coup de cochon

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  • COUP DE COCHON !COUP DE COCHON !

    Le capitalisme au XXIe sicle :du nolibralisme l'austrit

    Au cours des annes 1990, et avec de plus en plus d'ampleur durant la premire moiti des annes 2000, deux autres mots taient sur toutes les lvres et causaient toutes sortes de leves de boucliers: le nolibralisme et la mondialisation. Le systme capitaliste tait entr dans une nouvelle phase de son dveloppement. Cest un principe lmentaire, pour survivre et se reproduire, la mcanique conomique du systme capitaliste a besoin de croissance continue. Il faut toujours de nouveaux dbouchs au capital, de nouvelles possibilits dinvestissement pour permettre aux grandes entreprises, aux riches patrons et investisseurs de continuer de s'approprier des richesses et de les concentrer. Cette croissance provient en partie du soutien qu'offrent les gouvernements aux entreprises et au secteur financier en adoptant des politiques qui laissent toujours une plus grande place aux marchs dans la socit. Cela commence par le dsinvestissement de l'tat dans les programmes sociaux, surviennent ensuite les compressions dans les services publics et leur ventuelle privatisation. On ouvre ainsi de nouveaux secteurs de l'conomie, auparavant grs par l'tat en tant que biens publics, au priv (ducation, sant, lectricit, aqueducs, voirie, eau potable, etc.). Autrement dit, on vise la privatisation graduelle

    Dernirement, un mot est sur toutes les lvres; il flotte tellement dans l'air qu'il semble tre dans chacune des bouffes que l'on respire, un mot responsable de tous les maux, qui se fait passer pour quelque chose de nouveau: l'austrit. C'est le nouveau bonhomme Sept Heures. Mais, au fond, d'o vient-il? Un petit rappel historique s'impose, car pour combattre un flau, il faut d'abord en connatre la source...

    de tout ce qui peut tre privatis. Paralllement, on drglemente le march du travail, on change les lois afin de diminuer la protection des travailleurs et travailleuses et miner le pouvoir des syndicats, on dmantle les acquis sociaux, on fait pression vers le bas sur les conditions de travail et on privatise ce qui reste des moyens de productions publics au nom de la comptitivit et de l'assainissement des finances publiques.

    Cette recette de rigueur budgtaire n'a rien de nouveau; elle est en fait issue du consensus de Washington (1999), partir duquel les big boss de l'conomie mondiale, dont la Banque mondiale et le FMI, se sont entendus pour imposer aux pays en difficult des politiques d'austrit sous le prtexte de la crise des finances publiques et de l'urgence du remboursement de la dette.

    Cette srie de mcanismes dintervention par le grand capital, les gouvernements et les institutions financires internationales n'est donc que l'tape actuelle de dveloppement et de redploiement du systme capitaliste. Ainsi, qu'on parle de nolibralisme, de mondialisation, de dficit zro, de discipline budgtaire ou d'austrit, on parle en fait d'une seule et mme chose: un systme conomique qui, pour continuer

    son expansion, doit s'assurer que les pantins politiques des diffrents pays, tous partis confondus, adoptent un ensemble de mesures ayant pour consquences le dmantlement graduel des institutions publiques, la dilapidation des ressources naturelles, la concentration acclre de la richesse, lappauvrissement des populations et la catastrophe environnementale. Ainsi, lorsqu'on s'affole propos des politiques actuelles d'austrit, force est de constater qu' part l'ampleur des changements climatiques et de la crise cologique, il n'y a rien de nouveau sous le soleil !

    videmment, ce qui est relativement nouveau, c'est l'agressivit avec laquelle on commence implanter ces politiques dans les pays riches et industrialiss. Cela a dbut de manire plutt froce en Europe aprs la crise financire de 2008, provoquant

    des catastrophes

    autant du pointde vue

    conomique qu'humain et

    social dans des pays comme la Grce, pour ne

    citer que cet exemple

    criant.

    Le journal de la CLAC-MontralConvergence des luttes anticapitalistesHiver 2015

  • Dans les dernires annes, ces politiques ont commenc tre implantes avec plus de vigueur en Amrique du Nord. Mais il est important de rappeler que ces mmes politiques nolibrales sont implantes depuis les annes 1980 dans les pays pauvres, souvent avec beaucoup de violence. En Amrique latine, l'arrive du nolibralisme et de l'austrit date mme des annes 1970, et correspond bien souvent avec la mise en place de dictatures, comme en Argentine (76-83) et au Chili (73-90), dictatures soutenues par les tats-Unis qui dfendaient leur arrire-cour contre la menace communiste. Ces dictatures, qui se sont soldes par des dizaines de milliers d'assassinats politiques, de disparuEs jetEs dans des fosses communes, d'tudiantEs, syndicalistes et militantEs torturEs et emprisonnEs, visaient essentiellement la dfense du systme capitaliste et de son hgmonie mondiale. Les rgimes d'extrme droite en place avaient tous cur la mise en place des politiques nolibrales et de rigueur budgtaire.

    De manire plus gnrale, on peut dire que cette recette de compressions, base sur un modle de prdation Nord-Sud, est mise en uvre de manire implacable l'chelle mondiale depuis les annes Thatcher (premire ministre du Royaume-Uni, 1979-1990) et Reagan (prsident des .-U., 1981-1989). Globalement, c'est le financement des pays riches par les pays pauvres: le paiement des intrts de la dette des pays du Sud tant en partie financ par les exportations de matires premires de ces derniers vers les pays du Nord. Cela quivaut un transfert de ressources, puisque les trois quarts de ce que lon consomme dans les pays riches provient des pays pauvres, qui ne reoivent pratiquement rien pour ce quils produisent et exportent : cest un rapport denviron 1 10. Tout le profit est accapar par les dirigeants et actionnaires de multinationales dans la chane de distribution et de commercialisation (essentiellement dans les secteurs minro-nergtique et agro-alimentaire). Ceux qui empochent les profits nont pas besoin de produire quoi que ce soit, ils le font grce au travail des autres et aux ressources de la plante, patrimoine des peuples. Encore une fois, part la fonte acclre des glaciers de l'hmisphre Nord, rien de nouveau sous le soleil; c'est le

    fonctionnement de base du systme capitaliste appliqu l'chelle internationale qui mne invitablement la mondialisation de la misre.

    Au Qubec: du sacro-saint dficit zro la rigueur budgtaire

    Au Qubec, le dogme de l'quilibre budgtaire traverse les frontires des partis politiques, quels qu'ils soient. Il faut avoir la mmoire courte pour penser qu'il est l'apanage du Parti libral. Ds l'arrive de Lucien Bouchard la tte du gouvernement pquiste en 1996, la priorit devient le dgraissage de la fonction publique afin de parvenir au dficit zro avant la fin du sicle. Les coupures budgtaires font mal, surtout dans le domaine de la sant. Les ngociations avec les syndicats du secteur public sont dures, les frictions les plus fortes ont lieu lors de la grve des infirmires l't 1999. C'est d'ailleurs cette poque que les travailleurs et travailleuses de la fonction publique acceptent, lors de ngociations avec le gouvernement, des coupures de postes et de salaires afin d'assurer en contrepartie la protection des rgimes de retraites, ces mmes rgimes que le gouvernement libral souhaite amputer actuellement. Puis, sous le gouvernement Charest (2003-2012), on nous a servi encore un nouveau mot, qui tait sur toutes les lvres mais qu'on comprenait plus ou moins et que personne n'arrivait peler correctement: la prtendue ringnierie de l'tat. Nouvelle chorale mdiatique, mais mme discours et mmes politiques. Les fameux partenariats publics-privs (PPP), le Plan Nord, les coupures dans les services et programmes sociaux, la pression accrue sur les syndicats, la hausse des tarifs qui culmina avec la hausse des frais de scolarit, la grve tudiante et la crise sociale de 2012. Puis, lors de la brve apparition du PQ au gouvernement en 2012-2013, Pauline Marois a joint sa voix au concert en dclarant, peu aprs son lection, que l'quilibre budgtaire serait lun de ses principaux objectifs, ce quelle sest empresse de prouver en revenant sur sa

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    Le journal de la CLAC-Montral Convergence des luttes anticapitalistes Hiver 2015

    Coup de cochon !Coup de cochon : ce que le gouvernement Couillard et sa clique capitaliste veulent nous passer... Mais on ne se laissera pas faire!

    Table des matires

    Page1 Le capitalisme au XXIe sicle: du nolibralisme l'austrit

    Page5 Non lembourgeoisement de nos quartiers!Gentrifieurs : DGAGEZ !

    Page 6 Quand environnement rime avec argent

    Page 9 Le systme de sant : augmenter l'efficacit, mais pas pour nous soigner!

    Page 12 Printemps 2015 :o sont les fministes des grves passes ?

    Page 13 puisement militant :les dbuts dune rflexion

    Suite de la premire page

    promesse dabolir la taxe sant. Finalement, aujourd'hui c'est l'austrit du gouvernement Couillard et le massacre la trononneuse dans les acquis sociaux. Tous ces gouvernements, tous partis confondus, ont opr dans la continuit, du dficit zro la rigueur budgtaire en passant par la ringnierie. Ce sont toutes les mmes politiques d'austrit et de compressions pousses par les lites conomiques nationales et mondiales, qui doivent s'assurer de trouver sans cesse de nouveaux moyens de s'enrichir en perptuant les opportunits de croissance du systme capitaliste, tandis que la majorit s'appauvrit.

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    et vit au-dessus de ses moyens au pays des merveilles de la consommation et de l'endettement, mais il y a aussi une norme partie de la population qui peine continuellement joindre les deux bouts. Pourtant, dans les mdias on oublie une question essentielle: pourquoi autant de travailleurs et travailleuses vivent encore dans la pauvret ?

    On pourrait tre port se rjouir du fait que le salaire minimum au Qubec soit pass de 4,35$ en 1986 10,35$ en 2014, une augmentation de 240%. Mais durant cette mme priode, le cot de la vie a augment de 760%! Concrtement donc, les travailleurs et travailleuses au salaire minimum se sont systmatiquement appauvriEs. Quand tu travailles au salaire minimum temps plein, tu gagnes 19650$ par anne, soit environ 1600$ par mois. Aprs avoir pay le loyer, le transport, la bouffe pis peut-tre un peu de linge ou des fournitures scolaires, y reste pas grand-chose. Et si tu vis seulE, si t'as des enfants, si t'es une mre monoparentale, c'est carrment la misre. Montral, c'est 40% des travailleurs et travailleuses qui gagnent moins de 20000$ par anne; c'est donc plus que 1 travailleur ou travailleuse sur 3 qui vit dans la pauvret, malgr le fait qu'il ou elle passe ses journes essayer de gagner sa vie.

    La pauvret affecte aussi en majorit les femmes, qui non seulement gagnent moins que les hommes pour des emplois quivalents, mais qui sont aussi des aidantes naturelles , c'est--dire qu'elles se retrouvent majoritairement avec la charge des enfants ou de leurs parents en perte d'autonomie, ce qui les poussent souvent se retrouver avec des emplois temps partiel et prcaires ou mme carrment faire appel l'aide sociale. Sans compter le parcours de nombreuses femmes, qui ont

    fait le choix de rester la maison quelques annes pour lever les enfants et ont par la suite plus de difficult rintgrer le march du travail ou celui des femmes victimes de violence conjugale qui, aprs avoir russi rompre le silence et briser l'isolement, doivent faire face leur traumatisme avant de pouvoir tre nouveau fonctionnelles dans un emploi. Les refuges d'urgences pour femmes, tout comme les maisons d'hbergement pour femmes victimes de violence conjugales dbordent.

    En dessous de la pauvret, y reste la misre, l'aide sociale. Avec un gros 624 $ par mois pour une personne seule, aprs avoir pay ton loyer, si t'es chanceuse ou chanceux y te reste 200$ pour te nourrir et te dplacer a quivaut un gros 6,66$ par jour! En gnral, a veut dire tre prisonnier ou prisonnire de son quartier, parce qu'on na pas l'argent pour se payer du transport en commun, moins qu'on ait russi se serrer la ceinture pour investir dans une vieille bicyclette bon march. Et plus souvent qu'autrement, cette misre-l vient avec un logement miteux, gr par un propritaire dlinquant qui ne veut rien rparer, quand a ne vient pas carrment avec une infestation de punaises qui va t'empcher de dormir et mettre en pril une sant mentale toujours prcaire quand t'es aux prises avec le stress constant des mille et un problmes de la survie quotidienne et le manque d'estime de soi dcoulant de la stigmatisation sociale dtre juste unE mauditE BS. Parce que oui, la pauvret a affecte la sant, autant physique que mentale. C'est d'ailleurs pour a qu'on peut observer une diffrence de l'esprance de vie d'environ 10 ans entre les quartiers les plus

    Ainsi, aprs avoir inject des millions de dollars lors de la crise financire de 2007-2008 dans le sauvetage des grandes banques et entreprises multinationales, ce qui a contribu gonfler la dette publique, les gouvernements martlent le discours de lassainissement des finances publiques, tant au fdral quau provincial. Maintenant que les petits namis se sont bien engraisss mutuellement, ceux qui passent de la direction des grandes entreprises et institutions financires celle des partis politiques, et vice-versa, veulent maintenant refiler la facture la population. Le discours selon lequel la seule manire de trouver de largent pour rtablir lquilibre budgtaire est daller le chercher dans les poches des travailleurs et travailleuses nest que propagande idologique. Pourquoi ne pas imposer davantage les riches et les grandes entreprises afin qu'ils paient leur juste part ? Actuellement, les entreprises paient en moyenne 6 % d'impt, alors que les individus en paient en moyenne 28 %, et cela sans compter le fait que les plus riches ne paient presque rien en ayant recours toute une gamme de stratagmes d'vasion fiscale, avec la tolrance complice des gouvernements de passage. Au Qubec, on cumule les baisses d'impt depuis les 10 dernires annes, on a rduit les paliers d'imposition de 10 4, on a progressivement limin la taxe sur le capital des banques et entreprises financires, et la proportion du revenu pay par les plus riches en impts et taxes n'a cess de diminuer depuis le dbut des politiques de dficit zro. Ce sont toutes des mesures qui favorisent l'accumulation et la concentration de la richesse pour les mieux nantis. Pendant ce temps, on taxe la pauvret: laugmentation des tarifs et la privatisation des programmes sociaux, a revient faire payer les plus pauvres et creuser davantage le foss des ingalits sociales. En fait, le trou s'en vient tellement creux quil faudra bientt parler dabme plutt que de foss!

    La misre des invisibles

    On parle beaucoup de l'appauvrissement de la classe moyenne et il est vrai que l'on doit dfendre vigoureusement les acquis sociaux gagns en grande partie par les luttes syndicales et populaires passes, mais il ne faudrait pas oublier de dnoncer en mme temps l'appauvrissement systmatique des plus pauvres; un portrait humain de plus en plus dramatique et trop souvent invisible. On observe, de manire gnrale, un silence mdiatique quant la situation des plus dmuniEs et mme quant leur existence, sauf une fois par anne quand vient le temps de la charit Nol. Par exemple, actuellement, avec tout le dbat mdiatique sur les retraites, on ne cesse de marteler des questions stupides du genre pourquoi les gens n'conomisent-ils pas ? , que faut-il faire pour obliger les gens conomiser pour leur retraite? , et on traite essentiellement de cet enjeu comme dune question de responsabilit individuelle. Certes, il y a une partie de la population qui gagne bien sa vie

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    riches et les plus pauvres de Montral ! Sur l'aide sociale, faut se le dire, c'est impossible de joindre les deux bouts; ou tu payes un compte sur deux pis tu vivotes entre deux chques sans cesse la recherche d'une faon de faire une cenne ou deux en allant au pawn shop jusqu'au prochain chque, ou tu te trouves des jobines au noir pour essayer de survivre un peu mieux, ou tu tombes dans la petite criminalit. Encore pire que le manque d'argent, c'est souvent l'isolement, l'absence d'un rseau d'entraide pour allger l'preuve du quotidien. Certains disent que la misre, c'est la pauvret plus la solitude. Cette ralit est le pain quotidien de centaines de familles immigrantes dont l'exprience de travail et les diplmes ne sont pas reconnus, qui peinent se trouver un travail. Ce sont souvent des femmes seules avec enfants qui n'ont aucun rseau de soutien. Et travers ces constats gnraux, y'a les histoires particulires, les histoires brise-cur du monde pogns dans misre qui dbarquent tous les jours dans les organismes communautaires, souvent derniers remparts ou filets sociaux avant la rue ou la crise de nerfs, pour tellement de personnes qui en sont leur nime tentative de se sortir la tte hors de l'eau. C'est l'histoire de Mme Invisible qui na pas russi payer son loyer au complet ce mois-ci. Son propritaire abusif entre chez elle en son absence et revire tout l'envers pour l'intimider. Un beau jour, elle arrive chez elle pis la porte est barre. Bien sr, c'est illgal et elle aura des recours contre le proprio aprs des mois d'attente pour une audience la Rgie du logement, mais en attendant elle aura besoin d'un gte d'urgence pour ce soir parce qu'il commence faire froid. Alors on appelle

    tous les refuges pour femmes, mais malheureusement, ce soir, comme presque tous les soirs, ils sont tous pleins... Et c'est l-dedans que notre cher gouvernement veut couper!

    Au plus meilleur pays au monde

    Au Canada, plus de 3 millions de personnes sont pauvres, 60% des travailleurs et travailleuses n'ont pas assez de marge de manuvre pour pouvoir sauter un chque de paye. Il y a 14 millions de travailleurs et travailleuses pauvres qui vivotent entre deux chques, avec moins de 20000 $ par anne. En 1989, 83% des travailleurs et travailleuses avaient accs l'assurance-chmage, en 2007 c'tait peine 47% qui y avaient accs. Des milliers de chmeurs et chmeuses, de travailleurs et travailleuses autonomes ou temps partiel, contrat temporaire ou saisonnier vivent dans la prcarit. Quarante pourcent des personnes ayant besoin de lunettes ne peuvent pas s'en payer et on parlera mme pas de l'accs aux soins dentaires. Au plus meilleur pays au monde, si t'es pauvre pis que t'as mal aux dents, le seul choix que t'as c'est de prendre ton mal en patience! Et tout ce beau monde sera demain des retraitEs pauvres et malades aux prises avec ce qui restera dun systme de sant public dmantibul, vendu rabais. Pendant ce temps, le prix de la bouffe ne cesse d'augmenter et les demandes aux banques alimentaires explosent. Dj en 2009, 50% des personnes qui frquentaient les banques alimentaires taient des familles et 11,5% taient des travailleurs et travailleuses. Et a ne samliore pas: depuis 2008, le pourcentage des personnes ayant recours aux banques alimentaires au Canada a augment de 25% pour atteindre 840000 lchelle du Canada, et 157000 au Qubec seulement. Au plus meilleur pays au monde, 1 enfant sur 10 (et sa famille) vit dans la pauvret et a monte

    1 sur 2 chez les nouveaux et nouvelles arrivantEs et les Autochtones vivant hors rserves. Malheureusement, encore une fois, rien de nouveau sous le soleil, part que la banquise du Grand Nord part la drive, comme les pauvres et naufragEs des villes

    a n'a pas commenc par le nolibralisme et a ne se terminera pas par l'austrit, parce tout a c'est le rsultat incontournable du processus volutif du systme capitaliste. Pendant que certains accumulent les millions voire les milliards, les peuples doivent lutter de plus en plus pour leur survie. Le futur est sombre pour les gnrations venir, sans compter que notre plante s'essouffle et se meurt petit feu. Alors avec tout a, j'ai envie de vous demander... qu'est-ce qu'on attend pour se rvolter ?

    Note :Les statistiques et donnes quantitatives mentionnes dans cet article sont tires de documents de l'Institut de recherche et d'informations socio-conomiques (IRIS) et des reportages de l'mission Naufrags des villes diffuse Radio-Canada et peuvent tre retrouves sur les sites web suivants :http://iris-recherche.qc.ca/http://naufrages.radiocanada.ca/ emissions_episode.aspx

    Suite de la page 3

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    Non lembourgeoisement de nos quartiers! Gentrifieurs : DGAGEZ !

    En effet, les diffrentes crises du logement vcues au Qubec et partout dans le monde sont directement relies au boom immobilier provoqu par un capitalisme sauvage. En incitant les mnages investir dans le march de limmobilier, les banques et tous ces conomistes vreux ont pu non seulement se sauver de la faillite, mais ont aussi entran une augmentation de 112% du prix des proprits. Quant aux diffrents gouvernements, ils laissent la voie compltement libre au march priv et permettent lembourgeoisement de la ville au dtriment de la population. La gentrification perdure et perdurera tant et aussi longtemps que le systme capitaliste existera.

    Sattaquer la gentrification, cest aussi identifier localement qui sont ces gentrifieurs. Nous pouvons bien sr viser les promoteurs de condos, mais nous devons aussi pointer du doigt ces propritaires de commerces de luxe et de restaurants bourgeois. Le Sud-Ouest de Montral est un bon exemple dun milieu littralement envahi par ces investisseurs sans scrupules.

    Corey Shapiro, gentrifieur de Saint-Henri

    Corey Shapiro est un de ces mprisables gentrifieurs. Cet homme daffaires de 32 ans est co-propritaire depuis plus dun an dun barbershop de luxe situ dans la rue Notre-Dame Saint-Henri : le Notorious. Endroit de prdilection danciens yuppies, de bourgeois et de jeunes riches de Montral, la population du quartier nest pas la bienvenue quoi quen dise Shapiro.

    Notorious

    Le Notorious ne reprsente en rien limage du barbier populaire situ dans un quartier ouvrier. Ici, la prcieuse moustache du bon bourgeois peut tre dompte par une douzaine

    La gentrification est un exemple cruel de ce capitalisme qui fait mal, qui cause dpression, isolement et exclusion et qui accule une partie de la population dans des situations qui sont de plus en plus prcaires. Depuis plusieurs annes, la gentrification est le motif principal de laggravation de la situation des locataires Montral. plus grande chelle, elle contribue envenimer lourdement la crise du logement. Tout comme laustrit, cette crise ne peut tre comprise que par une analyse anticapitaliste.

    de cires et celui-ci peut se procurer un arsenal de produits capillaires tous plus luxueux les uns que les autres. De plus, pour la somme de 100$, il pourra siroter un ptit verre de scotch tout en se faisant tailler la barbe avec un rasoir en or. Compltement ridicule!

    De nombreux et nombreuses rsidentEs soutiennent que Shapiro est un tre arrogant et mprisant. Plusieurs dentre eux et elles sont mal laise lorsquilLEs le croisent dans la rue. Soulignons qu son arrive, il a forc lexpulsion illgale dune locataire qui vivait en haut de son business alors quil nest pas le propritaire dudit logement.

    Mais ce nest quun dbut. Shapiro se vante qui veut bien lentendre quil a carrment achet la rue Notre-Dame Saint-Henri! Il savre donc trs inquitant de constater que le 28 novembre dernier, il a dploy ses tentacules en ouvrant une nouvelle boutique de luxe: Larchive. Ce commerce propose un ventail de lunettes soleil qui valent jusqu 50000$! Corey Shapiro affirme que ses lunettes sont aussi disponibles pour la population locale. Mais de quelle population parle-t-il? Srement pas celle de Saint-Henri qui, chaque anne, est frappe par une terrible hausse de loyer. En 2014, on parle dun mnage sur dix qui consacre plus de 80% de son revenu pour se loger. Sa clientle cible est plutt les bourgeois de Westmount ou de Ville Mont-Royal venant, tels de nouveaux colonisateurs, envahir le Sud-Ouest pour magasiner les fins de semaine!

    Le Burgundy Lion

    Le Burgundy Lion est un second exemple dun commerce gentrifi qui accentue le sentiment dexclusion vcu par la population locale. Un groupe de militantEs du quartier soutient en effet quilLEs y ont vcu du profilage social. Le grant de ce pub, prtextant une rservation, leur a montr la porte lorsquilLEs sont venuEs prendre une bire en fin daprs-midi. La place tait alors compltement vide.

    Le Notorious, Larchive et le Burgundy Lion ne sont que des exemples parmi de nombreux autres commerces qui anantissent la vie des rsidentEs dans le Sud-Ouest de Montral. D lattitude des propritaires, la dcoration des lieux et aux prix trop levs, plusieurs personnes ne se sentent plus les bienvenuEs et ne reconnaissent plus leur environnement. Ces

    gentrifieurs collaborent la fermeture de commerces locaux et populaires qui taient ancrs dans le milieu depuis de nombreuses annes. De plus, ils dveloppent des lieux permettant aux riches dentretenir leur propre sociabilit de quartier tout en excluant la population locale.

    Quest-ce quon fait?

    Mis part ne pas, videmment, frquenter ces lieux dopulence, comment pouvons-nous lutter contre ces monstres du capitalisme? Nous pouvons nous mobiliser au sein de diffrents comits logement, dont le POPIR-Comit logement, qui agit contre la gentrification dans Saint-Henri, la Petite-Bourgogne, Ville-mard et Cte-Saint-Paul. Cette anne, ses membres ont en effet dcid de prioriser la lutte contre lembourgeoisement dans leurs quartiers. Dans un autre registre, soulignons laction de certaines personnes qui ont agi face au Notorious. Cet automne, un groupe muni dun extincteur rempli de peinture a asperg les vitrines du salon de barbier ainsi que du Campanelli, un coffee-shop/magasin de mode de luxe.

    Luttons contre ces gentrifieurs qui nous tuent petit feu! Au-del de la sensibilisation et de la conscientisation (qui sont essentielles), rflchissons des actions de perturbation qui viendront causer des prjudices conomiques ces commerces. Attaquons le capitalisme l o a fait mal, directement dans les poches des commerants.

    Rapproprions-nous nos quartiers!

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    Quand environnementrime avec argent

    Au Canada, en lespace de 12 ans, il y a eu plus de 1000 accidents dans le milieu ptrolier, qu'il s'agisse d'explosions, de fuites, de dversements ou de draillements1. Rien quau cours des 5 derniers mois, il y a eu plus de 133 incidents en Alberta2. Le dernier incident en date tait un dversement de 60000 litres d un bris dans un pipeline de la Canadian Natural Resources3. Et lors du mois doctobre, c'est plus de 625000 litres de produits toxiques qui ont t dverss dans la nature4. Pourtant, lAgence de l'nergie de l'Alberta (AER) continue laver de tout soupon les entreprises responsables de ces dversements.

    Au Qubec, lexploitation ptrolire sest surtout fait connatre par le projet de forage de TransCanada Cacouna ou encore par le projet d'exploration lle dAnticosti. Deux projets dans laquelle la corruption des divers partis politique est flagrante. David Heurtel, le ministre de lEnvironnement, navait eu aucun mal donner une autorisation TransCanada pour commencer les forages Cacouna5, alors quil navait pas en main les rapports scientifiques ncessaires.

    Du ct de lle dAnticosti, la corruption politique est encore plus prsente. Ce grand parc naturel sera sous peu dtruit coup de forage et dexploitation ptrolire. En 2008, Hydro-Qubec a vendu pour 10 millions de dollars les 35 permis de forage Ptrolia. Selon les premiers rapports, la compagnie pourrait puiser jusqu 229 milliards de ptrodollars6. Le gouvernement pquiste critiquait alors la dcision du gouvernement Charest. Cependant, une fois au pouvoir, le gouvernement Marois y a vu une bonne cause et a laiss Ptrolia continuer ses sales affaires. Le PQ a mme sorti lex-militant environnemental devenu ministre Daniel Breton de son placard pour dfendre le projet7.

    Il ne faudrait pas oublier le cas de la municipalit de Ristigouche-Partie-Sud-Est. Ce secteur est convoit par Gastem, une compagnie dexploitation ptrolire et gazire dirige par lancien ministre du Parti libral Raymond Savoie. La municipalit se dote alors dun rglement interdisant tous les forages prs dune source deau. Gastem trouve que cest un rglement illgitime et dcide donc de poursuivre la Ville pour 1,5 millions de dollars. Le problme, cest que la

    Le discours entourant lextraction ptrolire tente de nous faire croire que ces industries favoriseraient le bien commun: cration demplois, investissements dans des infrastructures, crations de nouveaux domaines de recherches, etc. Mais quen est-il vraiment?

    petite municipalit na quun budget de 275000$8. Face cette poursuite billon, est-ce que le gouvernement agit? Non. Il prfre laisser la petite ville se battre seule.

    Une situation similaire sest produite en Gaspsie lorsque la ville sest dote dun rglement semblable. L aussi la ville a subi une poursuite billon. Toutefois, face la pression populaire, Ptrolia a dcid dabandonner le projet9.

    Les menaces cologiques ne proviennent pas toutes des projets ptroliers au Qubec, il y a aussi le Plan Nord qui continue de nous pendre au bout du nez. Tous les partis ont leur ide propos de celui-ci. Tous veulent y investir de largent. Lorsque le Parti qubcois tait au pouvoir, sa version du Plan Nord conomisait 21 millions sur les 889,9 millions initiaux du gouvernement Charest10. La raison? Le gouvernement coupait dans les logements sociaux destins la population autochtone. Mais il ne faut pas croire que le gouvernement Couillard fait mieux. Il na que repris les plans prcdents et les a quelque peu bonifis. Pas pour la collectivit, juste pour ses amiEs.

    Linvestissement du Plan Mort commence par la cration dune nouvelle socit dtat: la socit du Plan Nord. On peut se demander quoi sert la cration dune telle socit quand la majeure partie des retombes conomiques va au priv. La nouvelle socit d'tat aura un budget initial de 63 millions de dollars11. cela, il faut aussi ajouter un petit 20 millions pour une tude afin de savoir si une troisime voie ferre sera ncessaire, et ce, bien que dj deux tudes affirment que non12. Et ltat nous dit quil na plus dargent pour financer les programmes sociaux. On nous prend vraiment pour des caves! On essaie de nous vendre le Plan Nord comme un dveloppement conomique et social: c'est insultant lorsqu'on sait qu'il en cotera jusqu 1,2 milliards de dollars simplement pour le nettoyage des 698 sites miniers abandonns! Les seuls cadeaux que les compagnies minires et ptrolires savent fairesont de polluer notre existence et nous enfoncer dans la crise des finances publiques grce au financement public qu'elles reoivent. Sans compter que depuis que le dveloppement conomique du Nord a t mis en place, la violence faite aux femmes na pas cess daugmenter. On observe une augmentation de 24% des cas dagressions sexuelles rapportes13. Ainsi, le Plan Nord constitue pour les femmes un vritable retour en arrire. Par ailleurs, le gouvernement provincial a beau se targuer

    de vouloir rduire les missions de gaz effet de serre pour freiner les changements climatiques, les institutions publiques, comme la Caisse de dpt et placement du Qubec, sont aussi complices du dsastre cologique annonc. Ainsi, on dcouvre que la Caisse a achet des actions et des obligations de Canadian Natural Ressource (291.3 millions$), Ptrolia (500 000$), Enbridge (251.1 millions$) Kinder Morgan (16.9 millions$), Junex (1.5 millions$), SunCor (21 millions daction) et TransCanada (767.3 millions$)14. Comme le gouvernement dpend de la rentabilit de la Caisse, pas surprenant que libraux comme pquistes ne ragissent pas aux dangers que ces compagnies reprsentent pour l'environnement!

    Mais ce que fait la Caisse de dpt nest gure diffrent des banques. Les banques canadiennes investissent une grande partie de leurs capitaux dans les compagnies ptrolires. Dailleurs, la chute des prix de lessence a caus des pertes pour les banques15. On comprend ainsi un peu mieux pourquoi ltat se montre plus soucieux de protger les sites dextraction que la collectivit.

    Propagande et complicit de ltat

    Il devient vident quentre ltat et la collectivit il y a un foss. Ltat semble ne reprsenter que les intrts des entreprises capitalistes. Ces entreprises misent sur laide de ltat, mais aussi sur une forte propagande.

    Plus tt cette anne, on apprenait que TransCanada a mis au point avec la firme de relations publiques Edelman un grand plan de propagande. Cette firme avait t prcdemment embauche par la compagnie Produits Forestiers Rsolu16 concernant le cas des coupes blanc illgales sur des territoires autochtones non cds par les Anishinaabe. Son plan de marketing va de payer des internautes pour diffuser des messages pro-pipelines jusqu attaquer systmatiquement tous les groupes environnementalistes. Dans le document dEdelman, il est mme conseill de changer

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    le terme sable bitumineux pour ressource naturelle17. Mais cest toujours mieux que la vision de Kinder Morgan qui, dans un rapport de 15000 pages, explique que les dversements de ptrole sont un vnement positif pour les localits, puisque cest une occasion d'affaires18!

    Et comme cela fait partie de leurs pratiques d'affaires partout dans le monde, les entreprises du secteur nergtique aiment bien graisser la patte de ceux et celles qui sont au sommet. trange que Pierre Arcand, notre cher ministre de l'nergie et des Ressources naturelles, responsable du Plan Nord, ne se vante pas souvent du fait quil a particip un sjour tous frais pay le 20 aot 2014 Banff, organis par une association faisant la promotion de lexploitation ptrolire: la Canadian Oilmen's Association19.

    Autant dire que la classe politique fait elle-mme le travail de propagande quand cest ncessaire. Et une fois au pouvoir, elle sassure de modifier les lois en faveur des compagnies. Par exemple, depuis ladoption dune des trs nombreuses lois mammouth au fdral, il nest dsormais plus ncessaire que les sites dextraction de sables bitumineux fassent lobjet dune valuation environnementale20. Mais comment attendre autre chose du gouvernement Harper quand celui-ci considre que le ptrole est une ressource renouvelable21.

    Les liens de proximit entre les compagnies ptrolires et ltat s'oprent diffrents niveaux. Un vritable systme de porte tournante existe entre les dirigeants de compagnies et les membres de la classe politique, et cela reste le plus souvent dans l'ombre. Pas tonnant qu'il y ait convergence d'intrts...

    L'entreprise Canadian Natural Ressources a un imposant conseil dadministration cet gard. On y retrouve, entre autres, Frank McKenna, ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick22 qui, depuis quil a quitt le rle de premier ministre, parcourt le territoire pour rpandre la bonne nouvelle concernant le gaz de schiste. Tout comme l'honorable Gordon D. Giffin, ancien ambassadeur tats-unien, qui est aussi directeur de la Canadian Imperial Bank of Commerce, Canadian National Railway Company, Canadian Natural Resources Ltd. et de Just Energy Group Inc. Ou encore Gary A. Filmon, ancien premier ministre du

    Manitoba, qui sige aussi au CA de la Canadian Natural ressources et N. Murray Edwards, lactionnaire de contrle de la compagnie, qui a donn environ 436227$ au Parti libral de la Colombie-Britannique23. On ne se demandera pas pourquoi...

    Quant Suncor, la plus grosse compagnie nergtique au Canada, elle est aussi pourrie gte que les autres. Sur son conseil dadministration on retrouve Dominic DAlessandro, qui a t choisi en 2006 par Stephen Harper pour faire partie du Conseil nord-amricain de la comptitivit24. Ce conseil a pour but de faire des recommandations aux diffrents pays afin d'accrotre la prosprit. videmment, les membres de ce conseil proviennent du priv. Bref, M. Alessandro sest fait quelques ami-e-s au gouvernement. Et que dire de la prsence de Maureen McCaw. Elle est non seulement membre du CA de Suncor, mais aussi de celui de Radio-Canada25, et elle fait partie de lquivalent albertain de lAutorit des marchs financiers (organisme de rgulation financire). Autant dire que Madame McCaw est un peu partout.

    Enfin, TransCanada nest pas en reste, elle aussi veut sa part du gteau. On y retrouve Derek H. Burney. Il a t le chef de cabinet de Brian Mulroney26. Il a agi par la suite en tant quambassadeur canadien aux tats-Unis pendant 4 ans. Et quand TransCanada veut vendre sa merde aux Autochtones, la compagnie sassure aussi davoir un ancien grand chef de lAssemble des Premires Nations, Phil Fontaine27, comme lobbyiste.

    Et la liste pourrait continuer ainsi pendant trs longtemps: James J. Blanchard28, ancien gouverneur et ambassadeur amricain chez Enbridge ou encore Andr Caill29ancien sous-ministre de lEnvironnement chez Junex. Ils passent de postes cls dans le gouvernement ceux des entreprises du secteur minro-nergtique. Pas surprenant qu'ils dfendent tour de rle leurs intrts mutuels, puisqu'il s'agit de leurs intrts de classe. Mme petite clique, mme petite lite.

    Rsistance et rpression

    Toutefois, il y a de plus en plus de rsistance. Petite ou grande, elle est de plus en plus prsente partout au Canada, souvent mene de front par les traditionalistes dans les communauts autochtones. Mais cette rsistance est toujours accompagne de la rpression de ltat.

    Lingnieur Evan Vokes la appris ses dpens. Il tait employ chez TransCanada jusqu ce quil dpose une plainte lOffice national de l'nergie (ONE). Dans cette plainte, il explique que lentreprise ne respecte pas les normes de scurit. Il a observ que les oloducs servant transporter le ptrole ont des failles au niveau des soudures30. Ces failles sont ce qui cause les fameux problmes mcaniques responsables des dversements. trangement, lONE na pas tenu compte de la critique de Vokes et a laiss TransCanada oprer en toute impunit. Ce nest quau moment o il a dnonc publiquement la stratgie de TransCanada que lONE sest intress ses accusations. Vokes pense cest lONE qui l'a dnonc TransCanada, ce qui naurait rien dtonnant...

    Laustrit est aussi une excuse pour couper les vivres des groupes critiques des politiques nergtiques. Le gouvernement provincial a coup le financement de plusieurs groupes environnementaux. Ce sont plus de 10 groupes qui risquent de disparatre. Lobjectif de ces coupures: conomiser environ 450 000$. Si ce chiffre semble gros, il nest rien comparativement celui que le gouvernement est prt investir dans les travaux dexploration ptrolire sur lle dAnticosti: 112 500 000$31. Soit 250 fois lconomie que le gouvernement fait avec les groupes environnementaux. Et videment tout cet argent investi naura aucune incidence conomique pour le reste de la population. On peut toujours justifier que de tels projets engendrent des emplois et donc un revenu. Mais quen est-il des emplois dans le milieu communautaire? Cest que ltat prfre les premiers aux seconds parce qu'ils rapportent plus. Aprs-tout, qui dans le communautaire peut se payer unE ministre?

    Cette attaque nest toutefois pas l'apanage du gouvernement provincial. Le gouvernement fdral sattaque aux profits des groupes environnementaux en instrumentalisant Revenu Canada, qui passe la loupe les tats financiers de ces groupes pour trouver la moindre erreur. On aimerait que le gouvernement soit aussi zl avec les corporations multimilliardaires. Trois groupes sont principalement viss: quiterre, la Fondation David Suzuki et lAssociation qubcoise de lutte contre la

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    pollution atmosphrique. Trois groupes luttant contre lexploitation des sables bitumineux. Trois groupes considrs comme des ennemis dans le plan marketing de TransCanada32. Il devient de plus en plus clair que le gouvernement, fdral ou provincial, chasse lcologiste.

    Cette rpression est aussi de nature juridique. Le gouvernement fdral a introduit plusieurs modifications aux lois, notamment celle qui vise augmenter les pnalits encourues pour des dommages faits la proprit ou pour bloquer laccs des infrastructures publiques ou prives. Selon les avocats Mr. Prutschi et Mr. Spratt, lobjectif de cette loi est de viser prcisment les manifestantEs bloquant laccs des pipelines33. La modification fait passer le temps demprisonnement maximal pour ces infractions de 2 10 ans, et augmente les amendes de 500$ 3000$.

    Rsistance et situation autochtone

    De tous les groupes rsistant ces projets, on ne peut oublier celui qui subit le plus de rpression: les Autochtones. Les populations autochtones sont les premires se mobiliser contre les effets pervers de lexploitation minire et ptrolire, puisque ce sont souvent leurs territoires et leurs modes de vie qui sont attaqus par ces industries. Bien avant le mouvement Idle No More, les Autochtones utilisaient diffrentes tactiques: manifestation, blocage, occupation, flash-mob et actions directes. Mais quimporte o ils et elles se trouvent, quimporte laction pose, la police et lanti-meute de la GRC sont l pour les arrter. On parlait lan dernier de la lutte quavait men la communaut Mi'gmaq dElsipogtog contre la compagnie d'exploitation du gaz de schiste SWN et comment elle avait t rprime dans la violence34. Ainsi assige, la communaut autochtone avait alors rpliqu en brlant plusieurs vhicules de police.

    Lun des cas qui se retrouve le plus dans les mdias dernirement est la lutte de Burnaby Mountain. La communaut Tsleil-Waututh se bat contre la compagnie Kinder

    Morgan35, qui veut faire passer un pipeline sur son territoire. La compagnie est appuye par l'tat qui utilise tous ses moyens rpressifs: police fdrale, injonctions et manipulation de la loi. Les opposantEs au projet ont tent de faire opposition lexamen de lONE en cour fdrale, mais cela a aussi chou. Face au pouvoir lgislatif, la communaut autochtone a dcid de dsobir, notamment par une prsence accrue de manifestantEs sur le site, ce qui a men plusieurs arrestations.

    La raction du gouvernement fdral a t d'intensifier sa surveillance des groupes environnementaux et des militantEs des Premires Nations36.

    Cette rpression n'est pas gratuite. Chaque fois que le gouvernement envoie un flic, quand ce nest pas une escouade, il en cote plusieurs milliers de dollars.

    Pendant ce temps, on nous sert l'austrit sur un plateau d'argent.

    1- http://bit.ly/1fRXZ0j 2- http://bit.ly/154CZ5t3- http://huff.to/1xrd3Yn4- http://bit.ly/1vnNYCi5- http://bit.ly/1AgRImk6- http://huff.to/1yldI1o7- http://bit.ly/1IyW52n

    8- http://bit.ly/14BOocF9- http://bit.ly/14YW21E10- http://bit.ly/14YWb5m11- http://bit.ly/17Jf3Xb12- http://bit.ly/1BsHeVa13- http://huff.to/1B9ascI14- http://bit.ly/1IyX8PT15- http://bit.ly/1x2NmOJ16- http://huff.to/1vdRLRt17- http://bit.ly/1DHbWvP18- http://bit.ly/1iNtdZE19- http://bit.ly/17JfX5K20- http://bit.ly/1KLA2Yy21- http://bit.ly/1DHcphy22- http://bit.ly/1FYrmxY23- http://bit.ly/1AgTNPc24- http://bit.ly/1xrgmid25- http://bit.ly/1yj6JaB26- http://buswk.co/1x2P7eJ27- http://bit.ly/1zeMgFu28- http://bit.ly/1BsJZ9e29- http://www.junex.ca/conseil-administration30- http://huff.to/1Iz0kLA31- http://bit.ly/1zeMQDc32- http://bit.ly/1pTb8ij33- http://bit.ly/1x2Q86t34- http://bit.ly/1DHdq9x35- http://bit.ly/1xrhC4P36- http://bit.ly/1mmxwsi

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    L'origine du systme de sant universel2

    Essentiellement, aprs la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction de l'Europe a cr un boom industriel, qui a caus un exode agricole et rural, ce qui a conduit la diminution de la population vivant sur des exploitations3 [agricoles]. On a, avant les premires rformes, un systme effectivement deux vitesses: des hpitaux soutenus par des compagnies d'assurances et de gros employeurs4, ainsi que de l'autre, des congrgations religieuses fournissant une assistance d'urgence toutes et tous. Ce sont les incarnations des deux sources du systme de sant: le besoin de travailleurs et travailleuses en sant, ainsi que d'un contrle sanitaire minimal afin d'viter les pidmies.

    Ainsi, lors de la Rvolution tranquille, on commande une tude du systme de sant qubcois. La commission Castonguay-Nepveu sortira un rapport en 1970, recommandant la cration d'un systme trois chelons: le premier tant le CLSC, qui pouvait rfrer un hpital, qui pouvait, lui, rfrer un hpital universitaire. Les premiers CLSC taient des organisations littralement communautaires, qui visaient assurer la sant des habitantEs d'une communaut et qui taient directement issus du manque de ressources dans les nouveaux quartiers dvelopps pour les travailleurs et travailleuses. Des organisateurs et organisatrices communautaires y taient directement rattachEs afin de pouvoir intervenir dans la communaut, par des campagnes d'information et de sensibilisation. Ils et elles pouvaient aussi mobiliser les personnes du quartier directement contre la source des problmes, que ce soit le chmage, les logements insalubres ou le manque de logement en gnral.

    Ainsi, la sant tait perue comme un phnomne social local, auquel on pouvait trouver des rponses collectives pour agir sur les causes sociales et politiques de plusieurs problmes de sant. Il devient par exemple facile de voir directement que les gens pauvres de telle ou telle communaut dveloppent des maladies lies tel ou tel produit alimentaire bon march, l'exposition l'air vici d'une usine ou aux mois issures dans des logements mal

    conus. Une telle approche est peu dispendieuse: les individus touchs par des problmes sont frquemment les principaux acteurs et actrices de la mise en place de solutions leurs problmes, les cliniques n'ont pas besoin d'infrastructures dispendieuses, et on peut rduire drastiquement le nombre d'hospitalisations par les actions en amont.

    De nombreux types de maladies actuelles pourraient probablement trouver des solutions communautaires. Les mdecins eux-mmes disent que 20% des dficits d'attention sont de cause environnementale5, on sait que le stress est un facteur aggravant ou causant de multiples formes de maladies6, auquel la plupart des solutions sont de nature sociale7 et on sait que les personnes isoles

    socialement sont plus risque de dvelopper des problmes de toxicomanie (personnes ges, homosexuelles, incarcres, itinrantes)8 et ainsi de dvelopper d'autres problmes de sant.

    La rationalisation

    Une fois le systme de sant nationalis, l'tat tenait dsormais les cordons de la bourse, et il a alors mis en place des mcanismes afin de pouvoir contrler les cots: Alors que mdecins, infirmires et communauts religieuses avaient, toutes fins utiles, le contrle des institutions sanitaires la fin des annes 1960, ce sont maintenant des conomistes, des comptables, des dmographes, des pidmiologues, des spcialistes de la recherche oprationnelle, des administrateurs certifis et des sociologues qui fournissent le personnel d'un nombre croissant de bureaux de recherche, et le personnel d'encadrement du ministre et des centres rgionaux9.

    Toute rforme soumise un centre dcisionnel qui tente de s'assurer que le travail effectu est efficace est ultimement en proie au fordisme: une division systmatique des tches qui vise une maximisation de la rapidit d'excution des tches individuelles. Trs rapidement, les aspects communautaires seront limits parce qu'il est dur d'en valuer l'efficacit. C'est le mme flau qui affecte l'ducation: les ministres sont en charge d'analyser, de produire des tudes et de tenter d'conomiser. Ainsi, on analyse l'ducation et la sant de manire essentiellement industrielle. Les ordres profess ionnels produ iront des

    Le systme de sant : augmenter l'efficacit, mais pas pour nous soigner!

    Le systme de sant est un enjeu norme au Qubec. Le budget allou en sant reprsente prs de la moiti du budget provincial1 et on est gnralement unanime sur le fait qu'on est mal soignEs. L'austrit menace de mettre la hache dans le systme de sant et la gauche tend gnralement dfendre le systme en place. Toutefois, il semble qu' travers les annes les rformes ont russi camoufler des subventions dguises au sein des dpenses, ainsi qu' perdre de vue les causes des maladies pour se concentrer sur les symptmes, si bien que le systme devient de plus en plus productif, mais on est de moins en moins soignEs. Ainsi, il semblerait que le systme de sant a plus besoin d'une rvolution que d'une volution.

    Illustration 1 : Nombre d'tablissements de sant au Qubec depuis 1990(tir de http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2009/09-731-01F.pdf)

  • conomique de 1996 et la Loi cadre sur le dficit zro, on procdera plus de coupures et, en 1999 arrivera le rapport Arpin, qui poussera pour une harmonisation des services privs et publics et pour une meilleure satisfaction des besoins des requrantEs.

    On voit partir de ce point les orientations long terme: le remplacement graduel du systme public par une intrusion du priv lente et subtile. Le sous-financement du systme de sant a men de nombreuses personnes devoir utiliser les services de sant privs et les discours se font de plus en plus forts pour un renforcement de cette dynamique. Toutefois, le plus terrifiant est qu'il est difficile de dterminer si ces orientations taient volontaires ou bien si les administrateurs croyaient simplement qu'en bout de ligne, tre trait plus rapidement allait rsoudre tous les problmes.

    Toutefois, les nouveaux services de sant auront beau tre efficaces et efficients selon les critres capitalistes, il faut se rappeler que la sant n'est pas qu'une question d'actes mdicaux accomplis : il s'agit d'une relation complexe avec notre environnement, de rapports conomiques (puisque seuls les riches peuvent se permettre de manger bien, de faire du sport, de sortir de la ville les fins de semaines) et d'ducation (qui est malheureusement de plus en plus centre sur les besoins du march). Notre systme de sant peut dsormais tre sujet aux mmes critiques que les entreprises prives: il vise la performance tout prix et dpend de plus en plus de ressources externes afin de diminuer les cots. Par exemple, on force les parents payer pour le sport des enfants, les vendeurs de vitamines font de gros profits sur le dos de ceux et celles qui n'ont pas le temps de bien s'alimenter et les mres de familles se doivent de devenir nutritionnistes et travailleuses sociales pour

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    dfinitions d'actes mdicaux auxquels seront impartis des temps fixes, et les actes inutiles seront retirs du systme. Rapidement, les critres d'valuation du systme de sant seront le nombre de mdecins par personne, les investissements dans les soins de sant, le nombre d'actes mdicaux prodigus. On vitera de demander aux gens comment ils se sentent par rapport aux soins prodigus, ainsi que d'apprcier les facteurs environnementaux de base: nourriture, air et eau de qualit et accessible, infrastructure et soutien au sport, travail mancipateur et scuritaire, logement de qualit, revenu dcent, etc.

    Pire encore, en 1974 apparat le rapport Lalonde, qui inverse radicalement la vision de la sant et qui aura des consquences sans prcdent sur la conception de celle-ci, lorsque le gouvernement commencera faire la promotion des saines habitudes de vies. Cette vision est l'inverse du droit la sant revendiqu dans la mdecine communautaire 10 ans auparavant: on demande dsormais aux personnes de cesser de fumer, de boire, de manger, pour se garder en sant. Il ne s'agit plus de problmes collectifs mais individuels. On commence parler du ticket modrateur, une taxe pour les gens qui abusent du systme de sant et on commence taxer les cigarettes. C'est toutefois beaucoup plus facile d'avoir de saines habitudes de vie lorsqu'on n'est pas oblig d'occuper deux emplois pour subvenir aux besoins familiaux.

    C'est partir de la commission Rochon en 1988 qu'on observe une explosion des cots dans le systme de sant, alors qu'auparavant les cots voluaient proportionnellement l'volution du PIB10.

    En 1988, 80% de la population croyait que le systme de sant qubcois tait un des meilleurs au monde11, alors que dsormais, 65% de la population est insatisfaite du systme de sant12. On procdera des mises pied et des fermetures d'hpitaux dans les annes 1990.

    Effectivement, cela apportera une lente restructuration vers de super-hpitaux centraliss qui effectuent des actes mdicaux faible cot, mais qui ne prennent pas en compte les problmes sociaux qui s'aggravent chez les clientles vises.

    Toutefois, face l'augmentation des cots et l'insatisfaction que les fermetures et restructurations ont occasionnes, on commence parler d'une implication plus grande du priv. Aprs le Sommet conomique

    Illustration 2 : Dpenses en sant depuis 1990

    Illustration 3 : Pourcentage proportionnel des dpenses en sant au Qubec.On voit que l'essentiel de l'explosion des cots mdicaux revient des compagnies pharmaceutiques, auxquelles ont verse dsormais 5 fois plus.

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    1- http://bit.ly/1kD9PQ2, p. 352- Non, le systme n'est pas accessible tous et toutes, puisque les personnes sans statut risquent l'expulsion lorsqu'elles les frquentent:http://iwc-cti.org/fr/la-sante-pour-tous-et-toutes/3- Dionne, Claude, 1976, Lexode agricole au Qubec, 1951-1971, Cahiers qubcois de dmographie, Vol 5, no. 3, p. 147.4- Baillargeon, Franois, 2009, La crise de la mdecine librale et le dbat sur les assurances sociales au qubec de 1925 1945 travers les pages du journal l'action mdicale, p. 20.5-www.douglas.qc.ca/expert_advices?id=26-www.e-sante.fr/prevenir-maladies-agir-sur-son-stress/2/guide/11437- www.douglas.qc.ca/info/stress8- http://bit.ly/1y1mEKA

    s'assurer des bonnes habitudes de vie de leurs enfants. l'inverse, en raison de la destruction des autres programmes sociaux, les hpitaux redeviennent ce qu'ils taient avant la rforme des annes Nepveu-Castonguay : un centre qui accueille toutEs ceux et celles qui ont des problmes urgents et divers.

    Il est assez clair que la vision capitaliste du systme de sant a t la premire source de destruction d'infrastructures mancipatrices. Il s'agit d'une logique autorfrentielle: puisque notre confort dpend en grande partie de notre statut conomique et que celui-ci dpend du statut conomique de notre pays, on se doit d'utiliser les critres de performance du march afin d'valuer les services gouvernementaux. Les gouvernements, s'ils en ont le pouvoir, vont appliquer ces mthodes aux services publics, afin d'augmenter le rendement. C'est pourquoi le soubresaut social du systme mdical qubcois fut de courte dure. Il faut un systme de sant qui part de la population et qui est dirig par les gens qui en bnficient directement.

    Face l'explosion des cots d'un systme aussi dysfonctionnel, il semble que de nouvelles initiatives comme la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles seraient presqu' mme de r-aiguiller le systme de sant. Nous devons btir un systme de sant ax sur la communaut et non sur la productivit.

    Suite de la page 10

    9-Renaud, Marc, 1995, Les rformes qubcoises de la sant ou les aventures d'un tat "narcissique", dans Keating, Peter et d'Othmar Keel, Sant et socit au Qubec XIXe-XXe sicle, Montral, ditions du Boral, p. 2110- White, Deena, 1992, La sant et les services sociaux: rforme et remises en question, dans Daigle, Grard et Guy Rocher, Le Qubec en jeu. Comprendre les grands dfis, Montral, Presses de l'Universit de Montral.11- Commission d'enqute sur les services de sant et les services sociaux (1988), Rapport de la Commission denqute sur les services de sant et les services sociaux, Qubec, Publications du Qubec, p. 396.12- Radio-Canada, 2014, Un systme de sant insatisfaisant, consult le 6 dcembre 2014, en ligne,http://bit.ly/1kJDd7J.

  • En voyant la prparation du printemps 2015 aller bon train, je constate que la majorit des fministes avec lesquelles jai milit avant et pendant la grve de 2012 ny sont pas impliques en ce moment. Pourtant, je reconnais parmi les personnes actuellement mobilises les visages des gens que jai ctoys sur des comits de lASS (Association pour une solidarit syndicale tudiante), dans les comits de mobilisation, dans les assembles gnrales, dans la rue, etc. O sont ces militantes fministes, quelques annes plus tard? Sont-elles disparues du mouvement tudiant? Quadviendra-t-il des enjeux qui ont faonn leur militance et du discours quelles ont port ?

    Durant mon parcours de militante tudiante fministe, jai appris sur mes limites, mais aussi sur celles des milieux dans lesquels jai milit. Quand je rflchis rtrospectivement mon implication, celles damies et collgues, je constate que lpuisement que nous avons vcu est intrinsquement li la posture politique et au rle que nous avons choisi dadopter. Concrtement, qu'est-ce que simpliquer dans un mouvement pour lequel les enjeux fministes ne sont pas la priorit? Bien souvent, a implique une double charge de travail militant. Cest--dire participer la lutte en cours, en plus de se soucier daspects dlaisss par celle-ci.

    No shortcut to the revolution

    Lorsque je militais au comit femmes de lASS, les autres membres du comit et moi jugions important que la lutte ne soit pas que fministe dans son discours (ex. : tmoigner des consquences de la hausse des frais de scolarit pour les tudiantes), mais aussi dans ses pratiques (ex. : favoriser la participation des militantes dans lorganisation de la lutte). Il tait aussi important pour nous que lASS reconnaisse lexistence de diffrentes formes de savoir et de tendances prsentes au sein du mouvement. Quelle soit un espace o ces discours peuvent entrer en dbat, se confronter. Cela nous apparaissait comme des conditions ncessaires au mouvement pour quil prenne rellement en compte la diversit des conditions de vie des tudiantEs et des enjeux de lutte.

    Nous travaillions aussi ce que les pratiques soient plus inclusives. Que participer au mouvement soit possible sans quil ne faille

    pour cela en connaitre le jargon, tre lamiE des militants de longue date ou adopter le lifestyle militant.

    Nous avons essay dorganiser diffremment les activits du comit femmes1 : crer de nouveaux espaces de mobilisation non mixtes femmes, remettre de lavant certaines pratiques comme la garde du senti, soutenir la cration de contingents parents-tudiants ou fministes dans les manifestations, utiliser les caucus non mixtes homme/femme ou cgep/universit dans diverses circonstances (congrs, runion, atelier de formation, etc.), se rassembler en non-mixit femme pour organiser une action Selon nous, a valait aussi la peine de prendre plus de temps pour crire collectivement un article ou construire en groupe un atelier de formation. Le contenu tait alors plus riche et aussi plus coll au vcu des participantEs. Le micro, les journaux ou les tracts portaient ainsi le discours des gens qui nont pas forcment le temps ni les conditions de vie pour se consacrer temps plein la militance. Laccessibilit la militance cest aussi a : que les parents tudiantEs, les tudiantEs internationaux, les tudiantEs en formation continue, les militantEs queers et LGBT (lesbiennes, gais, bisexuelLEs, transexuelLEs: les personnes qui luttent pour la reconnaissance de la diversit sexuelle), les personnes en situation de handicap et les tudiantEs autochtones aient lespace au sein du mouvement pour y participer leur manire. Quils et elles puissent lutter concernant les enjeux dont ils et elles sont les premiers/premires concernEs.

    Afin de transformer les pratiques internes de notre organisation, nous sommes sorties des traditions prtablies et en avons critiqu certains aspects. Malheureusement, le changement ou la critique interne peut souvent tre peru comme une menace et

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    Printemps 2015 :o sont les fministes des grves passes ?

    conduire la marginalisation2 de celles qui tiennent la lutte suffisamment cur pour oser en faire.

    Le care est politique!

    Pendant la grve de 2012, les gens disaient lutter ensemble et tre solidaires. Pour plusieurs fministes, cette solidarit devait se manifester aussi dans le care et laide collective offerte face aux consquences de cette lutte; mettre sur pied des rseaux dentraide, accompagner des personnes judiciarises au palais de justice, participer des vigiles lors darrestation. a demande du temps et de lnergie, que lon soit impliqu dans lorganisation ou quon y participe.

    Mener une lutte sociale, cest vivre des moments de haute intensit aux cts des personnes avec qui on partage des valeurs et de lespoir, mais aussi la rpression. La violence de cette rpression sajoute aux rapports de pouvoir ingaux3 qui ressurgissent dans nos relations avec nos camarades de lutte. lautomne 2012, puis celui de 2013, des vagues de dnonciation dagressions sexuelles ont branl le mouvement tudiant. Des fministes du mouvement tudiant se sont mobilises pour mettre en branle une rponse collective, mais en ne faisant pas appel la justice formelle. Des processus de justice transformatrice ont t mis sur pied. Des formations et ateliers dducation populaire sur le consentement, dnonant la culture du viol, ont aussi t organiss. Lorsque la violence vient de nos allis, en prendre conscience et la dnoncer demande encore plus dnergie.

    Tout a, cest un travail militant qui est souvent moins visible et moins valoris au

    - auteure invite

  • devient trop forte et que nous devons prendre du recul, la culpabilit revient encore plus forte; nous ne pouvons que nous blmer pour le cours des choses. Il faut devenir capable de nous fliciter dtre passEs laction, davoir fait quelque chose et laisser de ct la culpabilit perptuelle.

    Les personnes centrales aux organisations sont les plus risque de s'puiser, ce qui peut facilement mettre en jeu la survie des organisations si elles ne prennent pas le temps de former une relve.

    Ces critiques ne sont pas nouvelles. Probablement quil y en aura jusqu labolition de tous les systmes de domination. Deux solutions temporaires douteuses sont par contre prsentes : la mdicamentalisation et la culture de lintoxication. Le monde mdical naturalise et normalise les rapports de domination. De plus, le capitalisme tend crer des consommateurs et consommatrices de mdicaments, si possibles vie. Cest priv, il faut cacher ce problme, le tournant vers le honteux et linnommable. Pour ce qui est de la bire aprs une manif, les gens s'intoxiquent collectivement, crant de nouvelles problmatiques. Plusieurs cas d'agressions sexuelles, par exemple, ont t vcus lors de moments d'intoxication. L'alcool et la drogue ne sont pas en soi problmatiques, toutefois, elles peuventfacilement mener des dpendances, remplacer nos stratgies de gestion du stress, ou mener des dcisions moins claires. Je ne suis pas contre

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    puisement militant :les dbuts dune rflexion

    Comme il existe peu de support, les personnes touches se retirent de la lutte politique, momentanment ou dfinitivement; on perd alors leur exprience. Comme le travail politique doit continuer, on sorganise sans eux/elles et le phnomne de perdre des camarades en cours de trajet se perptue. Pourtant, les luttes collectives sont inscrites dans la longue dure, on ne peut plus voir nos amiEs partir parce quilles sont puisEs. Ce nest pas cinquante personnes que nous ferons la rvolution. Soccuper de notre bien-tre collectif est donc ncessaire.

    Nous ne sommes pas des psychologues ou des psychiatres (une chance!)1. Nous ne sommes pas salvatrices. Ce texte nest pas une formule magique pour rgler le problme. Ce nest pas non plus une leon de morale, mais des rflexions lances dans lespoir de crer des discussions.

    Prendre soin de soi est un acte de guerre, disait Audre Lorde. Nous affirmons que dans certaines limites, le travail invisible de prendre soin de sa communaut l'est aussi et que nous ne pouvons pas sparer les deux facilement. Ne pas respecter ses engagements cause de la fatigue a des consquences sur le groupe. La fatigue augmente notre irritabilit et baisse notre capacit d'coute et d'attention envers les autres, augmentant les conflits au sein de la communaut. quoi bon tre partout si cest pour crer du chaos partout. De plus, une personne nous pourrions dire une femme, car elles font gnralement le travail affectif devra mettre du temps et de lnergie pour aider rsoudre les problmes et elle devra mettre de ct temporairement, ne serait ce quun peu, ses propres projets politiques.

    En effet, la pression lefficacit est prsente au sein des mouvements sociaux, mme radicaux. Cest la mme chose que pour le travail salari. En ne dconstruisant pas notre envie d'en faire toujours plus, on reproduit les mcanismes de notre exploitation. Il existe une grande valorisation des personnes les plus productives et qui participent toutes les runions, toutes les manifs, toutes les actions, etc. a en devient presque un objectif atteindre. Dans tous les cas, que nous soyons un peu ou trs actifs ou actives, un sentiment de culpabilit peut sinstaller : et si nous en avions fait un petit peu plus? Finalement, lorsque la pression

    Il y a toujours plus de runions, dactions organiser, de manifestations Les militantEs qui travaillent au changement social vivent souvent des priodes d'intense mobilisation. En mme temps, militer, cest se mettre en danger. Nous vivons la rpression de la police, la judiciarisation, lexclusion sociale pour nos ides politiques, etc. Mme les espaces de lutte ne sont pas des safer spaces. Il en rsulte souvent de lpuisement gnralis, des dpressions et d'autres problmes de sant mentale.

    sein de la lutte. Mes lunettes fministes me font voir ce travail comme essentiel la construction dun rapport de force solide. a permet de crer au quotidien un mouvement au sein duquel il y a une diversit de personnes impliques et une vritable solidarit. Cest aussi un travail militant qui est conflictuel, confrontant et puisant. Surtout si ce nest fait que par quelques personnes, par quelques femmes. Ces fministes-l risquent de ntre plus en mesure et de navoir plus envie de militer pour de prochaines luttes Si gurir dun puisement prend beaucoup de temps, reconstruire la confiance en des camarades qui ont plus lutt contre nous quavec nous, a nest pas toujours possible. Le mouvement tudiant a la mmoire courte, ce qui normalise ses pratiques et manires de faire. Je lai vu plus dune fois tre hermtique un discours fministe et des formes alternatives dorganisation. Et a nest pas prs de changer si, chaque fois, la mmoire des critiques la tradition militante masculine et de cette histoire moins romanesque de la lutte disparat lorsque se sont puises les fministes qui les ont portes.

    Si plusieurs fministes avec lesquelles jai milit ne sont pas directement impliques en ce moment dans lorganisation du printemps 2015, elles y auront contribu par lnergie quelles ont mis entretenir la mmoire des discours, critiques et pratiques fministes.

    Suggestions de lecture sur le fminisme dans le mouvement tudiant :- Article de Camille Tremblay-Fournier intitul La grve tudiante pour les "Nulles", www.jesuisfeministe.com/?p=6952.-Article de grvistes intitul Quand le spectacle se poursuit en coulisse disponible sur www.jesuisfeministe.com/?p=6500- Article de Maria Nengeh Mensah intitul Le comit Femmes en grve, entrevue avec Isabelle, Franoise et Anne, Nouvelles pratiques sociales, vol. 18, no 1, automne 2005, p. 9-17, disponible sur rudit.-La recherche dAnne Dagenais-Guertin intitule Le fminisme dans lASS- problmatiques et stratgies dintgration (Universit Concordia, mai 2010).

    Et il y a beaucoup dautres textes qui valent la peine dtre lus!

    1- Si jen partage ici certains exemples, ce nest pas parce que tout cela a forcment fonctionn au mieux, mais plutt pour stimuler limagination et le dpassement des pratiques passes dans la prsente lutte contre laustrit.2- Par exemple, la marginalisation que nous avons vcue sest manifeste par la censure de certains articles, un refus de financement ou lincertitude davoir un budget octroy pour nos activits, un contrle plus troit et du dnigrement de ce que nous faisions.3- Des ingalits qui se manifestent par de la violence sous diverses formes (conomique, culturelle, structurelle, physique, psychologique, etc.) sont encore prsentes entre hommes/femmes, citoyen-nes /immigrant-es ou sans papiers, personnes aises/classe populaire, blancs/personnes racises, etc.

    - auteure invite

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    lusage dalcool ou de drogue, mais il est possible de varier les espaces de bien-tre collectif o le stress et les angoisses sont vacus. Par exemple, des potlucks2 ou des soires de jeux de socit sont des activits alternatives, qui permettent de se retrouver et de partager ce qui nous tient cur.

    Il faut collectivement reconnatre les besoins des autres, prendre conscience de nos propres limites et de celles des autres et les respecter. Cette reconnaissance doit se faire constamment au cours de la lutte et accorder des moments pour souligner nos accomplissements collectifs. Plus on sait soccuper de soi et des autres, plus on arrive avoir des relations et une communication saines et plus on est en mesure de lutter long terme. Nous serons alors mme de dvelopper des mouvements sociaux plus diversifis en terme d'ge, d'engagment et d'exprience.

    Enfin, un lment qui ne revient pas souvent dans le discours sur la grve gnrale, c'est l'organisation sociale de la socit en grve. Les milieux communautaires sont souvent les premiers rpondre un appel de grve, mais ils offrent un soutien des personnes dj prcaires dans la socit. Il faut penser la manire d'offrir du support ces personnes dans le cas d'une grve gnralise. Sans tomber dans le discours des services essentiels, il est important de se questionner sur les moyens de grer collectivement ces services. Les personnes les plus prcaires de la socit ne peuvent pas tre traites en dommage collatral dans le cas d'une grve gnrale. Cest en s'assurant que chacun et chacune se sente soutenu dans les grves que l'on pourra faire de celles-ci des lments positifs pour toutEs les participantEs et ainsi rduire la peur des grves subsquentes!

    1- Je suggre cependant de flatter des animaux, danser ou faire du sport, appeler les personnes qui ont disparu pour avoir de leurs nouvelles, rire souvent, etc. dans le respect des limites de chaquunE.

    2- Mais n'oubliez pas de penser aux personnes souffrant de troubles alimentaires, elles peuvent angoisser en mangeant devant dautres.

    Suite de la page 13

    Abcdaire anticapitaliste

    Le comit agitprop de la CLAC svit depuis septembre dernier sur les ondes de CISM Mais l'mission anime par Simon Van Vliet. La chronique, qui a lieu une fois par mois, est base sur la formule d'un abcdaire: une lettre, un mot, une tirade. a ne se passe pas dans l'ordre alphabtique, mais selon l'actualit. D comme dnoncer, C comme crosse ou crosseurs.

    Bonne coute ! www.clac-montreal.net/abecedaire

    La crosse capitaliste du mois

    Forte du succs qu'a connu sa campagne de ciblage des ostie de crosseurs capitalistes en 2012-2013, la CLAC se joint au journal Le Couac pour vous prsenter chaque mois un crosseur (en solo, duo ou mme trio) qui mrite sa place au panthon. Parce qu'il ne suffit pas de rpter que les capitalistes sont pas gentils et que leurs larbins sont corrompus. a, tout le monde le sait. Il faut les nommer, les dsigner, les montrer du doigt et dresser le bilan de leurs sombres forfaits. Car comme le disait si bien Sun Tzu : Connais ton ennemi et connais-toi toi-mme ; eussiez-vous cent guerres soutenir, cent fois vous serez victorieux.

    Pour lire les article:www.clac-montreal.net/couac

    Suivez la CLAC dans les mdias:

  • Principes de fondation de la CLAC-Montral :

    1- La CLAC-Montral est fonde sur un mode de fonctionnement antiautoritaire et se base sur les principes de lAction mondiale des peuples (AMP)*, titre de convergence et de lieu dorganisation pour la gauche anticapitaliste radicale.

    2- Le vote individuel constitue la base dcisionnelle de la CLAC-Montral, tout en recherchant activement lappui et la participation des groupes ses campagnes et mobilisations.

    3- La CLAC-Montral a le mandat dorganiser deux assembles rgulires par anne et des assembles spciales peuvent tre convoques au besoin selon la conjoncture.

    4- La CLAC-Montral a le mandat de porter le discours anticapitaliste par lorganisation de campagnes et de manifestations, dont celle du 1er mai de chaque anne.

    * Les principes de l'Action mondiale des peuples

    1- Un rejet trs clair du fodalisme, du capitalisme, et de l'imprialisme, ainsi que de tous les accords commerciaux, institutions et gouvernements promoteurs d'une mondialisation destructrice.

    2- Un rejet trs clair de toutes formes et systmes de domination et de discrimination dont (et de manire non exhaustive) le patriarcat, le racisme et le fondamentalisme religieux de toutes croyances. Nous reconnaissons la dignit entire de tous les tres humains.

    3- Une attitude de confrontation, puisque nous ne pensons pas que le lobbying puisse avoir un impact majeur sur des organisations tel point partiales et antidmocratiques, pour lesquelles le capital transnational est le seul facteur rel dterminant leur politique.

    4- Un appel l'action directe et la dsobissance civile, au soutien aux luttes des mouvements sociaux, mettant en avant des formes de rsistance qui maximisent le respect pour la vie et pour les droits des peuples opprims, ainsi qu' la construction d'alternatives locales au capitalisme mondial.

    5- Une philosophie organisationnelle fonde sur la dcentralisation et l'autonomie.

    Vous voulez vous impliquer la CLAC:www.clac-montreal.net/impliquez-vous

    La CLAC est un groupe de travaildu QPIRG-Concordia

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  • Rpression politique,y'est temps qu'on rplique!

    19e journe internationale

    contre la brutalit policire15 mars 2015

    RassemblementOntario/Berri 15h

    1er mai anticapitaliste 2015Visitez le site internet de la CLAC pour vous joindre nous:clac-montreal.net