cours epistemo et métho l1

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Page 1: Cours Epistemo Et Métho L1

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Page 2: Cours Epistemo Et Métho L1

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ................................................................................................................... 3

I-Objectifs .............................................................................................................................. 4

II- Naissance et épistémologie d’une discipline majeure de l’Anthropologie ........................... 5

III-L’UTILISATION ABUSIVE DU SAVOIR ANTHROPOLOGIQUE OU LES DEVIATIONS

EPISTEMOLOGIQUES ........................................................................................................18

IV- LES RUPTURES EPISTEMOLOGIQUES DE LA BIOANTHROPOLOGIE ......................27

V- METHODOLOGIE PLURIDISCIPLINAIRE EN ANTHROPOLOGIE BIOLOGIQUE ..........32

CONCLUSION .....................................................................................................................37

REFERENCES .....................................................................................................................38

Page 3: Cours Epistemo Et Métho L1

3

INTRODUCTION

L’anthropologie désigne aujourd’hui l’ensemble des disciplines qui se consacrent à

l’étude des populations humaines à la fois sous l’angle de la morphologie

(anthropologie biologique et paléoanthropologie) et sous celui des formes de

sociétés contemporaines (ethnologie, anthropologie sociale et culturelle) ou

anciennes (archéologie et préhistoire). Cette acceptation est assez moderne puisqu’il

y a encore peu de temps, l’anthropologie désignait l’ensemble des savoirs sur

l’homme mais dans une vision souvent « naturaliste ». Durant la première moitié du

XXe siècle, l’anthropologie physique est devenue l’étude des caractères

Physiques et biologiques de l’homme. Dans les pays anglo-saxons, le sens du mot

anthropology est beaucoup plus vaste puisqu’il englobe aussi, la primatologie, la

préhistoire et l’ethnologie.

L'anthropologie biologique possède un champ d'investigation assez vaste, se situant

à l'interface du biologique et du social. Elle étudie à la fois l’évolution de l’homme et

sa diversité biologique actuelle tout en prenant compte à chaque fois, non seulement

la dimension biologique, mais aussi l’influence du rapport Nature/Culture.

Elle se situe à l’interface de la biologie et des sciences humaines et intègre les

apports d’autres disciplines : biologie, anatomie, génétique et biologie moléculaire,

biodémographie, médecine, statistiques, histoire, linguistique, ethnologie… Au XIXe

siècle, elle demeure dans le cadre élaboré par les naturalistes du XVIIIe siècle (Linné

et Buffon) et Broca en 1860 qui définit l'anthropologie «physique» comme l'«histoire

naturelle de l'homme». Cette discipline est aujourd’hui subdivisée en « sous-

spécialités » : génétique des populations, biologie humaine (variabilité humaine

actuelle et processus d’adaptation à l’environnement et aux conditions pathogènes),

paléoanthropologie (étude des populations du passé à partir de matériel fossile

principalement os et dents) et anthropologie funéraire, primatologie (étude des

primates non humains), écologie humaine, biodémographie, anthropologie médico-

légale… Elle se distingue de l’anthropologie sociale et culturelle qui se rapproche de

l’ethnologie et de la sociologie. L’anthropologie biologique (ou encore

l’anthropobiologie) connaît actuellement une deuxième jeunesse parallèlement aux

progrès techniques dans les domaines de la génétique, de l’imagerie, de

l’informatique et des biostatistiques.

Page 4: Cours Epistemo Et Métho L1

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Il paraît impossible d’en établir de manière exhaustive un historique tant ses racines

sont multiples et profondes au sein des sciences biologiques et humaines.

En définitive, la relation entre tous les individus de la population permet de définir

l’expression biologique de l’anthropologie.

L’importance des questions méthodologiques et épistémologiques pour

l’anthropologie biologique découle de plusieurs raisons:

- la nature animale de l'homme et son étroite parenté avec les autres animaux

(référence à la primatologie, l’éthologie) ;

- l’impossibilité d'interpréter l'évolution humaine exclusivement en terme de survie du

plus apte (lamarckisme et darwinisme) ; ceci renvoie à une conception pragmatique

et empirique du savoir anthropologique (transposition du biologique au social) ;

- la plasticité morphologique de l'homme (étude de l’adaptabilité au moyen de la

biométrie humaine) ;

- la similitude fondamentale entre toutes les populations humaines (les plus grandes

variations sont liées au dimorphisme sexuel et à l'âge) ;

- la micro-évolution au sein d’homo sapiens ne peut pas se penser uniquement en

terme « naturaliste » mais doit intégrer la culture : l’anthropologie biologique doit

donc être « bio-culturelle » ;

- les conséquences pratiques sur l’homme et son environnement, donc soumise à la

pression des intérêts;

- l’appartenance aux sciences sociales, donc soumise à la pression des idéologies.

En définitive, l’Anthropologie biologique est une discipline qui regroupe plusieurs

dimensions sur lesquelles reposent sa scientificité et sa méthodologie dans l’univers

de la recherche.

I-Objectifs

Ce cours consacré à la formation épistémologique et méthodologique en

bioanthropologie des étudiants inscrits en Licence 1 en Anthropologie vise

l’acquisition de la culture scientifique et la démarche en bioanthropologie.

Les enseignements proposés, alternent en CM et TD.

Page 5: Cours Epistemo Et Métho L1

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II- Naissance et épistémologie d’une discipline majeure de l’Anthropologie

II-1. Naissance et développement de l’Anthropologie biologique

L’anthropologie biologique naît véritablement au XIXe siècle. En Europe et en

particulier en France, la discipline se développe à partir de la médecine et de la

biologie, en Amérique du nord, elle embrasse un cadre plus large incluant

l’anthropologie sociale et culturelle qui chez nous correspond à l’ethnologie.

L’anthropobiologie est d’abord uniquement morphologique, « anatomique » ou «

physique » se basant en particulier sur l’ostéologie. C’est le crâne, structure osseuse

jugée la plus noble chez l’homme, qui va susciter le plus d’études et devenir une

sous-spécialité dénommée craniologie. Johann Friedrich Blumenbach (1752-1840)

est considéré comme le fondateur de l’anthropologie physique. Nommé professeur

de médecine à 24 ans, il a été à l’origine de la craniologie, de l’anatomie

comparative, et de la séparation homme/grands singes. Il individualise cinq « races »

au sein de l’humanité : mongoloïde, américaine, caucasienne, éthiopienne, et

malaise. Le terme « caucasien » (qui n’implique pas une origine dans les monts du

Caucase mais qui était synonyme de « peuple magnifique » dans cette classification

racialiste) persiste encore dans la littérature médicale actuelle surtout de langue

anglaise. En France, Broca et de Quatrefages effectueront de nombreux travaux de

craniologie. Les débuts de l’anthropologie sont teintés de théories racialistes qui

culmineront malheureusement lors de la Seconde Guerre mondiale avec le national-

socialisme hitlérien.

La préhistoire, discipline également très « française » comporte de nombreuses

passerelles avec la paléoanthropologie. La réalité du concept d’homme préhistorique

va apparaître grâce à l’étude de couches géologiques, la découverte d’outils de silex

façonnés par l’homme et de restes fossiles animaux par Casimir Picard (médecin)

dans la Somme. À partir de tout ceci, Jacques Boucher de

Perthes, un des « pères » de la préhistoire, propose la dénomination « d’homme

antédiluvien » (1837). Deux disciplines vont ainsi voir le jour : la préhistoire et la

paléontologie humaine qui s’intégreront à l’anthropologie. C’est la période « de la

ruée vers l’os » durant laquelle ces problématiques vont attirer tous types de

chercheurs comme par exemple Édouard Lartet (1801-1871), avocat gersois, qui

fouille la grotte d’Aurignac en Ariège, démontre la coexistence ancienne de l’homme

avec des espèces disparues, propose une chronologie de la période préhistorique en

Page 6: Cours Epistemo Et Métho L1

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y individualisant le néolithique et corrèle la taille du cerveau avec la dynamique

évolutive.

Il sera nommé sur le tard à la chaire de paléontologie du Muséum d’histoire naturelle

de Paris. La Société d’Anthropologie de Paris fondée en 1859 par le chirurgien Paul

Broca devient la première société savante à focaliser les recherches sur ce thème au

travers de sa revue Les Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris.

Dans les années qui suivent, les découvertes de sites préhistoriques vont se

succéder dans la région franco-cantabrique (grottes de Dordogne, de Haute

Garonne, d’Altamira…) livrant les témoignages artistiques de ces temps lointains.

En 1856, près de Düsseldorf en Allemagne, dans la vallée du Neander, est

découvert une calotte crânienne aux caractères morphologiques particuliers. Ce

vestige osseux, d’abord faussement attribué à un cosaque tué pendant la guerre ou

à un individu atteint de rachitisme (hypothèse émise par le réputé anatomiste

allemand Rudolf Virchow), est en fait celui d’un homme de Neandertal. Il est d’abord

considéré comme le « chaînon manquant », puis ensuite comme le représentant

d’une autre « humanité » concurrente des sapiens (les premiers crânes

néandertaliens furent en fait exhumés dans la région de Liège en 1830 et à Gibraltar

en 1848 mais leurs caractéristiques particulières n’interpellèrent personne et leur «

identité » ne fut révélée que bien plus tard). Cette découverte marque pour beaucoup

de spécialistes les débuts de la paléoanthropologie. Marcellin Boule (1861-1942),

fondateur de l’Institut de paléontologie humaine, est l’auteur de la première étude

complète sur l’homme de Neandertal dans son ouvrage L’homme fossile de la

Chapelle-aux-Saints paru en 1911. C’est selon lui un être bestial qui ne saurait être

l’un de nos ancêtres. Il y aura alors une individualisation de l’archéologie

préhistorique, discipline basée sur l’examen des vestiges, à la suite de fouilles des

produits de l’activité humaine (« les archives de la terre » selon Leroi-Gourhan).

L’Abbé Breuil (1877-1961) sera considéré comme le « pape » de l’art paléolithique.

Avec la mise en place de repères chronologiques, on se lance dans l’étude des

coupes stratigraphiques, la climatologie, la description de types humains anciens et

d’industries (ethnologie préhistorique). En 1859, Darwin publie sa théorie sur l’origine

des espèces et la sélection naturelle. L’interprétation exclusivement religieuse des

origines de l’Homme (créationnisme) va céder sa place à une véritable vision

scientifique. En 1866, Grégor Mendel, un moine de Silésie, décrit les règles de

transmission des caractères génétiques en croisant des plants de petits pois dans

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son monastère de Berno. Ce travail n’aura aucun écho au sein de la communauté

scientifique de l’époque et ces mécanismes fondamentaux seront « redécouverts »

plusieurs décennies plus tard par d’autres chercheurs. Au début du XXe siècle, c’est

l’avènement de la séro-anthropologie avec la découverte du premier système de

groupes sanguins, le système ABO (Landsteiner, 1900). L’une des premières

publications sur ce thème proposa une classification « raciale » basée sur la

distribution des groupes érythrocytaires ABO chez 500 soldats de diverses origines

du front de Salonique lors de la première guerre mondiale en défi nissant un « index

biochimique » A/B (Hirszfeld & Hirszfeld, Anthropologie 1919). À l’aube des années

1930, Fisher, Haldane et Wright jettent les bases de la génétique des populations.

Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) paléontologue français et jésuite du début du

XXe siècle a associé l’évolution humaine à son rapprochement vers Dieu. Arthur

Ernest Mourant (1904-1994), hématologiste mais aussi géologue, chimiste, et

généticien (!), démontre l’intérêt anthropologique de la distribution des groupes

sanguins au sein de nombreuses populations. En France, le concept d’hématologie

géographique et d’hémotypologie a été développé par deux médecins

hématologistes, Jacques Ruffi é (1921-2004, titulaire de la chaire d’anthropologie

physique au Collège de France) en association avec Jean Bernard (1907-2006).

L’invention de l’électrophorèse des protéines permet d’étendre les possibilités

d’étude de la variabilité humaine. Elle sera par exemple appliquée à la séparation

des différents types d’hémoglobine (Hb). L’Hb S sera la première « pathologie

moléculaire » mise en évidence en 1949 par Pauling. La découverte du système HLA

dans les années 1970 par Jean Dausset ouvre encore plus largement le champ de la

biologie des populations. Dans les deux dernières décennies du XXe siècle la

génétique fait son entrée dans l’univers de l’anthropobiologie.

Un personnage important de la génétique des populations est Luca L. Cavalli Sforza,

auteur de l’ouvrage de référence The history and geography of human genes, paru

en 1994. Cet excellent chercheur et vulgarisateur a étudié dès les années 1960 la

distribution d’un grand nombre de caractères selon les populations. Au niveau de

l’Europe, il a individualisé des populations « à part » comme les Sardes, les Basques

ou les Lapons. Il a élégamment présenté ses résultats sur des cartes géographiques

synthétiques où il met en relief les corrélations de la génétique avec des faits

historiques ou culturels. C’est un farouche défenseur de l’approche multidisciplinaire

dans laquelle l’anthropologie côtoie la linguistique, l’histoire, l’archéologie… On

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dispose maintenant de techniques performantes comme la PCR ou le séquençage

permettant d’étudier les polymorphismes de l’ADN. Alors que les découvertes de

fossiles d’hominidés se succèdent à travers le monde, les progrès dans la

connaissance de l’histoire de cette famille sont en ce début de XXIe siècle le fruit de

la confrontation des données entre deux types d’anthropobiologistes ceux de « l’os »

et ceux de « l’ADN ».

II-1 Les théories majeures de l’anthropologie biologique

III-1-1. Darwin et les concepts d’évolution et de sélection naturelle

La théorie de Darwin a été confirmée et « ressuscitée » par les données modernes

de la biologie moléculaire et de la génétique. Elle constitue la base du raisonnement

en anthropobiologie. Avant Darwin, la vision du monde était surtout dictée par les

préceptes religieux. Les formes de vie sur terre étaient considérées comme les

produits de la création divine. Certains calculs effectués d’après l’Ancien Testament

stipulaient que la terre avait 6 000 ans et que les hommes avaient été créés en 4004

avant J.-C. Les fossiles étaient sensés représenter les survivants du déluge biblique

voire l’oeuvre du diable. Néanmoins, des conceptions scientifiques du monde vivant

avaient déjà été proposées. Carl von Linné avait énoncé en 1735 une classification

des êtres vivants (taxinomie) au sein de laquelle sera inclus l’Homme en tant

qu’Homo sapiens.

L’embryologiste allemand Haller expose en 1744 sa théorie de l’humunculus qui

considère que l’être humain est déjà formé à toute petite échelle dans les

spermatozoïdes et qu’il verra simplement sa taille augmenter au cours de la

gestation au sein du « réceptacle » utérin. Georges Cuvier (1769-1832) soutient la

théorie du fixisme qui prétend que les espèces vivantes sont immuables et

incapables de se transformer. Les notions même d’évolution et de sélection avaient

cependant déjà été évoquées avant Darwin. Un économiste britannique (et pasteur)

Thomas Robert Malthus dans son ouvrage Essay on the principle of population

(1798), prétend que la progression démographique excède celle des ressources,

ainsi, tous les descendants d’une génération ne peuvent survivre. Malthus prônait un

contrôle des naissances. Jean Baptiste Lamarck (1744-1829) est véritablement le

premier théoricien de l’évolution. Il propose l’idée de transformisme : les individus

s’adaptent en développant ou atténuant certaines fonctions selon l’usage ou le non-

usage de l’organe correspondant (exemple classique de la girafe dont le cou s’est

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allongé car ces individus qui devaient consommer leur nourriture végétale de plus en

plus haut du fait de l’assèchement du climat ont transmis ce caractère à leur

descendance).

Pour Lamarck, il existe une hiérarchie dans le monde vivant, il croit au phénomène

de génération spontanée et à une hérédité des caractères acquis. Selon William

Patey (1802), « il ne peut y avoir de créature sans créateur » (La théologie naturelle).

Charles Lyell, géologue, dans son ouvrage Les principes de géologie (1830),

considère que la terre a évolué progressivement et a accueilli au fur et à mesure de

nouvelles espèces.

Charles Darwin, en observant des fossiles (témoins chronologiques de séquences

évolutives) et en effectuant des travaux d’anatomie comparée (discipline initiée par

Cuvier), il acquiert la certitude de l’évolution des formes de vie dans le temps. Il

s’immerge dans la forêt tropicale au Brésil, côtoie les peuples de la Terre de Feu,

découvre le corail et les atolls d’Océanie… Aux îles Galápagos, il constate de visu

l’importante variabilité entre diverses espèces animales et végétales qui partagent

pourtant un fort degré de parenté. Ces différences reflètent pour lui une nécessité,

celle d’une meilleure survie de ces espèces dans un milieu donné, c’est le concept

de sélection naturelle.

II-1-2. De la sélection sexuelle

L’ouvrage The descent of Man and selection in relation to sex (1871) constitue une

extension à l’Homme de la théorie de la descendance avec modifications. Comme

toute autre espèce, l’Homme « descend » d’autres formes préexistantes comme le

suggère l’anatomie comparée. Darwin y souligne la notion de variabilité sur le plan

de l’anthropométrie, de l’éthologie ou de la sociologie (peuples « civilisés » versus «

exotiques »). Il amène ainsi la biologie vers l’anthropologie sociale. Dans le monde

civilisé, c’est l’éducation qui gouverne le devenir des groupes humains et non plus la

sélection naturelle. La sélection sexuelle représente un phénomène plus subtil que la

sélection naturelle. C’est « l’avantage que certains individus ont sur d’autres de

même sexe et de même espèce sous le rapport exclusif de la reproduction ».

Elle est illustrée dans la nature par la rivalité des mâles qui vont développer certaines

caractéristiques favorables pour la possession des femelles (exemples : crinière plus

épaisse du lion, plumage plus éclatant du paon ou chant plus mélodieux chez

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l’oiseau). Les caractères sexuels secondaires sont plus accentués chez les mâles

des espèces polygames. Darwin pense que la sélection sexuelle pourrait expliquer la

diversité des types humains selon la géographie que l’on a appelé « races ». Il prend

des exemples qui illustrent que les canons de la beauté varient selon les zones du

globe : pour les Chinois, c’est une face et un nez larges et aplatis, des pommettes

hautes et une obliquité des yeux (les premiers occidentaux y étaient décrits comme «

ayant un bec d’oiseau avec le corps d’êtres humains ») ; pour les Hottentots, la

partenaire la plus recherchée est celle qui possède les fesses les plus proéminentes

(concentration de graisse ou stéatopygie). L’avantage reproductif conféré par ces

caractéristiques spécifiques à chaque population est ainsi susceptible d’avoir

accentué les différences entre les phénotypes humains au fil du temps.

II-2-Epistémologie de l’Anthropologie Biologique

II-2-1 Contexte historique de l’épistémologie

L’épistémologie, d’un point de vue étymologique est formée d’un préfixe

« épistémè » qui signifie science et d’un préfixe « logos » qui veut dire discours.

L'épistémologie (aussi appelée théorie de la connaissance) est l'étude de la nature

de la preuve. Des questions d'épistémologie surviennent en permanence : comment,

dans une discipline donnée, la connaissance s’opère-t-elle ? Quel est, pour un

champ déterminé, la manière dont s’établit le savoir ? Ou bien, quels sont les

procédés utilisés par une science ou une discipline pour constituer son ou ses objets

?

Piaget (1967), propose quelques distinctions essentielles. Il distingue d’abord la

logique de l’épistémologie.

logique = étude des conditions formelles de vérité.

épistémologie = étude des conditions d'accession et des conditions constitutives des

connaissances valables, c'est-à-dire, pour Piaget, scientifiques.

L’épistémologie est le discours de la science. Etant donné que la science est un

discours sur la réalité, elle désigne à la fois des activités productrices de

connaissances et les résultats des activités : théories, méthodes de travail et règle de

comportement.

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L’épistémologie est donc la théorie de la science. Elle truste la méthode spécifique

des sciences, entre processus les plus généraux de la connaissance, leur logique et

leurs fondements. Elle évalue la portée du savoir qu’elle construit et en dégage le

sens pour l’ensemble des pratiques humaines. L’épistémologie est donc la théorie de

la science en général, c’est-à-dire la théorie qui essaie de définir les méthodes, les

fondements, les objets et les finalités de la science.

Depuis l’antiquité grecque, les champs d’études de l’épistémologie étaient occupés

par la logique, la philosophie des sciences, l’histoire des sciences, la théorie de la

connaissance et la sociologie des sciences dont le but est de distinguer le bon grain

de l’ivraie afin de déterminer des critères de scientificité. Mais aujourd’hui, ces

champs ne sont-ils plus d’actualité ? Répondre par l’affirmative reviendrait à dire que

l’épistémologie est caduque et que son objet n’a plus de sens. Dans cette

perspective, elle devrait donc repréciser ses champs d’action.

En fait, l’épistémologie s’est détachée de la philosophie des sciences pour se

constituer au XXè siècle en une discipline autonome en partie. La philosophie es

sciences s’intéresse à la connaissance en général quand l’épistémologie s’investit à

la connaissance scientifique.

L’histoire permet à l’épistémologie d’aborder les sciences de deux manières, à savoir

l’étude diachronique de leur développement parce qu’une science évoque

indéniablement dans ses concepts, ses théories, ses méthodes.

La science progresse par phase : phase normale-phase révolutionnaire-phase

normale. Ainsi, la connaissance scientifique ne progresse par accumulation

progressive, mais par révolution en rupture. Autrement dit, l’épistémologie

contemporaine se préoccupe de l’aspect continu ou discontinue du savoir empirique.

Ainsi, c’est à travers la connaissance ordinaire que l’épistémologie donne sens aux

connaissances scientifiques.

De tout ce qui préccède, à quel degré de certitude la bioanthropologie est-elle

capable d’accéder à partir des moyens dont elle dispose ? Quelle sorte de vérité

propose-t-elle ?

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En formulant notre question : l’anthropologie biologique est-elle scientifique ? C'est

la notion normative du terme « scientifique » qui fait véritablement autorité. Ce qui

nous importe, c'est d'établir si l’Anthropologie biologique est vraiment scientifique.

L'épistémologie n’étant pas formelle est toujours associée, implicitement ou

explicitement, à une ontologie, c’est-à-dire à des considérations sur la nature des

choses. Par conséquent, l’épistémologie d'un objet (ou domaine) de connaissances

donné ressort à la fois d'une épistémologie générale et d'une épistémologie

particulière: en fonction des disciplines scientifiques (épistémologie de la physique,

épistémologie de la biologie, épistémologie de la sociologie, etc.); en fonction des

objets de connaissance eux-mêmes (qui peuvent être au croisement de plusieurs

disciplines scientifiques).

Cette distinction caricature à la fois les sciences de la matière et les sciences

humaines. Toutes les sciences sont nomothétiques, car elles s’efforcent de dégager

des lois objectives et contraignantes. Toutes les sciences sont aussi

herméneutiques, car pour constituer un fait ou le vérifier, il faut en définitive trouver

ou retrouver dans une intuition une abstraction exprimée dans un énoncé.

Par ailleurs, une autre caractéristique du champ de l'anthropologie est son approche

bioculturelle. C'est-à-dire, l'anthropologie cherche à décrire et expliquer les

interactions entre notre nature comme espèce biologique et, le comportement

culturel qui constitue pour notre espèce le plus saisissant et important trait.

Mais toutes ces différentes dimensions rendent l'étude de l'espèce humaine

complexe et excitante, et ainsi l'anthropologie, la discipline qui prend ce défi, est

typiquement divisée en un certain nombre de sous-champs (Schéma 1).

L'anthropologie culturelle est l'étude de la culture comme caractéristique de notre

espèce et de la variation de l'expression culturelle parmi les groupes humains.

Page 13: Cours Epistemo Et Métho L1

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Fig. 1. Sous-champs majeurs de l’Anthropologie

Chaque sous-champ présente d’autres spécialités. Pour l'anthropologie biologique,

ces spécialités s’expriment mieux termes d’interrogations que nous cherchons à

répondre au sujet de la biologie humaine :

Quelles sont les caractéristiques biologiques qui définissent l'espèce humaine ?

Comment nos gènes codent-ils ces caractéristiques ? Juste combien les gènes

contribuent-ils à nos traits ? Comment l'évolution fonctionne-t-elle, et comment

s'applique-t-elle à nous ?

Quel est la preuve physique de notre évolution ? C'est la spécialité désignée sous le

nom de paléoanthropologie, de l'étude des fossiles humains basés sur notre

connaissance de biologie squelettique, ou de l'ostéologie qui s’en occupent.

Quelle sorte de diversité biologique voyons-nous dans notre espèce aujourd'hui ?

Comment a-t-elle évolué ? Que les traits variables signifient-ils pour d'autres aspects

de nos vies ?

Que pouvons-nous nous renseigner sur la biologie de nos parents étroits, les

primates non humains, et que cela peut-il nous indiquer au sujet de nous-mêmes ?

Cette spécialité s'appelle la primatologie.

Que connaissons-nous de l'écologie humaine, les rapports entre les humains et

leurs environnements ?

Comment pouvons-nous nous appliquer toute cette connaissance ?

ANTHROPOLOGIE

ANTHROPOLOGIE

BIOLOGIQUE

ANTHROPOLOGIE

CULTURELLE

ANTHROPOLOGIE

LINGUISTIQUE

ARCHEOLOGIE

Biodiversité ;

primatologie ;

Ecologie humaine ;

génétique.

Culture comme trait

de caractère de

l’espèce ; Variation

de l’expression

culturelle humaine

Lingustique

descriptive ;

Evolution du

langage.

Archéologie

préhistorique ;

Archéologie

historique ; gestion

des ressources

culturelles

Page 14: Cours Epistemo Et Métho L1

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II-2-2.Scientificité de l’anthropologie biologique

L'anthropologie biologique (ou la bioanthropologie ou l'anthropologie physique)

doit être définie dans le contexte de l'anthropologie de l'ensemble, et ceci est à la fois

simple et complexe. L'anthropologie, en général, est définie comme l’étude de

l'espèce humaine. Autrement dit, les anthropologues étudient l'espèce humaine

comme n'importe quel zoologiste étudierait une espèce animale. En somme, elle

examine chaque aspect de la biologie du patrimoine génétique, l’anatomie, la

physiologie, le comportement, l’environnement, les adaptations, et l’histoire

évolutionnaire soumis à la contrainte des corrélations parmi ces aspects.

Ce genre d'approche, examinant un sujet en se concentrant sur les corrélations

parmi ses parties s'appelle holistique. L'approche holistique est le cachet de

l'anthropologie. Nous comprenons que toutes les facettes de nos espèces, notre

biologie, notre comportement, notre passé, et notre présent agissent l'un sur l'autre

pour faire de nous ce que sommes. Mais certaines matières sont si complexes

qu’elles requièrent la nécessité d'être étudié séparément juste comme pour prendre

des cours d'histoire, de sciences économiques, de psychologie, d’art, d’anatomie, et

ainsi de suite. Le travail des anthropologues en pareil cas consiste à rechercher les

raccordements parmi ces sujets, parce que dans la vie réelle, elles ne sont

absolument pas séparées.

Mais ici, elle semble compliquée, car la caractéristique essentielle du comportement

de nos espèces relève de la culture, et le comportement culturel n'est pas

programmé dans nos gènes, comme cela se présente par exemple, pour une grande

partie du comportement des oiseaux et pratiquement de tout le comportement des

fourmis. La culture humaine est apprise. Nous avons un potentiel biologique pour le

comportement culturel en général, mais précisément, comment nous nous

comportons vient à nous par toutes nos expériences. Apprendre une langue par

exemple. Tous les humains naissent avec la capacité d'apprendre une langue, mais

c'est la langue parlée par nos familles respectives et nos plus cultures proches qui

déterminent quelle langue nous parlerons. L'anthropologie biologique regarde notre

espèce d'un point de vue biologique.

La plupart des anthropologues ne portent pas les manteaux blancs de laboratoire ou

ne travaillent pas avec des tubes et des produits chimiques à essai. Beaucoup

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d'anthropologues étudient les choses qui ne peuvent pas être directement observées

en nature ou être recréées dans le laboratoire parce qu'elles se sont produites dans

le passé. Mais la bioanthropologie est une science, au même titre que beaucoup

d’autres, à l’image de la chimie, la physique et la biologie.

Une image populaire d'un scientifique est celle d'une encyclopédie en marche. La

Science est souvent vue comme un rassemblement de faits : juste pour indiquer que

les scientifiques savent beaucoup de faits.

Les faits sont certainement importants pour la science. Ils sont la matière première

de la science, à travers l'utilisation de données scientifiques, rassemblées par

l'observation et l'expérimentation.

Mais le but de la science est de relier et d’unifier des faits afin de produire, par la

suite, de larges principes connus sous le nom de théories. La Science, en d'autres

termes, est une méthode d'enquête, une manière de répondre à des questions au

sujet du monde. Mais comment la science fonctionne-t-elle ? La science est-elle la

seule méthode valide et logique pour expliquer le monde autour de nous ?

Théorie : Une idée générale soutenue qui explique un grand ensemble de modèles

effectifs et prévoit d'autres modèles.

La science : la méthode d'enquête qui exige la génération, l'essai, et l'acceptation

ou le rejet des hypothèses.

Comme des scientifiques, nous devons répondre à ces questions en s’appuyant sur

un ensemble de règles spéciales découlant de la méthode scientifique.

La méthode scientifique implique un cycle d’étapes, pouvant commencer n'importe

où sur le cycle et en réalité. L'étape la plus fondamentale est de poser des questions

auxquelles nous souhaitons répondre ou décrivant les observations que nous

souhaitons expliquer. Nous recherchons alors des modèles, des raccordements et

des associations de sorte que nous puissions produire des conjectures de

connaissances relatives aux explications possibles. Ces conjectures de

connaissances s'appellent les hypothèses.

Peut-on parler de l’objectivité scientifique de la bioanthropologie ? Quel est le degré

de certitude à la lumière des courants de l’épistémologie ?

Page 16: Cours Epistemo Et Métho L1

16

- Le rationalisme

« Toute connaissance provient essentiellement de l’usage de la raison » (Kant,

Descartes, Leibnitz). → l’expérimentation est facultative ↔ la bioanthropologie ….. ?

- L’empirisme

« Toute connaissance provient essentiellement de l’expérience … Les observations

permettent de rendent compte ». Dans ce contexte où le fonctionnement a pour but

de produire des idées qui permettent de faire de nouvelles expériences ↔ la

bioanthropologie … ?

- Le positivisme

Le privilégie le management de l’observation et de l’expérimentation. Il se fonde sur

des faits mésurables ↔ la bioanthropologie … ?

- Le constructivisme

«Le constructivisme considère toute connaissance scientifique au même titre que

n’importe quelle autre connaissance construite à partir d’expérience cognitive » ↔ la

bioanthropologie … ?

- Le réalisme

« Les modèles scientifiques sont des constructions destinées à prédire certaines

sphères d’une réalité objective qui existe indépendamment de l’observateur » ↔ la

bioanthropologie … ?

- L’objectivité

L’idéal de tout discours scientifique est la production d’une connaissance objective.

La science vise à produire des connaissances rigoureuses pouvant être soumises à

la critique et aux épreuves de récitation et de vérification.

II-2. La construction moderne de l'objet en anthropologie biologique.

Contrairement à l'anthropologie physique "typologiste", qui s'inspire d'une conception

de l'hérédité antérieure aux découvertes de Mendel et d'une vision fixiste de

l'humanité, l'anthropologie biologique (ou anthropobiologie), ne se contente pas de

Page 17: Cours Epistemo Et Métho L1

17

décrire la diversité biologique humaine; elle reprend paradoxalement une partie du

vieux projet de l'anthropologie, à savoir d'essayer d'en comprendre la nature et la

genèse.

Mais, contrairement à la pensée typologiste qui rassemble sous une même

dénomination l'individu et la population (= le type), l'anthropologie biologique va partir

simultanément de ces deux niveaux fort distincts.

Biologiquement, l'individu varie sans cesse, de la naissance à la mort, au long de

processus de croissance, de maturation puis de vieillissement. L'anthropologie

biologique part aussi de la constatation que deux ordres de facteur interagissent :

ceux relevant du génétique et ceux relevant du milieu. Elle se trouve face à des

morphologies individuelles, donc des phénotypes, qui sont le résultat de l'expression

du génotype et de l'action du milieu.

Depuis Darwin et l'hypothèse de la souche humaine unique, toute théorie se référant

à un quelconque concept de race ne peut se développer que dans le cadre d'une

pensée évolutionniste. En théorie, ce phénomène de "raciation" requiert deux

conditions: l'isolement sexuel et la sélection naturelle.

L'isolement sexuel provoque un paysage génétique et morphologique singulier, due

en particulier au phénomène de dérive génique. Ce n'est plus la présence d'un

caractère qui importe, mais sa fréquence dans la population.

L'apport de la génétique devient essentiel pour comprendre les mécanismes de

l'hérédité. Le cadre conceptuel changeait car les individus d'une génération G + 1

n'étaient plus le produit d'un "mélange" entre deux parents de la génération G, mais

des individus différents résultant d'une recombinaison génétique.

C'est pourquoi, si certains ont pu croire, dans un premier temps que la génétique

allait permettre de fonder une nouvelle typologie raciale plus "moderne", nous

verrons que les travaux en génétique humaine ont vite montré, finalement dès les

recherches sur les groupes ABO, que la variabilité génétique était considérable.

Dès lors, l'anthropologie devait définitivement rompre avec la pensée typologiste,

puisqu'elle sa seule raison d'être devenait l'étude des processus d'évolution, donc de

la variation au sein de notre espèce (Gomila, 1976; Hiernaux, 1980); les autres

branches de la biologie étaient là pour étudier notre espèce (anatomie, physiologie,

génétique,...).

L'anthropologie biologique devenait une discipline reposant entièrement sur un

modèle de pensée populationniste.

Page 18: Cours Epistemo Et Métho L1

18

III-L’UTILISATION ABUSIVE DU SAVOIR ANTHROPOLOGIQUE OU LES

DEVIATIONS EPISTEMOLOGIQUES

Les données fournies par le savoir anthropologique vont servir de prétexte à

certains extrémistes pour imaginer des idéologies racistes ou manifester des

comportements de mépris vis-à-vis de certains peuples ou d’individus naturellement

défavorisés. Il s’agit parfois aussi de théories scientifiquement construites. Ainsi

verront le jour le darwinisme social, le racisme, l’eugénisme, la sociobiologie et la

psychologie évolutionniste.

III-1 Le racisme et la psychologie raciale

Le racisme

Le privilège de la « race » blanche ou plus précisément de la nation Aryenne,

a été réaffirmé au XIX e siècle avec la contribution de certains auteurs comme

Joseph-Arthur Comte de GOBINEAU. Diplomate et écrivain il est connu pour son

Essai sur l’inégalité des races humaines. Dans cet ouvrage il examine l’origine de

l’humanité et celle des races, puis « démontre leur inégalité en force, en beauté et

surtout en intelligence. Ses intentions sont claire affirmer la supériorité de la « race »

blanche par la hiérarchie des « races » conformément au contexte idéologique et

politique de son époque et ce malgré l’abolition de l’esclavage en 1848. Il affirme que

l’origine de l’humanité est des « races » est multiple et que le Blanc, le Nègre, le

Jaune appartiennent à des espèces différentes, qui sont apparues ou ont été créées

séparément. Cela lui semble s’imposer à la vue de différences physiques et mentales

qui lui sont évidentes. Pour lui à la vision d’un « Nègre de côte occidental d’Afrique

(….) l’esprit se rappelle involontairement la structure du singe et se sent enclin à

admettre que les races nègres (…) sont sorties d’une souche qui n’a rien de

commun, sinon des rapports généraux dans les formes, avec la famille mongole »1

Et quand il en arrive aux habitants de l’Europe, il leur trouve « une telle supériorité de

beauté, de justesse dans la proportion des membres, de régularité dans les traits du

1 Essai sur l’inégalité des races humaines, p 114

Page 19: Cours Epistemo Et Métho L1

19

visage que tout de suite, on est tenté d’accepter la conclusion » de la multiplicité des

races. La vision de Gobineau promet à l’humanité un sort d’autant plus misérable

que le mélange des « races » y sera plus complet : « le dernier terme de la

médiocrité dans tous les genres », puisque « l’espèce blanche a désormais disparu

de la face du monde » et que « la part du sang arien, subdivisé déjà tant de fois, qui

existe encore dans nos contrées, et qui seule soutient l’édifice de notre société,

s’achemine vers les termes extrêmes de son absorption. Gobineau trouve donc

dangereux le métissage par les mariages interraciaux qui risque de faire disparaitre

la « race » aryenne (blanche).

Madison Grant, un avocat plus connu comme un écologiste et eugéniste créé le

mouvement "racistes" en Amérique préconisant l'extermination des "indésirables" et

certains "types" course à partir du pool des gènes humains. Il a joué un rôle crucial

dans la politique restrictive de l'immigration américaine et les lois anti-métissage. Ses

travaux ont servi de justification à la politique nazie de stérilisation forcée et

l'euthanasie. Il a écrit deux des oeuvres fondatrices du racisme américain: The

Passing of the Great Race (1916) et la conquête d'un continent (1933). The Passing

of the Great Race obtient un succès populaire immédiat et mis en place des

subventions comme une autorité en anthropologie, et jeté les bases pour ses

recherches sur l'eugénisme.

En 1911, une affamée et presque nus homme indien a pris refuge dans un abattoir

de Californie du Nord. Il a été remis à l'anthropologue Thomas T. Waterman, qui l'a

amené à vivre à l'Université de Californie du musée d'anthropologie. Il a été donné le

nom Ishi, qui signifie «homme» dans sa langue maternelle. La plupart des membres

de la tribu de Ishi, le Yahi-Yana, ont été massacrés pendant la ruée vers l'or en

Californie. Surnommé «l'homme sauvage dernier en Amérique", il est devenu une

attraction populaire, et dans ses six premiers mois au musée, 24.000 visiteurs le

regardait démontrer arrow-faire et le feu des capacités. Ishi vécu au musée jusqu'à

ce qu'il meurt de tuberculose en 1916.

En 1926, l'American Association of Physical Anthropology et le National Research

Council a organisé un Comité sur le Noir, qui était axée sur l'anatomie des Noirs et

reflète le racisme de l'époque. Parmi ceux qui sont nommés au Comité sur la

couleur, étaient Hrdlicka, Earnest Hooton et eugéniste Charles Davenport. En 1927,

le Comité a approuvé une comparaison des bébés africains avec de jeunes singes. "

Page 20: Cours Epistemo Et Métho L1

20

Dix ans plus tard, le groupe a publié les résultats dans l'American Journal of Physical

Anthropology de "prouver que la race nègre est phylogénétiquement une démarche

proche de l'homme primitif que la race blanche

La psychologie raciale

Certains psychologues dont les plus célèbres, WECHSLER, STERN, TERMAN

se sont contentés à caractériser l’intelligence par certaines aptitudes (à juger, à

comprendre, à imaginer, …) et ont cherché à déterminer l’âge mental et à faire

correspondre cet âge à l’âge réel afin de déduire, le retard d’intelligence ou l’avance

d’intelligence par rapport à une norme qu’ils ont calculé. Ils sont partis de

l’hypothèse suivante : le développement intellectuel de chaque enfant se réalise de

façon continue et à vitesse constante. De cette hypothèse ils ont déterminé le

quotient intellectuel (QI) qui égal à l’âge mental divisé par l’âge réel. Ces mesures

sont réalisées à partir de tests. Les plus radicaux vont déterminer à partir de ces

tests des « idiots » (retardé mental) et des super-doué. D’autres encore à partir de

recherches initiées, comme le psychologue Arthur JENSEN (1974), Cyril BURT avec

ses travaux sur les jumeaux homozygotes, vont déterminer dans l’intelligence la part

de l’inné (gène) et de l’acquis (le milieu). Ils aboutissent à la conclusion que

l’intelligence est génétiquement déterminée à 80% et 20% par le milieu. On est ainsi

amené à voir dans l’intelligence un ensemble de traits moins qualitatifs que

quantitatifs donc susceptibles de mesures.

Le plus grand retentissement de toutes ses études est la déduction d’une

inégalité des QI selon les classes sociales et les « races ». Les premières réflexions

de JENSEN présentées dans un article de la Harvard Educational Review en 1969,

exposaient des comparaisons de QI entre les Blancs et les Noirs américains. Ces

comparaisons montraient que la moyenne observée chez les Noirs est inférieure de

15 points à celle des Blancs. S’appuyant sur les conclusions de BURT, JENSEN

justifie cet écart par le fait que le QI est déterminé à 80% par le patrimoine

génétique ; l’infériorité intellectuelle des Noirs telle qu’elle est mesurée par les tests,

révèle donc une infériorité biologique innée, contre laquelle aucune action ne peut

lutter. Des remarques semblables ont été faites par le psychologue anglais Hans

Eysenck dans un ouvrage paru en 1977. S’appuyant sur des résultats d’études

empiriques effectuées dans certains pays, il dresse un tableau des QI des diverses

Page 21: Cours Epistemo Et Métho L1

21

professions (cadres supérieurs : professeurs, savants, chercheurs ; cadres moyens :

chirurgiens, avocats… ; commerçants ; jardiniers…). Combinant avec l’affirmation,

affichée comme un dogme, que le QI est déterminé pour 80% par le patrimoine

génétique son étude veut démontrer que les inégalités sociales sont la conséquence

des inégalités génétiques contre lesquelles personne ne peut rien. Il s’agit ici un

avatar du darwinisme social. Les conséquences de ces différents tests seraient

inévitablement la conclusion suivante : Pour le bien de l’espèce humaine, il faut que

les « meilleurs » (les mieux intelligents) participent plus que les autres à la

transmission du patrimoine biologique. Au nom de telles affirmations la vie entière de

certains peut être sacrifiée, notamment au cours de l’épouvante course d’obstacle

qu’est devenue la scolarité. La ségrégation de groupes entiers, leur exploitation

peuvent être présentées comme justes car conformes aux conclusions de la science

III-2 Le darwinisme social et l’Eugénisme

Le darwinisme social

Le darwinisme social est une doctrine politique évolutionniste apparue au

XIXe siècle selon laquelle la lutte pour la vie entre les hommes est l'état naturel des

relations sociales et la source fondamentale du progrès et de l'amélioration de l'être

humain, et qui prescrit à l'action politique de supprimer les institutions et

comportements qui font obstacle à l'expression de la lutte pour l’existence et à la

sélection naturelle qui aboutissent à l’élimination des moins aptes et à la survie des

plus aptes

Envisagé à l’échelle de la compétition entre les individus, il préconise la levée

des mesures de protection sociale, l’abolition des lois sur les pauvres ou l’abandon

des conduites charitables. Son versant racialiste fait, à l’échelle de la compétition

entre les groupes humains, de la lutte entre les « races » le moteur de l’évolution

humaine. Il s’est conjugué à la fin du XIXe siècle avec les théories eugénistes.

Les origines de cette théorie monte à HERBERT SPENCER (1820-1903), savant

contemporain anglais de Darwin, Ingénieur, philosophe et sociologue et tout aussi

Page 22: Cours Epistemo Et Métho L1

22

populaire, interprète cette théorie par la « sélection des plus aptes » (Survival of the

fittest). Le darwinisme social suggère donc que l'hérédité (les caractères innés) aurait

un rôle prépondérant par rapport à l'éducation (les caractères acquis). Il s'agit ainsi

d'« un système idéologique qui voit dans les luttes civiles, les inégalités sociales et

les guerres de conquête rien moins que l'application à l'espèce humaine de la

sélection naturelle ». Il fournit ainsi une explication biologique aux disparités

observées entre les sociétés sur la trajectoire prétendument unique de l'histoire

humaine : les peuples les moins « adaptés » à la lutte pour la survie seraient restés

« figés » au stade primitif.

Sur le plan politique, le darwinisme social a servi à justifier scientifiquement

plusieurs concepts politiques liés à la domination par une élite, d'une masse jugée

moins apte. Parmi ceux-ci notons le colonialisme, l'eugénisme, le fascisme et surtout

le nazisme. En effet, cette idéologie considère légitime que les races humaines et les

êtres les plus faibles disparaissent et laissent la place aux races et aux êtres les

mieux armés pour survivre.

À la fin du XIXe siècle, le darwinisme social a été étendu aux rapports entre les

nations. Ce mouvement s'est surtout développé dans les pays anglo-saxons, et dans

une moindre mesure en Russie. Si cette idée ne débouche en général pas sur des

attitudes belliqueuses, il n'en est pas de même en Allemagne où l'affrontement entre

les nations « jeunes », comme l'Allemagne, pleines de vitalité « virile », et les nations

« anciennes », qualifiées par les tenants de cette théorie de « décadentes », comme

la France, est considéré comme inévitable.

Dès le 19e siècle, les travaux de Spencer sont utilisés pour démontrer les

fondements biologiques du retard technologique et culturel de populations dites

« sauvages », justifiant scientifiquement les politiques coloniales en leur donnant une

caractéristique morale de civilisation, alors même qu'elles sont fondamentalement

rendues nécessaires par la contraction des marchés locaux.

Le « darwinisme social », serait également une idéologie réactionnaire du

capitalisme. En 1848, la parution du Manifeste communiste offre une vision

révolutionnaire de la question, qui place l'homme et son activité, sur un plan social,

au cœur du progrès historique. Cette vision ne peut évidemment satisfaire la

nouvelle classe dominante, la bourgeoisie, qui vit avec enthousiasme la pleine

Page 23: Cours Epistemo Et Métho L1

23

ascension du système capitaliste. D'une part, cette ascension se fonde sur une

idéologie particulièrement axée sur l'individualisme, et d'autre part, il est bien trop tôt

pour la bourgeoisie de concevoir, même sur un plan strictement intellectuel, la

possibilité d'un dépassement du capitalisme. A cette époque en Angleterre, la

classe dominante est toujours traversée de courants radicaux qui remettent en cause

les privilèges héréditaires, qui constituent des freins aux nouvelles formes de

développement offertes par le capitalisme. Spencer fréquente ce milieu des

« dissidents », fortement ancré dans l'anti-socialisme. Il ne voit dans la misère noire

de la classe ouvrière anglaise, que les stigmates provisoires d'une société en

adaptation et qui, sous l'effet de l'explosion démographique, finira par se réorganiser,

constituant ainsi un facteur de progrès. Pour lui, le progrès est inévitable, puisque les

hommes s'adapteront à l'évolution de la société, si tant est qu'on les en laisse libres.

Cette euphorie est à peu près partagée par l'ensemble de la bourgeoisie. S'y ajoute

un fort sentiment d'appartenance à la nation qui achève sa construction et qui peut

être renforcé par les événements guerriers comme en France suite à la défaite

contre la Prusse. Le développement de la lutte de classe, qui accompagne le

développement du capitalisme, pousse la bourgeoisie à développer une autre

conception de la solidarité sociale, fondée sur des données qu'elle espère

indéniables.

Tout ceci constitue le terreau d'une théorisation de l'ascendance capitaliste et

de ses effets immédiats : la prolétarisation dans la sueur, la colonisation dans le

sang, la concurrence dans la boue.

Du strict point de vue scientifique, les travaux de Spencer inspireront des études plus

ou moins variées, comme la craniologie (l'étude de la forme et la taille du crâne, dont

les résultats s'avèreront finalement arrangés), les tentatives de mesure de

l'intelligence ou encore l'anthropologie criminelle avec la théorie du « criminel né » de

Lambroso, dont les échos se font encore entendre aujourd'hui dans les sphères

politiques bourgeoises quand il s'agit de détecter au plus tôt le futur criminel.

La prépondérance de l'inné conduit également Spencer à dessiner les contours

d'une politique éducative dont les répercussions sont encore visibles dans le

système scolaire primaire britannique, qui cherche à fournir à l'enfant un

Page 24: Cours Epistemo Et Métho L1

24

environnement propre à son épanouissement personnel, à ses propres recherches et

découvertes, plutôt que de fournir un enseignement magistral susceptible de

développer de nouvelles aptitudes. C'est également le fondement théorique qui sous-

tend le concept d' « égalité des chances ».

L’Eugénisme

La descendance la plus réputée du darwinisme social réside avant tout dans

l'EUGENISME. Ce dernier se présente comme la version radicale du darwinisme

social. C'est FRANCIS GALTON, cousin de Charles Darwin, qui pose les premiers

concepts de l'eugénisme en suivant l'intuition sous-jacente de Spencer selon laquelle

si la sélection naturelle doit conduire de façon mécanique au progrès social, tout ce

qui l'entrave ne peut que retarder l'accession de l'humanité au bonheur. Plus

simplement, Galton craint que les mesures d'ordre social que la bourgeoisie est

amenée à prendre, la plupart du temps sous la pression de la lutte de classe,

induisent à terme une dégénérescence globale de la civilisation.

Alors même que Spencer serait plutôt adepte du « laisser-faire », de la non

intervention de l'État (un de ses ouvrages, paru en 1850, porte le titre Le droit

d'ignorer l'État) Galton va préconiser des mesures actives pour faciliter la marche de

la sélection naturelle. Il inspirera ainsi longtemps et plus ou moins directement des

politiques de stérilisation des malades mentaux, la pratique de la peine de mort pour

les criminels, etc. L'eugénisme est également toujours considéré comme caution

scientifique centrale dans les idéologies fascistes et nazies, même si déjà chez

Spencer, les éléments sont présents pour élaborer des visions racistes conduisant à

la hiérarchisation des races.

Le mouvement mondial eugénique gagné en force aux Etats-Unis à la fin des

années 1890, quand les théories de la reproduction sélective adoptée par

l’anthropologue britannique Francis Galton et son protégé Karl Pearson, a gagné du

terrain. Connecticut a été le premier parmi de nombreux Etats, en commençant en

1896, d'adopter des lois du mariage avec les dispositions eugéniques, interdisant à

quiconque qui était «épileptique, imbécile ou de faiblesse d'esprit» de se marier. Le

Page 25: Cours Epistemo Et Métho L1

25

célèbre biologiste américain CHARLES DAVENPORT, docteur en biologie en 1892

et devenu directeur de la recherche dans un Laboratoire de biologie à New York en

1898, obtient un financement de l'Institut Carnegie pour créer la station de recherche

expérimentale sur l'Evolution. Puis, en 1910, il profite avec HARRY LAUGHLIN de

leurs positions au Record Office eugénisme pour promouvoir l'eugénisme.

L'ERO (Record Office eugénisme) a conclu après des années de collecte de

données sur les familles que les pauvres étaient la principale source des inaptes. "

Davenport et autres employés hautement considéré eugénistes comme le

psychologue Henry H. Goddard et écologiste Madison Grant lancé une campagne

pour lutter contre le problème des inaptes ". Goddard, en utilisant des données

fondées sur ses recherches sur la famille Kallikak, ont fait pression pour la

ségrégation, alors que Davenport restriction à l'immigration préféré et la stérilisation

en tant que méthodes primaires. Subvention, le plus extrême des trois, d'accord avec

deux de ses collègues, et même considéré comme l'extermination en tant que

solution possible.

CHARLES DAVENPORT publie en 1911 un livre, l'hérédité dans la liaison à

l'eugénisme, qui a été une œuvre majeure dans l'histoire de l'eugénisme. Avec un

assistant, Davenport a également étudié la question du métissage, où, comme il

disait, «race de passage" chez l'homme. En 1929, il publie Race Crossing, en

Jamaïque, qui était censée donner des éléments statistiques sur les dangers du

métissage entre Blancs et Noirs.

L'eugénisme permet de franchir un pas supplémentaire en envisageant la

suppression de masses d'individus jugés inaptes et donc en mesure potentiellement

de retarder le progrès de la société. Alexis Carrel, en 1935, ira même jusqu'à

préconiser, et même décrire avec force détails, la création d'établissements où se

pratiquerait l'euthanasie généralisée. Ainsi au nom de l’Eugénisme et de ses

principes, des crimes contre l’humanité ont été commis dans l’histoire de l’humanité.

Citons parmi ces crimes l’antisémitisme des juifs, l’extermination des Aborigènes

d’Australie par les colons anglais dont l'expansion débuta en 1770, les Amérindiens

ou Indiens d’Amérique ont connu le même sort lors de la colonisation de ce continent

par les Britanniques.

Page 26: Cours Epistemo Et Métho L1

26

III-3 La sociobiologie

La sociobiologie est une théorie exposée en 1975 par Edward Osborne Wilson

de l'université de Harvard (États-Unis), dans son ouvrage Sociobiology. A New

Synthesis (Sociobiologie, la nouvelle synthèse). Il s’agit de la synthèse entre la

génétique, l’écologie et l’éthologie qui cherche l’origine biologique des

comportements des animaux sociaux y compris l’homme. Elle repose sur les deux

principes suivants :

- La hiérarchie rencontrée dans la plupart des sociétés animales est d'origine

génétique. Elle tient à des comportements d'agressivité et de dominance.

Biologiquement, certains sujets sont faits pour commander, alors que d'autres

sont faits pour obéir. Cela est vrai aussi bien chez les insectes que chez les

hommes. La position que chacun occupe dans la hiérarchie sociale n'est que

le fruit de la compétition qui sait reconnaître les « meilleurs » des « moins

bons » ; elle lui est assignée par la sélection naturelle.

- Tous les comportements d'un individu obéissent à une loi fondamentale,

diffuser ses propres gènes d'une façon aussi large que possible. Ainsi,

l'agressivité (qui conduit à éliminer tout rival sexuel), l'altruisme (qui s'applique

aux membres d'une même famille portant certains gènes identiques) ne

poursuivent pas d'autre but. Quant à l'altruisme que nous manifestons pour

nos amis, il tient au fait que ceux-ci peuvent nous aider à élever notre

progéniture

Pour la sociobiologie, l’objectif essentiel d’un organisme est de garantir la

transmission de ses gènes. Les êtres vivants sont donc en compétition incessante,

l’existence de l’être vivant ne se justifiant que pour assurer la meilleure transmission

possible de ses gènes qualitativement et quantitativement. Comme Lamarck, Wilson

admet la transmission héréditaire des comportements acquis. De ce point de vu, la

sociobiologie est qualifiée de néo-lamarckisme. Il a appliqué sa théorie chez l’homme

en 1978, dans un livre intitulé On Human Nature où il affirme un égoïsme biologique

des individus dans leur comportement social. Les êtres vivants sont donc en

Page 27: Cours Epistemo Et Métho L1

27

compétition constante pour imposer dans la nature et cet appétit de leur génotype

s’accompagne d’une volonté agressive de domination sociale. Selon Wilson, les

divers comportements sociaux seraient programmés génétiquement. Il conçoit

l’altruisme comme « un comportement autodestructeur mis en œuvre pour le

bénéfice des autres ». La sociobiologie se présente comme un avatar du darwinisme

social que certains vont appeler un néo-darwinisme social. Elle prend des

proportions sexistes et implique des sous-entendus eugénistes en s’occupant des

infanticides et de la criminalité. Elle a pris à cet effet une dimension politique. En

France elle a été défendue par Yves CHRISTEN. Face aux différentes attaques

faites à la sociobiologie John TOOBY et Leda COSMIDES, lui donneront en 1990, la

nouvelle appellation psychologie évolutionniste

IV- LES RUPTURES EPISTEMOLOGIQUES DE LA BIOANTHROPOLOGIE

IV-1 Les ruptures

Toutes les dérives ou du moins déviations épistémologiques qui viennent d’être

citées plus haut ne sont en réalité basées sur aucune théorie scientifiquement

fondée. Que ce soit le racisme, l’eugénisme, le darwinisme social ou la

sociobiologie, ils prennent leur origine dans des contextes idéologiques et politiques

controversés.

Les limites du concept de « race » chez l’humain

La notion de race au sens strict du terme n’a aucun sens en biologie quant il

s’agit de l’Etre humain. La « race » peut biologiquement se définir comme des

individus qui portent tous certains caractères génétiquement fixés c'est-à-dire

transmis par l’hérédité et ayant en commun une part importante de leur patrimoine

génétique. Ceux qui apparaissent sous l’influence du milieu (caractère acquis) n’ont

aucune valeur classificatoire. Il s’agit de caractères intrinsèques des divers groupes

humains, indépendamment de leurs conditions de vie, de leur milieu géographique,

de leur classe sociale, de leur groupe ethnique, de leur culture ou de leur religion.

Les individus qui composent le groupe « raciale » ne présentent que des différences

Page 28: Cours Epistemo Et Métho L1

28

mineures. Or les classifications faites par les taxonomistes (classificateurs) ne

reposent que sur des données fournies directement par l’observation de quelques

caractères visibles (phénotypes) : couleur de la peau, texture des cheveux, les

mesures du crâne et de la taille, forme du nez … En génétique et en Anthropologie

on utilise le terme de « population » pour désigner ce que les autres ont nommé

race. Il est infondé d’opérer une classification raciale des humains en se basant sur

un caractère unique ou encore moins sur l’appartenance géographique ou culturelle.

En arrêtant certains caractères spécifiques le système ABO et le système Rhésus,

ont peut obtenir des individus de la même population génétique appartenant à des

espace géographique différent (continent) ou à des cultures différentes. La

classification dépasse désormais le cadre du phénotype et concerne l’ « univers des

génotypes » Gobineau en a abusé au point qu’il est parvenu t à utiliser le mot espèce

pour qualifier les groupes humains qu’il définissait comme des groupes raciaux. Or

l’interfécondité entre des individus permet de déterminer le concept d’espèce. Une

espèce est un groupe d’individus à l’intérieur duquel l’interfécondité ou la fécondité

entre les sous-groupes est possible. En utilisant le mot espèce pour qualifier les

différents groupes humains, est-ce une façon pour Gobineau d’exprimer ouvertement

sa négation contre le métissage entre les populations européenne et celles

d’Afrique ?

La génétique a permis donc de donner un contenu plus objectifs au concept

de « race » et parler désormais de population à la place de race quand il s’agit de

l’humain.

Les limites de la psychologie raciale

En réalité les différents travaux réalisés sur les jumeaux homozygotes

comportent des insuffisances au niveau des échantillons utilisés (échantillon assez

réduit). Plus encore les travaux de Burt portant sur un nombre important de jumeaux

homozygote (53), révèle des insuffisances méthodologiques remarquables : les tests

utilisés ne sont pas précisés, le sexe et l’âge des enfants non plus, des doutes

peuvent même être formulés sur l’existence réelle de certains jumeaux. Parmi ces

études de jumeaux, celle de SCHIELDS porte sur un effectif important avec toutes

les précisions méthodologiques, mais celle-ci ne peut être admise sans

Page 29: Cours Epistemo Et Métho L1

29

précautions car l’échantillon qu’il a étudié est bien peu représentatif (deux fois plus

de filles que de garçons, plus d’enfants issus de classes sociales très pauvres) ; en

plus la plus de ces jumeaux ont passé une part importante de leur enfance ensemble

dans une même famille. En somme toutes ces recherches comportent des limites

pour tirer des conclusions sur la détermination génétique de l’intelligence.

Une autre limite de ces études réside au niveau de l’origine culturelle des tests

utilisés pour mesurer le QI. Ces tests ont été mis au point sur des enfants ou des

adultes blancs élevés en Europe ou en Amérique du Nord. Toutes les valeurs

implicitement admises dans leur éducation sont nécessairement intervenues ;

comment porter un jugement avec de tels tests sur des sujets baignant dans une

culture totalement différente ? Les tests réalisés par Arthur JENSEN sont définis à

partir de caractéristiques culturelles de la société blanche aux Etats Unis à la fin de

1960, Or à cette époque et même de nos jours dans certains Etats d’Amérique, la

société noire ne bénéficie toujours pas des mêmes privilèges éducatifs et

socioculturels que les Blancs. Une comparaison issue de tels tests ne peut être que

lacunaire et biaisée.

Les limites du pseudo-darwinisme social

Dans De l'Origine des espèces (sous-titré : La Préservation des races favorisées

dans la lutte pour la vie), Darwin n'analyse pas la société humaine et n'a pas

d'implication personnelle citée dans le « darwinisme social ». Herbert Spencer n'est

pas un « darwinien » mais un lamarckiste ; il voit, en effet, dans l'évolution la marque

d'une marche vers un progrès inéluctable, contrairement à Darwin, pour qui elle est

le résultat du hasard.

En 1910, le sociologue Jacques NOVICOW, dans un ouvrage intitulé La

critique du darwinisme social, critique de manière acerbe la tendance de ses

collègues et savants de son temps à mettre en avant le conflit et la guerre comme

moteur de l'évolution et du progrès social. Il donne la définition suivante au

darwinisme social. « Le darwinisme social peut être défini : la doctrine qui

considère l'homicide collectif comme la cause des progrès du genre humain. »

Page 30: Cours Epistemo Et Métho L1

30

L'épistémologue Patrick TORT a mis en évidence l'incompatibilité des thèses du

darwinisme social, particulièrement dans leurs prolongements malthusien et

eugéniste, avec les propres positions de Charles Darwin à propos de l'évolution

humaine, en s'appuyant sur un ouvrage peu connu de ce dernier, paru en 1871.

Dans ce ouvrage, contrairement aux interprétations du « pseudo-darwinisme »

social, C. Darwin affirme la rupture qui s'établit chez l'homme dans le processus de

lutte pour la survie, fondée sur l'élimination des faibles : « Nous autres hommes

civilisés, au contraire, faisons tout notre possible pour mettre un frein au processus

de l'élimination ; nous construisons des asiles pour les idiots, les estropiés et les

malades ; nous instituons des lois sur les pauvres ; et nos médecins déploient toute

leur habileté pour conserver la vie de chacun jusqu'au dernier moment. Il y a tout lieu

de croire que la vaccination a préservé des milliers d'individus qui, à cause d'une

faible constitution, auraient autrefois succombé à la variole. Ainsi, les membres

faibles des sociétés civilisées propagent leur nature. » (ibid,p223) C. Darwin conclut

alors par l'hypothèse d'une forme d'extraction de la nature humaine de la loi de la

sélection naturelle, sans pourtant contrevenir à son principe originel, à travers le

processus de civilisation, fondé sur l'éducation, la raison, la religion et la loi morale :

« Si importante qu'ait été, et soit encore, la lutte pour l'existence, cependant, en ce

qui concerne la partie la plus élevée de la nature de l'homme, il y a d'autres facteurs

plus importants. Car les qualités morales progressent, directement ou indirectement,

beaucoup plus grâce aux effets de l'habitude, aux capacités de raisonnement, à

l'instruction, à la religion, etc., que grâce à la Sélection Naturelle ; et ce bien que l'on

puisse attribuer en toute assurance, à ce dernier facteur les instincts sociaux, qui ont

fourni la base du développement du sens moral. » (ibid, p740).

La sociobiologie admet le principe de « sélection de parenté » selon lequel, le

comportement social est déterminé par la nécessité de maximiser le potentiel

reproductif, l’important est alors de transmettre le maximum de ses gènes. Or la

parenté n’est pas un fait biologique mais d’abord un fait culturel, caractéristique des

sociétés humaines. Les hommes ne se définissent pas d’abord par leurs attributs

physiques mais par leurs propriétés symboliques.

Page 31: Cours Epistemo Et Métho L1

31

Il y a toutes sortes de motivations différentes à la base de l’agression, de même

le Don peut relever de l’altruisme comme de l’agressivité (Potlatch). Ce que la

sociobiologie ignore, c’est qu’entre le biologique et le social s’insère la Culture qui est

symbolisation et interprétation et est donc une cause d’indétermination. La

sociobiologie ignore la signification de l’acte humain.

Les sociobiologistes dévoient (détourne de son sens) le concept darwinien

d’évolution. La notion de maximisation du pool génétique qu’ils ont utilisé n’a aucun

sens dans l’évolution darwinienne puisque l’adaptation dépend du contexte en

question. La sociobiologie inverse le rapport entre l’organisme et la sélection : dans

ce cadre, c’est l’organisme qui essaie de maximiser sa situation et se sert de la

sélection pour cela. Dans le cadre darwinien, l’organisme est l’objet de la sélection.

En somme Darwin n'est pas le père du darwinisme social, ni de la

sociobiologie ni de l'eugénisme, ni du racisme scientifique, encore moins du

libéralisme économique, ou de l'expansion coloniale. Darwin n'est pas malthusien

non plus. Bien plus encore, c'est lui qui, parmi les premiers, apporte la contradiction

la plus développée aux théories de SPENCER et de GALTON.

Après avoir exposé sa vision du développement et de l'évolution des

organismes dans L'origine des espèces, Darwin se penche, douze ans plus tard, sur

les mécanismes à l'œuvre au sein de sa propre espèce, l'homme. En publiant La

filiation de l'homme en 1871, il va contredire tout ce que parallèlement, le darwinisme

social a construit. Pour Darwin, l'homme est bien le produit de l'évolution et se place

donc bien au sein du processus de sélection naturelle. Mais chez l'homme, le

processus de lutte pour la survie ne va pas passer par l'élimination des faibles.

Ainsi, par le principe de l'évolution, l'homme s'extrait du mécanisme de la

sélection naturelle en plaçant au-dessus de la lutte compétitive pour l'existence, tout

ce qui contribue à favoriser le processus de civilisation, à savoir les qualités morales,

l'éducation, la culture, la religion... ce que Darwin nomme les "instincts sociaux". De

cette façon il remet en cause la vision de Spencer de la prépondérance de l'inné sur

l'acquis, de la nature sur la culture.

Page 32: Cours Epistemo Et Métho L1

32

En définitive, l'épistémologie des sciences empiète parfois sur ce qu'on appelle

couramment la méthode scientifique. On peut se demander, par exemple pourquoi,

les théories de Darwin et d'Einstein constituaient-elles des progrès par rapport aux

croyances de l'époque? Quelle est la nature de la preuve en sciences, de façon

générale? C'est étonnamment difficile, mais c'est aussi difficile d'expliquer comment

faire du vélo, même s'il est évident que nous savons comment en faire.

Piaget distingue aussi la méthodologie de la logique et de l’épistémologie.

V- METHODOLOGIE PLURIDISCIPLINAIRE EN ANTHROPOLOGIE BIOLOGIQUE

Méthodologie : littéralement définie comme « science de la méthode » ou discours

sur la méthode pour un objet ou domaine de connaissances donné, la méthodologie

constitue le croisement entre logique appliquée et épistémologie appliquée. D’une

part, elle n’a pas une consistance propre. D’autre part, on ne peut parler de logique

et d’épistémologie sans déborder sur la méthodologie qui est nécessaire pour les

mettre en œuvre.

Les méthodes sont seulement des moyens qui aident à rassembler un savoir. Elles

ne constituent pas un ensemble de critères pour savoir de quel savoir il s’agit. Elles

ne donnent aucun critère de vérité, aucune contrainte factuelle, aucun principe

théorique. En résumé, elles ne font pas épreuve par elles mêmes.

Par nature interdisciplinaire, l’anthropologie biologique a toujours été très liée aux

domaines de recherche des disciplines voisines, biomédicales, sociales ou

culturelles. Elle en a souvent adopté les méthodologies et les perspectives, au

risque, parfois, de s’y fondre. L’investissement croissant des anthropologues dans

des problématiques nouvelles en sciences biologiques, environnementales, ou

sociales va de pair avec une dispersion thématique qui constitue à la fois la richesse,

mais également la faiblesse de l’anthropologie biologique.

Et pourtant, l’anthropologie biologique possède une démarche scientifique

spécifique, qui traverse la multiplicité de ses champs d’intervention.

Le point commun à tous les anthropologues est de partager le même paradigme :

celui de l’espace/temps, c’est à dire celui de la diversité et de l’évolution humaine.

Dans cette perspective singulière, quel que soit le thème de recherche abordé,

Page 33: Cours Epistemo Et Métho L1

33

l’homme est toujours envisagé en tant qu’être biologique, en total interaction avec

son environnement physique, socio-économique et culturel.

Pour se développer, l’anthropologie biologique doit s’appuyer sur une de ses

caractéristiques essentielles : l’interdisciplinarité. Le caractère holistique de

l’anthropologie biologique est en soi une chance pour la connaissance scientifique en

général. A une époque où la parcellisation des savoirs et l’hyperspécialisation de la

recherche commencent à atteindre leurs propres limites d’efficacité, le

développement d’un champ disciplinaire par nature ouvert à tous les aspects de la

diversité biologique humaine s’avère particulièrement important sur le plan

conceptuel, comme sur le plan méthodologique. L’approche singulière de

l’anthropologie biologique procure indéniablement aux disciplines voisines

(biologiques, médicales, sociales et écologiques) un regard spécifique sur des objets

d’étude communs.

De plus, la demande sociétale concernant l’anthropologie biologique est forte. Les

interrogations sur l’évolution biologique de notre espèce, son adaptation aux

changements rapides de mode de vie et d’alimentation, l’influence des migrations sur

l’évolution des flux géniques, les modifications morphologiques ou physiologiques

éventuelles du corps humain dans un futur proche ou lointain, entrent dans le champ

de la problématique anthropologique. Donner à comprendre la complexité des

processus biologiques de transformation de notre espèce en fonction d’un milieu

évoluant rapidement, tel est également l’enjeu de notre discipline.

L'anthropologie biologique a apporté des méthodes d'analyse de groupe ; elle a

communiqué à d'autres disciplines - comme la médecine - la nécessité de réunir de

grands échantillons porteurs d'une représentativité.

VI-1 Les Méthodes

VI-1-1 La biométrique

La biométrie constitue une étape essentielle de l’analyse anthropologique à travers le

traitement de données et leur présentation synthétique. Elle contribue à formuler des

hypothèses et à les éprouver. Sa démarche repose sur la statistique.

Page 34: Cours Epistemo Et Métho L1

34

VI-1-2 L’estimation de la forme corporelle (le somatotype)

La forme du corps humain a toujours suscité beaucoup d’intérêt, tant pour ses

variations liées au sexe ou vieillissement, tant pour sa finalité clinique ou esthétique.

Autrement dit, es méthodes visent à quantifier et à comparer les variations infinies

de la morphologie de l’Hom sapiens. Ainsi naîtra la biotypologie, science qui

s’occupe de l’étude des biotypes humains, somatiques ou psychologiques.

VI-1-3 L’Ergonomie

L’ergonomie regroupe un ensemble de connaissances interdisciplinaires capables

d’analyser, d’évaluer et de projeter des systèmes simples ou complexes incluant

l’homme, en tant qu’opérateur ou usager. L’étude ergonomique concerne tous les

systèmes qui interagissent avec l’homme. L’objectif est d’améliorer la qualité de la

vie (sûreté, santé, bien-être t confort, etc.).

VI-1-4 Les méthodes ostéologiques

Les méthodes ostéologiques ont connu un perfectionnement avec l’application de

nouvelles techniques morphométrique en 2 ou 3 dimensions : elles améliorent les

estimations de la forme et du format des pièces osseuses et, permettant de mieux

interpreter l’évolution humaine.

VI-1-5 L’Anthropologie légale

L’Anthropologie légale est l’application de l’anthropologie physique aux problèmes

légaux et à l’identification des restes humains squelettiques. Elle peut se diviser en

trois (3) grands domaines :

Ostéologie légale ;

Somatologie légale ;

ADN et identification.

VI-1-6 La micro-usure dentaire

La micro-usure dentaire consiste à analyser les modifications produites sur l’émail

par la capacité abrasive des particules contenues dans les aliments.

VI-1-7 L’Analyse chimique et régimes alimentaires

Page 35: Cours Epistemo Et Métho L1

35

L’analyse étudie des éléments traces et l’analyse des isotopes. Les concentrations

en éléments traces, s’expriment généralement en ppm (part par million) : le strentium

(Sr) et le calcium (Ca) sont les plus exprimés.

Certains éléments chimiques présentent des variantes ou « isotopes ». les analyses

isotopiques du carbone et de l’azote s’effectuent généralement sur le collagène,

composant majoritairement la partie organique de l’os.

VI-2 Quelques méthodes couramment appliquées

En anthropologie biologique, plusieurs types d’observables sont impliqués, aussi

bien quantitatifs que qualitatifs. Elle requiert donc plusieurs méthodes sur des

questions complexes qui concernent l’homme.

- Pour des études de « population »

Pour des études sur la génétique des populations, le développement des techniques

de l’ADN et de la bioinformatique, l’anthropologie biologique se redéfinit (Crawford,

2007). On fait place d’avantage à la variation, aux « tendances » statistiques, aux

gradients de fréquences (Laine 2000), aux corrélations entre génétique et

linguistique (Cavalli-Sforza, 1997).

La définition de la population et l’échantillonnage représentent la première étape de

toute étude anthropogénétique (Jobling et al., 2004). La réalisation de l’enquête

implique de travailler à partir d’un échantillon de la population d’intérêt.

Le domaine démographique réside dans les méthodes particulières de collecte des

données :

- enquêtes et entretiens approfondis, adaptés à la population étudiée, et

effectués auprès d’individus ou de groupes familiaux situés dans leur propre

cadre de vie ;

- recoupement des données de l’enquête avec d’autres informations, afin de

préciser et compléter les éléments recueillis;

- mise en lumière de comportements et opinions, selon les générations ou les

groupes socio-économiques;

- suivi dans le temps de l’évolution démographique de la communauté

(enquêtes sur le long terme);

Page 36: Cours Epistemo Et Métho L1

36

- constitution de généalogies biologiques et reconstruction historique à

l’échelle locale.

Si tous les individus de la terre pouvaient être échantillonnés, il n’y aurait pas de

problème de représentativité. Pour des raisons financières comme éthiques, cela est

bien entendu impossible, d’où la nécessité d’une stratégie d’échantillonnage.

Le développement d’une échelle micro-géographique vers une échelle macro-

géographique se traduit par une évolution des stratégies d’échantillonnage.

Les individus sélectionnés ne sont plus les membres d’une communauté clairement

identifiée mais au contraire des individus échantillonnés aléatoirement sur une aire

géographique et/ou au sein d’une population aux contours larges. On peut alors

avoir :

Echantillon local, échantillon « poolé » : Selon la stratégie adoptée on peut

globalement définir deux types d’échantillons : des échantillons « locaux » définis sur

une base biodémographique (stratégies de mariage, généalogies..) et des

échantillons « poolés » (ex : prélèvements en milieu hospitalier..) regroupant des

individus dispersés au sein d’un groupe culturel et/ou d’une aire géographique large.

Selon Ptak et Przeworski (2002), les échantillons « poolés » sont les plus à même de

permettre la détection d’un maximum de variabilité. Ils sont donc les plus adéquats

pour le développement d’une approche phylogéographique ou la mise en évidence

de nouveaux polymorphismes.

Focus group : Dans les études anthropobiologiques, la mesure est bien souvent la

règle. Crânes, os longs, plis cutanés, force de préhension, mais aussi activité

physique, auto-évaluation de la santé, bien-être subjectif…

Tout peut, et surtout doit, être mesuré, calculé et catégorisé afin de fournir la vision la

plus objective possible de l’homme. L’anthropologie biologique n’est pas seule à

s’inscrire dans cette tendance positiviste puisque l’ensemble des sciences

biomédicales, la psychologie sociale et certains courants de la sociologie sont

également dominés par cette « raison calculante » (Boëtsch et Chevé, 2006).

Ainsi en anthropologie biologique, les thèmes de recherche sont généralement

traités en soumettant les hypothèses à l’épreuve des chiffres et des analyses

statistiques. Réalisées sur des échantillons représentatifs des populations, ces

études ont souvent recours à l’utilisation de mesures anthropométriques, biologiques

et d’échelles « validées », qu’elles soient psychosociales ou de santé.

Page 37: Cours Epistemo Et Métho L1

37

Au moment de la rédaction du questionnaire se posent alors deux principales

questions d’ordre méthodologique : quelles échelles et quelles mesures utiliser ?

Sont-elles adaptées à la population d’étude ? Parmi les méthodes qualitatives les

plus utilisées, les groupes de discussion focalisés ou focus groups (« une technique

d’entrevue qui réunit de six à douze participants et un animateur, dans le cadre d’une

discussion structurée, sur un sujet particulier ») (Geoffrion, 2003) paraissent

particulièrement adaptés à la démarche anthropobiologique.

- Méthodes d’analyse des données

Diverses méthodes permettent d’analyser les discours recueillis par focus groups,

notamment l’interactionnisme symbolique (Mead 1934), la grounded theory (Glaser,

Strauss 1967) ou encore la méthode d’analyse qualitative thématique développée

par Mason (1996).

Cette méthode analytique est constituée de deux phases. La première phase

concerne l’identification des thèmes; la seconde est interprétative et conceptuelle.

- Analyse thématique

Cette phase de l’analyse comprend plusieurs étapes. Tout d’abord, à partir des

verbatim obtenus, on identifie et nomme les dimensions dans les discours. Ce

processus est dénommé indexation.

- Analyse conceptuelle

L’analyse conceptuelle est décrite comme plus subjective que l’analyse thématique

(Nicolson, Anderson 2003) et consiste en une interprétation des discours, une lecture

« entre les lignes », influencée par la subjectivité et le parcours des chercheurs eux-

mêmes.

CONCLUSION

L'anthropologie est l'étude holistique de l'espèce humaine de la perspective

bioculturelle.

L'anthropologie biologique étudie l'espèce humaine au même titre que la biologie

étudie n'importe quelle espèce : examinant les caractéristiques biologiques,

Page 38: Cours Epistemo Et Métho L1

38

l’évolution, la variation, le rapport par rapport à l’environnement et le comportement.

La Bioanthropologie, comme une discipline scientifique, pose des questions sur

l'espèce humaine et essaie de répondre en formulant des hypothèses. Elle évalue

ensuite ces hypothèses sur la base de leur évidence et /ou des éléments qui

pourraient les réfuter.

La démarche anthropologique générale repose tout d’abord sur une connaissance

théorique du champ disciplinaire et sur une pratique de terrain (ou de laboratoire),

c’est-à-dire sur une connaissance découlant d’une relation intime avec l’objet

d’étude. Initialement, l’anthropologie biologique a essayé de comprendre l’évolution

biologique de l’homme au cours du temps, par la compréhension des processus

démographiques puis des mécanismes génétiques, aujourd’hui, elle s’attache aussi

à comprendre les causes de la diversité biologique actuelle par l’étude des

mécanismes adaptatifs. Et comme elle a besoin de la connaissance du rôle

rétroactifs des facteurs socioculturels, l’anthropologie biologique se veut

interdisciplinaire c’est-à-dire qu’elle est bioculturelle. La discipline anthropologique au

sens large se situe néanmoins dans le domaine strict de l’observation (in vivo ou in

situ) et non de l’expérimentation.

En définitive, l’épistémologie et la méthodologie sont deux concepts différents et

deux exigences doctrinales qui interagissent pour garantir la scientificité de la

bioanthropologie.

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