curriculum vitae de philippe clauzard presentation travaux effectués et en cours
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Curriculum Vitae de Philippe Clauzard Presentation travaux effectués et en coursTRANSCRIPT
Philippe Clauzard 1
Curriculum Vitae
Philippe CLAUZARD,
50 ans, nationalité française.
Diplômes :
- DEUG Communication et Sciences du langage, Université de Paris 8
- Licence en Sciences de l’Éducation, Université de Paris 8, 1992
- Maîtrise en Sciences de l’Éducation, Université de Paris 8, 1996
- DEA en Sciences de l’éducation, Université de Paris 8, 1998
- DESA de Formation des Adultes (Responsable de projet en formation, Ingénierie de
formation), CNAM Paris, 2002
- CAFIPEMF, Certificat d’aptitude à la fonction de maître formateur, avril 2008
- DOCTORAT de Formation des Adultes,
« La médiation grammaticale en école élémentaire, éléments de compréhension de
l’activité enseignante », sous la direction de Pierre Pastré,
Soutenu le 11 juin 2008, au CNAM Paris (Conservatoire National des Arts et Métiers),
Composition du Jury : Gérard VERGNAUD, Directeur de recherche émérite, Université de
Paris 8, président – Pierre PASTRE, Professeur du CNAM, Communication didactique,
directeur – Marguerite ALTET, Professeure, CREN, Université de Nantes, membre –
Dominique BUCHETON, Professeur, IUFM de Montpellier, rapporteur – Gérard SENSEVY,
Professeur, IUFM de Bretagne, rapporteur.
Parcours professionnel :
- Professeur des écoles, depuis 1993 (formation professionnelle à l’IUFM de Créteil, Livry-
Gargan en 1991-1993)
- Correspondant de formation continue, Inspection académique de Seine Saint-Denis, 2001
- Coordonnateur de réseaux d’éducation prioritaire, Circonscriptions d’Aubervilliers & de
Bobigny, depuis 2003
- Conseiller pédagogique, Circonscription de Bobigny, 2008-2009.
- Maître formateur, Circonscription de Bobigny, 2009-2011.
- Conseiller didactique à la conception d’ouvrages sur l’apprentissage grammatical (avec
l’équipe d’auteurs)
- Conceptions d’outils didactiques à destination des enseignants relatifs à la maîtrise de la
langue pour des élèves allophones.
- Auteur de guide pédagogique en étude de la langue et d’ouvrage sur l’éducation à l’égalité
filles-garçons (Retz/Harmattan)
Concours de recrutement universitaire
Qualification CNU aux fonctions de Maître de Conférence obtenue en février 2009.
Poste de Maître de Conférence, session 2009 : classé au 5e rang à l'Université Lumière Lyon 2 -
ISPEF (Profil de poste : Pédagogie et apprentissage), juin 2009.
Philippe Clauzard 2
Publications :
- Clauzard, P. – Pastré, Pierre, Registre pragmatique et registre épistémique dans un cours
de grammaire à l’école élémentaire. Communication au colloque Former des enseignants
professionnels, savoirs et compétences, Nantes 2005 (sur cédérom).
- Clauzard, P – Veyrunes, P. Analyse croisée d’une séance de grammaire au cycle 2.
Recherche et Formation, n°56, 2007.
- Numa-Bocage L., Clauzard P., Pastré P., Activité enseignante et didactique
professionnelle : analyse de la co-activité en situation scolaire. (À paraître).
- Clauzard, P. - Culture scolaire, culture sociale, culture syntaxique: quels malentendus,
quelle stratégie de remédiation pour les enseignants?, Communication au Symposium
international Écoles et cultures, Université de Lille 3, novembre 2009 (sur cédérom).
- Clauzard, P. - Entre la didactique professionnelle et la didactique des disciplines: quel
trait d'union? Communication au Colloque international « L'Expérience », Recherches et
Pratiques en Didactique Professionnelle, AgroSup, Dijon, décembre 2009 (sur cédérom).
- Numa-Bocage L., Clauzard P., Monchaux P., Utilisation du TBI et transformations du
travail enseignant, Colloque international INRP, Le travail enseignant au XXIe siècle
Perspectives croisées : didactiques et didactique professionnelle, Lyon, mars 2011
- Clauzard, P., Expérimentations d’outils d’investigation ergonomique dans le champ de
l’enseignement, Colloque OUFOREP, Outils pour la Formation, l’Education et la
Prévention : contributions de la Psychologie et des Sciences de l’Education, juin 2011 (À
paraître).
- Clauzard, P., Les glissements conceptuels : un observable de secondarisation en classe
élémentaire de grammaire (À paraître).
- Clauzard, P. L'épisode d’Anselme: entre analyse de l'activité enseignante et rapport à la
langue (À paraître).
Communications :
- Communication sur invitation au colloque, Former des enseignants professionnels, savoirs
et compétences, IUFM de Nantes 2005.
- Communication sur invitation aux journées d’étude de l’IUFM de Montpellier : La notion
de gestes professionnels : entre analyse de l’activité, épistémologie et ingénierie de
formation, juin 2008.
- Communication au Symposium international Écoles et cultures, Université de Lille 3,
novembre 2009.
- Communication au Colloque international « L'Expérience », Recherches et Pratiques en
Didactique Professionnelle, AgroSup, Dijon, décembre 2009.
- Communication au Colloque international INRP, Le travail enseignant au XXIe siècle
Perspectives croisées : didactiques et didactique professionnelle, Lyon, mars 2011
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- Communication au colloque OUFOREP, Colloque OUFOREP, Outils pour la Formation,
l’Education et la Prévention : contributions de la Psychologie et des Sciences de l’Education,
juin 2011 université de Nantes, juin 2011
Activités de formation d’enseignant (dans le cadre de mes activités professionnelles
d’enseignant-formateur) :
- Repères didactiques sur l’apprentissage – enseignement de la grammaire en école
élémentaire, notion de « glissement conceptuel », la secondarisation appliquée à la grammaire,
l’étude de la langue,
- Analyse des conceptions des enseignants relatives à l’enseignement et l’apprentissage de la
grammaire, observation de stratégies enseignantes, genre commun de pratiques…
- Grammaire et production d’écrits (enseignants de cycle 3, repères théoriques et
mutualisations des pratiques, pistes didactiques et pédagogiques)
- Grammaire implicite et dictée à l’adulte (enseignants de cycle 2, repères théoriques, analyse
de séance, mutualisations des pratiques, problématiques des élèves allophones)
- Étude de la langue au CE1 (éclairages théoriques, études de manuels scolaires,
mutualisations des pratiques)
- Parcours de formation en étude de la langue : grammaire, orthographe, vocabulaire et
production d’écrits (didactique du français)
- Parcours de formation en éducation à l’égalité filles-garçons (études des représentations
personnelles et sociales, repères théoriques, repères pédagogiques, mutualisation, production
d’outils…)
- Méthodologie de classe : de la planification à la gestion des interactions (stage pour les
enseignants néo-titulaires première année, premier degré)
- Formation de formateurs du 2nd
degré, Psycholinguistique et didactique de la
grammaire, rectorat de Créteil
Thèmes de recherche :
- Gestes professionnels, organisateurs de l’activité enseignante (gestes de glissement et
d’ajustement)
- Apports de l’Ergonomie dans le champ des Sciences de l’Education, - Co – activité maître-élèves et médiation enseignante, activités d’étayage,
- Planification et réalisation des séquences d’enseignement, analyse du travail,
- Enseignement et apprentissage de la grammaire à l’école élémentaire et au collège,
- Étude des relations didactiques et d’apprentissage entre la grammaire, la production écrite
et orale, la lecture, le vocabulaire, la manipulation de la langue, les jeux avec la langue,
- TIC- TBI et apprentissage : l’introduction de l’informatique dans les pratiques enseignantes
- École et culture : des transactions entre culture scolaire, culture sociale & culture syntaxique,
Groupes de recherche :
- Membre du Laboratoire de recherche HABITER-PIPS/RIICE, (Processus Identitaires,
Processus Sociaux. Axe Recherches Internationales et Interculturelles Comparatives en
Éducation) Université de Picardie Jules Verne, Amiens.
- Membre du groupe Didactique professionnelle et analyse de l’activité enseignante, sous-
groupe OPEN PIPS, ex-groupe CNAM, avec Pierre Pastré, Line Numa- Bocage, IUFM
d’Amiens.
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- Participation aux travaux du réseau OPEN (Observatoire des pratiques enseignantes), depuis
2005, membre du sous-groupe « Analyse de l’activité enseignante », participation aux
colloques de Toulouse (2003) & de Nantes (2005).
- Membre de l’association ARDECO (Association pour la Recherche sur le
Développement des Compétences).
- Membre de l’association Recherches et pratiques en didactique professionnelle.
Activités de recherche en cours :
- Projet de recherche sur le jeu en apprentissage grammatical, pratiques et effets de jeux
et manipulations avec/sur la langue (avec le Laboratoire PIPS-RIICE d’Amiens, Processus
Identitaires, Processus Sociaux. Axe Recherches Internationales et Interculturelles
Comparatives en Éducation, Université Jules Verne, Amiens)
- Etude de l’analyse de la co-activité de classe : analyse des gestes professionnels et des
gestes d’étude, étude des procédures d’étayage des maîtres de grammaire en relation duelle
avec les élèves et des effets cognitifs obtenus. Dans le cadre des analyses croisées du sous-
groupe OPEN PIPS, ex-groupe CNAM (Observatoire des Pratiques Enseignantes, Processus
Identitaires, Processus Sociaux. Axe Recherches Internationales et Interculturelles
Comparatives en Éducation)
- Continuation de recherches sur l’introduction de l’informatique dans les
pratiques enseignantes
- Continuation de recherches sur les interactions entre cultures scolaires, cultures sociales
et cultures syntaxiques, visée d’apprentissage des enseignants en étude de la langue.
Analyse des stratégies employées par les enseignants pour réduire les malentendus entre ces
trois « cultures » et les difficultés d’apprentissage grammatical des élèves.
- Continuation de l’étude des planifications de séquences de grammaire auprès d’enseignants
experts, situations simulées et entretiens d’explicitation, afin d’appréhender les manières
invariantes et singulières de planifier les séquences d’apprentissage, de les préparer ; en vue
d’expérimentations des outils de l’ergonomie dans le champ de la recherche en éducation.
Philippe Clauzard 5
Présentation détaillée des travaux de recherche en cours
Projet de recherche sur le jeu en apprentissage grammatical, pratiques et
effets de jeux et manipulations avec/sur la langue
(Avec le Laboratoire PIPS-RIICE d’Amiens, Processus Identitaires, Processus Sociaux. Axe
Recherches Internationales et Interculturelles Comparatives en Éducation, Université Jules Verne,
Amiens)
Apprendre la grammaire est une parfaite illustration du passage d’un sujet capable (qui
fait spontanément de la grammaire) à un sujet épistémique ou sachant (qui maîtrise sa
syntaxe, la planifie, la contrôle…). C’est une parfaite illustration du « réussir » et «
comprendre » de Piaget. Si les écoliers réussissent à former spontanément des phrases
grammaticalement correctes, ils ne comprennent leur performance que dans un second temps,
guidés par le maître qui engage un processus de conceptualisation dans des séances
d’apprentissage grammatical. L’étude de la langue, l’apprentissage de la grammaire consistent
à engager un processus de prise de conscience qui exige des paliers de conceptualisation. Ces
derniers nous semblent correspondre à la troisième aire de Winicott. Il nous paraît exister une
correspondance entre un espace transitionnel (ou intermédiaire) de formation des concepts, et
la formation d’un pouvoir d’agir syntaxique, le développement d’un sujet syntaxique (pour
l’élève). Cette transition vers la métalangue s'entend dans le développement métalinguistique
que produit l'apprentissage grammatical. L’écolier est un sujet capable qui négocie le passage
des concepts quotidiens (langue outil) vers des concepts scientifiques de l'ordre langagier
(langue objet). Cette négociation se déroule dans un espace transitionnel qui est symbolique et
non matériel. Nous pouvons, cela dit, en recueillir des indicateurs dans les glissements
conceptuels opérés qui convoquent des métalangues provisoires liées à des paliers de
conceptualisation ordonnés et hiérarchisés. C'est le geste professionnel du glissement
conceptuel qui participe à l’étayage de cet espace de transition.
Le sujet capable apprenant la grammaire agit sur la langue au moyen de manipulation (activité productive) et en agissant, il se transforme lui-même en appréhendant la langue
comme un objet formel qu'il peut analyser comme un sujet épistémique, qu'il peut
contrôler et planifier en production ou en compréhension grâce à l'acquisition des propriétés
des concepts constitutifs de la phrase. C'est dans cet espace « invisible » que le sujet
apprenant peut devenir un sujet syntaxique apte à une formalisation linguistique de sa pratique
langagière et à une optimisation de toutes les fonctionnalités de la langue.
Cet espace de transition se dessine entre le sujet capable et le futur sujet épistémique
que nous qualifions de sujet syntaxique. C'est le concept de schème qui permet une
intelligibilité de la zone entre l'organisation du réel et les caractéristiques opératoires du sujet.
Cette zone de conceptualisation grammaticale se comprend grâce au schème de glissement
qui s'opère d’un registre à l’autre, qui marque le passage de l’objet enseigné qui se construit
en objet appris. Lequel passage s’effectue dans la temporalité d’un espace intermédiaire de
développement. Winicott définit cet espace comme une aire créatrice, expérientielle et
ludique.
Pour nous, c’est un espace du potentiel entre l’individu (sa parole) et son environnement
(le langage partagé). Un espace où le « jeu » est une condition pour arriver à l’analyse
grammaticale. Le jeu est l’expression de la créativité en acte, l’expression même de cette aire
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intermédiaire. « Jouer avec les mots des phrases» et « jouer avec les structures des phrases »
revient à rendre créatif l’apprentissage de la grammaire.
Enseigner la grammaire fait nécessairement appel aux trois dimensions (observées lors
de recherches précédentes) : il n’existe pas de grammaire sans règles, pas de grammaire sans
jeux de langage. Et pas de jeux de langage rendus possibles sans l’existence de contraintes, de
règles. Et ces deux conditions sont un préalable à toute analyse de la phrase. La « phase jeu »
est une condition pour parvenir à l’analyse du langage.
Du coup, l’inventivité des démarches de découverte, d’observation et de manipulation
est vraisemblablement un facteur essentiel à la didactique du maître de grammaire. Ce
que nous proposons d’observer de manière systématique dans cette présente recherche au
moyen de protocoles favorisant les jeux de grammaire.
Notre recherche s’adosse aux principes de la recherche en activité enseignante et plus
particulièrement à ceux de la didactique professionnelle dans l’observation des invariances
et des singularités des acteurs que sont les enseignants. Nous nous attachons aussi à
comprendre les effets cognitifs obtenus chez les élèves et les impacts des situations de
jeux sur les apprentissages de la langue.
Etude de l’analyse de la co-activité de classe : analyse des gestes
professionnels et des gestes d’étude, étude des procédures d’étayage des
maîtres de grammaire en relation duelle avec les élèves et des effets
cognitifs obtenus.
Dans le cadre des analyses croisées du sous-groupe OPEN PIPS, ex-groupe CNAM
(Observatoire des Pratiques Enseignantes, Processus Identitaires, Processus Sociaux. Axe
Recherches Internationales et Interculturelles Comparatives en Éducation)
Dans le cadre des analyses croisées que nous menons régulièrement au sein du sous-groupe
OPEN-PIPS (ex-groupe CNAM), cette recherche a pour objectif de comprendre les enjeux
didactiques de la co-activité enseignant-élèves au sein de cours d’apprentissage grammatical.
Nous tentons de mettre en regard des gestes professionnels, que nous avons définis dans de
précédentes recherches, des gestes d’études qui caractérisent l’activité cognitive des élèves
en situation d’enseignement et apprentissage de la grammaire en école élémentaire. Cela
suppose une étude des interactions enseignants-élèves, plus particulièrement en relation
duelle, et des procédures d’étayage des « maîtres de grammaire » qui sont convoquées. Nous
complétons ainsi notre observation de la classe d’apprentissage grammatical effectuée du côté
des maîtres. Nous nous intéressons ici à l’agir interactionnel maître – élèves, à la co - activité
enseignant – apprenant, en nous attachant particulièrement aux effets produits sur ces derniers
par la didactique du maître de grammaire.
Notre recherche porte sur des analyses de relations duelles maître – élèves lors de leçon
de grammaire que nous enregistrerons sur un support audio (ou vidéo selon les cas). Nos
corpus nous permettent d’étudier les relations d’étayage de l’enseignant et les effets produits
chez l’élève au moyen d’analyses fines des interactions, à partir de ce que nous avions
précédemment déterminé en termes de structure conceptuelle de la situation et de genre
commun d’apprentissage de la grammaire. Et de mesurer, comment les élèves
appréhendent le savoir grammatical, avec chances et/ou difficultés. Nous analysons aussi
les interactions élèves-élèves, outre celles élèves-maître.
Philippe Clauzard 7
Nous résumons notre caractérisation de la médiation grammaticale en école élémentaire,
en ces termes généraux :
Un genre commun à l’enseignement de la grammaire: un jeu d’apprentissage de la
grammaire qui est un genre partagé par les maîtres de grammaire,
Une structure conceptuelle de la situation organisée par deux concepts :
- le concept organisateur de glissement conceptuel,
- le concept organisateur d’ajustement.
Des stratégies individuelles pour faire apprendre la grammaire en école élémentaire (en lien
avec des représentations personnelles et un bagage syntaxique), qui trouvent leurs origines
dans les modèles opératifs des acteurs.
Des épisodes de glissement conceptuel, instanciations de la secondarisation, qui sont des
indicateurs d’un mouvement de décontextualisation vers une finalité autre : l’assimilation
conceptuelle d’un savoir formel sur la langue, permettant d’inférer un apprentissage ;
Une conceptualisation progressive avec des paliers de conceptualisation (en relation avec
des strates définitionnelles, de méta/épi langage et d’analyse des phrases) ;
Une conceptualisation grammaticale longue sur plusieurs années avec des objets et concepts
grammaticaux en étroites connexions formant un champ conceptuel d’apprentissage
grammatical.
Dans cette nouvelle recherche, nous souhaitons braquer davantage l’objectif de la
caméra ou le micro sur les élèves (ayant plus largement observé jusqu’à présent le travail
des enseignants, cf. recherche doctorale). Il s’agira de comprendre les échanges qui
s’installent en fonction des ajustements des professeurs au niveau des élèves et des
glissements conceptuels comme processus de secondarisation pour apprendre.
Notre objectif est de mesurer comment le geste professionnel de glissement conceptuel et
celui d’ajustement sont bien des gestes d’étayages essentiels. Et de mesurer, comment les
élèves appréhendent le savoir grammatical, avec chances et difficultés.
Nous caractériserons les glissements, les ajustements, les interactions et les effets cognitifs
obtenus que nous avons observés.
Nos études s’effectueront au moyen de deux analyseurs : l’état des interactions maître –
élèves (convergentes ou non) et le type de langage grammatical utilisé.
Nous avions décrit plusieurs types de glissements conceptuels que nous distinguons selon
deux grandes classes :
- les glissements conceptuels liés à l’étayage (le rapport entre la réponse de l’élève et
l’institutionnalisation du savoir) : les glissements institutionnalisants (le maître
généralise par abstraction la bonne réponse obtenue), les glissements remédiants (le
maître généralise sans avoir obtenu une réponse ou sans avoir obtenu une bonne
réponse), les glissements instrumentés (le glissement reste implicite, l’instrument
permet aux élèves de trouver la bonne réponse, mais elle n’est pas institutionnalisée).
- les glissements conceptuels liés au langage grammatical, en relation avec des paliers
de conceptualisation: glissements conceptuels sémantiques (avec le sens comme
essentiel outil d’analyse), thématiques (ou la prise en compte du thème/rhème, sur la
base du texte), morpho-syntaxiques (avec la marque orthographique comme repère) et
purement syntaxiques (en termes de propriétés et relations des éléments et structures
de la phrase) : le savoir institué sur le fonctionnement interne de la langue.
Tout cela nous servant de base pour comprendre – in fine – comment les élèves
apprennent la grammaire et selon quelles procédures interactionnelles, dans des relations
duelles avec le maître de grammaire.
Philippe Clauzard 8
Les objectifs spécifiques de recherches sont les suivants :
- observer et transcrire des interactions de classe élèves/élèves et maître/élève en
séance de grammaire,
- appréhender le mécanisme d’apprentissage, la manière d’apprendre la
grammaire chez l’élève,
- comprendre les effets d’étayage, d’aide de l’enseignant chez les élèves
La méthodologie : Il est demandé aux enseignants volontaires de respecter certaines
modalités : un travail en groupe de 4 élèves, une durée de séance de 30/45 minutes, une
procédure pédagogique identique : une « phrase problème » à analyser et/ou orthographier
provoquant débat et argumentation chez les élèves avec un va-et-vient entre recherche
individuelle des élèves et confrontation aux autres élèves puis restitution au groupe classe.
L’enseignant est libre de choisir les notions grammaticales abordées et la phrase à étudier. Les
enregistrements se font en mode audio et donnent lieu à des transcriptions (un dictaphone
par groupe de table). Les enseignants sont interrogés 10 mn avant sur leur projet
d’apprentissage (ce qu’ils comptent effectuer) et 20 minutes ensuite sur ce qu’ils ont vécu (en
termes d’analyse sur le vif de ce que les élèves ont effectué, de leurs échanges et de la
manière pour l’enseignant d’orienter les choses ; cf. débriefing). Cette recherche-action est
effectuée sans aucun esprit d’évaluation personnelle, elle ne fera pas l’objet d’un retour
auprès des supérieurs hiérarchiques. S’ils le souhaitent, les enseignants pourront davantage
s’investir dans le projet l’année suivante. Cette recherche – action présente un caractère
formatif de mise à distance de sa pratique et d’observation des effets produits sur
l’activité d’apprentissage des élèves. Il s’agit d’apprendre le métier et du métier en
s’associant à une recherche sur la pratique enseignante et d’apprentissage des élèves. C’est
s’observer, pour mieux comprendre son activité en vue de réaliser la meilleure
médiation didactique possible. Un retour formatif pour les enseignants est prévu : une
trace écrite des interactions de classe, une synthèse des premières analyses effectuées, une
continuation de la réflexion engagée lors du débriefing.
Recherches sur l’introduction de l’informatique dans les
pratiques enseignantes
Notre première recherche sur l’introduction de l’informatique dans les pratiques
enseignantes fait suite à une première étude centrée sur l’analyse du travail réel des
enseignants et l’analyse des apprentissages chez les élèves, menée en 2008-2009 dans une
école d’application de l’académie d’Amiens. Il s’agissait d’observer les effets produits par
l’introduction du matériel informatique dans les écoles (en particulier l’utilisation du TBI,
tableau numérique interactif) au niveau des pratiques d’enseignement et au niveau de
l’apprentissage des élèves. Il est apparu comme premiers résultats que l’utilisation du
TBI conduit à des changements très nets de pratiques chez les enseignants et
d’apprentissage chez les élèves, à un intérêt renouvelé pour enseigner et apprendre, à un
mode d’apprentissage plus interactif mêlant des possibilités de nouvelles restitutions collectives, de stockage des élaborations et manipulations des élèves plus riches pour
formaliser les apprentissages.
La finalité de notre recherche est de développer des perspectives de formation
pédagogique. Nous tentons de comprendre l’organisation du travail de l’enseignant
agissant dans sa classe, utilisant les outils informatiques et les intégrant dans sa pratique. En
outre, les impacts sur les apprentissages des élèves sont étudiés : quelles sont les
modifications dans l’apprentissage et le développement des apprenants ?
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La méthodologie employée est celle de l’ergonomie et de la didactique professionnelle
(qui vise le développement des compétences professionnelles). Il s’agit d’effectuer des
films d’observation de séances d’enseignement et de confronter les enseignants aux films de
leurs actions, de susciter des commentaires lors d’une séance d’autoconfrontation. Le
chercheur est facilitateur de cette recherche de verbalisation de l’enseignant sur son activité.
Cette procédure permet un « détour réflexif » sur son activité, son agir enseignant,
propre aux pratiques d’analyse du travail en psychologie du travail et didactique
professionnelle ; elle est susceptible d’accroître les compétences. Une première analyse est
effectuée au préalable par le chercheur afin de diriger l’analyse de pratique dans une visée de
compréhension et de mise en mots de compétences « incorporées » ou « savoirs d’action ».
Une seconde analyse vise à rechercher dans une collaboration enseignant-formateur, les
actions les plus favorables à l’apprentissage. Un retour formatif pour les enseignants, l’équipe
pédagogique, est prévu : une trace vidéo, une synthèse écrite modélisant la situation
d’enseignement - apprentissage observée, dégageant les invariants de la situation et les
singularités individuelles des enseignants. L’autoconfrontation, en elle-même, est formatrice
par le retour réflexif sur la pratique qu’elle permet. Il n’est pas exclu une auto confrontation
croisée (une méthode propre à l’ergonomie de langue française et à la psychologie du
travail) qui est une ressource de développement professionnel (personnel et collectif), de
mutualisations des pratiques et d’un « remettre la main » sur le métier dans le cadre collectif
de l’équipe enseignante (selon les propos d’Yves Clot, professeur à l’INETOP CNAM). Les
autoconfrontations croisées sont des espaces permettant aux enseignants de réinterroger leurs
pratiques, de prendre une nouvelle posture réflexive, de développer des possibilités de
travailler autrement et ensemble, de passer dans une culture professionnelle de travail en
équipe. Cette procédure peut favoriser l’innovation scolaire dans les établissements. La
finalité est le développement d’une pratique réflexive entre professionnels du métier de
pédagogue.
Cette recherche s’inscrit donc dans une analyse du travail enseignant, orientée par le
développement des compétences professionnelles avec les outils théoriques qu’offrent les
champs disciplinaires de la didactique professionnelle, de la psychologie de l’éducation
(enseignement, apprentissage), de l’ergonomie et des sciences « multi-référentielles » de
l’éducation. Nous nous adossons aux théories de David Schön (le praticien réflexif et l’agir
professionnel caché), d’Yves Clot et Frédéric Saujeat (les apports de l’autoconfrontation) et
de l’équipe d’analyse de l’activité enseignante du CNAM Didactique Professionnelle, réunie
autour de Pierre Pastré. Ici, les principaux concepts convoqués appartiennent aux théories
de l’activité (schème, genèse instrumentale, structure conceptuelle de la situation, modèle
opératif…).
De nouveaux questionnements apparaissent donc en termes de professionnalisation et
d’apprentissage. Ceux-ci motivent notre volonté de poursuite de la recherche et de
l’investigation didactique, pour l’instant en attente de nouveaux terrains scolaires de
recherche. Nos précédents lieux de recherche n’étant plus disponibles dans l’immédiat.
Philippe Clauzard 10
Recherches sur les interactions entre cultures scolaires, cultures
sociales et cultures syntaxiques, visée d’apprentissage des enseignants
en étude de la langue. Analyse des stratégies employées par les enseignants
pour réduire les malentendus entre ces trois « cultures » et les difficultés d’apprentissage
grammatical des élèves.
Nos premières études étant riches en termes d’analyse de l’activité enseignante et
repérage de stratégies d’enseignement observées, nous souhaitons dans la mesure des
possibilités d’investigation sur le terrain poursuivre notre recherche sur les procédures
employées par les enseignants pour réduire les écarts entre les objets des savoirs
devenus objet d’enseignement et le cadre de référence culturelle des élèves.
Notre étude observe comment les enseignants se rapprochent des représentations
mentales de leurs élèves, de leurs univers culturels de référence. En règle générale, ils
apprennent à connaître les représentations mentales de leurs élèves au fur à mesure de leur
pratique de classe. Cela les amène à développer des stratégies, à utiliser des artefacts qui
sont liés à leurs observations sur les représentations des élèves d’une part, et d’autre part à
leurs modèles opératifs (leur manière singulière de décliner la structure conceptuelle de la
situation selon la didactique professionnelle, cf. Pastré).
Nous remarquons, dans nos protocoles, du côté de l’enseignant des procédés
didactiques : les utilisations de métaphores, de substitutions ou illustrations ou encore de
procédures ludiques, qui correspondent à l’univers culturel de référence des élèves, qui
favorisent une proximité cognitive pour les élèves, qui répondent aux difficultés cognitives
d’apprentissage des élèves. Ces procédures didactiques s’avèrent, à l’usage, plus ou moins
efficaces. Du côté de l’élève, il existe des tournures phrastiques qui expriment un
rapport donné à la langue parlée, à une distanciation métalinguistique, au savoir.
Notre interrogation s’inscrit ainsi dans une perspective d’analyse de l’activité enseignante et
de compréhension des modèles opératifs des enseignants face à des situations critiques,
selon les approches de la didactique professionnelle. Elle correspond à un intérêt déjà
développé dans la conception d’outils didactiques pour la maîtrise de la langue chez les élèves
allophones. Et des observations des réactions d’élèves face à la langue, au moment où leurs
rapports à la langue, à la culture syntaxique et au savoir s’entrecroisent. Ou une grammaire
implicite de l’élève interagit avec la grammaire explicitée en classe.
Cette recherche est ainsi une étude sur les interactions entre les cultures scolaires, cultures
sociales et cultures syntaxiques, visée d’apprentissage des enseignants en étude de la langue. C’est une analyse sur les stratégies employées par les enseignants pour réduire les malentendus
entre ces trois « cultures » et les difficultés d’apprentissage grammatical des élèves.
Suite à une analyse de la médiation grammaticale en école élémentaire mettant à jour
deux principaux organisateurs de l’activité enseignante qui sont les concepts de glissement et
d’ajustement, nous effectuons ainsi un pas de côté. Du côté d’une relation entre le monde
scolaire des pratiques enseignantes, le monde du savoir grammatical et le monde de
référence culturelle des élèves. Nous faisons l’hypothèse d’un espace intermédiaire de
transactions langagières entre ces trois mondes où se négocient des transactions entre les
propriétés de l’objet langue, les représentations des élèves et les pratiques effectives des
enseignants.
Notre étude s’appuie sur l’observation de séances de médiation grammaticale
enregistrées (enregistrement vidéo). Nous isolons les passages où les enseignants sont
conduits à ajuster leur pratique de l’enseignement grammatical à la zone de proche
développement de leurs élèves en mettant en œuvre des procédés didactiques que nous
analysons (en nous référant aux principes d’analyse de Sensevy). Nous faisons enfin appel
Philippe Clauzard 11
aux éléments théoriques fournis par la psycholinguistique et la sociolinguistique pour éclairer
nos analyses.
Notre recherche renvoie in fine à une analyse de la co-activité maître-élève : une analyse
du travail de l’enseignant et une analyse de l’appropriation du savoir par l’élève, de ses
processus d’acquisition de connaissance.
Étude des planifications de séquences de grammaire
Situations simulées et entretiens d’explicitation (Recherche en cours en vue d’expérimentations des)
Cette recherche présente un double objectif : expérimenter des outils de l’ergonomie
dans le champ de la recherche en éducation et observer leur plus value heuristique et
comprendre l’agir enseignant en partant d’analyse de la pratique enseignante, en
amont : la planification de cours de grammaire en école élémentaire.
Il s’agit d’étudier le moment où le professeur des écoles, le maître de grammaire anticipe les
difficultés d’apprentissage d’une notion et les embarras cognitifs de ses élèves à surmonter
selon leur zone de proche développement, hiérarchise les obstacles épistémologiques et
développe un parcours d’apprentissage ainsi qu’un scénario didactique avec quelques
hypothèses sur les déroulements probables de la séance d’apprentissage (hypothèses hautes
d’optimisation de l’apprentissage, hypothèses basses de remédiation).
Nous inférons que la préparation d’une leçon convoque pour l’enseignant une
connaissance académique rigoureuse et une connaissance pointue des capacités de ses
élèves, afin que la didactique développée suive au plus près possible leur cognition en
développement. Nous pensons que des compétences professionnelles particulières sont
appelées pour savoir planifier, anticiper, effectuer des hypothèses d’apprentissage et inventer
une didactique localement efficiente dans une classe d’enseignement. Nous tenterons ainsi de
comprendre les compétences mobilisées chez tous les enseignants, les régularités observables
(la manière invariante d’organiser une action en référence à une structure conceptuelle de la
situation, cf. Pastré) comme la singularité de leurs pratiques liées à leurs modèles opératifs
(des représentations pragmatiques, opératoires, ne retenant que l’essentiel et qui guident
l’action dans une visée d’efficacité, cf. Ochanine).
Notre recherche s’effectue auprès d’une population d’enseignants experts (conseillers
pédagogiques et maître formateur) au moyen d’une simulation d’une préparation de leçon de
grammaire, selon un protocole identique pour tous les acteurs, avec une trace écrite et orale.
Outre la préparation écrite à effectuer, il est demandé aux enseignants, participant à la
recherche, de verbaliser ce qu’ils pensent, ce à quoi ils réfléchissent pendant qu’ils
rédigent leur préparation, devant le chercheur. Il s’agit de les inviter à penser à voix haute
afin d’accéder à leur mode opératoire et à son sens, inférable après un entretien
d’explicitation (cf. Vermesch) qui se déroule dans la foulée.
Dans un second temps, nous étendrons notre recherche auprès d’autres enseignants pour
observer leur planification et, de la même manière, accéder par des verbalisations à leur mode
opératoire, mais aussi voir leur réalisation en classe avec le souci d’observer les écarts entre
planification (projection hypothétique de l’enseignant) et réalisation effective (la mise à
l’épreuve des hypothèses d’apprentissage effectuées), les modes de régulation et les
ajustements personnels. Nous verrons aussi les effets produits de ces planifications chez
les apprenants, l’adéquation ou non, les nécessaires redéfinitions au cœur des
interactions.
Philippe Clauzard 12
Cette recherche s’inscrit dans le cadre de celles pratiquées en didactique professionnelle
(cf. Pastré) et s’appuie sur des précédents travaux de recherche doctorale soulignant des
concepts organisateurs invariants chez tous les enseignants en cours de grammaire (les
concepts d’ajustement et de glissement conceptuel au centre d’une structure conceptuelle de
la situation) et des stratégies individuelles qui accentuent leur didactique selon des finalités,
des conceptions, des outils qui montrent un caractère particulier d’une activité enseignante qui
trouve son origine dans un modèle opératif.
Nous tentons ainsi d’appréhender l’activité enseignante déployée dans une globalité
dans l’avant, le pendant et l’après « faire classe » : trois temps de planification,
réalisation et bilan. Tout en observant comment les outils d’investigation et les modèles
qu’offre l’ergonomie peuvent être déclinés dans le champ de l’enseignement –
apprentissage : quelles sont les limites et les avantages de ces dispositifs de recherche ?
MOTS CLEFS DES DIFFÉRENTES RECHERCHES EN COURS :
Analyse de l’activité enseignante, pratiques enseignantes, formation professionnelle, formation des
enseignants, didactique professionnelle, développement des compétences professionnelles, gestes
professionnels, gestes d’ajustement, apprentissage, ergonomie, structure conceptuelle de la situation,
modèle opératif, stratégie enseignante, genre commun de pratique, conceptions des enseignants,
savoirs, rapport au savoir, réflexivité, autoconfrontation, détour réflexif sur l’activité, explicitation,
compétences incorporées, pratique réflexive, théorie de l’activité, schème, situations de travail,
organisateurs de l’activité, singularités et invariants, débriefing, médiation didactique, sciences multi-
référentielles de l’éducation, co-activité enseignant/apprenant, relations d’étayage, glissement
conceptuel, conceptualisation, étude de la langue, grammaire, TIC, TBI, outils informatiques,
planification, zone de proche développement, obstacles et parcours d’apprentissage, scénario
didactique, optimisation et remédiation dans l’apprentissage, hypothèse d’apprentissage,
monde scolaire, monde académique, monde de référence culturelle des élèves, transactions,
objet de savoir, objet d’enseignement, procédés didactiques, psycholinguistique,
sociolinguistique.
Philippe Clauzard 13
Présentation des communications & publications
« Analyse croisée » d’une séance de grammaire au cycle 2
Philippe Clauzard
Groupe d’analyse de l’activité enseignante, CNAM, Paris.
Philippe Veyrunes
CREFI-T1, Université de Toulouse 2, le Mirail, Toulouse.
Recherche et Formation, INRP, n°56, 2007
Cet article présente une « analyse croisée » d’une séance de grammaire dans une classe
de CE1 à partir des approches de la didactique professionnelle et du cours d’action. Deux
moments critiques d’une leçon sur le repérage du sujet du verbe sont analysés. L’analyse
croisée montre que l’enseignante se situe plus dans le registre sémantique que dans le registre
épistémique. Elle fait percevoir ses attentes aux élèves, les guidant vers les réponses qu’elle
attend et reste dans une grammaire de la « paraphrase ». Quelques propositions en matière de
formation sont tirées de cette analyse croisée.
Cette analyse croisée a permis de décrire et de comprendre la dynamique signifiante de
l’action. Elle a mis en évidence un ensemble de caractéristiques de l’activité individuelle
(conceptualisation des notions grammaticales, préoccupations typiques, guidage des élèves,
activité inférentielle de ces derniers, etc.) et collective (malentendus récurrents dans les
interactions, configuration de l’activité collective). Cette mise en évidence nous semble
porteuse pour la formation des enseignants, trop souvent déconnectée du « travail réel ».
L’apport de la didactique professionnelle concerne les difficultés qu’éprouve
l’enseignante à se dégager d’un registre pragmatique pour aller vers un registre épistémique.
Sa manière de procéder constitue un palier de conceptualisation, une étape vers la métalangue.
Ainsi, l’enseignement de la grammaire interroge en termes de champ conceptuel, de théories
pré-linguistiques et linguistiques et de transposition didactique. L’usage de théories pré-
linguistiques ou linguistiques renvoie à un savoir savant qui n’est pas encore complètement
stabilisé et qui rend problématique la transposition didactique. L’apport de l’étude du cours
d’action concerne la mise en évidence de trois niveaux de l’activité. Au niveau individuel, elle
montre que l’enseignante doit guider fortement les élèves pour répondre à la double contrainte
de la prescription et des possibilités des élèves. Ces derniers ne parviennent pas à s’abstraire
d’une activité pragmatique à propos de l’activité de l’enseignante pour s’interroger sur la
langue. Au deuxième niveau, elle décrit l’articulation des activités individuelles et au
troisième niveau, l’émergence d’une configuration qui, en dépit des incompréhensions et des
difficultés des uns et des autres permet un équilibre qui rend, malgré tout, la situation viable.
Ainsi, ces résultats interrogent sur la pertinence du niveau individuel, généralement
adopté en formation, et sur la fréquente absence de prise en compte de l’activité des élèves
1 Membre du Groupe Pratiques Enseignantes (GPE) du CREFI-T
Philippe Clauzard 14
ainsi que des niveaux de l’articulation des activités individuelles et des configurations de
l’activité collective. Une piste de formation serait de travailler sur ces différents niveaux et
pas seulement sur le niveau individuel et de favoriser la prise de conscience par les
enseignants de l’importance des deux autres niveaux dans la classe. Il s’agit aussi d’interroger
l’objet didactique dans toute sa complexité d’assimilation conceptuelle avec le mouvement
dialogique enseignant/élève inhérent aux caractéristiques des contenus d’enseignement. La
didactique professionnelle cherche à faire apprendre une activité professionnelle : une lecture
et intelligence particulière de la situation de travail, la construction et la mobilisation de
compétences à exercer dans des situations singulières, la reconnaissance de situations
typiques à mettre en relation avec un répertoire de compétences singulières. Ceci nous semble
constituer un projet de formation fondé sur une analyse du travail enseignant telle que nous
l’avons exercée dans le cadre de cette analyse croisée. Le principe général serait de
transformer – en formation – la variété des situations rencontrées en une variation autant que
possible ordonnée, répertoriée, réfléchie et appropriable dans une perspective de didactique
des situations professionnelles.
Registre pragmatique et registre épistémique
dans un cours de grammaire à l’école élémentaire
Pierre Pastré, Philippe Clauzard - CNAM PARIS
Communication au colloque Former des enseignants professionnels, savoirs et
compétences, Nantes 2005. (Publiée sur cédérom)
Cette recherche s'appuie sur le travail, réalisé en classe, des enseignants en école élémentaire.
Nous considérons qu’il est susceptible d’une analyse ergonomique comme n’importe quelle
activité professionnelle, même si la complexité et la variabilité de l’activité enseignante
peuvent nécessiter un réaménagement de cette approche.
Selon les procédures de l'analyse de l'activité professionnelle, nous tentons d'élaborer une
compréhension de la manière de conduire une séquence d'apprentissage grammatical dans les
premières années de réflexions sur la langue par les élèves. Il s'agit de saisir une intelligibilité
de la situation, repérer invariances et adaptations dans la médiation grammaticale élémentaire,
déterminer les organisateurs de cette activité enseignante. On considère que l’activité
enseignante est organisée dans une cohérence - qui entremêle savoirs à enseigner (une
approche, transposition didactique structurant les savoirs pour les mettre à portée des
apprenants qui convoque une analyse de la tâche) et savoirs pour enseigner (des savoirs
d’action ou implicites qui conduisent à une analyse de l’activité). L’analyse ergonomique
souligne une part d’invariance (qui correspondrait à la structure conceptuelle de la situation)
et une part (sans doute importante) d’adaptation à la situation, à la variabilité des situations
(notamment en rapport avec les interactions des élèves).
Nous faisons une double hypothèse : l’hypothèse de deux registres de fonctionnement et d’un
schème de boucles de glissement étayées par les « phrases modèle ». Après quelques
éclairages théoriques (Brousseau, Rabardel, Vygotski & Vergnaud), cet article illustre le
Philippe Clauzard 15
double registre de fonctionnement avec l’analyse d’un premier corpus (sur le concept de sujet
de la phrase). L’étude empirique se poursuit avec deux analyses prototypiques de schèmes de
glissement entre deux registres (au CE1 et au CM1).
Au terme de ces différentes analyses, il apparaît que faire de la grammaire en école
élémentaire semble relever d’un agir communicationnel où l'enseignant modèle sa navigation
entre deux registres, place son « curseur grammatical » entre deux pôles d'un axe de
référence. L’enseignement grammatical paraît un compromis (entre sémantique et syntaxique)
qui structure la pratique enseignante, l’organise. Cela apparaît comme une question d’habileté
et de choix relativement à la situation didactique et de classe, en lien avec les représentations
personnelles du praticien.
Quant à la recherche des organisateurs de l’activité enseignante, préoccupation fondamentale
de notre groupe d’étude, c’est une interrogation de la pratique de classe en terme d’invariance
et d’adaptation. La partie invariante étant la structure conceptuelle de la situation, ici, faire
varier un « curseur grammatical » de manière la plus adaptée possible entre les deux registres
pragmatique et épistémique. La partie adaptation (ce qui « bouge » dans la situation),
relevant :
- du public (élèves de CE ou de CM)
- et de la stratégie d’enseignement (la « méthode », une manière personnelle d’enseigner).
Dès lors, nous pouvons comparer les corpus par niveaux de classe et par acteurs et mesurer les
variations des modes opératoires des enseignants. On ne donne pas les mêmes consignes et
mêmes informations selon les niveaux. Et les stratégies enseignantes sont variables entre, par
exemple, un cours de grammaire dialoguée et explicitée (CE1a), un cours de grammaire
manipulée et implicite (CE1b), et un cours de grammaire recherchée et explicitée (CM1).
Journées d’étude de l’IUFM de Montpellier : La notion de
gestes professionnels : entre analyse de l’activité, épistémologie
et ingénierie de formation, juin 2008. Atelier « Comment analyser et théoriser la dynamique des ajustements
aux imprévus qui surviennent dans la classe »
Communication de Philippe CLAUZARD (CNAM Paris) sur « quelques stratégies
enseignantes repérées »
Cette communication repose sur des éléments de recherche, issus d’une étude sur la médiation
grammaticale en école élémentaire selon les éclairages théoriques de la didactique
professionnelle et de la didactique des disciplines. Et plus précisément sur un chapitre
particulier : celui de la stratégie des enseignants, mobilisée en situation concrète
d’apprentissage – enseignement.
La didactique professionnelle s’intéresse à l’activité de l’enseignant, avec les postulats
suivants : l’activité enseignante est organisée ; on peut y distinguer le triptyque : tâche
prescrite, tâche redéfinie et tâche effective ; la tâche de l’enseignant est discrétionnaire.
Philippe Clauzard 16
L’activité enseignante est organisée : elle possède une structure conceptuelle de la situation,
spécifique au métier, même si les stratégies des enseignants mobilisent cette structure
conceptuelle (SCS) de manières très différentes (Pastré). Nous observons ainsi, comme dans
d’autres milieux professionnels, la différence entre la SCS (l’organisation de l’activité
commune à tous les enseignants, quels qu’ils soient) et le modèle opératif (MO) qui se définit
comme la manière dont chaque sujet s’est approprié cette SCS. Il est à la base des stratégies
individuelles : objet de cette communication.
L’analyse des stratégies individuelles nous amène à respecter une des règles de base d’une
analyse de l’activité : passer d’une variété des situations à une variation ordonnée, nous
devons réduire notre objet. Pour ce faire, nous nous concentrons sur les 4 leçons observées
concernant l’identification du GNS, au cours élémentaire. L’essentiel est ici de saisir une
intelligibilité de l’étayage des épisodes de glissement conceptuel, en examinant comment
chaque enseignant opère son glissement ; et de quelle façon qualifier sa stratégie.
Une analyse sur la tâche scolaire proposée aux élèves, sur les phrases support à
l’apprentissage (des phrases « problèmes » proposées aux élèves), sur le type de
questionnement (catégories de questionnement limite, questionnement indice ou de
questionnement focalisant, que nous avons définies), ainsi qu’une étude des aspects
d’étayage, de tissage, de focalisation, d’approfondissement, de réduction de la difficulté, du
type de langue grammaticale et de secondarisation convoqués… nous conduit à déterminer
des stratégies particulières en lien avec leurs conceptions sur l’apprentissage grammatical.
Ainsi, furent identifiées et décrites quatre stratégies :
- stratégie opportuniste : attitude consistant à agir selon les circonstances, sans principes
figés, adaptabilité à la situation d’enseignement/apprentissage…
- stratégie impatiente : attitude vive qui n’attend pas malgré les circonstances, dont la
hâte est aussi spontanéité et forte réduction des difficultés pour faire avancer la classe,
faire avancer les apprentissages…
- stratégie accompagnante : attitude de soutien avec la création d’un environnement qui
accompagne l’élève, comme ressource en termes de support et d’animation pour la
classe d’apprentissage…
- stratégie questionnante : attitude consistant à étayer de près les interactions avec une
régulation importante qui vise le questionnement des élèves, afin qu’ils solutionnent
par eux-mêmes le problème posé par le milieu construit pour une situation
d’apprentissage…
Aucune stratégie ne s’observe dans une perspective d’évaluation (il y aurait des stratégies
justes et des mauvaises). La « bonne stratégie » est celle qui s’avère efficace pour conduire un
apprentissage dans une situation d’enseignement donnée.
Ces travaux de recherches soulignent l’importance de repérer les éléments invariants d’une
situation d’apprentissage – enseignement.
Le métier d’enseignant représente une activité professionnelle particulièrement difficile à
analyser : si la place des savoirs à transmettre occupe une position importante, c’est en même
temps un métier très empirique constitué de tâches prescrites très générales, de compétences
mobilisées acquises sur le tas, de savoirs d’action non conscients et assez nombreux.
Philippe Clauzard 17
Aussi, repérer les éléments organisateurs de l’activité d’enseignant, schématisés par la
structure conceptuelle et les concepts pragmatiques qui guident l’action du professeur,
favorise une intelligence de l’agir de l’enseignant, offre aux professeurs la possibilité de
conceptualiser leurs actions en embrassant toutes les dimensions d’une situation complexe,
impulse une mutualisation des connaissances et expériences entre pairs comme une
communication aux novices de ces savoirs pragmatiques. Cela permet aussi d’appréhender
des stratégies individuelles. Autant de préoccupations qui sont à la fois légitimes, utiles et
heuristiques dans la perspective de la formation enseignante.
La prise en compte des gestes professionnels nous semble essentielle. Les gestes
professionnels, qui sont des invariants, constituent des outils d’ajustement à la situation de
classe. Ils sont pilotés et régulés par des logiques identitaires des sujets et des logiques
configurationnelles des savoirs. Ils prennent sens au sein d’un dispositif didactique mené dans
un environnement dynamique ouvert2, qui est structuré par la tâche scolaire qui pilote la
classe (une interface entre gestions de classe et gestions des savoirs), des savoirs didactiques3
transposés, planifiés, organisés, redéfinis selon les caractéristiques des écoliers et de la classe,
et un agir communicationnel4 dont les interactions maîtres/élèves structurent une dynamique
d'apprentissage avec ses phases de rupture et de bonds cognitifs dans une perspective de co-
activité maître/élèves, de co-procédure, de co-construction du savoir.
L’analyse de l’activité enseignante ne peut se penser sans une analyse des gestes
professionnels. Schneuwly5 considère ces gestes, fondateurs de l’activité enseignante, comme
une porte d’entrée pour analyser les objets enseignés, et du coup, selon les attitudes adoptées
par les professeurs, inférons-nous, pour analyser leur professionnalité. Car le but de
l’enseignement se trouve dans la construction par l’élève d’un objet (de savoir) enseigné en
un objet (de savoir) appris. La didactique du maître n’est pas pensable sans prise en compte de
la structure d’un savoir comme facteur essentiel. La question est d’analyser les pratiques
d’enseignement du point de vue des contenus enseignés.
2 Notion empruntée à Janine Rogalski, utilisée en psychologie ergonomique pour signifier le caractère contextuel,
dynamique, interactionnel de l’activité d’enseignement… 3 Selon Bucheton : « Une didactique disciplinaire a pour objet de modéliser les meilleures conditions pour faire acquérir à
des sujets des objets de savoir qu’elle étudie, identifie, questionne », in Lenoir, Pastré « Didactique professionnelle et
didactiques disciplinaires en débat », 2008, à paraître, p. 286. 4 Nous empruntons la notion d’agir communicationnel à Habermas. Elle coordonne les interactions sociales par le biais de la
négociation ou de la renégociation de la situation. L’agir communicationnel est le moyen par lequel on cherche à s’entendre
avec autrui de manière à interpréter ensemble une situation et à s’accorder mutuellement sur la conduite à tenir. Cet agir
communicationnel est structurant dans la situation de classe où les protagonistes ont à reconnaître leur statut différent et à
négocier un contrat didactique que le maître passe avec les élèves. L’agir communicationnel s’oppose à l’agir stratégique par
lequel on tente d’exercer une certaine influence sur l’autre. La définition de la situation de classe doit être commune à tous
les participants, sans quoi, il n’y a pas de didactique fiable. L’influence du maître est de l’ordre d’une relation d’aide ou
étayage… 5 Schneuwly Bernard, Jacquin Marianne, Haller Sylvie et Toulou Simon, La question de l’unité d’analyse et les pratiques
d’enseignement – séquence didactique et objet enseigné Communication au colloque « Apprendre et former entre l’individuel
et le collectif » , Sherbrooke, 9 et 10 octobre 2007.
Philippe Clauzard 18
Activité enseignante et didactique professionnelle: analyse de la co-
activité en situation scolaire Line Numa-Bocage, Philippe Clauzard, Pierre Pastré
OPEN CNAM/HABITER-PIPS
(À paraître).
Cette contribution à l’analyse des effets de l’activité enseignante sur l’apprentissage des
élèves s’inscrit dans une approche compréhensive et explicative de cette activité, considérée
comme une organisation interne, invariante et adaptative du sujet, dans le cadre théorique de
la didactique professionnelle (Pastré, 2004).
L’enseignant est un organisateur des conditions d’apprentissage (Bru, 1994). Il s’attache,
explique Bru, à rendre l’élève acteur de ses apprentissages, à travers des conduites
d’enseignement qui peuvent être décrites avec trois grandes catégories de variables : les
variables de structuration et de mise en œuvre des contenus (sélection et organisation des
contenus, opérationnalisation des objectifs, choix des activités sur les contenus) ; les variables
processuelles (conditions de la dynamique de l’apprentissage, répartition des initiatives,
registres de la communication didactique, modalités d’évaluation) ; les variables relatives au
dispositif (lieux et espace d’enseignement-apprentissage, regroupement des élèves,
organisation temporelle, matériel et supports utilisés). Dans sa proposition, Bru place la
dynamique des apprentissages parmi les variables processuelles. Dans cette dynamique, notre
angle de vue est celui de l’étude de la co-activité, la collaboration entre l’enseignant et l’élève.
L’objet de notre contribution est l’étude des transformations du contenu de savoir dans les
interactions maître-élèves à l’intérieur des situations scolaires et leur interprétation possible en
didactique professionnelle de l’enseignant. Dans l’apprentissage nous distinguons le savoir
(référence externe, objective, propre à une communauté) et la connaissance (ensemble des
ressources cognitives, propres au sujet).
Après une introduction situant théoriquement notre positionnement, nous développons trois
exemples rendant compte des organisations internes d’enseignants et de leurs effets sur
l’apprentissage. Puis, dans une dernière partie nous discutons cette co-activité et les
dimensions envisagées, dans une perspective compréhensive de l’activité enseignante.
La Didactique Professionnelle de l’enseignant n’est encore qu’à ses débuts (Pastré, Mayen &
Vergnaud, 2006), mais la constitution d’un panel d’heuristiques développées par les
enseignants expérimentés et des formes de rationalisation qu’ils développent en situation,
constitue, selon nous, une étape incontournable de cette didactique. Pastré a montré que
l’action compétente est organisée par des concepts pragmatiques (comme le concept de
« bourrage » en plasturgie). Cette étape de la recherche des concepts pragmatiques sur
lesquels les enseignants s’appuient pour aider leurs élèves dans leurs apprentissages est le
niveau d’investigation auquel nous nous situons. Nous considérons et interrogeons l’activité
enseignante comme une co-activité maître/élève : comment les enseignants arrivent à faire
travailler, apprendre et se développer les élèves ?
Nos exemples mettent en évidence une variété de niveaux conceptuels dans une même classe
et sur différentes classes. Ils soulignent aussi le fait que l’objet d’enseignement, par sa variété,
interpelle les enseignants et constitue un point de difficulté dans leur pratique. Ils montrent
également comment la dimension invariante de l’activité de l’enseignant peut être rapportée à
Philippe Clauzard 19
un profil que l’on peut identifier chez plusieurs, constituant des groupes ayant des
caractéristiques dont certaines sont liées au type de savoir en jeu dans l’interaction.
Les niveaux de conceptualisation des élèves et les profils réflexifs des enseignants constituent,
selon nous, des concepts pragmatiques, par lesquels peuvent s’interpréter de nombreux
constituants de l’action médiatrice de l’enseignant. L’évaluation et l’analyse des différents
niveaux de conceptualisation permettent d’orienter cette médiation. Le concept pragmatique
présente une face proprement conceptuelle qui concerne la notion en jeu et le développement
intellectuel de l’élève. Il a aussi une face observable à travers l’action et/ou la réponse verbale
de l’élève. Il constitue un élément de la professionnalisation pour l’enseignant.
Cette analyse de la co-activité entre enseignant et élèves constituant de la fonction
praxéologique de l’analyse de l’activité de l’enseignant dans le champ de la didactique
professionnelle de l’enseignant n’est encore qu’à ses débuts. Elle se poursuit entre autres à
travers l’étude de protocoles variés et des analyses croisées (Clauzard & Veyrunes, 2007 ;
Numa-Bocage, Masselot & Vinatier, 2007).
Culture scolaire, culture sociale, culture syntaxique : quels
malentendus ? Quelle stratégie de remédiation pour les enseignants ?
Communication de Philippe CLAUZARD au Symposium international Écoles et cultures:
Quels savoirs? Quelles pratiques? Université de Lille, novembre 2009 (parue sur cédérom)
Suite à une analyse de la médiation grammaticale en école élémentaire mettant à jour deux
principaux organisateurs de l’activité enseignante qui sont les concepts de glissement et
d’ajustement, nous effectuons un pas de côté. Du côté d’une relation entre le monde scolaire
des pratiques enseignantes, le monde du savoir grammatical et le monde de référence
culturelle des élèves. Nous posons la question : comment les enseignants réduisent-ils les
écarts entre l’objet de savoir grammatical et le cadre de référence culturelle des élèves ?
Nous faisons l’hypothèse d’un espace intermédiaire de transactions langagières entre ces trois
mondes où se négocient des transactions entre les propriétés de l’objet langue, les
représentations des élèves et les pratiques effectives des enseignants, comme des réponses aux
malentendus, au moyen de stratégies de remédiation singulières des enseignants. Cet article
est l’ébauche d’une nouvelle préoccupation dans le cadre de nos recherches.
Au centre de la classe se situe clairement la langue qui instaure les relations enseignant –
élèves et savoir. Elle est doublement présente en classe de grammaire : non seulement elle
accompagne les actions de classe, permet l’enrôlement, la régulation, l’étayage, mais elle est
aussi objet d’étude. On peut penser qu’avec la grammaire, nous avons trois formes de langue
en séance : la langue usuelle qui devient objet d’études grammaticales, la langue sur la langue
(la métalangue grâce au pouvoir de la langue de se « dire ») et la langue scolaire faite
d’habitus langagiers qui font que certains usages des mots sont ritualisés ou n’existent pas en
dehors de la classe. On le voit, la langue dans une telle pluri-dimension ne peut que poser des
Philippe Clauzard 20
problèmes. Trois mondes se confrontent : le monde de la langue grammaticale, le monde de la
langue scolaire, le monde des usages langagiers usuels, notamment des élèves.
La langue soutient également les procédures didactiques que l’enseignant utilise pour
contourner les obstacles cognitifs. Nous avons ainsi observé qu’il s’agit d’instruments
astucieux pour établir une coréférence partageable avec tous les élèves de la classe. Ils
peuvent être très pragmatisés, métaphoriques ou liés à l’activité dialogique. Ils ont tous pour
effet d’induire du développement grammatical de façon pratique. Les enseignants s’en servent
pour ajuster leur didactique au public scolaire, au niveau d’enseignement, aux difficultés
cognitives des élèves face aux objets d’enseignement.
Les procédures didactiques révèlent ainsi en partie l’activité de l’enseignant, une singularité
du praticien, un modèle opératif pour mener efficacement un apprentissage en s’adaptant de
façon opportune à la situation de classe. Elles sont l’œuvre des enseignants en liaison avec
leurs conceptions de la grammaire académique et de son apprentissage. Elles prennent toute
leur valeur dans l’épaisseur de la co-activité maître/élèves qui s’engage dans les interactions
de classe. Ces procédures didactiques sont donc des artefacts qui tendent à nous amener à
penser que l’enseignant transmet d’abord des artefacts qui deviendront ensuite des
connaissances pour les élèves. L’emploi langagier dans la procédure qui consiste en une
réduction des écarts conceptuels entre les mondes des élèves et de la grammaire repose sur
une analyse sémantique en termes de représentations des élèves. Les choix opérés relèvent
d’une connaissance par les enseignants des représentations de leurs élèves comme de leur
zone de proche développement cognitif. Ils savent jusqu’où une explication est tenable et
comment la formuler avec les mots et des tournures phrastiques adaptées à leurs élèves.
Cette connaissance est un implicite du métier, et sa convocation dans l’agir enseignant tout
aussi. Il paraît évident d’appeler ce genre de passerelles pour soutenir la compréhension de
jeunes élèves. C’est une évidence qui ne s’interroge guère, relativement automatisée,
vraisemblablement une compétence incorporée. Les emplois de diverses stratégies de
rapprochement des représentations mentales des élèves, de leurs univers culturels de référence
appartiennent à cet ensemble de compétences incorporées que l’approche ergonomique et les
recherches actuelles sur les situations concrètes d’enseignement déterminent en vue de
satisfaire à davantage de professionnalisation des enseignants.
Philippe Clauzard 21
Entre la didactique professionnelle et la didactique des disciplines :
quel trait d’union ?
Communication de Philippe CLAUZARD au Colloque international « L'Expérience »,
Recherches et Pratiques en Didactique Professionnelle, AgroSup, Dijon, Décembre 2009
(parue sur cédérom)
La recherche sur l'activité enseignante reste un domaine relativement récent. Étudier
l’activité enseignante exige une méthodologie et des outils rigoureux d’analyse. La didactique
professionnelle y trouve pleinement sa place. Ce texte qui reprend en partie des éléments de
notre recherche doctorale sur la médiation grammaticale (2008) tente de déterminer, au
travers d’analyses de protocoles, de quelle manière la didactique professionnelle et la
didactique des disciplines (didactique du français) peuvent se rapprocher, comment le
concept de geste professionnel peut devenir un trait d’union entre ces deux didactiques qui
partagent des finalités identiques de perfectionnement des formations enseignantes et
d’amélioration des apprentissages des élèves.
Notre recherche a tenté d’interroger une articulation entre la didactique professionnelle et la
didactique des disciplines à partir des contenus de la didactique du français, au travers
d’études de la médiation grammaticale en école élémentaire. La première question posée fut,
comment analyser l’activité d’un enseignant à partir du cadre théorique de la didactique
professionnelle ? Et plus spécifiquement se posa la problématique : comment analyser
l’activité d’un maître de grammaire ? Puisque nous nous intéressions plus particulièrement à
cet apprentissage, dont nous avions l’intuition d’un ensemble de particularités intéressantes et
heuristiques.
La didactique disciplinaire (ou didactique du français, liée à notre recherche) et la didactique
professionnelle se sont problématisées au fil de nos activités d’analyse des protocoles relatifs
à l’enseignement – apprentissage de la grammaire. La didactique professionnelle est orientée
« métiers », elle analyse ici l’activité des maîtres de grammaire. La didactique des disciplines
analyse, quant à elle, les apprentissages des élèves. La didactique des disciplines, sous
l’inspiration de Brousseau, s’est focalisée sur l’apprentissage des élèves. Elle n’ignore pas ce
que fait l’enseignant (qui est un concepteur de situations, qui est médiateur), mais l’activité
enseignante n’est pas prise en compte dans la théorie. À la lecture des travaux de Sensevy, et
Schneuwly, nous observons un déplacement d’accent : il est pris en compte le couplage
apprentissage – enseignement, c’est-à-dire à la fois l’activité de l’élève et surtout l’activité de
l’enseignant. On traite l’activité de l’enseignant, non plus comme une simple aide à
l’apprentissage, mais comme une activité complète, qui comporte sa propre organisation,
même si c’est toujours dans un cadre interactif (comme l’écrit Gérard Sensevy : l’enseignant
est gagnant quand l’élève gagne).
L’idée de notre communication est de souligner au travers de nos analyses de protocoles
comment nous pouvons analyser des séances d’apprentissage spécifiques au moyen du cadre
théorique « intégrateur » de la didactique professionnelle et d’emprunts dans le champ de la
didactique disciplinaire. Nous pourrions ainsi dégager de nouvelles perspectives de lisibilité et
compréhension de l’activité enseignante liant la gestion des contenus disciplinaires et la
gestion de classe, comme la gestion des imprévus : l’enseignant doit toujours faire face à des
évolutions de la situation qui conduisent à des ajustements opportuns.
Philippe Clauzard 22
Dans cet article nous démontrons les points suivants :
- Deux didactiques différentes aux objectifs identiques,
- L’activité langagière est le support de la co-activité maître – élèves,
- La tâche scolaire pilote la classe, mais le but est ailleurs,
- Les gestes professionnels structurent l’activité de l’enseignant dans un canevas
commun,
- Des gestes d’étude des élèves donnent corps à la co-activité et soulignent
l’apprentissage,
- Le geste professionnel comme trait d’union entre la didactique professionnelle et la
didactique des disciplines.
Le concept de « geste professionnel », qui fait actuellement débat dans les colloques et dans
la littérature didactique, articule avantageusement les problématiques de didactique
professionnelle et de didactique des disciplines (dont la didactique du français). L’agir
enseignant les réunit. Le fait d’aborder la didactique par l’analyse de l’activité de l’enseignant
(ou plutôt co-activité enseignant – élève), d’opérer une analyse par les gestes professionnels
nous conduit à des rapprochements de cadres théoriques. Le concept de geste professionnel
forme une véritable ouverture heuristique pour des recherches situées entre le « métier » et les
« contenus ».
Recherchant des éléments de compréhension de l’activité grammaticale, nous avons tenté
d’articuler deux didactiques complémentaires, en utilisant comme trait d’union la notion de «
gestes professionnels ». Celle-ci est un intercalaire qui permet de se situer entre le générique
et le spécifique, entre les invariants organisateurs de la structure conceptuelle de la situation
(SCS partagée par tous les enseignants) et le singulier lié au modèle opératif de l’acteur
(perception et traitement personnel de la structure conceptuelle, la manière dont chaque sujet
s’est approprié cette SCS). Le geste professionnel appartient au canevas d’une pratique
professionnelle, un genre commun de pratique formant une sorte d’intercalaire collectif entre
la tâche prescrite et l’activité individuelle. C’est un stock ouvert de « pré – travaillé », c’est un
aspect générique du travail sur lequel tous les professionnels du lieu envisagé se retrouvent :
une manière commune de faire son travail. Cet ensemble de gestes professionnels communs à
la majorité des enseignants, évoluant dans un contexte identique, ce « basic » commun relève
la plupart du temps du « non-dit », de quelque chose que le praticien ne comprend qu’après
coup.
La Didactique Professionnelle semble, in fine, un bon outil pour mieux comprendre une
didactique en acte, une grammaire en acte appartenant à la plus vaste didactique du français.
La D.P et la Didactique du Français s’articulent ainsi : lorsque cette dernière interroge ce que
l’on va transmettre, la première interroge la manière de transmettre. L’une s’intéresse plus
particulièrement au « quoi faire apprendre », aux objets de savoir identifiés, étudiés et
questionnés afin de les faire apprendre au mieux, l’autre au « comment faire apprendre », aux
gestes professionnels, aux organisateurs de l’activité professionnelle qui la guide et l’oriente
et permet le développement de stratégie personnelle selon les itinéraires personnels et les
environnements singuliers. L’une interroge les contenus disciplinaires de l’apprentissage,
l’autre questionne les actions professionnelles pour provoquer l’apprentissage. Toutes deux
ont en commun une finalité de professionnalisation et de formation enseignante et surtout le
souci de l’efficacité : faire acquérir efficacement un objet de savoir, faire apprendre
efficacement une classe d’élèves. Autrement dit, il nous semble bien que la DD fait porter les
Philippe Clauzard 23
processus d’analyses et de transposition sur les savoirs disciplinaires en jeu avec un objectif
épistémique d’assimilation et compréhension ; tandis que la DP se fonde sur les analyses des
tâches, des situations et des activités professionnelles avec un objectif pragmatique de
développement des compétences (Habboub, Lenoir et Tardif, 2008). Les objectifs de ces
approches diffèrent, mais celles-ci sont parallèles. On se penche avec la DP sur le discours de
la pratique d’un enseignement en opposition au discours de la pratique de la langue ou des
mathématiques qui intéresse davantage la DD. Entre ces deux didactiques, la différence
semble résider dans la définition de la pratique. Le lien fort que la DP entretient avec la
pratique nous conduit à évoquer notre recherche en termes de « grammaire en acte ». La DP
postule qu’il y a à apprendre, dans nombre de cas, bien plus par la pratique sur le lieu de
travail que par la consultation de référentiels ou de manuels techniques.
Il conviendrait, dès lors, d’amener la DD à repenser ses procédures avec le cadre du contexte
opérationnel, celui de l’action du praticien, de l’enseignant en situation. Nous pourrions
repenser l’intervention enseignante en partant des situations enseignantes, et non, des seuls
objets de savoir. Avec la prise en compte des pratiques enseignantes effectives, des
compétences incorporées, de l’expérience de métier, des gestes professionnels, des
organisateurs de l’activité partagés et des stratégies singulières, nous nous situons dans une
logique de la discipline savante en acte. Nous partageons l’idée que les formations
disciplinaires seraient heureusement enrichies des apports de l’analyse fine du travail des
enseignants de ces disciplines dans divers contextes scolaires (Dezutter & Pastré, 2008). Le
cadre intégrateur de la DP offre à repenser la formation enseignante. Cela semble de belles
discussions à venir.
Utilisation du TBI et transformations du travail enseignant
Line NUMA BOCAGE (MCF SE, IUFM)
Philippe CLAUZARD (Docteur SE),
Philippe MONCHAUX (MCF, SE, UPJV)
Colloque international INRP, Le travail enseignant au XXIe siècle Perspectives
croisées : didactiques et didactique professionnelle, Lyon, mars 2011
L’utilisation, à l’école, des TICE, et plus particulièrement du TBI, constitue actuellement, un
enjeu d’enseignement et d’apprentissage national et international (voir les différents plans de
formation nationaux et les appels d’offres de recherche nationaux et internationaux). La
contribution que nous proposons est tirée d’une recherche-action, menée par des membres du
sous-groupe du réseau OPEN-PIPS d’Amiens, fondée sur une analyse du travail enseignant
réel lors de l’utilisation et de l’appropriation d’un outil pédagogique nouveau (le TBI). Cette
innovation a renouvelé partiellement le travail habituel des enseignants ; ce sont ces
transformations que nous présentons.
Toutes les caractéristiques sociodémographiques des familles n’étaient pas présentes dans
cette école « populaire ». L’étude conduite n’offre donc pas la palette complète permettant de
mettre à l’épreuve les typologies des relations école famille (cela sera l’objet d’un travail de
recherche en cours).
L’observation filmée limitée à deux classes et un seul débriefing croisé n’ont pas permis
d’approfondir le questionnement avec les enseignants. Beaucoup reste à découvrir et
comprendre.
Philippe Clauzard 24
Cette recherche annonce d’autres perspectives en termes d’analyses comparatives à venir pour
comprendre comment les enseignants se saisissent du TBI, son impact sur les apprentissages.
Cette technologie semble un outil facilitateur pour réguler les échanges en classe, étayer les
apprentissages dans le sens d’un meilleur accompagnement dans le passage de la
manipulation pragmatique à une forme de symbolisation. Le TBI est une « mémoire » des
apprentissages, il garde les traces de travail des élèves permet d’accéder aux modes
opératoires dans la résolution d’une tâche (pour peu que toutes les fonctionnalités des TBI et
ordinateurs mis à disposition des élèves soient en fonctionnement, les personnels enseignants
formés). Il permet d’observer le « comment » l’élève s’y est pris pour résoudre une situation
problème et ainsi suivre son mode de raisonnement, y remédier plus finement. Il est aussi
possible de présenter les copies des élèves comme échantillon de leur parcours cognitif auprès
du groupe classe pour débloquer des situations d’apprentissage, ou montrer des parcours
intéressants. Le TBI peut se révéler un outil de valorisation personnelle consistant à montrer
son travail, faire devant les autres, faire avec les autres, partager son travail de classe avec la
famille.
Pour conclure, il apparaît nécessaire de développer un accompagnement formatif technique et
didactique sur l’utilisation du TBI conçu comme outil pour le cognitif et le socio-affectif pour
l’élève, un outil de conception didactique et de gestion pédagogique pour l’enseignant, un
outil de partage avec les familles. Il conviendrait de sensibiliser au moyen de débriefings
(comme nous l’avons effectué) sur les aspects cognitifs et didactiques de son utilisation : les
effets de grossissements du glissement vers la symbolisation, un pas vers l’abstraction lors de
la médiation didactique. Le TBI semble un outil facilitateur pour construire un espace
transitionnel de conceptualisation – entre moi et mon pupitre informatique – sphère privée –
et l’autre – sphère publique – le tableau interactif (Pastré, 2007). Enfin, dans une perspective
de co-éducation, une articulation est souhaitable entre les pratiques numériques de classe et
celles hors la classe en associant les familles afin de les accompagner dans cette évolution
technologique du mode d’apprentissage et des modes de loisirs éducatifs.
Expérimentation d’un outil d’investigation ergonomique dans le
champ de l’enseignement
(Situations simulées et entretiens d’explicitations)
Communication de Philippe CLAUZARD au Colloque OUFOREP, Outils pour la
Formation, l’Education et la Prévention : contributions de la Psychologie et des Sciences de
l’Education, juin 2011 université de Nantes, juin 2011
Inscrit depuis quelques années dans des recherches sur l’activité enseignante et engagé dans
des pratiques de formation de proximité auprès d’enseignants du premier degré, la question de
la fécondation des éléments de la recherche en formation professionnelle nous interpelle.
Nous nous interrogeons sur la manière de réemployer des dispositifs de recherche dans des
modules de formation comme sur les possibilités d’inscription dans les formations des
éléments élaborés par la recherche. Comment transposer en discours de formation les discours
de la recherche ?
Nous nous intéressons à l’élaboration et la construction de nouveaux outils qui favorisent la
régulation des activités enseignantes, qui favorisent le repérage de difficultés didactiques
relatives aux apprentissages des élèves, qui développent des pratiques professionnelles
Philippe Clauzard 25
innovantes, et ouvrent de nouvelles perspectives de formation chez les formateurs de
proximité que sont les enseignants formateurs et conseillers pédagogiques.
Cet article a pour objectif de présenter l’expérimentation d’un dispositif particulier de
« recherche et formation » d’enseignants-formateurs encourageant la réflexion sur leur
pratique professionnelle et son optimisation. Leur métier est problématisé : leurs manières
d’agir comme leurs représentations sont co - analysées. Des enjeux relatifs à l’optimisation de
leurs activités enseignantes et leur construction identitaire (ou relatifs à celle qu’ils aimeraient
s’opérer s’agissant de conseillers pédagogiques) surgissent lors des entretiens.
Cette recherche présente un double but : expérimenter des outils de l’ergonomie dans le
champ de la recherche en éducation et observer leur plus value heuristique et comprendre
l’agir enseignant en partant d’analyse de la pratique enseignante, en amont : la planification
de cours de grammaire en école élémentaire. Il s’agit d’étudier le moment où le professeur des
écoles, le maître de grammaire anticipe les difficultés d’apprentissage d’une notion et les
embarras cognitifs de ses élèves à surmonter selon leur zone de proche développement,
hiérarchise les obstacles épistémologiques et développe un parcours d’apprentissage ainsi
qu’un scénario didactique avec quelques hypothèses sur les déroulements probables de la
séance d’apprentissage (hypothèses hautes d’optimisation de l’apprentissage, hypothèses
basses de remédiation).
Notre intérêt scientifique réside dans l’investigation de nouveaux moyens ou de moyens peu
utilisés pour développer de nouvelles recherches sur les pratiques effectives des enseignants.
Pour ce faire, nous nous intéressons au rapprochement entre deux champs professionnels par
la mise au service du champ de l’enseignement, des outils de l’ergonomie. Nous questionnons
ce rapprochement fonctionnel de ces deux domaines professionnels : qu’apporte l’outil
ergonomique à une meilleure compréhension du métier enseignant ? Quelle est la plus value
observable en termes de recherche mais aussi dans une perspective de professionnalisation
des enseignants ? Et avant tout, comment pouvons-nous opérer ce rapprochement ? A ce titre,
nous avons procédé à une situation simulée et de débriefing selon le modèle de l’entretien
d’explicitation afin d’observer la pertinence de la procédure, les impacts de l’expérimentation
et son éventuel apport pour la recherche et de formation.
Dans de précédentes recherches, nous avons filmé et analysé des séances de classe. Nous
avons aussi opéré des débriefings et des autoconfrontations. Nos premiers résultats
permettaient d’apprécier des gestes professionnels entrepris par les enseignants et de
mobiliser une structure conceptuelle de la situation d’apprentissage – enseignement. Nous
n’avons fait qu’approcher certains éléments de compréhension de l’activité enseignante tant
celle-ci est complexe. Nous avons cependant mesuré que derrière cette complexité, il peut
exister de l’organisation. Nous avons également compris que le métier d’enseignant s’observe
à partir de trois fonctions distinctes en interrelation. Une fonction de planification du cours,
une fonction d’animation du cours et une fonction d’évaluation des connaissances acquises
par les élèves. Si nous avons pu observer directement des situations d’animation de cours, il
nous était alors impossible d’assister à leurs préparations. D’où l’idée de concevoir un
dispositif de recherche qui se révèle parallèlement un diapositif de formation et réflexion des
praticiens, avec la mise en place de situation simulée de planification de cours. Vantourout
avait étudié et comparé des situations d’évaluation. Le principe de cette simulation était
d’accéder à la cognition d’enseignants experts (des conseillers pédagogiques du premier
degré) préparant leurs leçons. Comment font-ils ? A quoi pensent-ils ? Pourquoi planifient-ils
de telle manière ? Il s’agissait d’une reconstruction où les praticiens devaient verbaliser leurs
pensées à haute voix, dire ce à quoi ils pensent lorsqu’ils rédigent une fiche de préparation
d’une séquence d’enseignement en grammaire. Ces traces verbales et écrites constituent des
Philippe Clauzard 26
éléments d’une activité de planification de l’enseignant que nous analysons afin d’accéder à
une intelligibilité. La simulation est ainsi un outil qui permet de construire un système proche
du réel pour en inférer des observations sur la professionnalité enseignante. L’objectif de
notre communication est d’inférer de notre expérimentation des observables de formation, des
éléments saillants induisant la pertinence de situations simulées. Notre expérimentation
s’appuie sur des aspects théoriques qui relèvent de l’ergonomie et plus particulièrement de la
didactique professionnelle. Nous nous adossons aux développements théoriques de Pastré
relatifs à la simulation et de Vermersch concernant l’entretien d’explicitation.
Le dispositif de simulation a concerné 3 enseignants experts (plus de quinze ans de métier)
devenus conseillers pédagogiques de circonscription du 1er
degré de l’Education nationale.
Leur mission consiste essentiellement au conseil et suivi des néo-titulaires, la formation
enseignante de proximité et l’impulsion de nouveaux projets et modèles pédagogiques. Un
protocole identique fut proposé aux 3 praticiens : une fiche de préparation type sur laquelle il
convenait de renseigner différentes rubriques (consignes, déroulement, support…) ; un même
objet d’enseignement : la relation sujet – verbe ; un débriefing à partir des traces écrites et
orales recueilli sur le modèle de l’entretien d’explicitation.
Les enseignants étaient invités pendant une vingtaine de minutes à verbaliser ce qu’ils
faisaient. Leurs propos étaient enregistrés puis transcrits. Un débriefing également enregistré
suivait ensuite pendant 15 minutes afin d’obtenir des explicitations supplémentaires, des
indications organisationnelles et quelques précisions pédagogiques et didactiques (sur le
modèle du discours d’explicitation défini par Vermersch). Enfin, une mise à distance était
immédiatement sollicitée pour recueillir leurs impressions en tant qu’enseignant formateur
sur le dispositif qu’il venait d’expérimenter.
Etant entendu que ces travaux demandent d’être complétés par d’autres apports, nos résultats
sont provisoires. Nous avons pu mettre en évidence que la simulation d’une pratique
professionnelle est un outil de réflexion et de questionnement pour l’enseignant-formateur qui
peut envisager d’utiliser certains aspects de la méthodologie (comme penser sur l’action à
partir de traces de l’activité) pour provoquer en formation certaines réflexions chez les
apprenants. L’entretien d’explicitation s’est avéré un outil complémentaire pour faire « parler
le métier » à partir de traces de travail du métier. Nous avons repéré des points saillants des
verbalisations, comparé les modèles opératifs des trois praticiens (éléments hypertrophiés
dans l’acte de planification d’une leçon de grammaire) et leurs sentiments sur le dispositif
éprouvé. Il nous est apparu en conclusion la nécessité d’une réelle expertise dans la
manipulation des outils ergonomique afin de ne pas induire des « biais » de recherche. La
situation simulée est une fiction à laquelle les enseignants ont beaucoup de difficultés à s’y
soumettre, de même dans l’entretien d’explicitation, il s’avère difficile de canaliser la parole
du praticien, de le recentrer sur une problématique de recherche définie sans trop être
inducteur. Vraisemblablement d’autres dispositifs comme l’instruction au sosie devraient être
aussi expérimentés. Le problème est d’être le plus proche possible de la réalité de travail sans
la déformer afin de la « faire parler » comme de faire parler le praticien sans induire des
réponses convenues. Enfin, l’absence d’élèves avec leurs profils cognitifs particuliers rend
encore plus difficile cet exercice d’expérimentation dans la mesure où un feed-back humain
n’est quasiment pas simulable.
Philippe Clauzard 27
Présentation analytique de la thèse de Philippe CLAUZARD
« La médiation grammaticale en école élémentaire, éléments
de compréhension de l’activité enseignante », Sous la direction de Pierre PASTRE,
Soutenue le 11 juin 2008, au CNAM Paris (Conservatoire des Arts et Métiers),
Composition du Jury : Gérard VERGNAUD, Directeur de recherche émérite, Université de
Paris 8, président – Pierre PASTRE, Professeur du CNAM, Communication didactique,
directeur – Marguerite ALTET, Professeure, CREN, Université de Nantes, membre –
Dominique BUCHETON, Professeur, IUFM de Montpellier, rapporteur – Gérard SENSEVY,
Professeur, IUFM de Bretagne, rapporteur.
La recherche sur l'activité enseignante reste un domaine relativement récent. Les
recherches sur le « faire classe » n'atteignent pas encore un développement et une audience
identiques à d’autres. C'est d’un « aller voir » dans le « faire classe » dont il s'agit. Nous
avons participé aux travaux du réseau OPEN (Observatoire des pratiques enseignantes)6
dont les études nous ont permis de développer notre pratique d’analyse de l’activité
enseignante. Notre étude propose une plongée dans l'activité professionnelle, un recueil
filmique de la pratique de classe pour comprendre l'agir enseignant du professeur des
écoles qui enseigne la grammaire. Le regard que nous allons porter sur le monde enseignant
diffère des études par le seul prisme des situations de médiation, des didactiques ou des
interactions psychosociales. Nous tentons « un pas de côté ». Le choix, qui fonde notre
démarche de recherche est un parti pris : considérer l’enseignant comme un professionnel
comme un autre en essayant de se défaire d’un particularisme par trop prégnant. Nous tentons
d’observer l’enseignant dans sa situation professionnelle à la fois comme sujet (qui développe
ses propres stratégies) et comme médiateur d’un savoir (sa fonction). L’idée est de privilégier
une « approche métier » qui l’appréhende dans sa globalité : sa culture, ses compétences, sa
motivation, son stress, ses conceptions, sa manière de redéfinir des situations enseignantes ou
de s’approprier les qualités et les aléas d’un savoir à enseigner. Nous conjuguons « savoir
enseigner » et « savoirs à enseigner » dans une perspective de lisibilité de ses gestes
6 Observatoire des Pratiques Enseignantes : http://www.inrp.fr/vst/Sitesweb/DetailSiteUtile.php?parent=accueilER&id=73
Les objectifs principaux du réseau OPEN sont :
avant tout, faire le point sur les travaux existants et confronter les approches, les concepts, les démarches, les outils
utilisés par les différents types de recherches actuelles et comparer leurs résultats,
mettre en perspective les recherches menées en France par rapport aux productions internationales,
rassembler et cumuler les données d’enquête sur une période assez longue pour effectuer des comparaisons dans le
temps,
enfin, et surtout, développer ce champ de recherches à partir des confrontations qui auront été menées et construire
de nouveaux objets de recherche, de nouvelles démarches et produire de nouveaux résultats.
L’intérêt scientifique des recherches, sur les pratiques enseignantes, et ses enjeux sont importants : la demande sociale en matière
de réussite de l’école, de qualité, d’efficacité de l’enseignement est forte. Les connaissances acquises restent éparpillées, ont du
mal à se cumuler pour permettre de restituer et comprendre le fonctionnement des processus et les effets des choix mis en œuvre.
Philippe Clauzard 28
professionnels, d’intelligibilité de ce qu’il fait, pense faire ou ne fait pas. Nous définissons
ainsi un cadre qui place l'enseignant au centre d'une constellation qui puisse éclairer l'activité
d'enseignement. C'est en définitive réintroduire dans une préoccupation didactique la
singularité du sujet psychologique du maître d'école, au sein d’un environnement
dynamique ouvert : la classe de grammaire en école élémentaire.
Notre intérêt va vers une « didactique en actes », une épistémologie de la « didactique
appliquée ». Nous nous orientons vers une étude de la pragmatisation de la didactique
grammaticale au travers de l’analyse du travail des enseignants observés en cours de
grammaire élémentaire, l’analyse de la tâche et de leur transposition didactique, l’étude de
leurs représentations et stratégies enseignantes en « grammaire » à l’école élémentaire. Nous
nous attachons donc à une « grammaire en actes ».
Cette recherche sur la médiation grammaticale a pour objectif de comprendre la
situation d’apprentissage grammatical en école élémentaire, en l’étudiant sous l’angle de
l’activité des enseignants, au travers, tout particulièrement des épisodes repérés comme
significatifs d’un glissement vers le conceptuel. Elle cherche à identifier les caractéristiques
spécifiques de ces situations de mutation, les types de schèmes de glissements conceptuels
comme les modèles opératifs et les stratégies singulières développés par les acteurs en
fonction de la structure conceptuelle de la situation d’enseignement/apprentissage de la
grammaire en école élémentaire.
Nous avons repéré deux concepts organisateurs de cette structure conceptuelle : les
glissements conceptuels (instanciation d’une secondarisation dans l’apprentissage
grammatical) et l’ajustement d’un type de grammaire à un niveau de classe.
La recherche a été conduite en collaboration avec dix-huit professeurs des écoles.
Les données ont été recueillies à partir d’enregistrements vidéo des séances de classe et
d’autoconfrontations des enseignants.
La grammaire présente en effet un statut d'enseignement - apprentissage particulier,
une histoire aussi singulière. Elle est vécue souvent comme rébarbative, incohérente devant
ses exceptions, complexe à faire apprendre. La grammaire a cependant cela de typique
comparativement à d'autres disciplines, c'est qu'on travaille sur le « déjà su », une pratique
langagière quotidienne dont on doit se décentrer pour en comprendre le mécanisme et en
affiner l'utilisation. Chacun, très jeune, manipule les phrases, les construit avec des groupes
sujets et des groupes verbaux sans s'en rendre nécessairement compte. Chacun les décline et
les transforme de façon quasi naturelle. L’emploi de procédures prosodiques spontanées,
selon des segmentations intuitives de structures phrastiques, paraît naturel. On pourrait parler
d'une grammaire en acte, prémices à une grammaire en théorie, pour peu que l'on soit
convaincu d'une nécessité grammaticale dans la maîtrise de son langage. L'enjeu de
l’apprentissage grammatical est bien celui du développement d'un modèle cognitif sur un
modèle opératif : le développement d’un apprentissage sur notre langage quotidiennement
utilisé. Nous possédons tous une grammaire « primitive et implicite ». La distanciation
produite par l'apprentissage grammatical permet une prise de conscience du mécanisme
linguistique et en accroît ainsi la virtuosité de son usage oral ou écrit, offre une meilleure
appréhension des subtilités langagières. Nous passons ainsi d'une grammaire d'usage (une
pratique sociale) à une grammaire réfléchie (l'apprentissage scolaire). Cette procédure
rappelle les propos de Piaget (avec son « réussir et comprendre ») et exemplifie la notion de
méta-cognition. La grammaire est en effet l'apprentissage d'un métalangage étayant un savoir
- analyser la phrase afin de la mieux comprendre et la mieux reproduire…
Philippe Clauzard 29
Notre étude sur la médiation grammaticale en école élémentaire repose donc sur un a
priori fort : une analyse ergonomique de l’activité enseignante développée grâce au cadre
théorique de la didactique professionnelle. Notre regard porte essentiellement sur le travail de
l’enseignant considérant qu’il est en co-activité dans une co-dynamique de classe, du fait des
interactions maître/élèves, d’une dialectique didactique/cognition. Sans oblitérer les
influences de la rétroactivité des écoliers sur son activité, nous observons avant tout l’exercice
de son métier et conformément aux principes de l’ergonomie de langue française. Dans les
activités professionnelles interagissent « tâche » et « activité » ; or, l’analyse de la tâche d’un
maître d’école est une question relativement complexe. Cela est dû aux caractéristiques du
métier de professeur des écoles et exige une analyse a priori de l’activité de plusieurs
praticiens avant de tirer les fils d’une analyse de la tâche et de rechercher une invariance de
phénomènes dans les pratiques observées. Cette opération aboutit à l’élaboration d’une
structure conceptuelle de la situation d’apprentissage grammatical en école élémentaire. Cette
structure conceptuelle est construite autour d’un axe invariances/variabilités. Repérer les
éléments organisateurs de l’activité d’enseignant, schématisés par la structure conceptuelle et
les concepts pragmatiques qui guident l’action du professeur, favorise une intelligence de
l’agir de l’enseignant, offre aux professeurs la possibilité de conceptualiser leurs actions en
embrassant toutes les dimensions d’une situation complexe, impulse une mutualisation des
connaissances et expériences entre pairs comme une communication aux novices de ces
savoirs pragmatiques. Autant de préoccupations qui sont à la fois légitimes, utiles et
heuristiques dans la perspective de la formation enseignante.
Notre recherche s’inspire de la dialectique outil/objet (Douady7) c'est-à-dire un dialogue
entre outil du réel, outil de production, outil opératoire et objet de savoir, objet de réflexion,
objet de propriétés. Nous observons, en effet, dans notre étude l’existence d’une langue - outil
pour se faire comprendre et d’une langue – objet à étudier, laquelle est un système complexe
générant des phrases avec des structures syntaxiques particulières. Le phénomène de
« secondarisation » est une illustration de la dialectique outil/objet. Il vise une appropriation
par les élèves de la langue objet que l’observation et la réflexion sur des phrases favorisent.
L'outil renvoie à une dimension sémantique d’une langue véhicule du sens pour
communiquer. C'est un instrument de signification qui est aussi une instance de validation des
opérations de manipulations linguistiques. Le recours au sens permet d'observer si, par
exemple, une opération de pronominalisation « tient » et peut déterminer les propriétés
linguistiques des sous-ensembles ou structures syntagmatiques dont il est question. Il s'agit de
vérifier si les opérations sont valides selon un paradigme sémantique sur lequel la grammaire
s'appuie toujours in fine. Même si le structuralisme ou la grammaire générative font
abstraction de la signification, celle-ci revient nécessairement « par la fenêtre ». La
sémantique autorise à traiter sans aucune dérive la phrase comme un objet d'observation par le
sujet. L’objet abstrait la langue dans un système de combinaisons.
Nous pensons qu'il faut du temps pour conceptualiser : l’apprentissage grammatical exige un
temps important et progressif de conceptualisation. Laquelle n’est pas forcément achevée à
l’âge adulte (cf. l’accord des verbes pronominaux). Le maître de grammaire utilise
vraisemblablement des outils imparfaits dans les premiers temps avant de parfaire la
démarche didactique dans un second moment.
Nous imaginons l'émergence d'une conscience métalinguistique et d'un savoir grammatical
grâce à un schème d’épisode de glissement conceptuel entre deux registres : sémantique et
syntaxique, que l'enseignant s'approprie selon la stratégie personnelle qu'il va lui imprimer.
7 Mémoire de Doctorat : «Jeux de cadres et dialectique outil-objet dans l’enseignement des mathématiques – une réalisation
dans tout le cursus primaire », Régine Douady, Université de Paris VII.
Philippe Clauzard 30
Ce mouvement de conceptualisation marque chez l’élève le développement individuel de l’épi
vers le méta linguistique.
L’apprentissage de la grammaire s’étend de 6 ans à plus de 15 ans et forme à nos yeux
un champ conceptuel au sens de Vergnaud. Un champ conceptuel forme « un espace de
situations problèmes dont le traitement implique des concepts et des procédures de plusieurs
types en étroite connexion »8. Nous traduisons cette définition en un espace de
conceptualisation d’une phrase qui appelle l’assimilation préliminaire (et préparatoire) de
plusieurs concepts en étroite connexion ayant trait aux constituants premiers et secondaires de
la structure phrastique (groupe sujet et groupe verbal, déterminants, expansion des noms et
des phrases, etc.). Il se développe ainsi sur plusieurs années une conceptualisation de la
« phrase », que nous souhaitons explorer du Cours Préparatoire au Cours Moyen, afin
d’observer les continuités et ruptures, les articulations et les ensembles de situations sur
l’empan temporel d’une scolarité en école élémentaire.
Notre thèse pose donc les hypothèses suivantes :
L’apprentissage grammatical en école élémentaire constitue un champ conceptuel ;
L’apprentissage grammatical se développe selon une conceptualisation par paliers
(épi/méta langagiers) ;
L’apprentissage grammatical convoque un épisode de glissement conceptuel qui va d’une
approche sémantique vers une approche syntaxique du fait langagier.
Les enseignants travaillent « en aveugle », les indices d’apprentissage sont très difficiles à
repérer lors des échanges de classe. Le maître de grammaire ne possède pas de certitude sur la
réelle compréhension de ses élèves. Un modèle cognitif, consistant dans le « savoir analyser
une phrase » en convoquant la connaissance d’une métalangue et de ses propriétés, est
soutenu par un modèle opératif qui repose sur la maîtrise d’opérations de transformation et de
segmentation de la phrase. Rien n’indique toutefois que la réussite d’opérations implique
forcément la construction du concept. Un doute subsiste dans la mesure où le modèle cognitif
et le modèle opératif ne possèdent pas le même critère de validité : réussir une opération
grammaticale pour le modèle opératif et assimiler le concept et ses propriétés pour le modèle
cognitif. Nos épisodes de glissement peuvent s’interpréter comme des tentatives de transition
d’une réussite à une compréhension, d’un registre à l’autre, des essais de passage d’un palier
de conceptualisation à un autre. La situation d’apprentissage grammatical ne répond pas
comme dans une situation d’apprentissage professionnel où la conduite d’une machine peut
par exemple renouveler les préoccupations de l’acteur ou influer sur les décisions. Le
glissement conceptuel nous semble donc un moyen pour l’enseignant d’influencer la
dynamique conceptuelle des élèves, en liaison avec le choix de la tâche grammaticale (les
opérations de segmentation et/ou de manipulation) et de la phrase modèle (d’objet
grammatical ou linguistique étudié) qui est aussi une phrase problème (le support initial aux
opérations grammaticales, qui porte en germe une problématisation d’un fait langagier). Il
pourrait être un geste professionnel favorable à une conceptualisation longue et délicate au
regard de la complexité de l’objet d’apprentissage.
8 G. Vergnaud, Orientations théoriques et méthodologiques des recherches en didactique des mathématiques, 1991.
Philippe Clauzard 31
Nous partageons l’avis de Bucheton9 : il convient d’aller regarder du côté des maîtres.
Nous devons « reconnaître » le travail enseignant pour mieux le « connaître » et le
« partager ». Notre « pas de côté » observe donc les maîtres dans une coactivité inscrite dans
les interactions de classe maître / élèves. Nous centrons notre étude sur l’activité de
coopération - communication entre un enseignant et ses élèves (Pastré, 2006). Cette co-
activité aboutit à la transformation conjointe d’un groupe classe et, in fine, à la transformation
de l’enseignant. Car enseigner un savoir en accroît toujours mieux l’assimilation, comme
expérimenter des situations didactiques participe d’un accroissement de l’expérience
professionnelle et la transformation du professeur (que nous n’analysons pas dans notre
recherche limitée aux apprentissages des élèves).
La visée du professeur est celle d’un apprentissage - développement chez l’élève, par le
truchement d’une tâche et d’une situation didactique, par le biais d’un schème de glissement
vers le conceptuel… avec des formes d’étayage et d’institutionnalisation. Ces épisodes de
glissement révèlent des finalités enseignantes et des conceptions distinctes, des stratégies
appartenant à la singularité du maître de grammaire, vraisemblablement à son modèle
opératif.
Notre étude consiste donc en une exploration de l’apprentissage grammatical. Son objet
n’est pas linguistique, nous tenterons seulement de comprendre une « grammaire en
acte ».
La thèse, qui compte 275 pages, est composée de 7 chapitres, accompagnée d’un CD
Rom d’annexes.
L’introduction générale forme un large panorama sur l’ensemble de la thèse, la « partie
théorique » est composée de 2 chapitres.
Dans le premier chapitre, la problématique de recherche est explicitée avec le cadre
théorique de référence. Cinq principales hypothèses de recherche sont exposées. En
particulier, celle qui constitue le cœur de notre étude : l’hypothèse d’un « schème d’épisodes
de glissement conceptuel » : c’est-à-dire un saut informationnel d’un registre pragmatique à
un registre épistémique. La dialectique outil-objet, et le processus bakhtinien de
secondarisation sont convoqués comme équivalence avec le « glissement conceptuel de la
sémantique vers le syntaxique ». Le premier chapitre souligne divers domaines théoriques qui
seront articulés (didactique professionnelle, didactique, psychologie cognitive, linguistique,
théorie chomskienne). C’est l’inscription dans le champ de la didactique professionnelle qui
donne une certaine cohérence à cet assemblage théorique audacieux, en tant que théorie
intégratrice de l‘analyse de l’activité et de la formation.
Une analyse épistémologique de la grammaire constitue le second chapitre. Après une
étude qui permet une définition notionnelle et un panorama des enjeux cognitifs de
l’apprentissage grammatical et une brève analyse historique du développement de la
grammaire scolaire, il est posé le choix épistémologique des œuvres de Denys le Thrace (les
mots en tant que parties du discours) et Chomsky (les structures). Ces deux références
explicitent en partie les pratiques de classe. L’évolution de la grammaire scolaire et de la
prescription enseignante signifient les enjeux de cet enseignement singulier. Trois points de
vue grammaticaux sont évoqués (sémantique, morpho-syntaxique et énonciatif) : selon des
didacticiens de la grammaire, ils configurent l’étude de la langue ; l’analyse grammaticale
constituant un démontage d’un objet complexe, symbolisé par des arbres ou d’autres systèmes
visuels d’enchâssements, selon les linguistes. Le chapitre et cette première partie théorique se
terminent ainsi par un balisage de la grammaire telle qu’elle peut s’enseigner à l’école
9 Bucheton, D. (1997), Du côté des maîtres, La lettre de la DFLM, n°21, p. 14-18.
Philippe Clauzard 32
élémentaire et une formalisation d’une série de paliers de conceptualisation et définitionnels
du sujet, du complément, du pluriel, et de l’adjectif, organisée selon les catégories de
l’épilinguistique et du métalinguistique, en palier sémantique, épilangage sémantique ; palier
thématique, texte, épilangage thématique ; palier morpho-syntaxique/visuel, métalangage
morpho-syntaxique ; palier syntaxique, métalangage syntaxique. Ce système en paliers nous
paraît susceptible d’aider efficacement à l’orientation du professeur qui enseigne la
grammaire à l’école primaire, en fournissant une sorte de corps de savoir progressif qu’on
peut considérer comme un effort de transposition didactique. Le choix peut paraître
relativement éclectique en matière de théorie grammaticale pour son enseignement à l’école.
La partie empirique de la thèse est composée de 4 chapitres.
Dans le premier de cette partie (ou chapitre 3) nous procédons à « l’analyse de la
tâche du maître de grammaire ». Sont convoquées les notions», issues de l’ergonomie, de
tâche selon Leplat, et de tâche discrétionnaire (selon Valot & Maggi) qui laisse aux acteurs la
possibilité d’exprimer leur didactique dans les limites d’une enveloppe que la prescription
enseignante délimite avec les instructions officielles ou les rapports de mission que nous
évoquons. La tâche discrétionnaire nous aide à comprendre la tâche de l’enseignant qui
s’effectue dans le déroulement d’une « leçon » de grammaire relativement « ritualisée »,
autour de phases de découvertes notionnelles, d’élaboration de la règle, de son
exemplification et application avec des exercices systématiques. Un canevas général porteur
d’une finalité générale : permettre à chacun de comprendre comment fonctionne la langue
qu’il parle afin de mettre des mots sur ce qu’il effectue déjà et, in fine, mieux consolider son
pouvoir de communication en production et réception. Le chapitre rappelle les versions
successives des programmes de grammaire à l’école élémentaire, jusqu’au « socle commun
des connaissances et compétences ». Le chapitre se termine avec la mise en relief de quelques
points de convergence entre le rapport Bentolila sur la grammaire et les hypothèses de la
recherche : en particulier, la nécessité de progressivité de l’enseignement de la grammaire. Il
est souligné l’idée majeure que la grammaire semble encore manquer d’une stabilité des
concepts et des terminologies afférentes. Cette remarque n’enlève rien à sa vocation
essentielle : faire comprendre le fonctionnement de la langue pour mieux communiquer ;
offrir la possibilité aux élèves de mettre des mots sur ce qu’ils savent déjà faire. Ce qui va
dans le sens des théories psycholinguistiques de Gombert – largement exposées dans la partie
théorique - qui distingue l’épilinguistique (utiliser la grammaire sans conscience) du
métalinguistique (utiliser la grammaire en toute conscience).
Le chapitre 4 s’attache à la caractérisation de la structure conceptuelle de la situation
d’apprentissage grammatical en école élémentaire selon les principes théoriques de la
Didactique Professionnelle. Il s’agit de repérer les invariants de cette situation, stables d’un
praticien à l’autre et constitutifs d’une certaine manière du cœur de la pratique. Cette structure
se définit autour des concepts organisateurs d’ajustement et de glissement conceptuel. C’est
ce dernier concept organisateur qui est détaillé au début du chapitre avec une explicitation de
la notion de glissement conceptuel (une manière spécifique de mettre en œuvre la
secondarisation bakhtinienne dans l’enseignement de la grammaire), qui repose sur le support
phrastique d’une phrase-problème qui évolue vers une phrase-modèle d’objet-langagier,
d’objet linguistique. Cela nous conduit à la notion d’ « épisode de glissement conceptuel » qui
peut être institutionnalisant, remédiant, ou instrumenté. Le geste professionnel d’étayage du
glissement conceptuel est considéré comme un geste professionnel essentiel à la
conceptualisation chez l’élève, ayant à voir avec les différentes facettes du savoir à enseigner :
notamment avec la question des difficultés d’apprentissage grammatical, appréhendées avec
un itinéraire de progression des difficultés du CP au CM comme outil d’enseignement : un
« itinéraire des difficultés d’apprentissage grammatical » qui fournit une progression
Philippe Clauzard 33
réalisable de l’étude de la morphologie (CP) à la syntaxe (CM) en passant par la thématique
(énonciation) au CE.
Le chapitre s’achève sur une description des 3 changements du statut de la phrase (pattern
linguistique issu du corpus langagier ; phrase problème ; phrase modèle). Deux extraits de
transcripts de séances de classe exemplifient le choix d’une phrase problème par élimination
de phrases non prototypiques, dans le cours de l’action pour un maître de CE1, par
anticipation dans la consigne aux élèves pour un maître de CM2. Une nouvelle
définition/description de l’activité grammaticale dans la classe de l’école élémentaire
s’impose : elle consiste à cheminer d’une phrase-problème typique ou atypique vers une
phrase modèle de l’objet linguistique. Cette définition suggère un passage, une circulation.
Avec le chapitre 5 (Analyse de la co-activité de la classe de grammaire), nous entrons
dans l’analyse empirique proprement dite. Au début du chapitre est explicité le
« mouvement » d’élaboration des données : dix-huit classes ont été filmées du CP au CM2,
très diversement situées. Les observations duraient entre 45 min et 1h 15min. Les professeurs
étaient quelques semaines plus tard interrogés en auto-confrontation, face « au film de leurs
actions ». Après les indications sur la méthodologie d’élaboration des données, il est expliqué
le repérage des épisodes de glissement conceptuel significatifs ainsi que le cadre d’analyse,
inspiré de celui de Sensevy. La sélection des épisodes significatifs, à partir de scripts
généraux des séances observées, s’est effectuée selon « un critère de représentativité du
phénomène de secondarisation montrant un glissement conceptuel ». Il est ensuite caractérisé
ce qui apparaît comme un « genre partagé », un « jeu d’apprentissage de la grammaire », au
moyen d’une analyse « macro » de nos protocoles, grâce à la segmentation du déroulement
des leçons et hiérarchisation des actions que permet l’outil d’analyse qu’est le script. À la
suite, dix-huit épisodes de glissement conceptuel significatifs sont décrits. Après un bref
commentaire informatif sur chacun de ces scripts, les épisodes issus des dix-huit classes
observées sont analysés. Pour ce faire, une forme de codage est établie. Il prend en compte la
tâche scolaire et ses difficultés cognitives, les choix didactiques, les apports de
l’autoconfrontation. Cette étude nous amène à des conclusions sur les finalités enseignantes et
les types de métalangue, glissement et grammaire convoqués. Un tableau synoptique avec
chacun des épisodes caractérisés en 7 catégories, suivi d’une comparaison par niveaux, forme
une synthèse de la macroanalyse.
Plus loin, nous développons, au chapitre 6 (Analyse en termes de chronogénèse,
mésogénèse, et topogénèse), trois analyses de type « micro ». La première nous a permis
d’appréhender la temporalité et les types de grammaires employés selon les niveaux de classe.
Elle permet de construire un temps didactique pour l’enseignement de la grammaire, fondé
sur 3 niveaux d’apprentissage grammatical : intuitif, au CP ; implicite, au CE ; explicite, au
CM. Nous observons ainsi un « mouvement de conceptualisation grammaticale progressive »,
du cours préparatoire au cours moyen 2, considéré comme un champ conceptuel orienté par le
processus de secondarisation. L’analyse en termes de mésogénèse s’effectue avec les
catégories de définition/dévolution/régulation/institutionnalisation ; et avec un retour sur les
corpus qui permet de déterminer les notions de « questionnement-limite », « questionnement-
indice » et « questionnement-focalisant » : une nouvelle caractérisation des pratiques des
enseignants étudiées. Une dernière lecture fine de nos épisodes de glissement conceptuel
significatifs est opérée en termes de topogénèse avec l’identification des types de glissements
utilisés par les enseignants observés. Il s’agit d’un nouveau travail de catégorisation des
différents glissements soulignés dans nos corpus en termes de glissements liés d’une part à
l’étayage (institutionnalisant, remédiant, instrumenté) et d’autre part au langage grammatical
(sémantique, thématique, morphosyntaxique, syntaxique).
Au chapitre 7, nous cherchons à analyser l’activité du maître de grammaire au travers
d’une identification et mise en mot des stratégies utilisées par les enseignants observés lors
Philippe Clauzard 34
d’une leçon sur l’identification du sujet, en classe de cours élémentaire : un objet
d’enseignement commun. Ce chapitre se décompose en trois temps : le repérage de la
typologie des glissements ; l’analyse des autres gestes professionnels observés ; l’articulation
des analyses effectuées avec les conceptions sur la grammaire des enseignants observés. Le
chapitre se poursuit par la spécification en « type » de chacun des professeurs observés selon
les stratégies identifiées permettant d’élaborer un nouveau tableau synoptique. Le chapitre
s’achève avec la détermination des divers profils enseignants, selon les accentuations
didactiques (ou finalités enseignantes) que chaque praticien poursuit dans sa didactique, et
une étude des procédés didactiques utilisés par les enseignants pour étayer les apprentissages
(à partir notamment des tâches portant sur des phrases problèmes). Ce chapitre tente
d’élaborer un regard sur l’activité d’enseignement de la grammaire dans ce qu’elle possède de
dynamique, d’invariant et de singulier.
En conclusion, nous reprenons l’essentiel de nos constats en termes de stratégies
enseignantes, de champ conceptuel, de paliers de conceptualisation et de types de glissement
conceptuel. Cette synthèse est illustrée par quelques schémas. Quelques intuitions président,
enfin, à l’ouverture d’autres réflexions sur l’espace intermédiaire ou transitionnel de
conceptualisation des élèves (de vérités provisoires vers des vérités instituées), et sur la
traduction de nos travaux en termes de formation professionnelle des enseignants.
Enfin, une dernière analyse de l’activité d’apprentissage grammatical est apportée au
lecteur : une nouvelle perspective en termes de « normes », « jeu » et « analyse ». Il n’existe
pas de grammaire sans règles, pas de grammaire sans jeux de langage. Et pas de jeux de
langage rendus possibles sans l’existence de contraintes, de règles. Et ces deux conditions
sont un préalable à toute analyse de la phrase. La « phase jeu » est une condition pour
parvenir à l’analyse du langage. La dimension « jeu » permet l’accès à la dimension
« analyse ».
Notre recherche a tenté d'éclairer les « épisodes de glissement conceptuel » dans lesquels
les professeurs des écoles développent à ces instants-là un agir « critique », une
« compétence critique » qui va permettre une adéquation entre la réussite et l’assimilation du
savoir. C’est un « geste professionnel » particulier : un geste de conduite au glissement
conceptuel qui est un geste professionnel d’étayage.
Les gestes professionnels des enseignants sont des outils d’ajustement à la situation de classe.
Ils sont pilotés et régulés par des logiques identitaires des sujets et des logiques
configurationnelles des savoirs. Ils prennent sens au sein d’un dispositif didactique mené dans
un environnement dynamique ouvert10
, qui est structuré par la tâche scolaire qui pilote la
classe11
(une interface entre gestions de classe et gestions des savoirs), des savoirs
didactiques12
transposés, planifiés, organisés, redéfinis selon les caractéristiques des écoliers
et de la classe, et un agir communicationnel dont les interactions maîtres/élèves structurent
une dynamique d'apprentissage avec ses phases de rupture et de bonds cognitifs dans une
perspective de co-activité maître/élèves, de co-procédure, de co-construction du savoir.
10
Notion empruntée à Janine Rogalski, utilisée en psychologie ergonomique pour signifier le caractère contextuel, dynamique, interactionnel de l’activité d’enseignement… 11
Voir au chapitre 1 les thèses développées par J.J. Maurice sur la tâche scolaire. 12
Selon Bucheton : « Une didactique disciplinaire a pour objet de modéliser les meilleures conditions pour faire acquérir à des sujets des objets de savoir qu’elle étudie, identifie, questionne », in Lenoir, Pastré « Didactique professionnelle et didactiques disciplinaires en débat », 2008, à paraître, p. 286.
Philippe Clauzard 35
Notre caractérisation de la médiation grammaticale en école élémentaire se résume en
ces termes généraux :
relevant d’hypothèses générales, d’après la didactique professionnelle, nous
observons :
Un genre commun à l’enseignement de la grammaire: un jeu d’apprentissage de la grammaire
qui est un genre partagé par les maîtres de grammaire,
Une structure conceptuelle de la situation organisée par deux concepts :
- le concept organisateur de glissement conceptuel,
- le concept organisateur d’ajustement.
Des stratégies individuelles pour faire apprendre la grammaire en école élémentaire (en lien
avec des représentations personnelles et un bagage syntaxique), qui trouvent leurs origines
dans les modèles opératifs des acteurs.
relevant d’hypothèses sur le domaine de la grammaire, nous remarquons :
Des épisodes de glissement conceptuel, instanciations de la secondarisation, indicateurs d’un
mouvement de décontextualisation vers une finalité autre : l’assimilation conceptuelle d’un
savoir formel sur la langue, permettant d’inférer un apprentissage ;
Une conceptualisation progressive avec des paliers de conceptualisation (en relation avec des
strates définitionnelles, de méta/épi langage et d’analyse des phrases) ;
Une conceptualisation grammaticale longue sur plusieurs années avec des objets et concepts
grammaticaux en étroites connexions formant un champ conceptuel d’apprentissage
grammatical.
Gestes professionnels et premier concept de glissement conceptuel : Nous avons observé,
dans notre étude sur la médiation enseignante, que nous retrouvons bien, d’une part, les 4
gestes professionnels fondamentaux identifiés par Sensevy (définition, dévolution, régulation,
institutionnalisation) et d’autre part, ce qui donne sens et unité à l’enseignement de la
grammaire par rapport à ces 4 gestes : le concept organisateur de glissement conceptuel,
premier concept organisant la structure conceptuelle. Nous définissons le glissement
conceptuel comme le processus de secondarisation à l’œuvre dans l’enseignement de la
grammaire : c’est lui qui donne sens aux 4 gestes professionnels. Peut- être, pourrions-nous
déterminer à l’avenir une généricité de ce « glissement conceptuel » dans d’autres domaines
d’apprentissage. Cette transférabilité du concept nous amènerait alors à considérer le geste
d’étayage au glissement conceptuel comme un geste professionnel caractéristique de la
didactique, en général. Cela n’est qu’une nouvelle hypothèse, une nouvelle perspective.
Deuxième concept organisateur, l’ajustement : Nous avons aussi noté l’ajustement comme
deuxième concept organisateur de notre structure conceptuelle. Si le premier concept
organisateur est en relation avec la topogénèse, ce second est lié à la chronogénèse. Les
maîtres de grammaire doivent ajuster leur didactique : à trois types de grammaire
correspondent trois niveaux de classe. La grammaire en école élémentaire nous apparaît
comme un enseignement hiérarchisé entre une grammaire intuitive au CP, une grammaire
implicite au CE et une grammaire explicite au CM, signifiant que l’on n’enseigne pas
Philippe Clauzard 36
pareillement, ni les mêmes choses, ni la même complexité selon les classes d’âge. Il y a un
nécessaire ajustement des enseignants du type de grammaire au niveau de la classe.
Les concepts organisateurs de glissement et d’ajustement constituent le noyau de la structure
conceptuelle de la situation.
Un genre professionnel partagé : Revenant au paradigme méthodologique de base de la
Didactique Professionnelle, rappelons brièvement qu’on commence par identifier la structure
conceptuelle de la situation (SCS), puis qu’on regarde les modèles opératifs des acteurs (à
travers les stratégies qu’ils mobilisent). Le premier moment donne l’invariance qu’on retrouve
chez tous les acteurs, dans toutes les classes de grammaire ; le second moment décrit les
ajustements personnels.
Or ici apparaît un niveau intermédiaire, qu’on peut rattacher aux genres historiques de Clot :
tout se passe comme si l’histoire de l’enseignement de la grammaire avait « poussé » à la mise
en place d’une manière partagée de faire une leçon de grammaire, comme si l’histoire avait
conduit à l’écriture d’un scénario partagé de la classe grammaticale. C’est une manière de
comprendre les 4 gestes professionnels de Sensevy.
Du reste, nos analyses soulignent bien l’existence de ce genre commun à tous les objets
d’enseignement grammatical. Un canevas commun, un script où s’observent certaines
régularités, certaines phases d’enseignement communes. Ainsi, retrouvons-nous dans toutes
les classes, des moments de définition du jeu (ou énonciation de la tâche scolaire), de
dévolution par les élèves (appropriation des enjeux d’apprentissage), de régulation des
interactions et d’institutionnalisation des objets de savoirs enseignés. Ce genre commun à tous
les enseignants n’exclut pas la singularité des pratiques enseignantes liées à des stratégies
individuelles issues d’un modèle opératif de l’acteur qui s’approprie à sa manière la structure
conceptuelle de situation d’apprentissage / enseignement en question.
Le fait de faire l’hypothèse d’un genre professionnel partagé nous permet de mieux
comprendre un fait paradoxal : il est en effet assez difficile d’avoir accès aux stratégies
personnelles des enseignants (ce que Bucheton appelle des « gestes d’ajustement » en les
différenciant des gestes professionnels de base). Tout s’effectue comme si les enseignants
observés respectaient une manière commune de faire et ne l’ajustaient qu’à la marge à leurs
propres préoccupations et motivations.
La question de l’objet à enseigner « grammaire » : Schneuwly souligne que tout objet à
enseigner fait partie d’un autre qui l’englobe. Ce qui est particulièrement exact en grammaire.
L’objet « grammaire » a la particularité d’être très difficile à découper. Certes on peut isoler
les marques du genre et du nombre. Mais, par exemple, on ne peut aborder le sujet ou le
verbe, ou le groupe sujet et le groupe verbal sans se référer à la structure de la phrase. La
partie grammaticale s’examine toujours d’une manière ou d’une autre en fonction de
l’ensemble. De même, les choses ne sont pas toujours clivées. Entre la nature et la fonction
d’un élément linguistique, la correspondance n’est pas bi-univoque, puisqu’un élément d’une
nature donnée peut avoir plusieurs fonctions (par exemple : un adjectif peut être attribut ou
épithète). Inversement, une même fonction peut être assurée par des éléments de nature
différente (« un sujet peut se réaliser sous la forme d’un pronom, d’un syntagme nominal,
d’une proposition complétive ou d’une construction infinitive »)13
.
L’objet grammatical à enseigner n’est découpable que jusqu’à un certain point. La perspective
globale est toujours plus ou moins présente en grammaire. On pourrait rapprocher cela de
l’ajustement à la chronogénèse : comme on ne peut pas isoler complètement certaines notions,
13 Riegel, Pellat, Rioul, Grammaire méthodique du français, PUF, 2004 (3ème édition), p. 106.
Philippe Clauzard 37
la progression va se faire selon le mode de grammaire utilisé : de l’implicite à l’explicite.
Finalement, l’objet à enseigner ne peut pas être réduit à la notion : on ne comprend la notion
de sujet que référée à ce qu’est une phrase (qui elle-même s’insère dans un texte). C’est
probablement une spécificité de l’objet « grammaire » qui est formé d’un ensemble de
concepts emboîtés, tous en très étroite connexion, fort difficilement « élémentarisables ».
Perspectives de réflexion sur la norme, le jeu, l’analyse : Les théories de Winicott14
(dont
la réflexion engage à penser la conceptualisation) nous conduisent à examiner une autre
perspective, trois dimensions dans l’apprentissage de la grammaire, trois dimensions toujours
présentes, mais qui peuvent être valorisées par les enseignants de manière très différente :
la dimension « norme » : il y a des règles, qu’il faut respecter (« c’est comme ça »).
Nous les observons dans les régulations en « c’est / c’est pas », les élèves s’appuient
sur « ce qui peut se dire / ce qui ne peut pas se dire » et avec l’aide du maître
recherchent les raisons du pourquoi « on peut dire / on ne peut pas dire ». Il y a la
règle d’usage (à un niveau implicite de la grammaire) et la règle grammaticale (à un
niveau explicite de la grammaire). D’où la dimension « juridique » comme axe central
que l’on retrouve dans toutes les finalités d’enseignement de la grammaire, une
dimension qu’on repère également dans certaines conceptions (cf. pages annexes sur
cédérom) et qui explique sans doute, pour un certain nombre d’enseignants, le
« désamour » pour la grammaire.
la dimension « jeu », au sens que Winnicott donne à ce terme : le jeu est comme
représentatif de l’aire intermédiaire. Il permet aux élèves d’effectuer un passage du
vécu intime à un vécu externe, de déplacer par le « jeu sur les mots » une
compréhension « intime » du langage vers une compréhension « extériorisée » de soi
de son langage. Le jeu offre la possibilité d’un décentrage du rapport à la langue que
des manipulations favorisent. Il est très intéressant de constater qu’en grammaire on
peut jouer avec les mots : faire des phrases boule de neige, déplacer, supprimer,
transformer, etc. Le langage devient une aire de jeu qui permet son objectivation. Cela
est très explicite dans certains protocoles (cf. Jean-Jacques, Jean-François, Pascale)
la dimension « analyse » : la grammaire permet d’analyser la langue en analysant des
phrases. En faisant de la grammaire, les élèves apprennent donc l’analyse, l’art
d’analyser des éléments du réel. Les écoliers développent ainsi une fonction
intellectuelle essentielle. Probablement, l’accès à l’analyse est plus facile sur la
langue, parce que, la langue est ce qui se prête le plus facilement au jeu : on joue avec
les mots. Et la dimension « jeu » permet l’accès à la dimension « analyse ». Ce que le
protocole de Jean-Jacques montre au travers du support phrastique que choisit le
maître de grammaire qui conduit les élèves, outre l’analyse grammaticale, à « jouer »,
à récrire à leur manière des structures syntaxiques. La grammaire, un jeu d’enfant ?
Un jeu d’élèves…
Enseigner la grammaire fait nécessairement appel aux trois dimensions que nous avons
déjà évoquées : il n’existe pas de grammaire sans règles, pas de grammaire sans jeux de
langage. Et pas de jeux de langage rendus possibles sans l’existence de contraintes, de règles.
Et ces deux conditions sont un préalable à toute analyse de la phrase. La « phase jeu » est une
condition pour parvenir à l’analyse du langage.
14 Winnicott, D.W.,(1971) Jeu et réalité, Gallimard, Coll. Folio Essai (1975 pour la traduction française),
Philippe Clauzard 38
Du coup, l’inventivité des démarches de découverte, d’observation et de manipulation est
vraisemblablement un facteur essentiel à la didactique du maître de grammaire.
Une hiérarchisation entre les dimensions règles, jeu, analyse pourrait nous conduire à une
nouvelle distinction, un nouveau parallèle entre nos types de grammaire et les niveaux
d’enseignement : au CE, davantage de jeu sur la langue (dans le cadre d’une grammaire
implicite), au CM davantage d’analyse (au sein d’une grammaire explicite), et au CP un
rapport à la règle (ça se dit ou pas) qui marque la nécessité et l’arbitraire, présent au début de
tout apprentissage. Pour autant, tous les enseignants n’adoptent pas ces postures. Cette idée
relève d’une construction hypothétique. Néanmoins, nous observons que leurs leçons sont
toutes plus ou moins traversées par ces dimensions de règles, de jeu et d’analyse. Les maîtres
de grammaire en sont plus ou moins sensibles.
Apprendre la grammaire à l’école élémentaire serait d’abord l’apprendre au moyen d’artefacts
qui font jouer la langue, une langue en jeu avant qu’elle ne devienne un enjeu scientifique
dans les classes supérieures.
Au cœur de notre recherche, le processus de glissement conceptuel est un geste
professionnel d’étayage. Il est un organisateur de l’activité enseignante, il est centré sur le
savoir à enseigner. Il forme un intermédiaire ou une passerelle entre l’objet enseigné et l’objet
appris, entre la réussite d’une tâche scolaire et l’apprentissage. L’objet est appris, si il y a
secondarisation (donc glissement), l’objet de savoir ayant été interrogé par les élèves, sur
lequel ils ont exercé des activités de pensée.
Le glissement conceptuel est un observable de secondarisation, sur un protocole de classe.
C’est le signe d’un dépassement sémantique vers une formalisation grammaticale abstraite. Le
glissement s’effectue au moyen d’un support phrastique : la phrase issue d’un pattern
linguistique, dont le statut évolue, selon l’exigence didactique, de la phrase problématisée à
une phrase modèle d’objet grammatical. La phrase modèle est la visée secondaire atteinte, le
modèle de savoir linguistique institué, le modèle à retenir, la forme finalisée de l’étude de la
phrase.
Nous avons décrit plusieurs types de glissements conceptuels que nous distinguons selon
deux grandes classes :
les glissements conceptuels liés à l’étayage (le rapport entre la réponse de l’élève et
l’institutionnalisation du savoir) : les glissements institutionnalisants (le maître
généralise par abstraction la bonne réponse obtenue), les glissements remédiants (le
maître généralise sans avoir obtenu une réponse ou sans avoir obtenu une bonne
réponse), les glissements instrumentés (le glissement reste implicite, l’instrument
permet aux élèves de trouver la bonne réponse, mais elle n’est pas institutionnalisée).
les glissements conceptuels liés au langage grammatical, en relation avec des paliers
de conceptualisation: glissements conceptuels sémantiques (avec le sens comme
essentiel outil d’analyse), thématiques (ou la prise en compte du thème/rhème, sur la
base du texte), morpho-syntaxiques (avec la marque orthographique comme repère) et
purement syntaxiques (en termes de propriétés et relations des éléments et structures
de la phrase) : le savoir institué sur le fonctionnement interne de la langue.
Notre cadre d’analyse (inspiré des théories développées par Sensevy) nous a permis de
remarquer quelques stratégies explicatives des pratiques enseignantes. Ces distinctions
sont une première ébauche.
Philippe Clauzard 39
Nous avons ainsi déterminé :
une stratégie opportuniste (agir selon les circonstances, visée adaptative à la situation),
une stratégie impatiente (agir avec hâte pour faire avancer les apprentissages, visée
immobile, non adaptative à la situation),
une stratégie accompagnante (agir en aidant soi-même les élèves, ressource externe),
une stratégie questionnante (agir en étayant suffisamment pour que les élèves s’aident
par eux-mêmes, trouvent en eux-mêmes leurs ressources, ressource interne).
Il nous est apparu une articulation entre les stratégies réalisées des enseignants en classe,
leurs conceptions personnelles sur la grammaire et leurs bagages syntaxiques. La culture
syntaxique du sujet enseignant influe sur sa pratique de classe. De même, leurs cours de
grammaire semblent affectés par les conceptions personnelles sur la grammaire (conceptions
positives, négatives, ou mitigées : la grammaire est trop complexe et prématurée pour les
jeunes élèves de l’école élémentaire). Nous avons aussi observé une variabilité significative
des finalités enseignantes : entre finalités instrumentales (faire de la grammaire pour écrire) et
finalités réflexives (faire de la grammaire pour réfléchir) autour d’un axe vertical de finalités
juridiques (tous les enseignants font de la grammaire pour faire respecter un code
grammatical). Faire de la grammaire, c’est, somme toute, toujours faire respecter une norme
langagière, tout en développant une connaissance formelle sur une pratique quotidienne du
langage.
Les paliers de conceptualisations sont la prise en compte de différents stades, indicateurs
notamment d’un large temps cognitif qui ne correspond pas à un court temps
didactique. Ils soulignent outre l’apprentissage obligé de la grammaire (on ne peut l’inventer
par soi même), que cet apprentissage est long et complexe, il se développe sur plusieurs
années jusqu’à l’âge adulte.
Ces paliers convoquent des « concepts provisoires » en réponse à la complexité des objets
grammaticaux. En effet, la complexité du savoir grammatical ne peut d’emblée être
entièrement appréhendée. Son abstraction étant telle, il convient d’élémentariser les
connaissances grammaticales. Les paliers de conceptualisations vont de « vérités provisoires »
(car incomplètes ou insuffisamment généralisées) vers des « savoirs définitivement institués».
La conceptualisation s’effectue par le passage de divers paliers d’approche analytique et
définitionnelle, divers états d’épi et méta langue: le passage d’une langue outil vers une
langue objet. Ainsi, le maître de grammaire a pour fonction de conduire les écoliers du
registre pragmatique contextualisé à la sémantique à un registre épistémique décontextualisé
et syntaxique, au travers d’une approche textuelle qui prend comme référent un sens global
textuel (stade thématique, suite au stade sémantique), puis qui s’affranchit de toute
signification pour s’intéresser à une marque formelle visuelle morphologique et syntaxique (la
marque orthographique) avant une approche structurale syntaxique.
Philippe Clauzard 40
Ce cheminement s’effectue avec des définitions, des modes d’analyse, des langages
grammaticaux provisoires que nous précisons dans le tableau suivant.
Paliers de
conceptualisation
Langage
grammatical
Glissements
conceptuels
Types d’analyse Types de
définitions
Paliers
épi langagiers
Epilangue
sémantique,
Glissement
sémantique
Epilangue
thématique,
Glissement
thématique
Analyse en termes
sémantiques : elle se
fonde sur le sens…
Analyse avec la prise
en compte du
thème/rhème : elle se
fonde sur la base du
texte…
Définitions
de type
sémantique
Définitions en
valeur de
thème/rhème
Paliers
méta langagiers
Métalangue
morpho - syntaxique,
Glissement
morpho - syntaxique
Métalangue
syntaxique,
Glissement
syntaxique
Analyse avec la prise
en compte de la valeur
orthographique : elle se
fonde sur la marque
orthographique…
Analyse en termes de
propriétés et relations
entre des éléments : elle
se fonde sur la base de
la structure…
Définitions en
référence à des
valeurs
orthographiques
Définitions
de type syntaxique
Ce processus de conceptualisation grammaticale renvoie à la chronogénèse d’un
enseignement hiérarchisé entre différents niveaux de grammaire scolaire. La grammaire
implicite (au CE) amène à des activités plutôt orientées vers l’épilinguistique lorsque la
grammaire explicite (au CM) appelle des activités métalinguistiques de contrôle de la langue
en production et réception.
L’art grammatical – un discours tenu sur la langue - est une illustration de l’activité de
conceptualisation, du développement des concepts. Questionner la langue, donner à
questionner la langue est une activité intellectuelle de formation à la conceptualisation, une
gymnastique du développement, au travers d’une pratique cognitive de l’analyse. La
conceptualisation grammaticale illustre bien le cadre vygotskien sur le développement des
concepts, elle articule concepts quotidiens de type sémantique à concepts scientifiques
purement grammaticaux (ou syntaxiques). L’approche syntaxique ne peut s’opérer que dans
une interaction avec la sémantique qui permet à la formation de concepts grammaticaux de
prendre appui. On ne peut pas accéder à un niveau 2 de formalisation grammaticale sans
appui sur un niveau 1 qui est une porte d’entrée sur la conceptualisation, comme une instance
de validation des formalisations. La conceptualisation grammaticale montre, en outre,
l’importance des phénomènes métacognitifs au cours du développement et de l’apprentissage.
Elle souligne les allers-retours, le processus de germination par le haut et le bas. De plus, les
généralisations supérieures propres aux concepts scientifiques provoquent en retour des
Philippe Clauzard 41
modifications dans la structure des concepts spontanés (ou quotidiens), sur la manière
d’appréhender le langage, sur sa maîtrise, sur les productions langagières.
Pour conclure, nous pouvons traduire en démarche de formation les résultats de notre
analyse, avec l’idée qu’il convient que l’enseignant apprenne à contrôler les épisodes de
glissement, à la fois chez lui et dans l’effet produit sur les élèves.
Il conviendrait de permettre aux jeunes enseignants, par débriefing, d’analyser la manière
dont ils ont procédé à des glissements (comme le soulignent Goigoux et Bautier, les
enseignants sont très peu conscients de leurs pratiques de secondarisation). On pourrait leur
permettre notamment d’identifier les épisodes de glissement qu’ils ont produits, de les
caractériser, d’évaluer leur pertinence dans les effets produits chez les apprenants.
Il serait aussi souhaitable de leur faire travailler les trois dimensions de l’objet « grammaire »,
que nous avons précédemment décrites : norme, jeu, analyse et peut-être leur faire prendre
conscience de leurs convictions et motivations, leurs conceptions sur la grammaire à
interroger.
Il s’agirait également d’interroger l’objet didactique dans toute sa complexité d’assimilation
conceptuelle. L’enseignement de la grammaire interroge en termes de champ conceptuel, de
théories pré-linguistiques et linguistiques et de transposition didactique. L’usage de théories
pré-linguistiques ou linguistiques renvoie à un savoir savant qui n’est pas encore
complètement stabilisé et qui peut rendre problématique la transposition didactique.
Autant de faits sur l’exercice du métier qui méritent une transposition en termes de formation
professionnelle. Cette transposition pourrait enrichir le « contrat professionnel » de
l’enseignant, son portefeuille de compétences. Ce serait, notamment, une réflexion ouverte sur
la dimension de ce contrat, une interrogation sur comment l’enseignant se saisit de la
prescription sur l’enseignement de la grammaire, à travers l’activité concrète d’apprentissage
grammatical, pour y développer la finalité de secondarisation et le moyen opératoire de
glissement conceptuel.
Un ensemble d’actions de formations pourraient ainsi favoriser des prises de conscience,
participer au développement de compétences. Il conviendrait de conduire les
professionnels à être, avant tout, conscients que les finalités enseignantes consistent à tirer les
élèves du registre pragmatique (le faire, le réussir) vers le registre épistémique (le
comprendre, l’assimilation d’un savoir), avec l’idée vive que la réussite de la tâche scolaire
n’implique pas automatiquement l’apprentissage. Ce n’est pas un critère suffisant pour
s’assurer de l’assimilation du savoir. Il n’y a pas forcément coïncidence entre les
connaissances « bricolées » par les élèves et les savoirs qu’on souhaite faire appliquer et
apprendre. Il y a vraisemblablement tout intérêt à s’intéresser au comment l’élève résout un
problème ; sa manière d’accomplir la tâche scolaire renseigne davantage que le résultat. Ces
prélèvements d’indices d’apprentissage donnent assurément des clés d’optimisation de la
didactique.
Enfin, précisons que la didactique professionnelle cherche à faire apprendre une activité
professionnelle : une lecture et intelligence particulières de la situation de travail, la
construction et la mobilisation de compétences à exercer dans des situations singulières, la
reconnaissance de situations typiques à mettre en relation avec un répertoire de compétences
singulières. Ceci nous semble constituer un projet de formation fondé sur une analyse du
travail enseignant telle que nous l’avons exercée dans notre étude.
Le principe général d’une formation professionnelle enseignante serait finalement de
transformer – en formation – la variété des situations rencontrées en une variation autant
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que possible ordonnée, répertoriée, réfléchie et appropriable dans une perspective de
didactique des situations professionnelles.
Pour résumer :
Les résultats de notre recherche mettent en évidence le rôle central que jouent les
épisodes de glissement conceptuel, dans une conceptualisation progressive au sein d’un
cadre notionnel très abstrait et complexe pour les écoliers.
Ils montrent que l’activité des enseignants en classe de grammaire se caractérise de la
manière suivante :
(a) L’apprentissage de la grammaire forme un champ conceptuel cohérent et
hiérarchisé avec des continuités et ruptures au regard des différents concepts
connectés les uns aux autres formant in fine le concept de phrase grammaticale (très
complexe et abstrait pour les écoliers), avec des types de grammaire intuitive,
implicite ou explicite qui convoquent un ajustement de la part des maîtres de
grammaire,
(b) Cet apprentissage exige un temps de conceptualisation long qui va de 7 ans à 10
ans en école élémentaire et se poursuit pendant les années de collège, ce temps se
subdivise en « paliers » de conceptualisation qui vont du « concept provisoire » au
« concept institué » en liaison avec des types de glissement conceptuel correspondants,
(c) Les épisodes de glissement conceptuel sont les indicateurs dans les interactions de
classe d’une secondarisation, d’un changement de registre de conceptualisation
marquant le passage de l’épi - langage au méta – langage ; ils soulignent un moment
d’apprentissage, un possible de conceptualisation,
(d) Le modèle opératif de l’enseignant (avec l’ensemble de ses conceptions et
expériences personnelles) influe sa didactique grammaticale dans le choix d’un
support phrastique (phrase problème évoluant vers une phrase modèle d’objet
linguistique), d’un procédé didactique, des tâches scolaires ; il est à l’origine de
stratégies individuelles caractérisables.
(e) Par delà les différences, il apparaît un genre commun d’apprentissage
grammatical et trois dimensions essentielles : la norme, le jeu et l’analyse. Sans
les deux premières, il n’existe pas de formation à l’analyse. L’accès à l’analyse est
probablement, plus facile sur la langue, parce que, la langue est ce qui se prête le plus
facilement au jeu : on joue avec les mots. Et la dimension « jeu » permet l’accès à la
dimension « analyse ». La grammaire, un jeu dans les petites classes, avant de devenir
dans les grandes classes un enjeu épistémique…