleàboutdesouffle.C’étaitinutile.Pasdebaisersgratuitspourmoi,apparemment.—Qu’est-cequeturacontes?demandaScarletenhaussantunsourcil.Lesgensdonnentdesbaisers

gratuitspartout.Tun’asqu’àembrasseruninconnu.— J’en ai fini d’embrasser des inconnus. Je veux embrasser des mecs sexy dans les kiosques de

baisers.HeatherregardaGabrieletluiadressaunsourireéclatant.—Bonjour,Gabriel.Jesuistrèsheureusedeterevoir.Ellesemitsurlapointedespiedsetl’embrassasurlesjoues.Gabrielluirenditsesbaisers,sentantsonparfumdevanille.—Oh!LesyeuxdeHeatherétincelèrent.

—Desgâteauxbaisers!Gabrielsuivitsonregardetrepéraunetenteblancheavecdesétoilesrougessuspenduesausommet.—Desgâteauxbaisers?répéta-t-ilenregardantScarlet.—Oui,cesontcommedespetitsgâteaux,maisaveclaformed’unebouche.—Etbienmeilleurs,ditHeather.Allonsenchercher.Gabrielsuivitlesfillesverslatenteetjetauncoupd’œilàScarlet.Elleétaitsipetiteetdélicate.Il

auraitvoulul’enlacer.Si seulement elle se souvenait de lui. Si seulement elle pouvait immédiatement se souvenir de tout.

Peut-êtrequ’alorsellesouriraitetrirait,etqu’ilspourraientvivreheureuxpourtoujoursoupeuimporte.Peut-êtreques’illuidisaitlavérité…GabrielréfléchitàexpliquersonhistoireàScarlet.Àluidonnertouslesfichusdétailsetàessayerde

mettredupositifdanstoutecettehistoiredemalédiction.Non.Ilferaitmieuxdelalaisservivreunjourdeplussansqu’ellesoitsousl’égidedelamortimminente.La

malédiction était cruelle et injuste, et Gabriel voulait la protéger de son destin aussi longtemps quepossible.Ilsatteignirentlatenteetilpritungâteaubaiserpourchacun.—Alors,Gabriel,commençaHeathertandisqu’ildistribuaitlesgâteaux.Scarletm’aditquetuvenais

deNewYork.Dequelquartier?IlcroquaunmorceaudegâteaubaiseretexaminalesosiedelablondeBarbietandisqu’ilavalaitsa

bouchée.—Lecentre-ville.—Àquoiressemblelecentre-ville?demandaScarlet.Gabrielsourit.— C’est bruyant. Une animation incessante et du bruit. Mais ça grouille d’activités et de gens

intéressants.Ilsepassetoujoursquelquechose.Onnes’yennuiejamais.Heathersoupira.—Çasemblemerveilleux.Scarletfronçasonadorablenez.—Çasembledonnermalàlatête.Gabriel rit. Scarlet n’avait jamais aimé les grandes villes. Elle avait toujours préféré les endroits

tranquillesoùletempspassaitlentement.DesendroitscommeAvalon.—Oui,dit-ilensouriantàScarlet.NewYorkneconvientpasàtoutlemonde.—Alors,pourquoias-tudéménagéici?demandaHeatherenprenantunebouchéedesongâteau.Gabriel prit un moment pour réfléchir. Il devait trouver une excuse plausible pour être à Avalon,

quelquechosepourlegardericijusqu’àcequelamalédictionsoitrompueetqu’ilpuissedirelavéritéà

Scarlet.—L’entreprisefamiliale.C’étaitunebonneréponse.Uneréponsesansdanger.—Vraiment?Dansquelgenred’entreprisetravailletafamille?Scarletleregardapar-dessusleglaçagedesongâteaubaiser.—L’histoire,dit-ilenhochantlatête.Insuffisant.—Juste,tusais,l’histoiregénérale.Ilauraitvraimentdûpenseràsapetitehistoireavantdevenircesoir.Ilnevoulaitpasavoirl’aird’un

idiot.Heatherhaussalessourcils.—Tafamilleauneentreprised’histoiregénérale?Ouah!C’est…vague.Ellesepinçaleslèvresetleregardaattentivement.—Pourrais-tupréciser?GabrielavaitlesentimentqueBarbieallaitêtreunproblème.—NefaispasattentionàHeather.Elleesttropcurieuse.ScarletrouladesyeuxavantdelestournerversGabriel.—Était-cedurdequitterNewYork?—Unpeu.J’aimelaville,leslumièresetl’effervescence.Maisj’étaistrèsheureuxdevenirici.Çava

mieux.—Alors,tunevaspasdonnerdeprécisionssurl’entreprisefamiliale?demandaHeather,quiplissa

les yeux. Est-ce que c’est, comme, des trucs d’import-export ? Êtes-vous des trafiquants de drogue ?Faites-vouspartiedelapègre?Oui,Barbieallaitassurémentêtreunproblème.—Heatherrrr.Scarletlançaunregardréprobateuràsonamie.—Impolie.—Euh,non,ditGabriel.Riendetoutça.Nousnefaisonsriend’illégalsic’estcequetuveuxsavoir.Dumoinspasencore.Tristanplanifiaitunmeurtre,alorslafamilleexemptedecrimesseraitbientôtternie.StupideetmaléfiqueTristanavecson«plan».—Mmhmmh.Heatherlefixaduregardcommesielleessayaitdejaugercombienilétaitdignedeconfiance.—Ehbien,j’espèresincèrementquenon.Danstonintérêt.Gabrielsourit.Heatherétaitunpeuagaçante,maisill’aimaitbien.

Ses questions étaient désagréables et elle allait probablement lui rendre difficile d’apprendre àconnaîtreScarlet,maisilappréciaitsonscepticisme.Elleétaitvive.EtprotectricepourScarlet.Unebonnechose.—OK, je crois que nous avons terminé d’interroger le nouveau, dit Scarlet en adressant un regard

mauvaisàHeatheretunsourired’excuseàGabriel.Heathersourit.—Exact.Complètement.Désoléepourça.Elleritlégèrement.—Uneautrequestion,toutdemême…Sonsourires’approfondit.—As-tudesfrères?—Pourquoi?Gabrielregrettaimmédiatementd’avoirrépondusivite.Ilauraitdûattendreunpeu.Ilauraitdûdiresimplementnon.Les yeux de Scarlet s’écarquillèrent tandis qu’elle donnait un coup de pied dans la chaussure de

Heather.—Sérieusement?HeatherignoraScarletetréponditàGabriel:—Euh…parcequejesuisàlarecherched’unbeaugarçonpourêtremoncadeaudeboîtedecéréales.

Alors…,tuenasun?Uncadeaudeboîtedecéréales?Gabrielclignadesyeuxàquelquesreprises.—Non,dit-il.Pasdefrères.Heatherl’examinauninstantavantdedire:—C’estdommage!— Mmh, dit Scarlet, qui finissait son gâteau baiser et épargnait à Gabriel le regard insistant de

Heather.Allonsfaireautrechose.Commen’importequoid’autre.Onpourraitregarderletournoidejeudelabouteille.Allons-y.ElletirasurlebrasdeHeather.—Çaserachouette.Toiaussi,Gabriel,viens.Elleluisourit.Iladoraitsonsourire.—Passezdevant.GabrielsuivitScarletetHeatherdansleparcjusqu’àcequ’ilpensaitêtreunezoneouverte.

Il avait besoin degagner la confiancedeScarlet. Plus vite elle se fierait à lui, plus vite tout seraitfacile.Lesyeuxbaissésversleurspiedstandisqu’ellesmarchaient,GabrielaperçutleschaussuresdeScarlet

etclignadesyeux.Ouplutôt,lescroquisqu’elleavaitdessinéssurledessusdeseschaussures.Lescroquisd’unsymbolequiressemblaitexactementà…Gabrielclignadesyeux.C’étaitimpossible.Pourquoi?Parmitoutesleschosesdesonpassé,pourquoiseserait-ellesouvenuedececi?Àmoinsque…Gabrielcalmasoncœur,quis’étaitemballé,etprituneprofonderespiration.Cen’était pas lemomentde s’inquiéterde lamémoire sélectivedeScarlet.Pour l’instant, il devait

s’inquiéterdefaireensortequeScarletl’aimebien.Ilprituneprofonderespirationtandisqu’ilsarrivaientàunendroitgazonnéoùavaitlieuuntournoide

jeudelabouteilleorganisécommeuntournoidepoker.Scarlethaussalessourcils.—Personnellement, je trouve troublant de regarder les personnes âgées parier sur qui embrasse le

mieuxàlatable.Gabrielregardalejeupendantunmomentavecunsourireencoin.—Quoi,tunetrouvespasçafascinantetsexy?Scarletrit.—Jetrouveçaaussisexyqueledentistederue.Gabrielritàsontour.Oh,cequ’elleluiavaitmanqué!Alors que le jeu se poursuivait, les concurrents fougueux devenaient de plus en plus amusants.Qui

avait besoin d’une téléréalité quand on pouvait aller au centre-ville et regarder deux vieilles damesconvoiterviolemmentunvétérandelaDeuxièmeGuerremondialenomméJimmy?Classique.Quandlejeufinit,touslestroispartirentensembledanslarueprincipale.Deslumièrespendaientaux

arbresetdesgenss’embrassaientpoursesaluertoutlelongdelaruependantquedelamusiquejouaitfortdepuislekiosqueàproximité.Heatherdiscutaitinlassablementdel’étéquitiraitàsafin,del’écolequicommenceraitbientôtetde

combienc’était«nul»etbla-bla-bla…Gabrielcommençaittoutjusteàneplusl’écouterquandelleditd’unevoixplusfortepours’adapterau

volumedelamusique:—Alors,GabrielArcher,quelâgeas-tu?Plusdequestions.Génial.—Dix-septans,répondit-il.—Vraiment?

Heatherhaussaunsourcil.—Tufaisplusvieux.Gabrielravalaunsoupir.FréquenterHeatherallaitassurémentdevenirunproblème.Elleétaittropcurieuse.Ettandisqu’ilétait

reconnaissantqu’elleinterrogelesgensquientraientdanslaviedeScarlet,ilnepouvaitpassepermettred’êtrel’und’eux.—Onmeleditsouvent.IlluiadressasonplusbeausourireetseretournaversScarlet.—Tuasététrèstranquille.LescheveuxnoirsdeScarleteffleurèrentsonpetitvisagetandisqu’elleesquissaitunsourire.—Vraiment?Jesupposequec’étaitsimplementtropbruyant.CefutlàqueGabrieldécidaspontanémentdeluidemanderdesortiraveclui.C’étaitrisqué.Ilyavaitunepossibilitéqu’ellerefuse.Cequiseraitnul.MaisGabrielavaitattendulongtempspourrevenirdanslaviedeScarletetilnevoulaitpasvivreune

minutedeplussanselle.«Joue-lacool,nel’effraiepas.»—Ehbien…Gabrielavalasasaliveetessayad’avoirl’airaussiinsouciantquepossible.—Peut-être que toi etmoi, on pourrait sortir ensemble des fois…quelque part où ce seraitmoins

bruyant.Illuiadressasonsourireleplussincèreetretintsonsouffle.—Tusais,justenousdeux.Gabrielregrettaimmédiatementsadécisionaudacieuse.C’étaitbizarre.Ellenesesouvenaitpasdelui.Elleneleconnaissaitpas.Elleallaitprobablementrefuser,etensuite,oùenserait-il?Condamnéàvivresansamour,voilà.«Mauvaiseidée,Gabe.»Lentement,silentementqueGabrielpensaqu’ilallaitsuffoquer,Scarletréponditavecunsourire:—Oui.Ceseraitsympa.Lesoulagementl’envahit.—Demainsoir,alors?Scarletleregardaavecsesbeauxyeuxetsourit.—Entendu.Ilsourit.Leschosesallaientêtredifférentescettefois.

Mieux.Formidables.Toutcequ’ilavaitàfairemaintenant,c’étaitdetrouverunmoyendegarderScarletenvie.

3.N.d.T.:référenceau«cake-walk»,dansesousformedemarchenéeparmilesNoirsdeVirginie.Lescolonsblancsrécompensaientlesmeilleursdanseursavecungâteau.

5

Tristanfixaitsesyeuxvertssursaplusrécenteacquisitiondanslalumièretamiséedelapiècededétente.Ilretournalalameanciennedanssamain,lapoignéeornéepesantlourddanssapaume.Lalonguelamebrillaitdanslafaiblelueurdelapiècealorsqu’ilcontinuaitàlaretourner.Ilavaitpassédesannéesàcherchercettedague.Unedaguecenséeavoiruneénergiemagique.Oudespouvoirsmystiques.Ouvaudousouautres.Tristan n’en était pas certain. Mais il ne se préoccupait pas du genre de pouvoirs que la dague

possédaitpourvuqu’elleprennelaviequ’ilessayaitderavir.Uneviequis’avéraitbienplusobstinéeàvouloirvivrequ’ilnel’avaitpensé.Ilastiquasoigneusementl’épéetoutenrevoyantsonpland’exécutiondanssatête.Ilyavaittantdedétailsenjeuquandils’agissaitdecommettreunmeurtre,tantdechosesàrégler.Tuer

impliquaituneplanificationsoignée,delapatience,etpar-dessustout,delaténacité.Ilnepouvaitpasabandonner.Peu importecombiensamissionétaithorribleet impardonnable, ilne

pouvaitpass’arrêter.Lamalédictiondevaitfinir.Il terminadel’astiqueretfituneplacesurlemurdusaloncôtéouestpourladagueparmilesautres

armes.Lemur,quimesuraitdixmètresdelongetcinqmètresdehaut,étaitcouvertdusolauplafondavecun

arsenal qui datait des cinq derniers siècles. Les armes allaient desmatraques les plus primitives auxpoignardslesplusmodernes.Maisaucunpistolet.C’étaitunepréférencepersonnellequelesfrèrespartageaient.Unedesquelques-unes.Tristan accrocha la dague et recula pour voir la collection d’armes. Il essayait de rompre la

malédictiondepuisprèsdedeuxans.Ilavaitutilisépresquechaquearmequ’ilpossédaitpoursaquêteviolenteettoutesl’avaientfaitéchouer.Avecunpeudechance,ceneseraitpaslecasdeladague.Tristansoupiratandisqu’ilsortaitdelapiècededétentepourentrerdanslegrandbureaumitoyen.Ilse

dirigeaverslefonddelapièceets’assitderrièrelegrandbureauenacajou.Ilcliquasurl’ordinateur.Puis il se frotta la nuque alors qu’il se préparait à commencer ses recherches sur Internet. Voici

quelquesmois,ilavaitdécouvertquelameilleurefaçonderéalisersamissionétaitd’engageruntueuràgages.Pasparcequ’ilaimaitinclured’autrespersonnesdanssatâchemacabre,maisparcequ’ilnepouvait

simplementpasyparvenirseul.Ilavaitessayé—etéchoué—tropsouvent.

Etletempsétaitprimordial.Sonordinateur s’allumaet l’avisaqu’unnouveaumessage l’attendaitdanssaboîtedecourriels,une

réponseferventeenprovenanced’undesassassinsqu’ilavaittrouvés.C’étaitincroyablecequ’onpouvaittrouversurCraigslist4.Lemessagecontenaituneheureetunendroitpour se rencontrerde sortequ’ilspuissent effectuer le

paiement.LagorgedeTristanétaitenfeu.Ilétaitplusfacilequ’ilnel’auraitjamaisimaginédetrouverquelqu’un

qui acceptait de tuer pour de l’argent. Et, bien qu’il était dégoûté par les canailles qui s’étaientempresséesderépondreàsademandeenligne,ilétaitreconnaissant.Parcequ’ilnepouvaitpaslefairesansaide.Peut-êtrequecettefois,çafonctionnerait.Peut-êtrequecettefois,ilyauraituncadavre,uneâmevide.

Une chance pour Scarlet d’exister vraiment, et pour Tristan, d’être définitivement libéré de lamalédiction.Tristanréponditaucourrieldel’assassin.

J’yserai.

Ilfermal’écrandel’ordinateuretparcourutlebureaudesyeux,espérantquetoutseraitbientôtfini.4.N.d.T.:siteWebaméricaindepetitesannonces.

6

Lelendemainmatin,ScarletseréveillaausonstridentdelavoixbientropguillerettedeHeather,cequiétaitmieuxquedeseréveillerseuledanslaforêt,maispastantqueça.—Deboutlà-dedans,paresseuse!Avantmêmed’ouvrirlesyeux,ScarletdevinaitqueHeathersouriait.—Va-t’en,marmonna-t-elle.—Impossible,beautéendormie.Nousavonsdeschosesàfaireaujourd’hui.Allez,debout!Scarletentrouvritunœil.—Es-tusérieusemententraindemeréveillerunsamedimatin?Enété?—C’estpourtonbien.Scarletseretournaetrefermalesyeux.—Jerenienotreamitié.Tuesmortepourmoi.Heatherseprécipitadel’autrecôtédugrandlitdeScarletets’assitsurlebord.—Mortedanslegenresympa?Commeunefillezombiesexy?IgnorantlablaguedeHeather,Scarletmitlatêtedanssonoreiller.—Etd’abord,quit’alaisséerentrerchezmoi?—Laura.Traitresse.—Toiaussituesmortepourmoi.Heathers’approchadeScarlet.—Maisj’aiapportéducaféduMillhouse.LemeilleurcafédeGéorgie.Heathercontinuadesavoixjoyeuse:—Est-cequ’unzombiet’apporteraituncafé?Probablementpas.Parcequeleszombiesnesontpas

trèsattentionnés.Ilsessaienttoujoursdemangernoscerveauxettout.Scarletouvritunœil,regardalegobeletduMillhousedanslamaindeHeatheretrenifla.—Tueslediableincarné.Elleseredressalentementetpritlecafédanssesmains.—C’est ceque jedisais.Une fille zombie sexyetmaléfique. Je croisque jeviensde trouvermon

costumed’Halloween.Heatherhaussalessourcils.Scarletpritunegorgéedecafémoka,émitun«mmh»etregardaHeather.—Alors,pourquoies-tuiciàcetteheureindue?HeatherregardaleréveilàcôtédulitdeScarlet.—Ilest11h,Scarlet.

—C’estlematin,bonsang.Etc’estl’été.Tuferaismieuxd’avoirunebonneraisondeperturbermonsommeil.—C’estlecas.Aujourd’hui,toietmoiallonsfairelesboutiques.—Pourquoi?Cen’estpaslejourdepaie.—Pourquoi?Heathersemblaitperplexe.—Parcequenousdevons te trouverquelque chosede fabuleux àporter pour ton rendez-vous avec

Gabrielcesoir.Scarletprituneautregorgée.—Cen’estpasunrendez-vous.—C’esttellementunrendez-vous.Scarletsecoualatête.—Nousnefaisonsque…tusais,sortir.—Ouais,vousnefaitesquesortir.Touslesdeux.Seuls.Vousallezaucinéma.Vousmangezensemble.

Vous allez au Festival des baisers. Ouais, rien de tout ça n’a l’air romantique ni ne ressemble à desrendez-vous,riendutout.Scarlethaussalessourcils,maisneréponditpas.C’étaitunrendez-vous.Scarletlesavait.Ilyadeuxjours,ellenevoulaitsortiravecpersonne.MaisquelquechoseàproposdeGabriell’avait

complètementfaitchangerd’avis.Peut-êtreétait-celamanièredontillaregardait.Peut-êtreétait-cesavoixfamilière…Pourquoisavoixluisemblait-ellesifamilière,alorsqueriend’autreenluinedéclenchaitdesouvenirs

?Heathercontinua:—EtmêmesijecroisqueGabrielestpleindesecrets,jecontinueraiàt’aiderpourtesrendez-vous

aveclui.Essentiellementparcequetudoistefaireembrasser.Danslegenre,intense.—Gabrieln’estpaspleindesecrets.Alorsmêmequ’elledisaitcela,unesonnetted’alarmeretentitdanslatêtedeScarlet.Unealarmeque

ScarletréprimaaveclessouvenirsdesadorablesfossettesdeGabrieletdesesyeuxd’unbrunprofond.—Euh,si.Ilétaittrèshésitantetsursesgardesl’autresoirquandiladonnédevaguesinformationssur

savie.Ilcacheassurémentquelquechose.—Le simple fait qu’il neveuillepaspartager l’histoirede savie avecnousneveutpasdirequ’il

cachequelquechose.Scarletpritunegorgéedecafé.Heatherréfléchitunmomentetsecoualatête.

—Non.Non, c’est plus que ça. Je peux le sentir. Il cache…quelque chose.C’est simplement quej’ignorequoi.L’alarmehurladenouveaudanslatêtedeScarlet.Tais-toi,alarme.Scarletroulavolontairementdesyeux.—Nepourrais-tupasm’aidercommeunemeilleureamienormaleetsimplementdire:«Oh,Gabriel

estsibeauettudevraisvraimentl’épouseretavoirdestasdebébésdieuxgrecsaveclui?»—Oh,tudevraisvraiment.Touslesdeux,vousauriezàcoupsûrdesbébésdieuxgrecs,ditHeather.

Etjevaist’aider.Jet’emmènefairelesboutiques.—Àl’aube.—Tuveuxdireàmidi?Oui,c’estmoi.Moiquiteréveilleavantlecoucherdusoleil.Quepourrais-je

dire?Jesuisunzombiemaléfique.Scarletbâilla.—Tuasdelachancequejet’aime.—Eneffet.Bon,ditHeather,quiselevadulitetarrangeasarobed’été,nousavonsdixminutesavant

d’aller faire les boutiques. Habille-toi. Et quand je dis « Habille-toi », je veux dire : « Laisse-moichoisirteshabits».Heather disparut dans la penderie de son amie tandis que Scarlet déposait son gobelet de café et

retournaitseréfugiersouslesdraps.

7

PrêtpoursasoiréeavecScarlet,Gabriel sifflaitendescendant l’escalier.Aussi idiotqueceluipuisseparaître,sespaumesétaienthumides.Pasdenervosité,maisd’excitation.LapenséederevenirdanslaviedeScarletlerendaitincroyablementheureux.Tristan,vêtutoutennoiravecunlongpoignarddanslamain,sortaitdusalonquandGabrielarrivaau

rez-de-chaussée.Gabrielcessadesifflerets’arrêta.—Jet’enprie,dis-moiquetuparspouruncongrèssurlesninjas.—Non.Tristann’établitpasdecontactvisuelquandilpassadevantsonfrèrepourentrerdanslacuisine.Gabriellesuivit.—Alors,pourquoies-tuhabilléenninja?Danslacuisine,Tristansepréparaducafé.—Jenesuispashabilléenninja.—Pantalonsnoirs,chemisenoire…arme…?Laparfaitetenueninja.Tristanhaussalesépaules.—Etpourquoifais-tuducafélesoir?Gabrielregardasonfrèreuninstantavantdecomprendresubitement.—Bonsang,vas-tutuerquelqu’uncettenuit?—Avecunpeudechance,ditTristan,quiposal’épéeetpritunetasseàcafé.Gabrielgrommela.Sonfrère,unassassin.Çanesemblaitpasréel.AppropriéétantdonnélapersonnalitésombreetamèredeTristan,maispasréel.Maisqu’allaitfaireGabriel?L’arrêter?Non.SiTristanrompaitlamalédiction,Scarletvivraitetc’estcequeGabrielvoulaitvraiment.Ce qu’il nevoulaitpas, c’était que son frère fou taillade les habitants de la ville pendant que lui

essayaitdepasserdubontempsavecScarlet.—Allons,Tristan.Çanepourraitpasattendreunjouroudeux?Commentsuis-jecensémedétendre

pourmonrendez-vousavecScarletdecesoirsijesaisquetut’apprêtesàjouerlesassassinsninjasenville?—Oh,jesuisdésolé.Jedétesteruinertesrendez-vousavecmonplangênantquiconsisteàessayerde

sauverlaviedeScarlet.—Ets’ilnefonctionnepas?Etsitutuescepauvretypeetqueriennechange?—Çavafonctionner.

—Commentlesais-tu?—ParcequeNatel’adit.Gabrielrouladesyeux.—Nateestfou.NathanielFletcherétaitleurplusvieilamietilétaitenquelquesorteexpertenmalédictions.Ilessayait

d’aideràrésoudrelessortsdepuisdesannées.Sansrésultats.—Natenesaitpasdequoiilparle,Tristan.Ilspécule.—Non,c’estfaux.Sijeréussiscesoir,lamalédictionserarompueetScarletvivra.Tristansemblaitdécontracté.Commesimettrefinàunevien’étaitpasgrave.Gabrielsecoualatête.—Cequetufaisestmal.Tristanseversauncaféetpritunegorgée.—Peut-être.Maisçaenvautlapeine.Ildéposasatasse.—Jen’arrêteraipastantqueceneserapasfini,Gabe.Ilfautqueçaarrête…pournoustous.Gabrielrestabouchebée.Iln’aimaitpassondévouementàtoutecetteaffairede«meurtre».Bienque…Tous les trois souffraient de la malédiction depuis longtemps, et une solution— n’importe quelle

solution—semblaitattrayante.Tristanfinitsoncaféetsepréparaàquitterlacuisine.Maisd’abord,ilpritlepoignardsurlecomptoir

etl’attachadanssondos.Super!Gabrielhaussaunsourcil.—Vas-tusérieusementsortiravecunedagueattachéedansledos?Tupourraisaussibienporterun

panneauquidirait«Regardez-moi,jesuisunassassin».—Jesaisqueçaal’airbizarre,maisjedoisprendreladague.Gabrielfitunsourirenarquois.—Ehbien, jenepaierai pas la cautionpour te faire sortir deprisonquand tu te feras arrêterpour

excèsdevitesseetque tudevrasexpliquerpourquoi tuasuncouteaumédiévaldans ledoscommeunpsychopathe.Tristanhaussalesépaules.—Avecdelachance,tun’auraspasàlefaire.—Tuesfou,ditGabriel.—L’undenousdoit l’être,ditTristan tandisqu’ilprenaitsesclésetsedirigeaitvers laportepour

sortir.—Jetehais,luicriaGabrielsansconvictionquandTristansortit.

Avantquelaportesereferme,GabrielentenditTristanhurleràsontour:—Moiaussi!Gabrielserralespoingstandisqu’ilrestaitdanslacuisine.Toutcequ’ilvoulait,c’étaitsedétendrecesoiravecScarlet.Uneoccasiond’apprendreàlaconnaître

denouveauetdesefaireconnaîtred’elledenouveau.Commentétait-ilcensésedétendrequandsonfrèreétaitdehorsàtailladerquelqu’unenmorceauxavecunearmebarbare?

8

Lerendez-vousdeScarletavecGabrielsedéroulaitbien.Enpartieparcequeledîneravaitétédélicieuxetquelefilmqu’ilsavaientvuavaitétédrôle.MaissurtoutparcequeGabrielmettaitmystérieusementScarletàl’aiseavecsaprésence.Etsavoix.Il lui posait des questions et écoutait ses réponses. Il opinait quand elle parlait des choses qu’elle

aimait,commes’ilcomprenaitsesréponsesets’yattendait.Ilfaisaitdesplaisanteriesetlafaisaitrire.Etillaregardait.Illaregardaitvraiment.Commesielleétaitquelquechosequ’ilchérissait.Scarletnes’étaitjamaissentiesiprécieuse.Elle n’était pas nerveuse, ni anxieuse, ni peu sûre d’elle avec lui. Elle n’était pas étourdie ou trop

exubéranteàchacundesesmots.Elleétaitsimplement…normale.Etelleensavouraitchaqueminute.Quand elle était près de Gabriel, Scarlet oubliait son passé mystérieux et les questions qui la

consumaient.Ilétaitcommemagiqueetelleavaitbesoindemagie.Aprèslefilm,ilsavaientmarchéensembledanslarueprincipalepourregarderlafinduFestivaldes

baisers,soitsimplementuneparadesuiviedefeuxd’artifice.—Alors,parle-moidetafamille,ditGabrieltandisqu’ilpayaitdeuxcornetsdeglaceàladamequi

vendaitégalementdessucettesenformedelèvres.Scarletpritunebouchéedeglacependantqu’elleréfléchissaitàsaréponse.Elleavaitdeuxchoix.Elle

pouvaitmentiretagircommesisaviedefamilleétaittoutàfaitnormale:«J’aideuxparentsmerveilleuxquim’inondentd’amour.Nousnousasseyonsaupianotouslessoirset

chantonsdeschansonsensembleavantdefairedesbiscuitsàpartirderien.»Ouellepouvaitdirelavérité:«Sij’aiunefamille,ellem’aabandonnéedanslesboisilyaquelquesannées.»Lemensongeétait toujoursplussûr,maisparcequeGabriel la faisaitsesentirà l’aise,Scarletopta

pourlavérité.—Jen’aipasvraimentdefamille,maisj’aiquelqu’undesuperquis’occupedemoi.IlluisemblaitappropriédeseconfieràGabriel.Logiquement, il était absurde de s’ouvrir à un garçon qui était pratiquement un étranger.Mais son

instinctluidisaitqu’ellepouvaitluifaireconfiance.Etl’instinctétaittoutcequ’elleavait.—Tuasunetutrice?C’estchouette.Parle-moid’elle.Gabrielpritunebouchéedesaglace.PourquoiGabrielprésumait-ilquec’étaitunefemme?

Connaissait-ilLaura?UnealarmesedéclenchadenouveaudanslatêtedeScarlet.Elleinclinalatête,regardalebeauvisagedeGabriel,puiséteignitl’alarme.—Elle s’appelleLaura et elle est très jolie et très jeune.Elle travaillepourunegrosse compagnie

internationalepourquiellefaitdesgenresd’achats.C’estunehorriblecuisinièreetelleestpluscommeunesœurpourmoiqu’unemère.Gabrielsourit.—Elleal’airparfaite.—Ellel’est.ScarlethochalatêteetattenditqueGabrielposel’inévitablequestion.Lafameuse:«Pourquoias-tu

unetutriceetpastesparents?»Scarletétaitprêteàrépondrehonnêtement.Parcequesoninstinctleluidisait.MaisGabrielneposapaslaquestion.Étrange.Pourquoiessayait-ild’êtrepoli?Avait-ilpeurdesaréponse?Scarletnelesavaitpas,maisdanstouslescas,elleétaitsoulagée.Parlerdesonabandondanslesbois

étaitplutôtdéprimant.Etellenevoulaitpasperturberleurrendez-voussiagréable.Ellelevalesyeuxverslui.—Parle-moidetafamille.—Iln’yapasgrand-choseàdire…Ilprituneautrebouchée.—Mafamilleestoriginaired’Angleterreetmesparents sontmortsquand j’étais jeune,alors jeme

débrouille,disons,seuldepuisuncertaintemps.Scarletfronçalessourcilsensignedecompassion.—Jesuisvraimentdésolée.Ilhaussalesépaules.—C’étaitilyalongtemps.Scarleteneut lecœurserré.Enunsens, ilvalaitprobablementmieuxnejamaisconnaîtresafamille

quedebienlaconnaîtreetlaperdre.—Alors,tut’esretrouvé…seul?—Euh…J’aivécuavecd’autresmembresdemafamillependantuncertaintemps.Gabriels’éclaircitlagorge.—Bon,parle-moidel’école.Tuaimeslelycéed’Avalon?—Çava,ditScarlet.C’estl’école,tusais!—Oui,jesais.L’école,c’estnul!—Iras-tuaulycéed’Avaloncetteannée?demandaScarlet.

Gabrielsouritlargementetsesyeuxs’illuminèrent.—Oui,dit-il,commes’iln’yavaitpaspenséavantcemoment-là.Oui,j’irai.Scarlethochalatêteetsourit.—Peut-êtrequ’onauradescoursensemble.Gabriellaregardaavecunsourireencoin.—Jel’espèrebien.Commeilsterminaientleurglace,unboumrésonnaauloin.Ils cessèrent demarcher et levèrent les yeuxpour voir les feuxd’artifice.L’orchestre du lycée, qui

menaitlaparade,semitàjouerunechansonvaguementpatriotiquetandisquedesétincellesexplosaientdansleciel.Ils restèrent là à regarder en silence jusqu’à ce que la chanson finisse et que le bouquet final

commence.Boum-boum-boum!Le ciel s’illumina de couleurs brillantes et de lumière. Partout, les gens semirent à s’embrasser, à

s’étreindre,àapplaudiretàrire.Etquelquepartau-dessus,desconfettiscommencèrentàtomberautourd’eux,flottantdanslescheveuxdeScarletetatterrissantsursescils.Lesyeux toujours fixés sur le ciel, elle sentit lamaindeGabriel atteindre lentement la sienne.Elle

glissasapetitemaindanslasienneetsouritintérieurement.Qu’yavait-ilenGabrielquilafaisaitsesentirsi…entière?Elledévialeregardetvitcinqétoilessuspenduesjusteau-dessusd’eux.Soudain,ellenedétestaplustouslesarbresdeGéorgie.SonregardseportasurceluideGabriel,etpendantuninstant,elleretintsonsouffle.«Bonsang,ilvam’embrasser.»Scarletnesavaitpassielleétaitnerveuse,excitéeouapeurée.Gabriel,l’inconnuquilafaisaitsesentirensécuritéetnormale,l’inconnuaveclavoixfamilière,allait

l’embrasser.Toutàcoup,Scarletn’eutplusaucunehésitation.EllevoulaitqueGabriell’embrasse.Ellelevoulaitplusquen’importequoi.Il tourna son visage pour lui faire face avec ses jolies fossettes et Scarlet leva les yeux vers lui,

l’excitationbouillonnantenelletandisqu’ellesouriait.Ilsepenchaetdéposalentementseslèvressurlessiennes.Doucesetcharnues,ellesreposaientsursabouche, luienvoyantde lachaleuretnouantsonestomac

alorsqu’ellel’embrassaitenretour.Toutenlui…,sonparfum,songoût…lamanièredontilplaçaitsesgrandesmainssurseshancheset

sesdoigtsdanssondos…,toutétaitmerveilleux.

Quelque part au loin, la musique jouait et les confettis continuaient à tomber. Un morceau atterritdélicatementsurlenezdeScarlet.Elle garda ses mains sur les épaules musclées de Gabriel et se mit sur la pointe des pieds pour

rencontrersaboucheencoreplusgoulument.Elleenvoulaitplus.Mêmelesyeuxfermés,Scarletpouvaitvoirlesfeuxd’artifice.Etilsétaientmagiques.LeFestivaldesbaisers:Lameilleure.Idée.Àjamais.

9

Lelendemainmatin,Tristanrinçaitladagueanciennerecouvertedesangtoutenessayantdecontrôlerlarageetlapeurquilebouleversaient.Tantdemagievaudou.Ildevraitréessayer.Gabriel,quisifflait«Zip-A-Dee-Doo-Dah»,entradanslacuisine.AussiagaçantsqueGabrieletsabonnehumeurcontinuellepouvaient-ilsêtre,Tristanvoulaitparfois

être comme lui. Avancer gaiement et sans souci dans la vie tout en sifflant des airs ridiculementoptimistes.LasituationdeTristannepermettaitcependantpasvraimentunbonheurcontinu.—Salut,ditGabriel.Il entra dans la cuisine et regarda le sang dilué dans l’eau tourbillonner dans l’évier. Il demanda

prudemment:—Alors…Commentças’estpassé?—Duresoirée,futtoutcequeTristandit.Trèsdurenuit.—D’accoooord.Gabriels’adossaaucomptoir.—L’as-tufait?C’estfini?—Non.Tristanterminad’essuyerladagueetcommençaànettoyerlesangdansl’évier.—Ques’est-ilpassé?—Rien.—Maisilyadusang…vraimentbeaucoupdesang…partout.Commentest-ilpossiblequeletypene

soitpasmort?Tristanneréponditpas.Ilnefitquecontinueràfrotterl’évier.Gabrielattendituninstantavantdedire:—Trèsbien,peuimporte.Faisdescachotteries.Ils’éclaircitlagorgeetretrouvasagaietéhabituelle.—J’aidécidédem’inscrireaulycéed’Avalon.Tristanlevalesyeux.—Quoi?Gabrielhochalatête.—C’estlàqueScarletvaàl’école,alorsjevaiscommencerenterminale.Tristangrimaça.

—Etfairequoiexactement?Desdevoirs?Tejoindreauclubd’échecs?Alleraubaldefind’année?Tristansecoualatête.—Cen’estpasunjeu,Gabe.—Jesaisquecen’estpasunjeu.Voilàpourquoijevaisàl’école…pourmerapprocherdeScarlet.Tristan rouladesyeux.Alorsqu’il sortiraitmanierde lourdspoignardsetdéferaitdesmalédictions,

Gabrielferaitdesinterrogationssurprisesetbavarderaitdanslescouloirs.Fantastique.—Jecroisquec’estunemauvaiseidée,ditTristan.—Ehbien,Scarletsembleenchantéeparl’idée.Gabriels’adossacontrelemurdelacuisineetsouritenregardantdebiais.—Ellemordilleencoreseslèvresquandelleestnerveuse.Tristanserralesdentsetfrottavigoureusementl’évier.IldétestaitquandGabrielétaitsiamoureux.C’étaitagaçant.Gabrielcontinua:—Noussommessortishiersoir.J’avaisoubliécombiensesyeuxsontbeaux…—Sais-tu quoi ? l’interrompitTristan en levant les yeux de l’évier. Jem’en fiche. Je ne veux rien

savoirdesesyeuxnidequoiquecesoitd’autre,compris?Gabrielhaussalessourcils.—Oh,monsieurestdemauvaisehumeur.Ilserepoussadumurettraversalapiècejusqu’aucomptoirdelacuisine.—TuneveuxriensavoirdeScarletdutout?Tristansecoualatêteetretournaàl’évier.—Non.Gabrielsemblaitconfus.—Tuneveuxriensavoir?Tutefichesdequoielleal’airousiellem’aprésentéàsafamille?Tristanenfinitavecl’évieretessayadenepaslancerladagueàproximitédanslecœurdesonfrère.—Jemefichedesavoirsiellet’aprésentéàunlutin.Jeneveuxpasl’entendre.Alors,tais-toi.—D’accord,réponditGabriel.Tristansoupira.—Luias-tudéjàditquelquechose?— Qu’est-ce que je pourrais lui avoir dit exactement ? « Devine quoi ? On s’est connus il y a

longtemps!»Gabrielsimulaunsourirenunuche.—Non,j’aidécidéd’attendrequelamalédictionsoitrompue.«Tupourraisattendrelongtemps.»Tristanramassalepoignardetentradanslesalon.

—Ilauraitétébienplusappropriépour toid’avoirdécidéçaavantd’entrerdanssaviecommeunsupertombeur.Gabrielhaussalesépaules.—Cequiestfaitestfait.—J’espèrequetusaiscequetufais,Gabe.Tujouesàunjeudangereux.Tunepeuxpasjustesortir

avecelleett’attendreàcequ’ellenesesouviennederien.Çavaarriver.Sessouvenirsvontrevenir,etquandçaarrivera,elleserafâchéequetuluiaiesmenti.Sansoublierqu’elleseracomplètementpaniquéeàl’idéedemourir.LecœurdeTristans’emballaàcettepensée.—Tuauraisdûattendrequetoutsoitrégléavantdelarencontrer.Maintenant,toutestfichu.Gabriellesuivitdanslecouloirjusqu’ausalon.—Pourquoies-tusistressé?Nousrègleronsçaettoutirabien.Tristanseretourna,sesyeuxvertscroisantlesbrunsdeGabriel.—Jeviensjustederentreravecunearmepleinedesangetaucuncorps.Leschosesnevontpasbien,

Gabe.Gabrielgrimaça.—Nesoispassisombre.Çavafonctionner.Si tonplancontinueàéchouer,alorsnousreprendrons

peut-êtrenotreplaninitial…—Non,ditTristan,quientraitdanslapiècededétentepouraccrocherladagueaumuràcôtédeleurs

nombreusesautresarmes.—Bien,peuimporte.Gabrielsetournapourquitterlapièce,maiss’arrêtasurleseuil.— Tu sais quoi ? Je suis heureuxque ton plan ne fonctionne pas. On ne devrait pas avoir à tuer

quelqu’unpoursauverScarlet,c’estmal.Etelleneseraitjamaisd’accordavecça.LavéritédanslesmotsdeGabrielpiquaTristanauvif,maisilhaussalesépaules.—Alors,jesupposequec’estunebonnechosequ’ellenesoitpasaucourant.Gabrielsecoualatêteetdisparutduseuil.Tristanclignadesyeuxàplusieursreprisesetpassaunemaindanssescheveux.Ladouleurlatentedanssapoitrineseréveillatelunrappelconstantquesoncorpsnepouvaitgérerune

silonguepériodeloindeScarlet.Leplustôtlamalédictionseraitlevée,leplustôtilpourraitêtrelibérédesasouffrance.EtleplustôtScarletseraitlibredevivre.Avecunedéterminationrenouvelée,ilsortitsontéléphonecellulaireetappelaleurami,Nate.Aprèsla

débâcledelanuitdernièreaveclepoignard,Tristanavaitdesdoutesausujetdesonplan.Nateréponditàlatroisièmesonnerie.—Quoideneuf,mec?Tristanpouvaitentendredescoupsdefeuetdelamusiqueétrangeenbruitdefond.

—Est-cequetujouesàdesjeuxvidéo?—Biensûrque je joueàdes jeuxvidéo.Sinon,commentsuis-jecenségagner lechampionnatde la

MajorLeagueGaming?Tristansecoualatête.—Écoute,jedoissavoiràquelpointtuescertainderomprelamalédiction.—Attends,j’aipresquetuéleroidémon…LavoixdeNates’estompa,remplacéepardavantagedecoupsdefeu.Tristanrouladesyeux.—Prendsça!Natesemoquadesonjeuavecunevoixdémoniaque.—Quiestleroidel’Enfermaintenant,blaireau?LavoixdeNaterepritsontonnormal.—Lamalédiction?Oh,jesuisàcentpourcentcertainquelaFontainedeJouvencevaguérirlecœur

deScarletetdéfaireainsitousleseffetsdelamalédiction.Tudoisjustelatrouver.Tristan soupira. Trouver la Fontaine de Jouvence était une idée absurde. Et complètement hors de

question.Ils’éclaircitlagorge.—Non,jeveuxdirel’autrefaçond’annulerlesort.Lafaçonmeurtrière.Àquelpointenes-tucertain

?—Holà.Nate devait avoir interrompu son jeu vidéo, parce que les coups de feu et la musique s’étaient

brusquementarrêtés.—Tunepensespashonnêtementessayerdetuer…—Si,ditTristan.Maisjedoissavoirqueçavavraimentfonctionner.Natepoussauncristrident.—Tuesfou.—Jesais.IlentenditNatesoupirer.—Tristan,écoute-moi.JesaisquetuasunfaiblepourScarletet,crois-moi,monvieux,jecomprends.

Tuneveuxpasqu’ellemeureetbla-bla-bla,maiscequetuprévoisfaireestfou.—Dis-moijustesiçavafonctionner,ditTristan.—Jenemesenspasvraimentàl’aiseaveclefaitquetu…—Est-cequeçavafonctionner,Nate?Tristanavaithausséleton.Ilattenditensilencequesonvieilamiréponde.NatedéglutittellementfortqueTristanl’entenditàtraversletéléphone.—Oui.Oui,aveclabonnearme,çavafonctionner.Tristaninspira.

—Alors,jevaisavoirbesoindetonaidepourtrouvercettearme.

10

—Bonjour,ditScarletàsatutrice,Laura,tandisqu’elleentraitdanslacuisine.Lauraétaitassiseàlatableentraindeboiresoncafédumatinetdelirelejournal.Selon Heather, Laura ressemblait à Jessica Rabbit, une femme sexy de dessin animé dont Scarlet

n’avait jamais entendu parler.Mais avec ses longs cheveux roux et ses grands yeux de biche, Laurapouvaitfacilementpasserpourunpersonnagededessinanimésensuel.Malgré son apparence de Jessica Rabbit, Laura était une femme indépendante et pragmatique. Elle

connaissait une réussite professionnelle incroyable, y compris financière à en voir la vastemaisondedeuxétagesqu’ellespartageaient.DepuisqueLauraavaitrecueilliScarlet,elleavaitessayédeluioffrirunevienormale:desvêtements,

deschaussures,delamusique,unevoiture…Iln’yavaitrienqueLauran’achèteraitpaspourScarlet.Malheureusement,toutesleschaussuresdumondenepouvaientfaireretrouverlamémoireàScarlet.Elle appréciait toutefois les efforts deLaura. Sans elle, Scarlet n’aurait pas d’esprit de famille.Et,

pourcela,ellel’aimeraittoujours.CommeScarletsedéplaçaitdanslacuisine,ellesouriaitintérieurement.Sonrendez-vousavecGabriel

l’avaitrevigorée,commes’ilavaitréveilléunepartiedesonancienmoi,quelquechosedeprofondémentancréenelle.Quelquechosed’heureux.Lesévénementsdelasoiréed’hierfaisaientencoreleureffet.Elleavaitembrasséungarçon.Elleavaitembrasséungarçonsexy.Surleslèvresettout.Etcelanelui

avaitpasparubizarreoudégoûtant.Celaluiavaitparu…presqueparfait.LesouriredeScarlets’élargit.Laurahaussaunsourcild’unairsoupçonneux.—Tut’eslevéetôt.Scarlet s’était réveillée plus tôt que d’habitude, trop excitée pour dormir profondément. Son esprit

avaitétéagitétoutelanuitparlapenséedeGabrieletdeleurbaiser.Cetteeffervescenceavaitnuiàtoutsommeilprofond,maisl’avaitmised’excellentehumeur.—Jesais,réponditScarletàLaurad’unevoixchantante.LauraexaminaScarletpar-dessussatassedecafé.—Quies-tuetqu’as-tufaitdeScarlet?—Quoi?Jenesuispasautoriséeàêtredebonnehumeurlematin?Lauraposasatasse.—Jesupposequetonrendez-vouss’estbienpasséalors?HeatheravaitparléavecgrandenthousiasmeàLauradu«grandrendez-vous»deScarletlaveille.—Trèsbien,ditScarlet.

—Oh,dis-m’enplus,ditLauraensecalantdanssachaiseavecunsourire,sonattentionentièrementfixéesurScarlet.—Ilestmerveilleux,Laura.Dans legenrebeau,douxetdrôle. Ila lescheveuxnoirsetdesyeuxà

tomberparterre.Ah!Scarletfermalesyeuxetsourit.—Et?demandaLauraensouriant.Scarletouvritlesyeux.—Queveux-tudirepar«et»?Laurarit.—Jeveuxdire :«Etquoid’autre?»Tues tropheureusepourqu’ilsoitsimplementdouxetbeau.

Qu’est-cequetunemedispas?Scarletsemorditlalèvre.—Nousnoussommesembrasséspourdevrai.Laurafitungenrederoucoulement.—Jelesavais!Etc’étaitspectaculaire?—Complètement.—Ah,jesuissijalouse!Scarletrouladesyeux.Laura n’avait pas demari ou de petit ami,mais pas parmanque d’intérêt.Les hommes la suivaient

partoutetl’invitaientàsortir.Laurasoutenaitquesaréticenceàaccepterdesrendez-vousétaitdueàtousles voyages qu’elle faisait pour son travail. Elle allait en Europe plusieurs fois par mois en voyaged’affairesetprétendaitqu’aucunerelationnesurvivraitauxvoyagesetauxlonguesheuresqu’ellepassaitàtravailler.Apparemment, quand venait le moment de choisir entre l’amour et le travail, Laura choisissait le

travail.—Alors,quelleestsonhistoire?Lauramitsoncoudesurlatableetposasonmentondanssamain.Scarletneputs’empêcherdesourire.—Iladix-septans.IlvaallerenterminaleàAvaloncetteannée.IlvientdedéménagerdeNewYork

avecsafamille.Ildétestelesserpents.Ilaimelestéléréalités.Etilsentlamenthe.Ett’ai-jementionnéqu’ilestbeau?Laurasoupira.—Ilal’airmerveilleux.Quelestsonnom?Scarletinclinalatêtesurlecôté.—Heathernetel’apasdithier?Laurasecoualatête.

—Non,elleajustedit:«CedieugrecademandéàScarletdesortiravecelle».Alors,j’aisupposéquesonnométaitZeusouApollonouquelquechosedugenre.Scarletrit.—Euhnon.Ils’appelleGabriel.GabrielArcher.Pendantunbrefinstant,ScarletpensavoirquelquechoseétincelerdanslesyeuxdeLaura.Unsouvenir,

peut-être?Uneconscience?Maisl’impressiondisparutenuninstant.LauraetGabrielseconnaissaient-ils?Scarlets’éclaircitlagorge.—Est-cequetuleconnais?—Non.Pasencore,ditLaurad’unairconvaincant.Maisavecunpeudechance,tumeleprésenteras

bientôt.Certainequ’elledevaitavoirmalinterprétécequ’elleavaitvudanslesyeuxdeLaura,Scarletdit:—Net’emballepas.Onnesortpasensemblenirien.—Eneffet,ditLauraensouriant.UnmomentpassaavantqueLauraselèvedetable.—Bon,jedoisallertravailler.Elleattrapasamalletteetenfilaunepairedechaussuresdontlestalonsétaienttropgrandsetsexypour

lecodeprofessionneld’une«femmed’affaires».Maisc’étaitLaura:laJessicaRabbitfemmed’affaires.—Passezunebonnejournée,ditLaura.—C’estcertain,luiréponditScarlet.Scarletsoupiraintérieurement,repensantàsonbaiseravecGabriel.Elleallaitassurémentpasserune

bonnejournée.

11

Unesemaineplustard,Scarletserenditàsonpremierrendez-vousofficielavecGabriel.Danslaforêt.—Oùallons-nous?demandaScarletavecunsourire.Elle se pencha sous unebranchequeGabriel avait levée pour elle. Il faisait presquenuit et le ciel

estivalrevêtaitdesteintesorangéesetroses,tandisqueScarletsuivaitGabrielplusprofondémentdanslesboisàl’extérieurdelaville.—C’estunesurprise,ditGabrielavecunsourirecachotiertoutenajustantunebretelledesonsacà

dos.Scarlet,toujourssouriante,rouladesyeux.—Est-cequelasurpriseconsisteenunerandonnéede45minutesdanslaforêtparunejournéed’été

collante?Ilrit.—Serais-tuentraindeteplaindre?—Peut-être.Çadépenddelasurprise.Etsiouiounonjevaismefairemangerparunours.Ouune

arméedemoustiques.Elleneseplaignaitpasdutout.Enfait,elleétaitexcitée.Aucungarçonnel’avaitjamaisinvitéeàunrendez-vous-surpriseauparavant.—Jeteprometsquelasurpriseserabienutilecontrelespiquresdemoustiquesquetun’aspas.Illuisouritostensiblement.Scarletn’avaitpasencoreétépiquéeparunmoustique.Nimordueparunours.Leventsoufflaitàtraverslesarbresettourbillonnaitautourd’euxalorsqu’ilsmarchaient.Lajournée

avaitétéchaude,maislesoleilcouchantavaitôtélaplusgrandepartiedelamoiteuretouvertlavoieàlabrisefraîchedelanuit.Dixminutesplustard,etuncielpourpreaprès,ilsarrivèrentàunbouquetd’arbres.Gabriels’arrêta.—Voilà,dit-ilensetournantpourlaregarderavecunsourire.Voilàtasurprise.Scarletregardalesarbresdevantelle.—Un…murdepins?—Oui.Ilsourit.—Jepensaisqu’onpourraitprendredel’avancepournossapinsdeNoël.Scarletrit.—Quoi?Ilritàsontouretsecoualatête.—Fermetesyeux.

Scarlethésita,réprimantsonsourire.—Allez…,insista-t-il.—Mais,etlesours?Gabrielhaussalessourcils.—T’es-tuenduitedemielavantqu’onparte?—Non,maisjemesuisrouléedansdel’eausucrée.—Euh.Gabrielessayad’avoirl’airsérieux.—Ehbien,c’estcequiexpliquelesmoustiques.Scarletrit.—Allez,ditGabrielenposantsamainsursesyeux.Fermelesyeux.Scarletsoupiratoutensouriantetbaissalespaupières.—Jetefaisconfiance.Ellelesentitembrassersajoue.—Tupeuxtoujoursmefaireconfiance.Toujourslesourireauxlèvres,ScarletpensaàquelpointellefaisaitconfianceàGabrieletàcombien

ellesesentaitbienaveclui.Elleneleconnaissaitquedepuispeudetemps,maisilavaitl’air…bien.Aprèsavoirentenduungenrededémarchetraînante,ScarletsentitlesbrasmusclésdeGabrielseposer

danssondosetlapousseràavancer,laguidantàtraverslemurd’arbres.Quelquesmètresplusloin,ilss’arrêtèrent.Scarletécoutatandisqu’unoiseauchantaitladernièrechansondujour.Lesfeuillesbruissaient,levent

sifflaitdoucementetquelquepartàproximité,onpercevaitledouxclapotisde…l’eau?—Voilà,ditlavoixmusicaledeGabrielderrièreelle.Ouvrelesyeux.Scarletouvritlesyeux,etseslèvressedivisèrent.Ellese trouvaitaubordd’ungrand lacentouréd’arbresmajestueux,quisebalançaientpaisiblement

dans lecielducrépuscule.Età l’horizons’érigeait l’énormepleine lunesuspenduebasdans lecieletbrillantd’unorangebrûlé.Ellerépandaittoutesadoucelueursurlasurfaceplanedulac.Lascènesemblaitirréelle.—Tuaimes?Gabrielsetenaitàcôtéd’elleàl’admirer.—C’est…àcouperlesouffle.Ducoindel’œil,ellevitGabrielsourire.—Surprise.LespremièresétoilesdelanuitcommencèrentàémergerducielpourprequandScarletdit:—Çavauttotalementlespiquresdemoustiques.Gabrielritdoucement.—Bon,maintenant,ilesttempsdedîner.

—Dîner?—Oui.Ehbien,c’estpluscommeunpique-niqueparcequetusais,onnepeutpassefairelivrerde

pizzaici.Gabrielenlevasonsacàdosetl’ouvrit.Ilensortitunegrandecouverture,dessandwichsetdel’eauen

bouteille.Ilétenditlacouverturesurlapartiesècheduborddulac,lissalesplisetfitsigneàScarlet.—Ledînerestservi.Scarletsouritlargement.Unpique-niquesouslesétoiles,lalunegéante,lebordd’unlacserein?Le.Meilleur.Rendez-vous.À.Vie.Leclairde lune illuminait la forêtautourd’euxcommeScarlet s’asseyait sur lacouverturedouceet

prenait lesandwichqueGabriel lui tendait. Il s’assitàcôtéd’elledesorteque tous lesdeuxfaisaientfaceàlamagnifiquelune.Scarletpritunebouchée.—Mmm.Beurred’arachideetconfiture.Monpréféré.Gabrielsouritetpritunebouchéedesonsandwich.Laforêtpourpreétaitpaisibleendehorsdesdouxclapotisdel’eauquiheurtaitlerivageetdesgrillons

cachés.—Alors,ditGabrielenavalantsasalive.Dis-moiquelquechosederéel.Scarletavalaaussisasalive.—Quelquechosederéel?Ilhochalatêteavecunsourireencoin.—Dis-moiquelquechosequin’estpasvide.QuelquechosedesincèreetdespécifiqueàScarlet.—Jesupposequemacouleurpréféréenesuffiraprobablementpas?Scarlethaussaunsourcild’unairtaquin.—Non.Ilfautquecesoitsignificatif.LesyeuxdeGabrielétincelèrent.—Etenplus,tacouleurpréféréeestlebleu.—Heureuxhasard.Scarletsourit.—D’accord…quelquechosedesignificatif…Devrait-elle simplement se jeter à l’eau et tout lui dire ? Lui dire toute l’histoire de « Je suis une

amnésique».Elle lui faisait confiance, se sentait en sécurité près de lui et il paraissait assez mature pour

comprendre.Probablement.Gabriellaregardaaimablement,dansl’expectative.Scarlets’éclaircitlagorge.Ilallaitsoits’asseoiretécoutersonhistoire,soits’enfuirenhurlant.

« Oh, bon sang, j’espère qu’il ne s’enfuira pas. Surtout parce que j’ignore complètement commentquittercesboisetqu’ilfaitmaintenantnuitetquejevaisàcoupsûrmefairedévorerparunloupsijeresteseuleici.»—Amnésie?demanda-t-iltoujourssuruntonamical.Scarletopina.—Oui.Jenemerappellederienavantilyadeuxans.—Etcommentçasepasse?Scarletréfléchit.—Mieux.Audébut,c’étaitvraimentdéroutanteteffrayant.Maismaintenant…ehbien,maintenant,j’ai

commeacceptéquejepuissenejamaisretrouverlamémoire.Unecompassionsincèretraversasonvisage.—Çasemble…injuste.Scarletopinadenouveau,puishaussalesépaules.—Peut-être,maisçavamaintenant.Audébut,j’étaiseffrayée.Puisj’étaisencolère.Etensuite, j’ai

étésimplementcurieuse.Jevoulaismesouvenirdequij’étais,tusais?Ils’arrêtademangeretlaregardaintensément,cherchantàcroisersonregard.Ils’éclaircitlagorge.—Quies-tumaintenant?Scarletmâchaetavalauneautrebouchée.—Queveux-tudire?Gabrielfitlamoue.—Quituétaisn’estjamaisaussiimportantquequitues.Alors…,quies-tu?demanda-t-ilensouriant.Scarletsemorditlalèvre,pensive.—Jesuis…ScarletJacobs.J’aidebonnesnotesetjemefondsdanslafoule.J’aiunemeilleureamie

unpeufollequimefaitrireetnemelaisse—jamais—bouder.J’aiunephobiedesours.Scarletluisourit.—…etaucunsensdelamode.Maisjesuisétonnammentbonnepourfaireducafé.Scarlets’arrêtaetregardalalune.—Parfois,jenemesenspasàmaplacequandd’autresjeunesparlentdeleurenfance,maisjenesuis

pasamère.Jesuisjuste…différente.J’aiquandmêmedelachanceparcequej’aiLaura,quim’aime,etuntasdegensviventtouteleurviesansêtreaimés,tusais?ElleregardaGabrieldontlesyeuxhumideslaregardaient.Ilopina.—Tuestrèsaimée,enfait.Unsouriretraversalentementsonvisage,exposantsesfossettes.—Jet’aimebien,ScarletJacobs,justecommetues.Lavien’estpaslepassé,c’estl’avenir.Lavie,

c’estregarderenavant.Notrepassé,dit-ilenhaussant lesépaules,n’estqueça : terminé.Lepassénenousdéfinitpas,tusais?

Scarletopina,lesyeuxrivéssurlessiens.—Tavieseramerveilleuse,continua-t-il.Avecousanstessouvenirs,tavieseraincroyable.EtcefutexactementlàqueGabrielArchergagnasoncœur.Scarletplissalesyeuxdevantlebeaugarçonàcôtéd’elle.—Mercidenepasavoirpaniqué.—Àquelsujet?—Monamnésie.J’aicruquetut’enfuiraisencriantunefoisquejet’enauraisparlé.—Qui,moi?Gabrielsecoualatêteavecunsouriretaquin.—Jamais.Etenplus,sijem’enfuis,quiteprotègeraitdesours?Scarletessayadenepassouriretandisqu’elleluidonnaituncoupdecoude.—Tais-toi!Gabriel se rapprocha et mit sa main dans la sienne tandis qu’ils regardaient tous deux la lune en

mangeantleurssandwichs.Desluciolesallumaientlanuitcommedesétoilesscintillantesetdel’eaudoucepercutaitlerivage.Scarletnesesouvenaitpasdenes’êtrejamaissentiesiheureuse.Soudain,sonpasséétaitdel’histoireancienne.Etsonavenirs’annonçaitprometteur.

12

Troissoirsplustard,Scarletavaitunsommeilagité,auxprisesavecunrêve.Gabrieletelleétaientdansunchampetillafaisaitdoucementtournerenchantant…fortetfaux.Scarletsetordaitderireetexigeaitqu’illarelâche.—Non.Pasavantquetuacceptesdedanseravecmoietdechanteràtue-tête.Etilseremitàchanter.Ellepouvaitàpeineparlertantelleriait.—Jenepeuxpaschanter.Jechantecommeuncanard.—Uncanard?Illafitdenouveautourner.—Lescanardsnechantentpas.Ilscancanent.Alorsqu’elleriaittoujours,Scarletdit:—Exactement.—Trèsbien.Gabriel la prit dans ses brasmusclés et commença à valser en feignant d’être sérieux.—Nous

allonscancaneralors.Ilentrepritdelafairetourner,seslongscheveuxvolantdansleventcommeilcancanait.—Coin,coin.Coin,coin.L’imitationducanarddeGabrielétaitexcellente.Scarletriaitsifortquesonventreetsesjouescommençaientàluifairemal.—Arrêtedecancaner.—Pasavantquetudansesavecmoi.—D’accord,d’accord.Scarletcontrôlasonrireuninstant.—Iltesuffitdemedéposer.Gabriellaregardadeprès,appuyantsonnezsurlesientandisqu’ilparlait.—Sijetedépose,danseras-tuavecmoi?Scarletsourit.—Seulementsituarrêtesdecancaner.Ilsouritlargement.—Trèsbien.Illaremitsursespiedsetlaregardaattentivement.Scarletéclataderireetsemitàcourir.—Maisd’abord,tudoism’attraper…

Et elle courut, riant jusqu’àcequedes larmes coulent sur ses joues,avecGabriel justederrièreelle.Quicancanait.Scarletseréveillaensursaut.Quediable…?Toutsourire,ellesecoualatête.Lerêveavaitsemblésiréel.Commes’ilavaitvraimenteulieu.Elleritintérieurementtoutensetournantsurlecôté.Gabrielquicancane?Quelrêveidiot!Ellesecouadenouveaulatêteetreplongeadanslesommeil,levisagetoujourssouriant.

13

Lerestedel’étépassavitepourScarlet.ElleconsacralaplupartdesesjournéessoitàHeather,soitàGabriel— parfois les deux—, à nager, à aller au cinéma et à savourer autant de soleil estival quepossible.Gabrieletelleavaienteuplusieursrendez-vousets’entendaientparfaitement. Ils riaient,discutaient,

s’amusaient.C’étaitmagnifique.HeatheravaitencoredesréservessurGabriel,maisScarletn’étaitpasinquiète.Biensûr,quelquechoseaufondd’ellelatourmentaitàsonsujet.Maisautrechoseaufondd’elleluidisaitqueGabrielétaitdignedeconfiance.Quelquechoseluidisaitquec’étaitquelqu’undebien.Ellechoisitd’écouterlecôtépro-Gabrielenelleetdesnoberlecôtésuspicieux.ParcequeScarletetGabrielsecomplétaient.Ilsétaientassortiscommedesmorceauxdecasse-tête,commes’ilsétaientfaitsl’unpourl’autre.Gabriel était incroyable. Dans toutes les conversations qu’ils avaient eues, c’était comme s’il la

connaissait.Toutcequiconcernaitleurrelationétaitfacileetsanstracas,etScarletn’imaginaitpasungarçonplus

parfaitpourelle.Toutefois,l’ététiraitàsafin,etScarletdevaitdireaurevoirauxaprès-midid’étéàparesseretbonjour

àunnouveaumondededevoirs.L’écolecommença,etScarletsentitquesaviesemettaitenplace:ellecommençaitenfinàassumer

uneidentitépropre.Pluscelled’unefilleamnésique.Pluscelled’unefillemystérieuse.Elle étaitdevenueScarlet Jacobs : une lycéennenormale avecunemeilleure amieexcentriqueetun

petitamisexy.Unpetitamisexyquetoutel’écolesemblaitadorer.DirequeGabrielfitsensationdèslapremièrejournéed’écoleétaituneuphémisme.Partoutoùilallait,

lesfilleslesuivaientdesyeux,sinonphysiquement.Même pendant les premières semaines du semestre, elles avaient continué à le lorgner, à faire des

messesbassessurluietàbattredescilssansvergogneenleregardant.Scarletn’étaitpasjalouse,maisellen’étaitpasnonplustrèsheureuseduclubd’admiratricesdeson

petitami.Surtoutparcequ’elleétaitpresquecertainequ’ilyavaitunclub«JedétesteScarletJacobs»quise

retrouvaitaprèsl’écolepourplanifiersecrètementsadisparitionafindepouvoirsedisputerl’affectiondesonpetitami.Petitami.

LemotfaisaitsourireScarlet.ElleétaitfolledeGabriel.Nonseulementparcequesesyeuxlafaisaientfondreetqu’ilsentaitbon,maisparcequ’ellepouvait

êtreelle-mêmeaveclui.Illafaisaitsesentirparfaitejustecommeelleétait,avecsamémoiredétraquéeettout.Scarletentradans lehallaprès ledeuxièmecoursetespionnaGabrielquiétaitadosséàsoncasier,

affichantunsourireàbriserlescœursetàvolerlesâmes.—Bonjour.Elleluisouritaussi.—Bonjour.Elles’approchaetsemitsurlapointedespiedspourl’embrassersurlajoue.—Bonjour,beauté,dit-ilenserepoussantducasier.IlbaissalesyeuxversleschaussuresdeScarletetlesexamina.Ilrestaainsilongtemps.—Tufixesencoremeschaussures,letaquinaScarlet.Gabriellevalesyeuxverselle.—Pardon.C’estjuste…intéressant.Tunetesouviensvraimentpasoùtuasvucesymbole?Scarlethaussalesépaules.—Non.C’estjustecomme…venuàmoi.—Mmh,ditGabriel.Ilsemblaperdudanssespenséesunmomentavantdelaregarderavecunsourireaffectueux.—Quoi?Ilinclinalatêteuninstant,toujourssouriant.—Sais-tuquetutemordslalèvrequandtuesnerveuse?C’estadorable.J’adoreça.Scarletarrêtadesemordrelalèvreetsourit.Gabrielcontinua:—Tusaiscequej’aimed’autre?Tonsourire.Ettonjoliminois.Ettoutdetoi.Soncœurfondaitmaintenant.Scarletappuyaseslèvresl’unecontrel’autreetessayadenepasrougir.Elleétaitlafillelapluschanceuseaumonde.ElleregardaGabriel,gênée.—Ehbien,moi,j’aimetesfossettes.Etlesondetavoix.Unevoixquichantaitencoreens’adressantàsonâmeetquiapaisaitsessouvenirsperdus.—Tumefaismesentir…précieuse.—Tuesprécieuse.Illaregardaavecsérieuxetsepenchapourl’embrasser…

—Pouah!Jevaisvomir!ditHeatherenlesséparantcommeelleseplaçaitentreeuxpourserendreàson casier. Vous êtes dégoûtants tous les deux. Ne vousméprenez pas, c’est tout à fait mignon, maispourriez-vousbaisserd’uncran?Ceuxd’entrenousquinesontpasamoureuxsontentraindevomirdanslescouloirs.Scarletregardasameilleureamie.—Etbonjouràtoi,aussi.Heather,vêtued’unhautvertflatteuretportantdelonguesbouclesd’oreille,refermaviolemmentson

casier.—Iln’yariende«bon»aujourd’hui.Heather avait été un peu grognon au cours des dernières semaines. Elle et un garçon nommé Ryan

avaientvécuuneaventured’étéqui s’était terminéedans les larmes, les juronsetunechaussurechèrejetéeparlafenêtredelavoituredeRyantandisqu’ilsroulaientensemblesurl’autoroute.Apparemment,sionfâcheHeatherenvoiture,elleenlèvesachaussureetvouslajetteauvisage.Mais

dommagepourelle:ellevisaitmaletlafenêtredelavoituredeRyanétaitouvertequandelleluiavaitbalancésontalonhaut.LachaussuredeHeatheravaitétévictimedelacirculation.Voilàpourquoionnedevraitjamaislancer

dechaussuressurquelqu’unquandlevéhiculeestenmarche.Scarletgrimaça.—Est-cequeçava?Heathersoupira,regardaScarletetdit:—Ouais,c’estjustequejesuisvraimenttriste.Àcausedemachaussure.EllefitlamouetandisqueScarlethochaitlatête,feignantdecompatir.HeatherregardaScarletdehautenbaspourlapremièrefoiscejour-là.—Lachemisebrune,Scarlet…Ouah!Jesaisquetut’esdéjàemparéedelachoselaplusdélicieuseà

avoirjamaisfoulécetteterre,ditHeatherenadressantunsourireàGabriel,maistudoisencoreessayerdetesoucierdetonapparence.Pasdebrun.Jerépète:pasdebrun.Lebrunfaitpenseràlamortsurtoi.Scarletsouritlégèrement.—Oh!Jemesenssijoliemaintenant.LetéléphonedeHeathervibra.—Oh!Jedoisyaller.C’estRyan.Elledisparutentournantlecoin.ScarletetGabrielseretournèrentl’unversl’autre.— Alors, commença Scarlet, je pensais que tu pourrais peut-être venir après l’école demain et

regarderunemauvaisetéléréalitéavecmoi.Ilsourit.—Çam’al’airparfait.

—Bien.Etavecunpeudechance,Lauraseralàcettefois.Commeça,tupourraslarencontrer.Elleaététrèsoccupéeàvoyagerpoursontravailcesdernierstemps.— C’est sûr ! On se voit au déjeuner, dit-il avant de l’embrasser sur la joue et de disparaître en

tournantlecoin.Scarletsoupiraquandelleentrapoursontroisièmecours.Sonpetitamiétaitmerveilleux.Audéjeuner,HeatheretScarletdiscutèrentpendantqueGabrielfaisaitlaqueueàlacafétéria.Heatherpritunegorgéedeyoghourt.—AngieWoodsm’aditqu’elleavaitvuGabrielhierdanslanuitentraindeparleràuntypeloucheau

parcFreemont.Scarlethaussaunsourcil.—Vraiment?Ilétaitauparc?Lanuit?Heatheropina.—Ondiraitlecomportementdequelqu’unquiaquelquechoseàcacher,n’est-cepas?Quelqu’undans

lapègrepeut-être?ElleimploraScarletduregard.CommesiScarletallaitembarquerdansletrainfoude«Gabrielestuntruand»parcequ’AngieWoods

avaitditqu’ellel’avaitvuquelquepart.—Non,c’estjuste…étrange,c’esttout,ditScarlet.Angieest-ellesûrequec’étaitlui?—Oui.ElleaditqueletypeloucheetluidiscutaientdequelquechoseavantqueGabrielparte.Scarletplissalefront.—C’estbizarre.—Jesupposequeçaaquelquechoseàvoiravecla«vague»entreprisefamilialedeGabriel.Sinon

pourquoirencontrerait-iluntypeauparcaumilieudelanuit?—Heather,soupiraScarlet,pourrais-tulelaissertranquille?Jesuiscertainequ’ilyauneexcellente

explicationpourlanuitdernière.Comme…Scarletnepouvaitpenseràrien,maiselleétaitcertainequeGabrielavaitunebonneraisondes’être

trouvéauparc.Presquecertaine.—Demandons-lui,veux-tu?HeatherhaussaunsourciltandisqueGabrielquittaitlaqueueàlacafétériaets’asseyaitàleurtable.ScarletsouritàGabriel.—Hé,es-tu…— Alors, Gabriel, l’interrompit Heather en lançant un regard « Laisse-moi m’occuper de ça » à

Scarlet.Qu’as-tufaitlanuitdernière?—J’aisecourudesbébéschats,sauvélemonde…Laroutine.

Heatherfeignitderire.—Tueshilarant.Maisenvrai,ajouta-t-elleensepenchantverslui,qu’as-tufait?Gabrielmâchaetavalaunebouchéedesonsandwichpendantqu’ilréfléchissait.—Jesuisrentréchezmoiaprèsl’école.J’aicherchélatélécommandependantuneheure.J’airegardé

latélé.J’aimangéunepizzapourledîner.Jemesuislavélesdents…—Es-tualléauparc?demandaimpatiemmentHeather.Gabrielsouritdevantsacuriosité.—Non.Toi,es-tualléeauparc?ScarlettouchalebrasdeGabriel.—Tun’espasalléauparcFreemontlanuitdernière?«S’ilteplaît,nemenspas.S’ilteplaît,nemenspas.»Gabrielsecoualatêteetprituneautrebouchée.—Non.Pourquoi?ScarletetHeatheréchangèrentunregard.—Pourrien,ditHeatherensouriantjoyeusement.Simplecuriosité.ElleretournaàsonyoghourtsansregarderScarlet.Gabrielneluimentiraitpas…Si?AngieWoodsdevaitavoirvuquelqu’und’autre.Oupeut-êtrequ’ellementait.Oui,c’étaitprobablementça.Angiementait.LapetiteclochesonnadenouveaudanslatêtedeScarletalorsqu’elleexaminaitsonpetitami.Même

s’ilsavaientpassébeaucoupdetempsensemblecesderniersmois,elleneleconnaissaitpasaussibienqu’ellelevoudrait.Maisquandmême.Gabrieln’avaitrienàcacher.Pasvrai?

14

Tristantintfermementsonarc,letenditetlançauneautreflèche.Laflècheeutàpeineletempsdevoleravantqu’ilreprenneposition,tendesonarcdenouveauetenlanceunedeuxième.Lesdeuxfirentmouche,àseulementquelquescentimètresl’unedel’autre.Flècheaprèsflèche,Tristantirasurlacibleencartonqu’ilavaitclouéesurungrandarbreauloin.Ilétaitfurieux.Ilétaitfrustré.Etilétaitcomplètementpaniqué.Riennefonctionnait.Aucoursdesdernièressemaines,ilavaitessayédemultiplesarmesettactiques.

Maistoujoursrien.Scarletallaitmourir.Àcausedelui.Zoum.Danslemile.Naten’avaitencoretrouvéaucunearme,alorsenattendant,Tristanessayaittoutcequiétaitimaginable.Sanssuccès.Zoum.Danslemile.Gabrielsortitduchaletetseplaçaensilenceàcôtédelui.Zoum.Zoum.Deuxfoisdanslemile.Tristanrefusaderegardersonfrère.Ilnevoulaitpasenparler…delamalédiction,del’avenir.Mais,apparemment,Gabrielsi.—Alors,toujourspasdechance?Commesilachanceavaitquelquechoseàvoirlà-dedans.Tristanneréponditpas.Ilalignauneautreflèchecontresonarcettira.Zoum.Danslemile.Gabrielserralespoings.—Jecroisqu’ondevraitreveniràlacasedépart,Tristan.Tristanlaissauneautreflèchevoleravantderépondre.—Lacasedépart?Tuveuxdire trouver laFontainedeJouvence?La fontainequenouscherchons

depuisdesannées?Lafontainequenousnepouvonspastrouver?Biensûr,mettons-nouslà-dessustoutdesuite.Gabrielhaussaunsourcil.—Préfères-tulalaissermourir?

Zoum.Danslemile.LecœurdeTristans’emballa.Ilnevoulaitpasparlerdecela.—Écoute…GabrielavançaversTristan.—Étant donné que ton plan demeurtre ne fonctionne pas comme prévu, nous devons repenser nos

options.Alors,quedis-tudeça?Iljoignitsesmains.—JevaisrestericiavecScarlet,ettupeuxretournerenFlorideàlarecherchedelafontaine.Encore

unefois.Tristanpritunegrandeinspirationetlevasonarc.Iltirauneautreflèche.—Jenepeuxpaspartir.Illaissalaflèchevoler.Gabriels’appuyasursonautrejambe.—Cen’estcommesitudevaisallerloin.C’estseulementàquelquescentainesdekilomètresd’ici.Réalisant qu’il était à court de flèches, Tristan abaissa son arc et s’éloigna pour récupérer celles

plantéesdanssaciblelaplusproche.—Non,Gabriel.Gabriellesuivit,ramassantunbâtonenchemin.—Pourquoipas?Tristancontinuaàregarderenavant.—ParcequeA:nousavonsdéjàessayédetrouverlafontaineetqu’ellenesemblepasexister.EtB:

c’estpirecettefois.Jenepeuxpaspartir.Gabriel arrêta de marcher alors que Tristan approchait des flèches. Après les avoir récupérées, il

revintàl’endroitoùsetenaitGabriel.—Qu’est-cequiestpire?Ladouleur?demandaGabrielenhaussantunsourcil.Tristanhochalatêtesansregardersonfrère.—Jeneseraipascapabledepartir.Jepeuxàpeineresterauchalet.Sonafflictionprogressaitsanspitié.Quand il était arrivé à Avalon au début, la douleur avait assez disparu pour qu’il puisse respirer

facilement. Il pouvait dormir assez profondément et il pouvait vivre au chalet, à une quinzaine dekilomètresdeScarlet,avecunminimumd’inconfort.Maismaintenant…Maintenantilnepouvaitpasbougersanssouffrir.C’étaitcommesil’âmedeScarletquileréclamaitsavaitqu’ilétaitàproximitéetqu’elleessayaitde

l’attirerplusprèsàchaqueinstant.

Lasouffrance legardaitéveillé lanuit.Tantetsibienqu’ilavaitenvisagédeconduire jusqu’àchezelle,desegarerdanssarueetdedormirdanssavoiture.Justepourquesonâmepuisseavoirunpeudepaixetpeut-êtremêmeréussiràdormirunpeu.Jouraprèsjour,lecœurdeScarlethurlaitsonbesoindelui.Maisilnepouvaitpascéder,peuimportecombienl’appelétaitviolent.Gabrielhochalatêteetplissalefront.—D’accord,alors.Nousmèneronsdesrecherches,etsinouslatrouvons,j’irai.JevaisdireàScarlet

quejeparsenvacancesenfamilleouquelquechosedugenre.Tristansoupira,baignédefrustrationetd’impuissance.—Est-cequ’elles’estsouvenuedequelquechose?Gabrielfitlamoue,unenoirceurtraversantsonregard.—Quoi?Gabrielleregardaavecsuspicion.—Elles’estsouvenuedececi.Gabrieldessinaunsignefamilierdanslaterreaveclelongbâtonqu’iltenait.—Elleendessinepartoutsurseschaussures.C’estincomplet,maisassezressemblant.GabrielregardadenouveauTristan,avecdeladuretédanssavoix.—N’est-cepas…intéressant?LesyeuxvertsdeTristantombèrentsurledessinetsoncœurseserra.IlcomprenaitpourquoiGabriel

étaitbouleversé.Maisilgardaunairinexpressif.Cen’étaitpaslemomentdeluiexpliquerpourquoicesymboleétaitassezsignificatifpourqueScarlet

s’ensouvienne.Tristanfitdesonmieuxpourselajouerdésinvolte.—Etalors?Gabrielleregardadurement.—Tunecroispasqu’ilestétrangequelapremièreetseulechosedontellesesouviennesoitceci?Gabrielindiqualedessindanslasaleté.Tristann’avaitpasbesoinderépondreàGabriel.Pasmaintenant.Peut-êtrejamais.Cequ’ilavaitbesoindefaire,c’étaitderomprelamalédiction.Dèsquepossible.Tristanhaussalesépaules.—Jecroisquenousdevonsnousconcentrersurlafaçondedétruirelamalédiction.GabrielregardaTristanpendantplusieurslonguessecondes.—Exact.

—Alors,tupeuxrecommenceràchercherlafontainesituveux.Maisjevaisquandmêmepoursuivremonplan.Gabrielgardalesyeuxplissésencoreunmomentavantdefinirparhocherlatête.— Très bien alors. Je vais commencer par communiquer avec nos anciennes relations et voir si

quelqu’unadenouvellesinformationssurlafontaine.EncommençantparNate.Tristanhochalatête.Avecunpeude chance,Natenedonnerait pas lesdétailsduplandeTristan àGabriel.Ladernière

chosedontTristanavaitbesoin,c’étaitqueGabriels’enmêle.Gabrielsetournapourrepartirauchalet.AvantqueGabrielnepuisseplusl’entendre,Tristandemanda:—Commentsontsesyeux?IlrepartitverssonpostedetirsansadresserunregardàGabriel.Gabrielseretournaetfitjouerlebâtondanssamain.—Bleus.Tristanbaissasonarc,regardaGabrieletattendit.Gabrielrouladesyeux.—Bleusnormaux,clarifia-t-il.—Elleestencoreenbonnesanté.Tristandéglutit.Pourl’instant.Bientôt, cependant, la couleurdesyeuxdeScarlet allait s’intensifier, signalde la finde savie.Ses

yeuxdeviendraientd’unbleuélectriqueettoutespoirseraitperdu.Sespaumescommencèrentàsuer.—Nousdevonsencorenousdépêcher.Gabrielopinaetretournadanslechalet.Tristanseconcentrasurlegrandarbreaulointoutenalignantuneautreflèche.Cesoir,ilauraituneautrechance.Uneautrepossibilitédetuer.Cesoir,ilnepourraitpaséchouer.Zoum.Danslemile.Letempsétaitcompté.

15

Aucune observation suspecte par rapport àGabriel ne fut rapportée pendant deux semaines et Scarletcommençaàpenserquesesdoutesàproposde luiétaient ridicules.Mais sescraintes refirent surfacequandHeathers’écroulasurunsiègeàcôtéd’elleavantledeuxièmecoursetdit:—Gabriels’apprêteàfairequelquechosedelouche.Scarletlevalesyeux.—Tunevaspasrecommencer,Heather.—Si,jesuissérieuse.Net’a-t-ilpasdithierqu’ilnepouvaitpassortirparcequ’ildevaittravailler

sursonexamend’anglais?—Ouais.—Ehbien,jel’aivu.Justeaprèsl’école.Danslequartierdesentrepôts.Lequartierdesentrepôtsétaitconsidérécommeleghettod’Avalon.MaisAvalonavaitunepopulation

deseulementdixmillehabitants,alors«ghetto»étaituntermeplutôtexagéré.Danstouslescas,ilétaitétrangepourquiconque,enparticulierunlycéend’Avalon,desetrouverdanslequartierdesentrepôts.—Ettoi,quefaisais-tudanslequartierdesentrepôts?demandaScarletendéposantsoncrayon.—Jemefaisaisfaire lesongles,biensûr,ditHeather,commesiScarletétaitcenséesavoirqueson

amieallaitdanslesbidonvillespoursespédicures.Maisjel’aivu,Scarlet.Etilnetravaillaitassurémentpassursonexamend’anglais.—Quefaisait-il?Heathersepenchaenavant.—Ilparlaitàuntypebizarredansunbâtimentabandonné.Elleclignadesyeux.—Unbâtimentabandonné.Quibavardedanslequartierdesentrepôts?—Quisefaitfairelesonglesdanslequartierdesentrepôts?répliquaScarlet.—Tunemeprendspasausérieux,Scarlet.Gabrielcachequelquechose.Scarlet se tut,pensantaux raisonspossiblespour lesquellesGabriel rencontreraitquelqu’undansun

ancienentrepôt.Ellen’entrouvaaucune.—Ildoityavoiruneraisonpourlaquelle…—Ilestlouche,l’interrompitHeather.Jeteledis,Gabriels’apprêteàfairequelquechose.Ilvendde

ladrogueoudesorganessurlemarchénoirouquelquechosedugenre.Ilestmalintentionné.LecœurdeScarlets’emballa.Gabrielnepouvaitpasêtremalintentionné.Iln’avaitpasl’airmalintentionné.Si?

Scarletfronçalessourcils,laconfusions’infiltrantdanssapoitrine.—Non.Ellesecoualentementlatête.—Sinon,pourquoiaurait-ilmentietditqu’iltravaillaitpoursonexamen?Etpourquoirôderait-ildans

unentrepôtsinistre?Heatheragitasesonglesfraîchementmanucuréssurlebureau.Scarletsecouadenouveaulatête.—Çan’asimplementpasl’airpossible…—Bonjour,mesdemoiselles,ditGabrielenentrantdanslaclasse.Salut,beauté.IlsepenchaetembrassalajouedeScarletavantdeprendrelesiègelibreàcôtéd’elle.ScarletvoulaitdirequelquechoseàGabriel.Ellevoulaitluiposerunmilliondequestions.Maisellen’étaitpassûredevouloirentendrelesréponses.—Salut,Gabriel,ditHeather, lentement.N’étais-tupas,parhasard…dans lequartierdesentrepôts

aprèsl’écolehier?Scarletdévia le regardversHeatherdans l’espoirdemettreun termeà l’enquêtede sonamie.Elle

n’étaitpasprêteàentendrelaréponsedeGabriel.Ellen’étaitpasprêteàcequ’illuimente.Gabrieldéglutitetattendituncourtinstant.—Non.Ilsecoualatête.—J’avaismonanglaisàréviser.—Ah.Heatherhaussalesépaules.Laclochesonna,signalantledébutducours,etScarletsetournaversGabrielpourleregarder.Ilavaitlesyeuxrivéssursoncahiertandisqu’ill’ouvraitàunenouvellepage.Pourquoimentirait-il?

16

Plusieurssemainespassèrent,etScarletneparvenaitplusàs’ôterdelatêtesonsentimentdeméfiance.Peu importecequ’elle faisait,peu importecombienGabrielétaitmerveilleux, ilyavait toujoursun

sentimentdesuspicionquiluirongeaitlesentrailles.AssiseenfacedeHeatherdanslabibliothèquedel’écoleàpenseràcombienelleensavaitvraiment

peusurGabriel,Scarletgriffonnaitdanssoncahier.Ellerépétalesymbolefamilieràplusieursreprises.Griffonnerl’aidaitàpenser.—JenesaispasoùvitGabriel.Scarletarrêtadedessineretattenditquesameilleureamieréponde.Heathernelevapaslesyeuxdumagazinequ’ellefeuilletait.—Ouais,c’estbizarre.Scarletsemorditlalèvreinférieure.—Etjen’airencontréaucundesmembresdesafamille.—Ah,non?Ellepoussaunprofondsoupir,succombantàcequesoninstinctluidisait.—Gabrielmecachequelquechose,n’est-cepas?Heatherlevalesyeux.—C’estcequej’aiessayédetedire.GabrielArcherestundélicieuxgarçonsexy,mystérieux.Etpeut-

êtreuntruand.Scarletpenchasatêteenarrière.— Je ne veux pas d’un garçonmystérieux.Ni d’un truand. Je veux un petit ami lycéen normal qui

m’invitechezluipourvoirsesanimauxdecompagnieetregardersacollectiondecartesdebaseball.—Descartesdebaseball?Vraiment?Gabrieladix-septans,pasdouze.Etpuis,est-cequelesgens

achètentencoredescartesdebaseball?Heatherretournaàsonmagazine.—Tusaisceque jepense?Jepensequ’il t’endoitune.Jeveuxdire, tu luiasditàproposde ton

amnésie,n’est-cepas?—Ouais.—Ehbien,c’estsuperpersonnel.C’estcommeleplusgrandsecretquetuas.Ettul’aspartagéavec

lui.Jepensequelemoinsqu’ilpuissefaire,c’estdeseconfieràtoiausujetde…oh,jenesaispas…sonadresse.Scarletneregrettaitpasd’avoirparlédesonamnésieàGabrielparcequec’étaitcequelespetitsamis

etlespetitesamiesfaisaient.Ilsseconfiaientl’unàl’autre.MaisellesouhaitaitqueGabrielluifasseautantconfiancequ’elleluifaisaitconfiance.—Tuasraison,Heather.

—Oui,jesais.Heathers’emparad’unnouveaumagazineetregardaScarlet.—Aufait…—Cesbouclesd’oreillesnevontpasaveccehaut.Scarletposaundoigtsursesbouclesd’oreille.—Tusaiscequejedoisfaire?—Acheterdenouvellesbouclesd’oreille?—Jedoism’intégrerpleinementdanslaviedeGabriel.JedoisapprendreàconnaîtrelevraiGabriel

Archer.—Tudoisacheterdenouvellesbouclesd’oreille,ditHeather.ScarletignoraHeatheretcontinua:—Plusd’excuses.Letempsestvenu.Aujourd’hui,jevaischezGabrielaprèsl’école.—Bravo!Maintenant,parlonsdeteschaussures.Heatherposasonmagazine.—Ellescraignent.

17

Gabrielavaitoubliécombienildétestaitl’école.Lesdevoirs,l’éducationphysique,lanourrituredecafétéria…Dansquois’était-ilembarqué?L’écoleavaitétéunetrèsmauvaiseidée.Ilattrapasondéjeuner,retintunsoupirdedésespoiretsedirigeaversl’endroitoùScarletetHeather

étaientassises.—Salut!Scarlet lui souritavecses lèvresparfaites,quidonnaientenvied’êtreembrassées,et sesyeuxbleus

lumineux.Illesétudiauninstant.Étaient-ilsplusbleusqu’hier?C’étaitdifficileàdire.Unaccèsd’inquiétudes’abattitsurluiet,toutàcoup,ilfutsubmergéparledésirdelaprotéger.—Salut,beauté,dit-il.—Justement,jemedisais…Scarletsepenchaenavant.—Etsij’allaischeztoiaprèsl’écoleaujourd’hui?Ellesourit.—Onpourrait«étudier»danstachambrecettefois.Ehbien,celaneseproduiraitcertainementpas.Tristanletuerait.Scarletbattitdescils.—S’ilteplaît…Etmerde!Ilallaitpasserpouruncrétin.—J’aimeraisbeaucoup,maisaujourd’hui,c’estimpossible.«Pourquoiimpossible?Trouvequelquechosedevalable.Allez,allez…»—Vraiment?LesgrandsyeuxdeScarletsemblaientblessés.—Malheureusement,aujourd’hui…«Quesuis-jeentraindedire?Allez,réfléchis…»—Onestentraindedésinfectermamaison.«Ouah!superexcuse!»Heathertoussa.Scarlethaussalessourcils.—Désinfecter?Ilétaitobligédecontinuermaintenant.—Oui,tusais,nousavonsbeaucoupdecesgros…insectesdeGéorgie.Quediabledisait-il?

Scarlethochalentementlatête.—Ah.—Peut-êtrelasemaineprochaine,dit-ilenmettantautantdecharmequepossibledanslesourirequ’il

luiadressa.Scarletfitlamoueetopina.—Oui.Biensûr.Lasemaineprochaine.GabrieldévialeregardetsurpritHeather,quilefoudroyaitdesyeuxtoutenhaussantunsourcil.«Jesais.Jesais.»Grillé.

18

Scarletdécidadenepastraîneraprèsl’école.Gabrielauraitvouluregarderunfilmou«étudier»avecelle—chezelle,biensûr—,maisScarletn’étaitpasd’humeur.Désinfecter?Ellevoulait lecroire,mais lemensongeétait simauvaisqu’elleavaitpresquehontede lui.Que lui

cachait-il?Qu’est-cequipourraitêtresiterriblechezluipourqu’ilneveuillepasqu’elleyaille?Pensive,Scarletserenditaucentre-ville.Lecentre-villed’Avalonétaitconstituépourl’essentieldela

placeduvillage,duMillhouseetdelabibliothèquemunicipale.HeathertravaillaitauMillhouseaprèsl’école,alorsleplandeScarletconsistaitàallerychercherun

caféavantdeserendreàlabibliothèquepourétudier.Levraigenred’études.Ceciprouvaitcombienelleétaitdéprimée;ellevoulaitvraimentétudier.LepetitamideScarletétaitunmenteur.Grrr…Ellealla segarerdans le stationnementduMillhouseenattendantqueHeatherarrive.Lavoiturede

Heathern’étaitvisiblenullepartparcequ’elleétaitenretardautravail.Biensûr.Scarlettapotasursonvolantetécoutalaradiopendantqu’elleregardaitlesgenssepromenerenville.Ellesentitqu’elleallaits’apitoyersursonsortetsepermitdes’abandonneruneminute.«Regardetouscesgens.Heureux,contents.Aucund’entreeuxnesouffred’amnésie.Aucund’entreeux

n’adeproblèmesd’identité.Aucund’entreeuxn’adepetitamimenteur.»PauvreScarlet.Perdue,abandonnée,trahieparsonpetitami.Sicen’avaitpasétésipathétique,Scarletauraitpleuré.Peut-être.Scarletn’étaitpasvraimentunepleureuse,maisellepouvaits’imaginerpleurerparcequeGabriellui

mentait.Peut-être.Assisedanslavoiture,elleessayadefaireapparaîtrequelqueslarmes.Riennevint.Ellesoupira,regardadel’autrecôtédelarueetsefigea.C’étaitGabrielquisortaitdelabibliothèque,

aussisexyquejamais.Soncœursemitàbattreparà-coupsQu’avait-ilétéfaireàlabibliothèque?Avait-ilétudié?

Apparemment, Scarlet et Gabriel devaient vraiment « étudier » lors de leur prochaine session d’«études».Scarletleregardamarchersurletrottoiretneputs’empêcherdesoupirer.Ilétaitsiparfait.Sibeau.Ellefaillitsortirdelavoiturepourl’appeler.Peut-êtrepourraient-ilsprendreuncaféensemble.Peut-

êtrepourraient-ils parler des secrets deGabriel.Peut-êtreque lamaisondeGabriel était vraiment entraindesefairedésinfecter.Peut-êtrequeScarletétaituneidiote.Ellefitungestepourouvrirsaportequandunepenséelasaisit.Oupeut-être…pourrait-elleespionnerGabrieletvoiroùilallait.C’étaitunevilainepensée.C’étaitmal.Etc’étaitabsolumentcequeScarletallaitfaire.Sinon, comment allait-elle apprendre des choses à propos de Gabriel ? Il n’avait clairement pas

l’intentiondeseconfier.Ellemitseslunettesdesoleil—uneformeuniversellementadmisededéguisement—etdémarrasa

voiture.Gabrielmarchaencoreuneminutejusqu’àcequ’ilatteigneunevoiturenoirequ’ellenel’avaitjamais

vuconduireavant.Étrange.ScarletrouladiscrètementderrièreGabriel,gardantunebonnedistanceentreeux,etlesuivithorsdu

centre-ville.Heatheraimeraitça.CelacorrespondaitexactementàsathéorieselonlaquelleScarletavaitétéuneespionne.Gabrielsortitdes limitesdelavillepourallerdansl’épaissezoneboiséeà l’extérieurd’Avalon, la

mêmezoneoùScarlets’étaitréveilléesansplusaucunsouvenir.Trèsétrange.Elle le suivit plus profondément dans la forêt jusqu’à ce que les chemins de terre et lemanque de

voituresneluipermettentplusd’êtrediscrète.Elle sortit de la route et attendit jusqu’à ce que celle deGabriel ait disparu dans les bois.Elle lui

laissaunegénéreuselongueurd’avanceavantdeselancersursapiste.Commesic’étaitunassassin.Peut-êtreavait-ellebeletbienétéuneespionne.Elleconduisitàtraverslaforêtpendantquelquesminutesjusqu’àcequ’ellesoitsûredes’êtreperdue

et de se trouver sur lamauvaise piste.Elle ne voyait plus la voiture noire nulle part.Tout ce qu’ellevoyait,c’étaientlesinnombrablesarbresdeGéorgie.Ellel’avaitperdu.

Peut-êtreavait-elleéchouécommeespionnedanssonautrevieetquec’étaitlaraisonpourlaquellesessouvenirsavaientétéeffacés.Peut-êtrequeHeatheravaitraison.PuisScarlet le repéra.Lavoiturenoire roulait surune longueallée, àquelques centainesdemètres

devantelle.Elle se rapprocha lentement en essayant de garder sa petite voiture aussi cachée que possible dans

l’épaisfeuillage.ElleregardaGabriels’arrêterlelongd’unimposantchalet,puissegarer.Ilsortitdelavoiture,sedirigeaverslaporteprincipaleetentra.Laporteduchaletsefermaderrière

luietScarlets’émerveilla.Legrandchalet,entièrementenpinnoueux,ressemblaitàunerésidencehuppéeavecdesdizainesde

fenêtresetungaragepourquatrevoitures.Ilavaitdeuxétagesavecjustequelquesmarchesquimenaientàunegalerieetàuneénormeported’entrée.«CedoitêtrelamaisondeGabriel.»Unemaisonquin’apasétésoumiseàunedésinfectionparfumigation.Elleavaitofficiellementdécouvertsonmensonge.Scarletétait-ellesatisfaite?Non.PourquoiGabrielluicacherait-ilceci?Scarlettrouvaunendroitsombrepourgarersavoiture.C’étaitassezprèspourmarcherjusqu’àlaporte

duchalet,maisassezloinpourqueGabrielnesoitpasavertidesaprésence.Elleavaitdeuxchoix.Ellepouvaitmarchercourageusement jusqu’à laporteavecuneexcusepourexpliquerpourquoielle

l’avaitsuivi.«SalutGabriel.Tuaslaissétonlivred’histoirechezmoietjemesuisditquejepourraism’arrêteren

passant et te le rendre,parceque, tu sais, j’étaisdans le coin. Jemepromène souventdans les forêtsprofondesdeGéorgieseuleaprèsl’école…»D’accord,elleauraitmanifestementàtravaillersursonexcuse.Ouellepourraitrepartiretrentrerchezelle.Commeunepoulemouillée.Scarlettapotasurlevolantpendantuneminute.Elledétestaitlesmystères.Lessiens.Ceuxdesautres.Elleavaitpassélesdeuxdernièresannéesàavoirpeurdetout.Peurdesonpassé,peurdenejamais

retrouverlamémoire,peurden’êtrejamaiscapabledevivreunevienormale…peurdelavie.Avoirpeurétaitépuisant,etScarletenavait finidesmystères.Aujourd’hui,elleallait fairequelque

chosedecourageux.Aujourd’hui,elleallaitobtenirdesréponses.Scarletsortitdesavoitureetsedirigeatranquillementverslaporteduchalet,lerythmedesoncœur

augmentant à chacunde sespas.Bienqu’il y avait beaucoupde fenêtres à l’avant de lamaison, ellesétaienttoutesferméespardesrideauxetdesstores,cequirendaitimpossibledevoiràl’intérieur.

Maisaussides’assurerquepersonneneregardaitàl’extérieur.Gabrieln’avaitaucuneidéequeScarletsetrouvaitsursonperron.Ellecommençaalorsàreconsidérersonplan.Qu’allait-ellefaire?Frapperàsaporteetdire«Surprise!J’avaispenséfaireunsautetteprendreen

flagrantdélitdemensonge»?Touteunemanièredefairebonneimpressionsurlesmembresdesafamille!Non,Scarletdevaitpartir.Gabrieln’avaitpasvoulupartagercelaavecelle,etelledevaitrespectersonchoix.Cen’étaitpascourageux.C’étaitstupide.Scarletlevaunedeseschaussuresgriffonnéesetétaitsurlepointdetournerledosquandelleentendit

lapoignéedeportetourner.«Ohnon!Non,non,non.»Scarletn’avaitpasencoreaméliorésonexcuse.Laseulechosequ’elleavaitdanssonarsenal,c’étaitle

trucdelapromenadedansleboisaprèsl’école.Etcelan’allaitassurémentpasfonctionner.Gabriellaverraitplantéelàetelleauraitàexpliquerqu’ellel’avaitsuiviaumilieudenullepartparce

quecommepetiteamie,elleétaitfolle.Ensuite, ilauraitpeuret laquitterait.Ellepouvaitvoir soncœursebriser juste là, sur leperrondu

luxueuxchaletdeGabriel.Scarletdevaitfuir.Troptard.Laportes’ouvritetScarletneputs’empêcherderegarderlapersonnequil’avaitsurpriseàrôder.C’étaitGabriel.Il la regardait avec confusion et incrédulité. Un millier d’émotions traversèrent son beau visage

pendantqu’ilentrouvraitleslèvresetladévisageait.LecœurdeScarletsemitàbattrelachamade,tapantcontresapoitrinecommeunanimalsauvageen

cage.Commes’ilavaitsoifdeselibérer.Soifde…Gabriel?Incontrôlableetexalté,soncœurremontadanssapoitrine,commes’ilseréveillaitd’unsommeillourd

etprofond.Queluiarrivait-il?Ellenepouvaitpasdétachersonregarddelui.Ellen’avaitjamaisétéplusattiréeoucaptivéeparlui.Debrefssouvenirsincohérentsassaillirentsonespritetpiquèrentsaconsciencecommedeminuscules

fléchettes.Unemillisecondepassa,puisuneautre.Elleétaitfigéelà,prenantunelongueinspirationcommesiellerespiraitpourlapremièrefois.

Maisquandsesyeuxserivèrentsurlessiens,soncœuragités’arrêtapresque.Lesyeuxquilafixaientàleurtourn’étaientpasbruns.Ilsétaientvertclair.Scarlet,perplexe,compritsubitement.Cen’étaitpasGabriel.C’étaitsonfrèrejumeau.

19

Tristanauraitdûsavoir.Ilauraitdûdevinerquequelquechoses’étaitarrêtélorsquesonâmeensouffrances’étaitsoudainement

calmée,lorsquelaguerrequifaisaitrageàl’intérieurdeluis’étaitapaisée.IlauraitdûsavoirqueScarletétaitàproximité.Il avait couru chez lui pour récupérer quelques papiers avant de retourner à la bibliothèque pour

poursuivresesrecherchessur lesarmeset,quandilavaitouvert laportepoursortir, ilétait tombésurScarlet.Commesielleavaitétélivréeàsaporte.Ellerestaitlààledévisager.Tristancrutqu’ilallaitmourir.Ilcrutenfaitquelapartiedesonâmequiluilacéraitinlassablementles

entraillesallaitmourirdebonheurdufaitqueScarletsoitsiprès.Il lui fallut chaque once de volonté qu’il possédait pour ne pas la toucher et s’assurer qu’elle était

réelle.Maiselleétaitlààleregarder,médusée.Plusbellequejamais.Enuninstant,ilsaisitladouceurdesesyeuxetlafragilitédesesfossettes…seslèvrespulpeuseset

sonmentondélicat…Toutenelleétaitfamilier…précieux…etcomplètementinterdit.Ellen’étaitpascenséelerencontrer.Levoir.C’était exactement la raison pour laquelle Gabriel n’aurait pas dû la rencontrer. Il l’avait conduite

directementàlaportedeTristan.LefaitqueScarletvoieTristanpouvaittoutgâcher.PourquoiGabriell’avait-illaisséevenirici?Pourquoinel’avait-ilpastenueàl’écart?OùétaitGabriel?Tristanessayadepenseràcequ’ilallaitdireetenvisageamomentanémentl’idéed’essayerdesefaire

passerpourGabriel,quandScarletparla.—Jeteconnais.Elleentrouvritlabouche,écarquillalesyeuxetinclinalatêtealorsqu’ellefaisaitunpasdeplusvers

lui.Elle regarda sonvisagedehaut enbas, s’attardant surcertainsendroits, tandisqu’elleparaissaitde

plusenplusperplexe.—Je…te…connais,répéta-t-elleenfaisantunpasdeplus.Le vent soufflait sur le porche, soulevant unemèche de ses cheveux noirs, qui traversa son visage

parfait.Ilperçutl’odeurdesonshampoingauxfraisesetinspiraspontanément.

Unflotdesouvenirs—tapisdanslesprofondeursdel’âmemauditedeScarlet—selibéraetinondal’espritdeTristan.Des souvenirs d’amour…Des souvenirs de vie…Des souvenirs de tourments…Des souvenirs de

mort…Scarletfitunautrepasverslui,etilravalasonémotion.Ilnepouvaitpassepermettredemontrerune

quelconquefaiblesse.Ilnepouvaitpassepermettredesetrahir.Ilseforçaàrevêtirunairindifférentetpritunelenterespiration.Elleparladenouveau, sonvisageà seulementquelquescentimètresdu sien, et il crutque soncœur

allaitblesserl’intérieurdesapoitrines’ilbattaitplusfort.Maissoncœurnetambourinapasfrénétiquementdemanièreparanormale;ilbattitd’unemanièrequi

étaitindéniablementnaturelle,enharmonieaveclatragédiequ’ilvivait.—Quies-tu?demanda-t-elle.Cen’étaitpasuneaccusation,maisunedemande.C’étaitdelacuriosité.Commesielleétaitentranse,fascinéeparcequisetrouvaitdevantelle.Ilconnaissaitcesentiment.Sesyeuxbleuss’illuminèrent.Leurbleunormaldevintélectrique—etlecœurdeTristans’arrêta.Çaseproduisait.Lacouleurdesesyeuxchangeait,passantdubleudelavieaubleudelamort.Lacouleursurnaturelledesesyeuxneduraqu’unesecondeavantdereveniràuneteintenormale,mais

Tristanétaitdéjàenpleinmodepanique.Ellel’avaitvuetmaintenantsoncœurbattaitpourlui,lamartelantviolemmentjusqu’àsedéchireren

deux,larapprochantdelamort.Ildevaitfuir…Allerquelquepartloindelamagnifiquejeunefilledevantlui.Ildevaitlaprotégerdesonproprecœur.Maisàlaplace,ilsetenaitlà,s’abreuvantd’ellecommes’ilétaitunhommeassoifféetelle,del’eau

dansledésert.Parcequesonâme…sonâme irrationnelleetpleined’espoir…lavoulait toutautantqueScarlet le

voulait.Ilfallaitabsolumentqu’ilsemaîtrise…immédiatement.

20

Gabrielavaitunjumeau.Unvrai jumeau,semblait-il.Leursyeuxétaientdecouleurdifférenteet lescheveuxnoirsdeGabriel

étaientpluscourtsqueceuxdesonfrère,maistouslesautresdétailsdeleurapparenceétaientidentiques.LecœurbattantdeScarletrefusadesecalmer.Ellerestaperplexequandelleréalisaquelegarçonquisetrouvaitdevantelleétaitsansaucundoutele

mêmegarçonmystérieuxenT-shirtnoirdufestival.Legarçonquiluiavaitcoupélesouffle.Legarçondontlaprésencel’avaittourmentée,carelleavaitcruàlarésurgenced’unsouvenir.Scarletn’avaitpasvusonvisageau festival,maisd’unemanièreoud’uneautre,ellesavait qu’elle

regardaitlemêmegarçon.Etelleétaitincroyablementattiréeparlui.Scarletpouvaitàpeinecontrôlersoncorps.Sesmainsvoulaientsedéplacersursapoitrine,sesjambes

voulaients’envelopperautourdessiennes,etsabouchevoulaitalleretvenirdanslasienne.CefutparpurmiraclequeScarletréussitàcontrôlersesmainsetsespieds.Sabouche,toutefois,n’étaitpasaussiobéissante.Ses lèvres se pressèrent presque contre sa joue tandis qu’elle approchait son visage du sien pour

l’examiner.Elleleconnaissait.Instinctivement.Complètement.Touteslesfibresdesonêtreétaientenphaseaveclessiennesetattirées.Ellesledésiraientmême.Si,avecGabriel,Scarletsesentaitnormale;aveccegarçon,lejumeaudeGabriel,ellesesentait…

extraordinaire.Ilétaitindéniablementfamilier,cequilaterrifiaitetl’excitaitenmêmetemps.Ellenepouvaitpass’empêcherdecontinueràledévisager.Sansvergogne.Elledemandaànouveau:—Quies-tu?Ilfitunepauseavantderépondre:—Tri…—TristanArcher,ditScarletdansàpeineplusqu’unmurmure.Elleconnaissaitsonnom.Elleconnaissaitsonnom.Commentconnaissait-ellesonnom?

—TristanArcher,répéta-t-elleensentantsonnomsurseslèvres.Sonnomsonnaitbien.Ilsemblaitsûr.Ilsemblaitparfait.Son cœur bondit dans sa poitrine à plusieurs reprises. Comme s’il essayait de s’échapper… qu’il

essayaitdes’extirperdesoncorps.Pourquoiréagissait-elledemanièresipuissanteàcetétranger?—TristanArcher,répéta-t-elle.Commentsefait-ilquejeteconnaisse?Elleinclinalatêteetseforçaàreculerdequelquescentimètres.Ilcherchasonregarduninstantavantdedemander:—Sais-tuoùsetrouveGabriel?Clic.LesyeuxdeScarletsefermèrentinvolontairementautimbredesavoix.SavoixétaitcommecelledeGabriel.Ellesedéversaitdanssesoreillesavecfamiliaritéetréconfort.MaissilavoixdeGabrielétaitpresqueparfaite,celledeTristanétaitirréprochable.Unsonenlignedirecteavecsoncœur.Elleyétaitenquelquesortereliéeetavaitbesoindel’entendredavantage.Lesbribesdemémoirequ’elleavait recouvréequand ilavaitouvert laporteavaientétééphémères.

Tropglissantespours’accrocher,maisassezconsistantespourêtreplusquejustesonimagination.Tristan avait un lien avec son passé. Il était là, à errer dans ses souvenirs. Elle avait juste à le

trouver…—Scarlet,ditTristan.Ilconnaissaitsonnom.—Scarlet,répéta-t-ilenseraclantlagorge,commesiparlerluifaisaitmal.Elleouvritlesyeux,revenantàlaréalité.Aïe.Venait-ellejustedefermerlesyeux?«Bravo,Scarlet!»Ellelevalesyeuxversluietessayadesemaîtriser.—Est-cequeGabrielestvenuavectoi?poursuivit-il.Scarletfronçalenez.—Euh…Non…?Commentétait-ellecenséeexpliquerqu’elleavaitsuiviTristan,unparfaitinconnu,jusqu’àsonchalet

danslesbois,touteseule?Qu’allait-elleraconterpournepasavoirl’airdel’avoirtraqué?Ilclignadesyeux.—Alorsoù…?Çanefaitrien.Entre.TristanreculaetfitsigneàScarletd’entrer.

Ellehésitauninstant.Non pas parce qu’entrer dans le chalet d’un inconnu aumilieu de nulle part était généralement une

mauvaiseidéeetsouventledébutd’unfilmd’horreur.Maisparcequ’ellesentait—non,ellesavait—qu’entreràl’intérieurdecechaletallaitchangersa

viepourtoujours.Etparcequesoninstinctsemanifestaitparanticipation.Elleauraitpurestersurleperronetdélibérertoutelajournée,maisellechoisitdefaireconfianceà

soninstinctàlaplace.Mêmesicelasignifiaitqu’elleétaitfolle.Elle entra lentement et s’arrêta dans le hall voûté.Devant elle se dressait un grand salon avec des

piliersenboispolimassifsetdumobilierencuir.Àsadroite,deuxescaliers:unquimontaitetunautrequidescendait.Unsous-solpeut-être?Tristan ferma laportederrière eux, et pendantunmomentgênant, aucund’euxneparla. Il s’éloigna

d’elleetsedirigeaversl’autreboutduhall.Commes’ilnevoulaitpasêtreprèsd’elle.Ilsortitsontéléphone,envoyauntextoetleremitdanssapoche.Ils’éclaircitlagorgesanslaregarder

etdit:—Gabrieldevraitbientôtarriver.Tuasprobablementbeaucoupdequestions.C’étaituneuphémisme.Scarletdansad’unpiedsurl’autreetessayades’exprimer.—TueslefrèredeGabriel,jesuppose?Ilopina.—Euh…,hésitaScarletenhochantaussilatête.Gabrieln’apas,euh…,parlerdetoi.Ilopinadenouveau.—Bien.SonregardcroisaenfinlesienetScarleteutuninstantpourregarderattentivementsesyeux.Ilsétaientd’unvertbrillant,presqueinhumain.Maisbeaux.Enchanteurs,même.Misàpartlesyeux,Gabrieletluiétaientvraimentidentiques.Ilsavaientlesmêmescheveuxnoirs,les

mêmescorpsmusclésmaisminces.Lesmêmesmains.Lesmêmeslèvres…C’étaitunpeudéconcertantderegarderunvisagesifamiliersansriensavoirdugarçonenarrière.Était-ilgentil?Était-ilcruel?Soninstinctluiendisaitpeuendehorsde«Tul’aimes.Tuveuxletoucher.»Cequin’étaitpasutiledutout.—Suis-moi,ditTristan,quis’éloignadelaporte.Il laconduisitdanscequiressemblaitàunsalonluxueuxmaismassif.Elleavait lechoixentredeux

grandscanapésetunfauteuilrembourré.Surunmurétaitfixéeunegrandetélévisionàécranplatetsurun

autres’érigeaitunecheminéeenpierre.ScarlettrouvaétrangedesetrouverdanslamaisondeGabrielsanslui.C’étaitcommeunetrahison.Enfait,çaettoutle«JeveuxtoucherTristan».Elle opta pour un des canapés et se percha sur le bord, essayant de ne pas être trop à l’aise.

PrincipalementparcequeTristannel’avaitpasexactementfaitsesentiraccueillie.Etpourquoil’aurait-ilfait?Ellel’avaitsuivijusqu’àsamaisoncachéedanslaforêtetavaitrôdésur

lepasdesaporte.Elleétaitassurémentuneinvitéeindésirable,alorsellerestasurlebordducanapépourêtrepolie.Et

enpositionpours’enfuirsi,parexemple,Tristans’avéraitêtreuntrèsbeautueurensérie.Ilneluienvoyaitpaslesondesd’untueur,maisilneluienvoyaitpasexactementd’ondesrassurantes

nonplus.OùétaitGabriel?Il allait être tellement en colère. Attendre qu’il rentre chez lui et qu’il panique en la voyant était

probablementunemauvaiseidée.—Tusaisquoi?demandaScarletenselevantdesonperchoir.Jecroisquejedevraispeut-êtrepartir.

Jepourrais…parleràGabrielplustard.—Non,ditTristan.C’étaitunordre,pasunedemande.Scarlet ne fut pas parcourue de frissons de peur,mais ellecommençaà regarder autour d’elle à la

recherchedesorties.Justeaucasoù.—Jeveuxdire…,ajoutaTristan,qui essayaitmanifestementdecontrôler son ton insistant. Je crois

qu’ilestimportantqueturestes.Aumoinsjusqu’àcequeGabrielrevienne.Scarlethochalatêteetserassitlentement,àlafoisméfianteenversTristanetincapablededéterminer

s’ilétaitdangereuxoupas.Elleattendituneseconde.—Tuconnaismonnom.Tristanlaregardaenhaussantunsourcil.—Monnom,précisa-t-elle.Tusaisquijesuis…Comment?Mêmesiellevoulaitparaîtreautoritaire,savoixsortitcalmeetcurieuse.Pendantunlongmoment,ilneditrien.Sesyeuxétaientpeinés,maissavoixnemanifestaaucuneémotionquandilfinitparparler.—Parcequejeteconnais.Jet’aiconnuepresquetoutemavie.Scarletenfutbouchebée,etunmilliondepenséesfusèrentdanssonesprit.LefrèredeGabriellaconnaissait?Laconnaissaitdepuisdesannées?LavoixdeScarletsortitétoufféeetvoiléequandelledemanda:

—Tum’asconnuetoutemavie?—Oui.Celasignifiait-il…?Non,c’étaitimpossible…—Est-ceque…Scarletdéglutit.—Est-cequeGabrielmeconnaissaitaussi?Hésitant,Tristanserraleslèvres.Ilhochalentementlatête.PourquoiGabrielluiavait-ilmenti?Scarletinspiraavecdifficulté.Gabrielétaitaucourant?Toutcetemps,Gabrielsavaitàproposdesonpassé—savaitquielleétait

—etneleluiavaitpasdit?Commentavait-ilpuluifaireça?Commentavait-ilpu?Despenséesfragmentéesetdesquestionss’accumulèrentàl’intérieurdeScarlet.Ellen’arrivaitplusàrespirer.Ellenevoulaitplusrespirer.Maissoudain,touteutunsens.LavoixfamilièredeGabriel,l’instinctdeScarletdeluifaireconfiance,sonabsencetotaledepanique

quandelleluiavaitparlédesonamnésie.Gabrielluiavaitmenti.Depuisdesmois.Sesyeuxsemirentàbrûler.JusteaumomentoùScarletpensaitqu’elleallaitpleurer,oucrier,oulancerquelquechose,Gabrielfit

irruption sur le seuil avec l’aird’unchiot coupablequand il avançadans le salon. Il regardad’abordScarlet,puisTristan.Ilditàsonfrère:—Jeneluiaipasdit.Jelejure.Scarlet,incrédule,regardaGabriel.— Scarlet, dit Gabriel, qui s’approchait d’elle. Je sais que c’est bizarre. Mais tu dois me faire

confiance.Elleécarquillalesyeux,incrédule,etselevapourluifaireface.—Tefaireconfiance?Es-tu fou?Pourquoidevrais-je tefaireconfiance?Tumeconnais?Tume

connaisdepuisdesannées?Tum’asmentiettuaseudessecretspourmoi,Gabriel!Degrossecrets!—Oui.Oui,jel’aifait,maistunecomprendspas…—Non, toi, tu ne comprends pas, dit-elle en pointant son doigt vers lui. Je vis comme un fantôme

depuisdeuxans. Je tourneen rondàessayerdedécouvrirqui jesuisetd’où jeviens. Jesuisperdue,Gabriel.Monidentitéestperdue.Ettudébarquesdansmavieaveclesréponsessansprendrelapeinedemelesdonner?—Jesais,çaparaîtinjuste…—C’estuneévidence!

—Maisilyauneraison…—Çavautmieux!Scarlet hurlait maintenant. La voix calme qu’elle avait utilisée avec Tristan était partie depuis

longtemps,remplacéeparcelledelacolère,delapeuretdeladouleur.Tristan,quisetenaitenretrait,ditàGabrield’unevoixfaible.—Luias-tuditquelquechose?Gabrielsecoualatête.Tristanjuraetsefrottalanuqueuninstant.—Tudoisluidire,Gabe.Maintenant.Scarletréalisaquemêmesiellenesavaitriendelui,ellefaisaitdavantageconfianceàTristanqu’à

Gabriel.Parceque,jusqu’ici,Tristanneluiavaitpasmenti.Etquelecontourdesaboucheétaitdivin.Gabrielopina.—D’accord.Scarletprituneprofonderespirationetessayadenepaspaniquer.«Gabrielsaitquijesuis.Gabrielsaitquijesuis.»Gabrielpritunsiègeenfaced’ellesurl’autrecanapé,maisTristanrestaàl’autreextrémitédelapièce.—S’ilteplaît,Scarlet,assieds-toi.Laisse-moit’expliquer.Gabriels’éclaircitlagorge.—Expliquerquoi?Tesraisonspourm’avoirmenti?Gabrieldéglutitetplissalefront.—Non.Jeveuxterévélertonpassé.D’oùtuviens…etpourquoitunet’ensouvienspas.Unmomentpassa,rempliseulementparlebruitd’unehorlogeàproximité.Tic…tac…tic…Scarletn’avaitpasdemots.ToutcequeScarletvoulaitdepuislesdeuxdernièresannées,c’étaitconnaîtresonhistoire.EtGabriel

détenaitlaréponsedepuistoutcetemps?Etlaluicachait?Ellevoulaitluilancerquelquechosedecoupantetdelourdpourl’avoirtrompée.Maisellevoulaitaussidesréponses.Larageetlacuriosités’affrontèrentenellealorsqu’elleregardaitfroidementGabriel.Tic…tac…tic…ScarletdécidaquelesréponsesétaientplusimportantesquedesobjetslancésàlatêtedeGabriel.Elle

trouveraitunchandelierencristalouunecléàmolettepourluifairemalplustard.Àl’instantprésent,ellevoulaitlavérité.Scarletplissalesyeux.—J’écoute.

—S’ilteplaît,répétaGabriel.Assieds-toi.Scarletsoupiraets’assitlentementsurlecanapé.—J’espèrequeçavautlecoup.Gabrielhochalatêtealorsqu’ilserraitnerveusementlespoings.Scarlet parcourut la pièce des yeux. Toujours stoïque dans son coin, Tristan croisa les bras sur sa

poitrine.C’étaitétrangedevoir les jumeauxdans lamêmepièce.C’étaitcommeregarderdeuxGabriel.Sauf

quelevéritableGabrielavaitl’airdésespéréetquel’autreGabriel—Tristan—avaitl’airfurieux.—Qu’est-cequipouvaitbienlerendrefurieux?C’étaitScarletqu’onavaittrompée.—Bon,ditGabriel,quidéglutit.Çavatesemblerfou,alorss’ilteplaît,resteavecmoi…Scarletbougeasurlecanapé.—OK,commençaGabrielenjoignantsesmains.Tuesnéeilyalongtemps,trèslongtemps.Ilattendit.—Oui,et…?ditScarlet.Gabrielscrutasonvisageetditlentement:—Comme…ilyadessiècles.Scarletrouladesyeux.—Gabriel,cen’estpasuneplaisanterie.Jen’aipasletempsde…—Chut,intervintGabriel,quilevaunemain.Écoute-moi.Scarletsetut,maishaussaunsourcildevantsonfuturex-petitami.«Vient-iljustedemefairetaire?»—Scarlet,dit-ilenlaregardantattentivement.Tuesnéedanslesannées1500.Scarlethaussalesépaules,attendantqueGabrielpoursuiveavecquelquechosecomme:«C’estune

blague!»ou«Jet’aieue!»oumême«Jesuisunmenteurpathologique!».Maisiln’enfitrien.Ilrestaassislà,àregarderScarlet,avecunairsérieuxfigésursonvisage.Ilavalasasalive.—Jesaisqueçasemblefou,mais…tuesnéeen1523.Scarletpinçaseslèvres,deplusenplusfrustrée.—Tuasraison.Çasemblefou.Çasemblaitfou.Çasemblaitridicule.Çasemblait…Clic.LesyeuxdeScarletsebrouillèrenttandisqu’unsouvenirsedéveloppaitdanssonesprit…Elleétaitpetite fille, sescheveuxétaientnouésenune tresse,etelledonnait lamainàunebelle

femme.Samère?Ellesétaientdansuneforêtetportaientdelonguesrobestandisqu’ellesmarchaientdansune clairière où les villageois affairés portaient des costumesmédiévaux et parlaient avecdedrôlesd’accents.Auloins’érigeaitunédificegigantesque…Unchâteau?

Scarlet cligna des yeux pour revenir au présent. Son souffle était irrégulier tandis qu’elle essayaitd’enveloppersonespritautourdecequ’ellevenaitdevoirdanssatête.Sesyeuxlabrûlaient.Unsouvenir…sonpropresouvenir.Impossible.Scarletessayad’écarterlogiquementlesouvenir,maisquelquechoseenellesemitenplace.Quelque chose de réel et d’indéniable. Comme un morceau de son esprit qui se réveillait pour la

premièrefois.LesmainsdeScarletsemirentàtrembler.Parcequ’aufonddesonêtre—danslecreuxdesonâmelàoùlessouvenirserraientdanslanoirceur

—,ScarletsavaitqueGabrieldisaitlavérité.Cequisignifiaitqu’elleétaitpresqueâgéedecinqcentsans.CC5!

5.N.d.T.:abréviationpour«Çacraint»danslesmessagestextes.

21

«Jesuisnéeen1523.»C’étaitimpossible.Pourtant,si.Scarlet pouvait sentir lavérité s’infiltrer en elle et elle était terrifiée.Elle laissa échapperun léger

soufflesaccadéetsesentitétourdie.Scarletnedit rientandisqu’ellefixaitunpetitaccrocsur lecanapéoùétaitassisGabriel.Elleétait

incapablederespirer.—Scarlet?LavoixdeGabrielsemblaitlointaine.—Scarlet,tum’entends?Jevaistoutt’expliquer.Elle se concentra sur l’accroc et commençaà secouer la tête.Sespoumons labrûlaientparmanque

d’oxygène.Ellenevoulaitpasqu’illaramèneàlaréalité.Ellenevoulaitpasqu’illuiexpliquetout.Ellevoulaitrentrerchezelle.RetrouverLauraetsestalonshauts.RetrouverHeatheretsesconseilscontinuelssurlamode.Ellenevoulaitpasêtrenéeen1523.Ellenevoulaitpasêtre…—Scarlet.LavoixcalmedeTristanlaramenaausalonduchalet.Ellelevalesyeuxpourcroisersonregard.—Toutvabiensepasser.Sesyeuxvertsplongèrentenelle,réchauffantlesmusclesdesapoitrineetramenantdel’airdansses

poumons.Elleopina,hochantlatêtedehautenbastandisqu’elleinspiraitetsentaitunepaixlatraverser.EllecontinuaàregarderTristanjusqu’àcequesesmainscessentdetrembler.Quelquechosechezlui—saprésence,sasilhouetteimmobilequisetenaitlà,discrèteetsombredans

lecoin—lafaisaitsesentiràl’aiseetassezcourageusepourregarderdenouveauGabrieletexpulserlesmotshorsdesabouche:—Je…necomprendspas…—Viens-tud’avoirunsouvenir?demandaGabriel,quisepenchaverselle.—Jecroisqueoui.—Et…tutesouviensdetout?Gabriellaregardaitattentivement.

Scarletgrimaça.—De tout ? Jeme suis vue petite fille et jemarchais avec une femme dans un village. Près d’un

château.«Ouah.Jedoisavoirl’airstupide.»GabrieletTristanéchangèrentunregardavantqueGabrielseretourneverselle.—Est-cetoutcedonttutesouviens?Scarletseconcentra.—Oui.C’est…c’esttout.Gabrielexpiralonguement.—D’accord.Mmh…Bon,avecunpeudechance,tuaurasplusdesouvenirsbientôt.Enattendant…

Euh,toutvabiensepasser.Scarletledévisagea.«Jevaisavoirdessouvenirsquis’étalentsurcinqcentsans?«Toutnevapasbiensepasser!»Scarletpinçaseslèvres.—Jesuisdéstabilisée.LevisagedeGabrielfuttraverséparuneexpressiond’inquiétude.—Moi aussi. Je pensais que tu te souviendrais de tout une fois que je t’aurais dit ton année de

naissance.Çafonctionnecommeçahabituellement.Scarlethaussalessourcils.—Ça?Dequoiparles-tu?GabrielregardadenouveauTristan,maissonjumeauneditrien.Gabrielsefrottalajoue.—Bien.Scarlet,jevaistedirequelquestrucsquiaurontl’airfous,maisilssontvrais.Ilfautjusteque

tu…m’écoutes.D’accord?Scarlethochalatête,parcequetoutlereste—commepartirduchaletàlacourseencriantavecles

mainsenl’air—nécessitaitqu’elleselève.Cequ’ellenepouvaitpasfaireparcequesesjambesétaientcommedelagelée.Gabrielprituneprofondeinspiration.—Scarlet,tuesnéeen1523etnous…IlfitungestequiincluaitTristanetlui.—…Noussommesnésen1521.Ilsefrottalesmainssursonjean.—Tristanetmoisommes…immortels.Scarletclignadesyeux.—Vousêtesquoi?—Immortels,ditGabrielavecsérieux.

Detouteévidence,Gabrielétaitfou.Scarletcroisasesmainsethaussalesépaules.—Vousêtesimmortels.Biensûr.Gabrielsepenchaverselle.—As-tudéjàentenduparlerdelaFontainedeJouvence?Scarletrouladesyeux.—Gabriel,jet’enprie…Illevalamainànouveau.—Non,jesuissérieux.Écoute-moi,c’esttout.Ilinspira.—LaFontainedeJouvenceestcenséedonnerlavieéternellesionboitdesoneau,n’est-cepas?Toujoursdanslecoin,Tristanricana.ScarletregardaGabrielavecimpatience.—C’estunelégende.Ilacquiesça.—Tuasraison.C’estunelégende.Etlalégendeestfausse.Lafontainenedonnepaslavieéternellesi

onboitdesoneau.Mais…siunefemmeenceinteenboit,commenotremèrel’afait…GabrielrefitungestequiincluaitTristanetlui.—…elledonneaubébé—ouauxbébés—l’immortalité.L’horlogesurlemursefitdenouveauentendredanslapiècesilencieuse.Tic…tac…tic…Scarlethaussalessourcilsetsecoualatête.—Ehbien,c’esttoutsimplementimpossible.Tristanmarmonna:—J’espère!Gabrielsetournaverssonfrère.—Tunem’aidespas,Tristan.Scarletlaissatombersonvisagedanssesmainsavecungrognementdefrustration.—Quesepasse-t-il?ElleregardadenouveauGabriel.—Es-tuen traind’inventerunehistoirestupide justepourque jenesoispasencolèreparceque tu

m’asmenti?LaFontainedeJouvence,Gabriel!Vraiment?C’estlepiredesmensonges.—Non.Gabrielsemblaitsincère.—Jeteprometsquejenetemenspas.Je…j’essaiejustedet’aideràt’ensouvenir…C’esttout.Scarlettournasesmainsversleciel.—Etalors…Ensuite,c’estquoi?Suis-jecenséecroirequejesuisimmortelleaussi?

—Pasexactement.Gabrielhésita.—Tues…semi-immortelle.—Jesuissemi-immortelle?Toutlemondeàborddutrainfou!Gabrielrevêtitunairsérieux.—Oui.Tuessemi-immortelle.Ildéglutit.—Tumeurs…etpuistureviensàlavie.…Etletrainfouquittaofficiellementlagare.—Biensûr.Ellehochalatête.—Çaatellementdesens.Jemeursetjereviensàlavie.Toutàfaitnormal.Elleétaitsurlepointdefaireuneblaguesurleszombiesquand…Clic.QuelquechosedanslesparolesdeGabrieltouchaunecordesensibleenelle.Çasemblaitjuste.Çasemblaitvrai.«Non.Enaucunefaçon.»Gabrielétaitunfou.Maislàencore,quelquechoseenellelecroyait…presque.Elleinspiraparlenez,laconfusion,l’espoiretlacolèreselivrantbatailleenelle.Non.C’étaittropfou.EllenepouvaitpasaccepterquelquechosedesiabsurdesimplementparcelajoliebouchedeGabriel

l’avaitdit.Sajolieboucheavaitditbeaucoupdechosesrécemment.Scarletsepenchaenavantetplissalesyeux.—Dis-moi quelque chose. Est-ce que je reviens à la vie de lamême façon que… tamaison a été

désinfectéeparfumigation?Gabrielsemitlatêtedanslesmains.—Bon,d’accord,ça,c’étaitunmensonge.Tum’asprisenflagrantdélitaujourd’hui.Illevalesyeux.—Maisjenemenspasàproposdececi.—Parfait.Ellenelecroyaitpas.Si,ellelecroyait.Non,ellenelecroyaitpas.Si,ellelecroyait.

Non,ellenelecroyaitpas.Çasemblaitfou,maissoninstinctluidisaitquec’étaitvrai.Grrr…Ellenesavaitpascequ’ilfallaitcroire,etsatêtecommençaitàluifairemal.Sansparlerdesoncœur,quitambourinaitcommeunenfantenbasâgeavecunmaillet.Scarletsecoualatêteetseleva.—Jenepeuxpasfaireçamaintenant.Jecrois,euh…,quejevaism’enaller.Elle était tellement désorientée par les secrets et lesmensonges deGabriel qu’elle ne pouvait pas

écouterd’histoire idiotesur le faitd’être immortel,ousemi-immortel,oupeu importe,mêmesic’étaitvrai.Cequin’étaitpaslecas.Àpeinesefut-ellelevéeducanapéqueTristanparla.—Scarlet,attends.Sesmotsdérivèrentsursapeauetflottèrentdanssespores,cequifitvibrersonventredeplaisiret

intensifialesbattementsdesoncœur.Savoixétaitpuissante,familièreetreliéeàelled’unemanièresurnaturelle.Ellepouvaitpresque…lasentir.Etellevoulaitlasentir.Mais,làencore,ellevoulaitsentirbeaucoupdechoses.CommelesbicepsdeTristan.—S’il teplaît, continuaTristan,qui la suppliait avec sesyeuxémeraude. Je t’enprie, rassieds-toi.

ÉcouteGabrieletlaissetoninstinctdécider.Situcroisquenoussommesfous,dangereuxoumenteurs,alorstupourraspartir.EtGabriel…Tristanregardasonjumeaud’unsaleœil.—…netedérangeraplusjamais.Jetelepromets.Scarletregardalesjumeauxuninstant.Faireconfianceàsoninstinct?Soninstinctluidisaitàcemoment-làdepassersesmainsdanslescheveuxfoncésdeTristan.Ellen’étaitpastrèssûredelafiabilitédesoninstinct.Scarlet regarda attentivement Tristan. Il n’avait aucune raison, pour autant qu’elle le sache, de lui

mentir.Iln’avaitaucuneraisondelamenerenbateau.Alorspourquoilefaitqu’elleresteluiimportait-il?Tic…tac…tic…Scarletserassitlentement.—D’accord,jevaist’écouter.ElleregardaGabriel.—Maispasdemensonge.

Gabrielhochalatête.—Pasdemensonge.Scarletcroisalesmainsdenouveauetregardasonpetitami.Ilavaitl’airdésespéré,pleind’espoiret

depeur,toutàlafois.Ellesesentaitmalpourlui.Ellesavaitqu’ilsesouciaitd’elleetqu’ilvoulaitqu’ellelecroie.Maispouvait-ellelefaire?Pourrait-elleluifaireconfiance?Devait-elleluifaireconfiance?—Permets-moiderecommencer.Gabrielseraclalagorge.—Danslesannées1500,nousvivionstouslestroisenAngleterre.Ilfitungesteenglobantchacund’eux.—Ettoietmoi,ajouta-t-ilenfaisantunsignedetêteversScarlet,nousétionsfiancés.—Quoi?Gabriel,immortel?Biensûr,pasdeproblème.Gabrieletelle,fiancés?Im-pos-sible.Gabrielopina.—Maistues…morteen1538,dit-ilendéglutissant.Etpuis,tuesrevenueàlavie…—Jesuisdésolée.Scarletlevaunemainetsecoualatêteavecinsistance.— J’ai l’impression que tu passes sous silence certains détails. Comme toute cette histoire de

fiançailles.Ellehaussalesépaules.—Etcommentjesuismorte?Etcommentdiablejesuisrevenueàlavie?Situveuxmefairecroire

cettehistoireridicule,alorstudoisaumoinsmedonnerplusd’informations.ElleavaitétéfiancéeàGabriel…ilyacinqcentsans…avantde«mourir»…etdereveniràlavie?Aïe.Saprésuméeviesemblaitsistupide.C’estvrai…disaitsoninstinct.«Tais-toi,instinct.Tuesridicule.»Gabrielhochalatête.—Exact.Essayonsencore.Tristansoupiraetdécroisasesbras.Tristanregardapar-dessussonépauleversTristanetdit:—Toi,veux-tuessayerdeluiexpliquer?TristanregardaGabriel,l’airsceptique.

—Pourquoivoudrais-jelefairealorsquetufaisuntravailfantastiquetoutseul?—Tais-toi.GabrielseretournaversScarlet.—Quoiqu’ilensoit…Nousétionsfiancés…—Etpuistuesmorte,intervintTristandemanièreprosaïque.LeregarddeScarletserivasurTristan.Gabriellançaunregardfurieuxàsonjumeau.—Jecroyaisquetunevoulaispasluiraconter.—J’aichangéd’avis.TristanhaussalesépaulesetregardaScarlet.—Gabriel et toi étiezpartispourvivreheureuxet avoir beaucoupd’enfantsquand l’ex-petite amie

cingléedeGabrielt’aviséeavecuneflèche…—Tonex-petiteamiem’atuée?ScarletregardaGabriel.Gabrielseretourna.—C’estunelonguehistoire…—Non,çanel’estpas.Jevaisrésumer.Tristanfitunpasenavantetcroisalesbrassursapoitrine.—Gabrielcourtisaitunejeunefilled’unvillagevoisinnomméeRaven…—Jenelacourtisaispas,ditsèchementGabriel.—Peuimporte.Tristanrouladesyeux.—Donc,RavenapenséqueGabrielvoulaitl’épouser.Maisensuite,ilt’arencontrée.Ilhaussadenouveaulesépaules.—Soudain,Gabrielnes’estplusintéresséàRaven.Alors,qu’a-t-ellefait?Scarletouvritlaboucheetdit:—Alors,ellem’a…tuée?Tristanopina.—Etelleaaussilancéunsortàlaflèchequit’atuée.ScarletdéviasonattentionversGabriel.—Quoi?Ilétaitquestiondesortsmaintenant?L’immortalité,laFontainedeJouvence,lessorts…Etensuite,desdragons?—Jesuisensorcelée?ScarletregardaGabriel.—Pasexactement.

Gabrielfitunegrimace.—Lamalédictionn’étaitpasdirigéecontretoi,maistusouffresencored’uneffet…secondairedela

malédiction.Àcausedelaflèche.—Tucomprends,ditTristan,Ravenétantunepetitesorcière…—Ellen’étaitpasunesorcière,ditGabriel.Tristanhaussalessourcils.—Elleajetéunsort,Gabe.C’estcequefontlessorcières.Ellesmontentsurdesbalais,jouentavec

leschatsetensorcèlentlesgens.Gabrielrouladesyeux.—Pourquoi fais-tu toujoursça?Pourquoidois-tuargumenteravecmoi surabsolument tout ?C’est

commeàchaquefoisquenous…Lesdeuxfrèrescommencèrentàsequereller,etsoudain, la têtedeScarletsemità tourneravecdes

couleursetdesbruits.Clic.Unautresouvenirsurgitdanssonesprit.Elleétaitadolescenteetportaitunelonguerobe.Ellen’étaitpasenGéorgie,elleétaitquelquepart

loin.Quelquepartoùil faisaitplusfroid…etoùlesarbresétaientplusdenses.Sescheveuxétaientpluslongsetelletenaitlamaindequelqu’un…Commepournepasperturberlesouvenirquiserévélait,ellemurmura:—Jemesouviensdequelquechose…Lesgarçonsseturentimmédiatementetconcentrèrenttouteleurattentionsurelletandisqu’elleessayait

des’imprégnerdavantagedecequ’ellevoyait.Elletenaitlamainde…Sonregardremontalelongdelamainpuisdubrasprèsd’elleetrencontradeuxyeuxbrunsfamiliers.Gabriel.Elle tenait lamain deGabriel. Il souriait et elle riait de quelque chose qu’il venait de dire. Ils

étaientbien.Ilsétaient…réels.Scarletclignadesyeuxrapidement,essayantdecomprendrecequesignifiaitsonsouvenir.Elleregarda

Gabriel,lesoufflecoupé.—Jemesouviensdetoi.Nousmarchionsdanslaforêt.Mescheveuxétaientpluslongs…ettuétais

bizarrementhabillé.Gabrielsepencha,unsourireserépandantlentementsursonvisage.—Tutesouviens?Tristaninclinalatête.—Oui,continuaScarlet.Ilfaisaitfroid,lesoleilallaitsecoucheretje…Ellesereplongeadanslesouvenirpourrassemblerautantd’informationsquepossible.—Jeportaisunelonguerobe…etunebaguedefiançailles…

«Étais-jevraimentfiancéeàGabrieldansuneviepassée?»C’étaitsiétrange.—Oui,ditGabriel,quihochalatête,enthousiaste.—Tesouviens-tud’autrechose?Scarletessayaderéfléchirencoreplusfort,defaireensortequesoncerveaucoopèreavecsavolonté

de se rappeler, mais le souvenir commença à se dissiper. Les bruits et la couleur tiraient à leur fin.Lentement,ilseretiraaufonddesonesprit,làoùilreposaitsilencieusementparmilesquelquesautressouvenirsprécieuxqu’ellepossédait.—Non,dut-elleadmettre.C’esttout.Satêteétaitperplexetandisqu’ellerevenaitversleprésent.Scarletregardalesol,pensive.C’étaitvrai.ToutcequeGabrieletTristanluiavaientditétaitvrai.Elleavaitvécuilyadessiècles.ElleavaitétéfiancéeàGabriel.Ellesesouvenait.Ellenepouvaitpaslenier.Scarletprituneprofonderespiration.Toutétaitvrai.Cequivoulaitdireque…ScarletregardaGabriel,puisTristan.—Bonsang!Vousêtesimmortels!Sapetitevoixsebrisa.Lesfrèresacquiescèrent.—Etmoi…,jemeursetjereviensàlavie!Scarletpouvaitàpeineprononcerlesmotssanss’étouffer.Outousser.Oufrissonner.Parcequemouriretreveniràlavieétaittotalementeffrayant.Etmonstrueux.Gabrielhochalatêted’unaircompatissant.Scarletpritquelquesautresprofondesrespirations.Bon,doncelleétaitsemi-immortelle.Ellemourait

etrevenaitàlavie.Ellepouvaitaccepterça,non?Sesmainsrecommencèrentàtrembler.Gabriels’assitprèsd’elleetposasamainréconfortantesursongenou.—Tunetesouviens…derienparrapportàça?Riendutout?Scarletsecoualatête,atterrée.—Non,Gabriel.Detouteévidence,jenemesouvienspas.Jesupposequesijemesouvenais,jene

seraispasassiseici,paniquée!—Hé…Hé.

Savoixétaitapaisantetandisqu’ilessayaitdelacalmer.—Çava.Ilhochalatêtedemanièrerassurante.—Toutirabien.Jetelepromets.Tupeuxlefaire.Tupeuxlegérer.Tun’asqu’àmefaireconfiance…

D’accord?Scarletscrutasesyeuxbrunsetessayadetrouverlaforcederespirersanspleurer.Ou,àtoutlemoins,

sansvomir.Elleopinaetprituninstantpourrassemblersesespritsetaborderrationnellementsasituation.Cequiétaitimpossible,parcequelarationalitén’avaitpassaplacedansleshistoiresd’immortalité,

demalédictionsetd’elfes.Bond’accord,peut-êtrequ’aucunelfen’était impliqué,mais ilyavaitdesmalédictions,cequiétait

toutaussifou.Scarletexpira.Elle avait juste besoin d’intégrer et d’accepter sa nouvelle réalité, même si elle était totalement

bizarre.Ellepouvaitlefaire.—D’accord,ditScarlet,qui se levapourchasser lanervositéenelle.Donne-moi juste…justeune

minutepourquematêtesefasseàtoutça…»Oupeut-êtrequejevomisse.»«Non,seréprimandaScarlet.Jenevaispasvomirdevant lesdeuxgarçons lesplusattirantsque je

connaisse.Scarletsemitàarpenterlapièce.»J’aicinqcentsans.»Jemeursetjereviensàlavie.»Monpetitamiestimmortel.»Et…ahoui,ilyaunemalédiction.»C’estratépourlanormalité!»Elle semit bien droite et prit quelques profondes respirations jusqu’à ce que sesmains arrêtent de

trembler.Elleavaitdesquestions,beaucoupdequestions.—Bien.Donc,jemeurs.Elleessayadeledirecommesic’étaitunfaitetpasunfunestedestin.Gabrielhochalatête.—Oui,maisturevienstoujoursàlavie.Commesic’étaitcensélafairesesentirmieux.— Est-ce que je reviens à la vie immédiatement ? Ou est-ce que je meurs quelques secondes, et

ensuite,jerevienstoutdesuitedansunenouvellevie?

—Euh,non.Gabrielfrottasesmainssursonjeanunefoisencore.— C’est différent à chaque fois. Parfois, tu meurs pour une centaine d’années, parfois seulement

quelquesdécennies.«Jeresteparfoismorteunecentained’années?Là,c’estofficiel,cettejournéeestvraimentnulle.»Elledéglutit,essayantdenepaspenseràsoncorpsendécompositiondansunetombeavecdesinsectes

quirampentpartoutsurelle.—Et…pourquoiest-cequejerevienstoujoursàlavie?LavoixdeGabrielétaitimprégnéederegrets.—Parcequetuasdusangimmortelentoi.— D’accord, approuva Scarlet. Parce que je suis semi-immortelle. Est-ce que je suis, genre, née

commeça?Suis-jeunemutanteouquelquechosedugenre?Lesdeuxfrèresremuèrent,malàl’aise.—Pasexactement,ditGabriel,quis’éclaircitlagorge.LaflèchequeRavenautiliséepourtetuerétait

recouvertedesangimmortelquandellet’atranspercée.Cesangs’estdoncinfiltrédanstoncœur.Lesangimmortelnemeurtjamais,alorsquandtoncorpsmeurt,lesangàl’intérieurdetoicombatpourterameneràlavie.Desquestionssebousculèrentdansl’espritdeScarlet.—Lesangimmorteldansmoncœurmeramèneàlavie?Gabrielacquiesça.—Alors,pourquoiest-cequejecontinueàmourir?—Parcequelesangimmortelnet’appartientpas.C’estunélémentsurnaturelquiesttropfortpourque

toncorpslecontienne,donc,àchaquenouvellevie,lesangcombatpourselibérerdetoncœur.Ilobligetoncœuràbattreplusviteetplusfortquelecœurdel’hommeneledevrait,forçanttoncœurjusqu’àcequ’ilcommenceàsedéchirer.Aufildutemps,toncœursebriselentementjusqu’àceque…tumeures.Encoreunefois.Tristanregardaleplafond,levisagecrispé.Scarletclignarapidementdesyeux,nesachantpastropquoidire.—Jecontinueàmourird’avoirlecœur…brisé?Gabrielhochalatête.—Maislesangimmortelàl’intérieurdetoiteramèneàlavie.—Jusqu’àceque,ditTristan,quilaregardaitdepuissoncoinsombre,lemêmesupersangdéchireton

cœurendeuxencoreunefoisettetue.Enfait,lesangtedonnelavie,puistel’enlève.LesparolesdeTristansemblaientempreintesdecolère,maissesyeuxavaientl’airblessés.—Tumeurs…Tureviensàlavie…Tumeurs…Tureviensàlavie.C’estuncerclevicieux.ScarletdéglutitetregardaGabriel.

—C’estçal’«effetsecondaire»donttuparlais?Gabrielhochalatête.—D’accord…D’accord,d’accord.Ellepassaunemainnerveusedanssescheveux.—Alors, pourquoi…Quel est sonnom?Raven ? Pourquoi voulait-elle que je revienne à la vie ?

Pourquoia-t-ellemisdusangimmortelsurlaflèche?Gabrieldit:—Elle…nel’apasfait.—Alorsqui?Tic…tac…tic…Scarletregardalesfrèressilencieuxàtourderôle.—C’estlesangdequidansmoncœur?EllejetaunœilversGabriel.—Letien?Gabrielregardalesol.«Bon,çaauguremal.»Gabrielseraclalagorge.—Lesangsurlaflèchen’étaitpaslemien.C’étaitceluideTristan.LesyeuxdeScarletserivèrentsurTristan,—quifixaitaussilesol.Malàl’aise,GabrielbougeaetregardaScarlet.—Àl’époque,Tristanetmoinesavionspasquenousétionsimmortels.Donc,nousignorionsquele

sangdeTristant’emprisonneraitdansuncycledemortetdevie.Tristannesavait—nousnesavions—…rien,enfait.Gabrielsefrottalajoueetregardadenouveaulesol.—Commentpouvais-tunepassavoirquetuétaisimmortel?ElleregardaTristanetserenfrogna.—Etpuispourquoidiableas-tumistonsangsurlaflèche?Gabrieldéglutit.—Personnen’amisdélibérémentlesangsurlaflèche,Scarlet.C’était…unaccident.Latensionenvahitlapièce.—Unaccident?ScarletregardaTristanetattenditquesesyeuxrencontrentlessiens.Ilavaitl’airhagard.Peiné.Son cœur vibrait tandis qu’elle sentait quelque chose de triste grandir en elle. Cette chose lourde,

chaudeetpleinederegretsmurmuraquelquechoseàsonâme.Quelquechosedepuissant.Quelquechosedetriste.

QuelquechosedontScarletnepouvaitsesouvenir.Ellescrutasonvisage,espérantdesréponses,maisilneditrien.Unmomentdesilencepassa.Tristansetournalentementetquittalapièce.LesyeuxdeScarlets’attardèrentsurluialorsqu’ildisparaissait.Sonrythmecardiaquerapidesecalma

pendantqu’ils’éloignait.Gabrielregardasonfrèresortiravecunsoupir.—Euh…Tristanadesproblèmes.Alors,essaiejustedel’ignorer.«Oui,biensûr.»Lentement,ScarletserassitetregardaGabriel.—CommentlesangdeTristans’est-il«accidentellement»retrouvésurlaflèche?Gabrielpinçaseslèvres.—QuandRavent’avisée,Tristanafait…ungenre…desautdevantlaflèchepourtesauver.Laflèche

a traversé soncœurpourallerdans le tien.Donc, la flècheaété recouvertede son sangquandelleafrappétoncœur.Scarletsepenchaenarrière,perplexe.—Maistuasditquevous,lesgarçons,nesaviezpasquevousétiezimmortels.—Nousl’ignorions.—Alors…LecœurdeScarletseserra.—Si Tristan ne savait pas qu’il était immortel, pourquoi a-t-il sauté devant une flèche ? Pourquoi

aurait-ilrisquésavie…pourmoi?SielleétaitfiancéeàGabriel,pourquoiTristanavait-ilétéprêtàmourirpourelle?Était-ceuncomportementnormalpourunfrère?Était-ceuncomportementnormalpour…quelqu’un?Gabrielhésita.—Tudevraisleluidemander.Scarletplissalesyeux.Quesepassait-il?

22

Tristanserenditdanslebureauets’arc-boutacontrelebureauancienenacajou.Ilétaitfurieux.Ilétaiteffrayé.Etilétaittriste.FurieuxparcequeGabrielavaitrencontréScarletavantquelamalédictionsoitbrisée,etmaintenant,

elleétaitdanssonsalon,complètementperdue.L’idiot.EffrayéparcequelessouvenirsdeScarletpourraientluireveniràtoutmoment,commeentémoignaient

ceuxqu’ellesavaienteusdanslesalon,etilnepouvaitpaslalaissersesouvenirdelui.Pascomplètement,dumoins.Et triste parce que, encore une fois, il n’y avait rien qu’il puisse faire—ouqu’ildevrait faire—

concernantlarelationdeGabrielavecScarlet.Sauflaregardersedéroulerdevantlui.Iljuradanssabarbe.Letempsétaitcompté.Ildevaitbriserlamalédictionimmédiatementavantqueleschosesdeviennenthorsdecontrôle.Ilsortitsontéléphonedesapocheetenvoyauntextoauplusrécentassassinqu’ilavaitengagé.

Changementdeprogramme,onsevoitcesoir.

Tristan glissa le téléphone dans sa poche et prit quelques profondes respirations. Son cœur battaitpérilleusementenlui.Ilattendituninstant,espérantquesapoitrinesecalmerait,maisc’étaitinutile.Scarletétaitàdeuxpiècesdelui,etsonâmen’avaitjamaisétéplusheureuse.Ouavide.LesangimmortelquicoulaitaucentreducœurdeScarletl’appelaitavecsonmartèlementpuissantet

brisaitlecœurdeScarletpeuàpeuàchaquepulsation.Il ne pouvait pas contrôler son sang dans la poitrine de Scarlet. Il ne pouvait pas l’empêcher de

déchirersoncœur.Etplusilseraitprèsd’elle,plusilferaitdedommages.Etcelaneferaitqu’empirersiellesesouvenaitdelui.Ildevaitresteràdistance.

23

Scarlettapotasursesgenoux.Ellenesavaitpasparoùcommencer—Donc,nousétionsfiancés.Tonex-petiteamiefollem’atiréedessus.Tristanaessayédemesauver

lavie,maisenfait,cequ’ilafait,c’estmetransformerenunefillesemi-immortellequiseréincarne.Ettunem’asjamaisriendit…riendetoutça?Elleleregarda,perplexeetblessée.Gabrielpritunelongueetprofonderespiration.—J’espéraisquelamalédictionseraitbriséeavantquetutesouviennesdetout.Jevoulaisavoirde

bonnesnouvellespourtoi.Jenevoulaispast’effrayer.—Maistum’aseffrayée.Jesuiscomplètementeffrayée,Gabriel.Ilhochalatêteetlaregardaattentivement.—Jesuistellementdésoléquetuaiespeur.Maisjetelejure,jenepensaispasqueçasepasseraitsi

mal.Habituellement,quandtureviensàlavie,tutesouviensdetoutimmédiatement.Scarletplissalefront.— Tu m’as menti. Tu m’as trompée. Tu es entré dans ma vie et tu as fait semblant que tu ne me

connaissaispas.Tuasjouéavecmatête,tuasjouéavecmoncœur,Gabriel.C’étaitmal.—Jesais.Savoixsebrisasousl’émotion.—Maistudoismecroire.Jesaisquetunetesouvienspasdemoi,quetunetesouvienspasdenous

ensemble,avant,maisjesuisfoudetoi,Scarlet.Jejurequejen’essayaispasdetetromper.C’estjusteque…tumemanquais.Etjenevoulaispast’effrayer.Jet’enprie,pardonne-moi.Scarlet serra ses lèvres. Elle était parcourue par une myriade d’émotions. Elle était en colère et

blessée.Mais,malgrétoussesefforts,ellenepouvaitpashaïrGabriel.Étrangement, elle compatissait presque à son désir d’entrer dans sa vie. Comme si elle comprenait

jusqu’oùonpouvaitallerpourlespersonnesqu’onaime…Scarletsecoualatête,perplexeetfrustrée.— J’en ai fini avec les mensonges. Je n’en veux plus. À partir de maintenant, tu vas devoir être

honnête.Parcequeça…Scarletfitungestepourmontrerlapièce.—Çan’estpascool.Tun’auraispasdûmelecacher.Çan’étaitpasjuste.Gabrielressemblaitàunanimalblessé.—Jesais.—Plusdemensonges,ditScarlet.Gabrielacquiesça.—Plusdemensonges.

—Alors,jetepardonne.EllesetutuninstantpourpenseràsesrelationspasséesavecGabriel—cellesdontellenepouvaitpas

sesouvenir.—Avons-nousété…,euh…,ensembledanstoutesmesvies?Ilhaussalesépaules.—Laplupart.—Et…combiendeviesai-jeeues?demanda-t-elleavecuneminerenfrognée.Deux?Trois?Quatre-vingts?—Six.«Six?D’accord,pasmal.Sixvies.»Moinsqu’unchat.»Jepeuxgérerça.»Scarletsecoualatête.— Et qu’en est-il des quinze premières années de cette vie-ci ? Pourquoi est-ce que je ne m’en

souvienspas?Gabrielavaitl’airdecompatir.— Quand tu meurs, ton corps n’est pas enterré et ne se décompose pas. Il fait juste comme…

disparaître.Ehbien,c’étaitbonàsavoir.Aumoins,ellenepourrissaitpasdansunefosseaprèschaquevie.—Etquandtureviensàlavie,continuaGabriel,toncorpsfaitjustecomme…réapparaître.Scarletétaitperplexe.—Quoi?—Tunenaispasdansunenouvellevie,dit-il.Tute…disons,matérialisesdansdesendroitsauhasard

ettuteréveillessansaucunsouvenir—commec’estarrivéilyadeuxans—ettuastoujoursquinzeansquandtu…réapparais.Scarletétaitbouchebée.—J’aieusixvies,maisaucuned’ellesn’avaitétéuneviecomplète?—Sauftapremièrevie,ditGabriel.Tuesnéedanscelle-là,biensûr.Avecunefamilleettout.Soncœurseserra.Unefamille.Sitoutcelaétaitvrai,alorsplusaucunmembredesafamillen’étaitvivant.Personnedesafamillene

l’avaitabandonnéedansleparc.Aucunefamillenelarechercherait,jamais.— Attends, intervint Scarlet en levant la main. Si je me matérialise dans des endroits au hasard,

commentas-tusuquej’étaisiciàAvalon?—Parceque…Gabrielremuasursonsiège.—ParcequeTristanpeutteretrouver.

—Quoi?Comment?Gabrielserraleslèvresuninstant.—CommentTristanpeut-ilmeretrouver?—Cen’estvraimentpasmonrôledeteledire…—Gabriel!Scarletenavaitvraimentassezdetoutescesdemi-véritésetdecessecrets.—D’accord,trèsbien.Ilseretournaetcriadanslecouloir:—Tristan!UnlongmomentpassaavantqueTristanapparaisseàl’entréedusalon,l’airagacé.—Quoi?—Scarlet veut savoir comment tu fais pour la retrouver, ditGabriel, qui regardait partout sauf son

jumeau.Tristanplissalesyeux.—Non.Ilrepartitdanslecouloir.—S’ilteplaît?Touscessecretsl’étouffaient.Elledevaitsavoir.Tristanrestadosàellependantplusieurslonguessecondes,etpendantuncourtinstant,cefutcommesi

elleétaitmomentanémentàl’intérieurdelui,sentantcequ’ilfaisait.Lapeur,l’anxiété,l’impuissance…ledésir?Maisl’assautaffectifdisparutaussivitequ’ilétaitvenu.Perdait-ellelatête?Probablement.Ceciexpliqueraitcertainementbeaucoupdechoses.Tristanseretournalentementetrencontrasonregard.Sesyeuxétaientdénuésd’émotionquandildit:—Jesuis…liéà toi.Àcausedusang.Jepeuxtesentir.Si jesuiscequejeressens…jete trouve

toujours.TristanjetaunœilversGabriel.—Tupeuxmesentir?Scarletinclinalatête.Tristanacquiesça.—Puis-jetesentiraussi?—Jenesaispas.—Ah,ditScarlet,nesachanttropquoifaireaveccetteinformation.Unmomentdélicatpassa.Scarlets’éclaircitlagorge.

—Est-cepourçaque…est-cepourçaquetavoixsemblesi…Parfaite?Belle?Familière?—Probablement,ditTristan.—EtlavoixdeGabriel?Scarletregardasonpetitami.—Ellesonneexactementcommelamienne,ditTristan.Lesjumeauxontdesvoixpresqueidentiques,

alorstonsang—oumonsang,oupeuimporte—enregistreprobablementnotrevoixets’yidentifie.—D’accord,acquiesçaScarlet.Parcequetonsangvitenmoi.Tristandétournalesyeuxethochalatête.—Lemêmesang,ditScarlet,perplexe,quidéchirelittéralementmoncœur.Ilopinadenouveau.ScarletregardaGabriel.—Ettupenses…quemoncœursebriseraànouveau?Commeill’afaitdanstoutesmesautresvies?

Tupensesquejevaismourir?Savoixétaitàpeineplusqu’unmurmure.Gabriellaregardaavecdeladouleurdanslesyeux.—Seulementsinousn’arrivonspasàbriserlamalédiction.—Cequenousferons,ditTristan,quiadressaunregardsévèreàsonjumeau.Scarletregardaentrelesdeuxfrèresuneseconde.—Avez-vousessayédebriserlamalédictionavant?—Nousavonsessayédelabriserpendantdescentainesd’années,ditGabriel.Laclépourdéfairela

malédictionestdetrouverlaFontainedeJouvence—lamêmefontainequinousadonnéàTristanetàmoil’immortalité.Maisnousn’avonspaseubeaucoupdechance.—La fontaine est censée se trouver en Floride,mais nous avons passé l’État au peigne fin et rien

trouvé.Nousavonscherchédanstoutel’Europe,leMoyen-Orient,l’AmériqueduSud.Nousavonssuivichaquelégendeserapportantàlafontaine,maisnousn’avonspasencoretrouvé.Scarletdit:—Maiselleexiste,non?Jeveuxdire,tamèreabudesoneau,doncn’aurait-ellepasdûsavoiroù

ellesetrouve?Gabrielsecoualatête.—Non, elle n’a jamais été à la fontaine. Elle a bu un flacon d’eau de la fontaine rapporté d’une

expéditiondansleNouveauMonde.L’hommequivendaitlesflaconsn’ajamaisditàpersonneoùilavaittrouvél’eau,alorsc’estrestéunmystère.—Desflacons?Ilyavaitplusd’unflacond’eaudelafontaine?Gabrielhochalatête.—Ilyavaittroisflaconsentout.—Oùsontlesflaconsmaintenant?

—Deuxsontvidesetl’autreest…manquant.«Biensûr.»—Donc, il ne reste plus de flacons et personne ne sait où se trouve la fontaine. Et si nous ne la

trouvonspas,jevaisprobablement…mourir.LevisagedeGabrielétaitpeiné.—Lafontaineestleseulmoyensûrdeteguérir.Unsentimentdepeuretd’échecparcourutScarlet.—Çan’arriverapas,ditTristan.J’aiunnouveauplanetilestgénial.—Jenepensepasquegénialsoitlemotjustepourça.Gabrielregardasonjumeau,l’airsévère.Tristanhaussalesépaules.—IlestàtouteépreuveetilvasauverlaviedeScarlet.—Quelesttonplan?ScarletregardaTristan,pleined’espoir.—Crois-moi,ditGabrielensecouantlatête.Tuneveuxpaslesavoir.Exaspérée,Scarletdit:—Tuviensjustedemepromettredeneplusmefairedesecrets.—Jesais,mais…—Gabriel t’a peut-être promis de ne plus te faire de secrets, ditTristan en regardant Scarlet avec

fermeté.Maispasmoi.Etils’agiticidemonsecret.EllefixaTristanunlongmoment.Ellevoulaitdébattreaveclui,maiscurieusement,ellesavaitqu’elle

perdrait.—Trèsbien.Gardetonpetitsecret.Maises-tusûrquetonnouveauplanvafonctionner?Tristanopina.Gabrielgrimaça.—Ilpourraitfonctionner.Maisjecroisquenousdevrionscontinueràchercherlafontaine.IlregardaScarletavecunsourirerassurant.—Etmaintenantquetusaisàproposdetout,nouspourrionschercherensemble.Scarletn’étaitpasrassurée.Elleavaitpeur.—Maistuviensdedirequevousaviezcherchépendantdessièclesetquevousn’aviezpasréussi.Ilacquiesça.—Maisçaneveutpasdirequ’ellen’estpaslà.Nousn’avonsqu’àcontinueràchercher.—Mais…etsionnelatrouvepas?Etsimonsang,oulesangdeTristanoujenesaisquoi,metueen

premier?Etsijemeurs?Scarletrepensaaumatindanslaforêtilyadeuxans.Lapeur…laconfusion…l’impuissancequ’elle

avaitressenties.Toutluirevenaitavecuneteinteetuneémotionvives.

Ellenepasseraitpas—nepouvaitpaspasser—parcetteexpérienceterrifianteencoreunefois.Elleétaitauborddeslarmes.— Hé, hé, dit Gabriel, qui passa son bras autour d’elle. Ça n’arrivera pas. Nous allons trouver

commenttegarderenvie,jetelepromets.Ilsemblaitdéterminé.—N’aiepaspeur.Scarlet,avecunelèvretremblante,rouladesyeuxalorsqu’elleselevait.—Jevaisprobablementmourir,Gabriel.Alors,pardonne-moisij’aipeur.Si elle restait uneminutedeplus, elle allait éclater en sanglots et s’effondrerait complètement.Elle

devaitsortirdelà.

24

Gabriel regarda Scarlet se diriger vers la porte d’entrée. Ses yeux bleus étaient grands ouverts etbrillants.Elle avait l’air effrayéeetbouleversée.Dansun instantdepanique,Gabriel entrepritde la suivreà

l’extérieur.—Scarlet,attends!Tristanluiadressaunregardvisantàl’avertiretavançapoursemettresursonchemin.Gabrielpoussaunsoupirdefrustration,maislaissaScarletpartir.Sielleavaitbesoindeplusd’espace,ilpouvaitleluiaccorder.Dumoins,pourlemoment.Scarletouvrit silencieusement laported’entrée etdisparut à l’extérieur.Lagrandeporte se referma

lentementderrièreelle.UnmomentdesilencetendupassaentreGabrieletTristan.—Ehbien…Ças’estbienpassé!Tristancroisalesbrassursapoitrine.Gabrielsecoualatête.—Necommencepas.—Tuesunidiot,ditTristan.Gabrielrouladesyeux.—Si, tu en es vraiment un, dit Tristan.D’abord, tu vas vers elle pour te présenter alors que nous

avions expressément accepté de la laisser vivre en paix jusqu’à ce que la malédiction soit brisée.Ensuite,tuinterfèresdanssavieaupointoùelleenvientàmesuivredanslesboisoù—Surprise!—elleapprendquetuasunfrèrejumeauetqu’ellevamourir.Échectotal,monvieux!Gabrielsecoualatête.—J’aiessayédelateniràl’écart,jetejure.—Çan’apasd’importance,Gabe.Elleestintelligente.Ellel’auraitprobablementdécouvertdetoute

manière.Gabrielexpira,lesyeuxtournésverslaporteduchalet.—Elleapaniqué.—Tupensaisqu’elleallaitfairequoi?Sauterdejoie?Onvientdeluidirequ’elleestcondamnéeà

mourir.Encore.—Oui,maisd’habitude,ellesesouvientdetoutunefoisqu’onluiditquandelleestnée.Ques’est-il

passé?Pourquoinesesouvient-ellederiencettefois?Tristansecoualatête.

—Jenesaispas.Maisc’estexactementpourquoijenevoulaispasquetularencontres.Elleapeuretonestmalbarrés.Unmomentpassa.Tristandit:—Tuasomisquelquesdétails,tusais.Tuneluiaspasditenquoiconsistaitlamalédictionenfait.Gabrielsecoualatête.—Qu’étais-jecenséfaire?Luidirequ’elleestmaseulechancedevivrelegrandamour?Çaaurait

étémaladroit.—Maistuneluiaspasparlédemoinonplus.Gabrielhaussalesépaules.—Jenevoulaispaslafairepaniquerplusquenécessaire.Etjenevoulaispasqu’elleaitpeurdetoi.«

Désolé, Scarlet,mais quand tu es près deTristan, tes problèmes cardiaques empirent.En fait,Tristandéchiretoncœurendeuxparsaseuleprésence.»Non,jeneveuxpasqu’ellepensequetupourraislatuer.—Maisjepeux.—Maistuneleferaspas.Etc’estcequicompte.Tunel’aspasencorerenduemalade.Toutvabien.Ilexpira.LevisagedeTristansecrispa.—Tudoisluidirederesterloindemoi.—Si elle commence à tombermalade, jem’assurerai qu’elle sache qu’elle doit rester loin de toi.

D’icilà,jeneveuxpasaugmentersapeur.Gabrielsepassalamaindanslescheveux.—Elleesttellementeffrayée.Quepuis-jefaire?—Rien,ditTristan.Ilsuffit…deluidonnerunpeud’espaceetdelalaisserdigérertoutcequetului

asditaujourd’hui.Tunepeuxpast’attendreàcequ’elleterefasseconfianceimmédiatement.Tuluiasditdeschosesquiontprobablementl’airfolles.Laisse-latranquilleuncertaintemps.Quandelleseraprête,ellereviendra.Gabrielsecoualatête.—Jenepeuxpasresterassislàetnerienfairealorsqu’elleestpaniquéeàl’idéedemourir.Jedois

trouverunmoyendelarassurer.Jedoisfairequelquechose.Ledésespoirl’envahit.IlparcourutlapiècedesyeuxuninstantavantderegarderdenouveauTristan.—Jedoisimmédiatementtrouverunmoyenderomprelesort.Nousdevonstrouverlafontaine.Tristanrouladesyeux.—Ildoityavoirquelquechosequenousavonsmanquéavant…—Non,Gabriel.Nousavonscherchépartout.Lafontaineestuneénigme.—Non.Gabrielsecoualatête.

—Jerefused’abandonner.Jelatrouverai.PourScarlet.Tristansoupira.—Bonne chance, alors ! En attendant, je vais continuer avecmon plan d’assassinat pour que nous

puissionsvraimentbriserlamalédiction.Ilsedirigeaverslaportedederrière.—Oùvas-tu?Tristanneseretournapas.—M’exercerautiràl’arc.Çaaétéunerudejournée.TristansortitparlaportedederrièretandisqueGabrielmontaitpourretourneràsesrecherchessurla

FontainedeJouvence.LeplandeTristanfonctionneraitpeut-être,maisGabrieln’avaitpasletempsd’attendrequesonfrère

rentreàlamaisonavecuncadavre.Scarletétaitprobablementterroriséeetavaitbesoind’êtrerassurée,cequeGabrielétaitdéterminéà

faire.

25

LecœurbattantdeScarletsemblaitsecalmertandisqu’elles’éloignaitduchalet.Ellepensaitqu’elleseseraitmiseàpleureraumomentoùelleauraitfranchileseuilduchalet,mais

non.Elleétaittropenétatdechocpourpleurer.Del’airentraitetsortaitdesespoumons,maisellenesentaitrien.Ellesedirigeaverssavoituresansavoirdeplan.Qu’était-ellecenséefaire?Rentrerchezelleetdîner

avecLauracommesirienn’avaitchangédanssavieaujourd’hui?Euh,non.«Jevaismourir.»Lamalédictionexistaitdepuisdescentainesd’années,etpersonnen’avaitétéenmesuredelabriser.

C’étaitsansespoir.LecœurdeScarletallaitlatuer.Oui,ellereviendraitàlavie,maispassanslamêmehorribleetdéroutantepertedemémoirequ’elle

avaitconnueilyadeuxans.Savie?Foutue.Quandellearrivaàsavoiture, lesmanuels scolairessur sonsiègepassager lui rappelèrent lavie«

normale»qu’elleavaitàlamaison.Ellen’étaitpasencoreprêteàréintégrerunevie«normale».Spontanément,ellepartitdanslesbois,sansbut.Elleavançaàtraverslaforêtdenseetlesfeuillesqui

jonchaientlesol,sansrienvoirautourd’elle,sansrienressentiràl’intérieurd’elle.Ellenefaisaitque…marcher.Lesoleilétaitbasdanslecieletlanuittomberaitbientôt.Crac,crac.Lesfeuillesmortesetlesbrindilleséclataientsoussespas.Scarletétaitseule.Seuleavecsondestin.Seuledanslavie.Ellen’avaitpersonneversquisetourner,personnesurquisepencher.Ellen’avaitrien.Saufuncœurbrisé…littéralement.Aïe.Elleesquivaunebranched’arbreetseretrouvadansunepetiteclairière.Réalisantoùelleétait,ellese

figea.C’étaitl’endroitexactoùelles’étaitréveilléedeuxansplustôt.Elles’ensouvenaitparfaitement.

Scarletparcourutlaclairièredesyeuxuninstant.Ilsemblaitappropriéd’êtrearrivéedistraitementaupointd’originedetoutesaconfusionetdesapeur,

carelleétaitplusperplexeetcraintivequejamais.Lecorpsengourdi,elles’assitsurlaterrehumideetfermalesyeux.Ellevoulaitsentirleventbalayersescheveux.Ellevoulaitsentirl’airfroiddelaforêtetfrissonner.Ellevoulaitsentirquelquechose.N’importequoi.Etellevoulaitpleurer.

26

Tristanalignasapremièreflècheetvisalacibleauloin.Zoum.Danslemile.Lorsque Scarlet avait quitté le chalet, son estomac s’était serré en son absence, ce qui rendait sa

respirationlaborieuseetdouloureuse.Cen’étaitlàriendenouveau.Mais,pouruneraisonquelconque,ilsouffraitplusqued’habitude.Et,enplus,ilétaitstressé.Ilreculasonbrasetlaissavoleruneautreflèche,espérantsoulagerneserait-cequ’uneoncedetension.Zoum.Danslemile.Pasdesoulagement.Enfait,ilsesentitplusanxieux.Plusimpuissanteteffrayé.Aujourd’huiavaitétéundésastre.Sarencontre-surpriseavecScarlet,lefaitqu’ellenesesouviennepasdupassé,Gabrielquiluiavait

parlédelamalédiction,oudumoins,d’unepartiedelamalédiction…Undésastre.Ilsoupirafortementetarmauneautreflècheavantdedesserrersesdoigtspourlalibérer.Quelquechoseattirasonattention.À travers l’épaisseurdesgrandsarbres,Tristanvitunmouvement. Il futbref et informe,mais il sut

immédiatementcedontils’agissait.Scarlet.Quefaisait-elledanslesbois?Ilrestaperplexeuninstantavantdesecouerlatête.Ilreculadenouveaulaflèche,essayantdenepas

penseràelle.Zoum.Laflècheratacomplètementlacible.Ils’arrêtauninstant,auxprisesavecsoninstinctd’allerlaréconforter.Ilétaitattiréparellesurunplanphysiqueetsurnaturelqu’ilconnaissait.Maiscequ’ilressentaitàcemoment-làn’étaitpassurnaturel.C’étaitquelquechosed’ancienetdeprofond,quelquechosedontiln’avaitjamaisétéenmesuredese

séparer.Ilsecouadenouveaulatête,repoussantlachaleurdanssapoitrinejusquedanslesfossesglacialesde

sonâmeauxquelleselleappartenait.

Gabrielétaitsonpetitami.IldevraitêtreleseulàallerconsolerScarletdanslesbois.Et en plus, Tristan ne venait-il pas juste de faire la leçon àGabriel en lui disant de lui laisser de

l’espace?Tristanseraisonna.Non.Ilrefusad’allerverselle,mêmes’illuiétaitdouloureuxderesterlàoùilétait.Cequiétaitlecas.Vraiment.Tristanprituneautreflècheetl’alignasoigneusementcontresonarc.Zoum.Encoreraté.Ilmarquaunepauseavantd’abaissersonarcetdejurer.Nonpasparcequesesflèchess’étaientégarées.Mais parce que la pièce manquante de son âme— le sang qui lui appartenait, mais qui battait à

l’intérieurdeScarlet—étaitblottiequelquepartdanslaprofondeurdesbois,tristeetapeurée.Tristanposasonarcsurlesoletsemitàmarcherdanslaforêtépaisse.IlnepouvaitpasvoirScarlet,maisilpouvaitlasentir.Etc’étaittoutcequ’illuifallaitpourlaretrouver.

27

Uneseulelarme,voilàtoutcequeScarletfutenmesured’extrairedesaparalysieémotionnelle.Maiscefutsuffisant.Ellelaissalalarmemontersoussapaupièrebaisséeavantdedébordersursajoue.«Jevaismourir.»Seule.»Lalarmeglissasursonvisagetandisqu’unebrisefraîcheeffleuraitsapeau,refroidissantl’humiditéle

longdesajoue.Paralyséepartoutailleurs,Scarletsedélectadelasensationdefroidsursonvisage.Siseulementellepouvaitfaireapparaîtreuneautrelarmepourfairecoulerlentementdufroidsursa

peau.Elleessaya,maisaucuneautrelarmenevint.Soncorpsétaitsiengourdiquelesquestionssansréponsedanssatêtesebrouillèrent.Elleinspiraprofondément,etsespenséesdevinrenttelunmantraqu’onrépète.«Jevaismourir.»Seule.»Àquoiservait-ildevivresic’étaitpourmourir?Lesyeuxtoujoursfermés,Scarletécoutalaforêt.Crac,crac.Plusdefeuillescraquaient,leurtexturesefragmentantsouslepoidsdequelquechosederéel,quelque

chosedelourd.Quelquechosequis’approchaitd’elle.Crac,crac.Unécureuil?Unours?Scarletnes’ensouciaitpas.Ellelaisseraitl’ourslamangerpuisqu’ellen’avaitplusderaisondevivre.«Parcequejevaismourir.»Seule.»Scarletpenchalatêtealorsquelerythmedesoncœurs’accélérait.Elleentenditquelqu’unrespirer,etpendantuninstant,lesonlaremplitd’espoir.Commesielleavait

uneraisonderespirer.Unsouffledoux,lentetrégulierdérivadanssesoreilles.ElleouvritlesyeuxetvitTristandeboutau-dessusd’elle.Soncœurs’emballaencoreplus,battantlachamade.Presquecommes’illereconnaissait.Etc’étaitpeut-êtrelecas.Peut-êtreque lesangdeTristan,quise trouvaitaucentredesapoitrineàelle,savaitqu’ilétait tout

prèsetréagissaitàsaprésence.

—Salut,dit-il.—Salut.Savoixétaitfaible.Ilfixasesyeuxvertssursonvisageetl’examinauneminute.—Commeça,aujourd’hui,çacraint!Ellelaissaéchapperunrirecrispé.—Ouais.Sesyeuxs’attardèrentsurlecorpsdeScarlet,assiselesjambescroiséessurlesfeuillesdéchiquetées

etlaterre.—Tun’aspasfroidparterre?Scarlethaussalesépaules.—Jeveuxavoirfroid.Ellen’aimaitpasavoir froid,mais le froid—et lepassagede l’airde la forêtdansethorsde ses

poumons—étaitlaseulechosequ’ellepouvaitsentiràcemoment-là.Etelleavaitdésespérémentbesoinderessentirquelquechose.Ilhésitauninstant.Puisilpritdoucementplaceàcôtéd’elle,àmêmelesol.—J’aimelefroidaussi,dit-il,lachaleurdesoncorpschatouillantlecôtédubrasdeScarlet.Scarletregardadroitdevantelleethochalatête.Elleétaitsûrequ’iln’aimaitpasplusavoirfroidqu’elle.Pourtant,ilétaitassisàcôtéd’elle.Plusieursminutespassèrent,s’évaporantdanslesairsaveclesoleilcouchant.Aucund’euxneditrien

alorsqu’ilsétaientassisensemble.Àrespirer.Unoiseaugazouillait,quelquesfeuillestombaientetleventbruissaitdoucementàtraverslesarbres.Sinon,cen’étaitquesilence.Scarlet tourna la tête pour regarder le garçon à côté d’elle. Il était beau et fort.Exactement comme

Gabriel,mais…non.Ilsetournaetlaregardaenface,leursvisagesàseulementquelquescentimètresl’undel’autre,etdit

avecdouceur:—Toutvabienaller.Ellescrutasonvisage,etsoncœursecalmatandisqu’elleréalisaitquelquechose.Ellen’étaitpasseule.Elleétaiteffrayéeetbouleversée,maisellen’étaitpasseule.ElleavaitHeather,quilafaisaitsesentirnormaleetaimée.ElleavaitLaura,quiluiavaitdonnéunemaisonetunestabilité.ElleavaitGabriel,quis’intéressaitàelledepuisdessiècles,apparemment.

EtelleavaitTristan,qui…Ehbien,ellenesavaitpasquelétaitlerôledeTristandanssavie.Maisilétaitlà,danslaforêtfroideavecelle,etc’étaitsuffisant.Quelquechoseenluil’apaisait.Etelleavaitbesoindepaix.Parcequ’elleallaitmourir.—Jesuiseffrayée,ditScarletdistraitement.Tristanregardalesarbresuninstanttandisqueleventsoufflaitdoucement.—Jesais.Savoixétaittriste.Parcequ’elleavaitpeuretparcequ’ellevoulaitsedécharger,Scarletdit,pensive:—Àquoibonvivresionnevitquepourmourir?Sijen’aipasdepassé,etjen’auraiprobablement

pasd’avenir,alorsmavien’aaucunvéritable…sens,si?Àquoibontoutça?Tristanrestasilencieuxquelquesinstants,àregarderlesfeuillesdevanteux.—Ilnes’agitpaslàdepasséetd’avenir.Lavie,c’estaujourd’hui.Ilfitunepause.—C’est jusqu’à environ cinqminutes à partir demaintenant et il y a deux secondes. Ce sont des

moments,tusais?Pasdesannées.Lesannéesnesontpascequinousdéfinit.Scarletplissalefront.—Mais…sionsaitquenotretempsestcompté,peut-onvraimentvivrepleinement?—Ohoui,dit-ilsérieusement.Plusencorequeceuxd’entrenousquipensentquenousavonsunevie

inépuisable.Savoirquelamortestàproximitédonneunechancedevivre…sciemment.Scarletregardalesfeuillestombersurlesol,gisantparmilesautresfeuillessurleparterredelaforêt.—Uneviecourtesembleinutile.Tristanréfléchituninstant.—N’est-cepascequelavieest,pourtant?Uneoccasionbrèved’exister?Uncadeaudecourtedurée

?Scarletinspira.—Peut-être.Maisj’aitoujourspeur.Delamort.Ilpassaunemainsurlesfeuillesdéchiquetéesdevanteux.—Lamort,dit-ilenregardantdenouveaulesarbres,n’esteffrayantequepouruneviesansaucunsens.Scarletaussiregardalesarbres.—Maisc’estjusteque…mavien’apasdesens…Elleest…vide.Ducoindel’œil,ellevitunsouriretristesedessinersurlabouchedeTristan.—Tavieaeuplusdesensquemilleviesréunies.Davantagedefeuillestombèrent.—Tunetesouvienspascombientavieaétébelle…Maisunjour,tutesouviendras.Et…je…Ilseraclalagorge.—Gabrieletmoi…netelaisseronspasmourircettefois.

Ilsetournapourlaregarder.—Donc,tun’asrienàcraindre.ScarletdévialeregarddeTristanpendantquelquesinstants.Unebrisepassaetellefutparcouruedefrissons.Scarlet le regarda, sentant la profondeur et la sincérité de ses paroles reposer contre son cœur

défaillant.Ellen’étaitpasseuledutout.Àcemoment-là,alorsqu’ellefixait lesyeuxvertsd’uninconnufamilier,quelquechosegranditdans

Scarlet.Quelquechosedebon,dechargéd’espoiretdecourageux.Sapoitrineseserraetsoncœurbattitplusfortalorsqu’uneforceremplissaitsonâme.Sapeurétaitpartie,étoufféeparlesparolesdeTristan,sonintonationetlachaleurdesoncorpsàcôté

dusien.Toutallaitbiensepasser.Pasfacilement.Pasparfaitement.Maiscorrectement.Lesderniers rayonsde lumière,dansdes teintesbrillantesd’orangeetde rose, seglissèrentdans la

noirceurtandisquelesoleilsecouchaitderrièrelesmontagneslointaines.Lacouverturefroidedelanuits’abattitsurlesarbresetseglissalelongdusolforestier,maisScarletn’avaitplusfroid.La chaleur du corps deTristan s’infiltra dans sa peau et s’enroula autour de la poitrine de Scarlet,

réchauffantjusqu’àsoncœur.Lasensationrepartitverssesbras,sesjambes,sesdoigtsetsesorteils,commeleventfroidselevaitet

faisait tournoyer ses cheveux noirs derrière elle. Une fois encore, elle inspira profondément et unesensationderenouveauremplitsespoumonsavecl’airvif.Scarlet étaitvivanteetprête à affronter lemonde,peu importe combien sombreet injuste cemonde

pouvaitêtre.Parcequ’ellen’étaitpasseule.Etqu’ellepouvaittoutsentir.

28

IlfaisaitcomplètementnoirquandScarletarrivachezelle.Lauraregardaitlatélévisiondanssatenuedetravail.Seschaussuresàtalonshautstraînaientàcôtéducanapédusalon.—Oùétais-tu?demanda-t-elleavecunsourire.LauraignoraittotalementcombientoutelaviedeScarletvenaitdechanger.Ellenesavaitpasquela

jeune fille debout devant elle était semi-immortelle et qu’elle risquait demourir soudainement chaqueseconde.—J’étaischezGabriel,ditScarletparcequec’étaitvraietdénuédetoutdétail.La dernière chose que Scarlet voulait faire, c’était bavarder demalédictions et d’immortalité avec

Laura.ElleauraitprobablementenvoyéScarleten thérapie.Oupire,elle l’auraitplacéedans lecircuitdes

famillesd’accueil.UnsentimentdepaniqueintensesaisitScarletàcetteidée.SiLaurapensaitqueScarletétaitfolle,ellepourraitvouloirrenonceràsagardeetremettreScarletaux

mainsdel’État.Etquisaitcequiluiarriveraitalors?«Non,pensaScarlet.JenepeuxenaucuncasdirelavéritéàLaura.»Pasencore,dumoins.—ChezGabriel?demandaLaura,quisouriait.As-turencontrésafamille?Scarlethochalentementlatête.—Oui.Ilaunfrère.«Unfrèresecret.»—Vraiment?ditLaura,quihaussalégèrementlavoix.Scarletcontinuaàopiner.—Unfrèrejumeau.Elleréfléchituninstant.PourquoiGabrielavait-ilgardéTristansecret?Voilàuneautrequestionsansréponse.Laurafronçalessourcils.—Tunesavaispasàproposdesonjumeau?Bizarre!—Oui,jenesaispaspourquoi.Gabrielestvraimentdiscretsursafamilleettout.Scarletdevaits’arrêterdeparleravantdevidersonsacetqueLauralaplacedansunasiledefous.Lauralaregardaattentivement.—Tuasl’air…fatiguée.Est-cequeçava?—Oui…Jedoisjusteallerdormir.

Scarletclignadesyeuxetmontaàl’étage.—Bonnenuit,luilançaLaura.Scarlet arrivaà sachambreet s’effondra sur songrand lit, espérantque savie seraitmoins folleet

désordonnéedanslamatinée.Ellefermalesyeux,maislesommeilnevintpas.Leslarmes,oui.

29

Tristansetenaitdanslaruellehumided’unentrepôtabandonnéàattendretranquillement.Àproximité,lalueurtroubleorangéed’unréverbèrevacillaitdanslanuitnoire.Ilavaitapprisdernièrementquelesgensassezfouspourtuerquelqu’undonnaienttoujoursrendez-vousdansdeslieuxlugubres.Tristantoléraitcettesituationseulementparcequ’ilétaitdésespéré.Un rat passa vivement à côté de ses chaussures. La lueur sinistre du réverbère projeta une ombre

menaçantedurongeursurlesol,commeildisparaissaitderrièreunebenneàordures.Tristandevait vraiment trouverdes criminels qui auraient plus degoût pour les lieux.Le trucde la

ruellecommençaitàvieillir.Cesoir,ildevaitrencontreruntypenomméManiaque.Et«Maniaque»étaitenretard…Cequin’était

pas étonnant. On ne peut pas s’adjoindre les services d’un psychopathe et s’attendre à ce qu’il soitponctuel.Dessirènes retentissaientau loin,etTristansemità faire lescentpas le longdumurdebriquesen

ruineàcôtédelui.Ilpassaunemaindanssescheveuxhirsutesetessayadesecalmer.Scarletsavaitmaintenant.Ellel’avaitvu,elleavaitentendul’histoire.Cen’étaitplusqu’unequestion

detempsavantqu’ellesesouviennedetout.Ilnepouvaitpas risquerquesessentimentspour lui—ouréciproquement—compromettentcequi

devaitêtrefait.Avecunpeudechance,lamalédictionseraitrompueavantleleverdusoleiletlecœurdeTristanallait

enfintrouverlapaix.CommeceluideScarlet.L’idéequeTristanvivetouttypedepaixsansScarletétaitabsurde,maisc’étaittoutcequ’ilpouvait

espérer.Il ferma les yeux jusqu’à ce qu’il ne voie rien que des souvenirs. Des souvenirs qui dataient de

longtemps,quandTristanvivaitsaviecommesielleétaitunprécieuxsablier,symboledel’écoulementdutemps.Avantqu’ilsachequ’ilétaitimmortel.Avant,quandlavieétaitplusfragile.C’étaitunepériodeoùlaviesignifiaitvraimentquelquechose.Quandlavieétaitdifficile,maisutile,etquel’amourétaitprécieux,carlesjoursétaientcomptés.C’étaitçalavie.Ilrepensaauxannéesoù…Scarletétaitpleined’amouretderires.Quandellesecouchaitàcôtédelui

dans l’herbe et qu’ils jouaient tous les deux à s’éclabousser dans l’océan.Quand elle était pleine debonheuretquesesyeuxtrouvaienttoujourslessiens…

Lessouvenirsl’inondèrent,leremplissantdenostalgieetdechaleur.Commentpourrait-ilyavoirunevieplusparfaitequelesnombreusesqu’ilavaitvécues?Sansprévenir,lessouvenirsdedouleur,detourmentsetdemortlebombardèrent,emportantaveceux

toutréconfort.S’asseoir à côtédeScarlet dans la forêt aujourd’hui avait étéune erreur.Unebelle et irrémédiable

erreur.Tristanouvritlesyeux,etrésolu,ilregardalesol,maudissantlaréalitéquinarguaittoujourssesrêves.Cetteréalitéétaitlaraisonpourlaquelleilétaitlà,dansl’obscurité,avecunratetunebenneàordures.Scarletavait tropsouffert, troplongtemps.Ilfallaitmettreuntermeaucycleridiculeet injustedesa

vie,etsileschosessedéroulaientbiencesoir—cequiétaittrèspeuprobable,maisquivalaitlecoup—,ceseraitfait.Avecunedéterminationrenouvelée,TristanseredressaetattenditManiaque.Finalement,unegrandesilhouetteapprochadeluidepuisl’autreboutdelaruelle.Tristanavançaavec

désinvoltureendirectiondel’homme,ettandisqu’ilapprochait,ilvitqueManiaqueétaitungrandtypemuscléaveclesyeuxfuyants,unelonguemoustacheetdesondesmaléfiques.ExactementcequeTristanimaginait.—VousêtesManiaque?LavoixdeTristanrésonnadanslaruelle.Encore une autre raison pour haïr les ruelles. Comment était-on censé être discret quand les voix

portaientsurunkilomètre?—Ouais.Toi,c’estBrooker?Non,maisManiaquen’avaitpasbesoindelesavoir.—Oui.—Tuasl’argent?Maniaquecrachasurlesolavantdeparcourirlaruelledesyeux.Était-ilnerveux?CedontTristanavaitbesoinici,c’étaitd’uncriminelenthousiasteprêtàfairen’importequoi.Pasd’un

prétenduassassinmoustachuquinageaitentredeuxeaux.Maniaquenepouvaitpasrevenirsursaposition.Tristan donna une enveloppe remplie de gros billets à l’homme et attendit que Maniaque compte.

Tristanétaitdégoûtédecequelesgensétaientprêtsàfairepourdel’argent.Cesoir,cependant,ilétaitreconnaissantd’autantdedépravation.Satisfaitdumontant,ManiaqueregardaTristan.—Alors,donne-moilesdétails.Tuveuxquejem’enprenneàqui?Tristanprituneprofondeinspiration.C’étaitlapartiedifficile.—D’abord,jedoissavoirsivousêtescapabledecommettreunmeurtre.Maniaquesemblas’offenserdelaquestion.

—Évidemmentqueoui.Jedescendraisn’importequipourlebonprix.Tristanhochalatête.—Maisleplusimportant,c’estd’allerjusqu’aubout.Jedoissavoirquevousavezterminéletravail.

Cen’estpasuneciblefacile.Maniaques’offusqua.—Jel’achèverai.Quelgenred’hommecommenceunmeurtreets’arrêteàmi-chemin?«Vousseriezsurpris.»—Entendu,ditTristan.J’aiapportévotrepoignard.Iltenditlamainderrièresondosetdégainalepoignardfraîchementaiguiséqu’ilavaitapportédechez

lui.Sondernierpoignardn’avaitpasfonctionné.Avecunpeudechance,celui-cileferait.— Un poignard ? demanda Maniaque, perplexe. Pourquoi pas simplement une arme à feu ? Les

pistoletssontplusrapides.—Non.Lespistoletsnefonctionnentpas.TristantenditlepoignardàManiaqueetattendit.Maniaqueexaminal’armeuninstantavantdedire:—C’estunsupercouteau.Maisjepréfèrenettementlespistolets.LevisagedeTristan,frustré,secrispa.—J’ensuiscertain.Maisjenevouspaiepaspourtirerdesballes.Jeveuxquevousutilisiezceci.Tristanagitalalonguelamedesortequ’ellereflètelelampadaire.Maniaquehésitaavantdetendrelamainverslepoignard.Tristansoupiraintérieurement.SiManiaquenepouvaitpastirerpartidesoncôté«maniaque»,lanuit

allaitêtrelongue.Maniaquemanipulalalamequelquesinstantsavantdedire:—D’accord,çaira.Quiestlacible?TristanpassasonT-shirtpar-dessussa têteetsentit l’airde lanuitse jetersursapoitrinenue. Ilse

redressa,détenditsoncouetrépondit:—Moi.Maniaqueleregarda,troublé.—Tuveuxquejetetue?Tristanhochalatête.—Oui.Prenezcepoignardetplantez-le-moidirectementdanslecœur.Ensuite,faitesglisserlalame.

Nevouscontentezpasdemepoignarder.Vousdevezcoupermoncœurendeux,compris?Mêmeaveclabonnearme,unimmortelnepouvaitpasmouriràmoinsquesoncœuraitétécoupéen

deux.ManiaquemaugréaetregardaattentivementTristan.—Qu’est-cec’estquecejeudemalade?

—Cen’estpasunjeu.Jenevaispasvousbattre,jenevaispasvousfairedemaletjenevaispascrier.Maisjedoismourir.Donc,quoiquevousfassiez,nevousarrêtezpasjusqu’àcequejesoismort.Est-cequevouscomprenez?CommeManiaquesemblaitréfléchir,Tristanparladefaçonplusagressive.—Soitvousfaitescequejevousdemande,soitvousfoutezlecampd’ici.Lebruitdespattesderongeursquidétalaientrésonnadanslaruelle.Enuninstant,lesyeuxdeManiaques’illuminèrentaveccequeTristannepouvaitdéfinirquecomme

une«faim».Lecôté«maniaque»avaitenfinfaitsurface.QuandManiaquerépondit,savoixétaitmêléedeveninetdemalice.—Sicequetuveux,c’estlamort.Jesuisplusqu’heureuxdetel’accorder.Pourlapremièrefoisdepuisdenombreusesannées,Tristanétaitpleind’espoir.Peut-êtrequecetype

étaitjusteassezfoupourmeneràbiensoncrime.—Jesuisprêtquandvousvoulez!ditTristan,commeilavançaitd’unpas.Unautrerattraversalaruelleencourantetenémettantdesbruitsaigusderongeur.L’odeurdesordures

etdelaterrehumideflottaitdansl’allée,portéeparleventdelanuit,etlalueurdulampadairevacillaitàunrythmequisemblaitcalculé.Allumé,éteint.Allumé,éteint.Allumé,éteint.C’étaitainsiqueTristanallaitmourir.Aveclesrats,lesorduresetleslampesstroboscopiquesorange.Toutcelasemblaitapproprié.Maniaque fit tourner lepoignardquelques fois, ajustant lepoids et lapréhension sur lemanche.Un

sourirediaboliquesedessinaitsuruncôtédesaboucheetonpouvaitlirel’excitationdanssesyeux.Savoixétaitbasseetgraveleuse.—Tuessûrquetuesprêtàmourir?Àvraidire,Tristann’étaitpasprêt.Tropdechosesrestaientnonachevées,tropdemotsnondits.MaisilpermettraitàScarletdeneplus

souffrir.Iln’étaitpasprêtàmourir.Maisilétaitrésolu.—Faites-le,ditTristanenregardantl’assassindanslesyeux.Il resta immobile et observa anxieusementManiaque saisir le poignard, reculer son brasmusclé, et

d’unseulmouvementrapideetpuissant,enfoncerlalamedirectementdanslecœurdeTristan.

30

Lelendemain,Scarletnequittapassachambreunefois.Ellerestadanssonlitàregarderleplafondetàessayer de comprendre comment elle allait s’adapter à la viemaintenant qu’elle était une fille semi-immortelleavecuncœurmourant.Laura,inquiète,luiapportadelanourritureplusieursfoisdanslajournéeetessayadeluifairequitter

sachambre.MaisScarletétaittropaccabléepours’exécuter.Ilyavaittellementdequestionscaptivesdanssatête.Combiendetempsfaudrait-ilavantquesoncœurn’atteignelepointfatal?Lesfrèreslaretrouveraient-ilsdanssaprochainevie?Serait-ellepiégéedanssoncycledevieetdemortpourtoujours?Lamalédictionserait-ellebriséeunjour?Lamalédictionpourrait-elleêtrebriséeunjour?PourquoiGabrielavait-ilcachéTristan?Pourquoinepouvait-ellepasserappelerautrechosequelesbribesdesouvenirsqu’elleavaiteuesau

chalet?SiGabrieletelleavaientétéfiancés,celasignifiait-ilqu’elleétaitamoureusedeGabriel?EtsielleétaitamoureusedeGabriel,alorspourquoiétait-ellesiattiréeparTristan?Lesquestions sebousculèrent dans son esprit jusqu’à cequ’elle ait un terriblemal de tête et aucun

moyendesedétendre.Son téléphonene cessait de sonner et d’émettre desbips,maisScarlet ignora tous les appels et les

textos.Ellen’avaitpaspeurdesavie,maisellen’yétaitpaspréparéenonplus.Elleavaitjustebesoind’unpeuplusdetemps…Scarletseretournaetcachasatête,quiluifaisaitmal,soussonoreiller.Lajournéeallaitêtrelongue.

31

LachambredeTristanétaitmeubléed’untrèsgrandlitaucentre,d’unearmoireanciennedanslecoinetelleavaituneimmensesalledebainenmarbreadjacente.Bienqu’ellese trouvaitdanslesous-sol,sachambreétaitbienéclairéeetneressemblaitpastoutàfaitaucachotqu’onauraitcru.Etelleparaissaitsouventcommeuncachot.Unlieusouterrain.Unlieusansespoir.Unlieupleindecauchemars.Descauchemarscommelanuitdernière.Tristanregardasapoitrinenuedans lemiroirde lasalledebainetsoupira.Sesmultiplesblessures

guérissaientàleurnormal,rapiderythme.Merde!Maniaqueavaitétépersévérant.IlavaitentaillélecorpsdeTristanpendanttroisheures.Cequiétait

exactementcequeTristanavaitvouluqu’ilfasse,maisçan’avaitmanifestementpasfonctionné.Etçaavaitfaitsacrémentmal.Il fallait accorder àManiaque le fait quemême lorsque les plaies ouvertes sur le corps deTristan

avaientdégoulinéetquelesangavaitjailli,iln’avaitpasvomi.Tristannepouvaitpasendireautantdesdeuxderniersassassinsqu’ilavaitembauchés.MaisManiaqueavaitfiniparpaniquer,jeterlepoignardsurlesoletaccuserTristand’êtreunvampire.

Cen’étaitpaslapremièrefoisqu’ilsefaisaitprendrepourunetellecréature.Maniaque,effrayé,avaitprissesjambesàsoncou.Tristan était resté dans la ruelle toute la nuit à observer, avec souffrance, son corps guérir seul

lentement.Quand lematin fut venu, ses organes et sesmuscles s’étaient ressoudés,mais il était tropmal pour

tenterdesedéplacer.Alors,toutelajournée,ilétaitrestéausolparmilesrats,jusqu’àcequ’ilsoitassezfortpourréussiràserendreàsavoiture.Leretourchezluiavaitétélong…commetoujours.Tristan souffrait, était fatigué et déprimé. Il regarda son lit dans le reflet du miroir et soupira. Le

sommeil ne viendrait pas,même s’il essayait. Lorsque Scarlet était vivante, le sommeil était toujoursfugaceetagité.Maiscestemps-ci,ilétaitpresqueimpossible.Il prit une douche pour se débarrasser du sang, de la sueur et de la saleté partout sur son corps et

s’essuya. Bientôt, les cicatrices de la nuit dernière disparaîtraient complètement, laissant son torsepresqueimpeccable.Qu’est-cequ’ilnedonneraitpaspourêtreendécompositionàcôtédecettebenneencemoment!

Ilenfilaunepairedejeansetunechemisepropre,s’emparadupoignardensanglantésursacommodeetmontaàl’étage.Ilavaitbeaucoupdetravailàfaire.Ildevaittrouverunnouvelassassinetunenouvellearme.Lajournéeallaitêtrelongue.

32

Dimanchematin,ScarletseréveillaàcausedelavoixaiguëdeHeather.Encore.—ScarletMarieJacobs!Scarletn’avaitpasdedeuxièmeprénom,dumoinspasundontellesesouvenait,maisHeatherluien

avait donnéunquandmême.Probablement pour qu’elle puisse crier aprèsScarlet à certainsmomentscommecelui-ci.—Quoi?grommelaScarletsoussonoreillermoelleux.Lalumièredusoleildanssachambreétait troplumineuseetgaie.Scarletvoulutdisparaîtredansles

ténèbresdusommeil.—Jet’envoiedestextosetjet’appelledepuisdeuxjours!CC!—J’étaisoccupée.Scarletroulapourseretrouverdosàsafenêtreensoleillée.HeatherseglissasurlecôtédulitdeScarletets’assitàcôtédesonvisage.—Occupée?Àfairequoi,exactement?Lauram’aditquetuétaisrestéeaulittoutelajournéed’hier.Lauraluiavaitditça?Grrr…Satutriceetsameilleureamieétaientdemèche.—J’aipasséunefindesemainedifficile,ditScarletenfermantlesyeuxdansunevainetentativede

ramenersonespritverslesommeil.—Difficilecomment?Scarletsoupiraetouvritlesyeux.Lesommeilétaitunecauseperdue.—Juste…untrucavecGabriel.—UntrucavecGabriel?Heatherplissalesyeux.—Ques’est-ilpassé?Scarletfitlamoue.—Ehbien…Qu’allait-elledireàHeather?Lavérité?HeatherserapprochadeScarlet.—Tuasdécouvertqu’iltecachaitquelquechose,c’estça?Sesyeuxs’écarquillèrentetdevinrentaccusateurs.Scarletplissalefront,surlepointdenier,maiselleréalisaqu’ellepouvaittournercelaàsonavantage.—Ehbien,oui…Il…

—Jelesavais!l’interrompitHeatherensecouantlatête.Ilestdanslapègre,n’est-cepas?Cebâtard!Jesavaisqu’ilfaisaitdutraficdedrogue…—Non.Scarletsecoualatête.—Iln’estpasdanslapègre.—Alors,quecache-t-il?ditHeatherd’unsouffle.Est-ilmarié?—Quoi?Scarletfronçalessourcils.—Non.Non,iln’estpasmarié.Maisill’étaitpresque.Avecmoi.Grrr…—Non,il…ScarletpensatoutdireàHeather.Sesviesmultiples,sesmortsmultiples…Maisellenepouvaitpas.Dumoinspasencore.Heatherpourrait-ellecroirel’histoiredeScarlet?Peut-être.Probablement.Heatheraimaitlesextraterrestres,lesvampiresetlesovnis,alorsellepouvaitprobablementcroireà

desjumeauximmortelsetàunemeilleureamiequiressuscitait.MaisScarletn’étaitpasprêteàimpliquerquelqu’und’autre.Et,pourêtrehonnête,elleétaitencoresi

perplexequ’ellenesavaitpasparoùcommencer.«Ehbien,figure-toiqu’àcaused’unemalédiction,jevaismourir.Moncœursebrisependantquenous

parlons et je pourrais m’écrouler à tout instant, mais n’aie pas peur ! Je ressusciterai dans quelquesdécennies.Çan’estpasgrave.Oh,etaufait,Gabrielesttotalementimmortel.»Non,ellenepouvaitpasdire lavéritéàHeather.Dumoins,pas jusqu’àceque lavéritéaitplusde

sens.ElledécidadoncdedireàHeatherunedemi-vérité.—Gabriela…unfrère.Ils’appelleTristan.Voilà.C’étaitplutôtbien…pasvrai?Gabrielavaitmentiausujetdesonfrère.C’étaitsongrandsecret.Heatherallaitgoberça,non?—Ilaunfrère?ditHeatherencored’unsouffle.Pourquoicepetitsalauddementeur…Attends…Heathers’arrêta,passantdelaHeatherprotectriceàlaHeatherdragueuse.—Sonfrèreest-ilsexy?Est-cequ’ilhabiteloin?Heatherhaussalessourcils.—Est-cequ’ilvoitquelqu’un?Scarletpoussaunsoupirdesoulagement.Pourunefois,elleétaitcontentequesameilleureamiesoit

folledesgarçons.

—Euh,ditScarletenpinçantseslèvres,c’estlefrèrejumeaudeGabriel,alors…oui,ilestséduisant.Etjesuissûrequ’ilvitavecGabriel.Maisjenesaispass’ilvoitquelqu’un…UnpincementaucœurtraversalapoitrinedeScarletàlapenséequeTristanaitunepetiteamie.Elleseréprimandarapidement.«Pourquoimesoucierais-jedesfréquentationspotentiellesdeTristan?»Heatherécarquillalesyeuxetrestabouchebée.—Gabrielaunjumeau?Etilnetel’apasdit?Ellesecoualatêtefrénétiquement.—Pourquoinet’a-t-ilpasparlédesonjumeau?Ellebaissalavoixavecunairsoupçonneux.—Est-cequesonfrèreestcomme…unjumeaumaléfique?Est-celuiquiestdanslapègre?—Non,Heather!Personnen’estdanslapègre.Scarletseredressaetpassaunemaindansseslongscheveux.—Ah!LesyeuxdeHeatherbrillèrent.—Peut-êtrequ’Angien’apasvuGabrieldansleparcàminuit,aprèstout!Peut-êtrequ’elleavuson

jumeau!Etjepariequec’étaitlejumeaumaléfiquequej’aivudanslequartierdesentrepôtsaussi.Ellehochalatêtecommesiellevenaitderésoudreungrandmystère.Scarletréfléchit.—Oui…C’étaitprobablementTristan.Heatherplissalesyeux.—Mais… pourquoi le frère de Gabriel traînait-il dans le parc et pourquoi faisait-il des affaires

louchesdanslequartierdesentrepôts?Àmoinsqu’il…—Iln’estpasdanslapègre,Heather.Heatherhaussalesépaulesetsecoualatête.—Peuimporte.Jedisjustequesoncomportementestbizarre.LejumeaudeGabrielestbizarre.Scarletacquiesça.Ilavaituncomportementbizarre.ElledevraitinterrogerTristanàcesujetplustard.—Etcommentas-tudécouvertqu’ilavaitunfrère?Est-cequeGabriels’estjuste,comme,confessé?Scarletfitunemoueembarrassée.Heathersourit.—Ohnon!Qu’as-tufait?Scarlet raconta àHeather qu’elle avait suiviGabriel/Tristan dans les bois, en omettant la partie où

ScarletavaitvouluapposersesmainssurtoutlecorpsdeTristan.—Tul’assuividanslesbois…commeunepsychopathe?Heatherhaussaunsourcil.Scarlethochalatêtehonteusement.Heatherrit.

—C’estgénial!Tuesvraimentfolle!Elleritdenouveau,puisfronçalessourcils.—MaispourquoiGabriell’a-t-ilgardésecret?Pourquoitel’a-t-ilcaché?—Jenesaispastrèsbien.—Tun’aspaspenséàdemanderàGabrielpourquoiilamenti?Scarletsecoualatêteenmarmonnant.—Jen’avaispasl’espritclair,tucomprends?Ellelaissatombersatêteenarrièresursonoreiller,ressentantunfardeaus’abattresurelle.—Mavieestfolle.Heatherrouladesyeux.—Ellen’estpassifolle.«Tun’enasaucuneidée.»Heathercontinua:—Gabrielt’amenti…Etalors?Iln’yaaucuneraisonpourquetuboudes.C’estjusteunfrèreidiot…

Unfrèreidiot,sexyetsecret.Tut’enremettras.Scarletnesesouciaitpasdufrèreidiot,sexyetsecret.Ellesesouciaitdesamortimminente.MaisHeathern’étaitpasaucourantdececi.EtScarletn’étaitpasprêteàcequeHeathercommenceà

travaillersurunélogefunèbre.Quepouvait-elledireàHeatherquijustifieraitsoncomportementémotionnel?Scarletréfléchituninstant.—J’aiaussidécouvertqueGabrielétaitfiancéàquelqu’un.«Etmerde!Pourquoiavait-elleditça?—Ilétaitquoi?Fiancé?Tutemoquesdemoi!C’estdingue!Ilestado,bonsang!Bon,detouteévidence,letrucdesfiançaillesallaitfonctionnercommelacouvertured’unmagazinesur

lecomportementperturbédeScarlet,maisilnefaisaitqu’ajouteruneautresériedemensongesàlatoilefragilequeScarlettissait.Scarlethochalatête,sesentantcommelapireamiedetouslestemps.—Ilétaitfiancé,etjenelesavaispas.—Ehbien,oùsetrouvecettegarcemaintenant?Est-elleàAvalon?Vit-elleàNewYork?Est-elle

allergiqueauxfraises?Parcequejevaisluienvoyerunpanier-cadeauquiluiferaregretterd’avoirposélesyeuxsurlecorpsperfide—bienqu’exquis—deGabriel!Scarletsecouarapidementlatête.—Non.EllenevitpasàNewYork.Elle,euh…,estmorte.«Qu’onm’achèvesur-le-champ!»Ilyadeuxjours,Scarletavaitétéexaspéréeparlesdemi-véritésetlessecretsdeGabriel.Etvoilàque

maintenantellefaisaitexactementlamêmechoseàsameilleureamie,unefillequiavaitacceptéScarlet

sansposerdequestionetsanslajuger.Scarletneméritaitpassonamitié.Heatheradoucitsonairvengeur.—Ah,ehbien,pasdepanier-cadeaudanscecas-là.ElleregardaScarletaveccompassion.—Jesuisdésolée,Scarlet.Çacraint.Est-cequeçava?Scarletopina.—Ouais,jedoisjuste…jedoisjustemeressaisir,tusais?Heather,compréhensive,acquiesçatandisqueScarletseglissaitsouslescouverturesetsedétournait.Ellevoulaitêtreseule.Ellevoulaitassimilertoutcequ’elleavaitapprisdeGabrieletcomprendrece

qu’elleallaitfairedansuneprochaineétape.Etellevoulaitpleurerpouravoirmentiàsameilleureamie.Heatherrestaàsescôtésencoreuneminute,etScarletsupposaqu’ellelalaisseraitseuleàpleurerdans

sonoreiller.Non.—D’accord,lève-toi.HeathersautahorsdulitdeScarletetfrappadanssesmains.Scarlet,latêtetoujourssoussonoreiller,regardadiscrètement.—Pourquoi?—Parcequeeee,ditHeather,tut’esassezmorfondue.Etaussiparcequejesuispresquecertaineque

çafaitdeuxjoursquetuesenpyjama.Beurk!Scarletregardasonpyjamaconfortableethaussalesépaules.Heatherrouladesyeux.—Voicicequetuvasfaire:tuvastelever,t’habilleretmelaissert’emmenerettefairepasserune

journéedefilles.Nousallonsfairelesboutiques,mangerdelaglace,pleureroupeuimporte.Çavaêtregéant!Scarletgrommeladenouveau.—Jeneveuxpasmelever.—Ehbien,c’estdommage!Heather tira les couvertures, les laissa retomber sur le sol et entra dans la pièce-penderie. De là,

Scarletentendit:—Tunevaspasteréfugierdanstachambreettelamentertoutelajournéeparcequetonpetitamit’a

menti,Scarlet.Tun’espasunbébésansdéfense.Heathersortitlatêtedelapenderieetregardasonamie.—Tuesunebellebrunesuperintelligente,etcen’estpasunpetitamiunpeuidiot,menteuretsexyqui

vachangerça.Elleclignadesyeux.

—Etjenevaispasresterlààtelaissermijoterdansunpyjamasaleencotonuneminutedeplus.Scarletserenfrogna.—Cen’estpascommesij’étaiscouvertedeboueetdesueur,Heather.Mespyjamassontpropres.HeatherregardaScarlet,l’airabasourdi.—Évidemment,lasaletét’estmontéeàlatête.LecœurdeScarletseserra.LajoiepersistantedeHeatheretsonobstinationétaientexactementcedont

elleavaitbesoinaujourd’hui.ScarletdécidaalorsimmédiatementdedirelavéritéàHeather.Bientôt.Heatherméritaithonnêteté.EtdèsqueScarletauraittrouvécommentluiexpliquersasituationsansla

fairepaniquer,elledemanderaitàHeatherdes’asseoiretavouerait.Heatherdisparutencoreuneminuteavantdesortirdelapièce-penderieavecunetenuesurlebras—,

qu’ellejetaàScarlet.—Prendsunedoucheethabille-toi.Scarletpritlesvêtementsenbâillant.—Cequetuesautoritaire!Heatherposaunemainsursahanche.—Ehbien,quelqu’unabesoindeprendreleschosesenmain.Ça,dit-elleenfaisantungrandcercleen

facedeScarletpourindiquerl’apparencedeScarlet,çan’estpasbon.Ondiraitquetuasétéélevéeparunemeutedeloupssauvagesenpyjama.ScarletlançaunregardagacéàHeatheravantderouleràcontrecœurhorsdulitetdesedirigerversla

salledebain.—Jet’aime!luicriaHeather,dontlavoixavaitretrouvésadésinvolturehabituelle.—Tantmieuxpourtoi,réponditScarlet.MaiselleaimaitHeather.EtHeatheravaitraison.Elleavaitbesoindeprendreunedouche.

33

Lundi matin arriva, et Gabriel n’avait pas encore parlé avec Scarlet depuis le chalet. Sa tentatived’expliquerleschosesnes’étaitpasbienpassée,surtoutparcequ’ellenesesouvenaitdepresquerien.Non préparé à l’absence demémoire de Scarlet, il n’avait pas su comment l’apaiser par rapport à

l’idéede,ehbien,demourir.Etilnesavaitpascommentluidireàproposdesamalédiction.LamalédictionquileprivaitdetoutgrandamourendehorsdeScarlet.Quelquechosedanslefaitdele

luidiresemblaitjuste…égoïste.Ilnevoulaitpaslaforceràl’aimer.Ilvoulaituneaffectionsincère,pasuneaffectionfeinteparpitiéou

parobligation.Ilattendraitjusqu’àcequ’ellesesouviennedetout.Aumoins,decettefaçon,elleserappelleraitaussi

commentilss’étaientfiancésetcombienill’avaitaiméeavantmêmelamalédiction.Jusque-là,ilavaitfaitattention,espérantqueScarletluireviendraitetluiconfieraitsondestin.Assisdansl’attentequesontroisièmecourscommence,ilsoupira.Toutàcoup,quelqu’unluidonnaunetapesurl’arrièredelatête.—Oh,lementeur!ditHeather,quifitletourdesonbureauets’assitenfacedeGabriel,avantdese

tournerverslui.Elleplissalesyeux.—Tuétaisfiancéavant?Ettuasunjumeausecret?Bonsang,Gabriel!Il se frotta l’arrièrede la tête.Scarlet luiavaitenvoyéunbref textopour lui fairesavoircequ’elle

avaitditàHeather,alorsils’étaitattenduàça.Ehbien,pasautrucdelaclaquederrièrelatête,maisàlaconfrontationverbalemuscléedeHeather.Ilsoupira.—Jesais.Jesuisnul.J’aicompris.Heathersepencha,etsonparfumvanilléflottadanssesnarines.—As-tud’autressecretsdefamillequetuvoudraisconfesser?Unonclemortpeut-être?Uncochon

domestiquequiparle?Ilauraitbienaimé.Sisonplusgrandsecretdefamilleavaitétéuncochondomestiquequiparle,savieseraitdugâteau.Gabrielsefrottalajoue.—J’aimentiàScarletetj’aieutort.Mais…Ilsepenchaenavant,soudainsoucieuxdesedéfendreauprèsdequelqu’un.—Jeneluiferaisjamaisdemal.Jamais.Ilserecula.—Jetiensàelle,Heather.Etcen’estpasunmensonge.

Heather pinça ses lèvres et l’examina, dubitative. Après quelques instants, elle laissa échapper unsoupir.—Jetecrois.Ellerejetasescheveuxsurlecôtéetfronçalessourcils.—Jedétestetecroire.Ceseraitbeaucoupplusfacilesijepensaisquetuesuneracaillequimentpour

quejepuissemerévoltercontretoi.Gabrielrouladesyeux.—Ehbien,mercidemecroire.Heatherricanacommesielleessayaitdenepasl’aimer.—Mais,tuétaisfiancé?C’estvraimentbizarre,Gabriel.Tuesaulycée!—C’étaitilyalongtemps.—Longtempsàquelpoint?Tuavaisquoi?Dixans?Ilsoupiradenouveau.—Çan’aplusd’importancemaintenant,d’accord?Toutcequiimporte,c’estScarlet.Heatherplissalesyeux.—Tuferaismieuxdenepastemoquerd’elle,parcequejetetuerai.Lentement.Etdouloureusement.

Etjecommenceraiprobablementpararrachertessourcilssivirils.Alors,soisprévenu!Ellen’estpasqu’unefillemignonneavecquituvasàl’école,Gabriel.ElleestScarlet.Neluibrisepaslecœur.Gabrielclignadesyeux,remplid’admirationpourlapetiteblondeassisedevantlui.HeathersesouciaitvraimentdeScarlet.Ilgardasonairgrave.— Je promets que je traiterai Scarlet comme si elle était mon âme sœur prédestinée et que je la

convoitaisdepuiscinqcentsans.Heatherhaussalessourcils.—Ouah!Elleclignadesyeux.—Bonneréplique.Très…poétique!Gabrielexpira.—Commentva-t-elle?Avanttoutechose,ilespéraitqueScarletfaisaitface.Ellepouvaitlehaïr,ellepouvaitmêmechoisirde

neplusjamaisluireparler,maisGabrielavaitbesoindesavoirqu’ellenes’écroulaitpas.Heatherditdansunsoupir:—Euh,pasbien.Elleesttoutecalmeetpensive.C’estcommetraîneravecunmathématicien.Ilfaut

que tu lui parles, Gabriel. Excuse-toi auprès d’elle et dis-lui que ton ex avait une jambe de bois ouquelquechosedugenre.Ramène-laàlavie.Ilpinçaseslèvres.—Est-elle…triste…ouquelquechosecommeça?

—Bien sûrquenon,ditHeatherd’unair renfrogné.Cen’estpasunepleurnicharde, çava.Elleestjuste…loin,tusais?Ellefitclaquersesdoigtsdevantsonvisage.— Donc, arrange ça. J’ai besoin que ma meilleure amie revienne. Et aussi, j’ai besoin qu’elle

commenceàporterdeschaussettesassorties.Aujourd’hui,elleenamisuneblancheetuneblanccassé.Heatherlevasesmainsdanslesairs.—Inacceptable.Gabrielretintunsourire.—Jel’aiappeléeetluiaienvoyédestextostoutelafindesemaine.Elleveutdel’espace.Heatherhochalatêteetfitlamoue.—Ouais,ehbienalors,donne-luidel’espace.Maisquandtuluiparles,pourrais-tuymettreuncertain

charmesupplémentaire?LevisagedeHeatherdevintcompatissant.—Sacourtevieaétéplutôtdifficileetfolle,tusais?Soisgentil.Soncœurramollit.Heatherétaitprotectrice,fougueuse,agaçanteetbrusque.MaiselleaimaitScarlet.Laclochesonnaetlesétudiants,nonchalants,prirentplace.Avantdeseretourner,Heatherchuchota:—Bonsang,j’adoretachemise.Ettaceinture.Bravo!GabrielsourittandisquelescheveuxblondsdeHeatherflottaientdevantluipendantqu’ellesetournait

pourfairefaceàl’avantdelasalle.HeatherétaitunebonneamiepourScarlet,mêmesielleétaitunpeufolle.

34

Lespremiersjoursaulycéed’Avalondepuisqu’elleenavaitapprissursonpassésurnatureletsonavenircondamnéà l’échecétaient flouspourScarlet.Maiselleavait réussiavecsuccèsàéviterGabrieletàesquiverlaplupartdesquestionsdeHeather.Jusqu’àjeudi.Scarlet s’assit en classe et regarda distraitement l’avant de la salle. Pour elle, suivre les cours

d’anglaisausérieuxs’avéraitdifficile.Quandonestcondamnéàmouriretqu’onressusciteenvirontouteslesdécennies,lesdissertationsne

semblentplustrèsimportantes.Unepetitebouledepapierheurtasonépaule,etScarletrouladesyeux.Heatherétaitunelanceusedenotesinvétérée.Scarletregardasameilleureamieavantderamasserlanotesurlesoloùelleétaittombée.

As-tuparléàtonpetitamimenteursupersexyaujourd’hui?

ScarletlançaunregardfurieuxàHeatheretsecoualatête.ElleignoreraitGabriel—ettouteautrepartiedesonpasséridicule—jusqu’ànouvelordre.ElleavaitenvoyéuntextoàGabrielilyavaitquelquesjourspourluifairesavoirqu’elleavaitbesoin

d’espaceetdetempspourdigérerleschosesetsefaireuneidéedesonavenir.Gabrielavaitrépondupolimentendisantqu’ilcomprenait,maiselleétaitsûrequ’unepartdeluiétait

déçue.Lafindesemaineavaitétéassezimproductive.Scarletenétaitvenueàtrèspeudeconclusions,mais

unechoseétaitsûre:elledevaitagirnormalement.Qu’allait-ellefaire?S’enfuiravecGabrielpourpartiràlarecherchedelaFontainedeJouvence?Peuprobable.Lauraappelleraitlapoliceetrempliraitunrapportdepersonnedisparue.OnretrouveraitScarletetles

chosesempireraient.C’était drôle comme, il y avait quelques années, Scarlet avait passé des semaines à souhaiter que

quelqu’unremplisseunrapportdedisparitionpourelle.Maintenantqu’elleavaitdesgensquil’aimaientdanssavie,ellenepourraitpassimplementdisparaîtreetlesquitter.Scarletsouritintérieurement.Ilétaitréconfortantdesavoirqu’elleétaitaimée.C’étaitaussiunpeugênant.Maissurtoutréconfortant.Ellenepouvaitpasquitterlaville,maisellenepouvaitpasnonplusdemanderlapermissiondeLaura

departiràl’aventureavecsonpetitamiàlarecherched’unefontainemythique.

Alors, à la place, Scarlet décida de la jouer cool. Elle irait à l’école, ferait ses devoirs et secomporteraitcommeuneadolescentenormale,nonmaudite,jusqu’àcequ’elleaitunmeilleurplan.Malheureusement,unepartieduplanquiconsistaitàlajouercoolimpliquaitdementiràHeather.Cequiétaitnul.Heather était la seule personne, en plus deLaura, qui avait donné une chance à Scarlet. Luimentir

n’était pas juste, et cette pensée brisait le cœur de Scarlet. Mais elle n’était pas prête à introduirequelqu’und’autredanssafolie.Heatherdevraitresterdansl’ombre,dumoinsjusqu’àcequeScarletaitunemeilleurecompréhension

delasituation.La cloche sonna, signalant la fin du cours, et tout lemonde rassembla ses affaires.Heather aborda

Scarletavecunregarddepitié.—Est-cequeçava?Tuasl’air…ramollie.—Ramollie?—Ouais,acquiesçaHeather.Commeunspaghettisurladéprimeouquelquechosedugenre.—Jevaisbien.—Tun’aspasl’airbien.Tuasl’air…triste.Etunpeucommeunepoupéedechiffon.Qu’est-cequise

passeavectescheveuxaujourd’hui?As-tuperdutabrosse?—Pasmaintenant,Heather,ditScarletenpassantrapidementdevantelle.Elleavaitdeschosesplusimportantesàréglerquesescheveuxenbataille.Commemourir.—Scarlet,ditHeather,quialla seplaceràcôtéd’ellealorsqu’ellesmarchaientvers leurscasiers.

Quepuis-jefairepourt’aider?Dequoias-tubesoin?Veux-tuquejetabasseGabrielpourt’avoirmenti?Parcequejeleferais.Jepourraismêmemecasserunonglesic’estcequ’iltefaut.ScarletsouritàlapenséedelaminusculeHeatherquiessayaitd’avoirledessussurlegéantGabriel.—Non.Non,jenesuismêmepasvraimentencolèrecontreGabriel.Jesuis…folledelui.Maisj’ai…

j’aijustebesoindetemps.Heatherfitunsignedetêteenregardantdanslecouloir.—Ehbien,tuferaismieuxdeprofiterdesquelquessecondesquiviennentparcequejesuissûreque

Gabrielvientparici.Scarlet leva lesyeuxet vitGabriel avancerdans le couloir, sonbeauvisage rivévers le sien.Elle

voulaitsetourneretfuir,trouverduréconfortdansunplacardàbalaisoun’importequoi,maisellen’enfitrien.Parcequ’elleignoraitcomplètementoùsetrouvaitleplacardàbalaisleplusproche.Etaussiparceque,endépitdelafoliedecesderniersjours,elles’ennuyaitdeGabriel.Elles’ennuyaitdesonparfum,desabellevoixetdesonsourireparfait.Scarletleregardaapprocher.Ellerestaimmobileàcôtédesoncasier.—Salut,ditGabrielalorsqu’ilapprochait.

Scarlethochalatête.—Salut.Unmomentdélicatpassa.—Euh…LesyeuxdeHeatherpassèrentdeGabrielàScarlet,puisdenouveauàGabriel.—C’estbizarre.Etj’aimeraisbeaucoupresteretcommenterlesjeansfantastiquesdeGabriel,dit-elle

enregardantlepantalondeGabrielavecunsourire.Maisjevais…m’enaller.Ellequittalatensiongênanteetavançajusqu’àsondeuxièmecours.—Alors,ditGabriel,enregardantScarletavecdegrandsyeuximpuissants.Jesaisqu’encemoment,

tuveuxplusd’espaceetjeneveuxpasm’immiscerencoreunefoisdanstavie,mais…Ilsourittristement.—S’ilteplaît,nemerejettepascomplètement.Scarletleregardauninstantetréalisaquesapoitrineluifaisaitmal.Ellenevoulaitpasl’exclure.Elle

voulaitretrouversonpetitami.Elleavaitessayéd’êtreencolèrecontrelui,elleavaitessayédelehaïrparcequ’illuiavaitmenti,maisellenepouvaitpas.Elles’étaittropennuyéedelui.Nesachantpasquoidirenicommentdissoudrelatensionentreeux,ellesemitsurlapointedespieds

etcollaseslèvressurlessiennes,sesyeuxsefermantàleurcontact.Il l’embrassadoucement luiaussi,presque timidement,commes’ilcraignaitpeut-êtrequ’ellechange

d’avis et se détache complètement. Il posa ses mains sur sa taille et la rapprocha doucement de luijusqu’àcequeleurslèvresseséparent.ToujoursdanslesbrasdeGabrieletsurlapointedespieds,Scarletouvritlesyeuxetlevitluisourire.Elleneputs’empêcherdesourireelleaussidevantcerictusenfantin.—Quoi?—Rien.Tum’asmanqué,c’esttout.Ellerougit.—Leschosesvonts’arranger,Scarlet.Jetelepromets.Scarlethochalatête,sonsourirefaiblissantpendantunbrefinstant.—Jel’espère.—C’estvrai,ditGabrielavecassurance.Àcesmots,Scarletretrouvasonsourire.Ellevoulaitlecroire.Peut-êtrequ’unjour,elleleferait.ScarletrabaissasesyeuxsurlesoltandisquelamaindeGabrieltombaitdesataillepourprendresa

mainetlatenirdélicatement.Maintenant,elleprendraitleschosesunjouràlafois.Aujourd’hui,elletiendraitlamaindesonbeaupetitamietlelaisseraitrevenirdanssavie.Demain,peut-êtrequ’ellesebrosseraitlescheveux.

35

Demain arriva, et Scarlet réussit à brosser ses cheveux, au grand plaisir de Heather. Elle décidaégalementdefaireunevisiteimpromptueauchaletdeGabrielaprèsl’école.ElleavaitdesquestionsetlesfrèresArcheravaientlesréponses.Scarletgarasavoituredansl’alléedeterreduchalet,prituneprofondeinspirationetsortit.Elleavançajusqu’auxmarchesduperronetattenditdevantlaporte.Illuisemblaitquecelafaisaitdes

années qu’elle s’était trouvée sur ce porche et qu’elle avait rencontré Tristan. Tant de choses avaientchangédepuis.Aprèsavoirfrappéàquelquesreprises,laporteduchalets’ouvritpourrévélerTristan.Quitenaituneépée.Unetrèslongueettrèstranchanteépée.LecœurdeScarletsemitàtambourineràl’intérieurdesapoitrine.Elleregardal’épée,puisTristan,

—quinefournitaucuneexplication—,etdenouveaul’épée.—Euh…Quefais-tuaveccettearme?demandaScarlet.Tristanregardalalamedanssamainethaussalesépaules.—Veux-tuvraimentlesavoir?Scarletréfléchit.—Non.Elle avait trop en tête en cemoment. Elle n’avait pas besoin d’ajouter des faits étranges relatifs à

Tristanàlapagailledanssoncerveau.Il se recula de la porte, lui fit signe d’entrer et ferma la porte derrière elle après qu’elle se soit

exécutée.Gabrielapparutdansl’entréeetsouritchaleureusement.—Salut!Jenesavaispasquetuviendrais.Tristandisparutdanslecouloir.—J’aibeaucoupdequestions,commençaScarlet.Tusais,àproposde lamalédictionet…ehbien,

tout.Gabrielhochalatête.—Biensûr.Entre.Scarlet pénétra dans le salon et s’assit sur lemême canapé qu’auparavant. La dernière fois qu’elle

s’étaitassiselà,toutsonmondeavaitétéanéanti.Espéronsquecettefois,sonmonde—sifragileetsibizarrepuisse-t-ilêtre—resteraitenunseulmorceau.

36

Gabriels’assitàcôtédeScarletsurlecanapé,reconnaissantqu’ellesoitrevenueluiposerdesquestions.Illaplaignait.Ilnepouvaitpasimaginercombienelledevaitsesentirterrifiéeetdésorientée.Scarletcroisasesmainssursesgenoux.— Je ne sais pas trop par où commencer… Je suppose qu’on devrait y aller avec cette histoire

d’immortalité.Tuasditquevousnesaviezpasquevousétiezimmortels,n’est-cepas?—Exact.—Alors,commentl’avez-vousdécouvert?Gabrielprituneprofonderespiration.—NotrepremierindiceaétéqueTristanasurvécuàuneflècheenpleincœur.C’étaitfou.Uneminute,

ilsaignaitsurlesolàcôtédetoi,etlasuivante,sablessureserefermait.Quelquesminutesplustard,toncorpsadisparu,etTristanetmoiavonspaniqué.Nousavonspenséque

lamalédictiondeRavenavaitassurémentagisurTristanettoi,maisnousnesavionspascomment.»C’estlàquenousavonsrecherchéuntypequivivaitdansunvillageàproximité,NathanielFletcher.

Quand nous étions enfants, Tristan etmoi avons vuNate se couper accidentellement lamain avec uncouteauetguérirmiraculeusement.Nousavonspenséquepeuimportecequil’avaitguéri,celaauraitpujouerunrôledanslaguérisondeTristan.» Nous avons rencontré Nate et lui avons expliqué qu’on t’avait tirée dessus, que ton corps avait

disparuetqueTristanavaitimmédiatementguériaprèsavoirététranspercéparlaflèche.»Nateaémisl’hypothèsequeTristanetmoiétionsimmortels.Naturellement,nousavonspenséqu’il

étaitfou,maiscommentexpliquerautrementqueTristanavaitsurvécuàuneflècheenpleincœur?Nousavons laisséNate faireun…genrede test, surnotresang,pourconfirmersessoupçons.Tristanetmoiétionsimmortels.Toutcommelui.—CeNateétaitimmortelaussi?Gabrielhochalatête.—OnavaitdonnéàlamèredeNateunflacond’eaudelafontaine,toutcommeànotremère,etelle

l’avaitbuealorsqu’elleétaitenceintedelui.—CeNateesttoujoursdanslesparages?—Ohoui!C’estnotreami.IlvitàNewYork.Scarletfronçalessourcils.—Combienya-t-ild’immortels?Gabrielhaussalesépaules.—Pourautantquenous le sachions, iln’yaquenous trois.Noussommes les seulespersonnesque

nousconnaissonsnéesdemèresquiontbul’eaudelafontaine.Scarlethochalatête.

—Troisimmortels.Compris.Bon,parlonsdelafontaine.Sionlatrouve,jeguérirai?Gabrielopina.—Complètement.Enfait,j’aiappeléNatel’autrejour.Ilensaitbeaucoupsurlessortsetilnousaide

aussi à essayer de trouver la fontaine depuis des siècles. Peut-être qu’ensemble, nous réussirons à latrouvercettefois-ci.Gabrielluiadressasonplusbeausourire,essayantdelarassurer.Ellesouritfaiblement.Soncœur se serra.Cequ’il désirait leplus aumonde, c’était guérirScarlet, qu’elle reste enbonne

santéetqu’ellen’aitpluspeur.Maisilsesentaittellementimpuissant.Scarletseraclalagorge.— Disons que nous ne trouvons pas la fontaine et que je meurs. La prochaine fois que je vais

ressusciter,meretrouverez-vousencore?—Biensûr!Gabriellaretrouveraittoujours.Oudumoins,Tristanlaretrouveraitetillesuivrait.—Ceneserapascommecettefois.Tristanetmoi,nousviendronsimmédiatementdanstaprochaine

vie.Situmeurs.Cequin’arriverapas.Sespaumesdevinrentmoites.—Attends,vouspouvezmetrouvertoutdesuite?Gabrielhochalatête.—Alors,pourquoiavez-vousattendudeuxanspourmerencontrer?Scarletsemblaitencolère.—Pourquoim’avez-vouslaisséevivredanslapeuretlaconfusionpendantsilongtemps?Ildéglutit.—C’étaitl’idéedeTristan.Ilvoulaitattendrequelamalédictionsoitbriséeavantdeterencontrer.—Pourquoi?—Parcequ’ilpensaitqueleschosesseraientplusfacilesainsi.—Ehbien,cen’estpaslecas.Gabrielopina.—Jeteprometsqueçan’arriveraplusjamais.—J’espère.Elleavaitraison.Ilsn’auraientpasdûlalaisservivresilongtempssanseux.Celan’avaitpasétéjuste

pourelle.—Jen’auraisjamaisdûécouterTristan,continuaGabriel.C’estunidiot.Scarletsecoualatêteetfronçalessourcils.—Pourquoias-tugardéTristansecretsilongtemps?Pourquoinem’as-tupasparlédelui?Gabrielbougea,malàl’aise,essayantdeformuleruneréponsequineparaîtraitpasinsensible.—Tristanm’ademandé…denepasteledire.

—Pourquoi?Gabriel haussa les épaules, espérant qu’elle accepterait son absencede réponse et passerait à autre

chose.Ellenelefitpas.—A-t-ilfaitpareildansmesviespassées?Essayait-ilderestercachéparrapportàmoiavant?—Non.—Alors,pourquoimaintenant?—Jenesaispas.Ilajusteditqu’ilnevoulaitpasterencontrercettefois,ditGabrielavecdouceur.—Pourquoipas?Est-cequ’ilmedétesteoujenesaisquoi?GabrielsavaitqueTristannedétestaitpasScarlet,maisilnesavaitpascequeTristanvoulaitqu’elle

croie.—Jenesaispastrop,tudevraisluidemander.Scarlethochalatête,maissonregardsemblaitdistant.Tristanentradanslesalonenagitantsontéléphonecellulaire.—Désoléd’interromprecerapprochementancestral,maisGabrielaunappel.GabrielregardaTristan,perplexe.—C’estNate,ditTristanenregardantGabrielavecinsistance.Ilm’aappelésurmontéléphonepour

discuterdemon…plan.Etmaintenant,ilveutteparler.Gabriel attendit plus d’explications,mais commeTristan ne développa pas, il se leva à contrecœur

pours’éloignerdeScarletetpritletéléphonecellulairedeTristandanssamain.—J’enaipouruneminute,dit-ilàScarletdontlesyeuxbleusétaientécarquillés.Peut-êtrequeNateavaitdesinformationssurlaFontainedeJouvence.Cequipourraitêtredebonnesnouvelles.

37

TristanjetaàpeineunœilversScarletavantdesetournerpourquitterlesalon.Ilfallaitqu’ellesortedelamaison.Bientôt.Ilétaittropdifficilepourluideresteroccupéetencontrôledelui-mêmequandelleseprélassaitsuruncanapéàcinquantemètresdelui.—Tristan,l’appelalavoixdeScarlet.Attendsuneseconde.«Non,non,non.»Pasdebavardage.Il ne pouvait pas s’occuper d’ellemaintenant. Il avait besoin d’aller ailleurs…, aussi loin qu’il le

pouvaitsanstropdedouleur…,pourqu’ilpuisseplanifiersaprochainetentativedesuicide.Ceciétaitnécessairepourmettreuntermeàtoutçadèsquepossible.Ilseretourna,toutraide,faisantdesonmieuxpourparaîtreindifférent.—Quoi?Ellenesemblaitpasaffectéeparsonattitudedésagréable…Cequin’étaitpasbonsigne.—Euh…Ellemordit sa lèvre inférieure, et chaquenerf du corps deTristan voulut passer à l’acte et aller la

mordillerluiaussi.Elleseraclalagorge.—Pourquoinevoulais-tupasmerencontrercettefois-ci?Danscettevie?Elleavaitl’airpréoccupée.Mêmepeusûred’elle.«Merde.»Soncœursefissuratandisqu’ilsepréparaitpourcequ’ilétaitsurlepointdefaire.Ilallaitdevoirlui

mentir.Ilallaitlarepousser.Ilallaitluibriserlecœur.Etcelaletuerait,maislagarderaitenvie.Il attendit jusqu’à ce qu’une expression d’apathie absolue traverse son visage avant de trouver le

couragededire:—Parcequejeneveuxpasdetoiici.Scarletavaitl’airdéconcertée.Blessée.Ladouleurbrilladanssesyeux,etTristanfaillitimmédiatementperdrepresquetoutesadétermination.

Ilpritunelonguerespiration,letempsdemaîtrisersesémotions.Scarletsecoualatête.—Jesuis…jesuisdésolée.Jenemesouvienspas…—Jesais,dit-ildesavoixtoujourssévère.Jenesuispasencolèrecontretoi.C’estjustequejene

veuxpasdetoidanslecoin.Ilétaitméchantetméritaitdemourir.Avecunpeudechance,celaluiarriverait.

LesyeuxdeScarletétaientbrillants,surleborddeslarmes.Ilpouvaitsentirladouleuretlechagrinricocher en elle. Il pouvait sentir la tristesse… la colère…Il pouvait sentir lesdégâts causéspar sesparoles.Ellenesesouvenaitpasdelui,maissonâme,oui.Soncœur,oui.Etlesdeuxserompaient.«Jet’enprie,nepleurepas.»Tristan garda son regard fixé sur le sien, ferme, désinvolte, en priant pour qu’elle n’éclate pas en

sanglots.Siellepleurait…Ehbien,siellepleurait,touslesparisétaientouverts.Ellenepouvaitpaspleurer.— Alors…, dit Scarlet, qui déglutit, pourquoi… es-tu venu t’asseoir près de moi dans la forêt ?

Pourquoiétais-tusigentilavecmoil’autrejour?Tristanvoulutseblâmerpoursadéfaillancelafindesemainedernière.S’ilnepouvaitpasconvaincre

Scarletqu’ilnes’intéressaitpasàelle,alorselleredeviendraitunefillenormaleetravissante.Sicelaseproduisait,ilneseraitpasenmesuredeluirésisteretellemourrait.La pensée de samort lui donna la force dont il avait besoin pourmettre fin à leur conversation en

disant:—JefaisaisunefaveuràGabriel. Ilpensequ’il t’aime.Alors, il teveut ici.Voilàceque jefaisais

danslaforêt…Jetegardaisici.Unmomentdesilencepassa,lesgrandsyeuxdeScarletposantmillequestions.—Quoiqu’ilensoit…,ditfroidementTristan,cariln’avaitpasencorebrisésonâme.J’aideschoses

àfaire.Là-dessus,ilpartit,laissantScarletpiquéeetinsultéeparsesmotsacerbes.L’estomacdeTristansenouacommeils’éloignaitd’elle.Ilétaitunmenteuretunméchant.Ilétaitaussiamoureuxdelafillesursoncanapé.Etc’étaitcequileforçaitàs’éloignerdudouxvisagedeScarletpourallerverslaseulechosequ’il

devaitfaire.Mourir.

38

Scarlets’assit,méduséeetvidée,danslesillagedesparolesdeTristan.Ellenes’étaitjamaissentieaussimal,sipersonnellementoffensée.Pourquois’ensouciait-elle?Tristann’étaitpersonnepourelle.Ilétaitjustelefrèredesonpetitami.Alorspourquoisepréoccupait-ellequ’illadéteste?Pourquoisepréoccupait-ellequ’ilneveuillepas

d’ellelà?ScarletessayaderéajustersessentimentsetdemettrelesmotsdeTristanenperspective.«Ilnesignifierienpourmoi.»C’estunétranger.»C’estunétrangerméchantetjemefichedelui.»Sespenséesfirentéchoenelle,latraitantdementeuse.Malgré lesmots tranchants deTristan,Scarlet se sentait encore attiréevers lui et cela lui brisait le

cœur.Elledevaitlehaïrdèsmaintenantou,àtoutlemoins,neplusrienressentirpourlui.Maisnon.Soncœurseserradanssapoitrinejusqu’àcequ’ellenepuisseplusrespireretsesyeuxsetroublèrent

souslamenacedeslarmes.Elleentenditdespasapprocherdans lecouloiretsoncœur idiotespéra—espéravraiment—que

c’étaitTristanquirevenaitpourluiprésenterdesexcuses.Elles’essuyalesyeuxetseredressa,nerveuse.Maiscen’étaitpasTristanquirevenait.C’étaitGabriel.Soncœurseserra.—Désolépourtoutàl’heure,ditGabriel.Elleluiadressasonplusbeausourirefeint.—Qu’aditNate?Ill’examinapendantuninstant.—Est-cequeçava?LesentraillesdeScarletsaignaientdepuissaconversationavecTristan,maisellen’avaitpasenviede

partagersadouleuravecGabriel.—Biensûr.Qu’aditNate?Gabrielsecoualatête.—Iln’apasdenouvellesinformationssurlafontaine.Maisilaquelquechoseàtedonner.—Qu’est-cequec’est?—Iln’apasvoulumeledire,maisiladitqu’iltel’enverrait.

Scarletpenchalatête.—Ah.Gabrielhaussalesépaulesavantdeserasseoiràcôtéd’elleetpassasonbrasmuscléautourd’elle.—Peuimporte,revenonsàtoi.Quellesautresquestionsas-tu?Scarletclignadesyeux.Elleavaitplusdequestions,maistoutceàquoiellepouvaitpenser,c’étaitaumystérieuxcadeaude

Nate.EtauxparolesglacialesdeTristan.—Euh…Jecroisquec’esttout.Pourl’instant.Scarletluiadressaunautrefauxsourire.—Jeteleferaisavoir.Ilsetutuninstant.—Tuessûre?Scarletopina.—Ehbien,danscecas,jecroisquenousdevrionsfaireunesortie.Cesoir.Faisonsquelquechosede

normal.Quelquechosequin’arienàvoiraveclesmalédictionsetlesfontaines.Qu’endis-tu?Scarletlaissaéchapperunrire.—Çamesemblemerveilleux.Etçal’était.Ou,dumoins,çasemblaitmieuxqueresterassisedansunemaisonoùTristannevoulaitpaslavoir.Unesortieseraitunebonneidée.Scarletavaitbesoind’unpeud’amour.

39

Lafindesemainesuivante,Scarletsouritintérieurementalorsqu’ellefrappaitàlaporteduchalet.Elleavaitunrendez-vous«secret»prévupourGabrieletnepouvaitpasattendredeluifairelasurprise.Elleallaitlerameneràleurairedepique-niquedanslesboisetpasserlerestedelajournéeàdiscuter

etàrire.Avecunpeudechance,ilsvérifieraientdenouvellespistespossiblesconcernantlafontaine.Ilsavaientpassé ladernière finde semaineàmenerdes recherches surdifférentes légendesetScarlet sesentaitpleined’espoir.Ellefrappadenouveau.Tristanréponditàlaporte.Quefaisait-il?Portier?LebonheurdeScarletsedégonfla.—Quefais-tuici?demanda-t-il.Scarletclignadesyeux.—Excuse-moi?«Malpoli.»—Pourquoies-tuici?Tristanparcourutleperrondesyeux,commes’ils’attendaitàcequequelqu’unsoitavecelle.—Euh…Monpetitamivitici.Alors,jesuisvenueicipourlui.—Pourquoin’as-tupasenvoyédetextoavant?Scarlethaussalessourcilsd’unairincrédule.—Oh,jesuisdésolée.Jesupposequejeneconnaissaispaslesrègles.Donc,jedoist’envoyeruntexto

avantdemeprésenterchezGabriel?Quoid’autre?Dois-jet’appelerpourobtenirtonapprobationavantdel’embrasser?Tristanrouladesyeux.—Qu’estcequetuveux?—JeveuxvoirGabriel.Est-cequeçavaouest-cequelesheuresdevisitesontterminées?Scarletfitunpasenavant.SoncerveauvoulaitpousserTristanhorsdesoncheminetentrerdanslechaletpouryattendreleretour

deGabriel.MaissoncorpsvoulaitsecollerenpermanenceàlapoitrinedeTristanetfairecourirsesdoigtslelong

desondos.Scarletreculad’unpas.—Gabrieln’estpasici.Tristanplissalesyeux.

—Ah,d’accord.Tuauraispujustemedireça.Inutiled’aboyeraprèsmoicommeunchiendegardemécontent.Tristanexpira.—Onenafini,là?Scarlet se sentit comme si on l’avait frappéedans le ventre.Tristan la détestait-il au point qu’il ne

pouvaitpaslasupportersursonperron?—Oh,oui,ditScarlet,sarcastique,alorsqu’ellerassemblaittoutlecouragequ’ellepouvait.Onena

fini.Etlà-dessus,elletournalestalonsetpartit.Elleentenditclaquerlaporteduchaletderrièreelleetattenditdeseretrouverdanslasécuritédesa

voitureavantdepermettreàsesmainsdetrembler.Nonpasparcequ’elleétaitencolère.Maisparcequ’elleessayaitderetenirseslarmes.PourquoiTristanl’affectait-ilautant?Letéléphonesonnatoutàcoup.ScarletregardaetvituntextoprovenantdeGabriel.

«Jesuischeztoi.Oùes-tu?»

Scarlet soupira. Gabriel avait probablement voulu la surprendre, tout comme elle avait voulu lesurprendre.Parcequ’ilétaitgentil.Sonjumeau?Passigentil.

«Jesuisenroute.»

Scarletenvoyasontextoetquittalaforêt.Soncœurbattitàmilleàl’heuretoutlelongjusqu’àchezelle.

40

Lesprochainessemainespassèrentsansencombre.Scarletretournaàsonrythmedevie«normale»etcommença à s’adapter à sa vie « Je vaismourir ».Gabriel et elle avaient diligemment cherché toutenouvelle information sur l’endroit où pouvait se trouver la fontaine, et Heather avait presquecomplètementpardonnéàGabrield’avoirmentiàScarlet.Leschosesallaientbien.Cequiétaittoujoursunsignecertainquequelquechosedemalétaitsurlepointdeseproduire.C’étaitunfroidvendredid’octobreetdescitrouillesdécoraienttoutelavilled’Avalon.Halloweenétaitproche,etHeatherétaitpréoccupéeparsoncostume.—Penses-tuqueleszombiesfillesmaléfiquesportentdesbijoux?Parceque,sansbouclesd’oreilles,

jeressembleàungarçon.Peut-êtrequejedevraisjusteêtreCléopâtre.IlsétaientauMillhouseavec,cequisemblaitêtre,toutlemondeenville.Lefroiddel’automneétait

arrivé,ettoutlemondevoulaitunetassedecaféchaud.—N’étais-tupasdéguiséeenCléopâtrel’annéedernière?Scarletregardaparlafenêtre,attendantGabriel.Scarletetluiavaientprévud’alleraucinéma.—Si,acquiesçaHeather.Etj’étaissupersexy.Elletapotasonmenton.—Jenesuispassûredesavoircommentmerendresexyenfillemorte.—Pasévident,approuvaScarlet.—Lafêted’Halloweend’Angievaêtretellementamusante!Tuvasfairequoi?— Je vais dormir. Ou manger de la glace. Mais certainement pas me déguiser pour une fête

d’Halloween.Heatherfitlamoue.—Allez,Scarlet.Tudoisvenir.—Non,jen’iraipas,ditScarletensouriant.Es-tuexcitéeàproposdetonvoyagedemain?Il n’y avait pas d’école la semaine prochaine en raison des vacances d’automne, et Heather avait

attenduavecimpatiencesesvacancesenfamilletoutel’année.Heathersourit.—Totalement.J’aivraimentbesoindevacancesàlaplage.Qu’allez-vousfaire,Lauraettoi,pourles

vacances?Scarletsoupira.—Lauravoyagebeaucoup.—C’estsontruc.Heatherregardaparlafenêtre.—Regarde,c’estMargelaclocharde.

—Nel’appellepascommeça,Heather.C’estméchant.Scarletregardaparlavitrineducaféendirectiondelasans-abriàlaquelleHeatherfaisaitallusion.—D’accord,quedirais-tudeMargelafollequiparleàseschaussures?ditHeather.—Ellen’estpasfolle,c’estjuste…unesans-abri…etelleestprobablement…seule.LecœurdeScarletseserradecompassion,puiss’emballa.—EtvoilàGabriel,ditHeatherenfaisantunsignedetête.Scarlet,quiregardaitàl’extérieur,espionnaGabriel,quimarchaitdanslarue.IldépassaMargedequelquespas,hésitaetseretournalentement.Lesfillesl’observaienttandisqu’ildisaitquelquechoseàMargequilafitsourire.IlsdiscutèrentpendantuneminuteavantqueMargeriedeboncœur.Scarletn’avaitjamaisvuMarge

rireavant.Gabrielsourit.Scarletétaitperplexe.Ce n’était pas Gabriel qui parlait à une sans-abri par une journée glaciale dans le centre-ville

d’Avalon.C’étaitTristan.Ellen’avait jamaisvuTristansourireavant.Sesfossettesétaientcreuséesetséduisantes,etsesyeux

brillants.Sonsourireétait…magnifique.LemêmeTristanquinevoulaitpasdeScarletlàetquiétaitdésagréableàchaquefoisqu’elleallaità

sonchaletsetrouvaitlà,danslefroid,àfairerireunefemmesans-abri.Scarletétaitheureuseettriste…etcomplètementdésorientée.—C’estlefrèredeGabriel.Heather,quivenaitjustedeprendreunegrossegorgéedethéchaud,avalabruyamment.—C’est…Tristan?Scarlethochalatête,lesyeuxtoujoursrivéssurlesdeuxpersonnesquidiscutaientdel’autrecôtédela

vitrineducafé.HeatherdéposasatasseetexaminaTristandeplusprès.—Commentfais-tupourlesavoir?En réalité, Scarlet ignorait totalement comment elle savait qu’il s’agissait de Tristan. C’est juste

qu’elle…lesentait.—Jenesaispas…,maisc’estassurémentTristan.Elledevaitêtreliéeàluid’unemanièrequelconque…Non?Heatherouvritlabouche.—Ehbien,Tristanestsexy.ScarletdétournalesyeuxdelafenêtreetregardaHeather,contrariée.Heatherhaussalesépaules.—Quoi?Ill’est.Scarletsecoualatête.—Lève-toi.

Heathersemitànettoyerleurpetitetableetcommençaàrassemblersesaffaires.—Quoi?Pourquoi?demandaScarlet,delapaniquedanslavoix.EllesavaitexactementpourquoiHeathers’affairait,etellen’avaitaucuneintentiondecoopérer.—Parcequejeveuxrencontrerlefrèremystérieux.Scarletsecoualatête.—Enaucunefaçon.Tristanmedéteste,Heather.Elleplissasonvisage.—Ilnetedétestepas,ilestjuste…impoliavectoi.C’esttout.C’estprobablementjusteunepersonne

méchantedenatureouquelquechosedugenre.Lesdeuxjeunesfillesregardèrentparlafenêtre,versTristan,quiparlaitencoreàMarge.—Ou,ditHeather,quiregardait toujoursparlafenêtre,c’est justeungarçonvraimentdouxavecun

grandcœurquiéprouveune…aversionpourtoi.Scarlet secoua la têtedenouveau,perplexe.CommentTristanpouvait-il être si chaleureuxavecune

inconnuedanslarueetsifroidetdistantaveclapetiteamiedesonfrère?—Nousn’ironspasàlarencontredeTristan,Heather.Jeneveuxpasluiparler.Heathersemorditleslèvrespendantuneseconde.—D’accord,dit-elle,puiselleavançaverslaported’entrée.—Où…oùvas-tu?luicriaScarlet.Heatherhaussadenouveaulesépaules.— Je veux rencontrer le jumeaumystérieux. Alors, tu peux ou bien rester ici comme une lycéenne

froussardeoubienveniravecmoietm’empêcherdediredeschosesinappropriéesaunouveaubeaumecenville.Ellehaussalessourcils.—Allons,Heather.—Quevas-tuchoisir,Scarlet?Scarlethésita,frustréeparsonamiefolledesgarçons.EllenevoulaitpasparleràTristan.MaisellenevoulaitpasnonplusquesameilleureamierencontreTristanetsemontreindiscrète.Qui

saitcequeTristanrévèleraitsurScarlet?OuGabriel?—Tuesunvraityran,ditScarletavecunsoupirtandisqu’elleselevaitpourretrouverHeather.Tuas

delachancequejet’aime.LesouriredeHeathers’élargit.—Jesais.Maintenant,allonsdiscuteravecTristan,lejumeausexy.Le cœur deScarlet semit à battre la chamade comme elles quittaient le café et se dirigeaient vers

Tristan.Enfait,soncœurbattaitdeplusenplusfortaufuretàmesurequ’elleapprochaitdelui.Elleessayadenepastropanalyserlephénomène.

—Tristan!criaHeather,commesiTristanetelleétaientdevieuxcopainsd’écoleprimaireouquelquechosedugenre.Tristan se retourna et regardaHeather avec curiosité. Il aperçut Scarlet et son visage se rembrunit

immédiatement.«Génial!»HeathersautasurTristanetMarge.—SalutMarge,ditHeatherensaluantladame,quivivaitsurlarueprincipaledepuisaussilongtemps

queScarletpouvaitsesouvenir.MargeluiadressaunsourireédentéethochalatêtequandScarletallaseplacerlentementàcôtéde

Heather.—SalutMarge,ditScarletavecdouceur.—Gentillesfilles,ditMarge,enfrappantdanssesmainsetenroucoulant.Gentillesfilles!ElleregardaTristan.—Toi,monchergarçon,tuesgentilaussi.Maismesbottesseconduisentmal.Jedoism’enoccuper.Margeselevadusolets’éloigna,gloussantenmarchant.Tristan,HeatheretScarletlaregardèrentpartir,sesgloussementssetransformantenunechansonavec

unevoixquichantaitfauxtandisqu’elledisparaissaitaucoin.TristanseretournapourregarderScarlet.Ilsoutintsonregardpendantunbrefinstantavantderegarder

Heather.—JesuisHeather.Heathertenditlamain.Tristanlaluiprit.—Tristan.—Jesais.TueslefrèrejumeausecretdeGabriel.Ellebattitdescils.Scarletrouladesyeux.— Je suis lameilleure amie de Scarlet, expliquaHeather pendant qu’ils finissaient de se serrer la

main.Elleregardasesyeux.—Ouah.Tuasvraimentlesyeuxverts.Commentest-cepossible?Gabrielalesyeuxbruns.N’êtes-

vouspascensésêtre…desvraisjumeaux?Tristansouritlégèrementetditavecunegravitéfeinte:—Croirais-tuqu’unefemmefollem’atiréuneflèchemagiquedessusetqu’elleauraitainsichangéà

jamaislacouleurdemesyeux?LesyeuxdeHeathers’écarquillèrenttandisqueScarletregardaitTristan,bouchebée.Quefaisait-il?TristanjetaunœilversScarlet,maisrestaimpassible.

Heatherhaussaunsourciletimitasontonsarcastique.—Jelecroirais.Ettoi,croirais-tuque je t’aivudans lequartierdesentrepôts traîneravecunmec

loucheilyaquelquessemaines?Ellehaussaunsourcilavecunairprovocateur.LesouriredeTristans’amincit.—Jelecroirais.—Ehbien,çaal’airsympa,ditGabriel,quiapparutàcôtédeScarletetmituntermeàlatensiontrès

inconfortablequis’étaitinstalléeentreHeatheretTristan.—Quesepasse-t-il?IlregardaTristanetinclinalatête.Tristanregardasonjumeau.—Rien.—Ehbien,danscecas,ajoutaGabriel,quiembrassaScarletsurlajoue,ilvafalloirqu’onpartesion

veutarriveraucinémaàl’heure.Scarletleregardaetsourit.Unfilm.Exact.—D’accord,ehbien,c’étaitsympa.«Faux.»ScarletsetournaversHeather,évitantdélibérémentderegarderTristan.—Àplustard?Elle donna une brève accolade àHeather et vit Tristan tourner les talons et s’éloigner sans unmot

pendantqu’elless’étreignaient.«Ouais.Ilmedéteste.»Alorsqu’ils’éloignait,lecœurbattantdeScarletcommençaàsecalmer.

41

Tarddanslasoirée,Scarletétaitplongéedansunsommeilprofondetpaisiblequandelleentenditunbruitenbas.Elleouvritlesyeuxets’assitsursonlitpourécouter.Ilyavaitquelqu’undanslamaison.Elleentenditdefaiblesbruitsdepasetuncraquementsurleplancherdurez-de-chaussée.Bien sûr, quelque chose de totalement bizarre arriverait pendant que Laura était à des millions de

kilomètres!Lentementetcalmement,Scarletseglissahorsdulit.Elleparcourut sachambredesyeuxà la recherchede son téléphonecellulaireetvoulutmarmonner.

Ellel’avaitlaisséenbas,surlatabledelacuisine.Commentallait-elleappelerlapolice?«Bond’accord.Pasdepanique!»Elleentenditunsecondcraquementdansl’escalieretréalisaquel’intrusmontait.Scarletpaniqua.«Devrais-jemebattre?»Non.«Devrais-jemecacher?»Peut-être.«Devrais-jem’enfuir?»Assurément.Figéedans l’obscuritédesachambreàcoucher,Scarletélaboraunplanpourquittersamaisonsans

ameuterl’intrus.Elle avança sur la pointe des pieds jusqu’à la porte entrebâillée de sa chambre et regarda dans le

couloirnoir.Siellepouvaitfurtivementquittersachambreetsecacherdanslasalledebaindesonétageenhautdel’escalierjusqu’àcequel’intrussoitpassé,ellepourraitensuitecourirenbasetsortirparlaporteprincipaleencriantcommeunefolle.Oui.C’étaitunbonplan.Elleouvritlaportedesachambrejusteassezpourpassersoncorpsélancéàtravers.Crac.L’inconnumontaitl’escalier…Elledevaitsedépêcher.Scarletsefaufilaparlaporte,longealemurducouloirsombreetentradanslasalledebain.Ellese

cacha derrière la porte de la salle de bain ouverte et regarda entre les charnières, les yeux rivés surl’escalier.Sarespirationétaitirrégulièrealorsqu’elleattendaitensilence.Toutesleslumièresétaientéteintesdanslamaison,cequiempêchaitScarletdevoirquoiquecesoit.

Leclairdelune,quifiltraitparlesfenêtres,étaitleseuléclairage.

Unesilhouetteapparutenhautdel’escalierets’arrêta.C’étaitunphysiquemasculin…unesilhouetteetuncorpsqu’ellen’avaitjamaisvusauparavant.Uninconnu.Scarletsemitàtrembler,semaudissantpouravoirlaissésontéléphoneenbas.Lasilhouette,dontlestraitsétaientindiscernablesdansl’obscurité,penchalatêtesurlecôté,commesi

l’intrusécoutaitquelquechose.Scarletretintsonsouffle.Lentement,ilavançadanslecouloir.Quandilpassadevantlasalledebain,Scarletfutsûrequeson

cœurbattantlatrahirait.Maiscenefutpaslecas.L’étrangeravança,passadevant lasalledebain,devant lachambredeLaura…Maisils’arrêtaà la

chambredeScarletetsetintdevantsaporte.Scarletavaitenviedecrier.Ilpensaitqu’elleétaitlà.Ilpensaitqu’elledormaitdanssonlit.Seule.Vulnérable.Ilétaitplusquejusteunintrus.C’étaitquelqu’unquienavaitaprèsScarletpersonnellement.Elleleregardaentrersilencieusementdanssachambresombre.Spontanément,Scarletquittasacachettederrièrelaportedelasalledebainetpartitsurlapointedes

piedsdanslecouloir.Ellevoulaitcourir.Ellevoulaitcrier.Maissurtout,ellevoulaitvivre.Aussisilencieusementquepossible,Scarlettournaledosàsachambreetseprécipitaversl’escalier.Elle en avait tout juste atteint le haut quand unemainmasculine imposante couvrit sa bouche et la

ramenaenarrièrecontreuncorpsmassif.«Jevaismourir.»

42

Tristanputàpeinecontrôlersapeurquandilchuchotaàl’oreilledeScarlet:—Sorsd’ici.IlyavaitunhommeinconnudanslachambredeScarlet.Aumilieudelanuit.Alorsquepersonned’autren’étaitàlamaison.Tristanl’avaitvuentrerdanslamaisondeScarletilyavaitquelquesminutesetl’avaitimmédiatement

suiviàl’intérieur.Ilavaitvul’inconnusedirigerdirectementverslachambredeScarletetavaitfailliperdrelatête.Tristannesavaitpascequevoulaitl’intrus,maisilnes’ensouciaitpas.IlétaitunemenacepourScarlet.Etilallaitmourir.

43

Scarletsecalmaaussitôtqu’ellereconnutlavoixdeTristandanssonoreille.SiTristanétaitlà,elleétaitensécurité.Commentellelesavait,aucuneidée!Maisellelecroyaitdetoutsoncœur.Toujours enveloppée dans ses bras, Scarlet laissa son corps sombrer dans le sien tandis qu’elle

expirait.Ellecessadetrembler,maissoncœursemitàbattrecommesiellefaisaitunecrisecardiaque.Etsansprévenir,sesyeuxdevinrentaveuglésparunsouvenir.ElleétaitdanslaforêtavecTristan.Ilssetenaientdelamêmemanière:lesbrasdeTristanautourd’elletandisqu’elleétaitdoscontre

sapoitrine.Maisilsn’étaientpasendanger.Il faisaitnuitetunmilliond’étoiles leur faisaientdesclinsd’œildepuis leciel.Lesarbresde la

forêtobscuredansaientdoucementdansleventchaud,etlavoixdeTristaneffleurasonoreillequandildit:—Jetelepromets.Lesouvenirs’effaçaetScarletétaitànouveauchezelle,enhautdel’escalier.DanslesbrasdeTristan.

Il la libéra, et pour la première fois depuis qu’il l’avait saisie, Scarlet réalisa queTristann’était pasl’intrus.Cequisignifiaitqueleméchantétaitencoredanssachambre…Pendantunbrefinstant,Scarletnebougeapas.Tristanluicriaalorsd’unevoixsoutenueetautoritaire:—Cours!Scarlethésitajusteunesecondeavantdes’exécuter.Ellecourut.Elleavaitpresqueatteintlebasdel’escalierquandelleentenditunbruissementsuiviparunesériede

coupsetdegrognements.Ellecompritsubitementquandelleseretournapourregarderverslehautdel’escalier.L’éclairagedelaluneluipermettaitdevoirTristansebattreavecl’étranger.Leursbrasetleursjambes

s’agitaientdansl’obscurité.Leclairdelunesereflétaitsurlalamed’uncouteaudanslamaindel’intrus,unearmeaveclaquelleilpoignardaitTristan.Unemontéed’adrénalinetraversalesveinesdeScarletcommeelleatteignitlerez-de-chaussée.Ellese

précipitaverslatabledelacuisineettrouvasontéléphoneportable.Elle venait de composer le numéro d’appel d’urgence quand elle se retourna et vit Tristan sortir

quelquechosedesapochearrièreetl’enfoncerdansleventredel’inconnu,cequiaffaiblitgrandement

sonadversaire.L’inconnucriaettombaàlarenverse.Songrandcorpsdégringolal’escalierjusqu’auhalld’entrée.Scarletsefigea,paralyséeparlapeur.Elleregardaitlascèneavechorreurtandisquel’inconnu,quisetenaitleventre,serelevait.Ilregarda

Scarletets’enfuitparlaporteprincipale.Le téléphone encore dans sesmains, Scarlet tâtonna lemur à côté d’elle jusqu’à ce qu’elle trouve

l’interrupteur.ElleallumaetvitTristanseprécipiterenbasdel’escalieretlaregarder,l’œilhagard.—Scarlet,sorsd’ici!Elleremarquauneprofondeentaillesursonfrontdontlesangcoulaitsursajoue.Plusieurscoupures

marquaientsesbrasetsapoitrine,recouvrantsachemisedesang.Ilavaitbesoindepointsdesuture.Oud’unmédecin.LesmotssebousculèrentlesunslesautrestandisqueScarletlespoussaitàquittersabouche.—Qu’est-cequi…?Çava…?Quiétait-ce…?Elletremblaitetellesentaitsespoumonscomprimésparlapeur.Tristanmontravivementlaported’entréedesamainensanglantée.—Sors!Sesyeuxvertsscrutèrentlessiens.Ilsétaientsanspitié,coupantcourtàtoutediscussion.—Maintenant!Scarlethésitauneseconde,puisseprécipitahorsdechezelle,Tristansursestalons.—Vaàmavoiture,ordonnaTristan,dontlesoufflechaudcaressaitlanuquedeScarlet,tandisqu’ils

couraientsurlapelousedevantchezelle.Sansposerdequestion,ScarletsedirigeaverslavoiturenoiredeTristan.Illadétestait.Ilnevoulaitpasd’ellelà.Maispouruneraisonquelconque,Scarletluifaisaitconfiancesansréserve.S’illuidisaitdemonterdanslavoiture,ellemonteraitdanslavoiture.LarespirationdeScarletdevintplusirrégulièreetrapide.Tristanaboyadesordrescomme«Gardelatêtebaissée.»et«Neregardederrièretoi.»,maisScarlet

l’entendaitàpeineàcausedubruitdesoncœurbattantetdesarespirationdifficilequicomprimaitsapoitrine.Lesyeuxbrûlants,ellecourutdansl’obscuritéetmontadanslavoituredeTristan.Illuiemboîtalepas,

sautasurlesiègeduconducteuretilsquittèrentimmédiatementleslieux.Cene fut pas avant qu’ils soient loindu très petit, et habituellement très sûr, quartier d’Avalonque

Scarletfutenmesuredereprendresonsouffle.—Qu’est-ce…qu’est-cequivientdesepasser?Tristangardalesyeuxrivéssurlaroute.—Jenesaispas.Ilsemblaitàboutdesouffle,aussi.

Ilsemblait…encolère.Eteffrayé.LapaniqueparcourutlecorpsdeScarlet.—Est-cequequelqu’unnoussuit?—Non.Iljura.—Jenesaispas.Scarletseretournasursonsiègepourregarderparlepare-brisearrière.—Quefais-tu?Retourne-toietgardelatêtebaissée!TristanfixaScarletavecunelueurdangereusedansleregard.Elleseretourna,levisageversl’avant,etserapetissasursonsiège.Elleétaitterrifiée.NonpasparcequeTristanluicriaitaprèscommesielleétaitunchiotdésobéissant,

maisparcequeTristanavaitpeur.Etsiluiavaitpeur,alorsilyavaitquelquechoseàcraindre.Plusieursminutespassèrentensilenceavec,pouruniquebruit,legrondementdumoteurdelavoiture.—Tuvasbien?demandaTristand’unevoixrauquesanslaregarder.Es-tublessée?Scarletsecoualatêteetregardalaroute.Soncorpstremblaitencore.—Quiétaitcetypedansmamaison?Était-ilunvoleur?Quevoulait-il?—Jenesaispas.Tristan remua sur son siège. Il grimaça de douleur alors qu’il fouillait dans sa poche arrière. Il

commençaparposeruncouteau,imbibédesang,surletableaudebord.LesyeuxdeScarlets’écarquillèrent.Puisilbranditunobjetinconnu.—As-tudéjàvuquelquechosecommeçaavant?L’objetressemblaitàunlargebandeau.Ilétaitnoir,enplastiqueetbordédefils.D’uncôtédubandeau

setrouvaitcequiressemblaitàuntoutpetitcristalpointu.Scarletleregarda,deplusenplusperplexe.—Non.Qu’est-cequec’est?Tristansecoualatête,sansjamaisquitterlaroutedesyeux.—Jen’ensaisabsolumentrien.—Quecrois-tuqu’ilvoulait?demanda-t-elleànouveauparcequ’elleétaiteffrayée.Etnerveuse.Etperplexe.—Jenesaispas,dit-ilsèchementavecdelacolèredanslavoix,commesilesquestionsdeScarlet

l’ennuyaient.Scarlethaussaunsourcil.—Ehbien,toi,quefaisais-tuchezmoi?S’ilvoulaitêtrearrogant,ellepouvaitl’êtreaussi.

—Jenet’aicertainementpasinvité.Tristanlaissaéchapperunsoupirdefrustrationetregardadanssonrétroviseursansrépondre.—Quefaisais-tuchezmoi,Tristan?C’estGabrielquit’aenvoyé?Samâchoiresecrispa.—Non.Scarletsetournasursonsiègepourleregarder.—Alors…,quoi?Tutepromenaiscommeçaàl’étagependantquejedormais?C’estlouche.Tristansecoualatête.—J’étaisdevantcheztoiquandj’aivucetypefranchirtaported’entrée.Scarletécarquillalesyeux.—Tul’asvurentrer?Tristanhochalatête.—Jetrouvaisbizarrequ’uninconnurentrecheztoiaumilieudelanuit,alorsquetatutriceavaitquitté

laville,doncjel’aisuiviàl’intérieur.Ils’estavéréquec’étaitunmalfaiteur.Grossesurprise!Scarletleregarda.—Quecrois-tuqu’ilvoulait?Tristanhésita.—Jenesaispastrop.Maisilsavaitquetuétaisàl’intérieuretilétaitprêtàmetuerpourt’avoir.Scarlethaussalesépaules.—Ilfautappelerlapolice.—Non.—Quoi?Elleleregardad’unairincrédule.—Quelqu’unvientdefaireirruptionchezmoietaessayédemetuer…Nousdevonsappelerlesflics.Tristansecoualatête.—Non.—Tuesfou.Scarlet sortit son téléphonepour composer le numérodes services d’urgencepour la deuxième fois

cettenuit-là.Tristanluiarrachaletéléphonedesmains,etd’ungesterapide,baissasavitre.Iljetalecellulairedans

lazonetrèsboiséesurlecôtédelaroute.—Bonsang,quefais-tu,Tristan?Elleleregardaavecincrédulité.—Tunepeuxpastéléphonermaintenant.Tudoism’écouter,etattentivement.Tristanlaregardarapidement,sesyeuxencontactaveclessiensd’unemanièrequilaréconfortaitet

quiluifichaitlatrouilleenmêmetemps.

—Cetypelà-basn’étaitpasuncambrioleurbanal,normal.Ilvoulaits’enprendrespécifiquementàtoietilétaitprêtàutiliser…Tristanbranditdenouveaul’espècedebandeautoutenregardantlaroute.— … ceci sur toi. Alors, tu ne peux plus faire semblant d’avoir une vie d’adolescente normale

maintenant.Tuesdifférente,Scarlet.Quelqu’unenavaitaprèstoicettenuit.Tuauraispumourir.Oupire.Quelques moments de tension passèrent, silencieux si ce n’était du moteur de la voiture et des

battementsdecœurdeScarlet.Ellepinçaseslèvres.—Maisquandmême,devais-tuvraimentjetermontéléphone?Nepouvais-tupasjustemedemander

deleposeretmeparlercommeuneadulte?—Non.—Tuesnul.—Situledis.—Tumedoisunnouveautéléphone,dit-elled’untonmalicieuxTristanserenfrogna.—Lestéléphonespeuventêtreretracés,Scarlet.Decettefaçon,siquelqu’unestàtarecherche,ilse

retrouveraaubordd’uneroutelongeantlaforêtgéorgienneloindetoi.—Tuesparanoïaque.—Peut-être,ditTristanenjetantunœilverselle.Scarletluilançaunregardglacialtandisqued’autresquestionss’accumulaientdanssatête.—Quefaisais-tuchezmoi?—Jen’étaispaschez…Scarletrouladesyeux.—Quefaisais-tudevantchezmoi?À…Elleregardal’horlogedutableaudebord.—…troisheuresdumatin?Tristanpenchasatêted’avantenarrièrequelquesfois.—Jedormais.Scarletpinçaseslèvres.—Tudormais?—Oui.Jedormais.Oudumoins,soupira-t-il.J’essayais.—Bien.Scarletsecoualatête.«Menteur.»Ellescrutal’obscuritédelavoitureetpritconsciencedetout.Lessiègesétaientencuiretl’intérieur

était trèspropre.Les lumièressur le tableaudebordprojetaientune lueursurnaturellesur leprofildeTristan,etScarleteutlesoufflecoupé.

Ilsaignait.Gravement.Sonregards’attardasursoncorpsoùdestachessombrestraversaientsachemiseetsonpantalon.Ilétaitcouvertdesang.Sonbeauvisage…sonbeaucorps…,toutchezluisaignait.Elleleregardaencoreuneminuteavantdedéglutiretd’êtreenvahiedegratitude.Ils’étaitbattupourellecettenuit.Ilavaitétépoignardéetblessépourqu’untypebizarreneluifassepasdemal.Tristanl’avaitprotégée.Elleserappelalesouvenirbrefqu’elleavaiteuenhautdel’escalieretelles’attendrit.IldevaityavoirplusenTristanquedelafroideur.Lefaitqu’illadétestaitn’avaitaucunsens.Quelquepart, il y a longtemps, il l’avait tenuedans sesbras et lui avaitpromisquelquechose.Les

typesquinoushaïssentnefontpasdepromessessouslesétoiles.LecœurdeScarletsebrisacommeellel’observait.Unepartied’ellevoulaitseréfugierdanssesbras

etembrassertoutessesblessures.Elleétaitpathétique.—Tusaignes.Elleparcourutduregardlesnombreusescoupuresettachesdesangsursoncorps.—Tudoisalleràl’hôpital.Ilneréponditrienpendantuninstant,commeperdudanssespensées.—Tristan,dit-elle,enessayantd’attirersonattention.Ilclignadesyeuxetfronçalessourcilsavantdelaregarder.—Quoi?—Tudoisvoirunmédecin.Elletenditlamainpourtoucherlecôtédesonvisageoùunemèchedecheveuxétaitcolléedansleflux

desangsursonfront,maisils’esquivabrusquement.Commesisamainétaitdupoison.Commes’ilétaitdégoûtéàl’idéedesoncontact.SonrejetpiquaScarlet,quiretirarapidementsamain.Ilsecoualatête.—Non.Non,jesuisimmortel,tutesouviens?Jen’aipasbesoindemédecin.—Maistu…Scarletregardalesangsuintersurlecôtédesapoitrine.—Tusaignesbeaucoup…ettusouffresprobablementbeaucoup…—Jevaisbien,dit-ilsèchement.Scarlethaussaunsourcil.—Trèsbien.Saigneàmort.Peuimporte.«Tupeuxbienmourir,pourcequeçamefait!»

Cettepenséedérobal’airdesespoumons,etScarletseréprimandasilencieusement.Enregardantparlafenêtre,elleremarquaquelarouteétaitsombreetfamilière.—Oùallons-nous?—Auseulendroitsûrquejeconnais.Tristanbifurquasurunchemindeterre.—Tonchalet?Ilacquiesça.—Laisse-moiclarifier la situation.Nousn’appelonspas les flicset tucroisque tonchalet isoléau

milieudenullepartestlelieuleplussûrpourmegarder?Quelplangénial!—Lechalet—etleterrainautour—estsécurisé.Etsinousappelonslapoliceetquenousexpliquons

cequiestarrivé,ilsvontouvriruneenquête.Nousnepouvonspasnouspermettred’avoirdesinconnusindiscretsdans tavie,Scarlet.Si lesgenscommencent à s’intéresser à toide tropprès, ilspourraients’intéresseràGabrieldetropprès.Etcegenred’attentionneferaquemettreenpériltoutecettehistoiredemalédiction.Donc,jevaisteconduireàGabrielafinqu’ilpuisseprendresoindetoicommetoutbonpetitamiettunevaspasappelerlesflics,compris?—Tuesunpauvremec,ditScarletparcequ’ellesesentaitl’âmebagarreuse.EtunpeublesséeparTristan,quis’étaitdérobéàelleilyauninstant.Sesyeuxcommencèrentàbrûler

denouveau.—Jesuisunpauvremec.Tristansortitsontéléphone—untéléphonequin’étaitpasaumilieudelaforêt—delapochedeson

jeanetenvoyauntexto.Dèsqu’ilsarrivèrentdansl’alléeduchalet,Gabrielseprécipitasur leseuildelaporteet lessuivit

jusqu’augarage.IlarrivaitaucôtépassagerdelavoiturequandScarletouvritlaportière.—Tuvasbien?Gabrielpassasesmainssursatête,sesépaulesetsondosalorsqu’ellesortaitdelavoiture.—Quelqu’unt’a-t-ilfaitdumal?Qu’est-ilarrivé,bonsang?Ilfitunepause,regardantsesyeuxaveccuriosité.—Commenttesens-tu?Scarletsecoualatête,appréciantlecontactaffectueuxdeGabrielsursoncorps.—Jevaisbien.Vraiment,jevaisbien.Maisellementait.Biensûr,ellen’avaitpasdecicatrices sur lecorpsetellen’avaitpasdesangséchécoagulésur sa

chemisecommeTristan,maissoncœurbattaitfrénétiquement.Quelqu’uns’enétaitprisàellecettenuit.Etvoiciqu’ellepensaitquesonplusgrosproblèmeétaitd’essayerdesurvivreàunemalédiction.

44

Danslechalet,Tristanexpliquacequiétaitarrivéàsonfrère.LaréactiondeGabrielétaitprévisible.—NousdevonsconduireScarletquelquepartoùelleseraensécurité.Peut-êtrequ’ellepourraitrester

dansl’undenosautresendroits,oùpersonnenepourraitlatrouver…—Non,Gabe.Nousne laconduisonsnullepart.Cequenousdevons faire, c’estdéterminerceque

c’estquecetruc.Tristanlançalebandeaunoirsurlatablebassedusalon.—Peuimportequiétaitcetypecettenuit,ils’apprêtaitàfairequelquechoseàScarletavecça.Nous

devonsdécouvrircequec’estetcequeçafait,afindepouvoircomprendreexactementcequ’ilchercheàfaire.Gabrielramassalebandeaunoiretl’examina.—Jen’aijamaisrienvudetelauparavant.—Moinonplus,maisçan’avraimentpasl’aird’untrucsympa.IlregardaScarlet,quisetenaitlà,effrayéeetperplexedanssonpyjama.Gabrielpassasonbrasautourdesesfrêlesépaules,etTristanvoulutmarmonner.LaisserScarletêtreprotégéeparGabrielétaitladernièrechosequ’ilvoulaitfaire.Maisquandn’avait-iljamaisobtenucequ’ilvoulait?—Bon,ditTristan,quidétournalesyeuxdeGabrieletregardasachemiseensanglantée.J’aibesoinde

prendreunedouche.—Tuasbesoindevoirunmédecin.LavoixdeScarletétaitferme,cequiremplitTristandeconfiancequ’elleiraitbien.Lasoiréeavaitétéeffrayante,maisScarletpourraitlagérer.Elleétaitforte.Elleétaitcourageuse.Mêmesiellenesesouvenaitpasqu’elleenétaitpourvue,saforceétaittoujourslà,aufondd’elle.Ce

quilerendaitfier.Tristaninspiralentement,essayantdenepasavoirl’aird’unidiotquandildit:—Je.N’ai.Pas.Besoin.D’un.Docteur.—Maistoutlesang…LeregarddeScarletdescenditlelongducorpsdeTristan,cequiremuaquelquechoseenlui.Quelquechosed’interdit.Ilfallaitqu’ellecessedeleregarder.Ilfallaitqu’ellecessedes’intéresseràlui.—Tusaignespartout,dit-elle.

Ellenesesouvenaitpascommentilguérissait, ilétaitdoncjustepourluideleluirappeler.Commel’entailleàsatêtesaignaitencore,ilchoisitd’abaisserlecoldesonT-shirtafinqueScarletpuissevoiruneprofondecoupuredanslehautdesapoitrineserefermerlentement.—Gabrieletmoiguérissons.Descoupsdecouteau,desblessuresparballe…Riennenous tue.Tu

vois?—Ehbien,presquerien.Scarletfitunpasenavantetlevalesyeuxverssaclaviculeoùsaplaieouverteserefermaitlentement.

LachaleurdesoncorpssedéposasurceluideTristantandisqu’elleapprochait,etilserralesdents.LesyeuxdeScarlets’écarquillèrentsousl’émerveillement.—C’est…incroyable.Sonsoufflecaressasaplaieetleconduisitpresqueàlafolie.En un instant, les yeux de Scarlet devinrent bleu électrique. Ils brillaient alors qu’elle regardait sa

claviculedénudéeetenvoyèrentunealarmeàtraverstoutlecorpsdeTristan.Sesyeuxavaientpalpitédeleurcouleurbleuesurnaturelletoutelanuit,faisantdesappelsàTristanet

envoyantunsentimentdeterreurdanssesveines.—Bon, dit-il en relâchant sonT-shirt et en reculant. Le spectacle est terminé. Je vais prendre une

doucheetmedébarrasserdetoutcesang.Etavecunpeudechance,medébarrasserdelapeur,del’impuissanceetdudésirquis’échappentde

moncœur.SansregarderScarlet,ilquittalapièceetdescendit.

45

Scarlet,ausalonavecGabriel,tombavolontiersdanssesbras.Ilsentaitsibonetsemblaitsiréconfortantetsifortqu’ellenevoulaitpasquittersonétreinte.Mêmesielleétaitensécuritédepuisprèsd’uneheure,soncœurbattaitencorefrénétiquement.Gabrielembrassalehautdesatêteàplusieursreprises.Savoixétaitchargéed’émotionsquandildit:—Jesuistellementheureuxquetunesoispasblessée.Scarletenfouitsonvisagecontresapoitrine.—Jenecomprendspascequisepasse.—Moinonplus.Gabriels’écartad’elleetlaregardadanslesyeux.—Maisjevaisledécouvrir.Jeteprometsquejeteprotégerai.Ilembrassadenouveausatête.—Pourl’instant,onvat’installer.Nousélaboreronsunplandemain.Gabrielluipritlamainetlaconduisitàl’étage.Scarletn’avaitencorerienvuduchaletendehorsdu

salon,alorselleobservaattentivementcequil’entourait.—Qu’ya-t-ilausous-sol?Elleregardal’escalierquimenaitàl’obscuritéendessousd’eux.—LachambredeTristan.Gabrielsedirigeaàl’étage.Tristanvivaitdansunsombresous-sol.Biensûr.Lepremierétageorganisécommedansunemaison,avectoutsaufunecuisine.Ilyavaitungrandsalonavecunecheminéeéteinteetdeuxchambressur lecôté.EllesuivitGabriel

danssagrandechambrevisiblementtrèsmoderne.Sonmobilierétaitd’unnoirélégantetlesmursétaientd’ungrisdoux.Surlecôtésetrouvaitunearchemenantàlasalledebaindesmaîtresavecdescomptoirsnoirs,unerobinetteriechromeetunetrèsgrandedouche.Elleregardasongrandlit,recouvertd’undessus-de-litnoirmolletonneux,etauraitsouhaitésetrouver

danssachambredansdescirconstancesdifférentes.Hier,elleauraitaiméseglisserdanslelitavecGabrieletsetrémousserdanssesbras.Cesoir,cependant,ellevoulaitjusteallerdormirsansquepersonnen’essaiedelatuer.Scarletsoupira.Cesoir,çacraignait.LamaindeGabrieldescenditlelongdesonépaulejusqu’àcequ’ellerejoignesamain.Illaconduisit

verslegrandlit.—Tudoistereposer.Pourquoin’essaies-tupasdedormirunpeupendantquejechercheàcomprendre

?

Illuisouritgentimenttoutenreplaçantlesoreillersetlescouverturespourluifaireunpetitnid.Scarletleregarda,sceptiquesurlefaitderéussiràdormirpaisiblement.—Crois-tuquecetypeessayaitdemetuercettenuit?Gabrielyréfléchit.—Non.Sincèrement,non.Maispuisquenousnesavonspascequ’ilessayaitdefaire,nousdevonsêtre

prudents. Et ici, ditGabriel en luimontrant la chambre, c’est l’endroit le plus sûr aumonde pour toimaintenant.Ilsouritdenouveaualorsqu’ellegrimpaitdanssonlitets’allongeaitsurlesoreillersmoelleux.IlpassasamainlelongdesonvisageetScarletembrassasesdoigtsaupassage.Sesyeuxdeplusen

pluslourdssefermèrentdeleurproprechef.Elle sentitGabriel embrasser sa joue avant d’entendre ses pas quitter la chambre.Même si elle ne

voulaitpasêtreseule,elleneparvenaitpasàtrouverlaforcedeparleroud’ouvrirlesyeux.Elleétaitjuste…trop…fatiguée…Contresonmeilleurjugement,Scarlets’abandonnaausommeiletpriapournepastrouverd’inconnus

avecdescouteauxdanssesrêves.

46

Deretourdanslesalon,Gabrielexaminal’objetnoirpendantunelonguepériode.Quelqu’uns’enétaitprisàScarlet.Quelqu’unsavaitqu’elleétait seulechezelleet il s’étaitglissédanssamaisonpendantqu’elledormait.Quelqu’undevaitsavoirqu’elleétaitspéciale.CettepenséeterrifiaGabriel.Scarletétaitsivulnérable,sifaible.Ellen’auraitjamaispusedéfendrecontreunhommeadulte.Elle

auraitpuêtreblesséeouenlevée,etGabrieln’auraitjamaissucequiluiétaitarrivé.SiTristann’avaitpasétélà,Scarletn’auraiteuaucunechance.SiTristann’avaitpasétélà,lemondedeGabrielauraitimplosé.CequisoulevaitlaquestiondesavoirpourquoiTristansetrouvaitlà.Gabrielserralespoingstandisqu’unsoupçonfamiliers’installaitenlui.Il entendit Tristan remonter du sous-sol et attendit que son jumeau soit à portée de voix avant de

demander:—Pourquoiétais-tuchezScarletcettenuit?Sespaumescommencèrentàsuer.Fraîchementdouchéetportantdesvêtementspropres,Tristansefrictionnalanuque.—Jetentaisdetrouverlesommeil.Gabrielhaussaunsourcil.—Dansmavoiture.Devantchezelle.Tristanrouladesyeux.—Net’inquiètepas,cen’estpascommesij’avaisdormidanssonlit.Voilàdeuxnuitsmaintenantque

jeneparvienspasàdormir,alorsj’aicruquemetrouverprèsd’ellepourraitm’aider.Gabrielhochalatête.—C’estsiterrible,maintenant?—C’est…terrible.C’estpirequejamais.—Pourquoi?Tristanhaussalesépaules.—Jenesaispastrop.Gabriel regarda le sol, hésitant sur cequ’il fallait dire. Il savait queTristan souffrait quandScarlet

était loin,maiscommesamaisonn’étaitqu’àquelqueskilomètresduchalet, ildevraitêtrecapablededormirsansgêne.—Alors,ditTristan.Notrepetitdilemmenefaitqu’empirer.Quedevrions-nousfaire?Gabrielsefrottalajoueetregardalebandeaunoirsurlatable.—Nousdevonsdécouvrircequ’estcettechose.

Tristanhochalatête.—Etnousdevonsnousassurerquepersonned’autrenes’enprendraàScarlet.Unmomentpassa.—NousdevonsparleràNate,ditGabriel.—Oui…Nateauraprobablementunemeilleureidéequenous.Gabrielsortitsontéléphonecellulaireetappelaleuramidelonguedate.LemessagevocaldeNatesefitentendreàlatroisièmesonnerie.—Salut,c’estNate.Jesuisactuellementdanslagrottedeconcentration.Laissez-moiunmessageetje

vousrappelleraidansseptàdixjoursouvrables.Quelaforcesoitavecvous.Unlongbipsuivit.Gabrielposasontéléphoneavecunsoupir.—Alors?TristanregardaletéléphonedeGabriel.—Nateestdansla«grottedeconcentration».Tristanrouladesyeux.—Ils’exerceprobablementpourlesOlympiquesdujeuvidéooujenesaisquoidugenre.—LesOlympiquesdujeuvidéo?— Ouais, il m’a dit quelque chose à propos d’un championnat il y a quelques semaines. Nous

n’arriveronspasàcommuniqueraveclui.Tusaiscommentilestquandilestdansla«grotte»!Gabrielsecoualatête,frustré.NatedisparaissaittoujoursdelasurfacedelaTerrependantdebrèves

périodesdetempsquandiltravaillaitsurquelquechose.Parfois,c’étaitadmirable.Encemoment?C’étaitennuyeux.—Ilfautqu’onparleàNate.Quedevrions-nousfaire?Gabrielsoupira.—Jenesaispas.—Laisse-moiyréfléchir.Noustrouveronsquelquechosedanslamatinée.Cettenuit,nousdevonsjuste

nousassurerdelasécuritédeScarlet.Tristansouritd’unairnarquoiscommeilseretournaitpourpartir.—Ehbien,danscecas,jeseraienbas,aussiloind’ellequepossible.Gabrielrouladesyeux.—N’enfaispasundrame!Tristanseretournaavecunregardféroce.—Tun’aspasvusesyeuxcettenuit?Ilsilluminaienttout.—Elleétaiteffrayée.GabrieltentadecalmerTristan.—Détends-toi.Ellevabien.

Tristansecoualatêteetexpira.—Chaquefoisquejesuisprèsd’elle,soncœurbatplusfort,cequiledéchireendeuxbeaucoupplus

vite.Necomprends-tupas?Jesuisentraindelatuer,Gabe.Pendant une seconde, Tristan parut aussi vulnérable et apeuré que Gabriel. Mais, en un instant, le

regarddeTristansedurcit.—Scarletdoitresterleplusloinpossibledemoi.—Tristan.Gabriellevasespaumes,surprisparlapaniquedesonfrère.Çaneluiressemblaitpas.—Calme-toi.LesyeuxdeScarletbrillaient,maisellen’estpasencoremalade.Ellevabien.Scarletallaitbien.Vraiment?LevisagedeTristansecrispaetilquittalapièceendisant:—Danssonintérêt,j’espèrequetuasraison.GabrielpensaauxrépercussionsdeTristanàproximitédeScarlet.Sonétatpouvait rapidement empirerprèsdeTristan simplementparceque le sangdans le corpsde

Tristanétaitpluspuissantquelesien.Maisquelquesheures—mêmeunenuitentièreprèsdeTristan—nedevraientpasdonnerlieudes’inquiéter…Si?Gabrielmontaavecunnœuddansl’estomac.

47

Scarlets’assitsursonlit,envahieparlapeur.Non,paslapeur.L’inquiétude.Elleétaitmaladed’inquiétude.Ellesesentait…impuissante?Scarletclignadesyeuxetregardalachambreplongéedansl’obscurité.Gabrieldormaitpaisiblementà

côtéd’elle.Elleentendaitsarespirationdouceetrégulière.Ellenesesouvenaitpasdesonretourdanslachambre,maisilétaitlà.Scarletserecouchaetprituneprofondeinspiration,espérantquesoncœurallaitsedétendre.Ilbattait

follementdanssapoitrine.ElleserapprochadeGabriel,absorbantleréconfortdesoncorpschaud.Elleétaittotalementensécurité.Alors…,pourquoiétait-ellesiinquiète?

48

Tristanseregardadenouveaudanslemiroirdelasalledebain,incapabledecalmersesnerfs.Sonestomacsetordaitd’inquiétude.Tout ce qu’il avait voulu faire cette nuit, c’était dormir un peu…, trouver un peu de paix dans son

tourment.Etmaintenant queScarlet était à seulement deux escaliers au-dessus de lui, il avait enfin lesoulagementphysiquequ’ilavaitrecherché.Mais il n’y avait aucune chance qu’il trouve le sommeil cette nuit-là. Quelqu’un s’en était pris à

Scarlet.Quelqu’unétaitentrédanssachambre…Tristanvoulaitcrier.Laissantéchapperunsoupirdefrustration, ilquittalasalledebainetarpentasagrandechambre,sa

crainteaugmentantàchaquepas.Ilsesentaitimpuissant.Troppourdormir.

49

Le lendemain, Scarlet descendit l’escalier du chalet et retrouva Tristan, qui faisait du café dans lacuisine.Enlevoyant,ellefitimmédiatementdemi-touretsedirigeaàl’étage,lecœurbattant.Tristan,commepremièrechosedelamatinée,étaitunemauvaiseidée.—Bonjour,beauté,ditGabrielderrièreelle.Ouplutôt,bonaprès-midi.Elle se retourna pour voir Gabriel, qui sortait d’une pièce au bout du couloir principal du rez-de-

chaussée.— Salut, dit-elle, en redescendant quelques marches. Est-on déjà l’après-midi ? Ai-je dormi si

longtemps?—Ouais.Ilsouritetluidonnaunbrefbaiser.Maisjesuiscontentquetuaiesputereposer.As-tubiendormi?Scarletréfléchit.Ellen’avaitfaitaucuncauchemar,maisaprèssonréveil,elleavaitétésaisieparla

peuretl’inquiétude,etelleavaiteudumalàserendormir.—Trèsbien,dit-elle,carquepouvait-elledired’autre?«Jesuismortedetrouille»?Elleleregardapendantuninstant.Ilétaitentièrementhabillé.—Vas-tuquelquepart?Gabrielsouritd’unairrassurant.—Oui.JedoisallertrouverNate.—Votreamiimmortelquis’yconnaîtenmalédictions?Gabrielhochalatête.—Ils’yconnaîtenbeaucoupdechoses,pasjustelesmalédictions.Jecroisqu’ilvaêtreenmesurede

nousaideràcomprendrecequisepasse.Maiscommeilne répondpasau téléphone, jevaisaller luirendrevisite.Ilpourraitêtreenmesuredemedirecequ’estcebandeauetdenousaideràcomprendrecommentmieuxteprotéger.Scarletécarquillalesyeux.—Non,non.Neparspas.AttendsaumoinsqueLaurarentreàlamaison.Jenepeuxpasyarriversans

toi…J’aipeur,Gabriel.Illaregardaavecdouceur.—Jesais.Etjeteprometsquejenetequitteraispassijeneledevaispas.Maisceserajustepourun

jouroudeux,jelejure.Scarletrestabouchebée.—Quelqu’unaessayédeme tuerhiersoiret tuvasquitter lavilleaujourd’hui?Tuvasme laisser

seuleavectouslesmaladesquisontlàdehorspours’enprendreàmoi?

C’étaitunpeufouàdire,maisScarletnepouvaitpasimagineressayerderentrerchezelleetdormirpaisiblementsansGabriel.—Personnenechercheàtetuer.Dumoins…Gabrielyréfléchit.—…jenecroispasquequelqu’unessaiedetetuer.Illuisouritetl’embrassasurlajoue.—Toutirabien,net’inquiètepas.Etjenevaispastelaisserseule.Illaconduisitdanslacuisine.—J’aiunplan.Tristanlesregardatouslesdeuxenlevantlesyeuxdesatasseàcaféetsedirigeaversl’autreextrémité

ducomptoir.LoindeScarlet.Peuimporteoù!ElleévitasesyeuxvertsetregardaGabriel.—Quelplan?Gabrielhaussalesépaules.—TuvasrestericiavecTristanpendantquej’iraiàNewYork.Tristantoussadanssatasse,etScarletécarquillalesyeux.—Non,ditTristan.Horsdequestion.Gabrielleregardasévèrement.—Si.—Jenesuispasunegardienned’enfants,Gabe.ScarletregardaTristan,fâchée.—Tunelagardespas,Tristan.Tut’assuresquepersonnenelatue.Scarletpaniqua.—Jecroyaisquepersonnenevoulaitmetuer.Gabrielsoupira.—Exact.Maispuisquenousnesavonspascequ’il,ouelle,ouils,essayaitdefairede toi,nousne

pouvonspasprendrederisques.Tristandéposasatasse.—Jeneferaipasça.—Tuleferas.Nateestdanssa«grotte»pourquisaitcombiendetemps,alorsquelqu’undoitallerle

trouver.Nousdevonscomprendreàquoinousavonsaffaire.GabrielregardaTristanlongtempsetdurement.—Alors,queTristanyaille,suggéraScarlet.Problèmerésolu.

Tristanpourraitdisparaîtreetemportersaméchancetéaveclui,etGabrieletellepourraientavoirleromantiquechalettoutàeux,àl’abridestueurspotentiels.TristanetGabrieléchangèrentunregardtendu.—Tristan…nepeutpaspartir,ditGabriel,sesyeuxpassantdeTristanàScarlet.Donc,j’yvaisàsa

place.—Alors,emmène-moi,avectoi.Scarletseredressa.Gabrielsoupira.—Tunepeuxpaspartirnonplus.Etmêmesitulepouvais,jeneseraispasenmesuredeteprotéger

pendantquenousvoyagerions.Sansunmot,Tristanclaqualaportedelacuisine.ScarletleregardapartiretsetournaversGabriel,frustrée.—JenecomprendspaspourquoiTristannepeutpaspartiràtaplace.GabrielregardaScarletavecunairdésolé.—Peux-tuattendreiciuneminute?Sansattendresonaccord,Gabrielquittalacuisine.Scarletmaugréaetsefitunetassedecafé.Elles’assitavecsatassechaudedanslesilencedéplaisant

etdécidaqu’ellen’aimaitpasêtrelaisséeseuledanslacuisine.Ellevoulaitsavoircequisepassait.Quittantlacuisine,ScarletentenditlavoixdeGabrieldanslapiècevoisine.—Monvieux,tudoislefaire!Lesfrèresétaientdanslesalon,àquelquesmètresd’elle,etpensaientprobablementqu’elleétaithors

deportéedevoix.Scarletn’avaitpasl’intentiondelesespionner,maiscefutcequ’ellefit.Parcequelessecretsn’étaientplussontruc.—Non,ditTristan.Jenedoispaslefaire.Etjeneveuxpaslefaire.SituessidéterminéàvoirNate,

alorstrouveunautreendroitpourycaserScarlet.Ellenerestepasici.—Jenepeuxpasfaireça,Tristan.C’esttropdangereux.—Scarletnerestepasiciavecmoi.Findeladiscussion.Illadétestaitencore.Formidable.Scarlettrouvauneplacecontrelemurducouloiretpassalatêtedetellesortequ’ellepuissevoirles

frères.—Quelesttonproblème?GabrielsetenaitenfacedeTristan,lecorpstendu.—Nousavonsunvraiproblèmeici.Nousavonsbesoind’aideetNateestnotremeilleureoption.Et

puisquetun’espasenmesured’allerlechercher…—Pourquoidevons-nousaller«chercher»quelqu’un?DemandeàNatedevenirici.—Nous ne disposons pas du temps nécessaire pour attendre que Nate nous rappelle. Nous avons

besoinderéponsesmaintenant.

Tristansecoualatêteetsemitàrired’unairnarquois.—Tuesunidiot.—J’essaiedesauverlaviedeScarlet.—Moiaussi!criaTristan.Ladifférence,c’estquejecomprendscommentleschosesfonctionnent.Si

Scarletrestechezelleavectoijusqu’àcequenousayonsdesnouvellesdeNate,elleirabien.Mais…TristanapprochaprèsduvisagedeGabrieletbaissa lavoixaupointoùScarletnepouvaitpresque

plusl’entendre.—…siScarletresteici,avecmoi,ellemourra.Elle.Mourra.Scarleteneutlesoufflecoupé.«Bonsang,qu’est-ceque…?»—Écoute,ditGabriel,quiadoucitsavoix.Jecomprendsquetusoisinquiet,maisnousavonsletemps,

Tristan.Scarletestencoreenbonnesanté.Rienneluiarriverapendantmonabsence.Enbonnesanté?Étaient-ils inquietsàproposdesoncœur?Était-elleplusprochedelamortqu’ils

l’avaientamenéeàcroire?Soncœurlamartela.Tristanlevalesmainsenl’air.—C’estleproblème,Gabe.Tuestoujourssidisposéàprendredesrisquesstupides!—Çan’estpascommesijepartaispourunan,Tristan.C’estjustepourunjouroudeux.Quelqu’un

s’enestprisàellelanuitdernièreetnousdevonssavoirpourquoi.Nousavonsbesoindel’aidedeNate,immédiatement. Je préfère risquer qu’elle soit deux jours dans lamaison avec toi que deux semainesavecdesinconnusquis’enprennentàelle.Pastoi?Tristanarpentalesalonuncourtinstant.Sesdéplacementsétaientlefruitdelatensionenlui.Scarletnecomprenaitpaspourquoiilétaitsiencolère.Ellenevoulaitpasvraimentresterauchalet

avecluinonplus,maisaumoins,ellen’enfaisaitpastoutunplat.Finalement,Tristanexpira.—Trèsbien.Laissetaprécieusepetiteamieici.Jelaprotègeraidesméchantsetdesmonstres.IlsepenchadenouveauversGabriel.—Maisjenepeuxpaspromettredelaprotégercontremoi.Quefairesisoncœurs’affaiblitetqu’elle

estdangereusementmaladequandturentreras?«Dangereusementmalade»?Est-cequelefaitdesetrouverprèsdeTristan…empiraitl’étatdeson

cœur?Gabrielhésitaavantd’acquiescer.—Jepréfèrequ’ellesoitmaladeetensécuritéquemorteparcequenousnesavonspascontrequoila

protéger.Morte?Donc,Gabrielpensaitquesavieétaitendanger?Scarletréprimaungémissement.«Super.»

—Soit!Tristansecoualatêteetquittalapièce.Scarlet,qui se tenaitcontre lemur,attenditqueTristanaitdisparupar laportedederrièreavantde

repartir dans la cuisine. Elle se rassit au comptoir, feignant de ne l’avoir jamais quitté, d’être restéeassiselààregarderlemurblanccommesic’étaitlachoselaplusfascinantequ’elleaitjamaisvue.Gabrielentradanslacuisineavecunsoupir.— Je suis désolé, Scarlet. Je sais que tout cela est vraiment bizarre pour toi et probablement plus

confusquejenepourraijamaislecomprendre.Scarletneditrien.Honnêtement,ellenesavaitpassielleétaitfolleoueffrayée.—Voici le truc. Je dois te protéger, et pour ce faire, je dois aller àNewYork et trouverNate.Tu

comprendsça,n’est-cepas?«Nonpasdutout.»— Euh…Ne pourrais-tu pas attendre quelques jours ? Je ne veux pas vraiment rester ici avec…

Tristan.Scarletfitsesyeuxtristes,espérantqueGabrielseplieraitàsademande.—Tristan est inoffensif. Il est grincheuxet impoli, ditGabriel,mais il ne laisserait jamaisquelque

chosedemalt’arriver.Scarletvoulutironiser.Legarçon avait pratiquement juréqueScarletmourrait entre sesmains.Celane faisait pas en sorte

qu’ellesesenteensécurité.Elleselevadesonsiègeetposasoncafé.—JepensequejevaisjusteappelerLauraetluidemanderderevenir.Commeça,jepourrairesteràla

maisonjusqu’àcequetureviennes.—Non.Gabrielsecoualatête.—TunepeuxpasappelerLaura.TunepeuxriendireàLaura.—Etpourquoi?PourquoilesfrèresArcherluidisaient-ilstoujourscequ’ilfallaitfaire?—ParcequecelapourraitmettreLauraendanger.GabrielfitunpasversScarlet.—Sicetype—peuimportedequiils’agit—découvrequeLaurasaitquelquechose,ilpourraitlui

fairedumalpourarriverjusqu’àtoi.Tunepeuxrienluidire.Scarlet réfléchit.EllenevoulaitpasmettreLauraendanger,maisellenevoulaitpas rester iciavec

Tristan.—Alors,jeresteraiàl’hôtel.Gabrielbaissalatête.

—S’ilteplaît,nerendspasleschosesdifficiles.Tusaisqu’unhôteln’estpasaussisûrqu’unchaletavecungarçonimmortelquiyvit.—Oui,maisTristanneveutpasdemoiici.Ilne…m’aimepas.Scarletessayadenepasressembleràuneélèveduprimaireoffensée.Maisc’étaitexactementcommecelaqu’ellesesentait.—CequeTristanressentpourtoin’apasd’importance.Cequiimporte,c’estdeteprotéger.S’il te

plaît,laisse-moiteprotéger.Gabriellaregardaavecsesjolisyeuxbrunsremplisd’unamoursincèreetd’inquiétude.—S’ilteplaît,resteicipourquejesachequetuesensécurité.Scarletleregardaunlongmomentavantd’expirer.—D’accord.Elleétait réticenteà l’idéed’accepter,mais ellene savaitpasoùellepouvait aller ailleurs sans se

faireattaquerpardespsychopathes.Gabrielsouritetl’embrassasurlatête.—Mais,ditScarlet,siTristanestméchantetgrossier…«Ous’ilessaiedemetuerdansmonsommeilouquelquechosedugenre.»—…,jepars,c’estsûr.Compris?Gabriellaissaéchapperunrire.—C’est juste.Maintenant,dit-ilenmettant sesmainsdans lessienneseten lesportantà sabouche

pourlesembrasser,laisse-moitefairevisiter.Scarlethochalatête,contrariéedenepasavoirétéenmesuredeconvaincreGabrielderester.Il la conduisit à l’étage principal jusque dans une pièce qui ressemblait à un bureau. Des livres

bordaientlesmursetungrandbureausetrouvaitdanslefond.On aurait dit une pièce qu’on voyait dans les films, avec des fenêtres impressionnantes du sol au

plafondetdesmeublesencuirnoblepartout.Àcôtédubureau,ilyavaituneportefermée.—Cettepièce,ditGabriel,quisetenaitdevantlaportedemanièrehésitante,c’estl’endroitoùnous

gardonsnotrecollectiond’armes,alorsnepaniquepas,ajouta-t-ilentournantlapoignéeIlouvrit laporte,etScarletdécouvritunmurgigantesque remplid’unarsenalvisiblementmeurtrier.

Descouteaux,desépées,deshaches,desflèchesetdenombreusesautresarmesbordaientlegrandmur.Etcertainesd’entreellessemblaientavoirservi.Ellecommençaàpaniquer.—Euh…Pourquoienavez-voustant?Sepréparaient-ilsàcombattre?Gabrielhaussalesépaules.—C’estunpasse-temps.Maisc’estplusletrucdeTristanquelemien.Logique.

—Pourquoipasdepistolets?demandaScarlet,enlesregardant.—Lespistoletssontpourlesperdants,ditGabriel.—Et,ajoutaScarletenregardant l’arme laplusprèsavecunsourireencoin, leshachesdecombat

tachéesdesangsontpourlesgagnants?Gabrielpenchalatêteetsouritàsontour.—Exactement.Après la pièce macabre remplie de poignards, Gabriel conduisit Scarlet au sous-sol. Il alluma

plusieurs lumières comme ils descendaient dans la partie du chalet où vivait Tristan, de sorte qu’iln’avaitpasl’airaussisombrequeScarletl’auraitcru.Maisildonnaituneimpressiondenoirceur.Pourcequiétaitdel’agencement,c’étaitlarépliqueexactedesquartiersdeGabrielenhaut.Unvaste

salonavecunecheminéesouventutiliséesetrouvaitsurlagaucheetdeuxportesétaientferméesàdroitedeScarlet.Dans la conception et l’apparence générale, cependant, les espaces de vie du frère étaient

complètement différents. En haut, le salon de Gabriel était rempli d’œuvres d’art partout, de tapisluxueux, et d’un canapé et d’une table basse qui coûtaient probablement plus cher que la voiture deScarlet.Le salondeTristan, lui, étaitbordéd’étagèresde livresetdans lecentrede lapièce se trouvaitun

pianofermédontlaqueuemajestueuseattiraitlapoussière.D’une certainemanière, unpiano à queuene semblait pas correspondre à la perceptionqueScarlet

avaitdeTristan.Ellel’imaginaitplutôtcachéausous-solavecquelquesgargouillesetpeut-êtreentraindesouleverdes

poidspendantqu’ilécoutaitdelamusiqueforte.Pasentraindechatouillerdestouchesenivoireavecunverreàcognacaprèsavoirluunromanclassique.—Ici,c’estl’étagedeTristan,ditGabriel.Jet’auraisbienmontrésachambre,maisilestdemauvaise

humeuraujourd’huietjepréfèrenepaslecontrarier.Scarlethochalatête.EllenevoulaitpasvoirlachambredeTristandetoutefaçon.Vraiment?Vraiment.EllesuivitGabriel,quiremontaitl’escalier,sonregards’attardantsurcequ’ellepensaitêtrelaporte

delachambredeTristan.Ellesereprit.«Non,jeneveuxpasvoirlachambredeTristan.»QuandGabrieletelleatteignirentl’étageprincipal,Gabrielsetournaverselle.—Etvoilàlechalet.Sens-toilibredefouilleretd’utilisercequetuveux.IlembrassaScarletsurlajoue.—Bien.Jedoispartir.

Scarletenfutbouchebée.—Quoi?faillit-ellecrier.Toutdesuite?Gabrielhochalatête.—Jenepeuxpasattendre,Scarlet.Nousn’avonspasdetempsàperdre.JedoistrouverNate.Leplus

tôtseralemieux.Gabriell’embrassaànouveau.—Net’inquiètepas,jeseraiprobablementderetourdemain.Etcesontlesvacancesd’automne,tute

souviens?Iln’yapasd’école,alorstupeuxsimplementtedétendre,relaxerjusqu’àcequejerentreàlamaison.«Medétendre?»Relaxer?»Était-ilfou?Unmaladeavaitfaitirruptionchezellependantqu’elledormaitetalorselleétaitforcée

desortiravecuntypequiladétestait,aumilieudenullepart.Commentétait-ellecenséesedétendre?Scarlet vit l’expression rassurante sur le visage de Gabriel et elle laissa filer son aspiration à

argumenter.Rienneleconvaincraitderester.Ilessayaitdel’aider,delasauver.Etelledevaitlelaisserfaire.Alorspourquoisesentait-ellecommesiGabriellasacrifiait?«ProbablementparcequelegrandméchantTristanvivaitenbas.»Après avoir dit au revoir, Gabriel laissa Scarlet pieds nus et seule dans le grand hall d’entrée du

chalet. Sa voiture disparut dans l’allée jusqu’à ce que tout ce qui reste ne fut plus qu’une traînée depoussièreetunchaletvide.Ehbien,videendehorsdesdeuxpersonnesàl’intérieur.Scarletregardaautourd’elleuneminute.Elledétestaitl’idéedesetrouver,disons,prisonnièredanslesboisavecTristan.Biensûr,ilétaitbeauetincroyablementattirant.Maisc’étaitaussiungoujat.Scarletsoupiraintérieurementetsedirigeaenhaut,verslachambredeGabriel.Elleavaitbesoindetrouverunefaçond’occupersontempsdanslechalet.Ellecommençaparprendreunedouche.

50

Tristanrepritsesflèchesaucentredelaciblepourlacinquièmefoiscematin-là.Letiràl’arcnel’aidaitpas.Celaauraitdû.Çafonctionnaitd’habitude.Maisquelquechoseétaitéteint.EtTristansavaitexactementcequec’était.Le vent froid dumatin fouettait son crâne alors qu’il revenait au champ de tir. Il pourrait rester à

l’extérieurtoutelajournéesinécessaire.EtilleferaitsicelaluipermettaitderesteréloignédeScarlet.Gabrielétaitunimbécile.PlusScarletétaitàproximitédeTristan,plussonsangluibriseraitlecœur.Ilavaitjustebesoindegardersesdistancespendantlesvingt-quatreprochainesheuresetespérerque

soncœurnes’affaiblissepasplusquenécessaire.Zoum.Danslemile.Zoum.Encoredanslemile.Ilentenditladoucheàl’étagesemettreenroute—ladouchedeGabriel.ScarletétaitdansladouchedeGabriel.Tristandéglutitetsepréparaàtireruneautreflèche.Zoum.Raté.Ilbaissalatête.Lesvingt-quatreprochainesheuresallaientêtreplusdifficilesqueprévu.

51

Scarlet traînadans lachambredeGabrielpendantquelquesheures,àessayerdese teniroccupée.Soncœurbattaitencoresansrelâche,maiselles’étaitpresquehabituéeàsonmartèlementincessant.Presque.Aprèssadouche,elleavaitmisdesvêtementspropresàGabriel,maisilsétaienttropgrandsetellese

sentait…mal.Alors,elleavaitmissonpantalondepyjamaetsonT-shirtdelaveilleàlaplace.Gabrielavaitquelqueslivressursacommodequ’ellefeuilleta,maisilstraitaienttousdegastronomie,

d’événementssportifsetdumarchéboursier.Ennu-yeux.Ses manuels scolaires étaient sur un bureau dans le coin, et Scarlet envisagea brièvement l’idée

d’étudier,maisellelarejetarapidement.Ellenes’ennuyaitpasàcepoint.Toutefois,elleprituncahieretunstylodanssapiledemanuelsscolairesetsemitàgriffonner.Elledessinainlassablementlesymboleancrédanssoncerveaujusqu’àcequ’elleenaitremplideux

pages.Ilétaitétrangequ’ellesesouviennesiclairementdumotif,alorsqueGabriel,—quilaconnaissaitdepuiscinqcentsans—,nel’avaitpasreconnu.Scarletréfléchituninstant.Àmoinsque…ill’aitreconnu?Ilavaitétéintéresséparsondessinaudébutdel’année,avantqu’illuiaitracontéleurhistoire,alors

peut-êtrequ’ilsavaitcequec’étaitetqu’ilneluiavaitpasencoredit.QuandGabrielrentrerait,elleluireposeraitlaquestionàproposdelasignificationdusymbole.Scarletarrêtadegriffonneretcommençaàdresserunelistedechosesdontelleavaitbesoinprovenant

dechezelle.Vêtements.Chaussures.Maquillage…«Pourquoiaurais-jebesoindemaquillage?Quisuis-jeentraind’essayerd’impressionner?Tristan?

»Jamaisdelavie.Elleraya«maquillage»etleremplaçapar«nouveautéléphone».Scarlet secoua la tête enpensant à ladésinvoltureavec laquelleTristanavait jeté son téléphone, sa

planchedesalut.ElleposalecahieretquittalachambredeGabriel.Tristanluidevaitunnouveautéléphone.Aujourd’hui.

Pieds nus, elle descendit doucement l’escalier et erra dans le salon et la cuisine à la recherche deTristan.Comme la cuisine et le salon s’avérèrent vides, Scarlet avança dans le hall. Elle passa devant

l’escaliermenantausous-soletrejetaimmédiatementtouteidéedes’aventurerenbasdansleterritoiredeTristan.Ellel’attendraitàl’étagetoutelajournéesinécessaire.Ellen’iraitpasdanslecachotArcher.Enfaced’elle,laportedubureauétaitentrouverte.Scarletregardadansl’embrasure.Tristanétaitassisaugrandbureau,sesyeuxbalayantunécrand’ordinateur.Elle tapa doucement à la porte, s’en voulant d’être si délicate, — surtout étant donné qu’elle

connaissaitTristandepuisdessiècles—etentracommesielleavaittoujoursconnucetendroit.Ellerefusaitd’agircommeunesouriseffrayéeaveclui.—Tumedoisunnouveautéléphone,déclaraScarlet,exigeantl’attentiondeTristan.Aujourd’hui.Iljetaunœilverselleavantderegarderdenouveaul’ordinateur.—Çanerisquepasd’arriver.Scarletselaissatombersurunechaiseenfacedubureauetsepenchaenavant.—Écoute,jecomprendsquetutefichescomplètementdemoi,maisjesuiscoincéeicietjevoudrais

unmoyendecommuniqueraveclemondeextérieur.Tristanfermasonordinateurportableetcroisasonregard.—Le«mondeextérieur»essaiedetefairedumal.Alors,pardonne-moisijenemeprécipitepasà

l’idéederépondreàtademandepourunnouveautéléphone.LevisagedeScarletsecrispaetelleseleva.— Tu vas me trouver un nouveau téléphone. Et aussi, je dois passer chez moi pour prendre des

vêtements.Jen’aipasvraimentpufairedevaliselanuitdernière.Tristanlaregarda.Ilétaitprobablementjusteentrainderéfléchirauxvêtementsqu’elleavaitavecelle,maisçaparaissait

pluspersonnelqueça.Sonregarddescenditjusqu’àsonpyjama.Lentement.Intimement.LecœurdeScarlets’emballad’uncrantandisqu’ellefutsubmergéededésir.Ellevoulaitlegifler.Ouelle-même.Ellenesavaitpastrop.—Non,ditTristanendétournantleregardetenrouvrantsonordinateur.Pasdesortiesdanslemonde

extérieur.Scarletappuyasesmainsàplatsurlebureauau-dessusdeTristan.Elleétaitencolère,etiln’étaitpas

sonpatron.—Tunepeuxpasmegardericicommeuneprisonnière.—Alors,va-t’en.Elleplissalesyeux,maisneditrien.

—SituveuxtepromenerdanslefinfonddelaGéorgietandisqu’undétraquétecherche,alorsvas-y.LesyeuxvertsdeTristanétincelèrent.—JediraiàGabrielquetuespartie.Scarletpinçaseslèvres.Elleétaitpiedsnus, sansargentni téléphonecellulaire, etportaitunmincepyjamaencotondans le

froidautomnaldelaGéorgie.Quitterlechaletàpiedn’étaitpasuneoption.Est-cequ’ilbluffait?Ellesepenchapourexaminersesyeuxprovocateursdeplusprès.L’odeurducuiretdusavonrencontrasesnarines,envoyantdelachaleuretunesoifdanssesveines.«Qu’est-cequinevapasavecmoi?»Sesyeuxlabrûlaientalorsqu’elletentaitdegardersonregardfixe.Tristansepenchasurlebureau,sonvisageàquelquescentimètresdusien.Ilditd’unevoixmenaçante:—Tudoispartir.Scarletsoutintsonregarduninstantdeplusavantdedéglutiretdesereculer.Elleétaitprisonnièreetiln’yavaitrienqu’ellepouvaitfaire.—Ouais.Ellesoufflaetquittalebureauenfurie.Mêmealorsqu’elles’éloignait,furieuseetfrustrée,elleressentaitencoreunsoupçondenostalgiedans

sonventre.QuelquechoseenellevoulaitcourirversTristanet…l’étreindre.Ouplus.Scarletsecoualatêteetremontajusqu’àlachambredeGabrieloùellepassalerestedelajournéeà

feuilleterdeslivresennuyeux.Ehoui,àétudier.

52

Tristanseréveillaaumilieudelanuit.Affamé.Cequiétaitimpossible,carilavaitmangéjusteavantd’allersecoucher.Safaimnepouvaitsignifierqu’unechose:Scarletavaitfaim.Ilmaugréa.Sonlienavecelledevenaitplusfortdejourenjour.Etdeplusenplusridicule.Maintenant,ilpouvait

sentirquandelleavaitfaim?Pouah!Il leva lesyeuxvers leplafondde sachambreetpensaà la filledeuxétagesau-dessusde lui.Elle

dormaitprobablementencorepaisiblement,rêvantdeGabriel,auxarcs-en-cielouautres.Ilfermalesyeuxdansunevainetentativepourserendormir.Échec.Avecunsoupir,ilselevapéniblementetmontad’unpaslourd.Ildevraitresteraulit.Ildevraitaumoinsfairesemblantdenepasressentirlafaim…Ilsavaitqu’il

n’avaitpasfaim.Alors,pourquoisedirigeait-ilverslacuisinepourfairedescrêpes?Parcequ’ilétaitfaible.EtparcequeScarletaimaitlescrêpes.Danslacuisine,ilsortittranquillementtouslesingrédientsdontilavaitbesoinetessayadenepastrop

réfléchiràcequ’ilfaisait.Peut-êtreques’ilsedépêchaitetlaissaitsimplementuneassiettedecrêpessurlecomptoir,ilpourrait

retourneraulitetfeindrenepasêtreunimbécilepathétique.Ilregardal’horloge.1hdumatin.Voilàcequ’ilallaitfaire.Fairedescrêpesetdéguerpir.

53

Scarletseréveillatarddanslanuittellementellesouffraitd’avoirfaim.Alors qu’elle avait passé sa journée à bouder hier, elle avait oublié demanger. Etmaintenant, son

estomacétaitencolèrecontreelle.EllequittalelitconfortabledeGabrieletfouilladanssonsacàdosdansl’espoirdetrouverunebarre

chocolatée,unebananeoun’importequoi.Rien.Elleregardalelitchaud.Avait-ellevraimentenvied’allerenbasetdechercherdelanourriture?Sonestomacgargouilla.Oui.Elleallaitlefaire.Scarletsoupiraetsefrottalesyeuxavantdesedirigerenbas.Elletrouveraitunebouchéeàmangeret

sedépêcheraitderetournerdanslachambredeGabriel.Soncœurbattait fort,mais sespas restèrent silencieux tandisqu’elleavançait au rez-de-chausséeet

tournaitlecoinpourentrerdanslacuisine.Ellerestafigée.Là,dosàelle,setrouvaitTristan.Ilfaisaittranquillementàmangeraumilieudelanuit.LepremierinstinctdeScarletfutdecouriràl’étageetdel’évitercomplètement.Elletrouveraitbien

unegommeàmâcheroun’importequoiquilaferaittenirjusqu’aumatin.Maisl’odeurdescrêpesl’arrêtadanssonélanetluidonnal’eauàlabouche.Tristanseretourna,etvoyantScarletauboutdelacuisine,s’interrompit.Aucund’euxnebougeapendantuninstantalorsqueleursregardsétaientrivésl’unsurl’autre.Quelquechoseremuaàl’intérieurdeScarlet.Quelquechoseàproposde l’obscuritéà l’extérieur,du réconfortde lanourritureà l’intérieur,etde

Tristanquilaregardaitcommes’ilnes’étaitpasattenduàcequ’ellearrive,fitsentirScarlet…Aimée?«Jesuisfolle.Évidemment,mafaimaprislecontrôledemoncorpsetadévorétouteslescellulesde

moncerveau.»EllepinçaseslèvresetregardalescrêpesqueTristanretiraitdelapoêle.—Tutefaisunen-casdeminuit?Elleessayad’avoirl’airlégèreetdécontractée.Normale.Amicale.NonpasparcequeTristanleméritait,maisparcequ’ellevoulaitdescrêpes.EtTristan,apparemment,

étaitlemaîtredescrêpes.IldétournalesyeuxdeScarlet.—Quelquechosecommeça.

Ilétaittendu.Ellepouvaitpresque…lesentir.Scarlettransférasonpoidssursonautrepied.—Ah.Tristannelaregardaitpas.—As-tufaim?Ils’éloignadelacuisinièrejusqu’àuneassietteoùétaientempiléesdescrêpes.—Unpeu,mentitScarlet,quiétaitaffamée.Tristan,dosàelle,hochalatête.—Netegênepaspourenmanger,alors.Scarleteutencoreplusl’eauàlabouche,excitéeàl’idéedeplongerdansunemontagnedecrêpesau

beurre.Nevoulantpasresterlàcommeuneprincessequiattendd’êtreservie,ScarletavançaderrièreTristan

pourprendreuneassiettesurlecomptoiretseservirelle-même.Maisquandelleapprochadesondos,ilseretourna,inconscientqu’ellesetrouvaitsiprèsderrièrelui.Leurspoitrinessefrôlèrentpendantunefractiondeseconde,etlesyeuxdeScarletfurentaveugléspar

unéclairdecouleurs.Clic.Unsouvenirseformadanssatête.Tristanétaitvêtud’habitsmodernesetfaisaitsescrêpes.Ilfaisaitnuitetilavaitlescheveuxpluslongs,maissesyeuxétaienttoujoursd’unvertbrillant.Il

souritendéposantuneassiettedecrêpesdevantelleetellerit.Surledessusdescrêpessetrouvaitunvisagesouriantfaitdefruits…—Désolé,marmonnaTristanens’éloignantd’elleetenlaramenantàlaréalité.Tandisqu’ellerevenaitàelle,elleclignadesyeuxetregardaTristan.—Jemesouviensdetoi…LesyeuxdeTristans’écarquillèrent.Elleinclinalatête.—Jemesouviensquetu…faisaisdescrêpespourmoi…avant.LapoitrinedeTristans’affaissatandisqu’ilexpiraitlentement.—Oui,ehbien…IldétournalesyeuxdeScarletetfrottasesmainssursonpantalon.—Jetefaisaisàmangeravant.Scarlethaussalessourcils,sedemandants’ilétaitpossiblequeTristannel’aitpastoujoursdétestée.Peut-êtremêmequ’ill’avait…aimée…danslepassé.Danssonsouvenirde lanuitdernière, il la tenaitdans la forêt.Dans lesouvenirdecettenuit, il lui

faisaitàmangeretsemblaitheureuxd’êtreavecelle.Alors,qu’est-cequiavaitchangéentreeux?

Tristansefrottalanuque.—Gabrielestunpiètrecuisinier.Alors,tusais,jel’aideparfois.Scarletplissalefront.Quelquechosedanssesparolesnesonnaitpasvrai.Ellehochalatêteetseservitdeuxcrêpeschaudessuruneassiette.—Puis-jetedemanderquelquechose?Elleposal’assietteets’adossaaucomptoir,faceàTristan.Ilhésita.Elledevinaitqu’ilvoulaitpartir.Ellepouvaitsentirqu’ildélibéraitintérieurement.Leur«lien»devaitêtredanslesdeuxsens.C’étaitlaseulemanièred’expliquercommentellepouvait

ressentircequ’ilressentait.Savoixétaittenduecommes’ildevaitforcerlesmotsàsortirdesabouche.—Oui,biensûr.Scarletdemandainnocemment:—M’as-tutoujoursdétestée?Ce n’était pas une bonne question et elle était un brin immature,mais Scarlet ne s’en souciait pas.

Tristanl’avaitfaitsesentirindésirableetimportune…,maisilétaitprêtàpartagersescrêpesavecelle?Celan’avaitpasdesens.LevisagedeTristanétaitimpassible.—Tupensesquejetedéteste?Scarlethaussalesépaules.—C’estlecas?Tristanregardalesol,puislemur,etenfin,Scarlet.—Non.Leurs regards se croisèrent à nouveau, et la poitrine de Scarlet se serra. Il était si beau et sur ses

gardes,commes’ilavaitmillesecretsetpersonneàquifaireconfiance.Elleregardasesyeuxvertsetsesentit…triste.Ilyavaitquelquechosedevideetdedésespérédansla

façondontillaregardait,etellevoulaitl’aider.LavoixdeScarletsefitdoucequandelledit:—Tunemedétestespas.Illaregardafixement.—Non.QuelquechosedechaudetderéconfortantenvahitScarletalorsqu’ellescrutaitsonvisage,essayantde

déterminerquiétaitTristanArcher.IlétaitplusquelefrèredeGabriel.Ilétaitplusqu’ungarçonavecdusangimmortel.Àl’arrièredesatête,etaucentredesoncœur,ilétaitquelquechose…deplus.

Sesyeuxobservèrentlessiensunlongmomentavantdesedirigerverslalignedesamâchoirecarrée.Ilsdescendirentjusqu’àsonmenton…puisremontèrent…pourfinirparseposersurseslèvres.DeslèvrespareillesàcellesdeGabriel,charnuesetparfaitementdessinées.MaisquelquechosedanslabouchedeTristansemblait…plussexy.Tristansecoualatêteetditd’unevoixrauque:—Scarlet.Cen’étaitniunequestionniunedemande.Justesonnom.Surseslèvresparfaites.Etl’estomacdeScarletsenoua.Respirait-ilplusdifficilementqu’avant?Scarlet regarda sa poitrine, recouverte d’un T-shirt blanc, qui montait et descendait à chaque

respiration.Ilavaitunbeautorse.Sifortetsûr.Sifamilier…etpourtantdifférentdeceluideGabriel…Ellefitunpasdepluspours’approcherdelui,laissantsesyeuxglisserlelongdesaclaviculeetdeses

largesépaules.Elles’attendaitàcequ’ilaitunmouvementdereculetsedétournedesoncorpsquiapprochait,maisil

n’enfitrien.Ilrestalàparfaitementimmobile,sonsouffleinégal.Scarletregardaànouveausesyeux,maintenantàseulementquelquescentimètresdessiens,etadoucit

encoredavantagesavoix.—Quies-tu,Tristan?Ses yeux semblaient désespérés tandis qu’ils plongeaient dans les siens. Unmoment passa, rempli

seulementparlebruitdelarespiration.—Personne,dit-il.Scarletsecoualentementlatête.—Non…,tun’espaspersonne.Tues…quelqu’un…Ellepouvaitsentirlachaleurdesoncorpsvibrercontresoncouetsapoitrinealorsqu’ellesetenait

devantlui.Ilétaitgrandetchaud,etellevoulaitletoucher.Pasdemanièredéplacée.Ellevoulaitjuste…appuyersamain…contresapoitrine…Scarletnebougeapas,maiselleypensa.Elle essaya de puiser dans le lien qu’elle avait avec lui, si tant est qu’il y en ait un. Elle voulait

ressentircequ’ilressentait.Ellelaissasonâmeatteindrelasienneetsentit…Del’hésitation…Desconflits…Dudanger…LeregarddeTristans’obscurcittandisqu’ilquittaitsesyeux.Ildescenditlelongdesonvisagejusqu’à

soncou.Ellepouvaitsentirsesyeuxs’attarderlà,commesisoncou—chacunedesesimpulsions—luiappartenait.Àcettepenséesoncœurs’emballa…Dedésir…depossession…

Le regard deTristan remonta… lentement etméthodiquement… jusqu’à ce qu’il atteigne ses lèvres.Elleleregardaétudiersabouche,etledésirenflammasesjouesavantdeserépandredanssapoitrine.…L’envie…Ettoutàcoup,lesentiment—lessentiments—futmutuel.Elleledésirait.LesyeuxvertsdeTristanétincelèrent,toujoursrivéssursabouche,etScarletsentitsoncœurseserrer.Pourquoiledésirait-elle?Sesyeuxbrûlaient.LesyeuxdeTristans’attardèrentsursaboucheet,sanspenserniraisonner,Scarletécartaseslèvres…LeregarddeTristanremontaverssesyeux,remplisdefaimetdedésir…Soudain,ilseraidit.Sonvisagefuttraverséparuneexpressiondecraintetandisqu’ilexaminaitsesyeux.Sessentimentssetransformèrenten…peur…colère…douleur…etScarletsefigea,perplexe.Ilnebougeapas.Ilnereculapas.Ilnefitqueregarderfixementsesyeux.—Jedoisyaller.Unesecondepassa,Tristandéglutitets’éloignad’elle,emportantlachaleurdesoncorpsaveclui.—Jecroyaisquetuavaisfaim.Scarletfitbasculersonpoidssursonautrejambe.—C’étaitlecas.Tristanseretournapourpartir.—Maisjevaisbienmaintenant.Sansregarderderrièrelui,ilquittalacuisine.Scarletétaitperplexe.«Qu’est-cequivientdesepasser?»Aussifouquecelapuisseparaître,Scarletsesentaitabandonnée.Maispirequecela,ellesesentaitlecœurbrisé.

54

Gabriel frappa à la porte de l’appartement terrasse deNate. Il pouvait entendre lamusique forte, descoupsdefeuetlechaosgénéralàl’intérieur.«Génial!»CommeNateneréponditpas,Gabrielfrappaencore.—Nate!C’estGabriel!—Pasmaintenant,monvieux.Jesuisdanslagrotte!ditunevoixétouffée.Gabrielrouladesyeux.—J’aibesoinquetusortesdelagrotte,Nate.—Impossible,monpote!J’aipresque…vaincu…legrandsorcier.Gabrielfrappaencore.—Situn’ouvrespascetteporte, jevaislafairetomberetverserdelaboissongazeusesurtoustes

ordinateurs.Laportes’ouvritimmédiatement.—Pasbesoindemenaces,mec.Lesordinateurssontnosamis.Nate, vêtu de chaussettes dépareillées, de shorts de basket-ball, d’unT-shirt avec imprimé et d’une

paired’écouteursavecmicrophone,setenaitdevantGabrieletavaitl’airdenepasavoirdormidepuisdesjours.Malgrélebruittoujoursàpleinvolumeenarrière-fond,Gabrieldit:—Désoléd’interrompre…Ilregardalegrandécrandetélévisionoùunelfepoignardaitundragonetajouta:—…tagrotte,maisj’aibesoindetonaide.—Bonsang,meeec.NaterouladesyeuxetfitsigneàGabrield’entrer.Iléteignittouslesbruitsetretirasesécouteurs.—Jeneveuxpasêtrele«sérieux»Natemaintenant,d’accord?Jeveuxêtrele«joueur»Nate.Oula

« vedette de rock »Nate…Oumême le « cruciverbiste »Nate.Maispas le « sérieux »Nate. Le «sérieux » Nate finit toujours par se retrouver impliqué dans des malédictions étranges à essayer detrouverdesfontainesetàregarderlesgensmourir,etblablabla.Çacraint.Alors,pourquoineserais-tupasle«fêtard»Gabriel,soulignaNateavecunclind’œil.Jeseraisle«comique»Nateetoniraitjouerauxquilles.Jevaischerchermonmanteau.Ilsetournabrusquement.—Nate.Gabrielretiralebandeaunoirdesapocheetleposasurlatablebasse.—Quelqu’unafaitirruptionchezScarletlanuitdernièrealorsqu’elledormaitetilavaitça.Sais-tuce

quec’est?

Nateseretournaetregardalebandeau.Sonairheureuxlequitta.—Envoilàfinidesquilles.Gabrielregardasonami.—Pourquoi?Tulereconnais?Natehochalatête.—Ouais.C’estuncapteurdecerveau.—Unquoi?—Onl’utilisepourextrairedes informationsducerveau.Quiconques’est faufilédans lamaisonde

Scarletvoulaitprobablementsessouvenirs.Ilsoupira.—Cequiveutdirequ’ilsconnaissentprobablementsonpassé.—Quipourraitconnaîtresonpassé?Elleaseulementétéenviependantdeuxansetmêmeelleenest

àpeineconsciente.Natesecoualatête.—Jenesaispas,mec.Maislescapteursdecerveausontillégauxettrèsdifficilesàtrouver.Celuiqui

s’enestprisàScarletneplaisantepas.Peut-êtrequ’ilssaventquenoussommesimmortels.Oupeut-êtrequ’ilscherchentlafontaine.LatêtedeGabrieltournaittellementqu’elleétaitpleinedequestions.Quelqu’und’autreessayait-ildetrouverlaFontainedeJouvence?Etcommentpouvait-onsavoirqu’ils

étaientimmortelsd’abord?Ouqu’ilsconnaissaientScarlet,d’ailleurs?Elleétaitnoviceenlamatièreetneconnaissaitriensurl’endroitoùsetrouvaitlafontaine.Pourquoivoulaient-ilssessouvenirs?LapaniquemontadanslapoitrinedeGabriel.—Nate,faistesbagages.NousallonsenGéorgie.—Oui,meeec.Pourquoitoutesceshistoiresarrivent-ellestoujoursquandjesuisdansmagrotte?Gabrielleregarda.—Laissetomberlagrotte,Nate.Quelqu’unenveutàScarlet.Onn’apasdetempspourjouer.—Onatoujoursdutempspourjouer!ditNateavecpassion,enpointantundoigtenl’air.Gabrielleregarda,perplexe.Natesoupira.—Trèsbien.Jevaisprendremonmanteau.Maisj’apportemonsystèmedejeuavecmoi.—Commetuveux.Gabrielluifitsignedepartiretsortitsontéléphone.IldevaitappelerTristan.

55

Lelendemainmatin,Tristanpassadeuxheuresàtirerdesflèchessursaciblepouressayerdeselibérerl’esprit.AprèssarencontreavecScarletdanslacuisinelanuitdernière,GabrielavaitappeléetaviséTristan

decettehistoiredecapteurdecerveau.Pasunebonnechose.Quelqu’un essayait d’obtenir les souvenirs de Scarlet, ce qui signifiait que Tristan ne pouvait pas

procéderàsonplandesuicide.Dumoinspasjusqu’àcequ’ilsaientcompriscequel’intrusrecherchaitdanslatêtedeScarletetcompriscommentlaprotéger.MaischaquejourquipassaitsansquelamalédictionsoitannuléerapprochaitScarletdelamort.Tristanjura.Sonétatétaitdéjàentraind’empirer.La nuit dernière, dans la cuisine, ses yeux avaient presque brillé dans le noir alors qu’elle l’avait

regardéavecseslèvrespulpeusesetsonâmeempliededésir.Ilnepouvaitpaslaissercelasereproduire.Zoum.Danslemile.Gabrieldevaitrevenirauchalet.Vite.TristannepensaitpaspouvoirsetenirloindeScarletbeaucouppluslongtemps.Lanuitdernièreavait

étéuneerreur.Iln’auraitpasdûpréparerdescrêpes.Ilauraitsimplementdûlalaisserpillerlacuisineettrouversonpropreen-cas.Ilavaitéténégligentet,àcausedecela,sesyeuxbleusavaientbrûlépourlui.Heureusement,c’étaitunsouvenirplutôtinsignifiant,maistoutdemême.Sessouvenirspouvaientruinersonplan.Zoum.Danslemile.Àpartird’aujourd’hui,ilallaits’exerceràunemeilleuremaîtrisedelui-même.

56

Scarletregardalatélévisionplusieursheuresdanslamatinée.ElleessayaitdesedistrairepournepluspenseràTristan.Lanuitdernière,danslacuisine,elleavaitressentiquelquechoseaveclui.Quelquechosed’ancien,defortet…debeau.Tristanneladétestaitpas.Etelleneledétestaitpas.Pasdutout.Maiselleneprendraitprobablementplusjamaisd’en-casànouveauenpleinenuitaveclui.Laportedederrière s’ouvrit, etScarletgarda lesyeuxsur la télé tandisqueTristanpassaitdans le

salon.Hier,elleavaitvoulul’éviterparcequ’ilétaitungoujat.Aujourd’hui,ellevoulaitl’éviterpournepasfairequelquechosedestupide.Commeluilécherl’oreille.Ilentradanslebureauetfermalaportederrièrelui.ScarletrestaassiseencoredeuxheuresdevantlatéléàregarderdesinfopubsetScooby-Doo,maispas

uneseulefois,sonespritneselibéradelapenséedeTristan.Elleétaitunepetiteamievraimentpourrie.Alorsquelesdessinsanimésjouaientenarrière-plan,ScarletparcourutlesalondesArcherdesyeux.

Unegrandecheminéeoccupaitlamajoritédumurdufondetunebanquetteenpierres’étendaitsurtoutesa longueur.Au-dessusde la cheminéeétait accrochéeunehorloge sculptée,quibattait inlassablementdans la pièce chaleureuse.Les canapés étaient brun clair et disposés sur un immense tapis.Une tablebassefaçonnéeàlamainsetrouvaitaucentredelapièce.Dansl’ensemble,c’étaitdouillet.SiScarletnes’étaitpassentiesiprisonnièredanslesbois,elleauraitsansdouteaimélechalet.Son

regardtombasurlatablebasseàcôtéd’elleetrepéraunstylo.Ellesaisitlaplumeetsemitàdessinerdistraitementsonsymbolehabituelsursacheville.Elletraçale

motifautourdesontalon,sepenchaenarrièreetleregarda.Ilparaissaitbienenbiais.Parennui,elledécidadedessiner lemotifsursahancheaussi.Ellesoulevasachemisedequelques

centimètres et dessina les mouvements circulaires le long de sa taille. Après quelques minutes, elleallongea le motif et le fit remonter jusqu’à sa cage thoracique avant de redescendre brusquement auniveaudelatailledesonpantalonetdelaissersonœuvres’aventurerverssonbas-ventre.Uneimagesurgitdanssonespritetelledécidad’ajouterquelquechosedenouveauauboutdusymbole.

Semordantlalèvre,ellegriffonnalesnouveauxtraitsplusbassursahancheet…—Quefais-tu?

Scarletredescenditimmédiatementsachemiseetremontasonpantalon,couvrantsapeauexposée.ElleregardaTristanenrougissant.—Est-cequetudessinessurtoncorps?Ilavaitl’airfurieux.Plusfurieuxquecequ’ilavaitledroitd’être.Scarletfronçalessourcils,troublée.—Ouais.Pourquoi?As-tu…?Scarletleregarda,pleined’espoir.—As-tudéjàvucesymboleavant?Ellemontrasacheville.Peut-êtrequeTristanauraitlesréponsesqu’ellecherchait.Tristan,deboutenfaceducanapé,croisalesbrassursapoitrine.Ilignorasaquestion.—Tun’espasàlamaternelle,Scarlet.Situveuxdessiner,dessinesurunmorceaudepapier.Allez,

nettoieça.Scarlethaussaunsourcil.Sesjouesn’étaientplusdutoutrougesdevantletonqu’ilutilisait.—Non,dit-elleensoulevantdenouveausachemise.Ellesemitàajouterdesdétailsaumotifsursahanche.—Si,ditTristan.Elleessayad’entrerenlui,deressentircequ’ilressentait…Toutcequ’elletrouva,cefutdelacolère

etdelapeur.Ilétaitfurieux.Etmaintenant,elleaussi.— Hors de question, dit Scarlet sèchement. Tu n’as pas à me dire quoi faire, Tristan. Si je veux

dessinersurmoncorpsavecunstyloousijemecouvredegoudron,tunepeuxpasm’enempêcher.Ellecontinuaàgriffonner.—Pourquoit’ensoucies-tu,detoutefaçon?Bonsang!Tristanlaissaéchapperunsoupirfrustré.—Enlèveça.—Non.—Enlève.Ça,insista-t-il.—Tu.Es.Fou,répliqua-t-elleenattendantuninstantavantdeleregarder.Tristanlevalesyeuxauciel.—S’ilteplaît?Ill’imploraitduregard.Scarletplissalesyeuxetsongea.—Ya-t-ilquelquechosedansmondessin,dit-elleenmontrantlecôtédesoncorps,quetunemedis

pas?Tristanfitlamoueethaussalesépaules.—Gabrielseraàlamaisondansuneseconde.

—Etalors?—Peuimporte.Illevalesmainsaucielenmaugréantavantdequitterlesalon.Scarletcontinuaàdessinersursahancheetsonbas-ventre,déterminéeàacheverlesymboleparpure

provocation.Tristanétaitsiétrange.Etautoritaire.Et…méchant.C’enétaitfinideCuistoTristan.GoujatTristanétaitderetour.

57

Gabriel tapotait avec impatience sur son accoudoir. Le vol de retour pour laGéorgie prenait trop detemps.IldevaitretrouverScarletimmédiatement.Ellecouraitungravedanger.—Donc,Scarletnesesouvientderiendutoutcettefois?demandaNateensegrattantl’arrièredela

tête.—Pasvraiment.—C’estbizarre.—Ouais.—Quelestleproblèmealors?Scarletettoi,sortez-vousensemblemaintenant?AssisàcôtédeGabriel,Natesaisitsonsacàdoscommes’ilétaitremplidetrésorsperdusplutôtque

dematérieldejeuxvidéo.Gabrielsoupiraetsepenchaenarrière,forçantsesdoigtsàarrêterdebouger.—Ouais.—Alors, pourquoi l’as-tu laissée au chalet avecTristan ? Pourquoi ne l’as-tu tout simplement pas

envoyémechercher?—Ilsouffretrop.C’estpirecettefois.Natehaussalessourcils.—Àquelpoint?—Jecroisqu’ilnepeutplusdormir.MaisScarletnevitqu’àunequinzainedekilomètres,alorsjene

comprendspas.—Ettul’aslaisséedanslechaletavecTristan?Seule?—Eh bien, oui, dit Gabriel, perplexe.Que devais-je faire ? L’emmener, avecmoi ? Tristan aurait

souffert sans elle.Et je n’allais certainement pas voyager avec les deux.Les aéroports et les grandesvillesnesontpassûrs,etilauraitétéimpossibledeprotégerScarletdansleszonessurpeuplées.Nateréfléchit.—Peut-être.Maiss’ilnepeutpasêtreloind’elle,alorsleurlienestplusfortqu’ilnel’ajamaisété.

LaprésencedeTristanpourraitlarendrevraimentmalade.Gabrielsecoualatête.—Maispasendeuxjoursseulement.Si?Natepinçaseslèvres.—Non.Saufs’ilssetouchentàplusieursreprises,dit-ilenregardantauloin.Gabriel fermabrièvement lesyeux, refusantdepenseràTristanqui toucheraitScarlet.Un frisson le

parcourut.—Peut-êtrequecen’étaitpaslemeilleurplan,maisj’avaisbesoindetonaidepourcettehistoirede

capteurdecerveau.Çanepouvaitpasattendre.

Natehochalatête.L’estomacdeGabrielsenoua.TristannetoucheraitpasScarlet…Si?Gabrieldéglutit.—Noussommespresquearrivés.JesuissûrqueScarletvabien.Maisàsesmots,l’inquiétuderemplitlesveinesdeGabriel.Ilseremitàtapoterl’accoudoir.

58

ScarletdessinaitsuruneservietteenpapierlorsqueGabrielentradanslechaletavecunhommequ’ellen’avaitjamaisvuauparavant.—Salut.Gabrielsouritetsedirigeavers l’endroitoùScarletétaitassiseaucomptoirde lacuisine. Il laprit

danssesbrasetcommençaàl’embrasserdepartout.Soulagéequ’ilsoitrentré,Scarletsemitàrire.—Qu’est-cequiteprend?—Rien.Gabrielsereculasonpeu,regardasesyeuxavecintérêt,puisparutsoulagé.—Jesuisjusteheureuxquetusoisensécurité.Oh,etj’aioubliédetedemanderquelquechosedetrès

important.—Quoi?demanda-t-ellesoudainnerveuse.«Génial!Encoreuntrucsurlavieetlamort!»Illuiadressaunlargesourire.—Veux-tualleraubald’hiveravecmoi?Pleinementsoulagée,Scarletsourit.—Non.—Quoi?Allez!Jen’étaispasaulycéependantdesannées.Çavaêtretellementsympa.—Çaneserapassympa.Çaseranul.Etpleindegensquidansent.Ellesourit.—Jenedansepas.—Maissi,tudanses.Ilhaussalessourcils.—JesaispertinemmentqueScarletJacobsestunevraiebêtededanse.Elleritencore.—Vraiment?—Vraiment.L’hommeàcôtédeGabrielhochalatête.—J’enaiététémoin.Scarletenfutperplexe,etGabrielallaseplacersurlecôté.—Scarlet,j’aimeraisteprésenterNathanielFletcher.Nathanielétaitunhommequiavaitl’airrigolo,avecdescheveuxhirsutesramasséssuruncôtédesa

têtecommes’ilvenaitdeseréveilleretdesvêtementsagencésn’importecomment.Iln’avaitaucunsensdelamode.

Scarletl’aimatoutdesuite.Nathanieltenditlamainenl’air.—C’estbondetevoir,Scarlet.Topelà!Elletapamaladroitementdanssamain.—Est-cequ’onseconnaît?—Ouais.Tunetesouvienspasdemoi,maispasdesoucis.Jesuissupergénialettuvasm’aimer.Scarletrit.—Super.—Peuimporte.Alors,taréponse,c’est…oui?Tuvasm’accompagneraubal?demandaGabriel,qui

hochaitlatêteavecinsistance.Ellesecoualatêteavecunsourire.—S’ilteplaîîîîît?Ilseremitàl’embrasserpartout.AprèsavoirétécoincéedanslechaletavecTristanetsonoppression,Scarletétaitreconnaissanteque

Gabrielsoitrevenudansunétatd’espritsijoyeux.—D’accord,d’accord,trèsbien.Scarletritdenouveau.—J’iraiavectoi.Maisseulementsituarrêtesdebaversurmoicommeunchiot.Gabrielsepenchaimmédiatementenarrièreetlevalesmainsenl’air.—Ha!Victoire.—Tuessibêta!Scarletsecoualatêteavecunsourire.—Jesuisunbêtaquiaunrendez-vouspourunbal,ditfièrementGabriel.—Unbal de lycée, ditTristan, qui entra dans la cuisine, apportant sonhumeur sombre avec lui, et

saluaNathaniel.Quoideneuf,Nate?—Quoideneuf?Ehbien,jesuiscenséêtredansmagrotteencemoment,maisapparemment,vous

avezeuuneautredevos«urgences».Natesecouasesmainsdanslesairs,commesiuneintrusiondanslamaisondeScarletétaitunechose

frivole.—Lagrotte,çan’estpasbonpourtoi,Nate.Tunousremercierasplustard.TristanseplaçaàcôtédeGabriel.Envoyantlesjumeauxàcôtél’undel’autre,lecœurdeScarletseserra.Rienn’avaitchangédansleurs

apparences;ilsétaienttousdeuxencoreridiculementattirants.Mais,alorsqu’ellelescomparait,l’âmedeScarletréclamaitlefrèreauxyeuxverts.Cequifaisaitd’elleunetraîtresse.«Qu’est-cequinevapasavecmoi?»LesyeuxdeTristanserivèrentsurlessiens,etelleregardaimmédiatementailleurs.

—Dis-nous-enplusàproposducapteurdecerveau.TristanregardaNateetcroisalesbrassursapoitrine.—Jesuisdésolé…Lecapteurdecerveau?Scarletregardaautourd’elled’unairinterrogateur.—LetrucnoirqueTristanaréquisitionnéàtonintruss’appelleuncapteurdecerveau,expliquaNate.—Réquisitionné?Vraiment?Tristanhaussaunsourcil.Gabrieldit:—C’estundispositifconçupoursoutirerlessouvenirsducerveau.Nouscroyonsquetonintrusavait

l’intentiondecapturerunepartie,ou la totalité,de tessouvenirs.Trèsprobablement,dessouvenirsserapportantàlafontaineouàlamalédiction…peut-êtremêmeànous.Natesortitlebandeaunoirdesonsacàdos.Scarletdéglutit.—Peut-onvraimentfaireça?Est-cequecette…chosefonctionnevraiment?Nateacquiesça.—Ohoui. J’ai entenduparlerde ce capteurde cerveauvoiciquelques annéesmaintenant. Joli truc

high-tech.Connuseulementdesconnaisseurs.Tuvoiscetruc?Iltirasurletoutpetitcristalpointusurlebandeau.—Ceciestenfaitunetrèspetiteseringuecontenantunsérumdesommeil.—Çafichelafrousse,ditScarlet.Natehochalatête.—Ouais,ehbien,c’estutile.Onnepeutpassimplementmettrelecapteurdecerveausurunepersonne

endormieetattendrequ’ilextirpesessouvenirspournous.Ondoitd’abordplongerlapersonnedansunétat de sommeil profond.Le sérumde sommeil doit être injecté juste derrière l’oreille de la victime,commeuncoupdefeu.Ilmontrajustederrièresonoreillegauche.—Aïe,ditGabrielenfaisantunegrimace.Natehaussalesépaules.—Çanefaitpasmal.Lapointedel’aiguilleesttrèsminceetpointue,vousvoyez?Illevalecristaldefaçonàcequ’ilspuissenttousregarder.—Lavictimetombeimmédiatementdansunsommeilprofondetrestecommeçapendantquatreàsix

heuresoujusqu’àcequ’onluidonnel’antidote.LesyeuxdeScarlets’écarquillèrent.—Cetype-làallaitmemettreenétatdesommeilprofondpendantdesheures?—Probablement,ditNate.Maisl’antidoteestjusteici.Ilmontrauneextrémitédubandeauoùunautrecristal—unnoir—étaitfixé.—Alors,peut-êtrepas.Peut-êtrequ’ilavaitprévudet’ensortir.Jenesaispas.

Tristansefrottalanuquetandisqu’ilsoupirait.Scarletprituneprofondeinspiration.—Donc,qu’est-cequeçaveutdire?—Çaveutdirequetuesendanger,ditTristan.Scarletdéglutit.—Çaveutdireaussiquetuasprobablementun—oudes—souvenirsquequelqu’unveut.Natesouritlégèrement.—Tunetesouviendraispas,parhasard,desecretscroustillantsquequelqu’unpourraitvouloir?Scarletsecoualatête.—J’aimeraisbien.Croyez-moi,personneneveutsavoircequiestdansmatêteplusquemoi.Natehochalatête.—Nousdevonsprésumerque tonagresseura l’intentionde revenir.Cequi signifiequenousavons

besoindevousprotéger,toiettessouvenirs.Gabriels’appuyasursonautrejambe.—JecroisqueScarletdevraitrestericiavecnousjusqu’auretourdeLaura.Tristanavançajusqu’àl’autreboutdelacuisine.—Enaucunefaçon.Ouah!—Tuesungoujat,ditsèchementScarletàTristan.Ilhaussalesépaules.NateapprochadeScarlet.—Commentontététesyeux?Ilsontl’airassezsainsencemoment,maisas-turemarquédesétincelles

dedanscesdernierstemps?Unchangementdanslacouleur?Scarletleregarda,complètementperplexe.—Quoi?NatehaussalessourcilsetregardaGabriel.—S’ilteplaît,dis-moiquetuluiasexpliquécommentsesyeuxchangent.Gabrielsecoualatête.—Elleétaitdéjàpaniquéeàproposdel’idéedemourir,etjenevoulaispas…—Voyons!Natelevalesmainsauciel.—C’estunechose,disons,importanteàluidire.Elledoitsavoir.—Jedoissavoirquoi?demandaScarlettandisquelapaniquemontaitdanssapoitrine.Nate approcha et plaqua ses deux mains contre ses joues, lui donnant l’air d’avoir des lèvres de

canard.Ilsepenchaetlaregardafixement.Vraiment.Bizarre.Scarletsefigea.

—Euh…,quefais-tu?Sesmotssortirentdéformésàtraversseslèvresétrangementplissées.—Jeregardetesyeux.Ilutilisasonpoucepourtirerlapeausoussonœildroitverslebasetl’examinacommesielleétaitune

créatureextraterrestre.—Ilsontl’airenbonnesanté.Natelâchasonvisageetrecula.—Dis-moi,Scarlet,est-cequetesyeuxontbrûlédernièrement?T’ont-ilsparuchauds?Scarletfrottasonvisagelàoùilavaitposésesmains.—Euh…Non,pasvraiment.Elleréfléchit.—Ehbien,peut-êtrequelquesfois.Commequandj’aidessouvenirsouquand…Ellesesouvintquesesyeuxétaientdevenuschaudsquandelles’étaittrouvéesiprèsdeTristandansla

cuisinelaveille.«Tristanprovoqueunechaleurdansmesyeux.»Non,ellen’allaitpasrévélerça.Natelaregarda.—Quandquoi?Scarletsecoualatête.—C’esttout.Justeaumomentoùj’aidessouvenirs.Pourquoi?Quelestleproblèmeavecmesyeux?

Suis-jeentraindeperdrelavue?«Merveilleux.»Nonseulementjesuisentraindemourir,maisjedeviensaveugleaussi.»C’estcommesilamalédictionenrajoutaittoutletemps.»—Non,ditNateensecouantlatête.Tunevaspasdeveniraveugle.Tuesentraindemourir.Scarletfutperplexedevantsonfranc-parler.—Jesais.—Etplustuterapprochesdelamort,plustoncœurdevientfaible.Aufildutemps,lacouleurdetes

yeuxs’intensifie,cequiindiquequetoncœurestsurlepointdelâcher.Donctesyeuxvontdevenirdeplusenplusbrillants…jusqu’àcequetumeures.Scarletenfutbouchebée.—Sérieusement?Natehochalatête.Elleseprécipitahorsdelacuisinepourallerdanslasalledebainseregarderdanslemiroir.Lesgarçonslasuivirent.Ellesepenchaetregardasesirisdeprès.—Ohmond…Ilssontdifférents.Mesyeuxnesontpasbleuscommeçad’habitude!Ilssontdifférents

maintenant.Ilssont…bizarres.

Soncœurs’emballa.TristaneutunaircontrariéquandilsepenchaversGabriel.—Jetel’avaisdit.ScarlettournalatêteetregardaNate.—Qu’est-cequeçaveutdire?Ellemontrasonœil.—Suis-jepresquemorte?Pourrais-jemouriràtoutinstant?Savoixétaitprécipitéeetaiguë.Elleétaitofficiellemententraindepaniquer.—Non,ditNate.Ellesecalmaunpeu.—Maistuvasassurémentmourir,poursuivitNate.Ellepaniquadenouveau.—Saufsinoustrouvonsunmoyendeteguérir.Scarletregardalestroisimmortelsquisetrouvaientdanslasalledebainavecelle.—Alors,qu’est-cequ’onattend?Allonstrouvercettefichuefontaineetmeguérir!Scarletavaitpresquecrié,passantdevantlemurdegarçonspourallerdanslecouloir.Cen’étaitpaslemomentdediscuterdansunesalledebainnidegriffonnersurdesserviettesenpapier.

Quelquechosedevaitêtrefait.Immédiatement.—Cen’estpassisimple,ditNate,quilasuivaitdanslesalon.—Pourquoipas?—Parcequenousnesavonspasoùchercher.Onnepeutpassimplementfairenosvalisesaujourd’hui

et trouver lafontainedemain.Jepensequenotremeilleureoptionestdetrouverunnouveauplanetunmoyenpourteprotégerentretemps.—J’aidéjàunnouveauplan,ditTristaneninclinantlatête.—Personnen’aimetonplan,intervintGabrielsansregardersonfrère.—Tonplancraint,convintNate.Scarletnepouvaitpascroirecequ’elleentendait.—Qui se soucie si un plan—peu importe le plan— craint ?Corrigez-moi si jeme trompe ! Je

pourraismouriràtoutinstant?—Ohnon.Tuasaumoinsquelquessemaines,ditNate.Scarletditenmaugréant:—Çan’ariendetrèsréconfortant.Ilbaissalatête.—Tuasraison.Jesuisdésolé.Maissituveuxêtreguérie,cequenousdevonsfaire,c’esttrouverun

plan.J’aiappeléundemesancienscontactspourqu’ilnousenvoiedesphotosd’unecarteduNouveauMondequ’ilarécemmenttrouvée,cequipourraitêtreunbonpointdedépartpournous.

Nateregardasamontre.— Je devrais avoir de ses nouvelles dans les prochaines heures. Peut-être qu’alors nous pourrions

trouverunenouvellestratégiederecherche.Maispourl’instant,dit-ilenouvrantsonsacàdos,jedoismettreenplacemesjeuxvidéo.

59

Quarante-cinqminutesetdeux-centscâblesplustard,Nateavaittransformélachambred’amisàl’étageen un havre de jeux vidéo. Scarlet écouta les trois garçons se disputer à propos de la façon la plusefficacededétruireunrobotennemietréalisaqu’ellepréféraitécouterHeatherseplaindredesstylesdechaussuresdel’annéedernièrequ’uneminutedeplusdediscussionsd’amateursdejeuxvidéo.Natesortitquelqueshaut-parleursdesonsac.—Unsonambiophonique,Nate?Vraiment?Gabrielmontralecouloir.— Ma chambre est juste à côté. Comment suis-je censé dormir pendant que tu fais sauter des

extraterrestrestoutelanuit?Pourquoin’utiliserais-tupastoutsimplementlachambreenbas?—Premièrement,ditNateenajustantunhaut-parleuretenregardantGabriel, lesextraterrestresfont

partiedemonéquipe,doncjenelesfaispas«sauter».Deuxièmement,ajouta-t-illesyeuxécarquillés,tusaisquej’aiunepeurmonstrueusededormirsousterre.Lessous-solssontpourleschauves-sourisetlesmeurtriersàlahache.IlregardaTristan.—Sansvouloirt’offenser.Tristanhaussalesépaules.LetéléphonedeNatesonnaetilsedéplaçapéniblementpourrépondre.Ilentamaensuiteunelongue

conversation—enfrançais—àpropos…Ehbien,Scarletnelesavaitpasparcequ’elleneparlaitpasfrançais,maiselleétaitàpeuprèssûrequ’ilsparlaientdecartes.Finalement,Nateraccrochaetsetournaverseux.—Pierrevientjustedem’envoyerdesphotosdelacartequ’ilatrouvée.Descendonslesimprimeret

trouvonsunplanderecherche.«Enfin,pensaScarlet.»TouslesquatreredescendirentetattendirentqueNateimprimelesphotos.Lacarten’avaitpasdesenspourScarlet,maisellehochalatêteetessayadecomprendrecequeles

garçonssedisaientlesunslesautrestandisqu’ilsparcouraientlesimages.Uneheureetplusieursargumentssurlacarteplustard,Natesoupira.—Ehbien,çacraint.Iln’yarieniciquenousn’avonspasvuavant.Scarletfutenvahied’inquiétude.—Donc,lacarteestuneénigme?Nateopina.—Etmaintenant?—Maintenant,nousagironsselonmonplan,ditTristanlesbrascroiséstandisqu’ils’adossaitaumur.GabrieletNatel’ignorèrent.

—Jecroisquenotremeilleureoptionestderepartirdezéro.Nousrépartironsdesresponsabilitésderecherche et nous verrons ce que ça aura donné d’ici les prochaines semaines. Qui sait ? Peut-êtredécouvrirons-nousquelquechosequenousavonsratéavant.Ilspassèrentlesheuressuivantesàplanifier,argumenteretdéléguerdesmissionsderecherche.Nate

allait essayer de communiquer avec tous les chasseurs de trésors des tempsmodernes. Gabriel allaittrouveretanalyserlescartesanciennesqu’ilsn’avaientpasencorevues.Tristanétaitresponsabledeliredevieillesrevuesetdesjournauxdebord.EtScarletferaitdesrecherchessurl’existencedelafontaineenligne.Àlafindeleurséance,Scarletsesentaitpleined’espoir.Comme la nuit et la froideur de l’automne tombaient sur le chalet, tout le monde commença à se

disperser,àseretirerdanssachambre.Tristan,quiavaitétédesmoinsenthousiastesàproposdelarecherchedelafontainedepuisledébut,

descenditl’escalierverslesous-solavecuneombremenaçanteau-dessusdelatête.Riend’étonnant.Natecourutàl’étagepourcontinueràcombattrelespiratesmutantsouquoiquecesoitquecomportait

sondernierjeuvidéo.EtScarletetGabrielallèrentjusqu’àlachambredeGabriel.Gabrielfermalaportederrièreeuxetlaregardaaveccompassion.—Commentvas-tu?As-tuencorepeur?—Unpeu.Maisjemesensbienensachantquenousallonstoustravaillerensemblepourtrouverla

fontaine.C’estmieuxquejuste…tusais,attendredemourir.Ellesourit,essayantdedétendrel’atmosphère.Gabrielluisouritenretouretlapritdanssesbras.—Tunevaspasmourir.Nousnelaisseronspascelaseproduire.Scarletsoupiracommeelleposaitsatêtecontresapoitrine.—Jeveuxresterenvie.Jeveuxvieillir,terminerlelycéeetfairelesboutiquesavecHeatherlejour

desapaie.Gabrielsemitàrire.—Ah,lesboutiqueslejourdepaie.Çavautlapeinedevivrepourça.Scarletritlégèrement.—N’oubliepasleFestivaldesbaisers.Jedoisresterdanslecoinsuffisammentlongtempspourvivre

çaaumoinsunefoisencore.—Sansaucundoute.—Etlecafé.Sijemourais,jem’ennuieraisducafé.Ellesoupira,toujoursdanssesbras.—Qu’enest-ildesdevoirs?Turateraisça?—Ungrandmoment!

—Etlanourrituredelacafétéria?—Totalement.—Qu’enest-il…desbalsdulycéeavectonmerveilleuxpetitami?Scarletleregarda.—Non.Jenem’ennuieraispasderaterdesbals.—Oh,si,tut’ennuieraisdesbals.Ilsemitàlafairebougerdanssesbrasetellerit.—Tut’ennuieraisdetelaisseremporter.Illafittourneretcommençaàvalseravecelle.ScarletserappelasonrêveoùGabrielfaisaitcoincoin…àmoinsquecesoitunsouvenir?Elleritencore.—Enaucunefaçon.Jenevoudraispasrateruneseulemesurededanse.Ilcontinuaàvalseravecelledanssesbrasmusclésethaussalessourcils.—T’ennuierais-tudesbaisers?—Euh…Scarletleregardaavecespièglerie.—Jenesaispastrop.Çadépenddequim’embrasse.Ill’embrassasurlajoue.—Est-cecorrect?Ellehochalatête.—Ehbien, je suppose,dit-il encommençantà faire remonter sesbaisers jusqu’à sonoreille tandis

qu’ellegloussait,quejevaisdevoirm’assurerquemesbaisers…Seslèvresdescendirentjusqu’àsabouche.—…soientmémorables.Ill’embrassapassionnémentsurleslèvres.Ellel’embrassaenretour,enfermantlesyeux.Entreleurslèvresunies,Scarletsourit.—Mmm…Oui,trèsmémorables.Leslèvresencorecollées,ilsreculèrentdesaporteettombèrentsursonlit.Scarletseblottitcontre lesoreillerset lesdraps,appréciantsoncorpsmuscléquirampait lentement

avecelle.Ilpassasesbrasautourd’elleetl’embrassaplusfort,sesmainsglissantversseshanches.L’aspectludiqueamorçalepassageversquelquechosedeplusintense.LarespirationdeScarletdevint

irrégulièretandisqu’elleluiagrippaitledos,happéeparledésirdeluiôtersesvêtements.Ellel’embrassaavecplusdefouguetandisqu’ilfaisaitremontersamaindesahanchepourlaposer

soussafinechemisedecoton.Lamêmechemisequ’elleavaitportéependanttroisnuits.Excitéeparsamainchaudequiremontaitsursoncorps,Scarletsecambra…EtGabriels’écartad’elle.

Brusquement.Ils’assitsurlelit,souslechoc,fixantsonventre.Scarlet,àboutdesouffleetperplexe,baissalesyeux.Sachemiseétaitrelevéeàmi-hauteur,dévoilant

lapeausurlaquelleelleavaitdessinéplustôtcematin.LesyeuxdeGabrielétaientfixéssurledessin.«Ahoui,jevoulaisl’interrogerlà-dessus.»Elleouvritlabouche,seslèvresencoregonfléesdesonbaiser,maisfutcoupéeparsavoix.—Qu’est-cequec’estqueça?Scarletbaissalesyeux,perplexe.—Euh…juste,tusais,mongriffonnage.Tul’asdéjàvu.Surmeschaussuresetdestrucs.LecœurdeScarletsemitàs’emballercommesielleavaitdesennuis.—Maispourquoi…pourquoil’as-tudessinésurtapeaucommeça?Scarletleregarda.—Quoi?Jedessinesurmapeautoutletemps.Nesoispasbizarre,Gabriel.J’ailedroitdedessiner

surmaproprepeau.Décidément.Lesgensdoiventarrêterde…—Jemefichequetuaiesdessinésurtapeau.Gabrielsecoualatêtesansjamaisquittersontorsedesyeux.Jem’inquiètequetuaiesdessinéçasurta

peau.Ildit«ça»commesic’étaitlamarquedeSatanouquelquechosedugenre.Etçaauraittrèsbienpul’être.Scarletétaitamnésiqueaprèstout.Peut-êtrequedanssesviesantérieures,elleavaitétéunechasseusededémons.Ellesoupiraetdescenditsachemise.—Quelestleproblèmeaveclesymbole,Gabriel?Pourquoipaniques-tu?Est-ceunesortedemarque

dudiable?Gabrielsecoualatête.—Non.—Alors,qu’est-cequec’est?C’estinjustedetemettreencolèrecontremoiquandjenesaismême

pascequec’est.Ellesoulevadenouveausonchemisieretexaminalemotif.—Ilestcool.Ilestartistique.Jenesaispas…,jel’aimebien.Etj’aimeça.C’estquoi?Gabrielsegrattalajoue.—Cen’estrien.Scarletbaissalatêtesurlecôté.—Oh,allez.Qu’est-cequec’est?—Non,sérieusement,ditGabriel,dontlavoixmontait.Cen’estrien.Cen’estlittéralementrien.C’est

justeunstupideagencementdeformesetdelignes.C’estbête,vraiment.—Alorspourquoipaniques-tupourça?

—Parceque…Sonregardsaisitsoudainementlapartieinférieuredutatouage.—Attends,attends…Gabrieldéglutitetsepenchaverselle.Samaindescenditlelongdesacagethoraciqueetdesahanche,

suivantlemotifquiplongeaitendessousduhautdesonpantalondepyjama.Ildescenditlecôtédesonpantalon,découvranttoutesahancheetsonbas-ventre.—Gabriel,bonsang!Qu’est-cequ’il…?—Tu sais à quoi ressemble l’ensemble de cemotif ? dit-il, plus pour lui-même que pour elle. Tu

n’avaisjamaisesquissélapartieinférieureavant.Tusais,toutledessinparfaitement.Les mains de Gabriel tracèrent les lignes du bas du symbole jusqu’à ce qu’elles tombent sous sa

hanche,bienendessousdesonnombril.Sicen’avaitpasétésimaladroit,Scarletauraitététotalementtransforméeàsoncontact.Maisc’étaitmaladroit.Etdoncellen’enfutpastransformée.Gabriellâchasonpantalonetarrêtadecaressersapeausensible.Ils’accroupitetregardalelit.—Quesepasse-t-il?Scarletdevenaitfrustrée.—Quelestleproblèmeaveccesymbole?Gabrielsecoualatête,regardanttoujourslelit.—Gabriel!Scarletfitclaquersesmainssurlesdrapsdouxenfacedelui.—Dis-moicequeçareprésente.Ilhésitaetlevalesyeux.Savoixétaitdouce.—Cen’estrien.Ilsetutuninstant.Sesyeuxbrunsexprimaientdouleuretconfusion.—Cen’estrien.Ilseprécipitahorsdulit.—Où…oùvas-tu?demandaScarletensetenantdroite.—Je…jedoisfairequelquechose.Ettuasbesoinderepos.Alors…,repose-toi.Nousparleronsdans

lamatinée.Gabrielquittalachambreetfermalaportederrièrelui.Scarlets’assitetregardalaportefermée,parcourueparunsentimentdeculpabilité.Avait-ellefaitquelquechosedemal?Aprèsquelquesminutesdepenséesirritantes,Scarletdécidadelaissertomber.SiGabrielnevoulait

pasluidirecequesignifiait lesymbole,alorselledemanderaitàquelqu’und’autre,commeTristanouNate,danslamatinée.Elles’étenditdenouveausurlesoreillers,lecœurtriste.C’enétaitfinidelanuittorrideavecGabriel.

60

Tristansetenaitdevantl’unedesesétagèresausous-solàchercherquelquechosequ’iln’avaitpasdéjàluunmillierdefois.Ilavaitvraimentbesoindenouveauxlivres.—Qu’as-tufait?LavoixduredeGabrielarrivaderrièrelui.Tristanseretournapourtrouversonfrère,quilefusillaitduregard,lespoingsserrés.—Dequoiparles-tu?—Sais-tucequejeviensdevoir?Gabrielplissalesyeux.—JeviensdevoirunmotiftrèscomplexeetvraimentparfaitsurlahanchedeScarlet.Tristanneditrien.Ilsavaitquecelaarriverait.PourquoiScarletavait-elledessinésursoncorps?Gabrielhaussalesépaules.—Vas-tumedirecequiestarrivépendantmonabsence?—Rienn’estarrivépendanttonabsence,jetelejure.Jenel’aipastouchée.«Dumoins,pasintentionnellement.»Dumoins,jevoulais…»—Alors,commentexpliques-tuledessin?Tristansoupira.—Ellel’avuavant,Gabe.Nousl’avonstousvu.Ilhaussalesépaules,espérantqueGabriellaisseraittomber.Iln’enfitrien.Gabrielhochalatête,levisagecrispé.—Ouais,maiselleavulafindudessin.Unepartiequejen’aijamaisvue.Unepartiequeseulsles

éluspeuventvoir.Tristaninspiraprofondémentetrestasilencieux.—Quoi?Aucuncommentaire?Tuneniespas?LesyeuxdeGabrielétaientfousderage,cequeTristann’avaitpasvudepuisdesannées.C’étaitplutôtchouette.EndehorsdufaitquesarageétaitdirigéecontreTristan.Tristangardaunevoixneutre.—Tun’asrienàcraindre.Gabriel serra les poings tandis qu’il approchait, et pendant un instant, Tristan crut qu’il allait le

frapper.

—Resteloind’elle.Tristanplissalesyeuxenretour.—C’estcequej’aiessayédefaire.Tutesouviens?Gabrielbaissalavoix.—Siellemeurtpartafaute…Ilfitunpasdeplus,lesyeuxrivéssurTristan.—…Jetehaïraipourtoujours.Ilsseregardèrentpendantunmoment, la tensionremplissant lapièce,avantqueGabrielse tourneet

quittelesous-sol.Cen’étaitqu’unequestiondetempsavantqueScarletsesouviennedecequesignifiaitledessin.Ildevaitmourir.

61

Lelendemain,l’interactiondeScarletavecGabrielfut,aumieux,tendue.Ilétaitencoresecouéparsontatouagetemporaire,maisilrefusad’enparler.Cequilacontrariait.Ce n’était pas juste pour lui de lui cacher des informations. Elle ne savait pas ce que signifiait le

symbole.Elleétaitamnésique,bonsang!Elleméritaitdesréponses.Maisaucunenevenait.EtelleétaittropnerveusepourinterrogerNateouTristanàcesujet.Gabrieletellepassèrentlamajoritédelajournéeàparlerdetrouverlafontaine,maisGabrielentrait

rarementencontactvisuelavecelle.Cequilafaisaitsesentirbizarre.Commes’ilprévoyaitderompreavecelle.Lesheurespassèrent lentement etmaladroitement, et tout cequeScarlet voulait faire, c’était rentrer

chezelle.En conséquence, lorsqueHeather, paniquée, semit à envoyer des textos àGabriel parce qu’elle ne

pouvaitpasrejoindrele téléphonecellulairedeScarlet—«Mercibeaucoup,Tristan.»—,Scarletfitl’impossiblepouravoirsontéléphone.LesvacancesdeHeatheravaientétéécourtées,cequiétaitunedéceptionpourelle,maisuneexcellente

nouvellepourScarlet.ParcequeScarletnevoulaitpasresteruneminutedeplusdansunchaletavecsonpetitamiencolère,

sonfrèredemauvaisehumeuretunmordudejeuxvidéoquivenaitdepasserdeuxheuresà«vaincreledragondefer».Elle utilisa le retour anticipé de Heather comme une chance de proposer un nouveau plan pour «

protégerScarlet»:HeatherresteraitchezScarletavecelle,etlesgarçonspourraientmonterlagardelanuitàtourderôle.Problèmerésolu.Biensûr,toutlemondepiquaunecolèreendisantqueScarletétait«endanger»,ettouslesgarçons

essayèrentdelaconvaincrederester.Maisellefinitpargagner.LorsqueGabriellaramenachezelle,elleeutl’impressionqu’ilétaitpresquesoulagédelafairesortir

duchalet.Cequinefitrienpourcalmersesidéesnoires.EllecroyaitencorequeGabrielallaitlalaissertomber.ScarletessayadesaisircommentellesesentiraitàlapossibilitédeperdreGabriel.Ilétaitentrédans

savieetluiavaitdonnébien-êtreetnormalité.Illafaisaitrire.Illafaisaitsesentirensécurité.Illafaisaitsesentiraimée.Ellenevoulaitpasleperdre.

Aprèss’êtreassuréquesamaisonétaitsûre,GabrielembrassaScarletmaladroitementpourluidireaurevoiretavecmoinsdepassionqu’unoiseauquiembrasseraitunpoisson.Puisilpartitpourcommencersarondedenuit.Lesgarçonsnesesentaientpasàl’aiseavecScarletetHeatherseulesdanslamaison,alorsilsallaient

monterlagardeàtourderôle.Ilétaitunpeuétrangedepenserqu’ungarçonlasurveilleraitchaquenuitpendantqu’elledormait,maisc’étaitmieuxquedesesentirpriseaupiègedanslechaletdesArcher.SurtoutquandellenecomprenaitpaspourquoiGabrielétaitsimalheureuxavecelle.LecœurdeScarlettremblacommeelleleregardaits’éloignerdechezelleetseposterenfacedansla

rue.«Ondiraitqu’iln’estmêmepasavecmoi.»Dixminutesplustard,Heatherétaitàsaporte,avecsesvalises,prêteàresterpourlafindesvacances

d’automne.ScarletlaissaentrerHeatheretl’écoutatandisqu’elleseplaignait.—Puis-jetedirequelesouragans,çacraint?Mesvacancesontététotalementruinées!Etdireque

j’ai dépensé deux mois de salaire dans une tenue de plage que je ne serai pas en mesure de portermaintenant.Sauf,biensûr,sijeveuxdesengelures.Jesuistellementheureusequetuaiessuggérécetteescapadecheztoi.JevaispouvoirpasserunpeudetempsavecmaScarlet.Heathersetutalorsqu’elleregardaitsonamiedehautenbas.«Etc’estparti!»—MonDieu!Portes-tucepyjamadepuis…,dit-elleenreniflantlapoitrinedeScarlet,troisjours?

Ai-jebesoindet’acheterdenouveauxvêtementsdenuit?Scarletrit.ElleritsincèrementtoutenserrantvigoureusementHeatherdanssesbras.L’obsession de Heather pour la mode était agaçante, mais c’était hilarant par rapport à la mort

imminentedeScarlet.—Heather,jet’aime.Jet’aiditàquelpointtuessuperrécemment?Tuessuper.Ehoui,jeportece

pyjamadepuistroplongtemps.Quedirais-tusijemechangeaispendantquetudéfaistesvalises?—Fantastique,ditHeather,qui s’écartadeScarlet avecun sourire.Maintenant, arrêtedeme serrer

avec tonpyjamadégoûtantpourqu’onpuissecommencer la fête.Jevaismettremonmaillotdebainetmonterlechauffage.Scarlethaussaunsourcil.—Quoi?demandaHeather,quifeignaitl’innocence.Sijenepeuxpasportermonnouveaubikiniàla

plage,alorscrois-moi,jevaisleportercheztoi.Scarletouvritlabouche,maisdécidadenepasargumenter.Parcequel’idéesemblaitdrôle.Etliéeàaucunemalédiction.—Peut-êtrequejevaismettremonmaillotdebainaussi,dit-elleenhaussantlesépaules.—Génial!

Dixminutesplustard,lesfillesétaientassisessurleplancherdechambredeScarletàpasserenrevueunepilegéantedechaussettesorphelinespourfairedespaires.Toutenportantdesbikinis.HeatheraimaitorganiserlesvêtementsdeScarlet.Etleschaussures.Etlesbijoux.C’étaitbizarre.—Alors,qu’as-tufaitpendantmonabsence?Est-cequetonamoureuxettoivousêtesenfuisensemble

ouquelquechosedugenre?Jesaisqu’ilest,disons,adeptedumariage.Heatherfouilladansletasdechaussettes.—Euhnon.«Pasdutout.»—Gabrielestpartiunegrandepartiedelafindesemaine,alorsjesuisrestéeauchaletavecTristan.Heatherhaussalessourcils.—Excitant!Scarletsecoualatêtetoutenassortissantuneautrepairedechaussettes.—Pasvraiment.C’estungoujat,etildétestequandjesuisdanslecoin.—Ha!Cegarçonnedétestepasdutoutquandtuesdanslecoin.Ilnedétesteriendetoi.—Ehbien,ilmetraitecommesij’étaislapeste.Heatherpouffa.—Lapestesupersexyquisortavecsonfrère,peut-être.—Ouais,c’estça.—Je suis sérieuse,Scarlet.Tristancraque sur toi.Etd’aprèsmoi, il craquebeaucoup.As-tuvu la

façondontilt’aregardéequandonétaitdevantlecafélasemainedernière?—Euh,non.Jetentedenepasétablirdecontactvisuelaveclui.Heathersecoualatête.—Ehbien,ilteregardedelafaçondontjeregardedesjeansdestyliste,avecdelabavequicoulesur

monmenton.—Peuimporte.—Non,sérieusement.EtquandGabrielacommencéàt’embrasser,Tristanacommepétéunplomb.Je

l’aivusursonvisage.Jeveuxdire,çan’aduréque,genre,uneseconde,maisjel’aivraimentvu.Ilnepeut pas supporter de vous regarder tous les deux. Ce n’est pas le comportement d’un garçon qui net’aimepas,Scarlet.C’estlecomportementd’ungarçonquicraquecomplètementpourtoi.HeatherregardaScarletetsefigea.—Holà!Scarletlaregardaàsontour,pétrifiée.—Quoi?Qu’est-cequinevapas?—Tesyeux.Heatherabandonnaleschaussettesdanssamainetsepenchaenavant.

—Tesyeuxontl’air…fous.Est-cequeçava?Scarlet se relevaet seprécipitavers lemiroirdesachambre.En regardant son reflet, sesmains se

mirentàtrembler.Sesyeuxcommençaientàbriller.Bleuélectriqueetlumineux,ilsregardaientversellesanspitié.«Ohnon.Non,non,non.»HeatherarrivaàcôtédeScarletetregardadanslemiroiravecelle.—Scarlet…Est-cenormal?Es-tu…malade?«Oui,jesuistrèsmalade.Jemeurs.»Scarletcommençaàsecouerlatête,auborddelapanique,quandtoutàcoupsesyeuxretrouvèrentleur

nuancenormaledebleu.Scarletclignadesyeux.Heatherclignadesyeux.Etlesilencetombaentreellestandisqu’ellescontinuaientàregarderdanslemiroir.—MonDieu!ditHeather,quiprituneprofondeinspiration.C’étaiteffrayant.Incapabledetrouveruneexplicationpoursesyeux,Scarletmentit.—Jesupposequec’estdûàmesnouvellesgouttespourlesyeux.«Jesuisunehorribleamie.»—Desgouttespourlesyeux?ditHeather,quiregardaattentivementScarlet.—Ouais,j’enaiessayédenouvellesetjesupposequ’ellesontdeseffetssecondaires…étranges.«Ouah,jesuisvraimentunebêtedumensonge!»Heatherréfléchit.Scarletétaitsûrequesonamiepouvaitsentirlemensongesurseslèvres,maissitel

étaitlecas,ellelaissatomber.—Ehbien,peut-êtrequetudevraisresterloindecesgouttesàl’avenir.C’étaitbizarre.Heathersecoualatêteetserassit.Scarletpinçaseslèvres.Ellesedétestait.—Ouais.Elleserassitetcontinuaàassortirleschaussettes,espérantqueHeatherneremarquaitpassesmains

quitremblaient.

62

Heather venait de partir pour aller chercher un café auMillhouse quandScarlet entendit frapper à saporte.Enregardantparlejudas,ellevitNate.Elleouvritlaporte.—Salut!—Bonjour,dit-il.Ellel’invitaàentreretfermalaportederrièrelui.Elleluidemandapoliment:—Puis-jet’offrirquelquechose?Del’eau?Dujusdefruits?—Aurais-tudesLuckyCharms?Scarletentrouvritleslèvres.—Euh…,peut-être.Veux-tuvraimentdesLuckyCharms?—Situenas.Scarletsouritetleconduisitdanslacuisinepourluipréparerunboldecéréalescommes’ilavaitàpeu

prèsquatreans.—Alors,quoideneuf?demandaScarletenversantlesLuckyCharmsdansunbol.—Je suis ici aunomdeTristan.Parceque c’est ce que je fais. Je parcours la ville en faisant des

chosespourlesfrèresArcher.Jesuiscommeunassistantdedirectionsous-payé.Saufqu’ilsnemepaientpasdutout,alors,oui,jesuispluscommeundomestique.Ilsouritettenditunepetiteboîte.—Tristanvoulaitquejet’apporteça.Scarlets’emparadulaitdanslefrigo,enversaunpeudanslebol,remitunecuillèreàNateetluiprit

laboîtedesmains.Ellel’ouvritettrouvaunnouveautéléphonecellulaire.—Ilvoulaitquejetedisequ’il«neregrettepasd’avoirlancétontéléphone»,maisqu’ilest«désolé

qu’illuiaitfallusilongtempspourt’entrouverunnouveau».Natefitlesignedeguillemetsdanslesairs,puispritunegrossebouchéedecéréales.ScarletétaitsurprisequeTristansesoitsouvenuderemplacersontéléphone.—Ehbien,mercidemel’avoirapporté.Ilhochalatête.—Alors,commentt’ensors-tuavectoutecetteaffairedemalédiction?—Oh,tuveuxparlerdemamort?Çavatrèsbien.Ilacquiesça.—Non,jeveuxparlerdelavraiemalédiction.LamalédictiondeGabriel.—Attends,quoi?Gabrielestmaudit?Natearrêtademâcher.

—Ilnet’apasparlédesamalédiction?—Ilm’aditquelaflècheétaitmaudite.Paslui.Jepensaisquec’étaitmoiquiétaismaudite.Scarletcomprittoutàcoup.—Donc,tunesaisrienàproposdesamalédictiond’amour?Scarletfutbouchebée.—Samalédictiond’amour?Euh,non.Quediable…?Nateterminalentementsabouchée,commes’ilpensaitàquelquechosedeplus,etavala.—Lefaitque tune tesouviennespasdupasséestétrangepournous tous.Jeveuxdire,nousavons

vécucelaplusieursfoisettut’enrappelaistoujours.Toujours.JepariequeGabrielnet’enapasparléparcequ’ilnesavaitpascomment.Elledevenaitimpatiente.—Quelleestlamalédictiondel’amour?Natepinçaseslèvres.—Lamalédictionsurlaflèchequit’atuéeétaitdirigéecontreGabriel,pastoi.Ta«malédiction»est

justeuneffetsecondaire.Gabrielaétémaudit,maisTristanettoi,vousêtesretrouvéscommeliésdanstoutecettepagaillequandTristanestintervenupourteprotégeravecsoncorps.—D’accord.Donc,jenesuispasvraimentmaudite,jemesuisjustefaitpiéger.Génial.Quelleestla

malédictiond’amourdeGabriel?—LamalédictiondeGabriell’empêchedeconnaîtrel’amour…sanstoi.—Quoi?—Ouais.RavenamauditGabrielenl’empêchantdeconnaîtrel’amoursanstoi,etpuis,ellet’atuée—

dansunetentativedelefairevivresansamourpourlerestedesavie.Nateprituneautrebouchée.—Biensûr,Tristanacommeperturbé leplanquand il a sautédevant la flècheparceque, surprise,

Scarletrevientàlavie!Ilagitasesmainsenl’airavecunsourireexagéré.Scarletrestaperplexe.—Gabrielnepourrajamaisaimerque…moi?Nateagitasacuillèredanslesairs.—Ehbien,ilpeutfairedesrencontres,flirterettoutça,maislevéritableamour,oujesupposequ’on

pourraitdirel’amourvrai,luiestimpossible,àmoinsquecenesoitavectoi.Scarletsecoualatêteetfitunpasenarrière.—Maisc’est…c’estsiinjustepourGabriel.Nateprituneautrebouchéeetfarfouilladanssonbol.—Ehbien,c’estça,lesmalédictions.Ellessontrarementjustes.Ilfitungesteverslesguimauvesdanssonbol.

—Mespréféréessontlesvertes.Scarletréfléchitavantdesecouerlatête.—Ets’ilneveutpasm’aimer?Ets’ilveutêtreavecquelqu’und’autre?—Ilneveutquetoi.Tulerendsheureux,tusais?Scarletrestabouchebée.—Maisêtreheureuxnesuffitpas.Ilméritel’amour.—Oh,jepensevraimentqu’ilt’aime.—Maisa-t-illechoix?Scarlet n’arrivait pas à se faire à l’idée de lamalédiction de Gabriel. Il ne pouvait pas connaître

l’amoursanselle?ToutescesannéesoùScarletn’étaitpasvivantefurentdesannéesdedésespoirpourlui.C’étaitcruel.Pluscruelquetoutemalédictiondevaitl’être.Scarletsecouadenouveaulatête.—Ilaétésansamourtoutescesannées,etmaintenantjesuisenvie,etilalapossibilitéd’unamour

vrai,mais…cetamourest-ilbienréel?S’iln’apasd’autreoption,sessentimentspourmoisont-ils…honnêtes?Natesourit.—Bon,d’accord.Jecroisquetupensestropàlamalédiction,Scarlet.Cen’estpascommeça.Gabriel

étaitfoudetoimêmeavantd’avoirétémaudit.Touslesdeux,vousétiezfiancés,tutesouviens?—Maisçafaitcommecinqcentsans.Leschoseschangent.—Ha…Nateprituneautrebouchéedecéréales.—Onpourraitpenserqueleschoseschangent,maiscrois-moi.Quandils’agitdesfrèresArcheretde

leursamours,riennechange,jamais.Illevalesyeux,saisitsonregardetfermalabouche.Scarletpassaunemaindanssescheveux.—Toutçan’estqu’untelgâchis.Sesyeuxs’écarquillèrenttandisqu’elleleréalisait.—Sijemeursànouveau,est-cequeçaveutdirequeGabrielneserapluscapabled’aimerquelqu’un

pendantdesannées?Desdécenniespeut-être?—Euh,non.Ildevraattendrejusqu’àcequetureviennesàlavie.Encore.Scarlettournasesmainsversleciel,encolère.—Ettoutçaàcausedesonex-petiteamiejalouse?Commentunefillepeut-elleréussirà lancerun

sortaussiterrible?—Ehbien,c’étaitunefillepuissante.EtellenesavaitpasqueGabrielétaitimmorteletqu’ilserait

piégé sans amour pendant des siècles.Bien que si elle était en vie aujourd’hui, je suis sûr qu’elle serégaleraitdecettesituation.Scarletsemorditlalèvre.

—Maiscommentsefait-ilquelamalédictionn’aitpasétébriséequandjesuisrevenueàlaviepourlapremièrefois?Jeveuxdire,jen’étaisplusmorte.Lamalédictionauraitdûêtrelevée.—Cela aurait sans doute pu arriver, sauf queTristan s’estmis en travers. La flèchemaudite a été

recouverte du sang deTristan, alors en substance, lamalédiction a été scellée avec du sang immortelquandelleatranspercétoncœur.Etlesangimmortelnemeurtjamais…donclamalédictiondeGabrielnonplus.Scarlet se dirigea vers l’autre bout de la cuisine et s’adossa au comptoir.Une partie d’elle voulait

pleureràcausedelasolitudedeGabriel.L’autrepartievoulaitremonterletempsetétranglercetteRavenpouravoirétésimesquineetméchante.—Alors,Gabrieln’estjamaistombéamoureux?Natemâchauninstant.—Justedetoi.Scarletfermalesyeux,découragée.—Mais,hé!NousallonstrouverlaFontainedeJouvence,alorstoutirabien.LavoixdeNateétaitjoyeuse.Scarletsecoualatêteetouvritlesyeux.—Non,Nate.Toutn’irapasbien.LaFontainedeJouvencemegarderapeut-êtreenvie,maisellene

donnerapasàGabriellalibertéd’aimerquiilveut.Cequ’ilméritait.—Toutd’abord,Gabrielteveut,toi.Findeladiscussion.Ensuite,lafontainevatoutrégler.Elleva

complètementannulerlamalédictiondeGabriel.Scarletseragaillardit.—Comment?—Lamalédictionaétéscelléeavecdusangimmortel,non?Donc,toutcequenousavonsàfaire,c’est

faire disparaître le sang immortel de ton cœur et la malédiction sera défaite. La fontaine peut faireexactementça.—Ellepeutenleverlesangimmortelàl’intérieurdemoi?—Oui.ÀpartlamortdeTristan,c’estleseulmoyendetuerlesangàl’intérieurdetoi.Lafontaineest

cequinousadonné,àTristan,Gabrieletàmoi,lavieimmortelle,non?Alors,l’eaudelafontainepeutcontrecarrertouslesélémentsimmortelsauxquelselleadonnévie.Çaveutdirequ’ellepeutneutraliserles effets immortels du sang de Tristan à l’intérieur de ton corps, en le faisant correspondre pourl’essentiel au tien.Le sangdeTristanmourraà l’intérieurde toi et lamalédiction sera levée, libérantGabrieldusortentepermettantdevivre,etlibérantTristandeseffetsdusort.—D’accord,ditScarlet,quisepermettaitunpetitpeud’espoir.Donc,sinoustrouvonslafontaine,je

nemourraipas,etGabrielseralibred’aimerquiilveut.Natehochalatête.—EtTristannesouffriraplus.

—Attends,quoi?Scarletsedécaladucomptoir.—PourquoiTristansouffre-t-il?Naterouladesyeuxetlaissatombersacuillèredansleboldecéréalespresquevide.—Net’ont-ilsriendit?Scarletpinçaseslèvres.—Apparemmentnon.QuelestleproblèmeavecTristan?Natesoupira.—Commesonsangestàl’intérieurdetoi,Tristann’estpascomplet.Soncorpsaconstammentsoifde

lapiècemanquantede lui-mêmequivitdans toncœur.Voilàcomment ilest liéà toi.Maisce lienestphysiquementdouloureuxpour lui.Quand il est loinde toi, ça lui faitmal.Plus ladistanceestgrandeentrevousdeux,plusladouleurestintensechezTristan.Scarletinspiraensilence.«Super,commeça,ilsouffreàcausedemoi!Pasétonnantqu’ilmedéteste.»—C’estpourçaqu’ilnepouvaitpasalleràNewYorkpourtetrouver?Parcequ’ilnepouvaitpasme

quitter?—Oui.Mêmes’ilvoulaitresterloindetoi,ladouleurfiniraitpardevenirtropintenseetilenviendrait

àtetraquerpourêtresuffisammentprocheetnepasdevenirfoudedouleur.—Maispourquoiveut-ilresterloindemoialors?—Parcequ’ilneveutpasquetumeures.Plusilestprèsdetoi,plustoncœurbatfortpourlui.Une

partiedetonsangappartientàsoncorps,etlapartiedeluiquivitàl’intérieurdetoitientabsolumentàleretrouver.Donc,toncœurbatfrénétiquementtandisquesonsangimmorteltentedes’extirperdetoncœuretderéintégrerlesien.Aufildutemps,toncœursedéchireendeux.LorsqueTristanestprèsdetoi,ceprocessuss’accélère.Enfait,saprésence…tetue.LavoixdeScarletétaitàpeineplusqu’unmurmure.—Ilempiremonétat?Natehochalatête.—Dansvosviesantérieures,çan’apasétéuntelproblème,maisdernièrement…,ilsemblequetous

lesdeux,vousêtes…plusliés.IlfitunepauseetregardaScarlet.Ellenepouvaitpasparler.Sapoitrineseserra,commetriste.Tristansouffraitquandilétaitloind’elle,maissoncœuràellesouffraitquandilétaitprèsd’elle?Un frère souffrait d’amour quand elle était morte. L’autre souffrait physiquement quand elle était

vivante.La.Pire.Malédiction.À.Jamais.—Oh,enpassant,ditNateensortantunpetitobjetbrillantdelapochedesonpantalon,j’aiquelque

chosepourtoi.J’allaisleposter,maiscommejesuisici…

IlselevadelatableetposalepetitbijoudanslamaindeScarlet.C’étaitunanneau,mais tropgrandpour tenirsurundoigt.Àunendroit ilyavaitun toutpetitmotif,

maisàpartcela,cen’étaitqu’unanneau.Scarletfixal’objetpendantuninstant.—Qu’est-cequec’est?—Jenesaispas,ditNateenfronçantlessourcils.Jepensaisquepeut-êtretut’ensouviendrais.Tume

l’asdonnédanstadernièrevieettum’asditdelegarderensécuritéjusqu’àcequetureviennes.Scarletsecoualatête,vraimentperplexe.—Maisjenet’aipasditcequec’était?—Non.Jetel’aidemandé,maistuasditquejeseraisplusensécuritésijenesavaisrien.Scarletgrimaça.—Plusensécurité?Noussommesendangerouquoi?—Pasquejesache.Mais,tusemblaiseffrayée.Maislàencore,tuétaisvraimentmalade,alorsj’aicru

quetuétaisinquiète,tusais,demourir.Scarletinspiraavecdifficulté.Ilétaitfoudepenserqu’elleavaitvécuplusieursviesàattendrelamort.

Mêmeàlapréparer.Maisilétaitencoreplusfoudepenserqu’ellepourraitvivreplusieursviesdeplusdelamêmefaçon.—Ehbien…,mercidemel’avoirredonné…Jesuppose.Scarlet,songeuse,regardal’anneaubrillant.Elleignoraittotalementdequoiils’agissait.—Pasdeproblème.Elleregardalegarçonimmortelenfaced’elleetessayad’imaginervivrependantcinqcentsans.Ça

semblaitexcitant,maisçafaisaitaussi…solitaire.Peut-êtremêmevide.Surtoutsionn’étaitpaslibred’aimerquionveut,ousiunmorceaudenotreâmeétaitprisaupiège

dansunefillequiseréincarnait.Lamalédictionavaitruinédesviespendantundemi-millénaire.—Nate.Scarletleregardafixement.—Cettemalédictiondoitcesser.Jemefichedecequenousdevonsfaire,maisnousdevonstrouver

cettefontaine.Ilsouritlargementetfitunclind’œil.—Ça,c’estlaScarletquejeconnaisetquej’aime.J’aimequandturéagis.—Jeneplaisantepas.Sesyeuxbrillaienttandisqu’elleleregardait.Sonsouriredisparut.—Bien.Détends-toi,jesaisquetuneplaisantespas.Ilfitunpasenavantettenditlesmainsverssonvisage.Réalisantquesesyeuxdevaientbriller,ScarletdéplaçasatêteloindesmainsdeNate.

—Jevaisbien.—Non,tunevaspasbien.Laisse-moivoirtesyeux.Ilserapprochad’elleetrelevasonmentonafindepouvoirregarderdirectementsesiris.—Scarlet.Tonétatempire.—Jelesais,dit-ellesèchement.—Non.Tunecomprendspas.Habituellement,tesyeuxnedeviennentsilumineuxqu’àlatoutefin.À

quellefréquenceest-cequeçaarrive?—Jenesaispas.Unefoisparjour,peut-être?—Est-cequetonnezadéjàcommencéàsaigner?—Quoi?—Tonnez.Tun’aseuaucunsaignementdenez?Scarletsecoualatête.—Non.Monnezvabien.Jevaisbien.Illaregardaavecuneréelleinquiétude.—Jenesaispaspourquoitonétatprogressesivitecettefois.Quelquechosenevapas.Quelquechose

est…différent.Scarletécartabrusquementsamainetrecula.—Bon,ehbien,nousnepouvonspasarrangertoutcequiestdifférentenmoi.Donc,nousdevonsnous

concentreruniquementsurlarecherchedelafontaine.Commeça,nousenfinironsavectoutça.Lentement,Natehochalatête,regardanttoujourssesyeux.—Bien.—NousdevonstrouverlaFontainedeJouvence,répétaScarlet.Aprèsunlongmoment,ildéglutitetluiadressaunfaiblesourire.—Alors,c’estcequenousferons.

63

Gabriels’assitàcôtédeNateàlatabledelacuisinepourleregarderdémonterlecapteurdecerveau.—Combiendetempspenses-tuquenousavons?LesyeuxdeNaterestèrentrivéssurl’objetnoir.—Quatresemaines.Peut-êtrecinq.LesyeuxdeScarletsontpluslumineuxqued’habitude,etjesuis

presque certain qu’ils s’illuminent plus qu’elle ne veut bien l’admettre. Son nez n’a pas commencé àsaigner,mais…elleestmalade.GabriellançaunregardnoiràTristan,quis’assitenfaced’eux.«C’estentièrementdesafaute.»TristancroisaleregarddeGabriel,maisilrestaimpassible.Ledessinqu’ilavaitvusurlecorpsdeScarletl’autrenuitl’avaitinquiété.Lefaitqu’elleconnaissece

motifimpliquaitqu’ill’avaitpeut-êtredéjàperdue—unepenséequiluinoual’estomacdechagrin.Ilnepouvaitpaslaperdre.Ilavaitpassédessièclesàl’aimer,àladésirer,àprendresoind’elle.Ettoutcelaauraitétéenvain.Cettepenséelemettaitpresqueautanthorsdeluiqu’elleluibrisaitlecœur.Nateôtalescristauxdubandeauetlesposasurlatable.—Ondevraitlesgarderdansunendroitsûr.Séparésducapteurdecerveau.Gabrielopina.—Devrait-onlescacher?—Non, juste lesmettre à un endroit facile d’accèsmais pas trop évident.Comme dans un plat de

bonbonsouunflacondepilules.—Unplatdebonbons?Nate,onneveutpasquequelqu’unlesmangeaccidentellement.Tristansoupira.—Jepeuxlesmettredansmonarmoireàpharmacietoutsimplement.Nateopina.—Ouais,bonneidée.Espéronsquel’intrusdeScarletn’apasd’autrescapteursdecerveau.Gabrielexpira.—Penses-tuqueletypes’enestprisàelleparcequ’ilsaitqu’ellevamourir?—Peut-être.NateregardaTristan.—Dequoitesouviens-tuàproposdecetype?Tristansecoualatête.—Pasdegrand-chose.Ilétaitgrand.Fort.Particulièrementfort.Maissesmusclesétaientétranges,et

ilsentaitune…drôled’odeur.Ilnesentaitpasmauvais,mais…fort.

—Commequoi?Natenelevapaslesyeuxducapteurdecerveau.Tristanhaussalesépaules.—Jenesaispas.—L’eaudeCologne?Legelpourlescheveux?Larose?—Jenesaispas,Nate.Cen’estpascommesijeluiavaisreniflélespoilsdutorse.J’étaistropoccupé

àessayerdel’éloignerdeScarlet.—Comments’est-ilenfui?demandaGabriel.—Ilm’abattu…Jel’aipoignardé,ditTristanensecouantlatête.Gabrielenfutbouchebée.—Tul’aspoignardé?Tristanhaussalesépaules.Onn’estpasauFarWest,Tristan.Ilyadeslois.Tunepeuxpasdécouper

lesgensquandçatechante.—Quandçamechante?Vraiment?ditTristanenroulantdesyeux.Ilm’apoignardélepremier.Etce

n’estpascommesijel’avaistué…bienquejel’auraisfait.Iladéboulél’escalier,s’estrelevéets’estenfuiparlaporte.Commesiuncouteaudansleventren’étaitriendeplusqu’uneégratignure.Natelevalesyeux.—Penses-tu…qu’ilestimmortelcommenous?demandaGabrielenfronçantlessourcils.Tristanyréfléchit.—Non.Peut-être.Jenesaispas.Ils’appuyasursonautrejambe.—Toutenluin’était…Jenesaispas.Toutsimplementpashumain.Gabrielsefrottalajoue.—Es-tuentraindedirequetucroisauxêtressurnaturelsmaintenant?Commelesloups-garous?Ou

est-cequeletypechezScarletétaitpluscommeunrobot?LevisagedeTristan,quiregardaitdurementsonjumeau,secrispa.—Jenesaispascequ’ilétait.Maisjenecroispasqu’ilétaithumain.Jenepeuxpasl’expliquer.Ses

yeuxétaient…étranges.Etilbougeait…bizarrement.Jenesaispas.NateregardaTristan.—Crois-tuqu’ilexisted’autresêtressurnaturels?Desêtrescommenousquisont…plusqu’humains?Tristansemblaitmalàl’aise.—Vousêtesentraindemefairesentircommeunidiot.Jenedispasquejecroisauxcroque-mitaines

oujenesaisquoi.Jedisjustequenousdevonsêtreprudents.Aucasoù.Gabrielfutsoudaintrèsinquiet.IlespéraitvraimentqueTristansetrompait.

64

TristanattenditqueGabrielquittelechaletpourfairesontourdegardenocturneavantd’allerretrouverNate.Illetrouvaàl’étagedanssagrotterécemmentrénovée.—Salut!TristansetintsurleseuiletattenditqueNatemettesonjeusurpause.—Quoideneuf?demandaNate,quiseretourna.—Nousdevonsparler.Tristanentradanslachambre.Naterouladesyeux.—Jedétestenos«discussions».Tristansoupira.—Crois-moi.Moiaussi.Ils’adossaaumur.—As-tuétéenmesuredetrouverdesarmespotentielles?—Non.Tristans’écartadumur.—J’ailesentimentquetun’aspasvraimentessayé,Nate.L’étatdeScarletempire.—J’ai communiquéavec tousceuxque je connais etquipourraient être enmesuredenousaider à

trouverlafontaine.J’aicréédessites,desblogues,despetitesannoncesetdesprimespourlalocaliser.Gabrielexaminechaquecarteanciennequ’ilpeut trouveret tuaspasséenrevuedevieux journauxdebordetrevues.Nousfaisonstoutcequenouspouvons,Tristan.LevisagedeTristansecrispa.—Pourtrouverlafontainepeut-être.Maispaspourm’aideràtrouverlabonnearme.—Jenevaispast’aideràtetuer.—Oh,allons.—Horsdequestion.Tristanmaugréa.—S’ilteplaît?—N’implorepas,monvieux.C’estnul.—Alors,quoi?Vas-tusimplementlalaissermourir?Encoreunefois?Savoixsebrisaetiltentaimmédiatementdesereprendre.Natesoupira.—Jenesaispastropquelleestlabonnechoseàfaire.—Labonnechose,c’estdeluisauverlavie.

—Auprixdelatienne?Houla!Jenepensepas.Gabrielmetuerait.EtpuisScarletmetuerait.Etilspourraientsimplementcontinueràmetuerinlassablementparcequejenemeursjamais.Sais-tucombiençaseraitnul?— Pense à ça, dit Tristan, qui fit un pas vers lui. Ce truc que tu viens de mentionner… mourir

inlassablement?VoilàcequeScarletafaitpendant…cinqcentsans.Lesilencetombaentreeux.—Tun’aspasàlefairepourmoi,soupiraTristan,mais…pourrais-tulefaire…pourelle?Natehésitaavantdesecouerlatête.—Jenepeuxpast’aideràtrouverunmoyendetetuer.Çasemble…mal.Tristanserralamâchoireetsepréparaàpartir.—Hé,ditNate.Tristanseretourna.—Gabrieladitquetusouffraispluscettefois?Quetunepouvaispasdormir?Tristanhaussalesépaules.—Çan’estpassigrave.Nateplissalesyeux.—Iln’yapasque toi.LamaladiedeScarletempireplusvitequeprévu.Qu’est-cequiachangé?

Qu’est-ilarrivédanssadernièrevie?Tristanessayad’avoirl’airinnocent.Raté!—Nejouepasavecmoi,monvieux.JesaiscommentfonctionnelamalédictionetjesaisqueScarlet

nedevraitpasêtreaussiliéeàtoiqu’ellel’estdevenuetoutd’uncoup.Ques’est-ilpassé?Tristanparcourutlapiècedesyeuxcommeilsoupirait.—Disonssimplementque…jenemesuispasbeaucoupexercéà…memaîtriserladernièrefois.Natehochalatête.—C’estpourçaqu’elleestmortesivite?—Jenesaispas.Tristandéglutit.—Maisjecroisquec’estpourçaqu’elles’estenfuie.Ilsentitunvidedanssapoitrinetandisqu’ilpensaitàladernièrefoisoùScarletétaitmorte.Natesecoualatêteetfermalesyeux.—Tuesuneâmetourmentée,monvieux.—Alors,pourquoin’aides-tupascetteâmetourmentéeetpourquoinetrouves-tupasunmoyendeme

tuer?Nateleregardaavecunaird’excuse.—Non.Situveuxmourir,débrouille-toiseul.Sachantqu’ilneseraitpasenmesuredefairechangerNated’avis,Tristandécroisalesbras.

—Parfait.Ilquittalapièce,assailliparlessouvenirsquiprovoquaientenluiculpabilitéetchagrin.Tandisqu’ildescendaitl’escalier,sesmainssemirentàtrembler.

65

Gabriel bâilla alors qu’il regardait par son pare-brise vers la maison de Scarlet. Il n’était pas trèsheureux du plan de surveillance, mais Scarlet avait insisté pour rester dans sa propre maison avecHeather,mêmesicelaétaitstupideetqu’ellerisquaitdesefairetuer.Ilallumalaradioetparcourutleschaînestoutengardantlesyeuxrivéssurlaported’entréedeScarlet.

C’était la pleine lune.Elle étincelait sur la rue sombre et projetait des ombres douces contre la forêtdensejustederrièresamaison.C’étaitcalme.Etennuyeux.Bang!Bang!Bang!Gabrielsursautalorsquequelqu’unfrappaàlavitredesavoiture.Envoyantquifrappait,ilsoupiraetbaissasafenêtre.—Qu’estcequetufaislà?Tristanhochalatête.—Nousdevonschanger.—Cesoir,c’estmanuitdegarde.C’esttoiquiassurveillélanuitdernière.—Oui,ehbien,jenepeuxpasdormir.Alors,ilvautaussibienqueturetournesauchalettereposerun

peu.Jevaisresterici.—Tunepeuxpasdormir…dutout?Tristanneditrien.—Bonsang,c’estbizarre.Tudevraisêtrecapablededormir.Nousnevivonspassiloind’elle.—Jesais,Gabe.Jenesaispascequisepasse,maisjesaisqu’ilesthorsdequestionquejeretourne

auchaletcesoir.Alors,tupeuxresteravecmoitoutelasoiréeoutupeuxrentreràlamaisonetprofiterd’unsommeilréparateur.Gabrielrouladesyeux.—Unsommeilréparateur?Unvrai…—Chut!TristanmontralamaisondeScarlet,etGabrielfutimmédiatementassailliparlapanique.UnesilhouettemasculinequiarrivaitdelaforêtsedirigeaitverslamaisondeScarlet.—C’estletype?demandaGabrielenplissantlesyeuxdanslanuit.—Sansaucundoute.GabrielouvritdoucementlaportièreetsortitcommeTristans’éloignait.Lesjumeauxsecachèrentdans

l’ombreàproximitéetregardèrentl’intrusapprocherdelaported’entrée.Gabrielchuchota:—Allons-y!

Tristanhésita.—Non.—Non?—Non.Faisons-luipeur,etensuite,suivons-lejusqu’àl’endroitd’oùilestvenu.—Lesuivre?Es-tufou?Gabrielrevêtitunairincrédule.—Peut-être.Maisnousvoulonssavoircequ’ilcherche,non?Alors,suivons-le.—Etcomment,exactement,allons-nousluifairepeur?Tristanregardaautourdelui.—J’aiunplan.Il ramassauncaillouet l’envoyavolerdans lanuit. Ilatterritsur leporchedeScarletavecunbruit

sourd.Gabrielsemontradubitatif.—Lancerdescailloux?C’estçatonsuperplan?L’intruss’arrêtaetregardaautourdelui.Tristanjetaundeuxièmecaillouettouchacettefoisledosdel’étranger.Visiblementeffrayé,l’intrusquittasournoisementleporcheetrepartitverslaforêt.—Non,ditTristanenpartantdelazoneombragée.Monplanestdansmoncoffre.—Tuasunplandanslecoffre?Gabrielquitta sacachetteet sedirigeavers lavoiturenoiredeTristan touten regardant l’agresseur

atteindrelalisièredelaforêt.—Siondoitlesuivre,ilfautyallermaintenant.Ilsesauve.Tristanregardal’étrangeravecdésinvolture.—Non,pasdutout.Cebouquetd’arbresestpratiquementuneimpasse.Soit ilhabitequelquepartà

proximité,soitilvitdansunetente.Onvalesuivre.—Onvalesuivre?Avecquoi,notreflair?—Nesoispasridicule!Onvasuivresestraces.Gabriel,furieuxquel’étrangers’éloigne,secoualatête.—Génial!Onluilancedescaillouxdessus,etensuite,onjoueàSherlockHolmesdanslesbois.—Ilnevapass’enaller.Jesaisquetun’aspaseuàtuerpourtenourrirdepuisunsièclemaintenant,

mais tu es un chasseur, Gabriel. Nous en sommes tous les deux.Nous pouvons le faire. Rappelle-toiquandonlefaisaitpoursurvivre?—Tuveuxdireavantlamédecinemoderneetlepapierdetoilette?Ouais, j’essaiedenepasm’en

rappeler,justement.Tristanrouladesyeux.—Ehbien,alors,jesuisunchasseur.EtjevaistraquerlevisiteurdeScarlet.Es-tuavecmoi?Gabrielsoupira.

—Entendu.Tristanvoulaitdireaffronter,paschasser…Hein?Ilouvritlecoffre.Gabrielbaissalesyeux.—Sérieusement,Tristan?Tuconduisavecuncoffrepleind’armes?—Biensûr.—Pourquoi?—Parcequejesuisleméchantdelafamille.Gabrielsefrottalajoueetmurmura:—Commentpouvons-nousêtreparents?— Oh, s’il te plaît ! N’agis pas comme si tu étais fâché que j’aie justement une voiture pleine

d’artilleriequandonenabesoin.Prendsunearme.—Quoi?—Tupourrais avoirbesoind’unearmeaucasoù l’agresseurdeScarlet essaiede tepoignarder. Il

avaitlecouteaufacileladernièrefoisquejel’airencontré.Gabrielpassaenrevuel’artillerie.Desarcs…despoignards…deshaches…—Pourquoias-tuautantd’armes?Tristanhaussalesépaules.—Onnesaitjamaisquandonpeutavoirbesoinderenforts—Quefais-tudanstestempslibresquinécessitentdesrenforts?Tristanfitunrictus.—Jetue.Allez,choisisunearmeetonyva.—Calme-toi,Cœurvaillant.Gabrielfouilladanslesarmes.—Jevaisessayerdetrouverquelquechosedepastoutàfaitaussifatalque…Unefaux?Vraiment?Gabrielpritl’immenselameendemi-luneetregardaTristan.—Quies-tu,laFaucheuse?—Oui,Gabriel.JesuislaFaucheuse.Tum’aseu.Jemepromènedansunevoiturepleined’armespour

collecterlesâmes.Gabrielsecoualatêtetandisqu’ilsedécidaitfinalementpourl’undesarcsàpoulies.Tristanpritl’autrearc.—Qu’est-cequinevapas?Tuaspeurdeteservirdelafaux?—Lafauxaencoredusangsurelle,etj’aimequemonarmesoitpropre.—Commetuveux.Gabriel fouilla denouveaudans le coffre à la recherchede flèches factices—des flèches conçues

pourblesser,maispaspourtuer.—Toutescesflèchessontpointues…etontdestracesdesang.

—Oui,ehbien,j’ailaissémesflèchesdebarbeàpapaàlamaisonàcôtédemonoursenpeluche.GabrielsetournaversTristan.—Onnevapastuercetype-là.—Onpourrait.—Tristan,c’estunhomicide.—C’estdelalégitimedéfense.—Cen’estpasdelalégitimedéfense.Ilnes’enestpasprisàtoi.—Maisils’enestprisàScarlet.Ettechniquement,Scarletestunepartiedemoi.Doncvoilà.C’estde

l’autodéfense.Tuviensavecmoioupas?—Jeneveuxpasletuer.Jeveuxjusteluifairemal.Oulecapturer.—Oupeut-êtrequetupourraisluifaireungroscâlin.Tristanpartitendirectiondubois.—Tupeuxresterlàetnettoyerlesarmesoufairecequetuveux,maismoi,jeparsm’occuperdenotre

intrus.Gabriel prit les seules flèches propres qu’il put trouver et maugréa tandis qu’il fermait le coffre.

Tristanétaitfou.Lesgarçonspénétrèrentdanslazoneboisée,etTristansemitàchercherdestraces.Sérieusement.LevisagedeGabrielsecrispa.—Tristan,ilfaitnuit.Tunevasrientrouver.Ilsoupiradefrustration.—Jesavaisqu’onauraitdûs’attaqueràluiquandilétaitdevantsaporte.Tristanneditrienets’accroupitàterre.Gabrielregardasonfrère.Ilyavaitbienlongtemps,ilschassaientensemblepourdelanourriture,pour

lasurvieetpourlaliberté.Avalon,enGéorgie,nemanquaitd’aucunedeceschoses.Gabriels’appuyasurl’autrejambe.Ilsesentaitcommeunimbécilelà,danslesbois,avecunarc.—Bingo!s’exclamaTristanenmontrantdestracesprofondesdanslaboue.Gabrielfutbouchebée.—Jenepeuxpascroirequetuasréellementfaitça.Tristanplissalesyeux.—Peut-êtrequesitun’étaispassisoucieuxdetonapparence,tupourraislefaireaussi.Gabrielsemoqua:—Lefaitquejeneveuillepastraquerlesfousdanslesboisparunenuitdepleineluneneveutpas

direquejesuissoucieuxdemonapparence.Çaveutdirequejesuisnormal.—Peuimporte,murmuraTristan.

Ils se faufilèrent discrètement dans les grands arbres, guidés uniquement par le clair de lune et lesempreintesboueusesdechaussures.Ilsmarchèrentpendantquelquesminutesensilencejusqu’àcequ’ilsarriventàuneclairièreetqu’ilsrepèrentunesilhouettesombrequis’élançaitentrelesarbres.TristanetGabrieléchangèrentunregard,etGabrielpassainstinctivementenmodechasse.Ilbandason

arc à poulies et se glissa lentement vers la droite, tandis que Tristan se faufilait dans la directionopposée.Le bruissement des feuilles et le hululement d’une chouette rompirent le silence comme Gabriel

regardaitautourdelui.Entendantunbruitàsagauche,Gabrielseretournaavecsonarcenposition,prêtàtirer.Maisseulementpoursedéfendre.Iln’avaitaucuneintentiondetuerquelqu’un.Prendreuneviehumainen’étaitpasuneminceaffaire,etGabrieln’étaitpasunmeurtrier.Soncorpsfuttraverséparunedouleuraiguë.Gabrielpoussaungrognementetbaissalesyeux.Unlong

poignardsortaitducôtédroitdesapoitrine,etlesangcommençaitàsuinteràtraverssachemise.Quelqu’unluiavaitlancéuncouteau.«Etmerde!»Grimaçant de douleur,Gabriel abaissa son arc et retira la lame de sa poitrine. Il la glissa dans sa

ceinture. Il scruta l’obscurité à la recherche de son attaquant et remit son arc en position avec unenouvelledétermination.Peut-êtres’était-ilunpeutropprécipitédanssadécisiondenepastuerquelqu’uncesoir.Commesablessurecommençaitàguérir,Gabrielobservalaprofondeobscurité.Soudain,l’intrusdeScarletapparutàseulementquelquesmètresdelui.Ilvenaitàsarencontre.Ille

chargeaitpresque.Gabriel visa attentivement et tira deux flèches, l’une dans la cuisse de l’individu, l’autre dans son

côté…,maisaucuneneralentitsonadversaire.Gabrieln’étaitpasprêtàletuer…,dumoins,pasencore.Aprèstout,Gabrielétaitimmortel.Cen’étaitpasexactementuncombatloyal.Maisl’étrangercontinuaitàcharger.Etdanssamainsetrouvaitunautrecouteau.L’intrusseprécipita,etaumomentoùGabrielfutsurlepointdelanceruneautreflèchedanslecorps

desonagresseur,ilentenditunclac.L’étrangertombamortaupieddeGabriel.Unelongueflèchemortelleressortaitdesondos.GabriellevalesyeuxducorpsetvitTristanavecsonarcencorebandé.—Tristan.LesyeuxdeGabrielseremplirentd’horreur.—Tul’astué.Tristanabaissasonarc.—Jesais.

—C’estunepersonne,Tristan.Onn’estpasdansl’Angleterremédiévaleoùtudevaisprotégertonpainetteschèvres.Tunepeuxpastoutsimplementtirersurdesgensetlestuer.—Jelepeuxs’ilsseglissentdanslachambredeScarletetessaientdetuermonfrère.Gabriellaissatombersonbras,l’arcpendantlelongdesoncorps.Ilsecoualatête.— Qu’allons-nous faire maintenant ? Tu viens de commettre un meurtre, et maintenant, il y a un

cadavre…LecadavreaupieddeGabrielcommençaàs’effriter.Lesjumeauxregardèrent,incrédules,lapeauetlesosdel’intrusperdrepeuàpeudeleurcouleuretse

transformerencendres.Unerafalesoufflaà travers lesarbresobscurs,et lescendress’éloignèrenten tourbillonnantdans la

nuit,nelaissantderrièreellesquelesvêtementsdel’étrangeretlestroisflèchesquesoncorpsnetenaitplus.Gabrielclignadesyeux.—Quevient-ildesepasser?Tristansecoualentementlatête.—Jen’enaiaucuneidée.Les frères marchèrent lentement en cercle. La cendre avait presque complètement disparu. C’était

commesiaucuncadavren’avaitjamaisétélà.—Ils’estjuste…ils’estjustedésintégré.Tristanhochalatête.—N’as-tujamaisvuquelquechosecommeçaavant?—Non.Tristancessademarcherets’accroupitàl’endroitoùreposaientlesvêtementsdel’étranger.—Jet’aiditqu’iln’étaitpashumain.Gabrielhaussalessourcils.—Jesupposequenon.—Ehbien…Tristansereleva.—Problèmerésolu.Pasdecorps,pasdecrime.Donc,tun’aspasàt’inquiéterd’allerenprison.Gabrielsecoualatête.—Iln’étaitpashumain.Qu’est-cequeçaveutdire?Tristanexpiralentement.—Çaveutdirequenotrepetitmondedefousdevientjusteplusflippant.Tristandonnauncoupdepieddanslesvêtementssurlesoljusqu’àcequesachaussureheurtequelque

chosedenoir.Uncapteurdecerveau.Tristanjuraetpassaunemaindanssescheveux.

Gabrielregardalecapteurdecerveau.—Ilenavaitunautre?Oùlesprend-il?Tristansecoualatête.—Quedevrait-onfairemaintenant?demandaGabriel,perplexe.—Jenesaispas…Peut-êtredevrait-onrapportercecapteurdecerveauàNateetlaisserlesvêtements

commeilssont.Peut-êtrepourrait-onreveniricidanslamatinée.Gabrielhochala têteet ramassa lecapteurdecerveau,puis lesfrèresrepartirentrapidementà leurs

voitures.Gabrielmitlemoteurenmarcheetcommençaàs’éloignerquandilremarquaqueTristannepartaitpas.—Quefais-tu?IlfautrentrercheznousetparleràNate.Maintenant.—JeneveuxpasencorelaisserScarlet.Gabrielfronçalessourcils.—Penses-tuqu’elleestencoreendangermêmesituastuécetype?—Jenesaispas.Maisdetoutefaçon,jeneseraipascapablededormircettenuit.Donc,vas-y.Jevais

restericietnousrésoudronscettehistoiredanslamatinée.Gabrielenvisageade resteravecTristan,mais il était trop impatientd’entendrecequeNateavait à

diresurlenon-humainquiseréduisaitencendres.

66

Lelendemainmatin,TristanetGabrielconduisirentNateàl’endroitoùl’intrusétaitmort.Tristanapportaunlongpoignard,justeaucasoù.Iln’allaitpasse faire tailladerdepartoutencoreunefoisparcequ’unecertainecréatureétaitmunie

d’uncouteaudeboucher.Laforêtétaitdéserteetdénuéedetouteréelleinformation,misàpartlesmorceauxdevêtementsrestés

entassurlesol.—Tupensesquec’étaitquoicetype?demandaGabrielàNate.—Jenesaispastrop.Nates’accroupitpourexaminerlesquelquescendresrestantes.Ilenrecueillitavecprécautionunpetit

échantillon,puislevalesyeuxversTristan.—As-tuvérifiélescrocs?Tristanclignadesyeux.—Vérifierlescrocs?Non,jenel’aipasretournépourmettremesdoigtsdanssabouche.Cen’était

pasunvampire,Nate.—Ehbien,onnesaitjamais.—Lesvampiresn’existentpas.—Nilesêtresimmortels,ajoutaNateavantdesourire.Tristanrouladesyeux.—Donc,ils’estjuste…évaporé?—Non,ils’estdésintégré.Commes’ilétaitfaitdecendres,ditGabriel.Tristansecoualatête.— Ce gars-là n’estpas fait de cendres. Je me suis battu avec lui l’autre nuit, et il n’a eu aucun

problèmeàmetaperdessusetàmetaillader.Iln’estcertainementpasencendres.Nateréfléchituninstant.—Ehbien,jesupposequ’ilétaitpeut-êtrecommenous…maisplusvulnérable.C’estpeut-êtrecequi

sepassequandunepersonneimmortellemeurt.Peut-êtrequenousnoustransformonsencendres.Etpeut-être qu’il en cherchait d’autres comme lui. Ça expliquerait certainement pourquoi il s’en est pris àScarlet.— Il n’était pas immortel, dit Tristan. Ma flèche n’aurait pas été en mesure de le tuer s’il était

immortel.Croyez-moi.NateadressaunregardacerbeàTristan.—Oùcrois-tuqu’ilaeulescapteursdecerveau?demandaGabriel.Nateseredressa.

—Jenesaispas,maisilestétrangequ’ilenaiteuplusd’un.Avez-vousvuquelqu’und’autreavecluilanuitdernière?D’autres…étrangers?Lesdeuxfrèressecouèrentlatête.Gabrielsoupira.—Crois-tuqu’ilyaplusqu’untypequiveuts’enprendreàScarlet?Natefitunrictus.—Jenesaispas.J’aimeraiscroirequec’étaitunincidentisolé…,maisjenesaispas.Peut-êtrea-t-il

rencontréScarletdanssadernièrevieetqu’ilsavaittoutsurelle.Peut-êtrequ’elleluiadit.—Elleneferaitpasça.Natehaussalesépaules.—Onnesaitjamais.Scarletadessecrets,toutcommechacund’entrenous.Personneneditrienpendantuninstant.—Pourlemoment,ditNate,nousallonssimplementavoirunœilsurelleetfaireattentionàd’autres…

personnes-cendres.«Despersonnes-cendres?»Fantastique!»

67

Lessemainess’écoulèrentendouceur.L’automnes’étaittransforméenhiveretapportaitdesventsglacéset des nuits silencieuses. La soirée d’Halloween de Kristy s’était déroulée sans véritable drame, àl’exceptiondeHeather,quidutexpliqueràtoutlemondequelétaitsoncostume.—Jesuisunereinezombieégyptienne,avait-elleinlassablementrépété.Commesilesgensauraientpudeviner.Personnen’avaittentédepénétrerdanslamaisondeScarletdepuislanuitoùTristanetGabrielavaient

tuéletype-cendresbizarre.Cequiétaitunebonnenouvelle.Lefaitquecesgens-cendres,cesfous,existentetcourentdanslesboisderrièresamaisonétaitsuper

effrayant.Scarletfutsoulagéedeneplusavoiràs’inquiéterdel’intrus.Les garçons et elle avaient travaillé sans interruption à la recherche de la fontaine, et ses yeux

n’avaientpasbrillédepuissaconversationavecNatedanslacuisine.Toutallaitbien.Ehbien,toutàl’exceptiondelamortinévitabledeScarlet,—quiseprofilaitencoreàl’horizon.Scarlettentaderepousserlamortdesonespritautantquepossible.Aulieudecela,elleseconcentra

surlarecherchedelaFontainedeJouvence.Ellelutdeslivres,fitdesrecherchesenligneetparlaàtousceuxqu’elleputtrouverdesmythesetdeslégendes—toutceladansl’espoirqu’ilspourraienttrouver,etqu’ils trouveraient, la fontaine avant qu’elle succombe. Ce qui, selon Nate, pourrait arriver dans lesprochainessemaines.EtHeathern’enavaitpaslamoindreidée.IlétaitdifficilepourScarletdevivreunedoublevie.EllevoulaittellementtoutdireàHeather,mais

quelquechoselafaisaittoujourshésiter.Peut-êtrequec’étaitlapeur.Peut-êtrel’égoïsme.Scarletneparvenaittoujourspasàs’yrésoudre.Lauraavaitétébizarreàproposdel’obsessiondeScarletpourlaFontainedeJouvence,alorsScarlet

s’était résignéeàmenerses recherchesà labibliothèque.C’était làqu’elle se trouvait lematindubald’hiver.MalgrélarelationtendueentreGabrieletelledepuisl’incidentdusymbole,ilavaitinsistépourqu’ils

aillentaubalensemble.Parcequec’étaituneexcellentefaçondepasserleurtempslibrequandtoutcequ’ilsfaisaient,c’était

chercherlafontaine.Scarletnevoulaitpasyaller,maisellenevoulaitpasdécevoirGabrielnonplus.Ilsemblaitimpatient

d’alleraubaletellenevoulaitpaslelaissertomber.DepuisqueNate luiavaitparléde lamalédictiondeGabriel,Scarletessayaitd’êtreune trèsbonne

petiteamie.Elleavaitessayédeluitémoignerautantd’amourqu’ellelepouvait.MaisGabrielsemblait

encore…distant.Commes’ilneluifaisaitplusconfiance.Alors,elleallaitaubaldel’hiveravecungarçonsexyquin’avaitpasconfianceenelle,maisquiétait

probablementamoureuxd’elle,parcequ’iln’avaitpasd’autrechoix.Merveilleux.Scarletregardal’heure.Lauraétaitprobablementdéjàpartieenvoyaged’affaires.Elleseraitabsente

presquedixjourscettefois.Ondiraitquesesvoyagesd’affairesdevenaientdeplusenpluslongs…PauvreLaura.Avec Laura absente de la maison, cependant, Scarlet serait libre de poursuivre son enquête sur la

fontainechezelle.Elleregardadenouveaul’horloge.Elledevraitrentrerbientôt.Encorequelquesminutesàlabibliothèqueetpuisellerentreraitchezelle

pourfinirsalectureetcommenceràsepréparerpourlebal.Scarlet continua ses recherches jusqu’à cequ’elle tombe surunpassage en ligne sur laFontainede

Jouvence.Onydisaitqu’ellesetrouvaitdansuneforêtdegrandsarbresetpénombre.Scarletouvritsoncahierpourlamillionièmefois,dansl’espoirdetrouverquelquechosequ’elleavaitraté.Ellecommençaàlire,maisdevintaveuglequandunnouveausouvenirlafrappa.Elleavaituneflècheetelles’enfuyaitavecelle,essayantdesauver…quelqu’un.Ellecouraitsanss’arrêter…jusqu’àcequ’ellearriveàunemaison familière.Elleseprécipitaà

l’intérieuretregardapartoutàlarecherched’unecachette.Cedevaitêtreunebonnecachette…unecachettepermanente.Elleentradansunechambreetsedirigeaversunearmoirefamilière.Unegarde-robe.Elleenleva le tiroirdubas,puisun faux fondetposa la flèchecontre levieuxbois.Elleremit le

doublefonddessus,letiroiretrecula,lesoufflecourt.Laflècheétaitdangereuse—elleétaitmortelle.Elledevaitlagarderensécurité…Elledevaittoutgarderensécurité.Scarletclignadesyeuxpourrevenirauprésentetsesurpritàrespirerdifficilement,lesyeuxbrûlants.Elleavaitpeur.Vraimentpeur.Commesielleavaitcachélaflèchevoiciàpeinequelquessecondesplutôtqu’ilyadesannées.Scarletessayadesecontrôler,maiselleétaitperplexe.Qu’yavait-ildesidangereuxàproposdela

flèche?Toutàcoup,elleeutlesentimentquequelqu’uns’apprêtaitàmourir.Quelqu’und’autrequ’elle.Iln’yavaitqu’uneseulefaçondelesavoir.ElledevaitparleràGabriel.Scarletsortitsontéléphoneetl’appela.Pasderéponse.

ElleappelaNate.Pasderéponse.«Allez,lesgarçons!»Scarlettapotasurlebureaudelabibliothèqueenfaced’elle.Elleavaitbesoindeparleràquelqu’un

immédiatement.Quelqu’unétaitendanger.Ellepouvaitlesentir!EllerepritsontéléphoneetenvoyauntextoàGabriel.

J’aieuunsouvenir.Jesuisenrouteverscheztoi.C’estimportant!

Elleappuyasur«envoi»etrassemblasesaffaires.Celanepouvaitpasattendre.Quelqu’unallaitmourir.

68

Aprèsavoirfrappéàlaporteduchaletpendantdeuxminutessansréponse,Scarlettournalapoignée.Elleétaitdéverrouillée.«Voilàdesgarçonsvraimentrassurants!»ElleentraetappelaGabriel.Rien.Ellecourutàl’étageetlechercha,maiselletrouvasachambrevide.Elle redescendit, frustréedenepas avoir réussi àmettre lamain surquelqu’unet denepaspenser

qu’ellepouvaitattendrepluslongtempsavantdeledireàquelqu’un.Àmoinsque…Elle regarda l’escaliermenant au sous-sol. Pouvait-elle attendre que Gabriel arrive au chalet pour

obtenirdesréponses?Non.Lentement, avec précaution, Scarlet descendit l’escalier vers le sous-sol. Tristan n’était pas son

premierchoix,maisilensavaitcertainementplusqu’elle.Scarlet se sentait commeun intrus dans l’antre du lion.Tristan avait dit clairement qu’il n’était pas

heureux quand elle était présente chez lui et encore moins dans ses quartiers privés. Mais c’étaitimportant.Elleavaitbesoind’aide,etGabrielétantintrouvable,Tristanferaitl’affaire.Elleessayad’ignorerlapetitevoixaufondd’ellequicritiquaitsonraisonnement.Pourêtrehonnête,

une partie d’elle— une partie d’elle toute petite et idiote— était secrètement heureuse d’avoir uneexcusepourvoirTristan.Pouravoirbesoindelui.Pourêtreprèsdelui.Elleétaitlapirepetiteamieàjamais.Réprimantsaculpabilitéetrevenantàsonexcusedetoutàl’heure«J’aibesoindel’aidedequelqu’un.

», Scarlet emprunta le couloir du sous-sol jusqu’à la chambre de Tristan. La seule autre fois où elles’étaittrouvéedanscettepartieduchalet,c’étaitlorsqueGabriellaluiavaitfaitvisiter.Lesous-solsemblaittellementdifférentsansGabriel.Ilavaitl’air…interdit.Elleentrasansbruit.Ellesesentaitmalvenuedansl’espacedeviedeTristan.Sondégoûtévidentpour

ellen’étaitpascompatibleavecsadéterminationàlechercher.Ilyavaitdebonneschancesqu’ilcrie,semoque,oupire,l’ignore.Lapossibilitéqu’illarejettelafâcha.Maisilyavaitplusimportantquesonaversionpourelle:ily

avaitlatristessequecelaprovoquait.Quelquechoseàl’intérieurd’elleperdaitunpeudeviechaquefoisqueTristanlafuyait.

Cequiarrivaitàpeuprèsàchaquefoisqu’ellen’étaitpasloin.C’étaitpeut-êtrepoursaprotection,commeNateavaitdit,maisçafaittoujoursmal.Scarlet prit une grande respiration, tendit la main vers la porte de chambre de Tristan, qui était

entrouverte,etsansbruit,ellefitunseulpasàl’intérieur.Legrandlitsituédanslecentredelapièceétaittrèsornementéetinvitantdanssaconception.La structure acajou était sculptée avec des anglesmasculins compensés par des détails complexes,

gravésdanslesquatrepiliersquisetenaientaugarde-à-vousàchaquecoin.Toutdanslastructurecriait«homme», tandisque toutcequiavait traità la literiebleumarinechuchotait«femme».Descoussinsmoelleuxsetrouvaientausommetd’unmatelassurélevé,dedrapsdesoieetd’unecouverturedevelours.Scarletdéglutit.Malgrésoncôtémenaçantetdestructeur,Tristansavaitvraimentcommentassemblerunlit.Leplafond

du sous-sol était beaucoup plus élevé que dans ses souvenirs. La chambre de Tristan était voûtée etdégagée.Unearmoiresetrouvaitdanslecoinlepluséloigné,etScarletmarquauntempsd’arrêt.C’étaitlagarde-robedesonsouvenir.Elleavaitcachélaflèchedangereusedansl’armoiredeTristan.Maispourquoi?Elles’apprêtaitàcrierlenomdeTristanlorsqu’unmouvementattirasonattention.Justeenfacedulit,unearchemenaitàlasalledebainprincipale.Danslazonejustederrièrel’archeet

visible de la porte, elle vit un long comptoir de salle de bain enmarbre. Au-dessus de l’évier étaitaccrochéunmiroirdesalledebainsurdimensionnéavecuncadreenacajouidentiqueaulitmajestueux.Cefutàl’intérieurdecemiroirquel’attentiondeScarletfutattiréeparunmouvement.Tristansetenaitdevantlemiroir,sontorsenuparfait,commeilterminaitdelaversonvisage.Soncorpsétaitsuperbe.Sesmusclesforts,virilsetpurs.Scarletouvritlabouchetandisquesesyeuxseconcentrèrentsurquelquechosedecurieux.Cen’était

passoncorpsàmoitiénuparfaitementsculptéquiattiraitsonattention.C’étaitletatouagenoirenrouléautourducôtégauchedesacagethoraciqueetdescendantau-dessous

desataillequicaptivaitScarlet.Sesyeuxsuivirentsonmotifdansl’incrédulité,regardantsansvergognesontorsenu.Scarleteutlesoufflecoupé.LetatouagesurlecorpsdeTristanétaitlesymbolemystérieuxdeScarlet.Exactementlemême.C’étaitlegriffonnagequ’elledessinaitsurseschaussures,sursapeauetsursoncahier.Lemotifqui

flottaitdansethorsdesespenséesetdesesrêves.Lesymbolequiavaitréussiàsurvivreàsapertedemémoire.LesymboleauquelScarletsavaitqu’elleétaitliée.EtTristanl’avait,définitivementancrésursoncorpsmusclé.

Ils’étaitlégèrementestompé,cequilaissaitpenserqueletatouageavaitétéincrustédanssapeauilyabienlongtemps.Tristansaisitsonregarddanslemiroir,etpendantunefractiondeseconde,ellepensaquetoutallait

biensepasser.Dèsqu’il lavit, levisagedeTristans’adoucit,maiscet instantpassarapidementet futremplacéparunefroideurtangible.Ilfinitdeséchersonvisage.—Quefais-tu?dit-ilaurefletdeScarlet,neprenantpaslapeinedesetourneretdelaregarderen

face.Elleclignadesyeuxplusieursfois,essayantdecalmeràlafoissasurpriseparrapportàsontatouage

etlechocdûàsonton.Mêmesielleessayaderépondred’unevoixferme,sesmotssortirentlentementetdoucement.—Pourquoias-tucetatouage?Tristanseretournapourluifairefaceetilbaissalesyeuxsurlemotiftatouésursacagethoracique.

Sesyeuxrestèrentbaissés,bienqu’ilsquittèrentsontatouagepourdescendreversunendroitquelconquesurlesol.Ilinspiraparlesnarinesetlebasdesonvisagesecrispa.Ilétaitcontrarié.Ellepouvaitsentirsapeuretsacolère.LorsquesonregardremontaverslevisagedeScarlet,ilyavaitunebrutalitédanssesyeuxquilafit

souffrirplusqu’ellenel’effraya.—Toi,d’abord.Pourquoim’espionnes-tu?Scarlethaussaunsourcil, laissantsacuriositéàproposdutatouageprimersadouleur.Elledit,avec

autantdedéterminationqu’ellepouvaitrassembler:—T’espionner?N’importequoi!JecherchaisGabriel.Scarlet fitquelquespasconfiantsversTristanetpencha la têtepourexaminer le tatouage.C’estune

répliqueexactedesondessin,aumoindredétailprès.—Tum’asvuedessinerexactementlemêmemotifsurmahanche.Pourquoiai-jefaitça?Sonregardnefaiblitpas,pasplusquesontonaustère.—Jenesaispas.Scarlet l’observa unmoment, ne sachant pas trop ce qu’il fallait penser. Si lamarque qu’elle avait

griffonnéependantlesdeuxdernièresannéesétait lareproductiondutatouageducorpsdufrèredesonpetitami—untatouagequidescendaitdesacagethoraciquejusquedanssonpantalon,alors…EllebaissalesyeuxetdévialeregarddeTristan.PasétonnantqueGabrielaitétébouleversélorsqu’ilavaitvuledessinsursahanche.Elle n’avait pas de mots. Pourquoi serait-elle entrée dans cette nouvelle vie avec presque aucun

souvenir,alorsqu’elleserappelait—danslesmoindresdétails,enplus—letatouagedeTristan?TouteslesréponsestendaientversquelquechosequeScarletn’étaitpasprêteàaccepter.Ellereleva

progressivementlatêteetleregarda,plusattentivementcettefois.

Sonvisageétaitencorecrispé,hostile.Soncorpsétaittoujourstenduetfroid.Maissesyeux,d’unvertbrillantprofond,souffraient.Iln’yavaitpasdehaineeneux,aucuneapathie.Justedelatristesse.LestraitsdeScarletdevaientavoirreflétésespenséesparcequeTristansecouasilencieusementlatête

etplissalefrontensigned’avertissement.Presquecommepourdire:«Neparlepasdeça».LapoitrinedeScarletsegonflaets’affaissacommeelleleregardaitensilence.—Quemecaches-tu?Sesyeuxcommencèrentàbrûler.Ilsétaientprobablementbleuélectrique.«Génial!»Elledéglutit.—Dequoiest-cequejenemesouvienspas?LesyeuxvertsdeTristanétincelèrent,etlecœurdeScarletsemitàpomperavecuneferveurcomme

jamaisauparavant.Frappantimprudemmentcontresacagethoraciquecommes’ilneluiappartenaitpas.Commes’ilavaitbesoindeselibérer.Commes’ilpouvaitdéchirersonâmeendeuxpours’échapper…—Scar,dit-il,savoixsebrisantquandilvitsesyeuxbrûlants.Tu…—Commentm’as-tuappelée?Sa belle voix vint à ses oreilles et heurta quelque chose de profond et chaud à l’intérieur d’elle.

Quelquechosedontellesesouvenait…l’amour.—Tudoissortird’ici,dit-ilfermement,alorsquesesyeuxavaientl’airpaniqués.—Tum’asappelée…Scar…Elle fitunautrepasvers lui, soncœur lapoussantàavancer tandisqu’ilmartelait frénétiquementà

l’intérieurdesapoitrine.Ellelevalesyeuxverssonbeauvisageetinclinalatête.Savoixsefitdouce,curieuseetconsciente.—Tum’asappeléeScar.C’estmonnom…Scar…Elleouvritlabouchecommes’ilallaitparler.—Scarlet!LavoixdeGabrielsurgitdel’escalierdusous-solpourpénétrerdanslachambredeTristan,brisantle

silence.Ilsdévièrentleregardl’undel’autreetsedirigèrentdansdesdirectionsopposées.Tristansetournaet

seretiradanslasalledebainprincipale.Scarletcommençaàmarcher,lentementetdansunétatdechoc,verssaporte.«Ilm’aappeléeScar…Jemesuissouvenuedesontatouage…Qu’est-cequeçaveutdire?Pourquoi

nepuis-jepasm’enrappeler?»Lafrustrationremplitsesveines.Elledétestaitsoncerveaufêlé.ElledétestaitlessecretsqueTristanluicachait.

Etelledétestaitquesesyeuxsoientencoreenfeu.Tristanarrivaderrièreellevêtud’unechemisepropreet,sansétablirdecontactvisuel,ilssortirentde

lachambreàcoucheretmontèrentl’escalierpourrejoindreGabrieletNate,quicherchaientScarlet.LecœurdeScarlettambourinait,refusantdesecalmer.Enpartieàcauseduchocd’avoirvuletatouagedeTristan.Maisaussiparcequ’elleavaitquelquechosed’importantàdireauxgarçons.Quelquechosed’essentiel.

69

GabrieletNateparcouraientlavilleàessayerdecomprendrecequipourraitprovoquerlatransformationimmédiated’unepersonneencendresunefoismorte,lorsqueGabrielavaitreçulestextosdeScarlet.En voyant Tristan et Scarlet remonter du sous-sol ensemble, le premier sentiment deGabriel fut la

jalousie.MaisilfutrapidementremplacéparlapeurquandilvitlesyeuxdeScarlet.Sesyeuxtrèslumineux,trèsbleuélectrique.Lesgens-cendresn’étaientpluslapréoccupationprincipaledeGabriel.—Scarlet,çava?IlregardaTristan.—Qu’as-tufait?Tristanluiadressaunregardnoir.—Jen’airienfait.—Regardesesyeux!Scarletsemitàsecouerlatête.—Oubliemesyeux.J’aieuunsouvenir.Ellesentitquelquechosedechauddescendrelelongdesonvisageetposaunemainsursonnez.Dusang.Ellesaignaitdunez.Tristanjuraetdétournaleregardenserrantlespoings.Nateinspiraprofondément.Gabrielapprochad’elleetpritsonvisagedanssesmains.—Tuesmalade,Scarlet.C’estgrave.—Jevaisbien.Ellesedégageadesesbras,reculaetessuyasonnez.—Écoute-moi,j’aieuunsouveniretj’ail’impressionquequelqu’unestendanger.Scarletprituneprofonderespiration.—J’aicachéuneflèche.Dansunedemesautresvies,jemesouviensdem’êtreenfuieavecuneflèche

etdel’avoircachéeparcequejesavaisqu’elleétaitdangereuse.Laflèchemefaisaitpeur,etjevoulaisdésespérémentlamettreàl’abri.Touslestroislaregardèrentattentivement.—Laflèchevatuerquelqu’un…ouquelquechose.Jenesaispas.Scarletmaugréadefrustration.—Jen’arrivepasàmesouvenirpourquoi,maisjesaisqu’elleestdangereuse.Laflèchemerendait

tristeetj’avaispeur,alorsjel’aicachée.Vous,lesgarçons,savez-vousdequoijeparle?Ilssecouèrenttouslatête.

—Tupensaisquelaflècheétaitdangereuse?demandaNateenlaregardantattentivement.—Tunem’asjamaisparléd’uneflèchecachée,ditTristand’unevoixdoucealorsqu’ilregardaitson

nez.Saignait-elleencore?—Niàmoi.Àsonregard,Gabrielsemblaitinquiet.—Scarlet,es-tucertainequec’étaitunsouvenir?Tesyeuxsontbrillantsettonnezsaigne,cequiveut

direquetuestrèsmalade.Serait-ilpossiblequetuaiesmélangédeuxsouvenirs?—Jesuispeut-êtremalade,maisjenesuispasfolle,Gabriel.J’aicachéuneflèche!J’aiparcouruune

vieillemaison,j’aicherchéunendroitsûretjel’aicachée!Tousnefirentquelafixerduregard.—Grrr…Scarletserappelasoudainl’armoirequ’elleavaitvuedanslachambredeTristan.—Jevaisvousmontrer.ElletournalestalonsetseprécipitaenbasverslachambredeTristan.Touslasuivirent.Scarletpénétradanslapièceinterditeetseruaversl’armoiredanslecoin.Elleparaissaitparfaitement

identiqueàcelledesessouvenirssaufsonusure.Elleenlevaletiroirdubasetvidasoncontenusurleplancher.—Quefais-tu?demandaTristan,quilaregardaitattentivement.—Jevaisvousprouverquejenesuispasfolle.Scarlet tâtonna le fond du tiroir jusqu’à ce qu’elle trouve une encoche.Elle regarda les garçons en

haussantunsourciletenlevaledoublefond.—Vousvoyez?Toutlemondedanslapiècefixaitlecompartimentsecret,bouchebée.Là,commesiletempsn’avaitpaspassé,reposaituneflèchedélicatedontl’extrémitéétincelaitdansla

lumièredelachambre.—Qu’est-ce…?Gabrielsepenchapourregarderlaflèche.Tristantenditlamainetpritrapidementlaflèche.—Tuascachéçadansmonarmoire?Scarlethaussalesépaules.—Jesuppose.—Tristan,ditNatelentement.Peut-êtredevrais-tumelaisserm’enoccuper.Tristanneditrien.—As-tuuneidéedelaraisonpourlaquelleScarletpensaitquelaflècheétaitdangereuse?ditGabriel

enregardantNate.

NateregardaTristan.—Aucuneidée.Tristans’éclaircitlagorge.—Jusqu’à cequenous sachionspourquoiScarlet l’a cachée,nousdevrionsprobablementmettre la

flècheàl’abri.Jevaisl’enfermerdanslapiècededétenteaveclesautresarmes.NateregardafurieusementTristan.—Quedirais-tusijel’enfermais?Tristanluiadressalemêmeregard.—Non,merci.Jevaisprendresoind’elle.Surce,Tristanquittalachambre,apportantlaflècheaveclui.

70

ScarletregardaTristanpartiretsetournaversGabriel.—Laflècheestdangereuse.Elle n’avait aucune idée de la raison pour laquelle elle le savait,mais c’était vrai. La flèche était

mortelle.Gabrielhochalatêteetlaregarda,inquiet.—D’accord.Ehbien,tun’asplusàt’inquiéteràcesujet.JesuiscertainqueTristanlamettradansun

endroitsûr.Ilobservaattentivementsesyeux,sesyeuxbrûlants.—Commenttesens-tu?Quelquechosedechaudcouladenouveaudesonnez,etlesyeuxdeGabriels’écarquillèrentdepeur.—Jemesensextrêmementbien.Scarlets’essuyalevisageetretrouvasamainensang.Ellenesesentaitpasextrêmementbien.Ellese

sentaitnerveuse.Etfragile.—Scarlet,tesyeuxbrillentdemanièreincontrôlée.Gabrielposasamaincontresajoueetlaregardaavecinquiétude.NatefitunpasversScarlet.—Tudevraissortirduchalet.LaprésencedeTristanvaseulement…—Jesais!lecoupaScarlet.Pourquois’enprenait-elleàNate?Iln’avaitrienfaitdemal.Personned’ailleurs.Alorspourquoipaniquait-elle?—Jesais,jesais,repritScarlet,quis’éloignadelamaindeGabriel.Tristanmetue.J’aicompris.Je

vaispartir.Elleétaitencolère.Etfrustrée.Et…triste?Quesepassait-ilavecsesémotions?Scarletsepréparaàquitterlapièce.—Jedoismepréparerpourlebaldetoutefaçon.Gabrieltenditlamainverslasiennepourlaretenir.—Jenecroispasquenousdevrionsalleraubal.Jecroisquetudevraisyallerdoucement.Prendredu

repos…—Etquoi?Boiredujusd’orangeetmangerdelasoupepouletetnouilles?Non,Gabriel!Jen’aipas

lagrippe.J’aiunproblèmecardiaquerareliéàdusangimmorteletjenepeuxguérirqu’avecdel’eaumagique.Jenesuispasmalade,jesuisjusteentraindemourir.Gabrielparladoucement:—C’estpourquoijenecroispasquenousdevrionsalleraubalcesoir.

Leplusdrôle,c’étaitqueScarletn’avaitpasvoulualleraubalaudébut.Maisquelquechoseàproposde Gabriel qui disait de ne pas y aller lui donnait envie de lui montrer simplement qu’elle étaitresponsabledesavie—etdesamort.—Non.Jenevaispasrestercachéedansmonlitcommeunemauvietteàattendrequelamortvienne

mechercher.Jeveuxalleraubal.«Ouah!Jamaisdelaviejenepensaisdirecescinqmots.»—Non,ditsévèrementGabriel.Ilfauttereposer.Scarletavançad’unpasversluietfixasonséduisantvisagesurprotecteur.—Jevaisaubal,Gabriel.Avecousanstoi.Ellese retournaet repartitvers l’escalierpourmonteraurez-de-chaussée,soncœurbattant toujours

sauvagementenelle.EllenevoyaitTristannullepart,maisellesavaitqu’ilétaitàproximité.Soncœurlesavait.Elle claqua la porte derrière elle, partit dans l’allée,montadans savoiture et partit vers chez elle.

Avecchaquekilomètreparcouru,soncœurenfuries’apaisaitlégèrement.Maissesyeuxcontinuaientdebrûler.

71

—Quiestexcitéeparlebald’hiver?criaHeather,quifitirruptiondanslachambredeScarletavecunerobebleueridiculementbouffante.Ellebranditunelonguehoussedevêtements.—Yé,ditScarletsansenthousiasme.Ellen’étaitpasvraimentd’humeuràs’habiller.Niàallerdanser.Niàfairequelquechose,enfait,sauf

êtrestresséeàproposdelaflèchequ’elleavaittrouvée.Etdufaitquetouslesgarçonsdanssavieessayaientdeluidirequoifaire.—Çanesonnepasexcité.Çasonnedéprimé.C’estimportant,Scarlet!Soisheureuse!ScarletfeignitunsouriredevantlesbonnesintentionsdeHeather.—Jesuisheureuse.C’estjustequejen’aimepasm’habillerchic.— Pouah, c’est parce que tu es nulle là-dedans. Mais n’aie pas peur ! Je suis ici pour te rendre

éblouissante.HeathersedirigeaavecnonchalanceverslelitdeScarletetouvritlahousse.—Attendsdevoircequej’aichoisipourtoi.C’estin-cro-ya-ble.—S’ilteplaît,nemedispasquetunousasprisdesrobesassorties,ditScarlet,véritablementterrifiée

dedevoiralleraubalhabilléecommeunemyrtillesurdimensionnée.—Non.Maisjeleferailaprochainefois,carjepeuxdireàtonintonationcombientuseraisravieà

l’idéed’êtrehabilléeexactementcommemoi.Heatherluiadressaunsouriretaquinalorsqu’ellesortaitdestissusgrisetnoirs.—Ta-da!Scarletregardalarobeélégantedanslesmainsdesonamie.—Heather,çaressembleàunerobedebaldefind’études.—C’enestune.—Maiscen’estpascetypedebal.C’estlebald’hiver.Heather,incrédule,enfutbouchebée.—C’esttonpremierbalavecunvraigarçonenchairetenosquienpincepourtoietquiesttrèssexy!

Tuasbesoind’unerobequitue.Elleagitalecintre.—You-hou!Scarletsecoualatête.—Jeserairidiculelà-dedans.Jevaisavoirl’air…d’unepoupée.—Ouais!Unepoupéebranchéesupersexy!Allez,mets-la.Scarletserenfrogna.Heatherinclinalatête.

— Que vas-tu porter d’autre, Scarlet ? Cette robe d’été jaune pâle dans ton placard qui te faitressembleràunebananetriste?Jenepensepas.Habille-toi.Heatherjetalarobesurlelit.Scarletregrettasoncoupdecolèreauchaletplustôt.Elleauraitpréféréavoirétémoinscatégorique

surlefaitdeparticiperaubalparceque,maintenant,ellenevoulaitabsolumentplusyaller.Maisellenepouvaitpaschangerd’avismaintenant.Soncherorgueilmalplacéétaitenjeu.Scarletpritdoncàcontrecœurlarobeéléganteetl’enfila.Elleavaitunbustiernoir—beaucouptrop

serrépourqueScarletpuisserespirernormalement—etunelonguejupefourreaudetaffetasgris.Scarletseregardadanslemiroir.Endehorsdesonincapacitéàprendreuneprofonderespirationsansdéchirerendeuxsoncorsetajusté,

Scarletparaissaiteffectivement…bien.Elleétaitjolie.Etparaissaitenbonnesanté.Cequiétaitincroyablementtrompeur.Heather frappadans sesmains et cria denouveau.Onaurait dit unemeneusede claquepour le bal

d’hiverquiporteraitunpomponbleu.—J’adoreça!Bon,occupons-nousdetescheveux.Scarletregardaseslongscheveuxnoirsdanslemiroir.—Ilsontl’airbiencommeça.—Euh…Oui.Si tuveuxalleraumini-golf !Cequ’il leur fautcesoir,cesontdesbouclesetde la

tenue.—Mescheveuxn’ontbesoinderien.Heatherfitlamoue.—S’ilteplaît,nemeprivepasduplaisirdecebal.Laisse-moim’amuseravectescheveux…S’ilte

plaît?Malgrésonhumeurmaussade,Scarletsourit.—Trèsbien.« C’est ce que les filles normales, celles qui ne vont pasmourir, les adolescentes, font. »Elles se

préparentpourlebaletfontsemblantqueleplusgrosproblèmedanslavie»consisteàtrouverduvernisàonglesquin’écaillepas.»ScarletsuivitHeatherdans lasalledebainetendura trenteminutesde tiraillementetdeferà friser

avantqueHeatheraitfini.Lerésultatfinalétaitunamasgéantdegrossesbouclesbrunes.Etriendeséduisant.Scarletregardasescheveuxgonflésdanslemiroir.—Jeressembleàunlion.Àunlionsauvagebrun.Heatherexaminasescheveuxindisciplinésenfaisantclaquersalangue.—Tuasraison.Tuasbesoind’unebarretteoud’épinglesouautrechose.Suis-moi.

ScarletsuivitHeatherdanssachambreoùellesedirigeaimmédiatementverssonmiroir.—Pouah!Jesuisridicule.—Net’inquiètepas,jevaisarrangerça.HeatherfouilladanslaboîteàbijouxsurlacommodedeScarlet.—Aha!Ellebranditquelquechosederondetbrillant.C’étaitl’anneauqueNateavaitdonnéàScarlet.— C’est beau ! On va juste attacher quelques-unes de tes boucles fofolles avec ça, et tu seras

magnifique.—Non,ditScarlet,paniquéesansvéritableraison.—Non?s’étonnaHeather.Scarlet,regarde-toi.C’estn’importequoi!Ilfautdomptertescheveux.—Exact.Maispasavecça,dit-elleenmontrantl’anneau.Cen’estpasunepinceàcheveux.Heatherleregarda.—Peut-êtrepas,maisc’estunetrèsjoliebague…oubroche…oujenesaisquoi,et jen’aiqu’àla

fixeravecunetonned’épinglesàcheveux.Scarletfitlamoue.—Jenecroispasquec’estunebonneidée.Heatherplissalesyeux.—Alors,quoi?Ellehaussalesépaules.Ellen’enavaitaucuneidée,maiselleétaitcertainequecetanneaun’étaitpas

unaccessoiredemode.Heathersoupira.—Ehbien,peuimportecequec’est,c’estbeau.Ettuesbelletoiaussi.Alors,jevaisvousréunir.Je

reviens.Heathercourutverslasalledebainetrevintavecunarsenald’épinglesàcheveux.Ellepritquelques

mèchesdecheveuxquiretombaientsur levisagedeScarletet lesplaçaderrièresa têteen lesprenantdanslebijou—Scarletseplaignitdel’anneautoutlelong.DecequeScarletensavait,l’objetmystérieuxétaitunebaguemagiquedelamortquiconvoquaitles

démons depuis la Terre du Milieu, ou quelque chose du genre. Scarlet déclencherait probablementcertainssortsanciensenleportantetprovoqueraitaccidentellementuneguerredansuneautredimension.LadernièrechosedontScarletavaitbesoindanssavie,c’étaitdeplusdedramesvaudou.Ellecommençaàtirerl’anneaubrillantdesescheveuxquandHeathertapasursamain.Fort.—Heather!s’exclamaScarlet,contrariée.—Tunevaspasanéantirtoutmontravail,ScarletMarie!Maintenant,ajoutaHeatherenbattantdes

cils,aide-moiàregarderdanstaboîteàbijouxpourtrouverdesbouclesd’oreillesassortiesàmarobe.

HeathersedirigeaverslacollectiondebijouxdeScarletetfarfouillaparmisesnombreusesbouclesd’oreillestandisqueScarletsetournaitpourseregarderdanslemiroir.Sesyeuxétaienttrèsbleus.Plusbleusqu’hier.Ouquelaveille.Sonétatempirait,maisaumoins,sesyeuxavaientcessédebriller.Ellen’avaitpasbesoinqueHeather,

quiavaitunebonneintuition,labombardedequestionsausujetdesonchoixdegouttespourlesyeux.Soncœurs’accéléra,luirappelantquequelquechosen’allaitpas.Quelquechoseendehorsdesoncœurmourantetdesesyeuxélectriques.Quelquechosen’allaitpasaveclaflèchequ’elleavaittrouvée.Quelquechosen’allaitpasavec…Tristan.Scarletfutinterloquéeparcettepensée.Ellen’avaitaucunsens,maisellesavaitque,inexplicablement,sanslemoindredoute,quelquechose

n’allaitpasavecTristan.Ellenesavaitjustepasquoi.Scarlet essaya de rassembler ses pensées qui s’entrechoquaient. Pourquoi est-ce que quelque chose

n’iraitpasavecTristan?Puis,ellesesouvintdesparolesdeNatesurlaFontainedeJouvence.«ÀpartlamortdeTristan,c’estleseulmoyendetuerlesangàl’intérieurdetoi.»SilesangdeTristanmourait,elle…vivrait.Et,toutàcoup,ellesutpourquoilaflècheétaitdangereuse.Ellepouvaittuerlesimmortels.LesimmortelscommeTristan.«LaflèchepeuttuerTristan,etilétaitimpatientdemelaprendreaujourd’hui.»Scarletpritunedifficilerespiration,détournantlesyeuxdumiroir.Tristanallaitsetueraveclaflèchequ’elleavaittrouvée.Uneflèchequ’elleluiavaitpratiquementremiseaujourd’hui.Enquelquesorte,ellesavaitcequ’ilallaitfaire.Soncœurcommençaàs’emballer.«Pourquoiferait-ilunetellechose?»Laréponsen’avaitpasd’importance.Cequiimportait,c’étaitdes’assurerqueTristannefaisaitrien

destupide.Personnen’allaitdonnersaviepourelle.SurtoutpasTristan.—Bon,lesclassiquesbleuesoulesfantaisiesbleues?Heathersedétournadelaboîteàbijouxetlevadeuxpendentifsàsesoreillesavantderoulersesyeux.—Attends, pourquoi je te pose la question à toi ? Tu suggèrerais probablement que je porte des

bouclesd’oreillesenformedebonhommedeneigeouuntrucdugenre…—Tristan,ditScarletdistraitement,sentantsesyeuxcommenceràbrûler.SansregarderHeather,elleseprécipitahorsdelachambre.

— Que fais-tu ? Scarlet, je ne vais pas porter Tristan à mes oreilles ! C’est juste bizarre. Etprobablementimpossible.Savoixs’estompacommeScarletdescendaitl’escalier.—Bienquejeleporteraiscertainementd’autresmanières…Scarlet!Oùvas-tu?Scarletneréponditpas.Ellesedirigeaverslaported’entréeetsaisitsesclésetseschaussureschics

avantdepartir.Ellen’avaitpasletempspourdesbouclesd’oreilles.Tristanallaitmourir.

72

TristanentenditNateentrerdanslapiècededétente,maisrefusadefairedemi-tour.Ilcontinuaàregarderlemurremplid’armes,tenantlaflèchequeScarletavaitcachéedanssamaind’immortel.—Nefaispasça,ditNate.Tristanrestadosàlui.—As-tuvulesyeuxdeScarlet?Sonnezensang?Savoixsebrisa,maispeuluiimportait.Une fois que le nez de Scarlet commençait à saigner, elle vivait habituellement seulement quelques

jours—ensupposantque…IlentenditNatefaireunpasenavant.—Nouspouvonsencoretrouverlafontaine.Tristansecoualatête.—Onmanquedetemps.Etsoyonshonnêtes,lafontainen’existeprobablementpas.Quesuis-jecensé

faire?Tristanseretournaetregardasonamidelonguedate.—Lalaissermourirunecentainedefoisdeplusparcequejesuistropégoïstepourmourirpourelle?

Non.Ilsecoualatête.—Jedoislefairemaintenant.Naterestasilencieuxunlongmomentàregarderleplancher.—Toietmoiavonseubeaucoupdevies,ajoutaTristan.MaisScarlet,non.Elleaeuunepoignéede

vies partielles, passant chacune d’elles perdue et perplexe. Aucune d’entre elles n’a été pleine etheureuse.Elleméritequejelefasse,Nate.Tristandéglutitetditdoucement:—Tusaisquej’airaison.Natelevalesyeuxetditlentement:—Tun’aspasàfaireça.—Si,affirmaTristan.Jeledois.Lentementetdemanièrehésitante,Natedit:—Maisc’estpourtoujours.Iln’yaaucunretouraprèsça.Tristanfittournerlaflèchedanssamain.—C’estleplan.Natebougea,malàl’aise.—Queveux-tuquejediseàGabrieletàScarlet?Tristanravalasonémotion.

—Lavérité.Ilsortitdeuxenveloppesdesapochearrièreetlesremitàsonvieilami.— Je les ai gardées en sécurité ces dernières années. Ce sont mes derniers mots pour Gabriel et

Scarlet.Jeveux…qu’aucund’euxnepensequej’aivouluquitterleurmonde.LesyeuxdeNatesemblaientpeinésquandilpritlesenveloppes.Tristanprituneprofondeinspiration.—Merci,monami.Nateneditrien,etTristanquittalapièce.Pourladernièrefois.

73

Scarlet trébucha sur sa longue jupe grise quand elle entra dans le chalet sans frapper avant de seprécipiterdansl’escalierverslesous-sol.—Tristan!Elleatteignit lesous-soletseruadanssachambre.Sesbouclesstratégiquementplacéesretombaient

sursonvisageetsonbustiercomprimaitsarespiration.—Tristan!cria-t-elleàtue-tête.Ellevitunarcmonté,appuyécontresonarmoireetlaflèchemortellesursoncomptoirdesalledebain.

Ilapparutdansl’arche,habilléd’unechemisenoireunieetd’unpantalonnoir.Habillépourmourir.«Pourmonpropresalut.»—Tunepeuxpas…Non,tuneferaspasça,ditScarlet,quipassaentrombedevantsonbeaugrandlit

pourentrerdanslasalledebainets’emparerdelaflèchesurlecomptoir.Tristan,quisemblaitstupéfaitetperplexe,dit:—Tudoispartir,Scarlet.Tuesmalade.—Non!Elleluifitface,laflèchedanslamain.—Tu ne réussiras pas àme repousser cette fois ! Je sais ce que tu as l’intention de faire et je ne

permettraipasqueçaarrive.Ilécarquillalesyeuxetellesutqu’elleavaitraison.Ilavaitvraimentl’intentiondemourir.Illaregardasévèrement.—Va-t’en!Ellesecoualatêteetpointalaflècheverslui.—Tunepeuxpastetuer.LamâchoiredeTristansecrispa.—Pars.Elleabaissalaflècheetinclinalatête,essayantdelesentir.Ilavait…peur…etétait…résolu.Ilsedirigeaversl’autrecôtéducomptoiretsemitàouvrirtiroirsetarmoires.—Non.Scarletsecoualatête.—Jenetelaisseraipasfaireça.Ilseretourna,serraseslèvres,etleregardtriste,dit:—Tunepourraspasm’arrêter.

Scarletrestabouchebée.Sesyeuxbrûlaientcommejamais.—Jesuisresponsabledemavie.Jesuisresponsabledequandjevisetdequandjemeurs.Pastoi !

Tun’aspasàdonnertaviepourlamienne.Jenetelaisseraipasmebriserlecœur—briserlecœurdeGabriel—commeça!L’airtristedeTristansetransformaenuneexpressiondepeurquandilditdoucement:—Regardetesyeux,Scar.Regarde-les.Scar.IlavaitencoreappeléScar,etc’était…parfait.Ellesetournaetseregardadanssonmiroirgéant.Sesyeuxétaientenfeu.Unfeubleuétincelant.Alors

qu’elles’examinait,unegouttedesangtombadesonnezetellel’essuyarapidement.LavoixdeTristanétaitétoufféeetvoilée.—Tuesentraindemourir.Elleprituneprofondeinspirationtandisqu’elleregardaitdanslemiroir.SevoiràcôtédeTristan,leurscorpscôteàcôte,luibrisalecœur.Ilsétaientbeaux.Lesvoirtouslesdeux,ensemble,commes’ilsappartenaientl’unàl’autre,c’étaitbeau.Etilallaittout

emporter.Elle regarda ses yeux bleus lumineux pendant encore un instant avant de croiser son regard dans le

miroir.Ellemaîtrisasavoixautantquepossible.—Jemefichedemourirmillefoisdeplus.Ellesetournapourluifaireface.—J’aibesoindetoipourvivre.Ellenesavaitpaspourquoielleavaitbesoindeluipourvivre,c’étaitcommeça.Tristanse tournaet ilsse tinrent faceàface,àseulementquelquescentimètres.Sapoitrine tremblait

soussarespirationinégale,etsesyeuxluirenvoyaientdeladouleuretundéchirement.Ellerisquaitdepleurer.Elleallaitpleurer.—Tun’aspasbesoindemoi,Scar.Tuasbesoindelavie.Ettoutcequejefais,c’esttelaprendre.Ellesecoualatêteavecinsistance,lesentantluiéchapper.—Maistumedonnesaussilavie.—Oui,ettuesvivanteencemoment,ici…Il la regarda avec amour et regret, et Scarlet pensa qu’elle allait mourir d’avoir le cœur brisé

immédiatementsurlecarrelagedesasalledebain.—…parcequemonsangt’aramenée.Maisjenelelaisseraiplusjamaist’emporter.Scarletouvritlabouchepourcrier,hurler,donnerdescoupsdepiedetsebattre,maistoutcequisortit

futuneimplorationhésitante.—S’ilteplaît?

Unelarmetombasursonvisage,unelarmequ’ellenesavaitpasposséder.Ilallaitlalaisserpourtoujours.Elleposasesmainsfrêlessursalargepoitrineetlevalesyeuxverslui,désespérée.—S’ilteplaît?Tristandéglutit,etellefermalesyeux,sentanttoutcequ’ilsentait.Del’amour…ilétaitcomplet,réeletbrisaitTristanendeux.Delapeur…quinouaitsonestomacetletourmentaitavecdelaculpabilité.Delahaine…pourl’injusticedanslaviedeScarletetlasienne.Etdel’espoir…l’espoirdequoi…?—Quepeux-tuespérer?demanda-t-elle,d’unevoixàpeineplusfortequ’unmurmure.Unlongmomentdesilences’écoulaavantqu’ilréponde:—Jeveuxquetuaiesunevraiechancedeconnaîtrelasérénité.—Non,chuchotaScarletenrouvrantlesyeux.Jeneveuxpasdesérénité…passanstoi…Quedisait-elle?Scarletnesavaitpaspourquoiellevoulaitsidésespérémentlegarderenvie,maisrienn’avaitjamais

étésiimportantpourelle.LesyeuxvertsdeTristan,quidéversaientdanslessienslemanqueetlatristesse,sepenchèrentvers

sonvisage.Sa mâchoire carrée s’inclina à côté de sa tête, et ses lèvres parfaites hésitèrent juste en face des

siennes.Était-cemalsiellel’embrassait?Oui.Maisellelevoulaitquandmême.Siunbaiserpouvaitlegarderdanssonmonde—siunbaiserpouvaitlefairechangerd’avis—,elle

l’embrasseraitpassionnément.Parcequ’elleavaitbesoindelui.Ellenesesouvenaitpasdelui,maisellesavaitqu’ellenepouvait

pasvivresanslui.LeslèvresdeTristaneffleurèrentlessiennestandisquesamainchauderemontaitderrièresoncoupour

caressersatête.Elleouvritlaboucheetinspira,essayantd’absorberautantdeluiqu’illeluipermettrait.Ilsentaitle

cuir,lesavonettoutessortesdechosesmerveilleusesquandilapposaseslèvressurlessiennes.Ilmurmuracontresabouche:—Jesuistellementdésolé.Ellesentitunepiqûrederrièresonoreilleetsutimmédiatementqu’elleavaitperdu.—Non…,dit-elled’unevoixrauquependantquesoncorpstombaitmollementengourdidanssesbras.Lecristal.Ildevaitl’avoirpiquéeaveclecristaldesommeil.Elleentenditlaflèchetomberdesamainetheurterlecarrelageàsespieds.

TristanredressadélicatementScarlet.Ellenepouvaitrienfairesaufleregarder,incréduleethorrifiée.Ilallaitsetuer.Alorsqu’elledormait.Illacouchasursonlitmajestueuxetlabordadesesmainstremblantes,lesyeuxhumides.—Jesuistellementdésolé,Scar.Il se pencha et embrassa son front de ses lèvres douces pendant qu’elle reposait dans unemer de

couverturesetdedrapsquisentaientcommeluietremplissaientsoncœurd’amour.Ilallaitsetuer,etellenepouvaitpasl’enempêcher.Elles’endormait…Uneautrelarmetombasursajouetandisquesesyeuxlourdsdesommeilleregardaientrécupérerl’arc

etlaflèche,etquitterlapièce.La porte de la chambre se ferma doucement derrière lui, et alors que son monde commençait à

s’estompersousl’effetdusommeil,ellevitunelarmeruisselersursajoueàluiaussi.IlallaitdétruirelaplusbellechosedontScarletnepouvaitsesouvenir.

74

—Scarlet!criaGabrielenétatdepaniquealorsqu’ilsortaitdesavoituredansl’alléeetouvraitlaporteduchalet.Ils’étaitrenduchezellepourlaconvaincredenepasalleraubaletavaittrouvéuneHeatheragitéeet

morose,quiseplaignaitdebouclesd’oreillesetducomportementfantasquedeScarlet.Quand Heather avait raconté comment Scarlet avait mentionné le nom de Tristan, Gabriel s’était

immédiatementdirigéverslechalet,lapeurauventre.Scarletétaitmaladeetprobablementdésorientée.Oupire.—Scarlet!cria-t-ildenouveauencourantàl’étagepuisenvérifiantlerez-de-chaussée.Ilfinitparseprécipiterausous-soletfitirruptionchezTristan.IltrouvaScarlet,belleetimmobile,surlelitdesonfrère.Sesjouesétaientbaignéesdelarmes,sarespirationétaitprofondeetrégulière.Ilavançaverselleetla

secouadoucement.—Scarlet…Scarlet,chérie.Rien.Aucunmouvement.Aucuneréponse.Illasecouaencoreunefois,maiselleneseréveillatoujourspas.«OùestTristan,etpourquoiScarletdort-elledanssonlit?»SurlesdrapsàcôtédelatêtedeScarletsetrouvaitlepetitcristalblancducapteurdecerveau.Tristanl’avaitdroguée.Gabrieljura,alimentéparlarage.Ilvérifiasonpoulsetexaminatoutsoncorpspours’assurerqu’elle

allaitbien.PourquoiTristanferait-ilunechosepareille?GabrielcourutfrénétiquementverslapharmaciedeTristanpourchercherl’antidote.Aprèsl’avoirtrouvé,ilseruaverslelitetinclinadoucementlatêtedeScarlet.Ilpiquaàl’arrièrede

sonoreilleaveclecristalnoir,réveillantsoncorpsaveclesérum.Scarlets’éveillaetsemitimmédiatementàfairedel’hyperventilation.Denouvelleslarmesjaillirent

desesyeuxtandisqu’elleditdansunsoufflesaccadé:—Tristan…va…se…tuer.Gabrielenfutperplexe.—Quoi?—Ilva…setuer…aveclaflèche…pourbriserlamalédiction.Nousdevons…l’arrêter!Pendantuninstant,GabrielrejetalesmotsdeScarlet.Elleétaitmalade.Elleétaitperplexe.—Scarlet,es-tusûre…—Oui!Laflèche…peuttuer…lesimmortels.C’estpourquoi…jel’aicachée.Ilfautsedépêcher!

LesyeuxdeScarletéclairaientlachambre.Gabriels’apprêtaitàargumenterquand,soudain, toutavaitunsens.LesecretdeTristanàproposde

l’identitédesavictimedemeurtre…LapeurdeScarletparrapportàlaflèche…Tout.LesyeuxdeGabrielbrûlèrentdepeuretdecolère.Commentpouvait-ilêtreaussiégoïste?Scarletseredressaetcommençaàtremblerdetoussesmembres.—Nousdevonsyaller.Maintenant!—Horsdequestion,ditGabriel.Tunevasnullepart.Cemécréantvientdetedroguer.Turestesici.Sesyeuxélectriquesilluminèrentlapièce.—Impossible!Scarletquittapéniblementlelit,sescheveuxnoirsretombantendésordreautourdesonvisage.—Nousdevonsl’arrêter.Gabrielvoulutargumenteravecelle,maisilcraignitqueladiscussionpuisseêtretroplourdepourelle

émotionnellementetquecelabrisesoncœurencoreplusvite.—Trèsbien.Allons-y.Illaconduisithorsduchaletpourserendreàsavoiture,dontlemoteurtournaitencore.—Sais-tuoùilestallé?Scarletsecoualatête.—Aucuneidée.—Alors,nouscommenceronsparchercheraucentre-ville.GabrielmontaitdanslavoiturequandilvitScarlets’arrêterauborddel’allée.Illavitfermerlesyeuxetinclinerlatête.Ilattendit.C’estalorsqu’ellepartitencourantdanslesbois.«Etmerde!»Gabrieléteignitprécipitammentlemoteuretpartitàsapoursuitedansl’obscurité.

75

ScarletcouraitaveuglémentetdésespérémentàtraversunbosquetquiformaitleseulobstacleentreelleetlavieprécieusedeTristan.Ellenesavaitpasoùilétait.Maisellepouvaitlesentir.Etellesuivaitcettesensationsanshésiter.Elle courait à travers lesbuissons, les flaquesdeboue et les feuillesdéchiquetées.Levent d’hiver

glacialfouettaitsescheveuxdécoiffésetlibéraitsesboucles.Ellesentitl’anneauenargentsedétacheretlesaisitpournepasleperdre.Aufuretàmesurequ’ellecourait,elleséchaitseslarmesetgardaitlatêtehaute.Cen’étaitpaslemomentdes’effondrer.Lemomentétaitvenudeseconcentrer.Elleapprochait,ellepouvaitsentirsonanxiété…,sapeur…,sonamourpourelles’échapperdeson

âmepourdevenirdeuiletregrets.«Oh,Tristan,quefais-tu?»S’ilteplaît,nemeurspas.Sespiedsmartelaientlaterretandisqu’elleavançaitaussivitequesestalonshautsleluipermettaient.«Audiable!»,pensa-t-elle,etelleenlevaseschaussurespourcourirpiedsnusàtraverslesarbres.Terrifiéeetgelée,ellecouraitverslaseulepersonneassezstupidepourmourirpourelle.TristanArcher.

76

Tristanterminademontersonarcenmodeautomatiqueetdirigealaflècheverslacibleauloin.Ilvérifiadeuxfoissescalculsjusqu’àcequ’ilsoitcertainquelaflèchetransperceraitsoncœurenpleinmilieu,lecoupantendeux.Aprèsavoirvérifiélevent,illaissal’arcetavançapourallerseplacercontrelacible.Onauraitdit

qu’unmilliondekilomètresleséparaientdel’arbrecontrelequelilmourrait,maisillesparcourutquandmême.Unefoisarrivé,ilplaçasondoscontrelacibleetfitfaceàlaflèchepointéeversluiauloin.Ilprit

quelquesprofondesrespirations,fermalesyeuxetattenditquesavieachève.Laminuterieautomatiqueluidonnaitseulement90secondes,etpendantcecourtlapsdetemps,ilchoisitderepenseràlabelleviequ’ilavaitconnue.Scarlet,savoix,sonrire,sonamour,sonpardon,sonespoir…Ilavaitétébéniplusquen’importequel

autreêtreayantvécu.Etilavaitvécu.Maintenant,ilétaittempspourluidefermerlesyeuxetdedonneràScarletlachancedefairelamême

chose.Lesmainstremblantesetlecœurnerveux,ilsetintbiendroit.SesyeuxétaientencorefermésquandilvisualisaledouxvisagedeScarlet.Ilpouvaitpresquel’entendrel’appeler.Ilpouvaitpresquesentirsaproximité,etlapaixquiallaitavec

elle.Unedernièreimpressiondesérénitéavantquesavies’efface.Il entendit le mécanisme de détente de la flèche s’enclencher, prêt à tirer, et prit une dernière

respiration.Surcettedernièrepensée,ilpriapourqueScarlettrouvedanssoncœurlaforcedeluipardonnerun

jourdeluiavoirsauvélavie.

77

—Tristan,non!Scarletvitlaflècheauloinetcriad’unevoixrauque.—Tristan!Soncœurbattaitfrénétiquement,plusfortquen’importequelautrebruitdanslaforêt.Ilnebougeapas.Ilneréponditpas.Commes’ilétaitsourdetaveugle…déjàperdupourelle.L’idée lui brisa le cœur et la fit courir plus vite. Elle atteignit son corps juste aumoment où elle

entenditundéclicauloin.Avant qu’elle réalise ce qui se passait, elle sentit quelque chose de pointu pénétrer dans son dos,

coupant l’oxygène dans ses poumons et anéantissant tout sauf la vue des beaux yeux de Tristan, quis’ouvraientavecuneexpressiond’horreurabsolue.—Scarlet…La voix deTristan resta coincée dans sa gorge tandis qu’il attrapait son corps, qui tombait pour la

deuxièmefoiscettenuit-là.—Scarlet…?Savoixtremblaitpresqueautantquesesmainslorsqu’illadéposadoucementsurlesol.Ques’était-ilpassé?LamaindeScarlettombasurlecôté,tenanttoujoursl’anneautandisqu’illasecouaitdoucement.Elle

vitunelarmetomberd’undesesyeuxvertbrillant.Scarletlevalesyeuxverslui,détachée.Ellenesentaitaucunedouleur,aucunetristesse…justedela

curiositédevantsonvisagepeiné.«PourquoiTristanpleure-t-il?Pourquoiest-iltriste?Ilestvivant!»Unejoiepaisibles’installachezScarletquandellepritconsciencequeTristann’étaitpasmort.Ilétaitvivant.Ellel’avaitsauvé.Sesyeuxsemirentàbrûler,etlevisagedeTristansedéformatantilsouffrait.—Non,non,non…Scar…Non,non.Çanepeutpasseproduire…Oh,Scar…Ilsepenchaverselleetcommençaàembrassersonvisagetoutencaressantsescheveux.Maisellenesentaitrien.LavoixcasséedeTristanarrivaàsonoreille:—Jesuistellementdésolé…Jesuistellementdésolé…Jesuistellementdésolé…Iltoussait,pleurait,tremblaitetilétaitfroid.Ilétaitvraimentfroid.Etsafroideurs’infiltraitenelle.Scarletclignadesyeux.Non.

Elleétaitfroide.Partout.Etellenepouvaitpassentirsesmains,nisespieds,nisatête…—Tristan…?dit-elle,désorientée.Ilembrassasonfrontàtraversseslarmes.—Jesuistellementdésolé…tellementdésolé.Ils’étouffasousl’émotion.—Jesuistellementdésolé,Scar…Latristessel’envahitalorsqu’ellevoyaitlasouffrances’abattresurlecorpsagitédeTristan.Sesyeux

brûlantscommencèrentàdeveniraveuglesquandunsouvenirl’assaillit.Elles’enabreuva,essayantd’eningérerautantqu’ellelepouvait.Aprèsunmoment,elles’éloignadusouveniretrevintauvisagedouxethumidedeTristan.Lanoirceurquis’abattaitsurellefaisaitreculerTristandansuntunneletl’éloignaitdeplusenplus.—Tristan…dit-elled’unevoixlointaineetétouffée.Elleréunitchaqueparcelledeforcequiluirestaitetmurmura:—Jesaisoùestlafontaine.Etlà,toutdevintnoir,froidetmort.

1

TristanregardalalueurbleuebrillantedisparaîtredesyeuxdeScarlet.—Scar!cria-t-il.«Non,non,non!»Illadéplaçadoucementpourlarapprocherdavantagedesoncorps,ettoutensanglotant,ilpritlecôté

desonvisagedanssamaintremblante.—Scar?Savisionétaitfloue.—Reviens-moi,Scar.Allez.Ilclignadesyeuxpourchasserseslarmes.—S’ilteplaît…LecorpsdeScarletétaitmoudanssesbras,etunepaniqueintenseparalysasespoumons.Ilsecentra

surl’intérieurdelui-mêmepouressayerdetrouverlespulsationscardiaquesdeScarletaumilieudeladouleuretdelasensationd’oppressiondanssapoitrine.Ilchercha…etchercha…Ilchassadavantagedelarmesetcherchaencore…Enfin,iltrouva.Briséetfaible,lecœurfragiledeScarletbattaitàunrythmetrèsralenti.Elleétaitencoreenvie.Ilentenditquelqu’uncriersonnomauloin,maisleseulbruitquiintéressaitTristan,c’étaitlesouffle

quisortiraitdelabouchedeScarlet.Iln’yenavaitaucun.Ellenebougeaitpas.Ellenerespiraitpas.Maissoncœurbattait.Il passa samain sur la peau douce de son dos, là où la flèchemortelle dépassait encore.Du sang

coulaitdelablessure,baignantsesdoigtsdechaleur.«Non,non,non…»Ilnepouvaitplusrespirer.Ilnevoulaitplusrespirer.—Scar…?Le ciel nocturne de décembre était rempli d’étoiles, qui passaient furtivement à travers les arbres

majestueuxdelaforêt,etleclairdeluneprojetaitunedoucelueurcontrelajouedeScarlet,luidonnantunairtranquilleetensanté.Leclairdelunementait.—Scarlet!Tristan entendit son frère jumeau,Gabriel, crier dans la forêt. Le son coupa à travers les arbres et

transperçal’estomacdeTristan.

—Scarl…Gabrielémergeadel’obscuritéetcourutdanslaclairière.Àboutdesouffle.Cherchantdésespérément

Scarlet.Quand Gabriel l’aperçut blottie dans les bras de Tristan, il s’arrêta dans son élan. Son regard se

déplaçadehautenbasducorpsdeScarletetilpâlit.—Non!Savoixrésonnacontrelesmontagnessilencieusesetdérivajusqu’àlalunemensongère.TristanôtasamaintremblantedelajouedoucedeScarlet.—Non!répétaGabrieltandisqu’ilcouraitverseuxettombaitàgenouxàcôtédeScarlet.Qu’est-il

arrivé?demanda-t-ild’untonsecàTristanalorsqu’ilregardaitScarlet.Scarlet?Qu’est-il…?GabrielaperçutlaflèchequisortaitdudosdeScarletetlamarenoiredesangsoussoncorps.Ilsuffoquaetpassasesmainssursoncorps.—S…Scarlet?IllevalesyeuxversTristan.—Qu’est-ilarrivé?Tristanessayad’avalersasalive,maisilnepouvaitpas.Savoixsecassaetsedéforma.—Jenevoulais pasqu’elle soit touchée.Elle n’était pas censée être ici. Je ne savais pas…Jene

savaispas…UnecolèrenoireobscurcitlevisagedeGabrieltandisqu’ilplissaitlesyeux.—Ques’est-ilpassé?—Laflècheétaitcenséemetoucher,moi.Jenesavaispasqu’elleétaitici.Jenesavaispas…Jene

savaispas…Maiselleestencoreenvie.DesmilliersdesouvenirssurgirentdevantlesyeuxdeTristan.Ilnepouvaitpaslaperdre.Pasencore.Pascommeça.— Elle est encore vivante, répéta Tristan, comme si le dire à haute voix était assez puissant pour

permettreenquelquesorteàsoncœurdecontinueràbattre.—Scarlet?LavoixdeGabrielétaitdoucecettefoisetmêléedesouffrancequandilregardasonvisageéteint.—Scarlet…Tum’entends?Tristan ferma ses yeux, essayant de s’accrocher aux faibles battements de cœur dans la poitrine de

Scarlet:lesbribesdeviequisedébattaientetqu’ilaimaittant.—Poussez-voustouslesdeux!Cettefois,c’étaitlavoixdeNatequigrondaitdanslanuit.Tristannesavaitpasd’oùarrivaientGabriel

etNate,maisils’enfichait.Ilsefichaitdetout,saufdeScarlet.—Gabriel,pousse-toi!

Nates’accroupitdevantScarlet,écartantGabriel.—Tristan,lâcheScarlet!Natesemblaitfairepreuved’autorité,desérieux.Ilyavaitàpeineunsoupçondepaniquedanssavoix.Tristanouvritlesyeuxpourregardersonami,maisilrefusadelaisserScarlet.—Tristan.Natebaissasavoix.—Lâche.Il posa sesmains sous le corps de Scarlet et tira doucement pour tenter de la dégager des bras de

Tristan.—Lâche-la,Tristan!aboyaGabriel,dontlavoixbrûlaitdechagrinetdecolère.Tristanmurmura:—Ellen’estpasmorte,Nate.Jepeuxlasentir.Ilregardasonamidansl’expectative.—Elleadit…Elleaditqu’ellesavaitoùétaitlafontaine…et…etensuite,elleafermélesyeux…,

maisellen’est…ellen’estpasmorte…,ellen’estpasmorte…Jepeuxencorelasentir.Sespensées,sonraisonnement,soncœur,sonâme…tousétaientperdus.Tousétaientvides.Lui-mêmeétaitvidedetout,saufdel’échofeutréducœurdeScarlet.NatesepenchaetregardaTristansévèrement.—Tudoisarrêterdelatoucher,Tristan.Tuesentraindelatuer.Tristanclignadesyeux.LeregarddeNatesedurcit.—Plustulatouches,pluselles’affaiblit.Laisse-la.Tristan libéra Scarlet à contrecœur et regardaNate la soulever lentement. Il fit attention de ne pas

déplacerlaflècheetrepartitàtraverslesarbres.Gabriellesuivit.Tristanessuyasonvisaged’unemaintremblante,serelevaet trébucha.Laterrecommençaàtourner.

Lesnuagessombreset lesétoilesscintillantesau-dessustournoyaientlesunsdanslesautrescommeunbainàremouslaiteux.Ilessayadetrouversonéquilibre,maiscen’étaitd’aucuneutilité.Riendecequiavaittraitaumondenefonctionnaitplus.L’équilibreétaitimpossible.Scarletétaitsurlepointdemourir,etc’étaitsafaute.Entièrement.Sa.Faute.Lecœurserréetlespoumonscomprimés,Tristanrepartitverslechalet.VerslefaibleappelducœurmourantdeScarlet.