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www.dysphasie.org [email protected] 01-34-51-28-26 Parole, Paroles Edition Spéciale n°52 Des innovations venues du Québec, du matériel informatique adapté, un guide pour une meilleure orientation, une pédagogie innovante à l’école, Une adaptation au code de la route...

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Page 1: d avenir.dysphasie@wana o.fr 0 1 -34 5 28 6 · 2019. 10. 25. · tion F ra nç is e dDy l é o des AAP JH. N otr epé cu a i n, sont l es p r s onq u ac mp - gnons, q u elq soit r

www.dysphasie.org [email protected] 01-34-51-28-26

Parole, Paroles Edition Spéciale n°52

Des innovations venue

s du Québec,

du matériel informati

que adapté,

un guide pour une mei

lleure orientation,

une pédagogie innovan

te à l’école,

Une adaptation au cod

e de la route...

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1- Qu’est-ce que la dysphasie ?C’est un trouble spécifique et durable dulangage, qui se distingue, par sa sévéritéet ses caractéristiques, des simples re-tards d’acquisition du langage. Il s’accom-pagne souvent des difficultésd’apprentissage du langage écrit. Cestroubles vont pénaliser l’intégration sco-laire, sociale et professionelle.Il touche 2% de la population, soit plusd’un million de personnes en France.

2- Quelles en sont les causes ?L’enfant dysphasique n’a ni déficit intel-lectuel fixé, ni trouble sensoriel, nitrouble grave de la personnalité. L’ori-gine de ce trouble est actuellement àl’état d’hypothèses, vraisemblablement d’or-dre neurologique.

3- Quels sont les principaux signes ?La dysphasie peut être plus ou moins sévèreet se manifester sous des formes diverses :

paroles indis-tinctes, trou-bles de lasyntaxe, expressions par mots isolés, dis-cours plus ou moins construit, manque dumot, compréhension partielle du langageoral… Le langage va présenter des carac-tères déviants et instables dans le temps.

4- Que faire et à quel moment ?

• Un diagnostic pluridisciplinaire : psycho-métrique, langagier, psychomoteur…• Vérifier l’audition et la vision, y comprisl'oculomotricité. • Un bilan par un pédopsychiatre pour éli-miner les diagnostics de troubles d'ori-gine psychiatrique. Un accompagnement thérapeutique de lafamille pourra être d’un grand soutien. Les évaluations peuvent être pratiquéesavant 3 ans afin de proposer une édu-cation précoce dans le cadre familial.Le diagnostic développemental ne seracependant posé que vers 4 -5 ans.

L’orthophonie sera soutenue entre 4 et10 ans (souvent 3 séances par semaine)pour rééduquer les troubles et mettre enplace éventuellement des systèmes alter-natifs (la langue des signes, picto-grammes...).

5-Avec quel type de scolarité ?Une collaboration étroite entre les ensei-gnants, les professionnels de santé et lesparents doit s’établir le plus tôt possiblepour une prise en charge homogène etadaptée. La dysphasie a une incidence directe surles apprentissages scolaires. Il n’existeactuellement, en France, que très peu destructures scolaires adaptées à leurs be-soins : inclusion scolaire individuelle (avecou sans AVS) ou collective (CLIS, UPI) etétablissements spécialisés.

Nos objectifs, nos actions

Depuis sa création en 1992, AVENIR DYSPHA-SIE France et ses 34 représentations régio-nales (voir carte de France sur notre site)accompagnent les enfants, les adultes et leur fa-mille.Notre objectif premier est d’informer pa-rents, médecins, enseignants, rééducateursde la réalité des troubles dysphasiques etdes troubles qui lui sont associés (dyslexie,dyscalculie, dyspraxie, troubles de l’attention…).

Nous agissons également auprès des pouvoirs publics et des professionnels pour faireprogresser le dépistage et la prise en compte par l’Education nationale des besoinsspécifiques de ces enfants (AVS, adaptation aux examens, logiciels…).

Pour les adultes, nous organisons des clubs de rencontre, d'échange d'information etdes interventions nationales ou locales en faveur de leur insertion professionnelle.

Notre association propose des colloques, des soirées-débats, des rencontres parents-pro-fessionnels et co-organise la Journée nationale des Dys.

La dysphasie 5 en questions

Le préfixe « DYS » désigne les difficultés de fonctionnement :

« DYSPHASIE » s’applique au langage oral

« DYSLEXIE » à la lecture, entraînant le plus souvent

la dysorthographie

« DYSCALCULIE » aux mathématiques

« DYSGRAPHIE » à l’écriture, au dessin

« DYSPRAXIE » au geste

NOTRE NOUVELLE CHARTE GRAPHIQUE-> un nouveau regard toujours tourné vers l’avenir

-> un nouveau logo plus lumineux

-> un nouveau slogan

Quel avenir pour nos enfants ?

On ne « guérit » pas de la dysphasie. Ce trouble perdure toute la vie. Son évolution varie d’un individu à l’autre. Les rééducations et la stimulation intel-lectuelle multiplieront les chances demener à bien une vie sociale et profes-sionnelle.

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édition Frédérique Scheibling-Sèvetranscription Laurence Lhombreaud, Isabelle Fortuna-Panayi Nathalie GrimarewritingIsabelle Fortuna-Panayi

Nathalie Grima Frédérique Scheibling-SèvecorrectionFrédérique Scheibling-Sèvemaquette Bernard Groh Frédérique Scheibling-Sève

LA DYSPHASIE EN 5 QUESTIONSNOS OBJECTIFS, NOS ACTIONS............... 2

Ouverture de la 8e Journée « INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS »Florence FAVREL-FEUILLADE, Vincent LOCH-MANN, Jean-Louis GARCIA et BéatriceGILLE........................................4

Le nouveau guide de la FFDYSRÉUSSIR SON ORIENTATION ET SA VIEPROFESSIONNELLE QUAND ON EST DYSOlivier BURGER et Nicolas BONNET.......8

PÉDAGOGIE POUR LES DYS, PÉDAGOGIE POUR TOUSFrancine LUSSIER........................ 11

MATÉRIEL ADAPTÉ, QUOI DE NEUF POURLESDYS ? Pascal MADJALIAN, Barnabé etChantal VALERI............................ 36

DYS MAIS ÉLÈVE AVANT TOUT, QUE PRO-POSE L’ÉCOLE ?Corinne GALLET, Georeges MAIRAND, MaryseBOURGEOIS-POULIN et Jacques BIRIN-GER....................................... 46

L’ADAPTATION DE L’APPRENTISSAGE DUCODE DE LA ROUTE ET DE LA CONDUITEAUX BESOINS DES DYSElisabeth JOSEPH, Sarah BENZAQUI, Marie-Emmanuelle IDIART et Catherine BUTIKO-FER.......................................62

SOMMAIRE LE MOT DE LA PRESIDENTE

Pour la 8e année consécutive, la FédérationFrançaise des Dys a lancé en partenariatavec la Fédération des APAJH la Journéenationale des Dys.

Aujourd’hui, cette Journée est attendue, elleest devenue incontournable pour toutes les as-sociations et relais en France et à l’étranger !

Les adhérents et les an-tennes d’AAD, aux côtésdes associations Dys ontété, encore une fois, trèsactifs dans la préparationde cette JournéeBRAVO et MERCI !

Prendre en compte au quotidien les enfantset les adultes porteurs de ces troubles,c'est le défi qu'affrontent toutes les fa-milles encore et toujours. Pour que cetteprise en charge ne soit plus un défi, des ou-tils, des organisations et des parcours d'ac-compagnement spécifiques restent àaméliorer ou à trouver.

Dans une logique d’accessibilité universelleet une société inclusive, retrouvez tout aulong de ces pages la Journée des Dys 2014 !

Nathalie GROH

REDACTION

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUSINVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

à la faculté de médecine du Kremlin-BicêtrePour Florence FAVREL-FEUILLADE, directrice du CHU duKremlin-Bicêtre, c’est grâce aux acteurs associatifs, au plusproche des familles et de leur quotidien, que l’information etl’amélioration de la prise en charge des troubles dys se déve-loppent en France. Elle évoque les progrès depuis 2007 :Lors de la 1re manifestation de cette Journée, le repérage et

la prise en compte des troubles cognitifs spécifiques, troubles du langage et des apprentissages,venait d’être inscrit dans la loi sur l’avenir de l’école, après avoir été reconnu dans le plan langageen 2001. Grâce à cette reconnaissance primordiale, les enfants scolarisés atteints de troublesdys, doivent aujourd’hui bénéficier d’adaptations pour compenser leurs difficultés. Pour les casles plus graves, il existe également des structures adaptées pour garantir un enseignement per-sonnalisé qui offre à l’enfant les moyens et le confort d’un apprentissage serein. Les projets per-sonnalisés de scolarisation et les adaptations assumées par les académies sont importants pouréviter l’échec scolaire et l’exclusion. Ces mesures et recommandations sont le fruit d’un travailpermanent d’information et de sensibilisation dont on voit aujourd’hui le dynamisme et la motivationpar l’organisation de cette Journée. De nombreux progrès restent encore à effectuer, en matièrede dépistage, de moyens de prise en charge et de recherche. L’enjeu des professionnels est de mieux prévenir, mieux identifier les enfants et adultes porteursd’un trouble dys, mieux les prendre en charge et les accompagner, eux et leurs familles,

A Bicêtre, le Centre Référence des Troubles des Apprentissages accom-pagne chaque année en consultation ou en hospitalisation de jour 1500 pa-tients dont près de 800 nouveaux patients. 35 d’entre eux sont des enfantsaccueillis au sein de l’unité de rééducation neuro-infantile dans une véritableécole à l’hôpital pour suivre un enseignement très spécialisé, même si lescrédits de recherche sont très difficiles à obtenir.Bicêtre continue à chercher des financements, de monter des projets, desactions d’informations et de sensibilisations afin de faire avancer la re-

cherche mais aussi de faire connaître, comprendre et reconnaître les troubles dys. Cette motiva-tion est puisée dans l’exemple des plus jeunes des patients, eux qui débutent dans la vie avec unhandicap qu’ils affrontent au quotidien avec une ferveur remplie d’espoir.

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Vincent LOCHMANN

Nous sommes très heu-reux d’être aujourd’huiau Kremlin-Bicêtreparce que cet hôpital a été un précur-seur, un lieu où il y a déjà longtemps, onaccueillait les enfants avec un troubledes apprentissages. C’est un lieu d’innova-tion et les professionnels qui ont été àl’origine (et encore aujourd’hui) sont despartenaires précieux.Pour Jean-Louis Garcia, « la Journée na-tionale des Dys, c’est un peu comme la fêtede la Musique », car plein de gens s’en sontemparée. Aujourd’hui en France, il y a eneffet de nombreuses initiatives en région : àLyon, à Marseille, à Strasbourg… y comprisdans le sud de l’Ardèche... Il est importantd’avoir cette proximité où les profession-nels de santé rencontrent les profession-nels de l’Éducation, les familles, lesprofessionnels de l’emploi pour échangerautour de ces jeunes et de ces adultes. Le deuxième point commun avec la fête dela musique est que c’est un moment convi-vial !

Jean-Louis GARCIA

On peut espérer, quel’Europe et même lemonde entier s’enemparent, commec’est le cas pour la fête de la Musique.C’est la 8e année que l’on travaille ensem-ble. C’est important de rassembler desmouvements divers, comme la Fédéra-tion Française des Dys et la Fédérationdes APAJH. Notre préoccupation, cesont les personnes que nous accompa-gnons, quelque soit leur âge. « Inventer pour les Dys, Innover pourtous », c’est agir pour améliorer la cité,la société, la rendre plus inclusive pourdes concitoyens en situation de handi-cap. Ce que la société fait pout eux estutile pour toute la société. Ce n’est pasune action communautariste : c’est uneaction d’intérêt général. La présence de Madame la Rectrice estla marque de l’intérêt que l’institutionÉducation nationale porte aux travauxque nos associations conduisent afin qu’ily ait plus d’égalité pour ceux qui ont desdifficultés et afin de mettre tout enœuvre pour que les moyens permettent,non d’effacer ces difficultés, mais d’al-ler au-delà des difficultés.

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUSINVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

Béatrice GILLE, rectrice de l’aca-démie de Créteil, représente laministre de l’Éducation nationale,de l’enseignement supérieur et dela recherche.

Elle exprime son soutien, son inté-rêt, mais aussi sa volonté d’agir.Pouvoir bien s’exprimer, bien com-prendre, lire, écrire, compter, seconcentrer sont des apprentissages

et des comportements qui sont à la base du cursus scolaire, mais aussi qui sont à la base de lasociabilisation des jeunes et de tous les comportements attendus dans notre société pourvivre, pour être en relation avec les autres, mais aussi pour travailler. L’Éducation nationaletravaille depuis de longues années à mettre en œuvre une prise en charge efficace de cesélèves qui ont des besoins particuliers.

CE QUI EST FAITET CE QU’IL RESTE À FAIRE !

1) Le repérage des élèves qui ont des troubles spécifiques du langage et des apprentis-sagesCe repérage doit se faire avec les professionnels, avec les familles. Il est extrêmement im-portant qu’il puisse se faire le plus tôt possible dans la vie d’un enfant afin que l’Educationnationale puisse, dès lors, s’adapter et non pas adapter l’enfant.L’inclusion scolaire est l’objectif premier. Depuis la loi de 2005, la priorité n’est pas simple-ment l’inclusion en terme d’accès, mais aussi qualitativement, une inclusion permettant à unenfant d’avoir toute sa place au sein de l’Éducation nationale ; ce qui signifie de mieux le pren-dre en compte, mieux le repérer, de faire des différenciations pédagogiques, d’avancer avecles parents, les familles, les professionnels pour mettre en place des aménagements qui per-mettent un suivi individualisé, mais qui permettent aussi son intégration dans le collectif qu’estl’école, car l’école est aussi une institution collective.

2) La formation des enseignantsIl y avait un déficit de prise de conscience, d’analyse, d’observation, de recherche sur cestroubles. L’Education nationale a donc un grand besoin de formation des enseignants. L’ob-jectif des enseignants est que tous les élèves réussissent à l’école, quels qu’ils soient etcomme ils sont. Il est essentiel de continuer à former les enseignants en formation initiale.Cela se fait désormais dans les ESPE, mais aussi en formation continue pour que l’intégralitédes générations d’enseignants ait été formée.

3) Les outils- Le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) pour les élèves qui sont en situation de han-dicap ;- Le Plan d’Accompagnement Personnalisé (PAP) pour les élèves dont les difficultés sont laconséquence d’un trouble des apprentissages ;

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

- Le Projet d’Accueil Individualisé (PAI) mis en place pour les élèves malades.Ces trois formes de projets/plans correspondent à des cibles différentes. L’Education na-tionale doit travailler avec les familles et les professionnels afin qu’ils soient le plus efficacepossible.- Le recrutement important d’AVS (Assistant(e)s de Vie Scolaire qui accompagnent lesélèves en situation de handicap deviennent des AESH, Accompagnant(e)s d’Elèves en Situa-tion de Handicap). Leur « CDIsation » devrait permettre de considérer qu’il est extrêmementimportant que ces personnels d’accompagnement soient stables.- Les ressources pédagogiques, les apports du numérique : on attend beaucoup des nou-veaux outils numériques, des transformations des modes de production et de diffusion del’information et des connaissances pour aider de façon très particulière les jeunes élèves quiont des troubles des apprentissages. Parallèlement, beaucoup de ressources pédagogiquessont en train d’être mises en ligne. Tout cela ne peut se faire qu’en partenariat, en collabora-tion très étroite avec l’ensemble des professionnels qui suivent nos élèves et l’ensemble desparents.

Il y a bien sûr encore des marges de progressions, mais il y a une véritable prise deconscience du Ministre et de l’institution scolaire, de l’ensemble des établissements sco-laires et de beaucoup d’enseignants sur ces questions. L’Education nationale espère beau-coup de ce type de Journée, du travail des associations, du travail des chercheurs pourprogresser.

Message de la part de Madame la ministre : « Croyez bien que la prise de conscience est faite !

Nous sommes décidés à continuer à agir de la façon la plus efficace possible avec vous ! »

Vincent LOCHMANN : « Vous pouvez compter sur nos fédérations pour être à la fois des par-tenaires, et si besoin des aiguillons ! »

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Olivier BURGER Je suis vice-président à la FFDYS en charge del’emploi et de l’insertion professionnelle. Je ra-joute souvent aussi du maintien dans l’emploiparce que ce n’est pas tout d’y accéder, il fautaussi y rester. Effectivement, je crois que c’estSacha Guitry qui disait : « à force d’être jeune,on finit par être vieux ». Donc on s’occupe desadultes ! J’ai choisi de faire témoigner un adulte concerné

par les troubles dys, Nicolas BONNET, qui estvice-président de l’association Tête en l’air, quiest membre de la FFDYS, et qui est un adulteconcerné par les troubles dys.

Nicolas BONNET En effet, je suis concerné par les troubles dyset je fais partie de l’association Tête en l’airparce qu’on a diagnostiqué à ma naissance ce qu’onappelle une hydrocéphalie, une maladie neurolo-gique qui se soigne, mais au quotidien n’est pasforcément facile à vivre parce que ce n’est pascomme quand on se casse une jambe ou un bras.Normalement, sauf cas particulier, la jambe oule bras se recolle et on peut le ou la réutilisercomme si de rien n’était. Or le cerveau, s’il estabîmé, cela entraîne des conséquences sur toutle corps et elles sont quasiment définitives. Ilfaut donc apprendre à vivre avec, essayer de ré-éduquer pour limiter les difficultés et être unmaximum accompagné. La devise de Tête en l’airc’est : « Alerter, informer, accompagner ». Ilfaut accompagner les parents et les enfants unefois que le diagnostic a été posé car ils sont un

Le nouveau guide de la FFDYSRÉUSSIR SON ORIENTATION ET SA VIE PROFESSIONNELLE

QUAND ON EST DYS

Olivier BURGERVice-président de la FFDys et DRH

Nicolas BONNETAssociation Tête en l’air

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peu perdus. Je n’ai pas eu la chance d’avoir étéaccompagné par Tête en l’air. L’association n’exis-tait pas. On s’est débrouillé un peu comme on apu avec mes parents. Cela a commencé très fort.J’ai été en maternelle en milieu ordinaire et à lafin de la grande section à l’issue des tests psy-chologiques et de la visite médicale, la directricede l’école a dit à mes parents : « Votre fils nepourra pas suivre une scolarité normale parcequ’il ne peut pas enfiler un collier de perles… »Cela fait rire aujourd’hui maisà l’époque, cela ne nous faisaitpas trop rire ! On était vrai-ment décontenancé. On a étébien aidé par mon kiné qui,pour la petite histoire est lepère du romancier, puis scéna-riste Yann MOIX que vousconnaissez peut-être. Il étaittrès concerné, nous a beau-coup aidé et nous a dit de nepas nous laisser faire et que nousavions le droit de demander une contre-exper-tise. Cette contre-expertise a été faite et aconclu que je pouvais suivre une scolarité nor-male, certes avec des aménagements, évidem-ment, mais que c’était possible. J’ai donc faitcette scolarité avec des aides pas nécessaire-ment réglementaires. C’était un peu du bricolageavec les outils plus ou moins existants et avecquelques adaptations par rapport aux règles sco-laires. Puis je passe mon bac avec un simple tierstemps, parce que c’était, paraît-il, la seule chosequ’on pouvait me proposer à l’époque. J’arrive àla faculté où je suis pris en charge par une infir-mière qui était une amie de mes parents. Elle mereçoit et me demande : « tu veux un tiers temps,mais pourquoi faire ? » Je lui réponds : « c’estpour dessiner les graphiques, les cartes » puisqueje faisais des études de langues étrangères ap-pliquées avec de l’économie et de la géographie.Elle me propose d’avoir une secrétaire, et là, jesuis tombé des nues ! J’ai demandé le ou la se-crétaire avec le tiers temps, par sécurité. Celas’est bien passé. Mais malgré tout, j’ai rencontréune conseillère d’orientation. On était en 2002-2003 et à l’époque il n’y avait pas la loi de 2005,

la RQTH et l’obligation pour les entreprisesd’embaucher des personnes handicapées étaitfaible. Elle m’a tout de suite dit qu’avec ma ma-ladie, je ne pourrai pas travailler dans le privé.Donc, mes parents m’ont un peu poussé – j’étaisun peu réticent au départ – vers la fonction pu-blique. Aujourd’hui, je ne regrette pas du tout !Alors, il y a 10 ans, j’ai passé deux concours : unpour l’Éducation nationale, sans trop de prépara-tion ; j’étais 5 points en dessous du dernier admis

à l’oral donc pour la premièrefois, ce n’était pas mal ! Le se-cond, un an après : c’était unconcours interministériel, pourle ministère de l’équipement(cela s’appelait comme ça),aviation civile, météo France,ministère de la justice, conseild’état et puis ce qu’on appelaità l’époque l’Institut Géogra-phique National. Au total, il y

avait 48 postes pour 9000 inscrits.On m’a dit après que 9000 inscrits cela ne faisaitque 4 à 5000 présents, mais quand même ! Jepasse donc les écrits sans trop y croire. Troismois après, je suis admis à l’oral. Je ne voulaispas y croire. Je passe l’oral. Nous étions encore700. Pas très convaincu par ma prestation, j’ap-prends 15 jours plus tard que je suis 53e sur laliste. J’ai donc attendu. On devait nous rappelersi une place se libérait. Au bout de trois se-maines, c’est finalement l’Institut GéographiqueNational qui m’a appelé pour me proposer unposte. Aujourd’hui, je fais de la comptabilité. J’aichangé plusieurs fois de postes, mais globale-ment, j’ai toujours fait de la comptabilité. J’avaistoujours peur et j’ai caché mes troubles. Aujourd’hui, je suis persuadé qu’il faut dire,aussi bien aux enseignants, qu’aux employeurs,qu’aux camarades, qu’aux collègues, tous lestroubles qu’on peut avoir. C’est vrai qu’il peuty avoir des moqueries. Mais si on ne le ditpas, c’est sûr qu’il y en aura. Si on le dit, il ya une petite chance pour que cela se passe unpeu mieux. Quand on comprend les choses,c’est plus facile !J’ai finalement expliqué ma situation. On m’a aidé

Le nouveau guide de la FFDYSRÉUSSIR SON ORIENTATION ET SA VIE PROFESSIONNELLE

QUAND ON EST DYS

Olivier BURGER

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUSINVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

plus ou moins facilement, plus ou moins volontai-rement, mais cela a fini par se faire et aujourd’huije suis très bien aidé, très bien entouré. J’aibeaucoup d’aménagements, d’autant plus que monétat de santé s’est un petit peu dégradé et on ena tenu compte. Donc, c’est très agréable. Je faisdonc de la comptabilité à l'Institut national del'information géographique et forestière et celase passe très bien.J’ai ensuite rejoint Tête en l’air où je suis vice-président.

Olivier BURGER Madame la Rectrice dit qu’« il faut former les pro-fesseurs », ce dont je ne vais pas parler aujourd’hui: dans l’emploi, il faut former les employeurs. Pourcette raison la FFDYS a édité deux livres :- Histoire de comprendre les dys en entreprise.C’est un livret pour les adultes dys qui sont en re-cherche d’emploi et aussi pour les employeurs. Onl’a appelé « en entreprise », mais c’est aussi utilepour la fonction publique. Les employeurs, les ma-nagers, les DRH peuvent lire ce guide et compren-dre comment intégrer et vivre avec un collègue,un collaborateur ou un chef dys. - le 2e livre, qui vient d’être publié, s’adresse auxjeunes dys et à leur famille : Réussir son orienta-tion et sa vie professionnelle quand on est DYS.Ce livre est unique car il se place du point devue des usagers, ce n’est pas un énième ou-vrage sur l’emploi des travailleurs handicapés.On n’y retrouve pas toutes les lois sur le sujet,sur les obligations des employeurs d’avoir 6 %de travailleurs handicapés… Ce sont 224 pagesde témoignages, comme celui que Nicolas vientde nous faire, on y parle de ce qui marche et dece qui ne marche pas. Par ailleurs, c’est le seul ouvrage qui traite de l’in-formation, de l’orientation, de la manière detrouver sa voie, de comment apprendre un métier,trouver un emploi. C’est une des grandes difficultésdes adolescents et des jeunes dys. C’est bien sûr unedifficulté en général de trouver sa voie, de trouverun métier, mais cela l’est encore plus, quand il y a plusd’obstacles, quand on est dys. On y parle aussi de l’autonomie sociale, de l’in-sertion citoyenne, en abordant le permis de

conduire, toutes les aides juridiques. « Réussirdans l’emploi » est le dernier chapitre.Une fois qu’on est dans l’emploi, que fait-on ? Quedit-on à ses collègues ? Est-ce qu’on cherche uneReconnaissance de Qualification de TravailleurHandicapé ou non ? Est-ce qu’on le dit à son DRH? Est-ce qu’on le dit à la médecine du travail ? Est-ce qu’on le dit à son collègue ? Est-ce qu’on le dità son chef ? Est-ce que le système de promotionsera différent ? Est-ce que le système des aug-mentations de salaire sera différent ? Enfin,toutes les vraies choses de la vraie vie, avec en-core une fois des témoignages d’adultes dys quisont dans l’emploi. Les associations de la FFDYSont interrogé environ 200 adultes sur le sujetpour arrivés à l’écriture de ce livre. L’Onisep est notre partenaire. Pour Hélène deCompiègne, responsable Handicap à l’Onisep. « cebouquin est une mine de renseignements ! » Hé-lène est pourtant une personne incollable surl’éducation, l’orientation et l’insertion profession-nelle ! Pour nous, c’est le plus beau compliment quel’on pouvait nous faire.C’est un ouvrage collectif « FFDYS ». J’animeun groupe de 11 personnes qui sont des représen-tants de la dysphasie, de la dyspraxie, de la dys-lexie et qui ont fédéré leurs efforts, ensemble,pour écrire 224 pages. L’élaboration de ce livre aduré 3 ans. En fait, on écrit la nuit ! Parce que lejour Nicolas fait de la comptabilité et moi je suisresponsable des ressources humaines dans unegrande entreprise. C’est pour cel qu’on a mis troisans au lieu d’un an, un an et demi comme nousl’avait demandé notre président !

Nicolas BONNETC’est vrai que nous avons pris le temps… tout lemonde a pris le temps de s’écouter, et toi, Olivier,tu as pris le temps d’écouter les avis de tous afinque toutes les contraintes de tous les troublesdys soient bien prises en compte pour réaliser ceguide précieux !

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

PÉDAGOGIE POUR LES DYS,PÉDAGOGIE POUR TOUS

Je me suis rendue compte qu’en fait j’accen-tuais les ecarts, c’est-a-dire que les enfantsqui etaient vifs progressaient tres rapide-ment et que les enfants qui etaient en diffi-culte progressaient moins rapidement. Maisles enfants qui etaient en difficulte me di-saient : « Francine, c’est la premiere annee ou je me sens bien a l’ecole » et pour moi, c’etaitun grand succes. Mais je restais preoccupeepar ces enfants qui avaient des difficultesparce qu’a ce moment-la (les annees 70), on neparlait pas du tout des troubles des appren-tissage. J’etais preoccupee par ces enfants,alors, j’ai entrepris une maitrise en Education,

pensant que le milieu de l’education allait m’ap-prendre a mieux aider ces enfants. Mais memea la faculte d’education, je n’ai pas entendu par-ler de « dys », de rien ! On parlait de pedagogie,de didactique, mais pas de « dys » ! J’en ai en-tendu parle lorsque j’ai decide d’aller suivredes cours de psychologie. C’etait un cours surAlexandre LURIA, un neuropsychologue russe,et j’ai eu comme un coup de foudre. Je reali-sais que si on avait des difficultes a apprendrequelque chose, c’est peut-etre parce qu’onavait des difficultes au niveau du cerveau ! Cepsychologue russe avait travaille aupres de po-pulation de soldats blesses par balle pendant la

Francine LUSSIER,CENOP, QuébecLe Centre d’EvaluationNeuropsychologique etd’Orientation Pédago-gique (CENOP) est spé-cialisé depuis 20 ansdans l’évaluation neu-ropsychologique et larééducation d’enfantsatteints de troublesd’apprentissages.

Vincent LOCHMANN : Vous avez fondé à Montréal un centrequi diagnostique, accueille, accompagne les jeunes qui présententdes troubles des apprentissages. Autour de nous, on a tendanceen France à se dire qu’on est toujours en retard par rapport auxautres, par rapport aux pays anglo-saxons, par rapport aux Pays-Bas, par rapport aux Québec… En quoi avez-vous innové et com-ment avez-vous inventé les cours pour un public particulier ?

Francine LUSSIER : J’ai fondé un centre d’intervention et d’éva-luation, mais j’ai d’abord été enseignante au secondaire, ensei-gnante au primaire. J’ai eu plusieurs vies. Donc, dans ma premièrevie pendant laquelle j’ai été enseignante, j’ai aussi été parmi cellesqui avaient des projets de pédagogie ouverte, avec les écoles à «ailes ouvertes » : j’ai créé une approche d’enseignement person-nalisé auprès des enfants dans une classe ordinaire. Donc, je ne faisais plus d’enseignement magistral pour les enfantsde 11 ans, je faisais un enseignement personnalisé.

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guerre, et qui avaient tout a coup des deficits :par exemple, ils n’etaient plus capables de parler,de comprendre, de mathematiser. Cela ressem-blait aux difficultes d’apprentissage de mes en-fants. J’ai donc decide de prendre une autreannee sabbatique pour aller enqueter dans le do-maine de la neuropsychologie. Et d’annee sabba-tique en annee sabbatique, finalement j’ai passeun doctorat...

Je parle maintenant en tant que neuropsycho-logue. J’ai travaille a l’hopital Sainte-Justinependant plusieurs annees, mais j’ai de la diffi-culte a travailler dans des structures institu-tionnelles, parce que cela ne va jamais assezvite a mon gou t ! Donc, j’ai decide d’ouvrir lecentre, centre d’evaluation, mais encore la, dansce centre, on faisait le diagnostic dyslexie, dys-calculie, dysphasie, deficit de l’attention, syn-drome de deficit non-verbal, et puis, on disaita l’ecole : « Il faudrait que vous fassiez celacomme ca ! Ca serait mieux pour eux. » Maisavant que l’ecole decide de faire ce qu’on leurdemandait de faire, c’etait encore trop longpour moi – je suis une hyperactive – donc j’aidecide d’ouvrir le centre d’intervention : centrede reeducation et d’approche neuropsycholo-gique. On y trouve des orthophonistes, des or-thopedagogues (qui est l’equivalent ici desenseignants specialises), des psychoeducateurs,des psychologues et des neuropsychologues.

Je tenais a vous presenter mon origine parceque j’ai une communaute avec les enseignants etj’ai aussi une communaute avec les parents carj’ai participe a beaucoup d’associations de pa-rents : des associations d’enfants dysphasiques(a ce moment-la, on les appelait les enfantsaudi-muets), a l’association des enfants quisouffraient du syndrome de la Tourette etaussi pour les enfants qui avaient des troublesdeficitaires de l’attention. J’ai beaucoup d’af-finites avec ces enfants differents. J’ai doncete aussi preoccupee notamment par les en-fants qui avaient des troubles du comporte-ment. Mon creneau est donc celui des enfantsqui ont des troubles d’apprentissage et des

troubles de comportement. Mais quand on parlede TDAH, des enfants qui ont des troublesdeficitaires de l’attention avec hyperactivite,on n’est pas loin de parler aussi des troubles decomportements parce qu’en fait, c’est comme caqu’on les voit. Ce sont des enfants impulsifs,donc qui coupe la parole et a qui on dit constam-ment : « Veux-tu te taire ! Tu vois bien que tuderanges tout le monde ! »Il y a 15 ans, j’ai propose a une de mes etu-diantes en doctorat de trouver une facon d’in-tervenir aupres des enfants qui ont un troubledeficitaire de l’attention.

J’ai donc prepare avec cette etudiante un pro-gramme d’intervention. On a travaille pendantune dizaine d’annees a peaufiner ce programme.Chaque annee, on recevait un petit groupe d’en-fants avec qui on travaillait et on repertoriaitles activites que les enfants aimaient bien, lesactivites que les enfants aimaient moins, etcelles qui ne repondaient finalement pas aux ob-jectifs qu’on avait prealablement fixes. Pendantune dizaine d’annees, on a procede comme en re-cherche : des pre-tests, puis des post-testspour valider notre programme. Mais commechaque annee on changeait de « traitement »,on n’a jamais pu demontrer, hors de tout doutecomme en recherche, que notre programmeetait efficace. Cependant, je suis une clini-cienne avant tout et je prefere observer plutotmon contact avec l’enfant, je regarde la reac-tion de l’enfant par rapport a ce que je luipresente, et je regarde surtout la satisfactiondes parents.Depuis cette annee, on recommence a cumulerdes donnees qui vont etre stables dans le tempspuisque le programme est definitif, comme ondit chez nous, il est « cane », cane comme uneboi te de conserve ! Une maison d’edition m’acontactee et elle a edite ce programme qui estdistribue ici par HOGREFE France (www.ho-grefe.fr).Actuellement, l’equipe de Mario SPERANZAa Versailles et l’equipe de Xaviere DUVILLIE au Quebec ont decide d’effectuer le travailde recherche sur le pre/post.

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Jean-Louis Garcia a dit : « on ne peut pas effacerun handicap, il s’agit d’aller au-delà ». Souvent,j’explique aux parents que quand on naît petit, onest petit. La seule chose qu’on peut faire c’est derapetisser ses meubles ou de mettre deséchasses, mais on naît ainsi. Certains voudrontmettre des échasses et avoir des meubles de lamême hauteur que tout le monde. Et puis il y aquelqu’un d’autre qui est mieux avec tous les meu-bles de sa maison adaptés à sa taille. Il faut vivreavec son handicap et chacun s’en accommode.J’aime mieux qu’on apprenne à vivre avec. On es-saie aussi de trouver des stratégies , mais il fautreconnaître que toutes les stratégies ne fonction-nent pas et que chaque enfant doit avoir des stra-tégies différentes. J’ai aussi bien aimé la phrasede Nicolas qui disait : « Si on ne dit pas qu’on a unhandicap, tous les autres vont s’en apercevoir etpuis vont rire de nous ; si on le dit, ils vont rire avecnous. » C’est un peu ce que je dis aux enfants : « Tuas un handicap... », mais je leur dis aussi : « J’ai unhandicap, je suis TDAH, j’ai été la cervelle d’oi-seau, j’ai été toujours chez la directrice, j’ai étéune fille qui allait toujours trop loin, qui faisaittoujours de trop, qui parlait trop, qui dérangeaittrop et ça ne m’a pas empêché finalement de fairedes études ». D’ailleurs je pense que j’ai fait mondoctorat pour prouver à tout le monde que jen’étais pas une tête de linotte comme tout lemonde me l’a dit. Cela me permettait de me croiremoi-même intelligente, parce que c’est sûr quequand on à un TDAH, on a l’impression qu’on ne faitpas comme les autres. Je peux vous garantir au-jourd’hui que OUI, je me suis donnée des trucs,mais j’ai toujours mon TDAH et si je fais tant dechoses dans ma vie, c’est parce que j’ai un TDAH,c’est grâce à mon TDAH. Donc, on vit avec, et tantmieux, et on essaye de l’exploiter. Ce grand préam-bule me permet de situer un peu le programme.

Je fais une petite mise au point : ce n’est pas une peda-gogie pour les Dys, mais plutot une perspective pourles Dys. C’est plus specifiquement pour les troublesdeficitaires de l’attention, mais cela s’adresse aussi atous les enfants. J’ai retenu le titre de votre sympo-sium : « Inventer pour les Dys, Innover pour tous ».

Le Programme d’Intervention

sur les Fonctions Attentionnelleset Métacognitives (PIFAM)

Qu’est-ce que la métacognition ? Ce terme signi-fie : est-ce que je connais mes mécanismes deconnaissances ? Quelles sont mes stratégies ? Est-ce que je saiscomment j’apprends ? Est-ce que je suis plus vi-suel ? Plus auditif ? Est-ce que c’est plus facilepour moi quand c’est du matériel verbal ou est-ce que c’est plus facile pour moi quand c’est dumatériel illustré ?C’est reconnaître ses propres stratégies d’ap-prentissages. Donc cela va être, non pas une pé-dagogie mais une prise de conscience, pour lesenfants, de leur manière d’apprendre. Commentce sera plus facile d’apprendre pour eux ? Je mesouviens d’une étudiante qui faisait son doctoratsur la dyslexie et qui cherchait des enfants «uniquement dyslexiques » sans déficit de l’atten-tion. Or le déficit de l’attention est la fonctionla plus fréquemment touchée dans tous les trou-bles neurologiques. C’est la première touchée,même quand on a un traumatisme crânien trèsléger. Donc, le déficit de l’attention touchebeaucoup d’enfants, cela se cumule avec les au-tres Dys.

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Donc, j’ai cherché à développer des outilsd’interventions capables de compléterl’usage de la médication ou d’en remplacerefficacement son usage. Mais cela n’est paspossible ! Je ne remplaçais jamais complète-ment l’usage de la médication. Un enfantTDAH avec une hyperactivité doit prendreune médication qui va avoir un impact positifsur à peu près 80-85 % de la population. Onva donc soulager 85 % de leurs problèmes etdonc soulager 85% des enfants. Mon pro-gramme n’est pas aussi efficace. En revanche,quand on enlève la médication, il ne reste plusrien et on retrouve pleinement le déficit del’attention. Mon programme est de dévelop-per chez les enfants des stratégies, ou deleur apprendre à développer pour eux-mêmes des stratégies qui vont compenserleur déficit. Quand on a commencé, je me suis renduecompte que les enfants très hyperactifs, à quion ne donnait pas de médication, n’avaient pasles capacités réflectives des enfants sousmédication. Rapidement, on a observé quel’enfant bénéficiait du programme s’il étaitsous médication. Mais bien entendu, les pa-rents ne sont pas toujours d’accord pour qu’ilsprennent une médication.

Le programme est élaboré sur la base dessystèmes théoriques qui accordent aux sys-tèmes frontaux un rôle prépondérant dansles mécanismes attentionnels.

Le niveau infra-attentionnel, c’est avantmême que l’on parle de l’attention. Il fautavoir un certain niveau d’éveil, de vigilance. Ilfaut aussi avoir ce qu’on appelle un mécanismed’orientation, c’est-à-dire qu’il faut être ca-pable de répondre aux stimuli qui nous sollici-tent ou avoir un minimum d’activation et unminimum de motivation pour être capable derépondre à une demande qui est faite.Ensuite, on a le niveau proprement atten-tionnel, c’est-à-dire l’attention sélective, l’at-tention divisée, l’attention soutenue.L’attention sélective est l’attention qui per-met de sélectionner seulement les informa-tions qui sont nécessaires en essayantd’éviter les informations superflues. L’atten-tion divisée est la capacité de faire deuxchoses en même temps. Le professeur parle,j’écoute et j’écris. L’attention soutenue estl’attention qui va permettre de rester long-temps sur un sujet. Aujourd’hui, vous êtes enattention soutenue et en attention divisée ! Ily a aussi le niveau supra-attentionnel qui fait

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partie des fonctions exécutives, qui sont né-cessaires à toute cognition. On a donc besoinde mémoire de travail : un espace mnémo-nique, mnésique, très limité, qui permet detraiter de l’information, qui permet par exem-ple de comprendre un texte quand on le lit, derésoudre un problème si on nous dit : « Deuxdouzaines de crayons coûtent 45 cents la dou-zaine, combien doit-on nous rendre de mon-naie si on paie 1€ ». Pour résoudre leproblème, on est obligé de garder les infor-mations en mémoire. Donc la mémoire de tra-vail est cet espace de mémoire qui estnécessaire pour résoudre un problème, pourlire et comprendre la lecture. La planifica-tion, anticipation c’est aussi une fonction queles TDAH ont beaucoup de difficultés à met-tre en place parce qu’ils ne voient pas les pro-blèmes, ils n’apprennent pas de leurs erreurs.Visualisation, internalisation du discours :on va aussi développer des fonctions qui nesont pas directement des fonctions exécu-tives, mais visualiser quelque chose pour ap-prendre à voir dans sa tête pour résoudre unproblème. Si on reprend l’exemple des deuxdouzaines de crayons, on peut la visualiser, lavoir dans sa tête. On sait que les TDAH n’ontpas beaucoup d’internalisation du discoursparce qu’ils sont gênés par tout ce qui setrouve à l’extérieur. Inhibition, autorégula-tion : il est incapable de réguler ses compor-

tements ou d’inhiberses comportements ouencore d’avoir unecertaine flexibilitécognitive.

Historiquement, il y adeux façons d’agirpour la rééducation enneuropsychologie. Laméthode Bottom Up(de bas en haut) et laméthode Top down(de haut en bas).Quand j’ai commencéen neuropsychologie,j’ai travaillé avec des

traumatisés crâniens, et à l’époque on travail-lait sur les troubles de l’attention. Par exem-ple, les troubles de l’attention sélective : onutilisait un ordinateur pour un entraînementrépétitif : rééducation assistée par ordina-teur, Neurofeedback, la stimulation de la mé-moire de travail (Cogmed). En fait, onentraînait la fonction. On faisait un pré-test,un post-test, et entre les deux, un traitementpar ordinateur et on remarquait qu’il étaitvraiment meilleur sur l’ordinateur après lasession de formation. En revanche, il n’étaitpas meilleur dans la vie de tous les jours.

Tandis que dans le Top down : au lieu de tra-vailler sur la fonction comme on l’a fait avecles traumatisés crâniens, on travaille sur lesfonctions qui gèrent les fonctions attention-nelles, les fonctions supérieures, du haut, quivont avoir une emprise sur les fonctions du ni-veau attentionnel proprement dit. On va doncgérer les troubles de gestion des processusqui sont requis pour le recrutement des res-sources attentionnelles. On va essayer de dé-velopper les fonctions métacognitives,développer des capacités d’autocontrôle etd’apprentissage de stratégies de résolutionde problèmes avec les enfants ou les jeunesadultes.

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J’ai utilisé le modèle de Pierre-PaulGAGNÉ, qui est un psychologue scolairequébécois.Il a eu la brillante idée d’utiliser des per-sonnages métaphoriques pour amener l’en-fant à mieux comprendre. En effet, si on parle à l’enfant d’anticipation,d’attention sélective, de gestion de l’infor-mation, cela n’a aucun effet. Tandis que luiparler de faire valoir le détective qui est enlui, de faire valoir la bibliothécaire qui est enlui, de faire valoir l’artiste qui est en lui, etc.,cela va lui parler et l’enfant va mieux com-prendre. Il faut s’adapter à son niveau decompréhension.

Pendant les 12 ateliers, les objectifs de ladémarche vont être : -> l’acquisition de stratégies d’apprentissageefficaces -> l’amélioration des habiletés d’autorégula-tion comportementale et cognitive-> le contrôle de l’impulsivité-> la résistance à la distraction-> de développer le langage intériorisé -> la gestion de l’information-> l’exécution séquentielle, avec méthode pourbien faire les choses-> généralisation à différents types d’activi-tés ou contextes

On fait de la rééducation mais elle doit être auservice des activités principales de l’enfant quisont celles d’apprendre.

La méthode Ce sont des ateliers laboratoires, en très petitsgroupes d’enfants, pas plus 6 six enfants à lafois, âgés entre 10 et 14 ans, car les enfants plusjeunes n’ont pas encore l’équipement cognitifsuffisant pour être capable de travailler sur lamétacognition. C’est pour cela qu’on a choisi lesdeux dernières années de primaires et les deuxpremières années du secondaire. Cela dure 1h30par semaine avec 2 intervenants parce que cesenfants sont en difficulté et par conséquent, et

chez les hyperactifs, il est toujours possiblequ’un enfant dérape. On doit être capable debien encadrer sans perturber le reste des acti-vités. Le rôle des intervenants consiste d’abord en unencadrement général, c’est facilitateur pourl’enfant qui est en échec. Naturellement, c’estadapté au TDAH, mais il peut se trouver dans legroupe un enfant avec une déficience intellec-tuelle, un enfant dyslexique, dyspraxique, bref,on se retrouve avec des enfants qu’on ne veutpas mettre davantage en échec. Donc, si l’enfantdoit lire un texte pour le comprendre et qu’il estdyslexique, on va lire le texte à sa place.

Le modelage Lorsqu’on effectue une activité avec les enfants,on leur montre comment faire. On verbalise àhaute voix ce qu’on est en train de faire dans satête pour s’assurer que l’enfant suit l’informa-tion qu’on est en train de se donner comme stra-tégie. On en tête l’utilisation de stratégied’auto-instruction. On a recours aux méta-phores, les métaphores étant les personnagesprésentés plus haut, puis on fait du renforce-ment positif. Je connais bien la problématiquedes TDAH et je sais qu’ils marchent avec les ré-compenses, donc on a décidé de fonctionneraussi avec des récompenses. Les enfants sontdes enfants et vous aussi vous marchez aussiavec des récompenses, quoique vous en pensiez !

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CONTENU DES 12 ATELIERSCONTENU DES 12 ATELIERS

- Atelier 1 : penser comme un génie. On va expliquer les connaissances du règlement defonctionnement des ateliers, comment un enfant doit fonctionner !On va aussi parler des intelligences multiples et découvrir les personnages.

- Atelier 2 : cerveau attentif et intelligent. On va expliquer à l’enfant ce qu’est un TDAH :qu’est-ce qu’il a !

- Ateliers 3 et 4 : entraînement des facultés de visualisation et de verbalisation.

- Atelier 5 : responsable de mes apprentissages. On va commencer à parler des person-nages, c’est le chef de chantier ou contremaître qui va être le responsable de ces appren-tissages et c’est l’enfant qui est le chef de chantier.

- Les 6 prochains ateliers vont correspondre à la découverte de chacun des personnagesqui vont aider l’enfant dans ses apprentissages.

- Et un dernier atelier de généralisation.

Fonctionnement des ateliersPour chaque atelier, il existe une feuille deroute (ordre du jour). La feuille de routepour l’enfant, par exemple, penser commeun génie, donne la liste des activités choi-sies pour cet atelier. À la fin de l’atelier,l’enfant évalue leur appréciation de l’acti-vité. Il utilise pour cela le petit thermomè-tre : s’il l’aime, il dessine le mercurejusqu’en haut et s’il ne l’aime pas, il le des-sine juste en bas.

Chaque atelier contient des activités jeuxpour découvrir nos forces et nos faiblesses.

Chaque atelier possède une mission et un défide la semaine. Dans les premiers défis, l’en-fant va être amené à choisir son propre défi.Par exemple, cette semaine, avoir tout monmatériel ou prendre soin de mon matériel.

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On lui suggère des idées parce que spontanément, il n’en a pas forcément. Mais, s’il a une idée,il peut la noter. On va aussi amener l’enfant à dessiner quelque chose qui va lui permettre delui faire penser à son défi.

Renforcement À chaque atelier, à chaque activité, il va pouvoir recevoir des « réflecto-dollars ». Contraire-ment à ce qu’on entend aujourd’hui « l’important est de participer », on va quand même parlerde performance. Tu réussis, c’est toi qui as gagné à ce jeu, donc tu as gagné le « reflecto-dollar ». Rappelez-vous qu’on a des enfants en difficultés et qu’ils ne gagnent jamais rien àl’école parce qu’ils ne sont jamais les premiers. On leur donc la chance de vivre cette expé-rience et comme on a 6 enfants pour 2 intervenants, on va être à l’affût d’un enfant qui negagne jamais rien et on va trouver des raisons de le faire gagner.

Il va gagner des « réflecto-dollars » s’il s’est bien évalué, s’il a été capable d’encourager sespairs, s’il a rempli sa mission ou s’il a bien réalisé son défi ou si je fais des erreurs, par exem-ple, si je me trompe de prénom.

On peut aussi perdre des « réflecto-dollars ». Dans le tableau, on peut perdre des « réflecto-dollars » si on refuse de faire l’activité, si on dénigre les autres et si on s’autodénigre aussi.Donc, l’enfant gagne des « réflecto-dollars » qu’il va cumuler au cours des douze ateliers etil va pouvoir s’acheter des récompenses au 12e atelier, au « marché des efforts ».

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L’évaluation À la fin de chaque atelier, l’enfantdoit s’évaluer. L’évaluation n’estpas seulement : « Est-ce que tu asété bon dans telle activité, maisai-je bien participé ? Ai-je fait uneffort ? Me suis-je impliqué ? »Si c’et le cas, il peut mettre «WOW ». S’il a été correct, il peutmettre « OK », puis « WOAN »ou « BOF ». C’est le langage des enfants ! En revanche, s’il s’est mis « WOAN » et qu’on l’a jugé « OK», cela veut dire qu’il s’est mal évalué, et donc il perd un « réflecto-dollar » ! En contrepartie, s’il s’estmis « BOF » et qu’on l’a jugé « BOF », il gagne un « réflecto-dollar » ! Pourquoi ? Parce que ce qu’onvise dans l’atelier, c’est la métacognition, c’est se connaître soi-même ! On ne peut pas supprimer ses« diseases », mais si on se connaît soi-même, on peut être capable de comprendre comment on ap-prend. Voilà comment l’auto-évaluation peut guider les enfants.

Le contrat d’engagementAprès cette première explica-tion, on va demander aux en-fants de signer un contratd’engagement. On leur ex-plique que c’est comme au tra-vail, on gagne de l’argent, alorson doit signer un contrat detravail.

L’hémisphère chouchouEnsuite, les enfants répon-dent à un questionnaire quiva les aider à déterminerleur hémisphère « chouchou». On fait un tour de tableensuite pour que chaque en-fant dise quel hémisphèreprédomine (ou non).

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« Un cerveau attentif » va permettre de découvrir les mécanismes de la cognition etde l’hyperactivité.

Tout le mode dit à l’enfant qu’il est TDAH, mais lui, sait-il ce que c’est ?

« C’est de la faute de tonpère ou de ta mère si tu escomme ça ? C’est mon pèrequi est comme ça. Ah bon,c’est de la faute de tonpère ? Et ton père, c’estde la faute à qui ? De tongrand-père ou de tagrand-mère ? »Alors vous voyez, on nepeut pas dire de qui c’estde la faute ! Il n’y en a pasde faute ! C’est commequand on a les yeux bleus :ce n’est pas de notrefaute, nos parents ont

tous les deux les yeux bleus.Cela peut aussi venir d’un problème pendant la grossesse, d’une maladie mais pas n’importe la-quelle, ou d’un accident. Si je me foule la cheville, je ne deviendrais pas TDAH mais si je tombesur la tête peut-être que oui !

En moyenne, il y a 3 garçons pour 1 fille.

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

Puis ils vont prendre conscience de leur propre condition neurocognitive.Ce sont les questions qu’on pose en général pour savoir si on a un déficit de l’attention ou unehyperactivité ou les deux.On va demander à l’enfant : « tu vas répondre à ces questions, mais tu vas aussi demander àtes parents de répondre, et également à ton enseignant.

L’enfant va être capable derépondre car il y a peu dequestions. Ensuite, on comp-tatbilise le nombre de pointsobtenus, puis on va discuterpour comprendre qui on est,pour comprendre ce qu’est ledéficit de l’attention. Est-ceque tes parents te trouventplus hyperactif ? Est-ce queton enseignant te trouve inat-tentif ? Dans quel cas ? etc.

Ensuite, ils vont dentifier leur mode d’attribution privilégié. C’est peut-être la mission la plus difficile que les parents vont devoir accomplir avec leur en-fant. Quel est le personnage que j’utilise le plus spontanément et lequel dois-je développer?

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUSINVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

On va poser des questions et on va demander aux parents d’aider son enfant à répondre.

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INVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUSINVENTER POUR LES DYS, INNOVER POUR TOUS

Les réponses vont donner lieu à un graphique.

On va pouvoir dire à Julien : « ton détective est très développé, mais ta bibliothécaire ou tonarchitecte le sont moins, tu as de la difficulté à planifier, alors on va essayer de regardercela d’un peu plus près ». Il va donc savoir sur quoi il va devoir travailler.

Ensuite, on va réaliser qu’on a le pouvoir de changer certaines choses.

Les deux ateliers suivants vont permettre de travailler sur la visualisation et la verbalisation(la boîte à outils), c’est-à-dire, l’élaboration des représentations imagées et le développementdu discours interne et externe.

Par exemple : être capable de se rappeler (interne) qu’on a un travail à faire et avoir lesbons mots pour le dire (externe).

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Des exemples d’activité :

1°) On raconte une histoire et on dessine une carte. Puis on va cacher la carte et il va essayerde se faire une image mentale de cette carte. Ensuite, on raconte une autre histoire et l’en-fant va faire le tour de l’île au trésor dans sa tête et à la fin de l’histoire, il va devoir dessinerun X à l’endroit où l’on est arrivé. Cela va nous permettre de savoir s’il a bien suivi son trajetde carte mentale. Et s’il l’a bien suivi, il gagne des « réflecto-dollars » !

2°) Voici un exemple de missionque l’on va donner aux parents.Combien y a-t-il de fenêtresdans ma maison ou mon appar-tement, en incluant le sous-sol? Ma réponse visualisée, ma ré-ponse vérifiée, la réponse vi-sualisée de mon parent, laréponse vérifiée de mon pa-rent. C’est un jeu pour tout lemonde et les enfants sont fiersde revenir en indiquant le scorede chacun.

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3°) Des mots aux idées des idées aux mots

Construction de Ditton À partir de blocs Légo, deux enfants sont mis dos à dos. Un des enfants détient une construc-tion déjà faite et l’autre les blocs. Celui qui détient la construction doit la décrire afin quel’autre enfant puisse la refaire à l’identique avec ses blocs Légo. Puis, ils vont changer derôle.Cela permet de développement le lexique spatial et représentationnel. – Les points cardinaux– Les formes (en croix, en T, en U etc)– La tridimension (nombre d’étages)On est dans le langage externe et on doit utiliser les bons mots.

Dans l’activité de verbalisation interne, « qu’en penses-tu ? Le mensonge de Sara », onva amener l’enfant à discuter du problème de Sara, à réfléchir sur ce qu’il aurait fait lui-même.À partir du cinquième atelier, « Le contremaître de mes apprentissages », on va toujoursparler des étapes de la réflexion, où chacun des personnages métaphoriques est abordé.

Je m’arrête, je réfléchis,j’observe, j’analyse, je mepose des questions corres-pond à la tâche du détective.

Je mémorise, je classe l’in-formation, je cherche l’in-formation classée, c’est latâche de la bibliothécaire.

J’explore les différentesfaçons de trouver une solu-tion ; je suis inventif, c’estl’artiste.

Je me fais un plan ; j’orga-nise mon travail : c’est l’ar-chitecte.

J’exécute minutieusement mon plan : c’est le menuisier.

Je me vérifie, je me corrige : c’est le contrôleur.

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Les fonctions ciblées par l’intervention sont les suivantes :

- Le détective correspond à l’attention sélective- La bibliothécaire : catégorisation, métamémoire et stratégies mnémotechniques- L’artiste : la flexibilité cognitive et la créativité- L’architecte : la planification et l’organisation- Le menuisier : le traitement séquentiel de l’information- Le contrôleur : les mécanismes d’inhibition comportementale et/ou cognitive.

Voilà ce qu’on va dire à l’enfant : à quoi sert ton détective ? Mon détective m’aide :

- à détecter des indices c’est-à-dire à bien observer, à me parler de ce que je vois.- à cibler l’information importante, c’est-à-dire à me concentrer sur les détails impor-tants et à oublier ceux qui ne le sont pas !

Chaque semaine, l’enfant va devoir remplir une nouvelle grille et compléter la sé-quence de la réflexion.

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L’enfant inscrit les trois numéros des trois personnages de gauche qui ont servi à construire lepersonnage de droite. Donc, on travaille l’attention visuelle sélective.

La bibliothécaire :

Voici un petit jeuqu’on utilise pour dé-velopper l’attentionsélective. Il faut re-trouver les éléments(cheveux, cou,barbe…) qui ont servià créer un nouveauvisage.

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Un enfant TDAH n’est pas un enfant de « mots » mais un enfant d’action. Donc, les mots quevous voyez sur la diapo sont à peu près les seuls qu’on lui dit, sinon, tout est dans l’activité.

L’important est qu’à chaque activité de dire à l’enfant : pourquoi as-tu réussi ? Qu’est-ce quifait que tu as réussi ? Ou même, qu’est-ce qui fait que tu as échoué ? Qu’est-ce que tu pensesque tu aurais pu faire pour ne pas échouer ? Que crois-tu qu’il ait manqué à ton projet pourque tu réussisses ? Les enfants vont le découvrir à travers l’échange, et c’est le plus impor-tant. Je peux bien évidemment leur donner des stratégies, mais l’enfant peut en découvrird’autres qui lui sont efficaces, que je n’ai pas, à travers les échanges avec les autres enfants.Ils n’ont pas peur d’expliquer ce qui leur a manqué, parce qu’il n’y a pas de sanction à l’échec.

Exemple : les enfants sont deux par deux ; l’un a un chronomètre et l’autre apprend les mots.

Quand celui qui apprend les mots pense les savoir tous, il demande à l’autre d’arrêter lechronomètre. Il écrit les mots. Souvent, il ne les a pas tous. Puis, ils échangent leur rôle etl’autre va essayer d’être meilleur. Puis, lorsque tout le monde a fait l’activité, je fais aussil’activité. J’essaie de classer les mots, de trouver une logique. Puis, je dis à l’enfant d’ar-rêter le chrono. Souvent, je ne mets pas plus de temps qu’eux. Puis, un enfant me dit : « jeles sais moi aussi ». Alors je lui demande : « mais comment se fait-il que tu les saches alorsque c’est moi qui les ai appris ? » En fait, l’enfant va découvrir que l’apprentissage se faitlorsqu’on se donne des stratégies. Il va être capable de tous les écrire. C’est très rarequ’un enfant ne retienne pas les mots que je lui ai montrés ! Lorsqu’on lui demande commentil a fait pour retenir les images, il répond : « je me suis fais une histoire ». Et souvent,l’autre dit : « c’est bien, je vais essayer ça la prochaine fois ».

Même chose pour les images. L’enfant va faire faire l’activité à ses parents. On lui dit : « tu chronomètres ton parent et tu nous diras qui a été le plus rapide ! »

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Avec l’artiste, on va travailler sur les illusions d’optiques, pour leur montrer que parfois, ilfaut voir les choses de façon différente.

Exemple : combien cet éléphant a-t-il de pattes ?

Avec l’architecte, il va devoir planifier une fête de kermesse à l’école, c’est-à-dire réfléchirau projet, faire son plan d’organisation, prévoir les étapes à accomplir, un budget, les condi-tions atmosphériques et estimer le temps d’exécution.La mission s’appelle « la cantine de l’olympiade ». Vous proposez un projet de prise encharge de la cantine pour l’olympiade de l’école. Vous devez prévoir et justifier les achats dedenrées.

On leur fournit une calculatrice. Je rappelle qu’on est deux ou trois intervenants pour deuxou trois équipes, donc on suit les équipes. Les enfants adorent, alors que c’est la mission queje trouve la plus compliquée. J’ai décidé de la conserver parce qu’à l’évaluation, les enfantsmettaient des +++++ au thermomètre. Cela les oblige à s’organiser.

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Avec le menuisier, ils vont apprendre à exécuter un plan en respectant les étapes, à biens’organiser et travailler avec précision et à utiliser les bons outils.

Voici l’exemple la maison, mais on fait aussi de l’origami qui demande beaucoup de précisionet quand on a des enfants dyspraxiques, cela donne parfois n’importe quoi, mais les enfantsaiment cette activité ! Même un enfant dyspraxique aime bricoler, même un enfant dys-lexique aime lire !

Avec le contrôleur, l’enfant apprend à se contrôler.

La mission de l’enfant est decompter une série de pièces demonnaie. Tous les autres enfantsautour de la table doivent l’empê-cher de compter. Ils n’ont pas ledroit de le toucher, mais ils luidisent n’importent quoi, le déran-gent. Quand l’enfant a fini la mis-sion, on voit ce qui lui a permis deréussir sa mission ou au contrairece qui l’a fait échouer. Par exem-ple, des facteurs émotifs peu-vent faire perdre l’attention.Ceci étant dit, vous avez tous desdéficits de l’attention. La diffé-rence entre le TDAH et vous, va être le nombre de fois où cela vous arrive ! Tous les enfantsbougent mais celui qui bouge trop, c’est juste trop ! Un enfant peut avoir un déficit de l’at-tention et/ou une hyperactivité, et comme tout le monde, on a, à un moment donné, une perted’attention.

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Le dernier atelier correspond à la généralisation.Les enfants vont être amenés à construire une maquette pour essayer d’illustrer tout cequ’ils ont appris pendant ces ateliers, sur les personnages, etc.

Pendant ce temps, une étudiantes gèrent le marché des efforts avec les récompenses. À tour de rôle, chaque enfant va aller s’acheter des récompenses avec ses « reflecto-dol-lars ». Ensuite, je vais rencontrer chaque parent pour leur dire comment j’ai trouvé leurenfant, ce qui pourrait encore être fait, car il faut bien se rappeler qu’on ne change pasleur enfant, il a toujours son TDAH. On essaie de trouver des pistes pour améliorer la si-tuation et en général, même si je n’ai pas beaucoup de temps à leur consacrer, les parentssont contents de pouvoir avoir eu ce feedback, de leur enfant à l’école.

QUESTIONS DU PUBLIC

--> Y-a-t-il des initiatives similaires en Europe ?

Francine LUSSIER : J’ai déjà donné 6 sessions de formations. J’en ai donné une hier etavant-hier à Paris et demain, je suis à Lyon. Ces deux jours de formation permettent auxpersonnes qui les suivent d’être capable d’intervenir. C’est complet à Lyon mais il reste desplaces à Marseille. Pour avoir des places, il faut appeler la maison d’édition HOGREFE (c’estune maison d’édition qui est en Allemagne mais il y a une succursale à Paris). J’ai rencontréd’autres équipes qui connaissent Pierre-Paul Gagné et qui travaillent aussi avec cette ap-proche.

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--> Vous avez parlé des enfants de 10 à 14 ans. Existe-t-il l’équivalentpour des enfants plus jeunes ?

Francine LUSSIER : Pour les enfants plus jeunes, des programmes ont été élaborés autourdes animaux. Mais plus jeune, l’enfant n’est pas prêt pour la métacognition ; Il faut utiliserdes allégories autres et avec les animaux cela passe bien.

--> Je suis enseignant en école élémentaire. Je souhaiterai savoir si jepeux transposer ceci dans ma classe.

Francine LUSSIER : Non ! En fait, j’ai répondu non un peu vite. Je suis la dernière à direnon à une innovation pédagogique parce que je trouve que donner à ses enfants qui ont desdifficultés un espace où ils vont pouvoir s’exprimer, c’est important ! On n’est pas gêner des’exprimer devant d’autres enfants qui sont aussi en difficulté. Oui, cela pourrait s’exploiterdans une classe, c’est du matériel qui est disponible, ce sont des activités jeux. Mais ce quiest important c’est qu’ils soient capables de parler sur leur cognition et non qu’il soit bondans mon jeu ! Et dans une classe de 25 enfants, parler de cognition cela va intéresser deuxenfants et les autres vont trouver le temps long ! Cela ne peut pas non plus être individuel,car on a besoin de l’interaction avec les autres enfants. Le petit groupe est là pour enrichirles stratégies des autres enfants. Je fais beaucoup appel à : comment as-tu réussi ? Com-ment as-tu échoué ? Et avec 25, ce n’est pas possible !

--> Cela pourrait s’exporter en petit groupe de soutien ou en activité pé-dagogique complémentaire ?

Francine LUSSIER : Dans ce cas, oui.

--> Je prends comme exemple un enfant TDAH qui a un suivi et une prisemédicamenteuse. Mais si les parents refusent la prise médicamenteuse,l’enseignant est désarmé car à mon avis la rééducation seule n’est pas suf-fisante. Y-a-t-il des enfants TDAH qui passent entre les mailles du filetet qui font des études normales ?

Francine LUSSIER : Je suis TDAH, j’étais 12e, 18e, 35e, 3e, 22e, j’avais des résultats endents de scie ! J’ai eu moi-même des difficultés, pas trop de difficultés d’apprentissages,mais des problèmes de comportement. J’étais souvent chez la directrice parce que je n’avaispas été correcte. Je pense que j’avais un TDAH assez sévère, mais j’étais très encadrée àl’époque où j’ai étudié dans un établissement religieux. Le matin, on se levait et on disait : «mon petit Jésus, je vais être bien gentille toute la journée » et avant de partir on disait : «mon petit jésus, je n’ai pas été très gentille, etc ». Et je ne voulais pas revenir à ça, carchez nous, on n’en est plus là. Alors j’ai cherché comment faire réfléchir l’enfant d’une façon.Je lui demande directement : « qu’est-ce que tu aurais dû faire pour mieux réussir ? » Jedonne un espace où je permets à l’enfant de réfléchir.

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--> Avez-vous des programmes de développement pour les plus grands, àpartir de 14 ans ?

Francine LUSSIER : Il existe aussi un programme pour les plus grands. Lorsque j’ai dit10-14, c’est pour que le groupe reste homogène. Un enfant de 10 ans et un enfant de 14ans vont bien ensemble. Un enfant de 10 ans avec un enfant de 15 ans, ce n’est déjà pluspossible ! Les enfants de 15-16 ans ont besoin d’être ensemble. On ne l’a pas testé encore,car on avait peur qu’ils trouvent les personnages trop bébé ! Mais, lors de mes deux jour-nées de formation pour apprendre à manipuler tous mes ateliers, je fais jouer les adultes.Ils deviennent tour à tour des animateurs, des enfants, parce qu’on fait tous les rôles.Mêmes les adultes réalisent qu’ils peuvent réfléchir sur leurs mécanismes de cognition,car ils n’arrivent pas toujours à faire les activités, se laissent distraire, etc.

--> Le programme existe-t-il pour les adultes ?

Francine LUSSIER : Je suis spécialiste des enfants. Mais on reçoit depuis plusieurs an-nées maintenant des jeunes adultes avec des troubles des apprentissages. On peut fairece type de démarche cognitive, mais alors individuelle.

--> Est-ce que ce programme peut être adapté à tous les enfants quiont des troubles du comportement, même ceux dont l’origine des troublesseraient plus psychogène que cognitive ?

Francine LUSSIER : Je vais vous raconter une dernière anecdote. Un enfant était enévaluation. Le programme débutait et tout le monde avait dit à la mère que son enfantavait peut-être un déficit de l’attention. Ce n’était pas encore sûr car il était en évaluation.La mère a demandé à ce que son enfant aille aux ateliers. Finalement, on a déterminé quel’enfant n’avait pas de déficit de l’attention, mais plus un problème de motivation, doncpsychogène. Mais la mère nous a dit, depuis qu’il va aux ateliers, il voit l’école différemment.Alors, j’ai décidé de le laisser poursuivre. Un autre exemple : il nous est arrivé d’avoir dansun groupe un enfant souffrant d’un TDA mais qui s’accompagnait d’une déficience intellec-tuelle, ou d’un syndrome d’asperger ou bien d’un syndrome de la Tourette et cela s’est bienpassé avec le reste du groupe. Un professeur d’université m’a d’ailleurs demandé d’adapterle programme pour les enfants qui ont un TSA (trouble du spectre de l’autisme). Ce pro-gramme peut donc s’adapter à n’importe quel enfant qui est en difficulté d’apprentissage.

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L’APAJH et la FFDYS

Le réseau TAP Ile-de-France coordonner les soins, former et informer sur les troubles des apprentissages www.reseautap.org

L'association DFDwww.dyspraxies.fr

L’association APED

A

www.apeda-france

.com

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MATÉRIEL ADAPTÉ, QUOI DE NEUF POUR LES DYS ?

Pascal MADJALIANenseignant Service duMatériel Adapté pourl’Académie de Paris

Barnabéjeune homme utilisantces outils

Chantal VALERIanimatrice APEDA

Chantal VALERIBarnabé, 19 ans, a réussi son bac Pro avec men-tion Bien ! Et aujourd’hui, il est en BTS. Et pourtant Barnabé est le garçon, qui lors dela 1re Journée nationale des Dys en 2007, duhaut de ses 12 ans, avait témoigné, expliquant,avec ses parents, sa dyslexie sévère, sa dys-orthographie et sa dysgraphie. Voici le chemi-nement de Barnabé et les aides dont il a pubénéficier depuis 7 ans : Barnabé a eu une sco-larité élémentaire cahotante, bien qu’en ma-ternelle cela se soit bien passé. Il a commencéen 2002 une prise en charge orthophonique,mais le diagnostic n’a été posé qu’en 2005, àl’âge de 10 ans : dyslexie sévère, dysorthogra-phie, dysgraphie, bilan logicomathématiquecomplet, des réalisations entravées par desdifficultés dans l’organisation spatiale du nom

bre, déficit de la mémoire, lenteur dans lesréalisations. Le diagnostic a permis de faire ensorte que les enseignants puissent vraimentcomprendre les problèmes, de mettre en placedans un premier temps un PAI et assez rapi-dement à l’entrée du CM2, un PPS. Il entre en-suite au collège Saint-Sulpice.

Barnabé J’ai commencé par bénéficier d’un taxi quim’emmenait au collège car j’habitais loin ducollège. Ensuite en 5e, je venais en taxi le matinet le soir je rentrais en transports en commun.Cela m’a permis de penser plus aux études etde moins paniquer avec un transport que je neconnaissais pas encore. Et progressivement,j’ai utilisé les transports en commun.

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Chantal VALERI Tu étais au collège Saint-Sulpice dans uneclasse dite « dys ». Qu’avait-elle de spéci-fique par rapport aux classes que tu avais fré-quentées auparavant ?

Barnabé Tous les élèves de la classe étaient dys et lesprofs étaient formés ou sensibilisés. C’étaitce qui se passait quand il y avait encore la direc-trice-adjointe Mme Quilici, que je remerciebeaucoup. C’est elle qui m’a proposé les aides, lesaides au contrôle, l’ordinateur, toutes les aidesque j’ai pu avoir pendant mes études.

Chantal VALERIC’est en 4e que tu as rencontré la MASESH ?Qu’est-ce que c’est ?

Pascal MADJALIAN La MASESH est la Mission Académique pourla Scolarisation des Elèves en Situation deHandicap. Au sein de cette mission acadé-mique se trouve un service qui s’appelle leSMA, Service du Matériel Adapté, qu’on re-trouve dans beaucoup d’académies françaises.Le SMA appartient à l’Education nationale.C’est l’Education nationale qui donne l’ordina-teur, ce n’est pas la MDPH. Et la différenceest très importante. Nous recevons des de-mandes de la part de la MDPH. Nous étudionsles dossiers qui nous sont proposés et nousavons des crédits qui nous permettent d’équi-per d’ordinateurs : près de 200 élèves par an.Barnabé est arrivé à la MASESH par l’inter-médiaire d’une demande de la MDPH. Nousavons analysé la nature de ses besoins en fai-sant notamment appel aux informations quinous avaient été transmises par les profes-sionnels du secteur médico-social et nousavons essayé avec nos moyens de mettre enphase un ordinateur qui correspondait vérita-blement à la nature de ses besoins pour com-penser son handicap.

Chantal VALERIEst-ce que cette mission académique existe

dans toutes les académies ?

Pascal MADJALIAN Dans toutes les académies, il existe des ins-pecteurs de la scolarisation et du handicap,qui sont là pour travailler autour du parcoursscolaire des élèves handicapés.

Chantal VALERIComment peut-on bénéficier d’un ordinateurà l’école ?

Pascal MADJALIAN La loi Handicap date de 2005 et la mise enplace du PPS est consécutive à la loi. Le PPSest réalisé au sein d’une équipe pluridiscipli-naire : l’élève, les enseignants, la famille, lesprofessionnels (ergothérapeute, orthopho-niste…). Elle va considérer les aides poten-tielles qui pourraient faciliter la scolarisationde l’élève, comme un ordinateur, un accompa-gnement humain (AEH, ex-AVS), un tierstemps. Il peut aussi être demandé l’adapta-tion des documents de manière à faciliter lascolarité. Tout ceci est transmis à la MDPHau sein de laquelle une équipe constituéed’évaluateurs (des médecins, des orthopho-nistes, des ergothérapeutes, des éducateurs)vont analyser le dossier et vont émettre desavis. Chaque année, environ 200 avis favora-bles sont donnés pour équiper d’un ordinateurles élèves handicapés de Paris.

Chantal VALERIQuels sont les logiciels qui ont pu t’aider ?

Barnabé Au début, il y avait juste un traitement de texte.Peu après, j’ai eu des difficultés à taper. On m’ainstallé Tap Touche, c’est un entraînement pourapprendre à taper. Je ne trouvais pas ça suffi-sant car je n’arrivais toujours pas à égaler la vi-tesse des autres élèves, donc j’ai demandéDragon Speaking qui m’a beaucoup aidé dans mascolarité. Il permet de dicter un texte et le logi-ciel l’écrit. Il est difficile à mettre en place car ilfaut que le logiciel reconnaissance notre voix.

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Chantal VALERIComment savais-tu que ce logiciel existait ?

Barnabé Un de mes camarades l’a testé avec son ergo-thérapeute, pour lui, ça ne convenait pas caril était aussi dysphasique et avait un problèmede prononciation, ce qui n’était pas compatibleavec le logiciel qui ne le comprenait pas.

Pascal MADJALIAN Attention aux listes à la Prévert. Il ne suffit pasde cumuler les listes de logiciels à mettre dansun ordinateur. Le parcours de Barnabé dans cesens est particulièrement exemplaire ; même s’ilme semble qu’en fait tu avais initialement TapTouche, car c’est un logiciel que l’on installesystématiquement, mais tu ne voulais peut-être pas l’utiliser ! L’apprentissage du clavierest fondamental. A partir du moment où on aun ordinateur, il faut savoir rapidement pren-dre des notes. Donc de manière systématique,nous installons un logiciel d’apprentissage duclavier qui va permettre à l’élève en autono-mie, mais également en collaboration avec sonergothérapeute, d’aller plus loin dans la pra-tique du clavier, et donc dans la rapidité deprise de notes. Quand nous écrivons nous pre-nons un crayon sans nous poser de question,nous savons tous que pour la plupart desélèves dys c’est une difficulté majeure, maistaper au clavier est aussi une autre difficulté.Il faut donc, encore là, travailler. Ensuitepour Barnabé, s’est posé un deuxième pro-blème. Même s’il tapait bien, il était capablede faire d’énormes fautes de frappe ou d’or-thographe. Evidemment, même si les produits,à l’heure actuelle, se sont améliorés dans lacorrection orthographique, ce n’est pas pourautant que son document sera, certes lisibleau sens graphique du terme, mais très illisibleau sens sémantique (car il est capable de dé-couper des mots comme il ne faudrait pas lesdécouper). Conclusion, nous mettons à disposition le lo-giciel de dictée vocale uniquement sur les re-

commandations des orthophonistes ou des er-gothérapeutes, qui sont les seuls à pouvoirévaluer ce besoin. Le taux de reconnaissances’améliore au fur et à mesure de l’utilisationet surtout c’est un produit qui propose au-jourd’hui une orthographe lexicale quasimentparfaite. Cela signifie que maintenant, lesidées de Barnabé sont des idées qui peuvents’écrire et peuvent être lues.

Chantal VALERIL’ordinateur est fourni avec une charte ?

Barnabé La charte est de ne pas installer de jeux nide vidéos. C’est un ordinateur de travail etnon d’utilisation pour les loisirs. J’ai eu desdifficultés puisque j’ai mis des vidéos sur monordinateur ; de temps en temps, ça arrivaitque les professeurs n’étaient pas là et je vou-lais profiter de l’ordinateur en plus.Mais je me suis fait tirer les oreilles ! Avantj’étais maladroit et que je n’avais pas unebonne protection pour l’ordinateur. J’avais un

appareil assez fragile alors que j’étais avecdes élèves plutôt excités et j’ai donc détruitun ordinateur. Les ordinateurs qui nous sont fournis audébut, ce sont des blindés ! J’avoue que je l’ai

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beaucoup maltraité. Je marchais dessus, jeme posais dessus, je m’allongeais dessus. Jel’ai fait souffrir. Maintenant j’ai compris, jeme suis habitué, je ne l’abîme plus.

Pascal MADJALIAN Cette charte est fondamentale. Cet ordinateurest un véritable outil de travail pour Barnabé, ilva lui permettre de montrer finalement ce qu’ila comme potentialité. Il peut s’amuser avec,mais à ce moment-là, il va s’asseoir sur son outilde travail. Depuis le début de l’année civile dejanvier à juin, sur les 6 premiers mois, nousavons eu 140 réparations. Sur ces 140 répara-tions, plus de 30% des ordinateurs, le chiffreest immense, n’avait jamais été utilisé pour tra-vailler avec. Dans ces cas-là, notre politique estextrêmement simple, nous les avons supprimés.C'est-à-dire que nous les avons récupérés pourles réaffecter à des enfants qui veulent travail-ler avec. Et sur les 30% restant, nous avons desélèves qui travaillent avec leur ordinateur maisqui nous les ramènent pour des pannes qui sontconsécutives au fait d’avoir utilisé des jeux, desplateformes de jeux en ligne, d’avoir fait dustreaming et finalement de nous avoir mis en si-tuation de piratage institutionnel. Je vous rap-pelle que le matériel appartient toujours à l’Etat.HADOPI existe encore ! Finalement 30%, uneminorité, risque de mettre en péril un dispositif,qui lui est important. Barnabé a réussi son bac.Nous avons eu pendant tout le mois de juillet, beau-coup d’appel disant « J’ai réussi ! Je l’ai eu ! ». Nousavons notamment la fierté d’avoir trois élèvesqui ont eu leur baccalauréat en utilisant la dictéevocale. Et sur les 3, il y en a eu 2 qui entrent àHypokhâgne !

Chantal VALERIComment aidez-vous le jeune à s’approprierl’ordinateur ?

Pascal MADJALIAN Ce sont les professionnels qui s’en chargent.Nous avons beaucoup de chance à Paris, carc’est à la fois une ville et un département, etdonc notre MDPH est finalement une maison

communale. Nous avons des liens très étroitsparce que la proximité géographique faitqu’on peut se déplacer sans trop de difficulté.Il y a notamment un réseau d’ergothéra-peutes qui accompagnent les élèves. La MDPHde Paris finance, à concurrence d’une ving-taine d’heures, des formations d’accompagne-ment d’ergothérapeute. Ceci est propre àParis. La grande disparité n’est pas au niveaudes académies mais au niveau des MDPH.Toutefois, les ergothérapeutes ne sont pasforcément formés aux nouveautés. Là encore,la proximité géographique fait que sur Parisnous accueillons chaque année les ergothéra-peutes et les principaux SESSAD, notam-ment à celui de l’APF, l’association desparalysés de France, au SESSAD de l’ADAPT(que certains connaissent car c’était le SES-SAD du Dr MAZEAU). Nous accueillons éga-lement des ergothérapeutes des plateformeslibérales que nous connaissons puisque que cesont eux finalement qui nous font des de-mandes de matériel et de logiciels. Conclusion, nous avons des séances de travailcommun qui nous permettent à la fois d’affi-ner au plus près les besoins des enfants, maiségalement de lancer des expérimentationssur des nouveaux produits, de manière à ceque nous ne soyons pas systématiquementsoumis au chantage d’internet, c’est-à-dire «J’ai lu sur internet que ce logiciel était ex-traordinaire ! », « Vous savez les tablettes,c’est fantastique ! Il faudrait qu’on ait une ta-blette ! » Expérimentons, testons et ne trai-tons pas ça de manière systématique. Chaquesituation est un bon exemple, chaque exempledoit être étudié et analysé.

Chantal VALERIExiste-il des logiciels préconisés pour lestroubles dys ?

Pascal MADJALIAN Non et oui. Non, parce que ce qui nous inté-resse c’est la difficulté de l’enfant entrantdans les apprentissages. Il a des difficultésà écrire physiquement. Il a des difficultés à

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écrire en terme sémantique, c'est-à-dire àexprimer ses idées. A chaque fois les produitsseront différents. Et il ne s’agit pas de jux-taposer les produits les uns sur les autres, caron rajouterait de la difficulté à la difficulté.Donc c’est de l’accompagnement qu’il faut enpermanence, de l’analyse véritablement. Undiagnostic est posé. Le diagnostic nécessiteun accompagnement. L’accompagnement vanous permettre de réfléchir, avec la personnequi accompagne, quel est le meilleur produitdans un premier temps pour répondre à sa dif-ficulté majeure.

Chantal VALERIDonc, un logiciel miracle ça n’existe pas ?

Pascal MADJALIAN Personnellement, je n’en connais pas. Je sais qu’ily a quelques éditeurs qui ont annoncé des pro-duits miracles. Et donc beaucoup de famille nousont demandé un produit miracle à 1 000 €, maistout le monde en est revenu... Non, il n’y a pas desolution miracle. Je crois qu’il y a simplement desproduits que les jeunes sont capables de prendreen main. Barnabé parlait de la dictée vocale.Nous en avons besoin de temps en temps. A lademande des familles, nous faisons les testsavec les enfants qui n’arrivent pas à prendre enmain la dictée vocale à cause de problèmes devoix, de problèmes d’expression, de prosodie. Laprosodie est parfois trop faible pour la recon-naissance vocale à l’heure actuelle. Conclusion, cesont vraiment des situations au cas par cas. Siune dictée vocale ne fonctionne pas, dans ce cas,un bon logiciel de prédiction peut être utile.

Chantal VALERIle groupe DYS du Gard de l’académie d’Aix-Marseille, composé d’enseignants, sous laconduite de Mme Canaque (IEN-ASH), a ré-pertorié une cinquantaine de logiciels et lematériel adapté pour les troubles dys : la dys-lexie, la dysphasie, la dyspraxie, la dyscalculie.Ils expliquent à quoi ils servent et quelle com-pétence est travaillée.

Pascal MADJALIAN Il faut aussi évoquer le problème de la stigmati-sation. Barnabé est allé dans une classe à SaintSulpice et nous avions à l’époque dans cet éta-blissement privé un dispositif novateur : il étaitavec des élèves qui comme lui pouvaient avoir unordinateur et travailler sur ordinateur. Maispour le collégien qui débarque seul avec son or-dinateur dans une salle où tous ses camaradesautour se disent « qu’est-ce qu’il a lui ? ». Et pourtant, aujourd’hui, les élèves qui ont réussileur baccalauréat et qui sont à l’université me di-sent « avant, on était les seuls à avoir un ordina-teur, et maintenant on est tous avec unordinateur à l’université ». Il y a donc un capassez surprenant après le bac : tout le monde ason ordinateur. Dernièrement, je faisais une pe-tite intervention à l’université Paris-Diderot, etface à moi, je n’avais aucun élève, je n’avais quedes écrans d’ordinateurs. Alors, j’étais très en-thousiasmé, et puis quelqu’un qui m’a dit « Tusais, ils sont tous sur Facebook ou sur leur boîtemail, ils te n’écoutent pas ». Bon, voilà, déception,mais c’est une réalité !

Barnabé Lorsque j’étais à Saint-Nicolas en bac Pro, lelycée a décidé de faire de notre classe, uneclasse entièrement informatisée. Comme il n’yavait ni charte ni personne pour vérifier les or-dinateurs, arriva ce qui arriva : les élèves ontréussi à trouver des jeux, des vidéos et finale-ment, ils ne faisaient que ça. On a utilisé les or-dinateurs pendant un mois, et petit à petit,chaque prof a dit : « je ne veux plus que vousutilisiez vos ordinateurs pendant mes cours ! ».

Chantal VALERIBarnabé, quels sont les logiciels que tu utilises ac-tuellement ? Que représente pour toi l’ordinateur ?

Barnabé Il n’y en a vraiment que deux que j’utilise, c’est Wordet Dragon Speaking, et plus rarement Antidote quiest un correcteur d’orthographe, mais c’est tout, jen’ai pas besoin de plus. Quant à mon ordi, c’est un se-cond moi-même, dont je ne me séparerai jamais !

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Chantal VALERI Montre ce que tu as dans ton sac à dos !Tous les jours Barnabé se promène avec toutce matériel dans son dos ! Vous le voyez au-jourd’hui, c’est un grand baraqué, mais il a étéun petit garçon !

Barnabé J’ai l’ordinateur qui est le plus important. Commeje l’utilise très souvent en cours, je suis obligéd’emporter le chargeur ; j’ai mon disque dur desauvegarde dans lequel je range mes cours, letravail que j’ai fait ; une clef USB en cas de be-soin de transfert de fichiers sans passer parmon disque dur qui est plus long et plus difficile

à utiliser ; un appareil photo pour pouvoir pren-dre tout ce qui a été écrit par le prof au tableausi je n’arrive pas à le noter ; un scanner pourprendre les cours de mes camarades, c’est beau-coup plus précis que l’appareil photo ; un casquepour pouvoir utiliser Dragon Speaking et unesouris pour pouvoir gérer l’ordinateur portableplus facilement qu’avec le pad, car c’est pluscompliqué pour moi. Il y a aussi les livres et unrange documents pour pouvoir classer lesfeuilles selon chaque matière. Donc au final, çafait plutôt lourd !

Pascal MADJALIAN Dans le cadre des aménagements, il est pos-sible de demander le double jeu de manuels,c'est-à-dire un qui reste à domicile et un quiaccompagne l’élève en classe. Une missionpour une association serait d’obtenir que tousles élèves handicapés bénéficient d’un manuelnon pas numérique mais numérisé, c'est-à-dire un produit qui serait un simple PDF avec

tous les logiciels de compensation du handi-cap. Un matériel numérisé lui permettraitd’avoir sur une simple clef USB l’intégralitéde son encyclopédie pédagogique. Ce seraitune vraie révolution.

Chantal VALERIEst-ce que tu es toujours considéré mainte-nant comme un dyslexique sévère ?

Barnabé Non, je suis passé de dyslexique sévère à dys-lexique moyen. Je ne vois pas trop ce que ça re-présente mais j’en suis content. Donc on peuttoujours s’améliorer, même si c’est compliqué. Jene sais pas si je pourrai aller plus loin, ça m’éton-nerait. Même si je transporte toujours un livreavec moi que je lis doucement. Ce livre, pour cer-tains ils le lisent en une semaine, pour moi, c’estau minimum deux mois.

Chantal VALERIQuel message avez-vous envie de faire passer ?

Barnabé Ce serait vraiment génial de prendre les courssur ordinateur avec un projecteur pour qu’en-suite les élèves puissent récupérer les cours oujuste avoir une écriture très lisible sur le ta-bleau. Ça serait vraiment le summum ! J’avais uneprof qui le faisait et c’était vraiment agréablepour tous les élèves, même s’ils recopiaient seu-lement. C’était plus lisible et plus simple. Et ceuxqui n’étaient pas là pouvaient ensuite reprendreles cours sans prendre sur un autre élève qui au-rait pu faire des fautes.

Pascal MADJALIAN Barnabé a tout dit. Avec la loi de 2005, beau-coup de choses ont changé. On le voit bien enfonction du nombre d’élèves que nous suivons,et qui arrivent à avoir une scolarité quasimentnormale, avec, comme Barnabé, la réussite àun examen. C’est pour nous fondamental.Reste maintenant, le dernier point, le plus dif-ficile, pour qu’ils aient une vie professionnelleaidée, accompagnée.

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--> J’ai plusieurs enfants dyslexiques,dont deux qui ont droit à un ordinateur.Un 12 pouces et un 15 pouces. Est-cenormal de donner des ordinateurs aussigros et aussi lourds ?

Pascal MADJALIAN Dans les académies, nous sommescontraints d’acheter dans un marché qu’onappelle interministériel. Nous avons doncdeux types de machines. Le marché inter-ministériel fournit l’ensemble des minis-tères de France ; c’est un ordinateur de 12pouces et un ordinateur 15 pouces demarque Lenovo. Les machines sont perfor-mantes. L’écart de prix est colossal entrele 15 pouces qui coûte 500 € et le 12 poucesqui coûte plus de 700 €. Il y a un différen-tiel tarifaire qui est extrêmement impor-tant. On préfère utiliser le plus gros pourl’école élémentaire car a priori l’élève n’estpas censé sortir avec son ordinateur aussisouvent qu’au collège. Alors qu’un collégiendoit le transporter dans son sac à doschaque fois qu’il change de salle. Il doit sipossible le ramener le soir puisqu’il a desdevoirs. Cela signifie que cet élève-là a ab-solument besoin d’avoir un outil de mobilité.Si vous effectuez une simple règle de trois,vous allez voir que c’est 200 € multiplié parun certain nombre d’élèves, cela peut êtreune économie relativement substantiellequi peut permettre d’équiper d’autresélèves. Donc ce n’est pas parfait.

--> Jai un Iphone et un Ipad avec lecorrecteur de mots Apple qui est justefabuleux. J’en ai essayé d’autres commeMedialexie, où il faut taper F15 ; c’esttrop fatigant et ça propose plusieurs so-lutions, alors qu’un dyslexique ne peutpas lire plusieurs mots quand il tape, ilfaut qu’il ait tout de suite le mot prédit.En plus, il faut qu’il s’adapte. Y aurait-ilun prédicteur de mots Apple ?

Pascal MADJALIAN Il faut se méfier des prédictifs avec lesélèves dys. La problématique du prédictifest que souvent il fonctionne pour des per-sonnes qui au départ ont un registre delangue et d’orthographe lexical qui est satis-faisant. Par exemple, le mot « pharmacie ».Avec votre prédictif, vous commencez parécrire le mot « pharmacie » avec un « f »,le prédictif ne marchera pas. Le prédictifdemande des compétences qui sont relati-vement complexes.

QUESTIONS DU PUBLIC

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--> En tant qu’enseignant en collège, j’ai dumal à savoir comment diagnostiquer le be-soin d’un ordinateur pour un élève. On es-saie de mesurer le bénéfice qu’on en attendet les difficultés que cela peut engendrer.

Pascal MADJALIAN C’est le rôle des missions académiques. Cesont aussi des enseignants qui sont sur le ter-rain et qui sont pour la plupart des ensei-gnants spécialisés avec des options qui leurpermettent de mieux maîtriser ces types derequêtes. Dans chaque académie, on a desaides à l’intégration : les professeurs res-sources. Vous êtes enseignant et vous remar-quez que cet élève a un certain nombre dedifficultés. Vous pouvez vous rendre compteque tout ce que vous essayez de faire ne fonc-tionne pas. A ce moment-là, vous essayez defaire appel à l’extérieur. C’est ça le rôle de lamission académique. Il y a des réussites, deséchecs. Il y a également aussi le fait que poserun diagnostic est très important. Nous avonsdes médecins scolaires qui peuvent envoyerl’enfant vers d’autres lieux. Le but du jeu estvéritablement de se demander dans un pre-mier temps « qu’est-ce qu’il n’arrive pas àfaire ? Pourquoi il n’y arrive pas ? » Une foisqu’on a ce questionnement, on va chercher ausein de notre institution la personne qui peutvous apporter un élément de réponse. En re-vanche, si elle ne peut pas le faire, elle va vousguider et guider la famille vers les personnesressources qui seront à même de poser véri-tablement le diagnostic. Ce qui vous permettrapar la suite d’aider l’enfant.

--> Je suis ergonome sur l’aménagement deposte des salariés chez Orange. Vous parlezd’accompagnement, cela signifie qu’il y a desformations ? Personnellement, concernantl’aménagement de poste sur Dragon, je faisvraiment très attention à comment la per-sonne va s’en servir, car effectivement ce

peut être un outil extrêmement fabuleux,mais qui peut devenir vite handicapant si onne sait pas s’en servir ou si on s’en sertmal.

Pascal MADJALIAN C’est pour cela que je soulignais le rôle des er-gothérapeutes qui ont un rôle extrêmementimportant. Sur Internet, un certain nombrede sociétés vendent des produits et proposentdes modules de formation qui peuvent êtreaussi intéressants. La société qui possède lemarché des logiciels éducatifs sur notre aca-démie a réalisé des modules de formationd’utilisation de Dragon. Elles sont d’une ex-trême simplicité et fonctionne bien. Cepen-dant, nous préférons que les élèves soientaccompagnés de manière régulière pendant uncertain temps par un ergothérapeute (la priseen charge financière peut être du ressort dela MDPH). L’accompagnement est fondamental.La problématique est encore plus importantedans l’entreprise. Nous avons un cas d’aideparticulière que nous suivons depuis très long-temps : la personne a intégré la Banque Popu-laire Caisse d’Epargne, mais n’a jamais vouluavouer qu’elle était totalement dyslexique. Fi-nalement il a fallu qu’elle fasse le pas pour de-mander un poste de travail adapté.

--> Mon enfant est a priori dyspraxique. Ilva avoir 6 ans et est en cours de diagnosticà Saint-Anne. Avant de trouver un établis-sement spécialisé ou une école spécialiséepour Dys, car ils ne commencent qu’en CE1,une ou deux années vont s’écouler. Est-cequ’on peut, en tant que parents, mettre enplace l’accès à l’ordinateur, afin de ne pasperdre de temps ?

Pascal MADJALIAN Dans un premier temps, attendez les conseilsde Saint-Anne. Si l’hôpital pose un diagnostic,peut-être aura-il aussi des solutions à vous

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proposer. Il vaut mieux travailler avec l’équipe avant de se lancer dans une expérimentationempirique en se disant « je vais l’aider à apprendre à lire avec un ordinateur ou je vais luiacheter une tablette qui va lui permettre de… » Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de pen-ser tout de suite à un établissement spécialisé, il y a des écoles inclusives. Depuis la loi de2005, des efforts considérables ont été réalisés. Sur notre académie, il existe des dis-positifs de troubles des apprentissages avec des enseignants qui sont formés et des en-fants qui sont intégrés dans des classes normales, et accompagnés. Il y a aussi desétablissements hors contrat, comme le CERENE, qui s’occupent d’enfants qui ont des pro-fils complexes.

L’association Avenir Dysphasie France Marie-France RICARD, Nathalie GROH, Martine ROUSEAU

et Valerie DE SIMONE

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CECIAA : conseils pour trouverles bons outils numériques www.ceciaa.com

Les éditions TOM POUSSE

spécialiste des troubles

des

apprentissages

www.tompousse.fr

Les éditions SERPODILE des cahiers pour dyspraxiques et dysgraphiquesserpodile.com

La plateforme internet A

idOdys

pour adapter les textes

aux difficultés de lectur

e

www.aidodys.com

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« DYS MAIS ÉLÈVE AVANT TOUT, QUE PROPOSE L’ÉCOLE ? »

Corinne GALLETformatrice troubles

spécifiques des apprentissages

INSHEA

Georges MAIRANDprofesseur de français

Maryse BOURGEOIS-

POULINenseignante

spécialisée Dys dans un collège

Jacques BIRINGERadjoint au secrétaire

général bureau national

APAJH

Corinne GALLETJ’ai été institutrice, puis enseignante spécialiséemaître E en RASED. Puis, suite au rapport Ringardde 2002, l’inspecteur d’académie de Seine-et-Marnea créé un Centre Ressource pour les troubles spéci-fiques des apprentissages. Durant plusieurs années,j’ai essayé de mettre en place ce centre ressource.J’avais l’avantage d’avoir un poste expérimental., à lafois, en tant que maître E, enseignante spécialiséeen prenant en charge des élèves dys et en prenanten charge des classes. J’ai commencé également àfaire de la formation pour les enseignants de la ma-ternelle au lycée, parce que je pensais qu’il fallait qu’ily ait une réflexion générale du parcours scolaire. De-puis 3 ans, je travaille à l’INSHEA, où j’anime diffé-rents stages de formation, notamment de 2 fois unesemaine, sur les troubles spécifiques des apprentis-sages. Cette année, un diplôme universitaire sur lestroubles spécifiques des apprentissages vient d’êtremis en place.

Maryse BOURGEOIS-POULINJe suis enseignante spé-cialisée. J’ai passé deuxCAPSAIS : un spécialisépour les enfants sourdset un spécialisé pour lesenfants souffrant detroubles du comporte-ment. Je suis ensei-gnante depuis 34 ans.J’ai été enseignante ré-férente durant 2 ans etdepuis 2009, je m’oc-cupe du dispositif ULISTSA de Blois.

Georges MAIRANDJe suis professeurde français à Bloisdans le même col-lège que MaryseB O U R G E O I S -POULIN. J’ai eu lachance de partici-per à l’élaborationet la mise en placede l’ULIS TSA dansle collège pour la 6e

année.

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Jacques BIRINGERCette table ronde composée de 3 enseignantsva tenter de répondre à 3 questions : com-ment prendre en compte la particularité desélèves ayant des troubles spécifiques des ap-prentissages ? Est-ce que les activités prati-quées en terme de prévention et depréconisations, d’adaptation et d’évaluationsont toujours simples à mettre en place ?Quelles aides peut-on apporter ou essayerd’apporter à l’ensemble des enseignants ?

Corinne GALLETLa prévention paraît très simple à mettre enplace, d’autant que depuis quelques années surle site CogniSciences.com, on trouve des outilsqui permettent aux enseignants de repérer lesélèves qui ont des difficultés de codage. Vousavez « l’outil OURA » (Outil de Repérage desAcquis en Lecture), « l’outil EL.FE » (Evalua-tion de la Lecture en FluencE) et « l’outil ROC» (Repérage Orthographique Collectif) quisont étalonnés du CP jusqu’à la 5e. Ce sont destests qui demandent très peu de temps à l’en-seignant pour pouvoir repérer les élèves quiont des difficultés de lecture. Je dis bien re-pérer et certainement pas diagnostiquer.

Actuellement, je travaille avec des circons-criptions qui l’ont mis en place de manière gé-nérale : c’est-à-dire que tous les enfants deCE1 le passent, et tous les enfants de CE2,CM1, CM2 continuent de passer ces tests.Cela permet de repérer les enfants dys et derepérer aussi des élèves qui ont des difficul-tés de lecture. Et d’ailleurs en fait, ce sonteux que l’on repère en premier. Les ensei-gnants ont reçu une petite formation sur : «Comment peut-on remédier aux difficultés enlecture ? ». Ainsi leur a été donnés des outilset également des démarches qui peuventfonctionner avec des élèves dys ou pas. A lafin de l’année, les enseignants font repasserles tests pour observer s’il y a eu des progrès.Les enseignants sont vraiment preneurs, pre-

neurs d’outils et de démarches : repérer c’estbien et donner des outils de repérage c’estbien. Mais ensuite, il faut mettre en place uneformation pour aider les élèves.

Certaines choses sont faciles à mettre en place etvont bénéficier à tous les élèves. Par exemple : vé-rifier les consignes données dans les livres etvoir si elles sont réellement claires ; donner dessupports aérés et adaptés ; proposer une policeoù les lettres sont un peu plus écartées, etc.Les dernières expérimentations ont montréque cela bénéficiait aux Dys, mais aussi auxautres lecteurs, pour lire beaucoup plusconfortablement. Être clair, donner desconsignes correctement, donner des objectifsd’apprentissage : tout cela va forcément bé-néficier à tous les élèves. Après, il y a effec-tivement d’autres adaptations qui peuventêtre beaucoup plus difficiles à mettre enplace. Par exemple, si on souhaite mettre dessupports avec des couleurs, c’est vrai que sion n’a pas d’imprimante couleur, cela va êtrecompliqué, parce qu’il y a un coût. Selon lesDys, les besoins en formation des enseignantssont différents : par exemple, il est préféra-ble d’avoir une formation pour les enfantsdysphasiques ou les enfants dyspraxiques, aurisque de faire des choses qui sont totalementinadaptées, même avec de la bonne volonté.

La bonne volonté ne suffit pas toujours, maisc’est un bon début. La bienveillance aussi.

Jacques BIRINGERMaryse BOURGEOIS, comment fonctionnevotre ULIS dys à Blois, qui est un dispositifun peu particulier ?

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Nos élèves sont reconnus en situation de han-dicap et sont donc orientés vers l’ULIS TSA.Les élèves ne sont pas inscrits en ULIS maisen 6e, en 5e, en 4e, en 3e. Il y a 16 élèves autotal : cinq 6e, quatre 5e, quatre 4e et trois 3e.

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Il y a par ailleurs d’autres élèves qui sont dansles classes qui n’ont pas eu d’orientation ULISTSA. Mais on est limité à 16 élèves, parce quecela génère 16 PPS, 16 orthophonistes et c’estdéjà très lourd. Les élèves vont en « cours or-dinaire », dans pratiquement tous les cours,sauf en anglais. Quand je dis ordinaire, il n’y arien de péjoratif, parce que le contraire d’or-dinaire, c’est extraordinaire. Je préfère celacar les enseignants ont souvent tendance àdire le « cours normal » ; cela voudrait direque le contraire est anormal. Donc je dis tou-jours ordinaire, parce que mesélèves, je pense qu’ils sont unpetit peu extraordinaire. Pourl’anglais, il existe un cours spé-cifique ULIS, basé sur l’oral,en utilisant des enregistre-ments. Ils vont en moyenne 1hpar jour avec moi sur le dispo-sitif ULIS TSA pour de la re-médiation et pour apprendreaussi à utiliser les outils decompensation. Un groupe d’en-seignants participent à ce dis-positif : Georges en a fait partie dès le début.Ils sont issus de l’enseignement ordinaire etsont partants pour travailler avec les élèvesdyslexiques en sachant évidemment que celademande beaucoup de travail. Ce n’est pas lemême professeur de français qui enseigne aux6e, 5e, 4e et 3e (même si Georges a quand mêmeles 6e et les 4e). C’est identique pour chaquematière, plusieurs enseignants sont impliqués.J’essaye de travailler en connaissant exacte-ment le contenu des cours ordinaires. On nepeut pas ajouter 5 h supplémentaires à desélèves pour faire de la remédiation s’ils n’envoient pas l’utilité directe. Je travaille aveceux sur les contenus qui sont abordés dans lescours ordinaires avec évidemment un niveaumoindre, mais le but est de les faire progres-ser jusqu’à un niveau de fin de cycle. Jusqu’ici,tous mes élèves qui ont eu le Brevet, et l’an der-nier, un élève l’a eu avec la mention Assez Bien.Il y a trois ans aussi. Donc, quelques-uns conti-nuent en 2de professionnelle et en 2de générale.

Jacques BIRINGER Comment cela s’est passé et se passe actuel-lement avec les autres enseignants du collège.Ont-ils tous adhéré immédiatement au dispo-sitif ou y a-t-il eu des difficultés, des freinséventuels dans la mise en place ?

Georges MAIRAND Ils n’ont pas tous adhéré immédiatement, maisje tire plutôt un bilan positif après 6 ans. C’estun collège tout à fait classique, avec effecti-vement des cours ordinaires et des profs qui

le sont aussi. Il y a eudes réticences au dé-part, pas sur le dispo-sitif par lui-même,mais plutôt sur la ma-nière d’appréhenderce type d’élèves. Jem’aperçois, étantpartenaire depuis ledépart, que même en-core aujourd’hui, j’aiencore du mal àconsidérer véritable-

ment ces élèves comme étant en situation dehandicap. Dans une classe ordinaire, intégrerquatre ou cinq élèves implique qu’il faut trèsbien connaître ce qu’est le handicap pour vé-ritablement pouvoir travailler. Pour le mo-ment, j’estime que je suis encore « enapprentissage ». Je fais certainement encoreaujourd’hui beaucoup d’erreurs, même si jesuis très fier des réussites. J’ai aujourd’hui lesentiment que c’est une évidence d’inclure lesélèves dys en classe et je ne suis pas le seul àle partager, parce que même parmi les col-lègues qui sont moins investis dans le disposi-tif, ils ont compris que c’était réalisable. Celanécessite bien entendu une remise en causepédagogique. C’est un métier qui peut très vitese scléroser et cela a été une bouffée d’airfrais l’arrivée de l’ULIS dans l’établissement…

Jacques BIRINGER Et le besoin de formation ?

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Georges MAIRAND : Personnellement, je n’ai pas eu de formation,sinon celle qui a pu m’être dispensée ponctuel-lement par les orthophonistes qui sont inter-venus dans l’établissement au début du projet.Ce qui m’a beaucoup formé, c’est de travailleravec Maryse. Il ne suffit pas d’expliquer cequ’est le handicap, il faut travailler ensemblesur quelles mises en œuvre pédagogiques ontbesoin les élèves dys. Et on s’aperçoit quecette mise en œuvre pédagogique est non seu-lement indispensable pour les élèves dys, maiségalement essentielle pour les autres aussi :la préparation des supports, la manière donton aborde les notions, etc. Il m’arrive encorede voir en salle des professeurs, des collèguesqui font une photocopie d’un texte tapé en po-lice 6, avec 8 documents sur une page A4parce que c’est écologique. C’est écologique,mais c’est illisible !

Jacques BIRINGER Comment concevez-vous ce changement depédagogie et de regard sur sa pédagogie et sapratique ?

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Les enseignants sont volontaires. Je ne peuxpas dire que c’est unanime, mais de manièremajoritaire les enseignants s’aperçoivent qu’ilsarrivent au bout d’une certaine tradition d’en-seignement, qu’il y a un renouvellement d’en-seignement à faire. A la fois, ils ne sont pasforcément satisfaits de ce qu’ils font, d’au-tant plus que les résultats internationauxmontrent en France un pourcentage importantd’échec. Parfois, il faut revenir au bon sens :lorsque je forme des enseignants, j’ai souventl’impression d’enfoncer des portes ouvertes.Quand je vois des enseignants prendre desnotes, cela m’affole parfois. Voici un exempleau niveau de l’orthographe par exemple : quandun enfant n’est pas capable d’écrire phonéti-quement, il faut arrêter de lui demander d’ap-prendre des mots par cœur, car il ne peut pasle faire puisqu’il ne possède pas encore tousles sons. Il faut segmenter : une connaissance

à la fois. Il faut repenser sa pédagogie, maisrevenir aussi à des didactiques d’apprentis-sage. Ce qui manque à l’heure actuelle, c’estvraiment ce lien entre la recherche qui avanceet l’enseignement. Parfois, il suffit d’unconseil pour essayer et s’apercevoir que c’està la fois simple et efficace. Mais quelquefoison oublie parce qu’il y a la pression du pro-gramme et on oublie aussi qu’il n’est pas faitpour être complètement appliqué et que toutle monde ne fonctionne pas à la même vitesse.

Jacques BIRINGER Dans votre expérience au niveau du collège,vous avez sans doute rencontré des difficul-tés, des limites, des freins dans la mise enplace de votre expérimentation. Dans quelsdomaines ?

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Evidemment, en raison du nombre d’élèves ac-cueillis, tous ne peuvent intégrer le dispositif.Ceux qui ne le sont pas sont donc intégrésdans les classes ordinaires. Mais il est compli-qué pour eux d’avoir des adaptations dans cesconditions. Je suis souvent obligée d’aller voirdes enseignants, avec qui je collabore depuisdes années et qui ont soudainement décidé decesser les adaptations, pour voir… Ce n’est pasfacile parce que je ne suis pas leur responsa-ble et je n’ai du tout envie de jouer ce rôle. Enmême temps, je ne vois pas comment lesélèves peuvent s’en sortir sans leurs adapta-tions. Et effectivement, ils viennent me voir,pour me dire « eh bien voilà, moi, j’ai eu 5/20», « moi, j’ai 4 », « moi, j’ai 3 ». Notre rôle auniveau du dispositif est d’aider à la mise enplace des compensations. Par exemple, pourles élèves qui doivent lire un roman, on l’enre-gistre et on leur donne l’enregistrement surun fichier audio, ils l’écoutent ainsi chez euxsur leur ordinateur. On enregistre aussi lescours d’histoire, de géo, d’éducation civiquepour leur éviter d’avoir encore à les lire. Oncherche des supports parallèles, je pense no-tamment à la B.D.: par exemple, Le Roman deRenart : c’est un ouvrage difficile de lire dans

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le texte, en revanche, en B.D., c’est plus ac-cessible. En B.D., il existe vraiment de petitsjoyaux, c’est très simple de les scanner et de lesmonter en diaporama. Les élèves adorent. Monrôle est de proposer des supports aux ensei-gnants car on connaît la charge de travail quecela représente. Il nous arrive de saisir les coursdirectement, sur les manuscrits donnés par lesenseignants. Ainsi, l’élève dysgraphique les aurasur clé USB et les autres, imprimés sur papier,toutefois, certains mots restent à écrire pourque l’élève reste attentif.

Jacques BIRINGER Comment l’enseignant vit le regard de son col-lègue sur ses pratiques ?

Georges MAIRAND Personnellement, j’en suis ravi. Depuis environ4 ans, les enfants qui étaient arrivés en 6esont passés en 5e, 4e, 3e. Maryse est doncaccaparée par le travail à l’extérieur du cours,parce que comme elle l’a expliqué, elle reprendavec eux à l’extérieur du cours certaines no-tions. Ce sont des élèves qui travaillent 2 ou3 fois plus que les autres.

En classe, j’ai la présence de l’AVS et son re-gard n’est pas du tout le même : il n’y a pas lamême expertise. Il n’y a pas aussi, je pense,la même possibilité pour l’AVS de me direquand je me trompe, même si cela arrive.Nous ne sommes pas toujours d’accord avecMaryse, mais je maintiens qu’il est possible defaire une séquence de 4e sur Les Lettres per-sanes à partir du texte de Montesquieu enadaptant, en expliquant, en oralisant, en pas-sant par l’image. Tout cela est possible. Enréalité, cela va devenir rapidement indispen-sable, parce que j’ai aussi des élèves qui sonten PAI Dys. Aujourd’hui, on commence vérita-blement à rentrer dans une individualisationdes parcours scolaires, donc nécessairement,les enseignants n’auront pas le choix. L’inclu-sion sera bientôt la norme et il faudra vérita-blement adapter. Ce sera la base du métier.Il faut absolument que tous les enseignants

numérisent tous leurs cours. Nous avons déjàles outils institutionnels, comme les EspacesNumériques de Travail. Les outils existentpour mettre à disposition des contenus parti-culiers. Ces outils ne sont pas forcément fa-ciles d’utilisation, mais dans 5 ans, au collège,les élèves en auront pris l’habitude, et les en-seignants pourront mettre à disposition descontenus spécifiques sur les plateformes detravail, les ENT.

Jacques BIRINGER Pouvez-vous expliquer ce qu’est un ENT ?

Georges MAIRAND L’ENT signifie Espace Numérique de Travail.C’est un ensemble intégré de services numé-riques, choisi, organisé et mis à disposition dela communauté éducative par l'établissementscolaire. L’équipe éducative, les élèves et lesparents se voit attribuer un identifiant et unmot de passe. Outre de permettre des ser-vices de gestion, comme le cahier de textes,la consultation des notes, et un outil de com-munication grâce à sa messagerie, c’est aussiun service de mise à disposition de ressourcesnumériques : c’est-à-dire qu’on peut y mettredes cours en ligne. Par exemple, les textesque Maryse enregistre pour les élèves del’ULIS, pourront servir aussi aux élèves quisont en grande difficulté.

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Je ne m’introduis pas dans les cours des profspour juger de leur pédagogie. J’y vais pour sa-voir exactement quel est le contenu, parceque je vais devoir reprendre des notions etqu’il faut que je comprenne pourquoi telle no-tion n’a pas été comprise, comment cela a étéenseigné et que faut-il que j’ajoute ? Ou queje supprime ? J’élague beaucoup car lestextes de français en 6e sont beaucoup tropcompliqués. Si on simplifie, on arrive à travail-ler sur les notions. Si je ne vais plus dans lescours de Georges (j’y suis allée pendant 4 ansen plus de mes heures de cours), c’est parceque je continue à aller dans les cours des nou-

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veaux professeurs qui entrent dans le dispo-sitif ULIS.

Jacques BIRINGER Est-ce que l’ordinateur serait un outil magiquefinalement?

Corinne GALLET Il n’y a de magie nulle part, ni dans les mé-thodes de lecture, ni avec l’ordinateur. Il n’ya pas de magie pour résoudre le handicap. Ilfaut vraiment faire attention parce que mal-heureusement les parents, les enseignantssont la cible des commerciaux. Un livre avecle mot dyslexie se vend trois fois plus qu’avecle terme « difficultés en lecture ».

Il y a des conditions qui doivent être pré-sentes pour que l’ordinateur soit utilisé lemieux possible. Michèle MAZEAU a écrit unlivre sur la dyspraxie, dans lequel elle abordeun peu les différents logiciels, la dictée vo-cale, l’ordinateur de manière générale. Elle aessayé de sérier les conditions premières afinque cet outil soit pertinent. La première desconditions est la connaissance des parents :c’est ce qui va faire en sorte que l’outil vaêtre plus ou moins déjà adapté à l’enfant. En-suite, il faut absolument voir quels sont sesbesoins, quelles sont ses difficultés et ce queva pouvoir compenser l’ordinateur. Et puis, ilfaut aussi que l’élève ait envie de cet ordina-teur pour travailler. Il y a environ 5 ans, avecune orthophoniste, on avait proposé à desélèves de collège la lecture d’écran (ou syn-thèse vocale). Les enfants correspondaientvéritablement à un type d’enfant qui compre-naient tout si on leur lisait des textes, il n’yavait pas besoin de simplifier. Donc, ils ontutilisé la lecture d’écran et un logiciel trèssimple d’utilisation. En 5 mn, ils se le sont ap-propriés, on leur a donc donné des petitsdéfis. On leur a montré que grâce à la lectured’écran, ils arrivaient à répondre à deux foisplus de question et qu’il y avait de grandeschances que ce soit beaucoup plus juste quequand ils lisaient le texte. On s’était dit que

l’ayant prouvé sur 2, 3 séances, cela devraitêtre bon. Il y a un élève qui s’en est saisi etun autre qui a toujours refusé d’amener l’or-dinateur en classe, bien qu’il sache très bienque cela lui permettrait de répondre auxquestions. Ce qui le préoccupait certainementc’était le regard des voisins, mais aussi celuides enseignants, et même des parents. Il n’ya donc pas de magie, et la dictée vocale avecDragon, cela fonctionne lorsqu’on a quelquechose à dire et quand on est capable de ledire dans un français écrit oralisé. Car sil’élève vous dit « bah voilà, Louis XIV, c’étaitun bouffon qui est à Versailles », il y a degrandes chances que l’ordinateur l’écrive telquel. Il va falloir aussi gérer la ponctuation :ce n’est pas le logiciel qui met les points, lesvirgules, les retours à la ligne, les para-graphes, et les retours à la ligne. Cela de-mande déjà une certaine gestion mentale.C’est un vrai apprentissage.

Jacques BIRINGER Comment les parents peuvent aider leurs en-fants ?

Corinne GALLETll faut déjà un encadrement de profession-nels, que ce soit l’orthophoniste ou l’ergothé-rapeute. Et puis, j’ai un rêve, c’est un peul’école des parents. Ce n’est pas l’école desparents pour apprendre à être de bons pa-rents, car il n’y a pas de bons parents et il n’ya pas de bons enfants. Mais en tout cas lesaider, les guider dans cette appropriation,afin qu’ils soient aussi impliqués. Certaines as-sociations parfois proposent ce genre d’aides,mais l’école doit réfléchir pour que les pa-rents puissent accompagner au mieux et quece ne soit pas réservé à une élite de l’infor-matique.

Jacques BIRINGER Est-ce que vous n’avez pas peur qu’à un mo-ment, l’outil prenne le pas sur la classe elle-même ?

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Georges MAIRAND Ah si ! D’ailleurs, je ne l’utilise pas en classe. Ilm’arrive de l’utiliser sur des travaux d’écriture,parce que c’est un outil extraordinaire pour tra-vailler sur le texte. Je parle en tant que profes-seur de français en général : l’outil informatiquea dès son apparition révolutionné le rapport autexte. On a un accès vertical au texte alorsqu’avant on avait un accès plus horizontal, plus li-néaire. Le fait que l’on n’écrive pas comme onparle contraint les élèves dys à essayer de pas-ser par une oralisation de l’écrit. C’est très com-pliqué, cela demande un effort intellectuelconsidérable. Il m’est arrivé aussi en maison d’ar-rêt, de travailler avec des personnes qui ne par-venaient pas à écrire et à se mettrementalement en moded’écriture. Il fallaitqu’ils écoutent leursphrases pour parlercomme un livre et en-suite la mettre sur lepapier. C’était compli-qué. De temps entemps, je rencontrecette même difficultéavec les élèves dys. Àl’intérieur de la classe,il me sert pour monsupport personnel : ce matin par exemple, j’aibien retenu ce qu’a dit Barnabé quand il indiquequ’il faut absolument passer par le tableau inter-actif pour que le cours soit lisible. J’écris trèsmal et j’ai aussi un matériel qui est un peu obso-lète. J’ai tendance à repasser au feutre et jeperds alors les élèves dys. L’outil informatiqueest intéressant pour cela. Je pense qu’il permetde nombreuses possibilités pour la mise enœuvre pédagogique.

Maryse BOURGEOIS-POULAINJe n’utilise que l’ordinateur. Mes élèves onttous un ordinateur dans la classe. Il y a plu-sieurs manières de l’utiliser. Il y a en effetdes outils de compensation comme la dictéevocale. Je leur apprends à l’utiliser pour lefrançais et pour les autres matières pour les-

quelles ils doivent répondre à des questions,comme en histoire-géographie. Ils ont le droitde souffler un peu et de se concentrer sur lecontenu. Je leur fais aussi beaucoup l’utiliserpour tout ce qui est conjugaison, grammaire,vocabulaire, parce que je leur donne unebanque de mots. Il suffit de double cliquer surle bon mot pour qu’il s’insère au bon endroit.Car quand on travaille le vocabulaire, on nefait pas de la lecture, on ne fait pas de l’écri-ture. Lorsqu’ils n’ont pas besoin d’écrire, ilsadorent le vocabulaire. Idem pour la gram-maire : en 5e, on travaille sur les expansionsdu nom. On n’utilise pas les termes « adjectifqualificatif, épithète, groupe nominal préposi-tionnel et subordonnée relative »… On rem-

place par « le bleu, l’orange, lerose ». D’ailleurs, propositionsubordonnée relative ou PSR, iln’y a pas plus de sens ! Cheznous, c’est bleu. Ils arriventainsi à écrire : sujet, verbe,complément. Puis sur le sujet,on va ajouter des expansionsdu nom « orange » : les adjec-tifs qualificatifs épithètes. Ilsréfléchissent : on ajoute durose et on a un groupe nominalplus étoffé, mais évidemment,

ils ne vont pas être capables d’indiquer si c’estune PSR. L’important, c’est qu’ils sachent cequ’ils ajoutent et j’utilise le traitement detexte de cette manière. Enfin j’ai un petit logiciel, qui s’appelle les « Lan-gagiciels », créés par l’INSHEA (www.langa-giciels.com), c’est un joyau.Avec « Corécrit », on peut travailler l’ortho-graphe. C’est pour mes élèves, le grand momentde la semaine. J’enregistre mes dictées, on les apréparées à l’avance et dans le logiciel, il y a ladictée sans faute qui est enregistrée. Ainsi, ilscomparent l’écrit qu’ils ont produit en écoutantl’écrit auquel il devrait aboutir.

Corinne GALLET Il y a une différence entre outils de compen-sation et supports d’activité qui effective-

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ment permettentde créer bien sou-vent une interfacequi est différentequ’être face à unenseignant : carquand c’est l’ordina-teur qui dit quec’est faux, lesélèves l’acceptentbeaucoup mieux.J‘ai repris la forma-tion au niveau del’INSHEA des «Langagiciels ». Onpeut dorénavant lestélécharger gratui-tement. Il faut sa-voir que cet outiln’est pas facilementmaniable. Il a étédéveloppé par l’as-sociation EcLire,composée à l’époquede personnels del’Éducation nationale : un professeur demaths, un professeur de français, des ensei-gnants spécialisés option E, option F deSEGPA et de milieu carcéral. Cet outil a étécréé pour faire du langage oral sur du langageécrit et sur les maths, et également pour per-mettre une appropriation du texte. Il com-porte 7 satellites qui travaillent des fonctionstrès spécifiques. « Corécrit » travaille l’or-thographe, « Césécrit » travaille la segmen-tation, « Ponécrit » travaille la ponctuation,etc. L’idée de cet outil, qui a déjà maintenantune vingtaine d’année et qui était à l’époquetrès novateur, était de travailler une compé-tence à la fois et ne pas demander de fairede l’orthographe, de la ponctuation ou autrechose en même temps. Quand on le télé-charge, on obtient une documentation tech-nique et des explications pas à pas pours’approprier chaque satellite. L’INSHEA pro-pose aussi des formations.

Jacques BIRINGER Comment les élèves dys sont-ils inclus dansles classes ordinaires de votre collège et enquoi le fait d’inclure les élèves dys apporte unplus aux autres élèves de la classe ?

Georges MAIRAND Effectivement ce qui se passe, c’est que sou-vent en classe, on demande de procéder à destâches complexes, en écriture par exemple :composer un texte. Le travail pédagogique,consiste pour les élèves dys d’essayer de sé-parer les différentes étapes, essayer de biendistinguer ce qui relève du champ d’une tâched’une autre, sur le vocabulaire par exemple.C’est juste de la pédagogie : analyser lestâches : comment j’organise mon cours et làeffectivement, les élèves sont tous gagnants.En réalité, c’est vraiment juste de la pédago-gie classique : c’est repenser la manière donton prépare son support pour qu’il soit acces-

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sible à tous, c’est organiser sa séance pourque l’élève puisse voir ce qu’il va devoir fairedans les 40 ou 50 mn qui viennent, que le coursne soit pas un espèce de grand désert qu’il vafalloir traverser et auquel on va essayer desurvivre. Essayer de poser, avec eux évidem-ment, une problématique qui soit simple et quisoit claire. En réalité, il ne s’agit pas du toutd’élèves en situation de handicap, c’est vraipour tous les autres élèves.

Jacques BIRINGERVous avez dit qu’en langue, c’était un peu spé-cifique. Cela signifie que lorsqu’ils sont inclusen classe, ils le sont dans toutes les matières,sauf en anglais ?

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Avec des compensations précises. Si on parle desmaths par exemple, il y a des compétences quecertains élèves dys n’auront jamais. Peu connais-sent les tables de multiplication, parmi tous lesélèves que j’ai accompagnés pendant 5 ans, un seulconnaissait ses tables : c’est donc une compé-tence à ne pas valider obligatoirement. Ce sontdes discussions que nous avons régulièrementavec les professeurs qui nous disent : « mais com-ment je peux noter puisqu’il n’a pas su faire ? ».Notre discours est : « il ne sait pas ses tables, onles lui donne ou on lui donne une calculatrice ». Ilfaut savoir dissocier chez les élèves dys lescompétences qu’ils peuvent avoir et celles qu’ilsne peuvent pas avoir. Que veut-on évaluer au-jourd’hui ? Est-ce la compréhension d’un pro-blème et savoir quelle opération on va devoirutiliser ? Le fait qu’il ne sache pas faire l’opéra-tion sans ses tables, ce n’est pas un problème. Ila réussi sa compétence puisqu’il a trouvé l’opé-ration qu’il devait effectuer.

C’est surtout du bon sens en fait, ce qu’on meten place pour les élèves dys. Ce sont des docu-ments lisibles, c’est le fait au début du cours derappeler où on en était la dernière fois. Parexemple, le professeur d’histoire enseigne aussila géographie et l’éducation civique. Mes élèvesne savent plus très bien dans quel cours ils sont.

Lorsque l’enseignante le redit systématique-ment, cela sert à tous évidemment, commed’avoir des supports lisibles, de la reformulation,de l’explication. Une anecdote : les élèvesétaient bloqués sur un problème de maths : «Mozart naquit en… ». Et en fait, ils ont bloquésur « naquit ». Ils avaient tous compris ce qu’ildevait faire dans le problème. Le professeur medit : « on considère qu’on doit savoir utiliser lepassé simple ». Effectivement, mais ce n’est pasce qui est évalué dans l’exercice de maths enquestion !

Jacques BIRINGER : On a évoqué l’évalua-tion, le sens de la note dans l’évaluation. Com-ment évaluez-vous vos élèves ?

Georges MAIRAND Lorsque je fais un devoir sur la fin d’un chapi-tre ou d’une séquence, il y a plusieurs évalua-tions. Quand j’évalue des compétencesd’orthographe par exemple, il m’arrive de nepas noter lorsque ce sont des élèves qui sontsévèrement touchés par la dyslexie et la dys-orthographie. Puis c’est une évaluation gra-duelle en fonction du niveau de l’élève, enessayant de plutôt valoriser l’élève.

Maryse BOURGEOIS-POULAIN C’est très important. Georges est attentif àce que même des enfants en échec en françaisaient une note qui les valorise suffisammentpour avoir envie de continuer.

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Nos élèves en situation de handicap ont tousun PPS dans lequel il est précisé, par exemple,la non prise en compte de l’orthographe, hor-mis dans la discipline orthographe. C’est untexte qui fait loi. C’est-à-dire qu’un enseignantqui n’appliquerait pas cette recommandationserait hors-la-loi. Obligatoirement, l’ortho-graphe ne doit pas être prise en compte endehors de la matière Orthographe.

Georges MAIRAND Il ne s’agit jamais de gonfler les notes ou deles arrondir : cela serait malhonnête. En re-vanche, il s’agit d’une adaptation, et donc derecentrer le devoir sur ce qu’on veut vérita-blement qu’il retienne. Éventuellement defaire parfois le deuil de compétences qu’on avues avec les autres élèves et qu’on ne verrapas avec cet élève, parce qu’il n’arrivera pas àavoir les trois compétences en même temps.Si on crée une surcharge cognitive, il n’y arri-vera pas. Mais si on ne travaille qu’une seulecompétence, il va pouvoir y parvenir. Dans lesbulletins scolaires, on spécifie à chaque tri-mestre que l’élève bénéficie d’une notationadaptée. Il y a malheureusement une vieilletradition en France qui fait que quand on ra-joute des points à un élève, on a l’impressionde voler l’État.

Jacques BIRINGER Quel type de formation de base chaque ensei-gnant pourrait bénéficier pour prendre encompte l’ensemble des difficultés des élèves ?

Corinne GALLET A mon avis, il y a des connaissances à avoir enneurosciences, légères, pas forcément impor-tante, mais en tout cas un minimum qui per-mettent de connaître le fonctionnement ducerveau. Cela aura aussi des répercussionspour tous les enfants. Connaître les dernièresrecherches sur les Dys, parce que l’idée d’uneformation, c’est éveiller aussi l’esprit critiquepar rapport à ce qu’on peut lire. Et ensuite,c’est partir de situations pratiques et avoir

des outils. Dans les formations, je donne desoutils en disant aux enseignants : « mainte-nant, faites du langage avec cet outil-là ». Etpuis, on essaie de mettre en lien la théorie etla pratique et voir concrètement ce que celapeut donner. Parfois, je leur demande aussid’amener leur support de cours, pour qu’onpuisse voir comment on peut les aménager. Ilest bien évident que le support de cours, jene le juge jamais. Je ne suis pas professeurde français ou de maths.

En revanche, je peux souligner les erreurs àne pas faire dans la présentation de certainssupports ou dans la manière de présenter uncours. Il y a trois grands champs : la théorie,le lien théorie-pratique et ensuite la pratiqueconcrète. On fait des erreurs, on en discute.C’est en se trompant qu’on apprend, et lesélèves aussi ont le droit de se tromper pourpouvoir apprendre.

Jacques BIRINGER :On a évoqué les enseignants ressource danscertains départements, qu’en est-il exacte-ment ?

Corinne GALLET J’ai été enseignante ressource. Il est vrai quej’avais créé le poste à mon profil, en tout castel que je le souhaitais. Cela comprenait de laformation pour les enseignants, et en mêmetemps, j’allais en classe à la demande des en-seignants, des parents. Quand c’était à la de-mande des parents, j’avais plutôt le casquebleu avec la colombe affichée dessus. Le faitd’aller en classe, de discuter, de voir aussi unpeu le profil de la classe, le profil de l’ensei-gnant, le profil de l’élève permettait de fairedes propositions très personnalisées. Àl’heure actuelle, le poste a été supprimé. Doncil y a des enseignants ressource dans certainsdépartements. Ils n’ont pas tous les mêmesmissions. Certains sont affiliés au centre deréférence et ont une mission, soit d’évaluationde l’enfant avec le versant pédagogique, c’est-à-dire de re-permettre l’inclusion et de don-

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ner des conseils. Certains sont rattachés àdes centres de référence et ont des classes.Le mot enseignant ressource regroupe une «foultitude » de choses, et il serait intéressantde faire un bilan.

Georges MAIRAND Concernant la formation, cela fait 3 ans queje demande à passer la certification ASH : le2CASH (Certificat complémentaire pourl'Adaptation Scolaire et la scolarisation desélèves Handicapés - second degré). Mais celanécessiterait que je laisse mes élèves pendant6 à 8 semaines dans l’année sans être rem-placé, ce n’est donc pas possible. Cela m’estarrivé une fois de dire à l’IEN-ASH pourquelle raison je ne pouvais pas me former. Enrègle générale, je crois qu’il faut qu’on ouvrenos classes, que les collègues viennent voir cequ’on fait, qu’on reconnaisse quand ça ne fonc-tionne pas. Ce qu’on fait devant une classe, cen’est pas un texte sacré. D’ailleurs, je croissincèrement que ni les élèves, ni les parentsne se privent de juger nos cours et ils ont bienraison. Il faut que tout cela soit remis encause, discuté.

Pour terminer sur la formation, on a aussi ungrand besoin en formation au niveau du numé-rique !

Corinne GALLET Il faut de la formation pour les enseignants etc’est vrai que les enseignants sont volontairespour se former. Par exemple, sur l’académie deCréteil, j’ai proposé une formation de 3 jours sur

la dyslexie – dysorthographie. Il y avait 30 placeset 120 personnes inscrites ! Concernant la for-mation numérique : cette année, j’ai fait une en-quête au niveau des CLIS TSLA. On s’est aperçuqu’il y avait une très grande différence car cer-tains enseignants avaient un ordinateur unique-ment dans la classe et puis un autre avait troisou quatre ordinateurs, plus une classe numériquemobile, plus des tablettes numériques… Mais cequi est ressorti, c’est que déjà les enseignantsétaient en demande : « ne serait-ce que Word,je ne sais pas l’utiliser correctement finalement.Je suis persuadé que je peux aller plus loin, maisje ne sais pas comment faire ». C’est vrai qu’onnous dit : « il suffit de patouiller : », les infor-maticiens disent toujours : « c’est intuitif ».Alors j’ai essayé de leur expliquer que moij’étais femme, et que eux étaient hommes etqu’apparemment, on n’avait pas la même intui-tion. Il n’y a d’ailleurs pas très longtemps, monmari me demandait : « où est le liquide vais-selle ? ». J’ai répondu : « c’est intuitif, c’esttoujours sous l’évier ». Les intuitions, nousn’avons pas vraiment les mêmes !

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Actuellement, sur la région Centre, une ving-taine d’enseignants se sont réunis dans l’ob-jectif de faire de la formation de formateurs.4 journées ne sont peut-être pas suffisantes,mais il y a en tous les cas la volonté de mettreen place de l’information, si ce n’est de la vé-ritable formation.

--> Si l’ordinateur n’est pas intuitif pourles maîtres c’est qu’ils n’ont pas connu en-fant cette technologique. Mais pour un en-fant c’est purement intuitif ! Il faut

absolument former les enseignants aux ou-tils numériques !

QUESTIONS DU PUBLIC

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Georges MAIRAND Il y a encore, en effet, certains enseignantsqui ne sont pas formés, mais la difficulté estque l’on demande à un enseignant pas simple-ment d’être utilisateur des outils numé-riques, mais d’être éditeur de contenu. Ilfaut des heures de prise en main. Mais c’estbien sûr essentiel.

--> L’adaptation prend du temps. Souventles adaptations sont refaites un million defois. Ne pourrait-on pas stocker quelquepart tous les aménagements faits par lesparents et les enseignants. Il y a uneperte de travail phénoménal !

Georges MAIRANDLes méthodes sont souvent les mêmes, maispuisque c’est une adaptation, il faut que celasoit adapté à un public particulier. C’est-à-direqu’en fonction des quatre élèves qu’il y a dansla classe, je ne vais pas proposer la mêmechose. Est-ce que c’est un élève repéré dys ?Ou un élève en ULIS TSA ? C’est différent.En revanche, désormais, il y a beaucoupd’exemples d’adaptation sur Internet.

--> Vous avez évoqué les droits des élèvesen situation de handicap et les adaptationsqu’on mettait en place concernant parexemple les tables de multiplications qu’onpourrait mettre à disposition des enfants,puisque qu’on doit juge leur capacité à cal-culer et non pas à retenir les tables. En revanche, quand on met en lien lesaménagements qui sont recensés par la loiet les adaptations qu’on va mettre en placeau quotidien, le lien ne se fait pas forcé-ment. Par exemple, pour un élève qui estincapable de retenir ses tables de multi-plication, on nous répond qu’à l’examen, iln’aura pas droit d’avoir ses tables de mul-tiplication avec lui. Comment fait-on ?

Jacques BIRINGER Cela fait partie de la compensation. Quandon a un dossier MDPH, on a droit à des com-pensations, y compris pour passer les exa-mens.

--> Parfois, il y a un flou aussi au niveaudes compensations qu’on peut attribuer ouau niveau des dispenses, par exemple, pourles langues étrangères.

Maryse BOURGEOIS-POULAIN C’est vrai. Pour obtenir le brevet, il faut va-lider le niveau A2. Mes élèves ont leur A2 va-lidé, mais s’il n’y avait pas des adaptations auniveau de l’évaluation, ce niveau ne serait ja-mais validé.*(* NDLR : ce qui empêcherait des élèvesayant des compétences pour poursuivre aulycée de pouvoir y aller.)

--> Mon fils vient d’avoir 20 ans, il estdyspraxique sévère, dyslexique et dysor-thographique. L’ordinateur, ce n’est pas unoutil magique. Il est équipé depuis l’âge de4 ans : il est aujourd’hui à la fin de sascolarité. L’ordinateur n’est en effet passuffisant : nous avons eu l’aide de méde-cins, d’ergothérapeutes, d’orthophonistes,d’enseignants, la plupart très impliqués, etd’autres pas forcément bienveillants, maisil est allé au bout de sa scolarité. Il a euson bac et fait aujourd’hui un IUT d’in-formatique. Sa santé est chaotique, maisil avance et cela le tient. Il a travailléénormément : il est heureux de pouvoiraccéder à ce qu’on lui disait inaccessible.Cela va lui donner la possibilité de trouverune petite place dans la société, alors qu’ily a 30 ans, ce n’aurait pas été possible !On a aussi un fils dysphasique, on couvreun petit peu la problématique des Dys… Etau cours de toutes ces années, on a trouvéet rencontré des gens formidables et c’estun message d’espoir pour les parents. Ona trouvé des gens formidables sur notre

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parcours, même si on a aussi beaucoup ba-taillé. Cette expérience m’a donné enviede passer un Master d’enseignement etmaintenant je suis enseignant. On critiquebeaucoup les enseignants qui ne sont pasimpliqués, et en fait, on n’a pas beaucoupde temps particulièrement en primaire, caron aborde des domaines très différents,ni de moyens. J’ai apporté un ordi person-nel en classe et je n’ai même pas accès auwifi, je dois courir à travers les étages.On monte des projets, on réclame. On aentendu beaucoup de discours négatifs surles enseignants, mais pourtant beaucoupfont des efforts. Lors du parcours devotre enfant, vous trouverez plusieurspersonnes qui seront bienveillantes. Ap-puyez-vous sur elles, croyez en elles etcroyez en vos enfants.

--> Je travaille avec des personnes quim’ont toujours dit de prendre des notes aucrayon parce que la composante neurophy-siologique et neuropsychologique est tota-lement différente au niveau del’imprégnation et de l’assimilation du cer-veau qu’avec l’ordinateur.

--> Je voudrais revenir sur les notations.Que peut-on faire en dictée ?

Georges MAIRAND La dictée ne demande pas beaucoup de res-sources intellectuelles. Je commence parrassurer les élèves qui sont en difficultéavec l’orthographe. Quand on dit que c’est lascience des ânes, il y a une raison. De nosjours, on ne fait plus de dictée toute simple,mais des dictées exercices parce qu’on tra-vaille la notion. Le temps où on prenait untexte dans Les Lettres de mon moulin, où l’ondictait, devrait être terminé ! Là encore, c’estune question de pédagogie de base, c’est-à-direqu’on identifie d’abord une compétence, parexemple le présent de l’indicatif.

En tout début de 6e, on revoit le présent del’indicatif : on fait le cours, des exercices,on explique, on réalise une carte mentale afinque les élèves essaient de visualiser. Puis onfait l’évaluation : sur l’ensemble de l’évalua-tion, je propose environ la moitié de la notesur la dictée et le reste sur les exercices.Petite anecdote : j’avais mis à la fin de l’éva-luation des petits exercices bonus pour per-mettre aux élèves de gagner encore quelquespoints. Mais ceux qui étaient favorisésétaient en fait les meilleurs élèves. Je mesuis aperçu que mon adaptation était trèsbien pour les élèves qui étaient en PAI dys,en revanche, pour les élèves d’ULIS , c’étaittrop compliqué. Comme c’était le début del’année, je ne connaissais pas exactementleur niveau de difficulté et de handicap. Est-ce que c’est lié à la compréhension du texte? ou à l’orthographe ? Comment noter ? J’aifinalement donné un autre petit travail derenforcement sur le présent et à partir du-quel j’ai pu rajouter des points.Mais éventuellement, je peux ne pas noter untravail, que ce soit pour un élève en situationde handicap ou pour un élève qui traverse unepériode compliquée et qui n’est pas disponi-ble pour apprendre. On n’est pas tout tetemps disponible pour apprendre. Donc, lejour où ce n’est pas le cas, j’écris « non noté» sur la copie : les logiciels d’ailleurs permet-tent d’inscrire « Non Noté ».

Maryse BOURGEOIS-POULAINpersonne n’est obligé de faire une dictée nonpréparée. Une dictée non préparée est inu-tile. Lorsque je fais des dictées, je mets lasolution de la dictée dans la pièce d’à côté ouà l’autre bout de la pièce et ce n’est pas dutout pour leur faire faire de la gym ! Lesélèves ont le droit d’aller voir la solution. Ilsont le droit d’y aller trois fois. Ils reviennentavec le mot dans leur tête, et donc dans leurmémoire de travail, pendant les 30 s qu’il

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faut pour traverser toute la salle et revenirs’asseoir devant leur table. Cela fonctionne,les aide à réussir et valorise leur imaged’eux-mêmes.

--> Vous parliez des classes où il y avait5h de cours de plus par semaine. Les en-fants ont déjà des emplois du temps char-gés, comment font-ils ?

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Mes élèves viennent des quatre coins du dé-partement. Certains habitent même à 40 km.Ils savent avant de rentrer dans le dispositifdans quelles conditions il va être mis enplace. C’est un projet que l’on définit àl’avance. Ils sont volontaires. Ils viennent mevoir en janvier pour une inscription pour l’an-née suivante. J’ai besoin que les parentssoient partants parce que j’ai besoin d’euxeffectivement. Ils préfèrent effectivementavoir 1h de taxi le matin et 1h le soir, plusune demi-heure d’orthophonie les mercredis,plus 1h d’ULIS dans la journée, pour êtrecertains d’avoir des adaptations, ce qui seradifficilement le cas dans un collège ordinaire.Il y a des « trous » dans leur emploi du tempsque j’utilise pourleur heure d’ULIS.J’ai bien sûr desélèves qui sont fati-gués, mais en mêmetemps, ils sont heu-reux de pouvoir ac-céder à l’histoire, àla géographie etmême au français,et même à Montes-quieu. Parce que ledispositif fonc-tionne. Une de mesélèves m’a dit : « detoute façon, nous, on a été habitué à travail-ler le triple des autres tout le temps ! ».

--> Est-ce que vous prenez tous lesélèves de classes différentes en mêmetemps ?

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Non, je prends séparément les 6e, les 5e, les 4e

et les 3e. Cela dit, de temps en temps, j’essaiede prendre deux sections, voire trois sections,parce qu’ils adorent se retrouver entre eux. Ilsforment une véritable dynamique de groupes.Lorsque je fais des exercices en commun, cen’est d’ailleurs pas forcément les plus grandsqui s’en sortent le mieux.

Corinne GALLET A propos des heures supplémentaires, j’ai eul’occasion de suivre des projets de collège oùl’on proposait aux élèves dyslexiques, avecdes professeurs volontaires sans qu’il y aitde dispositif ULIS, d’avoir 2h de plus pourcontinuer l’apprentissage de la lecture, unpeu l’expression écrite, etc., et également 1hpour les maths, donc cela leur faisait 3h deplus. On évaluait les élèves en début et en find’année, et on s’apercevait qu’il y avait eu desprogrès. Tous, quand on leur demandait s’ilsvoulaient continuer ou pas, disaient oui. Ce

n’est pas rester à l’école qui pose problème,c’est ce qu’on y fait. Quand vous avez ungroupe avec un enseignant qui n’est pas

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constamment en train d’évaluer, qui apporteun savoir, qui met en place une ambiance, lesélèves savent que ce qu’on leur fait faire estnécessaire et les aide à progresser, et ilsl’acceptent.

--> Je suis coordonnatrice depuis cetteannée dans un collège avec 12 élèves enULIS. Je me confronte à des enseignantsqui ne savent pas ce que c’est et qui consi-dèrent que ce sont des enfants qui necomprennent rien, qui ne veulent pas tra-vailler. Il y a besoin aussi de beaucoupd’informations car de nombreux ensei-gnants ne comprennent pas en fait. Avantde parler de formation, il faut aussi chan-ger l’image qui est portée sur ces élèveset qui doit aussi les faire souffrir.

Corinne GALLET Dans ce cadre-là, ce qui peut être fait, c’estque votre principal fasse une demande d’aidenégociée. Lors d’une aide négociée, le principaldu collège fait une démarche auprès du recto-rat pour qu’il y ait 1, 2, 3 jours de formationpour tous les enseignants qui travaillent ensem-ble. Il y a également les formations pour ensei-gnants qui se font au plan académique, au librechoix de chacun de s’inscrire ou pas.Georges MAIRAND Ce qui nous a aidé, c’est que c’était un projetà l’intérieur de l’établissement. Même si celaa été pris en main par quelques-uns. On nepeut pas simplement compter sur le plan aca-démique de formation. Personnellement, j’aipris conscience du problème de la dyslexie ily a une dizaine d’années en assistant un soirà une conférence de Jean-Emile Gombert del’université de Rennes. Il m’a mis en face d’untexte qui me disait : « lorsque vous essayezde lire et comprendre ce texte, vous êtesdans la même situation qu’un dyslexique ».

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Ce qui est intéressant est que ces profes-seurs non formés réfléchissent aussi à des

moyens d’adapter afin que les élèves soienten réussite. Dernièrement, la professeure defrançais de 5e, a donné une poésie à appren-dre aux élèves. Le problème de la mémoireest chez les dyslexiques un problème récur-rent. Aussi, pour ceux qui n’arrivent pas àmémoriser la poésie, au moment de la récita-tion, elle leur donne le premier mot dechaque vers ; pour « Mignonne, allons voir sila rose… », elle leur donne « mignonne ». Pourceux qui ont moins de problème, elle ne donneque la première lettre. Puis ils vont savoirdire le reste. Cette recherche est faite pardes professeurs qui ne sont pas formés, quivont finalement trouver des astuces, et ainsicontribuer à intéresser et à faire entrer lesélèves dans l’apprentissage.

--> Je voudrais partager avec vous l’ex-périence de l’accompagnement de notre filsqui était en grand échec à l’entrée au col-lège. Il a réussi un bac S avec 16 demoyenne. Je vais vous donner un truc etj’espère que les enseignants qui sont dansla salle ne l’entendront pas : il est inac-ceptable de concevoir comme naturel quenos enfants soient en permanence en sur-charge de travail. Le rythme scolaireexige que chaque trimestre, les ensei-gnants ont besoin de note et donc tous lescontrôles sont effectués la même semaine.La concertation entre les enseignants surces questions n’existe pas. Je crois quel’essentiel est de respecter la biologie del’enfant, et donc des temps de repos, destemps de jeu, etc. Notre but est de pré-server l’équilibre psychologique du jeune.La préconisation que je vous propose estde négocier, voire même de tricher, afinque les surcharges de travail qui ne sontpas utiles soient supprimées. Quand voussavez qu’un enseignant n’acceptera pas quele travail ne soit pas rendu, faites-le à laplace de votre enfant ! Vous êtes lesmieux placés pour savoir ce qui va être te-nable. Le 16 de moyenne au bac S, cela

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s’est fait dans certaines conditions. Ceque les enfants ne sont pas capables defaire à 10 ans, ils vont être capables deles faire en 15 ans. A 12 ans, mon fils neconnaissait pas les tables de multiplication,ça ne l’a pas empêché d’aller en classeprépa ! Donc il ne faut pas rentrer au for-ceps nos enfants dans le moule de l’école.L’école elle est là pour tous, mais elle n’estpas là pour chacun : elle n’y arrive pas.

Un dernier point : une langue c’est faitpour échanger. On a parlé de dictée, d’or-thographe… Les enfants d’autres pays, oùil y a des liens directs entre le phonèmeet le graphème, vivent libres de ces dic-tées. C’est-à-dire que dans ces pays, ladictée de Pivot n’existe pas. Les jeunesFrançais sont les victimes de notre rigiditéculturelle et je pense que nous, parentsd’enfants dys, devons être les premiers àessayer de défendre une simplification denotre langue. Les jeunes qui se sont libé-rés de la langue avec le langage SMS estun exemple !

Georges MAIRAND Il est vrai que l’orthographe est un sport na-tional, un conflit national et la chose la plusinintéressante qu’on puisse faire en cours defrançais. Mais heureusement, en cours defrançais, on s’intéresse à beaucoup d’autreschoses qu’à la dictée. Ce qui est prioritaire,c’est l’écriture, l’expression orale, la décou-verte des textes, la découverte du sens destextes. Et à cela, même en situation de han-dicap, il est possible d’accéder.

--> Nous sommes parents d’un enfant qui asouffre d’une dyspraxie très légère, maisnous le vivons assez mal notamment par rap-port à ce qu’il supporte dans sa classe. Jevoudrais demander aux enseignants présentsde faire attention lorsqu’il faut expliquer àl’ensemble de la classe le problème. Parceque, rien que le terme « difficultés » peut-être terrible pour un enfant ou pour un ado-lescent qui cherche justement à entrer dansla case de tous les autres élèves, d’être unélève « normal ».

Maryse BOURGEOIS-POULAIN Dernièrement, on a fait ce qu’on fait tou-jours au début de la 6e, on a préparé un petitdiaporama qui expliquait ce qu’était la dys-lexie. Toute la 6e3 s’est déplacée à l’ULIS.Mes élèves ont expliqué à cette classe cequ’était leur dyslexie. Ils étaient contents,ils se sont expliqués, et les autres élèvesétaient curieux ! Il n’y a pas eu du tout de ju-gement. Il n’y a pas eu de négatif ou d’induit.On a aussi affiché les photos des dyslexiquescélèbres. Un élève a dit à un mes élèves : «mais alors, c’est vous qui allez fabriquer laPS8 ? »

Jacques BIRINGER Le débat a permis de montrer qu’on peut ar-river à une école inclusive telle qu’on la sou-haite. Mais la bonne volonté ne suffit pas etil faudra forcément que cela passe par laformation des enseignants. Comme le dit larectrice, Béatrice Gilles : « Il faut que l’Edu-cation nationale s’adapte à l’élève et non plusque l’élève s’adapte à l’école ».

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L’ADAPTATION DE L’APPRENTISSAGE DU CODE DE LA ROUTE

ET DE LA CONDUITE AUX BESOINS DES DYS

Catherine BUTIKOFER Pourquoi une adaptation au code de la route ?Les actions entreprises par la FFDYS sur lepassage du permis de conduire ont commen-cées en 2010. Un certain nombre de nos en-fants n’arrivait pas du tout à franchir l’étapedu code de la route et se retrouvait dans

l’échec. Afin de poursuivre cette réflexion,nous avons rencontré la Délégation à la Sécu-rité routière. Nous avons pris contact avecune école de conduite qui était déjà trèsarmée sur le handicap. Ce partenariat nous apermis de progresser dans notre réflexion.Nous nous sommes rendus compte en regar-

Elisabeth JOSEPHergothérapeute au

CEREMH

Sarah BENZAQUIformatrice

École de conduite ECF Paris-Trinité

Marie-EmmanuelleIDIART

orthophoniste

Catherine BUTIKOFER

administratriceAPEDA FFDYS

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dant les questions du code de la route que nosenfants avaient énormément de difficultés decompréhension du vocabulaire, à lire les dia-pos, à les repérer, à les comprendre. Nousavons également demandé les conseils d’uneorthophoniste. Nous avons aussi pris contactavec le CEREMH qui est un organisme qui s’oc-cupe de la passation du permis de conduirepour les personnes handicapées.

Elisabeth JOSEPHIl faut proposer des so-lutions de compensation CEREMH est une petite association qui a com-mencé à travailler en 2008 sur la vaste thé-matique de la mobilité et du handicap :accessibilité des lieux publics, ce qui nousamène à travailler avec les collectivités, lestransports, mais aussi à faire des évaluationsindividuelles de la mobilité et à répondre à desbesoins personnalisés. L’équipe comprend desergonomes, des ingénieurs et des ergothéra-peutes et aussi un enseignant en conduite, quiest par ailleurs formateur en mobilité et ini-tiateur à la mobilité, ce qui nous permetd’avoir une approche globale de la mobilité. Oncherche à se concentrer sur le permis deconduire puisque la demande est forte. Maisla conduite n’est pas accessible à tous : par-fois le temps nécessaire est plus long pourêtre autonome à la conduite et parfois unedifficulté d’exploration visuo-spatiale peutêtre un problème. Dans ces conditions, il estnécessaire de proposer des solutions de com-pensation. On a commencé à créer un groupede travail avec l’ADAPT Cambrai pour listerles difficultés potentielles selon le mode dedéplacement : piéton, transport en commun,conduite, déplacements en cyclomoteur (per-mis AM) qui permet de conduire une voituresans permis. On souhaiterait mettre en placedes groupes de travail en ligne qui permet-traient de faire remonter les besoins des usa-gers. On aimerait aussi construire cetteexpertise commune avec des usagers desjeunes en Ile-de-France qui sont déjà dans laproblématique d’insertion professionnelle et

qui pourraient aussi bénéficier d’une aide del’AGEFIPH.

Sarah BENZAQUIPourquoi le code de la route est-il compliqué ?Le code de la route est le parcours du com-battant pour les jeunes Dys : 1 jeune sur 2 ob-tient son permis de conduire en France.Le temps moyen pour passer le permis deconduire est de 12 à 14 mois. Les raisons sontla problématique de disponibilité et d’accueildans les écoles de conduite, le fait de faireappel à beaucoup de fonctions cognitives.L’examen du code de la route est un examencompliqué qui fait appel à beaucoup deconnaissances avec un mode de passation quin’est pas du tout évident. Et lorsqu’on a desdifficultés d’apprentissage, cela devient en-core plus complexe. Le mode de passage du code la route s’appuiesur le langage, prise d’information visuelleavec une prise d’informations auditives avecun champ lexical qui n’est pas du tout celui duquotidien. Il y a aussi les établissements d’enseigne-ments de la conduite qui ne sont pas prêts àaccueillir ce type de public. Il faut les sensi-biliser aux troubles des apprentissages.

Marie-Emmanuelle IDIARTIl faut prendre en compte l’aspect praxiqueet l’impact sur la vie professionnelle.Il y a 5 ans, j’avais été sollicitée pour une en-quête : « Pourquoi les Dys n’arrivent-ils pas àpasser le code ? »Ce qui est compliqué :- les questions sont en audio ;- le débit n’était pas réglable ;- les phrases sont longues ;- la tournure des énoncés est assez compli-quée ;- il faut mémoriser le vocabulaire technique,ce qui nécessite entraînement, répétition etpréparation en amont ;- la disposition des diapositives pose problème :les cases à cocher ne sont pas placées au mêmeendroit à chaque fois.

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Les préconisations que je propose : - remettre en forme la syntaxe ;- réécouter les questions dans une salle à part ;- ralentir le débit.

Catherine BUTIKOFERQuels sont les aménagements possibles ?En 2011, une convention a été signée entre laFFDYS et la Délégation Routière qui a mis enplace des sessions pour les personnes nonfrancophones. La convention a permis à cesjeunes de s’inscrire à ces sessions. Le fait detraduire prend du temps aux non franco-phones, par conséquent, les Dys ont plus detemps pour regarder la photo, réécouter laquestion, relire les points essentiels.En 2013, il y a eu l’élargissement de la conven-tion aux dyspraxiques et des sessions spéci-fiques pour les sourds et les malentendants.Les jeunes Dys peuvent s’inscrire à ces ses-sions. Ce sont celles qui fonctionnent le mieuxcar ils ne sont pas perturbés par une autrelangue étrangère.Pour l’instant, on n’a pas encore modifié com-plètement la forme du questionnement, la sé-mantique, le lexique…S’il n’est pas possible d’avoir ce type de ses-sion, il est néanmoins possible d’en demanderune adaptée et il y a une obligation de la met-tre en place.Les conditions requises pour bénéficier decette adaptation sont soit la RQTH (Recon-naissance de la Qualité de Travailleur Handi-capé) au titre du trouble des apprentissagesou du langage, soit la personne a déjà obtenudes aménagements aux examens de l’Educa-tion nationale, soit elle a un certificat médicalde moins de 6 mois qui atteste qu’elle est ensituation de handicap liée à une dysphasie, unedyspraxie, une dyslexie. Selon les départements, il faut s’adressersoit auprès des DDT (Direction départemen-tales des Territoires), soit des DDPT (Direc-tions départementales de Protection desPopulations), soit auprès des préfectures.

Sarah BENZAQUI La préformation au code de la route Nous avons mis en place des stages de pré-formation du code de la route à Paris ou enprovince. Elle dure 4 jours. On aborde 30% du pro-gramme total du code de la route.Les groupes comprennent 8 à 10 stagiaires. Les thèmes abordés sont : signalisation, in-tersection et régime de priorité, notion decalcul (taux alcoolémie, distance d’arrêt…).L’objectif est d’apprendre la méthodologie etde préparer la conduite en favorisant les au-tomatismes (analyse de la situation, choix etaction).Le trouble du langage va aussi poser des pro-blèmes sur les compétences liées à l’analysede situation. On va les retrouver en pratiquebien souvent. On va accompagner les jeunespour qu’ils se facilitent la vie, c’est-à-dire évi-ter la surcharge mentale en adoptant un vé-hicule de type boîte automatique (on gagne dutemps pour ne pas travailler sur la coordina-tion du mouvement). On a développé des outilssympathiques leur permettant de s’auto-éva-luer et mesurer leur progression. On com-mence à créer des jeux avec des cartes, desplans avec lesquels ils peuvent travailler l’en-semble de ces thèmes.Depuis 2011, 60 participants ont été reçus.Plusieurs d’entre eux ont obtenu leur code etla conduite, d’autres ont lâché prise pour lemoment. Cet une activité qui remet en causebeaucoup de problèmes : ils sont obligés de sedébrouiller pour venir en formation, ils seconfrontent à d’autres types de troubles, ilséchangent, ils ne sont plus avec leurs parents,ils sont entre eux…Premier stage de formation de formateursAux vacances de la Toussaint est organisé lepremier stage de formation de formateurs.Nous sommes passés par des réseaux d’école deconduite, car ils sont en mesure de communiquerplus facilement avec les membres du réseau. Ona utilisé aussi les sites des associations sur les-quels nous avons posté l’information, le site de

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--> Mon fils dysphasique a participé à unstage à Noël 2011. Même s’il n’a pas eu sonpermis, cela lui a apporté énormément.En 2011, il a été déscolarisé à l’âge de 15ans pour dépression sévère et tentative desuicide.Après ce stage, il s’est passé plein dechoses. Il n’était plus tout seul. Il avait vud’autres personnes. Cela lui a donné envied’aller plus loin. Il s’est ainsi inscrit pourfaire une formation et il a pris confiance enlui. A l’heure actuelle, il n’y a plus de dé-pression. Il est heureux. Il a signé un CDIcomme commis de restauration. Et c’estgrâce à vous, puisque cela lui a donnéconfiance en lui et il est allé de l’avant.

--> Et pourquoi ne pas le proposer auxjeunes dyspraxiques ?

Catherine BUTIKOFERPour répondre à la problématique du permis deconduire, nous avons fait une enquête disponi

ble sur le site de DFD (www.dyspraxies.fr).Nous nous sommes rapprochés de la FFDYS quiavait formé un groupe « jeunes adultes ». Nousavons édité une plaquette afin que les auto-écoles soient sensibilisées à la dyspraxie. Nousnous sommes rapprochés de la Sécurité rou-tière, du CEREMH (Centre de Ressources etd’Innovation Mobilité Handicap http :ceremh.org) pour être à même de construirecette plaquette. Le CEREMH nous a accompa-gné à l’ADAPT à Cambrai, qui est un centre quia une expérience assez pointue dans l’accompa-gnement de jeunes adultes au permis deconduire et qui possède un simulateur deconduite. Des ergothérapeutes et des moni-teurs d’auto-école, qui utilisent cet outil depuisun certain nombre d’années, nous ont fait par-tager leur expérience. Et grâce à toutes cescompétences, nous avons monté cette pla-quette qui est disponible sur le site.

QUESTIONS DU PUBLIC

la Délégation Routière. Une douzaine de for-mateurs se sont inscrits à ce stage qui va durer3 jours. Le but est de leur permettre de com-prendre quels sont les mécanismes d’appren-tissage, quels sont les mécanismes liés auxtroubles d’apprentissage, les conséquences quise répercutent sur la formation au code et àla conduite, quels sont les outils qu’on a déjàdéveloppés et que l’on va leur transmettre, et

aussi réveiller leur créativité pour créer denouveaux outils. Le 3e jour, ce sera le premier jour d’accueil d’unnouveau stage de jeunes afin que les forma-teurs puissent apprendre en immersion, en ob-servation et mettre en pratique assezrapidement les méthodes pédagogiques.