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Couverture : MisteratomicTraduction : Jean-Louis Clauzier et Laurence

Coutrot © 2016 by World Economic Forum – All rights

reserved.Title of the English original version :

“The Fourth Industrial Revolution”, published2016.

This translation of “The Fourth IndustrialRevolution”

is published by arrangement with the WorldEconomic Forum, Cologny, Switzerland.

© Dunod, Malakoff, 2017, pour la

traduction française.Dunod, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff

www.dunod.comISBN : 978-2-10-076997-1

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Sommaire

Couverture

Page de titre

Copyright

Préface

Introduction

1 La Quatrième Révolution Industrielle

Le contexte historique

Un changement profond et systémique

2 Les éléments moteurs

Les mégatendances

Des points de bascule

3 L’impact

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L’économie

Les entreprises

Le national et le global

La société

L’individu

Les voies de l’avenir

Remerciements

Annexes : Mutations profondes

1 : Les technologies implantables

2 : Notre présence numérique

3 : La vision, nouvelle interface

4 : Internet comme habit

5 : L’informatique omniprésente

6 : Un superordinateur dans votre poche

7 : Le stockage pour tous

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8 : L’Internet des objets

9 : La maison connectée

10 : Des villes intelligentes

11 : Le big data pour l’aide à la prise dedécision

12 : Les voitures autonomes

13 : L’intelligence artificielle et la prise dedécision

14 : L’intelligence artificielle et le travailadministratif

15 : La robotique et les services

16 : Le bitcoin et la blockchain

17 : L’économie de partage

18 : Les gouvernements et la blockchain

19 : L’impression et la fabrication 3D

20 : L’impression 3D et la santé

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21 : L’impression 3D et les produits deconsommation

22 : Des êtres humains sur mesure

23 : Les neurotechnologies

Notes

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Préface

Dans son Dictionnaire des idées reçues,Gustave Flaubert aurait pu ajouter une entréeutile, quoique moins courante il y a cent ans :« Visionnaire : l’écouter quand il parle ».

Klaus Schwab a toujours eu une presciencedes mouvements à venir et des forces qui, demanière sourde et puissante, travaillent nossociétés modernes.

Lorsqu’il fonde le World Economic Forum, ila déjà cette volonté absolue de convierl’ensemble des esprits et forces vives – nos amisanglophones parleraient des stakeholders – àréfléchir, débattre et construire. Les entreprisesbien sûr, elles qui sont aux premières loges del’innovation, mais également les gouvernements,les universitaires, les syndicats, les ONG et tousles représentants de la société civile – y comprisles plus jeunes, le Forum ayant montré la voie

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aux entreprises en promouvant les Young GlobalLeaders.

La méthode est connue et explique le succèsdu Forum : peser de manière concrète, entravaillant à l’amélioration du monde(« committed to improving the state of theworld »). Klaus Schwab s’est toujours soucié dulien avec la réalité et ne s’est jamais contenté deformuler des idées théoriques. Lucide, il n’hésitepas à rappeler aux chefs d’État – toujours avecrespect – des vérités difficiles à dire.

La longévité d’un tel succès est remarquableelle aussi. Depuis 45 ans déjà, il a su fairefructifier la justesse de son intuition originelle enprenant des risques, en questionnantcontinuellement, de manière à toujours faireévoluer le Forum pour garder un temps d’avancesur la société et sur l’avenir.

C’est ainsi que le Forum a accueilli très tôtdes débats qui dépassaient les cadres nationauxpour interpeller l’ensemble du monde. Dès 1992,quelques mois seulement après l’abolition del’apartheid et en pleine phase de transition,Nelson Mandela, le président sud-africainFrederik de Klerk et le chef zoulou MangosuthuButhelezi se rencontraient pour la première foisà l’étranger, lors de la réunion annuelle du World

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Economic Forum à Davos. Deux ans plus tard etdans le même cadre, Shimon Peres, alorsministre israélien des Affaires étrangères, et lechef de l’OLP Yasser Arafat concluaient unprojet d’accord sur Gaza et Jéricho, quicomplétera le processus d’Oslo.

Sans surprise, le Forum a également perçubien en amont certains changements deparadigme en matière économique et industrielle– au premier chef le numérique, en invitant defaçon précoce des start-up – et il s’estcontinuellement attaché à suggérer de nouveauxangles d’action et réflexion.

Aussi, lorsque le Professeur Schwab nousencourage à penser l’avenir de la sociétéindustrielle, je ne pouvais qu’être intéressé – etnaturellement flatté de l’honneur qui m’était faità travers l’écriture de ces lignes.

Cet ouvrage condense, de manière didactiqueet riche en exemples concrets, une réflexion tousazimuts sur la plus formidable révolutionindustrielle : la quatrième du nom – celle d’unmonde connecté.

Par bien des aspects, la science-fiction d’hiera résolument pénétré l’ensemble de nos activités,qu’elles soient quotidiennes, augmentées ou

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virtuelles. Cette accélération fulgurante, loin dese résumer à une différence de degré, constitueun véritable changement de nature – un nouveauréférentiel pour l’homme, qui doit réinventer samanière de vivre, de travailler, de consommer etde faire société.

Même à l’échelle des grandes étapes del’Humanité, toutes marquées par de profondes« disruptions » – chasseurs-cueilleurs,agriculture puis trois révolutions industrielles :vapeur, électricité et numérique –, cetterévolution revêt un caractère absolumentsingulier.

Jamais le rythme de l’innovation n’aura étéaussi soutenu ; et ce, dans tous les secteurs del’économie, qu’ils soient industriels(automobile, énergie, transport, etc.) ou deservices (banque, assurance, communication,hôtellerie, etc.). Tandis que les « disruptions »technologiques associées à cette nouvellerévolution (intelligence artificielle, Internet desobjets, impression 3D, etc.) ont un caractèreadditif qui démultiplie leur impact, fleuronsindustriels, laboratoires et start-up s’affrontentdésormais sur un champ de bataille des idéesdont les règles ont profondément évolué :d’emblée globalisé, accordant une prime

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déterminante aux pionniers et à la vitesse, et entenant compte d’un client devenu coproducteurdes produits et des marques – le consommateur.

Jamais non plus la diffusion de cesinnovations à l’ensemble de la sociétémondialisée n’aura été si rapide, avec, en lignede mire à l’horizon d’une décennie, unemultiplication des points de bascule, cesmoments particuliers où une technologie sediffuse au plus grand nombre et change ainsinotre quotidien pour de bon ; pensez ausmartphone.

Quel meilleur témoin érudit que KlausSchwab pour esquisser le prodigieux dividendesociétal – le Professeur est un optimisteirréductible – qui pourrait en résulter, maiségalement pour tirer avec force la sonnetted’alarme ?

En effet, nos sociétés, confrontées à un telrythme d’innovation, peinent à prendre lavéritable mesure de ces bouleversementscomplexes et interdépendants. Emploi,individualisme, partage, inégalités, valeurajoutée, contrôle des données, vivre ensemble etéthique : cette Quatrième Révolution Industrielleinterroge l’ensemble de notre société, voire lamenace, lorsque des technologies comme

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l’intelligence artificielle seraient susceptiblesd’échapper au contrôle de l’homme. Rappelez-vous HAL, l’ordinateur de 2001 : l’Odyssée del’espace, prenant le contrôle du vaisseau spatial.

Notre responsabilité à venir sera parconséquent colossale et collective. Citoyens,investisseurs, décideurs économiques etresponsables politiques devront définir le cadrequi ménagera la place et la liberté de l’hommedans ce monde 4.0. Cette révolution n’est passeulement industrielle. Elle touche l’organisationde la vie en société, le travail, le quotidien dechacun. Elle intervient dans les plus petitsdétails de notre vie et interroge notrefonctionnement dans l’avenir. Pas seulementcelui des entreprises. Plus sûrement que lapolitique ou les sciences humaines, elle annonceun profond changement de société.

À la lumière de son unique expérience, à lacroisée des mondes, le Professeur Schwab nousinvite à adopter une approche holistique de cesenjeux et il propose plusieurs axes de réflexionqui permettront de façonner ce futur en traind’éclore autour des notions d’humanisme, deprospérité et d’émancipation.

Enfin, je ne peux qu’être extrêmementsensible au fait que Klaus Schwab ait souhaité

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traduire son livre en français. J’ai la convictionque la France est dotée de formidables atoutsdans le contexte de cette Quatrième RévolutionIndustrielle – les sciences bien sûr, danslesquelles elle excelle et qui sont le fondementmême de ce bouleversement, mais égalementune capacité à penser avec indépendance lesenjeux sociétaux qui s’annoncent, que ce soientles inégalités ou les données. Klaus Schwab estun francophile et il me semble essentield’entendre ses propos tout à la fois lucides,véridiques et pleins d’encouragementsbienveillants.

Depuis le premier choc pétrolier qui marquala fin des Trente Glorieuses, un slogan revient augré des aléas politiques et économiques : « LaFrance n’a pas de pétrole mais elle a des idées. »Cette révolution reste balbutiante et ouverte, ilne tient qu’à nous de nous en saisir !

Maurice LévyPrésident du Directoire Publicis Groupe

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Introduction

De tous les défis multiples et fascinantsauxquels nous sommes confrontés aujourd’hui,le plus important est de comprendre et orienterla nouvelle révolution technologique, quin’implique rien de moins qu’une transformationde l’humanité. Nous sommes à l’aube d’unerévolution qui bouleverse déjà notre manière devivre, de travailler et de faire société. Cephénomène inédit par son envergure et sacomplexité constitue ce que je considère commela Quatrième Révolution Industrielle.

Nous sommes encore loin d’avoir saisipleinement la rapidité et l’ampleur de cettenouvelle révolution. Ainsi, des possibilitésinfinies s’ouvrent dès lors que des milliards depersonnes sont connectées sur des appareilsmobiles, offrant une puissance de traitement, descapacités de stockage et un accès à l’information

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sans précédent. De même, la convergencevertigineuse des percées technologiques couvred’immenses domaines : l’intelligence artificielle(IA), la robotique, l’Internet des objets (IdO), lesvéhicules autonomes, l’impression en 3D, lesnanotechnologies, les biotechnologies, lessciences des matériaux, le stockage d’énergie etl’informatique quantique, pour ne citer queceux-là. La plupart de ces innovations en sontencore à leurs balbutiements, mais déjà leurdéveloppement atteint un point d’inflexion ;elles se renforcent, se nourrissent les unes lesautres, aboutissant à une fusion des technologiesdes mondes physique, numérique et biologique.

Nous assistons à une recomposition de tousles secteurs industriels, avec l’émergence denouveaux business models, la disruption desacteurs en place et la restructuration dessystèmes de production, consommation,transport et livraison. Sur le plan sociétal, unchangement de paradigme affecte notre manièrede travailler et de communiquer, mais aussi denous exprimer, de nous informer et de nousdivertir. Les systèmes politiques etinstitutionnels se trouvent remodelés, toutcomme l’éducation, la santé ou le transport. Latechnologie devient également un moyen de

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modifier notre comportement et nos systèmes deproduction et de consommation ; elle permet decontribuer à la régénération et à la préservationde l’environnement, plutôt que de créer desexternalités négatives, et tous les coûts cachésque cela entraîne.

L’ampleur, la rapidité et la portée de ceschangements sont historiques.

L’incertitude qui entoure l’évolution etl’adoption des technologies émergentes est telleque l’on ignore encore les effets destransformations provoquées par cette révolutionindustrielle : leur complexité, leur transversalitéimpliquent que tous les acteurs – du mondepolitique, économique, universitaire et de lasociété civile – s’unissent pour mieuxcomprendre les tendances émergentes. Un cadrede compréhension nouveau est nécessaire sinous voulons bâtir un avenir collectif porteurd’objectifs et de valeurs communs. Il nous fautparvenir à une vision d’ensemble, largementpartagée, concernant l’impact de la technologiesur notre vie et celle des générations futures, etsur le contexte économique, social, culturel ethumain actuel.

Ces bouleversements sont extrêmementprofonds : jamais l’humanité n’a connu

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d’époque à la fois si prometteuse et sidangereuse. Je m’inquiète, cependant, deconstater que trop de décideurs demeurentprisonniers d’un mode de raisonnementtraditionnel, linéaire (ignorant la disruption) ;trop pris par leurs obligations immédiates, ils neparviennent pas à développer une penséestratégique sur les forces de disruption etd’innovation qui orientent notre avenir.

Je suis bien conscient que certainsuniversitaires et dirigeants considèrent cestendances comme le simple prolongement de latroisième révolution industrielle. Toutefois, troisraisons renforcent ma conviction qu’unequatrième révolution distincte se dessine :

Rapidité : contrairement aux révolutionsindustrielles précédentes, celle-ci se déploie àune vitesse exponentielle et non linéaire, parceque nous vivons dans un monde aux multiplesfacettes, profondément interconnecté : chaquetechnologie nouvelle en engendre d’autres,encore plus puissantes.

Ampleur et profondeur : la révolutionnumérique est à la racine de la révolutionactuelle qui combine diverses technologies,entraînant un changement de paradigme sansprécédent dans le domaine économique et social,

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dans le monde des affaires, mais aussi sur leplan individuel : ce ne sont pas seulement le« quoi » et le « comment » de notre manière defaire qui se trouvent bouleversés, maiségalement « qui » nous sommes.

Impact systémique : cette révolutionimplique une transformation de systèmes entiers,à travers (et à l’intérieur) des pays, desentreprises et tous les pans de la société.

En écrivant ce livre, mon intention est deproposer une vue d’ensemble de la QuatrièmeRévolution Industrielle : ce qu’elle est, cequ’elle va nous apporter, comment elle nousimpactera, et ce que pouvons faire pourl’orienter afin qu’elle bénéficie à tous. Ce livres’adresse à tous ceux qui s’intéressent à notreavenir et désirent saisir les opportunités offertespar ces changements révolutionnaires pourtravailler à l’amélioration du monde.

Mon objectif est triple :– sensibiliser au caractère global et à la

rapidité de la révolution technologique etde ses multiples impacts ;

– élaborer un cadre de réflexion pour pensercette révolution technologique, identifier

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les problèmes qu’elle pose, les réponsespossibles ;

– créer une plateforme qui suscite lacoopération et les partenariats public-privéautour de questions liées à la révolutiontechnologique.

Avant tout, ce livre vise à montrer comment latechnologie peut coexister avec la société. Latechnologie n’est pas une force exogène surlaquelle nous n’aurions aucune prise. Nous nesommes pas prisonniers d’une alternative binaireentre « accepter et supporter » d’un côté et« refuser et s’en passer » de l’autre. Il s’agitplutôt de prendre ces bouleversementstechnologiques comme une invitation àreconsidérer qui nous sommes et comment nousvoyons le monde. Plus nous réfléchirons à lamanière de maîtriser la révolutiontechnologique, plus nous reviendrons sur nous-mêmes et examinerons les modèles sociauxsous-jacents à ces technologies, et plus nousserons à même d’orienter la révolution demanière à améliorer l’état du monde.

Orienter la Quatrième Révolution Industriellede sorte qu’elle soit libératrice et centrée surl’humain, et non source de division etdéshumanisante : cette tâche ne saurait être le

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fait d’un seul acteur, d’un seul secteur, d’uneseule région, industrie ou culture. Par sa naturefondamentale et globale, cette révolutionaffectera – et sera en retour influencée par – tousles pays, toutes les économies, tous les secteurset tous les peuples. C’est pourquoi il est essentielde mettre notre énergie au service d’unecoopération entre tous les acteurs de cetteQuatrième Révolution Industrielle, qu’ils soientuniversitaires, politiques, membres de la sociétécivile ou encore industriels. Ces interactions etcollaborations sont indispensables à laconstruction d’un récit positif, commun etporteur d’espoir, permettant aux individus et auxgroupes du monde entier de participer auxtransformations en cours et d’en bénéficier.

L’essentiel des informations, ainsi que mapropre analyse, présentées dans ce livres’appuient sur les projets et initiatives actuels duWorld Economic Forum. Elles ont été élaborées,discutées et débattues lors des réunions etévénements récemment organisés par le Forum.Ce livre propose également un cadre deréflexion et d’action afin d’élaborer les futuresactivités du World Economic Forum. Je me suisaussi inspiré de mes nombreux entretiens avecdes leaders du monde de l’industrie, de la

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politique, de la société civile, du mondeacadémique et de la recherche, ainsi qu’avec despionniers de la technologie mais aussi de lajeune génération. En un sens, ce livre est le fruitd’une production participative, d’uncrowdsourcing pour employer le terme anglo-saxon, le produit de l’intelligence collective descommunautés qui participent au Forum.

Cet ouvrage est divisé en trois chapitres. Lepremier est une présentation générale de laQuatrième Révolution Industrielle. Le deuxièmeaborde les principales transformationstechnologiques. Le troisième approfondit etidentifie l’impact de la révolution et certains desdéfis politiques qu’elle implique. Je conclus enproposant des idées et solutions pratiques sur lameilleure manière d’adapter, orienter etcontrôler le potentiel de cette puissantetransformation.

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La Quatrième RévolutionIndustrielle

Le contexte historique

Par « révolution », on entend un changementbrusque et radical. L’histoire est ponctuée derévolutions ; à chaque fois, une innovationtechnologique ou une idéologie nouvelledéclenche une transformation en profondeur desstructures économiques et sociales.Historiquement, les révolutions impliquant deschangements radicaux peuvent s’étaler sur desannées.

La première mutation importante de notremode de vie, il y a 10 000 ans environ, lors du

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passage de la vie de chasseur-cueilleur à celled’agriculteur, a été rendue possible par ladomestication de certains animaux. Larévolution de l’agriculture est née en associantl’effort animal et l’effort humain pour laproduction, le transport et les communications.Peu à peu, la production alimentaire s’estaméliorée, entraînant la croissancedémographique et la concentration despopulations, d’où le processus d’urbanisation etl’essor des villes.

À la révolution de l’agriculture succède, àpartir de la seconde moitié du XVIII siècle, unesérie de révolutions industrielles. Dans unpremier temps, à la force musculaire succèdel’énergie mécanique ; aujourd’hui, avec laQuatrième Révolution Industrielle, c’est lapuissance de l’intelligence augmentée qui vientrenforcer la capacité de production.

La première révolution industrielle couvre lapériode allant de 1760 à 1840. Déclenchée parl’invention de la machine à vapeur et laconstruction des chemins de fer, elle inaugurel’ère de la production mécanisée. La deuxièmerévolution industrielle couvre la fin duXIX siècle et le début du XX : elle permet laproduction de masse, avec l’électricité et les

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chaînes de montage. Émergeant dans les années1960, la troisième révolution industrielle est engénéral appelée révolution informatique ounumérique : elle est catalysée par ledéveloppement des semi-conducteurs, avecl’ordinateur mainframe ou ordinateur central(années 1960), l’ordinateur personnel (années1970 et 1980) puis Internet (années 1990).

J’ai bien conscience des controversesscientifiques autour de la définition des troispremières révolutions industrielles, et je pensefermement que nous sommes aujourd’hui àl’aube d’une Quatrième Révolution Industrielle.Née au tournant de ce siècle, dans leprolongement de la révolution numérique, elle secaractérise par la présence universelle d’Internetsous sa forme mobile, par des capteurs toujoursplus petits, plus puissants et moins chers, et parl’apparition de l’intelligence artificielle et del’apprentissage automatique (machine learning).

Les technologies numériques avec leurséquipements informatiques, leurs logiciels etleurs réseaux ne datent pas d’hier ; ce qui romptavec la troisième révolution industrielle, c’estleur complexité et leur intégration toujourscroissantes, qui bouleversent les sociétés etl’économie mondiale. De là, l’expression d’un

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« deuxième âge de la machine », utilisée pardeux chercheurs du Massachusetts Institute ofTechnology (MIT), Erik Brynjolfsson et AndrewMcAfee, pour qualifier notre époque ; d’aprèseux, le monde se trouve à un point d’inflexion,et l’effet de ces technologies numériques va semanifester dans « toute sa puissance » parl’automatisation et donner naissance à « deschoses sans précédent ».

On discute actuellement en Allemagne del’« Industrie 4.0 », terme forgé en 2011 lors laFoire de Hanovre pour décrire la manière dontces transformations vont bouleverser toutes lesfilières de l’économie mondiale. En inaugurantl’« usine intelligente », la Quatrième RévolutionIndustrielle crée un monde où les systèmesvirtuels et physiques de production du mondeentier coopéreront de manière flexible : onpourra ainsi personnaliser intégralement lesproduits et créer de nouveaux modèles defonctionnement.

Pourtant, la portée de la QuatrièmeRévolution Industrielle va bien au-delà dessystèmes et des machines intelligentes etconnectées. On assiste à plusieurs vaguesd’innovations simultanées dans toutes sortes dedomaines, du séquençage génétique aux

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nanotechnologies, des énergies renouvelables àl’informatique quantique. C’est la fusion destechnologies et leur interaction simultanée dansle monde physique, numérique et biologique quiconstitue l’originalité de cette QuatrièmeRévolution Industrielle.

Cette fois, les technologies émergentes et lesinnovations transversales se diffusent bien plusvite et plus largement que lors des révolutionsprécédentes, lesquelles continuent à sedévelopper dans certains pays. La deuxièmerévolution industrielle n’a pas encore atteint17 % de la population mondiale : près de1,3 milliard de personnes n’ont toujours pasaccès à l’électricité. Il en va de même pour latroisième révolution industrielle : plus de lamoitié de la population mondiale – 4 milliardsd’individus –, pour la majeure partie dans lespays en développement, n’a pas accès à Internet.La navette volante, emblème de la premièrerévolution industrielle, a mis près de 120 ans àse diffuser hors d’Europe. Il a fallu moins d’unedécennie à Internet pour envahir la planète.

La leçon de la première révolution industrielleest encore valable : le niveau d’adoption del’innovation technologique par la société est undéterminant majeur du progrès. Les

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administrations et institutions publiques, toutcomme le secteur privé, ont leur rôle à jouer,mais il est aussi essentiel que les citoyens enperçoivent les bénéfices à long terme.

Je suis fermement convaincu que laQuatrième Révolution Industrielle sera aussipuissante que les trois précédentes, et qu’elleaura un impact et une importance historiqueéquivalents. Toutefois, deux éléments principauxme préoccupent, qui sont susceptiblesd’empêcher cette révolution de se réaliser defaçon pleine et cohérente.

Tout d’abord, dans tous les secteurs, leleadership et la compréhension desbouleversements en cours me semblentinsuffisants : il est impératif de repenser nossystèmes économiques, sociaux et politiquespour faire face à cette nouvelle révolutionindustrielle. Au niveau national comme auniveau mondial, le cadre institutionnel requispour piloter la diffusion des innovations et enatténuer les effets disruptifs est faible, voireinexistant.

Ensuite, le monde a besoin d’un récit collectif,cohérent et positif exposant les problèmes et lesespoirs nés de la Quatrième RévolutionIndustrielle ; un tel récit est indispensable si

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nous voulons donner un pouvoir d’initiative auxindividus et aux diverses communautés et éviterun rejet populaire des transformations qui ontcommencé.

Un changement profondet systémique

Notre hypothèse de départ est que la technologieet le numérique vont tout révolutionner. « Cettefois, c’est différent » : ce vieil adage, tropsouvent galvaudé, prend tout son sensaujourd’hui. Des innovations technologiquesmajeures sont sur le point de provoquerd’immenses bouleversements dans le mondeentier. C’est inévitable.

Au vu de l’ampleur et de la portée deschangements, on comprend pourquoil’impression de « disruption » et de nouveautéest si vive. Tant par son développement que parsa diffusion, l’innovation est plus rapide quejamais. Les « disrupteurs » d’aujourd’hui,Airbnb, Uber, Alibaba, etc., universellementconnus, étaient quasi inconnus il y a quelquesannées à peine. L’omniprésent iPhone n’a été

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lancé qu’en 2007. Fin 2015, on comptait plus de2 milliards de smartphones. En 2010, Google aannoncé sa première voiture entièrementautonome. Sous peu, ces véhicules envahirontles routes.

On pourrait multiplier les exemples. Pourtantla vitesse n’est pas seule en cause : lesrendements d’échelle sont eux aussiimpressionnants. Grâce à la numérisation quipermet l’automatisation, les entrepriseséchappent (du moins en partie) aux rendementsd’échelle décroissants. Pour s’en faire une idée,il suffit de comparer Détroit en 1990 (alorscapitale des industries traditionnelles) avec laSilicon Valley de 2014. En 1990, les trois plusgrosses entreprises de Détroit avaient unecapitalisation boursière cumulée de 36 milliardsde dollars, un chiffre d’affaires de 250 milliardsde dollars et 1,2 million de salariés. En 2014, lestrois principaux géants de la Silicon Valleyavaient une capitalisation boursière bien plusélevée (1 090 milliards de dollars), généraient àpeu près le même chiffre d’affaires(247 milliards de dollars), mais avec environ10 fois moins d’employés (137 000 ) .

Aujourd’hui, il faut beaucoup moins desalariés pour créer une unité de valeur qu’il y a

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10 ou 15 ans, car, dans le numérique, les coûtsmarginaux des entreprises tendent vers zéro. Deplus, à l’ère du numérique, nombre d’entreprisesfournissent des « biens et servicesd’information », avec des coûts de stockage, detransport et de reproduction quasi nuls. Dans lesnouvelles technologies, certaines entreprisesdisruptrices n’ont besoin que d’un capital réduitpour prospérer. Ainsi, Instagram ou WhatsAppont démarré avec un financement minime : avecla Quatrième Révolution Industrielle, le rôle ducapital et la taille des entreprises changent.D’une manière générale, la recherche derendements d’échelle croissants incite lesentreprises à grandir et entraîne deschangements transsectoriels.

Ce qui fait la spécificité de la QuatrièmeRévolution Industrielle, outre sa rapidité et sonenvergure inédites, c’est son caractèretransversal, avec la coordination et l’intégrationcroissantes de multiples découvertes venant dechamps divers. Les innovations tangibles néesde la conjonction de différentes technologies nerelèvent plus de la science-fiction. Ainsi, lestechnologies de fabrication numériquess’immiscent aujourd’hui dans le domainebiologique.

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Déjà, certains designers et architectes mêlentconception informatique, impression 3D, géniedes matériaux et biologie de synthèse pourinventer des systèmes dans lesquels interagissentdes micro-organismes, notre corps, les produitsque nous consommons, et même les bâtimentsoù nous habitons. Ce faisant, ils fabriquent (ouparfois même « font pousser ») des objetscapables d’évoluer et de s’adapter enpermanence (faculté jusqu’ici réservée auxorganismes vivants).

Dans Le Deuxième âge de la machine,Brynjolfsson et McAfee affirment que lesordinateurs sont si agiles qu’il est quasiimpossible de prédire à quoi ils serviront souspeu. L’intelligence artificielle (IA) estomniprésente : voitures et drones autonomes,assistants virtuels ou encore logiciels detraduction. Tout cela est en train de bouleversernotre existence. Grâce à l’explosion de lapuissance de calcul et aux ressources des basesde données, l’IA a fait des progrèsimpressionnants, des logiciels permettant dedécouvrir de nouveaux médicaments auxalgorithmes prédicteurs de nos préférences enmatière culturelle. La plupart de ces algorithmesse nourrissent de nos traces, ces « petits

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cailloux » que nous semons en parcourant lemonde numérique. Il en résulte de nouveauxtypes d’apprentissage automatique et dedécouverte automatisée, qui permettent à desrobots et à des ordinateurs « intelligents » des’autoprogrammer et de trouver des solutionsoptimales à partir de principes élémentaires.

Des applications telles que Siri, développéepar Apple, donnent une idée de la puissance desassistants « intelligents ». Ceux-ci ontcommencé à émerger il y a seulement quelquesannées. Aujourd’hui, la reconnaissance vocale etl’intelligence artificielle progressent sirapidement que parler aux ordinateurs deviendrabientôt la norme. On assistera à la naissance dece que certains technologues appellent « ambientcomputing » (informatique omniprésente) : cesrobots assistants personnels seront constammentà disposition pour prendre des notes et répondreaux demandes des usagers. Toujours plusintégrés à notre écosystème personnel, nosappareils seront à notre écoute, anticiperont nosbesoins et nous aideront si nécessaire, sansmême qu’on le leur demande.

Les inégalités, défi systémique

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Les bienfaits que l’on peut attendre de laQuatrième Révolution Industrielle sont à lamesure des risques qu’elle soulève. À cet égard,le creusement des inégalités est particulièrementpréoccupant.

Les problèmes liés à la montée des inégalitéssont difficiles à évaluer, car nous sommes tous àla fois consommateurs et producteurs :l’innovation et la disruption auront des effets àla fois positifs et négatifs sur notre niveau de vieet notre bien-être.

Il semblerait que le grand gagnant soit leconsommateur. Avec la Quatrième RévolutionIndustrielle apparaissent de nouveaux produits etservices qui, à très faible coût, facilitent la vie duconsommateur. Appeler un taxi, trouver un billetd’avion, commander un objet, effectuer unpaiement, écouter de la musique, regarder unfilm – tout cela peut à présent se faire en ligne.Pour nous tous consommateurs, les bienfaits dela technologie sont indiscutables. Internet, lessmartphones et leurs milliers d’applicationsrendent la vie plus facile, et (globalement) plusproductive. Une simple tablette, avec laquellenous pouvons lire, surfer sur Internet etcommuniquer, a une puissance de calculéquivalente à celle de 5 000 ordinateurs d’il y a

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30 ans, tandis que le coût du stockage del’information tend vers zéro (stocker 1 gigabitcoûte en moyenne moins de 0,03 dollar par anaujourd’hui, contre plus de 10 000 dollars il y a20 ans).

Ce sont principalement l’offre de main-d’œuvre et l’offre productive qui se trouventaffectées par les effets négatifs de la QuatrièmeRévolution Industrielle. Depuis quelques années,l’immense majorité des pays développés, plusquelques puissances économiques à fortecroissance, comme la Chine, ont enregistré unebaisse significative de la part du travail enpourcentage du produit intérieur brut (PIB). Cedéclin est dû pour moitié à la baisse du prixrelatif des biens d’investissement , elle-mêmeinduite par les progrès de l’innovation (quicontraignent les entreprises à substituer lecapital au travail).

Par conséquent, les grands bénéficiaires de laQuatrième Révolution Industrielle sont lesdétenteurs de capital intellectuel ou physique –innovateurs, investisseurs et actionnaires –, cequi explique l’écart de richesse croissant entreceux qui dépendent de leur travail et ceux quidétiennent du capital. De là une certaine rancœurchez tous ceux qui constatent la stagnation de

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leurs revenus réels et ont cessé d’espérer pourleurs enfants une vie meilleure que la leur.

La hausse des inégalités engendre de plus enplus une dénonciation des injustices. Je consacretoute une section du chapitre 3 à ces questionsmajeures. La concentration des bénéfices et de lavaleur entre les mains d’une élite économiqueréduite est aussi amplifiée par ce que l’onappelle l’effet de plateforme : des organisationsspécialisées dans le numérique créent desréseaux mettant en relation acheteurs etvendeurs de toutes sortes de produits et deservices, profitant ainsi de rendements d’échellecroissants.

L’effet de plateforme provoque uneconcentration : des plateformes peu nombreusesmais puissantes dominent les marchés. Lesbénéfices sont évidents, notamment pour leconsommateur : valeur plus élevée, servicefacilité et coûts réduits. Néanmoins, les risquessociétaux sont eux aussi manifestes. Pour éviterla concentration de valeurs et de puissance entreles mains d’un petit nombre d’individus, ondevra trouver des moyens d’équilibrer lesbénéfices et les risques des plateformesnumériques (incluant notamment les plateformes

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industrielles) en garantissant leur transparence eten permettant l’innovation collaborative.

Tous ces bouleversements remodèlent nossystèmes économiques, sociaux et politiques ; ilest impossible de revenir en arrière, même si leprocessus de mondialisation lui-même devaits’inverser. La question qui se pose, dans tous lessecteurs et toutes les entreprises, sans exception,n’est plus « Vais-je subir une disruption ? »,mais « Quand viendra-t-elle, quelle formeprendra-t-elle et comment va-t-ellem’affecter ? »

Si la « disruption » est bien réelle et sonimpact sur nous, inévitable, nous ne sommes paspour autant impuissants face à elle. Il nousappartient de définir un ensemble de valeurscommunes pour favoriser les choix directionnelset mettre en œuvre les changements qui ferontde la Quatrième Révolution Industrielle uneopportunité pour tous.

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Les éléments moteurs

D’innombrables organismes ont produit deslistes de diverses technologies qui seront lemoteur de la Quatrième Révolution Industrielle.Les innovations scientifiques et les technologiesnouvelles ainsi générées semblent illimitées, tantelles se déploient partout et sur toutes sortes defronts. Ma sélection des technologies clés àsurveiller s’appuie sur des recherches menéespar le World Economic Forum et par plusieursmembres de notre groupe d’experts qui fontpartie de notre communauté nommée GlobalAgenda Council.

Les mégatendances

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Toutes les nouvelles inventions et technologiesont un point commun : elles tirent leur force dunumérique et des technologies de l’information.Toutes les innovations décrites dans ce chapitresont rendues possibles et sont renforcées par lapuissance numérique. Ainsi, le séquençagegénétique serait impossible sans l’augmentationdes puissances de calcul et sans les progrès del’analyse des données. De même, sans puissancede calcul, pas d’intelligence artificielle et, sanscette dernière, pas de robots sophistiqués.

Pour identifier les mégatendances et présenterun éventail des éléments moteurs technologiquesde la Quatrième Révolution Industrielle, j’aidécomposé la liste en trois groupes : physique,numérique et biologique. Les interactions entreces trois types sont profondes, et chacune de cestechnologies bénéficie des découvertes et desprogrès des autres.

Les éléments moteurs de typematériel

Dans le domaine physique, on discerne quatreprincipales mégatendances technologiques,

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particulièrement faciles à repérer du fait de leurprésence physique :

– véhicules autonomes ;– impression en 3D ;– robotique de pointe ;– nouveaux matériaux.

Les véhicules autonomes

La voiture sans conducteur fait la une del’actualité, mais il existe toutes sortes devéhicules autonomes : camions, drones, avionset bateaux. Au fur et à mesure des progrès descapteurs et de l’intelligence artificielle, lesperformances de tous ces véhicules autonomess’améliorent rapidement. D’ici quelques annéesà peine, on trouvera dans le commerce desdrones à bas coûts, ainsi que des submersibles,qui seront utilisés pour toutes sortesd’applications.

En devenant plus sensibles et réactifs à leurenvironnement (capables de dévierautomatiquement de leur trajectoire pour éviterles collisions), les drones pourront accomplirtoutes sortes de tâches, comme vérifier les lignes

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électriques ou livrer du matériel médical enzones de conflits. En agriculture, le recours auxdrones, associé à l’analyse des données,permettra par exemple un usage plus précis etplus efficace des engrais et de l’eau.

L’impression en 3D

L’impression en 3D, ou fabrication additive,consiste à créer un objet à partir d’un dessin oud’un modèle numérique en 3D en ajoutant lamatière couche par couche. C’est le principeinverse du procédé utilisé jusqu’à présent, lafabrication soustractive, procédant par retrait dematière à partir d’un bloc jusqu’à obtenir laforme désirée. L’impression 3D, elle, part d’unmatériau liquide ou en poudre puis fabrique unobjet en trois dimensions à partir d’un modèlenumérique.

Cette technologie est utilisée dans toutessortes d’applications, de la plus grande échelle(éoliennes) à la plus petite (implants médicaux).Pour l’instant, elle sert surtout dansl’automobile, l’aérospatiale et le secteurmédical. Contrairement à la fabrication demasse, l’impression en 3D permet aisément de

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fabriquer des objets sur mesure. À mesure queles contraintes actuelles de taille, de prix et devitesse seront progressivement dépassées,l’impression 3D se diffusera encore et inclurades composants électroniques intégrés, voire descellules ou des organes humains. Les chercheurstravaillent déjà sur la « 4D », un procédé quicréerait une nouvelle génération de produitsdynamiques capables de s’auto-altérer enréponse aux changements de l’environnement,comme la chaleur ou l’humidité. Cettetechnologie pourrait être utilisée pour le textileet les chaussures, mais aussi pour la santé,comme des implants conçus pour s’adapter aucorps humain.

La robotique de pointe

Encore récemment confinée à des tâchesétroitement contrôlées dans des secteursspécifiques, comme l’automobile, l’utilisation derobots se répand à présent dans tous les secteurspour des tâches diverses, de l’agriculture deprécision au soin des malades. Grâce auxprogrès de la robotique, la collaboration entrehumains et machines sera bientôt un fait banal.

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En outre, d’autres avancées technologiquespermettent aux robots de devenir plusadaptables, plus souples ; leur structure et leurfonctionnement seront inspirés de structuresbiologiques complexes (un procédé appelébiomimétisme, consistant à imiter les motifs etstratégies de la nature).

Équipés de capteurs plus perfectionnés, lesrobots parviennent à mieux « comprendre » leurenvironnement ; leurs réactions s’améliorent, etils peuvent désormais accomplir une largegamme d’activités, par exemple les tâchesménagères. Autrefois, les robots devaient êtreprogrammés par une unité autonome ; ilspeuvent à présent accéder aux informations àdistance via le cloud et se connecter à un réseaud’autres robots. La prochaine génération derobots sera sans doute le fruit d’un travail plusapprofondi sur la collaboration homme-machine.Au chapitre 3, j’explore les questions éthiques etpsychologiques que soulèvent ces nouvellesrelations homme-machine.

Les matériaux nouveaux

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De nouveaux matériaux, aux propriétésinimaginables il y a quelques années, arriventsur le marché : ils sont plus légers, plus solides,recyclables et adaptables. Il existe à présent desapplications pour des matériaux intelligentscapables de s’autoréparer ou de s’autonettoyer,des métaux à mémoire de forme qui reprennentleur forme d’origine, des céramiques ou descristaux qui transforment la pression en énergie,etc.

Comme pour nombre d’innovations issues dela Quatrième Révolution Industrielle, il estdifficile de prévoir à quoi aboutiront cesnouveaux matériaux. Citons par exemple lesnanomatériaux de pointe comme le graphène,qui est environ 200 fois plus solide que l’acier,1 million de fois plus fin qu’un cheveu etexcellent conducteur thermique et électrique .Une fois devenu compétitif (c’est pour l’instantle matériau le plus cher à produire au monde : àl’heure où ces lignes sont imprimées, unepaillette de 1 micron coûte plus de1 000 dollars), le graphène pourrait provoquerun bouleversement important dans les industriesmanufacturières et les infrastructures . Ilpourrait aussi affecter profondément les pays quidépendent d’une ressource naturelle unique.

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D’autres matériaux nouveaux pourraient jouerun rôle majeur pour atténuer les risques auxquelsnous faisons face. Ainsi, les récentes innovationsdans le domaine des plastiquesthermodurcissables pourraient rendreréutilisables des matériaux pour l’instant quasiimpossibles à recycler, mais fortement utilisés,des téléphones aux cartes-mères, en passant parl’aérospatiale. La récente découverte denouvelles familles de polymèresthermodurcissables recyclables, lespolyhexahydrotriazines (PHT), est une avancéemajeure vers l’économie circulaire, par naturerégénératrice, qui consiste à découpler lacroissance de l’exploitation des ressources .

Le numérique

L’un des principaux ponts entre les applicationsnumériques et matérielles est l’Internet desobjets (IdO). Sous sa forme la plus simple, ilpeut être décrit comme un réseau de relationsentre des objets (produits, services, lieux, etc.) etdes personnes reposant sur des technologiesinterconnectées et diverses plateformes.

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Les capteurs, et mille autres manières deconnecter les objets du monde physique auxréseaux virtuels, prolifèrent à toute allure.Partout, on intègre des capteurs plus petits,moins chers, plus intelligents : aux logements,aux vêtements et accessoires, aux villes, auxréseaux de transport et d’énergie, mais aussi auxprocédés de fabrication. Dans le monde entier,des milliards d’appareils, smartphones, tabletteset ordinateurs, sont connectés à Internet. Leurnombre devrait exploser au cours des prochainesannées ; les estimations vont de quelquesmilliards à plus de 1 000 milliards. Ilsbouleverseront radicalement notre manière degérer les chaînes de production etd’approvisionnement, en nous permettant desurveiller et d’optimiser les actifs et les activitésavec une très grande précision. Tous les secteursseront affectés par les transformations del’industrie, de la fabrication à l’infrastructure enen passant par les soins et les systèmes de santé.

Prenons l’exemple du contrôle à distance, uneapplication très répandue de l’IdO. Toutemballage, palette ou container peut à présentêtre équipé d’un capteur, d’un transmetteur oud’une puce d’identification par radiofréquence(radio-frequency identification, RFID)

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permettant à une entreprise de suivre sesmouvements sur toute la chaîne logistique, sesperformances, son utilisation, etc. De même, lesclients peuvent suivre en continu (pratiquementen temps réel) le cheminement de leurcommande. Pour les entreprises qui gèrent deschaînes logistiques longues et complexes, c’estune révolution. Dans un avenir proche, dessystèmes de suivi similaires seront égalementutilisés pour tracer les mouvements despersonnes.

La révolution numérique bouleverse lamanière dont les individus et les institutionsinteragissent et collaborent. Ainsi, la blockchain,souvent décrite comme un « grand registre », estun protocole sécurisé dans lequel un réseaud’ordinateurs vérifie collectivement unetransaction avant que celle-ci ne soit enregistréeet approuvée. La technologie sous-jacente créede la confiance en permettant à des personnesqui ne se connaissent pas (et n’ont donc aucuneraison de se faire confiance) de collaborer sansavoir à passer par une autorité de régulation etde contrôle neutre, telle qu’un dépositaire ou unfichier central. En substance, la blockchain estun livre de comptes partagé, programmable,sécurisé par chiffrement, et donc fiable,

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qu’aucun utilisateur ne peut à lui seul contrôler,et qui peut être inspecté par tous.

Le bitcoin est de loin la plus connue desapplications de la blockchain, mais celles-ciseront bientôt innombrables. Si la technologiesert pour l’instant à enregistrer les transactionsfinancières en monnaie numérique de typebitcoin, elle servira à l’avenir de registre pourtoutes sortes d’actes : certificats de naissance etde décès, titres de propriété, certificats demariage, diplômes, déclarations de sinistres,dossiers médicaux ou votes – en fait, tout typede transaction pouvant être exprimée en code.Déjà, plusieurs pays et institutions explorent lepotentiel de la blockchain : le gouvernement duHonduras l’utilise pour gérer les titres fonciers,tandis que l’Île de Man teste son utilisation dansl’enregistrement des entreprises.

Plus largement, avec les plateformestechnologiques, naît ce que l’on appelle àprésent l’économie à la demande (ou économiedu partage). Ces plateformes, facilementutilisables sur un smartphone, regroupentpersonnes, capitaux et données pour créer desmodes de consommation des biens et servicesentièrement nouveaux. Elles abaissent lesbarrières pour les entreprises et les individus

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pour créer de la richesse, modifiant lesenvironnements personnels et professionnels.

Le modèle Uber est l’exemple le plus aboutide la puissance disruptive de ces plateformestechnologiques. Les entreprises de ce typeprolifèrent rapidement, offrant de nouveauxservices, de la blanchisserie au parking, et desséjours chez l’habitant au covoiturage. Leurpoint commun : elles mettent en relation l’offreet la demande de manière très accessible (bonmarché), offrent au consommateur une grandevariété de biens et, en permettant aux deuxparties d’échanger et de donner leurappréciation, elles génèrent de la confiance.Ainsi peuvent être utilisés efficacement desbiens sous-utilisés, c’est-à-dire les biens depersonnes qui ne s’étaient jamais considéréescomme fournisseurs (d’une place dans leurvoiture, d’une chambre libre chez eux, d’un liencommercial entre un détaillant et un fabricant,ou du temps et du savoir-faire pour rendre desservices : livraison, réparations à domicile outâches administratives).

L’économie à la demande soulève la questionfondamentale : que vaut-il mieux posséder, laplateforme ou le bien dont cette plateformepermet le commerce ? Comme l’écrit Tom

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Goodwin, spécialiste de stratégie des médiasdans un article paru en mars 2015 surTechCrunch : « Uber, la plus grande compagniede taxi au monde, ne possède aucun véhicule.Facebook, le plus grand groupe média aumonde, ne crée aucun contenu. Alibaba, le géantde la vente au détail, n’a pas d’inventaire. Quantà Airbnb, la plus grande plateforme deréservation de logements, elle ne détient aucunbien immobilier ».

Les plateformes numériques permettent unebaisse spectaculaire des coûts de transaction etdes coûts de friction lorsque des personnes oudes organisations partagent l’usage d’un bien oud’un service. Chaque transaction peut à présentêtre divisée en minuscules incréments, avec desgains économiques pour toutes les parties. Deplus, avec les plateformes numériques, le coûtmarginal de production de chaque unitésupplémentaire tend vers zéro. Les implicationspour les entreprises et la société sont immenses ;je les explore au chapitre 3.

Le biologique

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En biologie, et en particulier dans le domaine dela génétique, les innovations donnent le vertige.Ces dernières années, des progrès considérablesont rendu moins cher et plus facile leséquençage génétique et, tout récemment,l’activation ou la modification des gènes. Il aurafallu plus de dix ans et 2,7 milliards de dollarspour mener à bien le Human Genome Project.Aujourd’hui, on séquence un génome enquelques heures et pour moins de1 000 dollars . Grâce au progrès de la puissancede calcul, les scientifiques n’ont plus à procéderpar essais ou erreurs : ils testent directement lamanière dont une variation génétique donne lieuà l’expression d’une caractéristique ou d’unemaladie.

Prochaine étape : la biologie de synthèse, quinous permettra de créer des organismes surmesure en réécrivant l’ADN. Mis à part lesprofondes questions éthiques que cela soulève,ces avancées auront un impact profond etimmédiat, non seulement sur la médecine, maisaussi sur l’agriculture et la production debiocarburants.

Nombre de nos problèmes de santé les plusgraves, des maladies cardiovasculaires aucancer, ont une composante génétique. C’est

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pourquoi la capacité à déterminer efficacementet à faible coût le profil génétique individuel(par des machines de séquençages utilisées dansles diagnostics de routine) révolutionnera lessoins, les rendant plus efficaces et pluspersonnalisés. Pour traiter un patient atteint decancer, les médecins pourront s’appuyer sur leprofil génétique de la tumeur.

Si l’on comprend encore mal les liens entreles marqueurs génétiques et les maladies,l’accumulation de données permettra unemédecine de précision, avec des traitementshautement ciblés. Déjà, Watson, lesuperordinateur d’IBM, peut, en quelquesminutes, recommander des traitementspersonnalisés pour les patients atteints de canceren comparant l’historique de la maladie et dutraitement, l’imagerie et les données génétiquesavec l’univers (quasi) complet de laconnaissance médicale actuelle .

La capacité à modifier le vivant peut êtreappliquée à quasiment tout type de cellule, pourcréer des plantes ou des animaux génétiquementmodifiés, mais aussi modifier les cellulesd’organismes adultes, y compris humains. Cestechniques se distinguent du génie génétiquepratiqué depuis les années 1980 : elles sont

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maintenant bien plus précises, efficaces etadaptatives que les anciennes méthodes. En fait,la science progresse si vite que les barrières sontà présent moins techniques que juridiques,réglementaires et éthiques. La liste desapplications potentielles est virtuellementinfinie, depuis la possibilité de modifier desanimaux pour qu’ils aient une alimentation pluséconomique ou mieux adaptée aux conditionslocales, jusqu’à la création de cultures capablesde supporter la sécheresse ou des températuresextrêmes.

Avec les progrès du génie génétique (citons lamise au point de la technique CRISPR/Cas9pour l’édition du génome et les traitements), lescontraintes liées au ciblage de l’organe et à laspécificité seront surmontées ; seule restera unequestion urgente et cruciale, en particulier dupoint de vue éthique : comment lesmodifications génétiques vont-ellesrévolutionner la recherche et les traitementsmédicaux ? En principe, les plantes et lesanimaux peuvent être modifiés pour produiredes médicaments ou d’autres types detraitement. Le jour n’est pas loin où l’on pourramodifier une vache pour qu’elle produise dansson lait un agent coagulant pour les hémophiles.

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Déjà, les chercheurs ont commencé à modifier legénome de porcs afin de fabriquer des organesdestinés à être transplantés chez les humains(technique appelée xénogreffe, jusqu’à présentinenvisageable du fait des risques de rejet par lesystème immunitaire humain, et de transmissionde pathologies de l’animal à l’homme).

J’ai expliqué plus haut comment lesdifférentes technologies fusionnent ets’enrichissent mutuellement : ainsi, lafabrication en 3D sera associée au géniegénétique pour produire des tissus vivants afinde réparer ou régénérer un organisme. Ceprocédé, appelé « bio-impression », a déjàpermis de générer des tissus cutanés, osseux,cardiaques et vasculaires. On finira par utiliserdes couches de cellules bio-imprimées pourcréer des greffons.

La dynamique de la découverte

L’innovation est un processus social complexequi ne va pas de soi. C’est pourquoi, même sicette section a présenté toute une gammed’avancées technologiques capables de changerle monde, il est indispensable de faire en sorte

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que ces avancées se poursuivent et visent lesmeilleurs résultats possibles.

On estime souvent que les institutionsuniversitaires sont à la pointe de l’élaborationd’idées nouvelles. Toutefois, des élémentsrécents montrent que, même dans les universités,les perspectives de carrière, les incitations àl’innovation et les conditions de financementactuellement en place favorisent trop souvent untype de recherche « incrémentale »conservatrice, au détriment de programmesambitieux et novateurs .

Un antidote au conservatisme universitaireconsiste à encourager une recherche plusappliquée. Toutefois, cette solution n’est passans difficultés. En 2015, Uber a recruté40 chercheurs venant du département derobotique de l’Université Carnegie-Mellon(Pittsburgh, Pennsylvanie), soit une partimportante des ressources humaines dulaboratoire. Ceci a eu pour conséquence degénérer des difficultés à honorer ses contratsavec le ministère de la Défense des États-Unis etd’autres organismes .

Afin d’encourager les travaux de pointe enrecherche fondamentale comme dans les

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technologies appliquées, dans les universités etdans les entreprises, les gouvernementsdevraient soutenir plus fortement desprogrammes de recherche ambitieux. De même,les partenariats public-privé en matière derecherche devraient être davantage structurés demanière à accumuler des connaissances et ducapital humain au bénéfice de tous.

Des points de bascule

Présentées en termes généraux, cesmégatendances peuvent sembler abstraites ; enréalité, elles se traduisent par des applications etdes développements extrêmement concrets.

Un rapport du World Economic Forum publiéen septembre 2015 identifiait 21 points debascule (c’est-à-dire le moment où une mutationtechnologique atteint la société dans sonensemble) qui façonneront notre mondenumérique et hyperconnecté . Tous devraientintervenir à l’horizon des dix prochaines années,et constituent donc de bons indicateurs deschangements profonds qu’entraîne la QuatrièmeRévolution Industrielle. Pour les identifier, un

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conseil du World Economic Forum constitué desmeilleurs experts mondiaux dans le domaine deslogiciels informatiques, des applications et deleurs implications sociétales a mené une enquêteauprès de plus de 800 responsables et experts dusecteur de l’information et des technologies decommunication.

Le tableau 1 présente le pourcentage d’expertsinterrogés qui s’attendent à ce que le point debascule en question se produise d’ici à 2025 .Dans l’Annexe de cet ouvrage, chaque point debascule est présenté en détail avec ses impactspositifs et négatifs. Deux d’entre eux (les êtreshumains « sur mesure » et lesneurotechnologies), absents de la premièreenquête, sont inclus en annexe maisn’apparaissent pas dans le tableau 1.

Ces points de bascule apportent des élémentscontextuels importants : ils signalent leschangements systémiques majeurs à venir etindiquent les meilleurs moyens de s’y préparer.Comme je le montre au chapitre 3, vivre cettetransition suppose de prendre d’abordconscience des mutations en cours et à venir, etd’envisager leur impact à tous les niveaux de lasociété dans son ensemble.

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Tableau 1 – Les points de basculeattendus d’ici 2025

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10 % des personnes portent desobjets connectés à Internet 91,2

90 % des personnes disposentd’un stockage illimité et gratuit(financé par la publicité)

91,0

1 000 milliards de capteurssont raccordés à Internet 89,2

Le premier pharmacienrobotisé aux États-Unis 86,5

10 % des lunettes de vueconnectées à Internet 85,5

80 % des personnes ont uneprésence numérique surInternet

84,4

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%

Production de la premièrevoiture en impression 3D 84,1

Premier gouvernement àremplacer les recensements pardes sources de big data

82,9

Premier téléphone implantablecommercialisé 81,7

5 % des produits deconsommation imprimés en 3D 81,1

90 % de la population utilisedes smartphones 80,7

90 % de la population a unaccès régulier à Internet 78,8

Le nombre de voitures sansconducteurs atteint 10 % dutotal des voitures en circulationaux États-Unis

78,2

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%

Première greffe d’un foieimprimé en 3D 76,4

30 % des audits d’entreprisesréalisés grâce à l’intelligenceartificielle

75,4

Premier gouvernement àcollecter les impôts via uneblockchain

73,1

Plus de 50 % du trafic Internetdes particuliers destinés auxappareils et à l’électroménager

69,9

Davantage de trajets ouvoyages dans le monde réalisésen véhicules partagés qu’envoitures privées

67,2

Première ville de plus de50 000 habitants sans feuxtricolores

63,7

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%

10 % du PIB mondial stockésur une technologie deblockchain

57,9

Première machined’intelligence artificielle auconseil d’administration d’unegrande entreprise

45,2

Source : Deep Shift Technology TippingPoints and Societal Impact, Global Agenda,

Future of Software and Society, WorldEconomic Forum, septembre 2015.

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L’impact

La révolution technologique est d’uneenvergure sans précédent ; elle annonce deschangements économiques, sociétaux etculturels si importants qu’ils sont impossibles àprédire avec précision. Dans ce chapitre, je tentetoutefois de décrire et d’analyser, à différentsniveaux, les types d’impacts individuels etcollectifs que l’on peut envisager surl’économie, l’entreprise, les gouvernements etles pays, les sociétés et les individus.

Dans tous ces domaines, une force dominanteest à l’œuvre : l’empowerment (autonomisationou émancipation) qui va venir bouleverser lesrelations entre les gouvernements et les citoyens,entre les entreprises, leurs salariés, leurs

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actionnaires et leurs clients, ou encore entre lessuperpuissances et les petits pays. L’impact de laQuatrième Révolution Industrielle sur lesmodèles politiques, économiques et sociétauxexistants obligera les acteurs à reconnaître qu’ilsfont désormais partie d’un système où le pouvoirest réparti, et où la réussite nécessite plus decollaboration et d’interactions.

L’économie

La Quatrième Révolution Industrielle aura unimpact énorme et multiple sur l’économiemondiale. Le PIB, les investissements, laconsommation, l’emploi, le commerce,l’inflation, etc., toutes les variablesmacroéconomiques se trouveront profondémentaffectées. J’ai choisi de me concentrer sur deuxdimensions essentielles : la croissance(principalement sous l’angle de son déterminantà long terme, la productivité) et l’emploi.

La croissance

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Quel sera l’impact de la Quatrième RévolutionIndustrielle sur la croissance ? Sur ce point, leséconomistes divergent. D’un côté, les techno-pessimistes affirment que la révolutionnumérique a déjà apporté l’essentiel de sescontributions et que son impact sur laproductivité touche à sa fin. En revanche, pourles techno-optimistes, la technologie etl’innovation se trouvent à un point d’inflexion etvont bientôt déclencher une brusque hausse de laproductivité et faire repartir la croissance.

Tout en admettant certains éléments dechacune des deux positions, je demeure unoptimiste pragmatique. J’admets l’impactdéflationniste potentiel de la technologie (mêmequand on parle de « bonne déflation ») et je saisque certains de ses effets sur la redistributionpeuvent favoriser le capital au détriment dutravail et comprimer les salaires (et donc laconsommation). Je constate aussi que laQuatrième Révolution Industrielle permet àbeaucoup de consommer davantage à moindrecoût et d’une manière qui rend la consommationplus durable et donc plus responsable.

Pour réfléchir aux impacts potentiels sur lacroissance, il est indispensable de les resituerdans le contexte des tendances économiques

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récentes et des autres facteurs de croissance.Dans les années précédant la crise économiqueet financière de 2008, le taux de croissancemondiale atteignait environ 5 % par an. À cerythme, le PIB aurait doublé tous les 14 ou 15ans, sortant de la pauvreté des milliards depersonnes.

Immédiatement après cette crise mondiale(appelée Grande Récession dans le mondeanglophone), nombreux étaient ceux quis’attendaient à voir l’économie mondialeretrouver un rythme de croissance élevé. Il n’enfut rien. L’économie mondiale semble bloquée àun rythme de croissance inférieur à la moyennede l’après-guerre, environ 3 à 3,5 % par an.

Certains économistes ont émis l’hypothèsed’un « marasme séculaire » et emploient leterme de « stagnation séculaire », terme forgépar Alvin Hansen durant la crise de 1929 etrécemment remis à l’honneur par leséconomistes Larry Summers et Paul Krugman.La « stagnation séculaire » correspond à unesituation de faiblesse persistante de la demandeque même des taux d’intérêts quasi nuls neparviennent pas à relancer. Bien quecontroversée parmi les chercheurs, cette idée ad’importantes implications. Si elle est vraie,

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alors la croissance du PIB mondial pourraitencore décliner. On peut imaginer un scénarioextrême, qui verrait la croissance annuelle duPIB descendre à 2 % : un doublement du PIBprendrait alors 36 ans.

Les explications du ralentissement actuel de lacroissance sont nombreuses : mauvaiseallocation du capital, surendettement, mutationsdémographiques, etc. J’en aborderai deux, levieillissement et la productivité, car tous deuxsont étroitement mêlés aux progrèstechnologiques.

Le vieillissement de la population

De 7,2 milliards aujourd’hui, la populationmondiale devrait passer à 8 milliards en 2030 et9 milliards d’ici à 2050, ce qui devrait entraînerune hausse de la demande globale. Une autretendance démographique puissante est toutefoisà l’œuvre : le vieillissement. On croit souventque ce phénomène ne touche que les paysoccidentaux riches ; or, les taux de natalité sonten train de chuter en dessous du seuil derenouvellement dans nombre de régions dumonde – non seulement en Europe, où ce déclin

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a commencé, mais aussi dans une grande partiede l’Amérique latine et des Caraïbes, la plupartdes pays d’Asie, notamment la Chine et le sudde l’Inde, et même dans certains pays duMoyen-Orient et d’Afrique du Nord, comme leLiban, le Maroc et l’Iran.

Le vieillissement constitue un challenge auniveau économique car, à moins de reculerfortement l’âge de la retraite pour permettre auxseniors de continuer à travailler (ce qui présentede multiples bienfaits économiques), la part dela population en âge de travailler décroît tandisque celle des seniors dépendants augmente.Quand la population vieillit, les jeunes adultessont moins nombreux et les dépenses sur lespostes budgétaires importants (logement,mobilier, voitures, électroménager) diminuent.De plus, les personnes désireuses de prendre unrisque entrepreneurial sont plus rares : envieillissant, les actifs ont tendance à mettre decôté ce qu’il leur faut pour une retraiteconfortable plutôt que de se lancer à créer denouvelles entreprises. Ce phénomène est enpartie compensé par le fait que les personnes à laretraite tendent à liquider leur épargne, ce quifait chuter les taux d’épargne etd’investissement.

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Bien sûr, ces comportements peuvent changer,car les sociétés vieillissantes s’adaptent, maiselles connaissent d’ordinaire une croissance pluslente ; à moins que la révolution technologiquene déclenche une hausse majeure de laproductivité (autrement dit la capacité àtravailler plus intelligemment plutôt que detravailler toujours plus).

La Quatrième Révolution Industrielle nouspermettra de vivre plus longtemps, en meilleuresanté et plus actifs. Plus d’un quart des enfantsnés aujourd’hui dans les économies avancéesdevraient atteindre l’âge de 100 ans : il est doncimpératif de repenser des questions telles que ladéfinition de la population en âge de travailler,les systèmes de retraites et la planificationindividuelle de la vie . La difficulté manifestede certains pays à aborder ces questions n’estqu’un indice supplémentaire de notreimpréparation et de notre incapacité à anticiperles forces du changement.

La productivité

Au cours des dix dernières années, laproductivité mondiale (qu’elle soit mesurée

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comme productivité du travail ou commeproductivité totale des facteurs, PTF) a progressélentement, malgré la hausse exponentielle desprogrès technologiques et des investissementsdans l’innovation .

Ce dernier avatar du paradoxe de laproductivité (le fait que l’innovationtechnologique ne semble pas entraîner unehausse de la productivité) est l’une des grandesénigmes économiques actuelles qui a précédé lacrise économique et financière de 2008, et pourlaquelle il n’y a pas d’explication satisfaisante.

Si l’on prend le cas des États-Unis, laproductivité du travail a crû en moyenne de2,8 % entre 1947 et 1983, et de 2,6 % entre 2000et 2007, contre 1,3 % entre 2007 et 2014 . Cettebaisse est due pour l’essentiel à une diminutionde la PTF (mesure généralement admise de lacontribution de la technologie et de l’innovationaux gains d’efficacité). Selon le Bureau ofLabour Statistics du département américain duTravail, la croissance de la PTF n’était que de0,5 % entre 2007 et 2014, en forte baisse parrapport à 1,4 % en moyenne annuelle sur lapériode 1995-2007 . Cette baisse de laproductivité mesurée est d’autant pluspréoccupante qu’elle a eu lieu tandis que les 50

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plus importantes compagnies américainesaccumulaient plus de 1 000 milliards de dollarsen liquidités, malgré des taux d’intérêts réelsoscillant autour de zéro pendant près de cinqans .

La hausse de la productivité est le déterminantprincipal de la croissance à long terme et de lahausse du niveau de vie ; si la croissance nerevient pas, avec la Quatrième RévolutionIndustrielle, ces deux bénéfices seront réduits.Dès lors, comment concilier les donnéesindiquant un déclin de la productivité avec lesgains de productivité attendus dans le sillage desprogrès exponentiels de la technologie et del’innovation ?

Un argument central porte sur la difficulté demesurer les facteurs entrants et sortants, et doncde discerner la productivité. Les biens etservices innovants créés par la QuatrièmeRévolution Industrielle ont une fonctionnalité etune qualité bien meilleures, mais ils se situentsur des marchés radicalement différents de ceuxque l’on mesure d’ordinaire.

Ces biens et services sont pour la plupart« non concurrentiels », ils ont un coût marginalnul et/ou parviennent, via des plateformes

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numériques, à dominer des marchés trèsconcurrentiels ; tous ces éléments sont facteursde baisse des prix. Dans ces conditions, il sepeut que nos statistiques traditionnelles soientinadaptées pour saisir les véritables gains, car lesurplus du consommateur n’est reflété ni par lechiffre d’affaires global ni par une hausse desprofits.

Hal Varian, économiste en chef de Google,cite divers exemples : grâce à la puissance del’économie à la demande, il est désormais bienplus efficace de réserver un taxi ou louer unevoiture via une application sur mobile. Denombreux autres services du même typepermettent d’améliorer l’efficacité et donc laproductivité. Pourtant, comme ils sont pourl’essentiel gratuits, la valeur qu’ils créent dans lavie privée et au travail ne peut êtrecomptabilisée, d’où un écart entre la valeurfournie par un service donné et la croissancemesurée par les statistiques nationales. Celalaisse également entendre que nous produisonset consommons de manière plus efficace que nele suggèrent nos indicateurs économiques .

Un autre argument est que, s’il se peut que lesgains de productivité de la troisième révolutionindustrielle soient déclinants, le monde n’a pas

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encore connu l’explosion de la productivité quirésultera de la vague de nouvelles technologiesau cœur de la Quatrième Révolution Industrielle.

En optimiste pragmatique, je suis en effetconvaincu que nous commençons à peine àressentir l’impact positif potentiel de larévolution en cours sur le monde. Monoptimisme naît de trois sources principales.

Premièrement, cette Quatrième RévolutionIndustrielle offre l’occasion d’intégrer àl’économie mondiale les besoins non satisfaitsde 2 milliards de personnes, qui viendronts’ajouter à la demande de produits et servicesexistants en donnant un pouvoir d’initiative et enreliant les individus et les communautés dumonde entier.

Deuxièmement, grâce à cette révolution, nousserons mieux à même de faire face auxexternalités négatives, tout en stimulant lacroissance économique potentielle. Citons parexemple une externalité négative majeure, lesémissions de carbone.

Encore récemment, l’investissement vertn’était attractif que s’il était lourdementsubventionné par les pouvoirs publics. Cela acessé d’être vrai. Les progrès considérables dans

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le domaine des énergies renouvelables, del’efficacité énergétique et du stockage del’énergie, rendent l’investissement plus rentable,ce qui stimule la croissance du PIB ; ces mêmesprogrès contribuent en outre à freiner lechangement climatique, l’un des problèmesactuels majeurs pour la planète.

Troisièmement, tous les responsablesd’entreprises, les hommes politiques et lesreprésentants de la société civile que je côtoiem’expliquent les difficultés qu’ils rencontrentpour amener leur organisation à tirer pleinementprofit des gains d’efficacité permis par lenumérique. Je reviendrai sur ce point dans laprochaine section. Nous sommes seulement àl’aube de la Quatrième Révolution Industrielle ;pour en saisir pleinement la valeur, il nousfaudra créer des structures économiques etorganisationnelles entièrement nouvelles.

Je considère en effet que les règles decompétitivité actuelles diffèrent de celles despériodes précédentes. Pour rester compétitifs, lesentreprises et les pays doivent être à la pointe del’innovation sous toutes ses formes : lesstratégies centrées sur la réduction des coûtsseront donc moins efficaces que la volontéd’offrir des produits et services plus innovants.

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On voit aujourd’hui des entreprises bien établiessoumises à une extrême pression par des« disrupteurs » et des innovateurs venus d’autrespays et d’autres secteurs. Le même sort attendles pays qui ne comprennent pas la nécessité debâtir leurs écosystèmes d’innovation enconséquence.

En résumé, je pense que la conjonction defacteurs structurels (surendettement et sociétésvieillissantes) et systémiques (introduction desplateformes et de l’économie à la demande,importance accrue des coûts marginauxdécroissants, etc.) va nous contraindre à récrirenos manuels d’économie. La QuatrièmeRévolution Industrielle a le potentiel à la fois destimuler la croissance économique et de nousaider à affronter certains problèmes majeurs.N’oublions cependant pas les effets négatifsqu’elle pourrait avoir sur les inégalités, l’emploiet le marché du travail.

L’emploi

Tout en reconnaissant les bienfaits de latechnologie pour la croissance économique, ilfaut être vigilant quant aux dommages possibles

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sur le marché du travail. Les craintes concernantles effets de la technologie sur l’emploi ne sontpas nouvelles. En 1931, John Maynard Keynesannonçait déjà le risque d’un « chômagetechnologique » généralisé « dû au fait que nousdécouvrons des moyens d’économiser de lamain-d’œuvre à une vitesse plus grande quenous ne savons trouver de nouvelles utilisationsdu travail humain ». Peut-être allons-nous voirse matérialiser cette prédiction, qui jusqu’àprésent ne s’était pas encore vérifiée. Le débat arepris récemment ; on observe quel’informatisation fait disparaître certainsemplois : comptables, caissiers ou opérateurstéléphoniques.

J’ai déjà évoqué dans l’introduction lesraisons pour lesquelles on peut s’attendre à ceque la nouvelle révolution technologiqueprovoque des bouleversements sans précédent :vitesse (tout évolue plus vite que par le passé),envergure (multiples changements radicaux etsimultanés), et transformation intégrale dessystèmes dans leur ensemble.

Au regard de ces facteurs, une seulecertitude : les nouvelles technologiestransformeront radicalement la nature du travail,tous secteurs et toutes professions confondus. La

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question fondamentale est de savoir à quel pointl’automatisation se substituera au travailhumain. Combien de temps cela va-t-il prendreet jusqu’où irons-nous ?

Pour comprendre ce processus, il nous fautadmettre que la technologie exerce sur l’emploideux effets opposés. Le premier est un effet dedestruction : la disruption et l’automatisationinduites par la technologie substituent du capitalau travail, condamnant les salariés à devenir deschômeurs ou à aller vendre leurs compétencesailleurs. Inversement, cette destructiond’emplois s’accompagne d’un effet decapitalisation : l’accroissement de la demande denouveaux biens et services entraîne la créationde nouvelles professions, de nouvellesentreprises, voire de nouveaux secteursd’activité.

Notre capacité d’adaptation et notreinventivité sont extraordinaires. Toutefois, lepoint clé est de connaître l’ampleur et lecalendrier de ce rééquilibrage par lequel l’effetde capitalisation viendra compenser l’effet dedestruction : combien de temps le processus desubstitution prendra-t-il ?

La question de l’impact des technologiesémergentes sur le marché du travail voit

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s’affronter deux camps opposés : les optimistespensent que la technologie annonce une nouvelleère de prospérité et qu’en fin de compte tous lestravailleurs victimes du chômage technologiqueretrouveront un emploi ; et les pessimistes quiprédisent l’avènement à terme d’une apocalypsesociale et politique, provoquée par un chômagetechnologique massif. L’histoire montre que lerésultat se trouvera sans doute quelque part à mi-chemin. La question qui se pose est : que fairepour favoriser les effets positifs et aider lespersonnes affectées par la transition ?

Effectivement, l’innovation technologique atoujours entraîné des destructions d’emplois,compensées par des créations dans d’autressecteurs, et parfois dans des lieux différents.Prenons par exemple l’agriculture : aux États-Unis, au début du XIX siècle, 90 % des actifstravaillaient la terre ; ils sont moins de 2 %aujourd’hui. Cet exode rural s’est déroulé sanstrop de heurts, avec un minimum deperturbations sociales et de chômage endémique.

Le secteur des applications mobiles nous offreun bel exemple d’un nouvel écosystème. Ilprend son envol en 2008, lorsque Steve Jobs,fondateur d’Apple, permet aux développeursexternes de créer des applications pour l’iPhone.

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À la mi-2015, ce secteur a généré mondialementplus de 100 milliards de dollars de chiffred’affaires, dépassant celui du cinéma, datantpourtant de plus d’un siècle.

Les techno-optimistes se demandent pourquoila situation actuelle serait différente de ce quenous enseigne le passé. Pour eux, la technologiepeut certes avoir des effets disruptifs, mais ellefinit toujours par améliorer la productivité etaccroître la richesse, ce qui stimule la demandede biens et de services, et donc la création denouveaux emplois. L’argument est en substance :les besoins et désirs humains étant illimités,l’effort fourni pour les satisfaire doit égalementêtre illimité. En dehors des récessions normaleset de crises occasionnelles, il y aura toujours dutravail pour tous.

Quels éléments permettent d’étayer cettethèse ? Que nous enseignent-ils sur ce qui nousattend ? On observe déjà certains signesprécurseurs d’une vague d’innovationsannonçant de probables suppressions d’emploisdans nombre de secteurs et de professions pourles prochaines décennies.

Le remplacement du travail

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L’automatisation a déjà touché de nombreusescatégories d’emplois, notamment pour lesactivités répétitives et spécialisées. À mesure dela croissance vertigineuse des puissances decalcul, d’autres emplois seront touchés. Bienplus vite que l’on ne l’anticipe en général, lestâches de professionnels aussi différentsqu’avocats, analystes financiers, médecins,journalistes, comptables, assureurs ou encorebibliothécaires seront partiellement oucomplètement automatisées.

À ce jour, tout indique que la QuatrièmeRévolution Industrielle créera moins d’emploisdans des secteurs nouveaux que les précédentesrévolutions. Selon l’Oxford Martin Programmeon Technology and Employment, seuls 0,5 %des actifs américains travaillent dans dessecteurs qui n’existaient pas au tournant dusiècle, taux bien inférieur aux quelque 8 %d’emplois nouveaux créés dans les nouveauxsecteurs au cours des années 1980 et aux 4,5 %créés dans les années 1990. Ce point estcorroboré par un récent recensementéconomique américain, qui apporte un éclairageintéressant sur la relation entre technologie etchômage. Il montre que les innovations dans lestechnologies de l’information et autres

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technologies disruptives tendent à accroître laproductivité en supprimant des emplois, au lieude créer de nouveaux produits dont la productionexigerait des créations d’emplois.

Deux chercheurs de l’Oxford Martin School,l’économiste Carl Benedikt Frey et l’expert enapprentissage automatique Michael Osborne, ontquantifié l’effet potentiel de l’innovationtechnologique sur le chômage en classant702 professions différentes selon leur probabilitéd’être automatisées, des moins exposées (« 0 »,soit risque nul) à celles qui sont le plus exposées(« 1 », c’est-à-dire certitude absolue que le postede travail sera remplacé par un ordinateur) .Dans le tableau 2, je présente une liste dequelques professions hautement menacées parl’automatisation, et une liste des professions lesmoins exposées.

Au terme de ces travaux, on constate que,dans les dix ou vingt ans à venir, environ 47 %des emplois aux États-Unis sont menacés. Onpeut donc s’attendre à une vague de destructiond’emplois bien plus rapide et profonde que parle passé. Qui plus est, la tendance est à unepolarisation accrue du marché du travail : lesnouveaux emplois vont se concentrer dans lesmétiers intellectuels et créatifs à haut niveau de

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salaire et dans les emplois manuels faiblementrémunérés. Les emplois routiniers à niveau desalaire moyen seront massivement détruits.

Tableau 2 – Exemples de professionsles plus et les moins exposées

à l’automatisationLes plus exposées à l’automatisation

Probabilité Profession

0,99 Professionnels dutélémarketing

0,99 Conseillers fiscaux

0,98 Experts des assurancesautomobiles

0,98 Arbitres, juges-arbitres etautres officiels sportifs

0,98 Secrétaires juridiques

0,97 Serveurs et serveuses,

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restaurants, bars et cafés

0,97 Agents immobiliers

0,97 Entrepreneurs en main-d’œuvre agricole

0,96 Secrétaires et assistantsadministratifs,hors juridiques, médicaux etde direction

0,94 Coursiers et messagers

Les moins exposées à l’automatisation

Probabilité Profession

0,0031 Travailleurs sociaux en santémentale et traitement desaddictions

0,0040 Chorégraphes

0,0042 Médecins et chirurgiens

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0,0043 Psychologues

0,0055 Responsables Ressourceshumaines

0,0065 Analystes de systèmesinformatiques

0,0077 Anthropologues et archéologues

0,0100 Ingénieurs et architectes navals

0,0130 Directeurs des ventes

0,0150 Cadres de direction

Source : Carl Benedikt Frey et MichaelOsborne, Université d’Oxford, 2013.

On notera avec intérêt que ce ne sont passeulement les capacités croissantes desalgorithmes, robots et autres formes de capitalnon humain qui favorisent cette substitution.Michael Osborne observe qu’un facteur essentielde l’automatisation tient à ce que, ces dernièresannées, les entreprises ont fait de gros efforts

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pour simplifier et mieux définir les emplois, encherchant à les externaliser, les délocaliser ou lesfaire exécuter sous forme de « travailnumérique » (citons ainsi le service MechanicalTurk d’Amazon [MTurk ou AMT – en français,Turc mécanique d’Amazon], plateforme offrantla possibilité de faire réaliser des tâchesprofessionnelles sur Internet). Avec cettesimplification du travail, les algorithmes sont àmême de remplacer plus facilement leshumains : une division du travail plus pousséepermet un meilleur suivi, et donc génère desdonnées de meilleure qualité, fournissant unebase solide pour le fonctionnement desalgorithmes.

En considérant l’automatisation et lesphénomènes de substitution, il faut résister à latentation de pensées binaires concernantl’impact de la technologie sur l’emploi etl’avenir du travail. Comme le montrent Frey etOsborne, nous devons nous attendre, de façonquasi certaine, à un bouleversement des marchésdu travail et des lieux de travail dans le mondeentier. Cela n’implique pas pour autant que noussoyons confrontés à un dilemme de type« homme contre machine ». En fait, dans lamajorité des cas, la fusion des technologies

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numériques, physiques et biologiques permettrad’améliorer les capacités cognitives et le travaildes humains ; c’est pourquoi les leaders doiventformer la main-d’œuvre et développer desmodèles d’éducation adéquats afin de travailleravec et sur des machines toujours pluspuissantes, connectées et intelligentes.

L’impact sur les compétences

À plus ou moins brève échéance, les emplois lesmoins exposés au risque d’automatisation serontceux qui exigent des compétences sociales etcréatives, en particulier ceux qui nécessitent deprendre des décisions en situation d’incertitudeet de développer des idées nouvelles.

Pourtant, même cela pourrait être de courtedurée. Prenez par exemple l’une des professionsles plus créatives, l’écriture, et l’arrivée de lagénération automatisée de récits. Desalgorithmes sophistiqués sont capables de créerdes récits dans n’importe quel style adapté à unpublic donné. Le contenu paraît si humain qu’unrécent questionnaire du New York Times amontré qu’à la lecture de deux textes similaires,il est impossible de dire lequel a été écrit par un

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rédacteur humain et lequel par un robot. Latechnologie progresse si vite que KristianHammond, cofondateur de Narrative Science,entreprise spécialisée dans la générationautomatisée de récits, prévoit que d’ici au milieudes années 2020, 90 % des informationspourraient être générées par un algorithme, pourl’essentiel sans aucune intervention humaine(hormis la conception de l’algorithme, biensûr ).

Dans un environnement en mutation rapide, lacapacité d’anticiper les tendances de l’emploiainsi que les compétences requises pours’adapter devient cruciale pour tous les acteursen présence. Cette tendance varie selon lessecteurs ou la situation géographique. Dans cecas, il est d’autant plus important de comprendreles spécificités propres à chaque secteur et àchaque pays durant la Quatrième RévolutionIndustrielle.

Dans le rapport The Future of Jobs publié parle World Economic Forum en janvier 2016, nousavons demandé aux principaux responsables desressources humaines des plus grands employeursdans 10 secteurs et 15 pays d’imaginer l’impactde ces évolutions sur l’emploi, les métiers et lescompétences jusqu’en 2020. Comme le montre

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la figure 1, les personnes interrogées pensentqu’en 2020, les capacités de résolution deproblèmes complexes, les compétences socialeset la maîtrise des systèmes seront bien plusrecherchées que les capacités physiques ou lesconnaissances factuelles. D’après le rapport, lescinq années à venir s’annoncent comme unepériode de transition critique : les perspectivesgénérales de l’emploi stagnent, mais il existe unturn-over notable, à la fois de métiers au seind’un même secteur industriel, et de compétencesau sein d’un même métier. Si l’équilibre vieprofessionnelle/vie privée et les salairesdevraient s’améliorer légèrement pour la plupartdes métiers, la sécurité de l’emploi devrait sedégrader dans la moitié des secteurs étudiés. Ilest également clair que les femmes et leshommes ne seront pas affectés de la mêmemanière, ce qui risque de renforcer les inégalitésentre les sexes (voir encadré 1).

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Figure 1 – La demandede compétences en 2020

Source : The Future of Jobs, Global ChallengeInsight Report, World Economic Forum, janvier

2016.

Encadré 1

Les inégalités hommes-femmeset la Quatrième Révolution

Industrielle

L’édition 2015 du Global Gender GapReport (10 édition) du WorldEconomic Forum révèle deuxtendances préoccupantes.Premièrement, au rythme actuel, ilfaudra encore 118 ans avant

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d’atteindre la parité économique entrehommes et femmes dans le monde.Ensuite, les progrès vers la parité sonttrès lents, voire nuls.Face à ce phénomène, il est essentielde comprendre l’impact de laQuatrième Révolution Industrielle surles inégalités hommes-femmes.Comment les évolutionstechnologiques toujours plus rapidesdans le monde physique, numérique etbiologique affecteront-elles le rôle jouépar les femmes dans l’économie, la viepolitique et la société ?L’une des questions centrales est desavoir si l’automatisation toucheradavantage les professions dominéespar les femmes ou par les hommes. Lerapport The Future of Jobs publié par leWorld Economic Forum montre que lesdeux genres subiront d’importantespertes d’emploi. Par le passé, lechômage lié à l’automatisation touchaitplutôt des secteurs à dominantemasculine, comme la fabrication, laconstruction et le montage ; désormais,les capacités croissantes del’intelligence artificielle etl’informatisation des tâches dans les

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secteurs des services menacent unelarge palette d’emplois, depuis lescentres d’appel dans les marchésémergents (source de revenu denombreuses jeunes femmes, souventles premières de leur famille à occuperun emploi salarié) jusqu’aux postesdans le commerce et l’administrationdans les pays développés (secteur clépour l’emploi des femmes de la classemoyenne).Si perdre son emploi est en général undrame, la destruction massived’emplois dans des secteurs qui onttraditionnellement permis aux femmesd’accéder au marché du travail estparticulièrement préoccupante. Cephénomène mettra particulièrement enpéril les foyers monoparentaux dont lesseules ressources sont apportées parune femme faiblement qualifiée. Il feraégalement baisser le revenu total desfamilles à deux revenus et creuseraencore davantage dans tous les paysl’écart déjà problématique entrehommes et femmes.Mais qu’en est-il de la création denouveaux types d’emplois ? Quellesopportunités nouvelles se dessinent

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pour les femmes sur ce marché dutravail bouleversé ? Il est difficile derepérer les compétences et savoir-fairerecherchés dans des secteurs quin’existent pas encore, mais on peutprésumer que la demande serafavorable aux personnes capables deconcevoir, construire et travailler avecdes systèmes technologiques, ou dansdes domaines qui comblent les lacuneslaissées par ces innovationstechnologiques.Comme les professions liées àl’informatique, aux mathématiques et àl’ingénierie sont encore dominées parles hommes, la demande accrue decompétences techniques spécialiséespourrait aggraver encore les inégalitéshommes-femmes. On pourrait enrevanche assister à une hausse de lademande en matière d’emplois nepouvant être accomplis par desmachines et reposant sur descompétences et des caractéristiquesproprement humaines, commel’empathie et la compassion. Lesmétiers de psychologue, thérapeute,coach, organisateur d’événements,infirmière et autres métiers de la santé

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restent encore majoritairementféminins.La question clé est ici celle de larémunération respective du temps etde l’effort pour des métiers nécessitantdes savoir-faire différents ; il existe eneffet un risque que les services à lapersonne et autres emploismajoritairement féminins demeurent àla fois peu valorisés et sous-payés. Sitel était le cas, on pourrait voir secreuser l’écart entre métiers masculinset métiers féminins. Cet effet seraitd’autant plus négatif qu’il atteindrait à lafois les inégalités hommes-femmes etles inégalités en général, accentuant ladifficulté pour les femmes de monnayerleurs talents sur le marché du travail.Cela menacerait également lesbénéfices d’une diversité accrue et lesbienfaits pour les organisations d’avoirdes équipes mixtes, équilibrées, pluscréatives et plus efficaces à tousniveaux. Bon nombre de compétenceset de savoir-faire traditionnellementassociés aux femmes et auxprofessions féminines feront l’objetd’une demande croissante à l’ère de laQuatrième Révolution Industrielle.

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S’il est impossible de prédire l’impactspécifique de cette révolution surchaque genre, il nous faut saisirl’occasion d’une économie en pleinetransformation pour repenser lespolitiques de l’emploi et les pratiquesdes entreprises afin de donner auxsalariés, hommes ou femmes, unpouvoir d’initiative.

À côté des facteurs proprementtechnologiques, des pressions de différentesnatures (démographiques, géopolitiques, socialeset culturelles) contribueront à de nombreusescréations de postes et à l’émergence denouveaux métiers. Ces mouvements sontaujourd’hui largement imprévisibles, mais j’ai laconviction que c’est le talent, plus que le capital,qui constituera le facteur de production essentiel.C’est donc la pénurie de main-d’œuvre qualifiée,plutôt que l’insuffisance en capital, qui risqued’entraver l’innovation, la compétitivité et lacroissance.

Il pourrait en résulter un marché du travailsans cesse plus segmenté, avec d’un côté destravailleurs peu qualifiés à bas salaire, et del’autre des travailleurs très qualifiés et bien

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rémunérés ; comme le prédit Martin Ford,écrivain et entrepreneur dans la Silicon Valley ,on risque de voir la base de la pyramide descompétences professionnelles s’éviderentièrement, provoquant une montée desinégalités et des tensions sociales, à moins, bienentendu, d’anticiper ces changements dèsaujourd’hui.

Ces pressions nous contraindront aussi àreconsidérer ce que nous entendons par« hautement qualifié » dans le contexte de laQuatrième Révolution Industrielle. Dans lesdéfinitions classiques, le travail qualifié supposeune formation avancée ou spécialisée et unensemble de compétences définies dans uneprofession ou un domaine d’expertise. Face auxévolutions technologiques toujours plus rapides,les employés seront contraints de s’adapter enpermanence et d’acquérir de nouvellescompétences et de nouvelles méthodes dansdifférents contextes.

L’étude intitulée The Future of Jobs, menéepar le World Economic Forum, révèle aussi quemoins de 50 % des directeurs des Ressourceshumaines ont confiance dans la politique deressources humaines de leur entreprise destinéeà anticiper ces changements. Les principaux

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obstacles à une approche plus décisive sont liésau fait que les entreprises cernent mal la naturedes changements disruptifs, n’alignent pas oupeu leur politique de ressources humaines surleur stratégie d’innovation, sont prisonnières decontraintes concernant les ressources etsoumises à des exigences de rentabilité à courtterme. Il en résulte un décalage entre l’ampleurdes bouleversements à venir et les mesuresrelativement marginales prises par lesentreprises pour traiter ces problèmes. Lesentreprises doivent changer de perspective pourattirer les talents dont elles ont besoin et atténuerles retombées sociales indésirables.

L’impact sur les économiesen développement

Il est important de réfléchir à ce qu’impliquentces changements pour les pays endéveloppement. Des pans entiers de lapopulation mondiale n’ont pas encore étéconfrontés aux effets des précédentesrévolutions industrielles : des milliardsd’individus sont encore privés de services etd’équipements qui semblent naturels dans les

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économies développées, tels l’électricité, l’eaucourante ou l’assainissement. La QuatrièmeRévolution Industrielle aura néanmoins unimpact inévitable sur les économies endéveloppement.

À ce stade, les effets de cette révolution ne sesont pas encore pleinement révélés. Cesdernières décennies, malgré une hausse desinégalités au sein des pays, la disparité entrepays a nettement reculé. La révolutionindustrielle inversera-t-elle cette tendance auresserrement des écarts entre les économies entermes de revenus, de compétences,d’infrastructure, de finance, etc. ? Ou bien saura-t-on maîtriser les effets rapides du changementtechnologique pour les mettre au service dudéveloppement et accélérer le processus derééquilibrage ?

Ces questions délicates ne peuvent êtreignorées, même si les économies les plusavancées sont préoccupées par leurs propresproblèmes. Veiller à ce que des pans entiers de lapopulation mondiale ne soient pas laissés pourcompte n’est pas un impératif moral ; c’est unobjectif stratégique majeur qui réduirait le risqued’instabilité globale provoquée par des défisgéopolitiques tels que les flux migratoires.

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Un scénario compliqué pour les pays à faiblerevenu serait que la Quatrième RévolutionIndustrielle provoque une vague majeure de« relocalisation » de la production vers leséconomies industrialisées, ce qui est tout à faitpossible si l’accès à une main-d’œuvre bonmarché cesse d’être l’un des moteurs decompétitivité des entreprises. Le développementd’un secteur manufacturier solide, desservantl’économie mondiale en tirant parti de sesavantages comparatifs, est une voie dedéveloppement éprouvée, qui permet aux paysd’accumuler du capital, d’obtenir des transfertsde technologie et d’élever les niveaux derevenus. Si cette voie disparaît, de nombreuxpays seront contraints de repenser leur modèle etleur stratégie d’industrialisation.

Comment les économies en développementsauront-elles tirer parti des opportunités de laQuatrième Révolution Industrielle ? Cettequestion est cruciale pour la planète et il estessentiel d’y consacrer davantage de recherches,afin de mieux comprendre la situation et dedévelopper les stratégies nécessaires.

Le danger est que cette révolution instaureune dynamique de type « le gagnant rafle tout »(winner takes all) entre les pays et au sein de

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chaque pays. Avec des tensions et des conflitssociaux exacerbés, le monde serait plusfragmenté, plus volatil ; or aujourd’hui l’opinionpublique est devenue plus sensible aux injusticessociales et aux écarts de niveaux de vie entrepays. Si les leaders des secteurs public et privéne parviennent pas à convaincre les citoyensqu’ils appliquent des stratégies crédibles pour lebien de tous, les troubles sociaux, les migrationsde masse et l’extrémisme violent iront ens’intensifiant, menaçant les pays à toutes lesétapes de leur développement. Le grand publicdoit être fermement convaincu qu’il peutsubvenir à ses besoins en accomplissant unmétier épanouissant. Mais que va-t-il se passer sila demande de travail est insuffisante, ou si lescompétences disponibles ne correspondent plusà la demande ?

La nature du travail

Cette émergence d’un monde où le paradigmedominant de l’emploi se caractérise par une sériede transactions entre un travailleur et uneentreprise, plutôt que par une relation durable,Daniel Pink l’a décrite il y a 15 ans dans son

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livre Free Agent Nation . L’innovationtechnologique n’a fait qu’accélérer cettetendance.

Aujourd’hui, l’« économie à la demande »bouleverse entièrement notre rapport au travailet le tissu social dans lequel il s’intègre. Lesemployeurs sont de plus en plus nombreux àrecourir au « nuage humain » (human cloud)pour accomplir toutes sortes de tâches. Chaqueactivité est découpée en missions précises et enprojets distincts avant d’être envoyée sur uncloud à destination d’individus disposés à fairele travail n’importe où dans le monde.

Nous sommes là en présence de la nouvelleéconomie à la demande, où les personnes quiproposent leur force de travail ne sont plus dessalariés au sens classique, mais des travailleursindépendants qui accomplissent des tâchesprécises. Comme l’explique Arun Sundararajan,professeur à la Stern School of Business de laNew York University (NYU), dans les colonnesdu New York Times au journaliste FarhadManjoo : « Il se peut qu’à l’avenir, une partie dela main-d’œuvre gagne sa vie en proposant unegamme de compétences diversifiées : on sera àla fois chauffeur pour Uber, livreur pourInstacart, on louera une chambre de son

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appartement sur Airbnb et on travaillera pourTaskrabbit . »

Pour les entreprises, et notamment pour lesstart-up du numérique, les avantages sontévidents. Les plateformes de human cloudconsidérant les travailleurs commeindépendants, elles sont (pour le moment)exemptées de payer un salaire minimum, descotisations salariales et sociales. DanielCallaghan, PDG de la société britannique MBA& Company, explique dans un article duFinancial Times : « Maintenant, c’est : qui vousvoulez, quand vous voulez, exactement commevous voulez. Et comme ce ne sont pas dessalariés, on n’a pas à s’occuper de toutes lestracasseries et réglementations salariales . »

Pour les personnes qui participent au cloud,les principaux avantages sont la liberté (detravailler ou non) et l’inégalable mobilité queprocure l’appartenance à un réseau virtuelglobal. Pour certains travailleurs indépendants,c’est la combinaison idéale, plus de liberté,moins de stress et une plus grande satisfactionau travail. Ce principe de human cloud estencore balbutiant, mais les preuves concrètess’accumulent, montrant qu’il permet unedélocalisation silencieuse (silencieuse parce que

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les plateformes de human cloud ne sont pascotées en Bourse et n’ont pas à divulguer leursdonnées).

Assiste-t-on au début d’une nouvellerévolution du travail flexible, qui donnera lepouvoir d’initiative à toute personne disposantd’une connexion à Internet et mettra fin à lapénurie de compétences ? Ou bien verra-t-on sedéclencher une inexorable course au moins-disant, dans un monde d’ateliers clandestins(virtuels), sans aucune contrainteréglementaire ?

Supposons que la seconde hypothèse soitvérifiée : on verra alors émerger une classe detravailleurs précaires jonglant avec les tâches etles emplois pour joindre les deux bouts, sansprotection juridique, ni droits syndicaux, nisécurité de l’emploi. Allons-nous assister à desmouvements sociaux importants assortisd’instabilité politique ? Enfin, le développementdu human cloud ne risque-t-il pas simplementd’accélérer l’automatisation des emplois et ladéshumanisation ?

Nous sommes face à un défi : il s’agitd’inventer de nouvelles modalités du contratsocial et du contrat de travail adaptées àl’évolution de la main-d’œuvre et de la nature du

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travail. À nous de limiter les risquesd’exploitation liés au human cloud, sans entraverla croissance du marché du travail ni empêcherles gens de travailler comme ils l’entendent.Sinon, la Quatrième Révolution Industriellepourrait augurer d’un avenir sombre pour letravail, comme l’expose Lynda Gratton,professeure de management à la LondonBusiness School dans son livre The Shift: TheFuture of Work is Already Here (« Lebasculement: L’avenir du travail est déjà là »,non traduit) – avec une augmentation desniveaux de fragmentation, de l’isolement et del’exclusion dans les sociétés .

Comme je ne cesse de le répéter tout au longde ce livre, la balle est dans notre camp. Toutdépend des décisions politiques etinstitutionnelles que nous prendrons. Toutefois,n’oublions pas qu’un retour en force desréglementations est toujours possible ; enrevenant dans le processus, les décideurspolitiques pourraient provoquer une distorsiondes forces d’adaptation dans un systèmecomplexe.

L’importance du sens du travail

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D’autre part, tout n’est pas uniquement affairede talent et de compétences. Nous attendonsd’abord de la technologie une meilleureefficacité. Nous voulons aussi sentir que nous nesommes pas seulement un rouage passif d’unmécanisme, mais que nous faisons partie d’untout plus grand que nous. Karl Marx redoutaitdéjà que le processus de spécialisation neréduise ce sentiment que le travail est une raisond’être ; Richard Buckminster Fuller nous met luiaussi en garde contre la surspécialisation quirisque « de fermer les vannes des recherchesambitieuses nous détournant ainsi d’explorerplus avant la toute-puissance des principesgénéraux . »

À présent, dans un monde toujours pluscomplexe et hyperspécialisé, cette quête d’unaccomplissement est une question cruciale, enparticulier pour les personnes de la jeunegénération, qui trouvent souvent que les emploisles empêchent de donner un sens à leur vie. Faceau brouillage des frontières et aux évolutions desaspirations, les gens cherchent non seulement unéquilibre, mais aussi une intégrationharmonieuse de leur vie personnelle etprofessionnelle. Je crains fort qu’à cet égard le

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travail de l’avenir n’apporte satisfaction qu’àune minorité.

Les entreprises

L’évolution des modèles de croissance, desmarchés de l’emploi et de la nature du travailaffecte toutes les organisations ; pourtant, au-delà de cela, on constate que les technologiessous-jacentes à la Quatrième RévolutionIndustrielle bouleversent les modes de gestion,d’organisation et de recrutement dans lesentreprises. Symptôme essentiel de cephénomène, la baisse historique de la durée devie moyenne des entreprises classées à l’indiceS&P 500 (qui recense les 500 plus grandessociétés cotées sur les bourses américaines), quipasse de 60 à 18 ans environ . Autre symptôme,le temps toujours plus court que mettent lesnouveaux entrants à dominer les marchés et àfranchir certains paliers de rentabilité. Facebooka mis six ans pour atteindre 1 milliard de dollarsde recettes par an, et Google à peine cinq ans.Cela ne fait aucun doute : avec les technologiesémergentes, qui s’appuient presque toutes sur lapuissance croissante du numérique, les

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entreprises doivent s’adapter à destransformations toujours plus rapides etprofondes.

Ce point vient corroborer un thème récurrentde mes conversations avec les PDG et cadres dedirection d’entreprises mondiales, à savoir ladifficulté d’appréhender et d’anticiper le déluged’informations disponibles, la rapidité de ladisruption et l’accélération de l’innovation. Onva de surprise en surprise. Dans ce contexte, lesleaders de demain seront ceux qui feront preuveen permanence de leur capacité à apprendre,s’adapter et remettre en cause leurs modes depensée et de fonctionnement.

Face aux répercussions de la révolution encours, l’impératif premier pour chaque dirigeantest donc d’analyser ses capacités et celles de sonorganisation. L’entreprise et sa direction ont-elles fait la preuve de leur capacité à apprendreet à évoluer ? Ont-elles déjà été en mesure deréaliser un prototype ou de prendre une décisiond’investissement très rapidement ? La cultured’entreprise accepte-t-elle l’innovation etl’échec ? Tout ce que j’ai pu observer tend àindiquer que le mouvement va s’accélérer, queles changements seront radicaux et qu’aucuneentreprise ne pourra se dispenser d’un examen

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rigoureux de sa capacité à agir de manière rapideet agile.

Les sources de disruption

La disruption naît de multiples sources et affecteles entreprises de plusieurs manières. Du côté del’offre, nombre de filières sont bouleversées parl’émergence de technologies nouvelles quioffrent des solutions innovantes pour répondreaux besoins existants. Par exemple, dansl’énergie, les nouvelles technologies de réseau etde stockage accéléreront la transition vers dessources décentralisées. La généralisation del’impression en 3D facilitera la fabricationdistribuée et la gestion des pièces détachées.L’information en temps réel ouvrira desperspectives originales sur les consommateurs etla performance des actifs qui stimulerontd’autres évolutions technologiques.

La disruption, ce sont aussi des concurrentsagiles et innovants qui, à l’aide de plateformesnumériques globales de recherche,développement, marketing, ventes etdistribution, parviennent plus vite que jamais àdépasser les acteurs en place, par un gain sur la

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qualité, la rapidité ou le prix de leurs services.C’est pourquoi, pour nombre de dirigeants, lamenace principale provient de concurrentsencore inconnus. Pourtant, on aurait tort decroire que seules les start-up sont capables decréer de la disruption. Avec la numérisation, degrands opérateurs historiques peuventmaintenant s’appuyer sur leur clientèle, leursinfrastructures ou leur technologie pourenjamber les barrières sectorielles. On voit ainsides opérateurs de télécommunications se lancerdans les domaines de la santé ou del’automobile. Utilisée intelligemment, la taillepeut encore être un avantage concurrentiel.

Côté demande, la disruption est aussi àl’œuvre : exigence accrue de transparence,participation du consommateur et nouveauxmodes de consommation (de plus en plus liés àl’accès aux réseaux mobiles et aux données)contraignent les entreprises à adapter leurmanière de concevoir, commercialiser etdistribuer leurs produits et services, nouveaux ouanciens.

Dans l’ensemble, je vois dans le mouvementactuel des entreprises le passage inexorable de lasimple informatisation (propre à la troisièmerévolution industrielle) à une forme d’innovation

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plus complexe basée sur la combinaisoninnovante de technologies multiples. Toutes lesentreprises sont acculées à revoir leur mode defonctionnement d’une manière ou d’une autre :pour certaines, la conquête de nouvellesfrontières passe par le développement d’activitéssur des segments adjacents ; pour d’autres, elleconsiste à identifier les mutations de valeur ausein de secteurs existants.

Le fond du problème reste toutefois le même.Dirigeants et cadres doivent comprendre que ladisruption affecte leur activité sur le versant del’offre aussi bien que sur celui de la demande.C’est pourquoi ils doivent à leur tour remettre encause les présupposés de leurs équipes etdécouvrir de nouvelles manières de procéder. Enun mot, ils doivent innover en permanence.

Quatre impacts majeurs

Dans tous les secteurs, la Quatrième RévolutionIndustrielle a quatre effets principaux sur lesentreprises :

– les attentes des clients évoluent ;– les produits sont enrichis par des données,

d’où une meilleure productivité des actifs ;

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– de nouveaux partenariats sont mis en place,car les entreprises comprennentl’importance de nouvelles formes decollaboration ;

– les modèles de fonctionnement sonttransformés en nouveaux modèlesnumériques.

Les attentes des clients

Les clients, qu’il s’agisse de particuliers (B2C)ou d’entreprises (B2B), sont de plus en plus aucentre de l’économie numérique, tout entièreaxée sur leur service. Les attentes desconsommateurs sont redéfinies en expériences.Prenons l’exemple d’Apple, qui ne vend passeulement la consommation d’un produit, maisaussi l’emballage, sa marque, ses points devente, son SAV : Apple redéfinit les attentes duclient pour y inclure l’expérience du produit.

Des méthodes traditionnelles de segmentationdémographique, on passe au ciblage par descritères numériques qui identifient les clientspotentiels à partir de leur volonté de partagerleurs données et d’interagir. Avec le passage dela possession à l’accès partagé (notamment en

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ville), le partage des données sera un élémentindispensable de la proposition de valeur. Parexemple, le partage de véhicules exigeral’intégration des données personnelles etfinancières de nombreuses entreprises surplusieurs secteurs : automobile, réseaux,communications et banque.

Les entreprises aiment presque toutes à seproclamer centrées sur le client, mais leursprétentions seront mises à l’épreuve lorsque lesdonnées et analyses permettront de voir entemps réel comment elles ciblent et servent leursclients. À l’ère du numérique, la réussite tient àla capacité à obtenir et utiliser les données,affiner les produits et les expériences ; il s’agitd’entrer dans une dynamique d’ajustement et deperfectionnement continus, tout en gardant ladimension humaine de l’interaction au centre duprocessus.

En combinant les données de multiplessources – personnelles, industrielles, portant surle mode de vie ou les comportements –, on peutdésormais avoir une vision très fine du parcoursd’achat du consommateur, avec une précisioninconcevable il y a peu. Aujourd’hui, lesdonnées et indicateurs livrent, presque en tempsréel, des informations cruciales sur les besoins et

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comportements du consommateur, quipermettent de prendre des décisions marketing.

Cette tendance au tout-numérique pousse versdavantage de transparence, avec plus de donnéesdans la chaîne logistique, plus de données à laportée du consommateur, il devient plus facilede comparer les performances des produits et lepouvoir passe aux mains des consommateurs.Par exemple, avec les comparateurs en ligne, ilest facile de comparer les prix, la qualité duservice et la performance du produit. D’un clicou d’un geste du doigt, le consommateur passeinstantanément d’une marque, d’un service oud’un site de vente à l’autre. Pour l’entreprise,plus moyen d’échapper à ses responsabilités si leproduit ou le service ne sont pas performants ouadaptés. L’image de marque est un trophéechèrement acquis et aisément perdu. Dans unmonde plus transparent, cette règle ne sera queplus inflexible.

Pour l’essentiel, la « génération dumillénaire » (ou génération Y) fixe les tendancesde la consommation. Dans cet univers « à lademande », 30 milliards de messages WhatsAppsont envoyés chaque jour , 87 % des jeunesAméricains déclarent que leur smartphone ne lesquitte jamais et 44 % utilisent la fonction

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appareil photo chaque jour . Le partage se faitavant tout en « pair à pair » (peer-to-peer, P2P)et les contenus sont générés par les utilisateurs.On est dans l’instantané, on connaît en directl’état de la circulation, vos courses sont livrées àdomicile dans les minutes qui suivent lacommande. Avec ce système du « tout, tout desuite », les entreprises doivent réagir en tempsréel, où qu’elles se trouvent et où que puissentêtre leurs clients.

Il serait erroné de croire que ce phénomèneest limité aux pays riches. Prenons par exempleles achats en ligne en Chine. Le 11 novembre2015, déclaré « Fête des célibataires » par legroupe Alibaba, le site de e-commerce a traitéplus de 14 milliards de dollars de transactions enligne, dont 68 % des ventes effectuées surmobiles . Autre exemple : l’Afriquesubsaharienne est la région qui connaît lacroissance la plus rapide en termesd’abonnements de téléphonie mobile, ce quidémontre comment l’Internet mobile court-circuite l’accès depuis des postes fixes. La GSMAssociation attend 240 millions d’internautes surmobile supplémentaires d’ici cinq ans dans larégion . D’autre part, si le taux de pénétrationdes réseaux sociaux est maximal dans les pays

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avancés, l’Asie de l’Est et du Sud-Est etl’Amérique centrale sont au-dessus de lamoyenne mondiale de 30 % et en croissancerapide. En 2015, WeChat (Weixin), servicechinois de messagerie texte et voix sur mobile, agagné quelque 150 millions d’usagers en à peine12 mois, soit une croissance annuelle d’au moins39 % .

Les produits augmentés

Les nouvelles technologies transforment lamanière dont les entreprises perçoivent et gèrentleurs actifs : les produits et services sontdésormais enrichis de fonctions numériques quiaccroissent leur valeur. Ainsi, avec ses mises àjour et sa connectivité par ondes hertziennes,Tesla démontre que l’on peut améliorer unproduit (une voiture) après achat, plutôt que dela laisser se déprécier au fil du temps.

Non seulement les nouveaux matériauxrendent les biens d’équipement plus durables etplus résilients, mais les données et l’analysetransforment le rôle de la maintenance. Lesanalyses fournies par les capteurs placés sur lesobjets permettent un suivi permanent et une

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maintenance proactive, ce qui maximise leurutilisation. Il ne s’agit plus de détecter telle outelle panne, mais plutôt d’utiliser les indicateursde performance (basés sur les données fourniespar les capteurs et gérés par des algorithmes)pour savoir quand un équipement sort de saplage de fonctionnement normal.

Par exemple, sur les avions, les centres decontrôle savent avant les pilotes si le moteurd’un appareil donné est défectueux. Ils peuventainsi indiquer au pilote ce qu’il doit faire etmobiliser par avance l’équipe de maintenance àl’aéroport de destination.

Outre la maintenance, la capacité à prédire laperformance d’un équipement permet la créationde nouveaux business models. On peut mesureret surveiller la performance d’un équipement aucours du temps ; l’analyse des données permetde voir quelles sont les tolérances defonctionnement, qui servent de base pourl’externalisation de produits qui ne sont pas aucœur du métier ou stratégiques pour l’entreprise.On voit par exemple SAP utiliser les donnéesdes équipements agricoles pour améliorer leurtemps de fonctionnement et leur utilisation.

La capacité de prédire la performance d’unéquipement offre également de nouveaux

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moyens de fixer le prix des services. Le prix deséquipements à fort taux d’utilisation, comme lesascenseurs ou les escalators, peut être fixé enfonction de leur performance, et les prestatairesde service peuvent être payés en fonction del’utilisation effective de l’équipement au regardd’un seuil de 99,5 % de temps d’utilisation surune période donnée. Prenons le cas des flottes decamions : pour les transporteurs longue distance,il est intéressant de payer les fabricants de pneuspar millier de kilomètres parcourus plutôt qued’acheter périodiquement des pneus neufs. Eneffet, en combinant l’utilisation de capteurs etl’analyse des données, les fabricants de pneuspeuvent suivre la performance des chauffeurs, laconsommation de carburant et l’usure des pneuspour offrir un service complet de bout en bout.

L’innovation collaborative

Dans un monde où les clients recherchent desexpériences, où les services s’appuient sur desdonnées et où l’analyse des données permet detout surveiller, de nouvelles formes decollaboration sont nécessaires, notamment enraison de la vitesse à laquelle se produisent

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l’innovation et la disruption. C’est vrai pour lesopérateurs historiques, mais aussi pour lessociétés jeunes et dynamiques. Si les premiersmanquent de compétences de pointe et sontmoins sensibles à l’évolution des besoins desconsommateurs, les secondes font souvent face àune pénurie de capitaux et n’ont pas la richessedes données générées par des opérations plusmatures.

Comme l’indique le rapport CollaborativeInnovation: Transforming Business, DrivingGrowth publié par le Forum, en mettant encommun leurs ressources par l’innovationcollaborative, les entreprises peuvent créer unevaleur intéressante pour les deux parties, commepour l’économie des pays concernés. Citons parexemple la récente collaboration entre Siemens,géant industriel qui dépense quelque 4 milliardsde dollars par an en recherche et développement,et Ayasdi, entreprise innovante spécialisée dansl’apprentissage machine, fondée en 2008 àl’Université Stanford et nommée TechnologyPioneer par le Forum. Grâce à ce partenariat,Siemens dispose d’un allié capable de l’aider àrésoudre les problèmes complexes liés àl’extraction d’informations de vastes ensemblesde données, tandis qu’Ayasdi peut valider sa

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méthode d’analyse topologique des données surdes cas réels, tout en renforçant sa présence surle marché.

Bien souvent, pourtant, ces collaborations nevont pas de soi. Elles exigent de la part des deuxparties un gros investissement pour élaborer unestratégie, trouver un partenaire adapté, mettre enplace des canaux de communication, aligner lesprocessus de travail et être capables de réagiravec souplesse à l’évolution des conditions, ausein du partenariat comme à l’extérieur. Il arriveque de telles collaborations donnent naissance àun business model entièrement nouveau, commeles systèmes d’autopartage en ville, qui fonttravailler ensemble des entreprises de diverssecteurs pour apporter au client un serviceunique. La présence d’un seul maillon faiblepeut compromettre le partenariat tout entier. Lesentreprises doivent aller bien au-delà desaccords de marketing et de vente, et comprendrecomment adopter des approches collaborativesintégrées. La Quatrième Révolution Industriellecontraint les entreprises à se demander commentle monde réel et le monde virtuel coexistent dansla pratique.

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De nouveaux modèlesde fonctionnement

Ces différentes tendances obligent l’entreprise àrepenser son mode opératoire et, en mêmetemps, à s’adapter à un mode de fonctionnementplus agile. Elle est ainsi contrainte de réviser saplanification stratégique.

Soulignons un fait marquant, déjà évoqué plushaut : le développement de plateformes, permispar la numérisation et les effets de réseaux. Si latroisième révolution industrielle a vul’émergence de plateformes purementnumériques, on observe, avec la révolutionsuivante, l’apparition de plateformes globales,étroitement connectées avec le monde physique.La stratégie de plateforme est à la fois source deprofit et de disruption. Les travaux de la SloanSchool of Management du MIT montrent qu’en2013, 14 des 30 premières capitalisationsboursières étaient celles d’entreprises de typeplateforme .

Les stratégies de plateforme, combinées à lanécessité d’être centré sur le client et devaloriser le produit avec des données, conduisentnombre de secteurs à changer d’activité

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principale : de la vente de produits on passe à laprestation de services. De plus en plus, leconsommateur ne désire plus acheter et posséderdes biens matériels, et préfère payer pour unservice distribué via une plateforme numérique.On peut ainsi accéder à des milliards de livres auformat numérique sur la boutique Kindled’Amazon, écouter pratiquement n’importequelle musique sur Spotify ou se connecter à uneplateforme d’autopartage, qui assure la mobilitésans être propriétaire d’un véhicule. Cechangement majeur favorise des modèleséconomiques d’échange de valeur plustransparents et plus écologiques. En mêmetemps, il nous oblige à remettre en cause notredéfinition de la propriété, à considérer commentorganiser et traiter des contenus illimités, et queltype d’interaction inventer avec ces plateformessans cesse plus puissantes qui offrent desservices à grande échelle.

Les travaux du programme DigitalTransformation of Industry (numérisation del’industrie) du World Economic Forum mettenten évidence plusieurs autres business models etmodèles opérationnels conçus pour tirer profitde la Quatrième Révolution Industrielle. Citonsentre autres l’« orientation client » évoquée plus

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haut : ainsi Nespresso, qui concentre ses effortssur le contact clientèle et incite le personnel àfaire passer le client avant tout. Le« management frugal » entend tirer parti despossibilités offertes par l’interaction entre lesmondes numérique, physique et humain pourdévelopper de nouvelles formes d’optimisation :tel Michelin, qui cherche à offrir des services dehaute qualité à bas prix.

Un business model fondé sur les donnéessaura tirer parti des précieuses informationsrecueillies auprès des consommateurs dans uncontexte plus large pour créer de nouvellessources de profit ; de plus en plus, il s’appuie surl’analyse des données et sur l’intelligencelogicielle pour dégager de nouvellesperspectives. Les entreprises « ouvertes etliquides » savent s’inscrire dans un écosystèmefluide de création de valeur, tandis que lesentreprises « à la Skynet » se concentrent surl’automatisation, qui se généralise dans lesindustries et sur les sites à risque. On ne compteplus les cas d’entreprises qui basculent vers unbusiness model axé sur l’usage des nouvellestechnologies pour utiliser plus efficacement lesflux matériels et l’énergie, économisant les

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ressources, diminuant les coûts, avec un impactpositif sur l’environnement (voir encadré 2).

Face à tous ces changements, les entreprisesseront contraintes d’investir lourdement dans lasécurisation des données afin d’éviter que lesystème ne soit attaqué directement par descriminels ou des militants, ou involontairement,par suite de failles, dans les infrastructuresinformatiques. On évalue à environ500 milliards de dollars le coût annuel descyberattaques pour les entreprises. Les cas deSony Pictures, TalkTalk, Target et Barclaysmontrent qu’une fuite de données sensibles pourl’entreprise ou pour ses clients entraîne unechute de la valeur boursière. C’est pourquoiBank of America Merrill Lynch prédit l’essor dumarché de la cybersécurité, qui devrait auminimum doubler, passant d’environ75 milliards de dollars en 2015 à 170 milliardsd’ici 2020, soit un taux de croissance annuelsupérieur à 15 % sur les cinq années à venir .

Avec les modes de fonctionnement émergents,les notions de talent et de culture doiventégalement être repensées, compte tenu desnouveaux besoins en compétences et del’impératif d’attirer et de retenir le capitalhumain adéquat. Dans tous les secteurs, les

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données sont à présent au cœur de la prise dedécision et des modèles de fonctionnement, cequi demande de nouvelles compétences ; unemodernisation du processus de productions’impose (notamment pour tirer profit del’information en temps réel) et les culturesdoivent évoluer.

Les entreprises, on l’a vu, devront s’adapterau concept du « talentisme », un importantfacteur de compétitivité. Dans un monde où letalent est l’avantage stratégique majeur, il fautrepenser les structures organisationnelles. Pourles entreprises, la réussite tient à de nouveauxfacteurs clés : hiérarchies flexibles, nouvellesmanières de mesurer et de récompenser lesperformances, stratégies innovantes pour attireret retenir les talents et les compétences. L’agilitéd’une entreprise viendra autant de la motivationet de la communication de ses employés que desa capacité à fixer les priorités et à gérer leséquipements.

Selon moi, pour réussir, les entreprisesdevront passer d’une structure hiérarchique à desmodèles connectés et collaboratifs. Lamotivation sera plus intériorisée, mue par ledésir commun des salariés et des cadres deparvenir ensemble à un meilleur contrôle et à

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davantage d’indépendance et de sens. On peuten déduire que les entreprises s’organiseront deplus en plus autour d’équipes diversifiées, detélétravailleurs, de collectifs dynamiques, avecun échange continu des données et des idées surles sujets ou les tâches à traiter.

On voit émerger un scénario d’organisation dutravail qui reflète ces changements ; il s’appuiesur le développement rapide des technologiesportables associées à l’Internet des objets, quipermet progressivement aux entreprises decombiner expériences numériques et matériellespour le bien des salariés et des consommateurs.Par exemple, des salariés opérant avec unéquipement très complexe ou dans des situationsdifficiles peuvent avoir recours à des appareilsportables pour concevoir ou réparer descomposants. Grâce aux téléchargements et auxmises à jour des équipements connectés, on estsûr que les employés et le matériel qu’ilsutilisent sont bien en phase avec lesdéveloppements les plus récents. Dans ce mondede la Quatrième Révolution Industrielle, où leslogiciels et les données sont mis à jour via lecloud, il est essentiel que les compétenceshumaines soient elles-mêmes à jour.

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Combiner les mondes numérique, physiqueet biologique

Les entreprises capables de combiner plusieursdimensions – numériques, physiques etbiologiques – réussissent souvent à bouleverserun secteur tout entier, avec ses systèmes deproduction, de distribution et de consommation.

La popularité de Uber dans de nombreusesvilles est essentiellement due au fait que l’on asu améliorer l’expérience client : suivi duvéhicule sur une application mobile, descriptiondes caractéristiques du véhicule et mode depaiement direct, permettant d’arriver àdestination dans les meilleurs délais.L’expérience a été améliorée et intégrée auproduit matériel (transport d’une personne dupoint A au point B) en optimisant l’utilisation del’équipement (la voiture, propriété duconducteur). Dans ces cas-là, les opportunitésnumériques ne se traduisent pas simplement parune qualité plus élevée ou un coût inférieur,mais entraînent un changement fondamental dubusiness model, fondé sur une approcheglobalisante du service, de la commande àl’exécution.

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Ces business models organisés autour d’unecombinaison de services illustrent l’importancede la disruption qui se produit quand on associedes équipements numériques avec diversesplateformes pour réorganiser le rapport auxéquipements matériels (avec un glissementnotable de la propriété à l’usage). Sur cesmarchés, aucune entreprise ne possède lesactifs : le conducteur est propriétaire de sonvéhicule et le met à disposition ; le propriétairede l’appartement met à disposition une chambre.Dans les deux cas, l’avantage concurrentielrepose sur une expérience utilisateur améliorée,associée à une réduction des coûts de transactionet de friction. En outre, en permettant desimplifier et d’accélérer la rencontre de l’offre etde la demande, ces entreprises parviennent àsupplanter le business model des opérateurs enplace.

Progressivement, cette approche remet encause la position d’entreprises bien établies etbrouille les frontières entre secteurs. Denombreux dirigeants prévoient que, dans lestrois à cinq années à venir, leur entreprise subirales effets de cette convergence entre secteurs .Une fois qu’un client a établi une relation deconfiance et laissé des traces de son passage sur

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la plateforme, le fournisseur numérique n’aaucun mal à lui proposer d’autres produits etservices.

L’évolution rapide de la concurrence entraînela désintégration de « silos » sectoriels et desfilières en place ; elle vient également court-circuiter la relation existante entre l’entreprise etses clients. Les nouveaux venus « disrupteurs »peuvent rapidement monter en puissance à unniveau de coût nettement inférieur, générantainsi, par effet de réseau, une croissance rapidede leurs revenus financiers. Le cas d’Amazon,simple libraire en ligne devenu géant du e-commerce au chiffre d’affaires annuel de100 milliards de dollars, montre bien commentla fidélisation des clients, associée à unecompréhension de leurs préférences et à uneorganisation efficace permet de développer lavente dans des domaines variés. Il démontreaussi l’importance des économies d’échelle.

Dans presque tous les domaines, lestechnologies numériques ont conduit à inventerdes manières radicalement nouvelles decombiner produits et services, estompant aupassage les frontières sectorielles traditionnelles.Dans l’automobile, les voitures sont devenuesdes ordinateurs sur roues : l’électronique

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représente environ 40 % du prix du véhicule.Quand Apple et Google décident d’investir lemarché automobile, cela prouve que désormaisune entreprise de haute technologie peut devenirun constructeur automobile. À l’avenir, à mesureque l’électronique représentera une partcroissante de la valeur ajoutée, la technologie etle logiciel pourraient se révéler stratégiquementplus payants que la construction du véhiculeproprement dite.

Le secteur de la finance passe par une phaseanalogue de changement radical. Lesplateformes de P2P (peer-to-peer) viennentabolir les barrières à l’entrée et font chuter lescoûts. Dans le domaine de l’investissement, lesnouveaux algorithmes de « robot-conseil » et lesapplications correspondantes dispensent desservices de consultation et des outils de gestion àbas prix – 0,5 % au lieu de 2 % – mettant ainsien péril un segment entier de la financetraditionnelle. D’autre part, il est clair que lablockchain va sous peu révolutionner le domainecar ses applications financières ont virtuellementla capacité de réduire les coûts de règlement etde transaction de 20 milliards de dollars et debouleverser le fonctionnement dans ce secteur.

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La technologie des bases de donnéespartagées permettra de rationaliser diversesactivités, telles que le stockage des comptesclients, les transactions transfrontalières, ainsique des produits et des services qui n’existentpas encore à ce jour, comme les contrats à termeautomatisés qui peuvent s’exécuter d’eux-mêmes sans l’intervention d’un trader (parexemple, des dérivés de crédits versésautomatiquement dès qu’un pays ou uneentreprise fait défaut).

Le secteur de la santé est lui aussi confronté àun défi : assimiler les progrès technologiquessimultanés dans les domaines de la physique, dela biologie et du numérique ; ainsi, les dernièresévolutions en matière de diagnostic et detraitement arrivent en même temps que lesefforts pour numériser les dossiers médicaux etexploiter les gros volumes d’informationsrecueillies par les appareils portables et lesimplants connectés.

Certains domaines sont plus touchés qued’autres par cette disruption, mais tous sontaffectés par la dynamique sous-jacente à laQuatrième Révolution Industrielle. On note desdifférences dépendant du secteur et du profildémographique de la clientèle. Pourtant, dans un

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monde caractérisé par l’incertitude, la capacitéd’adaptation est essentielle – si une entrepriseest incapable de suivre le mouvement, ellerisque d’être éliminée.

Pour survivre ou prospérer, les entreprisesseront condamnées à entretenir et consolider enpermanence leur avantage concurrentiel.Entreprises, multinationales, secteurs entiersseront soumis à une pression darwiniennecontinue : la mentalité du « toujours en versionbêta » (toujours en évolution) se répand. Celasuggère que le nombre global d’entrepreneurs etd’« intrapreneurs » (cadres salariés quideviennent entrepreneurs) augmente. Les petiteset moyennes entreprises auront l’avantage de larapidité et de l’agilité requises pour affronter ladisruption et l’innovation.

Les grandes structures, en revanche, pourrontsurvivre grâce aux économies d’échelle etavantages liés à leur taille ; elles investiront dansun écosystème de start-up et de PME en lesrachetant ou en nouant des partenariats avec desentreprises plus petites et plus innovantes ; ellespourront ainsi conserver l’autonomie de leursentreprises respectives tout en agissant demanière plus efficace et plus agile. La décisionrécente de Google de se restructurer en une

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holding baptisée Alphabet est emblématique decette tendance, induite par l’impératif demaintenir sa capacité d’innovation et son agilité.

En fin de compte, comme on le verra en détailpar ailleurs, le contexte réglementaire etlégislatif pèse fortement sur la façon dontchercheurs, décideurs et citoyens orientent,financent et adoptent les technologiesémergentes et les modes opératoires leurpermettant de créer de la valeur ajoutée pour leclient. En effet, si les nouvelles technologies etles entreprises innovantes offrent de nouveauxproduits et services susceptibles d’améliorer lavie du plus grand nombre, ces mêmestechnologies et les systèmes sous-jacents sontégalement susceptibles d’engendrer des effetsnégatifs qu’il serait préférable d’éviter. Cela vadu chômage de masse et de la montée desinégalités, évoqués précédemment, aux dangersdes armements automatisés et aux nouveauxrisques en matière de cybersécurité.

Quel serait le dosage souhaitable du point devue réglementaire ? Sur ce point, les avisdivergent, mais nos contacts auprès deresponsables politiques, d’hommes d’affaires etde représentants de la société civile semblentindiquer que tous partagent une même

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perspective : créer des écosystèmes juridiques etréglementaires à la fois souples et efficaces,favorables à l’innovation tout en minimisant lesrisques, afin de garantir la stabilité et laprospérité sociale.

Encadré 2

Préservation et restaurationde l’environnement

Cette convergence des mondesphysiques, numériques et biologiques,qui est au cœur de la QuatrièmeRévolution Industrielle, ouvre lapossibilité d’utiliser les ressourcesnaturelles de façon plus économique etefficace.Le projet MainStream du WorldEconomic Forum, visant à accélérerl’adoption de l’économie circulaire,montre que les nouvelles technologieset la conception de systèmesintelligents sont porteurs d’unepromesse : celle-ci ne nous permet passimplement d’espérer que nous allonsdiminuer l’impact individuel et collectifsur l’environnement, mais aussi que

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nous allons réussir à le régénérer et àle restaurer.Au cœur de cette promesse, se trouvela possibilité de libérer producteurs etconsommateurs de l’économie linéaireet de son système de gaspillage : cesystème suppose en effet une massede ressources aisément disponibles,pour évoluer vers un nouveau modèleindustriel dans lequel les flux dematière, d’énergie, de main-d’œuvre, etplus récemment d’information,interagissent pour créer un systèmeéconomique plus productif et capablede régénérer l’environnement.Quatre pistes nous mènent dans cettedirection. Premièrement, avec l’Internetdes objets et les objets intelligents, ilest désormais possible de suivre lesflux de matière et d’énergie pourréaliser des économies massives toutau long des filières. D’après Cisco, sur14 400 milliards de dollars deretombées économiques quepermettrait l’IdO dans la décennie àvenir, 2 700 milliards pourraientprovenir de l’élimination du gaspillageet de l’amélioration des processusd’approvisionnement et de la logistique.

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Les solutions ouvertes par l’IdOdevraient permettre une réduction desémissions de gaz de serre de9,1 milliards de tonnes d’ici 2020, soit16,5 % du total prévu pour cette année-là .Deuxièmement, avec ladémocratisation de l’information et latransparence dues aux objetsnumériques, les citoyens sont enmeilleure position pour réclamer descomptes au gouvernement et auxentreprises. Des technologies tellesque la blockchain contribueront àrendre cette information plus fiable, parexemple en captant et en certifiant lesdonnées sur le déboisement recueilliespar satellite sous un format sécuriséafin d’obliger les propriétaires terriens àrendre des comptes.Troisièmement, les nouveaux fluxd’information et la transparence accruepeuvent contribuer à modifier à grandeéchelle le comportement des citoyens :avec de nouvelles normeséconomiques et sociales favorables àun système économique circulairedurable, un comportement plus

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vertueux deviendra la ligne de conduiteallant de soi.Grâce à une convergence entre lessciences du comportement, lapsychologie et l’économie, oncomprend mieux nos manières depercevoir le monde, d’agir et de justifiernos comportements. De nombreuxtests de contrôle aléatoire conduits pardes États, des entreprises ou desuniversités ont permis de valider cesrésultats. Ainsi, OPower utilise lescomparaisons entre consommateurspour les inciter à réduire leurconsommation d’électricité, contribuantainsi à protéger l’environnement tout enréduisant les coûts.Quatrièmement, comme nous l’avonsdéjà souligné, les nouveaux modèlesorganisationnels offrent de nouveauxmodes de création et de partage de lavaleur, lesquels entraînent à leur tourdes changements systémiquescomplets, bénéfiques pourl’environnement, mais aussi pourl’économie et la société. Les véhiculesautonomes, l’économie du partage etles nouveaux modèles de leasing setraduisent tous par un meilleur taux

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d’utilisation des équipements. Ilsfacilitent aussi grandement la collecteet le recyclage des matériaux en tempsvoulu.Avec la Quatrième RévolutionIndustrielle, les entreprises pourrontallonger le cycle d’usage des biens etdes ressources, augmenter leur tauxd’utilisation et mettre en place des« cascades » dans lesquellesmatériaux et énergie seront récupéréset recyclés pour d’autres usages,réduisant ainsi les émissions et lapression sur les ressources. Dans cesystème révolutionnaire, le dioxyde decarbone cesse d’être un gaz à effet deserre pour devenir une ressource ; lecaptage et stockage du CO cessed’être un gouffre économique,avec des installations de captagerentables et utiles à la production. Plusimportant encore, entreprises,gouvernements et citoyens, plusconscients des enjeux écologiques,s’impliqueront davantage dans laprotection de l’environnement : unusage intelligent et respectueux ducapital naturel permettra d’instaurer unsystème de production et de

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consommation durable, et de restaurerla biodiversité dans les zonesmenacées.

Le national et le global

La Quatrième Révolution Industrielle bouleverseaussi le fonctionnement des institutions etorganismes publics. En particulier, au niveaulocal, régional et national, les gouvernementssont contraints de s’adapter, de se réorganiser etd’inventer de nouveaux modes de collaborationavec les citoyens et avec le secteur privé. Lesrelations qu’entretiennent les gouvernements etles pays entre eux sont elles aussi transformées.

Dans cette section, j’analyse le rôle que lesgouvernements doivent jouer s’ils veulentmaîtriser la Quatrième Révolution Industrielle,et j’identifie les forces profondes qui modifientla perception traditionnelle des hommespolitiques et de leur rôle social. Avec l’influencegrandissante des citoyens, la fragmentation et lapolarisation des populations, on pourrait voirémerger un système dans lequel l’exercice dupouvoir politique devient plus difficile et moins

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efficace. Ce changement est d’autant plus crucialà une époque où les gouvernements sont appelésà accompagner la transition vers de nouveauxpaysages scientifiques, technologiques,économiques et sociaux.

Les gouvernements

L’impact de la Quatrième RévolutionIndustrielle sur les pouvoirs publics, la premièrechose qui vient à l’esprit est l’usage destechnologies numériques pour mieux gouverner.Le recours plus systématique et plus innovantaux technologies du Web permet de moderniserles structures des administrations publiques etd’améliorer leur fonctionnement : développer lesprocessus de gouvernance numérique,promouvoir une relation plus transparente, plusresponsable et une meilleure interaction entre legouvernement et les citoyens. Lesgouvernements doivent également tenir comptedu fait que le pouvoir se déplace de plus en plusvers des acteurs non étatiques, et vers desréseaux plus ou moins informels. Avec lestechnologies nouvelles et les groupes sociauxainsi que les formes d’interactions qu’elles

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favorisent, pratiquement n’importe qui peutexercer une influence, ce qui était inconcevableil y a encore quelques années.

Les gouvernements sont particulièrementaffectés par ce changement du pouvoir quidevient de plus en plus instable et évanescent.Pour reprendre les termes de Moisés Naím, « auXXI siècle, le pouvoir est plus facile à conquérir,plus difficile à exercer et plus facile à perdre ».Incontestablement, l’exercice du pouvoir estplus difficile que par le passé. À des raresexceptions près, les décideurs politiques ont plusde mal à impulser des changements. Ils sontconfrontés à des sources de pouvoir rivales, àtous les niveaux. Les micro-pouvoirs sontdésormais en position de contrer des macro-pouvoirs.

L’ère numérique a détruit certaines barrièresqui protégeaient l’autorité publique, réduisantl’efficacité des gouvernements à mesure que lapopulation se trouvait mieux informée ethaussait son niveau d’exigence. La saga deWikiLeaks, qui voit une minuscule entité, nonétatique, affronter un État gigantesque, illustrebien cette asymétrie des nouveaux paradigmesdu pouvoir et l’érosion de la confiance qui biensouvent l’accompagne.

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Pour explorer, sous ses multiples aspects,l’impact de la Quatrième Révolution Industriellesur les gouvernements, il faudrait un ouvrageentier, mais le point clé est le suivant : de plus enplus, grâce à la technologie, les citoyens vontpouvoir faire entendre leurs voix, coordonnerleurs efforts et possiblement échapper aucontrôle étatique. Je dis bien « possiblement »,car on peut aussi envisager un scénario inverse,où les technologies de surveillance permettraientà un État tout-puissant de renforcer son contrôlesur les citoyens.

Des structures parallèles permettront dediffuser des idéologies, recruter des militants etcoordonner des actions contre – ou malgré – lespouvoirs publics. Les gouvernements serontcontraints de modifier leur structure actuelle àmesure que leur rôle central dans la conduite desaffaires publiques régressera sous l’action d’uneconcurrence exacerbée et des effets deredistribution et de décentralisation du pouvoirinduits par les nouvelles technologies. De plusen plus, les gouvernements seront considéréscomme des centres de services publics, quiseront jugés sur leur capacité à assurer desservices élargis aussi efficaces et individualisésque possible.

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Finalement, la survie des gouvernementsdépendra de leur faculté d’adaptation : ilssurvivront si, dans un monde de disruptioncroissante, ils réussissent à imposer à leursadministrations, la transparence et l’efficaciténécessaires pour conserver leur positiondominante. Cette transformation radicale ferad’eux des entités politiques plus légères, plusefficaces, dans un environnement de pouvoirsnouveaux et concurrents.

Comme pour les révolutions industriellesprécédentes, la réglementation jouera un rôledécisif dans l’adaptation et la diffusion destechnologies nouvelles. Néanmoins, en matièrede création, de réforme et d’application de laréglementation, les pouvoirs publics serontcontraints de changer de perspective. Dansl’« ancien monde », les décideurs avaient letemps d’étudier un problème donné et d’élaborerles mesures ou le contexte réglementaireadéquat. Le processus était linéaire et mécaniquesuivant une démarche rigoureusement top down.C’est désormais impossible, pour différentesraisons.

La Quatrième Révolution Industrielle aimposé un rythme de changement si rapide queles dirigeants se trouvent plus que jamais mis en

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cause. Les pouvoirs politiques, législatifs etréglementaires, dépassés par les événements,sont souvent incapables de suivre le rythme duchangement technique et d’en saisir lesimplications. Avec l’information en continu, lesdirigeants sont obligés de commenter ou deréagir instantanément aux événements ; le tempsnécessaire pour élaborer une réaction mesurée etéquilibrée est réduit. Le danger est réel de perdrele contrôle des choses importantes, dans cemonde comptant près de 200 États indépendantset des milliers de cultures et de langues.

Dans ces conditions, comment les dirigeantspolitiques peuvent-ils accompagner l’évolutiontechnologique et protéger les intérêts desconsommateurs et du grand public sans freinerl’innovation ? La réponse est dans lagouvernance agile (voir encadré 3).

Nombre de percées technologiques ne sontpas correctement prises en compte dans lecontexte réglementaire actuel, et seraient mêmesusceptibles de briser le contrat social entre legouvernement et les citoyens. La gouvernanceagile implique que les dirigeants politiquestrouvent un moyen de s’adapter continuellementaux changements de l’environnement ; ilsdoivent se remettre en cause constamment afin

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de mieux comprendre ce qu’ils sont censésréglementer. Pour cela, les pouvoirs publics etles autorités réglementaires doivent collaborerplus étroitement avec les entreprises et la sociétécivile pour orienter les changements quis’imposent au niveau mondial, régional etsectoriel.

La gouvernance agile n’est pas synonymed’incertitude réglementaire, ni d’une activitéfrénétique de la part des décideurs publics. Ilfaut éviter de croire que nous sommes pris entredeux systèmes législatifs, tous deuxindésirables : l’un stable mais désuet, l’autremoderne mais instable. L’ère de la QuatrièmeRévolution Industrielle n’appelle pasnécessairement des mesures politiques plusrapides ou plus nombreuses, mais un écosystèmejuridique et réglementaire offrant un cadre plusrésilient. On pourrait même envisager de créerdes espaces de réflexion conçus pour élaborerdans le calme les décisions importantes. Leproblème est de parvenir à un mode dedélibération plus productif qu’aujourd’hui,capable d’anticipation, afin de ménager unmaximum d’espace favorable à l’innovation.

En bref, dans un monde où les fonctionspubliques essentielles, les communications

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sociales et les informations personnelles migrentvers des plateformes numériques, les pouvoirspublics, en collaboration avec les entreprises etla société civile, doivent mettre en place lesrègles et les contre-pouvoirs capables d’assurerla justice, la compétitivité et l’équité, notammentla sécurité et la fiabilité de la propriétéintellectuelle.

Deux approches conceptuelles sont possibles.Dans l’une, tout ce qui n’est pas explicitementinterdit est autorisé. Dans l’autre, tout ce quin’est pas explicitement autorisé est interdit. Nosgouvernements doivent combiner ces deuxapproches. Ils doivent apprendre à collaborer età s’adapter, tout en assurant une dimensionhumaine dans toute décision. Leur rôle est plusimportant que jamais : favoriser l’innovationtout en minimisant les risques, tel est le défi.

Pour y parvenir, ils devront mieux impliquerles citoyens et essayer des solutions politiquesqui laissent place à l’apprentissage et àl’adaptation. Ce double objectif suppose que lesgouvernements et les citoyens repensent leursrôles respectifs et leurs modes d’interaction, touten admettant explicitement la nécessitéd’intégrer des perspectives divergentes, quelsque soient les erreurs et les faux pas inévitables.

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Encadré 3

Les principes de gouvernanceagile

Le marché du travailLes technologies numériques et lesinfrastructures de communicationglobales ont bouleversé les notionstraditionnelles d’emploi et de salaire,donnant naissance à des emplois d’untype nouveau, extrêmement flexibles etfondamentalement instables (ce quel’on appelle l’économie à la demande).Ces nouveaux emplois ont le mérited’offrir des horaires flexibles et sontpotentiellement source d’autresinnovations sur le marché du travail ;en revanche, il y a lieu de s’inquiéter dufaible niveau de protection qu’ils offrentà leurs employés dans le contexte decette économie à la demande, danslequel tout individu devient unindépendant, qui ne bénéficie ni de lasécurité ni de la pérennité de l’emploi.Monnaie et impôt

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En outre, l’économie à la demandesoulève des inquiétudes concernant lacollecte de l’impôt, car le travail au noirdevient plus aisé et plus attractif. Lessystèmes de paiement numérisésrendent les transactions et les micro-transactions plus transparentes ; enrevanche, les nouveaux systèmesdécentralisés qui émergent risquent decompromettre sérieusement la capacitédes autorités publiques et des acteursprivés à surveiller l’origine et ladestination des transactions.Responsabilité et protectionPendant longtemps, l’existence desprofessions réglementées (par exempleles taxis ou les professions médicales)a reposé sur le fait que certainesprofessions à haut risque exigeaient unniveau de contrôle plus élevé et nedevaient être occupées que par desprofessionnels certifiés, afin de garantirla sécurité et la protection duconsommateur. Plusieurs de cesmonopoles garantis par l’État sontaujourd’hui remis en cause par desavancées technologiques permettantl’interaction directe d’égal à égal : denouveaux intermédiaires gèrent la

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coordination et facilitent cesinteractions.Sécurité et confidentialitéEn dépit du caractère transnationald’Internet et de la montée d’uneéconomie globalisée, la réglementationconcernant le droit et la protection desdonnées demeure fortementsegmentée. Les règles fixant lacollecte, le traitement et la revente desdonnées individuelles, clairementdéfinies en Europe, sont encoreincomplètes ou absentes sous d’autresjuridictions. L’agrégation de vastesbases de données permet auxopérateurs de déduire plusd’information que l’utilisateur n’en a(implicitement ou explicitement) fourni.Les techniques d’analyse et degénéralisation du big data permettentun profilage des utilisateurs, ouvrant lavoie à de nouveaux services à lademande plus personnalisés ; cesservices seront virtuellementbénéfiques aux utilisateurs et auxconsommateurs, mais on peut aussis’inquiéter des problèmes deconfidentialité qu’ils posent et de la

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menace qu’ils représentent pourl’autonomie individuelle.Compte tenu de l’inquiétude croissanteconcernant la cybercriminalité et lepiratage d’identité, de nombreuxsystèmes juridiques font pencher labalance vers moins de liberté et plusde contrôle, comme le montrent lesrévélations d’Edward Snowden,l’analyste américain qui a organisé lafuite des documents concernant lesactions de la NSA, l’agence nationalede sécurité américaine.Accès et inclusionÀ mesure que l’économie globaliséepénètre dans le monde numérique,l’accès à un système fiabled’infrastructures numériques devient lacondition essentielle de la prospéritééconomique. Il est impératif que lespouvoirs publics saisissent bien laportée potentielle de ces avancéestechnologiques. Il ne suffit pas qu’ilsadoptent ces technologies pour leursbesoins propres, il faut encore qu’ilsagissent pour en promouvoir ladiffusion et instaurer une sociétéglobalement connectée. La question dela fracture ou de l’exclusion numérique

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prend une importance croissante àmesure qu’il devient plus difficile departiciper à l’économie numérique etaux nouvelles formes d’engagementcitoyen sans une connexion Internetconvenable et/ou sans accès à unappareil connecté ou auxconnaissances nécessaires pour s’enservir.Asymétries de pouvoirDans notre société, les asymétriesd’information risquent d’entraîner ungrave déséquilibre des pouvoirs, carcelui qui connaît la technologie détientle pouvoir. Une entité disposant d’unaccès au code source est presquetoute-puissante. Compte tenu desdifficultés croissantes à saisir lepotentiel des technologies modernes, ilest probable que de nouvellesinégalités apparaîtront, entre lesindividus à l’aise avec la technologie,qui la comprennent et la contrôlent, etceux qui, moins bien informés, utilisentpassivement une technologie dont lefonctionnement leur échappe.

Source : « A call for Agile GovernancePrinciples in an Age of Disruption »,Global Agenda Council on Software &

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Society, World Economic Forum,novembre 2015.

Les États, les régions et les villes

Les technologies numériques ne connaissent pasles frontières ; dès lors, de nombreuses questionsjaillissent si l’on considère l’impactgéographique de ces technologies et l’impact desfacteurs géographiques sur le développementtechnologique. Quel sera le rôle respectif desÉtats, des régions et des villes dans la QuatrièmeRévolution Industrielle ? L’Europe occidentaleet les États-Unis resteront-ils, comme par lepassé, maîtres du jeu ? Quels seront les payscapables de les rattraper ? Assisterons-nous auprogrès de la collaboration pour le plus grandbien de la société, ou au contraire à unefragmentation croissante, non seulement interneaux pays mais aussi entre pays ? Dans un mondeoù la production de biens ou de services peutêtre localisée dans n’importe quel pays, et oùune part importante de la demande en main-d’œuvre faiblement qualifiée disparaît du fait dela robotisation, verrons-nous tous ceux qui en

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ont les moyens s’installer dans des pays dotésd’institutions robustes et offrant une bonnequalité de vie ?

Une réglementation favorableà l’innovation

Face à ces questions, un élément de réponses’impose : les États et les régions qui réussirontà imposer les normes internationales de demaindans les grands domaines de la nouvelleéconomie numérique (communications 5G,utilisation de drones à des fins commerciales,Internet des objets, numérisation dans ledomaine de la santé, fabrication de pointe)récolteront des bénéfices économiques etfinanciers considérables. À l’inverse, les Étatsqui s’attachent à imposer des normes spécifiquespour favoriser leurs producteurs nationaux,cherchant à bloquer les concurrents étrangers, àréduire les royalties versées pour utiliser lestechnologies étrangères, risquent fort de secouper des normes dominantes ; on peuts’attendre à les retrouver à la traîne de lanouvelle économie .42

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Comme nous l’avons déjà mentionné, laquestion de la législation et de son acceptationau niveau national et régional jouera un rôlefondamental dans la définition de l’écosystèmeoù opèrent les entreprises disruptrices. Il peut enrésulter des affrontements entre États.

Un bon exemple est la décision d’octobre2015 de la Cour européenne de justiced’invalider l’accord dit Safe Harbor, quiréglementait les transferts de donnéesindividuelles entre l’Union européenne et lesÉtats-Unis. Ceci ne manquera pas d’augmenterles coûts de conformité pour les entreprises quiveulent s’implanter en Europe ; cette questionest devenue un point épineux dans les relationstransatlantiques.

Cet exemple montre bien l’importancecroissante des écosystèmes d’innovation commefacteurs clés de la compétitivité. À l’avenir, ladistinction entre pays à bas coût et à haut coût demain-d’œuvre, ou entre marchés émergents etmarchés matures, importera moins que celleentre les pays capables de favoriser laproduction de l’innovation et les autres.

Ainsi, aujourd’hui, les entreprises nord-américaines demeurent les plus innovatricessous tous rapports. Elles attirent les meilleurs

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talents, déposent le plus grand nombre debrevets, contrôlent la majorité du capital-risquemondial, et lorsqu’elles sont cotées en Bourse,leurs actions sont fortement valorisées. De plus,l’Amérique du Nord demeure à la pointe dequatre révolutions en synergie : l’innovationtechnologique dans le domaine de la productionénergétique, de la fabrication avancée etnumérique, des sciences de la vie et destechnologies de l’information.

Tandis que l’Amérique du Nord et l’Unioneuropéenne, qui compte certains des États lesplus innovants, mènent le jeu, on voit d’autrespays gagner rapidement du terrain. On estimeainsi que les performances chinoises en matièred’innovation atteignent 49 % du niveaueuropéen en 2015 (contre 35 % en 2006), àmesure que le pays change de modèleéconomique pour se concentrer sur l’innovationet les services . La Chine, qui partait d’unniveau relativement bas, ne cesse de monter enpuissance dans la production globale, et sait tirerprofit de ses importantes économies d’échellepour mieux se positionner dans la concurrenceinternationale .

Globalement, les choix politiques stratégiquesseront décisifs pour déterminer si un pays ou une

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région peuvent profiter pleinement despossibilités offertes par la révolutiontechnologique.

Les régions et les villes, des centresd’innovation

Je suis particulièrement préoccupé par l’effetque l’automatisation aura sur certains États etcertaines régions, en particulier dans les marchésà croissance rapide et les pays endéveloppement : elle pourrait rapidement éroderl’avantage concurrentiel que ces États et régionsdétiennent du fait qu’ils produisent des biens etservices à forte intensité de main-d’œuvre. Cescénario pourrait ravager les économies decertains pays ou régions qui connaissentactuellement la prospérité.

Il est clair que ni les pays ni les régions nepeuvent prospérer si les villes, écosystèmesd’innovation, ne sont pas continuellementalimentées. Historiquement, les villes onttoujours été le moteur de la croissanceéconomique, de la prospérité et du progrèssocial, et elles seront à l’avenir déterminantespour la compétitivité des pays et des régions.

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Aujourd’hui, plus de la moitié de la populationmondiale vit en zone urbaine, des villesmoyennes aux mégapoles, et le nombred’habitants des villes poursuit sa croissance dansle monde entier. Beaucoup de facteurs quiinfluent sur la compétitivité des pays et desrégions (de l’innovation et de l’éducation, auxinfrastructures et à l’administration publique)sont du ressort des villes.

Les villes qui parviendront le mieux à attirerles talents et à rivaliser avec d’autres métropolesseront celles qui sauront assimiler et diffuser latechnologie rapidement, en s’appuyant sur despolitiques publiques agiles. L’accès au très hautdébit, le recours aux technologies numériquesdans les transports, la consommationénergétique, le recyclage des déchets, etc.,rendent une ville plus performante, plus vivable,et donc plus attrayante.

Il est donc essentiel que partout dans lemonde les villes et les pays s’emploient àgarantir, à toute la population, l’accès et l’usagedes technologies de l’information et de lacommunication (TIC) qui conditionnent pourl’essentiel la Quatrième Révolution Industrielle.

Malheureusement, comme le montre leGlobal Information Technology Report 2015 du

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World Economic Forum, les infrastructures deTIC ne sont pas aussi répandues et leur diffusionn’est pas aussi rapide qu’on le pense. « Lamoitié de la population mondiale n’a pas detéléphone portable et 450 millions de personnesvivent encore sans réception d’un signal mobile.Environ 60 % de la population mondiale ne sontpas encore connectés ; ce chiffre dépasse les90 % dans les pays pauvres. Enfin, la plupart destéléphones portables sont de l’anciennegénération . »

Les gouvernements doivent donc sepréoccuper de lutter contre la fracturenumérique, à tous les stades de développement,pour que les villes et les États disposent desinfrastructures de base indispensables à l’essoréconomique et à la réussite partagée renduepossible par les nouveaux modèles decollaboration, d’efficacité et d’entreprise.

Les travaux du Forum sur le « développementaxé sur les données » (Data DrivenDevelopment) soulignent que ce n’est passeulement l’accès aux infrastructuresnumériques qui conditionne la possibilité desaisir cette chance. Il est égalementindispensable, dans de nombreux pays,notamment de l’hémisphère sud, de traiter le

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problème du « déficit de données », en agissantsur les contraintes qui pèsent sur la création, lacollecte, la diffusion et l’utilisation des données.En comblant ces quatre « fractures » quicontribuent au déficit des données, les États, lesrégions et les villes se doteront d’outilssupplémentaires pour favoriser leurdéveloppement : suivre les épidémies, mieuxgérer les catastrophes naturelles, faciliter l’accèsdes pauvres aux services publics et financiers, etcomprendre les mouvements migratoires despopulations défavorisées .

Les États, les régions et les villes ne peuventse contenter de changer le cadre réglementaire ;ils doivent aussi investir activement pourdevenir les tremplins de la transformationnumérique, afin d’attirer des entrepreneurs et desinvestisseurs dans des start-up innovantes touten veillant à ce que les entreprises en places’ouvrent aux possibilités offertes par laQuatrième Révolution Industrielle.

À mesure que de jeunes entreprisesdynamiques s’allient aux entreprises en place,aux citoyens et aux universités, la ville devienttout à la fois un site expérimental et un centrefertile où les idées nouvelles se transforment en

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valeur réelle pour les économies locales etglobales.

Selon l’association britannique Nesta, quisoutient l’innovation, les cinq villes dontl’environnement politique est le plus favorable àl’innovation, sont New York, Londres, Helsinki,Barcelone et Amsterdam . L’étude de Nestamontre que ces villes excellent à trouver desmoyens créatifs d’impulser des changements endehors de l’arène politique officielle, à êtreouvertes par défaut et à agir en entrepreneurs(plutôt qu’en bureaucrates). Ces trois critères,permettant de dégager les cas d’excellence, sontégalement applicables aux villes des paysémergents et en développement. La ville deMedellin, en Colombie, a ainsi reçu le titre deVille de l’année en 2013, en reconnaissance deson approche originale de la mobilité et dudéveloppement durable, devant les autresfinalistes New York et Tel Aviv .

En octobre 2015, le Global Agenda Councilon The Future of Cities du World EconomicForum a publié une étude de cas portant sur desvilles du monde entier en quête de solutionsinnovantes à toute une gamme de problèmes(voir encadré 4) . Ce rapport montre lecaractère unique de la Quatrième Révolution

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Industrielle : elle est induite par un réseau globalde villes, de pays et de bassins régionauxintelligents (en réseau), qui comprennent etexploitent les possibilités de cette révolution,dans une approche à la fois top down et bottomup, agissant dans une perspective globale etintégrée.

Encadré 4

Innovations urbaines

Espace numériquementreprogrammable : les bâtimentspourront instantanément changer defonction pour servir de théâtre, degymnase, de centre social, de boîte denuit ou autre, réduisant ainsi auminimum l’empreinte urbaine globale.Les villes pourront faire plus avecmoins.« Waternet » : avec l’Internet destuyaux, des capteurs permettront desuperviser la distribution de l’eau dansles réseaux, de surveiller les flux et decontrôler le cycle entier, fournissantdurablement l’eau nécessaire auxbesoins humains et écologiques.

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Adoption d’un arbre via les réseauxsociaux : les études montrentqu’augmenter de 10 % les espacesverts d’une ville permettrait decompenser l’augmentation detempérature provoquée par lechangement climatique ; la végétationcontribue à bloquer le rayonnement àondes courtes grâce à l’évaporationd’eau, qui rafraîchit l’air ambiant et créedes microclimats plus agréables. Lacanopée et les systèmes racinairespeuvent également réduire le flux deseaux pluviales en cas de tempête etéquilibrer les apports nutritifs.Mobilité nouvelle génération : avecles progrès des capteurs, de l’optiqueet des processeurs embarqués, unemeilleure sécurité pour les piétons etl’avènement des transports nonmotorisés entraîneront la généralisationdes transports en commun, la réductiondes embouteillages et de la pollution,une amélioration de la santé et destrajets domicile-travail plus rapides,plus réguliers et moins chers.Cogénération, cochauffage etcorefroidissement : déjà, lessystèmes mécaniques de cogénération

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captent et récupèrent l’excédent dechaleur, améliorant nettement lerendement énergétique. Les systèmesde trigénération utilisent la chaleur soitpour le chauffage soit pour laclimatisation, grâce à la technologie duréfrigérateur à absorption – parexemple, pour refroidir des bureauxabritant beaucoup d’ordinateurs.Mobilité à la demande : le numériquerend la circulation des véhicules plusefficace en permettant l’information entemps réel et une surveillance sansprécédent des infrastructures demobilité urbaine. Cela ouvre denouvelles possibilités pour utiliser aumieux le véhicule grâce à desalgorithmes d’optimisation dynamiques.Réverbères intelligents : lesréverbères LED de nouvelle générationpeuvent servir de plateformes pourtoute une série de capteurs collectantdes données sur le climat, la pollution,l’activité sismique, la circulation desvéhicules et des personnes, le bruit etla qualité de l’air. En reliant cesréverbères intelligents urbains enréseau, il est possible de contrôler entemps réel ce qui se passe dans une

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ville et de proposer des solutionsinnovantes dans des secteurs commela sécurité publique, ou encore delocaliser les espaces de stationnementdisponibles.

Source : « Top Ten Urban Innovations »,Global Agenda Council on the Future ofCities, World Economic Forum, octobre2015.

La sécurité internationale

La Quatrième Révolution Industrielle affecteraen profondeur la nature des rapports entre Étatset de la sécurité internationale. J’attache uneimportance toute particulière à cette question,car j’ai le sentiment que, de tous leschangements importants induits par cetterévolution, la sécurité est un sujetinsuffisamment débattu dans le domaine publicen dehors du secteur politique et de l’industriede la défense.

Le principal danger est que ce mondehyperconnecté où se développent les inégalitésne conduise vers toujours plus de fragmentation,

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de ségrégation et d’instabilité sociale, terreau dela violence et de l’extrémisme. La QuatrièmeRévolution Industrielle modifiera la nature desmenaces qui pèsent sur la sécurité, tout eninfluençant les déplacements du pouvoir : ceux-ci s’opèrent à la fois sur un plan géographique etdes acteurs étatiques vers les acteurs nonétatiques. Face à la montée d’acteurs armés nonétatiques, dans un environnement géopolitiquede plus en plus complexe, le projet de mettre enplace une plateforme commune en vue d’unecollaboration autour des thèmes clés de sécuritéinternationale devient un enjeu déterminant, bienque difficilement réalisable.

Connectivité, fragmentation et instabilitésociale

Nous vivons dans un monde hyperconnecté,dans lequel l’information, les idées et les genscirculent plus rapidement que jamais. Nousvivons également dans un monde d’inégalitéscroissantes, phénomène qui sera accentué par leschangements massifs du marché du travailmentionnés plus haut. La généralisation del’exclusion sociale, la difficulté de trouver un

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véritable sens au monde moderne et la perte deconfiance, subjective ou objective, dans lesélites et les structures en place, servent deprétexte aux mouvements extrémistes quirecrutent des volontaires désireux de mener unelutte violente contre les systèmes existants (voirencadré 5).

L’hyperconnectivité ne s’accompagne pasnécessairement d’une plus grande tolérance oud’une meilleure adaptabilité, comme on a pu leconstater dans les réactions induites par lesdéplacements tragiques de population qui ontatteint un pic historique en 2015. Et pourtant,cette même hyperconnectivité est égalementporteuse de la possibilité d’arriver à un accordcommun fondé sur une meilleure tolérance etune meilleure compréhension des différences,qui pourraient aider à rassembler lescommunautés au lieu de les diviser. Faute deprogresser dans cette direction, nous sommescondamnés à une fragmentation croissante.

Encadré 5

La Quatrième RévolutionIndustrielle et la mobilité

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Les mouvements migratoires sont à lafois un phénomène majeur et unfacteur de développement économique.Comment la Quatrième RévolutionIndustrielle va-t-elle affecter lesmouvements de population ? Il estsans doute trop tôt pour se prononcermais, en extrapolant à partir destendances actuelles, on peut penserque le rôle social et économique de lamobilité ira croissant.Réaliser ses aspirations : résultatd’une prise de conscience desévénements et des possibilités dansd’autres pays due à une plus grandeconnectivité, la mobilité est de plus enplus considérée comme un choix devie, notamment par les jeunes. Lesmotivations individuelles sontvariables : recherche d’emploi, désird’étudier, quête de sécurité, désir deregroupement familial, etc., mais latendance à rechercher des solutionsau-delà des frontières est croissante.Redéfinir les identités personnelles :les individus avaient coutume des’identifier étroitement à un lieu, ungroupe ethnique, une cultureparticulière ou même une langue. Avec

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l’essor des échanges en ligne etl’exposition accrue aux idées venantd’autres cultures, les identités sontdevenues plus fongibles. On estaujourd’hui plus à l’aise pour endosseret combiner des identités multiples.Redéfinir l’identité familiale : lesstructures familiales se trouventredéfinies du fait de l’évolutionhistorique des flux migratoires et de labaisse des coûts de la connectivité.Les contraintes spatiales étant abolies,les liens s’établissent d’un pays àl’autre, avec un dialogue familialpermanent, renforcé par les moyensnumériques de communication. De plusen plus, l’unité familiale traditionnellese trouve remplacée par un réseaufamilial international.Reconfigurer le marché du travail :potentiellement, la mobilité des salariéspeut reconfigurer les marchés du travailinternes, pour le meilleur ou pour lepire. D’un côté, les salariés des paysen développement constituent un vivierde ressources humaines aux multiplesniveaux de compétence, permettant decompenser les carences en main-d’œuvre dans le monde développé. La

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mobilité des talents est un moteur decréativité, d’innovation industrielle etd’efficacité dans le travail. D’un autrecôté, l’injection de main-d’œuvreétrangère dans les marchés intérieurs,faute d’être bien gérée, peut entraînerdes inégalités de salaire et le malaisesocial dans des pays d’accueil, tout enprivant des pays d’origine du capitalhumain valable.La révolution numérique a créé denouvelles opportunités decommunication et de « mobilité » quiprolongent et enrichissent la mobilitéphysique. La Quatrième RévolutionIndustrielle aura probablement un effetsemblable : la fusion des mondesphysique, numérique et biologiqueabolira plus encore les contraintesgéographiques et temporelles,encourageant par là même la mobilité.L’un des problèmes de la QuatrièmeRévolution Industrielle sera donc lagouvernance de la mobilité despersonnes afin de veiller à tirerpleinement profit de ses bienfaits. Cecisuppose d’aligner les droits et devoirssouverains sur les droits et aspirationsindividuels, de concilier la sécuriténationale et celle des populations et de

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préserver l’harmonie sociale au cœurde la diversité croissante.

Source : Global Agenda Council onMigration, World Economic Forum.

Le changement de nature des conflits

La Quatrième Révolution Industrielle affecteral’étendue et la nature des conflits. La distinctionentre guerre et paix, entre civil et combattants’estompe de manière troublante. De même,l’espace conflictuel est de plus en plus à la foislocal et global. Des mouvements tels quel’organisation État islamique opèrentprincipalement dans des zones bien délimitéesdu Moyen-Orient, tout en recrutant descombattants dans plus de 100 pays, en grandepartie via les réseaux sociaux, tandis que lesattaques terroristes correspondantes peuventéclater n’importe où sur la planète. Les conflitsmodernes sont de plus en plus de nature hybride,combinant des techniques militairestraditionnelles avec des éléments qui étaientauparavant plutôt le fait d’acteurs non étatiquesarmés. Cependant, on n’a pas encore pleinement

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pris la mesure de ce changement, compte tenu dela convergence de plus en plus imprévisible destechnologies et du fait qu’acteurs étatiques etacteurs non étatiques armés tirent profit d’unenseignement mutuel.

À mesure que ce processus évolue et qu’ildevient plus facile de se procurer et d’utiliser denouvelles technologies létales, il apparaîtclairement que la Quatrième RévolutionIndustrielle offre à tous des moyens de plus enplus variés de nuire à autrui à grande échelle. Laprise de conscience de ces faits s’accompagned’un sentiment croissant de vulnérabilité.

Cependant, tout n’est pas si noir. Latechnologie apporte également avec elle lapossibilité d’une plus grande précision aucombat, des vêtements d’avant-garde pour laprotection des soldats, la capacité d’imprimer lespièces de rechange essentielles ou d’autrescomposants directement sur le champ debataille…

La cyberguerre

La cyberguerre représente l’une des menaces lesplus graves de notre époque. Le cyberespace

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devient tout autant le théâtre d’affrontementsqu’autrefois l’espace terrestre, maritime ouaérien. Je peux sans risque parier qu’à l’avenirtout conflit entre acteurs relativementdéveloppés, qu’il se déroule ou non dans lemonde physique, comportera très probablementune dimension cybernétique, simplement parcequ’aucun adversaire moderne ne saurait résisterà la tentation de dérégler, brouiller ou détruireles capteurs, et les instruments decommunications et de prise de décision de sonennemi.

Cela aura pour effet d’abaisser le seuil de laguerre, mais également d’estomper la distinctionentre guerre et paix, parce que n’importe quelréseau ou objet connecté, des systèmes militairesaux infrastructures civiles (sources d’énergie,réseaux électriques ou d’eau potable, systèmesde santé ou de régulation du trafic), estsusceptible d’être piraté ou attaqué. La notiond’adversaire sera donc également affectée. Il sepeut qu’aujourd’hui, contrairement au passé,vous ne sachiez pas avec certitude qui vousattaque – ni même si vous avez été réellementvictime d’une attaque. Les stratèges militaires etspécialistes de la défense nationale avaientcoutume de se concentrer sur un nombre limité

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d’États traditionnellement hostiles ; ils doiventmaintenant considérer un univers quasimentinfini et confus de pirates, terroristes, activistes,criminels et autres ennemis possibles. Lacyberguerre peut prendre de multiples formes,depuis les actes criminels et l’espionnagejusqu’aux attaques destructives telles queStuxnet, qui restent en grande partie sous-estimées et mal comprises parce que tropnouvelles et difficiles à contrer.

Depuis 2008, on ne compte plus les cas decyberattaques dirigées contre des pays ou desentreprises spécifiques ; pourtant les discussionsconcernant ce nouvel avatar de la guerre sontencore balbutiantes, et le fossé se creuse chaquejour entre ceux qui comprennent les aspectshautement techniques de la cyberguerre et ceuxqui sont chargés d’élaborer une cyberpolitique.Va-t-on voir émerger un ensemble de normescommunes concernant la cyberguerre semblableà celui qui a été élaboré pour les armesnucléaires, biologiques et chimiques ? Laquestion reste ouverte. On ne dispose même pasd’une taxonomie pour s’accorder sur ce quireprésente une attaque et la réponse appropriée,par quel moyen et par qui. Une partie del’équation pour gérer ce scénario revient à

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définir quelles données circulent à travers lesfrontières. Cela montre bien à quel point noussommes éloignés d’un contrôle effectif destransactions internationales sans risquerd’entraver les effets positifs d’un mondefortement interconnecté.

La guerre automatisée

La guerre automatisée, notamment ledéploiement de robots militaires et d’armementspilotés par IA, ouvre la perspective d’une« guerre des robots », qui transformeraradicalement les conflits à venir.

Les fonds marins et l’espace risquent d’êtreeux aussi de plus en plus militarisés, car desacteurs toujours plus nombreux – étatiques etprivés – ont la capacité de lancer des satellites etd’utiliser des véhicules sous-marins autonomessusceptibles de perturber le fonctionnement descâbles à fibres optiques et le trafic satellite.Certains gangs criminels emploient déjà desdrones quadricoptères ordinaires pour espionneret attaquer leurs rivaux. Les armes autonomes,capables d’identifier leur cible et de déciderd’ouvrir le feu sans intervention humaine,

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deviendront de plus en plus accessibles,remettant en cause les lois de la guerre.

Encadré 6

Les technologies émergentestransformant la sécurité

internationale

Drones : il s’agit d’avions robotisés.Les États-Unis sont actuellement enpointe, mais la technologie se diffuselargement et devient plus accessible.Armes autonomes : combinant lestechnologies du drone et l’intelligenceartificielle, elles peuvent sélectionner etattaquer une cible sans interventionhumaine, suivant des critèresprédéfinis.Militarisation de l’espace : si plus dela moitié des satellites sont à vocationcommerciale, les satellites decommunication jouent un rôle militairede plus en plus important. Une nouvellegénération d’armes hypersoniques« planantes » est en train d’être miseau point, augmentant la probabilité quel’espace joue un rôle dans les conflits à

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venir et faisant craindre que lesmécanismes actuels de régulation desactivités aérospatiales ne soient plussuffisants.Dispositifs portables : ils permettentd’optimiser la santé et lesperformances dans des situationsextrêmes ou de produire desexosquelettes qui amplifient lescapacités des soldats, permettant à unhumain de porter sans difficulté unecharge d’environ 90 kg.Impression 3D : elle révolutionnera leschaînes logistiques en permettant defabriquer sur place des pièces derechange à partir de modèles transmisnumériquement et de matériauxdisponibles localement. Elle pourraitégalement permettre le développementde nouveaux genres d’ogives, avecune meilleure définition de la taille desparticules et de la détonation.Énergies renouvelables : laproduction locale d’énergierenouvelable révolutionne les chaînesd’approvisionnement locales et favorisela capacité d’imprimer des pièces à lademande même sur des sites isolés.

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Nanotechnologies : elles conduisentprogressivement aux métamatériaux,matériaux intelligents qui possèdentdes propriétés que l’on ne trouve pasdans la nature. Elles permettront defabriquer des armes plus performantes,plus légères, plus mobiles, plusintelligentes et plus précises,aboutissant finalement à des systèmescapables de se reproduire et des’assembler.Armes biologiques : la guerrebiologique est presque aussi vieille quel’histoire de la guerre elle-même, maisles avancées rapides enbiotechnologie, génétique etgénomique laissent prévoir l’apparitionde nouvelles armes très meurtrières.Virus aéroportés conçus en laboratoire,superbactéries artificielles, parasitesgénétiquement modifiés : tout ceciconstitue la trame de scénariosapocalyptiques potentiels.Armes biochimiques : comme pourles armes biologiques, avecl’innovation technologique, le montagede ces armes relève presque dubricolage. Elles pourraient êtreenvoyées par drones.

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Réseaux sociaux : si les canauxnumériques sont un moyen de diffuserl’information et d’organiser l’action enfaveur des bonnes causes, ils peuventégalement servirà répandre descontenus malveillants et de lapropagande, comme le fontl’organisation État islamique et d’autresgroupes extrémistes pour recruter etmobiliser des adeptes. Les jeunesadultes sont particulièrementvulnérables, surtout en l’absence d’unréseau stable de soutien social.

De nombreuses technologies décrites dansl’encadré 6 existent déjà ou sont en voie d’êtremises au point. À titre d’exemple, les robotsSGR-A1 de Samsung, munis de deuxmitrailleuses et d’un pistolet avec des balles encaoutchouc, équipent maintenant des postesfrontières dans la zone démilitarisée coréenne.Ils sont, pour le moment, contrôlés par desopérateurs humains, mais pourraient, une foisprogrammés, identifier et attaquer des cibleshumaines de façon autonome.

En 2015, le ministère britannique de laDéfense et BAE Systems ont annoncé la réussite

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du test de l’avion furtif Taranis, connuégalement sous le nom de Raptor, qui peutdécoller, voler vers une destination donnée ettrouver une cible prédéterminée avec unminimum d’intervention de son opérateur, saufen cas de nécessité. On ne compte plus lesexemples de ce type . Ils sont appelés à semultiplier, ce qui ne manque pas de soulever denombreuses questions à la charnière de lagéopolitique, de la stratégie et de la tactiquemilitaires, de la réglementation et de l’éthique.

Les nouvelles frontières de la sécuritéglobale

Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises,notre vision du potentiel ultime des nouvellestechnologies et de ce qui nous attend est trèsimparfaite. C’est tout aussi vrai dans le domainede la sécurité internationale et intérieure. Chaqueinnovation imaginable aura des applicationspositives, mais aussi un côté négatif possible.Ainsi, des neurotechnologies telles que lesneuroprothèses servent déjà à résoudre desproblèmes médicaux, mais elles pourraient àl’avenir être mises au service d’objectifs

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militaires. Grâce à des implants cérébraux, unepersonne paralysée peut commander un bras ouune jambe robotisés. La même technologiepourrait servir à diriger un pilote ou un soldatbioniques. Des implants cérébraux conçus pourtraiter la maladie d’Alzheimer pourraient servirà effacer les souvenirs des soldats ou en créer denouveaux. « La question n’est pas de savoir sides acteurs non étatiques vont utiliser destechniques ou des technologies issues desneurosciences, mais quand ils le feront, etlesquelles ils emploieront », déclare JamesGiordano, spécialiste d’éthique desneurosciences rattaché au centre médical del’université de Georgetown. « Le cerveau serale champ de bataille du futur . »

L’existence et parfois l’absence de régulationde ces innovations ont une autre implicationmajeure. On observe actuellement unepropagation rapide et massive de la capacitéd’infliger des dommages à très grande échelle,autrefois réservée aux gouvernements ou à desorganisations très sophistiquées. Des armesproduites par imprimante 3D aux manipulationsgénétiques réalisées dans des laboratoiresinstallés à domicile, toute une gamme d’outils dedestruction issus des technologies émergentes

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devient de plus en plus facilement accessible. Etavec la convergence des technologies, thème cléde ce livre, des dynamiques imprévisibless’amorcent, menaçant les cadres juridiques etéthiques existants.

Vers un monde plus sûr

Face à ces problèmes, comment faire prendre ausérieux les dangers que les technologiesémergentes représentent pour la sécurité ? Plusimportant encore, comment susciter unecoopération au niveau mondial entre secteurprivé et secteur public pour limiter cesmenaces ?

Au cours de la seconde moitié du XX siècle,on a constaté que la crainte de la guerrenucléaire faisait peu à peu place à une relativestabilité, fondée sur la destruction mutuelleassurée (DMA – mutually assured destructionou MAD en anglais) : une sorte de tabounucléaire est apparu.

Si la logique de la destruction mutuelleassurée a pour l’instant été efficace, c’est parcequ’un équilibre s’est instauré entre un petitnombre d’entités détenant le pouvoir de

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s’éliminer mutuellement. La multiplication desacteurs potentiellement mortifères risque deperturber cet équilibre ; c’est la raison pourlaquelle les États détenant la force de frappe ontconsenti à coopérer pour maintenir un clubnucléaire de taille restreinte, en négociant leTraité sur la non-prolifération des armesnucléaires (TNP) vers la fin des années 1960.

En désaccord sur presque tout, l’Unionsoviétique et les États-Unis ont néanmoinscompris que leur meilleure protection consistaità rester mutuellement vulnérables. Ainsi a étéconclu le Traité sur les missiles antibalistiques(ABM), qui a pour effet de limiter le droit deprendre des mesures défensives contre lesmissiles à têtes nucléaires. Quand la capacitédestructrice ne se limite plus à une poignéed’entités ayant des ressources, des tactiques etdes intérêts globalement semblables, lesdoctrines de prévention de l’escalade telles quela DMA sont moins pertinentes.

Guidés par les changements promis par laQuatrième Révolution Industrielle, pourrions-nous découvrir un équilibre alternatif analogue,susceptible de transformer la vulnérabilité enstabilité et en sécurité ? Il est nécessaire que desacteurs avec des perspectives et des intérêts très

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différents parviennent à trouver une sorte demodus vivendi et à coopérer afin d’éviter uneprolifération mortifère.

Les parties prenantes doivent coopérer pourcréer des cadres légalement contraignants ets’imposer volontairement et mutuellement desnormes, des principes éthiques et desmécanismes de contrôle des effetspotentiellement néfastes des technologiesémergentes, de préférence sans empêcher larecherche de contribuer à l’innovation et à lacroissance économique.

Des traités internationaux seront sûrementnécessaires, mais je crains fort que lesrégulateurs dans ce domaine ne se retrouvent àla remorque des progrès technologiques, comptetenu de leur vitesse et de la multiplicité de leursimpacts. Par conséquent, il y a un besoin urgentde discussions entre enseignants et développeursconcernant les normes éthiques qui doivents’appliquer aux technologies émergentes de laQuatrième Révolution Industrielle, pour définirdes principes éthiques communs et les intégrerdans le tissu social et culturel. Comme lespouvoirs publics restent à la traîne dans l’espaceréglementaire, il se peut que l’initiative revienne

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en réalité au secteur privé et aux acteurs nonétatiques.

Pour des raisons compréhensibles, ledéveloppement des nouvelles technologiesmilitaires s’effectue au sein d’une sphèrerelativement isolée. Je crains cependant qued’autres secteurs, comme la recherche médicaleen génétique, ne restent confinés dans dessphères isolées et hautement spécialisées, etlimitent notre capacité collective de discuter,comprendre et gérer les défis et les opportunités.

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La société

Le progrès scientifique, la commercialisation etla diffusion des innovations sont des processussociaux qui se déroulent à mesure ques’élaborent et s’échangent des idées, des valeurs,des intérêts et des normes sociales dansdifférents domaines. C’est pourquoi il estdifficile de cerner pleinement l’impact social denouveaux systèmes technologiques : nos sociétéscomportent un maillage de nombreux élémentset beaucoup d’innovations résultent en partie decette intrication d’éléments sociaux.

Le problème majeur de nos sociétés consisteraà assimiler la modernité tout en se nourrissantdes éléments traditionnels de notre système devaleurs. Il est fort possible que la QuatrièmeRévolution Industrielle, qui bouscule nombre denos postulats fondamentaux, vienne exacerberles tensions qui existent entre des sociétésprofondément religieuses défendant leurs

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valeurs fondamentales et des individus ayant unevision du monde plus laïque. Le danger majeurpour la coopération et la stabilité globales serapeut-être le fait de groupes radicaux combattantle progrès avec une violence extrême ancréedans une idéologie.

« Dans toutes les périodes de changementtechnologique majeur, les individus, lesentreprises et les institutions saisissent l’ampleurdu changement, mais se sentent souventdépassés par lui, faute d’en connaître lesconséquences », note le sociologue ManuelCastells, professeur de technologie,communication et société à l’Annenberg Schoolfor Communication and Journalism del’Université de Californie. C’est précisémentcette impression d’être dépassé, due àl’ignorance, que nous devons combattre : pourcela, il nous faut mieux connaître la façon dontles différentes communautés qui constituent lasociété moderne se forment, se développent etinteragissent.

La discussion précédente sur les différentsimpacts de la Quatrième Révolution Industriellesur l’économie, les entreprises, la géopolitique etla sécurité internationale, les régions et les villesle montre clairement : la nouvelle révolution

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technologique aura de multiples influences sur lasociété. Dans la section suivante, je vais explorerdeux facteurs majeurs du changement : commentle risque d’inégalités croissantes pèse sur laclasse moyenne, et comment la diffusion desmédias numériques modifie la façon dont lescommunautés se forment et interagissent.

La montée des inégalitéset les classes moyennes

Les débats concernant l’impact sur l’économieet les entreprises ont mis en lumière un certainnombre de mouvements structurels qui ontcontribué à la montée des inégalités, mouvementqui peut encore s’aggraver avec le déploiementde la Quatrième Révolution Industrielle. Avecles robots et les algorithmes, le capital sesubstitue de plus en plus au travail, alors quel’investissement (ou plus exactement la créationd’une entreprise dans l’économie numérique)exige moins de capitaux. Dans le même temps,les marchés du travail se polarisent autour d’unegamme limitée de compétences techniques ; lesplateformes numériques et les marchésglobalisés offrent des salaires démesurés à un

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petit nombre de « stars ». Dans ce contexte, levainqueur sera celui qui s’intégrera pleinement àdes écosystèmes d’innovation en inventant desidées, des business models, des produits etservices nouveaux, plutôt que celui qui nepourra apporter qu’un faible niveau dequalification ou du capital ordinaire.

Ces dynamiques expliquent pourquoi on tientla technologie pour responsable de la stagnation,voire de la diminution des revenus pour lamajeure partie de la population des paysdéveloppés. De fait, nous vivons dans un mondefortement inégal. Selon le Global Wealth Report2015 du Crédit suisse, la moitié de la richessemondiale est détenue par 1 % de la populationtotale, alors que « la moitié la plus pauvre de lapopulation possède collectivement moins de 1 %du total des richesses mondiales ».L’Organisation pour la coopération et ledéveloppement économiques (OCDE) signaleque le revenu moyen des 10 % les plus riches dela population des pays de l’OCDE est environneuf fois celui des 10 % les plus pauvres . Deplus, dans la plupart des pays, l’inégalité interneaugmente, même dans les pays qui ont connuune croissance rapide de toutes les tranches derevenu et une baisse spectaculaire du nombre de

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personnes vivant dans la pauvreté. En Chine, parexemple, le coefficient de Gini pour la Chine estpassé de 0,30 dans les années 1980 à plus de0,45 en 2010 .

La montée des inégalités n’est pas simplementun fait économique préoccupant ; c’est un défisocial majeur. Dans leur livre The Spirit Level:Why Greater Equality Makes Societies Stronger,les épidémiologistes britanniques RichardWilkinson et Kate Pickett présentent desdonnées montrant que les sociétés plus inégalesont tendance à être plus violentes, connaissentun plus grand nombre de personnes incarcérées,un taux plus élevé de maladies mentales etd’obésité, une espérance de vie plus courte et unniveau de confiance moindre. Ils montrentqu’inversement, à revenu égal, les sociétéségalitaires ont des niveaux plus élevés de bien-être chez l’enfant, un stress plus faible, moins detoxicomanie et une mortalité infantileinférieure . D’autres chercheurs ont mis enévidence le fait que des niveaux élevésd’inégalités augmentent la ségrégation etréduisent les performances scolaires chez lesenfants et les jeunes adultes .

On trouve aussi la crainte largement répandueque de hauts niveaux d’inégalités soient associés

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à une forte instabilité sociale, même si, sur cedernier point, les données empiriques sont moinscatégoriques. Parmi les 29 risques globaux et les13 tendances globales identifiés dans le GlobalRisks Report 2016 du Forum, les corrélations lesplus solides se situent entre augmentation desinégalités de revenu, chômage ou sous-emploi etinstabilité sociale profonde. Comme on le verraen détail plus loin, un monde plus connecté avecun niveau d’attentes plus élevé peut engendrerdes risques sociaux importants si la population ale sentiment de n’avoir aucune chance d’accéderà la prospérité ou de donner un sens à sa vie.

De nos jours, un emploi de classe moyenne negarantit plus le niveau de vie correspondant : surles vingt dernières années, sur quatre marqueurssociaux emblématiques de la classe moyenne,(instruction, santé, retraites et propriété dulogement), on constate une très faibleprogression des classes moyennes. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le prix de l’éducationatteint des sommets. Cette économie de marchédans laquelle le gagnant rafle toute la mise, etdont la classe moyenne est de plus en plusexclue, pourrait bien engendrer un sentiment demalaise et d’abandon conduisant àl’affrontement social.

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La communauté

Dans une perspective sociétale globale, l’un deseffets majeurs (et le plus évident) de lanumérisation est l’émergence d’une société« narcissique » – un processusd’individualisation et l’apparition de nouvellesformes d’appartenance communautaire.Désormais, le sentiment d’appartenance à unecommunauté est davantage défini par des projetspersonnels et des valeurs et orientationsindividuelles que par l’appartenance spatiale (lacommunauté locale), le travail et la famille.

Sous des formes constamment renouvelées,les médias numériques, qui sont au cœur de laQuatrième Révolution Industrielle, jouent unrôle moteur dans la structuration individuelle etcollective de la société et de la communauté.Comme l’analyse le Forum dans son rapportDigital Media and Society, les médiasnumériques créent des types de relationsradicalement nouvelles, permettant auxutilisateurs d’entretenir des correspondancesvoire des liens d’amitié malgré les contraintesgéographiques ou temporelles, inaugurant denouveaux groupes d’intérêt et autorisant ceuxqui sont socialement ou physiquement isolés à

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entrer en relation avec leurs semblables. Par leurfacilité d’accès, leur faible coût et leur caractère« despatialisé », les médias numériquespermettent également une plus grandeinteraction par-delà toutes les barrières sociales,économiques, culturelles, politiques, religieuseset idéologiques.

L’accès aux médias numériques procure desavantages substantiels au plus grand nombre.Non seulement, ils fournissent de l’information(ainsi les réfugiés fuyant la Syrie utilisentGoogle Maps et les groupes Facebook pourplanifier leur itinéraire et éviter d’être exploitéspar les passeurs ), mais ils permettentégalement aux individus de s’exprimer, departiciper au débat et à la prise de décisioncomme citoyens.

Malheureusement, si la Quatrième RévolutionIndustrielle renforce le pouvoir des citoyens, ellepeut également se retourner contre leurs intérêts.Le Global Risks Report 2016 du Forum décrit lephénomène par lequel les individus et lescommunautés se trouvent simultanément dotéset privés de pouvoir, du fait que lesgouvernements, les entreprises et les groupesd’intérêt manipulent les technologies émergentes(voir encadré 7).

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Ouverts à tous, les médias numériquespeuvent également être utilisés par des acteursnon étatiques, notamment des groupes malintentionnés désireux de diffuser leurpropagande et de recruter des militants pourleurs causes extrémistes, comme on l’a vurécemment avec la montée de l’organisation Étatislamique et d’autres organisations terroristessachant parfaitement utiliser les réseaux sociauxà des fins de communication interne comme demanipulation.

La dynamique de partage qui caractérisel’usage des médias sociaux risque fort depervertir les mécanismes de prise de décision etde constituer une menace pour la société civile.Paradoxalement, le grand nombre de canauxnumériques accessibles risque d’entraîner unrétrécissement des sources d’informations del’individu, une polarisation en une « spirale dusilence », pour reprendre l’expression de SherryTurkle, professeure de sciences sociales,spécialiste des questions scientifiques ettechnologiques au MIT. Ce phénomène estd’autant plus dangereux que ce que nous lisons,partageons et voyons dans le contexte desmédias sociaux façonne nos choix politiques etciviques.

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Encadré 7

Le citoyen entre gain et pertede pouvoir

Le « citoyen entre gain et perte depouvoir » fait référence à la dynamiquenée de la tension entre deux tendancesopposées : fort du pouvoir qu’il tire deschangements technologiques qui luifacilitent l’accès à l’information, lacommunication et l’action militante,l’individu découvre de nouveaux modesde participation à la vie civique etpolitique. Dans le même temps,l’individu, la société civile, lesmouvements sociaux et les collectivitéslocales se sentent de plus en plusexclus de toute participation effectiveaux processus de décisiontraditionnels, y compris le vote et lesélections, et privés de leur capacitéd’influencer et de faire entendre leurvoix auprès des institutions etdétenteurs de pouvoir au niveaunational et régional.À l’extrême, il y a le risque réel que lesgouvernements puissent mobiliser une

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combinaison de technologies pourréprimer ou contrer certaines actionslancées par des collectifs et groupesd’individus de la société civilecherchant à rendre plus transparentel’action des gouvernements et desentreprises et à promouvoir lechangement. Dans de nombreux pays,on constate que l’espace alloué à lasociété civile se rétrécit, car lesgouvernements, par des mesureslégislatives et politiques, cherchent àlimiter l’indépendance des collectifsissus de la société civile et à brider leuraction. La Quatrième RévolutionIndustrielle dispose d’instrumentspermettant de nouvelles formes desurveillance et d’autres moyens decontrôle défavorables à des sociétéssaines et ouvertes.

Source : Global Risks Report 2016, WorldEconomic Forum.

À titre d’exemple, une étude de l’impact desmessages postés sur Facebook à la sortie desurnes montre que ceux-ci « augmentent laparticipation directement de 60 000 électeurs et

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indirectement par contagion sociale de 280 000autres électeurs, soit un total de 340 000 voixsupplémentaires ». Cette étude met en lumièrele pouvoir qu’ont les plateformes numériques desélectionner et de promouvoir les médias quenous consultons en ligne. Elle révèle égalementla possibilité qu’ont les technologies en ligne defusionner les formes traditionnellesd’engagement civique (telle l’élection dereprésentants au niveau local, régional ounational) avec des innovations qui donnent auxcitoyens une influence plus directe sur lesdécisions qui les affectent collectivement.

Comme presque tous les impacts évoquésdans cette section, il est clair que la QuatrièmeRévolution Industrielle est porteuse à la foisd’immenses opportunités et de risquessignificatifs. Avec l’émergence de cetterévolution, le monde est confronté à unproblème clé : comment recueillir des donnéesen plus grand nombre et de meilleure qualité surles avantages et les défis qu’elle représente pourla cohésion sociale.

L’individu

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La Quatrième Révolution Industrielle ne changepas seulement ce que nous faisons, mais aussiqui nous sommes. Les impacts qu’elle aura surnous en tant qu’individus sont multiples : elleaffectera notre identité sous ses divers aspects –notre conception de l’intimité, de la propriété,nos modèles de consommation, le temps quenous consacrons au travail et aux loisirs, notremanière de gérer notre carrière, de cultiver noscompétences. Elle influencera les modalités denos relations sociales, les hiérarchies dont nousdépendons, notre santé et, peut-être plus tôt queprévu, elle pourrait aboutir à certaines formesd’« augmentation humaine » qui nousconduiront à reconsidérer la définition même del’humain. De tels changements suscitent à la foisl’enthousiasme et la crainte, car ils nousatteignent à une vitesse sans précédent.

Jusqu’à maintenant, la technologie nous aprincipalement permis de faire les choses demanière plus facile, plus rapide et plus efficace.Elle nous a également apporté des occasions dedéveloppement personnel. Mais nouscommençons à voir que, cette fois, la promesseet les enjeux sont différents. Pour toute une sériede raisons déjà évoquées, nous sommes au seuild’un changement systémique radical qui exige

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des êtres humains qu’ils s’adaptent en continu.En conséquence, on risque d’assister à unepolarisation croissante entre ceux qui adoptent lechangement et ceux qui lui résistent.

Ceci engendrera une inégalité dépassant deloin les inégalités sociétales décrites plus haut.Cette inégalité « ontologique » opposera ceuxqui s’adaptent à ceux qui résistent, les gagnantset les perdants sur le plan matériel dans tous lessens du terme. Les gagnants pourront peut-êtremême bénéficier d’une certaine formed’« amélioration humaine » radicale engendréepar certains aspects de la Quatrième RévolutionIndustrielle (comme le génie génétique) àlaquelle les perdants n’auront pas accès. Onrisque de voir apparaître des conflits de classe etd’autres types d’affrontements inconnusjusqu’alors. Cette division en puissance et lestensions qu’elle attise seront aggravées par unfossé générationnel entre d’une part ceux quisont nés dans le monde numérique et l’onttoujours connu et d’autre part les plus âgés,condamnés à s’adapter. Elle soulève égalementde nombreuses questions éthiques.

En tant qu’ingénieur, je suis très technophileet parmi les premiers à adopter les innovations.Pourtant je me demande, comme nombre de

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psychologues et de sociologues, commentl’inexorable intégration de la technologie dansnos vies affectera notre notion d’identité : nerisque-t-elle pas d’entamer certaines de nosqualités humaines fondamentales, commel’introspection, l’empathie et la compassion ?

Identité, moralité et éthique

Les innovations surprenantes suscitées par laQuatrième Révolution Industrielle, desbiotechnologies à l’IA, apportent une nouvelledéfinition de ce que signifie être humain. Lesbornes de notre espérance de vie, de notre santé,de nos capacités cognitives, de nos facultés, setrouvent repoussées selon des modalités quirelevaient jusqu’alors de la science-fiction.Parallèlement aux progrès de la connaissance, ilest essentiel que nous nous engagionsassidûment dans un débat moral et éthiqueautour de ces nouvelles découvertes. En notredouble qualité d’être humain et d’animal social,nous devons réfléchir individuellement etcollectivement à notre réaction devant desproblèmes tels que la prolongation de la vie, les

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bébés « sur mesure » ou l’extraction dessouvenirs.

Dans le même temps, il faut aussi admettreque ces découvertes incroyables peuventégalement être manipulées et mises au serviced’intérêts particuliers qui ne coïncident pasnécessairement avec ceux du plus grand nombre.Dans le quotidien The Independent, à propos desconséquences de l’intelligence artificielle,l’écrivain et chercheur en physique théoriqueStephen Hawking et ses collègues StuartRussell, Max Tegmark et Frank Wilczekécrivent : « Si l’impact à court terme de l’IAdépend de qui la contrôle, son impact à longterme repose sur la question de savoir si ellepeut être contrôlée […] Nous devons nousdemander ce que nous pouvons faire maintenantpour augmenter nos chances d’en tirer desbénéfices tout en évitant les risques ».

Un cas intéressant dans ce domaine estOpenAI, une association de recherche à but nonlucratif spécialisée dans l’intelligenceartificielle, créée en décembre 2015 dans le butde « promouvoir l’intelligence artificielle etdévelopper une AI à visage humain quibénéficiera à l’humanité entière, libre du besoinde générer un rendement financier ».

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Cette entreprise, avec à sa tête Sam Altman,président de Y Combinator, et Elon Musk, CEOde Tesla Motors, a réuni 1 milliard de dollars depromesses de financement. Cette initiative meten évidence un point clé évoqué plus haut, àsavoir que l’un des impacts majeurs de laQuatrième Révolution Industrielle est le pouvoirqui peut naître d’une fusion de plusieurstechnologies nouvelles. Dans ce cas, commeSam Altman l’affirme, « la meilleure chose quipuisse arriver à l’IA, c’est de devenir uninstrument pour renforcer le pouvoir individuelet améliorer le genre humain, à condition qu’ellesoit accessible à tous gratuitement ».

L’impact humain de certaines technologiesparticulières, comme Internet ou lessmartphones, est relativement bien compris etlargement discuté dans les cercles d’experts etd’universitaires. D’autres impacts sont enrevanche plus difficiles à cerner. C’est le cas del’IA ou de la biologie de synthèse. Dans unavenir proche, on verra des bébés « surmesure », avec toute une série d’autresmodifications de notre caractère humain, de lasuppression de maladies génétiques àl’augmentation de nos capacités cognitives. Celane manquera pas de soulever un certain nombre

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d’interrogations éthiques et spirituelles majeuresque nous devons affronter en tant qu’êtreshumains (voir encadré 8).

Encadré 8

Aux limites de l’éthique

Les progrès technologiques entraînentun déplacement des frontières del’éthique. Les progrès stupéfiants de labiologie doivent-ils servir uniquement àguérir maladies et blessures, ou bienaussi à améliorer l’espèce humaine ?Nous risquons alors de transformer laparentalité en une extension de lasociété de consommation : nos enfantsdeviendront-ils les objets de notredésir, « fabriqués sur mesure » ? Etque signifie « améliorer » ? Se libérerdes maladies ? Vivre plus longtemps ?Devenir plus intelligent ? Courir plusrapidement ? Avoir une certainephysionomie ?L’intelligence artificielle nous confronteà des questions tout aussi complexeset à double tranchant. Imaginez unemachine qui devance nos pensées,

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voire les dépasse. Amazon et Netflixsont déjà équipés d’algorithmes quiprévoient les films et livres que nouspourrions aimer. Les sites de rencontreet de recherche d’emploi suggèrent despartenaires ou des emplois (à proximitéou n’importe où dans le monde) dont lesystème estime qu’il pourrait nousconvenir. Que faire ? Devons-noussuivre le conseil d’un algorithme oufaire confiance aux suggestions denotre famille, nos amis ou noscollègues ? Aurons-nous recours à unrobot médical équipé d’un systèmed’intelligence artificielle qui établira undiagnostic quasiment infaillible, ouresterons-nous fidèle au médecinhumain qui nous a soigné pendant desannées et à ses manièresrassurantes ?Réfléchir à ces exemples et à leurimplication pour l’espèce humaine nousamène en territoire inconnu, à l’aubed’une transformation totalement inéditede l’espèce humaine.Une autre question fondamentale a traità la capacité prédictive de l’intelligenceartificielle et de l’apprentissageautomatique. Si notre comportement

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devient prévisible en toute situation,quelle marge de liberté aurons-nous,ou aurons-nous l’impression d’avoir,pour nous démarquer de la prévision ?Risquons-nous d’évoluer vers unesituation dans laquelle les êtreshumains eux-mêmes commenceront àagir comme des robots ? Ce qui mèneà une question plus philosophique :comment préserver notre individualité,la source de notre diversité et de ladémocratie à l’ère numérique ?

La relation à autrui

Comme le suggèrent les questions éthiquesévoquées précédemment, plus notre mondehigh-tech subit l’emprise du numérique, plusnous avons besoin de contact humain, nourri derelations étroites et de lien social. L’inquiétudemonte à mesure que la Quatrième RévolutionIndustrielle renforce nos liens individuels etcollectifs avec la technologie : cette tendancepourrait affaiblir nos compétences sociales etnotre aptitude à l’empathie. On constate quec’est déjà le cas. En 2010, une équipe de

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chercheurs de l’université du Michigan a mis enévidence un recul de 40 % de l’empathie chezles étudiants d’aujourd’hui (par rapport à leurscamarades d’il y a 20 ou 30 ans), la majeurepartie de ce déclin étant postérieure à l’année2000 .

Si l’on en croit Sherry Turkle, professeure auMIT, 44 % des adolescents ne se déconnectentjamais, même en faisant du sport ou enpartageant un repas avec leur famille ou leursamis. Les conversations en face-à-face étantsupplantées par les interactions en ligne, on peutcraindre qu’une génération entière de jeunesaccaparés par les médias sociaux ait quelque malà écouter, croiser le regard ou interpréter lessignes gestuels .

Prenons l’exemple de notre rapport auxtechnologies mobiles. Étant constammentconnectés, nous risquons de perdre l’une de nosressources essentielles : le temps de marquer lapause, de réfléchir et d’entamer une discussionsérieuse, sans recourir à la technologie ou à unautre média social. Sherry Turkle cite des étudesprouvant que, quand deux personnes parlent, laseule présence d’un téléphone sur la table oudans leur vision périphérique modifie à la fois lesujet qu’elles évoquent et l’intensité de leur

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relation . Cela n’implique pas que nous devionsabandonner nos téléphones, mais plutôt que nousdevons les utiliser « avec discernement ».

D’autres experts expriment des inquiétudesanalogues. L’écrivain Nicholas Carr, spécialistedes questions de technologie et de culture,déclare que plus nous passons du tempsimmergés dans les eaux numériques, plus noscapacités cognitives deviennent superficielles,parce que nous cessons d’exercer un contrôle surnotre attention : « Internet est par essence unoutil de déconcentration, un système conçu pourdiviser l’attention. Les interruptions fréquentesfragmentent notre pensée, affaiblissent notremémoire et nous rendent nerveux. Plus notreniveau de réflexion est complexe, plus grand estle dommage causé par la distraction ».

Dès 1971, Herbert Simon, prix Nobel desciences économiques en 1978, proclamaitqu’« une abondance d’information engendre unepauvreté de l’attention ». La situation est bienpire aujourd’hui, notamment pour les décideurs,qui tendent à être submergés avec trop de« trucs », totalement dépassés et surmenés, dansun état de stress constant. « À l’ère de la vitesse,rien de plus exaltant que la lenteur », écritl’essayiste Pico Iyer à propos des voyages.

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« À une époque de distraction, la concentrationest le luxe ultime. À une époque de mouvementconstant, il est urgent de savoir restertranquille . »

Notre cerveau, alerté par tous les instrumentsnumériques qui nous relient 24 heures sur 24,risque de devenir une machine en perpétuelmouvement, qui nous mette dans une agitationincessante. Il m’arrive assez souvent de parler àdes dirigeants qui déclarent qu’ils n’ont plus letemps de faire une pause et de réfléchir, encoremoins de s’offrir le « luxe » de lire de bout enbout un court article. Dans tous les pans de lasociété mondialisée, les décideurs semblent êtredans un état d’épuisement croissant, tellementsubmergés par de multiples sollicitationsconcurrentes qu’ils passent de la frustration à larésignation, et parfois au désespoir. Dans cettenouvelle ère numérique, il est en effet biendifficile, mais non impossible, de prendre durecul.

La gestion des informationspubliques et privées

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Avec la généralisation d’Internet et del’interconnexion, la confidentialité des donnéespersonnelles devient un thème majeur. Cettequestion prend une importance croissante car,comme le note Michael Sandel, spécialiste dephilosophie politique à l’Université Harvard, « ilsemble que, de plus en plus, nous soyons prêts àfaire une croix sur la confidentialité pourpouvoir bénéficier des avantages pratiques detous ces objets que nous utilisonsquotidiennement ». Nourri en partie par lesrévélations d’Edward Snowden, le débat généralsur le sens de la confidentialité dans un mondeplus transparent ne fait que commencer : on voitcomment Internet peut être un outil exceptionnelde libération et de démocratisation, mais peutaussi favoriser une surveillance de masseindiscriminée et presque illimitée.

Pourquoi attacher tant d’importance à laprotection des données personnelles ?Instinctivement, nous comprenons tous pourquoila confidentialité est essentielle sur le planindividuel. Même ceux qui affirment qu’ils sesoucient fort peu de la confidentialité et qu’ilsn’ont rien à cacher, ne tiennent pasnécessairement à mettre sur la place publiquel’ensemble de leurs faits et gestes. De

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nombreuses recherches montrent que, lorsquequelqu’un se sait observé, il devient plusconformiste et plus docile.

Cependant, cet ouvrage n’a pas pour butpremier de proposer une réflexion poussée sur lesens de la confidentialité ou de traiter desquestions concernant la propriété des données.Pourtant, il me semble que l’on verra dans lesannées à venir s’amplifier le débat sur un certainnombre de questions fondamentales concernantla perte de contrôle sur les données (voirencadré 9).

Ces questions sont incroyablementcomplexes. On commence juste à entrevoir leurspossibles implications sur le plan psychologique,moral et social. En ce qui concerne laconfidentialité sur un plan personnel, j’entrevoisle problème suivant : si nos vies deviennenttotalement transparentes et si les indiscrétions,grandes ou petites, sont connues de tous, quiaura le courage d’assumer des responsabilités àhaut niveau ?

Avec la Quatrième Révolution Industrielle, latechnologie envahit et domine notre viepersonnelle, mais on commence juste àcomprendre comment ce raz-de-maréetechnologique affectera notre moi interne.

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Finalement, c’est à chacun de nous qu’il revientde mettre la technologie à notre service et de nepas en être esclave. Sur le plan collectif, nousdevons également faire en sorte de comprendreet d’analyser correctement les problèmes quepose la technologie. C’est le seul moyen pourque la Quatrième Révolution Industriellepermette d’améliorer notre bien-être auquotidien et à plus longue échéance.

Encadré 9

Santé et confidentialité

L’évolution actuelle des dispositifsportables de santé laisse entrevoir àquel point les questions deconfidentialité sont complexes.Plusieurs compagnies d’assuranceenvisagent de faire cette proposition àleurs assurés : nous vous offrons unrabais sur votre prime d’assurance àcondition que vous portiez un dispositifqui surveille votre santé (heuresconsacrées au sommeil, au sport,nombre de marches montées chaquejour, nombre et type de caloriesingérées, etc.) et que vous acceptiez

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que ces informations soientcommuniquées à votre mutuelle.Est-ce là une nouveauté que nousdevrions bien accueillir parce qu’ellenous incite à vivre plus sainement ? Oubien est-ce un pas inquiétant vers unmode de vie où la surveillance (de lapart des pouvoirs publics comme desentreprises) devient toujours plusintrusive ? Pour le moment, cetexemple concerne un choix individuel –la décision d’accepter ou de refuser deporter un dispositif de contrôle médical.Allons plus loin : imaginons que c’estl’employeur qui demande à sonpersonnel de porter cet appareilenregistreur des données de santéparce que l’entreprise veut améliorer saproductivité et peut-être aussi réduireles coûts d’assurance maladie. Sil’entreprise oblige les salariésrécalcitrants à obéir ou payer uneamende, que va-t-il se passer ? Ce quiapparaissait précédemment commeune décision personnelle – porter ounon un moniteur – devient une questionde conformité aux normes sociales, quipeut paraître inacceptable.

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Les voies de l’avenir

La Quatrième Révolution Industrielle estsans doute source de disruption, mais lesproblèmes qu’elle soulève sont de notre ressortet nous avons la capacité d’y faire face. Il nousfaut mettre en œuvre les changements et lesmesures permettant de nous adapter (et de nousépanouir) dans ce nouvel environnementémergent.

Nous ne pourrons relever ces défis que si nousmobilisons la sagesse collective avec notrecerveau, notre cœur et notre âme. Pour ce faire,je pense que nous devons maîtriser le risque dedisruption en cultivant et en mobilisant quatrefacultés différentes :

– sur le plan contextuel (le cerveau) : lafaculté de comprendre et de mobiliser notresavoir ;

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– sur le plan émotionnel (le cœur) : la facultéd’ordonner et d’assimiler nos pensées etnos sentiments et notre rapport à nous-mêmes et à autrui ;

– sur le plan spirituel (l’âme) : la faculté demobiliser le sens des objectifs individuelset collectifs, la confiance et d’autres vertuspour impulser le changement et agir dansl’intérêt général ;

– sur le plan physique (le corps) : la facultéd’entretenir notre santé et notre bien-êtrepersonnels et ceux de notre entourage afind’être en mesure de déployer l’énergienécessaire à la transformation des systèmesindividuels et collectifs.

L’intelligence contextuelle – le cerveau

Les bons dirigeants comprennent et maîtrisentl’intelligence contextuelle . Le sens du contexteest défini comme la capacité et la volontéd’anticiper les tendances émergentes et de fairele lien entre elles. Ces traits sont, depuis desgénérations, caractéristiques d’un leadership

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efficace et, avec la Quatrième RévolutionIndustrielle, ils deviennent une conditionnécessaire à l’adaptation et à la survie.

Pour développer leur intelligencecontextuelle, les décideurs doivent d’abordcomprendre la valeur des différents réseaux.Pour affronter une disruption importante, leurmeilleure arme est d’être fortement connectés etbien intégrés dans des réseaux par-delà lesfrontières traditionnelles. Les décideurs doiventposséder une bonne aptitude à s’impliquerrapidement aux côtés de tous ceux avec lesquelsils ont des intérêts communs. C’est pourquoi ilnous faut aspirer à être plus connectés et mieuxintégrés.

Nous ne parviendrons à une perspectiveglobale sur la situation qu’en rassemblant et enfaisant collaborer les responsables desdifférentes sphères : monde des affaires,gouvernement, société civile, monde religieuxou universitaire, jeunesse. Cela est en outreindispensable pour développer et mettre enœuvre les idées et les solutions intégrées quipermettront l’avènement d’un développementdurable.

Tel est le principe sous-jacent à la théorie dela gouvernance multipartite (multistakeholder

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theory, ce qu’au World Economic Forum on acoutume d’appeler « l’esprit de Davos »), quej’ai évoquée pour la première fois dans un livrepublié en 1971 . Les frontières entre secteurséconomiques et entre professions sontartificielles et s’avèrent de plus en pluscontreproductives. Plus que jamais, il estessentiel de faire tomber ces barrières enutilisant le pouvoir des réseaux pour nouer despartenariats efficaces. Les entreprises et lesorganisations qui ne suivent pas cette voie et nepassent pas de la parole aux actes en constituantdes équipes diversifiées auront du mal àencaisser les ruptures qu’apporte l’èrenumérique.

Les leaders doivent également se montrercapables d’ajuster leurs structures mentales etconceptuelles et leurs principes d’organisation.Dans le monde moderne en bouleversementrapide, nous sommes condamnés à nousfossiliser si nous pensons de manièrecompartimentée et statique : pour reprendrel’opposition évoquée par Isaiah Berlin dans sonessai de 1953 à propos des écrivains etphilosophes : mieux vaut être renard quehérisson. Évoluer dans un environnement deplus en plus complexe et disruptif exige l’agilité

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intellectuelle et sociale du renard plutôt que lapersévérance figée et mesquine du hérisson. Surle plan pratique, ceci signifie que les leaders nepeuvent pas se permettre de penser de manièrecompartimentée. Ils doivent aborder lesproblèmes et les défis de façon globale, souple etévolutive, en intégrant en permanence nombred’orientations et d’opinions diverses.

L’intelligence affective – le cœur

L’intelligence affective complète l’intelligencecontextuelle plutôt qu’elle ne la remplace ; cettefaculté est plus indispensable qu’elle ne l’ajamais été. Il ne faut pas concevoir l’intelligenceaffective comme antinomique par rapport àl’intelligence rationnelle, comme le « triomphedu cœur sur le cerveau – c’est l’intersectionsingulière de l’un et de l’autre », selonl’expression de David Caruso, spécialiste depsychologie du management, chercheur auLaboratoire d’intelligence affective del’université Yale. La littérature scientifique,montre que l’intelligence affective peut rendreles leaders plus créatifs et leur permettre dedevenir des forces de changement.

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Pour les chefs d’entreprise et les responsablespolitiques, l’intelligence affective constitue labase essentielle des compétences indispensablespour réussir à l’ère de la Quatrième RévolutionIndustrielle, à savoir la connaissance et lecontrôle de soi, la motivation, l’empathie et lescompétences sociales . Les spécialistes de laquestion montrent que les grands décideurs sedistinguent des autres par leur niveaud’intelligence affective et leur aptitude àentretenir constamment cette qualité.

Dans un monde caractérisé par de puissants etconstants changements, les institutions menéespar des dirigeants doués d’intelligence affectiveseront non seulement plus créatives maiségalement mieux à même d’être plus agiles etrésilientes – un trait essentiel pour faire face à ladisruption. La mentalité numérique, qui supposela capacité de formaliser des collaborationstransversales, d’aplanir des hiérarchies et deconstituer des environnements favorables auxidées nouvelles, est fortement dépendante del’intelligence affective.

L’intelligence inspirée – l’âme

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À côté de l’intelligence contextuelle et affective,il existe une troisième faculté essentielle poursurfer efficacement sur la vague de la QuatrièmeRévolution Industrielle. C’est ce que j’appellel’intelligence inspirée, d’après le latin spirare,qui signifie respirer ; l’intelligence inspirée estliée à notre quête continuelle de sens etd’objectifs. Elle s’attache à nourrir notre élancréateur et à promouvoir l’humanité à un plushaut degré de conscience morale collective,fondée sur le sentiment de partager un destincommun.

L’idée de partage est ici centrale. Je l’ai déjàdit : si la technologie est l’une des raisonspossibles de l’avènement d’une sociéténarcissique, nous devons absolumentrééquilibrer cette tendance individualiste en nousimprégnant collectivement du sentiment d’unbut commun. Nous sommes tous dans la mêmebarque et, faute de développer collectivement lesentiment d’un objectif commun, nous risquonsfort d’être incapables de relever les défis de laQuatrième Révolution Industrielle et d’enrecueillir pleinement les bénéfices.

Dans cette perspective, la confiance estessentielle. Un niveau élevé de confiancefavorise l’implication et le travail d’équipe, ce

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qui s’avère encore plus crucial avec laQuatrième Révolution Industrielle, centrée surl’innovation collaborative. Seul un climat deconfiance rend possible ce processus car lenombre d’éléments et de questions en jeu estextrêmement élevé. En fin de compte, tous lespartenaires contribuent à s’assurer quel’innovation est bien orientée vers l’intérêtgénéral. Si un groupe important de partenaires ale sentiment qu’il n’en est pas ainsi, la confiancesera entamée.

Dans un monde où rien n’est jamais stable, laconfiance devient un atout précieux. Elle ne peutêtre acquise et conservée que si des décideurs,bien intégrés au sein d’une communauté,prennent toutes leurs décisions avec le souci del’intérêt général, et non dans le seul but de servirleurs intérêts individuels.

L’intelligence physique – le corps

Les trois types d’intelligence, contextuelle,affective et inspirée, sont à part égale desqualités essentielles pour faire face à laQuatrième Révolution Industrielle et en tirerprofit. Cependant, ces trois facultés appellent le

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soutien vital d’une quatrième, l’intelligencephysique, qui suppose de prendre soin de sasanté et de son bien-être. C’est essentiel car, àmesure que le rythme du changement s’accélère,que le degré de complexité augmente, que lenombre d’acteurs impliqués dans nos processusde décisions se multiplie, le besoin de rester enforme et de garder son calme en dépit destensions devient plus pressant.

L’épigénétique, une branche de la biologie enplein essor ces dernières années, étudie lesmécanismes par lesquels l’environnementmodifie l’expression de nos gènes. Elledémontre de façon irréfutable l’importancefondamentale du sommeil, de la nutrition et del’exercice pour notre vie. L’exercice régulier, parexemple, a un impact positif sur notre vieintellectuelle et notre bien-être. Il affectedirectement nos performances professionnelleset en fin de compte, notre capacité de réussite.

Il est extrêmement important de savoir trouverde nouvelles manières de maintenir notre corpsen harmonie avec notre esprit, nos émotions, etle monde en général, et nous en apprenons plus àce sujet grâce aux avancées incroyablesaccomplies dans de nombreux domaines,notamment les sciences médicales, les

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dispositifs portables, les technologiesimplantables et les sciences cognitives. En outre,je répète souvent qu’un leader doit avoir des« nerfs solides » pour affronter la kyrielle dedéfis complexes qu’il doit gérer simultanément.Ce sera d’une importance cruciale pour surfersur la vague de la Quatrième RévolutionIndustrielle et contrôler les possibilités qu’elleoffre.

Vers une nouvelle renaissanceculturelle

Comme l’écrit le poète Rainer Maria Rilke,« l’avenir s’infiltre en nous […] afin de s’ytransformer, longtemps avant son arrivée ».N’oublions pas que l’ère dans laquelle nousvivons à présent, l’Anthropocène ou ère del’Humain, correspond à la première fois, dansl’histoire du monde, où les activités humainessont la force principale qui façonne tous lessystèmes vivants sur terre.

À nous de jouer.Nous nous trouvons aujourd’hui à l’aube de la

Quatrième Révolution Industrielle, désireux, et

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surtout capables, d’influer sur son cours.Savoir ce qui est nécessaire pour réussir est

une chose ; agir en est une autre. Qu’est-ce quinous attend et comment s’y préparer ?

Voltaire, le philosophe du siècle des Lumièresqui a vécu longtemps à quelques kilomètres dulieu où j’écris ce livre, a dit : « Le doute n’estpas une condition agréable, mais la certitude estabsurde . » Il serait en effet naïf de prétendreque nous savons exactement où la QuatrièmeRévolution Industrielle va nous mener. Mais ilserait tout aussi naïf d’être paralysé par lacrainte et l’incertitude sur ce que pourrait êtrecette direction. Comme je l’ai souligné tout aulong de ce livre, le cours que prendra laQuatrième Révolution Industrielle sera endernier ressort déterminé par notre capacité de lafaçonner d’une manière qui libère pleinementses potentialités.

De toute évidence, les défis sont aussiredoutables que les possibilités sont excitantes.C’est à nous d’œuvrer ensemble à transformerces défis en opportunités, en anticipantcorrectement les effets à venir. Le monde est enévolution rapide, hyperconnecté, toujours pluscomplexe et plus fragmenté, mais nous pouvons

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quand même façonner notre avenir d’unemanière qui profite à tous. C’est maintenant lebon moment pour agir.

Une première étape vitale consiste àsensibiliser l’opinion publique à tous niveaux, cequi est l’objectif de ce livre. Il faut cesser deprendre nos décisions sur la base d’une penséecompartimentée, notamment parce que les défisque nous rencontrons sont de plus en plusinterconnectés. Seule une approche globalisantepeut apporter la compréhension nécessaire pourtraiter les nombreux problèmes soulevés par laQuatrième Révolution Industrielle. Il faudrapour cela des structures collaboratives flexibles,qui reflètent l’intégration des divers écosystèmeset prennent pleinement en compte toutes lesparties prenantes, réunissant les secteurs publicset privés, et les esprits les plus éclairés aumonde, dans tous les domaines.

Deuxièmement, sur la base d’une visioncommune, il nous faudra élaborer un récitpositif, partagé et complet sur la manière defaçonner la Quatrième Révolution Industriellepour les générations présentes et futures. Onignore sans doute encore le contenu exact de cerécit, mais on connaît quelques-uns des élémentsessentiels qu’il devra inclure. Par exemple, il

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explicitera les valeurs et les principes éthiquesde nos futurs systèmes. Les marchés sont desmoteurs efficaces de la création de richesse,mais nous devrons également veiller à garder lesvaleurs et l’éthique au cœur de tous noscomportements individuels et collectifs. Enoutre, ces récits doivent évoluer progressivementvers une plus grande hauteur de vue, passant dela simple tolérance respectueuse à l’attentionpleine de compassion. Ils devraient égalementavoir une fonction intégratrice et être source depouvoir pour chacun, sur la base de valeurspartagées.

Troisièmement, après avoir sensibilisél’opinion et élaboré un récit commun, il faudranous employer à restructurer notre systèmeéconomique, social et politique afin de pouvoirmieux tirer parti des opportunités qui seprésentent. De toute évidence, notre systèmeactuel de prise de décision et notre modèledominant de création de richesse ont été conçusau cours des trois premières révolutionsindustrielles et ont évolué progressivement.Cependant, ces systèmes ne sont plus à même derépondre aux besoins des générations actuelleset moins encore à ceux des générations futures.Ceci nécessitera certainement une innovation

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systémique ; des bricolages ou des réformes à lamarge ne sauraient suffire.

On le voit à chacune des trois étapes : on nepeut réussir sans une coopération et un dialogueconstants, au niveau local, national etsupranational ; toutes les parties prenantesdoivent pouvoir s’exprimer. Nous devons êtrevigilants pour que les conditions de base soientréunies et ne pas nous limiter aux aspectstechniques. Comme le rappelle Martin Nowak,professeur de mathématiques et de biologie àl’université Harvard, la coopération est « laseule chose susceptible de racheterl’humanité ». Principal maître d’œuvre del’évolution durant 4 milliards d’années, lacoopération est depuis toujours une forcemotrice parce qu’elle nous permet de nousadapter dans un milieu sans cesse pluscomplexe ; elle renforce la cohésion politique,économique et sociale, condition même duprogrès.

Je suis convaincu que, grâce à l’efficacité dela coopération multipartite, la QuatrièmeRévolution Industrielle pourra affronter – etprobablement résoudre – les problèmes majeursque rencontre aujourd’hui la planète.

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En fin de compte, cela dépend des humains,de la culture et des valeurs. En effet, nousdevrons déployer beaucoup d’énergie pour quetous les citoyens venant d’horizons culturels etde pays différents, riches ou pauvres,comprennent la nécessité de maîtriser laQuatrième Révolution Industrielle et lesproblèmes de civilisation qu’elle induit.

Ensemble, construisons un avenir vivablepour tous, en donnant à l’humain la premièreplace, en redonnant du pouvoir aux citoyens,sans jamais oublier que toutes ces technologiesnouvelles sont en premier lieu des outils faits parles hommes, pour des hommes.

Assumons donc la responsabilité collectived’un avenir dans lequel l’innovation et latechnologie sont centrées sur l’humanité etl’impératif d’être au service de l’intérêt général ;veillons à les utiliser de telle sorte qu’elles nousorientent tous vers un développement plusdurable.

Faisons encore un pas de plus. Je croissincèrement que, si nous parvenons à la façonnerde manière responsable, cette ère technologiquenouvelle pourrait faire advenir une nouvellerenaissance culturelle, qui nous permettra dedépasser nos limites : nous créerons une

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véritable civilisation globale. La QuatrièmeRévolution Industrielle a le pouvoir de robotiserl’humanité et d’ébranler ce qui a ététraditionnellement pour nous porteur de sens :travail, communauté, famille, identité. Ou bien,au contraire, nous pouvons y trouver l’occasionde faire accéder l’humanité à une nouvelleconscience collective et morale basée sur lesentiment d’un destin commun. C’est à nousqu’il revient de faire en sorte que cette secondehypothèse soit la bonne.

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Remerciements

Tous les membres du World EconomicForum sont conscients de notre responsabilité,en tant qu’organisation internationale decoopération public-privé, de jouer le rôle deplateforme globale pour contribuer à cerner lesproblèmes induits par la Quatrième RévolutionIndustrielle et aider les différentes partiesprenantes à inventer les solutions adéquates, enfaisant preuve de hauteur de vue et de capacitésd’anticipation, en collaboration avec nospartenaires, membres et intervenants.

Pour cette raison, le thème de la réunionannuelle 2016 du World Economic Forum quis’est tenue à Davos-Klosters était « Maîtriser laQuatrième Révolution Industrielle ». Noussommes désireux d’aider à catalyser des débatset des partenariats constructifs autour de ce sujetà travers tous nos défis, projets et réunions. La

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réunion annuelle du Forum des nouveauxchampions à Tianjin, en Chine, en juin 2016,était également un moment essentiel pour lesleaders et innovateurs dans les domainessuivants : recherche, technologie,commercialisation, réglementation, afin de serencontrer et d’échanger des idées sur la manièredont nous devrons orienter la QuatrièmeRévolution Industrielle pour le plus grand biende tous. Mon souhait est que ce livre serve depoint de départ et de guide pour toutes cesactivités, offrant aux leaders un outil intellectuelpour traiter des implications politiques, socialeset économiques et pour comprendre les percéestechnologiques qui en sont la source.

Ce livre n’aurait pas vu le jour sans l’aide etl’appui enthousiastes de tous mes collègues duWorld Economic Forum. Je leur dois millemercis. J’exprime en particulier ma gratitude àNicholas Davis, Thierry Malleret et Mel Rogersqui m’ont assisté durant toute la phase derecherches et de rédaction.

Je suis également reconnaissant à mescollègues et à toutes les équipes qui ontcontribué à des sections spécifiques du livre, enparticulier Jennifer Blanke, Margareta Drzeniek-Hanouz, Silvia Magnoni et Saadia Zahidi sur les

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sujets économiques et sociétaux ; Jim HagemannSnabe, Mark Spelman et Bruce Weinelt sur lemonde des affaires et l’industrie ; DominicWaughray sur l’environnement ; Helena Leurentsur le gouvernement ; Espen Barth Eide et AnjaKaspersen sur la géopolitique et la sécuritéinternationale ; et Olivier Oullier sur lesneurotechnologies.

En écrivant ce livre, j’ai pris la mesure del’expertise exceptionnelle du personnel duForum. Merci à tous ceux qui ont échangé desidées avec moi, en ligne ou en face-à-face. Jeremercie ici particulièrement les membres dugroupe de travail sur les technologiesémergentes : David Gleicher, Rigas Hadzilacos,Natalie Hatour, Fulvia Montresor et OlivierWoeffray – et tous ceux qui ont consacré dutemps à réfléchir à ces questions : ChidiogoAkunyili, Claudio Cocorocchia, Nico Daswani,Mehran Gul, Alejandra Guzman, Mike Hanley,Lee Howell, Jeremy Jurgens, Bernice Lee, AlanMarcus, Adrian Monck, Thomas Philbeck etPhilip Shetler-Jones.

Ma gratitude profonde va également à tous lesmembres de la communauté du Forum qui m’ontaidé à forger ma réflexion sur la QuatrièmeRévolution Industrielle. Je suis particulièrement

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reconnaissant à Andrew McAfee et ErikBrynjolfsson qui ont influencé mes idéesconcernant l’impact de l’innovationtechnologique et les grands problèmes etopportunités qui nous attendent, et à DennisSnower et Stewart Wallis qui ont mis en avantl’importance de récits basés sur des valeurs sinous voulons réussir à orienter la QuatrièmeRévolution Industrielle pour le bien de tous.

Merci encore à Marc Benioff, Katrine Bosley,Justine Cassell, Mariette DiChristina, MuraliDoraiswamy, Nita Farahany, Zev Furst, NikGowing, Victor Halberstadt, Ken Hu, Lee Sang-Yup, Alessio Lomuscio, Jack Ma, EllenMacArthur, Peter Maurer, Bernard Meyerson,Andrew Maynard, William McDonough, JamesMoody, Andrew Moore, Michael Osborne,Fiona Paua Schwab, Feike Sijbesma, VishalSikka, Philip Sinclair, Hilary Sutcliffe, NinaTandon, Farida Vis, Sir Mark Walport et AlexWyatt, avec lesquels j’ai correspondu ou que j’aiinterviewés pour ce livre.

Le réseau des Conseils de l’agenda mondialdu Forum et nos « communautés tournées versl’avenir » se sont fortement engagés et m’ontfourni des idées éclairantes sur tous les sujetsabordés ici. Merci tout spécialement aux

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Conseils de l’agenda mondial sur l’avenir del’informatique et de la société, sur lesMigrations et sur l’avenir des villes. Je suiségalement reconnaissant à la pléiaderemarquable d’intellectuels qui ont sigénéreusement consacré leur temps et partagéleurs vues en la matière pendant le Sommet surl’agenda mondial 2015 à Abou Dhabi, ainsi queles membres des hubs des Global Shapers,Young Global Leaders et Young Scientists duForum, en particulier ceux qui ont participé viaTopLink, la plateforme de collaboration et deconnaissance virtuelle du Forum.

Merci également à Alejandro Reyes pour sontravail éditorial, à Scott David pour la maquette,et à Kamal Kimaoui pour la mise en page.

Pour que le livre soit prêt à temps pour laréunion annuelle du Word Economic Forum, il adû être rédigé en moins de trois mois, avec descollaborateurs de tous pays. Ceci reflète bienl’environnement réactif et dynamique de laQuatrième Révolution Industrielle. Aussi,finalement, c’est à vous, lecteur, que j’adressema gratitude profonde pour avoir acceptéd’embarquer dans ce voyage avec moi, et pourvotre engagement constant à améliorer l’état dumonde.

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Annexes :Mutations profondes

Avec la Quatrième Révolution Industrielle, laconnectivité numérique induite par les nouveauxlogiciels modifie fondamentalement la société.L’ampleur de l’impact est telle, le changementest si rapide, que sous nos yeux se produit unemétamorphose qui ne ressemble en rien auxrévolutions industrielles antérieures.

Le « Global Agenda Council on the Future ofSoftware and Society » du World EconomicForum a réalisé une enquête auprès de800 cadres et responsables d’entreprises. Ils’agissait de mesurer à quelle échéance ladiffusion massive de ces technologies de ruptureest prévue ; on cherchait également à mieuxcomprendre les implications de ces mutations

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pour les individus, les organisations, lespouvoirs publics et la société.

Le rapport présentant les résultats del’enquête, Deep Shift: Technology TippingPoints and Social Impact, a été publié enseptembre 2015 . On trouvera ci-dessous uneliste comprenant les 21 mutationstechnologiques identifiées dans le rapport, plusdeux autres, avec les points de basculecorrespondants et les dates prévisibles d’arrivéesur le marché.

Mutation 1 : Les technologiesimplantables

Le point de bascule : premier téléphoneimplantable commercialisé.D’ici 2025 : 82 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

Les gens sont toujours plus connectés à leursappareils, et ces appareils sont de plus en plusconnectés à leur corps. Non seulement portés, ilssont aussi implantés dans l’organisme, où ilsremplissent diverses fonctions :

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communications, géolocalisation, suivi ducomportement et de la santé.

Les pacemakers et les implants cochléairesn’étaient que la première étape ; de nouveauximplants sont lancés en permanence. Ilsdeviendront capables d’évaluer les paramètresdes maladies, permettront à chacun de prendreles mesures nécessaires, enverront les donnéesaux centres de suivi, voire administrerontautomatiquement les médicaments.

Les tatouages intelligents et autres pucesélectroniques pourraient aider à identifier etlocaliser les personnes. Les appareils implantéspermettront aussi sans doute de communiquerles pensées normalement exprimées par la parolevia un smartphone « intégré » et,potentiellement, les pensées ou émotions nonexprimées en lisant les ondes cérébrales oud’autres signaux.

Impacts positifs– Diminution des disparitions d’enfants.– Meilleurs résultats sanitaires.– Autonomie accrue.– Meilleure prise de décision.

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– Reconnaissance des images et accès auxdonnées personnelles (réseau anonyme surle modèle du site Yelp ).

Impacts négatifs– Confidentialité/risque de surveillance.– Baisse de la sécurité des données.– Évasion et addiction.– Distractions accrues (trouble du déficit de

l’attention).

Impacts inconnus ou à double tranchant– Allongement de la durée de vie.– Changement de nature des relations

humaines.– Modification des interactions et relations

humaines.– Identification en temps réel.– Mutation culturelle (mémoire éternelle).

La mutation en marche

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– Les tatouages numériques sont nonseulement cools, mais peuvent aussi avoird’autres fonctions : ouvrir une voiture,saisir des codes sur un téléphone ou suivreles processus de l’organisme.

Source : Medix, « Top 10 Implantable Wearables Soon To BeIn Your Body », Wtvox.com, 27 octobre 2015.

– Selon un article de WT VOX : « La smartdust (poussière intelligente), composéed’une myriade d’ordinateurs équipésd’antennes et bien plus petits qu’un grainde sable, est capable de s’organiser àl’intérieur du corps pour créer des réseauxad hoc et d’activer un ensemble deprocessus internes complexes. Imaginez-laattaquer une tumeur naissante, soulager uneblessure, voire stocker des informationspersonnelles critiques, avec un chiffrementpuissant, quasi impossible à déchiffrer.Grâce à la smart dust, les médecinspourront agir dans le corps sans l’ouvrir, etdes informations chiffrées pourront êtrestockées en vous jusqu’au moment où vousles débloquerez à partir de votre nanoréseaupersonnel. »

Source : Medix, « Top 10 Implantable Wearables Soon To BeIn Your Body », Wtvox.com, 27 octobre 2015.

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– Une pilule intelligente, mise au point parProteus Biomedical, Technology Pioneer duWorld Economic Forum, et Novartis, estmunie d’un appareil électroniquebiodégradable qui transmet à votretéléphone des données sur l’interactionentre votre organisme et le médicament.

Source : Rick Mullin, « Odd Couplings », http://cen.acs.org,13 février 2012.

Mutation 2 : Notre présencenumérique

Le point de bascule : 80 % de personnes ontune identité numérique sur Internet.D’ici 2025 : 84 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

L’identité numérique a évolué rapidement aucours des vingt dernières années. Il y a dix ansseulement, cela signifiait avoir un numéro detéléphone portable, une adresse e-mail etéventuellement un site Web personnel ou unepage MySpace.

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Aujourd’hui, notre présence numérique semanifeste par nos interactions numériques etlaisse sa trace sur une multitude de plateformeset de médias en ligne. Beaucoup de personnessont présentes sur plusieurs réseaux et possèdentpar exemple une page Facebook, un compteTwitter, un profil LinkedIn, un blog Tumblr, uncompte Instagram et souvent bien d’autrespages.

Dans notre monde de plus en plus connecté, lavie numérique d’une personne devientinextricablement liée à sa vie physique. Àl’avenir, construire et gérer son identiténumérique deviendra une pratique aussi couranteque parler, agir ou suivre une certaine modevestimentaire pour afficher sa personnalité. Dansce monde connecté, à travers son identiténumérique, on pourra rechercher et partager desinformations, exprimer librement ses idées,trouver et être trouvé, créer et entretenir desliens pratiquement n’importe où dans le monde.

Impacts positifs– Transparence accrue.– Interconnexion accrue et plus rapide entre

les individus et les groupes.

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– Extension de la liberté d’expression.– Diffusion/échange plus rapide de

l’information.– Utilisation plus efficace des services

publics.

Impacts négatifs– Confidentialité menacée/risque de

surveillance.– Vol d’identité plus fréquent.– Harcèlement/chantage en ligne.– Pseudo-consensus au sein des groupes

d’intérêt et polarisation accrue.– Propagation d’informations inexactes

(nécessité d’une gestion de la réputation) ;fausses rumeurs .

– Manque de transparence quand les individusne sont pas familiers avec les algorithmesde l’information (pour desnouvelles/informations).

Impacts inconnus ou à double tranchant– Empreintes numériques.

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– Publicité mieux ciblée.– Informations et nouvelles mieux ciblées.– Profilage individuel.– Identité permanente (aucun anonymat).– Facilité pour lancer un mouvement social en

ligne (groupes politiques, groupes depression, de loisirs, groupementsterroristes).

La mutation en marcheSi les trois réseaux sociaux les plus populaires

étaient des pays, ils compteraient ensemble1 milliard d’individus de plus que la Chine(figure I).

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Figure I – Les utilisateurs actifsde réseaux sociaux comparés

aux populations des plus grands paysdu monde

Source : « Social media and narcissism »,The McCrindle Blog, www.mccrindle.com.au,

22 juin 2015.

Mutation 3 : La vision, nouvelleinterface

Point de bascule : 10 % de lunettes de vueconnectées à Internet.

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D’ici 2025 : 86 % des personnes interrogéess’attendent à ce que basculement ait eu lieu.

Google Glass ne représente que l’une desmodalités possibles par laquelle divers objets(lunettes, casques, écouteurs et autres outils desuivi du regard) peuvent devenir « intelligents »,faisant de l’œil et de la vision le moyend’accéder à Internet et aux objets connectés.

En faisant de la vision une voie d’accèsdirecte aux applications Internet et aux données,les expériences d’un individu peuvent êtrestimulées, modifiées ou complètement enrichiespour lui permettre de s’immerger dans uneréalité différente. En outre, avec l’émergence destechnologies de suivi du regard, les appareilspeuvent apporter des informations par uneinterface visuelle, et les yeux peuvent devenirune source d’interaction et de réaction àl’information.

Si la vision devient une interface directe etimmédiate, capable de donner des instructions,de visualiser et d’interagir, toute une séried’activités (apprentissage, transports,instructions et commentaires pour la productionde biens et services, loisirs ou aide auxhandicapés) seront modifiées ; chacun pourra

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ainsi s’impliquer plus pleinement dans lemonde.

Impacts positifs– Information immédiate à l’individu pour lui

permettre de prendre des décisionsrationnelles pour son travail ou ses activitéspersonnelles et pour se déplacer.

– Amélioration de la capacité d’exécuter destâches, de produire des biens et de fournirdes services avec un guide visuel pour laproduction, les soins médicaux, la chirurgieet les prestations de service.

– Possibilité pour les handicapés de contrôlerleurs interactions et leurs mouvements, dedialoguer avec le monde à travers la parole,un clavier ou des mouvements ainsi que parl’intermédiaire des expériences immersives.

Impacts négatifs– Déconcentration, diversion de l’attention

provoquant des accidents.– Traumatismes dus à des expériences

immersives négatives.

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– Addiction et évasion accrues.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Création d’un nouveau segment dans

l’industrie du divertissement.– Augmentation de l’information immédiate.

La mutation en marcheOn vend déjà des lunettes (fabriquées par Googleou d’autres marques) qui permettent :

– de manipuler librement un objet 3D, en lefaçonnant comme de l’argile ;

– de fournir toutes les informations détailléesdont on a besoin quand on voit quelquechose, avec un fonctionnement analogue àcelui du cerveau ;

– d’indiquer en surimpression le menu durestaurant devant lequel vous passez ;

– de projeter une photo ou une vidéo sur unesimple feuille de papier.

Source : Nels Dzyre, « 10 Forthcoming Augmented Reality& Smart Glasses You Can Buy », www.hongkiat.com.

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Mutation 4 : Internet commehabit

Le point de bascule : 10 % de la populationporte des vêtements connectés à Internet.D’ici 2025 : 91 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

La technologie se personnalise de plus à plus.Au départ, les ordinateurs occupaient d’énormespièces, puis ils étaient posés sur les bureaux, etensuite sur les genoux des utilisateurs. Latechnologie est actuellement logée dans lestéléphones mobiles, dans la poche des gens,mais bientôt elle sera directement intégrée àleurs vêtements et accessoires.

Lancée en 2015, l’Apple Watch est connectéeà Internet et comporte plusieurs desfonctionnalités d’un smartphone. De plus enplus, les vêtements et autres équipements portéssur le corps seront munis de puces intégréesconnectant à Internet l’objet et la personne qui leporte.

Impacts positifs

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– Meilleur état de santé, d’où une longévitéaccrue.

– Plus grande autonomie.– Autogestion de son état de santé.– Meilleure prise de décision.– Diminution des disparitions d’enfants.– Vêtements personnalisés (couture, design).

Impacts négatifs– Confidentialité menacée/risque de

surveillance.– Évasion et addiction.– Sécurité des données.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Identification en temps réel.– Modification des interactions et des rapports

personnels.– Reconnaissance des images et accès aux

données personnelles (réseau anonyme surle modèle de l’application mobile Yelp).

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La mutation en marcheLe groupe Gartner, spécialisé en recherches etconseil, évalue à environ 514 millions le nombrede montres intelligentes et autres braceletsconnectés qui seront vendus dans un délai de cinqans.Source : Steve Ranger, « Wearables, Internet of Thingsmuscle in on smartphone spotlight at MWC »,www.zdnet.com, 26 février 2015.

Mimo Baby a lancé un moniteur pour bébé,portable et à croissance rapide, qui communiqueà votre iPad ou votre smartphone les données surla respiration, la position, le sommeil, etc. (Celaa fait naître une polémique au sujet de la limite àtrouver entre apporter de l’aide, et créer unesolution à un problème qui n’existe pas. Dans lecas présent, les partisans affirment que lemoniteur aide le bébé à mieux dormir, alors queles détracteurs soulignent que des capteurs neconstituent pas un substitut parental.)Sources : Mimobaby.com ; Parija Kavilanz, « “Connected”babies = more sleep for you », Money.cnn.com, 17 avril2015.

Ralph Lauren a lancé une chemise de sportconçue pour fournir des données en temps réelsur une séance d’entraînement en mesurant la

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production de sueur, le rythme cardiaque,l’intensité du souffle, etc.Source : www.ralphlauren.com/product/index.jsp

Mutation 5 : L’informatiqueomniprésente

Le point de bascule : 90 % de la population aun accès régulier à Internet.D’ici 2025 : 79 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

L’informatique devient plus accessible de jouren jour, et la puissance de calcul est désormais àla portée de tous, par l’intermédiaire d’unordinateur avec une connexion Internet, unsmartphone avec 3G/4G ou les services ducloud.

Aujourd’hui, 43 % de la population mondialeest connectée à Internet . Durant la seule année2014, 1,2 milliard de smartphones ont étévendus . On estime qu’en 2015, les ventes detablettes ont dépassé les ventes d’ordinateurspersonnels, et que l’on a vendu six fois plus detéléphones portables (tous types confondus) que

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d’ordinateurs . Étant donné que la vitessed’adoption d’Internet dépasse celle de tout autrecanal de médias, on prévoit que, dans seulementquelques années, les trois quarts de la populationdu monde auront un accès régulier à Internet.

À l’avenir, l’accès régulier à Internet et àl’information ne sera plus considéré comme unprivilège des économies développées, maiscomme un droit fondamental, au même titre quel’eau potable. Comme les technologies sans filnécessitent moins d’infrastructures que d’autresservices publics (électricité, routes et eau), ellesdeviendront très probablement accessiblesbeaucoup plus rapidement. Par conséquent,n’importe qui, n’importe où dans le mondepourra se connecter et interagir avecl’information à l’autre bout de la planète. Lacréation de contenus et leur diffusiondeviendront plus faciles que par le passé.

Impacts positifs– Participation accrue à la vie économique

pour des populations défavorisées vivantdans des régions isolées ou sous-développées (« dernier kilomètre »).

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– Accès à l’éducation, aux services de santé etaux services publics.

– Présence.– Accès aux compétences, plus d’emplois,

changement de nature des emplois.– Augmentation de la taille des marchés/e-

commerce.– Plus d’informations.– Participation citoyenne accrue.– Démocratisation/changements politiques.– « Dernier kilomètre »/pays isolés :

transparence et participation accrues, maisaussi augmentation des manipulations etdes rumeurs.

Impacts négatifs– Manipulations et rumeurs accrues.– Fragmentation politique.– Chasses gardées (environnements clos,

réservés aux utilisateurs authentifiés)empêchant l’accès total dans certainspays/régions.

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La mutation en marchePour rendre Internet accessible à 4 milliards defuturs utilisateurs, deux conditions principalesdoivent être réunies : l’accès doit être disponible etil doit être abordable. La course pour fournirl’accès au Web au reste du monde a commencé.Déjà, plus de 85 % de la population mondiale vit àquelques kilomètres d’un relais de téléphoneportable qui pourrait fournir le service d’Internet .Les opérateurs mobiles partout au mondeaugmentent rapidement l’accès à Internet. Le projetde Facebook, Internet.org, conçu avec lesopérateurs de réseaux mobiles, a permis à plus de1 milliard de personnes dans 17 pays de bénéficiergratuitement d’un accès de base à Internet en2014 . De nombreuses initiatives sont en courspour connecter à un prix raisonnable même lesrégions les plus isolées : Internet.org développe desdrones ; le projet Loon de Google utilise desballons et SpaceX investit dans de nouveauxréseaux satellitaires low cost.

Mutation 6 : Un superordinateurdans votre poche

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Le point de bascule : 90 % de la populationutilise un smartphone.D’ici 2025 : 81 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

En 2012, l’équipe Inside Search de Googleécrivait : « il faut autant de puissance de calculpour traiter une requête sur Google que celleutilisée à l’époque pour l’ensemble duprogramme Apollo ». Qui plus est, lessmartphones et les tablettes modernescontiennent plus de puissance de calcul que laplupart des superordinateurs d’autrefois, quioccupaient une pièce entière.

On prévoit un total de 3,5 milliardsd’utilisateurs de smartphones dans le monded’ici 2019, soit un taux de pénétration de 59 %de la population, contre 50 % en 2017, c’est-à-dire une augmentation significative par rapportau taux de 28 % en 2013 . Au Kenya,Safaricom, le principal opérateur de téléphoniemobile, annonce que 67 % des ventes d’appareilen 2014 étaient des smartphones, et la GSMAprévoit que, d’ici 2020, le continent africaincomptera plus de 0,5 milliard d’utilisateurs desmartphones .

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Ce changement dans le choix des appareilss’est déjà produit dans plusieurs pays surdifférents continents (l’Asie est actuellement entête) : de plus en plus, les utilisateurs préfèrentleur smartphone à l’ordinateur personneltraditionnel. Comme la technologie va dans lesens d’une miniaturisation des appareils, coupléeà une augmentation de la puissance de calcul et àune baisse des prix de l’électronique, ladiffusion des smartphones ira en s’accélérant.

Selon Google, les pays listés dans la figure IIont un taux d’utilisation des smartphonessupérieur à celui des PC.Source : www.google.com.sg/publicdata/explore

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Figure II – Les pays dans lesquelsl’utilisation du smartphone dépasse

l’utilisation de l’ordinateur(mars 2015)

Source :www.google.com.sg/publicdata/explore

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Figure III – Les pays avec prèsde 90 % d’utilisation du smartphone

chez les adultes (mars 2015)

Source :www.google.com.sg/publicdata/explore

Les pays tels que Singapour, la Corée du Sudet les Émirats arabes unis atteignent presque lepoint de bascule, avec 90 % d’utilisateurs desmartphones dans la population adulte (figureIII).

La société se dirige vers l’adoptiond’appareils encore plus rapides qui permettrontaux utilisateurs d’effectuer à tout moment destâches complexes. Il est hautement probable quele nombre d’appareils par personne sera en forteaugmentation, non seulement en raison des

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nouvelles fonctionnalités, mais aussi de laspécialisation des tâches.

Impacts positifs– Participation accrue à la vie économique des

populations défavorisées vivant dans desrégions isolées ou sous-développées(« dernier kilomètre »).

– Accès à l’éducation, aux services de santé etaux services administratifs.

– Présence.– Accès aux compétences, effet positif sur

l’emploi, changement de types d’emploi.– Augmentation de la taille des marchés/e-

commerce.– Plus d’informations.– Plus de participation citoyenne.– Démocratisation/changements politiques.– « Dernier kilomètre »/pays isolés :

transparence et participation accrues, maisaussi augmentation des manipulations etdes rumeurs.

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Impacts négatifs– Manipulations et rumeurs accrues.– Fragmentation politique.– Chasses gardées (environnements clos,

réservés aux utilisateurs authentifiés)empêchant le plein accès dans certainspays/régions.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.– Absence de séparation entre les sphères

privée et professionnelle.– Permet de se déplacer n’importe où.– Impact des industries manufacturières sur

l’environnement.

La mutation en marcheEn 1985, le Cray-2 était l’ordinateur le plus rapideau monde. L’iPhone 4, lancé en juin 2010, a unepuissance égale à celle du Cray-2 ; cinq ans après,l’Apple Watch a une vitesse équivalente à celle dedeux iPhone 4s . Avec la baisse du prix unitairedu smartphone sous les 50 dollars, la puissance de

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calcul qui augmente de façon vertigineuse et ladiffusion accélérée sur les marchés émergents, onpeut prévoir que, d’ici peu, pratiquement chacun denous aura un superordinateur dans sa poche.Source : http://pages.experts-exchange.com/processing-power-compared

Mutation 7 : Le stockage pourtous

Le point de bascule : 90 % des individus ontaccès à un stockage gratuit (financé par lapublicité) et illimité.D’ici 2025 : 91 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

Les capacités de stockage ont énormémentévolué ces dernières années ; de plus en plusd’entreprises offrent gratuitement du stockage àleurs usagers. Les utilisateurs produisent desquantités croissantes de contenu, sans jamaisdevoir se soucier de détruire des fichiers pourlibérer de la place. On observe une tendance trèsnette à la marchandisation des capacités destockage. L’une des explications est la chute

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vertigineuse du coût du stockage (divisé environpar 10 tous les cinq ans – figure IV).

Figure IV – Coût du stockagesur disque dur par gigaoctet (1980-

2009)

Source : « A history of storage costs »,mkomo.com, 8 septembre 2009 .

On estime qu’environ 90 % de l’ensemble desdonnées mondiales ont été créés au cours desdeux dernières années ; la quantité d’informationcréée par les entreprises double tous les14 mois . Le stockage est déjà devenu unesource de profit, avec en tête des entreprisescomme Amazon Web Services et Dropbox.

On se dirige vers une marchandisation totaledu stockage, avec accès gratuit et illimité pourles utilisateurs. La source principale de revenus

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pour les entreprises pourrait être la publicité oula télémétrie.

Impacts positifs– Bases de données juridiques.– Recherche et érudition historique.– Efficacité des opérations commerciales.– Extension des limites des mémoires

personnelles.

Impact négatif– Confidentialité menacée.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Mémoire éternelle (aucun fichier détruit).– Création, partage et consommation de

contenus accrus.

La mutation en marcheDe nombreuses entreprises offrent déjà unstockage gratuit sur le cloud allant de 2 Go à 50Go.

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Mutation 8 : L’Internetdes objets

Le point de bascule : 1 000 milliards decapteurs connectés à Internet.D’ici 2025 : 89 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

Avec l’augmentation croissante de lapuissance de calcul et la chute des prix dumatériel (comme le prédit la loi de Moore ), ildevient économiquement possible de connecterabsolument tout à Internet. Les capteursintelligents sont déjà accessibles à des prix trèsabordables. Tous les objets seront intelligents etconnectés à Internet, permettant descommunications plus nombreuses et denouveaux services axés sur les données et baséssur des capacités d’analyse amplifiées.

Une étude récente explore comment lescapteurs peuvent servir à surveiller la santé et lecomportement d’un animal . Elle montrecomment, en équipant le bétail avec descapteurs, on obtient des données en temps réelsur sa santé où qu’il se trouve, données

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transmises par l’intermédiaire d’un réseau detéléphonie mobile.

Les experts suggèrent qu’à l’avenir, tout objetpourrait être connecté à des infrastructures decommunications omniprésentes ; des capteursplacés partout aideraient chacun à percevoir sonenvironnement.

Impacts positifs– Plus grande efficacité dans l’utilisation des

ressources.– Gain de productivité.– Meilleure qualité de vie.– Effets sur l’environnement.– Prestations de services moins coûteuses.– Transparence accrue autour de l’utilisation

et de l’état des ressources.– Sécurité (par exemple avions, alimentation).– Efficacité (logistique).– Demande accrue de stockage et de bande

passante.– Changements du marché du travail et des

compétences.

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– Création de nouvelles entreprises.– Même des applications en temps réel seront

compatibles avec les réseaux decommunication standard.

– Les produits devront être « numériquementconnectables » dès la conception.

– Produits accompagnés de servicesnumériques.

– Le jumeau numérique fournit des donnéesprécises pour orienter, contrôler et prédire.

– Le jumeau numérique devient un participantactif dans la vie professionnelle,l’information et les processus sociaux.

– Les objets seront capables de percevoir leurenvironnement dans son ensemble, deréagir et d’agir de façon autonome.

– Production de savoir et de valeuradditionnels grâce à des objets« intelligents » connectés.

Impacts négatifs– Confidentialité.– Suppression d’emplois faiblement qualifiés.

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– Hacking, cybercriminalité (par exempleréseau de service public).

– Complexité accrue et risque de perte decontrôle.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Changement de business model :

location/utilisation et non-possession desbiens (l’équipement matériel devient unservice).

– Business model affecté par la valeur desdonnées.

– Chaque entreprise devient virtuellement undéveloppeur de logiciels.

– Nouvelle activité économique : vente desdonnées.

– Changement de perspective pour lesquestions de confidentialité.

– Omniprésence des infrastructuresconcernant les technologies del’information.

– Automatisation de certaines tâchesintellectuelles (par exemple analyses,évaluations, diagnostics).

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– Conséquences d’un possible « Pearl Harbornumérique » (hackers ou terroristesnumériques paralysant les infrastructures,entraînant des pénuries de nourriture, decarburant et d’électricité pendant dessemaines).

– Augmentation du taux d’utilisation (parexemple voitures, machines, outils,équipements, infrastructures).

La mutation en marcheL’informatique embarquée de la Ford GT compte10 millions de lignes de programme.Source : Jason Meserve, « IoT is Bringing Lots of Code toYour Car – Hackers Too », www.ca.com, 11 septembre 2015.

Le nouveau modèle de la Golf VW comporte54 unités de traitement (computer processingunits, CPU) ; sur le véhicule, 700 points sontcontrôlés par informatique, générant 6 Go dedonnées par véhicule.Source : « IT-Enabled Products and Services and IoT »,Roundtable on Digital Strategies Overview, Center forDigital Strategies at the Tuck School of Business atDartmouth, 2014.

On prévoit que d’ici 2020, plus de50 milliards d’appareils seront connectés à

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Internet. Même la voie lactée, la galaxie où setrouve notre système solaire, ne contient que200 milliards d’étoiles.

Eaton Corporation installe des capteurs danscertains tuyaux à haute pression qui repèrent lemoment où le tuyau va céder, évitant ainsi lesrisques d’accident et économisant le coût despannes sur les machines dans lesquelles lestuyaux sont un élément clé.Source : « The Internet of Things: The Opportunities andChallenges of Interconnectedness », Roundtable on DigitalStrategies Overview, Center for Digital Strategies at the TuckSchool of Business at Dartmouth, 2014.

Selon BMW, en 2015, 8 % de la totalité desvoitures sur toute la planète, soit 84 millions,étaient connectées à Internet d’une façon oud’une autre. D’ici à 2020, ce chiffre atteindra22 %, soit 290 millions de véhicules.Source : Janosh Delcker, « Google vs. the German carengrener », www.politico.eu, 28 octobre 2015.

Certaines compagnies d’assurances commeAetna cherchent à implanter des capteurs dansles moquettes pour signaler les personnesvictimes d’un AVC : les capteurs détecteraienttout changement de démarche et appelleraient unmédecin.

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Source : « The Internet of Things: The Opportunities andChallenges of Interconnectedness », Roundtable on DigitalStrategies Overview, Center for Digital Strategies at the TuckSchool of Business at Dartmouth, 2014.

Mutation 9 : La maisonconnectée

Le point de bascule : plus de 50 % du traficInternet des particuliers destiné aux appareils età l’électroménager (et non aux loisirs ou auxcommunications).D’ici 2025 : 70 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

Au XX siècle, la majeure partie de l’énergiedomestique était destinée à la consommationindividuelle (éclairage). Par la suite, une partcroissante de l’énergie est dédiée à des appareilsplus complexes, du grille-pain au lave-vaisselleen passant par la télévision et le climatiseur.

Il en va de même pour Internet : la majeurepartie de la bande passante est occupée par laconsommation personnelle, communication ouloisirs. Les progrès de la domotique permettentaujourd’hui de contrôler l’éclairage, les volets,

e

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la ventilation, la climatisation, les systèmesaudio, vidéo et de sécurité, les appareilsménagers. Les robots viennent aussi apporterleur aide, par exemple pour passer l’aspirateur.

Impacts positifs– Efficacité dans l’utilisation des ressources

(réduction de la consommation énergétiqueet du coût).

– Confort.– Sécurité et contrôle des intrusions.– Contrôle des accès.– Colocation.– Meilleure autonomie à domicile (jeunes,

personnes âgées, handicapées).– Meilleur ciblage de la publicité et impact

global sur l’activité.– Réduction des coûts de santé (réduction des

durées d’hospitalisation et du nombre devisites de médecins, contrôle de la prise demédicaments).

– Contrôle (en temps réel) et enregistrementpar caméra de surveillance.

– Systèmes d’alarme et appels au secours.

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– Contrôle de la maison à distance (parexemple vérifier que le gaz est fermé).

Impacts négatifs– Confidentialité.– Surveillance.– Cybercriminalité, vulnérabilité.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Impact sur la main-d’œuvre.– Changements concernant le lieu de travail

(davantage de télétravail).– Confidentialité, propriété des données.

La mutation en marcheUn exemple d’utilisation de ce type dedéveloppement pour la maison est cité par le siteCnet.com :

« Nest, l’entreprise qui a développé lethermostat et le détecteur de fumée connectés àInternet […] a annoncé [en 2014] le programme“Works with Nest” destiné aux développeurs,

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avec comme but de rendre les produits d’autresfabricants compatibles avec ses logiciels. Parexemple, grâce à un partenariat avec Mercedes-Benz, votre voiture peut prévenir Nest de monterle chauffage de la maison quand vous arrivezchez vous. […] À long terme […] desplateformes comme celle de Nest permettront àvotre domicile de connaître vos besoins, et detout régler automatiquement. Les appareils eux-mêmes finiront peut-être par se fondre dans lamaison, ne jouant plus que le rôle de capteurs etd’outils commandés à partir d’une plateformeunique. »Source : Richard Nieva, « Rosie or Jarvis: The future of thesmart home is still in the air », www.cnet.com, 14 janvier2015.

Mutation 10 : Des villesintelligentes

Le point de bascule : première ville de plus de50 000 habitants sans feux tricolores.D’ici 2025 : 64 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

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Dans de nombreuses villes, les réseaux,services et routes seront connectés à Internet.Ces villes « intelligentes » géreront ainsi leursflux énergétiques et matériels, leur logistique etleur trafic routier. Des villes à la pointe, commeSingapour et Barcelone, ont déjà commencé àmettre en œuvre de nombreux services utilisantles données, notamment des solutionsintelligentes pour le parking, la collecte desordures et l’éclairage public. Les villesintelligentes étendent en permanence leur réseaude capteurs et élaborent des plateformes dedonnées qui serviront à connecter les différentsprojets et à ajouter d’autres services fondés surl’analyse des données et les modèles deprévision.

Impacts positifs– Utilisation plus efficace des ressources.– Gain de productivité.– Densité accrue.– Meilleure qualité de vie.– Effets sur l’environnement.– Meilleur accès aux ressources pour

l’ensemble de la population.

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– Diminution des coûts des services.– Plus grande transparence dans l’utilisation

et l’état des ressources.– Diminution de la criminalité.– Mobilité accrue.– Production et consommation décentralisées

d’énergie verte.– Décentralisation de la production des biens.– Meilleure résilience (aux impacts du

changement climatique).– Réduction de la pollution (air, bruit).– Meilleur accès à l’éducation.– Accès aux marchés plus rapide.– Plus d’emplois.– Bureaucratie informatisée plus

« intelligente ».

Impacts négatifs– Surveillance, confidentialité.– Risque de panne générale si le système

énergétique fait défaut.– Vulnérabilité accrue aux cyberattaques.

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Impacts inconnus ou à double tranchant– Impact sur la culture locale de la ville.– Changement de l’identité propre à la ville.

La mutation en marcheSelon un article publié dans The Future Internet :

« La ville de Santander, dans le nord del’Espagne, compte 20 000 capteurs qui relientles immeubles, les infrastructures, les transports,les réseaux et les services. La cité offre unespace d’expérimentation et de validation defonctionnalités telles que les protocolesd’interaction et de gestion, les technologies degestion des appareils, ainsi que des servicesgénéraux comme la découverte, la gestion desidentités et la sécurité. »Source : H. Schaffers, N. Komninos, M. Pallot, B. Trousse,M. Nilsson et A. Oliveira, « Smart Cities and the FutureInternet: Towards Cooperation Frameworks for OpenInnovation », in J. Domingue et al. (eds), The FutureInternet, LNCS 6656, 2011, p. 431-446.

Mutation 11 : Le big data pourl’aide à la prise de décision

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Le point de bascule : le premier gouvernementà remplacer le recensement de la population pardes sources de big data.D’ici 2025 : 83 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

Les données sur les collectivités locales n’ontjamais été aussi abondantes. La capacité decomprendre et de gérer ces données s’amélioresans cesse. Il est possible que les pouvoirspublics commencent à revoir leur mode decollecte des données et se tournent vers lestechnologies du big data pour automatiser leursprogrammes actuels et proposer des moyensinnovants de servir les citoyens et lesconsommateurs.

L’utilisation du big data rendra le système deprise de décision plus performant et plus rapidedans toutes sortes de secteurs et d’applications.L’automatisation de l’aide à la décision peutréduire la complexité pour les citoyens etpermettre aux entreprises et au secteur public defournir des services en temps réel et de l’aidepour une série d’activités allant des interactionsavec les consommateurs aux systèmesautomatisés de déclaration et de paiement del’impôt.

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L’utilisation du big data au service dessystèmes d’aide à la décision soulève autant derisques qu’elle crée d’opportunités. Il seraessentiel de réussir à instaurer la confiance dansles données et les algorithmes utilisés. Lespréoccupations des citoyens concernant laconfidentialité, leur désir de mettre lesentreprises et les structures juridiques enposition de justifier leurs actions, tout cela doitêtre repensé et des directives claires doivent êtreénoncées afin d’éviter le profilage et les effetspervers. En remplaçant par le big data certainesopérations aujourd’hui effectuées manuellement,on risque de supprimer certains emplois devenusobsolètes, mais aussi d’en créer de nouveauxainsi que des opportunités qui n’existent pasactuellement sur le marché.

Impacts positifs– Meilleures décisions, plus rapides.– Plus de décisions prises en temps réel.– Open data (données ouvertement

accessibles) en faveur de l’innovation.– Création d’emplois dans les professions

juridiques.

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– Complexité réduite et efficacité accrue pourles citoyens.

– Réduction des coûts.– Nouvelles catégories d’emplois.

Impacts négatifs– Suppressions d’emplois.– Problèmes de confidentialité.– Responsabilité, justification (qui détient

l’algorithme ?).– Confiance (comment faire confiance aux

données ?)– Luttes pour les algorithmes

Impacts inconnus ou à double tranchant– Profilage.– Changements des structures réglementaires,

commerciales et juridiques.

La mutation en marcheLe volume mondial des données d’entreprisesdouble tous les 14 mois.

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Source : Vincent Granville, « A Comprehensive List of BigData Statistics », www.bigdatanews.com, 21 octobre 2014.

« De l’Iowa à l’Inde, les agriculteurs utilisentdes données fournies par les semences, dessatellites, des capteurs, et des tracteurs pourprendre de meilleures décisions concernant lesplantes à cultiver, la manière d’assurer unetraçabilité garantissant la fraîcheur des produitsdu champ à l’assiette, et la manière de s’adapterau changement climatique. »Source : « What’s the Big Deal with Data », BSA | SoftwareAlliance, http://data.bsa.org

« Pour mieux informer les clients desrestaurants sur l’hygiène des établissements, laville de San Francisco a piloté avec succès, encollaboration avec Yelp, une opération qui vise àpublier les données d’inspection sanitaire desrestaurants sur la page Yelp qui leur estconsacrée. Ainsi, sur la page du restaurant TacosEl Primo, on peut lire que la note d’hygiène estde 98 sur 100. Les évaluations de Yelp ont uncertain poids. Ce dispositif de collaboration sertde porte-parole à la ville pour sensibiliser seshabitants aux risques alimentaires, mais il peutégalement permettre de dénoncer les restaurantsindélicats pour les inciter à mieux se conformeraux règles d’hygiène. »

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Source : Tanvi Misra, « 3 Cities Using Open Data in CreativeWays to Solve Problems », www.citylab.com, 22 avril 2015.

Mutation 12 : Les voituresautonomes

Le point de bascule : le nombre de voituressans conducteurs atteint 10 % du total desvoitures en circulation aux États-Unis.D’ici 2025 : 79 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

Des voitures autonomes sont actuellement àl’essai chez Audi, chez Google, et dans plusieursautres entreprises qui redoublent d’efforts pourmettre au point de nouvelles solutions. Enprincipe, ces véhicules pourraient être plusefficaces et plus sûrs que des voitures conduitespar un humain. En outre, ils pourraient réduireles embouteillages, la pollution et bouleverserles modèles de transport et de logistiqueexistants.

Impacts positifs

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– Amélioration de la sécurité.– Libère du temps pour se consacrer au travail

ou à la consommation de contenusaudiovisuels.

– Effets sur l’environnement.– Réduction du stress et de l’agressivité au

volant.– Amélioration de la mobilité, entre autres

pour les personnes âgées et les handicapés.– Adoption des véhicules électriques.

Impacts négatifs– Suppression d’emplois (chauffeurs de taxis

et de camions, industrie automobile).– Bouleversement des systèmes d’assurances

et d’assistance automobiles (payer pluspour conduire soi-même).

– Diminution des revenus provenant desamendes.

– Diminution du nombre de propriétaires devoitures.

– Structures juridiques de la circulationroutière.

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– Lobbying contre l’automatisation(conducteurs interdits sur les autoroutes).

– Hacking/cyber-attaques.

La mutation en marcheEn octobre 2015, Tesla, grâce à une mise à jour delogiciel, a rendu semi-autonomes les voituresvendues aux États-Unis par la compagnie au coursde l’année précédente.Source : Molly McHugh, « Tesla’s Cars Now DriveThemselves, Kinda », www.wired.com, 14 octobre 2015.

Google prévoit de lancer des voituresautonomes sur le marché en 2020.Source : Thomas Halleck, « Google Inc. Says Self-DrivingCar Will Be Ready By 2020 », International Business Times,www.ibtimes.com, 14 janvier 2015.

Durant l’été 2015, deux hackers ont montréqu’ils pouvaient pirater une voiture autonome,contrôler les fonctionnalités du tableau de bord,direction, freinage, etc. à partir du système dedivertissement du véhicule.Source : Andy Greenberg, « Hackers Remotely Kill a Jeep onthe Highway – With Me in It », www.wired.com, 21 juillet2015.

Aux États-Unis, le Nevada est le premier Étatà autoriser la voiture autonome en 2012.

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Source : Alex Knapp, « Nevada Passes Law AuthorizingDriverless Cars », Forbes, www.forbes.com, 22 juin 2011.

Mutation 13 : L’intelligenceartificielle et la prise de décision

Point de bascule : première intelligenceartificielle (IA) au conseil d’administrationd’une entreprise.D’ici 2025 : 45 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

L’IA ne sert pas seulement à conduire desvoitures, elle permettra aussi à l’avenird’automatiser les processus complexes dedécisions, de tirer un enseignement dessituations précédentes, afin de faciliter etd’accélérer la prise de décision pour parvenirplus rapidement à des conclusions concrètesbasées sur des données et sur les expériencesantérieures.

Impacts positifs

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– Décisions rationnelles, fondées sur desdonnées ; plus impartial.

– Suppression de l’« exubéranceirrationnelle ».

– Réorganisation des bureaucraties périmées.– Économie d’emplois et innovation.– Indépendance énergétique.– Avancées dans le domaine médical,

éradication des maladies.

Impacts négatifs– Responsabilité (droits légaux et fiduciaires).– Suppression d’emplois.– Hacking/cybercriminalité.– Responsabilité et imputabilité, gouvernance.– Tendance à devenir incompréhensible.– Inégalité accrue.– « Être piégé par l’algorithme ».– Menace existentielle pour l’humanité.

La mutation en marche

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Un réseau sémantique, ConceptNet 4, a récemmentmieux réussi un test de QI que la plupart desenfants de 4 ans. Il y a trois ans, il pouvait à peinerivaliser avec un enfant de 1 an. La versionsuivante, qui vient juste d’être terminée, est censéerivaliser avec un enfant de 5 à 6 ans.Source : « Verbal IQ of a Four-Year Old Achieved by an AISystem », http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.386.6705&rep=rep1&type=pdf

Si la loi de Moore se poursuit au mêmerythme que durant les 30 dernières années, lesprocesseurs atteindront le même niveau depuissance de traitement que le cerveau humainen 2025. Deep Knowledge Ventures, un fonds decapital-risque basé à Hong Kong qui investitdans les sciences de la vie, la recherche sur lecancer, les maladies liées à l’âge et la médecinedégénérative, a désigné comme membre de sonconseil d’administration un algorithmed’intelligence artificielle appelé VITAL(Validating Investment Tool for Advancing LifeSciences, instrument de validation pourl’avancement des sciences de la vie).Source : « Algorithm appointed board director », BBC,www.bbc.com, 16 mai 2014.

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Mutation 14 : L’intelligenceartificielle et le travailadministratif

Le point de bascule : 30 % des auditsd’entreprise réalisés avec un système d’IA.D’ici 2025 : 75 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

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Figure V – Distribution des emplois*aux États-Unis en fonction

de la probabilité d’automatisation

Source : C.B. Frey et M.A. Osborne, « TheFuture of Employment: How Susceptible

Are Jobs to Computerisation? », septembre2013.

* Sur la base de la distributiondes emplois en 2010.

L’IA est capable d’associer les motifscorrespondants et d’automatiser les processus,ce qui convient à de nombreuses fonctions dans

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les grandes organisations. On peut envisager àl’avenir un environnement dans lequel beaucoupde tâches exécutées aujourd’hui par desemployés seront effectuées par l’IA.

Une étude de l’Oxford Martin School aétudié quels emplois étaient les plus susceptiblesd’être remplacés par l’IA et la robotisation ; cesrésultats donnent à réfléchir. Le modèle préditqu’il est très probable que 47 % des emplois desÉtats-Unis en 2010 seront automatisés d’ici dix àvingt ans (figure V).

Impacts positifs– Réductions des coûts.– Gains d’efficacité.– Libération de l’innovation, opportunités

pour les petites entreprises, les start-up(abaissement des barrières à l’entrée,« logiciel en tant que service [SaaS] » danstous les domaines).

Impacts négatifs– Suppression d’emplois.– Justification et responsabilité.

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– Changement des risques liés au cadrejuridique et aux obligations de divulgationfinancière.

– Automatisation des emplois (voir l’étudeOxford Martin).

La mutation en marcheLes progrès de l’automatisation sont ainsi décritsdans Fortune :

« Le logiciel Watson d’IBM, célèbre pour sesprouesses dans le jeu télévisé Jeopardy!, amontré qu’il était capable d’établir un diagnosticbeaucoup plus précis pour le cancer du poumonque les humains, 90 % contre 50 % pour certainstests. Pour quelle raison ? Les données. Se tenirau courant des plus récentes informationsmédicales pourrait prendre aux médecins160 heures par semaine. Les docteurs ne peuventévidemment pas absorber la totalité des idéesnouvelles ou des résultats cliniques qui leurpermettraient d’établir un diagnostic à la pointede la connaissance. Les chirurgiens s’appuientdéjà sur des systèmes automatisés pour lesprocédures faiblement invasives. »Source : Erik Sherman, « 5 white-collar jobs robots alreadyhave taken » Fortune.com, 25 février 2015.

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Mutation 15 : La robotiqueet les services

Le point de bascule : le premier pharmacienrobotisé aux États-Unis.D’ici 2025 : 86 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

La robotique commence à pénétrer denombreux emplois, des industriesmanufacturières à l’agriculture et du commercede détail aux services. Selon la FédérationInternationale de Robotique, il existe maintenant1,1 million de robots au travail, et les machinesaccomplissent 80 % du travail de fabricationd’une voiture . Les robots rationalisent leschaînes logistiques pour une production plusefficace et plus prévisible.

Impacts positifs– Chaîne d’approvisionnement et logistique,

éliminations.– Plus de temps de loisirs.

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– Meilleurs résultats des traitements (le bigdata sert à la recherche-développementdans l’industrie pharmaceutique).

– Application précoce aux distributeursautomatiques de billets (banque).

– Meilleur accès aux matériaux.– Relocalisation de la production (les ouvriers

des pays étrangers sont remplacés dans lepays d’origine par des robots).

Impacts négatifs– Suppression d’emplois.– Imputabilité et responsabilité.– Évolution des normes sociales quotidiennes,

fin de la distinction entre services de9 heures à 17 heures et services 24 heuressur 24.

– Hacking et cyber-risque.

La mutation en marcheUn article du Fiscal Times consultable surCNBC.com affirme :

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« Rethink Robotics a lancé Baxter [àl’automne 2012] et a reçu un accueilextrêmement positif de la part de l’industriemanufacturière : son carnet de commande estplein jusqu’en avril […]

[En avril] Rethink lance une plateformelogicielle qui permet à Baxter d’accomplir unesérie de tâches plus complexes – par exemple,soulever une pièce, la placer en face d’un postede contrôle et recevoir un signal pour la placersur la pile des « bonnes » ou des « mauvaises »pièces. L’entreprise a également lancé un kit dedéveloppement logiciel qui permettra à un tiers,par exemple un chercheur en robotique, de créerdes applications pour Baxter. »Source : Blaire Briody, « The Robot Reality: Service JobsAre Next to Go », The Fiscal Times, www.cnbc.com, 26 mars2013.

Mutation 16 : Le bitcoinet la blockchain

Le point de bascule : 10 % du PIB mondialstocké sur une technologie de blockchain.

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D’ici 2025 : 58 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

Le bitcoin et les monnaies numériquesreposent sur l’idée d’un mécanisme de confiancenommé la « blockchain », une façon de garderune trace des transactions fiables. Actuellement,la valeur totale des bitcoins dans la blockchainapproche les 20 milliards de dollars, soitapproximativement 0,025 % du PIB mondiald’environ 80 000 milliards de dollars.

Impacts positifs– Meilleure intégration financière sur les

marchés émergents quand les servicesfinanciers de la blockchain atteignent unemasse critique.

– Désintermédiation des institutionsfinancières, de nouveaux services et deséchanges de valeur se créant directementsur la blockchain.

– Explosion des actifs négociables, toutessortes d’échanges de valeurs pouvant êtrehébergés sur la blockchain.

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– Amélioration des registres de propriété dansles marchés émergents, capacité de touttransformer en un actif négociable.

– Contrats et services juridiques de plus enplus codés et associés à la blockchain,pouvant être utilisés comme séquestressécurisés, ou programmés pour être des« contrats intelligents ».

– Amélioration de la transparence, lablockchain étant essentiellement un registreglobal enregistrant toutes les transactions.

La mutation en marcheSmartcontract.com propose des contratsprogrammables qui effectuent les paiements entredeux parties après vérification de certains critères,sans qu’aucun intermédiaire n’intervienne. Cescontrats sont sécurisés par la blockchain, dotés du« statut d’auto-exécution », ce qui élimine le risqued’avoir recours à un tiers pour les faire exécuter.

Mutation 17 : L’économiede partage

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Le point de bascule : au niveau mondial, unemajorité de trajets/voyages en covoiturage plutôtqu’en voitures privées.D’ici 2025 : 67 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

Ce phénomène est généralement définicomme la capacité d’une entité (individu ouorganisation), due largement aux progrèstechnologiques, d’utiliser en commun un bien ouun actif matériel ou de fournir/partager unservice avec une efficacité inimaginableprécédemment. Ce partage des biens et desservices est rendu possible grâce à l’existence demarchés numériques, d’applications mobiles, deservices de géolocalisation et de plateformesnumériques. Tous ces éléments ont rendupossible une baisse des coûts de transaction et defriction telle qu’elle constitue un gain pour tousles acteurs, fragmenté en une multitude de petitséléments incrémentaux.

Le secteur des transports offre plusieursexemples connus d’économie de partage. Zipcaroffre un moyen de partager un véhicule pour unecourte période et à un prix plus avantageux queles loueurs de voitures traditionnels. RelayRidesoffre une plateforme qui permet de localiser et

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d’emprunter le véhicule personnel de quelqu’unpour une durée limitée. Uber et Lyft proposentdes services individuels semblables à ceux d’untaxi, mais avec une plus grande efficacité,rassemblés en un seul service, avec desapplications de géolocalisation et accessibles sursmartphones. En plus, ils sont disponibles defaçon quasi instantanée.

Les caractéristiques de l’économie de partagesont multiples : support technologique,préférence donnée à l’usage et non à la propriétédes objets, pair à pair, partage des bienspersonnels (et non professionnels), facilitéd’accès, interaction sociale accrue,consommation collective et retour surinformation partagé (d’où une confiance accrue).Tous ces éléments ne sont pas présentssimultanément dans chaque transaction del’« économie de partage ».

Impacts positifs– Facilitation d’accès aux outils et autres

ressources matérielles utiles.– Protection de l’environnement (moins

d’objets à produire et moindre quantité debiens nécessaires).

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– Augmentation des services à la personne.– Plus grande capacité à vivre sur sa trésorerie

(moins besoin d’épargner pour acheter desbiens de consommation).

– Meilleure utilisation des biens.– Les abus de confiance à long terme sont

rendus plus difficiles du fait du retour surinformation, public et direct.

– Création de circuits économiquessecondaires (chauffeurs Uber livrant desmarchandises ou de la nourriture).

Impacts négatifs– Moins de résilience après une perte

d’emploi (du fait d’une plus petiteépargne).

– Le travail sera plus organisé sur une basecontractuelle ou à la pièce (à l’inverse descontrats de longue durée, plus stables).

– Capacité réduite pour mesurer l’économie« grise », plus ou moins informelle.

– Plus d’occasions pour des abus de confiancede courte durée.

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– Moins de capital disponible pourl’investissement.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Changement de propriété des biens

immobiliers et mobiliers.– Plus de modèles d’abonnement.– Moins d’épargne.– Le sens de ce qu’est la richesse ou « être

aisé » est moins clair.– Ce qu’est un « emploi » n’est pas clair.– Difficulté pour mesurer cette économie

« grise ».– Nécessité d’adapter un système fiscal et

réglementaire fondé sur la propriété et lesventes à un modèle qui repose surl’utilisation de biens et services.

La mutation en marcheDans ce contexte, la notion de propriété prend unsens particulier, comme on peut le voir dans lesquestions suivantes :

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– Le plus grand commerce de détail qui nepossède aucun magasin ? (Amazon)

– Le principal fournisseur de chambres àcoucher qui ne possède aucun hôtel ?(Airbnb)

– La plus grande entreprise de transport qui nepossède aucune voiture ? (Uber)

Mutation 18 :Les gouvernementset la blockchain

Le point de bascule : premier gouvernement àcollecter les impôts via une blockchain.D’ici 2025 : 73 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

La blockchain est source d’opportunités et dedéfis pour les États. D’un côté, elle n’est nirégulée ni supervisée par une banque centrale, cequi implique un contrôle réduit sur la politiquemonétaire. D’un autre côté, elle ouvre denouvelles possibilités pour intégrer à lablockchain elle-même de nouveaux mécanismes

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fiscaux (par exemple, une faible taxe sur lestransactions).

Impacts inconnus ou à double tranchant– Sur les banques centrales et la politique

monétaire.– Corruption.– Imposition en temps réel.– Rôle du gouvernement.

La mutation en marcheEn 2015, la première nation virtuelle, BitNation, aété créée en utilisant la blockchain commetechnologie de base pour fabriquer les cartesd’identité de ses citoyens. À la même date,l’Estonie devint le premier pays réel à utiliser latechnologie de la blockchain.Sources : https://bitnation.co ; « Estonian National ID CardsEmbrace Electronic Payment Capabilities », PYMNTS.com,14 octobre 2014.

Mutation 19 : L’impressionet la fabrication 3D

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Le point de bascule : production de la premièrevoiture en impression 3D.D’ici 2025 : 84 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

L’impression 3D, ou fabrication additive,consiste à créer un objet matériel en superposantdes couches à partir d’un plan en 3D, comme sil’on reconstituait un pain tranche par tranche.L’impression 3D permet de créer des objetsd’une grande complexité sans équipement depointe . De nombreux types de matériauxpeuvent être utilisés dans l’impression 3D :plastique, aluminium, acier inoxydable,céramique ou même de nouveaux matériaux ;l’imprimante sera capable d’exécuter ce dont laréalisation nécessitait auparavant une chaîne defabrication entière. Ce système a déjà été utilisédans divers domaines, de la fabricationd’éoliennes à celle de jouets.

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Figure VI – Le cycle de la hypepour l’impression 3D

Source : Gartner, juillet 2014.

Avec le temps, les imprimantes 3D, devenantplus rapides, moins encombrantes et moinscoûteuses, sont amenées à se multiplier. Gartnera élaboré un schéma, le « cycle de la hype » quireprésente les différents stades dedéveloppement des imprimantes 3D, de leursfonctionnalités et de leur impact sur le marché.La courbe indique la plupart des domainesd’utilisation de la technologie au moment où elleaccède à la « pente de l’illumination ».

Impacts positifs– Développement du produit accéléré.

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– Diminution de la durée du cycle conception-fabrication.

– Facilité pour réaliser des pièces complexes(impossibles ou difficiles à réaliserauparavant).

– Demande accrue pour des concepteurs deproduits.

– Utilisation de l’impression 3D par lesinstitutions de formation pour accélérerl’apprentissage et la compréhension.

– Démocratisation de la capacité decréation/production (limitées toutes deuxuniquement par la conception).

– Fabrication traditionnelle de masse pourrépondre au défi en trouvant des moyens deréduire les coûts et la taille des lots les pluspetits.

– Multiplication des « plans » en open sourcepour imprimer toutes sortes d’objets.

– Naissance d’une nouvelle industriefournissant les matériaux d’impression.

– Multiplication des perspectivesentrepreneuriales dans le domaine .

– Bienfaits pour l’environnement du fait de laréduction des besoins de transport.

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Impacts négatifs– Augmentation des volumes de déchets et

fardeau supplémentaire pourl’environnement.

– Procédé de production des pièces parcouches anisotropes, c’est-à-dire que leursolidité n’est pas la même dans toutes lesdirections, ce qui risque de limiter leurfonctionnalité.

– Suppression d’emplois dans une industrie encrise.

– Primauté de la propriété intellectuellecomme source de valeur dans laproductivité.

– Piraterie.– Marques et qualité des produits.

Impact inconnu ou à double tranchant– Risque que toute innovation puisse être

immédiatement copiée.

La mutation en marche

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Le magazine Fortune a fait un reportage sur unexemple d’impression 3D pour la fabrication :

« Le réacteur Leap conçu par General Electricest non seulement l’une des meilleures ventes del’entreprise, mais il s’apprête à incorporer uninjecteur de carburant produit entièrement parfabrication additive. Le procédé, connu du grandpublic sous le nom d’impression 3D, consiste àaccumuler des couches de matière (dans ce casdes alliages métalliques) en fonction de plansnumériques précis. GE achève en ce moment laphase de test des nouveaux réacteurs Leap, maisles pièces produites par fabrication additive ontdéjà fait la preuve de leur utilité dans d’autresmodèles. »Source : Andrew Zaleski, « GE’s first 3D-printed parts takeflight », Fortune.com, 12 mai 2015.

Mutation 20 : L’impression3D et la santé

Le point de bascule : première greffe d’un foieimprimé en 3D.D’ici 2025 : 76 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soit

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atteint.À l’avenir, les imprimantes 3D pourront peut-

être produire non seulement des objets, maisaussi des organes humains, selon un procédéappelé bio-impression. De manière très similaireà ce qui se fait pour les objets, un organe estimprimé couche par couche à partir d’un modèlenumérique en 3D . Le matériau utilisé pourimprimer un organe serait bien entendu différentde celui que l’on utilise pour imprimer un vélo,et des tests pourraient être réalisés pour voirquels types de matériaux conviennent le mieux,par exemple la poudre de titane pour faire desos. L’impression 3D a un immense potentielpour répondre aux besoins de conception surmesure ; or rien n’est plus « sur mesure » qu’unorganisme humain.

Impacts positifs– Faire face à la pénurie de dons d’organes

(aux États-Unis, en moyenne 21 personnesmeurent chaque année en attente d’unegreffe qui n’a pas pu être réalisée fauted’organes) .

– Impression de prothèses : remplacement demembres/parties du corps.

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– Hôpitaux imprimant la pièce requise pourchaque patient nécessitant une interventionchirurgicale (par exemple attelles, plâtres,implants, vis).

– Médecine personnalisée : la croissance del’impression 3D est la plus rapide dans lesdomaines où chaque personne a besoind’une version légèrement différente d’unepartie du corps (par exemple, une couronnedentaire).

– Impression de composants d’un équipementmédical difficiles à trouver ou coûteux, parexemple des transducteurs.

– Impression par exemple d’implantsdentaires, de pacemakers et de tiges pour laréparation de fractures osseuses dans unhôpital local au lieu de les faire venir, cequi réduit le coût des opérations.

– Bouleversement radical des essais sur lesmédicaments, qui pourront être réalisés surdes « modèles » humains réels, car onpourra imprimer entièrement des organes.

– Possibilité d’imprimer de la nourriture, cequi améliorera la sécurité alimentaire.

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Impacts négatifs– Production non contrôlée ou non

réglementée de parties du corps,d’équipements médicaux ou de nourriture.

– Augmentation des volumes de déchets etfardeau supplémentaire pourl’environnement.

– Débats éthiques fondamentaux liés à lapossibilité d’imprimer des parties du corps,voire des corps entiers : qui contrôlera lacapacité de les produire ? Qui garantira laqualité des organes produits ?

– Incitations au laisser-aller : si tout peut êtreremplacé, pourquoi avoir un mode de viesain ?

– Impact sur l’agriculture du fait del’impression d’aliments.

La mutation en marcheLa première utilisation d’un implant spinalimprimé en 3D a été relatée par le magazinePopular Science :

« [En 2014], des médecins du PekingUniversity Third Hospital sont parvenus à

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implanter la toute première section d’unevertèbre imprimée en 3D chez [un] jeune patientafin de remplacer une vertèbre cervicalecancéreuse. La vertèbre de rechange a étémodelée à partir de la vertèbre réelle du garçon,ce qui a facilité leur fusion. »Source : Loren Grush, « Boy Given a 3-D Printed SpineImplant », Popular Science, www.popsci.com, 26 août 2014.

Mutation 21 : L’impression3D et les produitsde consommation

Le point de bascule : 5 % des produits deconsommation imprimés en 3D.D’ici 2025 : 81 % des personnes interrogéess’attendent à ce que ce point de bascule soitatteint.

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Figure VII – L’utilisationde l’impression 3D dans divers

domaines (% des personnesinterrogées*)

* Les pourcentages portentsur les personnes interrogées lors

de l’enquête de Sculpteo.

Source : « Sculpteo, The Stateof 3D Printing » (enquête auprès de 1 000

personnes), publié dans J. Hedstrom, « The Stateof 3D Printing… », Quora .

Puisque n’importe qui peut fabriquer despièces avec une imprimante 3D, il devientpossible de fabriquer localement et sur demandeles produits de consommation ordinaires, au lieude les acheter en magasin. L’imprimante finirapar devenir un équipement courant au bureau,voire à domicile. Ceci permettra de réduireencore le coût d’accès aux biens de

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consommation et permettra la diffusion desobjets imprimés en 3D. Les domainesd’utilisation actuels de l’impression 3D (figureVII) indiquent plusieurs secteurs liés audéveloppement et à la production de biens deconsommation (preuve de concept, prototype etproduction).

Impacts positifs– Davantage de produits personnalisés et de

fabrication personnelle.– Possibilité de créer des produits de niche et

de les commercialiser.– La croissance de l’impression 3D est la plus

rapide dans les domaines où chaque client ades besoins légèrement différents pour unmême produit, par exemple un pied d’uneforme particulière ayant besoin d’unechaussure spécifique.

– Réduction des coûts de logistique,potentiellement d’énormes économiesd’énergie .

– Contribution à l’activité locale ; fabricationsur place de biens, en tirant parti de

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l’élimination des coûts de logistique(économie circulaire).

Impacts négatifs– Chaîne d’approvisionnement et de

logistique globale et régionale : réductionde la demande donnant lieu à dessuppressions d’emplois.

– Contrôle des armes à feu : capacitéd’imprimer des objets potentiellementdangereux, comme des armes à feu.

– Augmentation des volumes de déchets etfardeau supplémentaire pourl’environnement.

– Remise en cause fondamentale des contrôlessur la production, des réglementationsprotégeant le consommateur, des barrièrescommerciales, des brevets, taxes et autresrestrictions gouvernementales ; difficulté des’adapter.

La mutation en marcheEn 2014, près de 133 000 imprimantes 3D ont étélivrées dans le monde entier, une hausse de 68 %

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par rapport à 2013. La majorité des imprimantes,vendues pour moins de 10 000 dollars, conviennentpour des applications allant des laboratoires et desécoles à de petites entreprises de fabrication. Enconséquence, le secteur des fournitures et services3D a fortement crû, atteignant 3,3 milliards dedollars .

Mutation 22 : Des êtres humainssur mesure

Le point de bascule : naissance du premier êtrehumain dont le génome a été directement etdélibérément modifié.

Depuis le début du siècle, le coût duséquençage entier d’un génome humain a étédivisé pratiquement par 6. Le Human GenomeProject a dépensé 2,7 milliards de dollars pourproduire le premier décryptage d’un génomeentier en 2003. En 2009, le coût par génomen’était plus que de 100 000 dollars et,aujourd’hui, les chercheurs peuvent débourserseulement 1 000 dollars auprès d’un laboratoirespécialisé pour séquencer un génome humain.Une tendance similaire a vu le jour plus

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récemment dans le domaine de la modificationdu génome avec la mise au point de la méthodeCRISPR/Cas9, adoptée très rapidement du faitde son efficacité supérieure et de son coûtmoindre que les techniques précédentes.

La véritable révolution n’est donc pas que desscientifiques spécialisés soient tout à coup enmesure de modifier les gènes des plantes et desanimaux, mais plutôt la facilité accrue offertepar les nouvelles technologies de séquençage etde modification, ce qui augmente fortement lenombre de chercheurs à même de mener desexpériences.

Impacts positifs– Rendements agricoles améliorés grâce à des

variétés et des traitements plus robustes,plus efficaces et plus productifs.

– Traitements médicaux plus efficaces grâce àla médecine personnalisée.

– Diagnostics médicaux plus rapides, plusprécis et moins invasifs.

– Meilleure compréhension de l’impact desactivités humaines sur la nature.

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– Diminution des maladies génétiques et de lasouffrance qu’elles provoquent.

Impacts négatifs– Risque d’interaction entre les

plantes/animaux génétiquement modifiée etla santé humaine/l’environnement.

– Augmentation des inégalités dues au coûtélevé des traitements.

– Réactions de rejet social des technologies demodification génétique.

– Utilisation à mauvais escient des donnéesgénétiques par les gouvernements ou lesentreprises.

– Désaccords internationaux quant à l’usageéthique des technologies de modificationgénétique.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Longévité accrue.– Dilemmes éthiques concernant la nature de

l’humanité.– Basculements culturels.

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La mutation en marcheEn mars 2015, des scientifiques réputés publiaientun article dans Nature appelant à un moratoire surla modification des embryons humains, soulignant« de graves inquiétudes concernant les implicationsde ces recherches en matière d’éthique et desécurité ».

À peine un mois plus tard, en avril 2015, deschercheurs sous la direction de Junjiu Huangrattachés de l’Université Sun Yat-sen à Canton(Guangzhou) ont publié le premier articlescientifique au monde sur la modification del’ADN d’embryons humains.Sources : Edward Lanphier, Fyodor Urnov, Sarah EhlenHaecker, Michael Werner, Joanna Smolenski, « Don’t edit thehuman germ line », Nature, www.nature.com, 12 mars 2015 ;Adam Pasick, Akshat Rathi, « Chinese researchers havegenetically modified a human embryo – and many scientiststhink they’ve gone too far », Quartz, Qz.com, 23 avril 2015.

Mutation 23 :Les neurotechnologies

Le point de bascule : le premier humain à quiune mémoire artificielle est implantée dans lecerveau.

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Tous les domaines de notre vie personnelle etprofessionnelle peuvent tirer parti d’unemeilleure compréhension du fonctionnement denotre cerveau – sur le plan individuel comme surle plan collectif. Élément révélateur, au coursdes dernières années, deux des programmes derecherche ayant reçu les financements les plusimportants au monde portent sur les sciences ducerveau : le Human Brain Project (projet à1 milliard d’euros sur dix ans financé par laCommission européenne) et l’initiative BrainResearch Through Advancing InnovativeNeurotechnologies (BRAIN) lancée par leprésident Obama. S’il est vrai que cesprogrammes sont principalement centrés sur larecherche scientifique et médicale, on assisteégalement à la croissance rapide (et à l’influencegrandissante) des neurotechnologies dans lesaspects non médicaux de notre vie. Cestechnologies consistent à surveiller l’activitécérébrale et à observer la manière dont lecerveau change et/ou interagit avec le monde.

Par exemple, en 2015, la portabilité etl’accessibilité des systèmes d’enregistrement oud’estimation de l’activité cérébrale (coûtantmoins cher qu’une console de jeu) offrent déjàdes possibilités inouïes d’interfaçage entre un

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individu et une machine – marquant ce qui vadevenir non seulement une « neuro-révolution »,mais aussi une révolution sociale complète .

Impacts positifs– Les personnes handicapées peuvent

maintenant commander une prothèse demembre ou un fauteuil roulant « par lapensée ».

– Le neurofeedback, qui permet de surveilleren temps réel l’activité cérébrale, ouvred’innombrables possibilités pour aider àlutter contre les addictions, réguler lecomportement alimentaire et améliorer lesperformances, que ce soit dans le sport ou àl’école.

– La possibilité de collecter, traiter, stocker etcomparer d’immenses volumes de donnéesliées à l’activité cérébrale nous permettrad’améliorer le diagnostic et l’efficacité destraitements des troubles du cerveau et desproblèmes de santé mentale.

– La justice sera à même de traiter au cas parcas les affaires criminelles et d’évaluer lesquestions de responsabilité de manière bien

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plus précise que ce n’est actuellement lecas.

– La prochaine génération d’ordinateurs,conçue à l’aide des résultats des sciences ducerveau, sera peut-être à même deraisonner, prédire et réagir tout comme lecortex humain (zone du cerveau connuecomme étant le siège de l’intelligence).

Impacts négatifs– Discrimination en fonction du cerveau : les

individus ne se résument pas à leur cerveauet l’on risque de prendre des décisions sanstenir compte du contexte, uniquement sur labase de données sur le cerveau, dansdifférents domaines tels que la justice, lesressources humaines, le comportement desconsommateurs ou l’éducation .

– Risque que les pensées/rêves/désirs puissentêtre décryptés et que toute intimitédisparaisse.

– Risque que la créativité ou la « touchehumaine » ne disparaisse lentement maissûrement, peur véhiculée principalement

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par une exagération de la puissance dessciences du cerveau.

– Les limites entre l’homme et la machinedeviennent floues.

Impacts inconnus ou à double tranchant– Modification culturelle et sociétale.– Désincarnation de la communication.– Amélioration des performances.– L’augmentation des facultés cognitives

humaines déclenchera l’apparition denouveaux comportements.

La mutation en marche– Les algorithmes de calcul cortical ont déjà

montré leur capacité à résoudre desCAPTCHA modernes (tests communémentutilisés pour distinguer les humains desmachines).

– L’industrie automobile a mis au point dessystèmes capables de surveiller l’attentionet la vigilance afin d’arrêter une voiturelorsque le conducteur s’endort au volant.

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– En Chine, un programme informatiqueintelligent a obtenu un meilleur score que laplupart des adultes à un test de QI.

– Watson, le superordinateur d’IBM, aprèsavoir épluché des millions de dossiersmédicaux et de bases de données, acommencé à aider les médecins à choisirles bonnes options thérapeutiques pour lespatients ayant des besoins complexes.

– Des capteurs d’images« neuromorphiques », c’est-à-dire inspirésdu mode de communication entre l’œil et lecerveau, trouveront toutes sortes d’usages,de l’utilisation des batteries à la robotique.

– Les neuroprothèses permettent auxpersonnes handicapées de contrôler desmembres artificiels ou un exosquelette.Certains aveugles seront capables de(re)voir.

– Le programme Restoring Active Memory(RAM) mené par la Defense AdvancedResearch Projects Agency (DARPA,agence américaine pour les projets derecherche avancée de défense) est unprécurseur des travaux de restauration etd’amélioration de la mémoire.

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– Des neuroscientifiques du MIT ontdémontré que des symptômes de dépressionchez la souris pouvaient être soignés par laréactivation artificielle de souvenirsheureux.

Sources : Murali Doraiswamy, « 5 brain technologies thatwill shape our future », World Economic Forum Agenda,www.weforum.org, 19 août 2015.Alvaro Fernandez, « 10 neurotechnologies about to transformbrain enhancement and brain health », SharpBrains.com,10 novembre 2015.

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Notes

1. Les termes « disruption » et « innovation disruptive »ont fait l’objet de nombreuses discussions dans lescercles de stratégie d’affaires et de gestion, plusrécemment dans Clayton M. Christensen, Michael E.Raynor, et Rory McDonald, What is DisruptiveInnovation ?, Harvard Business Review, décembre 2015.Tout en respectant les intentions du professeurChristensen et de ses collègues concernant lesdéfinitions, j’ai donné à ces termes une signification pluslarge dans ce livre.2. Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, Le deuxièmeâge de la machine : Travail et prospérité à l’heure de larévolution technologique, Odile Jacob, 2014.3. James Manyika et Michael Chui, “Digital Era BringsHyperscale Challenges”, The Financial Times, 13 août2014.4. La designer et architecte Neri Oxman représente unexemple fascinant de ce que je viens de décrire. Sonlaboratoire de recherches travaille à la charnière entre

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design informatique, impression tridimensionnelle, géniedes matériaux et biologie synthétique.www.ted.com/talks/neri_oxman_design_at_the_intersection_of_technology_and_biology5. Carl Benedikt Frey and Michael Osborne, avec descontributions de Citi Research, “Technology at WorkThe Future of Innovation and Employment”, OxfordMartin School and Citi, février 2015.https://ir.citi.com/jowGiIw%2FoLrkDA%2BldI1U%2FYUEpWP9ifowg%2F4HmeO9kYfZiN3SeZwWEvPez7gYEZXmxsFM7eq1gc0%3D6. David Isaiah, “Automotive grade graphene : the clockis ticking”, Automotive World, 26 août 2015.www.automotiveworld.com/analysis/automotive-grade-graphene-clock-ticking7. Sarah Laskow, “The Strongest, Most ExpensiveMaterial on Earth”, The Atlantic, 23 septembre 2014.www.theatlantic.com/technology/archive/2014/09/the-strongest-most-expensive-material-on-earth/3806018. Certaines technologies sont décrites plus en détaildans : Bernard Meyerson, “Top 10 Technologies of2015”, Meta-Council on Emerging Technologies, WorldEconomic Forum, 4 mars 2015.https://agenda.weforum.org/2015/03/top-10-emerging-technologies-of-2015-29. Tom Goodwin, “In the age of disintermediation thebattle is all for the consumer interface”, TechCrunch,mars 2015.

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http://techcrunch.com/2015/03/03/in-the-age-of-disintermediation-the-battle-is-all-for-the-customer-interface10. K.A. Wetterstrand, “DNA Sequencing Costs : Datafrom the NHGRI Genome Sequencing Program (GSP)”,National Human Genome Research Institute, 2 octobre2015.www.genome.gov/sequencingcosts11. Ariana Eunjung Cha, “Watson’s Next Feat ? Takingon Cancer”, The Washington Post, 27 juin 2015.www.washingtonpost.com/sf/national/2015/06/27/watsons-next-feat-taking-on-cancer12. Jacob G. Foster, Andrey Rzhetsky et James A.Evans, “Tradition and Innovation in Scientists’ ResearchStrategies”, American Sociological Review,octobre 2015, 80 : 875-908.www.knowledgelab.org13. Mike Ramsay et Douglas Cacmillan, “CarnegieMellon Reels After Uber Lures Away Researchers”, WallStreet Journal, 31 mai 2015.www.wsj.com/articles/is-uber-a-friend-or-foe-of-carnegie-mellon-in-robotics-143308458214. World Economic Forum, Deep Shift TechnologyTipping Points and Societal Impact, Survey Report,Global Agenda Council on the Future of Software andSociety, septembre 2015.15. Pour plus de détails sur la méthodologie d’enquête,voir les pages 4 et 39 du rapport cité dans la note

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précédente.16. UK Office of National Statistics, “Surviving to Age100”, 11 décembre 2013,www.ons.gov.uk/ons/rel/lifetables/historic-and-projected-data-from-the-period-and-cohort-life-tables/2012-based/info-surviving-to-age-100.html17. The Conference Board, Productivity Brief 2015,2015.Selon des données compilées par The Conference Board,le taux de croissance moyen de la productivité globaledu travail sur la période 1996-2006 est de 2,6 %, contre2,1 % pour 2013 et 2014.www.conference-board.org/retrievefile.cfm?filename=The-Conference-Board-2015-Productivity-Brief.pdf&type=subsite18. United States Department of Labor, “Productivitychange in the nonfarm business sector, 1947-2014”,Bureau of Labor Statistics.www.bls.gov/lpc/prodybar.htm19. United States Department of Labor, “Preliminarymultifactor productivity trends, 2014”, Bureau of LaborStatistics, 23 juin 2015.www.bls.gov/news.release/prod3.nr0.htm20. OECD, “The Future of Productivity”, juillet 2015.www.oecd.org/eco/growth/The-future-of-productivity-policy-note-July-2015.pdfPour une courte discussion de la baisse de la productivitéaméricaine, voir : John Fernald and Bing Wang, “The

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Recent Rise and Fall of Rapid Productivity Growth”,Federal Reserve Bank of San Francisco, 9 février 2015.www.frbsf.org/economic-research/publications/economic-letter/2015/february/economic-growth-information-technology-factor-productivity21. L’économiste Brad DeLong le montre dans :J. Bradford DeLong, “Making Do With More”, ProjectSyndicate, 26 février 2015.www.project-syndicate.org/commentary/abundance-without-living-standards-growth-by-j--bradford-delong-2015-0222. John Maynard Keynes, « Perspectives économiquespour nos petits enfants » in La Pauvreté dansl’abondance, Gallimard, 2002, éd. originale 1931.23. Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, “The Futureof Employment : How Susceptible Are Jobs toComputerisation ?”, Oxford Martin School, Programmeon the Impacts of Future Technology, University ofOxford, 17 septembre 2013.www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/academic/The_Future_of_Employment.pdf24. Shelley Podolny, “If an Algorithm Wrote This, HowWould You Even Know ?”, The New York Times, 7 mars2015.www.nytimes.com/2015/03/08/opinion/sunday/if-an-algorithm-wrote-this-how-would-you-even-know.html?_r=0

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25. Martin Ford, Rise of the Robots, Basic Books, 2015.26. Daniel Pink, Free Agent Nation The Future ofWorking for Yourself, Grand Central Publishing, 2001.27. Cité in : Farhad Manjoo, “Uber’s business modelcould change your work”, The New York Times,28 janvier 2015.28. Cité in : Sarah O’Connor, “The human cloud : A newworld of work”, The Financial Times, 8 octobre 2015.29. Lynda Gratton, The Shift : The Future of Work isAlready Here, Collins, 2011.30. R. Buckminster Fuller and E.J. Applewhite,Synergetics : Explorations in the Geometry of Thinking,Macmillan, 1975.31. Eric Knight, “The Art of Corporate Endurance”,Harvard Business Review, 2 avril 2014.https://hbr.org/2014/04/the-art-of-corporate-endurance32. VentureBeat, “WhatsApp now has 700M users,sending 30B messages per day”, 6 janvier 2015.http://venturebeat.com/2015/01/06/whatsapp-now-has-700m-users-sending-30b-messages-per-day33. Mitek and Zogby Analytics, Millennial Study 2014,septembre 2014.www.miteksystems.com/sites/default/files/Documents/zogby_final_embargo_14_9_25.pdf34. Gillian Wong, “Alibaba Tops Singles’ Day SalesRecord Despite Slowing China Economy”, The WallStreet Journal, 11 novembre 2015.

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www.wsj.com/articles/alibaba-smashes-singles-day-sales-record-144723453635. “The Mobile Economy : Sub-Saharan Africa 2014”,GSM Association, 2014.http://www.gsmamobileeconomyafrica.com/GSMA_ME_SubSaharanAfrica_Web_Singles.pdf36. Tencent, “Announcement of results for the three andnine months ended 30 septembre 2015”.www.tencent.com/en-us/content/ir/an/2015/attachments/20151110.pdf37. MIT, “The ups and downs of dynamic pricing”,innovation@work Blog, MIT Sloan ExecutiveEducation, 31 octobre 2014.http://executive.mit.edu/blog/the-ups-and-downs-of-dynamic-pricing#. VG4yA_nF-bU38. Giles Turner, “Cybersecurity Index Beat S & P500by 120 %. Here’s Why, in Charts”, Money Beat, TheWall Street Journal, 9 septembre 2015.http://blogs.wsj.com/moneybeat/2015/09/09/cybersecurity-index-beats-sp-500-by-120-heres-why-in-charts39. IBM, “Redefining Boundaries : Insights from theGlobal C-Suite Study”, novembre 2015.www-935.ibm.com/services/c-suite/study40. Global e-Sustainability Initiative and The BostonConsulting Group, Inc, “GeSI SMARTer 2020: The Roleof ICT in Driving a Sustainable Future”, décembre 2012.http://gesi.org/SMARTer2020

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41. Moisés Naím, The End of Power : From Boardroomsto Battlefields and Churches to States, Why Being inCharge Isn’t What It Used to Be, Basic Books, 2013.Ce livre attribue la fin du pouvoir à trois révolutions :révolution du « plus », révolution de la mobilité etrévolution des mentalités. Il prend soin de ne pasidentifier le rôle de la technologie de l’informationcomme prédominant mais il ne fait aucun doute que larévolution du plus, de la mobilité et des mentalités doitbeaucoup à l’âge numérique et à la diffusion denouvelles technologies.42. Cet argument est exposé in : “The Middle KingdomGalapagos Island Syndrome : The Cul-De-Sac ofChinese Technology Standards”, InformationTechnology and Innovation Foundation (ITIF),15 décembre 2014.www.itif.org/publications/2014/12/15/middle-kingdom-galapagos-island-syndrome-cul-de-sac-chinese-technology43. “Innovation Union Scoreboard 2015”, CommissionEuropéenne, 2015.http://ec.europa.eu/growth/industry/innovation/facts-figures/scoreboards/files/ius-2015_en.pdfLe système de mesure utilisé pour the Innovation UnionScoreboard distingue entre trois principaux typesd’indicateurs et huit dimensions de l’innovation,aboutissant à un total de 25 indicateurs différents. Lesfacilitateurs savent saisir les principaux moteursd’innovation performante externes à l’entreprise et

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couvrent trois dimensions de l’innovation : ressourceshumaines, systèmes de recherche ouverts excellents etattractifs, et finance et soutien. Les activités desentreprises expriment les efforts d’innovation au niveaude l’entreprise, regroupés en trois dimensions del’innovation : investissements de l’entreprise, liens etesprit d’entreprenariat, et atouts intellectuels. Lesrésultats couvrent les effets des activités de l’entreprisevouées à l’innovation, regroupées en deux dimensions del’innovation : innovateurs et effets économiques.44. World Economic Forum, Collaborative InnovationTransforming Business, Driving Growth, août 2015.www3.weforum.org/docs/WEF_Collaborative_Innovation_report_2015.pdf45. World Economic Forum, Global InformationTechnology Report 2015: ICTs for Inclusive Growth,Soumitra Dutta, Thierry Geiger et Bruno Lanvin, eds.,2015.46. World Economic Forum, Data-Driven Development :Pathways for Progress, janvier 2015.www3.weforum.org/docs/WEFUSA_DataDrivenDevelopment_Report2015.pdf47. Tom Saunders and Peter Baeck, “Rethinking SmartCities From The Ground Up”, Nesta, juin 2015.www.nesta.org.uk/sites/default/files/rethinking_smart_cities_from_the_ground_up_2015.pdf48. Carolina Moreno, “Medellin, Colombia Named‘Innovative City Of The Year’ In WSJ And Citi GlobalCompetition”, Huffington Post, 2 mars 2013.

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www.huffingtonpost.com/2013/03/02/medellin-named-innovative-city-of-the-year_n_2794425.html49. World Economic Forum, Top Ten UrbanInnovations, Global Agenda Council on the Future ofCities, World Economic Forum, octobre 2015.www3.weforum.org/docs/Top_10_Emerging_Urban_Innovations_report_2010_20.10.pdfVersion française : Top 10 des innovations urbaines,www3.weforum.org/docs/WEF_Top_10_Emerging_Urban_Innovations_report_FR.pdf50. Alex Leveringhaus and Gilles Giacca, “Robo-WarsThe Regulation of Robotic Weapons”, The OxfordInstitute for Ethics, Law and Armed Conflict, TheOxford Martin Programme on Human Rights for FutureGenerations, and The Oxford Martin School, 2014.www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/briefings/Robo-Wars.pdf51. James Giordano quoted in Tom Requarth, “This isYour Brain. This is Your Brain as a Weapon”, ForeignPolicy, 14 septembre 2015.http://foreignpolicy.com/2015/09/14/this-is-your-brain-this-is-your-brain-as-a-weapon-darpa-dual-use-neuroscience52. Manuel Castells, “The impact of the Internet onSociety : A Global Perspective”, MIT TechnologyReview, 8 septembre 2014.www.technologyreview.com/view/530566/the-impact-of-the-internet-on-society-a-global-perspective

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53. Credit Suisse, Global Wealth Report 2015,octobre 2015.54. OECD, “Divided We Stand : Why Inequality KeepsRising”, 2011.www.oecd.org/els/soc/49499779.pdf55. Frederick Solt, “The Standardized World IncomeInequality Database”, Working paper, SWIID, Version5.0, octobre 2014.http://myweb.uiowa.edu/fsolt/swiid/swiid.html56. Richard Wilkinson et Kate Pickett, The Spirit Level :Why Greater Equality Makes Societies Stronger,Bloomsbury Press, 2009.57. Sean F. Reardon et Kendra Bischoff, “More unequaland more separate : Growth in the residential segregationof families by income, 1970-2009”, US 2010 Project,2011.www.s4.brown.edu/us2010/Projects/Diversity/Data/Report/report111111.pdfhttp://cepa.stanford.edu/content/more-unequal-and-more-separate-growth-residential-segregation-families-income-1970-200958. Eleanor Goldberg, “Facebook, Google are SavingRefugees and Migrants from Traffickers”, HuffingtonPost, 10 septembre 2015.www.huffingtonpost.com/entry/facebook-google-maps-refugeesmigrants_55f1aca8e4b03784e2783ea459. Robert M. Bond, Christopher J. Fariss, Jason J.Jones, Adam D. I. Kramer, Cameron Marlow, Jaime E.

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Settle, and James H. Fowler, “A 61-million-personexperiment in social influence and politicalmobilization”, Nature, 2 septembre 2012 (en ligne).www.nature.com/nature/journal/v489/n7415/full/nature11421.html60. Stephen Hawking, Stuart Russell, Max Tegmark,Frank Wilczek, “Stephen Hawking : ‘Transcendencelooks at the implications of artificial intelligence but arewe taking AI seriously enough ?”, The Independent,2 mai 2014.www.independent.co.uk/news/science/stephen-hawking-transcendence-looks-at-the-implications-of-artificial-intelligence-but-are-we-taking-9313474.html61. Greg Brockman, Ilya Sutskever & the OpenAI team,“Introducing OpenAI”, 11 décembre 2015.https://openai.com/blog/introducing-openai62. Steven Levy, “How Elon Musk and Y CombinatorPlan to Stop Computers From Taking Over”,11 décembre 2015.https://medium.com/backchannel/how-elon-musk-and-y-combinator-plan-to-stop-computers-from-taking-over-17e0e27dd02a#63. Sara Konrath, Edward O’Brien et Courtney Hsing,“Changes in dispositional empathy in American collegestudents over time : A meta-analysis”, Personality andSocial Psychology Review, 2010.64. Cité in : Simon Kuper, “Log out, switch off, join in”,FT Magazine, 2 octobre 2015.

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https://www.ft.com/content/fc76fce2%E2%80%9167b3%E2%80%9111e5%E2%80%9197d0%E2%80%911456a776a4f565. Sherry Turkle, Reclaiming Conversation : ThePower of Talk in a Digital Age, Penguin, 2015.66. Nicholas Carr, The Shallows : How the Internet ischanging the way we think, read and remember, AtlanticBooks, 2010.67. Pico Iyer, The Art of Stillness : Adventures in GoingNowhere, Simon and Schuster, 2014.68. Cité in : Elizabeth Segran, “The Ethical QuandariesYou Should Think About the Next Time You Look atYour Phone”, Fast Company, 5 octobre 2015.www.fastcompany.com/3051786/most-creative-people/the-ethical- quandaries-you-should-think-about-the-next-time-you-look-at69. Le terme « intelligence contextuelle » a été inventépar Nihtin Nohria plusieurs années avant qu’il nedevienne doyen de la Harvard Business School.70. Klaus Schwab, Moderne Unternehmensführung imMaschinenbau (Gestion moderne d’entreprise en géniemécanique), VDMA, 1971.71. Cité in : Peter Snow, The Human Psyche in Love,War & Enlightenment, Boolarong Press, 2010.72. Daniel Goleman, “What Makes A Leader ?”,Harvard Business Review, janvier 2004.https://hbr.org/2004/01/what-makes-a-leader

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73. Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, InselVerlag, 1929.74. Voltaire a écrit : « Le doute n’est pas une conditionagréable, mais la certitude est absurde. » « Sur l’âme etDieu », Lettre à Frederick William, prince de Prusse,28 novembre 1770.75. Martin Nowak et Roger Highfield, SuperCooperators : Altruism, Evolution, and Why We NeedEach Other to Succeed, Free Press, 2012.76. World Economic Forum, Deep Shift TechnologyTipping Points and Societal Impact, Survey Report,Global Agenda Council on the Future of Software andSociety, novembre 2015.77. À la manière de ce qui se pratique sur le siteYelp.com, chacun pourrait partager ses commentairesdirectement avec les autres, et ces commentaires seraientenregistrés et/ou partagés en ligne par le biais de pucesimplantées directement dans le corps.78. Le terme de « rumeur » suggère que ceux quitransmettent l’information sont aveuglément d’accordavec quelqu’un d’autre ou répètent ce que d’autres ontdit sans réflexion critique.79. Internet live stats, “Internet users in the world”.www.internetlivestats.com/internet-userswww.worldometers.info/world-population80. “Gartner Says Worldwide Traditional PC, Tablet,Ultramobile and Mobile Phone Shipments to Grow 4.2Percent in 2014”, Gartner, 7 juillet 2014.

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www.gartner.com/newsroom/id/279101781. “Number of smartphones sold to end usersworldwide from 2007 to 2014 (in million units)”,Statista, 2015.www.statista.com/statistics/263437/globalsmartphone-sales-to-end-users-since-200782. Lev Grossman, “Inside Facebook’s Plan to Wire theWorld”, Time, 15 décembre 2014.http://time.com/facebook-world-plan83. “One Year In : Internet.org Free Basic Services”,Facebook Newsroom, 26 juillet 2015.http://newsroom.fb.com/news/2015/07/one-year-in-internet-org-free-basic-services84. Udi Manber et Peter Norvig, “The power of theApollo missions in a single Google search”, GoogleInside Search, 28 août 2012.http://insidesearch.blogspot.com/2012/08/the-power-of-apollo-missions-in-single.html85. Satish Meena, “Forrester Research World MobileAnd Smartphone Adoption Forecast, 2014 To 2019(Global)”, Forrester Research, 8 août 2014.https://www.forrester.com/report/Forrester+Research+World+Mobile+And+Smartphone+Adoption+Forecast+2014+To+2019+Global/-/E-RES11825286. GSMA, “New GSMA Report Forecasts Half aBillion Mobile Subscribers in Sub-Saharan Africa by2020”, 6 novembre 2014.

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www.gsma.com/newsroom/press-release/gsma-report-forecasts-half-a-billion-mobile-subscribers-ssa-202087. “Processing Power Compared : Visualizing a 1trillion-fold increase in computing performance”,Experts Exchange.http://pages.experts-exchange.com/processing-power-compared88. “A history of storage costs”, mkomo.com,8 septembre 2009.www.mkomo.com/cost-per-gigabyteSelon ce site, les données ont été extraites de Noteshistoriques sur le coût d’espace de stockage sur disquedur (http://ns1758.ca/winch/winchest.html). Les donnéesde 2004 à 2009 ont été extraites en utilisant InternetArchive Wayback Machine(http://archive.org/web/web.php).89. Elana Rot, “How Much Data Will You Have in 3Years ?”, Sisense, 29 juillet 2015.www.sisense.com/blog/much-data-will-3-years90. La loi de Moore prédit que la vitesse des processeursou le nombre de transistors dans une unité centrale detraitement doublera tous les deux ans.91. Kevin Mayer, Keith Ellis et Ken Taylor, “CattleHealth Monitoring Using Wireless Sensor Networks”,Proceedings of the Communication and ComputerNetworks Conference, Cambridge, MA, USA, 2004.www.academia.edu/781755/Cattle_health_monitoring_using_wireless_sensor_networks

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92. Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, “TheFuture of Employment : How Susceptible Are Jobs toComputerisation?”, 17 septembre 2013.http://www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/academic/The_Future_of_Employment.pdf93. Will Knight, “This Robot Could TransformManufacturing”, MIT Technology Review, 18 septembre2012.www.technologyreview.com/news/429248/this-robotcould-transform-manufacturing94. Voir www.stratasys.com.95. Dan Worth, “Business use of 3D printing is yearsahead of consumer uptake”, V3.co. uk, 19 août 2014.www.v3.co.uk/v3-uk/news/2361036/business-use-of-3d-printing-is-years-ahead-of-consumer-uptake96. “The 3D Printing Startup Ecosystem”,SlideShare.net, 31 juillet 2014.http://de.slideshare.net/SpontaneousOrder/3d-printing-startup-ecosystem97. Alban Leandri, “A Look at Metal 3D Printing andthe Medical Implants Industry”, 3DPrint.com, 20 mars2015.http://3dprint.com/52354/3d-print-medical-implants98. “The Need is Real : Data”, US Department of Healthand Human Services, Organdonor.gov.www.organdonor.gov/about/data.html

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99. 99. “An image of the future”, The Economist, 19 mai2011.www.economist.com/node/18710080100. Jessica Hedstrom, “The State of 3D Printing”,23 mai 2015.http://jesshedstrom.quora.com/The-State-of-3D-Printing101. Maurizio Bellemo, “The Third IndustrialRevolution : From Bits Back to Atoms”,CrazyMBA.Club, 25 janvier 2015.www.crazymba.club/the-third-industrial-revolution102. T.E. Halterman, “3D Printing Market Tops $3.3Billion, Expands by 34 % in 2014”, 3DPrint.com, 2 avril2015.http://3dprint.com/55422/3d-printing-market-tops-3-3-billion-expands-by-34-in-2014103. Note : Ce point de bascule ne faisait pas partie del’enquête de départ (Deep Shift Technology TippingPoints and Societal Impact, Survey Report, WorldEconomic Forum, septembre 2015).104. Ibid.105. A. Fernandez, N. Sriraman, B. Gurewitz, O. Oullier,Pervasive neurotechnology : A groundbreaking analysisof 10,000+ patent filings transforming medicine, health,entertainment and business, SharpBrains, 2015.http://sharpbrains.com/pervasive-neurotechnology106. O. Oullier (2012), “Clear up this fuzzy thinking onbrain scans”, Nature, 483 (7387), p. 7, doi :10.1038/483007a

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www.nature.com/news/clear-up-this-fuzzy-thinking-on-brain-scans-1.10127

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Table des Matières

Page de titre 1Copyright 2Table 3Préface 7Introduction 141 La Quatrième RévolutionIndustrielle 22

Le contexte historique 22Un changement profond et systémique 28

2 Les éléments moteurs 37Les mégatendances 37Des points de bascule 55

3 L’impact 61L’économie 62Les entreprises 103Le national et le global 135La société 181L’individu 192

Les voies de l’avenir 208

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Remerciements 224Annexes : Mutations profondes 229

1 : Les technologies implantables 2302 : Notre présence numérique 2343 : La vision, nouvelle interface 2384 : Internet comme habit 2425 : L’informatique omniprésente 2456 : Un superordinateur dans votre poche 2487 : Le stockage pour tous 2558 : L’Internet des objets 2589 : La maison connectée 26410 : Des villes intelligentes 26711 : Le big data pour l’aide à la prise dedécision 270

12 : Les voitures autonomes 27513 : L’intelligence artificielle et la prise dedécision 278

14 : L’intelligence artificielle et le travailadministratif 280

15 : La robotique et les services 28516 : Le bitcoin et la blockchain 28717 : L’économie de partage 28918 : Les gouvernements et la blockchain 294

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19 : L’impression et la fabrication 3D 29520 : L’impression 3D et la santé 30021 : L’impression 3D et les produits deconsommation 304

22 : Des êtres humains sur mesure 30823 : Les neurotechnologies 311

Notes 318