couv 798 797 · elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément...

48

Upload: others

Post on 15-Aug-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),
Page 2: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),
Page 3: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

L’Université Syndicaliste, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13. Tél. standard : 01 40 63 29 00).

Directeur de la publication : Xavier Marand ([email protected]). Rédacteur en chef : Hamda Elkhiari. Secrétaire de direction : Bénédicte Derieux. Collaborateurs

permanents : Thierry Ananou, Nicolas Béniès, Jean-François Claudon, Clarisse Guiraud, Thierry Pétrault, Véronique Ponvert, Stéphane Rio, Nicolas Sueur. Régie publicitaire :

Com d’habitude publicité, Clotilde Poitevin, 7, rue Émile-Lacoste, 19100 Brive, tél. : 05 55 24 14 03, fax : 05 55 18 03 73, www.comdhabitude.fr. Publicités : CASDEN (p. 2),

EMMAÜS (p. 47), MAIF (p. 48). Compogravure : C.A.G., Paris. Imprimerie : Roto France, Lognes (77).

CPPAP. n° 0123 S 06386. ISSN n° 0751-5839. Dépôt légal à parution. Illustration de couverture : ©

Doumé. Prix du numéro : 3 €. Abonnement : 1) Personnels de l’Éducation nationale : France 30 € ;

étranger et DOM-TOM : 44 €. 2) Autres, France : 42 € ; étranger : 56 €.

SOMMAIRE30 jours 4Portrait 6• Edgar Morin

Actualité 8• Action : se mobiliser pour l’après• Fonction publique et dialogue social• Réouvertures des établissements• Septembre : quelles rentrées ?• Bac 2020 : jurys et sous-jurys• Ségur de la santé• Santé et qualité de vie au travail• Urgence pour le climat

Dans la classe 15• Relations parents-école en confinement

Changer d’ère 16• L’équipement numérique

Rattrapage 17• La loi de transformation de la FP

Éco/social 18• Impôts : qui va payer la note ?• Le retour du revenu universel• 40 ans d’assurance chômage

Dossier 21• L’industrie du cinéma

Métier 28• Liberté pédagogique• Pratiques professionnelles• Inclusion scolaire• Des moyens pour le lycée professionnel

ÉditoCrise de vertUne fois les premierscommentaires sur lesélections municipales passés,il s’agit d’approfondir quelquepeu les analyses. Dimanche28 juin, seuls quatreélecteurs sur dix sont allésvoter. Ce chiffre est encoreplus bas chez les jeunes et lescatégories populaires.La désaffection, voire ledésintérêt pour la démocratiereprésentative, sont liés aumanque de services publics età un sentiment d’injusticeface à l’absence d’actionscontre les inégalités, labaisse du pouvoir d’achat etles discriminations. Ladéroute du parti présidentiel,arc-bouté sur la théorie dudépassement des partis etoptions politiquesantérieures, montre l’inanitéde ce genre de discours.Ce qui émerge est l’aspirationà une révolution écologiqueet sociale, illustrée par lavictoire des listes d’allianceentre forces de gauche etécologistes.Le président de la République abeau essayer de rhabiller sesprojets de verdâtre et lancerun référendum censé luidonner l’onctionenvironnementale, les urnesont parlé d’une voix claire etmontré que, sans remise encause du capitalismenéolibéral, aucun changement

véritable nesera possible.

Frédérique Roletsecrétaire générale

21DossierL’industrie du cinéma

Catégories 30• ONISEP• Retraités : bilan des CDCA• Non-titulaires

Sur le terrain 32• Protocole sanitaire

Fenêtre sur 34• Traçage

Culture 36• Livres/Revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions• Livres de poche

Entretien 42• Ariane Ascaride

International 44• Israël/Palestine• La République du Congo• Brésil• Bac en Europe

Droits et libertés 46• Prides• Pauvreté

32 Sur le terrainProtocole sanitaire

6Portrait

Edgar Morin

Page 4: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

4 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

30 JOURS

Le virus monte à la têteTrump demande de ralentir les dépistages car celaprovoque une augmentation du nombre de cas détectés !

20juin

Plus d’appelLe coq Maurice, symbole de la ruralité, ne chantera plus.Il est mort de maladie.

18juin

Cachez ce SeinMarine Le Pen célèbre l’appel du 18 juin sur l’île de Sein.

17juin

Collés après avoir copiéFrance : d’ex-salariés d’Hermès jugés pour contrefaçon de sacs.

22juin

Le bon côtéVirus : Israël annonce une «  coopération » scientifiqueavec les Émirats.

24juin

Pas blanchisLes responsables bulgares de la lutte anti-drogue mis en examen.

27juin

CoronavirusPlus de dix millions de cas détectés dans le monde.

28juin

© J

eann

e M

enjo

ulet

Quoi ma gueuleUn Afro-Américain arrêté à tort à cause de la technologiede reconnaissance faciale.

23juin

Toujours plusLes personnes déplacées fuyant violences et persécutionsreprésentent plus de 1 % de l’humanité, un record.

15juin

À la traceVirus : Amnesty met en garde contre des applications de traçage.

14juin

De l’air, vite !«

Ican’t breathe. » Des centaines de millions de personnes, impuis-santes devant leur écran et bouillonnant de rage, ont visionnéles vidéos où George Floyd, à l’agonie, lançait en vain ces

trois mots à ses deux bourreaux. Ces trois mots sont rapidementdevenus un cri de ralliement, aux États-Unis comme dans le mondeentier. Pour la première fois peut-être outre-Atlantique, des mani-festations massives contre les violences policières ont rassemblépresque autant de Blancs que de Noirs. En France, l’émotionsuscitée par le meurtre ignoble de l’Afro-Américain de Minneapoliss’est exprimée avec force en rencontrant une autre colère : celledu collectif Adama qui se bat depuis quatre ans pour que la véritésoit faite sur les conditions de la mort d’Adama Traoré, en 2016,suite à son interpellation par des gendarmes. Incontestablement,la manifestation de mardi  2  juin contre les violences policièresdevant le TGI de Paris – où se déroulait une audience dans le cadrede l’enquête en cours sur la mort du jeune homme – a constituéun événement majeur. Ce jour-là, plus de 20 000 manifestants ontbravé l’interdiction préfectorale et le risque pandémique pour direnon aux violences policières et au racisme qui gangrène les rangsdes forces de l’ordre. Comme un symbole, cette manifestation aété la première mobilisation hexagonale significative depuis la findu confinement. Une sorte de déconfinement citoyen d’envergure,en somme. Une autre manifestation, qui a eu lieu le 13 juin, a ras-semblé 15 000 personnes à Paris. Qui sait si, dans les prochainsmois, le combat contre les discriminations ne va pas devenir, avecla mobilisation climatique, le catalyseur des aspirations de celleset ceux –  jeunes et moins jeunes  – qui refusent que le monded’après ressemble à s’y méprendre à celui d’avant ?

Enfin !Facebook retire des pubs de la campagne Trumpcomportant un symbole nazi.

19juin

Coup de froidDes hackers basés en Russie lancent des attaques rançongiciellescontre des entreprises américaines.

25juin

Parce que la com’ le vaut bienRacisme : L’Oréal supprime certains mots, comme« blanchissant », de ses produits.

26juin

FauchéFauchon, affecté par le Covid-19, demande à être placéen redressement judiciaire.

21juin

BILLET D’HUMEUR

Le bon profilContre l’avis du SNES-FSU, lerectorat de Paris a transforméun poste de CPE d’un « grandlycée parisien » en poste spé-cifique académique. Spécifique,c’est-à-dire, nécessitant des« compétences particulières ».S’agissant d’un poste en inter-nat d’élèves de classes prépa-ratoires, on ne voyait pas bienquelles pouvaient être cesfameuses compétences. Hormisles horaires, rien de particulier.Le mouvement intra-acadé-mique 2020 répond enfin àcette interrogation : ce poste,logé par nécessité absolue de

service dans le très modesteQuartier latin, est donc attri-bué à une collègue de 34 ans,sans expérience aucune enCPGE, n’ayant que quelquesannées d’ancienneté dans lemétier. Sa compétence parti-culière est d’être la fille d’unhaut responsable du rectorat.La suppression du contrôle dumouvement par les organisa-tions syndicales donne doncbien les résultats escomptés,en faisant régner arbitraire etpasse-droits, en faisant triom-pher l’entre-soi. n

Thierry Ananou

Page 5: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

ACTUALITÉLE 2S2C, UN AMI QUI NOUSVEUT DU BIEN ?Le 16 juin, le SNEP-FSU, le SNUipp-FSU et le SNES-FSU ont organisé un événement participatifen ligne sur un sujet d’actualité : le dispositif Sport Santé Culture Civisme (2S2C).

Tout se passe désormais dans l’opacité.Reste aux participants la possibilité dese faire accompagner dans une démarche

de recours par une organisation syndicalereprésentative s’ils ne sont pas satisfaits deleur résultat.Le SNES-FSU s’est organisé pour accom-pagner tous les participants mais, côté minis-tère, la mise en place des nouvelles modalitéspose de sérieux problèmes, accentués par lacrise sanitaire et le confinement. Les tempsde réponse de l’administration s’en sont vusconsidérablement allongés. De plus, les réu-nions qui étaient prévues entre le ministèreet les élus ont été remplacées par deséchanges dématérialisés où les élus SNES-FSU ont défendu pied à pied chacun des dos-siers qui leur ont été confiés. Après le décon-finement, les problèmes rencontrés par leministère pour traiter les dossiers ont perduré.

Mille collègues ont pu suivre une tableronde à distance entre des syndicalistes,formateurs, professeurs d’arts plas-

tiques, d’éducation musicale et d’EPS, desenseignants du premier degré, des directeursd’école, et un sociologue invité,Stéphane Bonnéry.Le 2S2C a été décrypté pendant plus d’uneheure trente, et les participants ont pu intervenirvia le chat. Depuis, près de vingt mille per-sonnes ont suivi l’événement, toujours en lignesur le compte Facebook du SNEP-FSU.Une initiative réussie, un appel à poursuivrela mobilisation et à construire l’action faceà cette menace d’externalisation de certainesdisciplines et d’accroissement des inégalitésterritoriales.

Pour rappel…Ce dispositif, imposé sans concertation, pro-pose aux élèves des écoles, collèges et lycéesdes activités sportives, artistiques, concernantle civisme et la santé, « dans le prolongement

des apprentissages et en complémentaritéavec l’enseignement ». Elles peuvent êtreassurées « en priorité par des professeurs,en complément de service, avec des échangesde service ou en inter-degrés (école/collège),et en heures supplémentaires ». Les activitéssont proposées par la collectivité qui signeune convention avec le DASEN en lien avecles secteurs associatifs, les équipementspublics, les structures privées ou les opéra-teurs de service civique. Elles peuvent êtreorganisées sur le temps scolaire. Les collec-tivités bénéficient d’une enveloppe maximalede cent dix euros par jour et par groupe dequinze élèves.

Une préparation de rentréesous surveillanceLes premiers retours montrent le volonta-risme des communes. Pour le SNES-FSUet le SNEP-FSU qui ont écrit une lettre auPremier ministre, ce dispositif ne peut êtreque transitoire. Il ne saurait préfigurer un

projet éducatif laissant au volontariat desfamilles et aux associations la formationsportive, de santé, culturelle et civique desélèves. Le temps du 2S2C ne peut être consi-déré comme du temps scolaire. Dans le cadrede la préparation de la rentrée 2020, la vigi-lance s’impose. n Sandrine Charrier

Les retards se sont accumulés pour un certainnombre de nos collègues. Les élus du SNES-FSU n’ont eu de cesse de demander à l’ad-ministration d’apporter rapidement desréponses sur l’ensemble des dossiers.

Solutions de fortuneVu les problèmes qu’il a rencontrés et les

RECOURS DE L’INTER : UNE MISE EN PLACE CHAOTIQUEAvec la loi de transformation de la Fonction publique, exit le contrôle effectué par vos élus SNES-FSU sur le projet de l’administration, le repérage et la correction des erreurs, lesaméliorations proposées afin de satisfaire davantage de participants dans le respect des règles...

© In

ga

Nie

lsen

/ A

dob

eSto

ck.c

om

délais, le ministère a étudié la possibilité deproposer une Affectation à titre provisoire(ATP) quand une Affectation à titre définitif(ATD) n’était pas possible. Le SNES-FSUa obtenu que, dans le cas où une ATP étaitproposée sans avoir été explicitement deman-dée, l’agent puisse la refuser. Il a égalementobtenu l’engagement du ministère sur la miseen œuvre de modalités permettant de meil-leures conditions d’étude des recours à l’ave-nir. Une situation sanitaire normale devraitpermettre des réponses plus rapides.Espérons que l’étude des recours se passemieux pour la phase intra. En tout état decause, il est recommandé de contacter lasection académique du SNES-FSU le plusrapidement possible après communicationdes résultats si vous n’êtes pas satisfait duvôtre. n

Thierry Meyssonnier

© M

iche

l Huh

ard

eaux

/Flic

kr.fr

5 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

Page 6: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

6 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

PORTRAIT EDGAR MORIN

Le 7 juillet prochain, EdgarMorin entrera dans sa cen-tième année. Né à Paris en

1921, il est l’auteur de plus desoixante-dix livres dont deux bio-graphies, la sienne(1) en 2019 etcelle de son père, Vidal Nahoum(2),originaire de Salonique, seule villeeuropéenne où des juifs chassésd’Espagne au XVe siècle furentmajoritaires pendant des siècles.La conscription turque avant 14puis la volonté grecque d’helléni-ser la cité après le démantèlementde l’empire ottoman provoque uneémigration, en partie en Francepuisqu’une partie des saloniciensen ont la nationalité(3). De ces ori-gines, il conserve un curieux espa-gnol fait de tournures du XVe siècleemprunté au ladino, un vieux cas-tillan antérieur à la jota, parlé àSalonique.

Morin, sociologueIl devient sociologue par hasardet par nécessité alimentaire...Georges Friedmann le fait rentrerau CNRS en 1950 en sectionsociologie sur un projet sur l’es-thétique industrielle qu’il aban-donne très vite pour le cinéma.« La vieille sociologie durkhei-

mienne, théorique, voire doctri-naire, n’a plus de descendants, etFriedmann nous pousse à desrecherches empiriques dans lalignée des sociologues germano-américains, comme Lazarsfeld. »Il est clairement, à cette époque,dans le sillage de la sociologie del’école de Chicago, une sociologiede terrain qui met en valeur la par-ticipation du sociologue à l’objetqu’il étudie (l’observation partici-pante) pour mieux intégrer dansl’analyse des phénomènes socio-logiques la signification subjectiveque les individus donnent à leurcomportement.Ce sont les racines de sa « socio-logie du présent » qui le feraconnaître du grand public mais nesuscitera aucune reconnaissanceinstitutionnelle. En 1965, il parti-cipe à une grande étude sur unecommune bretonne, Plozévet,confrontée à la modernité, en 68,il enquête sur «  la rumeur d’Or-léans » dont il tirera un livre, uneintroduction à la sociologie pourbeaucoup d’étudiants, son travaille plus populaire auquel, curieuse-ment, il ne consacre que quelqueslignes dans son autobiographie. Sasociologie se poursuit par deux tra-vaux de recherche, l’un sur «  le

retour des astrologues » suscité par l’étonnantsuccès de Madame Soleil (1972), l’autre surle tournant de la presse féminine après 1968(1973). Et c’est tout ? A-t-on envie de dire ?Oui, Edgar Morin, le sociologue de terrain,se résume à ces quelques travaux.

Bande à partÀ part, Edgar Morin le sera aussi dans sonparcours politique. Il raconte sa découvertede la politique un jour de février 1934, puisle Front populaire et la guerre d’Espagne,occasion de son premier engagement auprèsd’une organisation anarchiste, avant son adhé-sion au parti frontiste de Gaston Bergery pourqui il gardera une curieuse admiration malgrésa dérive fasciste. Sa sensibilité libertaire, illa partage avec son camarade de classe dufutur lycée Jacques Decour, Henri Salem,futur Henri Alleg auteur de « La question »pendant la guerre d’Algérie.

© D

espa

tin &

Gob

eli /

Opa

le /

Édi

tions

Fay

ard

« LÀ OÙ BOURDIEU PASSE, MORIN TRÉPASSE »La sociologie d’Edgar Morin n’est pas raccord. Elle est rejetée par la doxa universitaire des années1960 : «  Le structuralo-marxisme d’Althusser remplaçait le marxisme dialectique de Lefebvre etSartre, le lacanisme, le structuralisme lévi-straussien allaient imposer l’élimination du sujet, del’homme, de l’histoire, de la vie  ». L’étoile montante de la sociologie, Pierre Bourdieu, n’est pastendre avec lui, Edgar Morin le lui rend bien : «  Sa haine s’explique, je crois, par le fait que nousétions à la fois trop dissemblables et trop semblables. Trop dissemblables, par le caractère qu’ilavait, impérieux et avide de pouvoir, organisateur de réseaux d’influence, alors que je demeuraismarginal et franc-tireur. Trop semblables, parce qu’il était lui aussi un “touche-à-tout”, ce qu’ildissimula longtemps en critiquant toujours les intellectuels qui se dispersent au nom du sérieuxscientifique du spécialiste. Mais qui se révéla lorsqu’il s’empara des sujets les plus divers etdevint sur le tard un intellectuel politique, intervenant avec vigueur lors des grèves de 1995,alors qu’il était resté jusqu’alors, tout au long de sa carrière, extrêmement prudent ».Edgar Morin ne peut concevoir la sociologie comme une discipline close, une recherche closesur son objet, négligeant tout contexte. Il se pense tout autant historien, philosophe, anthro-pologue que sociologue.

EN 1987, EDGAR MORIN propose à Edwy Plenel un livre – Je ne suis pas des vôtres – pour dire qu’il n’est pasl’intellectuel, le chercheur, l’homme de gauche que l’on croit. Il ne l’écrira jamais mais il faut le croire sur parole :Edgar Morin est à part.

Je garde l’espoir dans l’improbable

« Ce “un jour viendra“ me donne une formehybride d’espoir et de consolation. C’est une

formule toujours vivante en moi. »

Page 7: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 7

C’est une participation active à la Résistancequi le fait adhérer au Parti communiste dès1942. De la participation à la Résistance, ilgardera un nom – il avait choisi Manin per-sonnage de « la condition humaine » maisun camarade a mal compris –, le grade delieutenant et un poste en Allemagne occupéeen 1945 dont il tirera son premier livre (l’anzéro de l’Allemagne). Il sera exclu du Parti communiste en 1951,officiellement, pour avoir écrit dans FranceObservateur. Dans « Autocritique » (1959),il dénonce le stalinisme et comment, dansl’après-guerre, il a transformé des « espritsgénéreux et souhaitant œuvrer à l’émanci-pation de l’humanité enfanatiques, non seule-ment sectaires et obtus,mais cruels et veni-meux »(4).Parmi les partisans de l’indépendance de l’Al-gérie, il fera encore bande à part en soutenantles messalistes(5) et non le FLN, ne signerapas le manifeste des 121 (la « Déclarationsur le droit à l’insoumission dans la guerred’Algérie ») où pourtant figurent tous cesamis, de Sartre à Marguerite Duras chez quiil a logé à son retour d’Allemagne, ne dénon-cera pas le fascisme en marche en 1958 auretour de De Gaulle.Le hasard – mais est-ce vraiment un hasardpour cet écrivain qui a soutenu le projet d’unpalais du surréalisme ? – a voulu qu’Henri

l’incertitude : « la révélation foudroyante desbouleversements que nous subissons est quetout ce qui semblait séparé est relié, puisqu’unecatastrophe sanitaire catastrophise en chaînela totalité de tout ce qui est humain(7) ». n

(1) Les souvenirs viennent à ma rencontre, Fayard,2019. Sauf indication contraire les citations sontextraites de ce livre.(2) Vidal et les siens, Edgar Morin, le Seuil, 1989(3) Voir Mangeclous, le héros truculent, franco-salonicien, qu’Albert Cohen fait vivre dans Solal(1930), Mangeclous (1938) et Les Valeureux (1969).(4) Interview donné à Télérama en 2019.(5) Partisans de Messali Hadj, figure historiquedu nationalisme algérien, voir Aux origines duFLN de Mohamed Harbi, 1975.(6) Introduction à la pensée complexe, Paris, édi-tions du Seuil, 2005.(7) Le Monde du 19/04/2020.

Portrait réalisé par Thierry Ananou et Hamda El Khiari

«  LE CINÉMA NOUS REND INTELLIGENTS »(1)

Dès son entrée au CNRS, Edgar Morin se distingue, son projet derecherche consistant essentiellement à visionner trois ou quatre filmspar jour… La tendance de l’époque est à l’étude des mass-media, celatombe bien, depuis ses 12 ans, il fréquente assidûment les salles decinéma de Belleville.Le cinéma est, à cette époque, pleinement politique. Les films pacifistes(Les Croix de bois, À l’Ouest rien de nouveau) l’amèneront à refuserque son antifascisme, dans la Résistance, ne se transforme en haineanti-allemande. La Tragédie de la mine de Pabst (1931) lui fait com-prendre la solidarité ouvrière, L’Opéra de quat’sous qu’il est plus pro-fitable d’exploiter légalement que d’être un voleur.L’identification fonctionne à plein. Il portera, dit-il, dans la Résistance,les mêmes vestes de cuir qu’il a vu portées par le commissaire politique« taciturne et méditatif » dans Les Marins de Kronstadt d’Efim Dzigan

en 1936. L’état de semi-léthargie, écrit-il, permet de se laisser envahirpar le film et de voir les personnages dans toute leur complexité, leurhumanité, ce que nous ne faisons pas dans la vraie vie.Dans Le Cinéma ou l’homme imaginaire(2) il développe l’idée que lecinéma est un art et une industrie. Sa production est standardiséemais l’œuvre est unique. L’industrie a donc besoin d’un créateur quine subit pas le formatage. Ce conflit entre créateur et producteur estcentral dans le cinéma.

(1) Edgar Morin, Chronique d’un regard, documentaire de Céline Gailleurd,Oliver Bohler, 2015, disponible sur Dailymotion :https://www.dailymotion.com/video/x4oapuu(2) Le Cinéma ou l’homme imaginaire – Essai d’anthropologie, Éditions deminuit, 1956.

Lefebvre, invité en Chine, lui confie la pour-suite de son cours à la faculté de Nanterre...en mars 1968. Il vivra intensément ce momentmais il ne participera pas aux années follesqui vont suivre car il s’envole en 69 en Cali-fornie où une autre aventure l’attend, cellede la complexité.

Forcément complexeC’est durant son séjour en Californie qu’Ed-gar Morin opère le tournant intellectuel desa vie en développant une pensée novatricedans le domaine de la philosophie de laconnaissance, ce qui lui vaut aujourd’hui unereconnaissance mondiale. Sa théorie de la

complexité l’occuperapendant trente ans.L’ambition est consi-dérable : «  Noussommes toujours dans

la préhistoire de l’esprit humain. Seule lapensée complexe nous permettrait de civilisernotre connaissance(6) ». Pas moins. À laméthode cartésienne qui prône la séparation,il adjoint un principe qui conçoit la relationd’implication mutuelle entre tout et parties,connaître étant à la fois séparer et relier. Lapensée complexe relie, contextualise, agrège.Elle restitue les interactions.Il y a quelques semaines, Edgar Morin pro-posait encore une interprétation de la crisesanitaire. Il y voit notre incapacité à nousapproprier les connaissances en les reliant à

«  La pensée complexe relie,

contextualise, agrège.  »

EXTRAITS« Sans combustion amoureuse je ne suis rien. » « Et j’attends, j’attends son appel, c’est la saison où l’on entend sans cesse à la radio la chansonde Julio Iglesias Vous les femmes, et chaque écoute m’émeut aux larmes. » « J’aime beaucoup ce quartier populaire. De ma fenêtre, je vois sortir d’une maison voisine unpetit vieux, qui, une fois dehors, regarde la fenêtre du second et dernier étage où se tientaccoudé un autre petit vieux, et lui dit avec un amour filial : “Ciao papa“. »« Septembre  1989-1990, je crois, je fais un cours à l’université de Lausanne. J’y passe deuxjours et rentre par un TGV vers les 20  heures. La seule chose dont je me souvienne est lacroûte au fromage à l’œuf que je dégustai religieusement avant de  prendre mon train dans unpetit bistro près de la gare, arrosée  de quelques décis de vin vaudois. »

Page 8: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

8 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

ACTUALITÉ

Les réformes que l’on espérait enterrées,notamment celle des retraites, ont bienvite refait surface et la volonté affichée

de continuer à déréglementer et à réduire lesdépenses a douché toutes les aspirations àdavantage de protection collective.

Dans la plaieLes 500 milliards injectés dans l’économiepour pallier en partie les baisses d’activité nese font pas sans condition : ils s’accompagnentd’une injonction à travailler plus et à produireplus. D’ores et déjà des entreprises sommentleurs salariés de choisir entre augmentationdu temps de travail sans contrepartie salarialeou licenciements. La réforme de l’assurancechômage est maintenue alors que les pertesd’emploi vont se multiplier et le ministre duTravail a annoncé une baisse de l’indemni-sation du chômage partiel, pris en charge à72 % du salaire net seulement à partir du 1er

octobre.Rien de nouveau donc dans le logiciel du président de la République, le même refusde mettre à contribution les plus aisés et lemême mépris des fonctionnaires. Rien n’aété annoncé pour lutter contre les inégalitésqui nourrissent pourtant l’exclusion des caté-gories les plus fragiles. L’ampleur de la révoltedes jeunes contre le racisme et les violences

policières n’a pas été mesurée...Pire, le président de la République a tenté dela discréditer en renvoyant au séparatisme, àune vision de la société où l’autre est vucomme une menace.

Prévenir pour guérirLa crise économique qui se dessine est pour-tant d’une très grande ampleur. Elle se doubled’une crise démocratique, confirmée par letrès fort taux d’abstention au second tour desmunicipales. Un vaste plan de relance par ladépense publique serait incontournable pourlimiter les effets de la crise et permettre deconstruire un nouveau modèle social et éco-nomique. Le combat contre toutes les formesde discriminations, l’accès aux mêmes droitspour tous, le renforcement des services publicsdont celui de l’Éducation, voilà quelle devraitêtre la feuille de route du gouvernement. Onen est loin… mais le mouvement social a

repris et il pourrait permettre de profondschangements  : manifestations du personnelhospitalier les 16 et 30 juin, celles des jeunes,le travail engagé entre forces politiques, syn-dicales et associatives...Si elle se fonde sur les principes de démo-cratisation et d’émancipation, l’Éducation estune des clés essentielles pour construire unesociété plus juste. Le projet d’école de l’actuelministre fondé sur l’individualisation et lasélection, la communication provocatrice, vaà rebours de ces mêmes principes. Les per-sonnels le rejettent et ont fait part de leursinquiétudes pour la rentrée.Un préavis de grève sera déposé et descontacts pris par le SNES-FSU avec les autresfédérations de l’Éducation, les organisationslycéennes et fédérations de parents d’élèvespour un véritable investissement dans l’Édu-cation et d’autres réformes. n

Frédérique Rolet

APRÈS LA CRISE, LA MOBILISATION« Se réinventer », changer, E. Macron n’a pas lésiné sur les effets réthoriques au cours de sesallocutions. La petite musique des mesures post-confinement n’est pourtant que la répétition desorientations du monde d’avant.

© D

R

© D

R

LA JEUNESSE AU PREMIER PLANLa crise sanitaire a mis en lumière les inégalités qui traversent notre société et ses effets économiques et sociaux vont frapper durement lesplus fragiles d’entre nous. Les jeunes seront au premier rang des victimes de la prévisible augmentation du chômage, avec des difficultésaccrues pour accéder à des emplois stables, à des stages ou à ces «  petits boulots  » qui sont malheureusement nécessaires pour de nombreuxétudiants. La situation est grave et imposerait des réponses coordonnées et globales. Certes, le gouvernement a mis en place quelques mesuresciblées, notamment le versement d’une aide de 200 euros à 800 000 jeunes en difficulté, mais il faudrait un vaste plan, concernant l’ensembledes 18-25 ans.Forte de l’expertise et de la détermination que lui donne le champ d’activité de ses syndicats, la FSU a pris l’initiative de concevoir un planambitieux pour la jeunesse, traitant de questions centrales comme l’éducation, la formation, la lutte contre les discriminations, afin de donnerà chacun les moyens de penser l’avenir sans la menace de la précarité. Que ce soient les 700 000 diplômés qui vont arriver sur le marché du travail, les étudiants et apprentis mais aussi ceux qui ne sont ni enformation ni en emploi (qui représentent tout de même 13 % des 16-25 ans) sans être éligibles au RSA, tous doivent avoir leur place dans notresociété et bénéficier de protections collectives, d’un droit aux vacances, à la santé et à une formation qualifiante.

Page 9: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 9

Le gouvernement et Olivier Dussopt, secré-taire d’État à la Fonction publique,s’acharnent. Ce dernier a imposé une

reprise des concertations sur les chapeauxde roues en convoquant, dès le  5  juin, ungroupe de travail sur un projet de décretvisant à faire disparaître cette instance à l’ho-rizon 2022.La loi de transformation de la Fonctionpublique prévoit en effet leur fusion avecles comités techniques (CT) dans une nou-velle instance, le comité social d’adminis-tration (CSA), au sein duquel les représen-tants élus des personnels seront censéstraiter un nombre vertigineux de sujets dif-férents. Il y aura bien une formation spé-cialisée en santé, sécurité et conditions detravail attachée à ce comité social, maiselle n’interviendrait que de manière subsi-diaire et les projets de réorganisation tou-chant à la santé et aux conditions de travailne pourront être traités que par l’assembléeplénière du CSA qui n’aura pas les moyens

Les ministères de l’Éducation nationalecomme de la Fonction publique ne ces-sent de remplir les agendas de réunions

diverses et variées. Mais entre communi-cation tardive des documents, absence deréponses aux questions posées et refus d’étu-dier les demandes et propositions des orga-nisations syndicales, le dialogue se résumeà une écoute plus ou moins polie.La loi de transformation de la Fonctionpublique n’est pas étrangère à cette dété-rioration. Imposée contre l’avis unanimedes organisations syndicales, elle prive lesfonctionnaires de la quasi-totalité des garan-ties d’équité et de transparence en matièrede gestion des personnels.

Dénaturation du paritarismeÀ titre d’illustration, le dessaisissement desCAP du contrôle des mutations s’accompagned’une possibilité de recours pour les person-nels n’ayant pas obtenu leur vœu. Ce recoursoblige l’administration à partager les barèmes

qui ont permis aux collègues d’obtenir leurposte. L’administration a interprété cette pos-sibilité de la manière la plus restrictive enconsidérant que le demandeur a obtenu satis-faction s’il obtient un poste dans l’un de cesvœux, même s’il s’agit du dernier vœu surune zone géographique large. Elle prive ainsiles personnels et les organisations syndicalesde toutes les informations nécessaires aucontrôle de la régularité de la mutation.La dérive autoritariste est en marche, accé-lérée par un gouvernement qui se préoccupedavantage d’ouvrir les portes de l’Éducationnationale à des intérêts privés que d’en pré-server le fonctionnement au service du plusgrand nombre.Le dialogue social n’est pas un privilègepour les personnels, il est un élément majeurdu bon fonctionnement des services publicsdont les organisations syndicales sont desacteurs. Il contribue aussi à renforcer le sen-timent d’appartenance des personnels à ceservice public.

Le ministre du plus grand ministère de laFonction publique de l’État ne peut continuerainsi au risque de creuser définitivement lefossé avec les personnels et leurs représen-tants. La volonté d’avancer coûte que coûtesans écouter les personnels pose sans douteles fondements d’une stratégie politique,mais elle ne sert en rien le service public. n

Xavier Marand

d’investigation dont disposent actuellementles CHSCT.

Bras long et mémoire courteGlobalement inadmissible, cette suppressiondes CHSCT est encore plus choquante encette période de crise sanitaire. Aucune leçonn’a été tirée de leur implication. Ils ont pour-tant été particulièrement mobilisés, allantjusqu’à des réunions hebdomadaires permet-tant d’interpeller les chefs de service et leministère, pour alerter et stopper des dérivesvécues dans les établissements et services.À tous les niveaux, le SNES, avec la FSU,s’est pleinement investi pour diffuser les infor-mations les plus pertinentes et pour apporterconseils et soutiens aux personnels, mis fré-quemment en difficulté par des injonctionsparadoxales et dangereuses. Le gouvernementveut briser le thermomètre, mais le SNES,avec la FSU, continuera à se mobiliser pourla santé des personnels et pour l’améliorationdes conditions de travail. n Hervé Moreau

UN BIEN PRÉCIEUX SUR LA SELLETTELes Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont montré toute leurlégitimité durant une crise sanitaire qui à l’évidence n’est pas terminée. Et pourtant...

DIALOGUE SOCIAL OUL’ART DE NOYER LE POISSONDialogue social renforcé, consultations, négociations... tant d’expressions utilisées par J.-M. Blanquer qui, comme souvent, ne servent qu’à dissimuler des discussions creuses ou ferméesbien loin des revendications et des véritables préoccupations des personnels.

Lettre de cachet datant de 1703

© M

allo

wte

k / W

ikim

edia

Com

mon

s

Page 10: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

10 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

ACTUALITÉRENTRÉE LE 22 JUIN,SOUS LE SIGNE DU MÉPRISLe 14 juin : nouvelle allocution présidentielle sur la suite du déconfinement. Encore une fois,les personnels vont apprendre dans les médias des informations essentielles pour leur quotidien.

En quelques secondes, E. Macron expédiele cas de l’Éducation nationale : « Dèsdemain, en Hexagone comme en Outre-

mer, les crèches, les écoles, les collèges seprépareront à accueillir à partir du 22 juintous les élèves, de manière obligatoire etselon les règles de présence normale ».Trente-cinq mots qui vont, en réalité, ouvrirune nouvelle semaine d’injonctions contradic-toires et d’incertitudes pour les personnels.Nul doute que si le discours avait été prononcépar le ministre de l’Éducation nationale, onaurait entendu un « on est prêt ».

École obligatoireLa réaffirmation du caractère obligatoire dela présence à l’école est une bonne chose,

tant le retour sur la base du volontariat desfamilles, à partir du 11 mai, a fracturé le fon-dement même du service public d’éducationet accentué les inégalités déjà aggravées parle confinement. Mais comment organiser cetterentrée ? Les interrogations demeurent.Le lendemain matin, les personnels décou-vrent, un nouveau décret : les règles de dis-tanciation physiques sont allégées mais ilfaut conserver une distance d’un mètre latéralentre les élèves. Passé le moment de surprise(le virus n’attaquerait-il que latéralement ?),chacun joue alors aux apprentis architectes :munis de leur mètre, tous les professeursconstatent qu’il est impossible de faire entrertoute une classe dans des salles ordinaires.Impossible de tenir les « règles de présence

normale » annoncées la veille par E. Macron.Jamais à court d’imagination, l’administrationpropose alors mille et une organisations afinque tous les élèves puissent entrer dans unesalle. Quoi qu’il en coûte, y compris en termede ridicule : élèves placés dos à dos, tablessorties des salles, etc.

Jean-Michel a dit...Puis, mercredi 17 juin, en quelques heures,les personnels vont apprendre qu’une versionprovisoire du protocole circule sur les réseauxsociaux, découvrir sur une chaîne parlemen-taire que la règle de distanciation physiquen’est plus obligatoire, avant de prendreconnaissance, via le compte Twitter du minis-tère, à 21 heures, de la version définitive duprotocole sanitaire pour une rentrée prévuedeux jours ouvrables plus tard. Ainsi, enquelques jours, comme un symbole de cesderniers mois, les personnels auront reçuordres et contre-ordres, découvrant des infor-mations essentielles mais souvent contradic-toires, dans les médias. Mais les affirmations présidentielles et minis-térielles de retour de tous les élèves sont enten-dues du grand public comme des vérités incon-testables. Bon nombre de parents n’ont alorspas compris pourquoi leurs enfants ne pou-vaient retourner en classe. Les incompréhen-sions se sont multipliées, nourrissant parfoisdes attaques injustifiées contre les personnels.Pourtant, nous avons été au rendez-vous, assu-rant une deuxième ou troisième rentrée enquelques semaines, en dépit des injonctionscontradictoires. Si les incertitudes ont jalonnécette période, une certitude est désormaisincontestable : ce sont bien les personnels del’Éducation nationale, individuellement et col-lectivement, qui font vivre le service publicau quotidien. n S. V.

PROF BASHING – À QUI PROFITE LE CRIME ?Professeurs tire-au-flanc, décrocheurs, démissionnaires... en quelquesjours, les expressions blessantes se sont multipliées, ravivant les clichéscontre une profession toujours soupçonnée de ne pas assez travailler. LeSNES-FSU a dénoncé ces propos, rappelé l’investissement de chacun danscette période exceptionnelle. Mais au-delà de ces faits, la construction del’information est révélatrice : le chiffre de 5  % (de professeurs n’ayantfourni aucun travail durant le confinement) qui a nourri tant de fantasmesest loin d’être d’une solidité à toute épreuve. Le ministère a diffuséplusieurs versions : dans un cas, il comprenait les arrêts maladie, dansl’autre, non. Mais au-delà des chiffres, restent des interrogations : pourquois’acharner sur ce qui est une réalité dans toutes les professions ? Pourquoioublier le fait central de cette période : les personnels ont fait face, seuls,

tant le ministère et les recteurs ont été aux abonnés absents, préférantles artifices de la communication aux réalités bien concrètes expriméespar les professionnels. Comme tout le monde, les personnels ont traversécette période avec leurs doutes, leurs peurs, leurs familles parfois exposéesà la maladie. Il est bien commode de ramener les professeurs à la dimensionindividuelle de leurs actes : c’est un moyen d’oublier la responsabilité del’institution. Les professeurs ne sont ni des héros, ni des lâches. Ils sontdes fonctionnaires appartenant à une institution qui a la responsabilitéd’assurer la continuité du service public. À la sortie de la crise, une inter-rogation, centrale et essentielle dans une démocratie, demeure : l’Éducationnationale, à travers ses responsables, s’est-elle donné les moyens d’affrontercorrectement cette crise ? Poser la question, c’est déjà y répondre.

© P

ict r

ider

/ A

dob

eSto

ck.c

om

Page 11: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 11

© B

erna

det

te P

rice

- Fl

ickr

.com

Pour le SNES-FSU, à rentrée exception-nelle, mesures exceptionnelles ! Impos-sible de faire comme s’il ne s’était rien

passé cette année ou de nier les effets duconfinement sur les apprentissages. Si lesprofesseurs ont relevé le défi de l’école àdistance, elle n’est pas l’école en classe etn’a donc pas permis de couvrir l’ensembledes apprentissages. La fracture numériquea contribué à aggraver les inégalités. LeSNES-FSU a alors posé ses exigences pourla rentrée. Plutôt que de s’enfermer dans un scénariounique, qu’il soit favorable (retour à la nor-male), ou défavorable (retour du virus, clus-ters localisés ou confinement généralisé), ilfaut préparer cette diversité de scénarios.

Aggravation des inégalités Autrement dit, préparer une rentrée dans dif-férentes configurations, notamment diminuerles effectifs dans les classes, repenser la pré-rentrée, revoir la constitution des classes,penser l’organisation de l’établissement. Iln’est pas question, pour une énième fois en2020, de faire et défaire en quelques heuresle travail de longue haleine des équipes péda-gogiques.La diminution des effectifs dans les classespour des raisons sanitaires est aussi un impératifpédagogique : grâce à des moyens supplémen-taires, elle doit permettre de travailler en petitsgroupes afin de consolider des connaissances.Sinon, comment faciliter, par exemple, lesinteractions orales collectives qui ont tant man-qué en cours de langues vivantes et qui sontindispensables pour progresser ?

Préparer une rentrée dansdifférentes configurationsCes réflexions pédagogiques renvoient aussià la question des programmes : au début dudéconfinement, le ministère a affirmé que lafin d’année ne pouvait être consacrée à unecourse contre la montre pour boucler les pro-grammes. Il faut donc aménager les pro-grammes pour tenir compte de cette fin d’an-née si particulière. Le SNES-FSU a donctransmis au ministère et au CSP (Conseilsupérieur des programmes) une liste d’amé-nagements possibles pour chaque discipline,sur tous les niveaux.Le confinement a aussi mis en lumière lesproblèmes d’équipement informatique pourles personnels comme pour les élèves, lacrise a confirmé que l’état du bâti scolaireétait loin d’être à la hauteur des enjeux. Le

SNES-FSU exige notamment une primed’équipement pour les personnels, décon-nectée du télé-enseignement.

Des réponses hors sujetLe ministre se targue de dialoguer avec lesorganisations syndicales. À ce jour, aucunretour ne nous a été fait sur toutes nosdemandes, si ce n’est une possible primed’équipement pour les personnels débutants. La seule priorité du ministre est de développerles évaluations standardisées, en Sixième eten Seconde, qualifiées de « robustes ». Or,elles existent déjà et ont fait la preuve de leurinefficacité : problèmes techniques, résultatspeu exploitables, absences de moyens pour

travailler avec les élèves ensuite. Cette obses-sion évaluative est en décalage complet avecles exigences de cette rentrée : la priorité est-elle de mettre les élèves sous pression destests dès le début de l’année ? N’y a-t-il pasmieux à faire ? À moins que ces évaluationsne révèlent leur réelle utilité : avoir une batteriede statistiques à usage médiatique...Jean-Michel Blanquer met aussi en avant uncertain nombre de dispositifs hors la classe :des vacances apprenantes à la promotion dedispositifs déjà existants (école ouverte,devoirs faits) et qui sont loin de répondreaux défis de cette rentrée post-Covid. Sans surprise, le ministère traite la rentréesans prendre la mesure du défi éducatifqu’elle représente. Il affirme que le confi-nement a été une catastrophe éducative mon-diale mais sans mettre les moyens, forcémentexceptionnels, qui sont attendus. Dans lesétablissements, la rentrée s’est préparée sansconsignes particulières. Encore une fois, der-rière les discours médiatiques, les personnelssont laissés seuls, alors que c’est eux quifont vivre le service public d’éducation. L’oc-casion de noter aussi que la question de larevalorisation salariale a, à peine, été évoquéepar le ministre. Pour le SNES-FSU, elle faitpourtant partie des dossiers incontournablesde la rentrée.

Moyens, salaires, programmes,réformes, équipements, les chantierssont nombreux pour faire de l’écoled’après une école à la hauteur des

enjeux éducatifs. Le SNES-FSU sera au ren-dez-vous pour le rappeler au ministre. n

Sophie Vénétitay

RENTRÉE 2020 : QUELLE SERAL’ÉCOLE D’APRÈS ?Quelles que soient les conditions sanitaires, la prochaine rentrée ne ressemblera à aucune autre.Pourtant, à l’heure de fermer les portes des établissements, rien n’est prêt du côté du ministère.

© V

ille

de

Gen

nevi

llier

s / F

lickr

.com

Page 12: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

12 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

ACTUALITÉPANDÉMIE SUR LES JURYS DE BACJurys et sous-jurys pour la session 2020, commission d’harmonisation pour le français : ces motspourtant familiers recouvrent une réalité bien différente des usages passés. Les circonstancesexceptionnelles que nous traversons n’expliquent pas tout.

Sous la pression des lobbies, le ministèrea accordé à ces candidats les mêmesprérogatives que ceux de l’enseigne-

ment public et privé sous contrat, en retenantleurs notes de contrôle continu comme notesde bac.Pour la session 2020 comme pour lesépreuves anticipées (EAF et épreuve com-mune pour la spécialité abandonnée), les

moyennes annuelles sont compilées dans undossier de contrôle continu qui fait office delivret scolaire. Si le dossier doit comprendredes informations sur la nature des évaluationset du programme traité, sa recevabilité appa-raît purement formelle (dossier complet,délais respectés, attestation sur l’honneur duchef d’établissement). On ne voit pas com-ment les jurys pourront en connaissance decause statuer sur des notes dont ils ignoreronttout des fondements.

Effet d’aubaineCes établissements, dont le contrôle a étélégèrement renforcé par la loi Gatel en 2018,sont en fait libres de toutes contraintes oupresque concernant les programmes et lesmodalités d’évaluation. Par cette procédure,l’État légitime d’une certaine façon des choixéducatifs parfois marqués du sceau de l’in-tégrisme religieux ou des dérives sectaires,

C’est une conception purement bureau-cratique qui émerge du traitement desdossiers des candidats, aux antipodes

des pratiques fondées sur l’appréciation duniveau des apprentissages.Tardif, approximatif et lacunaire, le cadrageréglementaire des jurys de bac pour la ses-sion 2020 a laissé se développer localementdes modalités variables de fabrication desnotes de livrets scolaires. Et dans ce désordre,des jurys d’un nouveau genre ont donc lamission de restaurer, comme incidemment,l’égalité de traitement entre les candidats,principe pourtant cardinal dans l’attributiond’un diplôme.

Bureaucratie, quand tu nous tiens...Pour le ministère, l’égalité de traitement estavant tout statistique. Sur la base des tauxde réussite et de mention des trois annéesprécédentes, ainsi que des notes obtenuessur deux ans aux épreuves anticipées de fran-çais, les jurys, comme les commissions, ontdonc eu toute latitude pour augmenter lesnotes. Ce « travail de revalorisation de nature nou-velle » comprend une phase d’harmonisationdes notes d’examens, à l’échelle collective,

par série et par établissement, puis unmoment, très réduit dans les faits, de consul-tation des dossiers individuels.

Un bac sans boussole  ?Certes, ce sont les résultats aux épreuvesnationales et terminales des sessions anté-rieures qui vont servir de jauge, mais danstous les cas de figures, cette procédure de« péréquation » renforce mécaniquement lesinégalités de traitement entre établissements

et territoires. Que reste-t-il pour justifier désormais le recours au contrôle continusans être accusé de creuser les inégalités ?Seuls demeurent des jurys, dans lesquels desenseignants siègent comme autant d’alibispour masquer la réalité d’une procédure pro-fondément inégalitaire. Expérimentation gran-deur nature, la session 2020 est conçuecomme le laboratoire d’un baccalauréat dontl’avenir n’a jamais été autant menacé. n

Claire Guéville

et il réduit en retour la portée du cadrage fortque constituent des programmes nationauxet une organisation des enseignements fixéeréglementairement. Par ce traitement defaveur, le ministère, non content d’accorderune plus-value à ces quelque sept cents éta-blissements sur un marché éducatif de plusen plus concurrentiel, confie à des acteursprivés la certification pour l’obtention d’undiplôme national.Alors certes, cela ne concernerait cette annéequ’un peu plus de quatre mille  candidats.Mais le récent décret modificatif qui étendencore le bénéfice de cette procédure auxécoles techniques privées et à l’enseignementà distance laisse entrevoir une véritablevolonté politique. L’école publique émanci-patrice pour toutes et tous n’aurait-elle guèreplus de valeur, aux yeux du ministère, queles gourous et marchands du temple du horscontrat ? n C. G.©

DR

LE HORS CONTRAT EN EMBUSCADELes élèves de Terminale scolarisés dans les établissements hors contrat, considérés commedes candidats libres, auraient dû être soumis cette année aux épreuves de remplacement enseptembre. C’était sans compter sur la complaisance du ministre à leur endroit.

© J

arm

oluk

/ P

ixab

ay.c

om

Page 13: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 13

La concertation dite du Ségur de la santélancée le 25 mai doit s’achever avant lami-juillet. Elle s’inscrit dans le sillage

des annonces ambiguës du Président pourl’hôpital. Mais il ne faut pas oublier que lespersonnels des hôpitaux et des Ehpad enchaî-nent les mobilisations et les mouvements deprotestation depuis bien plus d’un an et qu’ilaura fallu que la crise du Covid-19 mette enévidence leurs conditions de travail et de rému-nération pour que le gouvernement accepteenfin d’ouvrir une discussion. La réponse va-t-elle être à la hauteur des enjeux pour un sys-tème hospitalier qui a montré sa grande vul-nérabilité et qui n’a tenu que par l’engagementsans faille des agents ? Les premières propo-sitions du ministre de la santé permettent d’endouter.

MiettesTout semble se résumer à quelques miettespour les rémunérations. O. Véran a d’abordannoncé six milliards d’euros pour les soi-gnants (infirmiers, aides-soignants et techni-

ciens hospitaliers). Cela reviendrait au mieuxà une hausse moyenne des rémunérations de400 euros par mois. Mais il a été annoncéque cette somme concernera aussi le secteurprivé, ce qui réduit à un gain maximum de260 euros par mois. En outre, dès les premières annonces, il a étéenvisagé d’assouplir le temps de travail, enaugmentant par exemple le plafond des heuressupplémentaires. À l’occasion d’une autre deses interventions, le ministre a provoqué la

colère des médecins hospitaliers en leur pro-posant une enveloppe de 300 millions.On en saura plus dans quelques jours, maisles résultats de ces concertations risquentd’être très en-deçà des besoins. D’autant quele sauvetage du système hospitalier passe parune remise à plat des modes de financementet de gouvernance, pour abandonner la logiquede choix du patient « rentable » imposé parla tarification à l’activité. n

Hervé Moreau

© C

lém

ent M

artin

SÉGUR DE LA SANTÉ : À LA HAUTEUR DES ENJEUX ?Alors que le ministre de la Santé et des solidarités distille ses annonces au compte-gouttes,les personnels hospitaliers ont manifesté une nouvelle fois le mardi 30 juin.

Ces mesures, détaillées dans les « orienta-tions stratégiques ministérielles », consti-tuent les priorités nationales en matière

de santé, sécurité et conditions de travail que

les rectorats et les directions départementalesdoivent appliquer. En amont de leur diffusion,elles sont débattues et adoptées en CHSCTministériel. Ces consignes restent de la res-ponsabilité du ministère, mais les représentantsSNES et FSU contrôlent leur application etinterviennent avec constance pour qu’elles cor-respondent au mieux aux besoins des person-nels constatés dans les établissements et lesservices, et qu’elles prennent en compte lesmanquements de l’administration.

Notre travail payeAinsi, pour l’année scolaire 2019-2020, dansle cadre de la prévention des risques psycho-sociaux, c’est l’intervention de la FSU qui apermis, par exemple, d’ajouter deux itemssur la protection des personnels victimesd’agression, de harcèlement moral ou sexuel

et sur la prévention des violences sexistes etsexuelles. De même, lorsque le ministère achoisi de faire la promotion de la qualité devie au travail (QVT), concept qui peut avoirdes applications très discutables, la FSU estintervenue à nouveau pour qu’on puisse abor-der des questions de fond comme la conci-liation entre vie professionnelle et vie per-sonnelle ou le droit à la déconnexion. Lesproblèmes associés à ces thématiques sontrécurrents, mais ont été d’une actualité brû-lante durant la crise sanitaire.

En cette fin d’année scolaire, leministère va proposer de nouvellesorientations pour l’année prochaine.Le SNES, avec la FSU, fera en sorte

que ces instructions officielles soient desoutils pour la défense des personnels danstous les CHSCT et au-delà. n H. M.

SANTÉ AU TRAVAIL,QUEL PLAN MINISTÉRIEL ?Tout au long de l’année, en temps ordinaires comme en situation de crise, les représentants despersonnels en CHSCT interviennent pour que les recteurs et Dasen mettent en œuvre, a minima,les mesures de prévention élaborées et diffusées par le ministère.

© C

lém

ent M

artin

Page 14: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

14 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

ACTUALITÉTRANSITION ÉCOLOGIQUE,PASSER DES DISCOURS AUX ACTESL’écologie ruisselle sur la sphère politique, laquelle surfe sur la crise du Coronavirus et l’expositiond’Europe Écologie Les Verts aux municipales.

Ces lignes sont écrites deux jours aprèsun résultat très commenté des candidatsécologistes aux élections municipales,

et au lendemain des engagements du prési-dent de la République à mettre en œuvre146, soit la quasi-totalité, des propositionsde la Convention citoyenne pour le climat.Seraient écartées la taxe de 4 % sur les divi-dendes, la réduction de la vitesse à 110 km/heure sur les autoroutes et la réécriture dupréambule de la Constitution. Une aide dequinze milliards d’euros sur deux ans seraitdébloquée pour la conversion écologique del’économie française. Rappelons que furentprésentés fin mai pour l’automobile et mi-juin pour l’aéronautique des plans de soutiende respectivement 8 et 15 milliards d’eurospour aider ces industries à devenir « verteset compétitives  ». Édouard Philippe l’an-nonçait dans son discours de politique géné-rale du 12 juin 2019 : « Les douze prochainsmois seront ceux de l’accélération écolo-gique ». Si l’annonce d’un verdissement del’action gouvernementale ne fut une fois deplus guère suivie d’effet, il y a bien eu accé-lération, celle du réchauffement climatique(rapport du GIEC, septembre 2019). Lesannonces de 2020 paraissent davantage decirconstance qu’une volonté politique d’en-gager des réformes de fond pour la préser-

vation du climat, de la biodiversité et desécosystèmes, et au final de la qualité de viede l’espèce humaine.

Vert de circonstance ?Il est pourtant possible de réduire l’émissiondes gaz à effet de serre tout en créant desemplois. L’appel « Plus jamais ça, signonspour le jour d’après », lancé par la FSU etquinze autres organisations, a recueilli plusde 180 000 signatures. Il rappelle qu’« ilne s’agit pas ensuite de relancer une éco-nomie profondément insoutenable écologi-quement et socialement ! Nous demandonsque s’engagent sans plus attendre des poli-tiques publiques de long terme ». Là est

toute la question. Il faudra suivre attenti-vement le contenu du projet de loi annoncépour septembre et donnant un cadre concretaux propositions de la convention pour leclimat, qu’il ne soit pas vidé de sens auregard des enjeux, les lobbys économiquesétant puissants. Voir stoppée la course auxcentres commerciaux, acter la réduction dela TVA sur les billets de train ou un systèmede consigne pour le plastique peut réjouir,mais c’est une réflexion ambitieuse sur nosmodes de vie (logement, transports,consommation), sur nos sociétés et sur l’en-semble du capitalisme financiarisé qu’ilfaut mener. n

Valérie Sipahimalani

ÉDUCATION NATIONALE ET TRANSITION ÉCOLOGIQUE ?Récupérant et recyclant la mobilisation des vendredis de grève des lycéens pour le climat, leministre J.-M. Blanquer a lancé, en juin 2019, le plan EDD 2030 s’appuyant sur l’agenda 2030des objectifs de développement durable. Une attention particulière est apportée à la biodiversité,mais figurent aussi deux axes : «  Comprendre les enjeux du développement durable pour agiren citoyen responsable », et « L’École s’engage dans la dynamique des Objectifs de développementdurable ». À cette occasion, le ministre a passé commande au Conseil supérieur des programmesd’un verdissement des programmes du collège. Ces modifications cosmétiques s’appliquerontà la rentrée prochaine. Il manque dans leur conception, tout comme pour le lycée, une visiontransversale permettant de construire avec les élèves un savoir cohérent à partir des différentesdisciplines scolaires.

© K

imb

erly

Var

dem

an /

Flic

kr.c

om

Page 15: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

DANS LA CLASSEVerbatimi

« Je leur tire mon chapeau àces fainéants de profs qui se plienten quatre depuis le début duconfinement (mais pasuniquement !) pour nos enfants etdont le travail n’est jamais reconnu !Bravo, merci pour tout et pardonpour tous ceux qui osentsérieusement se plaindre du manqued’implication des enseignants... »Sandrine, www.huffingtonpost.fr,20  juin 2020

« Les parents se sont aperçusque le travail des enseignants étaitconséquent. Ils ont découvert quefaire cours ne s’improvisait pas.De leur côté, les enseignants sesont rendu compte que les attentesqu’ils avaient vis-à-vis de leursélèves n’étaient pas toujours bienproportionnées, parce que du côtédes parents, il y avait aussi unedifficulté à appréhender le travaildemandé. »Fabienne Serina-Karsky, chercheuse en sciences del’éducation, www.telegramme.fr,5  juin 2020

« J’ai compris au bout dutroisième jour de confinementque Marius n’était pas le mêmeque d’habitude. Impossible de le fairese concentrer sur un seul exercice[...] [Pourtant], j’en ai qu’un seul àgérer, pas une classe de 30 ! »Solange, www.lepoint.fr, 26 mars 2020

« Ils ont pris contact avec lesfamilles par téléphone de manièrerégulière et, en réalisant ce lien dela République, ils ont dit aux parentscombien ils comptaient. Ce n’estpas du tout la même chose d’êtreconvoqué à l’école dans lesfameuses réunions parents-profset d’être contacté par l’école pours’entendre demander déjà, si toutva bien, puis de s’enquérir de ce quel’on peut faire avec les enfants. »Béatrice Mabilon-Bonfils, sociologue, et Alain Jaillet,professeur des universités,www.lejdd.fr, 13 mai 2020

À écouteri

Ça peut faire du bien :

https://www.youtube.com/watch?v=eeaeFuQqzEM

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 15

«Lors de la crise sanitaire, lesrapports en distanciel avecl’administration du collège de

mes deux filles ont été précoces etréguliers. Dès la première semainedu confinement, le chef d’établis-sement a organisé une réunion avecles représentants des parents. Ànotre demande s’est ensuite tenue,jusqu’à la fin de la période, uneréunion hebdomadaire à laquelleparticipaient également des délé-gués élèves et des représentants desenseignants. Cette instance extra-ordinaire, sorte de CA en miniature,a permis d’instaurer un dialogueconstructif. Pour nous, ce tempsd’échange n’avait pas uniquementpour vocation de transmettre le res-senti des élèves et de leurs familles.

Il s’agissait également d’écouterles enseignants et de porter leurparole – celles de personnes ellesaussi confinées, avec leurs problé-matiques particulières et leurs dif-ficultés propres – auprès de nosmandants. On a construit ensemblela manière de maintenir les rela-tions entre professeurs et élèvespendant ces trois mois.Dans le rapport direct avec lesenseignants, il a fallu faire preuvede délicatesse à chaque fois quenous avons proposé telle ou telleamélioration dans le travail à dis-tance. Certains ont en effet pu sesentir remis en cause dans leurprofessionnalisme. Mais cesdemandes n’ont jamais été vaines,puisque les professeurs sollicités

ont presque tous essayé de mettreen place un dispositif plus opérant.Malgré les efforts des uns et desautres, le plus gros écueil de l’en-seignement à distance reste lemanque de suivi individualisé desélèves. Ce qui m’a à l’inverse leplus touchée, pendant cettepériode, c’est la grande bienveil-lance des enseignants. Dès le lundi16 mars, un professeur de ma fillequi est en Seconde a écrit à sesélèves : “Gardez votre joie, carc’est la meilleure aide que vouspourrez apporter à vos parents”.Cet enthousiasme des enseignantsa aidé nombre de familles à main-tenir le cap. » n

RELATIONS PARENTS-ÉCOLE EN CONFINEMENT

Une période particulière pour tout le mondeLa « continuité pédagogique » tant vantée par le ministère a servi de paravent aux inégalités socialesentre les familles, dont le confinement a révélé toute l’ampleur. Professeurs, CPE, AED et AESH ontété aux avant-postes pour garder contact avec certains élèves, mais aussi avec leurs familles.

Rubrique réalisée par Jean-François Claudon

Les professeurs, CPE, AED et AESH ont mul-tiplié les contacts avec les parents. Ils répon-daient à des familles qui voulaient en savoir

plus sur les méthodes de travail imposées par l’en-seignement à distance, pointer un problème parti-culier rencontré par leur enfant ou encore faireconnaître le désarroi d’élèves qui ont parfois puse sentir submergés par les documents, les travauxà rendre et les plannings de classe virtuelle. Maisils prenaient bien souvent l’initiative, par mail, etmême au téléphone quand cela s’imposait : manqued’assiduité d’un élève, problèmes techniques ren-contrés par des familles...Contacter les parents était aussi un moyen pourlutter contre le sentiment d’impuissance que pou-vaient exprimer ces derniers, notamment dans lesmilieux les plus défavorisés. Comme le signaleÉmilie, professeur en REP+ dans l’académie deVersailles, « beaucoup de parents occupent desemplois indispensables (aides-soignants, métiersd’entretien, etc.), donc ils n’ont pas arrêté de serendre au travail. En plus de ça, ils se mettentbeaucoup la pression, car ils ont peur que leursenfants redoublent. On a dû les rassurer ».

Relations d’un nouveau typeC’est toute la profession qui a tissé de nouveauxrapports avec les familles. Les exigences de l’heureont en effet pu amener les professeurs, CPE, AEDet AESH à entrevoir l’intimité de nombreuxménages. La réciproque est vraie, puisqu’il a parfois

fallu expliquer qu’il était impossible de travaillersept heures par jour quand on devait de surcroîts’occuper des enfants. Même si cela ne s’est pasfait sans quelques incompréhensions, les professeursse sont par ailleurs efforcés de prendre en compteles suggestions de parents, qui ont endossé bienplus qu’à l’accoutumée le rôle difficile, mais sipassionnant, de pédagogue.Malgré le surcroît significatif de travail qu’il a suscitéet le fait qu’il était presque entièrement à leur charge(forfait téléphonique, connexion internet, ordinateurpersonnel...), les professeurs, CPE, AED et AESHont pu apprécier ce renforcement du lien avec lesparents de leurs élèves. Une réponse rapide, un motd’encouragement, des informations fournies sur unélève dont on était sans nouvelles : autant de moyensen effet de rompre l’isolement du télétravail et dese sentir utiles malgré les circonstances. n

TÉMOIGNAGE

« On a construit ensemble “la continuité pédagogique” »Isabelle Brison est mère de quatre enfants, scolarisés du lycée à la classe préparatoire. Elle est

par ailleurs représentante FCPE des parents d’élèves au collège Stéphane-Mallarmé de Paris.

© D

R

© A

nton

io G

guille

m-A

dobe

Sto

ck.c

om

Page 16: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

En 2011, 28 % des Français ne possédaientni tablette, ni smartphone ni ordinateur. En2019, le taux est passé sous la barre des

10 %. Les équipements informatiques se sontgénéralisés à l’ensemble de la société. L’infor-matique, disent les sociologues, est devenuepervasive. Difficilement traduisible en françaisce terme issu de l’américain signifie que l’in-formatique n’est plus vraiment localisable dansdes machines, grandes ou petites, elle est partout.On assiste ainsi à un processus de numérisationgénéralisée des activités humaines.

Les outils numériquesLe numérique renvoie aujourd’hui une multi-tude d’objets : tablettes tactiles, ordinateur,ordinateur portable, netbook, téléphone porta-ble... Il connaît aujourd’hui de profondes évo-lutions. Pour la première fois, en 2019, l’équi-pement en smartphone dépasse l’équipementen ordinateur, en déclin depuis plusieurs années(– 7 points depuis 2013, année où le tauxd’équipement le plus élevé a été mesuré). Paral-lèlement on assiste à une érosion du sentimentd’utilité de l’ordinateur chez ses utilisateursréguliers. Ce recul relatif de l’ordinateur se faitau profit du smartphone.

Âge, niveau de revenus, diplômeAu sein de la population, le taux d’équipementvarie fortement selon l’âge. Les 12-17 ans restentla catégorie la plus fortement équipée (91 %),suivis par les 40-59 ans (83 %) et les 18-25 ans(82 %). Les 25-39 ans sont en revanche désor-mais moins nombreux à posséder un ordinateurque les 60-69 ans (73 % contre 76 %). Les reve-nus et les diplômes sont aussi des variablesimportantes. L’ordinateur reste un équipementqui représente un investissement non négligea-ble : 92 % des membres des foyers avec deshauts revenus en sont équipés contre seulement64 % de ceux qui vivent dans des foyers avecdes bas revenus. En deux ans, la baisse est plus

limitée chez les titulaires de hauts revenus(– 1 point seulement) que dans les groupes lesmoins bien lotis (– 5 à – 7 points).

Priorité au smartphone ?L’avènement du smartphone amène à priorisercet équipement plutôt que l’ordinateur. Onconstate que le multi-équipement du smart-phone et de l’ordinateur a évolué deux foismoins vite chez les bas revenus que dans lereste de la population. Cet effet de substitutionobéit à des facteurs technologiques (facilitéd’usage) et économiques (contrainte finan-cière). Ceci constitue un véritable défi pourl’école qui interdit son usage et priorise l’or-dinateur. Dans le même ordre d’idée, si lemulti-équipement en ordinateur diminue à unrythme élevé il est lié à certains facteurs socio-économiques. Le diplôme et le niveau de reve-nus sont déterminants dans la détention d’unordinateur, d’un smartphone et d’une tablette :50 % des hauts revenus et 41 % des diplômésdu supérieur possèdent les trois, tandis queseuls 18 % des bas revenus et 13 % des non-diplômés sont triplement équipés (contre 32 %en moyenne).

Réseaux et usages du numériqueSi 88 % des Français sont connectés aujourd’huià internet, l’accès est corrélé au niveau de vie :77 % des ménages du premier quintile derevenu y ont accès contre 94 % des ménagesdu dernier quintile. À cela, s’ajoutent des dif-férences en termes d’accès au haut débit. L’ap-proche par les équipements ne dit pas tous desdéfis que représente le numérique. Il faut à lafois s’interroger sur la diversité des pratiquesnumériques, sur les modes d’appropriation, surl’évolution rapide des supports qui sont autantde défis pour l’école. n

CHANGER D’ÈRE

16 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

TAUX D’ÉQUIPEMENT DES MÉNAGES EN BIENS ÉLECTRONIQUESJohanna Souris, gestionnaire paye chez Polyexpert Méditerranée (Marseille). « Pendant le confinement, je me suisheurtée à un problème de connectique car il m’était impossible de brancher mon vieil écran sur l’unité centrale quej’avais récupérée à mon bureau. J’ai donc dû me procurer un autre écran. Avec nos deux enfants, on a organisé unplanning pour l’utilisation de l’ordinateur. Le plus petit, qui a 6 ans et demi, reçoit le travail par mail et on a eu lapossibilité d’aller chercher le travail imprimé à l’école. Le plus grand est en Première automobile dans un lycée pro-fessionnel. Il pouvait se servir de l’ordinateur entre 12 et 14 heures et après 17 heures surtout pour rendre desdevoirs ou des QCM. Il a ouvert un dossier pour enregistrer ses devoirs. Pour les classes virtuelles, il utilisait sonsmartphone. Cela suffisait, même si le micro du téléphone était cassé. Par contre, lorsqu’il a eu un entretien en visio-conférence pour son stage, on a dû réinstaller l’ancien ordinateur car je ne pouvais pas mettre Adobe sur l’ordinateurdu travail. Il a donc fallu sans cesse jongler avec les différents équipements et les connexions aléatoires. »

Rubrique réalisée par Nicolas Sueur

L’ÉQUIPEMENT NUMÉRIQUE

De quels matériels disposent les Français ?La période du confinement s’est accompagnée d’un recours massif aux technologies dunumérique pour pallier la fermeture des établissements. Elle a aussi révélé les profondesinégalités des familles et des personnels de l’éducation en matière d’équipements.

Chiffrei

77%C’est le taux d’équipement des Françaisen smartphone en 2019. Ils étaient 76 %à posséder au moins un ordinateur.

Liens utilesi

❱ CREDOCEnquête sur la diffusion des technologiesde l’information et de la communicationdans la société française en 2019.https://www.credoc.fr/publications/barometre-du-numerique-2019

❱ INSEEUn dossier daté de 2019 sur l’économieet la société à l’ère du numérique.file:///C:/Users/Nicolas/AppData/Local/Temp/NUM19-1.pdf

Sourcesi❱ Dominique Boullier,sociologie du numérique,Paris, A. Colin, 2016.

❱ L’excellente revueRéseaux, communication,technologies et sociétés :https://www.cairn.info/revue-reseaux.htm

Lexiquei

❱ Numérique : on entend par ce terme lapénétration de l’informatique dans toutesnos activités et notre environnement.Certains équipements (ordinateur fixe ouportable, téléphone mobile, smartphone,tablette, etc.) en sont la face visible.

❱ Illectronisme : transposition del’illettrisme dans le domaine informatique.La notion est discutée car elle renvoie àl’incapacité à utiliser un ordinateur,considéré du même coup comme l’outilnoble du numérique dans sa dimensionscolaire. L’évolution des équipementsmontre cependant que le smartphoneprogresse et que les usages etcompétences du numérique sont trèsdivers en fonction des générations.

❱ Fracture ou fossé numérique : del’américain « digital divide ». L’expressionest employée par Al Gore, vice-présidentdes États-Unis, à partir de 1996 poursoutenir des initiatives publiques visant àgénéraliser les connexions (informationhighways) à l’ensemble de la population.Ce programme coïncide avec la cession dela gestion d’Internet aux fournisseursd’accès privés qui prennent le relais de laNational Science Foundation (NSF), uneinstitution publique. L’expression, pastoujours définie, peut désigner un inégalaccès aux technologies, aux contenus etservices liés à ces technologies, ou auxusages de ces ressources.

Page 17: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

RATTRAPAGE

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 17

La loi de transformation de la FPLa loi 2019-828 dite « de transformation de la Fonction publique » a pour objectif de saper les fondements de notreFonction publique  : des personnels bénéficiant de garanties solides pour pouvoir se consacrer pleinement à leur métierau service du public. Elle commence à bouleverser de fond en comble les relations entre les personnels (titulaires ounon) et leur administration. Le SNES et la FSU continuent de combattre cette loi y compris dans ses déclinaisons.

Perte de compétencesDepuis le 1er janvier 2020, les Commissions administrativesparitaires (CAP) ne sont plus compétentes pour donner unavis préalable sur les opérations de mutation des personnels.À compter du 1er janvier 2021, il en sera de même pour

les opérationsde promotion.La loi prévoit, qu’encontrepartie,les personnels, s’ilsconsidèrent êtrevictime d’une décision

défavorable, devront faire un recours auprès de leuradministration. Dans ce cadre, ils pourront êtreaccompagnés par un délégué d’une organisation syndicalereprésentative. Les compétences des commissaires paritairespour améliorer affectations et promotions, dans le cadredes règles, sont dissolues. Le risque est grand d’unrenforcement de l’arbitraire des hiérarchies, dans le cadred’opérations de gestion opaques. n

Le gouvernement a transposé dans le statut général leprotocole égalité femmes-hommes signé par unemajorité d’organisations syndicales dont la FSU.L’objectif est d’améliorer l’égal accès aux femmes etaux hommes à tous les métiers de la Fonctionpublique et d’évaluer, prévenir et traiter les écarts derémunération. Des plans d’action doivent être discutéspour une mise en place avant le 1er janvier 2021.Ceux-ci doivent prévoir une obligation de résultat etdes sanctions éventuelles. Ils doivent intégrer laprévention et le traitement des discriminations, desactes de violence, du harcèlement moral ou sexuelainsi que des agissements sexistes.La suppression du jour de carence pour les femmes enarrêt maladie pendant leur grossesse inscrit dans leprotocole a été acté dans la loi. n

CT-CHSCT

Égalité pro

CAP

Contractuels

Un pas en avant

Fusion contre-productiveDéclinant dans la Fonction publique des dispositions dela loi Travail, le gouvernement a décidé de supprimer lesCHSCT et d’en faire une formation spécialisée des futursComités sociaux d’administration (CSA). La moitié desélus dans les CSA devront cumuler leur travail dans cetteinstance et le travail sur les questions de santé et sécuritéau travail.Les CSA conserveraient certaines prérogatives desCHSCT (possibilité de faire des visites, des enquêtes, droitd’alerte...), mais certaines seraient minorées (possibilitéd’émettre des avis) ou ne seraient pas prévues (obligationde réponse et de publication de l’administration). Lecontexte épidémique et, avant cela, les cas de suicide ontpourtant montré l’importance d’une telle instance. n

CSA : Comité social d’administration. Instance quiremplacera les comités techniques à compter du1er janvier 2023. Chargé de donner un avis sur lesmodifications statutaires, les lignes directrices degestion, les réorganisations de service... Le ministèrede la Fonction publique entend réduire les possi-bilités de consultation de cette instance en ren-voyant certains sujets au débat ou à l’information.

LDG  : Ligne directrice de gestion. Acte réglemen-taire qui définit les grandes orientations minis-

térielles et/ou académiques en matière de gestiondes personnels (mouvement et promotions).

Organisation syndicale représentative  : Auniveau national, organisation syndicale disposantd’un siège au comité technique ministériel  ; auniveau académique, organisation syndicale dis-posant d’un siège au comité technique ministérielou au comité technique académique.

Rupture conventionnelle  : À l’initiative de l’uneou l’autre des deux parties, convention cosignéepar un personnel (titulaire ou en CDI) et son

administration, permettant de quitter la Fonctionpublique sans être licencié et en bénéficiantd’une indemnité et de l’ARE. Cette dispositionissue du code du travail fragilise le statut desfonctionnaires et exonère l’employeur de sesobligations en matière de reclassement. Elle estcontradictoire avec le principe statutaire quiveut qu’un agent, en contrepartie de garantiesd’emploi et de rémunérations, ne négocie pasdirectement ses conditions de travail, d’emploiou de rému nération.

Recours amplifiéInitialement réservé à quelques types de postes (catégorie A,emplois non permanents...), le recrutement de contractuelsdans la Fonction publique devient une procédure derecrutement normale. Pire, détournant le principe d’égalaccès aux emplois publics, la loi impose qu’un poste vacantsoit ouvert de manière égale aux titulaires qui peuventl’occuper ou au recrutement d’un contractuel.Si l’administration a l’obligation d’établir le constat ducaractère infructueux du recrutement d’un fonctionnaire surcet emploi, cette mise en concurrence est malsaine pourdes personnels qui doivent être au service du public et dontl’indépendance ne doit faire aucun doute. n

Glossaire!

Page 18: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Dettei

Une dette publiqueabyssale ?Les lamentations ont commencé. Ladette publique dépasse les 100 % duPIB en France et dans la plupart desgrands pays du monde pouratteindre plus de 230 % au Japon.Que faire ? Qui va payer ? D’abordcet indicateur, qui rapporte lesdettes publiques au PIB estcontestable. Il rapporte la dettepublique totale à régler sur cinq ans,dix ans, trente ans à la richesseproduite pendant une année, ce quin’a pas de sens. Et dans la criseéconomique actuelle, avec unebaisse du PIB en France, il est logiqueque le pourcentage monte lorsque ledénominateur baisse... Il faudraitplutôt rapporter le service de la detteau PIB pour savoir si le pays est ounon surendetté. Comme aujourd’hui,les taux d’intérêt sont très faibles, lepoids de la dette est en réalité trèssupportable.

Orthodoxiei

Réfléchissons...mais entre nous !Dans une tribune du journalLe Monde daté du 23 juin, FlorenceJany-Catrice, présidente del’Association française d’économiepolitique (AFEP), s’élève contre lacomposition de la commissionBlanchard/Tirole «  sur les grandsdéfis économiques » qui relève del’entre-soi des économistes dumainstream. « Notre monde est bâti,depuis des décennies, à partir dereprésentations libérales etproductivistes justement portées pareux, et c’est ce dont il nous faut nousaffranchir ! C’est un monde bâtiautour de la “religion ducapitalisme”, selon l’expression deWalter Benjamin. Par quelle opérationmagique une réunion de cardinauxpourrait-elle donc conduire à la findu catholicisme ? On risque, aumieux, d’avoir un nouveau pape. »https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/21/la-commission-blanchard-tirole-etonne-par-sa-tres-forte-homogeneite-son-entre-soi_6043612_3232.html

Chiffrei

– 5,2 %L’INSEE estime la baisse du PIB à5,2 % pour le premier semestre 2020.

ECO/SOCIAL

La crise n’est pas terminée que l’on sent déjàrevenir l’austérité budgétaire. Pas question pource gouvernement de renoncer à ses principes

libéraux et de laisser filer la dette. Le recours à laplanche à billets, c’est-à-dire au financement desdépenses par la création monétaire(1), ne semblemême pas envisagé, alors même qu’il éviterait defaire peser très lourdement la crise sanitaire sur lesfinances publiques. Restent donc deux options :l’augmentation des impôts ou la baisse des dépenses.La deuxième est ouvertement privilégiée par legouvernement qui ne manquera pas de recourir àtoute l’imagination qu’on lui connaît pour taillerencore davantage dans les services publics et laprotection sociale. Lors de son allocution du 14 juindernier, Emmanuel Macron a annoncé que les impôtsn’augmenteraient pas. Pire, il a choisi de transférerà la CADES les déficits des comptes sociaux provo-qués par la crise. Cela a été confirmé par l’Assembléenationale qui a voté dans la nuit du 14 au 15 juin laprolongation jusqu’en 2033 de la CADES et de laContribution au remboursement de la dette sociale.Cette CRDS a été créée en 1996 pour financer laCADES qui a pour mission de reprendre et derembourser les déficits de la Sécu. L’extinction dela dette de la CADES était programmée pour 2024,ce qui aurait été bienvenu pour dégager desressources pour la sécurité sociale et notammentpour la perte d’autonomie. En outre, la CRDS estun prélèvement proportionnel de 0,5 % sur la plupartdes revenus, y compris les plus modestes et certainesprestations sociales. Elle est donc injuste en compa-raison de l’impôt sur le revenu qui reste encoreprogressif.

Injuste fiscalitéMais pas question visiblement de toucher aux autresimpôts et encore moins de mettre en place la réformefiscale dont nous aurions pourtant bien besoin pourréduire les inégalités qui ont tendance à s’aggraverdans notre pays, du fait d’un système de moins en

moins redistributif. L’impôt sur le revenu pourraitpermettre de réduire ces inégalités du fait de sa pro-gressivité (plus les revenus sont élevés, plus la partprélevée augmente) mais son rôle est limité. Il nereprésente en effet qu’un cinquième des recettesfiscales et son nombre de tranche a été réduit : ellesne sont plus que six alors qu’on en comptait quatorzeau début des années 1980. Les impôts indirects représentent quant à eux prèsde la moitié des recettes de l’État. Loin de réduireles inégalités, ceux-ci ont tendance à les accroîtrepuisqu’ils pèsent davantage pour les ménages lesplus modestes qui consomment la totalité de leurrevenu alors que les plus fortunés en épargnentune part importante. Les impôts sur la consom-mation ne représentent ainsi que 5 % des revenusdes ménages les plus riches contre 15 % de ceuxdes plus pauvres.La réforme de la fiscalité de 2018 a été un énormecadeau pour les détenteurs de gros patrimoines.Avec la transformation de l’Impôt de solidaritésur la fortune (ISF) en Impôt sur la fortune immo-bilière (IFI), de nombreux actifs ne sont plus impo-sables, notamment les portefeuilles d’actions, etla mise en place d’un taux de prélèvement forfai-taire unique sur les revenus du patrimoine, appelé« flat tax », est bien plus favorable pour lesménages les plus riches que le barème progressifde l’impôt sur le revenu. Ces mesures ont réduit les rentrées fiscales d’en-viron 5 milliards d’euros par an, une somme quiest en grande partie restée dans les poches des1 % les plus riches alors qu’elle serait bien utileaujourd’hui pour faire face aux effets de la crisesanitaire et pour financer des prestations socialeset des services publics dont le manque de moyenss’est fait cruellement ressentir au cours des derniersmois. n Clarisse Guiraud

(1) Sur la monétisation des dettes publiques, voir articlepage 18 dans L’US Mag n° 797 du 25 avril 2020.

IMPÔTS

Qui va payer la note ?Notre système fiscal, très injuste, nous empêche de mettre à contribution ceux qui en auraientla capacité pour financer des dépenses qui sont pourtant indispensables.

18 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

© H

yejin

Kan

g /

Ado

beS

tock

.com

Page 19: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Face à l’arrêt brutal depans entiers de l’éco-nomie, pour éviter les

licenciements et poursoutenir le pouvoird’achat d’un grandnombre d’actifs, legouvernement a financéune partie des revenus :extension des droits auchômage partiel, aides àcertains travailleurs indé-pendants. Une aide a aussiété accordée à certainsjeunes étudiants ouprécaires privés d’em-plois. Mais parallèlementà cette socialisation desrevenus, de nombreusespersonnes ont été laisséesde côté et sans ressources, notamment les jeunes etles précaires.C’est dans ce contexte, en réponse possible auxsituations de crises et aux carences de notre systèmede prestations et d’aides sociales, que la créationd’un revenu universel ou l’accès du RSA auxmoins de 25 ans ont été remis en débats dans destribunes, des articles ou des appels communs.

Version libéraleL’idée de revenu universel, d’existence ou de baseest ancienne. Sur le principe, il s’agit de donner àchaque individu de sa naissance à sa mort unrevenu qui lui permettrait de vivre « décemment ».Mais il faut entrer dans le détail du dispositif caril peut être intégré à des projets de société opposés.Les modalités d’attribution, de mise en œuvre etde financement, ainsi que la place accordée auxservices publics et aux prestations sociales ditescontributives sont essentielles, car elles permettentde faire la différence entre les projets progressistesd’un côté et libéraux de l’autre. Pour ces derniers,le revenu universel instaurant un filet de sécuritéminimal permettrait de supprimer le système deprotection sociale. Un minimum garanti univer-sellement faciliterait la mise en concurrence detous contre tous dans un environnement uniquementmarchand. Le projet de Revenu universel d’activitélancé il y a plus d’un an par le président de laRépublique est un détournement scandaleux de lanotion de revenu universel. Il est question defusionner le plus grand nombre possible de pres-tations existantes (RSA, prime d’activité, APL,Allocation adulte handicapé-AAH et minimumvieillesse)... qui n’ont rien d’universel car ellessont versées en fonction ou de revenu (RSA,APL...) ou de la situation particulière des ayantsdroit (AAH par exemple). Ce projet s’inscrit biendans une logique libérale de workfare, d’institution

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 19

© B

akht

iarz

ein

/ A

dobe

Sto

ck.c

om

Inégalitési

Confinementet niveau de vieL’INSEE vient de publier, le 19 juin,un focus consacré aux conditionsde vie pendant le confinement, quirelève que 20 % des personnesconsidèrent que le niveau de vie deleur foyer s’est dégradé durant leconfinement avec un fort écart selonle niveau de revenu. Ce sont les plusmodestes qui ressentent le plus unappauvrissement : 30 % parmi les20 % les plus modestes contre 11 %chez les 20 % les plus favorisés.https://www.insee.fr/fr/statistiques/4513259#consulter

Jeunessei

Les séquellesde la crise sanitaireDans un article paru dans Slate.fr le17 juin, Olivier Galland s’interroge sur«  la génération sacrifiée de la crisedu Covid-19 » : scolarité, chômage,décrochage social… quelques chiffresutiles sur la jeunesse et uneinterrogation finale à garder enmémoire : «  Il n’est donc pas excluque se cristallise une consciencegénérationnelle autour de l’enjeudes conditions de vie des jeunes,enjeu auquel peut s’amalgamer laquestion jamais résolue des rapportsdifficiles et conflictuels entre unepartie de la jeunesse et la police. »http://www.slate.fr/story/191697/crise-covid-19-generation-sacrifiee-jeunesse-education-emploi-chomage

Filmi

Capital auXXIe siècleSortie du film adaptéde l’ouvrage deThomas PikettyLe Capital auXXIe siècle, paru en2013 et traduit dansquarante langues et qui s’est venduà 2,5 millions d’exemplaires.Le film reprend le propos du livre :analyser les évolutions de larépartition des richesses.

Chômagei

Peu de sortiesSi le dispositif de chômage partiela permis d’éviter pour l’instantdes licenciements massifs, resteque le nombre de sorties du chômagea été beaucoup plus faiblequ’habituellement au cours desderniers mois. Seulement 268 000chômeurs ont trouvé un emploien avril 2020 contre environ le doubleen janvier.

INÉGALITÉS

Le retour du revenu universelLa crise de la Covid-19 a réactivé les débats sur l’idée ancienne d’allocation ou revenuuniversel, ainsi que les revendications de généralisation du RSA aux moins de 25 ans.

d’une pauvreté méritante car il est conditionné àla recherche d’emploi.

Ou version progressistePour les progressistes, à l’inverse, la société a ledevoir d’assurer à chacun de ses membres une viedécente et le libre choix de ses activités. Le revenuuniversel pourrait alors être une pièce d’un État socialdont les piliers restent le droit du travail, la protectionsociale et les services publics. Il permettrait de s’éman-ciper d’un travail trop souvent intenable et aliénant.La persistance du chômage de masse prouverait,pour les tenants d’une version radicale du revenuuniversel, que le travail serait en train de disparaîtresous l’effet du progrès technique. Il faudrait doncpour certains progressistes déconnecter le revenu del’emploi salarié et reconnaître par ailleurs la valeurd’activités socialement utiles et actuellement nonreconnues du point de vue économique. La crise quenous traversons, dans sa première phase, a relancéce débat sur la place du travail.

Une idée qui fait débatLa satisfaction des besoins nécessitera toujoursun travail qui est la seule source de création devaleur, qu’elle soit marchande ou non. Le travail,dans son ambivalence, n’est pas près de disparaître.En outre, les questions posées par la multiplicationdes situations de travail insoutenables ne doiventpas être éludées par une fuite hors du travail quirelèverait de décisions individuelles.Cependant, l’organisation actuelle des minimasociaux, insatisfaisante, ignore certaines situationset provoque un non-recours important (jusqu’à 40 %)en raison de la complexité du système et du caractèrestigmatisant de certaines prestations. Cela doit êtreamélioré, ce qui peut passer entre autres par l’accèsdes moins de 25 ans au RSA. n Hervé Moreau

Page 20: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

ECO/SOCIAL

20 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

Inégalitési

Qui est riche ?L’observatoire des inégalités vientde sortir un rapport sur les riches.Qui est riche en France ? Combien

gagnent les richeset combien sont-ils  ? Sur ce sujet,on manquaitd’informations,et l’Observatoiretente de faireun point à partird’un seuil derichesse fixé audouble du niveau

de vie médian, soit à 3 470 eurospar mois après impôts etprestations sociales pour unepersonne seule. Le rapport dresse un portrait socialdes riches en France, groupe trèshétérogène en lui-même puisqueles inégalités en son sein sont fortes.Il montre quels sont les mécanismesqui conduisent à la reproductiondes situations d’une générationà l’autre.❱ Rapport sur les riches en France,première édition – 2020. Sous ladirection d’Anne Brunner et LouisMaurin, édité par l’Observatoire desinégalités, juin 2020.

20,2 %En avril, la consommation desménages a chuté de 20,2 %, ce quicorrespond à une baisse totale d’untiers par rapport à février.

Enquêtei

Covid et santémentaleL'Institut de recherche etdocumentation en économie de lasanté (Irdes) a réalisé une enquêtependant le mois d’avril pour mesurerles effets du confinement sur lasanté mentale. Un tiers desrépondants ont fait état d’unedétresse psychologique. Certainespopulations ont été davantagetouchées : celles pour qui leconfinement a eu le plus deconséquences (les femmes, lespersonnes vivant avec une maladiechronique), celles bénéficiant d’unfaible soutien social, celles confinéesdans des logements suroccupés etcelles dont la situation financières’est dégradée.

ASSURANCE CHÔMAGE

Indemnisation : peau de chagrinTrois chercheurs viennent de publier les résultats de leur enquête sur l’évolutionde l’assurance-chômage au cours des quarante dernières années.

La réforme de l’assurance-chômage décidée enjuillet 2019 est un coup de massue pour leschômeurs, et tout particulièrement les plus

précaires. Depuis le 1er novembre 2019, la duréede travail nécessaire pour pouvoir prétendre à uneallocation n’est plus de quatre mois mais de sixmois. La période prise en compte a quant à ellediminué, elle n’est plus de vingt-huit mois maisde seulement vingt-quatre. Cela a conduit à exclurede nombreux chômeurs de l’indemnisation. Lesecond volet de la réforme, reporté suite à la crisesanitaire, entrera en vigueur en septembre prochain.Il prévoit de calculer le salaire de référence sur lesvingt-quatre derniers mois et non plus les douze,ce qui est moins favorable. Et surtout, c’est l’inté-gralité de la période allant du début du premiercontrat à la fin du dernier contrat qui sera prise encompte, jours de congé ou chômés compris, et nonplus seulement les jours travaillés ! Le montant del’allocation va donc être réduit pour les salariésqui, faute d’emploi stable, alternent les périodesd’activité et de chômage.Les salariés précaires vont de nouveau être lesplus touchés, comme ils l’ont été par les différentesréformes de l’assurance-chômage depuis quaranteans. Les sociologues Mathieu Grégoire et ClaireVives, et l’économiste Jérome Deyrisi le montrentparfaitement dans une enquête récente. Sa grandeoriginalité réside dans la construction d’un simu-lateur d’indemnisation qui permet de calculer lesdroits générés, mois par mois, dans le cadre dechacune des dix principales conventions retenuesentre 1979 et 2019, ce qui permet d’étudier lesdroits pour des trajectoires d’emploi très diverses,et d’en faire apparaître les évolutions.

Indemnisation en baisseIl en ressort que la part des chômeurs indemniséschute de façon très importante à partir de 2003

pour atteindre en 2018 son chiffre le plus bas detoute l’histoire. « Alors que le nombre de chômeursn’a jamais été aussi élevé avec près de 5,72 millionsde chômeurs de catégories ABC+DRE en jan-vier 2018, le taux de couverture a atteint son niveaule plus bas de l’histoire de l’indemnisation du chô-mage en juin 2018 à 49,5 %. » L’enquête montreaussi une inversion complète, entre 1979 et 2019,de la hiérarchie de l’indemnisation, aux dépens dessalariés les plus précaires, ceux qui enchaînent descontrats courts. Alors que ceux qui étaient les plusexposés au chômage en 1979 étaient aussi ceuxqui percevaient les allocations les plus élevées,c’est l’inverse en 2019 : l’indemnisation est d’autantplus forte que le risque de chômage est faible ! Lespromoteurs de la réforme l’ont pourtant justifiéeen disant qu’il s’agissait seulement de revenir surles droits plus généreux qui avaient été accordésaprès la crise de 2008. Or, en réalité, pour lessalariés en emploi discontinu, jamais l’indemnisa-tion n’a été aussi basse que celle prévue dans ledécret de 2019.Et surtout, c’est toute la logique d’indemnisationqui a été transformée. Jusqu’au début des années1980, on était dans une « pure logique assurantielle »face à un risque : la couverture n’était en aucun casmodulée par la durée de la cotisation préalable, lasurvenue du chômage suffisait à déclencher le droità indemnisation. Elle est aujourd’hui construite surle principe d’un compte épargne que chacun seconstitue individuellement. Il ne s’agit plus d’assurerun revenu de remplacement pendant les périodesde chômage, mais d’inciter de fait les chômeurs àaccepter n’importe quel emploi. n

Tiphaine Colin

1. http://www.ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/etudes-des-organisations-syndicales/item/6177-quelle-evolution-des-droits-a-l-assurance-chomage-1979-2020

© D

R -

Il q

uart

o st

ato

(Vol

pedo

)

Page 21: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

DOSSIERL’industrie du cinéma

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 21

À chacun son cinéma  :adrénaline pour les uns,

nostalgie pourles autres, part du rêveou de l’horreur, du fou

rire aux larmes, tranchede vie ou de société,

court ou long métrage,réalité ou animation,

réalisateurs etcomédiens fétiches…

Le grand écran, ce sont pour nous spectatrices et spectateurs de grands momentsd’émotions collectifs dans la salle obscure, une culture partagée en famille,entre amis, entre générations mais aussi à l’école. Derrière ces films, touteune industrie est mobilisée : production, réalisation, distribution, exploitationen salle, à la télévision ou par les plateformes. En France, le cinéma bénéficie

de mesures de soutien financier, mais au final, sans spectateurs, pas de film. C’estpourquoi nous avons voulu dans ce dossier à la fois présenter l’industrie cinémato-graphique mais aussi poser la question de l’après-confinement. Pour la première fois,depuis cent vingt-cinq ans, le cinéma a connu plus de douze semaines sans projectionpublique de film ! Le confinement a changé les habitudes et renvoyé vers les petitsécrans, provoquant l’explosion des usages de vidéo à la demande. Faut-il s’inquiéterde cette situation ? Les modes de financements particuliers au cinéma français, quiont permis de maintenir un haut niveau de production de qualité, sont-ils menacés ?Les mois prochains le diront, mais nous pouvons contribuer à améliorer la situation :fréquentons les salles cet été !

Dossier réalisé par Valérie Sipahimalani et Thierry PétraultAvec la participartion de Laurent Blois (SPIAC-CGT)

Quel scénario pour demain ?

© C

loun

e 1X

2plu

s /

Flic

kr.c

om©

Am

y R

oss

/ Fl

ickr

.com

© J

eso

Car

neiro

Flic

kr.c

om

© D

oum

e ©

Dou

me

© D

oum

é

Page 22: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

22-

US M

AGAZ

INE

- Su

pplé

men

t au

no79

8 du

13 ju

in 2

020

DOSS

IER

L’industrie du cinéma

De son financement à la réalisation, leproducteur contrôle toutes les étapesdu film. Il intervient même dans le choix

des comédiens et des collaborateurs artis-tiques et techniques. Une production ciné-matographique importante peut impliquerdes centaines de personnes, et c’est une lutteconstante que de faire respecter le calendrierde tournage – de neuf à trente jours, avec engénéral entre douze et quatorze heures parjour sur le plateau – et le budget.Avec trois cents films produits en 2018,comme en 2017, la production cinématogra-phique française a été stable, marquée par uneaugmentation des films de budget moyen etune baisse des investissements, selon le bilan

annuel du Centre national du cinéma (CNC).Le prix moyen d’un film atteint 4 millionsd’euros (- 17,7 % en 2018) avec des écartsd’un à six puisque les grosses productionsdépassent les 30 millions d’euros (34 millionspour Astérix et le secret de la potion magique).Au total, les investissements dans la productioncinématographique ont diminué de 15,2 % en2018, à 1,13 milliard d’euros.

Leurs noms apparaissent au début desfilms. Ils sont familiers : la 20th CenturyFox, Europacorp, Dreamworks... mais il

en existe des centaines !Toutes les structures de distribution n’ontpourtant pas la même notoriété, bien aucontraire, elles sont même parmi les plusprécaires de la filière cinématographique,remettant en jeu leur indépendance et leurpérennité à chaque lancement de film.Alors que durant la seconde moitié duXXe siècle, les festivals de films jouaient lerôle de tête chercheuse de la filière cinéma-tographique, les distributeurs les ont peu àpeu remplacés dans ce rôle.

Pour pouvoir distribuer un film, le distributeuren acquiert les droits. Le coût répond à laloi de l’offre et de la demande. Un film peudemandé se vendra quelques centaines demilliers d’euros. En revanche, pour les block-busters, les prix s’envolent et peuvent attein-dre plusieurs dizaines de millions d’euros !

Des mastodontes aux indépendantsOutre l’achat, le métier de distributeurconsiste également à assurer la promotiondu film (campagnes d’affichage, bandesannonces, relations avec la presse... jusqu’autitre du film) et, nerf de la guerre, au choixde sa date de sortie.

Petit écran, petits financementsAvec un tiers du financement, les chaînesde télévision, notamment les distributeursde services de télévision payants pour les-quels c’est une obligation, restent les prin-cipales sources de financement du septièmeart (28,6 %). Ces investissements ont cepen-dant lourdement reculé en 2018 (– 22,5 %,à 281,7 millions d’euros dans 175 films soit18 films de moins qu’en 2017), soit leurniveau le plus bas sur dix ans. La structurede financement des films français s’est doncmodifiée : derrière les chaînes de télévision,ce sont les producteurs qui financent le plusles longs-métrages (23,8 %), suivis des mandats de ventes internationales et de distribution (15,2 %), les crédits d’impôts(11,6 %) et les aides publiques commeles Régions (10,7 % de l’ensemble du budget). n

Chiffres 213 millionsEn France, 213 millions de spectateurs sontallés au cinéma en 2019, soit le deuxièmeplus haut niveau depuis 1966 (234,2 millions).Pour la sixième année consécutive,la fréquentation demeure au-dessus des200 millions d’entrées. La fermeture depuisle 15 mars devrait pratiquement diviser pardeux cette fréquentation avecune estimation de  120 à  130 en 2020.

6 000La France dispose du plusgrand nombre de sallesde cinéma en Europe avec2 046 établissements (- 1,2 %par rapport à 2008) et 5 913écrans. Le parc de salles estle plus dense d’Europe avec9,1 écrans pour100 000 habitants.

Première en 125 ansLe cinéma est véritablement né le28 décembre 1895 avec la premièreprojection publique des frères Lumière.Il n’y a pas eu depuis un seul jour sansqu’aient lieu des séances de cinéma.Même en temps de guerre, même sousl’Occupation… Avec la mise en place duconfinement plus aucune séance n’a puavoir lieu.

© A

my

Ros

s /

Flic

kr.c

om

Le septième art est davantagedevenu l’art d’investir

Production

Un long fleuve pas si tranquilleLa production cinématographique française enveloppe toutes les phases de la fabrication d’un film, depuis l’instant

où le projet est esquissé jusqu’à sa distribution.

Distribution

Il en va de la diversitéLe distributeur choisit les films et mise sur leur potentiel artistique et

surtout commercial.

Le Covid 19 a bien-sûr altéré la distribution.Des aides du CNC ont en partie compenséces pertes. Sauf pour la distribution des filmsétrangers. Le risque, à terme, est de ne voirsur les écrans que des blockbusters françaisou américains – et des films d’auteur presti-gieux : les Loach, Moretti, Almodovar, pour-tant découverts, il y a bien longtemps, par de« petits » distributeurs de films étrangers. n

L’influence culturelle dudistributeur est décisive

© D

R

Page 23: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

23-

US M

AGAZ

INE

- Su

pplé

men

t au

no79

8 du

13 ju

in 2

020

Tout comme un livre n’existe pas s’iln’est pas lu, un film n’a pas de sens s’iln’est pas vu. Dernière étape, en toute

fin de la filière, l’exploitation cinématogra-phique est synonyme pour tout cinéphile develours rouge et de rideau.Chaque semaine, quinze à vingt sorties defilms viennent renouveler les affiches des6 000 écrans de France.

Le Français cinéphileEn moyenne, un Français sur cinq fréquenteau moins une fois par an une salle decinéma. C’est un des taux les plus élevésd’Europe.La substitution des complexes de salles auxsalles uniques, la concentration des équipe-ments dans les zones urbaines et la disparitiondes programmations « alternatives » a néan-moins profondément modifié l’offre ciné-

matographique. D’un point de vue écono-mique, le bilan du développement des com-plexes multisalles est positif. En effet, le ren-dement du fauteuil installé s’en est bel etbien trouvé augmenté, le seuil de rentabilitépar film a diminué et d’importantes écono-mies de coûts fixes (cabine unique, caisseunique...) ont été réalisées. À l'inverse, lespetites salles n’ont pas survécu, privant cer-tains territoires d'un accès au cinéma.Les effets de la crise du Covid 19 sont diffi-ciles à anticiper : ils dépendront beaucoupdes consignes de sécurité sanitaire et de l’at-titude des spectateurs. « Avec une fermeturede deux mois et des Français, confinés, quiont pris l’habitude de regarder des films àdomicile et de s’abonner à des plates-formes,ça ne va pas s’arranger » redoute un exploi-tant. Au-delà du divertissement, la program-mation des mois à venir aura un rôle essentiel.

Pour éviter que de trop nombreux rideauxne se relèvent jamais, l’opération « sauverles salles » est d’ores et déjà lancée. n

De la création à la technique, de la distri-bution à l’exploitation, de monteur, chef-opérateur, ingénieur du son, éclairagiste,

aux habilleuses, accessoiristes, cascadeurs etbien sûr comédiens... la liste des métiers ducinéma est longue.La création et la production cinématogra-phiques représentent de nombreux emploisdirects et indirects, près de 208 000 salariés,regroupés dans les 10 000 entreprises quecompte le secteur, dont 80 % emploientmoins de quatre salariés. Ces derniers exer-cent un ou plusieurs métiers, issus de onzefamilles de métiers répertoriées.

Intermittents du spectacleIndustrie très lucrative, le cinéma profitecependant à peu. Si quelques acteurs, « ban-kables » touchent d’énormes cachets, toutcomme les agents qui figurent parmi les

professionnels les mieux rémunérés, glo-balement les métiers du cinéma sont plusglamour à l’écran qu’en coulisses. Les tech-niciens, cadres et artistes sont souvent recru-tés le temps d’une production, majoritai-rement sous le statut d’intermittents duspectacle.En 2018, selon les statistiques de Pôleemploi, 127 300  personnes avaient étéindemnisées au titre de ce statut. L’annu-lation des tournages et des festivals a doncsuscité beaucoup d’angoisse chez les inter-mittents (voir p. 24). Ils s’en sont ouvertsauprès du président de la République dansune lettre ouverte : «  Nous avons peur,peur pour nous et pour la culture de notrepays ». n

Professionnels du cinéma

Un mauvais rôle !La filière cinématographique rassemble plusieurs milliers d’emplois marqués souvent par la précarité.

– 400 millionsSalles fermées,tournages arrêtés,postproduction desfilms paralysée,techniciens au chômagepartiel, la crise liée auCoronavirus entraîneraprès de 400 millionsd’euros de pertes pourle secteur du cinéma.

237En 2018, le nombre de productionsfrançaises a atteint son plus haut résultatdepuis dix ans. 237 films d’initiativefrançaise ont été produits, un chiffre biensupérieur aux voisins européens tels quel’Espagne (200 films), l’Allemagne (190) etle Royaume-Uni. Toutefois, l’Hexagonereste bien loin de l’Inde (entre 1 000 et1 500 films), les États-Unis (650-700), laChine (500-600) et le Japon (500).

65,3 %65,3 % des Français âgés de 3 ans et plussont allés au moins une fois au cinéma en2018, soit 41 millions d’individus.Les femmes représentent 51,9 % desspectateurs. Les jeunes de 3-14 ans sontmoins nombreux à aller au cinéma, soit7,3 millions d’individus. Les moins de25 ans représentent 33,1 % desspectateurs et les 50 ans et plus 32,8 %.

210 000salariésLe secteur del’industrie du cinémaregroupe prèsde 210 000 salariés et9 800 entreprisesdans l’Hexagone.

Exploitation

Le rideau est tombéAvec le confinement, plus aucun film n’est sorti en salle. Une situation quasi inédite pour l’industrie du cinéma.

Le cinéma regroupe onzefamilles de métier

© M

elan

ie M

. / F

lickr

.com

Des salles pourraient bienne pas rouvrir

© M

elan

ie M

. / F

lickr

.com

Page 24: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

DOSS

IER

L’industrie du cinéma

cacophoniques douteuses, des arrangementshasardeux, des clauses contractuelles illégaleset sources de conflits et de procédures ».

En trompe-l’œil« L’Élysée a annoncé une aide de 1,3 milliardd’euros. Cette annonce est scandaleuse àdeux titres. Elle inclut d’abord 949 millionsd’euros de prolongation des droits des inter-mittents du spectacle. Or cela correspondaux dépenses auxquelles l’Unédic aurait dûnormalement procéder en temps normal, avec

une économie sur le dos des entrants. Lesolde est de 400 millions d’euros, une addi-tion de mesures d’urgence allant de lamusique au cinéma, du livre à la presse, ycompris des mesures qui n’ont pas de lienavec la crise Covid » analyse le SPIAC. Sansun plan de relance de plusieurs milliardsd’euros, ce sont des milliers de structures etd’emplois qui vont disparaître.C’est toute la diversité culturelle dans le spec-tacle vivant, dans le cinéma ou l’audiovisuelqui est en jeu. Le paysage culturel serait for-tement appauvri si seules les entreprises auxplus gros budgets survivent. « Un plan derelance à la hauteur des enjeux nécessite unplan massif de soutien à l’emploi des salariéspermanents et intermittents, un soutien àl’emploi des jeunes, à l’égalité entre femmeset hommes et à l’activité des autrices et desauteurs. Il peut être financé en partie par lamise à contribution des GAFA. » Il nécessiteaussi une rupture nette avec les politiquesd’austérité qui touchent aussi la culture. n

De très nombreux salariés qui étaient entournage ont dû rentrer chez eux dujour au lendemain et sont restés des

mois privés d’emploi. Certains bénéficiaientde contrats de travail mais pas tous ! « Celleset ceux restés sans contrat, et c’est une pra-tique hélas trop répandue dans nos secteurs,ont rencontré les pires difficultés à fairevaloir la cessation de leur activité » expliqueLaurent Blois, délégué général du Syndicatdes professionnels des industries du cinémaet de l’audiovisuel (SPIAC-CGT). « De cefait, la déclaration en activité partielle, laisséeau bon vouloir des employeurs, a relevé pourun très grand nombre d’un véritable parcoursdu combattant. »

Projets interrompusAu-delà des difficultés des salariés privés derevenus, de très nombreux programmes sesont interrompus avec les difficultés que celareprésente pour la continuité des tournages.Alors que l’activité semble reprendre dans

les autres secteurs industriels, la productionet la prestation technique pour le spectaclerestent encore très réduites du fait du respectdes règles de distanciation sociale. Le tour-nage de certaines scènes se révèle problé-matique, la promiscuité sur les plateaux esttrès difficilement contournable. Un guide debonnes pratiques discuté entre syndicats desproducteurs et techniciens a permis d’établirles nouvelles règles à respecter sur les pla-teaux : du masque obligatoire – y comprispour les comédiens, en dehors des momentsoù la caméra tourne – à la réécriture de scènesentières pour limiter les risques d’expositiondes équipes.La réouverture des salles de cinéma devraitpermettre au moins d’alimenter le soutienfinancier aux programmes « mais le reculmanque pour mesurer l’impact total à la foiséconomique et culturel de la pandémie surnos secteurs » s’inquiète Laurent Blois. « Leretour à une activité “normale”... on l’attendencore. » n

Des mesures pour la profession

Un arrêt total pour le métierAprès de très longues semaines de confinement, les secteurs de la production cinéma, audiovisuelle, de films d’animation et

la prestation technique, sortent particulièrement meurtris d’une cessation quasi totale d’activité.

© C

loun

e 1X

2plu

s /

Flic

kr.c

om

Les distanciationssociales pertubentla reprise des tournages

Si la prolongation des droits pour tousles artistes et techniciens intermittentsdu spectacle en cours d’indemnisation

est acquise jusqu’au 31 août 2021, selon leSyndicat des professionnels des industriesdu cinéma et de l’audiovisuel, il reste « dumonde sur le bord de la route ».« Après le protocole sanitaire, un protocolesocial, pour reprendre le travail dans le cinéma,l’audiovisuel, le film d’animation et la prestationtechnique s’impose. Afin de garantir les droitsdes salariés et de sécuriser les entreprises, ilest nécessaire de mettre en place des réponsescommunes, face à un certain nombre de pro-blématiques qui peuvent se poser ou s’imposerdans la situation si particulière que nousvivons. » Pour Laurent Blois, il est impératifde mettre en place « un cadre national élaborépar le dialogue social plutôt que des initiatives

Mesures gouvernementales

Pour un vrai plan de relancePlus d’un mois après les annonces d’Emmanuel Macron, la CGT Spectacle dénonce l’absence de mesures concrètes

pour la culture en général et le cinéma en particulier.

Les politiques d’austérité touchentaussi l’industrie du cinéma

© D

oum

é

24-

US M

AGAZ

INE

- Su

pplé

men

t au

no79

8 du

13 ju

in 2

020

Page 25: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

25-

US M

AGAZ

INE

- Su

pplé

men

t au

no79

8 du

13 ju

in 2

020

Le principe de base est similaire : pro-jection en salles de trois films par anpour les classes volontaires, édition de

documents pédagogiques et débats (anima-tions et rencontres avec des professionnels...),les deux dispositifs, pour le collège et lelycée, donnent entière satisfaction. Ils visentà amener les élèves à une pratique culturelledu cinéma, à développer leur regard critiqueface à l’image et à acquérir une culture ciné-matographique.

Le cinéma comme artClaude, professeur de lettres dans un lycéede l’académie de Poitiers, juge l’expérience« excellente, surtout pour un lycée rural ».Tant pour les enseignants qui « disposentd’une journée de formation pour chacun desfilms et de documents pédagogiques en nom-bre conçus pour être utilisés en cours », quepour les élèves car « les œuvres cinémato-graphiques sont considérées comme desœuvres à part entière et non comme un sim-ple support ».

« La programmation est faite dans ce sens :elle n’est surtout pas une illustration pour leou les programmes mais dessine une histoireet une connaissance du cinéma comme art »souligne l’enseignante, engagée dans le dis-positif depuis de nombreuses années.À l’affiche, des grands classiques de cinéma,Psychose, The Big Lebowski, Sans toit niloi se marient aux œuvres contemporaines,Pearl et La jeune fille sans mains, offrantainsi toute la richesse et la diversité de lacréation cinématographique. En 2018, 2 425établissements scolaires ont participé à cetteopération, mobilisant 9 703 enseignants etformateurs, pour 265 521 lycéens et apprentisinscrits.

Une invitation à réfléchir Ambre a participé, au même titre qu’un peuplus de 427 000 élèves (en 2015), à Collègeau cinéma. Aujourd’hui en Seconde elle engarde « un très bon souvenir ». De la Cin-quième à la Troisième, elle a vu neuf films.« J’ai découvert des films que je ne serais

jamais allée voir en salle. La programmationtrès éclectique, apporte un regard particuliersur le septième art. Cela invite à la réflexion.D’autant que chaque projection donnait lieuà une analyse et un débat dans la classe.Vraiment, ce dispositif ouvre nos horizonsculturels. »Si culturellement et pédagogiquement le dis-positif séduit, en revanche «  le coût, alorsque les crédits pour les activités pédagogiquessont en constante diminution, représente unfrein. Il faut dès lors impliquer un maximumd’élèves pour remplir la salle » regrette laprofesseur de lettres, bien consciente égale-ment que « certains élèves voient cette sortieau cinéma comme une distraction, un loisir ».Par ailleurs, le nombre de dispositifs étantlimité pour un département, tous les collègesne sont pas éligibles tous les ans. n

Héritière de la Ligue de l’enseignementavec les ciné-clubs et des Sectionsd’éducation populaire (SEP), l’Asso-

ciation nationale du cinéma itinérant (ANCI)touche plus de 1,5 million de spectateurschaque année dans des territoires éloignésdes salles fixes.Le cinéma est né itinérant. Déjà à la fin duXIXe siècle, des entrepreneurs parcouraientvilles et villages en transportant leur proprematériel de projection. L’ANCI perpétue cerôle pour que «  le cinéma comme moyend’accès à la culture reste accessible à tous »

explique Anne Lidove, sa présidente. Accé-lérateur de lien social, elle permet aux habi-tants « de se retrouver, d’échanger, bref decréer des liens indispensables à la vie d’unecommune ». « Nous sommes dépositairesd’une triple mission. Celle d’un acteur del’aménagement du territoire, celle de favo-riser le développement culturel et enfin unemission éducative par la diffusion du cinémadans les établissements scolaires. »Pour tout cela, pas besoin d’une grandearmée. Juste l’enthousiasme d’une soixan-taine de bénévoles, de cinq projectionnistes,nouveaux hussards noirs du cinéma, et decinq poids-lourds pour sillonner toute laFrance.L’ANCI offre ainsi une programmation com-plète, entre film d’auteur et sortie nationale

grand-public, entre documentaire et filmjeune public. Une offre plébiscitée par lespopulations. « Le public apprécie notredémarche. Elle permet de voir des films pourun coût modique et d’amener le cinéma dansles écoles ». L’association collabore en effetau programme « Lycéens et apprentis aucinéma » dans le but de faire de l’image uncontenu pédagogique à part entière. « Nosprojections sont toujours suivies de débatsou d’ateliers de l’image. »Le confinement a totalement paralysé l’activitéde l’ANCI. « Mais depuis quelques jours letéléphone n’arrête pas de sonner » se réjouitla présidente. « Nous attendions impatiemmentle feu vert, espérant un assouplissement desrègles sanitaires car avec la contrainte d’uneplace sur deux, le problème économique sub-sisterait. » L’enjeu est de redémarrer cet étéavec des projections en plein air pour aumoins contourner ces contraintes. « Le plan-ning se remplit vite preuve que les cinéphilessont impatients ! » n

Éducation et cinéma

Les visiteurs du jourDeux dispositifs en milieu scolaire, Collège au cinéma ainsi que

Lycéens et apprentis au cinéma, proposent une initiation àla culture cinématographique par la découverte d’un cinéma de qualité.

Itinéraire d’un cinéma pas toujours gâtéSi les cinémas de quartiers ou de villages continuent à exister, c’est bien grâce à des associations comme l’ANCI.

Ce réseau permet à plus de deux mille communes de bénéficier de projections de cinéma et d’activités d’éducation aux images.

Si tu ne vas pas au cinéma,le cinéma...©

DR

© D

oum

e

Une vraie ouverture culturellepour les élèves

Page 26: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

26-

US M

AGAZ

INE

- Su

pplé

men

t au

no79

8 du

13 ju

in 2

020

DOSS

IER

L’industrie du cinéma

américain avait un objectif d’impérialisme, la directive est unegrande victoire de l’Europe : les plateformes devront financer lecinéma à 25 % de leur chiffre d’affaires dans la fiction européenne.Je suis complètement favorable à ce qu’en échange la chronologiedes médias évolue et que les films soient disponibles sur les pla-teformes plus vite après leur sortie, comme c’est le cas pour

Canal+ actuellement. Arriver àfaire entrer les plateformes dansles cercles vertueux du cinémafrançais serait une grande chance.

L’US Mag : Il paraît qu’il y aun protocole sanitaire surles tournages comme dansles établissements scolaires  ?E. A. : Nous avons été désemparésquand sont tombées des normessanitaires totalement incompatiblesavec la réalité d’un tournage, desrègles de distanciation absurdespour les comédiens, des mesurespénibles et très opposées aux us etcoutumes d’un plateau et de sonesprit de famille. Les syndicatsd’employeurs et de techniciens onttravaillé à des accords pour laisserla possibilité de rupture des règlespour les comédiens volontairesavec un système de tests pour don-ner des garanties. Mais les mesuresde protection et les heures supplé-mentaires pour les mettre en œuvreont un coût : de l’ordre de350 mille euros pour un film au

budget de 4 millions que nous tournons cet été. Les assurancesayant refusé de prendre en charge le risque Covid, le CNC aréussi à mettre en place un mécanisme protecteur avec garantiede l’État, mais en cas d’arrêt de tournage, 10 % des frais restentà la charge de la production.

L’US Mag : Quels sont les projets de Mandarin production àcourt terme ?E. A. : La sortie mi-juillet d’un film de F. Ozon, qui commencedans le même temps un tournage avec nous, et d’ici la fin de l’étéun autre tournage dans la lignée de Vie scolaire. Nous faisons lepari qu’avec les mesures de sécurité sanitaires et la reprise desbonnes habitudes, les gens vont revenir dans les salles. La réductiondu nombre de sorties jusqu’en octobre va compenser celle dunombre de séances. On attend avec impatience. n

Entretien

L’US Mag : Il semble y avoir de grandes inquiétudes sur l’étatde l’industrie cinématographique au sortir du confinement dela crise Covid-19, quelle est votre appréciation de la situation ?Éric Altmayer : La crise aura des conséquences, fera des victimes,mais non, ce n’est pas la fin du cinéma ! Cependant, certainestendances déjà très présentes vont sans doute s’accélérer.Pendant le confinement, les gensont réalisé qu’ils pouvaient sans sor-tir être approvisionnés de façon trèsabondante via les plateformes. Pourqu’ils ressortent de chez eux, il valeur falloir une justification vraimentspéciale. De nombreux films vontavoir du mal à légitimer leur pré-sence en salle. Cela va radicaliserla tendance à la concentration de laproduction cinématographique :d’une part, le mainstream, majori-tairement les blockbusters améri-cains, et d’autre part les films defestival, qui portent un regard spé-cifique, original, sociétal, commeles Misérables par exemple. Unpublic âgé, mature, cinéphile conti-nue à voir des films qui changentdes robinets d’eau chaude de la télé-vision. Les plus jeunes vont aucinéma pour faire la fête. Entre lesdeux, il y a des films, supposés fairela grandeur du cinéma français, maisqui auront du mal à survivre fautede public.Les investisseurs traditionnels,exploitants, distributeurs, télévision,Centre national du cinéma (CNC), ont perdu ces derniers mois100 % de leur chiffre d’affaires. Il y aura moins d’investissementsl’an prochain. Mais le cinéma n’est pas mort. Depuis la nuit destemps, il y a le plaisir de découvrir un spectacle inédit ensemble.Le nombre de spectateurs en salles ne diminue pas même si lafréquentation se concentre sur quelques films. Le cinéma gardeson attrait.

L’US Mag : Comment voyez-vous l’avenir  avec le développementdes plateformes ?E. A. : Il faut les intégrer dans le jeu du financement du cinéma.La transposition dans le droit français de la directive européennele permettra. Le combat a été long, les pays du nord et l’Allemagneétaient hostiles mais le lobbying culturel a fini par porter sesfruits. Les pays européens se sont rendu compte que le cinéma

« Les gens vont revenir très vitedans les salles »Éric Altmayer est cofondateur et codirigeant de Mandarin production cinéma et télévision.Il a notamment produit Patients, La vie scolaire, Grâce à Dieu ou L’empereur de Paris.Son dernier film, « Eté 85 » réalisé par François Ozon, sortira en salle début juillet. ©

DR

Page 27: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

27-

US M

AGAZ

INE

- Su

pplé

men

t au

no79

8 du

13 ju

in 2

020

illimitée de films et de séries, accessiblessur n’importe quel appareil, c’est le servicedont rêverait toute personne bloquée surune île déserte – ou claquemurée à la maisonpendant une pandémie », écrivait récemmentle New-York Times.

Acteurs incontournablesFace à un tel succès, la plateforme a mêmeprévu d’acquérir des films qui auraient nor-malement dû sortir en salle. « Dans lemodèle français, tous les diffuseurs doiventparticiper au financement de la création.Seules les chaînes de télévision ont à cejour des obligations de financement dansle cinéma et la création audiovisuelle fran-çaise et européenne. Or elles ont connu unetrès forte baisse de leurs recettes publici-taires avec la crise sanitaire, là où les pla-teformes ont fait le plein d'abonnés. L'ur-gence maintenant, c'est d'intégrer lesplateformes rapidement à notre écosystème

Les salles de cinéma fermées, les confinésregardent des films en streaming, surleur canapé, en s’abonnant à Netflix !

Cette scène s’est partout reproduite pendantle confinement. Résultat, Netflix affichedésor mais 183 millions d’abonnés à traversle monde, un record. « Avec une offre quasi

pour rétablir cette iniquité de traitemententre les diffuseurs et apporter de nouveauxfinancements à un moment où le secteur ena le plus besoin » souhaite Pascal Boutonnat,président du Centre national du cinéma etde l’image animée (CNC).Au point de devenir un acteur incontournabledu cinéma. Le gouvernement prévoit doncd’obliger Netflix, Amazon et autres servicesde streaming, à consacrer 25 % de leursrevenus générés en France au financementdu cinéma français. Ce projet de loi, toujoursen discussion, s’inscrit dans le cadre d’unenouvelle directive de l’Union européennequi veut permettre aux acteurs européens derivaliser avec le reste du monde. En cas derefus, les services seraient tout simplementinterdits sur le territoire français.On peut imaginer que ce projet de loidéplaise une fois de plus à Donald Trump,enclin à vite dégainer dès lors qu’on toucheà ses GAFA. n

Du fauteuil au canapé

Le cinéma à qui perd, gagneAbonnements qui explosent, accessibles sur tous les appareils, les plates-formes de vidéos en ligne sont

les grandes gagnantes du confinement. Elles pourraient pourtant sauver le cinéma.

L’US Mag : Comment se portent les salles de cinémasen France ?

Marc-Olivier Sebbag : La dynamique est bonne. 2019 a été la meil-leure année depuis 1966 : un niveau de succès, de fréquentation, depropositions jamais vu depuis les années soixante, et cela malgré lamultiplication des supports  (TV, VOD, plateformes). Deux grandsfacteurs jouent : la qualité et la modernité du parc de salles, la richessede la programmation. Il y a en France la volonté de diffuser tous lesfilms à tous les publics. Notre mode de financement permet un éventailplus important qu’ailleurs. Les films européens font 35 à 40 % desentrées, deux fois plus que la moyenne européenne.

L’US Mag : Quelle reprise après le confinement ?M.-O. S. : C’est une phase périlleuse. Le 14 mars les salles ont fermépour cent jours, sans activité complémentaire. Les aides sectoriellesreposant sur la vente des billets et la publicité à la télévision, touts’est effondré. L’État a garanti des prêts, il y a eu le chômage partielet des reports de charges. Les difficultés à la réouverture sont multiples :paiement des loyers quand il n’y a pas eu d’accord avec un bailleurprivé, charges et surcoût divers... Les collectivités territoriales sontd’un grand soutien, mais le guide de préconisations de sécurité sanitaire

est contraignant. Avec la limited’occupation des fauteuils, lareprise ne sera pas rentable avantl’assouplissement des préconisa-tions. Les salles doivent trouver desappuis pour tenir jusqu’à un retourà la normalité. La question est donccelle de la durée de cette période :plus elle sera longue, plus la reprisesera fragile.

L’US Mag : Un bel été malgré toutpour le grand écran ?M.-O. S. : L’économie du cinéma est mutualiste. Les salles et tournages,gestes de création et de représentation, en sont les moteurs. Sans eux,il n’y a plus rien. L’enjeu essentiel est donc celui de la fréquentationdes salles. Nous parions sur un processus dynamique qui va ramenerdes publics, retrouver l’émotion collective partagée devant le grandécran. L’été est habituellement une bonne période pour le cinéma.On espère que le redémarrage soit le plus dynamique et positif possible,d’autant qu’une belle programmation s’annonce. n

TROIS QUESTIONS À MARC-OLIVIER SEBBAG, délégué général de la fédération nationale des cinémas français

« On espère un redémarrage dynamique »

© D

R

Plus de soixante films français à l’affiche❱ « De Gaulle » de Gabriel Le Bomin, « L’ombre de Staline » de Agnieszka Holland, « La bonne

épouse » de Martin Provost, « Un fils » de Mehdi Barsaoui, sortie ou (re)sortie  le 22 juin.

❱ « Les parfums » de Grégory Magne, sortie le 1er juillet.

❱ « Été 85 » de François Ozon, « L’aventure des marguerites » de Pierre Core, sortie le 14 juillet.Les GAFAM devront bientôtfinancer le cinéma français

© J

eso

Car

neiro

Flic

kr.c

om

Page 28: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

28 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

MÉTIER

© G

uy P

erci

val

Ce fut un moment où chacun, par néces-sité, a inventé les façons de faire pourcomposer avec cette situation inédite,

avec des outils défaillants, avec des contin-gences matérielles plus ou moins prégnantes.Mais cela a aussi été l’occasion d’une mul-tiplication des injonctions de la part des chefsd’établissement et des inspecteurs. L’impo-sition de l’utilisation de tel ou tel outil numé-rique ou de la pratique de la classe virtuellepour les professeurs, l’obligation d’appelerde nombreuses familles toutes les semainespour les CPE, ou de réaliser des bilans psy-chologiques à distance pour les Psy-ÉN, sontautant d’exemples parmi d’autres d’entorsesà l’autonomie professionnelle des personnels.En plus d’être contraires à nos statuts etsource de mal-être au travail, ces entorsessont contre-productives car, y compris dansdes circonstances exceptionnelles, notre auto-

Les témoignages abondent au sujet de réu-nions institutionnelles où les enseignantsn’ont eu d’autre choix que d’adhérer à

l’évaluation par compétences, aux îlots boni-fiés, aux tâches complexes, à la classe inversée,etc. Peu de débats ont lieu dans ces formationsinstitutionnelles sur l’efficacité de telle outelle méthode, et beaucoup de collègues sesont vus ainsi imposer des «  innovations ».

Pour le SNES-FSU, exercer sa liberté péda-gogique nécessite une réflexion sur sonmétier, ses pratiques et sur les savoirs ensei-gnés. Attaché à l’enseignement des disciplines età une interdisciplinarité qui se construit àpartir de celles-ci, le SNES-FSU estime quela profession doit prendre en charge uneréflexion sur les savoirs enseignés. Il est indis-

pensable de se questionner sur le rapport ausavoir des jeunes et sur les modes d’appren-tissage pour permettre leur réussite.

Démarche collectiveLe SNES-FSU travaille avec un réseau dechercheurs, chercheuses, formateurs, for -matrices, associations de spécialistes, de mouvements pédagogiques qui permettentd’éclairer, par des points de vue divers etcomplémentaires, les enjeux tant scientifiquesque didactiques, pédagogiques et sociaux desprogrammes et des pratiques. Il organise desstages de réflexion et d’échanges entre pairs,hors de tout cadre hiérarchique. S’inspirant de la méthode de la clinique del’activité (psychologie du travail, laboratoiredu CNAM), le SNES-FSU a mis en placedes groupes de pairs qui se réunissent régu-lièrement. La liberté pédagogique en sort ren-forcée car légitimée par les ressources du col-lectif. Chacun apporte son expérience, savision des choses sans aucun jugement et celapermet à tous de trouver des solutions.

C’est cette réflexion sur les pra-tiques professionnelles danstoutes ses dimensions que leSNES-FSU entend poursuivreavec les collègues. n

E. S., S. C.

nomie professionnelle – la liberté pédago-gique pour les professeurs – est une conditionnécessaire pour que nous remplissions effec-tivement et pleinement nos missions.

Ce qui se conçoit bien...Il serait rassurant de penser que le retour àla normale mettra fin aux attaques contre nosmétiers. Pour le ministre, la crise sanitairen’a été qu’un accélérateur de son projet defaire des professeurs des exécutants inter-changeables, contrôlables par le numérique,en se prévalant des neurosciences, de détruirela dimension éducative des missions des CPEpour en faire des adjoints bis, et de se débar-rasser des Psy-ÉN.La défense de nos métiers et de notre statutde professionnels concepteurs de leurs pra-tiques est intimement liée à notre projetd’École émancipatrice. C’est en cela que,

pour le SNES-FSU, la réflexion sur le métier,les savoirs enseignés, sur les programmes etles pratiques professionnelles est un objetsyndical. n

Emmanuel Séchet et Sandrine Charrier

CRISE SANITAIRE. Pour nos métiers, le confinement a été une expérience singulière et paradoxale. Face aumantra de la «  continuité pédagogique » chacun a inventé la gestion d’une discontinuité inédite.

Vingt fois sur le métier…

LIBERTÉ PÉDAGOGIQUE. Les réformes de ces dernières années contre lesquelles le SNES-FSU a mobilisé les col-lègues, sont souvent l’occasion d’une tentative de contrôle renforcé sur l’activité pédagogique, sous couvert defavoriser «  les bonnes pratiques ».

Pas de réflexion sans liberté

© D

R

Page 29: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 29

© A

lfa27

/ A

dob

e S

tock

.com

L’US Mag : Quels sont les effets du confinementsur les élèves de lycées professionnels ?Sigrid Gérardin : Un décrochage massif etalarmant dû à un manque de matériel dans lesfamilles, des problèmes de connexion, et sur-tout, d’encadrement par des adultes pour moti-ver les élèves au quotidien. Ces jeunes, déjàéloignés de l’École, ont besoin d’une remoti-vation régulière. Nous avons perdu le contactscolaire avec près de 50 % d’élèves. Lesmatières professionnelles n’ont pas pu êtreenseignées. Malgré l’énergie déployée par lesprofesseurs pour maintenir le lien scolaire, lesgestes professionnels ne pourront jamais êtreremplacés par des fiches métier ou des vidéos.Depuis le déconfinement, seuls quelquesélèves sont revenus. On a, en fin d’année,entre 20 et 30 % d’élèves dans les classes.Certains jeunes ne sont pas revenus pourconfirmer leur affectation pour l’an prochain.Ils vont se retrouver sans solution de forma-tion, ni d’emploi. L’an dernier, près de150 000 jeunes sortaient du système scolairesans qualification. On craint que ces chiffresn’augmentent. Le ministre annonce un plande lutte contre le décrochage. En réalité, ilécrit une lettre aux recteurs et réclame unplan par académie à concevoir en 48 heuressans moyens supplémentaires.

L’US Mag : Comment venir à bout de ces diffi-cultés accrues par la crise ?S. G. : L’an prochain, il faudra mobiliserdes équipes pluridisciplinaires pour « récu-pérer » les décrocheurs. La crise économiquequi s’annonce va avoir de graves consé-quences sur les stagiaires et apprentis quivont grossir les rangs des jeunes sans for-mation et sans solution d’emploi. Rien n’estprévu aujour d’hui dans les structurespubliques pour accueillir ces jeunes. Les LPet les filières technologiques, seuls, peuventassurer une formation globale permettantd’accéder à un premier niveau de qualifica-

tion, à un diplôme, garant de la lutte contrele chômage.Avec la FSU, nous demandons un plan pourla jeunesse et un plan d’investissement dansles lycées pros. Il faut aussi alléger ou modifiercertains dispositifs de la réforme de la voiepro. Les dispositifs pédagogiques mis en place(co-intervention, chef-d’œuvre, familles demétiers), rejetés par la profession, ont démon-tré leur inutilité pendant la crise sanitaire. Ilfaut redonner ces heures aux disciplines géné-rales, redonner le temps aux enseignants etaux élèves. n Propos recueillis

par Hamda El Khiari

LYCÉE PROFESSIONNEL. Sigrid Gérardin est cosecrétaire générale du SNUEP-FSU. Elle répond ànos questions sur les conséquences de la crise sanitaire sur les élèves de lycée professionnel.

Du temps et des moyens© D

R

L’avis 2020-11 du 10 juin, Enfants et jeunesen situation de handicap : pour un accom-pagnement global, du Conseil écono-

mique, social et environnemental (CESE)constitue globalement un point d’appui pournos demandes. Le constat est fait des progrèsréalisés dans la scolarisation des élèves ensituation de handicap depuis 2005, mais aussides difficultés rencontrées par les familles etpar les personnels. Le CESE propose simpli-fication des procédures, formation des per-sonnels, amélioration de la situation desAccompagnants d’élèves en situation de han-dicap (AESH), évaluation des dispositifs...Autant de revendications que le SNES porte,avec la FSU, tant au Conseil national des per-sonnes handicapées (CNPH) qu’au ministère.

L’inclusion ne s’improvise pasLe rapport mondial de suivi sur l’Éducationpublie quant à lui sous l’égide de l’Unescoson opus 2020 : Inclusion et éducation : tous,

sans exception. La liste des financeurs pourraitfaire douter des intentions de cette « publicationannuelle indépendante financée par des gou-vernements, des organismes multilatéraux etdes fondations privées, et facilitée et soutenuepar l’UNESCO », mais elle mérite le détour.Y sont posés sans fards les paradoxes de l’in-clusion, à commencer par la cible des politiquesinclusives : les élèves en situation de handicap,les pauvres, les élèves à besoins éducatifs par-ticuliers, les filles, les LGBTI, les allophones ?Il est toujours possible de trouver une différencepermettant de pointer du doigt et d’exclure.De ce fait, l’éducation inclusive est le premierlevier de l’inclusion sociale. Mais le rapport constate sans fard que la réussitepratique de l’inclusion est une question délicate.Elle demande de la réflexion, la préparation desacteurs, afin de ne pas générer de l’hostilité, unrenforcement des préjugés ou de la stigmatisa-tion. Là encore, des préconisations qu’il seraitbon d’écouter. n Valérie Sipahimalani

INCLUSION SCOLAIRE. Le CESE donne des recommandations sur le parcours scolaire en France des élèves en situationde handicap. L’UNESCO publie un rapport passionnant sur la situation de l’inclusion scolaire dans le monde.

Constats et recommandations

Page 30: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

30 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

CATÉGORIES

LORS DE SA SÉANCE DU 23 JUIN 2020, le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’Âge (HCFEA) a étudié lerapport d’activité des CDCA entre 2017 et 2018.

Un fonctionnement criticable

ORIENTATION. Les moyens humains se réduisent considérablement.

Plan social à l’ONISEP

Créé par la loi relative à l’adaptation dela société au vieillissement, le Conseildépartemental de la citoyenneté et de

l’autonomie (CDCA) est une instance quidonne un avis sur les sujets concernant lespersonnes âgées et les personnes en situationde handicap. Censé renforcer la participationdes personnes à l’élaboration des politiquespubliques, il est présidé par le président duconseil départemental et composé de repré-sentants des institutions, des professionnels,

des personnes âgées et des personnes handi-capées.

InsatisfactionLoin du tableau optimiste brossé par le rapport d’activité des CDCA, l’insatisfac-tion domine chez les représentants qui y siègent, qui vivent des situations trèsdiverses puisque ces instances disposentd’une grande autonomie de fonctionnement.Le bilan signale, à juste titre, les obstacles

à un bon fonctionnement de cette instance :insuffisance des dotations financières,manque de personnels et de locaux dédiés,absence de frais de déplacement... Mais iloublie une question importante : celle-ci nerépond pas à l'exigence de démocratiecomme elle le devrait. Les collectivités ter-ritoriales ne remplissent pas toujours cor-rectement leurs devoirs envers les membresdes CDCA, qui doivent souvent imposer lerespect des textes.Ainsi, bien des membres des CDCA n’ontpas été invités à participer à l’élaborationdu bilan, dont certains ont même ignorél’existence. Certains conseils départementauxsont réticents à travailler vraiment avec lesCDCA : les conditions d’examen des dossierset d’accès aux informations ne sont pas tou-jours réunies. Pendant la pandémie notam-ment, il est regrettable qu’un certain nombrede CDCA n’aient pas répondu aux interpel-lations des organisations syndicales, alorsque la situation des personnes en perte d’au-tonomie était des plus tragiques. En dépit de ces difficultés, les organisationssyndicales, dont la FSU, s’investissent dansles débats et sont force de propositions. n

Marylène Cahouet© D

ay O

f Vic

tory

Stu

/ A

dob

eSto

ck.c

om

Alors qu’il est toujours confiné, l’Onisepvit l’heure la plus sombre de sonhistoire  : les collègues attendent de

connaître la liste des quatre-vingt-quinzeagents qui pourront rester en poste dans lesDronisep. Cent cinquante-cinq emplois à plein-tempsvont être supprimés d’ici fin 2022, soit 62 %des effectifs des délégations régionales !La situation est accablante, puisque seul unequinzaine de postes ont été proposés par lesRégions, à qui l’État a transféré une partiedes missions des Dronisep. Fin août, trente-cinq collègues en CDD vont être licenciés.Pour les Psy-ÉN titulaires, c’est la mutationforcée, et pour les ingénieurs et personnelstechniques de recherche et de formation(ITRF) l’obligation de passer des entretiensde recrutement...

Quel avenir ?À ce plan social, d’une extrême violence,s’ajoutent de fortes inquiétudes sur le devenirde l’établissement et de ses missions de ser-vice public. Les guides proposés par l’Onisepà chaque palier d’orientation ne seront plus

publiés. L’Office ne réalisera que la partie natio-nale du guide Troisièmeet, pour la partie locale,ce sera seulement si laRégion lui passe com-mande  ! Abandonnée,donc, l’égalité d’informa-tion pour tous sur les pour-suites d’études. Les Régionspourront choisir d’informerou non les élèves et leursparents, et lorsqu’elles le feront,ce sera chacune à sa manière  !Parallèlement, la direction prépareun contrat d’objectifs et de perfor-mance. Celui-ci indique que la mission del’Onisep ne sera plus seulement d’informersur les métiers et les formations, mais aussisur les processus d’orientation, cherchantainsi à se substituer aux Psy-ÉN. Les fichessur le décrochage, proposées aux ensei-gnants pendant le confinement, semblaientdéjà ignorer la spécificité de leur travail enprodiguant aux enseignants des conseilsforts discutables.

Les élues de la FSU, reçues enaudience le 18 juin dernier, ontrappelé la nécessité pour l’Oni-sep de travailler en complé-mentarité avec les Psy-ÉN.Elles resteront vigilantes sur

le sort des personnels de l’Office. nFlorence Villiers

© D

R

Page 31: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 31

NON-TITULAIRES. Les affectations des agents non titulaires se sont toujours faites à discrétion de l’administration,parfois avec un contrôle des élus. Dorénavant, l’opacité règne.

Fin de la transparence dans les affectationsL

e ministère a profité de la suppressionde certaines compétences des CAP destitulaires via la loi 2019-828 dite « de

transformation de la Fonction publique »,pour inciter les rectorats à s’exonérer desgroupes de travail (GT) ou Commissionconsultatives paritaires (CCP) d’affectationdes non-titulaires, au prétexte qu’ils neseraient qu’une anomalie ! Il en va demême pour les commissions de non-renou-vellement de contrats suite à des évalua-tions défavorables, pas toujours justifiéesd’ailleurs !Ce qui est très surprenant, c’est qu’un certainnombre de rectorats réputés et reconnusjusqu’alors comme soucieux de la bonnegestion des agents et souvent cités en exem-ple, comme Aix-Marseille ou Reims, onteux aussi cédé à cette facilité apparente,n’hésitant pas à anéantir des années de tra-vail et de construction avec les élus des per-sonnels, pour entrer dans la plus grandeopacité dans la gestion des non-titulaires.

Sans respect des barèmesLa première conséquence de cette décisionest la surcharge de travail des personnelsadministratifs des rectorats, déjà saturés eten difficulté pour répondre aux demandesdes non-titulaires (les délais d’attente pourobtenir l’attestation employeur en fin de

contrat en sont une illustration). Des milliersd’agents non titulaires vont donc être affectésau fil de l’été, sans garantie du respect desbarèmes d’affectations (en grande partiefondés sur l’ancienneté et l’expérienceacquise) et sans transparence ni explication. Dans ce contexte, les suspicions de passe-droits ou de clientélisme ne peuvent queproliférer. Enfin, les contractuels aurontplus de difficultés qu’actuellement pour

connaître les motifs de non-reconductionde contrat autres qu’avis défavorable. Orcela peut avoir de graves conséquences pourleur accès au CDI.Le SNES-FSU se montrera très vigilant

et continuera à défendre lesnon-titulaires, notamment en lesincitant à former des recoursindividuels devant les CCP. n

Nadine Krantz

© T

hom

as H

awk

/ Flic

kr.c

om

un service du SNES-FSU

Aux originesdes mathématiquesAccessible dès le collège, celivre intéressera les passion-nés d’histoire ou de sciences.Chacune des soixante-dixfiches qui le composent comprend desdocuments et des exercices corrigés. ❱ Michel Rousselet, Adapt/SNES, 2018, 180 p.,28 €

Questions vives… Laïcité,évaluation des enseignantsDeux questions qui s’invitenten salle des profs. La laïcité,sujet récurrent (d’où vient-elle ?son cheminement avec le sys-

tème scolaire), et l’évaluation des ensei-gnants, sujet d’actualité, et son histoirequi n’est pas non plus un long fleuve tranquille. Ouvrage d’actualité, illustrépar les analyses et témoignages de ceuxqui, au SNES, en furent les acteurs à desmoments cruciaux pour ces questions.❱ Adapt, 2019, 130 p.

Brève histoirede l’anatomieLes progrès de la méde-cine furent souvent frei-nés par une trop faibleconnaissance du corps.Vésale d’une manièreremarquable exposa lecorps de l’homme.❱ Paul Malziak, Adapt, 2018, 208 p., 20 €

Le nouveau managementpublic et l’éducationNos métiers se transfor-ment et cette transforma-tion génère des doutes.Quelles sont nos nouvellesmissions ? Que devient le

service public ? Il s’agit pourtant d’unepolitique concertée. Ce livre est un outilpour comprendre, pour apporter des idéeset avancer.❱ Coordonné par David Rafroidi, Adapt, 2018,230 p., 14 €

La belle histoirede la physiqueComment donner envie dese passionner pour lessciences ? Cet ouvrage, oùalternent photos et com-mentaires, est fait pourcela en nous montrant les réalisationsobtenues grâce à la physique.❱ Christelle Langrand et Jacques Cattelin,Adapt/De Boeck, 2017, 184 p., 27 €

Enseignement de l’histoireL’enseignement de l’histoire n’a jamaisété un sujet neutre. Deux collègues, enpartant de l’évolution des programmesces trente dernières années, cherchent àrépondre à la question : permet-elle aux

jeunes des collèges etlycées d’acquérir les cléspour comprendre le mondeactuel ?❱ Joëlle Fontaine et GisèleJamet, Adapt-SNES, 2016,126 p., 12 €

Les publications du SNES-FSU grâce à ADAPT. Les éditions ADAPT (Association pour le développement d’auxiliaires pédagogiques et technologiesd’enseignement), association créée par le SNES-FSU, s’adressent tout particulièrement aux enseignants. L’histoire des sciences est à la portée de tous.Elle permet de connaître une autre discipline ou de voir la sienne autrement. Consultez le site : www.adapt.snes.edu

Page 32: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

32 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

Pour répondre à l’éloignement de certainsélèves, aux difficultés sociales engen-drées par le confinement, à la fracture

numérique, et pour renouer avec le cœur dumétier d’enseignant, la réouverture des lieuxscolaires et l’accueil des élèves se sont impo-sés. Mais, après deux mois d’interruption,cette « reprise » de la classe ne s’est pas faitesans conditions, sanitaires avant tout, afin degarantir la sécurité de tous. Les organisationssyndicales ont à ce titre réclamé haut et fortun protocole et du temps de préparation (avantle retour des élèves) pour le mettre en place.Dans les collèges qui ont réouvert dans unpremier temps, la mise en œuvre des mesuressanitaires a demandé du temps et des réunionsde concertation impliquant toute la commu-nauté éducative.

Une mise en place rigoureuseet contraignanteLe conseil scientifique a délivré un protocoleprécis et contraignant : les distances de sécu-rité ont nécessité que soit calculée la super-ficie des salles de classes, que soient condam-nés certains espaces, qu’un marquage au solsoit effectué afin d’indiquer un sens de cir-culation pour empêcher les élèves de se croi-ser dans des couloirs trop étroits. Les infir-mières scolaires ont été mises à contribution

durant toute cette phase préparatoire. Valérie,infirmière en collège REP a pris part à larédaction du document : « nous avons réunila CHS(1) le jeudi et étudié la transpositionlocale du protocole national. Nous avonsfixé des lignes rouges. La première étaitclaire : si nous n’avions toujours pas demasques (le jeudi, nous n’avions pas étélivrés), le collège n’ouvrirait pas lundi. Alors,la principale est allée en acheter elle-même ».L’aspect contraignant du protocole est ungage de protection, qui peut cependant s’avé-rer relative. Valérie a découvert à l’occasionde discussions avec les élèves qu’ils étaientpeu nombreux à posséder un thermomètre,alors il ne fallait pas compter sur une prisede température le matin à la maison. « L’Édu-cation nationale a fini par nous fournir desmasques lavables, ce qui n’est pas adaptépour les familles : les élèves me disent qu’il

n’y a pas de lave-linge à la maison, il fautque j’explique comment faire bouillir de l’eaudans une casserole pour obtenir les 60 °Cnécessaires au lavage, je ne suis pas sûreque tous comprennent exactement la procé-dure. De toute façon, les masques personnelssont autorisés, et on ne peut jamais savoirs’ils sont lavés correctement et de façon régu-lière. Et si un élève oublie son masque à lamaison, il est refoulé, c’est difficile. »

Tout est sous contrôleLa situation est également difficile pour la viescolaire : en raison du côté aléatoire et facultatifde la présence des élèves, le travail de « poin-tage » prend beaucoup de temps. Elise est CPEdans un collège qui a accueilli des enfants desoignants, il est donc resté ouvert ; mais avecl’arrivée des Sixièmes et des Cinquièmes, il afallu revoir toute l’organisation : « les famillessont censées inscrire à l’avance les enfants,mais cela reste fluctuant et donne lieu à untravail logistique énorme, il faut réajuster leslistes constamment, appeler les familles quandles élèves manquent à l’appel, contrôler queles effectifs accueillis sont inférieurs à la limiteimposée... ». L’infirmière, de son côté, rappelleles règles en début de semaine, pour les nou-veaux arrivants : « les élèves sont un peu plusnombreux chaque semaine, même en REP, ce

SUR LE TERRAIN©

DR

LA PÉRIODE DE FIN DE CONFINEMENT a donné lieu à de sérieuses inquiétudes. Début mai, la Covid-19 était toujourstrès virulente, et les masques, très difficiles à trouver : la réouverture annoncée des lieux scolaires pouvait générerun regain de l’épidémie, il fallait garantir la sécurité des personnels comme celle des élèves.

Un protocole qui nous veut du bien ?

Protocole sanitaire

© D

R

Page 33: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

qui est positif : je donne les consignes tous leslundis matin, pour tout le monde. Masque obli-gatoire, distance de sécurité (le marquage ausol permet de visualiser la distance nécessaire,car ce n’est pas évident pour les jeunes), lavagede mains après chaque pause : parfois, il y aun peu de relâchement avec le temps, maispas pour les Sixièmes et Cinquièmes très res-pectueux des règles. »La répartition des élèves dans les classes sefait en décalé, sous la responsabilité d’un adulte.Elise insiste sur la charge de travail pour lespersonnels de vie scolaire : « les mesures néces-sitent un taux d’encadrement très important :deux AED sont postés aux barrières, à l’entréeet à la sortie du collège, ils supervisent lelavage des mains, ils passent toutes les qua-rante-cinq minutes dans les couloirs et accom-pagnent les élèves dans leurs déplacements.Le gros avantage de cette situation, c’est queplus personne ne court dans les couloirs...Mais c’est quand même un drôle de collège,comme figé, il n’y a plus beaucoup de vie... ».

Métiers, missions, équipes ?Quand tout est en suspens...Elise le dit, il a fallu changer les emplois dutemps des AED, et certaines de leurs tâchesne relèvent pas exactement de leurs missions.«  Ils ont moins de relation duale avec lesgamins, et davantage de surveillance plutôtmilitaire. » En tant que CPE, elle travailletoujours en équipe pluriprofessionnelle avecl’assistante sociale et l’infirmière, mais assureplus difficilement le suivi des élèves. Lesélèves travaillent en décalé selon leur niveauet se relaient à la cantine, ou en cour derécréation, sans se croiser. Les enseignantsinterviennent eux aussi avec un décalage quine leur permet que très peu d’espaces et detemps en commun. Hervé enseigne les mathé-matiques et témoigne de cette ambiance unpeu triste au sein du collège. « Après deuxmois de confinement, on aurait gagné à sevoir, à échanger, à travailler à nouveau enéquipe : avec les emplois du temps décalés,on se croise seulement en arrivant et en sor-tant d’une salle de classe... » S’il fait partde son enthousiasme d’avoir retrouvé sesélèves, il insiste sur le fait que les pratiquespédagogiques sont incompatibles avec lescontraintes sanitaires. « Faire cours avec une

moitié de classe (et une moitié de l’horairedisciplinaire !), sans envoyer les élèves autableau, sans toujours entendre leursréponses (à cause du masque), sans pouvoirmanier le matériel nécessaire, tout ça, cen’est pas notre métier : on bricole, on faitau mieux, mais ce n’est pas satisfaisant. »Pour l’ensemble des personnels, la grandeinquiétude demeure la rentrée de septembre :personne ne veut reprendre en « modedégradé », comme c’est le cas actuellement.L’évidence de la permanence du virus estdans toutes les têtes, mais chacun se dit qu’ilfaudra vivre avec. Le protocole sanitairedevra être assoupli pour permettre à tous lesélèves de faire leur rentrée et satisfaire àl’obligation scolaire : mais il faudra se sou-venir des mesures d’hygiène qui rentrent peuà peu dans nos habitudes et participent à laprévention des risques sanitaires.Pour permettre à l’école de faire face aux exi-gences de cette nouvelle situation, il est éga-lement vital de la doter de moyens humainspour permettre de réduire les effectifs et d’as-

surer un enseignement dans de bonnes condi-tions, pour tous les élèves, sans exclusionaucune. Le « jour d’après », dans l’Éducation,ne doit ressembler ni à l’école d’avant (celledes réformes Blanquer), ni à celle du confi-nement, ni à l’école que l’on vit aujourd’hui :la démocratisation du système éducatif et l’exi-gence d’une école qui s’en donne les moyenssont des combats toujours d’actualité. n

(1) Commission hygiène et sécurité.

Rubrique réalisée par Véronique Ponvert

Trois questions à...

L’US Mag : Les contraintes imposées par le protocole ont-elles permis un retour apaisédes élèves/des personnels ?Igor Garncarzyk : Nous avons réclamé un protocole qui mette en avant la sécurité sanitairedes élèves et des personnels et qui protège les personnels de direction. Nous l’avons obtenu trèstardivement et nous avons dû le mettre en œuvre dans des conditions difficiles. Le lien avec lescollectivités a souvent été compliqué, notamment pour les achats de produits de désinfection.La fourniture de masques par l’Éducation nationale a été très tardive. Malgré tout et le plussouvent dans un cadre collectif, en mobilisant l’ensemble des personnels et les représentants deparents, la réintégration des élèves dans des conditions acceptables a été possible.Le principe du volontariat des familles pour le retour des élèves a été catastrophique : cela arenvoyé la responsabilité à chaque responsable légal, et compliqué l’organisation dans les établis-sements, obligeant à un recensement fin des élèves et de leur situation, et amenant à des groupestrès variables en effectifs. Par ailleurs, c’est incompatible avec l’objectif affiché de faire revenirles élèves décrocheurs.Un deuxième élément a complexifié la reprise : la communication paradoxale du ministèreinsistant sur le maintien de l’« enseignement » à distance pour les élèves dont les familles choi-siraient l’instruction à domicile et la reconnaissance du fait que les enseignants qui reprenaienten présentiel ne pouvaient poursuivre le distanciel.Nous avons la plupart du temps retrouvé des élèves contents de revenir au collège, parfois unpeu anxieux, avec des vécus très variés de la période de confinement. La relation directe retrouvéeavec les enseignants a été par tous très appréciée. L’augmentation des effectifs souvent observéeau fil des jours témoigne de la confiance en notre institution.L’US Mag : Quelles contraintes s’avèrent insurmontables sur le terrain ? À quel niveau ?I. G. : L’architecture des établissements est difficilement adaptable au contexte sanitaire actuel,notamment les toilettes et les couloirs de circulation.Le fait qu’en situation habituelle les dotations des établissements en personnels soient calculéesau plus bas, que ce soit pour les personnels d’entretien, personnels d’enseignement, personnelsde vie scolaire, de santé, sociaux... complique les choses en situation exceptionnelle. La problématiquedu nettoyage et de la désinfection des salles par les agents des collectivités illustre cette situation.L’US Mag : Quelles sont vos revendications si la rentrée se profilait sur un même mode dégradé ?I. G. : Nous avons plusieurs exigences : que nous tirions un bilan objectif de la période vécue,au-delà de l’auto-suggestion ministérielle ; que l’équipement des personnels et des familles soitinterrogé ainsi que les connexions réseau nécessaires ; que nous puissions anticiper, c’est-à-direconnaître avant la mi-juillet les conditions de la rentrée de septembre ; que le principe du retourobligatoire des élèves en établissement soit explicitement et fortement affirmé ; qu’une vuesystémique soit développée, et que les conséquences pour chaque élément du système soientévaluées : par exemple, les 2S2C à l’école bloquent dans de nombreux endroits la reprise del’EPS dans le cadre des enseignements obligatoires, les installations sportives étant réservéespar les municipalités aux élèves du premier degré.Enfin et surtout, que ce qui a été nécessaire en période de crise sanitaire ne serve pas de pointd’appui à une transformation du système éducatif, que nous revenions à un fonctionnement denotre ministère sur un mode réglementaire et non pas fondé sur la parole médiatique du ministre.

Igor GarncarzykSecrétaire général du SNUPDEN-FSU, syndicat des personnels de direction de la FSU

© D

R

© D

R

Ce qui est pénible, c’est de rester à la même place,sans pouvoir bouger, et sans pouvoir être près denos amis. Les masques sont gênants car ils grattent,on ne peut pas bien respirer et ils nous empêchentde bien comprendre quand on parle. Yacine

Le masque, ça me gêne dans ma concentration, etje suffoque quand il fait chaud. Mais c’est utile carsi on postillonne, on est protégé. Marion

Je respecte les consignes au collège, mais je trouveque ce n’est pas très utile car je ne respecte rienen dehors, surtout le mètre de distance. En plus,au collège on se lave tout le temps les mains, eten dehors, j’oublie... Maxime

PAROLES D’ÉLÈVES

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 33

Page 34: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

34 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

FENÊTRE SUR

consentir à être « tracé », il faut participerau système pour éviter les biais. Le principedu « volontariat » s’est ainsi aisément subs-titué à la mise en place (quasi) clandestinede fichiers par une autorité panoptique maisinvisible, telle que décrite par Michel Fou-cault.

Dans les années 1970, le développementde deux dispositifs de traitement auto-matisé des données personnelles a

conduit à l’adoption de la loi Informatiqueet libertés, et à l’institution de la CNIL. Sile premier de ces projets, appelé SAFARI,à l’origine de la polémique, est resté dansles mémoires, le second, GAMIN, a été enpartie oublié. Il réunissait les données, essen-tiellement médicales, collectées par la PMI,et était censé permettre de repérer des popu-lations « à risque », et donc « à surveiller »,selon des critères aussi sociaux.

Big brother, déjàFicher les individus pour les protéger, cen’est donc pas nouveau. Ce qui a changédepuis le siècle dernier, c’est à la fois ledéveloppement technique, qui permet decollecter et traiter plus de données, maisaussi les modalités de cette surveillance.Au regroupement de remontées ponctuellesd’informations a succédé un mécanismede « veille », c’est-à-dire de collecte per-manente de données qui sont autant detraces de tout ce que peut faire un individu.Pour être efficace, un tel système doit pla-cer l’objet de la surveillance d’un statutpassif à un statut actif : il ne suffit pas de

Pour cela, le système de surveillance doitêtre perçu comme favorisant, au contraire,une liberté, et si possible flatter l’ego, cequi est le principe des réseaux sociaux.Paradoxalement, la massification de la sur-veillance en atténue le poids subjectif pourl’individu surveillé, noyé dans la masse.

ALORS QUE LA GESTION DE LA CRISE SANITAIRE s’est révélée on ne peut plus chaotique, le gouvernement ayantmultiplié les annonces contradictoires sur l’utilité des masques ou du testing généralisé, la ligne sécuritaire qu’il aadoptée n’a pas dévié : contrôles et sanctions lors du confinement, et volonté de traçage des individus commehorizon de sortie de crise. Des attaques répétées et une atteinte en profondeur des libertés individuelles.

Tracer, surveiller, manipuler

© D

isob

eyA

rt /

Ad

obe

Sto

ck.c

om

© P

rost

ock-

stud

io /

Ad

obe

Sto

ck.c

om

© D

Val

ery

Bro

zhin

sky

/ Ad

obe

Sto

ck.c

om

STOPCOVIDDans le monde entier, la mise en place d’applications de traçage a été considérée comme uneétape essentielle dans le déconfinement. En France, quatre semaines après son lancement,l’application de traçage «  StopCovid  » rencontre un succès mitigé n’ayant permis de signalerque 14 cas de risque de contamination. Seulement 2 % de la population française a installé surson téléphone portable cette application, soit 1,5 million de personnes. En Allemagne, l’applicationéquivalente a été téléchargée dix millions de fois. La France n’est pas le seul pays où la mise enplace est problématique. Les Italiens n’ont été que 3,5 millions sur les 23 millions attendus àtélécharger l’application nationale de traçage sur leurs téléphones portables. En Grande-Bretagne, le gouvernement a abandonné son projet d’application de traçage des malades, auprofit d’un autre modèle sans donner de véritable calendrier. L’application «  TraceTogether  »lancée dès le mois de mars à Singapour a connu un faible engouement. Ces succès mitigés s’ex-pliquent par la méfiance des citoyens à l’égard d’applications dangereuses pour la vie privée etles libertés. Ainsi, loin de se limiter au recensement des contacts à moins d’un mètre pendantau moins quinze minutes, StopCovid collecte les identifiants de toutes les personnes qui se sont«  croisées  » via l’appli, de près ou de loin. Au Bahreïn (BeAware), au Koweït et en Norvège(Smittestop), elles permettent de surveiller en direct les déplacements des utilisateurs, lescoordonnées GPS étant téléchargées sur une base de données gouvernementale.

© F

otol

ia.fr

Traçage

Page 35: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

ciers, techniques, et d’une expérimentationgénéralisée d’une surveillance massive dela population.Il réaffirme la primauté absolue des droitsindividuels et collectifs et l’impératif quetoute restriction de ces droits soit strictementlimitée.

Il refuse enfin que des sommes aussi impor-tantes – pour StopCovid, 100 000 € parmois selon Bercy – puissent être utiliséesdans cet objectif alors qu’elles devraientêtre mieux employées, a fortiori dans cettepériode. n

Michel Decha et Hervé Le Fiblec

Tandis qu’elle apparaît comme un garde-fou lointain permettant au contraire tousles excès. Car, au final, l’objectif de toutsystème de surveillance est de normer, quecela passe par des mécanismes qui imposentun certain type de comportements, ou parl’usage de l’appareil répressif, qui peutrecourir au traçage comme moyen d’enquêteou de preuve.

Le prétexte sanitaireQue ce soit grâce à deux fichiers, le SIDEP(service intégré de dépistage et de préven-tion) et Contact Covid, que ce soit par lesbrigades de l’Assurance-maladie ou parl’application StopCovid, le gouvernementcherche, avec ces recensements et le pré-tendu – ou au moins partiel – volontariatdes malades et des citoyens, à limiter lestransmissions du virus. Dont acte. Mais la méthode a de quoi inquiéter carcela signifie surtout la mise en place pro-gressive d’une surveillance généralisée grâceà la collecte et à l’exploitation de donnéespersonnelles et ce, malgré les garde-fousque seraient les avis du Conseil constitu-tionnel, de la CNIL ou des parlementairespour rassurer tout le monde concernant l’ef-facement des données et le contrôle de leurexploitation notamment. En effet, quelle confiance accorder à ungouvernement qui pensait contrôler ledéconfinement à Paris grâce à des dronesavant l’ordonnance de suspension duConseil d’État le 18 mai ? Comment croireà une utilisation prétendument modéréequand un opérateur téléphonique a pu four-nir les données de ses utilisateurs sans leurconsentement ? Et comment ne pas voir lesusages encore plus néfastes qu’un gouver-nement autoritaire pourrait faire grâce à detels dispositifs ? Celles et ceux qui n’ont«  rien à se reprocher  » pourraient avoirla mauvaise surprise de découvrir que cen’est qu’une question de point de vue et decontexte...

À qui profiterait une surveillance généralisée ? Le SNES-FSU s’alarme de la mise en placede moyens législatifs, réglementaires, poli-

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 35

Benoît Piedallu (alias Klorydryk) est membre deLa Quadrature du net, association qui défend les droits et les libertésdans l’espace numérique. Spécialiste des questions d’intelligenceartificielle et de protection des données

personnelles, il travaille sur la surveillance dans l’espaceurbain dans le cadre du projet Technopolice.

« Refuser la banalisation du traçage »

Trois questions à...

L’US MAG : Quels risques y a-t-il à télécharger des applications qui permettent lagéolocalisation des utilisateurs ?Benoît Piedallu : D’abord, la banalisation de l’idée même d’être traqué, à la faveur,aujourd’hui, d’une crise sanitaire, demain, pour des questions sécuritaires. Crise aprèscrise, on prépare les esprits. Toute géolocalisation, tout enregistrement de celle-ci, toutcalcul de la proximité avec d’autres personnes, doit faire l’objet d’un consentementexprès, sinon, c’est illégal. Au regard du RGPD, donner des autorisations à des appli-cations sur son smartphone ne suffit pas.Dans l’entreprise, votre employeur peut collecter des données sur vos habitudes detravail. Quel traitement en est fait ? Tant que vous ne maîtrisez pas vos données per-sonnelles, qu’elles sont entre les mains d’États, d’entreprises ou de personnes, vous endevenez dépendant.Le scandale de Cambridge Analytica* a mis au jour d’autres menaces. On peut utiliserles données que l’on possède sur vous et établir un schéma de vos comportementspour vous manipuler. On l’a vu lors de l’élection de Donald Trump ou du débat sur leBrexit. On peut influencer les utilisateurs, les contraindre à prendre des décisions.L’US MAG : Comment se protéger collectivement et individuellement ?B. P. : La CNIL, censée défendre les droits des utilisateurs n’a ni pouvoir politique, niindépendance, ni personnels en nombre suffisant pour enquêter. L’une des attributionsde la CNIL était de vérifier que les administrations ne faisaient pas de croisement d’in-formations et ne constituaient pas des bases de données sans contrôle de leur usage.Elle se contente aujourd’hui d’émettre des avis. Les organismes institutionnels censésnous protéger n’ont pas le pouvoir de le faire ou acceptent un certain nombre de com-promissions.Au début du confinement, le chiffre de 17 % de Parisiens ayant quitté la ville a étéavancé et mesuré par Flux Vision, un outil créé par Orange. Ce pourcentage a étécalculé à partir du bornage des téléphones. Jamais aucun utilisateur n’a consenti à cegenre de traçage dans son contrat. La CNIL a néanmoins accordé à Orange le droitd’exploiter ces données. L’US MAG : StopCovid a fait un flop. Comment expliquez-vous cela ?B. P. : Cette application illustre l’échec du gouvernement dans la lutte contre la pan-démie. Incapable de fournir des masques et de tester l’ensemble de la population, ildonne le change avec une réponse technologique pour répondre à un problème poli-tique.La communication générale autour de la pandémie a été incompréhensible : il fallaitdéconfiner, retourner au travail et à l’école mais tout de même installer une applicationde traçage. Par ailleurs, la communication autour de l’application a été calamiteuse :démissions, entreprises privées engagées sans qu’on sache très bien quels étaient leursintérêts, la confusion a aussi régné sur les informations collectées, le Bluetooth et sonincidence sur l’autonomie du téléphone, les risques de malwares. Depuis son lancement,on a assisté à 25 % de désinstallations.

Propos recueillis par Hamda El Khiari

* Société de publication stratégique spécialisée dans l’analyse de données à grande échelle et leconseil en communication. Elle se fixe pour objectif de changer le comportement grâce aux données.

© P

rod

uctio

n P

erig

/ A

dob

e S

tock

.com

© D

R

Page 36: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

CULTURE L iv res/Revues

À LIRENotre sélection◗ UNE NOIRE VIE

Foudroyé sur scène par unecrise cardiaque, l’acteurafro-américain Léo revoittoute sa vie d’enfant pauvre,né à Harlem et devenu célè-bre. Le roman L’Homme quimeurt rappelle le parcoursde J. Baldwin lui-même, écri-vain majeur de la cause

noire et gay. Comme l’auteur amenéà vivre en France en 1948, Léo esthabité par la peur face à la haine etau mépris des blancs. Comment seconstruire quand le regard de l’autrene cesse de vous humilier ? C’est lesujet de cette œuvre émouvante etpercutante.

B. Cacheux et G. Chourreu• L’Homme qui meurt, James Baldwin, Folio

◗ MARSEILLE RÉVOLUTIONNAIREEt oui, même les Marseillaisont pu crier Vive Paris ! C’estune figure de la scène rocklocale, et historien de sur-croît, qui nous le rappelle...Peu évoquée dans l’histoireofficielle et souvent mécon-nue, la Commune de Mar-

seille a été le plus long et le plusimportant de ces mouvements de pro-vince. Le 23 mars 1871, les Marseillaismanifestent pour soutenir les insurgésde la capitale avant d’être réprimésdans le sang deux semaines plus tard,le 4 avril, par les troupes du généralEspivent. Robert Rossi fait revivre «  la communerévolutionnaire de Marseille  » à tra-vers le parcours d’Édouard Chenet,tout juste vingt ans et en rupture deban avec un milieu familial monar-chiste et petit-bourgeois.Un roman passionnant et très richehistoriquement ! Stéphane Rio• Quand Marseille criait « Vive Paris ! »,Robert Rossi, Éditions Gaussen, 2020.

◗ TOUT DISPARAÎTRA« Je frappe Nadège Fouacheà trois reprises sur le crâneavec ma pompe à vélo carelle vient de traiter mesparents de sales commu-nistes.  » Ainsi s’ouvre Lejour où la dernière Clodette

est morte, très beau premier livre deJudith Wiart dans lequel l’autrice sauvede la disparition des fragmentsd’images vues, de mots, de voix etchansons entendues, de momentsvécus. Le «  je t’aime  » d’un cousinmalade, la tête baissée d’une mèred’élève dans le bureau de la CPE, ledéfilé des prétendants sur l’écran Tin-der d’une voisine de bus... La vie exté-rieure, singulière et poétique.

Cécile Exbrayat• Le jour où la dernière Clodette est morte,Judith Wiart, éd. Le Clos Jouve.

36 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

Il amuse, il instruit, il provoque :le Dictionnaire égoïste de la litté-rature française – 1 142 pages –

est de ces livres qu’on aime alorsqu’ils ne se veulent pas aimables.Charles Dantzig en effet y parle franc,n’hésite pas à aller contre l’opinioncommunément admise, mais le faitavec humour ; à propos de Rousseau,« il a plu aux salons qui ont lesmêmes centres d’intérêt que les cam-pings : il pourvoit en sujets de dis-cussions pas fatigants ». Les cam-peurs apprécieront ! À propos de LaPrincesse de Clèves : « Trois étoilesdans les Michelin littéraires, moinsregardants que le Michelin de cuisine ». Ou encore :« Le huitième jour, Dieu créa Paul Claudel. Ilavait envie de se foutre du monde ». S’il éreinteAragon ou Céline, s’il égratigne Sartre ou Your-cenar, l’auteur a aussi, avec des formules bien sen-ties, de formidables enthousiasmes et des com-mentaires d’une grande pertinence. Il analyse parexemple ce que n’est pas À la Recherche du tempsperdu et en révèle ainsi les subtilités tout en expli-citant l’art de Proust, « un entrepreneur texan quine quitte pas ses hectares sans en avoir sucé lemaximum de pétrole. Et ses personnages, grandsderricks noirs, se dressent à perte de vue dans nos

imaginations ». Lumineux égalementl’éloge de La Fontaine, « Il y a beau-coup de recherche dans ses écrits,et si cela ne se voit pas, c’est parcequ’il trouve » ou ceux de Musset,Stendhal, Zola, « un des écrivainsfrançais les plus injustement mépri-sés ». Les entrées de ce dictionnaire ne selimitent pas aux œuvres et auxauteurs. Elles sont variées et définis-sent, toujours de manière subjective,des notions littéraires comme « tra-gédie », « ellipse », « romantiques »ou bien des termes inattendus comme« machins » ou « zapping ».

Un autre grand mérite du livre est de rendre visiblesdes écrivains méconnus : Charles de Brosses, Mar-cel Schwob ou Paul-Jean Toulet, poète de l’écolefantaisiste, le meilleur des « trois B : Béarnais,Basques et Bigourdans » chers à Dantzig, natif deTarbes. On trouvera aussi des pages nourries surGobineau, Barrès, Drieu la Rochelle...Beaucoup de partialité et d’insolence donc, maissurtout de l’allégresse, de l’érudition et une grandetendresse pour les textes et les écrivains. n

Brigitte Cacheux et Geneviève Chourreu• Dictionnaire égoïste de la littérature française, CharlesDantzig, Éd. Grasset 2005, rééd. Le Livre de Poche.

La Corée, pays du polar ?Le pays du matin calme, celui duSud, possède des trésors. Il fallaitpour les découvrir une nouvellemaison d’édition. « Matin calme »est le nom qui s’imposait. Uneautrice et un auteur illustrent d’unepart le thriller et d’autre part la

saga d’une sorte desamouraï issu desbas-fonds. Seo Mi-ae dansBonne nuit mamanreprend une intrigueconnue, celle des

monstres domestiques. La réfé-rence au Silence des agneaux està la fois justifiée et erronée. C’estsensible dans la narration et éloi-gné dans sa dimension d’ancragedans la réalité de la Corée du Sudavec sa course au travail et àla respectabilité. Une société quine connaît plusl’amour et le tempsde le prendre.Kim Un-su, avecSang chaud, creuseune autre dimensiondu polar, la saga del’homme seul, dé cidé à s’en sortirmais enserré dans le carcan des

responsabilités collectives. Huisupersonnifie les contradictions d’unindividu entre sa libération per-sonnelle et ses liens avec le gangauquel il appartient. L’action sepasse à Busan, un port ouvert àtous les trafics et aux luttes entreles yakuzas japonais d’un côté etles triades chinoises avec au milieu,dans ce quartier de Guam, la pègrelocale. Une description de la réalitésans rapport avec les guides tou-ristiques. • Bonne nuit maman, Seo Mi-ae, traduitpar Kwon Jihyun et Rémi Delmas ;Sang chaud, Kim Un-su, traduit parKyungran Choi et Lise Charrin ; Édi-tions Matin Calme.

Lovecraft dépasséMélanger la vie quotidienne desAfricains-Américains en 1954 àChicago et dans le sud des États-Unis, et le monde fan-tastique de Lovecraftpeuplé de monstres,est une idée intelli-gente de Matt Ruffdans Love craft Coun-try. La confrontationtourne à l’avantage de la réalitévécue, le racisme, par les Noirsaméricains même – surtout ? –lorsqu’ils reviennent de guerre. Lerire final face aux imprécations du

sorcier est en lui-même la concré-tisation que le racisme endémiquede la société américaine est plusfantastiquement pervers que nepouvait l’imaginer Lovecraft. Lascience-fiction comme une échap-patoire au monde vécu. • Lovecraft Country, Matt Ruff, traduitpar Laurent Philibert-Caillat, 10/18.Polar historique au pays des Cathares1165 entre Carcassonne et Nar-bonne, pays de naissance des BonsChrétiens qui ne s’appellent pasencore Cathares, nom donné parl’Église catholique pour chasserles hérétiques nés enson propre sein.François-Henri Sou-lié conte, dans An -gélus, une histoirede meurtres bizarresde compagnons tail-leurs de pierre, ima-giers pour les cathédrales enconstruction, transformés en angesde la mort sur fond de complotset de folie. Trois héros dépeignentce monde, un jeune chevalier, leMaître imagier et une adepte desBons Chrétiens. Difficile de résisterà cette imagerie sensible. n N. B.• Angélus, François-Henri Soulié, 10/18Grands détectives.

Le coin du polar

UNE LECTURE PROVOCANTE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE

Du bon usage de l’égoïsme

Page 37: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

◗ QUELLE HISTOIRE ! Zazous ? Un mot, évoca-teur, fait surgir des sil -houettes, notammentcelle de Boris Vian, ungrand maître de la confré-rie. Un mythe ? Une réa-lité ? Qui étaient-ils cesrévoltés ? Gérard Régnier,spécialiste de l’histoire dujazz pendant l’Occupation – c’estsa thèse – a voulu, sur la base dela presse de l’époque, comprendrele phénomène. L’histoire des Zazousmontre qu’ils ne sont pas que pari-siens ni que français. Ils sont aussiBruxellois et le jazz belge sera aupremier plan à partir de 1947 commepraguois ou, mieux encore, berlinois.Un travail nécessaire sur cette pé-riode trouble. Nicolas Béniès• L’histoire des zazous, Gérard Régnier,L’Harmattan

NOS COLLÈGUES PUBLIENT

D idier Daeninckx est un écri-vain touche à tout : romans,BD, scénarios pour la télé,

le cinéma ou le théâtre. Il est« classé » comme un écrivainde la réalité occultée parce quedans ses romans il dénonce leracisme, la corruption, la colo-nisation, mais pas seulement, ily a aussi la vie quotidienne, desdélaissés de la ville, des ouvriers,des déracinés...Dans Le roman noir de l’his-toire, l’auteur a choisi de retra-cer par la fiction documentée,les grands mouvements dutemps, les utopies de la Com-mune, le fracas de la chute desempires, les refus d’obéir, lessolidarités, la soif de justice,l’espoir toujours recommencémais aussi les enfermements, lestrahisons, les rêves foudroyés,

les mots qui ne parviennent plusà dire ce qui est... Les nouvelles sont inspirées del’histoire de France, de 1855 à2030. Elles mettent en scène,entre autres, un manifestant mul-housien de 1912, un déserteurde 1917, un sportif de 1936, uncontrebandier espagnol de 1938,un boxeur juif de 1941, un gitanbelge en exode ou encore unréfugié calaisien. Des person-nages qui ne sont pas ceux dontles manuels ont retenu le nom,ceux dont les statues attirent lespigeons sur nos places. Ce formidable auteur qu’estDidier Daeninckx livre ici 40 ansde travail sur l’histoire de ceuxqui ne figurent pas dans le romanofficiel de l’histoire. Comme ledit Ginette, un de ces magni-fiques personnages qu’il fait

revivre : « D’abord l’Histoire,elle se sent à l’étroit avec les dateset les parenthèses qui les enfer-ment. Les grands événements, ilséclatent comme des orages. Après,on garde l’éclair, le tonnerre enmémoire, mais personne ne sesouvient du temps que les nuagesont mis à se former, à grossir, àse charger d’électricité ». n

Stéphane Rio• Le roman noir de l’histoire, DidierDaeninckx, Verdier, 2019.

Du souffle du polar àcelui de l’histoire

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 37

Tout commence par deschansons. Étudiant, dansles années 1970, Jean

aime la chanson à texte,contestataire. Il rêve, en écou-tant ses vinyles qui craquent,que le vieux monde s’écroulepour en construire un autre.Un jour, son voisin, qu’ilpense avoir toutes les raisonsde mépriser (un étudiant engestion : « autant dire un com-plice du Grand Capital ») luifait découvrir le disque d’unchanteur français inconnu,Rémy Bé. Jean est touché parla voix de l’artiste, et par leshistoires qu’il raconte, notam-ment ses origines, son enfance en Indochine, filsillégitime d’un colon et d’une Vietnamienne. Lacopie du vinyle de Rémy Bé enregistrée sur unecassette audio accompagne Jean pendant de nom-breuses années. Il finit par en connaître toutes leschansons par cœur. Mais l’artiste semble avoircomplètement disparu après ce premier album :aucune trace du Chanteur perdu dans tous les cata-logues et sur tous les sites internet sur lesquelsnotre héros, devenu bibliothécaire, fait desrecherches poussées. Pourquoi Jean a-t-il besoin de le retrouver, aupoint de se lancer dans une véritable quête, racontéepar Didier Tronchet avec la sensibilité du conteuret l’efficacité d’une enquête policière ? Le hérosde cette histoire, est-ce Rémy Bé, ou bien notrebibliothécaire, victime d’un burn-out à force d’être

submergé, dans sa média-thèque, par «  le nivellementpermanent, la dictature de lanouveauté, la course au tou-jours plus  » ? L’auteur par-vient dans cet album à donnerautant envie aux lecteurs etaux lectrices de retrouver lechanteur perdu, qu’à aiderJean à découvrir à nouveau unsens à sa vie. Il nous em barquedonc, de Morlaix à Madagas-car en passant par Berck-Plageet la Seine-et-Marne, re -trouvant peu à peu les tracesde Rémy B et les témoignagesde celles et ceux qui l’ontcroisé.

Rédigé à la première personne à la façon d’un car-net de bord, l’album, à la mise en couleurs trèsréussie, fait se rencontrer des personnages dontnous ne savons pas s’ils ont existé (à commencerpar Rémy Bé lui-même) et des personnalités bienréelles du monde de la chanson française. Nousreconnaissons par exemple l’auteur-compositeur-interprète et éditeur de chansons Pierre Perret, etévoquons le souvenir de Georges Brassens. « Pour le retrouver après 30 ans, je n’avais queses chansons étranges et ma foi en la puissancedu hasard... » Didier Tronchet dans Le Chanteurperdu rend hommage aux pouvoirs magiques desmots, des voix, de la musique et de l’errance. n

Amélie Hart-Hutasse• Le Chanteur perdu, Didier Tronchet, Aire Libre,février 2020.

Le coin de la BD La quête d’un autre soi-même

Allez les Verts !Un footballeur stéphanoisqui fait des millions devues sur YouTube nonpour ses prouesses mais…pour des buts contre soncamp et autres bourdesburlesques ? C’est Raou-linho, le joueur préféré deValérie et Valentin ! Aussi, quand ildisparaît, les deux amis enfourchent-ils illico vélo et skate-board pour leretrouver. Car sans lui, le club deSaint-Étienne est beaucoup moinsdrôle ! Fous rires et rebondisse-ments garantis pour ce premierroman, à partir de 9 ans.

Cécile Exbrayat• On a perdu Raoulinho, Roland Martin, DidierJeunesse, coll. Mon marque-page +.

Thriller psychologiquePeu de romans jeunesseabordent les relationstoxiques parents/enfants.Celui-ci décrit la relationpère pervers narcissique/fille. Voilà une nécessairemise en garde pour lesados, très bien construite,haletante et réaliste. Lilou vénèreson père, lui trouve toutes les qua-lités. Quand sa mère, dont elle s’estéloignée peu à peu, se trouve enphase terminale à l’hôpital, son pèrelui déconseille d’aller la voir. Peu àpeu, le doute s’instille en elle, sepourrait-il que ce père parfait lamanipule ? Aidée par ses amisproches et par la sœur de sa mère,Lilou va mener une réflexion per-sonnelle qui va bouleverser sa vie.Culpabilisant, s’isolant, déprimantparfois, jusqu’où va-t-elle aller ?Une lecture indispensable !

Catie Pillé• Je te plumerai la tête, C. Mazard, Éd. Syros.

FOR THE KIDS

Page 38: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

CINÉMASurvivre à un licenciement

La Forêt de mon père,premier long-métrage defiction de Vero Cratzborn.Une approche sensible etémouvante de la percep-tion d’une adolescente de15 ans face aux troublespsychiatriques de son

père, après un licenciement. Ellevit le désarroi de la mère et desdeux enfants, remarquablementinterprétés. La réalisatrice met enlumière la difficulté d’en parler ausein de la famille comme avec l’ins-titution. Le père sera interné d’of-fice et sous camisole chimique...Sélectionné pour Cannes, il a étéprojeté en avant-première le 30 juinau théâtre Romain- Rolland de Vil-lejuif. Philippe Laville• La Forêt de mon père, un film réalisépar Vero Cratzborn (France).

SÉRIEPlaisirs coupables

Cet été ne boudez pas votre plaisir,plongez dans quelques séries qui,loin d’être des chefs-d’œuvre, selaisseront regarder avec délectation.The Witcher et son monumentalhéros, The Mandalorian pour sonunivers Star Wars, Banshee et seshéroïnes décidées, Glee et sa chorale

hétéroclite, Suits et ses dialoguesenlevés, The boys et ses super-héroscyniques, Glow parce que femmeset catch y font bon ménage, ControlZ et son héroïne futée, Superstoreà l’humour déjanté... Catie Pillé

MUSIQUES❱ CHANSON

IntimitéQuatre titres suf-fisent pour com-prendre qu’ontient là un desplus beaux arti-

sans pop de notre époque. Le nou-vel EP du turinois Andrea Laszlode Simone, sorti Ekleroshock/Hamburger Records, est une mer-veille qui renoue avec le génie deBattiato et de Battisti. Se refusantà choisir entre évidence mélodiqueet expérimentation sonore, Immen-sità a la puissance d’une sympho-nie de poche, tout à la fois intimeet métaphysique. Les arrangementsd’Andrea Laszlo de Simone ontcette luxuriance sans afféterie quiréjouit à tous les niveaux d’écoute.Sublime. Julien Orso Jesenska• Immensità, Andrea Laszlo de Simone,Ekleroshock/Hamburger Records.

❱ JAZZDu côté des festivalsSans être l’arrêt complet, beaucoupd’annulations. Il reste le Net. Ban-lieues bleues, par exemple, propose,en collaboration avec C8, une sériede concerts sur www.banlieuesbleues.org. À Paris, le Sunset/Sun-side conserve son Pianissimo commetous les ans. Nicolas Béniès

Prendre le temps d’entendreUne antholo-gie, qui ne faitpas rire maisréfléchir surla mémoire,L’Âge d’or dujazz belge, 1949-1962 pour entendreceux qu’on n’a plus l’habituded’écouter et se rendre compte de lapuissance des musiciens à commen-cer par Bobby Jaspar et « Toots »Thielemans. Superbe. N. B.• Frémeaux et associés, présenté parPhilippe Comoy.

Pour danserLittle Richard est mort pendantle confinement. L’un des chan-teurs les plus fous de toute l’his-toire du rock. Il s’est inspirénotamment de Slim Gaillard – quel’on retrouve dans Sur la routede Jack Ke rouac – et des « shou-ters » (crieurs) du blues pourconstruire un style très imité et,pourtant inimitable. The Indispen-sable Little Richard 1951-1962mérite bien son appellation. Cette

musique-là fera danser pour l’éter-nité.Buddy Holly fut sans doute bénides dieux. Toutes ses compositionsoscillent entre musique country etle blues avec un charme, c’est vrai,un peu suranné. Il parle aux ado-lescents avec une légèreté sérieuseet ironique. Sa disparition, trop tôt,sera vécue comme un drame pourtoute sa génération. The indispen-sable Buddy Holly, 1955-1959 per-met de comprendre pourquoi et dele faire renaître.• Deux coffrets de trois CD, Frémeauxet associés.

Mémoires activesUn saxopho-niste ténor/compositeur,Michel Fer -nandez qui neveut rien ou -blier de l’his-toire récentede cette mu -sique de révolte, de combat pourla dignité. Une musique ouvertesur les autres cultures, unemusique qui a marqué toutes lesgrandes transformations du XXe

siècle. Sont évoquées toutes lesmémoires du passé pour construireune mémoire du futur et Sans fron-tière, titre de l’album.Un quartet – Benoît Thévenot,piano, François Gallix, basse etNicolas Serret, batterie – soudépar les compositions du leader etqui partage la même esthétique.La braise couve, l’incendie n’estpas loin la liberté non plus. N. B.• Sans frontière, Michel Fernandezquartet, Dreamophone/Socadisc.

38 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

La réouverture des salles a eulieu le 22 juin. Elles avaientfermé le 14 mars et depuis

cette date, pas un centime n’estentré dans les caisses tandis queles frais fixes couraient. Il fallaitque les salles rouvrent pour assu-rer des recettes sinon certainesne se relèveront pas. Il fallaitaussi que cela ne tarde pas troppour que les spectateurs retrou-vent l’envie de venir. Le grand problème souligné parles exploitants est qu’il n’y a pasassez de films. Tous les films ont été décalés et beaucoup ne sontpas prêts. Les tournages ont été arrêtés. Quelques films dont l’ex-ploitation venait juste de commencer (De Gaulle par exemple)pourront être repris, mais d’autres ont été mis rapidement en VOD,comme les y a autorisés un décret, voire vendus à des plates-formes

comme Pinocchio. Il y aura trèspeu de films français, même enArt et Essai, les sorties l’été étantgénéralement évitées. Les filmsaméricains, qui occupaient beau-coup les écrans en été, s’oriententplutôt vers des sorties en fin d’an-née. Par ailleurs, il faut assurer la sécurité des spectateurs et desemployés. Pour le personnel gelet masques. Pour les spectateursutiliser un fauteuil sur deux, maisen permettant de maintenir ensem-

bles les groupes (couples, familles) et à condition que la jaugen’excède pas 50 % de la capacité. Il faut aussi assurer un nettoyageentre chaque séance. L’exploitation va donc coûter plus cher pourmoins d’entrées. Pourtant, il faut relancer rapidement la machinesinon il va y avoir une casse énorme. n Micheline Rousselet

CULTURE Cinéma/Théât re/Spectac leCINÉMA

Réouverture des salles, un désir complexe

Page 39: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 39

Il portait bien son nom – freund-lich veut dire « amical » –, ilfut toute sa vie fidèle à ses

convictions artistiques, politiqueset humanistes. Né en 1878 dansune famille allemande protestanted’origine juive, il se forma à Ber-lin et Florence et dès le début desa carrière artistique multiplia lesallers et retours entre Paris et Ber-lin. Ami de Picasso, son voisind’atelier au Bateau-lavoir, deBraque ou Delaunay, il est consi-déré comme l’un des précurseursde l’art abstrait. Sa sculpture de1912, Grande tête, figura en cou-verture du catalogue de l’exposi-tion Entartete Kunst (« L’art dégé-néré »), montée par les Nazis en1937. À la suite de cela, sesœuvres présentes dans les mu séesallemands furent toutes détruites.Réfugié en France pendant laguerre, interné puis caché dans

les Pyrénées, il fut dénoncé etdéporté à Sobibor où il mourutassassiné en 1943. Pour la première fois en Francedepuis 1969, un musée lui consa-cre une rétrospective, à Mont-martre, dans cette jolie maisonqui abrite l’atelier de SuzanneValladon et celui de Renoir (lesjardins Renoir sont une évocationimpressionnante des œuvres dece peintre). Construite selon unparcours chronologique, l’expo-sition permet de découvrir l’évo-lution de son œuvre. Elle estdavantage composée de peinturesque de sculptures, même si lejardin accueille l’importanteAscension inspirée des moaï del’île de Pâques. Parmi les œuvresdes années 1910, Groupe,gouache en noir et blanc, commeune réponse aux Demoisellesd’Avignon et surtout Composi-

tion, marquent vraiment le bas-culement de l’œuvre du peintredans l’abstraction. À partir de1918, ses œuvres reprennent desformes cryptées, comme L’Œilcosmique. Une salle est consa-crée au vitrail, que l’artistedécouvre dans l’atelier de res-tauration des vitraux de Chartresen 1914 et qu’il reprendra enpeinture (Rosace I). Deux vitrauxsont présentés dans la basiliquedu Sacré-Cœur de Montmartre.Une part importante est faite àla mosaïque Hommage aux peu-ples de couleurs et à ses travaux pré pa ratoires. L’exposition setermine sur la maquette du Pharedes Sept arts, projet inaboutiqui devait être installé à Auvers- sur-Oise, près de la tombe deVan Gogh. n

Sylvie Chardon• Otto Freundlich, la révélation del’abstraction, musée de Montmartre,tél. : 01 49 25 89 39, https://museedemontmartre.fr

EXPOSITION

Un précurseur actuelFAIRE VIVRE LES REVUESRevue CIRCAVCIRCAV, les CahiersInterdisciplinairesde la Recherche enCommunication Au-dio Visuelle, sontnés au sein de l’Uni-versité Lille 3 et of-frent la possibilitéde prendre connais-sance des réflexionsdes chercheur-e-s dans ce do-maine qui recouvre de multiplesproblématiques. Le n° 29 portesur Jazz et cinéma pour mettre lalumière sur les « configurationset alliances sensibles » commel’indique le sous-titre. Le jazz, danscette optique pourrait servir deliens de mémoires entre les gé-nérations, sans oublier la danse –ces comédies musicales qui conti-nuent à faire rêver – ni les ciné-concerts. Des approches à la foisesthétiques et socio-historiques.Pour renouveler à la fois notre re-gard et notre écoute.

Nicolas Béniès

• Jazz et cinéma, coordonné par PatrickLouget et Alban Pichon, Revue CIRCAVn° 29 (L’Harmattan).

Par ici les artistes !

Comment continuer à créer col-lectivement malgré la distance ?Ainsi est né « Arts Plasticum Vi-rus », une galerie d’exposition ou-verte à tous les élèves, pour s’ex-primer, exposer, réagir, aimer,communiquer, partager, être en-semble.Chaque semaine, Eléonore Dadoit-Cousin, enseignante et profes-seure-relais à la Collection Lambert(Avignon) y propose des activitésplastiques  (« S’en sortir sans sor-tir ») ou des références à l’actua-lité artistique (« Le musée commesi j’y étais ») et à l’histoire de l’art.Pas de sélection, pas de jugement,pas de notes : entrée libre !

Cécile Exbrayat

• www.facebook.com/artsplasticumviruswww.instagram.com/artsplasticumvirus

DANS LA CLASSE

Les gens biens, vus par Agnès Bihl

Très symboliquement, Agnès Bihl avait choisi le8 mars 2020 pour fêter ses 20 ans de scène et lasortie de son nouvel album Il était une femme. En

partenariat avec l’association « Femmes Solidaires »,éditrice de la revue trimestrielle Clara, elle se produisaità la Cigale à Paris devant près de 1 000 personnes. Cefut son dernier concert avant le confinement. Ce spec-tacle débutera sa tournée en septembre. Treize nouveauxtextes imprégnés d’humour, de révoltes et d’indignationcontre l’âgisme ambiant, le sexisme, l’arrogance gou-vernementale et pour les solidarités au quotidien.

Comme toujours, Agnès occupela scène avec un sens aigu de lathéâtralité, une expressivité joyeuse,un dynamisme communicatif etstimulant pour la pensée et l’ac-tion. Son expérience nourrit ses engagements pour ladéfense des droits, la justice sociale et contre la stig-matisation des migrants. Philippe Laville • http://agnes-bihl.fr ; la revue Clara, dans son n° 177, traitedans un dossier « Retraites, la révolte des femmes » :www.clara-magazine.fr

Otto Freundlich n’a jamais vécu dans cette ville et c’estpourtant le petit musée Tavet-Delacour de Pontoise quidétient le plus grand nombre au monde d’œuvres de l’artiste.Attaché à ce coin du Val-d’Oise qui avait accueilli les impres-sionnistes, il avait même conçu un projet d’œuvre monu-mentale pour la tombe de Van Gogh à Auvers-sur-Oise. Sacompagne et héritière, la peintre Jeanne Kosnick-Kloss créaen 1957 «  l’Association des Amis d’Otto Freundlich  », avecl’aide de Hans Arp et Sonia Delaunay. L’association prévoyaitde créer  une cité pour artistes à Auvers-sur-Oise. Jeanne

Kosnick-Kloss, décédée en 1966 et enterrée à Auvers, organisala donation de l’atelier d’Otto Freundlich à Pontoise. Depuis1969, ce musée présente des sculptures, peintures, textes,dessins, etc., c’est-à-dire la quasi-totalité des œuvres quin’ont pas été détruites par les Nazis.L’exposition du musée de Montmartre, dont l’un des com-missaires est le directeur du musée Tavet-Delacour, estainsi logiquement constituée de beaucoup d’œuvres venantde ce musée. • Musée Tavet-Delacour, tél. : 01 30 88 02 40, [email protected] (le musée est actuellement fermé pour travaux).

Pourquoi Pontoise ?

Le musée de Montmartre

Page 40: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

40 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

Se remplir les poches ! Se remplir les poches !

Martin Eden (Folio Classique)Martin Eden, un marin de vingtans issu des quartiers pauvresd’Oak land, décide de se cultiverpour faire la conquête d’une jeunebourgeoise. Il se met à écrire,et devient un auteur à succès.Mais l’embourgeoisement ne luiréussit pas...

Chef-d’œuvre de Jack London, ce roman d’ini-tiation raconte la découverte d’une vocation,entre exaltation et mélancolie. Comment sur-vivre à la gloire, et l’unir à l’amour, sans seperdre soi-même ? ❱ Martin Eden, Jack London

La Curée (Le Livre de Poche)Dans La Curée, brûlot contrel'affairisme du Second Empire,Saccard spécule sur les travauxd’Haussmann dont, commisde la Ville, il sait les dessous.On suit l'ascension fulgurantede ce parvenu et la passion in-cestueuse de son épouse, co-queluche du Tout-Paris. Le luxe des réceptionsétourdissantes contraste avec la désolation desimmeubles éventrés. Attrait de plus, les vuesimpressionnistes de la capitale. Un roman deZola toujours actuel par sa dénonciation desliens délétères entre pouvoir et argent. ❱ La Curée, Émile Zola

En bilingueLes aventures d’Alice au pays desmerveilles, pour apprécier les stylesde Lewis Carroll pour un conte quetout le monde connaît mais qui peutencore surprendre (traduit parJacques Papy, préface de PhilippeForrest).

En bilingueJ’avoue que j’ai vécuPablo Neruda livre des sou-venirs de ses jeunes annéesqui prennent une colorationétrange en espagnol chilien(traduit par Claude Couffon).

Les Quarante-cinq (Folio)Alexandre Dumas a conçu un de cesromans qui en disent plus sur l’at-mosphère de ce règne d’Henri IIIque bien des livres d’histoire. La pré-face de Marie Palewska vaut à elleseule la lecture et incite à la relecture. ❱ Les Quarante-cinq, Alexandre Du-mas

Lady Roxana (10/18)Un roman picaresque biendans l’air de ce temps (1724)qui sent la poudre, la révo-lution. Daniel Defoe, connupour son Robinson, trans-forme le héros en héroïnepour faire le portrait d’unefemme libre dans un tempsoù les femmes commencent à s’émanciper.L’heureuse maîtresse est le sous-titre pour nousinciter à ce voyage. ❱ Lady Roxana, Daniel Defoe

Délicieuse (Pocket)La délicieuse vengeance de Mar-tha Delombre, psychologue cri-minelle, trompée après vingt ansde mariage pour une femme plusjeune. Une tragédie amoureusesur fond de réseaux sociaux, de

mythologie grecque et de références à David Bowie.Un thriller psychologique où toutes les étapes dela jalousie sont décrites au scalpel ! ❱ Délicieuse, Marie Neuser

La Veille de presque tout(Babel/Noir)La Galice, ses côtes, sa sauvage-rie et son inspecteur Ibarra quiveut croire, contre le monde etsa barbarie, en l’avenir. Une his-toire qui sape toutes les croyancesen l’être humain et laisse le lec-teur révolté. L’Espagne a du mal – elle n’est pas laseule – avec son passé. ❱ La veille de presque tout, Victor del Arbol, traduit parClaude Bleton

La Sorcière (Babel/Noir)Le temps bouge. Trente ansavant les faits, un meurtred’une fillette, un autre assas-sinat avait été perpétré dansles mêmes lieux. En 1671, leprocès d’une sorcière sert aussila compréhension de l’intrigue.La Suède se débat avec sesdémons. ❱ La Sorcière, Camilla Läckberg,traduit par Rémi Cassaigne

La soif (Folio Policier)Harry Hole semble aller beau-coup mieux et se sent prêt pourune retraite bien méritée. Maisun enquêteur peut-il refuser deconclure une traque commen-cée lors de ses débuts ? Osloet la Norvège ont conser vé dessecrets alors que nous, lecteurs attentifs, avaientl’impression de tout connaître. ❱ La soif, Jo Nesbo

Polars

Hommage. Le Chilien Luis Sepulveda, mort en avril dernier duCovid-19, est dans la lignée des grands auteurs sud-américains, GarciaMarquez ou Neruda. Militant engagé, de gauche, emprisonné sous Pino-chet, défenseur des Amérindiens et des peuples premiers, écologiste,il disait «  L’écrivain est le porte-parole émotionnel de son époque  ». Ilfaut (re)lire son foisonnant premier roman, grand succès international,Le vieux qui lisait des romans d’amour. C’était aussi un merveilleuxconteur, avec notamment Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprità voler, conte tendre et poétique à plusieurs niveaux de lecture pour « enfant de 8 à 88 ans ». Il s’est inspiré de savie militante, sous forme de romans d’aventure historico-policiers, avec L’ombre de ce que nous avons été ou La finde l’histoire. Il est publié en poche aux éditions Métailié ou pour certains romans, au Seuil (collection Points).

Relire les classiques

Contes pour jeunes fillesintrépides (Babel)Lorsque le héros du conte estune héroïne, la lecture se corseet ouvre des perspectives. PralineGay-Para a ouvert les tiroirs deces histoires qui montrent queles jeunes filles sont des vail-lantes combattantes.

❱ Contes pour jeunes filles intrépides, Praline Gay-Parra

Pas si calme (10/18)Un grand roman oublié quieut son heure de gloire en1930. Six jeunes anglaisesembarquées dans la PremièreGuerre mondiale dans le ser-vice ambulancier. Bénévoles,elles souffrent de la faim etd’absence de reconnaissance,engluées dans la barbarie laplus totale. ❱ Pas si calme, Helen Zenna Smith, traduit par Daphné etHenri Bernard

Sous les branches de l’Udala (10/18)Sur fond de guerre civile au Nigeria,l’amour. Mais un amour défendu celuide deux adolescentes. Il faudra du tempspour assumer ses désirs et se trouver.Un roman sur la guerre, sur les préjugéset sur le chemin rocailleux pour se trouver. ❱ Sous les branches de l’Udala, Chinelo Okparanta, tra-duit par Carine Chichereau

Mauvaise nature et Si rudesoit le début (Folio)Javier Marias est l’un desgrands auteurs de l’Espagnepost-franquiste qu’il analysefinement et sait situer ses per-sonnages dans un entre-deuxétrange aux références litté-raires prégnantes. Dans ses nouvellescomme dans ses romans, Marias insiste sur lamémoire. Du passé, personne ne peut faire tablerase sinon l’avenir recule devant le présent. ❱ Mauvaise nature, Nouvelles complètes, Si rude soit ledébut, Javier Cercas traduit par Marie-Odile Fortier-Masek

Littérature

Romans, polars, sciences sociales, livres pour la jeunesse, des classiques à lireou à relire, un florilège non exhaustif, à découvrir. S’en mettre plein les pochespour transformer la Covid-19 en une invitation aux voyages immobiles.

Page 41: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 41

Se remplir les poches ! Se remplir les poches !

Pages réalisées par Nicolas Béniès, Brigitte Cacheux, Sylvie Chardon, Geneviève Chourreu, Cécile Exbrayat, Catie Pillé et Stéphane Rio

L’Ère des extrêmes. Histoire du court XXe siècle (1914-1991)(Agone)Eric Hobsbawm corrige lesamnésies nées de la chutedu mur de Berlin. Refusantla vision désespérée d’un

XXe siècle réduit à une succession de guerres etde massacres, l’historien rappelle les grandes avan-cées de l’humanité : non seulement la chute desempires coloniaux, mais aussi les conquêtessociales issues des luttes ouvrières, ainsi que l’élar-gissement des droits politiques, et bien sûr lesrévolutions dans les domaines des sciences, destechniques et des arts. Synthèse sans équivalent, ce livre s’oppose au pessimisme de la fin de l’histoire et maintientouvertes les perspectives de changement des rap-ports sociaux. ❱ L’Ère des extrêmes. Histoire du court XXe siècle (1914-1991), Eric Hobsbawn

Les principesdu communisme (Éditions sociales)Un texte, écrit par Engels(1847), préparatoire aumagnifique Manifeste duparti communiste. Marx etEngels évoluent rapide-ment et ensemble. La sous-estimation du travail deEngels est une erreur. Ilparticipe pleinement àl’élaboration collective. ❱ Les principes du communisme, Friedrich Engels traduitpar Jean Quétier

Découvrir Bourdieu (Éditions sociales)Simon Lemoine, dans cettecollection « Les propédeu-tiques » a choisi quatorzetextes de Bourdieu pourexpliquer concept et mé -thode du sociologue. Abor-dable et stimulant. ❱ Découvrir Bourdieu, SimonLemoine

Pierre ou les ambiguïtés(L’imaginaire/Gallimard)Si je vous dis Herman Melville,la réponse sera Moby Dick et onoubliera les autres œuvres. En1852, ce roman de révoltés deve-nus assassins a conservé son par-fum de scandale et de dénoncia-

tion d’une société qui, déjà, ne savait plus vivre.❱ Pierre ou les ambiguïtés, Herman Melville, traduitpar Pierre Leyris, traduction revue.

Le Passage du canyon (Babel)Qui sont ces pionniers arrivésdans l’Oregon en 1850 ? ErnestHaycox, connu comme scéna-riste de westerns, décrit cette viedifficile. Il met en lumière laplace fondamentale des femmesqui ne craignent pas l’aventure et ne rechignentpas à la tâche. Portraits superbes, empathiques,qui rendent justice à ces pionnières. JacquesTourneur en fera un film en 1946, un an aprèsla publication du roman. Dans la postface deTavernier il est question du film et de l’auteur.❱ Le Passage du canyon, Ernest Haycox traduit parJean Esch

Fables (Folio)Esope sert souvent de référencepour l’écriture de fables. Quesait-on de sa vie ? Dans cette édi-tion d’Antoine Biscéré, il répondà la question dans la préface. Lamise en contexte donne des in-dications sur le sens de ces his-toires. La différence avec celles

de La Fontaine saute aux yeux. Pour renoueravec un auteur trop souvent cité et oublié.❱ Fables, Esope traduction nouvelle de Julien Bardot

Œuvres complètes (Folio)Qui était François Villon ? Pour-quoi sa notoriété posthume ? Jac-queline Cerquiglini-Toulet, tra-ductrice du vieux français, donnequelques indications dans la pré-face de cette édition bilingue.Redécouvrir Villon est un plaisir rare. Lire duvieux français montre l’évolution de la langue.❱ Œuvres complètes, François Villon, édition deJ. Cerquilgni-Toulet

Noires enfancesDeux enfances, celle d’un enfantguinéen de forgeron qui devien-dra ingénieur – Camara Laye –,celle d’un fils de noble malien– le grand intellectuel AmadouHampâté Bâ, avec des pointscommuns en ce début du XXe siècle : la nature omni-présente, l’insouciance de l’enfance, le poids descoutumes ancestrales, la découverte d’une doubleéducation, celle de la famille et de l’entourage, celledu colonisateur.❱ L’enfant noir, Camara laye, Pocket ; Amkoullel, l’enfantpeul – Amadou Hampâté Bâ, Éditions J’ai Lu.

Voyages insolites : cinq titres pour s’évaderL’Ascension du mont Ventoux de Pétrarque est lerécit épistolaire d’une randonnée et d’un chemi-nement spirituel qui étonne par sa modernité etsa profondeur. Journaliste d’investigation et femmeémancipée, Nelly Bly signe le reportage du Tour dumonde en 72 jours, qu’elle a bouclé, seule, en 1889 !

Publiés par Zweig de 1902 à 1939, les textes de Voyages mènent le lecteur, joyeusementou plus sombrement après 1914, dans diverses villes d’Europe et même dans les tréfonds de laBanque de France… Dans Le Pèlerinage des 88 temples, A. Wilson évoque la route poétique et les rencontresattachantes de deux marcheuses et leur abri nomade au Japon. Voyager est un ouvrage foisonnant et passionnantoù se mêlent récits et méditations d’un Russel Banks aux prises avec la totalité de la vie partout dans le monde.

❱ L’Ascension du mont Ventoux, Pétrarque, Éditions Sillage ; Le Tour du monde en 72 jours, Nelly Bly, Points Documents ; Voyages,Stefan Zweig, Le Livre de Poche ; Le Pèlerinage des 88 temples, Ariane Wilson, Arthaud Poche ; Voyager, Russel Banks, Babel.

Relire les classiques (suite) Sciences socialesDames du XIIe siècle (Folio)Histoire souvent oubliée que celledes femmes. Les entendre au-delàdes siècles est une nécessité pourretrouver notre mémoire. Dubyles entend et les écoute. Nos livresd’histoire s’animent de ces figuresde femmes en butte à la volontédes hommes de les rabaisser et

leur faire subir le poids de tous les péchés. ❱ Dames du XIIe siècle, Georges Duby

Comment écrire l’indicible ?Valentine Goby, en voulant écrire surAuschwitz, avait découvert l’œuvreétrange, magnétique, poétique de Char-lotte Delbo, déportée dans ce camp dela mort à la géographie inconnue, unbarbare nulle part. Delbo avait voulu dompter lesmots, les casser pour leur faire dire l’indicible. Jeme promets d’éclatantes revanches – un titre quivaut beaucoup de romans – se veut « lecture intimede Charlotte Delbo » pour donner envie de lire etde relire sa littérature. Pas une bio au sens propremais un hommage vivant.❱ Je me promets d’éclatantes revanches, ValentineGoby, Babel.

La voix du couteau, Le cercle et la flèche, La guerre du bruit (Pôle Fiction, Gallimard Jeunesse)L’année de ses 13 ans, Todd devient un homme. Ilest le dernier garçon né à Nouveau Monde, uni-quement peuplé d’hommes. Chacun peut y entendrela pensée des autres : le Bruit, incessant, empêchanttoute réflexion personnelle. Todd découvre un lieuoù le Bruit se tait. Histoire d’amour et de libertécette trilogie reste passionnante de bout en bout.❱ La voix du couteau, Le cercle et la flèche, La guerre dubruit, Patrick Ness

Jeunesse

Page 42: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

42 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

ENTRETIEN

comment marche la société dans laquelle ilsarrivent, c’est leur permettre d’acquérir lesoutils qui peuvent leur permettre defonctionner dans la société et en mêmetemps être ouverts sur leur culture. Il mesemble que l’accueil c’est aussi un échange,une ouverture. C’est pour cette raison que jesuis engagée dans SOS Méditerranée.Aujourd’hui la figure du migrant estinstrumentalisée pour stigmatiser desFrançais issus de la deuxième ou troisièmegénération d’immigrants. Il me semble quec’est très dangereux.

L’US Mag : Paradoxalement, le personnage quevous jouez dans « Gloria Mundi » est auxantipodes de vos opinions. Est-ce que ce n’estpas difficile d’incarner des personnages aussiéloignés de ce que vous pensez ? A. A. : Ça ne me pose aucun problème. Aucontraire, j’adorerais jouer une fascisteépouvantable ou une vieille aristocrate. Parcontre, je me refuse à jouer quelque chose

ARIANE ASCARIDE

L’US Mag : En 2019, lorsque vousrecevez le prix d’interprétationféminine pour votre rôle dans« Gloria Mundi », vous dédiez ce prix àces migrants « qui dorment pourl’éternité au fond de la Méditerranée ».Quel est votre regard sur la situationqui leur est faite actuellement ?Ariane Ascarid : Je suis la petitefille d’immigrés italiens qui ont fuileur pays et la misère qui y régnait.Il me semble que c’est une richesseincroyable que d’avoir plusieurscultures. Je pense qu’il est impératifd’accueillir les migrants.Historiquement, la France est unegrande puissance coloniale. Elle asu, quand elle en avait besoin, allerchercher, dans son empire, desétrangers, puisqu’ils n’étaient pasconsidérés comme français, pour lesfaire mourir pendant la PremièreGuerre mais aussi la Seconde guerremondiale pour défendre la« patrie ». Elle a su aussi aller leschercher pour faire des trous dansles rues de la France et reconstruirele pays après 1945. Elle a égalementsu les garder sur le territoire pendantles trente glorieuses parce quec’était une main-d’œuvre qui travaillait duret qui fermait sa gueule. Aujourd’huil’immigration n’est plus seulementéconomique, elle est aussi climatique etpolitique et d’un coup il faut fermer lesfrontières. Je pense que ce n’est pas commeça que le monde va changer et que ce n’estpas une solution. On est inquietsaujourd’hui par rapport à la montée duchômage et on rejette la faute surl’immigré. C’est toujours la faute du dernierarrivé. Ça a toujours été comme ça. Monpère me racontait que quand les Italienssont arrivés à Marseille ils étaient traités devoleurs, de menteurs, de violeurs. Onretrouve aujourd’hui les mêmes discours,les mêmes attitudes. Le problème c’est qu’àun moment on n’a plus le choix, il fautaccueillir. La grandeur d’un pays c’est dedire : « venez ». Et ça, c’est un vrai travail.Accueillir, ça ne veut pas dire : « bienvenueà la maison, faites comme vous voulez ».Accueillir, c’est expliquer à ces gens

de mal écrit. Le plus important àmes yeux, c’est le texte. Auconservatoire, j’ai eu la chance derencontrer des professeursincroyables parmi lesquels AntoineVitez, à la fois un grand théoricien etun grand pédagogue. Il tenaitabsolument à me faire jouer PaulClaudel, un auteur que je n’aimepas. À force de persuasion, il m’aamené à jouer « L’échange ». Etc’est en jouant cet extraitqu’Antoine est parvenu à me fairecomprendre que Claudel n’était passeulement un écrivain catholiquemais aussi un homme qui avait lespieds dans la terre. Pour en revenir à« Gloria Mundi », quand on acommencé à tourner le film, lesgilets jaunes se sont mis en marche.On ne l’a pas fait exprèsévidemment. Les personnages de« Gloria Mundi » auraient pu seretrouver dans les manifestations desgilets jaunes, mais ils sont tellemententravés qu’ils n’y arrivent mêmeplus. Ils vont se retrouver dans descomportements très individualistesou de survie. Robert (NDLR :Robert Guédiguian) a fait ce film

parce qu’il était très énervé. Il n’en pouvaitplus. C’est un film où les dominés ontrepris le discours des dominants, ce qui estpetit à petit rentré dans la tête de tas degens. Il y a des gens qui n’arrivent mêmepas à faire ce qu’ont fait les gilets jaunes. Ilssont dans une attitude complètementindividualiste, dans un petit noyau qui est lafamille. Ils essaient juste de survivre.

L’US Mag : Comment avez-vous perçu cemouvement social qui a traversé la France àpartir de novembre 2018 et qui se prolonged’ailleurs aujourd’hui ?A. A. : J’ai été très admirative. C’est trèsdifficile de faire un mouvement social aussilong. Car ça intervient dans l’intimité desgens, en dehors du fait qu’ils se battentpour des choses auxquelles ils croient. Çame rappelle un film qui racontait les grèvesde 1995, un film de Dominique Cabrera quis’appelle « Nadia et les hippopotames ».C’est l’histoire d’une jeune femme qui est

« Un émiettement de la gauchedans sa pensée

intellectuelle et politique »

© D

R -

ag

atfil

ms

« Le point de vue, c’est l’endroit d’oùvous regardez, donc tout est politique »

Actrice pour le théâtre, le cinéma mais aussi la télévision, Ariane Ascaride n’hésite pas non plus à faireentendre sa voix lorsqu’il s’agit de se mobiliser pour le climat ou pour rappeler le sort fait aux

migrants. Elle revient pour L’US Mag sur son métier, ses engagements et sa perception du monde.

Page 43: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin2020 - US MAGAZINE - 43

complètement en dehors de la politique etqui rencontre des gens qui font des choses,qui s’investissent en politique. Du coup j’aitourné avec des personnes qui avaientvéritablement participé à ce mouvement etqui racontaient comment ce mouvementavait ébranlé leur vie avec des moments deprofonde solidarité, d’amitié et desmontées d’adrénaline, et en vivant enmême temps des choses très dures commedes divorces ou en étant obligés de vendreleur maison. Le mouvement qui a eu lieucette année est un mouvement courageux.Le problème, c’est que je n’arrive pas àvoir le relais au sein des partis politiques.Aucun des partis politiques de gauche n’asu reprendre cette parole, la théoriser etfaire des propositions. C’est terrible, c’estun émiettement de la gauche dans sapensée intellectuelle et politique. Onpatauge. Il faut qu’il y ait une propositionde société, d’espérance. On se retrouve, onéchange, mais il faut plus que ça.

L’US Mag : Mais de ce point de vue les derniersfilms de Robert Guédiguian sont un peusombres, non ?A. A. : Il y a deux sortes de films chezRobert. Il y a des contes, ce sont des filmsqui sont faits pour réenchanter le monde etfaire des propositions. Et puis il y a lesfilms de constat où ilmontre ce qu’il voit lui.Là en ce moment il esten Afrique et il fait unfilm sur un essai derépublique socialiste quia été mis en place après l’indépendance auMali dans les années 70. Pour ma part,j’aimerais bien qu’on refasse une comédie.Pour « Gloria Mundi » c’est ce qu’ilvoulait faire au départ. Elle était écrite. Unjour il est rentré, il a dit : « je ne peux pasfaire une comédie ». Le problème descomédies c’est que c’est plus difficile àfaire. Il faut trouver le bon truc, le bonangle.

L’US Mag : Est-ce que vous diriez que le métierd’acteur présente une dimension politique aumême titre que le cinéma ?Il ne faut pas faire un film pour faire unfilm. Il ne faut pas essayer de le simplifierou de faire un film de propagande. À partirdu moment où vous racontez le monde, çaveut dire que vous avez un regard sur cemonde quel que soit le film que vous faites.Ce que j’appelle le point de vue c’estl’endroit d’où vous regardez, donc tout estnécessairement politique. Quand vousregardez « Autant en emporte le vent » çavous raconte un rapport au monde, ça vousraconte un temps historique, ça vousraconte la manière dont fonctionne lasociété de sud des États-Unis. Quand vousregardez « la Peau douce » de FrançoisTruffaut, qui raconte la liaison entre un

universitaire et une hôtesse de l’air, il y aaussi une dimension politique. Par contre,il y a des films qui sont plus ou moinsengagés. Votre rapport à la société danslaquelle vous vivez est forcément empreintd’un regard politique.

L’US Mag : Vous avez fait des études desociologie. Qu’est-ce que cela vous a apportéet est-ce que cela vous aide pour construirevos personnages  ?A. A. : J’ai beaucoup aimé mes études enfaculté de sociologie. C’est aussi là que j’aiappris à avoir un regard sur le monde danslequel je vivais. Cela m’a servi y comprisdans mon métier d’actrice. Il me sembleque pour raconter une histoire, pourinterpréter un personnage, il faut se poserdes questions sur qui il est, d’où il vient. Ilfaut se questionner sur son parcours,s’interroger sur la tranche sociale à laquelleil appartient. Un acteur doit savoir dansquel monde il vit. Après Aix-en-Provence,j’ai étudié à la Sorbonne. J’ai rédigé unmémoire de maîtrise sur le comportementidéologique des élèves du conservatoirenational supérieur d’art dramatique deParis. J’avais montré qu’on était très peu àvenir de mon milieu. C’est en cela que jeremercie Jacques Rossner, le directeur duconservatoire à l’époque, parce qu’il avait

ouvert cetteinstitution. AntoineVitez comme MarcelBluwal avaient enviede faire entrer desjeunes gens qui

étaient différents, comme aujourd’hui, onfait entrer des jeunes gens de la« diversité » comme on dit. À l’époque, onapparaissait un peu comme des« étrangers ». La plupart du temps, lesélèves du conservatoire venaient defamilles bourgeoises, provinciales,parisiennes. Par ailleurs, il n’était pas rareque lors des concours d’entrée on exigecertains physiques, notamment pour lesfilles. C’est d’ailleurs quelque chose quin’a pas complètement disparu. Le métierd’acteur est très dur de ce point de vuenotamment pour les femmes. Il y a encoredes personnes qui parlent de physique dejeune première, physique de soubrette,physique de tragédienne. Évidemment cen’est pas écrit, cela n’apparaît pasclairement mais c’est dans les mentalités.Si vous êtes laid comme un pou, vous avezmoins de chance de rentrer auConservatoire national de Paris.

L’US Mag : Quel regard portez-vous surles combats féministes actuels ?A. A. : La situation est compliquée. Auniveau de la condition des femmes, noussommes dans un temps très étrange. Il y aune revendication des femmes trèsimportante et qui n’a pas fini. On entend

souvent qu’il s’agit de nous laisser la place.Mais ce n’est pas de ça dont il est questionen réalité. Il faut que les femmes laprennent. Ce n’est pas la même chose. Pourcela, il faut un mouvement fort, puissant,pour balayer des siècles d’entrave et desoumission. C’est une première chose.Surtout, il faut le faire sans dire quel’homme est l’ennemi. Ça ne sert à rien. Ilfaut aussi le faire comprendre aux hommes.Ça fait des siècles, les pauvres, qu’on leurdit qu’ils sont les premiers, donc celarisque de prendre du temps. Il faut changerles mentalités, les manières de penser. Lespremiers combats remontent auxannées 70. Ces évolutions passent par unaccès plus large à la connaissance, à laréflexion, à l’ouverture, à la culture. C’estaussi une histoire de savoir, d’avoir lapossibilité de penser, de réfléchir et doncde choisir. Je suis peut-être d’unegénération où l’école apportait un savoirplus large et aujourd’hui c’est très difficilede ne savoir que par l’école. Si vous nefaites pas partie d’une famille qui a lapossibilité d’avoir accès au savoir, c’estdifficile. À ce moment-là, il y a quelquechose qui se referme et qui est de l’ordre dela régression. Sur l’avortement, il y a de larégression. Il y a aussi de la régressionparce que le planning familial a de grandesdifficultés à avoir des subventions. Quiconnaît aujourd’hui le planningfamilial dans les cités ? Personne. Auniveau de l’État, il faudrait redonner lalumière sur des associations comme leplanning. Parce que le planning ce n’estpas seulement un endroit où vous pouvezaller pour avoir une pilule abortive. C’estun endroit où l’on vous raconte. On vousraconte les droits que vous avez en tant quefemme sur votre corps. Ceci n’est pasforcément pris en charge par l’école. Il n’ya pas de cours où l’on raconte aux garçonset aux filles ce que c’est qu’un acte sexuel.On ne fait pas ça en une demi-heure. Larégression se fait toujours dans les mêmesmilieux et aussi parce qu’on est dans destemps où l’on pense n’importe comment.Cette avancée chez les femmes se fait parà-coup. C’est parfois difficile pour deshommes et des femmes de passer par-dessus des inégalités et des dogmesséculaires. La parité me paraît être unenécessité historique. n

Entretien réalisé par Nicolas Sueur

« La grandeur d'un pays,c'est de dire : “venez” »

QUELQUES DATES◗ 1954 Naissance à Marseille.◗ 1998 César de la meilleure actrice pour Marius

et Jeannette.◗ 2000 La ville est tranquille.◗ 2019 Gloria mundi, film pour lequel elle reçoit

le prix d’interprétation féminine.

Page 44: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

44 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

INTERNATIONAL

En effet, l’État israélien a pour projet d’an-nexer formellement, par le biais d’unacte législatif, une grande partie du ter-

ritoire palestinien qu’il occupe depuis 1967,en l’occurrence la vallée du Jourdain, ce quireprésente 30 % de la Cisjordanie. Ce projetpourrait se concrétiser dès le 1er juillet dansla continuité du « plan de paix » proposé parDonald Trump et son administration en jan-vier 2020.À ce jour, 250 colonies sont implantées enCisjordanie où vivent près de 650 000 colonsisraéliens. La vallée du Jourdain est la régionla plus fertile de Palestine mais 85 % de ceterritoire est sous contrôle des autorités israé-liennes. Au quotidien, les Palestiniens subissentl’occupation et la colonisation. Une nouvelleétape d’annexion se traduirait par une aggra-vation de la situation pour un peuple qui subit,depuis trop longtemps, la dépossession de sesterres et de ses biens. Un conflit politique quiperdure dans un climat de haine et parfois deviolence et pour lequel seule une réponse denature politique doit être apportée afin d’im-

poser le droit et de parvenir à une paix justeet durable entre Palestiniens et Israéliens.

Obtenir un accord de paix globalLe SNES, avec la FSU, a toujours soulignéson attachement à voir la sécurité des deuxpeuples garantie par un accord de paix globalentre deux États respectant à la fois les réso-lutions de l’ONU et l’ensemble des droitsdu peuple palestinien. Le contexte actuel aconduit la FSU à signer la tribune(1) à l’ini-tiative de la plateforme des ONG françaises

ISRAËL/PALESTINE. L’évolution de la situation au Proche-Orient, depuis l’installation à la mi-mai du nouveaugouvernement de coalition avec Benyamin Netanyahou et son Premier ministre d’alternance Benny Gantz, n’estguère synonyme d’apaisement. 

Agir pour empêcher une nouvelle annexionpour empêcher une nouvelle annexion. Inter-pellation forte du gouvernement français etde l’Union européenne : « nous, ONG dedéfense des droits de l’homme, de solidaritéinternationale et organisations syndicales,exigeons de la part de nos représentants uncourage politique et des mesures restrictivesà la hauteur de la gravité de cette menace...Les enjeux sont trop importants pour adopterune approche prudente et attentiste. Nos res-ponsables politiques ont l’obligation d’agiret ils doivent le faire maintenant ». La campagne de mobilisation a été lancéedès le 23 juin et relayée par des parlementairesnationaux et européens. Comme l’a fort jus-tement relevé le Mouvement pour la Paix,dans son communiqué du 16 juin, « qui peutaccepter de voir la justice et la paix ainsibafouées en 2020 avec la caution du pluspuissant État de la planète ? ». n

Odile Cordelier

1. Texte complet de la tribune sur site du SNES,rubrique « International ».

Même si le pays ne semble pas très touchépar la pandémie et ne déplore officiel-lement qu’une vingtaine de morts, le

gouvernement congolais a décidé dès le19 mars la fermeture des crèches, garderies,écoles primaires, collèges, lycées et univer-sités, publics et privés. La continuité péda-gogique a été une illusion que les autoritésn’ont pu maintenir très longtemps. BasileNgoli, secrétaire général de la FETRASSEIC,témoigne : « un enseignement à distance aété organisé à travers la télévision et le jour-nal local. L’impact de ce choix a été mitigédans la mesure où tous les foyers ne disposentpas d’un téléviseur ou d’un branchement ànotre compagnie d’électricité. Même dansles foyers qui disposent d’électricité, lesdélestages sont récurrents rendant impossibleun suivi régulier des cours. Le journal local,faute de papier, a dû arrêter sa parution ».

Une reprise limitée des coursLes écoles ont rouvert le 2 juin pour lesclasses d’examen (CM2, Troisième et Ter-

minale). Pour les autres, la reprise des coursest renvoyée à septembre. Dans les établis-sements scolaires, gestes barrière et port dumasque sont la règle : Germain Mpandzou,du bureau national de la FETRASSEIC,témoigne : «  le port de masque est renduobligatoire même à l’école, avec une amendede 5 000 francs CFA (7,50 euros) pour lescontrevenants, il est certain que dans un pre-mier temps les parents les fourniront à leursenfants ». Le gouvernement a indiqué qu’undispositif de lavage des mains serait déposédans les établissements et que des masquesseraient distribués aux élèves et aux person-nels enseignants. Mais beaucoup d’écoles nedisposent même pas d’un point d’eau.À Brazzaville, ce sont des ONG internatio-nales qui ont pu doter certaines écoles de gelhydroalcoolique.

Une timide reprise d’activitéLe couvre-feu est maintenu de 8 heures dusoir à 5 heures du matin. Les mesures bar-rières s’imposent dans les transports, les lieux

publics, les lieux de travail. Les frontièresrestent fermées.Le gouvernement essaie de repérer les éven-tuels foyers épidémiques. Germain Mpandzouindique que : « dans le cadre de la lutte contrela Covid-19, les tests sont gratuits et le Pre-mier ministre a annoncé l’accroissement dela capacité de dépistage », capacités encoretrès limitées. Néanmoins, le déconfinementa rendu l’espoir aux Congolais qui vivent dusecteur informel et ne pouvaient plus exercerd’activités. À présent dotés de masques, coif-feurs, restaurateurs, chauffeurs de taxi et ven-deurs des rues reprennent leurs activités. Maisbeaucoup d’enfants ou d’adolescents n’ontpas repris le chemin de l’école. n

Elisabeth Jacquet

LA RÉPUBLIQUE DU CONGO. Le SNES-FSU aurait dû commencer en janvier 2020 un projet de coopération avecla FETRASSEIC, centrale syndicale du Congo-Brazzaville, projet qui n’a pu démarrer en raison de la fermeturedes établissements scolaires, conséquence de l’épidémie de la Covid-19.

Entre couvre-feu, déconfinement et reprise des cours

© D

R

© M

iche

l Ang

eloo

p /

Ado

beS

tock

.com

Page 45: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Supplément au no 798 du 13 juin 2020 - US MAGAZINE - 45

BRÉSIL. Sergio Estevam, militant syndical, enseigne la physique et l’informatique à l’écolemunicipale Nany Benute, à la périphérie de la zone nord-Ouest de Sao Paulo.

«  Il faudra faire face à de nombreux traumatismes »

Avec plus de 50 000 décès, le Brésil estle deuxième pays le plus touché par leCovid-19, derrière les États-Unis.

L’US Mag : Comment se passent les coursau Brésil ?Sergio Estevam : Tous les cours en pré-sentiel ont été suspendus et différentesformes d’éducation à distance ont été misesen place : par voie postale ou par des pla-teformes digitales via des conventions avecdes entreprises privées. Il y a clairementune volonté de faire avancer les intérêts desociétés privées. Les professeurs sont passésau distanciel, avec pour conséquence unecharge de travail et un contrôle bien plusimportants qu’avant la pandémie. L’ensei-gnement à distance n’est accessible qu’àenviron la moitié des élèves en plus d’êtretotalement inefficace pour ceux qui n’ontpas les conditions propices pour étudier àla maison, tout particulièrement ceux despériphéries ou des régions les plus touchéespar la pandémie et la crise économique.Cependant, les gouvernements fédérauxpoussent à prendre en compte cette période

de classe à distance et à reprendre les classesau second semestre.

L’US Mag : Quelles sont les conséquencesde la crise sanitaire sur les élèves et lespersonnels de l’éducation ?S E. : La situation sociale s’est aggravée.La fermeture des cantines pèse sur lesfamilles les plus démunies. Une aide finan-cière doit leur être distribuée pour compensermais elle met des semaines, voire des mois,avant de leur parvenir, sans compter quetoutes n’y ont pas droit. Il y a eu des contaminations et des décèschez les personnels qui ont dû continuer àtravailler dans les écoles. Et de toute façon,les enseignants et les élèves sont en contactavec des membres de leurs familles quidoivent sortir travailler et s’exposer auxrisques. La période actuelle est particuliè-rement difficile pour les enfants des quar-tiers périphériques : ce sont leurs parentset leurs frères et sœurs qui souffrent etmeurent du virus et ils sont aussi en proieà une police plus raciste et violente quejamais.

Au retour en classe, nous savons que toutsera différent et qu’il faudra faire face à denombreux traumatismes. n

Propos recueillis par Clémence Longchal et Clarisse Guiraud

Le Danemark, qui a été un des premierspays à organiser le retour en classe desélèves, a aussi décidé de maintenir les exa-

mens aux dates initialement prévues mais lesautres pays ont procédé à des aménagements.Certains pays ont choisi comme la Francede renoncer à des examens terminaux. AuRoyaume-Uni, le « A-level » a été annuléau profit du contrôle continu, tout commele Voorbereidend Wetenschappelijk Onder-wijs (VWO) aux Pays-Bas.

Contrôle continuEn Wallonie, ce sont les conseils de classe,donc les professeurs qui ont suivi les élèvesde « rhéto », qui décideront si ceux-ci doiventobtenir le CESS et accéder aux études supé-rieures. D'autres pays, comme la Suède, l'Irlande ou encore la Slovaquie, ont aussiannulé les écrits en permettant aux élèvesde valider automatiquement ces épreuves.En Allemagne, le choix a été donné àchaque Land de maintenir ou non lesépreuves de l’Abitur. Tous ont décidé que

les élèves passeraient les écrits habituels,qui ne sont pas très nombreux puisque lecontrôle continu représente déjà les deuxtiers de la note finale. En Espagne, le gouvernement a fait un choixdifférent, en reportant les épreuves de l’Eva-luación para el Acceso a la Universidad(EVAU), aussi nommée «  Selectividad  »,l’examen qui permet de rejoindre l’ensei-gnement universitaire. Celui-ci aura lieu àdes dates différentes selon les régions, toutessituées entre le 22 juin et le 10 juillet. Lescandidats auront davantage de choix dans

les sujets qui leur seront proposés, ce quipermettra de tenir compte de l’arrêt des coursà la mi-mars. L’Autriche, l’Irlande, la Grèceet la Finlande ont eux aussi décidé de repous-ser les dates des examens.

ColloquioEn temps normal les élèves italiens passentseulement trois épreuves écrites, l’italien etdeux épreuves de spécialité pour obtenir leur« Diploma di Superamento Dell’Esame diStato Conclusivo dei Corsi di IstruzioneSecondaria Superiore », plus habituellementappelé « maturità », le contrôle continu repré-sentant 25 % de la note finale. Ces épreuvesécrites sont annulées mais l’épreuve emblé-matique en est maintenue : le fameux « col-loquio » qui a inspiré le grand oral à venirl’année prochaine pour les élèves françaisde Terminale. Cette épreuve est très impor-tante pour les Italiens puisqu’elle comptepour 30 % dans l’obtention du diplôme etpour la passer cette année, le port du masquesera obligatoire... n Clarisse Guiraud

© D

R

EUROPE. La plupart des pays européens ont aménagé les diplômes de fins d’études secondaires, équivalents dubaccalauréat français.

Abitur, maturità, selectividad…

© D

R

© D

R

Page 46: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),

Migrantsi

Jeune en dangerDepuis le 28 mai 2020, un lycéen de 18 ans sans-papiers, scolarisé en première année de CAP aulycée horticole de Montreuil, est dans le Centrede rétention de Paris Vincennes. Il est menacéd’expulsion. Arrivé en France à 15 ans en 2016,l’adolescent a été pris en charge par l’Aidesociale à l’enfance, de façon chaotique du fait del’asphyxie des services. Ce jeune a tenté de faireavancer son dossier de régularisation, mais ilétait difficile en ces temps de confinement decontacter la préfecture ! Il a fait appel mais, pourle moment, il est enfermé dans des conditionssanitaires très difficiles, aggravées parl’épidémie. En attendant, ses soutiens continuentde se mobiliser : personnels et élèves du lycée,élus de Montreuil, militants associatifs etsyndicaux. Le SNES-FSU proteste contre cettepolitique indigne et rappelle sa volonté de voirrégulariser tous les sans-papiers.

DROITS ET LIBERTÉS

Le mois de juin est « traditionnellement »celui des prides ou marches des fiertés,dans les régions, où le nombre de mani-

festations a augmenté ces dernières années(en Région Centre, Châteauroux et Vierzonont ainsi vu en 2018 et 2019 des marchesanimer leurs rues), ou à Paris. Pour cause decrise sanitaire, ces marches sont suppriméesou décalées. Celle de Paris aura lieu le7 novembre, avec un parcours moins long :elle n’en restera pas moins marquée par sondouble caractère, festif et revendicatif. Ladate permet de respecter d’autres manifes-tations qui ont lieu avant ou après, commele T-Dor (Transgender Day Of Remem-brance) fin novembre en mémoire de toutesles personnes trans-identitaires assassinées.

Décalées, mais toujours politiquesLe thème de la marche n’est pas encorearrêté : parmi les nombreux sujets possibles,la PMA pour toutes les femmes ou les vio-

lences intrafamiliales dont sont particulière-ment victimes les jeunes LGBT.Le caractère festif des marches est mis enavant par les médias, néanmoins ce sont avanttout des marches pour l’égalité des droits etcontre les violences, qui représentent de véri-tables moyens de pressions pour faire avancerles droits : elles rassemblent des mouvementsattachés à l’égalité des droits, et elles fédèrentaussi des alliés hétérosexuels (qui peuventêtre aussi victimes d’insultes homophobes)ainsi que des personnes LGBT. Les chiffrespubliés par SOS Homophobie dans son rap-port annuel montrent qu’être visible en tantque personne LGBT au travail ou dans lasphère publique, c’est potentiellement s’ex-poser à de la violence ou des discriminations(26 % d’appels en plus sur la ligne d’écoute,des agressions qui ne reculent pas).Participer à ces marches, toutes et tous ensem-ble, c’est bien manifester pour une sociétémeilleure pour chacun. n Olivier Lelarge

PRIDES

Marches des fiertés, plus que jamais

La pandémie a entraîné une crise socio-économique sans précédent. L’augmen-tation significative du nombre de nou-

veaux pauvres en quelques semaines est unsigne de la gravité de la crise sociale à venir.Intérimaires, étudiants, travailleurs précaires,familles monoparentales, se pressent dansles distributions alimentaires. « Les fragilitéset les inégalités sociales sont exacerbées »,explique le Défenseur des Droits, JacquesToubon, et « les enfants ont faim ». La fer-meture des cantines dans une grande majoritédes établissements scolaires est une catas-trophe car, rappelle-t-il : « l’accès à la res-tauration est un levier du droit à l’éduca-

tion ». Pour nombre d’élèves, c’est souventaussi « l’absence d’un repas principal équi-libré ». Et pour les familles en difficulté, cesont des enfants à nourrir. Double peine pources 13,4 % de la population : à la crainte duvirus s’ajoute celle de tomber encore plusdans la pauvreté. Et ce, dans le septième paysle plus riche du monde !

Le prix de la dignité Dans le monde, un demi-milliard de personnessupplémentaires (6 à 8 % de la populationmondiale) pourraient basculer dans le dénue-ment, alerte l’ONG Oxfam. Ainsi, dans cer-tains pays, des millions des travailleurs de

l’ombre se sont trouvés brutalement confrontésà l’absence de revenus du fait du confinement.« Plus de la moitié de la population mondialepourrait désormais vivre sous le seuil de pau-vreté à la suite de la pandémie », souligne lerapport intitulé « Le prix de la dignité » (8 avril2020). L’ONG appelle à l’adoption d’un plande sauvetage économique pour toutes et tousafin de maintenir les pays et communautéspauvres à flot. Mais pour lutter durablementcontre la pauvreté, il faut des mesures struc-turelles comme, notamment, la fin du pillagedes ressources, de l’échange inégal et de lapression de l’endettement. n

Marylène Cahouet

PAUVRETÉ

Situation alarmante à travers le monde

46 - US MAGAZINE - Supplément au no 798 du 13 juin 2020

TARIFS : 1 ligne = 10 € pour les adhérents ou abonnés au SNES-FSU • 1 ligne = 15 € pour les autres annonceurs • 1 espace entrechaque mot compte pour un caractère • Chaque ligne comprend 30 à 50 signes et intervalles.

SNES-FSU – SERVICE PETITES ANNONCES – Tél. : 01 40 63 28 00 – 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13

LOCATIONSVenise/Florence/Rome centre, par-ticulier loue appartements, 2 à 6 pers.Tél. 04 73 33 55 95(20230) Corse, loue maison du 1er au15/ 07. Tél. 06 50 14 98 02 (06) La Napoule, 9 km Cannes, loueF2 calme, gd balcon, vue mer, garage,piscine. Tél. 06 77 75 41 31

(66190) Collioure, coll. loue apparte-ment 6 personnes, 600 €/sem. À partirdu mois d’octobre. Tél. 06 22 68 5551(75018) Paris-Montmartre, à louer,toutes périodes, 2 pièces agréableet calme, 5 minutes métros, 65 €/nuit,330 €/s. TTC. [email protected]él. 06 74 57 11 58(Lot) Vallée du Célé, loue gîte,de juin à septembre, 4 personnes,300 à 400 €/sem. Tél. 07 86 27 92 73

(33) Arcachon, loue F2 neuf, centre,250 m plage. Tél. 06 04 07 98 41 (64) Saint-Jean-de-Luz, loue F2, centre,50 m plage-thalasso. Tél. 06 04 07 98 41 Bassin d’Arcachon-Claouey, louemaison 4-6 pers., confort, forêt/bas-sin/océan. Tél. 07 82 44 21 76 (66) Pyrénées, Vallespir, village enmont., loue studio 37 m2, juillet-août,350 €/quinz., 200 €/sem. Tél. 06 8303 93 62 (message laissé).

(24) Périgord, près de Sarlat, louegîte 6/7 pers., libre mois de juillet.Prix enseignants. Tél. 06 78 73 17 35 La Grande-Motte, loue studio-cabineavec terrasse dans petite résidence,4 couchages, 300 m plage et 5 min àpied du centre. Parking sécurisé.300 €/semaine en juin-septembre et400 €/semaine en juillet. Tél. 04 70 29 34 03

© S

teph

ane

Bon

nel /

Ado

be S

tock

.com

Page 47: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),
Page 48: COUV 798 797 · Elles peuvent être assurées « en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école/collège),